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N° 1323

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2013.

PROJET DE LOI

relatif à la collégialité de l’instruction,

(Procédure accélérée)

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,

Premier ministre,

par Mme Christiane TAUBIRA,

garde des sceaux, ministre de la justice.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a prévu, dans toutes les informations judiciaires, et pour les principaux actes de l’instruction, le remplacement du juge d’instruction par un collège de l’instruction composé de trois juges. Son entrée en vigueur a été reportée à deux reprises en raison du projet de suppression des juges d’instruction et du manque de moyens humains nécessaires à sa mise en œuvre. La loi de finances du 31 décembre 2010 a fixé son entrée en vigueur au 1er janvier 2014.

L’instauration d’une collégialité de l’instruction avait auparavant été votée à trois reprises, en 1985, 1987 et 1993, mais toutes ces réformes ont été abrogées pour les mêmes raisons d’un manque de moyens suffisants.

Les dispositions issues de la loi du 5 mars 2007 soulèvent d’importantes difficultés. Leur caractère systématique et obligatoire exigeait la création de plus de trois cents postes de juges d’instruction. Elles impliquaient la disparition totale de l’instruction dans les soixante-douze tribunaux de grande instance ne comportant pas un pôle de l’instruction, éloignant ainsi les juges de leurs justiciables. De plus, cette collégialité pleine et entière ne se retrouve dans aucun autre pays.

Pourtant il n’est pas envisageable de renoncer à la collégialité de l’instruction. Il s’agit d’un renforcement des droits des justiciables et d’une approche contradictoire de l’instruction. Elle constitue une garantie des droits de la défense.

Partant de ce constat, le présent projet de loi institue une collégialité de l’instruction qui n’interviendra qu’à la demande des parties ou des magistrats, lorsque ces derniers l’estimeront nécessaire, et qui ne portera que sur les phases de l’instruction justifiant effectivement qu’une décision soit prise par un collège de trois juges. Cette collégialité viendra le cas échéant renforcer la cosaisine.

***

L’article 1er du projet de loi modifie l’intitulé et les premiers articles du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale consacré au juge d’instruction, afin de permettre l’institution de la collégialité, dont il est désormais fait mention dans l’intitulé du chapitre.

Il modifie notamment l’article 49 du code de procédure pénale, qui précise que le juge d’instruction est chargé de procéder aux informations, afin d’une part de rappeler que cette mission s’exerce, le cas échéant, avec le concours d’un ou plusieurs juges cosaisis, et, d’autre part, d’indiquer que désormais cette mission s’exercera également, le cas échéant, avec le concours du collège de l’instruction.

Cet article 1er modifie également l’article 52-1 de ce code, afin, comme le faisait la loi de 2007, et comme le souhaitent les praticiens, de ne pas maintenir l’existence d’un juge d’instruction isolé dans des juridictions infra-pôle. Les juges d’instruction seront ainsi regroupés au sein de certains tribunaux de grande instance, dans les pôles de l’instruction. Il sera en revanche possible de créer un nombre plus important de pôles de l’instruction, lorsque ceux-ci seront justifiés par l’activité de la juridiction

L’article 2 du projet de loi complète le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale par une section relative à la collégialité de l’instruction, comportant les nouveaux articles 52-2 à 52-6.

1° Saisine, composition et fonctionnement du collège de l’instruction

En application du nouvel article 52-2 du code de procédure pénale, le collège de l’instruction sera saisi soit à l’initiative du juge d’instruction en charge de la procédure, soit sur requête du procureur de la République, soit sur demande des parties.

Cette saisine devra intervenir pour chacune des décisions pour lesquelles la compétence de la collégialité sera sollicitée, elle ne vaudra pas pour l’intégralité de l’instruction.

Selon l’article 52-3, le collège de l’instruction sera composé de trois juges d’instruction, dont le juge saisi de l’information, qui sera le président du collège. Les deux autres juges seront désignés par le président du tribunal de grande instance, le cas échéant par ordonnance de roulement. Si l’information a fait l’objet d’une cosaisine, le ou les juges cosaisis feront logiquement partie du collège de l’instruction.

Dans les hypothèses exceptionnelles où il n’y aurait pas suffisamment de juges d’instruction dans le tribunal pour composer le collège, l’un des juges du collège pourra être désigné parmi les autres juges du siège du tribunal de grande instance du ressort.

Les décisions du collège seront prises par ordonnance motivée (article 52-5). Bien évidemment, comme cela est déjà prévu pour le juge d’instruction, les juges du collège de l’instruction ne pourront, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales qu’ils ont connues en cette qualité (article 56-6).

2° Rôle du collège de l’instruction

Le collège de l’instruction sera compétent, en application de l’article 52-4, pour rendre les ordonnances suivantes :

– ordonnance statuant sur la demande d’une personne mise en examen tendant à devenir témoin assisté ; cette demande, qui n’est actuellement possible qu’au plus tôt six mois après la mise en examen pourra par ailleurs être faite dans les dix jours de celle-ci ;

– ordonnance statuant sur les demandes d’acte ou d’expertise ;

– ordonnance statuant sur les demandes relatives au respect du calendrier prévisionnel de l’information ;

– ordonnance statuant sur les demandes des parties déposées après l’avis de fin d’information ;

– ordonnance de règlement de l’information.

Ainsi, tous les actes essentiels de l’instruction pourront, si cela apparaît nécessaire, faire l’objet d’une décision collégiale.

L’article 3 du projet de loi procède à un certain nombre de coordinations dans le code de procédure pénale justifiées par l’institution de la collégialité de l’instruction et la suppression de l’instruction dans les juridictions infra-pôles.

Il modifie notamment l’article 80-1-1 de ce code pour permettre à une personne qui vient d’être mise en examen de demander immédiatement son placement sous le statut de témoin assisté, comme indiqué précédemment.

Il modifie l’article 84 de ce code relatif au remplacement du juge d’instruction en cas d’empêchement, pour que ses dispositions s’appliquent également en cas d’empêchement d’un juge du collège.

Il prévoit la notification des ordonnances du collège de l’instruction (article 183 du code).

Il prévoit que ces ordonnances pourront faire l’objet d’un appel devant la chambre de l’instruction (article 186-4 du code).

Par coordination également, l’article 4 abroge les dispositions de la loi du 5 mars 2007 susmentionnée relatives à la collégialité de l’instruction.

Son article 5 prévoit son application sur l’ensemble du territoire de la République, à l’exception des collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.

L’article 6 diffère au 1er septembre 2014 l’entrée en vigueur des dispositions de la loi (à l’exception de celles de l’article 4 abrogeant les dispositions de la loi de 2007, cette abrogation devant en effet intervenir avant le 1er janvier 2014).

Le présent projet de loi met ainsi en place, d’une façon progressive, cohérente, réaliste et équilibrée, une collégialité de l’instruction qui permettra à l’institution judiciaire de traiter les affaires pénales les plus graves et les plus complexes d’une manière tout à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense et de la présomption d’innocence, afin d’atteindre pleinement l’objectif de l’information préparatoire, que rappelle le premier alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale, et qui est, en instruisant à charge et à décharge, de parvenir à la manifestation de la vérité.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à la collégialité de l’instruction, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui sera chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article 1er

I. – L’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est complété par les mots : « et de la collégialité de l’instruction ».

II. – Avant l’article 49 du même code, il est inséré la division suivante : « Section 1 : Du juge d’instruction ».

III. – Le premier alinéa de l’article 49 du même code est complété par les mots suivants : « avec, le cas échéant, le concours d’un ou plusieurs juges cosaisis ou du collège de l’instruction. »

IV. – L’article 52-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « dans certains tribunaux de grande instance » sont supprimés ;

2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.

Article 2

Dans le chapitre III du titre Ier du livre Ier du même code, après la section 1, il est inséré une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Du collège de l’instruction

« Art. 52-2. – Le collège de l’instruction est chargé, lorsqu’il est saisi soit à l’initiative du juge d’instruction en charge de la procédure, soit sur requête du procureur de la République, soit sur demande d’une partie déposée selon les modalités prévues par l’avant-dernier alinéa de l’article 81, de prendre une des ordonnances mentionnées à l’article 52-4.

« Art. 52-3. – Le collège de l’instruction est composé de trois juges d’instruction, dont le juge saisi de l’information, président.

« Les deux autres juges sont désignés par le président du tribunal de grande instance. Celui-ci peut établir à cette fin une ordonnance de roulement.

« Lorsque l’information fait l’objet d’une cosaisine, le ou les juges cosaisis font partie du collège de l’instruction. Si plus de trois juges ont été désignés dans le cadre de la cosaisine, l’ordre de leur désignation détermine leur appartenance au collège, sauf décision contraire du président du tribunal de grande instance.

« Lorsque, dans un tribunal de grande instance, le nombre de juges d’instruction ne suffit pas pour composer le collège, l’un des membres du collège peut être désigné parmi les autres juges du siège du tribunal.

« Les membres du collège de l’instruction sont désignés lors de la saisine de celui-ci ; cette désignation vaut également pour les autres saisines qui peuvent intervenir dans le cadre de la même information.

« Les désignations prévues au présent article sont des mesures d’administration judiciaire non susceptibles de recours.

« Art. 52-4. – Lorsqu’il est saisi dans les conditions prévues à l’article 52-2, le collège de l’instruction est compétent pour prendre une des ordonnances suivantes :

« 1° Ordonnance statuant sur la demande d’une personne mise en examen tendant à devenir témoin assisté en application de l’article 80-1-1 ;

« 2° Ordonnance statuant sur une demande d’acte déposée en application des articles 81, 82-1, 82-2 et 167 ;

« 3° Ordonnance statuant sur les demandes relatives au respect du calendrier prévisionnel de l’information, en application de l’article 175-1 ;

« 4° Ordonnance statuant sur les demandes des parties déposées après l’avis de fin d’information en application du quatrième alinéa de l’article 175 ;

« 5° Ordonnance procédant au règlement de l’information en application des articles 176 à 183 ; la demande tendant à la saisine du collège doit alors intervenir dans le délai mentionné au quatrième alinéa de l’article 175.

« Art. 52-5. – Les décisions du collège de l’instruction prévues par l’article 52-4 sont prises par ordonnance motivée signée par le président du collège et mentionnant le nom des deux autres juges faisant partie du collège.

« Art. 52-6. – Les juges du collège de l’instruction ne peuvent, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales qu’ils ont connues en cette qualité. »

Article 3

I. – L’intitulé du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est remplacé par les mots : « Du juge d’instruction et de la collégialité de l’instruction : juridiction d’instruction du premier degré ».

II. – Au premier alinéa du II de l’article 80 du même code, les mots : « En matière criminelle, ainsi que lorsqu’il requiert une cosaisine, » sont supprimés.

III. – L’article 80-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l’article, les mots : « à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et » sont remplacés par les mots : « dans les dix jours qui suivent la mise en examen, puis à l’issue d’un délai de six mois après celle-ci, puis » ;

2° L’article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Faute par le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai d’un mois, la personne mise en examen peut saisir directement le président de la chambre de l’instruction, qui statue et procède conformément aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l’article 186-1. »

IV. – L’article 83-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, les deux dernières phrases sont supprimées ;

2° Au quatrième alinéa, les deux dernières phrases sont supprimées ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « et de cette dernière » sont supprimés.

V. – Au troisième alinéa de l’article 84 du même code, après les mots : « du juge chargé de l’information », sont insérés les mots : « ou d’un juge membre du collège de l’instruction » et les mots : « d’instruction » sont supprimés.

VI. – Le dernier alinéa de l’article 118 du même code est supprimé.

VII. – L’article 183 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les ordonnances rendues par le collège de l’instruction en application de l’article 52-5 sont notifiées conformément aux dispositions du présent article. »

VIII. – L’intitulé de la section 12 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du même code est remplacé par les mots : « De l’appel des ordonnances du juge d’instruction ou du collège de l’instruction ou du juge des libertés et de la détention ».

IX. – Après l’article 186-3 du même code, il est inséré un article 186-4 ainsi rédigé :

« Art. 186-4. – Les dispositions des articles 186 à 186-3 s’appliquent aux appels formés contre les ordonnances rendues par le collège de l’instruction. »

Article 4

I. – Les articles 1er à 5 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale sont abrogés.

II. – Les II et III de l’article 30 de la même loi sont supprimés.

Article 5

I. – La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République, sous les réserves prévues au II.

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 3° de l’article 804, les mots : « des articles 52-1, 83-1, 83-2 » sont remplacés par les mots : « des articles 52-1 à 52-6, 83-1, 83-2, du dernier alinéa de l’article 183, de l’article 186-4 » ;

2° L’article 905-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 905-1. – Les articles 52-1 à 52-6, 83-1, 83-2, le dernier alinéa de l’article 183 et l’article 186-4 ne sont pas applicables dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. »

III. – Au premier alinéa de l’article 805 du même code, les mots : « Les termes : “pôle de l’instruction” et “collège de l’instruction” sont remplacés par les termes : “juge d’instruction” et » sont supprimés.

Article 6

I. – Les articles 1er à 3 et 5 de la présente loi entrent en vigueur le 1er septembre 2014.

II. – À cette date, les informations en cours dans les tribunaux de grande instance ne comprenant pas de pôle de l’instruction sont transférées aux pôles de l’instruction territorialement compétents.

Fait à Paris, le 24 juillet 2013.

Signé : Jean-Marc AYRAULT

Par le Premier ministre :
La garde des sceaux, ministre de la justice


Signé :
Christiane TAUBIRA


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