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PROJET DE LOI ORGANIQUE

interdisant le cumul de fonctions exécutives locales

avec le mandat de député ou de sénateur

ETUDE D’IMPACT

2 AVRIL 2013

SOMMAIRE

I. des lois successives ont progressivement encadre le cumul entre les mandats parlementaires et les mandats locaux sans toutefois interdire le cumul avec des fonctions exécutives 5

I.1. Un encadrement progressif des possibilités de cumul avec un mandat parlementaire 5

I.1.1. La loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 prévoyait un encadrement important des possibilités de cumul entre un mandat parlementaire et des fonctions électives et exécutives locales 5

I.1.2. La loi n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux a tenté de consolider la législation encadrant le cumul des mandats 5

I.2. Régime actuel des incompatibilités applicables aux députés et aux sénateurs 6

I.2.1. Les incompatibilités avec le mandat de député 6

I.2.2. Les incompatibilités avec le mandat de sénateur 6

I.2.3. Les incompatibilités des représentants au Parlement européen font l’objet d’une loi ordinaire 6

I.3. En l’absence de dispositions encadrant le cumul d’un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives, cette pratique n’a pas reculé 7

I.3.1. Le cumul des mandats constitue une spécificité française 7

I.3.2. Moins de la moitié des députés et des sénateurs n’exercent aucune fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale 7

I.4. Les dispositions relatives au remplacement des parlementaires ne couvrent pas le cas de la démission, en cas d’option pour une fonction exécutive locale 8

II. Les objectifs de la réforme 9

II.1. Tirer les conséquences du mouvement de décentralisation des trente dernières années 9

II.2. Prendre en compte l’accroissement de la charge de travail du Parlement 9

II.3. Moderniser la vie publique française 10

III. Options et dispositifs retenus 10

III.1. Appliquer un régime différent aux députés et aux sénateurs 10

III.2. Définir le champ d’application de la limitation du cumul 11

III.2.1. Il est impératif de limiter encore davantage le cumul des mandats 11

III.2.2. Imposer un mandat unique n’apparaît pas pertinent 11

III.2.3. Interdire le cumul avec l’exercice de certains mandats exécutifs locaux et fonctions de présidence d’assemblées de collectivités à statut particulier 12

III.2.4. Option retenue concernant le champ des incompatibilités avec un mandat parlementaire 13

III.3. Dispositions relatives au remplacement des parlementaires 14

III.3.1. Option non retenue : maintenir l’état actuel du droit et organiser une élection partielle si un député ou un sénateur en situation de cumul renonce à son mandat de parlementaire 14

III.3.2. Option retenue quant aux modalités de remplacement des parlementaires 15

III.4. Options possibles pour l’entrée en vigueur des dispositions relatives au remplacement des parlementaires 15

III.4.1. Entrée en vigueur immédiate des dispositions relatives au remplacement des députés 16

III.4.2. Entrée en vigueur lors du renouvellement de chaque mandat parlementaire, en 2014 et 2017 16

III.4.3. Option retenue : entrée en vigueur lors du premier renouvellement de l’Assemblée nationale et du Sénat suivant le 31 mars 2017 17

III.5. Les options possibles concernant l’entrée en vigueur des dispositions relatives au cumul des mandats 17

III.5.1. Option 1 : entrée en vigueur des incompatibilités au renouvellement des mandats locaux 17

III.5.2. Option 2 : entrée en vigueur lors du renouvellement des mandats parlementaires 18

III.5.3. Option 3 : entrée en vigueur pour l’ensemble des parlementaires le 31décembre 2016 18

III.5.4. Option retenue : entrée en vigueur au premier renouvellement de l’Assemblée Nationale et du Sénat suivant le 31 mars 2017 19

IV. Impact de la loi 19

IV.1. Impact juridique 19

IV.2. Impact en termes de parité 20

IV.3 IMPACT FINANCIER

V. Modalités d’application de la réforme 21

V.1. Application dans le temps 21

V.2. Application dans l’espace 21

V.3. Consultations 21

V.4. Textes d’application 22

Introduction

Le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur a pour objet d’élargir le champ des incompatibilités entre un mandat parlementaire et l’exercice de fonctions exécutives au sein de collectivités territoriales et au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il prend également en compte des fonctions non exécutives mais d’une importance significative en Corse et outre-mer du fait de la fonction de représentation territoriale qui leur est attachée. Le projet de loi organique modifie également les conditions de remplacement des parlementaires pour tenir compte de l’impact de cette réforme.

Des incompatibilités avec un mandat parlementaire sont déjà prévues par le code électoral. Le Gouvernement a souhaité en ajouter de nouvelles afin de permettre aux parlementaires d’exercer au mieux le mandat que les Français leur confient par l’expression du suffrage. En effet, parmi les incompatibilités nouvelles figurent les fonctions exécutives ou de présidence les plus importantes des collectivités territoriales et de certains de leurs établissements publics – celles qui nécessitent l’investissement le plus important, d’autant que les actes de décentralisation successifs ont profondément modifié la nature de ces fonctions.

En souhaitant libérer les parlementaires de responsabilités importantes au sein des exécutifs et assemblées de collectivités territoriales ou des intercommunalités, il est ainsi pris acte :

- de la profonde évolution du travail parlementaire depuis la loi constitutionnelle du
23 juillet 2008. En effet, la dernière révision constitutionnelle a rénové l’exercice de la fonction législative et étendu les compétences des deux assemblées. Ainsi, le rôle fondamental conféré par cette loi constitutionnelle aux commissions dans la procédure législative, la place laissée à l’initiative parlementaire, l’importance accrue du contrôle de l’action du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques, sont autant de mutations dans la pratique parlementaire, qui nécessitent que les conditions d’exercice des mandats de député et de sénateur s’adaptent en conséquence ;

- de la volonté réitérée par les Français à de nombreuses reprises de mettre fin à un cumul trop extensif des mandats.

Le Gouvernement a entendu proposer une réforme équilibrée, en limitant le cumul d’un mandat parlementaire avec certaines fonctions exécutives ou de présidence d’assemblée délibérante des collectivités à statut particulier mais en n’interdisant pas aux députés et aux sénateurs d’exercer un mandat local simple.

Le projet de loi organique est accompagné d’un projet de loi ordinaire qui fera l’objet d’une étude d’impact séparée.

I. des lois successives ont progressivement encadre le cumul entre les mandats parlementaires et les mandats locaux sans toutefois interdire le cumul avec des fonctions exécutives

L’article 25 de la Constitution dispose que : « une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée […], le régime des inéligibilités et des incompatibilités ». Les dispositions relatives aux incompatibilités des députés et des sénateurs sont de niveau organique.

Les incompatibilités relatives aux mandats parlementaires ont notamment été encadrées par les lois organiques n° 85-1405 du 30 décembre 1985 et n° 2000-294 du 5 avril 2000.

1.1. Un encadrement progressif des possibilités de cumul avec un mandat parlementaire

1.1.1. La loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 prévoyait un encadrement important des possibilités de cumul entre un mandat parlementaire et des fonctions électives et exécutives locales

La loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 a créé un article L.O. 141 du code électoral, qui prévoyait l’incompatibilité entre le mandat de député et l’exercice de plus d’un mandat parmi les mandats suivants : mandat de représentant au Parlement européen, de conseiller régional, de conseiller général et de conseiller de Paris.

L’article LO 141 prévoyait également que le mandat de député était incompatible avec certaines fonctions exécutives telles que maire d’une commune de plus de 20 000 habitants autre que Paris ou adjoint au maire d’une commune de plus de 100 000 habitants autre que Paris.

1.1.2. La loi n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux a tenté de consolider la législation encadrant le cumul des mandats

La loi organique n°2000-294 du 5 avril 2000 a modifié l’article L.O. 141. Elle a étendu le champ des incompatibilités avec des mandats locaux, en y intégrant les mandats de conseiller à l’Assemblée de Corse et surtout de conseiller municipal mais elle a supprimé les incompatibilités qui existaient avec des fonctions exécutives au sein des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.

Il convient de relever qu’en 2000, le projet de loi organique était plus ambitieux puisqu’il proposait de rendre le mandat de député ou de sénateur incompatible avec l'exercice de fonctions exécutives des collectivités territoriales parmi celles de président d'un conseil régional, d'un conseil général, de maire et de président du conseil exécutif de Corse. L’exposé des motifs du projet de loi organique faisait état du souhait émis par les Français que « leurs représentants se consacrent plus pleinement aux mandats qui, aux termes de la loi, leur sont confiés par les électeurs. » Il soulignait par ailleurs « le besoin de retrouver confiance dans la vie politique et en ceux qui l'animent ».

Toutefois, les dispositions relatives à l’interdiction du cumul avec des fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales n’avaient pas été adoptées par le Parlement et le cumul d’un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives n’avait pas été interdit.

1.2. Régime actuel des incompatibilités applicables aux députés et aux sénateurs

1.2.1. Les incompatibilités avec le mandat de député

Le chapitre IV du titre II du livre Ier a trait aux incompatibilités applicables au mandat de député. Il prévoit ainsi l’incompatibilité du cumul du mandat de député et :

• du mandat de sénateur ;

• de représentant au Parlement européen ;

• d’un certain nombre de fonctions publiques ;

• de l’exercice de plus de l’un des mandats suivants : « conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d'une commune d'au moins 3 500 habitants. » (article L.O. 141 du code électoral issu de la loi organique du 5 avril 2000).

L’article L.O. 141 n’a pas été modifié depuis 2000.

1.2.2. Les incompatibilités avec le mandat de sénateur

L’article L.O. 297 du code électoral, relatif aux incompatibilités avec le mandat de sénateur, renvoie aux dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code électoral. L’ensemble des dispositions relatives aux incompatibilités avec le mandat de député et celles de l’article L.O. 141 en particulier sont applicables aux sénateurs.

Les dispositions relatives aux possibilités de cumul entre un mandat de sénateur et un mandat local sont donc identiques à celles des députés.

1.2.3. Les incompatibilités des représentants au Parlement européen font l’objet d’une loi ordinaire

Les parlementaires européens voient leur régime d’incompatibilité fixé par la loi
n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen. L’article 6-3 de cette loi dispose : « le mandat de représentant au Parlement européen est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d'une commune d'au moins 3 500 habitants ». Ainsi, le régime applicable aux députés européens en matière de cumul des mandats est similaire au régime en vigueur pour les parlementaires nationaux.

Ces dispositions ne sont toutefois que de nature ordinaire et pas de nature organique et sont modifiées par un véhicule législatif distinct.

1.3. En l’absence de dispositions encadrant le cumul d’un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives, cette pratique n’a pas reculé

1.3.1. Le cumul des mandats constitue une spécificité française

Différents rapports ou études ont souligné la spécificité française en matière de cumul des mandats. Ainsi, le rapport sur le projet de loi organique limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives de M. Bernard ROMAN1 énonce : « Le cumul des mandats constitue une des caractéristiques du système politique français. Qu'il soit vertical, c'est-à-dire marqué par le cumul d'un mandat parlementaire et d'un, voire plusieurs mandats locaux, ou horizontal, c'est-à-dire caractérisé par le cumul de plusieurs mandats de même niveau, le cumul des mandats ressortit par son ampleur à ce qu'il est convenu d'appeler l'exception française. »

Le rapport dresse ainsi la liste des Etats dans lesquels le cumul des mandats, sans faire l’objet d’une interdiction spécifique, n’est pas pratiqué et d’autres Etats qui disposent de règles spécifiques en matière de cumul des mandats. De même, le rapport de M. Jacques VALAX, sur la proposition de loi organique de M. Jean-Marc AYRAULT et des membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale2 souligne également que la pratique du cumul reste atypique parmi les démocraties et rappelle que « quelles que soient les différences entre les systèmes politiques des grandes démocraties comparables, aucune ne pratique le cumul des mandats à l’échelle qui est observée en France ».

Cette spécificité est également signalée par le rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique3 dans son rapport remis en novembre 2012. La commission assure ainsi que : « le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités locales est devenu une habitude française » et qu’elle « est devenue une singularité en Europe ».

1.3.2. Moins de la moitié des députés et des sénateurs n’exercent aucune fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale

 

Parlementaire n'exerçant aucune fonction exécutive locale

Parlementaire exerçant la fonction de maire ou maire d'arrondissement

Parlementaire exerçant une fonction d'adjoint au maire

Parlementaire exerçant la fonction de président de conseil général

Parlementaire exerçant la fonction de vice-président de conseil général

Parlementaire exerçant la fonction de président de conseil régional

Parlementaire exerçant la fonction de vice-président de conseil régional

Président d'EPCI à fiscalité propre

Députés

241

42%

235

41%

37

6%

12

2%

37

6%

5

1%

20

3%

88

15%

Sénateurs

144

41%

122

35%

26

7%

34

10%

15

4%

4

1%

4

1%

52

15%

(Chiffres arrêtés au 29 janvier 2012, sur 575 députés et 348 sénateurs)

Aujourd’hui, en l’absence d’un encadrement juridique, la pratique du cumul de fonctions exécutives importantes – fonction de maire, fonction d’adjoint au maire et présidence des exécutifs des autres collectivités territoriales – avec un mandat parlementaire perdure.

Les parlementaires exercent 551 fonctions exécutives au sein de collectivités territoriales. La fonction exécutive la plus représentée est celle de maire, avec 235 députés et 122 sénateurs également maires. Les fonctions exécutives au sein des établissements publics de coopération intercommunale sont également importantes, avec 88 députés et 52 sénateurs également présidents d’EPCI à fiscalité propre.

Le cumul avec des fonctions exécutives concernent donc toujours une partie importante des parlementaires (58%), tant députés (58%) que sénateurs (59%).

La comparaison avec les chiffres antérieurs au renouvellement de l’Assemblée nationale en 2012 et du Sénat en 2011, cités dans le rapport de M. Jacques VALAX (2010), montre que le nombre de parlementaires en situation de cumul est resté relativement stable à l’issue des derniers renouvellements des deux chambres.

 

Parlementaire exerçant le mandat de maire ou maire d'arrondissement

Parlementaire exerçant une fonction d'adjoint au maire

Parlementaire exerçant la fonction de président de conseil général

Parlementaire exerçant la fonction de vice-président de conseil général

Parlementaire exerçant la fonction de président de conseil régional

Parlementaire exerçant la fonction de vice-président de conseil régional

 

Chiffres 2010

Chiffres 2013

Chiffres 2010

Chiffres 2013

Chiffres 2010

Chiffres 2013

Chiffres 2010

Chiffres 2013

Chiffres 2010

Chiffres 2013

Chiffres 2010

Chiffres 2013

Députés

265

235

36

37

19

12

29

37

6

5

12

20

Sénateurs

117

122

18

26

30

34

25

15

5

4

1

4

Faute d’évolution des pratiques, il s’avère nécessaire d’inscrire dans le droit l’incompatibilité entre les mandats de député et de sénateur et l’exercice d’une fonction exécutive locale au sein d’une assemblée locale ou d’un établissement public intercommunal à fiscalité propre.

1.4. Les dispositions relatives au remplacement des parlementaires ne couvrent pas le cas de la démission, en cas d’option pour une fonction exécutive locale

Les dispositions relatives au remplacement des parlementaires sont définies aux articles
L.O. 176 et L.O. 178 pour les députés, et aux articles L.O. 319, L.O. 320 et L.O. 322 pour les sénateurs.

Ces dispositions prévoient que les députés et les sénateurs élus au scrutin majoritaire ne sont remplacés par la personne élue en même temps qu’eux en cas de décès, d’acceptation de fonctions de membres du Conseil constitutionnel ou de Défenseur des droits ou de prolongation au-delà de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement. Ils sont également remplacés temporairement lorsqu’ils acceptent la fonction de membre du Gouvernement.

La démission n’est aujourd’hui pas comprise dans les cas pouvant donner lieu au remplacement des parlementaires. Dans ce cadre, un parlementaire qui souhaiterait conserver sa fonction exécutive locale devrait être remplacé à l’issue d’une élection partielle.

II. Les objectifs de la réforme 

Deux mouvements parallèles ont modifié le paysage institutionnel français et le cumul des mandats se trouve à la croisée de ces deux évolutions.

2.1. Tirer les conséquences du mouvement de décentralisation des trente dernières années

Les « actes » successifs de décentralisation ont profondément modifié l’exercice des responsabilités au sein des collectivités territoriales. La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a tout d’abord mis fin à la tutelle administrative et financière de l'État sur les actes des collectivités territoriales. Les actes des collectivités territoriales sont devenus exécutoires de plein droit et un contrôle de légalité a posteriori, exercé par les préfets et les tribunaux administratifs, a été institué.

Les lois des 7 janvier 1983 et 22 juillet 1983 relatives à la répartition des compétences entre les collectivités locales et l'État complètent ce dispositif en transférant de nouvelles compétences aux collectivités. Elles ont été complétées par l’ « acte II » de la décentralisation et la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.

Les compétences transférées aux collectivités territoriales se sont donc continuellement accrues au fur et à mesure des lois de décentralisation, entraînant la mutation des fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales. Ces fonctions représentent aujourd’hui des fonctions de responsabilité à part entière et supposent un engagement continu de leur titulaire.

Par ailleurs, des évolutions importantes se sont fait jour dans l’organisation territoriale des collectivités outre-mer et le développement de collectivités à statut particulier dans lesquelles les fonctions exécutives tout comme les fonctions de présidence d’assemblée délibérante constituent une charge importante.

2.2. Prendre en compte l’accroissement de la charge de travail du Parlement

La loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République a modifié tant les conditions d’exercice du pouvoir législatif que les pouvoirs de contrôle du Parlement sur l’action du Gouvernement.

En premier lieu, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié les conditions d’exercice du travail législatif, en accordant un rôle important aux commissions et en dégageant davantage de temps pour l’initiative parlementaire. Par ailleurs, le domaine d’intervention du Parlement a été complété pour mentionner expressément qu’il recouvre le vote de la loi et le contrôle de l'action du Gouvernement, ainsi que l'évaluation par le Parlement des politiques publiques.

Le Parlement a donc vu sa charge de travail renforcée et il est nécessaire que les conditions d’exercice des mandats parlementaires s’y adaptent, en prévoyant que les parlementaires n’exercent pas d’autres fonctions nécessitant de leur part un investissement aussi significatif que leur mandat parlementaire.

Il est pris note des conséquences de ces deux mouvements en proposant de rendre incompatible l’exercice d’une fonction exécutive locale avec un mandat parlementaire.

2.3. Moderniser la vie publique française

Le rapport de la commission de déontologie de la vie publique et les précédents rapports déposés sur le cumul des mandats mettent en avant l’attente des citoyens face à cette question qui « cristallise les malentendus entre les citoyens et les élus ». Comme le souligne le rapport de la commission, « le cumul des mandats est devenu un critère au regard duquel sont appréciés l’engagement des élus au service d’un pays en crise et leur fidélité aux principes de la République ».

Par ailleurs, l’interdiction du cumul de l’exercice de responsabilités exécutives locales ou de présidence d’assemblées délibérantes avec un mandat parlementaire permettrait d’ouvrir la vie politique locale et l’exercice de responsabilités à un nouveau public.

III. Options et dispositifs retenus

3.1. Appliquer un régime différent aux députés et aux sénateurs

Conformément aux dispositions de l’article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».

Ce rôle spécifique du Sénat a incité le Gouvernement à s’interroger sur l’opportunité de mettre en place une limitation du cumul des mandats qui s’appliquerait de manière différenciée aux sénateurs et aux députés.

Après analyse, rien ne justifie juridiquement un tel traitement. Telle est également la préconisation de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique. En effet, l’article 24 de la Constitution n’implique pas que « les sénateurs soient des élus locaux mais seulement qu’ils soient élus par un collège constitué essentiellement d’élus locaux ». D’ailleurs, on note qu’actuellement près d’un quart des sénateurs, soit 78 sénateurs, n’ont aucun autre mandat local.

Par ailleurs, distinguer les députés et les sénateurs ne serait ni pertinent ni opportun. L’article 24 de la Constitution, qui définit les missions du Parlement, ne fait aucune différence entre celles de l’Assemblée et celles du Sénat. Sénateurs, comme députés, votent la loi, contrôlent l’action du Gouvernement et évaluent les politiques publiques. Même si les sénateurs sont élus au scrutin indirect par un collège électoral essentiellement composé d’élus locaux, ils représentent, tout comme les députés, la Nation toute entière. L’article 27 de la Constitution qui s’applique à tous les parlementaires précise d’ailleurs que « tout mandat impératif est nul ». Ainsi, le choix de l’électeur se limite à la personne de son représentant et ce dernier ne doit pas agir en fonction des souhaits de ceux qui l’ont élu mais doit exprimer la volonté de l’ensemble de la collectivité. Tout traitement différencié entre les sénateurs et les députés au regard du régime de cumul avec les responsabilités locales risquerait de donner à croire que les sénateurs ont une importance moindre par rapport aux députés.

Distinguer le régime applicable aux députés et aux sénateurs pourrait même dans un second temps amener à transformer le rôle du Sénat et remettre en cause le bicaméralisme. Cela pourrait contribuer à faire du Sénat, non une assemblée législative à part entière, mais une chambre compétente uniquement sur les questions relatives aux collectivités territoriales.

Tel n’est pas le souhait du Gouvernement.

3.2. Définir le champ d’application de la limitation du cumul

3.2.1. Il est impératif de limiter encore davantage le cumul des mandats

Comme le relève la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, voter la loi constitue une responsabilité éminente et est un travail de plus en plus lourd, en particulier depuis la révision constitutionnelle de 2008. Le fait que l’examen en séance porte non plus sur le projet du Gouvernement mais sur le texte adopté en commission impose une présence et une implication accrues des parlementaires. Par ailleurs, les fonctions de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques sont de plus en plus prégnantes.

Enfin, si les élus locaux avaient pu estimer, avant l’entrée en vigueur des lois de décentralisation, qu’il était indispensable de disposer d’un mandat de parlementaire pour défendre les intérêts et les projets de leur territoire, tel n’est plus le cas aujourd’hui, la majeure partie des projets étant gérés directement et uniquement au niveau local.

Afin de permettre aux parlementaires de se recentrer sur leurs missions, conformément aux engagements pris par le Président de la République pendant la campagne présidentielle,4 une nouvelle étape est franchie afin de renforcer le dispositif de non cumul des mandats introduit en 1985 et poursuivi en 2000.

3.2.2. Imposer un mandat unique n’apparaît pas pertinent

Interdire aux parlementaires d’exercer un mandat local permettrait à ces derniers de se recentrer sur leurs missions. Cette interdiction toucherait 472 députés et 270 sénateurs.

Toutefois, le maintien pour les parlementaires d’un ancrage local qui leur permet d’être à l’écoute des citoyens présente un intérêt manifeste, le parlementaire devant pouvoir conserver un mandat local, à condition que son exercice soit compatible avec les exigences de son mandat parlementaire.

3.2.3. Interdire le cumul avec l’exercice de certains mandats exécutifs locaux et fonctions de présidence d’assemblées de collectivités à statut particulier

S’il est souhaitable que les parlementaires puissent conserver un mandat local, il n’en demeure pas moins que ceux-ci doivent pouvoir exercer au mieux ces deux mandats. Avec la décentralisation initiée par la loi du 2 mars 1982, le rôle de l’exécutif local a pris une nouvelle dimension, nécessitant un investissement toujours plus important du maire, du président de conseil général ou du président de conseil régional notamment. Un mandat exécutif local occupe en effet largement un temps plein, surtout lorsqu’il s’accompagne de missions annexes telles que la participation à des sociétés d’économies mixtes ou la présidence d’un centre communal d’action sociale (CCAS).

Pour autant, la question porte sur le point de savoir s’il est nécessaire d’appliquer la même interdiction à tous les mandats exécutifs locaux.

Après analyse, l’exercice d’un mandat exécutif local de direction ou de codirection, quel qu’il soit, impose que son titulaire se consacre pleinement à cette mission et ne puisse exercer simultanément une fonction de parlementaire.

Le développement, durant ces dernières années, des compétences des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre impose également d’inclure les fonctions exécutives au sein de ces EPCI dans les nouvelles incompatibilités puisque la présidence ou la vice-présidence de telles structures exige un fort investissement de leurs titulaires.

Par ailleurs, le Gouvernement s’est demandé si la taille de la collectivité ou de l’EPCI concerné n’avait pas une influence sur l’investissement demandé à son président et si l’interdiction du cumul ne devait pas concerner les fonctions de maire ou de président d’EPCI au-delà d’un certain seuil de population. Si par exemple le seuil d’interdiction du cumul était fixé à 50 000 habitants pour les communes et à 100 000 habitants pour les EPCI5, respectivement 31 députés et 13 sénateurs et 11 députés et 11 sénateurs seraient concernés. Si ce seuil était fixé à 25 000 pour les communes et à 50 000 pour les EPCI6, respectivement 66 députés et 28 sénateurs et 25 députés et 19 sénateurs seraient concernés.

L’exercice d’une fonction exécutive locale, quelle que soit la taille de la commune ou de l’EPCI, représente néanmoins une lourde tâche pour son titulaire. En effet, à supposer que les missions du maire d’une commune ou celles du président d’un EPCI de plus petite taille soient moins nombreuses, force est de constater que le nombre de collaborateurs élus de la collectivité ou de l’établissement public sur lesquels le maire ou le président d’EPCI peut s’appuyer varie selon le nombre d’habitants que la collectivité ou l’EPCI représente7. Ainsi, dans une collectivité ou un établissement de plus petite taille, le président sera davantage et plus directement sollicité.

Il n’est donc pas apparu justifié d’appliquer un régime d’interdiction de cumul différencié selon la taille de la collectivité ou de l’EPCI concerné.

Par ailleurs, bien qu’elles ne soient pas exécutives, le souhait a été d’intégrer à l’article L.O. 141-1 du code électoral les fonctions de présidence de certaines assemblées locales de collectivités à statut particulier (assemblée de Corse, assemblée de Martinique, congrès de la Nouvelle-Calédonie, conseils territoriaux de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint Pierre-et-Miquelon, assemblée de Polynésie française et assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna).

Il est à noter qu’aujourd’hui les fonctions de présidence de ces assemblées délibérantes sont déjà soumises à certaines règles applicables aux titulaires de fonctions exécutives. Ainsi, pour ce qui concerne les incompatibilités, l’article L. 7223-4 du code général des collectivités territoriales issu de la loi n°2011-884 du 27 juillet 2011, prévoit que la fonction de président de l’assemblée de Martinique est « incompatibles avec l'exercice des fonctions suivantes : maire, président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, membre de la Commission européenne, membre du directoire de la Banque centrale européenne ou membre du conseil de la politique monétaire de la Banque de France. ». Cet article fixe un régime d’incompatibilité notamment avec des fonctions exécutives de collectivités ou d’EPCI, proche de celui qui existe pour les présidents d’exécutifs (président de conseil régional, président de conseil général ou maire, respectivement établis par les articles L. 4133-3, L. 3122-3 et L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales).

De même, l’éminence des fonctions de présidence d’assemblée délibérante non exécutive dans les collectivités à statut particulier a déjà conduit le législateur à rapprocher les exigences qui portent sur les présidents de ces assemblées et les présidents d’exécutifs. Ainsi, l’article 2 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique soumet à la même obligation de déclaration de situation patrimoniale les présidents d’exécutifs de collectivités territoriales et les présidents des assemblées territoriales d’outre-mer et de l’Assemblée de Corse. On peut également relever que le régime indemnitaire des présidents d’exécutifs est identique à celui des présidents des assemblées, ainsi que cela ressort, par exemple, des articles L. 7227-20 et L. 7227-21 du code général des collectivités territoriales, s’agissant de la Martinique.

3.2.4. Option retenue concernant le champ des incompatibilités avec un mandat parlementaire

La solution retenue prévoit l’incompatibilité d’un mandat parlementaire, de député ou de sénateur, avec les principales fonctions exécutives locales et les fonctions de présidence des assemblées des collectivités à statut particulier. Au titre de l’option retenue, il reviendra donc aux élus en situation d’incompatibilité de choisir entre un mandat de parlementaire et une fonction au sein des assemblées locales parmi celles que le projet de loi organique rend incompatibles.

L’ancrage territorial demeurant un élément essentiel pour les parlementaires, l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec tout mandat local n’est pas envisagée: les parlementaires pourront conserver un mandat simple, tel qu’un mandat de conseiller municipal, de conseiller général ou de conseiller régional. Ce mandat permettra aux parlementaires de garder un ancrage local, tout en préservant la nécessaire conciliation avec les exigences de la fonction parlementaire.

Dans le même temps, l’interdiction du cumul avec l’exercice de responsabilités exécutives locales ou de présidence d’assemblées délibérantes doit permettre à chaque élu de se consacrer pleinement aux responsabilités bien distinctes que sont le pouvoir législatif au Parlement et la mise en œuvre des politiques locales dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Cette réforme s’applique à tous les députés et à tous les sénateurs, les deux assemblées exerçant les mêmes missions au titre de l’article 24 de la Constitution, ainsi qu’aux députés européens, ce qui fera l’objet d’un projet de loi simple.

Le présent projet de loi organique prévoit l’incompatibilité d’un mandat parlementaire avec les fonctions de chef de l’exécutif d’une collectivité territoriale et de la Nouvelle Calédonie (maire, maire d’arrondissement, maire de secteur, président de conseil général, président de conseil régional et présidence des exécutifs des collectivités à statut particulier) ou de président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (communauté de communes, communauté d’agglomération, communauté urbaine, métropole, syndicat d’agglomération nouvelle) ainsi que de président d’une assemblée délibérante d’une collectivité à statut particulier. Le mandat parlementaire doit aussi être incompatible avec les autres fonctions exécutives de codirection dans ces mêmes collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (maire délégué, adjoint au maire, vice-président).

3.3. Dispositions relatives au remplacement des parlementaires

3.3.1. Option non retenue : maintenir l’état actuel du droit et organiser une élection partielle si un député ou un sénateur en situation de cumul renonce à son mandat de parlementaire

En l’état actuel du droit, un député ou un sénateur qui est en situation de cumul doit, conformément aux dispositions de l’article L.O. 151 du code électoral, démissionner du mandat de son choix. S’il choisit de renoncer à son mandat de parlementaire, il ne peut être fait appel à son remplaçant, les cas de remplacement étant limitativement énumérés aux articles L.O 176 pour les députés et aux articles L.O. 319 et L.O. 320 pour les sénateurs. Une élection partielle doit alors être organisée.

En élargissant les cas dans lesquels le parlementaire se trouvera en situation de cumul, le présent texte pourrait augmenter le nombre d’élections partielles à organiser afin de remplacer un parlementaire optant pour sa fonction locale. En effet, en l’absence de dispositions relatives au remplacement en cas de démission, l’option d’un nombre indéterminé de parlementaires pour leur fonction exécutive locale pourrait conduire à l’organisation d’un grand nombre d’élections partielles. Cette situation aurait par ailleurs vocation à intervenir à la fois dans lors de l’entrée en vigueur de la réforme puis au fil des élections locales et des renouvellements des exécutifs locaux.

Ce faisant, conserver les règles de remplacement actuelles pourrait conduire à une déstabilisation de chacune des assemblées entre deux renouvellements puisque des élections partielles, potentiellement nombreuses, sans que l’on puisse donner une estimation du nombre de parlementaires qui opterait pour leur fonction exécutive, devraient être organisées à chaque renouvellement des fonctions exécutives locales.

Cette situation n’est pas souhaitable, tout d’abord pour garantir que le travail parlementaire et gouvernemental puisse se tenir dans de bonnes conditions. En effet, si les dispositions relatives au remplacement n’étaient pas modifiées, à l’issue de chaque élection locale (élections municipales, puis l’année suivante élections départementales et régionales, puis à l’issue des élections locales outre-mer), soit quasiment tous les ans, des élections partielles devraient être organisées pour pourvoir les mandats des parlementaires qui opteraient pour leur fonction exécutive.

Par ailleurs, des élections partielles potentiellement fréquentes conduiraient nécessairement à la lassitude des électeurs. En effet, le taux de participation enregistré lors des élections partielles est traditionnellement plus faible que les taux de participation enregistrés lors des renouvellements généraux.

S’il est constant que l’électeur doit être appelé à exercer son droit de suffrage selon une périodicité raisonnable, rien n’impose qu’il l’exerce systématiquement dès qu’un élu démissionne. En effet, l'article 25 de la Constitution ne prévoit aucune limitation des cas dans lesquels un député ou un sénateur peut être remplacé par un suppléant. Au contraire, en renvoyant au législateur organique le soin de définir « les conditions » et non « les cas » dans lesquels les suppléants peuvent remplacer les députés et les sénateurs dont le siège devient vacant, le Constituant semble au contraire autoriser une large application du principe du remplacement par le suppléant. Qui plus est, l’électeur, lorsqu’il a élu un député ou un sénateur, a également voté pour son remplaçant. Il pourrait donc avoir des difficultés à comprendre les raisons pour lesquelles il ne serait pas fait appel au remplaçant du député ou du sénateur qu’il a également choisi si ledit député ou sénateur démissionne car il se trouve en situation de cumul. Enfin, cette situation de cumul ne vicie pas l’élection, à la différence des cas dans lesquels les opérations électorales ont été annulées et où des élections partielles doivent être organisées. En effet, au moment de l’élection, l’électeur savait qu’en élisant ce candidat, ce dernier allait se trouver en situation de cumul en cas d’élection.

Dès lors, pour les motifs évoqués supra, les cas pouvant donner lieu au remplacement doivent pouvoir a minima être ouverts à la démission pour cause de cumul, comme ils l’ont été pour les autres mandats électoraux, notamment dernièrement pour le mandat de conseiller général, par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 puis par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

3.3.2. Option retenue quant aux modalités de remplacement des parlementaires

Le projet de loi organique modifie les règles de remplacement des parlementaires afin de prévoir notamment qu’en cas de démission ces derniers soient remplacés par leur suppléant. Ainsi, pourront désormais donner lieu au remplacement des députés et des sénateurs élus au scrutin majoritaire toutes les causes de vacances autres que l’annulation de l’élection, la démission d’office ou la déchéance prononcée par le Conseil constitutionnel.

Ont été étendus les cas pouvant donner lieu au remplacement tout en conservant le principe de l’organisation des élections partielles dans les cas où le scrutin aurait été vicié du fait de manœuvres, du non-respect des règles de financement des campagnes électorales ou d’une inéligibilité découverte après l’élection.

3.4. Options possibles pour l’entrée en vigueur des dispositions relatives au remplacement des parlementaires

Le projet de loi organique prévoit de nouvelles incompatibilités. Il en tire également la conséquence en étendant les cas de remplacement. Les options relatives à la mise en œuvre des deux pans de la réforme ont été regardées à l’aune de la jurisprudence limitative du Conseil constitutionnel sur les modifications apportées à des mandats en cours.

La modification des règles de remplacement constitue en effet une modification apportée à une situation en cours, tant pour l’électeur qui s’est prononcé sans avoir connaissance du fait que le remplaçant du sénateur pourrait être amené à remplacer le titulaire dans un nombre significatif de cas, que pour le remplaçant, qui voit s’étendre le nombre de cas dans lequel il peut être amené à siéger. S’il n’apparaît pas que ces modifications soient d’une importance telle qu’elles puissent porter atteinte à la sincérité du suffrage, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui invite à ne pas apporter de modifications au droit électoral en cours de mandat sauf à ce qu’il existe un motif d’intérêt général suffisant, a conduit le Gouvernement à retenir une date d’entrée en vigueur qui assure la sécurité juridique du dispositif.

3.4.1. Entrée en vigueur immédiate des dispositions relatives au remplacement des députés

Une entrée en vigueur immédiate des nouvelles modalités de remplacement des députés et des sénateurs conduirait à changer en cours de mandat une situation au regard de laquelle les électeurs se sont prononcés. Ainsi, bien que ces derniers se soient prononcés également pour le remplacement du parlementaire, le rôle que ce dernier pouvait être amené à jouer n’était pas connu lors de l’expression du suffrage.

Dans ces conditions, afin de ne pas apporter au système de remplacement une modification à caractère rétroactif, le Gouvernement a considéré qu’une telle réforme ne pouvait entrer en vigueur qu’à l’occasion des prochains renouvellements du Sénat et de l’Assemblée nationale, puisque cette option présente un risque juridique.

3.4.2. Option non retenue : Entrée en vigueur lors du renouvellement de chaque mandat parlementaire, en 2014 et 2017

Une entrée en vigueur aux prochains renouvellements de chacun des mandats parlementaires conduirait à ce que les sénateurs de la série 2 qui vont être renouvelés en septembre 2014 voient leurs conditions de remplacement modifiées dès cette date. En revanche, les nouvelles dispositions ne seront applicables aux députés qu’en juin 2017 et celles relatives aux sénateurs en septembre 2017.

Dès lors, les parlementaires qui devront opter dans le mois suivant la constatation de la situation d’incompatibilité se trouveront dans deux situations différentes.

En cas d’option pour leur fonction locale, les sénateurs de la série 2 renouvelée en 2014 pourront être remplacés par la personne élue en même temps qu’eux à cet effet. En revanche, les députés qui opteraient pour leur mandat local ne seraient pas remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale, en application des dispositions de l’article L.O. 178 du code électoral qui dispose qu’aucune élection partielle n’est organisée dans le délai d’un an précédant l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale.

Il en sera de même pour les sénateurs de la série 1, renouvelée en septembre 2017, dont le siège restera vacant jusqu’en septembre 2017, en application des dispositions de l’article L.O. 322 du code électoral.

Cette option qui crée une distinction dans le régime électoral des sénateurs, selon la série à laquelle ils appartiennent, n’a pas semblée souhaitable.

3.4.3. Option retenue : entrée en vigueur lors du premier renouvellement de l’Assemblée nationale et du Sénat suivant le 31 mars 2017

Afin de ne pas modifier en cours de mandat les conditions de remplacement et de ne pas instaurer à titre transitoire de situation différente entre les sénateurs des deux séries, les nouvelles dispositions relatives au remplacement s’appliqueront pour les députés à compter du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale et pour l’ensemble des sénateurs lors du prochain renouvellement de la série 1 des sénateurs, soit à compter de septembre 2017.

3.5. Les options possibles concernant l’entrée en vigueur des dispositions relatives au cumul des mandats

3.5.1. Option 1 : entrée en vigueur des incompatibilités au renouvellement des mandats locaux

L’entrée en vigueur du projet de loi organique pourrait coïncider, pour chacune des incompatibilités, avec le renouvellement des assemblées locales concernées. Ainsi, les incompatibilités avec les fonctions exécutives des conseils municipaux et des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre seraient applicables aux députés et aux sénateurs lors du renouvellement général des conseils municipaux en mars 2014. De même, les incompatibilités avec les fonctions exécutives des conseils généraux, des conseils régionaux et de la collectivité territoriale de Corse seraient applicables à compter de mars 2015, date à laquelle ces assemblées devraient être renouvelées selon le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral. Les incompatibilités avec des fonctions exécutives de collectivités d’outre-mer entreraient également en vigueur lors du prochain renouvellement des assemblées concernées.

Ce faisant, les électeurs se prononceraient lors de ces scrutins en sachant que si le candidat parlementaire est élu et qu’il accède à une fonction exécutive locale, il aura à exercer son droit d’option. Cette option permet une entrée en vigueur rapide des règles d’incompatibilité, celles-ci s’appliquant aux parlementaires en partie dès 2014 et pleinement dès 2015. Elle oblige cependant des parlementaires, élus à un moment où la loi leur permettait de cumuler une fonction exécutive locale et leur mandat parlementaire à renoncer à cette situation avant la fin de leur mandat parlementaire.

3.5.2. Option 2 : entrée en vigueur lors du renouvellement des mandats parlementaires

Les dispositions relatives aux incompatibilités entreraient en vigueur lors du prochain renouvellement des mandats parlementaires concernés. Ainsi, ces dispositions seraient applicables aux sénateurs de la série 2 à compter de leur renouvellement en septembre 2014. Elles seraient applicables aux députés dès juin 2017 et aux sénateurs de la série 1 en septembre 2017. Ce faisant, le droit en vigueur ne serait pas modifié pour les mandats en cours et chaque parlementaire se présenterait à un mandat parlementaire en toute connaissance des règles applicables en matière de cumul des mandats.

Par ailleurs, compte tenu du renouvellement du Sénat par séries, cette option aurait pour inconvénient de prévoir une entrée en vigueur différenciée pour les sénateurs de la série 1 et de la série 2. Il serait dès lors question d’un écart non négligeable de trois ans entre l’entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi pour les sénateurs de la série 2, en 2014, et pour les sénateurs de la série 1, en 2017. Cette option pourrait donc manquer de visibilité pour les citoyens qui verraient certains sénateurs contraints de renoncer à un mandat en raison de l’incompatibilité constatée avec un autre mandat, tandis que d’autres sénateurs et les députés pourraient continuer de cumuler leur fonction avec une fonction exécutive locale sur une plus longue période.

3.5.3. Option 3 : entrée en vigueur pour l’ensemble des parlementaires le 31 décembre 2016

Il serait également possible de choisir une date unique d’entrée en vigueur pour l’ensemble des mandats.

Afin d’éviter que des élections partielles n’interviennent, compte tenu des inconvénients qui ont été soulignés supra, il conviendrait de fixer cette date entre septembre 2016 (début de la période d’un an pour les sénateurs) et le renouvellement de l’Assemblée nationale. En effet, les dispositions des articles LO. 178 et LO. 322 du code électoral excluent que des élections partielles soient organisées dans l’année qui précède le renouvellement général de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Toutefois, compte tenu de la date d’entrée en vigueur des dispositions relatives au remplacement, fixée par le projet de loi organique au prochain renouvellement de l’Assemblée nationale et de la série 1 du Sénat, les sièges des parlementaires qui décideraient d’opter pour leur fonction exécutive locale resteraient donc vacants d’ici au prochain renouvellement de chaque assemblée.

Cette situation, dont l’ampleur n’est pas possible à estimer, puisqu’elle dépend du résultat des prochaines élections locales et des choix personnels des parlementaires pourrait conduire à ce qu’un nombre important de sièges restent vacant, en janvier 2017, juin et septembre 2017.

La conséquence de ce choix serait la vacance de certains sièges à l’Assemblée nationale et au Sénat, entre le 31 janvier 2017 – date limite fixée pour l’exercice de l’option - et le renouvellement des deux chambres. Dès lors, cette option comporte le risque, en cas d’option des parlementaires concernés pour leurs fonctions exécutives locales, d’un nombre imprévisible, éventuellement élevé, de vacances au sein de chacune de ces assemblées pendant une fraction significative de la durée de leurs mandats respectifs.

Cette hypothèse d’un nombre anormalement élevé de sièges vacants dans les deux assemblées n’a semblée compatible ni avec le droit de suffrage et le principe de l’exercice de la souveraineté nationale par les représentants du peuple consacrés par l’article 3 de la Constitution, ni avec les exigences de continuité du fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels.

3.5.4. Option retenue : entrée en vigueur au premier renouvellement de l’Assemblée Nationale et du Sénat suivant le 31 mars 2017

Les dispositions entreraient en vigueur pour chaque mandat parlementaire la même année, ce qui aurait l’avantage de la lisibilité pour les parlementaires et pour les citoyens. Les dispositions seraient donc applicables aux députés lors du renouvellement de l’Assemblée nationale en juin 2017 et aux sénateurs des deux séries en septembre 2017. Cette date permet que les nouvelles règles relatives au remplacement permettent de pourvoir les sièges ainsi laissés vacants dans le cas de la démission de leur titulaire.

Le choix opéré est d’aligner la date de l’entrée en vigueur de la limitation du cumul des mandats sur celle de la nouvelle règle de remplacement par le suppléant, en prévoyant que l’ensemble de la loi organique s’appliquerait à tout parlementaire à compter du premier renouvellement de l’assemblée à laquelle il appartient suivant le 31 mars 2017, c’est-à-dire en juin 2017 pour les députés, et en septembre 2017 pour les sénateurs.

La référence au 31 mars 2017 permet de garantir que l’ensemble des sénateurs seront soumis aux nouvelles incompatibilités à compter de la même date.

IV. Impact de la loi

4.1. Impact juridique

Les modifications des règles de cumul nécessitent la création d’un nouvel article LO. 141-1 dans le code électoral. Alors que l’article LO. 141 du code électoral pose le principe de l’interdiction du cumul entre le mandat de parlementaire et l’exercice de plus d’un des mandats suivants : conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d'une commune d'au moins 3 500 habitants, le nouvel article L.O. 141-1 interdit tout cumul entre le mandat de député et les fonctions de responsabilités exécutives locales ou de présidence d’assemblées délibérantes les plus importantes. Par renvoi, ces nouvelles interdictions seront applicables aux sénateurs (article LO. 297 du code électoral).

Par coordination, les dispositions de l’article L.O. 151 sont modifiées afin que les modalités par lesquelles il est mis fin à la situation d’incompatibilité soient aussi applicables aux parlementaires exerçant une fonction exécutive locale.

Le projet de loi modifie également les règles relatives au remplacement des députés et des sénateurs en prévoyant qu’en cas de démission pour cause de cumul, les députés et les sénateurs seront remplacés par leurs suppléants. Ce changement implique une modification des articles L.O. 176 et L.O. 178 du code électoral pour les députés et L.O. 319 et L.O 322 pour les sénateurs.

4.2. Impact en termes de parité

Le projet de loi organique n’a pas d’impact direct sur la parité.

En effet, les règles en matière de cumul n’entrainent aucune conséquence en matière de parité.

S’il n’existe pas pour les députés et les sénateurs de règles imposant que le candidat et son remplaçant soient de sexe différent, contrairement aux dispositions applicables depuis 2007 aux conseillers généraux, le projet de loi organique aura potentiellement un impact indirect positif sur la féminisation du personnel politique.

En 2012, 26,9% des députés sont des femmes et c'est le cas de 21,8% de sénateurs. Deux femmes seulement sont présidentes de conseil régional (7,4% des présidents), et six femmes de conseil général (soit 5,9% de l'ensemble des présidents). La limitation du cumul d'un mandat de député ou sénateur avec une fonction dans un exécutif local permettra un renouvellement du personnel politique, qui pourra être saisi par les partis comme une occasion de favoriser une meilleure représentation des femmes.

IV.3. Impact financier

En l’état actuel du droit, les dispositions n’ont pas d’impact financier : elles sont sans effet sur le montant global des indemnités que les collectivités et les EPCI devront verser, le montant théorique de l’indemnité de fonction restant inchangé ainsi que le nombre de fonctions électives à pourvoir.

Sur les conséquences liées à l’application de démissions dues aux cas de cumul énoncés, l’effet devrait être nul, la loi organique prévoyant le remplacement de ceux-ci et non une nouvelle élection partielle. En outre, l’application progressive du cumul à des mandats futurs, au fur et à mesure du renouvellement des différentes assemblées, devrait permettre d’éviter un nombre important de démissions.

V. Modalités d’application de la réforme

5.1. Application dans le temps

Le choix opéré est d’aligner la date de l’entrée en vigueur de la limitation du cumul des mandats sur celle de la nouvelle règle de remplacement par le suppléant, en prévoyant que l’ensemble de la loi organique s’appliquerait à tout parlementaire à compter du premier renouvellement de l’assemblée à laquelle il appartient suivant le 31 mars 2017, c’est-à-dire en juin 2017 pour les députés, et en septembre 2017 pour les sénateurs.

La référence au 31 mars 2017 permet de garantir que l’ensemble des sénateurs seront soumis aux nouvelles incompatibilités à compter de la même date

V.2. Application dans l’espace

Les dispositions de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République.

V.3. Consultations

L’article 74 de la Constitution pose le principe de la consultation des institutions de chacune des collectivités d’outre-mer qu’il régit sur les projets de loi comportant des dispositions particulières à cette collectivité et renvoie à la loi organique statutaire le soin de préciser les modalités de cette consultation.

 En l’espèce, le projet de loi organique comporte des dispositions qui adaptent à la spécificité de l’organisation administrative de chaque collectivité de l’article 74 le principe en vertu duquel l’exercice de responsabilités exécutives locales ou de présidence d’assemblées délibérantes ne peut être cumulé avec un mandat parlementaire. Le principe de l’interdiction de ce type de cumul est le même sur l’ensemble du territoire de la République ; il suppose néanmoins, pour s’appliquer outre-mer, que des dispositions particulières soient prises pour l’adapter à chacune de ces collectivités, dotées d’institutions propres.

La mise en œuvre du principe d’incompatibilité avec l’exercice de responsabilités exécutives locales ou de présidence d’assemblées délibérantes des collectivités d’outre-mer appelant une réflexion spécifique pour ces collectivités, le Gouvernement a consulté les collectivités d’outre-mer.

Par ailleurs, le V de l’article L. 4422-16 du CGCT prévoit que « l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. » La collectivité territoriale de Corse étant dotée d’institutions propres, le projet de loi organique comporte une disposition propre à cette collectivité pour y décliner le principe de l’incompatibilité. Le Gouvernement a donc également consulté l’Assemblée de Corse.

V.4 Textes d’application

Le présent projet de loi organique est accompagné d’un projet de loi ordinaire relatif aux incompatibilités applicables aux mandats parlementaires.

1 http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r0909.asp

2 http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r2844.asp#P213_10922

3 http://www.commission-rdvp.gouv.fr/

4 Proposition n°48 du programme de campagne de M. Hollande (2012) : « Je ferai voter une loi sur le non-cumul des mandats »

5 Cf. proposition de loi relative à la limitation du cumul des mandats enregistrée à l’Assemblée nationale le 5 février 2009

6 Cf. proposition de loi organique visant à réformer les incompatibilités parlementaires enregistrée à l’Assemblée nationale le 24 juillet 2012

7 Cf. articles L. 2721-2 et L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales


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