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40ème anniversaire de la 1ère élection de Michel Crépeau à l’Assemblée nationale

Séance publique du 19 juin 1997

Intervention à la suite de la déclaration de politique générale du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Michel Crépeau.

M. Michel Crépeau. Il va de soi, monsieur le Premier ministre, que le groupe que j’ai l’honneur de présider, dans la diversité qui est la sienne, vous accordera la confiance. C’est un groupe de gauche, qui appartient à votre majorité et entend apporter un soutien constructif à l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Pour autant, il n’est pas, tant s’en faut − j’ai eu l’occasion de m’en apercevoir − le groupe de la pensée unique ! (Rires.) Mais après tout, je m’en réjouis, car la pensée unique, celle du conservatisme, est nécessairement de droite (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste), alors que la pensée de gauche, qui a pour but non pas de conserver, non pas seulement de gérer mais de transformer la société, est fondée sur l’imagination et les valeurs de l’homme. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Luc Reitzer. Quel niveau !

M. Franck Borotra. Et quand il n’a pas de pensée du tout, c’est quoi ?

M. Michel Crépeau. En écoutant votre discours, monsieur le Premier ministre, j’ai été à la fois inquiet et admiratif.

M. Hervé de Charette. Eh bien, bravo !

M. Michel Crépeau. Inquiet parce que j’y ai retrouvé l’essentiel de ce que j’avais à dire (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française). Ces choses, à mon sens essentielles, ont donc été dites par vous-même et rappelées par les présidents des autres groupes de la majorité qui sont intervenus. J’ai trouvé, dans votre discours, des choses auxquelles les députés de notre groupe sont profondément attachés : Creys-Malville par exemple, que j’avais arrêtée quand j’étais ministre de l’environnement. Pour faire bonne mesure j’avais mis Plogoff, n’étant pas contre le nucléaire mais étant tout à fait convaincu qu’il fallait prendre quelques précautions, qu’il ne fallait pas faire n’importe quoi.

J’ai retrouvé aussi dans votre discours des engagements concernant le SMIC, la réduction de la durée du travail, bref ce que l’on attendait d’un Premier ministre de gauche pour une législature qui sera, j’en suis sûr,...

Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Courte !

M. Michel Crépeau. ... une législature charnière entre deux millénaires, la législature qui nous permettra de construire la France de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

J’y ai retrouvé également les préoccupations de nos collectivités locales,...

M. Jean-Luc Reitzer. Ah bon !

M. Michel Crépeau. ... celles de nos départements et territoires d’outre-mer, celles de nos amis corses. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française.) Mais je crois que, pour intervenir utilement dans ce débat, il faut probablement le faire de manière un peu différente, même si je reconnais en votre discours, monsieur le Premier ministre, des valeurs et des traditions qui me sont chères : parler vrai, dire ce que l’on fait et faire tout ce que l’on dit, promettre très peu mais tenir beaucoup. Il y a dans votre discours quelque chose de Pierre Mendès France, le maître à penser des radicaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. − Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française.) Et c’est cette image de sérieux, d’intégrité qui est la vôtre qui, très largement, nous a permis de gagner ces élections.

M. Jean Auclair. Avec Emmanuelli !

M. Michel Crépeau. Oh, beaucoup d’autres ! Si vous voulez que l’on aborde ce domaine, je sais aussi jouer les procureurs, et vous allez en prendre plein la figure, je vous préviens ! (Sourires.)

Le premier problème, qui a été évoqué par tous les orateurs et qui est en effet le grand problème pour les hommes et les femmes de notre génération, c’est celui de l’Europe. Il faut distinguer deux choses dans l’affaire européenne : les objectifs et les moyens de les atteindre. Sur les objectifs, nous serons facilement tous d’accord, à condition de les expliquer clairement, d’abandonner le charabia technocratique qui, jusqu’à présent, a présidé à tous les discours sur l’Europe : dire que l’on vote à la majorité et appeler ça l’Acte unique, dire que l’on subventionne les exportations et appeler ça les montants compensatoires ; dire qu’il faut rapprocher les monnaies pour faire une monnaie unique − cela va de soi car si l’on construit un train avec des wagons qui ne sont pas à la même hauteur, le train finit par dérailler ! Bref, on appelle ça des critères de convergence, mais tout ça est un peu trop compliqué. Il faut parler vrai, monsieur le Premier ministre ! Je vous en supplie, demandez à vos ministres, à vos fonctionnaires et à vos diplomates de parler vrai et de parler simple ! Car si vous voulez être compris du peuple, il faut parler simple sur des objectifs clairs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Parmi les objectifs de l’Europe, il en est un dont on ne parle jamais, mais qui me paraît être essentiel. Mon arrière-grand-père a fait la guerre de 1870 ; mon grand-père a pataugé dans la boue à Verdun ; mon père a fait la guerre de 1939. Quant à moi, je n’ai pas fait la guerre et mes enfants non plus. C’est d’abord ça, l’Europe ! On a mis un point final à cette liste de morts, civils ou militaires, que l’on trouve sur tous les monuments aux morts de nos villages de France. Ça, c’est l’essentiel ! Et en politique, il faut toujours savoir ne pas confondre l’essentiel et l’accessoire.

Il est une autre chose, tellement évidente, sur laquelle je voudrais insister. Que représente la France ? C’est 1 % de la population mondiale ! Que voulez-vous que l’on fasse si l’on ne rassemble pas les 360 millions d’Européens, non pas pour faire la guerre aux Américains − ce n’est pas de cela qu’il s’agit − mais pour corriger ces anomalies nées à Bretton Woods, celles qui ont fait du dollar la mesure des échanges internationaux − je pense aussi à ce qui s’est passé lorsque Nixon s’est permis de faire un hold-up international en arrêtant la conversion du dollar, c’est-à-dire en se donnant le droit de fabriquer de la fausse monnaie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Voilà quelle est la vérité ! Et si nous restons seuls, avec notre franc, pour résister au dollar, il et sûr que nous serons écrasés !

Le premier problème est donc bien là : nous représentons 1 % de la population mondiale ! Et moi qui appartient toujours à un petit parti, s’il y a une chose que je sais bien, c’est qu’en politique on a toujours le poids que l’on pèse ! Et la France pèse très peu face à l’Amérique, face à ces multitudes qui s’ébranlent en Asie et qui feront l’histoire du XXI e siècle. Avant la guerre déjà, Valéry disait que L’Europe n’était plus qu’un cap avancé de l’Asie. Il jetait un regard pertinent sur notre monde actuel.

Et même si, sur ce cap avancé, il y a un phare ...

M. Pierre-Christophe Baguet. La Rochelle ?

M. Michel Crépeau. ...qui s’appelle la tradition, la culture, la recherche de l’Europe, il y a là une échéance qu’il convient de ne pas manquer. Cela dit, on n’a peut-être pas commencé par là où il fallait. On a commencé par l’économie, comme si seules les économies comptaient dans la vie des sociétés et dans la civilisation. La CED ayant échoué, pour toutes sortes de raisons, on a créé un marché commun.

Au départ, il y avait évidemment des malentendus en matière européenne, et il y en a toujours, parce que l’Europe rassemble des pays de tradition colbertiste, comme la France, et des pays de tradition libre-échangiste, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne. C’est ce qui rend les décisions difficiles, mais on ne fait pas l’Europe tout seul ! Aussi, monsieur le Premier ministre, partant d’où vous êtes parti, c’est-à-dire bien tard dans cette affaire de la monnaie unique, vous vous êtes battu avec le Président de la République et vous n’avez pas tout gagné, mais il est heureux que vous n’ayez pas tout perdu ! L’histoire même de la construction européenne a connu un lent cheminement au cours de ce dernier demi-siècle. A certains moments elle a avancé rapidement, à d’autres elle a stagné et il est même arrivé qu’elle recule.

C’est de votre détermination, de celle de l’ensemble des élus de ce pays − au moins que la cohabitation serve à quelque chose, bon sang ! − du soutien du peuple de France et des peuples de l’Europe que dépendra le résultat.

Une chose me frappe beaucoup : l’Europe ce n’est pas seulement l’armée, l’économie, le marché ; c’est aussi la culture. Or, c’est à mon sens la culture, monsieur le Premier ministre, qui engendre très largement l’économie. On a tendance à l’oublier. J’espère que mes amis communistes ne m’en voudront pas, mais mon raisonnement n’est pas celui d’un marxiste.

M. Jean-Pierre Brard. Dieu soit loué !

M. Michel Crépeau. Je considère qu’au début de toute chose, il y a le verbe, la culture. Or la culture c’est quoi ? Ce n’est pas seulement les Beaux-Arts ; c’est toute la communication de la pensée, l’image, le cinéma, la

musique,...

M. Jean-Pierre Brard. Le théâtre !

M. Michel Crépeau. ... le théâtre, bien sûr ! Ne vous êtes-vous pas aperçus que tout cela est, peu ou prou, devenu américain ? Voyez quelle musique écoutent vos enfants ! Mais derrière tout cela, il y a des marchés et les satellites qui vont diffuser risquent fort d’être américains.

Comme l’avait rappelé Jack Lang en son temps, la culture ce n’est pas seulement la façon dont on peint ou dont on fait de la musique, c’est aussi la façon dont on s’habille, dont on mange. Eh bien, dans le pays qui a la meilleure cuisine du monde − je ne parle pas de la vache folle ! − nos enfants mangent, dans les Mac Donald’s, des Big Mac qu’ils arrosent de ketchup ! Et dans le pays qui produit le meilleur vin du monde, le bordeaux (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française) − je dis cela pour consoler M. Juppé ! − ils boivent du Coca-Cola ! Mais derrière tout cela, il y a des emplois ! Ce sont des milliards qui circulent autour du show-business , autour de nourritures plus ou moins frelatées ! Voyez comment s’habillent nos enfants ! Mon petitfils porte des Reebok, des blue-jeans, des tee-shirts, etc. (Exclamations et rires sur divers bancs.) Où tout cela se fabrique-t-il ? Cela se fabrique-t-il en France ? Où sont les emplois ? Il faudrait penser à cela aussi ! Cela vous fait rire, mais moi je suis au niveau des pâquerettes, au niveau du terrain et des réalités. Je le répète, quand on veut durer en politique − cela a tout de même été mon cas − c’est ainsi qu’il faut parler aux gens car cela, ils comprennent, croyez-moi !

Quant à l’emploi, monsieur le Premier ministre, bien sûr, il y a les grandes mesures − relance par la consommation, diminution de la durée du travail − mais je vais quant à moi vous proposer des choses très concrètes. Pour tous les services publics, arrêtons le massacre ! Cessons de diminuer les effectifs de la fonction publique, en particulier dans les domaines où nous ne sommes pas dans une économie de marché, où nous ne sommes pas du tout en concurrence avec l’étranger. Il y en a plusieurs.

S’agissant de l’éducation nationale d’abord, à laquelle les Français sont très attachés, je vous remercie d’avoir dit ce que vous avez dit. Arrêtons les fermetures de classes, aussi bien en ville qu’à la campagne, dans les zones d’éducation prioritaires principalement ! Nous savons tous que, pour un gamin ou une gamine qui ne sait pas lire ou écrire couramment à onze ans, des lumières se sont éteintes que l’on ne pourra plus allumer. Il faut donc renforcer les effectifs d’instituteurs dans les zones d’éducation prioritaires, organiser des rattrapages scolaires pour permettre aux enfants souvent abandonnés au pied des immeubles à la violence, quelquefois à la drogue, de retrouver l’égalité des chances et les chances de leur vie. Je tiens beaucoup à l’école publique bien sûr, − l’héritier du père Combes et de Jules Ferry ne peut pas être contre !

La santé est aussi un domaine auquel les Français sont très attachés. Je tiens à ce propos à vous signaler unesituation tout à fait scandaleuse. A l’hôpital de La Rochelle, qui comprend 2 000 lits, travaillent 200 CES payés moins de 2 000 francs par mois et auxquels on ne donne pas de formation réelle au pied des lits des malades.

M. Félix Leyzour. Il faut créer des emplois stables !

M. Michel Crépeau. Dites que ces CES seront transformés en emplois consolidés sur cinq ans − ils toucheront 4 000 francs au lieu de 2 000 francs− et ouvrez des promotions spéciales pour les bacheliers dans les écoles d’infirmiers et pour les non-bacheliers dans les écoles d’aides-soignants ! Si vous faites cela, croyez-moi, cela aura un écho dans la population. Ce ne serait pas une mesure coûteuse puisque l’on paie déjà les charges sociales − l’Etat donne déjà 2 000 francs. Au lieu de 2 000 francs pour crever de faim, il vaut mieux leur donner 4 000 francs pour travailler et surtout pour apprendre à travailler.

Troisième secteur auquel les Français sont très attachés : la sécurité. Vous en avez parlé, monsieur le Premier ministre, et je n’y reviens pas. Vous avez tout à fait raison !

S’agissant des aides au développement économique, il ne faut pas dire qu’il n’y a pas d’argent, messieurs. Il y a un fantastique gaspillage de l’argent public.

M. Jean Tardito. Très juste !

M. Michel Crépeau. Je ne vous en donnerai qu’un exemple et vous comprendrez.

En matière agricole, à La Rochelle, par exemple, où je connais bien le terrain, chaque fois qu’un céréalier de 100 000 tonnes quitte le port de La Palice, 50 millions de subventions sont versés aux céréaliers de la Beauce. Alors, ne me dites pas qu’il n’y a pas de quoi aider les exploitations familiales, la marine artisanale, les petites entreprises artisanales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Et je ne parle pas des 50 milliards que vous avez dépensés à Creys-Malville, ni du reste, d’ailleurs ! On connaît tout cela. Alors ne dites pas qu’il n’y a pas d’argent ! Ayez le courage, monsieur le Premier ministre, et je suis sûr que vous l’avez, de dépenser l’argent là où il doit être dépensé, tout simplement !

Un programme de grands travaux ? C’est souhaitable, mais il faudrait, là aussi, commencer par le commencement.

M. Louis De Broissia. Rhin-Rhône !

M. Michel Crépeau. Non, justement !

Il y a un secteur à mon avis déterminant, parce qu’il est créateur d’emplois, celui du logement, notamment du logement social et, plus encore, du logement très social.

Parce que ce n’est pas la peine d’aller gesticuler dans les rues pour les sans-logis si l’on n’est pas capable de leur donner un toit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

S’il le faut, − je sais bien que le proposer n’engage à rien mais, enfin, je crois que l’idée est bonne − faisons un emprunt obligatoire auprès de tous les gens qui paient l’impôt sur les grandes fortunes et qui se rembourseraient sur ces loyers. On peut inventer. Essayons de mettre l’imagination au pouvoir ! Un emprunt obligatoire, cela s’est fait à la Libération, où l’on était plus audacieux que ne l’est le RPR aujourd’hui !

M. Serge Janquin. Très bien !

M. Michel Crépeau. Qui a fait les nationalisations, qui a fait la sécurité sociale ! C’est le général de Gaulle !

M. Christian Cabal. Cela n’a rien à voir !

M. Michel Crépeau. Vous vous référez à lui, monsieur Séguin, mais en réalité vous lui tournez le dos !

M. Jean-Luc Reitzer. Pas de leçons, monsieur Crépeau !

M. Michel Crépeau. En tout cas, voilà ce que je voulais dire.

Parmi les choses qui ne coûtent rien et qui sont importantes, il en est un certain nombre auxquelles je tiens beaucoup, madame le garde des sceaux, et qui concernent la justice. Là, il y a du travail à faire, croyez moi !

Vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre, le problème important de l’indépendance de la magistrature. A mon avis, l’indépendance des magistrats du siège et l’indépendance des magistrats du parquet, ce n’est pas tout à fait la même chose. Il y a besoin d’une réflexion, car un avocat général parle quand même au nom de quelqu’un.

MM. Philippe Séguin, René André et Charles de Courson. Très bien !

M. Michel Crépeau. Ce n’est pas un OVNI judiciaire, un électron libre, qui agit au gré des caprices d’une caste et qui aurait pour seul mérite d’avoir réussi le concours de l’Ecole nationale de la magistrature ! Vous avez des responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.) Mais il convient d’attendre les conclusions de la commission Truche et de voir alors dans la sérénité nécessaire de la commission des lois ce qui doit être fait.

La torture existe dans notre pays, d’une manière que vous n’imaginez pas. Sous l’Ancien Régime, il y avait une peine qui s’appelait le pilori : l’on attachait le prévenu à un poteau ; deux cents ou trois cents personnes venaient le voir, au besoin lui crachaient dessus.

De nos jours, le pilori, c’est l’écran de télévision ou les journaux qui diffusent des photos de citoyens mis en examen, c’est-à-dire présumés innocents, mais les écrits restent, les photos restent, et voici autant de vies qui risquent d’être définitivement compromises et sacrifiées même lorsqu’il y a acquittement. Autre forme de torture, les menottes passées aux poignets de gens qui ne sont pas dangereux. S’ils le sont, s’ils risquent de s’évader, oui, qu’on leur passe les menottes, mais avec l’autorisation d’un magistrat et une ordonnance motivée. Sinon, montrer des innocents avec des menottes est un scandale indigne d’une nation civilisée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Jean Tardito. Très bien !

M. Michel Crépeau. Il faudra peut-être en sortir un jour. Robert Badinter, l’un de mes maîtres à penser après

Mendès France, avait tenté de limiter les cas de détention provisoire en matière délictuelle ; en matière criminelle, d’accord, mais la règle devrait être l’assignation à résidence. Cela libérerait un peu de place dans les prisons et soulagerait les gardiens. Le problème de la prison est très simple. Il n’est pas de savoir pourquoi on y entre, mais dans quel état on en sort. C’est cela la sécurité publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

Il faut reprendre le projet de M. Toubon sur l’appel des décisions de cours d’assises. Cela vous fait vraiment beaucoup de pain sur la planche !

J’ai épuisé mon temps de parole et sans doute épuisé votre attention (Non ! Non ! sur divers bancs.)...

M. Jean-Pierre Brard. Bis !

M. Michel Crépeau. ... mais nous vivons un moment important de la vie de l’Assemblée nationale. Peut-être que dans notre groupe, et d’autres aussi, y compris dans le groupe communiste (Sourires), va s’instaurer une liberté de parole que nous ne connaissions guère jusqu’à présent.

Quand on appartenait au parti majoritaire, on marchait au canon, on votait tous comme un seul homme, en toutes circonstances, ce qui fait qu’au lendemain des élections, on connaissait d’avance tous les votes de la législature commençante − et c’est pourquoi les députés ne venaient pas tous dans l’hémicycle, et ils avaient bien raison ! Si vous changez cela, nous serons là, monsieur le Premier ministre, pour vous aider, pour vous critiquer, lorsque cela sera nécessaire, pour proposer et pour vous aider à réussir, car il est important que vous réussissiez.

Votre gouvernement est porteur de l’espérance des Français. Je sais que cette espérance, vous ne la décevrez pas, notamment par l’image que vous donnerez de la politique pour qu’elle retrouve tout son sens. La politique au sens vrai du terme, c’est une éthique pour la cité, et toute éthique, toute morale, tout choix entre le bien et le mal a pour justification la recherche du bonheur. C’est Aristote qui disait : la politique, c’est l’art de gouverner les peuples pour leur bonheur.

M. le Premier ministre, on ne gouverne un peuple que les pieds sur terre et le coeur dans les étoiles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

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