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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

     

PROJET DE LOI

autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie

relatif à la coopération dans le domaine de l’adoption

NOR : MAEJ1230386L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I- Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention

La République française et la Fédération de Russie ne sont actuellement liés par aucun accord international, bilatéral ou multilatéral, relatif à la coopération en matière d’adoption internationale.

La Convention de La Haye pour la protection de l’enfance et la coopération en matière d’adoption internationale du 29 mai 1993 1 (CLH 93) a été signée par la France le 5 avril 1995 et ratifiée par le Parlement français le 1er octobre 1998. Cette Convention, en vigueur dans 85 Etats, est le cadre de référence en matière d’adoption internationale. Toutefois la Fédération de Russie, qui a signé cette Convention le 7 septembre 2000, ne l’a jamais ratifiée pour des raisons de politique interne.

La Convention internationale pour les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 2 constitue par ailleurs un texte fondamental dans ce domaine. Cette convention a été signée le 26 janvier 1990 par la France et ratifiée le 7 août 1990. La Fédération de Russie l’a signée le 26 janvier 1990 et ratifiée le 16 août 1990. Ce texte est directement visé dans le préambule du présent traité.

L’adoption internationale entre la France et la Russie est actuellement régie par les législations internes en vigueur dans les deux Etats.

La France constitue, avec 315 adoptions réalisées en Russie par des familles résidant en France en 2008, 288 en 2009, 301 en 2010 et 286 en 2011, le quatrième pays d’accueil au monde des enfants adoptés dans ce pays, derrière les Etats-Unis, l’Italie et l’Espagne. La Russie se classe également dans les cinq premiers pays d’origine des enfants adoptés par des familles françaises ou résidant en France.

Ces familles candidates à l’adoption en Russie ont aujourd’hui la possibilité de recourir aux services de deux organismes autorisés pour l’adoption (OAA) français, associations de droit privé, accrédités en Russie, « De Pauline à Anaëlle » et « Enfance Avenir », ainsi qu’à l’Agence française de l’adoption (AFA), organisme de droit public, accréditée depuis mars 2008 dans dix régions russes.

Malgré la présence d’opérateurs agréés, la grande majorité des procédures adoptions est menée en Russie dans le cadre de démarches individuelles, les familles recourant aux services de « facilitateurs » locaux. Ainsi, en 2010, 226 adoptions ont été réalisées de manière individuelle soit 76 %, contre 57 par les OAA (19 %) et 18 par l’AFA (6 %). Les statistiques pour l’année 2011 conduisent au même constat : 10 adoptions réalisées par l’AFA (3,5 %), 49 adoptions réalisées par les OAA (17 %) et 227 adoptions réalisées de manière individuelle (79,5 %).

Cette situation pose difficulté au regard des engagements internationaux de la France. En effet, la France est le seul pays, parmi les principaux pays d’accueil ayant signé la Convention de La Haye du 29 mai 1993, à autoriser les adoptions individuelles, et est régulièrement mise en cause par l’UNICEF et par plusieurs organisations non gouvernementales (Service Social International, Terre des Hommes). Ces dernières pointent notamment le rôle des intermédiaires peu scrupuleux qui, dans le cadre des démarches individuelles d’adoption, exigent des candidats à l’adoption le versement de sommes importantes et entretiennent une corruption locale administrative et parfois judiciaire. Ainsi, seules les procédures réalisées par les opérateurs agréés, qui sont placés en France sous l’autorité du Service de l’adoption internationale, rattaché au Ministère des affaires étrangères et européennes et qui sont accrédités par les autorités compétentes du pays dans lequel ils réalisent des procédures d’adoption, sont à même de garantir la transparence financière, une certaine sécurité juridique ainsi que le respect des principes éthiques de l’adoption internationale, dans l’intérêt des enfants adoptés.

La prédominance des procédures d’adoptions menées de manière individuelle en Russie soulève également un problème au regard des obligations de suivi post-adoption posées par la législation en vigueur en Russie. La production de rapports de suivi des enfants durant une certaine durée (en général 4 ans, mais pouvant être étendue dans certaines régions jusqu’à la majorité des enfants adoptés) est exigée. Suite au non-respect de ces obligations par des familles françaises, ayant adopté de manière individuelle en Russie, les autorités russes ont établi des « listes noires » recensant les départements de résidence des familles ne s’étant pas soumises à cette exigence et ont refusé l’enregistrement et la finalisation de procédures d’adoption pour tout nouveau candidat résidant dans ce même département.

La Fédération de Russie a souhaité mettre en place un cadre conventionnel, avec les principaux pays d’accueil des enfants adoptés dans son pays, afin de résoudre l’ensemble des difficultés qui avaient pu être soulevées. Ainsi, la Russie a signé des accords bilatéraux similaires au présent traité avec l’Italie, en novembre 2008, et les États-Unis le 13 juillet 2011. Le Traité signé avec l’Italie a été ratifié en 2009 et est aujourd’hui appliqué. Les négociations avec la France ont débuté en 2009 et ont abouti à la signature du présent traité le 18 novembre 2011, dans le cadre du séminaire intergouvernemental qui s’est tenu à Moscou.

L’existence d’un cadre conventionnel constitue pour les autorités russes une condition de la poursuite des adoptions internationales entre la France et la Russie. Cet accord, en imposant le recours à un opérateur agréé, permet notamment de supprimer les effets négatifs liés aux démarches individuelles et d’offrir une meilleure protection juridique des procédures, dans l’intérêt des enfants adoptés et des familles adoptantes.

II- Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

1) Conséquences financières

L’approbation du présent traité n’implique aucune conséquence financière pour les entreprises publiques ou privées, les associations, les collectivités territoriales ou les comptes sociaux.

Pour les familles adoptantes, le traité s’accompagne de conséquences financières positives. L’interdiction des démarches individuelles d’adoption devrait permettre de réduire fortement le coût des procédures d’adoption imposé aux familles candidates à l’adoption en Russie par des intermédiaires, parfois peu scrupuleux et en tout état de cause non contrôlés.

Les procédures d’adoption, accompagnées par des opérateurs agréés (OAA) demeurent payantes, mais les frais réclamés aux familles candidates sont soumis au contrôle du Service de l’adoption internationale, Autorité centrale pour les adoptions internationales. La destination de ces fonds est par ailleurs contrôlée et aucune somme indue ne peut être dans ce cadre réclamée aux familles candidates.

Par ailleurs, le traité bilatéral, en qualifiant l’adoption prononcée d’adoption plénière (cf. conséquences juridiques – partie 3-ii), permettra aux familles adoptantes d’obtenir la reconnaissance en France de la décision russe d’adoption, sans engager de frais d’avocat.

Pour l’Etat, le traité n’emporte pas de conséquences financières importantes. Seul le retour d’un enfant adopté dans son pays d’origine, dans l’hypothèse d’une impossibilité de maintenir cet enfant au sein de la famille adoptive, peut représenter une charge nouvelle (article 16c). Cette hypothèse demeure cependant extrêmement rare, des mesures alternatives pouvant être mises en œuvre en France.

2) Conséquences sociales

Le traité, en interdisant les démarches individuelles, permettra de sécuriser les procédures d’adoption entre la France et la Russie, dans l’intérêt des enfants. Les risques d’échec à l’adoption sont réduits, par un renforcement de la préparation de la famille adoptante et de l’enfant dans son pays d’origine. Le recours obligatoire aux organismes agréés pour l’adoption va dans le sens d’une amélioration de l’encadrement des procédures d’adoption et du bien être de l’enfant adopté.

3) Conséquences juridiques

Le présent traité s’inspire grandement des dispositions de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Il renvoie en outre, dès son préambule, à la Convention internationale pour les droits de l’enfant de 1989. Ce faisant, il ne s’éloigne pas des standards habituellement retenus par la France et est conforme aux obligations internationales résultant d’accords ou de traités auxquels la France est d’ores et déjà partie.

Articulation avec le droit européen et le droit de l’Union :

Le droit de l’adoption ne fait l’objet d’aucun texte en droit de l’Union. Il convient en outre de préciser que si une Convention du Conseil de l’Europe existe en matière d’adoption, celle-ci a été signée le 24 avril 1967 par la France mais n’a jamais été ratifiée. Cette convention révisée le 27 novembre 2008 n’a par ailleurs été ni signée ni ratifiée par la France. Ni la Convention d’origine, ni la version révisée n’ont été signées par la Fédération de Russie. Il s’ensuit que ces textes ne sont applicables ni en France, ni en Russie. En l’absence d’autres dispositions, le traité est donc compatible avec le droit européen et le droit de l’Union.

Articulation avec le droit interne français :

Le présent traité n’implique aucune adaptation des dispositions législatives ou règlementaires nationales. L’ordonnancement juridique national n’est pas affecté par la ratification du présent traité.

Le texte contribue à renforcer la sécurité juridique des procédures d’adoption entre la France et la Fédération de Russie. Il met en place une procédure d’adoption proche de celle instaurée par la Convention de La Haye du 29 mai 1993 et clarifie les effets juridiques de l’adoption, les conséquences sur la nationalité et l’obligation de service militaire.

i) Mise en place d’une procédure d’adoption respectueuse de l’éthique de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale

Très proche de la Convention de la Haye du 29 mai 1993, le traité rappelle, dès son préambule, le principe de subsidiarité faisant ainsi de l’adoption internationale une mesure de protection de l’enfance intervenant en dernier recours et plaçant l’intérêt supérieur de l’enfant au centre du dispositif.

Le traité désigne et définit les institutions et organes qui interviennent dans le processus de l’adoption internationale (article 1). Ils ne diffèrent pas de ceux mis en place par la France dans le cadre de la Convention de La Haye. Pour la Partie française, le texte désigne ainsi le Ministère des Affaires étrangère et européenne comme autorité centrale ; l’organe décisionnel du département comme autorité régionale ; le Tribunal d’instance ou la Cour d’appel comme autorité compétence chargée de prononcer la décision d’adoption.

L’autorité centrale, conformément à ses missions actuelles, s’assure de ce que les candidats à l’adoption sont bien titulaires de l’agrément en vue d’adoption délivré par le président du Conseil général de leur lieu de résidence, délivre ou délègue aux opérateurs la délivrance des autorisations à poursuivre la procédure d’adoption et atteste que l’enfant pourra résider à titre permanent sur son territoire – après décision de l’Etat d’origine. L’autorité centrale contrôle par ailleurs les opérateurs agréés et détient un pouvoir de sanction en cas de manquement à leurs obligations (article 9).

A l’instar de la Convention de La Haye du 29 mai 1993, les candidats à l’adoption auront l’obligation de recourir à un opérateur, empêchant ainsi le contact direct entre les candidats à l’adoption et les institutions locales ou les familles d’origine des enfants adoptés. Les organismes agréés et l’AFA, qui est organisée sous forme de GIP et soumise à la tutelle des ministères en charge du budget, de la famille et des affaires étrangères, sont contrôlés par les autorités centrales des deux Etats, en ce qu’ils doivent être habilités par l’autorité centrale française et accrédités par l’autorité centrale russe.

En prévoyant que la proposition d’enfant relève des autorités de l’Etat d’origine, le traité prohibe toute identification directe d’un enfant par une famille candidate à l’adoption. Ce dispositif permet de se prémunir contre les risques de vente ou de traite d’enfants et de s’assurer que l’enfant pourra être adopté par la famille la mieux à même de répondre à ses besoins.

Le traité met en place un système d’échange d’informations entre l’Autorité centrale française et l’Autorité centrale russe, dans un souci de bonne coopération, dans l’intérêt des enfants adoptés, des familles d’origine et des familles adoptantes.

ii) Clarification du statut de l’enfant après son adoption

Le présent traité apporte une clarification au regard de la définition des effets juridiques de l’adoption prononcée en Russie et en conséquence des démarches devant être initiées par les adoptants français en vue de la reconnaissance en France de la décision russe d’adoption.

Les effets d’une décision d’adoption prononcée par une juridiction russe s’apprécient aujourd’hui au regard de la législation en vigueur en Russie. Ainsi, les adoptions prononcées dans ce pays emportent une rupture complète du lien de filiation d’origine mais peuvent être révoquées sous certaines conditions.

La qualification de ces adoptions au regard du droit français et leur assimilation en adoption plénière ou en adoption simple peut s’avérer complexe. L’article 370-5 du Code Civil prévoit en effet que l’adoption prononcée régulièrement à l’étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets de l'adoption simple.

Dès lors, la pratique des juridictions consiste à apprécier si, dans le cas d’espèce qui leur est soumis, la révocation de l’adoption est de nature à faire renaître le lien de filiation avec la famille d’origine. Dans l’hypothèse d’un enfant dont la filiation n’est pas établie ou dont les parents d’origine ont été déchus de leurs droits parentaux, l’adoption prononcée en Russie est habituellement assimilée en droit français à une adoption plénière. En revanche, dans l’hypothèse d’un enfant dont les parents d’origine ont consenti à son adoption selon la législation russe, l’adoption est assimilée à une adoption simple au sens du droit français. Cette adoption peut toutefois être convertie en adoption plénière si les représentants légaux de l’enfant ont expressément consenti à la rupture complète et définitive du lien de filiation les unissant à l’enfant.

Les adoptants peuvent alors soit solliciter l’exequatur, par l’intermédiaire d’un avocat, auprès du tribunal de grande instance compétent en vue de faire acquérir à l’enfant la nationalité française par déclaration (article 21-12 du Code civil), soit de déposer, sans garantie de résultat, une requête en conversion de l’adoption simple en adoption plénière, s’ils disposent du consentement requis des parents d’origine de l’enfant donné en vue d’une adoption entraînant la rupture complète et irrévocable du lien de filiation les unissant à l’enfant.

Le traité, en définissant l’adoption comme une mesure entraînant une rupture définitive du lien de filiation, permettra automatiquement la reconnaissance en France des adoptions prononcées en Russie comme adoptions plénières au sens du droit français. Les adoptants pourront alors solliciter la vérification d’opposabilité des décisions d’adoptions prononcées en Russie auprès du Procureur de la République de Nantes. Cette démarche de publicité à l’état civil français des décisions d’adoption plénières étrangères auprès du Procureur de la République ne nécessite pas l’assistance d’un avocat et constitue le moyen le plus rapide et simple pour établir un acte de naissance français pour l’enfant adopté sur les registres du service central d’état civil de Nantes.

iii) Clarification des obligations militaires des adultes adoptés

Le traité apporte une réponse aux incertitudes actuelles sur les obligations militaires des enfants adoptés, devenus majeurs, la législation russe prévoyant qu’ils conservent la nationalité de leur pays d’origine. Cette question constitue un sujet d’inquiétude pour les associations de familles d’enfants adoptés en Russie.

Le traité prévoit que si l’enfant devenu majeur, qui a la double nationalité, a effectué ses obligations militaires dans l’Etat d’une des parties contractantes, il en sera exempté dans l’Etat de l’autre Partie contractante. Ainsi, un enfant russe adopté par une famille française sera dispensé du service militaire russe s’il s’est acquitté de ses obligations de recensement et de la journée défense et citoyenneté en France. Les obligations de recensement et de participation à la journée défense et citoyenneté correspondent, en application de l’article L.111-1 du code du service national, aux « obligations militaires » incombant aux ressortissants français, l’appel sous les drapeaux n’étant destiné qu’à un usage tout à fait exceptionnel.

iv) Compatibilité du Traité avec la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés

Plusieurs stipulations du traité franco-russe relatif à la coopération dans le domaine de l’adoption, signé le 18 novembre 2011, fixent les modalités de coopération et d’échange d’informations entre autorités centrales en matière d’adoption, de l’Etat d’accueil et de l’Etat d’origine.

D’une manière générale, l’article 18 prévoit que l’autorité centrale de l’Etat d’accueil s’engage à fournir, dans le cadre de sa législation, à l’autorité centrale de l’Etat d’origine et à sa demande écrite, les informations relatives aux cas concrets d’adoption, y compris en cas de placement d’un enfant dans une nouvelle famille. Il est précisé que l’autorité centrale de l’État d’origine garantit la confidentialité des informations reçues et utilise celles-ci aux fins de protection des droits et des intérêts légitimes des enfants adoptés.

Plus spécifiquement, l’article 16 aborde la situation dans laquelle l’enfant adopté ne peut continuer à vivre dans sa famille adoptive, en précisant que l’autorité centrale de l’Etat d’accueil est tenue d’informer l’autorité centrale de l’Etat d’origine des conditions de placement de l’enfant.

L’article 17 prévoit également que l’Etat d’accueil s’engage à coopérer avec les autorités compétentes de l’Etat d’origine en leur présentant des informations sur les conditions de vie et d’éducation de l’enfant adopté, y compris en cas de placement de l’enfant dans une autre famille.

Ces stipulations doivent être examinées au regard des exigences de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’information, aux fichiers et aux libertés3.

Il convient à titre liminaire de préciser que la Fédération de Russie n’est pas membre de l’Union européenne, ni liée par la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel adoptée le 28 janvier 1981. Dès lors, en application de l’article 68 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, des données à caractère personnel ne devraient pouvoir être transférées à la Fédération de Russie, qu’à la condition que cet Etat assure un niveau de protection adéquat ou suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet ou peuvent faire l’objet.

Or, pour l’heure, la C.N.I.L.4 estime que la Fédération de Russie ne dispose pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel.

Toutefois, l’article 69 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, précise que les données à caractère personnel peuvent être transférées vers un Etat ne répondant pas aux conditions prévues à l’article 68, notamment « si la personne à laquelle se rapportent les données a consenti expressément à leur transfert ».

Or, dans toutes les procédures d’adoption d’enfants russes, les adoptants consentent expressément, devant la juridiction russe, au transfert, vers les autorités compétentes russes, d’informations relatives à l’enfant dont ils deviennent les représentants légaux.

Leur accord est à nouveau recueilli par la suite, au moment de la réalisation des rapports de suivi post-adoption. Ainsi, dans l’hypothèse de démarches individuelles d’adoption5, les rapports de suivi sont réalisés par les services des conseils généraux français à la demande des adoptants qui se chargent, ensuite, de leur traduction en russe et de leur envoi aux autorités russes.

Lorsque la procédure d’adoption a été accompagnée par un opérateur (OAA ou AFA), la responsabilité du suivi incombe à cet opérateur, en lien avec la famille adoptive qui consent expressément et à plusieurs reprises à la réalisation de ces rapports et à leur transmission aux autorités russes.

Dans l’hypothèse où un enfant adopté est remis aux services de l’Aide sociale à l’Enfance, sur procès-verbal de remise de l’enfant en vue de son admission en qualité de pupille de l’Etat, l’autorité parentale de l’enfant est alors exercée par ces services, qui sont également informés des exigences russes et donnent expressément leur accord à la communication aux autorités russes d’informations relatives à la situation de l’enfant. Dans l’hypothèse du placement de l’enfant dans une nouvelle famille (famille d’accueil agréée ou famille candidate à l’adoption), cette famille consent également expressément au recueil des informations par les services sociaux en vue de l’élaboration des rapports et à la transmission de ces données aux autorités russes. C’est alors l’autorité centrale française qui transmet les rapports de suivi effectués par les services sociaux français. Cet échange d’informations avec les autorités russes permet de rechercher la solution la plus adaptée à chaque enfant et d’éviter le retour de ces enfants dans un orphelinat en Russie, qui pourrait leur être préjudiciable. Seules les informations strictement nécessaires à la sécurisation juridique de la situation de ces enfants et les éléments factuels relatifs à leur placement sont communiquées aux autorités russes.

En toute hypothèse, l’article 18 de l’accord, qui revient d’une manière globale sur la fourniture par l’autorité centrale de l’Etat d’accueil à celle de l’Etat d’origine des informations relatives aux cas concrets d’adoption y compris en cas de placement de l’enfant dans une nouvelle famille (situation également traitée par les articles 16 et 17), précise que cette fourniture est mise en œuvre « dans le cadre de (la) législation » de l’Etat d’origine.

Il en résulte que toute transmission directe d’information aux autorités russes par les autorités françaises devra respecter la législation française, et en particulier les dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978. Ainsi, tant que la Fédération de Russie ne disposera pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel, aucune donnée à caractère personnel ne pourra, conformément à l’article 69 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, être transférée aux autorités russes sans le consentement des personnes concernées (ou de leur représentant légal s’agissant des enfants adoptés).

En conséquence, la mise en œuvre du Traité franco-russe sur la coopération en matière d’adoption internationale n’apparaît pas en contradiction avec la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le suivi des enfants adoptés est également prévu dans son principe par la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (l’article 9 c), ratifiée par la France, selon laquelle «les Autorités centrales prennent, soit directement, soit avec le concours d'autorités publiques ou d'organismes dûment agréés dans leur Etat, toutes mesures appropriées, notamment pour […] le suivi de l'adoption ».

Le Guide de bonnes pratiques, qui sert de document de référence en matière d’adoption internationale, diffusé par la Conférence de La Haye de droit international privé précise les modalités du suivi post-adoption dans son chapitre 9.3 (Rapports de suivi de l’adoption aux Etats d’origine). Selon le Guide, les rapports de suivi peuvent être rédigés par l’organisme agréé, par les services sociaux ou par la famille, et doivent dans l’idéal être enregistrés par l’organisme agréé avant d’être transmis à l’Etat d’origine. Il est précisé que dans certains Etats d’origine, l’envoi de rapports de suivi est une obligation légale qui conditionne l’autorisation de l’adoption.

Il convient également de replacer les exigences des autorités russes dans le contexte plus général de l’adoption internationale et d’une demande accrue de la part des Etats d’origine d’être informés de l’évolution des enfants adoptés et de leur bonne intégration dans le foyer de la famille adoptive. Les autorités centrales des pays d’origine se montrent de plus en plus exigeantes en matière de suivi post-adoption et conditionnent désormais le maintien des adoptions internationales pour des ressortissants français au respect de ces obligations.

Enfin, force est de constater que d’autres accords, ratifiés par la France, prévoient des transferts d’informations relatives au suivi d’un enfant adopté vers les autorités de l’Etat d’origine de l’enfant. Il en est par exemple ainsi de la Convention relative à la coopération en matière d’adoption d’enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam, signée à Hanoi le 1er février 2000 et ratifiée par la France le 29 juin 2000.

v) Conséquences, sur le traité bilatéral franco-russe en matière d’adoption internationale, de la loi votée par la chambre basse du parlement russe le 21 juin 2013

La Douma a adopté le 21 juin 2013 en troisième lecture un projet de loi interdisant l’adoption d'enfants russes par des couples de même sexe et par toute personne célibataire ressortissante de pays ayant légalisé le mariage homosexuel. Suite à l’entrée en vigueur de cette loi, les citoyens français célibataires ne seront donc plus autorisés à mener une procédure d’adoption en Russie. En application des dispositions transitoires de cette législation, les requêtes en adoption de personnes célibataires, déjà enregistrées auprès des juridictions russes, devraient toutefois être examinées selon la législation antérieure. Il convient de préciser que l’adoption conjointe par des couples de même sexe n’était déjà pas autorisée en Russie.

L’accord bilatéral franco-russe n’est au demeurant pas directement touché par ce texte de loi. En effet, le traité ne définit pas spécifiquement les critères d’éligibilité à l’adoption auxquels doivent satisfaire les personnes désireuses d’adopter en France et en Russie, mais renvoie à la législation nationale de chaque Etat (cf. article 6 alinéa 2 : « les candidats à l’adoption doivent satisfaire aux exigences établies par les législations des deux Parties contractantes et par le Traité»).

En matière d’adoption internationale, les candidats à l’adoption doivent en pratique satisfaire aux exigences établies tant par la législation de l’Etat d’accueil, afin d’obtenir l’agrément en vue d’adoption, que par la législation de l’Etat d’origine dont les autorités seront amenées à statuer sur la demande d’adoption. En effet, dans la majorité des procédures d’adoption, la décision est prononcée par une autorité administrative ou juridictionnelle dans l’Etat d’origine de l’enfant. Or, ces autorités appliquent le plus souvent la loi du for (leur législation nationale) et vérifient dès lors que les candidats à l’adoption respectent les critères d’éligibilité fixés par cette loi.

Ainsi, le traité, en renvoyant, pour déterminer les critères d’éligibilité à l’adoption, aux législations nationales de l’Etat d’accueil et de l’Etat d’origine de l’enfant, ne fait que transcrire les règles d’ores et déjà applicables dans les procédures d’adoption internationale.

Avant d’entamer une procédure d’adoption internationale, les candidats à l’adoption sélectionnent en pratique déjà un pays dont la législation les autorise à adopter. Ainsi, en Russie, les candidats français à l’adoption s’assuraient qu’ils respectaient la législation russe, et ce avant même l’entrée en vigueur du traité bilatéral. Au même titre, les opérateurs français accrédités en Russie sélectionnent les dossiers de candidature de familles respectant les exigences posées par la législation russe et par conséquent susceptibles de se voir accorder l’adoption par les juridictions de ce pays.

La modification de la législation russe n’a dès lors pas d’incidence directe sur le traité franco-russe sur l’adoption.

4) Conséquences administratives

L’entrée en vigueur du présent traité devrait entraîner une charge supplémentaire au regard de la gestion administrative des dossiers qui seront confiés en plus grand nombre à l’Agence Française de l’Adoption et aux organismes autorisés pour l’adoption.

A l’inverse, l’obligation, posée par le traité, de recourir à un opérateur devrait naturellement se traduire par un allègement de la charge de travail incombant jusqu’à présent aux conseils généraux, tenus de réaliser non seulement les rapports de suivi des enfants adoptés par l’intermédiaire de l’Agence Française de l’Adoption, qui dispose d’un correspondant local dans chaque département, mais également l’ensemble des rapports de suivi des enfants ayant engagé une procédure d’adoption de manière individuelle.

Pour toutes ces familles, l’obligation d’établir les rapports de suivi sera mieux répartie entre les organismes autorisés pour l’adoption et les conseils généraux (dossier AFA uniquement).

III – Historique des négociations

Les négociations de ce traité ont été ouvertes à l’initiative de la partie Russe, qui a souhaité encadrer, par des accords bilatéraux, les procédures d’adoption menées dans son pays. Les autorités russes ont ainsi proposé aux principaux Etats d’accueil des enfants adoptés en Russie d’entamer des négociations en vue de la signature d’un accord bilatéral relatif à l’adoption internationale. L’entrée en vigueur d’un accord constituait la condition sine qua non de la poursuite des procédures d’adoption internationale entre les deux pays.

Plusieurs réunions ont été organisées en Russie, du 11 au 13 novembre 2009 puis du 15 au 16 mars 2011 et en France le 29 avril 2010. Côté français, les négociations ont été menées par le Service de l’Adoption Internationale, du ministère des Affaires étrangères et européennes, en concertation avec le ministère de la Justice et des Libertés et le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale.

IV – État des signatures et ratifications

Le traité relatif à l’adoption internationale entre la République française et la Fédération de Russie a été signé à Moscou, le 18 novembre 2011, par le Garde des Sceaux, Ministre de la justice, M. Michel Mercier, et le Ministre de l’éducation et de la famille, M. Andreï Fourenko.

L’entrée en vigueur du présent traité suppose l’accomplissement des procédures constitutionnelles requises dans chacun des deux États, à savoir pour la France la mise en œuvre de la procédure parlementaire d’autorisation de ratification prévue par l’article 53 de la Constitution. Cette entrée en vigueur sera effective trente jours après la réception de la dernière notification par laquelle un État informe l’autre de l’accomplissement de ses formalités.

La Fédération de Russie a communiqué son instrument de ratification à la Partie française le 13 août 2012.

V - Déclarations ou réserves

Aucune déclaration ou réserve n’a été émise.

1 http://www.hcch.net/index_fr.php?act=conventions.text&cid=69

2 http://www2.ohchr.org/french/law/crc.htm

3 Dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004.

4 Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5 A noter que les adoptions individuelles ne seront plus possibles après l’entrée en vigueur du traité bilatéral.


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