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PROJET DE LOI

relatif à la transparence de la vie publique

NOR : PRMX1309699L/Bleue-1

ETUDE D’IMPACT

24 avril 2013

SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE : LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE ET LA PREVENTION DES CONFLITS D’INTERETS 7

I. La transparence financière 7

I.1. La déclaration de situation patrimoniale (articles 3, 4 et 10 et 11 du projet de loi) 7

I.1.1. Etat du droit 7

I.1.2. Champ d’application du dispositif juridique proposé 9

I.1.3. Les exigences liées à la déclaration de situation patrimoniale 9

I.1.4. Règles de publicité 10

I.2. La vérification de la situation fiscale des membres du Gouvernement (article 8 du projet de loi) 11

II. La prévention des conflits d’intérêts 11

II.1. La définition des conflits d’intérêts (article 2 du projet de loi) 12

II.1.1. Etat du droit 12

II.1.2. Evolution juridique proposée 13

II.2. La déclaration d’intérêts (articles 3, 4, 9, 10 et 11 du projet de loi) 14

II.2.1. Etat du droit 14

II.2.2. Evolution juridique proposée 14

II.2.3. Champ d’application 15

II.2.4. Le dispositif de déclaration 15

II.2.5. Règles de publicité 15

II.3. Les règles de déport (article 2 du projet de loi) 16

II.3.1. Etat du droit 16

II.3.2. Evolution juridique proposée 16

II.3.3. Champ d’application et règles mises en place 17

II.4. La gestion sous mandat des instruments financiers (article 7 du projet de loi) 17

II.4.1. Le projet de loi instaure un dispositif de mandat de gestion sans droit de regard pour certains intérêts financiers des hauts responsables les plus exposés. 17

II.4.2. Incidences de la réforme 18

II.5. La position des fonctionnaires investis d’un mandat parlementaire (article 16 du projet de loi) 18

II.6. La protection des lanceurs d’alerte (article 17 du projet de loi) 19

III. Les modalités de contrôle 19

III.1. Le droit existant : la Commission de la transparence financière de la vie politique 19

III.2. Justification de la mesure proposée 22

III.3. La Haute autorité de la transparence de la vie publique 22

III.3.1. Composition et règles déontologiques des membres (articles 12 et 21 du projet de loi) 22

III.3.2. Compétences (articles 4, 6, 8, 13, 14 et 15 du projet de loi) 23

III.3.3. Modalités de saisine (articles 13 et 15 du projet de loi) 26

III.4. Des pouvoirs étendus (articles 5, 9, 13 et 15 du projet de loi) 27

III.4.1. Les pouvoirs d’investigation 27

III.4.2. Les pouvoirs d’injonction 28

III.4.3. La transmission au procureur de la République 28

III.4.4. Mesures de publicité et d’information 29

IV. Des sanctions pénales aggravées 29

IV.1. Création d’une peine d’inéligibilité définitive réprimant les infractions d’atteinte à la probité, de fraude électorale et de fraude fiscale (article 19 du projet de loi) 29

IV.1.1. Etat du droit 29

IV.1.2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis par le projet de loi 29

IV.2. Aggravation des sanctions en cas de non-respect des obligations créées en matière de déclarations de patrimoine et d’intérêts et d’attestation mensongère d’un membre du Gouvernement (article 18 du projet de loi) 30

IV.2.1. Etat du droit 30

IV.2.2. Nécessité de légiférer 31

IV.2.3. Objectifs poursuivis par le projet de loi 31

IV.3. Aggravation des sanctions concernant les situations de « pantouflage » et élargissement des personnes assujetties (article 20 du projet de loi) 32

IV.3.1. Etat du droit 32

IV.3.2. Nécessité de légiférer 33

IV.3.3. Objectifs poursuivis par le projet de loi 33

DEUXIEME PARTIE : MODALITES D’APPLICATION 34

I. Application Outre-mer 34

I.1. Collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution 34

I.2. Collectivités relevant de l’article 74 et Nouvelle-Calédonie 34

I.2.1. Les dispositions relatives à la transparence de la vie publique (chapitre 1er) 34

I.2.2. Les dispositions pénales du chapitre 2 35

II. Textes d’application 35

III. Entrée en vigueur 36

TROISIEME PARTIE : CONSULTATIONS 37

Introduction

À la suite de l’intervention du Président de la République du 3 avril 2013, le Premier ministre, lors du conseil des ministres du 10 avril, a présenté une communication sur la transparence de la vie publique et le renforcement des moyens de lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux. Il a annoncé à cette occasion un projet de loi organique et un projet de loi visant, conformément à la demande du Président de la République, « à s’attaquer à la racine de la défiance de l’opinion, qui demande des garanties sur l’intégrité de ceux qui exercent des responsabilités politiques, et une plus grande efficacité dans la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale ».

Délibérés en conseil des ministres le 24 avril 2013, le présent projet de loi relatif à la transparence de la vie publique et le projet de loi organique de même intitulé qui l’accompagne, d’une part, et le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, d’autre part, ont pour ambition de répondre à ce double objectif.

Le présent projet de loi, pour ce qui le concerne, prévoit des dispositions visant à assurer la transparence de la vie publique et la prévention des conflits d’intérêts dans la sphère publique.

PREMIERE PARTIE : LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE ET LA PREVENTION DES CONFLITS D’INTERETS

L’article 1er du présent projet de loi rappelle les principes fondamentaux de dignité, de probité et d’impartialité qui doivent guider les membres du Gouvernement, les élus locaux et toute personne chargée d’une mission de service public. Cet article tend également à obliger ces trois catégories de personnes à prévenir ou, le cas échéant, à faire cesser sans délai les situations de conflits d’intérêts.

I. La transparence financière

1.1. La déclaration de situation patrimoniale (articles 3, 4 et 10 et 11 du projet de loi)

1.1.1. Etat du droit

La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, loi fondatrice modifiée par la loi du 19 janvier 1995, la loi du 8 février 1995, la loi du 4 janvier 1996 et, en dernier lieu, par la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, a institué un mécanisme permettant d’apprécier l’évolution de la situation patrimoniale des membres du Gouvernement et des principaux élus politiques, ainsi que des principaux dirigeants d’organismes publics, en vue d’assurer une plus grande transparence financière de la vie politique.

Le dispositif vise à assurer que les personnes concernées n’ont pas bénéficié d’un enrichissement anormal du fait de leurs fonctions. Chacune de ces personnes se trouve ainsi soumise à l’obligation de déposer, auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique instituée par l’article 3 de la loi du 11 mars 1988 (cf. infra), une déclaration de situation patrimoniale.

Pour les membres du Gouvernement (article 1er de la loi du 11 mars 1988), la déclaration de situation patrimoniale est due au moment de leur entrée en fonction, d’une part, et dans les deux mois suivant la cessation de leurs fonctions, d’autre part, ainsi que, pendant l’exercice de leurs fonctions, lors de toute modification substantielle de leur patrimoine, chaque fois qu’ils le jugent utile. Jusqu’à présent, ces déclarations n’étaient pas rendues publiques.

L’obligation de déclaration de situation patrimoniale est également due par les principaux élus politiques (visés par le I de l’article 2 de la loi du 11 mars 1988) :

- en premier lieu, les représentants français au Parlement européen, présidents de conseil régional, d’un département, de Mayotte ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, président de l’Assemblée de Corse, président du conseil exécutif de Corse, présidents d’une assemblée territoriale d’outre-mer, présidents de conseil général, présidents élus d’un exécutif d’un territoire d’outre-mer, maires d’une commune de plus de 30 000 habitants ou présidents élus d’un groupement de communes doté d’une fiscalité propre dont la population excède 30 000 habitants ;

- en second lieu, les conseillers régionaux, conseillers exécutifs de Corse, conseillers généraux des départements, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, lorsqu’ils sont titulaires respectivement d’une délégation de signature du président du conseil régional, du président du conseil exécutif, du président du conseil général ou du maire.

Les intéressés sont tenus de déposer leur déclaration dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonction et deux mois au plus avant la date normale d’expiration de leur mandat ou de leur fonction ou, en cas de démission, de révocation ou de dissolution de l’assemblée qu’ils président dans les deux mois qui suivent la fin de leurs fonctions, ainsi que, pendant l’exercice de leur mandat ou de leurs fonctions, lors de toute modification substantielle de leur patrimoine, chaque fois qu’ils le jugent utile.

L’obligation de déclaration de situation patrimoniale est également applicable aux présidents et aux directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public (suivant la liste fixée par le II de l’article 2 de la loi du 11 mars 1988) :

1°- des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue directement par l’Etat ;

2°- des établissements publics de l’Etat à caractère industriel et commercial ;

3°- des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, séparément ou ensemble, par les personnes susmentionnées aux 1° et 2° et dont le chiffre d’affaires annuel au titre du dernier exercice clos avant la date de nomination des intéressés est supérieur à 10 millions d’euros ;

4°- des offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 421-1 du code de la construction et de l’habitation gérant un parc comprenant plus de 2 000 logements au 31 décembre de l’année précédant celle de la nomination des intéressés ;

5°- des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, autres que celles mentionnées aux 1° et 3°, dont le chiffre d’affaires annuel, au titre du dernier exercice clos avant la date de nomination des intéressés, dépasse 750 000 €, dans lesquelles les collectivités territoriales, leurs groupements ou toute autre personne mentionnée aux 1° à 4° détiennent, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital social ou qui sont mentionnées au 1° de l’article L. 1525-1 du code général des collectivités territoriales.

Aucune nouvelle déclaration n’est exigée de toute personne qui a établi depuis moins de six mois une déclaration de sa situation patrimoniale.

Le champ d’application de la loi du 11 mars 1988 n’inclut toutefois pas les parlementaires, qui sont assujettis à des dispositions spécifiques prévues par une loi organique (articles LO. 135-1 et LO. 297 du code électoral). Ces dispositions fixent les conditions dans lesquelles les députés et les sénateurs doivent déposer auprès de la Commission pour la transparence de la vie financière de la vie politique une déclaration de situations patrimoniale certifiée sur l’honneur comme étant sincère et exacte.

1.1.2. Champ d’application du dispositif juridique proposé

Les articles 3, 10 et 11 du présent projet de loi définissent les conditions dans lesquelles seront déposées les déclarations de situation patrimoniale des principaux dirigeants de la sphère publique et les personnes auxquelles cette obligation incombera.

Par rapport au droit existant, le champ d’application de l’obligation se trouvera ainsi élargi. Seront en effet concernés :

– d’une part, comme ils le sont déjà, les membres du Gouvernement (article 3) et les autres personnes, susmentionnées, que vise actuellement la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique modifiée : représentants français au Parlement européen, titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, et présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public (article 10, I, 1° et 2°, et II).

En pratique, on dénombre 74 représentants français au Parlement européen, 300 conseillers régionaux, 1 180 conseillers généraux, 261 maires des communes de plus de 30 000 habitants, 720 adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, ainsi que 876 dirigeants de sociétés d’économie mixte (SEM), 443 dirigeants d’offices publics de l’habitat et 1 328 dirigeants d’établissements industriels et commerciaux et de sociétés nationales1 ;

– d’autre part, désormais (article 10, I, 3° à 5°) :

- les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du président de la République ;

- les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;

- les personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement qui ont été nommées en conseil des ministres.

Cette extension, en pratique, touchera près de 1 600 personnes (600 membres des cabinets ministériels, environ 260 présidents et membres d’autorités administratives indépendantes et 700 personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement), de sorte que le dispositif, dans son ensemble, concernera plus de 7 000 responsables publics.

1.1.3. Les exigences liées à la déclaration de situation patrimoniale

• Pour les membres du Gouvernement, la déclaration de situation patrimoniale devra être déposée (article 3, I) :

- en premier lieu, dans les huit jours suivant leur nomination ;

- en second lieu, à l’occasion de tout changement substantiel de leur patrimoine au cours de l’exercice de leurs fonctions, dans les huit jours ;

- en dernier lieu, dans les huit jours qui suivront la cessation de celles-ci.

Cette déclaration sera à transmettre au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, instituée par l’article 12 du projet de loi (cf. infra). La déclaration devra comporter la totalité des biens propres, ainsi que ceux de la communauté ou les biens réputés indivis.

• Pour les représentants français au Parlement européen, les titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, les membres de cabinet ministériel ou collaborateurs du Président de la République, les membres d’autres autorités administratives indépendantes et les titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres et les et présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public, une déclaration devra être établie (article 10) :

- tout d’abord, dans les deux mois suivant leur entrée en fonction ;

- ensuite, à l’occasion de toute modification substantielle de leur situation patrimoniale.

Les représentants français au Parlement européen et les titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes sont également tenus à une telle déclaration deux mois au plus avant la date normale d’expiration de leurs mandat ou fonctions ; les membres d’autres autorités administratives indépendantes, les titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres et les et présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public le sont quant à eux, au plus tard, deux mois après la date d’expiration de leur mandat ou fonctions.

• Dans tous les cas, la déclaration devra être certifiée exhaustive, exacte et sincère par les intéressés, obligation nouvelle par rapport au droit existant (article 3, premier alinéa, et article 10, 1er alinéa). Une attestation sur l’honneur est en outre exigée des membres du Gouvernement (article 3, III).

S’agissant des présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public, susmentionnés, que vise le II de l’article 10 du projet de loi :

- d’une part, leur nomination sera subordonnée, le cas échéant, à la justification du dépôt de la déclaration patrimoniale exigible lors de la cessation de leurs fonctions précédentes ;

- d’autre part, cette nomination sera considérée comme nulle si, à l’issue du délai de deux mois, la déclaration prévue lors de l’entrée en fonction n’a pas été transmise à la Haute autorité de la transparence de la vie publique.

1.1.4. Règles de publicité

L’article 4 du projet de loi prévoit que la déclaration de situation patrimoniale des membres du Gouvernement fait l’objet d’une publication par la Haute autorité de la transparence de la vie publique, dans les trois semaines suivant la réception des éléments transmis par l’administration fiscale (cf. infra). Cette publicité n’est pas prévue, actuellement, par le dispositif défini par la loi du 11 mars 1988.

Le III de l’article 4 précise, à des fins de protection de la vie privée des tiers notamment, les éléments qui ne pourront pas être rendus publics dans ce cadre. Dans le même esprit, le IV de l’article 4 a pour objet de rendre non communicables les documents élaborés ou détenus par la Haute autorité dans le cadre de l’application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

Le principe de publication des déclarations de situation patrimoniale est également applicable aux titulaires de fonctions exécutives locales visés par le projet de loi, dans les limites qui seront fixées par le III de l‘article 4 (article 11).

Ces personnes seront les seules, parmi celles concernées par l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale, pour lesquelles cette déclaration sera rendue publique.

1.2. La vérification de la situation fiscale des membres du Gouvernement (article 8 du projet de loi)

L’article 8 du projet de loi érige au niveau législatif le principe suivant lequel chaque membre du Gouvernement, dès sa nomination, fait l’objet d’une vérification de sa situation fiscale. Ce contrôle sera désormais placé sous le contrôle de la Haute autorité de la transparence de la vie publique (cf. infra).

Jusqu’à présent, les membres du Gouvernement faisaient l’objet d’un examen systématique de leur dossier par l’administration fiscale suite à leur nomination, conformément à une tradition républicaine. Cet examen s’apparentait à un contrôle sur pièces (du bureau) mais sans échanges de pièces de procédure écrites ni garanties et voies de recours pour les intéressés. Naturellement, les intérêts de retard et les pénalités éventuelles étaient appliqués conformément au droit commun.

L’article 8 permettra la transmission à la Haute autorité de la transparence de la vie publique du résultat des contrôles des membres du Gouvernement à la suite de leur nomination. Les intéressés seront contrôlés selon les modalités de droit commun prévues par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales. Ils bénéficieront des garanties attachées à ces procédures.

II. La prévention des conflits d’intérêts

Même si la prévention des conflits d’intérêts et, plus largement, la déontologie publique supposent une démarche de terrain appuyée sur des codes et chartes de déontologie adaptés aux spécificités de chaque administration ou organisme public, le Gouvernement a fait le choix d’inscrire dans la loi un certain nombre de mécanismes destinés à y concourir.

Ces mécanismes ne sont pas étrangers à notre droit positif, et sont présents dans un grand nombre de pays membres de l’OCDE. Ils visent à doter les responsables publics, et tout particulièrement ceux qui se trouvent investis des responsabilités les plus élevées, des moyens juridiques adéquats pour prévenir les conflits d’intérêts.

2.1. La définition des conflits d’intérêts (article 2 du projet de loi)

2.1.1. Etat du droit

a) La situation française

• La définition juridique du conflit d’intérêts s’avère encore fragmentaire

La notion de conflit d’intérêts est une notion large et non définie, qui se caractérise par son imprécision et n’est pas définie par un texte législatif en droit français. À cet égard, la première difficulté à surmonter dans l’élaboration d’une véritable politique de prévention des conflits réside dans le caractère imprécis et fragmenté de la notion, qui n’a fait l’objet que récemment de tentatives de définition au niveau international.

Néanmoins, de nombreuses règles existent d’ores et déjà dans notre droit, qu’elles soient de nature pénale ou déontologique. Plusieurs textes fondamentaux participent déjà à la lutte contre les conflits d’intérêts.

Pour les fonctionnaires, l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires proscrit les liens directs ou indirects de nature à compromettre l’impartialité de l’agent. De même, les dispositions législatives applicables aux organismes intervenant en matière de santé publique mentionnent généralement un intérêt « de nature à compromettre l’indépendance » ou l’impartialité de la personne concernée, en écho au statut général des fonctionnaires, autorisant ainsi une modulation dans l’appréciation des intérêts en cause.

• Des propositions pour une définition synthétique ont récemment été avancées

La commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, instituée par le décret n° 2010-1072 du 10 septembre 2010 et présidée par M. Jean-Marc Sauvé, a défini la notion de conflits d’intérêts comme « une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions2 ».

La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, créée par décret le 16 juillet 2012 du président de la République et présidée par M. Lionel Jospin, a proposé pour sa part une définition du conflit d’intérêts qui présente celui-ci comme « une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d ‘une fonction3 ».

Pour sa part, le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, déposé le 27 juillet 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale, comportait une définition implicite du conflit d’intérêts, conçu comme « la situation dans laquelle le responsable public estime, en conscience, que son impartialité pourrait être mise en doute4 ».

b) Eléments de droit comparé

L’OCDE a défini la notion de conflits d’intérêts, dans les lignes directrices de son rapport annuel pour 2005, comme « un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ». Le Canada, dans la loi sur les conflits d’intérêts de 2006, a estimé que le conflit d’intérêts correspond à la situation dans laquelle le titulaire d’une charge publique exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.

2.1.2. Evolution juridique proposée

Le Gouvernement a fait le choix de retenir la définition précitée proposée par la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, comme étant une définition objective et, à la fois, la plus large parmi celles qui ont récemment été proposées. Ainsi, l’article 2 du présent projet de loi dispose que « constitue un conflit d’intérêts une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Cette définition par la loi de la notion de conflits d’intérêts permettra de sécuriser la notion et de donner une base juridique solide à la politique de prévention des conflits d’intérêts. Concrètement, la définition recouvre deux types de situations : d’une part, le conflit entre un intérêt privé et un intérêt public ; d’autre part, le conflit entre deux intérêts publics.

2.2. La déclaration d’intérêts (articles 3, 4, 9, 10 et 11 du projet de loi)

2.2.1. Etat du droit

Actuellement, les déclarations d’intérêts ne sont obligatoires que dans certains secteurs, principalement celui de la santé publique et au sein des autorités administratives indépendantes. La portée de l’obligation et les modalités de déclaration sont variables selon les secteurs et les organismes.

Jusqu’à présent, la loi n’imposait pas aux membres du Gouvernement de souscrire des déclarations d’intérêts ou d’activités.

En revanche, plusieurs autorités administratives indépendantes se sont dotées de règles relatives à la prévention des conflits d’intérêts, sans toutefois systématiser le recours à la déclaration d’intérêts. Par exemple, l’Autorité des marchés financiers (AMF), par le biais de son règlement général et de son règlement intérieur, impose à toute personne recrutée dans ses services de déclarer tout compte d’instruments financiers, exige la cessation de toute transaction. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), quant à elle, insère des obligations déontologiques dans les contrats de travail. Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 39 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, celui-ci « établit et rend publics un règlement intérieur et un code de déontologie qui lui sont applicables, ainsi qu'à ses adjoints, aux autres membres des collèges, à ses délégués et à l'ensemble des agents placés sous son autorité. »

D’une façon générale, les devoirs de neutralité et d’impartialité, qui sont ceux de toutes les autorités administratives, s’appliquent naturellement à leurs membres. Ces derniers doivent veiller, en outre, à ne pas se trouver dans une situation de conflit d’intérêt qui pourrait se voir pénalement et disciplinairement sanctionnée, ni même dans une situation apparente de conflits d’intérêts.

2.2.2. Evolution juridique proposée

Les articles 3 et 10 du projet de loi prévoient une déclaration, faisant apparaître les intérêts détenus à la date de l’entrée en fonction de l’intéressé ou acquis au cours des trois ans précédant cette date, à déposer par les membres du Gouvernement et les autres principaux responsables de la sphère publique soumis à l’obligation de déposer une déclaration de patrimoine.

Cette innovation juridique, qui généralisera les règles dont se sont d’ores et déjà dotées certaines autorités administratives indépendantes, constituera une garantie supplémentaire pour la politique de prévention des conflits d’intérêts mise en place par le Gouvernement. Son efficacité sera assurée par le mécanisme de contrôle assuré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, créée par l’article 12 du projet de loi (cf. infra).

2.2.3. Champ d’application

L’article 3 du projet de loi prévoit l’obligation de déclaration d’intérêts pour les membres du Gouvernement.

L’article 10 généralise cette obligation pour les représentants français au Parlement européen, les titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, les membres de cabinet ministériel ou collaborateurs du Président de la République, les membres d’autres autorités administratives indépendantes, les titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres, ainsi que les présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public.

2.2.4. Le dispositif de déclaration

La déclaration d’intérêts devra être établie et déposée :

- pour les membres du Gouvernement, dans les huit jours suivant leur nomination, puis en cas de modification substantielle de la situation de leurs intérêts dans les huit jours de cette modification. Cette déclaration est transmise à la Haute autorité et au Premier ministre ;

- pour les autres personnes concernées, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonction puis, de même, en cas de modification substantielle de la situation de leurs intérêts. Cette déclaration est transmise à la Haute autorité et, s’agissant des membres des cabinets ministériels, des membres des AAI et des personnes nommées en conseil des ministres à la décision du Gouvernement au président de l’AAI concernée ou à leur autorité hiérarchique. Elle est adressée par les dirigeants d’entreprises publiques à leur ministre de tutelle.

Comme la déclaration de patrimoine, la déclaration d’intérêts devra être certifiée exhaustive, exacte et sincère par les intéressés (article 3, premier alinéa, et article 10, 1er alinéa) ; une attestation sur l’honneur est exigée des membres du Gouvernement (article 3, III) ; elle sera établie sur un document distinct des déclarations de patrimoine et d’intérêts.

2.2.5. Règles de publicité

L’article 4 du projet de loi prévoit que la déclaration d’intérêts des membres du Gouvernement fait l’objet d’une publication par la Haute autorité de la transparence de la vie publique, concomitamment à la publication de leurs déclarations de patrimoine (cf. infra). Comme pour la déclaration de patrimoine, le III de l’article 4 précise, à des fins de protection de la vie privée des tiers notamment, les éléments qui ne pourront être rendus publics dans ce cadre et, dans le même esprit, le IV de l’article 4 complète la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 afin de rendre non communicables au public les documents élaborés ou détenus par la Haute autorité.

Dans tous les autres cas où une déclaration d’intérêts est exigée, le principe de la publication s’appliquera également, suivant des modalités et dans les limites qui seront fixées par décret en Conseil d’Etat (article 11).

2.3. Les règles de déport (article 2 du projet de loi)

2.3.1. Etat du droit

Certaines autorités administratives indépendantes mettent d’ores et déjà en œuvre des règles de déport. Le droit n’est cependant pas uniforme dans ce domaine.

Ainsi, à titre d’exemple, l’article L.612-10 du code monétaire et financier prévoit que tout membre du collège ou de la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel doit informer le président de l’Autorité de contrôle prudentiel : « 1° Des intérêts qu’il a détenus au cours des deux ans précédant sa nomination, qu’il détient ou qu’il vient à détenir ; 2° Des fonctions dans une activité sociale, économique ou financière qu’il a exercées au cours des deux années précédant sa nomination, qu’il exerce ou vient à exercer ; 3° De tout mandat au sein d’une personne morale qu’il a détenu au cours des deux années précédant sa nomination, qu’il détient ou vient à détenir. Ces informations, ainsi que celles concernant le président, sont tenues à la disposition des membres du collège et de la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel. Aucun membre du collège ou de la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel ne peut délibérer ou participer aux travaux de ceux-ci, dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat, ou dont il est l’avocat ou le conseil, a un intérêt

L’Autorité de régulation des jeux en ligne (AEREL), créée par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, met également en œuvre des règles de déport. Ainsi, « aucun membre de l’Autorité de régulation des jeux en ligne ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même, un membre de son entourage direct ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a eu un intérêt ou représenté une partie intéressée au cours de la même période. Le mandat de membre de l’Autorité de régulation des jeux en ligne est incompatible avec l’exercice d’un mandat électif national et avec toute fonction exercée dans le cadre d’une activité économique ou financière en relation avec le secteur des jeux d’argent et de hasard. Les membres et le personnel de l’Autorité de régulation des jeux en ligne ne peuvent engager à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur des jeux ou paris proposés par des opérateurs de jeux ou de paris en ligne » (article 36, II, de la loi du 12 mai 2010).

2.3.2. Evolution juridique proposée

L’article 2 du présent projet de loi organise des règles de déport, pour le cas où les membres du Gouvernement ou d’autres parmi les principaux responsables de la sphère publique estimeraient se trouver dans une situation de conflit d’intérêts.

Le projet de loi ne se contente pas de rappeler aux responsables publics qu’ils ne peuvent prendre part au traitement d’une affaire lorsqu’ils estiment que leur impartialité pourrait être mise en doute, en raison des intérêts de toute nature qu’ils détiennent. Il offre à ces responsables publics les moyens de mieux prévenir ces situations, en sécurisant juridiquement le recours à l’abstention ou à la suppléance. Plusieurs mécanismes sont mis en place, selon les personnes concernées.

2.3.3. Champ d’application et règles mises en place

Les règles de déport prévues s’appliqueront :

- aux membres du Gouvernement, dans des conditions qui seront fixées par décret (article 2, 1°) ;

- aux membres des collèges d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, qui devront s’abstenir de siéger s’ils s’estiment en situation de conflit d’intérêts (article 2, 2°). Dans ce cas, les règles de suppléance seront applicables  pour les personnes qui exercent des compétences propres au sein de ces autorités ;

- aux personnes titulaires de fonctions exécutives locales, qui seront alors suppléées (sous réserve des exceptions prévues au 2e alinéa de l’article 432-12 du code pénal) par leur délégataire, auquel elles devront s’abstenir d’adresser des instructions (article 2, 3°) ;

- plus généralement, aux personnes travaillant dans la sphère publique : celles qui ont reçu délégation de signature devront s’abstenir d’en user (article 2, 4°) ; celles qui se trouvent placées sous l’autorité d’un supérieur hiérarchique devront le saisir, en cas de risque lié à un conflit d’intérêts, de sorte que le supérieur hiérarchique puisse apprécier s’il y a lieu de confier le dossier ou la décision en cause à une autre personne (article 2, 5°).

2.4. La gestion sous mandat des instruments financiers (article 7 du projet de loi)

2.4.1. Le projet de loi instaure un dispositif de mandat de gestion sans droit de regard pour certains intérêts financiers des hauts responsables les plus exposés.

Afin de protéger les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique de tout soupçon de conflit d’intérêts en matière économique et financière, le projet de loi érige au niveau législatif le principe selon lequel les instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique doivent être gérés dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part, pendant la durée de leurs fonctions. Un décret en Conseil d’Etat fixera les conditions d’application du dispositif. Il précisera en particulier le périmètre des éléments du patrimoine financier concernés.

Il a paru justifié de n’imposer cette obligation très contraignante qu’aux membres du Gouvernement et des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique : pour les autres agents publics, cette restriction à leur liberté de gérer leur patrimoine serait disproportionnée avec l’objectif poursuivi par le projet de loi.

Par ailleurs, la rédaction retenue laisse aux intéressés le choix entre détenir des instruments financiers qui ne sont, par nature, pas générateurs de conflits d’intérêts (placements non « dédiés ») ou, dans le cas contraire, confier leur gestion à un tiers sans droit de regard.

2.4.2. Incidences de la réforme

a) Incidences pour les responsables publics dans le champ

La principale mesure nouvelle susceptible d’avoir un impact sur les responsables publics sera l’obligation d’un mandat de gestion pour les responsables de certaines autorités administratives indépendantes, les membres du Gouvernement étant déjà soumis à cette obligation en vertu d’instructions émanant du Premier ministre. S’agissant des conditions de gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique, le choix retenu est de cibler cet encadrement sur les éléments de patrimoine financier susceptibles d’interférer avec l’exercice des fonctions. Ce choix permettra de protéger les personnes concernées, tout en limitant la contrainte qui leur est imposée. Le décret en Conseil d’Etat qui fixera les conditions d’application de l’article législatif permettra de préciser le périmètre concerné.

b) Modalités de mise en œuvre

Un décret en Conseil d’Etat fixera les conditions d’application du dispositif et définira en particulier les autorités administratives indépendantes concernées et le périmètre des instruments financiers pertinents, au regard des risques de conflits d’intérêts qu’ils présentent.

2.5. La position des fonctionnaires investis d’un mandat parlementaire (article 16 du projet de loi)

Le projet de loi, dans son article 16, vise à modifier les termes prévus dans les statuts généraux des trois fonctions publiques, en prévoyant la mise en disponibilité d’office, pendant la durée du mandat, du fonctionnaire investi d’un mandat de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen.

Il s’agit, par cette disposition, de préserver un équilibre entre les parlementaires issus du secteur privé, pour lesquels le projet de loi organique prévoit une extension des incompatibilités professionnelles, et ceux qui ont la qualité de fonctionnaire. Ces derniers ne seront plus en service détaché (lequel leur garantit la poursuite de leur avancement dans leur corps d’origine pendant la durée du détachement). Cette évolution de la position statutaire des fonctionnaires, qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2014, est de nature à renforcer l’indépendance des parlementaires concernés à l’égard de la fonction publique et à diminuer les risques de conflit d’intérêts.

2.6. La protection des lanceurs d’alerte (article 17 du projet de loi)

Le dispositif des lanceurs d’alerte existe dans le droit de plusieurs pays européens, mais constitue un outil encore peu développé dans le droit français ; on le trouve surtout dans le secteur de la santé. La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique a proposé une procédure d’alerte aux déontologues des institutions et administrations, « dès lors qu’[une personne] identifierait un conflit d’intérêts potentiel ou avéré, mettant en cause l’un de ses acteurs », tout en estimant qu’une telle procédure ne doit pas être « à connotation pénale5 ».

C’est ainsi que la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte prévoit un mécanisme de protection des personnes physiques ou morales lançant une alerte en matière sanitaire et environnementale, en interdisant que ces personnes soient exclues d’une procédure de recrutement, de l’accès à un stage ou d’une période de formation professionnelle, ou fassent l’objet d’une mesure discriminatoire, pour avoir relaté, soit à leur employeur, soit devant la justice, une situation de conflit d’intérêts.

L’acception de la situation dans laquelle pourrait se trouver un lanceur d’alerte retenue par l’article 17 du présent projet de loi est très large, puisqu’elle permet d’appliquer le dispositif de protection à des personnes se trouvant soit déjà dans un emploi, soit en situation d’accéder à un emploi, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé.

En outre, le projet de loi prévoit qu’en cas de litige entre le lanceur d’alerte et son employeur, la charge de la preuve se trouve inversée par rapport au droit commun : dès lors que la personne contestant une mesure de sanction ou alléguant une discrimination établira des faits permettant de présumer qu’elle a relaté, de bonne foi, une situation de conflit d’intérêts, il incombera à la partie défenderesse de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers au témoignage de l’intéressé.

En revanche, en cas de lancement d’une alerte de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire, ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics, la personne à l’origine de cette alerte sera passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, soient les mêmes peines que celles qui sont applicables au délit de dénonciation calomnieuse (article 226-10 du code pénal).

III. Les modalités de contrôle

3.1. Le droit existant : la Commission de la transparence financière de la vie politique

L’article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique a institué la Commission de la transparence financière de la vie politique, déjà mentionnée.

- Composition et organisation

Cette commission administrative est composée :

– d’une part, de trois membres de droit : le vice-président du Conseil d’Etat, qui est le président de la Commission, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes ;

– d’autre part, de six membres titulaires et six membres suppléants :

- quatre présidents de section ou conseillers d’Etat, en activité ou honoraires, dont deux suppléants, élus par l’assemblée générale du Conseil d’Etat ;

- quatre présidents de chambre ou conseillers à la Cour de cassation, en activité ou honoraires, dont deux suppléants, élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour ;

- quatre présidents de chambre ou conseillers maîtres à la Cour des comptes, en activité ou honoraires, dont deux suppléants, élus par la chambre du Conseil.

La Commission dispose en outre d’un secrétaire général, nommé par arrêté du garde des sceaux sur proposition des trois membres de droit susmentionnés.

Elle est assistée de rapporteurs, actuellement au nombre de neuf, désignés par le vice-président du Conseil d’Etat parmi les membres, en activité ou honoraires, du Conseil d’Etat et du corps des conseillers de tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, par le premier président de la Cour de cassation parmi les magistrats, en activité ou honoraires, de la Cour de cassation et des cours et tribunaux, et par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats, en activité ou honoraires, de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. Elle peut également bénéficier, pour l’accomplissement de ses tâches, de la mise à disposition de fonctionnaires.

Compétences

La mission de cet organisme consiste à apprécier la variation du patrimoine, entre le début et la fin de leur mandat ou de leurs fonctions, des personnes soumises à l’obligation de déclarer leur situation en la matière : les membres du Parlement et celles que mentionnent les articles 1er et 2 de la loi du 11 mars 1998 précitée – soit, en synthèse, les représentants français au Parlement européen, les titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, et les présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public.

À cet effet, la Commission est dépositaire des déclarations de situation patrimoniale des personnes susmentionnées. Le cas échéant, elle informe les autorités compétentes du non-respect des obligations déclaratives, après avoir appelé les personnes concernées à fournir des explications.

Les personnes soumises à l’obligation de déclarer leur situation patrimoniale doivent communiquer à la Commission, pendant l’exercice de leur mandat ou de leurs fonctions, toutes les modifications substantielles de leur patrimoine, chaque fois qu’elles le jugent utile. Conformément à la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, la Commission, depuis le 19 avril 2011, peut leur demander les déclarations qu’elles ont souscrites au titre de l’impôt sur le revenu (en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts) et, le cas échéant, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune (en application de l’article 885 W du même code) ; à défaut de communication par les intéressés dans un délai de deux mois, elle peut demander copie de ces déclarations à l’administration fiscale.

Dans le cas où la Commission a relevé, après que l’intéressé a été mis en mesure de faire valoir ses observations, des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications, elle doit transmettre le dossier au parquet.

Fonctionnement

Le décret n° 96-763 du 1er septembre 1996 relatif à la Commission pour la transparence financière de la vie politique précise l’organisation et le fonctionnement de cette instance, ainsi que les procédures applicables devant elle.

La Commission siège soit en formation plénière, soit en formation ordinaire. La formation plénière est réservée à l’examen des déclarations de patrimoine des membres du Gouvernement et de celles renvoyées à cette formation par les formations ordinaires.

Chaque formation ordinaire est composée d’un membre du Conseil d’État, d’un membre de la Cour de cassation et d’un membre de la Cour des comptes ; elle est présidée par le membre du Conseil d’État. Les formations ordinaires se réunissent tous les 15 jours.

Les différentes séances de la Commission se tiennent à huis-clos. La Commission est en effet tenue, par l’article 3 précité de loi du 11 mars 1988, d’assurer le caractère confidentiel des déclarations qu’elle reçoit, ainsi que des observations formulées, le cas échéant, par les déclarants sur l’évolution de leur patrimoine ; ces déclarations et les observations ne peuvent être communiquées par la Commission qu’à la demande expresse du déclarant ou de ses ayants droit, ou sur la requête des autorités judiciaires lorsque cette communication est nécessaire à la solution d’un litige ou utile pour la découverte de la vérité. Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des informations en possession de la Commission est puni des peines prévues par l’article 226-1 du code pénal (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende).

Comme le prévoit également l’article 3 de la loi précitée du 11 mars 1988, la Commission, chaque fois qu’elle le juge utile, et en tout état de cause tous les trois ans, établit un rapport publié au Journal officiel. Toutefois, ce rapport peut ne comporter aucune indication nominale quant aux situations patrimoniales. Le quinzième rapport public de la Commission, dernier en date, a été publié au Journal officiel du 25 janvier 2012 ; l’ensemble des rapports publics de la Commission est consultable en ligne sur le site de celle-ci (http://www.commission-transparence.fr).

3.2. Justification de la mesure proposée

L’article 12 (1er alinéa) du présent projet de loi vise à créer une nouvelle autorité administrative indépendante : la Haute autorité de la transparence de la vie publique. Cette institution est destinée à se substituer à la Commission de la transparence financière de la vie politique, abrogée par l’article 22 du projet de loi, dans le cadre du dispositif des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts prévu par celui-ci.

Le choix de la création d’un nouvel organisme et du statut d’autorité administrative indépendante pour ce dernier résulte de la nécessité, d’une part, de proportionner à l’importance du nouveau dispositif de transparence de la vie publique établi par le projet de loi l’instance qui sera chargée de son contrôle et, d’autre part, de garantir de la plus complète manière l’indépendance de cette instance dans l’exercice de sa mission.

3.3. La Haute autorité de la transparence de la vie publique

3.3.1. Composition et règles déontologiques des membres (articles 12 et 21 du projet de loi)

a) Composition

La Haute autorité de la transparence de la vie publique sera composée dans des conditions offrant d’importantes garanties d’indépendance pour l’institution.

D’une part, la nomination de son président interviendra par décret en conseil des ministres et sera soumise, au sein de chaque assemblée parlementaire, à l’avis de la commission chargée des lois constitutionnelles (article 12, I, 2e alinéa, et article 21).

D’autre part, ses six autres membres et leurs six suppléants seront élus au sein des plus hautes juridictions, suivant le même schéma que celui que prévoit le droit en vigueur pour les membres autres que de droit de la Commission pour la transparence financière de la vie politique :

- deux conseillers d’Etat, et leurs suppléants, en activité ou honoraires, élus par l’assemblée générale du Conseil d’Etat ;

- deux présidents de chambre ou conseillers à la Cour de cassation, et leurs suppléants, en activité ou honoraires, élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour ;

- deux présidents de chambre ou conseillers-maîtres à la Cour des comptes, et leurs suppléants, en activité ou honoraires, élus par la chambre du Conseil (article 12, I, alinéas 3 à 7).

Le mandat du président comme celui des six autres membres de la Haute autorité, d’une durée de six ans, ne sera pas renouvelable, et les six membres autres que le président devront être renouvelés par moitié tous les trois ans (article 12, II, 2e et 3e alinéas).

Enfin, le secrétaire général de la Haute autorité sera nommé sur la proposition du président de celle-ci, par arrêté du Premier ministre, et l’institution sera assistée de rapporteurs désignés comme aujourd’hui ceux de la Commission pour la transparence financière de la vie politique (article 12, III).

Le projet de loi, en outre, impose expressément que les conditions d’élection des six membres autres que le président assurent l’égale représentation des deux sexes au sein du collège de la Haute autorité (article 12, I, 8e alinéa).

b) Déontologie

Des règles déontologiques sont prévues pour prévenir les conflits d’intérêts et garantir l’indépendance du fonctionnement de la Haute autorité.

En premier lieu, le mandat du président et des membres de la Haute autorité sera incompatible avec tout mandat ou fonction dont les titulaires seront assujettis aux obligations déclaratives prévues par le projet de loi (article 12, II, 1er alinéa). En synthèse, ne pourront donc être nommés à ces fonctions : des membres du Gouvernement, des représentants français au Parlement européen, des titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, des membres de cabinet ministériel ou collaborateurs du Président de la République, des membres d’autres autorités administratives indépendantes, des titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres, non plus que des présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public.

En second lieu, les membres de la Haute autorité ne pourront participer aux délibérations ou vérifications de celle-ci visant des organismes ou personnes à l’égard desquels ils détiendraient ou auraient détenu, au cours des trois années précédentes, un intérêt direct ou indirect. À cet effet, ils seront tenus d’informer le président de la Haute autorité des intérêts, fonctions et mandats qui seraient ou deviendraient les leurs au sein d’une personne morale ; ces informations, y compris celles qui concerneront le président, seront à la disposition de tous les membres de la Haute autorité (article 12, II, 4e alinéa).

Par ailleurs, les membres de la Haute autorité seront expressément tenus au respect du secret professionnel (article 12, II, 6e alinéa).

3.3.2. Compétences (articles 4, 6, 8, 13, 14 et 15 du projet de loi)

Les compétences de la Haute autorité de la transparence de la vie publique concerneront tant le domaine de la transparence financière que la prévention des conflits d’intérêts des personnes visées par le présent projet de loi.

a) En matière de transparence financière

La Haute autorité sera dépositaire des déclarations de situation patrimoniale dues, lors de la prise de fonctions ou du début du mandat, à l’issue de ces fonctions ou mandat et en cas de modification substantielle de ladite situation, par les parlementaires (cf. le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique), les membres du Gouvernement (cf. article 3), et les autres personnes mentionnées à l’article 10 du présent projet de loi, c’est-à-dire les représentants français au Parlement européen, titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, membres de cabinet ministériel ou collaborateurs du Président de la République, membres d’autres autorités administratives indépendantes, titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres et présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public (article 13, I, 1°).

En ce qui concerne la déclaration de situation patrimoniale des membres du Gouvernement, que cette déclaration soit faite au titre de leur entrée en fonction, de la modification substantielle de la situation en la matière ou de la cessation des fonctions, la Haute autorité devra transmettre les éléments dont elle sera dépositaire à l’administration fiscale. Celle-ci devra lui faire rapport, dans les soixante jours suivant cette transmission, des éléments lui permettant d’apprécier l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de la déclaration. Dans un délai de trois semaines suivant la réception du rapport de l’administration fiscale, il reviendra à la Haute autorité de rendre publique la déclaration de situation patrimoniale ; elle disposera de la faculté d’assortir cette publication de toute appréciation qu’elle estimerait utile quant à l’exhaustivité, à l’exactitude et à la sincérité de la déclaration, après avoir mis à même l’intéressé de présenter ses observations (article 4, I).

Jusqu’à présent, les membres du Gouvernement faisaient l’objet d’un examen systématique de leur dossier par l’administration fiscale suite à leur nomination, conformément à une tradition républicaine. Cet examen s’apparentait à un contrôle sur pièces (du bureau) mais sans échanges de pièces de procédure écrites ni garanties et voies de recours pour les intéressés. Naturellement, les intérêts de retard et les pénalités éventuelles étaient appliqués. Les informations relatives au patrimoine des membres du gouvernement et aux contrôles fiscaux y afférents sont couvertes par le secret fiscal. Ces modalités devront être adaptées à la création de la Haute autorité de la transparence de la vie publique, qui contrôlera la nouvelle déclaration de patrimoine ; le décret en Conseil d’Etat prévu par le V de l’article 4 du projet de loi y procèdera.

Reprenant la mission actuellement dévolue à la Commission de la transparence financière de la vie politique, mais dans le cadre étendu proposé par ce projet de loi et le projet de loi organique dont il est accompagné, la Haute autorité sera chargée d’apprécier la variation des situations patrimoniales des parlementaires, des membres du Gouvernement et des autres personnes susmentionnées, visées à l’article 10 du présent projet, telle qu’elle résultera de leurs déclarations, des observations qu’ils auront pu lui adresser ou des autres éléments dont elle disposera (article 6 et IV de l’article 10).

En outre, c’est sous son contrôle que se trouvera placée la procédure de vérification de situation fiscale au titre de l’impôt sur le revenu et, le cas échéant, de l’impôt de solidarité sur la fortune prévue par le projet de loi pour tout membre du Gouvernement lors de sa nomination (article 8, cf. supra).

b) En matière de prévention des conflits d’intérêts

- Gestion des déclarations d’intérêts

La Haute autorité sera dépositaire des déclarations d’intérêts dues, lors de la prise de fonctions ou du début du mandat et en cas de modification substantielle de ladite situation, par les parlementaires (cf. le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique), les membres du Gouvernement (cf. article 3), et les autres personnes mentionnées à l’article 10 du présent projet de loi, c’est-à-dire les représentants français au Parlement européen, titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes, membres de cabinet ministériel ou collaborateurs du Président de la République, membres d’autres autorités administratives indépendantes, titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres et présidents ou directeurs généraux des principaux établissements et entreprises du secteur public (article 13, I, 1°).

La Haute autorité assure le contrôle et la publication de ces déclarations d’intérêts.

Elle aura en outre, pour les membres du Gouvernement, la faculté d’assortir cette publication de toute appréciation qu’elle estimerait utile quant à l’exhaustivité, à l’exactitude et à la sincérité de la déclaration, après avoir mis à même l’intéressé de présenter ses observations (article 4, I).

- Délivrance d’avis

Par ailleurs, la Haute autorité sera chargée de donner des avis :

- d’une part, sur les questions d’ordre déontologique que peuvent rencontrer, dans l’exercice de leurs missions, les parlementaires, membres du Gouvernement ou autres personnes mentionnées à l’article 10 du présent projet de loi, précitées (article 13, I, 2°). Ces avis seront rendus à la demande des intéressés. Ils resteront secrets, comme les documents sur la base desquels ils sont rendus ;

- d’autre part, sur la compatibilité entre, d’un côté, toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé, ou toute activité libérale, et, de l’autre côté, des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales parmi les plus importantes, telles qu’elles sont mentionnées au 1° du I de l’article 10 du présent projet de loi (président de conseil régional, président de l’Assemblée de Corse, président du conseil exécutif de Corse, président de l’Assemblée de Guyane, président de l’Assemblée de Martinique, président du conseil exécutif de Martinique, président de conseil général, président élu d’un exécutif d’une collectivité d’outre-mer, maire d’une commune de plus de 30 000 habitants ou président élu d’un groupement de communes doté d’une fiscalité propre dont la population excède 30 000 habitants), qui auraient été exercées au cours des trois années précédant le début de ladite activité (article, 13, I, 3°).

L’article 15 du projet de loi précise le régime du contrôle, par la Haute autorité, du déport des membres du Gouvernement ou des titulaires des fonctions exécutives locales les plus importantes vers le secteur privé à l’issue de leurs fonctions :

- la Haute autorité pourra être saisie soit par l’intéressé, préalablement à l’exercice de l’activité qu’il envisagerait, soit par son président, dans un délai de deux mois à compter de l’exercice de l’activité lucrative ou libérale en cause ;

- elle devra émettre son avis dans un délai de trois semaines, qui pourra se trouver prolongé d’une semaine par décision de son président, et devra recueillir les observations de la personne concernée dans ce délai ;

- l’absence d’avis de la Haute autorité dans un délai d’un mois à compter de sa saisine vaudra avis favorable ;

- le président de la Haute autorité pourra rendre un avis de compatibilité dans le cas où l’activité envisagée s’avèrera manifestement compatible avec les fonctions antérieures de l’intéressé, ou un avis d’incompétence, d’irrecevabilité ou constatant qu’il n’y a pas lieu à statuer ;

- les avis de compatibilité pourront être assortis de réserves, prononcées pour une durée maximale de trois ans. Ces réserves s’imposeront à la personne concernée ;

- en cas d’avis d’incompatibilité, la personne intéressée sera tenue de mettre fin à l’activité en cause ; le cas échéant, son contrat de travail prendra fin à la date de notification de cet avis, sans préavis ni indemnité de rupture. Il est précisé que la Haute autorité pourra rendre un avis d’incompatibilité dans l’hypothèse où, ayant été saisie par son président, elle estimerait ne pas avoir obtenu de la personne concernée les éléments nécessaires à son appréciation.

L’intervention de la Haute autorité, du reste, ne sera pas exclusive de mécanismes de contrôle interne dans les organes dont relèvent les personnes concernées. C’est dans cette perspective que l’article 10 du projet de loi (I, 7e alinéa et II, 7e alinéa) prévoit que les déclarations d’intérêt des membres de cabinet ministériel ou collaborateurs du Président de la République et des titulaires d’un emploi ou de fonctions à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres sont également remises à leur autorité hiérarchique, que celles des membres d’autres autorités administratives indépendantes le sont au président de leur autorité, et que celles des dirigeants d’établissements publics ou d’entreprises publiques le sont au ministre qui a autorité sur l’intéressé ou exerce la tutelle sur l’organisme en cause.

c) Compétences transversales

Pour la bonne application de l’ensemble des dispositions du présent projet de loi, la Haute autorité de la transparence de la vie publique sera chargée d’émettre, soit à la demande du Premier ministre, soit de sa propre initiative, des recommandations qu’elle adressera aux autorités publiques intéressées, telles qu’elle les identifiera (article 13, I, 4°). À ce titre, elle aura en particulier la tâche de définir des lignes directrices relatives à la pratique des cadeaux et invitations donnés et reçus dans l’exercice des fonctions concernées par le dispositif du projet.

La Haute autorité devra présenter chaque année au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement un rapport public rendant compte de l’exécution de ses missions (article 13, I, dernier alinéa). Ce rapport sera publié au Journal officiel ; il ne comportera aucune information nominative sur les situations patrimoniales.

3.3.3. Modalités de saisine (articles 13 et 15 du projet de loi)

La Haute autorité pourra, en principe (article 13 II) :

- soit se saisir d’office ;

- soit être saisie par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat ;

- soit être saisie par une association respectant les conditions fixées, pour se constituer partie civile, par le nouvel article 2-22  que tend à introduire dans le code de procédure pénale l’article 1er du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, c’est-à-dire être déclarée depuis au moins cinq ans, agréée et avoir pour objet la lutte contre la corruption.

Des règles de saisine spécifiques sont aménagées, telles qu’elles ont déjà été exposées ci-dessus :

- d’une part, pour les demandes d’avis sur des questions déontologiques (article 13, I, 2°), dont l’initiative appartiendra aux seuls intéressés ;

- d’autre part, pour les avis rendus sur la compatibilité entre fonctions publiques et activités privées (article 13, I, 3°), dont l’initiative appartiendra soit aux intéressés, avant l’exercice de l’activité qu’ils envisageraient, soit au président de la Haute autorité, dans les deux mois à compter de l’exercice de l’activité en cause (article 15 I) ;

- enfin, pour ce qui concerne les recommandations en vue de la bonne application des dispositions du présent projet de loi, dont l’initiative appartiendra concurremment au Premier ministre et à la Haute autorité elle-même (article 13, I, 4°).

3.4. Des pouvoirs étendus (articles 5, 9, 13 et 15 du projet de loi)

Le projet de loi prévoit pour la Haute autorité de la transparence de la vie publique des pouvoirs renforcés par rapport à ceux que détient, actuellement, la Commission de la transparence financière de la vie politique dans le champ d’application du dispositif dont elle assure le contrôle.

3.4.1. Les pouvoirs d’investigation

La Haute autorité pourra demander des explications à toute personne soumise à son contrôle, comme aujourd’hui la Commission de la transparence financière de la vie politique, mais elle pourra aussi entendre toute personne dont le concours lui paraîtrait utile (article 13, dernier alinéa).

Dans le domaine fiscal, en application des articles 5 et 10 IV du projet de loi, la Haute autorité pourra :

- demander aux membres du Gouvernement, ainsi qu’aux personnes mentionnées à l’article 10 du présent projet de loi, la communication des déclarations souscrites par les intéressés au titre de l’impôt sur le revenu (en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts) et, le cas échéant, au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune (en application de l’article 885 W du même code) ;

- demander les mêmes déclarations souscrites par leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou leur concubin, ce qui représente une première extension par rapport aux pouvoirs d’investigation dont dispose actuellement, dans son champ d’intervention, la Commission de la transparence financière de la vie politique ;

- solliciter l’administration fiscale en vue qu’elle procède à des demandes d’informations, notamment auprès des établissements financiers, ce qui constitue un second accroissement de pouvoirs par rapport à ceux de la Commission de la transparence financière de la vie politique.

Les agents de l’administration fiscale, au titre des vérifications et contrôles qu’ils mettront en œuvre pour l’application des dispositions du présent projet de loi, seront déliés du secret professionnel à l’égard des membres de la Haute autorité. Cette dérogation au secret professionnel ainsi prévue est similaire à celle que permet actuellement l’article L. 140 A du livre des procédures fiscales, au profit du Conseil constitutionnel, pour le contrôle des comptes de campagne des candidats à l’élection du Président de la République.

3.4.2. Les pouvoirs d’injonction

La Haute autorité disposera de pouvoirs d’injonction, dont la Commission de la transparence financière de la vie politique est actuellement dépourvue.

a) En matière de transparence financière

Dans l’hypothèse où elle n’aurait pas reçu, dans les délais prévus, les déclarations de situation patrimoniale ou d’intérêts requises, la Haute autorité sera à même d’adresser à l’intéressé une injonction tendant à ce que ces déclarations lui soient transmises sans délai (article 3, IV, 1er alinéa).

Elle pourra procéder de même en cas de déclaration incomplète, aux fins d’obtenir les compléments requis, ou dans le cas où il n’aura pas été donné suite à une demande d’explications qu’elle aura pu formuler (article 3, IV, 2e alinéa).

b) En matière de prévention des conflits d’intérêts

Dans l’hypothèse où elle constaterait que l’une des personnes susmentionnées se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, la Haute autorité lui enjoindra de faire cesser cette situation (article 9, II, 1er alinéa et article 10, IV).

3.4.3. La transmission au procureur de la République

La Haute autorité devra aviser le procureur de la République des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne disposerait pas d’explications (article 14, 3e alinéa).

3.4.4. Mesures de publicité et d’information

Dans les cas où elle aura relevé un manquement à l’une des obligations prévues par les dispositions du présent projet de loi ou des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne disposerait pas d’explications, la Haute autorité, parallèlement à la transmission du dossier au parquet :

- aura la faculté de publier un rapport spécial au Journal officiel (article 14, 1er alinéa) ;

- devra informer les autorités compétentes du non-respect de leurs obligations déclaratives, en matière de patrimoine et d’intérêts, par les personnes qui y sont assujetties (article 14, 2e alinéa).

La Haute autorité aura en outre la faculté de rendre publique l’injonction de faire cesser une situation de conflits d’intérêts, après avoir mis à même l’intéressé de faire valoir ses observations (article 9, II, 2e alinéa et article 10 IV).

IV. Des sanctions pénales aggravées

4.1. Création d’une peine d’inéligibilité définitive réprimant les infractions d’atteinte à la probité, de fraude électorale et de fraude fiscale (article 19 du projet de loi)

4.1.1. Etat du droit

En application de l’article 131-26 du code pénal, la durée de la peine complémentaire d’inéligibilité est limitée dans le temps (dix ans au plus en cas de condamnation pour crime et cinq ans au plus en cas de condamnation pour délit). Le champ d’application de ces dispositions comprend les infractions relatives à l’atteinte à la probité en application de l’article 432-17 du code pénal, la fraude électorale en application de l’article L.117 du code électoral et la fraude fiscale en application de l’article 1741 du code général des impôts.

En matière d’atteintes à la probité, on dénombre à ce jour un nombre relativement restreint de prononcés de cette peine : 1 en 2007, 3 en 2008, 1 en 2009, 1 en 2010 et 1 en 2011.

4.1.2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis par le projet de loi

L’objectif du renforcement de la sanction pénale d’inéligibilité applicable en matière de probité, de fraude fiscale ou électorale, est avant tout dissuasif. En effet, la durée de la peine complémentaire d’inéligibilité limitée à dix ans au plus en matière criminelle et cinq ans au plus en matière délictuelle semble insuffisante au regard de la nature et de la gravité des faits réprimés, comme la corruption, le trafic d’influence, la fraude électorale ou la fraude fiscale.

Le projet de loi prévoit d’aggraver la peine d’inéligibilité encourue par les élus, ministres, titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement et pourvu en conseil des ministres et directeur de cabinet d’un ministre, en permettant au juge de la prononcer à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus.

Ce dispositif est similaire à celui des peines complémentaires :

- d’une part, d'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle et d'exercer une profession commerciale ou industrielle ou de diriger ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle, qui, en application de l’article 131-27 du code pénal, peuvent être prononcées à titre définitif ou, respectivement, pour cinq ans au plus en ce qui concerne l’interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle et pour dix ans au plus pour l’interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle ou de diriger ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ;

- d’autre part, d’interdiction du territoire français qui, en application de l’article 131-30 du code pénal, peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit.

A l’instar des articles 131-27 et 131-30 du code pénal, le prononcé de cette peine d’inéligibilité revêt toutefois pour le juge un caractère facultatif et non automatique. La fixation de la durée de cette peine continue en effet de relever du pouvoir d’appréciation du juge afin de respecter les principes d’individualisation et de proportionnalité de la peine.

Cette peine d’inéligibilité définitive ou de dix ans sera encourue pour les délits d’atteintes à la probité, de fraude électorale et de fraude fiscale. Elle le sera également en cas de non-respect des obligations de déclarations de patrimoine et d’intérêts et, pour les membres du Gouvernement, en cas d’attestation mensongère sur le caractère sincère, exhaustif et exact de leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts.

4.1. Aggravation des sanctions en cas de non-respect des obligations créées en matière de déclarations de patrimoine et d’intérêts et d’attestation mensongère d’un membre du Gouvernement (article 18 du projet de loi)

4.1.1. Etat du droit

Dans le cadre de la loi du 11 mars 1988, le dépôt des déclarations de situation patrimoniale est soumis à de strictes conditions de délais et le non-respect de cette obligation est sanctionné pénalement par une inéligibilité d’un an pour les élus. Une peine d’amende a également été instaurée à l’encontre des assujettis qui n’auraient pas adressé une déclaration de fin de mandat.

La loi prévoit en outre que le fait pour une personne assujettie d’omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d’en fournir une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la Commission pour la transparence financière de la vie politique d’exercer sa mission est puni de 30.000 € d’amende et, le cas échéant, de l’interdiction des droits civiques ainsi que de l’interdiction d’exercer une fonction publique (article 5-1 de la loi du 11 mars 1988 modifiée).

4.1.2. Nécessité de légiférer

Les sanctions prévues par la loi du 11 mars 1988 en cas d’absence pure et simple de toute déclaration ― l’inéligibilité pour une durée d’un an ou la nullité de la nomination ― ou en cas d’évolution inexpliquée du patrimoine ― transmission du dossier au parquet ― ne constituent pas des réponses adaptées à de tels agissements.

Ces sanctions sont d’autant plus insuffisantes que l’altération de la vérité, quelle qu’en soit l’importance, commise à l’occasion d’une déclaration de patrimoine déposée auprès de la commission, n’est pas susceptible de constituer le support matériel d’un faux, tel qu’il est défini à l’article 441-1 du code pénal (cf. treizième rapport de la Commission pour la transparence financière de la vie politique – 2007).

Des sanctions particulièrement dissuasives doivent en outre pouvoir être prononcées à l’encontre d’un membre du Gouvernement qui aurait produit auprès de la Haute autorité une attestation sur l’honneur mensongère.

4.1.3. Objectifs poursuivis par le projet de loi

Le projet de loi prévoit en conséquence de réprimer par une nouvelle peine de trois ans d’emprisonnement et une peine d’amende portée à 45 000 € le non-respect des obligations créées en matière de déclaration de patrimoine et déclaration d’intérêts.

Des peines complémentaires sont également prévues. À ce titre, la peine d’interdiction d’exercer une fonction publique pourra être prononcée à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus (article 131-27 du code pénal), celle de l’interdiction des droits civiques pourra l’être à titre temporaire seulement, pour cinq ans au plus (conformément aux dispositions de l’article 131-26 du code pénal). Au même titre, une peine d’inéligibilité pourra être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, si l’infraction est commise par un élu, un membre du Gouvernement, un directeur de cabinet d’un ministre ou une personne nommé sur un emploi à la décision du Gouvernement (article 131-26-1 nouveau du code pénal).

Ces peines sont similaires à celles encourues en cas de faux en écriture privée (article 441-1 du code pénal).

Les sanctions sont particulièrement dissuasives s’agissant des membres du Gouvernement, dans la mesure où les peines encourues en cas de transmission à la Haute autorité d’une attestation sur l’honneur mensongère seront cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Sont également encourues la peine complémentaire d’interdiction d’exercer une fonction publique, à titre définitif ou pour cinq ans au plus (article 131-27 du code pénal), et celle d’interdiction des droits civiques, pour cinq ans au plus (article 131-26 du code pénal), l’inéligibilité pouvant être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus (article 131-26-1 nouveau du code pénal).

La réforme en la matière constitue une rupture compte tenu du caractère opérationnel, équilibré et cohérent du dispositif répressif.

Par cohérence, la Haute autorité, au cœur du dispositif, voit son autorité affirmée. Ainsi, le fait de ne pas déférer à ses injonctions est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

L’équilibre du dispositif et sa légitimité sont par ailleurs renforcés par la création d’une peine encourue en cas de publication, hors cas prévus par la loi, ou de divulgation des déclarations sont similaires à celles encourues en cas d’atteinte à la vie privée (article 226-1 du code pénal), soit un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

4.1. Aggravation des sanctions concernant les situations de « pantouflage » et élargissement des personnes assujetties (article 20 du projet de loi)

4.1.1. Etat du droit

L’article 432-13 (al.1er) du code pénal dispose : « est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions. »

La liste des personnes auxquelles qui peut être imputé le délit puni par l’article 432-13 diffère très sensiblement de celle qui figure dans l’article 432-12 (al. 1er) pour la prise illégale d’intérêts par une personne exerçant actuellement une fonction publique.

Deux catégories de personnes sont visées :

- les fonctionnaires publics, les agents et préposés d’une administration publique, énumérées dans l’alinéa 1er de l’article 432-13 : cette liste a une portée beaucoup plus réduite que celle de l’article 432-12 réprimant le délit de prise illégale d’intérêts, et l’infraction de pantouflage ne peut pas être imputées à des personnes investies d’un mandat électif, comme les maires, les adjoints et les conseillers municipaux, ou à des personnes chargées d’une mission de service public ;

- les agents des établissements publics, des entreprises nationalisées ou des sociétés d’économie mixte dans lesquelles l’État ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital mentionnées dans l’alinéa 4 de l’article 432-13.

S’agissant du second groupe, la loi du 23 décembre 1960 a étendu la liste aux agents des établissements publics, des entreprises nationalisées ou des sociétés d’économie mixte dans lesquelles l’État ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital. Ainsi un ancien employé de la SNCF peut être poursuivi pour prise illégale d’intérêts après cessation de ses fonctions, si les autres conditions de l’article 432-13 sont réunies. L’alinéa 4 vise également les exploitants publics prévus par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et de France Télécom. L’objectif poursuivi par cette loi était que la modification du statut de cette administration ne change pas la situation de ses agents au regard de l’article 432-13 du code pénal.

Depuis une décision de la Haute Cour de justice de la Troisième République (Haute Cour de justice, 21 juillet 1931) qui portait sur le cas d’un ministre des finances qui, moins de 5 ans après la cessation de ses fonctions, était devenu l’avocat conseil d’une banque, il est admis que les membres du Gouvernement sont exclus du champ d’application de l’article 432-13 du code pénal.

De ce chef, on dénombre à ce jour 2 condamnations en 2007 à des peines d’amende de 5.000€, 1 condamnation en 2009 à une peine d’emprisonnement avec sursis et 1 condamnation en 2011 à une peine d’amende de 20.000€.

4.1.2. Nécessité de légiférer

Au regard de l’importance des fonctions exercées et des prérogatives que celles-ci impliquent sur la direction des administrations, le contrôle de leur activité et sur la détermination du contenu de l’activité normative de l’Etat, l’inclusion à l’article 432-13 du code pénal des membres du Gouvernement apparaît souhaitable (cf. en ce sens, la proposition n°23 du rapport de la commission sur « la modernisation de la vie politique »).

Il convient en outre que des sanctions plus dissuasives puissent être prononcées à l’encontre des auteurs de tels agissements. En conséquence, il est proposé d’aggraver les peines d’emprisonnement et d’amende encourues.

4.1.3. Objectifs poursuivis par le projet de loi

L’article 20 du présent projet de loi modifie l’article 432-13 du code pénal afin que les peines encourues pour le délit de pantouflage soient plus dissuasives. La peine d’emprisonnement est ainsi portée de 2 à 3 ans et la peine d’amende de 30.000 € à 45.000 €.

Le même article 20 modifie l’article 432-13 du code pénal pour prévoir que les membres du Gouvernement et les titulaires de fonctions exécutives locales pourront également être poursuivis de ce chef, et ce dans un souci d’exemplarité.

DEUXIEME PARTIE : MODALITES D’APPLICATION

I. Application Outre-mer

1.1. Collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution

En vertu du principe d’identité législative, le projet de loi s’appliquera de plein droit dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution :

- départements et régions d’outre-mer (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion) ;

- futures collectivités uniques de Guyane et Martinique à compter de 2015 ;

- Département de Mayotte.

1.2. Collectivités relevant de l’article 74 et Nouvelle-Calédonie

L’organisation propre de ces collectivités est régie exclusivement par les lois organiques statutaires, y compris en ce qui concerne les conditions d’exercice des mandats et de transparence de la vie politique. Il est prévu des obligations pesant sur certains membres de l’exécutif et des organes délibérants « dans le délai et les conditions prévues par la législation relative à la transparence financière de la vie politique », ce qui constitue un renvoi aux modalités de droit commun modifiées par le présent projet de loi, mais pour les seuls cas fixés par le statut.

1.2.1. Les dispositions relatives à la transparence de la vie publique (chapitre 1er)

Ces dispositions sont applicables de plein droit à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon dès lors qu’ils sont régis par le principe de l’identité législative.

Elles doivent en revanche être rendues applicables expressément par la loi sur le territoire des collectivités d’outre-mer régies par le principe de spécialité législative (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna). Tel est l’objet de l’article 24 du projet de loi.

1.2.2. Les dispositions pénales du chapitre 2

Ces dispositions peuvent être rendues applicables dans la limite des compétences propres détenues en la matière par les collectivités d’outre-mer du Pacifique.

Les dispositions de droit pénal et de procédure pénale demeurent partout de la compétence de l’Etat. Par conséquent, les dispositions de droit commun du projet de loi sur ce point peuvent être étendues par mention expresse sur l’ensemble du territoire de la République. Il résulte ainsi de l’article 24 du projet de loi que les dispositions pénales du projet de loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République.

II. Textes d’application

Articles du projet de loi

Objet du décret prévu

Article 2, 3e alinéa

Décret fixant les conditions du déport des membres du Gouvernement.

Article 3, II

Décret en Conseil d’Etat fixant le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts déposées par les membres du Gouvernement.

Article 4, V

Décret en Conseil d’Etat précisant les modalités d'application de l’article.

Article 7

Décret en Conseil d’Etat fixant les conditions d’application de la gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les présidents et membres des autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine économique, excluant tout droit de regard de leur part pendant la durée de leur fonction.

Article 10, III

Décret en Conseil d’Etat fixant le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts déposées par :

- les députés européens ;

- les titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes ;

- les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République ;

- les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;

- toute personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres ;

- les dirigeants d’entreprises publiques, établissements publics industriels et commerciaux, OPHLM.

Article 11

Décret en Conseil d’Etat fixant les modalités et les limites selon lesquelles sont rendues publiques les déclarations d’intérêts déposées par :

- les députés européens ;

- les titulaires de fonctions exécutives ou délégataires de signature de titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales les plus importantes ;

- les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République ;

- les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;

- toute personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres ;

- les dirigeants d’entreprises publiques, établissements publics industriels et commerciaux, OPHLM.

Article 12, dernier alinéa

Décret en Conseil d’Etat fixant les modalités d’application de l’article, notamment l'organisation et le fonctionnement de la Haute autorité, ainsi que les procédures applicables devant elle.

III. Entrée en vigueur

Le projet de loi entre en vigueur à compter de la publication au Journal officiel du décret de nomination du président de la Haute autorité.

L’article 23 précise que les personnes assujetties à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts doivent établir ces déclarations dans les deux mois suivant la date de publication du décret de nomination du président de la Haute autorité.

L’article 16 fait cependant exception à ces règles d’entrée en vigueur. Cette disposition, qui prévoit que les fonctionnaires investis d’un mandat de député, sénateur ou de député européen sont placés d’office en disponibilité pendant la durée de leur mandat, s’applique à compter du 1er janvier 2014 : à cette date, les fonctionnaires titulaires d’un tel mandat seront placés d’office en position de disponibilité.

TROISIEME PARTIE : CONSULTATIONS

Aucune consultation n’était requise, du point de vue constitutionnel, sur les dispositions du présent projet de loi.

1 Sources : quatorzième et quinzième rapports publics de la commission pour la transparence financière de la vie politique ; DGCL.

2 Rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, « Pour une nouvelle déontologie de la vie publique », janvier 2011.

3  Rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, « Pour un renouveau démocratique », novembre 2012.

4 Etude d’impact du projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, A.N., n° 3704, XIIIe législature.

5  Rapport précité, novembre 2012.


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