N° 2184
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 juillet 2014.
PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de l’accord
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière,
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Manuel VALLS,
Premier ministre,
par M. Laurent FABIUS,
ministre des affaires étrangères
et du développement international.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
I. – Éléments de contexte
À la suite de l’entrée en vigueur effective de la convention d’application de l’accord de Schengen (CAAS) en mars 1995, la France avait élaboré un modèle d’accord-type de coopération transfrontalière en matière policière et douanière (ACTPD), afin de décliner les dispositions de la CAAS sur une base bilatérale et de permettre une coopération le cas échéant plus avancée que celle permise par ce socle multilatéral. De tels accords ont donc été signés avec chacun de nos partenaires limitrophes entre 1997 et 2001.
C’est dans ce contexte qu’avait été signé à Tournai, le 5 mars 2001, l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. Cet accord, complété par un échange de lettres signées à Paris et à Bruxelles le 10 juin 2002 relatif à la mise en œuvre de patrouilles mixtes transfrontalières, a offert un premier cadre juridique intégré et moderne à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, qui s’appuyait précédemment sur une sédimentation de textes partiels et disparates.
Le développement dans la dernière décennie d’outils de coopération policière ambitieux a fait ressortir corrélativement un besoin d’adaptation et de renforcement du dispositif prévu par cet accord de Tournai. La période 2010-2012 a en outre été marquée par un regain de la délinquance perçue en zone frontalière (cette tendance n’ayant par ailleurs pu être objectivée de manière univoque côté français), plusieurs faits divers ayant particulièrement cristallisé l’attention de l’opinion publique belge sur cette question.
Dès lors, les ministres de l’intérieur des deux pays sont convenus en septembre 2012 d’entamer des consultations afin d’améliorer voire de refonder le cadre juridique de la coopération policière transfrontalière. La conclusion d’un nouvel ACTPD s’est imposée comme la solution la plus opportune pour donner une nouvelle impulsion à la coopération policière transfrontalière.
Les négociations bilatérales, menées à bien en quelques mois, ont abouti à la signature à Tournai le 18 mars 2013 du nouvel ACTPD franco-belge, communément désigné comme l’accord « Tournai II ».
II. – Principales dispositions
Le texte se présente, succinctement, de la manière suivante :
Les considérants de l’accord, assez étoffés, visent à ancrer les finalités générales du texte et à l’inscrire dans le temps long de la coopération bilatérale. Ils rappellent que le nouvel accord, héritier de la CAAS et de la convention Naples II, a vocation à supplanter ce cadre, en s’appuyant notamment sur le traité de Prüm et les évolutions les plus récentes de la législation européenne relatives à l’espace européen de justice, de liberté et de sécurité. Il s’agit donc bien de permettre un saut qualitatif dans la coopération policière et douanière, en passant d’un appui principal sur « l’acquis Schengen » à un recours intensif au « corpus Prüm ».
Les articles 1er et 2 de l’accord, après un rappel de la finalité générale de la coopération établie, définissent de manière classique :
– les services compétents des deux Parties (gendarmerie, police et douanes pour la France ; police fédérale, polices locales et douanes pour la Belgique) ;
– l’aire géographique de référence pour la mise en œuvre de l’accord (neuf départements français et l’ensemble du territoire belge).
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Le titre Ier, relatif aux centres de coopération policière et douanière (CCPD) s’ouvre par un article de portée générale (article 3), rappelant les caractères généraux de ces structures et leurs grands principes d’organisation et de fonctionnement.
L’article 4 confirme la localisation à Tournai du CCPD bilatéral(1) créé par le premier accord de Tournai, afin de marquer l’attachement pérenne des Parties à cette implantation (on notera que la zone couverte par ce CCPD est plus réduite, côté belge, que la zone de compétence commune définie à l’article 2). Mais il ne ferme pas la porte à un déplacement de ce centre ou à la création d’autres centres (même si ces hypothèses restent théoriques dans le contexte actuel).
Les articles 5 et 6 explicitent les missions des CCPD. L’article 5 couvre spécifiquement leurs attributions en matière d’échange d’informations opérationnelles (qui constitue la raison d’être principale de ces centres) et conforte leur rôle en matière d’analyse et de rapprochements d’informations (embryonnaire depuis plusieurs années). L’article 6 confirme par ailleurs la possibilité pour les CCPD de contribuer à des missions subsidiaires (observations et poursuites transfrontalières, éloignements et réadmissions, soutien de la coopération directe).
Les articles 7 à 9 traitent, de manière bien plus détaillée que ne le faisaient les précédents ACTPD, de la gestion par les CCPD des informations qu’ils reçoivent, exploitent et transmettent. L’article 7 définit notamment un dispositif détaillé pour la mise en œuvre du traitement automatisé de données à caractère personnel dont disposeront les CCPD. L’article 8 précise les obligations des Parties en matière d’intégrité des locaux et de confidentialité des informations traitées. L’article 9 confirme la possibilité pour le CCPD d’intervenir à titre subsidiaire dans les échanges d’informations visant à réprimer les infractions routières.
L’article 10 règle enfin les conditions statutaires et le régime d’emploi des agents.
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Le titre II, dont l’article 11 constitue le frontispice, concerne la coopération dite « directe » entre unités et services en zone frontalière. Si ces dispositions constituaient une novation importante dans les ACTPD antérieurs (notamment pour les États, comme la France, à forte tradition centralisatrice), il apparaissait cependant nécessaire de leur donner une nouvelle plus-value, afin de mettre ses acteurs en mesure de répondre aux nouveaux enjeux de sécurité en zone frontalière.
L’article 12 conforte le dispositif des agents de liaison, en ouvrant la possibilité pour ces agents détachés au profit d’unités ou services de l’autre Partie d’exercer des missions plus opérationnelles.
L’article 13 fait des patrouilles communes (mentionnées plus que réglées dans le précédent accord de Tournai) le pivot de la coopération directe et l’instrument de principe de l’action opérationnelle conjointe en zone frontalière. Il confirme notamment que la mixité des patrouilles n’obère pas leur capacité d’action répressive et prévoit en particulier, à ce titre, la possibilité pour les agents étrangers d’exercer des prérogatives de puissance publique dans des conditions strictement définies (compte tenues des exigences constitutionnelles françaises en ce domaine).
L’article 14 permet, dans des cas d’urgence très particuliers, l’intervention sur le territoire d’une Partie d’une patrouille de l’autre Partie, pour une durée et avec des prérogatives limitées.
L’article 15 regroupe l’ensemble des dispositions s’appliquant à l’emploi des agents participant à une opération relevant de la coopération directe.
Enfin, l’article 16 prévoit de manière classique des consultations régulières et sur une base ad hoc entre commandants d’unités et chefs de services de la zone frontalière, afin de permettre une analyse fine des dynamiques de la délinquance frontalière et la coordination optimale de leurs actions préventives et répressives.
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Le titre III regroupe des dispositions qui dépassent le contenu conventionnel des ACTPD (soit les deux piliers formés par les CCPD et la coopération directe). Celles-ci doivent permettre de faciliter la coopération policière et douanière transfrontalière ou la mise en œuvre des mesures policières relevant d’autres domaines de coopération transfrontalière.
Les articles 17 à 20 sont des dispositions directement complémentaires de la coopération établie par les deux premiers titres. Les articles 17 et 18 précisent certaines modalités de suivi de la coopération, au plan national et au plan local. L’article 19 favorise les échanges de formations (initiale et continue) et les entrainements communs. L’article 20 confirme la possibilité d’utiliser les vecteurs aérien, maritime et fluvial pour la mise en œuvre de la coopération.
Les articles 21 à 25 concernent des formes de coopération dont la plus-value est indirecte mais réelle pour la coopération policière et douanière transfrontalière. L’article 21 précise les modalités de réalisation des escortes administratives (éloignements) ou judiciaires (translations). L’article 22 détermine les modalités de l’exercice du droit de transit contraint via le territoire de l’autre Partie. L’article 23 détermine les modalités de l’exercice du droit de transit discrétionnaire via le territoire de l’autre Partie. L’article 24 ouvre la voie à une coordination en matière de mise en œuvre des dispositifs de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI). L’article 25 incite enfin à la recherche de synergies matérielles et logistiques entre unités et services des deux Parties (mutualisation d’achats, mise à disposition d’équipements, etc.).
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Enfin, les articles 26 à 29 constituent des dispositions finales de facture classique. L’article 26 concerne les modalités de financement de la coopération. L’article 27 détermine les conditions de possibilité de rejet des demandes de coopération. L’article 28 fixe le mode de règlement des différends entre les Parties. L’article 29 est relatif aux modalités d’entrée en vigueur, d’amendement et de dénonciation de l’accord et dispositions abrogatoires.
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Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Tournai le 18 mars 2013. Cet accord organise une coopération transfrontalière entre les services chargés des missions de police et de douane de chaque Partie par la mise en place de centres communs de coopération policière et douanière. La création de ces centres et leurs implications relèvent de la matière législative (création d’un fichier de données à caractère personnel assorti d’un régime de protection de ces données, possibilité pour les agents de chacune des Parties de participer à des patrouilles sur le territoire de l’autre Partie, régime de responsabilité…) le présent accord doit donc être soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Tournai le 18 mars 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 23 juillet 2014.
Signé : Manuel VALLS
Par le Premier ministre : |
1 () Pour mémoire, la France et la Belgique sont par ailleurs Parties à un CCPD quadripartite établi à Luxembourg, sur le fondement de l’accord entre le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, concernant la mise en place et l’exploitation d’un centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune, signé à Luxembourg le 24 octobre 2008 (accord en cours de ratification, conjointement avec l’ACTPD franco-luxembourgeois).