N° 2953
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juillet 2015.
PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien
relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Manuel VALLS,
Premier ministre,
par M. Laurent FABIUS,
ministre des affaires étrangères et du développement international.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France et l’Autriche ont signé le 20 avril 2007 à Luxembourg un accord relatif à la situation des personnes en situation irrégulière.
En application de l’article 16 de l’accord, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien ont signé à Luxembourg un protocole d’application de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière le 20 avril 2007 à Luxembourg (ci-après le « protocole d’application »).
Afin que l’accord soit conforme au droit européen, un protocole portant révision de l’accord du 20 avril 2007 a été signé à Vienne le 30 octobre 2014. Ce protocole modifie le paragraphe 1 de l’article 1er de l’accord.
Les principaux objectifs de l’accord et de son protocole d’application sont la lutte contre l’immigration irrégulière et la mise en place de procédures de réadmission sur le territoire des parties concernant non seulement leurs ressortissants mais aussi les ressortissants d’États tiers ou apatrides.
Le préambule de l’accord rappelle l’importance d’une telle coopération afin d’assurer une meilleure application des dispositions relatives à la circulation des personnes.
Le titre Ier précise la définition de certains termes utilisés dans le cadre de l’accord.
Son article 1er, tel que modifié par le protocole signé le 30 octobre 2014, définit les ressortissants de pays tiers comme toute personne qui n’est ni citoyen de l’Union au sens de l’article 20 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ni une personne jouissant du droit à la libre circulation telle que définie à l’article 2, point 5 du code frontières Schengen (1).
Le titre II est relatif à la réadmission des ressortissants des parties.
L’article 2 prévoit les conditions de cette réadmission : l’article 2.1 dispose que chaque partie réadmet sur son territoire, sans formalité, à la demande de l’autre partie, toute personne qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée et de séjour applicables sur le territoire de la partie requérante, pour autant qu’il est établi ou présumé qu’elle possède la nationalité de la partie requise. L’article 2.2 prévoit néanmoins que la partie requérante réadmet dans les mêmes conditions la personne concernée si des contrôles postérieurs intervenus dans les six mois suivant son arrivée sur le territoire de l’État requis démontrent qu’elle ne remplissait pas, au moment de la sortie du territoire de la partie requérante, les conditions prévues ci-dessus à l’article 2.1.
L’article 3 est relatif à l’établissement de la nationalité : l’article 3.1 prévoit que la nationalité de la personne est considérée comme établie sur la base de l’un des documents en cours de validité énumérés à l’annexe 1 (A) du protocole d’application. Quand la nationalité est établie de la sorte, la réadmission est exécutée sans la délivrance de laissez-passer consulaire, conformément aux lois et règlements nationaux en vigueur. L’article 3.2 prévoit que la nationalité est considérée comme présumée sur la base d’un des éléments énumérés à l’annexe 1 (B) du protocole d’application.
L’article 4 est relatif à la délivrance des documents en cas de présomption de nationalité sur la base de l’article 3.2 ; l’article 4.1 prévoit, lorsque la nationalité est présumée sur le fondement de l’article 3.2, que les autorités consulaires de la partie requise délivrent sans délai un laissez-passer consulaire. L’article 4.2 dispose qu’en cas de doute sur les éléments fondant la présomption de la nationalité, ou en cas d’absence de ces éléments, les autorités consulaires de la partie requise procèdent à l’audition de l’intéressé dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande de la partie requérante. En application de l’article 4.3, lorsqu’à l’issue de cette audition, il est établi que la personne intéressée est de la nationalité de la partie requise, le laissez-passer consulaire est délivré sans délai par les autorités consulaires.
L’article 5 est relatif aux délais : l’article 5.1 prévoit que dans tous les cas la partie requise répond à la demande de réadmission immédiatement et au plus tard dans les cinq jours ouvrables suivant la réception de la demande. En l’absence de réponse dans un délai d’un mois, la demande est considérée comme acceptée. L’article 5.2 prévoit que la réadmission s’effectue immédiatement et au plus tard dans les trente jours suivant l’accord donné par la partie requise.
Le titre III est relatif à la réadmission des ressortissants d’États tiers ou des apatrides.
L’article 6 est relatif aux conditions de cette réadmission. Cet article 6 stipule que chaque partie réadmet sur son territoire, à la demande de l’autre partie, le ressortissant d’un État tiers ou l’apatride qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la partie requérante, pour autant qu’il est établi ou présumé que ce ressortissant est entré sur le territoire de la partie requérante après avoir séjourné ou transité par le territoire de la partie requise.
L’article 7 expose les cas dans lesquels la réadmission des ressortissants des États tiers et apatrides est exclue.
L’article 8 prévoit que l’entrée ou le séjour des ressortissants d’États tiers sur le territoire de la partie requise est établi à partir des éléments de preuve figurant à l’annexe 3, paragraphe 2 du protocole d’application (2).
L’article 9 est relatif aux délais. L’article 9.1 prévoit que la partie requise répond immédiatement à la demande de réadmission et au plus tard dans les cinq jours suivant la réception de la demande. En l’absence de réponse dans le délai d’un mois, la demande de réadmission est considérée comme acceptée. L’article 9.3 stipule que la réadmission s’effectue immédiatement après l’accord donné par la partie requise et au plus tard dans un délai de trente jours qui peut être prorogé en cas d’obstacles juridiques.
L’article 10 prévoit que la partie requérante réadmet sur son territoire les ressortissants d’un État tiers ou un apatride qui, après vérifications postérieures à sa réadmission par la partie requise, n’aurait pas rempli les conditions prévues à l’article 6 de l’accord au moment de sa sortie du territoire de la partie requérante.
Le titre IV est relatif au transit.
Le 1. de l’article 11 dispose que chaque partie, sur demande de l’autre partie, autorise le transit sur son territoire de ressortissants d’États tiers ou d’apatrides ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement à condition que l’admission dans le pays de destination finale soit acceptée et que l’éventuel transit par d’autres États soit garanti. Le 2. de l’article 11 prévoit que le transit peut s’effectuer par voie aérienne ou terrestre. Le 3. de l’article 11 liste les cas dans lesquels le transit peut être refusé et le 4 de l’article 11 les cas dans lesquels la partie requérante reprend en charge la personne concernée même si une autorisation de transit a été donnée.
L’article 12 prévoit les modalités dans lesquelles le transit par voie aérienne peut être effectué, avec ou sans escorte policière. Cet article prévoit notamment que le transit doit s’effectuer dans les 24 h et, s’il doit s’effectuer sous escorte policière, que l’escorte est assurée par la partie requérante. En cas d’infraction commise par la personne concernée durant le transit, l’État requis a une compétence prioritaire.
L’article 13, relatif au transit par voie terrestre, prévoit que la partie requérante met l’escorte à la disposition de la partie requise jusqu’à la remise de la personne transférée à la frontière. Le transfert sur le territoire de la partie requise se fait sous escorte des agents de la partie requise. L’article 13.2 prévoit que la demande de transit doit être formulée au plus tard dans les quatre jours ouvrables avant le transit prévu. Conformément à l’article 13.3, la partie requise répond à la demande dans les plus brefs délais et au plus tard dans les 48 heures.
Le titre V est relatif aux frais.
Aux termes de l’article 14, tous les frais liés à la réadmission, jusqu’à la frontière de la partie requise, sont à la charge de la partie requérante. Par ailleurs, tous les frais liés au transit jusqu’à l’État de destination finale et aux frais occasionnés par un éventuel retour sont à la charge de la partie requérante.
Le titre VI est relatif à la protection des données.
L’article 15 dispose que les données à caractère personnel nécessaires à l’exécution de l’accord sont utilisées et protégées par chacune des parties conformément aux législations nationales en vigueur sur la protection des données et aux dispositions des conventions internationales en vigueur. Aux termes de l’article 15.2, les données à caractère personnel communiquées ne peuvent être utilisées que par les autorités compétentes pour l’exécution de l’accord. Par ailleurs, l’article 15.2 e) prévoit que les deux parties sont tenues de protéger efficacement les données à caractère personnel communiquées contre tout accès, toute modification et toute diffusion non autorisés. Dans tous les cas, les données à caractère personnel communiquées bénéficient d’un niveau de protection équivalent à celui dont bénéficient les données de même nature en vertu de la législation de la partie requérante.
Le titre VII est relatif aux conditions d’application.
L’article 16 prévoit que les modalités d’application de l’accord liées aux points suivants sont contenues dans le protocole d’application :
a) Tous les moyens de preuve ou éléments relatifs à la situation de la personne à réadmettre ;
b) Le mode d’information réciproque et le mode opératoire pratique ;
c) Les services compétents pour l’application du présent accord ;
d) Les données qui doivent figurer dans les demandes de réadmission et de transit ;
e) Les lieux, plus particulièrement les aéroports, utilisés pour la réadmission et le transit des personnes concernées.
Le titre VIII porte sur les dispositions finales.
L’article 17 prévoit que tous les litiges concernant l’interprétation ou l’application du présent accord seront réglés par la voie diplomatique.
L’article 18 stipule que les dispositions du présent accord ne portent pas atteinte aux obligations des parties découlant des conventions internationales.
Le 1. de l’article 19 prévoit de manière classique les modalités d’entrée en vigueur de l’accord.
Le 3. de l’article 19 stipule que l’accord est conclu pour une durée indéterminée.
Concernant le protocole d’application, l’annexe 1 (A) énumère les documents, en cours de validité, sur la base desquels est établie la nationalité :
- pour la République française : passeport, carte d’identité, certificat de nationalité, décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française ;
- pour la République d’Autriche : documents de voyage (passeport, passeport collectif, passeport diplomatique, passeport de service, document faisant office de passeport) ; carte d’identité, titre établissant la citoyenneté, passeport militaire et carte d’identité militaire, document établi par l’administration dont on peut déduire la nationalité.
L’annexe 1 (B) énumère les documents sur la base desquels peut être présumée la nationalité de chacune des deux parties, si la nationalité ne peut pas être établie par un des documents figurant à l’annexe 1 (A) (3).
L’annexe 2 énumère les documents que doit comprendre la demande de réadmission dans le cadre de la réadmission des ressortissants des parties.
L’annexe 3 énumère :
1. Les données et informations que doit comprendre une demande de réadmission d’un ressortissant d’un État tiers ou d’un apatride ;
2. Les documents devant être apportés comme preuve de l’entrée en provenance du territoire de la partie requise et du séjour sur ce territoire ;
3. Les éléments grâce auxquels peuvent être présumés l’entrée en provenance de la partie requise et le séjour sur ce territoire.
En outre, l’annexe 3, paragraphe 4, prévoit que des documents ou autres moyens apportant la preuve ou la présomption de l’entrée illicite sur le territoire de la partie requérante sont communiqués à la partie requise lors de la réadmission du ressortissant d’un État tiers ou d’un apatride au point frontalier précisé.
Enfin, l’annexe 3, paragraphe 5, prévoit que la transmission de la demande de réadmission par la partie requérante s’effectue, notamment, par courrier électronique ou par télécopie. La partie requérante dépose la demande au plus tard dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle les autorités compétentes ont eu connaissance de l’entrée et du séjour illégaux sur le territoire.
L’annexe 4 est relative à la remise et la réadmission. Le paragraphe 1 prévoit que la remise et la réadmission se font au point de passage frontalier à la date et l’heure convenues par les parties. Le paragraphe 3 prévoit, s’il est constaté ultérieurement que les conditions de remise et de réadmission conformément à l’article 6 de l’accord n’étaient pas remplies, que tous les documents de la personne concernée doivent être restitués simultanément à la partie requérante.
L’annexe 5, paragraphe 1, énumère les données et informations que doit comporter la demande de transit. Le paragraphe 3 prévoit que si les mesures de réadmission supposent un changement d’aéroport sur le territoire de la partie requise la demande ne peut porter que sur une demande de transit par voie aérienne.
L’annexe 6 décrit le nom et les coordonnées des aéroports utilisés pour la réadmission et le transit des personnes en situation irrégulière d’une part sur le territoire français et d’autre part sur le territoire autrichien.
L’annexe 7 est relative aux frais. Il renvoie à l’article 14 de l’accord et prévoit que la partie requérante rembourse à la partie requise tous les frais occasionnés dans les 30 jours à compter de la date de réception de la facture.
L’annexe 8 est relative aux autorités compétentes. Elle a été amendée par échange de notes verbales entre l’Ambassade de France en Autriche du 18 avril 2011 et le ministère fédéral de l’intérieur autrichien du 5 mai 2011. Le paragraphe 1 de cette annexe 8 décrit les autorités compétentes pour l’application de l’accord pour la partie française :
- pour le dépôt et le traitement de la demande de réadmission (article 1.1 du protocole) conformément aux articles 2 et 6 de l’accord ;
- pour le dépôt et le traitement des demandes de transit (article 1.2 du protocole) conformément à l’article 11 de l’accord ;
- pour la demande de documents de voyage (article 1.3 du protocole) ;
- pour le traitement des cas litigieux (article 1.4 du protocole).
Réciproquement, le paragraphe 2 de l’annexe 8 décrit les autorités compétentes pour l’application de l’accord pour la partie autrichienne.
Le paragraphe 3 de l’annexe 8 dispose que les parties se communiquent toutes les modifications à la présente annexe par la voie directe.
L’annexe 9 est relative à l’examen des conditions d’application de l’accord et du protocole. Les experts des deux parties pourront si nécessaire se rencontrer pour discuter en particulier des conditions d’application de l’accord et du présent protocole ainsi que des éventuelles modifications à apporter à l’accord et au protocole d’application.
L’annexe 10 est relative aux dispositions finales d’entrée en vigueur et de dénonciation ou suspension du protocole d’application.
Telles sont les principales observations qu’appellent l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière et ses protocoles. Les dispositions du présent accord impliquent des échanges d’informations concernant les personnes faisant l’objet d’opérations de réadmission ou de transit. Par conséquent, comportant des dispositions de nature législative, il doit être soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement fédéral autrichien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Luxembourg le 20 avril 2007 (ensemble deux protocoles, signés à Luxembourg le 20 avril 2007 et à Vienne le 30 octobre 2014), et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 1er juillet 2015.
Signé : Manuel VALLS
Par le Premier ministre : |
1 () Cet article prévoyait dans sa version originale que « l’expression “ressortissant d’un pays tiers” désignait toute personne possédant une nationalité autre que celle des parties ».
2 () Ces éléments de preuve sont les suivants : la preuve de l’entrée en provenance du territoire de la partie contractante requise et du séjour sur ce territoire est apportée par :
a) Les cachets d’entrée ou de sortie portés sur les documents de voyage ou d’identité identiques ;
b) Un document périmé depuis moins d’un an autorisant un séjour sur le territoire de la partie contractante requise ;
c) Un billet d’avion ou de train établi au nom du ressortissant d’un État tiers ou de l’apatride à réadmettre qui puisse prouver l’entrée ou le séjour sur le territoire de la partie contractante requise ;
d) D’autres documents établis au nom du ressortissant d’un État tiers ou de l’apatride à réadmettre, permettant de prouver le séjour sur le territoire de la partie contractante requise.
3 () Ces documents sont les suivants :
a) Les documents périmés mentionnés à l’annexe 1 (A) ;
b) Une photocopie de l’un des documents visés à l’annexe 1 (A) ;
c) Un document administratif émanant des autorités officielles de la partie requise comportant des mentions sur l’identité de la personne concernée ;
d) Des dépositions de témoins consignées dans un procès-verbal ;
e) Une déclaration de l’intéressé dûment recueillie par les autorités administrative ou judiciaire de la partie requérante, consignée dans un procès-verbal ;
f) Un autre document qui, dans un cas concret, est reconnu par la partie requise.