PROJET DE LOI
relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine
NOR : MCCB1511777L/Bleue-1
Étude d'impact
7 juillet 2015
Table des matières
TITRE 1 : DISPOSITIONS RELATIVES À LA CRÉATION ARTISTIQUE 10
chapitre Ier : Dispositions relatives à la liberté de création artistique 11
1.1.1. Mesure 1 : Reconnaissance et responsabilité de la Nation à l’égard de la création artistique et de ses acteurs (Article 1er) 11
1.1.1.1. Diagnostic 11
1.1.1.2. Objectifs poursuivis 13
1.1.1.3. Impacts 14
1.1.2. Mesure 2 : Les objectifs de l’action publique en faveur de la création artistique (Article 2) 14
1.1.2.1. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis 16
1.1.2.2. Dispositif juridique proposé 16
1.1.2.3. Impacts de la mesure 17
1.1.3. Mesure 3 : Les labels de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques (Article 3) 20
1.1.3.1. Diagnostic 20
1.1.3.2. Objectifs poursuivis 22
1.1.3.3. Impacts 23
1.1.3.4. Modalités d’application 23
chapitre II : Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique 24
1.2.1. Mesure 4 : Dispositions relatives aux contrats entre artistes et producteurs (Articles 4 et 5) 24
1.2.1.1. Diagnostic de situation, état du droit et justification du besoin d’évolution 24
1.2.1.2 Etat du droit 28
1.2.1.3. Nécessité de légiférer et dispositif juridique envisagé 30
1.2.1.4. Impacts des mesures 33
1.2.1.5. Mise en œuvre des dispositions et textes d’application nécessaires 34
1.2.1.6. Consultation 34
1.2.2. Mesure 5 : Disposition relative aux relations entre producteurs de phonogrammes et éditeurs de service de musique en ligne (Article 6) 34
1.2.2.1. Diagnostic et état du droit 34
1.2.2.2. Objectifs poursuivis 36
1.2.2.3. Options 36
1.2.2.4. Impacts 37
1.2.2.5. Consultations 38
1.2.2.6. Modalités d’application et d’entrée en vigueur 38
1.2.3. Mesure 6 : Instauration d’un médiateur de la musique (Article 7) 38
1.2.3.1. Diagnostic et état du droit 38
1.2.3.2. Objectifs poursuivis 39
1.2.3.3. Options 39
1.2.3.4. Impacts 40
1.2.3.5. Consultation 41
1.2.3.6. Modalités d’application et d’entrée en vigueur 41
1.2.4. Mesure 7 : Transparence des comptes de production et d’exploitation d’une œuvre cinématographique (Articles 8 et 9) 42
1.2.4.1. Diagnostic 42
1.2.4.2. Objectifs poursuivis 42
1.2.4.3. Dispositif juridique proposé 43
1.2.4.4. Impacts 44
1.2.4.5. Modalités d’application 44
1.2.4.6. Consultations 45
1.2.5. Mesure 8 : Aménager les dispositifs de contrôle des recettes d’exploitation en salles et l’organisation des échanges d’informations relatives à la projection numérique en salles (Article 10) 45
1.2.5.1. Contrôle des recettes d’exploitation cinématographique 45
1.2.5.1.1. Diagnostic 45
1.2.5.1.2. Objectifs poursuivis 46
1.2.5.1.3. Impacts 46
1.2.5.2. Echanges d’informations relatives à la projection numérique des œuvres cinématographiques
en salles 46
1.5.2.2.1. Diagnostic 46
1.5.2.2.2. Objectifs poursuivis 47
1.5.2.2.3. Impacts 47
Chapitre III : Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle 48
1.3.1. Mesure 9 : Elargir l’offre disponible pour les personnes handicapées (Articles 11, 12 et 13) 48
1.3.1.1. Diagnostic, état du droit et justification du besoin d’évolution 48
1.3.1.2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis 50
1.3.1.3. Dispositif juridique proposé 53
1.3.1.4. Impacts de la mesure 54
1.3.1.5. Mise en œuvre des dispositions et textes d’application nécessaires 58
Chapitre IV : Développer et pérenniser l’emploi et l’activité professionnelle 59
1.4.1. Mesure 10 : Liste des métiers artistiques (Article 14) 59
1.4.1.1. Diagnostic 59
1.4.1.2. Objectifs poursuivis 59
1.4.1.3. Impacts 59
1.4.1.4. Modalités d’application 60
1.4.2. Mesure 11 : Artiste en collectivité publique (Article 15) 60
1.4.2.1 Diagnostic 60
1.4.2.2. Objectifs poursuivis 61
1.4.2.3. Impacts de la mesure 61
1.4.2.4. Modalités d’application 62
1.4.3. Mesure 12 : Observation du secteur du spectacle vivant (Article 16) 62
1.4.3.1. Diagnostic 62
1.4.3.2. Objectifs poursuivis 64
1.4.3.3. Impacts 65
1.4.3.4. Modalités d’application 65
Chapitre V : Enseignement supérieur 66
1.5.1. Mesure 13 : Structurer l'enseignement supérieur de la création artistique et du cinéma audiovisuel (Article 17) 66
1.5.1.1. Diagnostic 66
1.5.1.2. Objectifs 67
1.5.1.3. Présentation de la mesure 69
1.5.1.4. Impacts 71
1.5.1.5. Consultation 72
1.5.1.6. Mise en œuvre et texte d’application nécessaire 73
TITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES AU PATRIMOINE CULTUREL 74
Chapitre Ier : Renforcer la protection et améliorer la diffusion du patrimoine culturel 74
2.1.1. Mesure 14 : Circulation, diffusion et protection des biens culturels (Articles 19 et 30 1° ; Livres Ier, II et IV du code du patrimoine) 74
2.1.1.1. Options et dispositifs retenus 74
2.1.2. Mesure 15 : Irrecevabilité des demandes de certificats d'exportation (Article 30 1°, a) ; L. 111-4 du code du patrimoine, création d'un article L. 111-4-1 dans le code du patrimoine) 75
2.1.2.1. Diagnostic 75
2.1.2.2. Objectifs poursuivis 75
2.1.2.3. Impacts 76
2.1.2.4. Modalités d’application 76
2.1.3. Mesure 16 : Amélioration du suivi des trésors nationaux pendant la durée d'effet du refus du certificat d'exportation (Article 30, 1°, a) ; articles L. 111-8 à L. 111-11, L. 114-1-1 du code du patrimoine (nouveaux articles)) 77
2.1.3.1. Diagnostic 77
2.1.3.2. Objectifs poursuivis 77
2.1.3.3. Impacts 78
2.1.3.4. Modalités d’application 78
2.1.4. Mesure 17 : Introduction d'un contrôle à l'importation des biens culturels (Article 30, 1°, b) ; création article L. 111-11 CP) 79
2.1.4.1. Diagnostic 79
2.1.4.2. Objectifs poursuivis 79
2.1.4.3. Impacts 80
2.1.5. Mesure 18 : Insaisissabilité des biens culturels (Article 30, 1°, c) ; création d'un article L. 113-1 dans le code du patrimoine) 81
2.1.5.1. Diagnostic 81
2.1.5.2. Objectifs poursuivis 81
2.1.5.3. Impacts 81
2.1.5.4. Modalités d’application 82
2.1.6. Mesure 19 : Favoriser le maintien sur le territoire national des trésors nationaux (Article 30, 1°, a) ; article L. 121-1 du code du patrimoine) 82
2.1.6.1. Diagnostic 82
2.1.6.2. Objectifs poursuivis 84
2.1.6.3. Impacts 84
2.1.6.4. Modalités d’application 85
2.1.7. Mesure 20 : Faciliter la récupération par les propriétaires publics des biens culturels appartenant au domaine public lorsqu'ils sont redécouverts entre les mains des personnes privées (Article 30, 1°, d) ; articles L. 112-22 à L. 112-24, L. 114-1-2, L. 114-2-1, L. 212-1, L. 214-5 et L. 622-17 du code du patrimoine) 85
2.1.7.1. : Faciliter les actions en revendication et en nullité 85
2.1.7.1.1. Diagnostic 85
2.1.7.1.2. Objectifs poursuivis 86
2.1.7.1.3. Impacts 87
2.1.7.1.4. Modalités d’application 90
2.1.7.2. Favoriser la restitution volontaire des biens 90
2.1.7.2.1. Diagnostic 90
2.1.7.2.2. Objectifs poursuivis 90
2.1.7.2.3. Impacts 90
2.1.7.2.4. Modalités d’application 91
2.1.8. Mesure 21 : Assouplir les modalités de transfert des biens culturels entre services culturels des personnes publiques (Article 30, I, 1°, e) 92
2.1.8.1. Diagnostic 92
2.1.8.2. Objectifs poursuivis 93
2.1.8.3. Impacts 93
2.1.8.4. Modalités d’application 93
2.1.9. Mesure 22 : La protection et la conservation des collections d’art contemporain (Article 18 ; articles L. 116-1 et L. 116-2 du code du patrimoine) 94
2.1.9.1. Diagnostic 94
2.1.9.2. Objectifs poursuivis 95
2.1.9.3. Impacts 97
2.1.9.4. Modalités d’application 98
2.1.10. Mesure 23 : Améliorer et renforcer le contrôle scientifique et technique sur les musées de France (Article 19 ; L. 452-1, L. 452-2 (modification) et L. 452-2-1 (nouvel article) du code du patrimoine 98
2.1.10.1 Diagnostic 98
2.1.10.2. Objectifs poursuivis 99
2.1.10.3. Impacts 100
2.1.10.4. Modalités d’application 100
2.1.11. Mesure 24 : Fusionner au livre IV les instances consultatives compétentes en matière de musées de France (Article 30, I 3°) 101
2.1.11.1. Diagnostic 101
2.1.11.1. Objectifs poursuivis 101
2.1.11.2. Impacts 102
2.1.11.3. Modalités d’application 102
Chapitre II : Réformer le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique (Articles 20 et 30 ,4°; Livre V du code du patrimoine) 103
2.2.1. Mesure 25 : Compléter la définition du patrimoine archéologique (Articles 20 et 30 4°; Articles 36, 15°) 103
2.2.1.1. Diagnostic 103
2.2.1.2. Objectifs poursuivis 104
2.2.1.3. Impacts 104
2.2.2. Mesure 26 : Améliorer le contrôle scientifique et technique des opérations d’archéologie préventive (Article 20, 2°, 3° et 4°, articles L. 522-1, L. 523-8 et L. 523-9 du code du patrimoine) 105
2.2.2.1. Diagnostic 105
2.2.2.2. Objectifs poursuivis 106
2.2.2.3. Impacts 107
2.2.2.4. Modalités d’application 109
2.2.3. Mesure 27 : Améliorer le contrôle scientifique et technique des opérateurs d’archéologie préventive (Article 20, 5°, article L. 523-8 -1 du code du patrimoine) 111
2.2.3.1. Diagnostic 111
2.2.3.2. Objectifs poursuivis 113
2.2.3.3. Impacts 113
2.2.3.4. Modalités d’application 114
2.2.4. Mesure 28 : Refonte du régime juridique applicable au mobilier archéologique (Article 20, 6°, 7°, 8°, 9°et 10° a) et c) ; articles L. 523-12, L. 523-14, L. 531-5, L. 531-11, L. 531-16, L. 531-17, L. 531-18, L. 541-2, L. 542-2-1, L. 541-3, L. 541-4, L. 541-5, L. 541-6 et L. 541-7 du code du patrimoine) 114
2.2.4.1. Diagnostic 114
2.2.4.2. Objectifs poursuivis 117
2.2.4.3. Impacts 118
2.2.4.4. Modalités d’application 121
2.2.5. Mesure 29 : Article 20, 10° b Régime de propriété des biens archéologiques immobiliers (article L. 541-1 du code du patrimoine) 122
2.2.5.1. Diagnostic 122
2.2.5.2. Objectifs poursuivis 122
2.2.5.3. Impacts 122
2.2.5.4. Modalités d’application 123
2.2.6. Mesure 30 : Permettre d’opposer l’intérêt public de protection du patrimoine archéologique à l’occasion d’une demande de permis de démolir (Article 36, 15° du projet de loi ; article L. 421-6 du code de l’urbanisme) 123
2.2.6.1. Diagnostic 123
2.2.6.2. Objectifs 123
2.2.6.3. Impacts 123
2.2.6.4. Modalités d’application 124
2.2.7. Mesure 31 : Biens culturels maritimes - Convention UNESCO du 2 novembre 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (article 30 , 4°, f) ; articles L. 532-1, L. 532-1-1, L. 532-14, L. 532-15, L. 532-16, L. 532-17 du code du patrimoine) 124
2.2.7.1. Diagnostic 124
2.2.7.2. Objectifs poursuivis 125
2.2.7.3. Impacts 125
2.2.7.4. Modalités d’application 127
2.2.8. Mesure 32 : Réorganiser le plan du livre V du code du patrimoine, harmoniser la terminologie, abroger ou adapter les dispositions devenues obsolètes (article 30 , 4°, a) et b); livre V Archéologie du code du patrimoine) 127
2.2.8.1. Diagnostic 127
2.2.8.2. Objectifs poursuivis 128
2.2.8.3. Impacts 128
2.2.9. Mesure 33 : Adapter les procédures d’archéologie préventive pour les aménagements projetés dans le domaine public maritime (Article 30, 4°, d) 129
2.2.9.1. Diagnostic 129
2.2.9.2. Objectifs poursuivis 130
2.2.9.3. Impacts 130
2.2.9.4. Modalités d’application 130
2.2.10. Mesure 34 : Définir la procédure de remise à l’autorité administrative, de conservation et d’étude sous sa garde, des restes humains mis au jour au cours d’une opération archéologique ou d’une découverte fortuite et les modalités selon lesquelles ceux-ci peuvent faire l’objet de restitution ou de ré-inhumation (Article 30 4° b) 131
Chapitre III : Valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine (articles 21 à 26) 133
2.3.1. Mesure 35 : Patrimoine mondial (Article 23 ; article L. 612-1 du code du patrimoine) 133
2.3.1.1. Diagnostic 133
2.3.1.2. Objectifs poursuivis 134
2.3.1.3. Impacts 135
2.3.1.4. Modalités d'application 135
2.3.2. Mesure 36 : Articulation et simplification des procédures : la non superposition des servitudes portant sur les espaces et les immeubles (Article 24 ; articles L. 621-30 et L. 632-3 du code du patrimoine) 136
2.3.2.1. Diagnostic 136
2.3.2.2. Objectifs poursuivis 137
2.3.2.3. Impacts 138
2.3.2.4. Modalités d'application 138
2.3.3. Mesure 37 : La non-superposition des servitudes portant sur les objets mobiliers (Article 30, 5° f) 138
2.3.3.1. Diagnostic 138
2.3.3.2. Objectifs poursuivis 139
2.3.3.3. Impacts 139
2.3.3.4. Modalités d'application 140
2.3.4. Mesure 38 : Institutions (Article 23; articles L. 611-1 et L. 611-2 du code du patrimoine) 140
2.3.4.1. Diagnostic 140
2.3.4.2. Objectifs poursuivis 143
2.3.4.3. Impacts 145
2.3.4.4. Modalités d'application 147
2.3.5. Mesure 39 : Définition, champ et conditions d'application des abords des monuments historiques (Article 24 ; article L. 621-30 du code du patrimoine) 149
2.3.5.1. Diagnostic 149
2.3.5.2. Objectifs poursuivis 153
2.3.5.3. Impacts 153
2.3.5.4. Modalités d'application 153
2.3.6. Mesure 40 : Périmètres de protection adaptés et délimités des abords (Article 24 ; articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine) 153
2.3.6.1. Diagnostic 153
2.3.6.2. Objectifs poursuivis 155
2.3.6.3. Impacts 156
2.3.6.4. Modalités d'application 157
2.3.7. Mesure 41 : Travaux en abords des monuments historiques (Article 24 ; article L. 621-32 du code du patrimoine) 158
2.3.7.1. Diagnostic 158
2.3.7.2. Objectifs poursuivis 160
2.3.7.3. Impacts 161
2.3.7.4. Modalités d'application 164
2.3.8. Mesure 42 : Dispositions transitoires relatives aux périmètres de protection existants (Article 40) 166
2.3.8.1. Diagnostic 166
2.3.8.2. Objectifs poursuivis 166
2.3.8.3. Impacts 166
2.3.9. Mesure 43 : Autorisation du détachement d'immeubles par destination dans un immeuble classé ou inscrit (Article 24, 2° et 3° ; articles L. 621-9 et L. 621-27 du code du patrimoine) 166
2.3.9.1. Diagnostic 166
2.3.9.2. Objectifs poursuivis 168
2.3.9.3. Impacts 169
2.3.9.4. Modalités d'application 170
2.3.10. Mesure 44 : Ensembles historiques mobiliers et servitude de maintien dans les lieux (Article 24, 7° et 10° ; articles L. 622-1-1, L. 622-1-2 et L. 622-4-1 du code du patrimoine) 170
2.3.10.1. Diagnostic 170
2.3.10.2. Objectifs poursuivis 173
2.3.10.3. Impacts 173
2.3.10.4. Modalités d'application 175
2.3.11. Mesure 45 : Institution des domaines nationaux (Article 24 ; articles L. 621-34 à L. 621-39 du code du patrimoine) 175
2.3.11.1. Diagnostic 175
2.3.11.2. Objectifs 180
2.3.11.3. Impacts 181
2.3.11.4. Modalités d'application 184
2.3.12. Mesure 46 : Institution des cités historiques : critères, objet, procédures (Article 24 ; articles L. 631-1, L. 631-2, L. 631-3 du code du patrimoine) 185
2.3.12.1. Diagnostic 185
2.3.12.2. Objectifs poursuivis 192
2.3.12.3. Impacts 193
2.3.12.4. Modalités d’application 194
2.3.13. Mesure 47 : Travaux en cité historique (Article 24 ; articles L. 632-1 et L. 632-2 du code du patrimoine) 195
2.3.13.1. Diagnostic 195
2.3.13.2. Objectifs poursuivis 196
2.3.13.3. Impacts 197
2.3.13.4. Modalités d'application 199
2.3.14. Mesure 48 : Documents d'urbanisme en cité historique (article 24 ; article L. 631-du code du patrimoine) 202
2.3.14.1. Diagnostic 202
2.3.14.2. Objectifs poursuivis 204
2.3.14.3. Impacts 204
2.3.14.4. Modalités d'application 205
2.3.15. Mesure 49 : Dispositions transitoires relatives aux PSMV et AVAP en cours (article 42) 206
2.3.15.1. Diagnostic 206
2.3.15.2. Objectifs poursuivis 206
2.3.15.3. Impacts 207
2.3.15.4. Modalités d'application 207
2.3.16. Mesure 50 : Harmonisation du droit pénal des monuments et cités historiques et articulation avec le droit pénal de l'urbanisme (article 25 ; articles L. 641-1 à L. 642-3 du code du patrimoine) 208
2.3.16.1. Diagnostic 208
2.3.16.2. Objectifs poursuivis 208
2.3.16.3. Impacts 209
2.3.16.4. Mesures d'application : 209
2.3.17. Mesure 51 : Précision et harmonisation des critères et procédures de classement et d'inscription au titre des monuments historiques des immeubles et des objets mobiliers (article 30 5°a) 210
2.3.17.1. Diagnostic 210
2.3.17.2. Objectifs poursuivis 211
2.3.17.3. Impacts 212
2.3.17.4. Modalités d'application 212
2.3.18. Mesure 52 : Substitution au régime actuel de l'instance de classement d'un régime d'instance de protection pour les immeubles et les objets mobiliers (Article 30 , 5° b) 213
2.3.18.1. Diagnostic 213
2.3.19.2. Objectifs 216
2.3.19.3. Impacts 216
2.3.19.4. Modalités d'application 217
2.3.19. Mesure 53 : Rapprochement des régimes des immeubles et objets mobiliers inscrits de celui des immeubles et objets mobiliers classés en matière d’aliénation, de prescription, de servitudes d’utilité publique et harmonisation des procédures d’autorisation de travaux sur les immeubles et objets mobiliers classés ou inscrits au titre des monuments historiques (Article 30, 5° c et d) 217
2.3.19 .1. Diagnostic 217
2.3.219 .2. Objectifs poursuivis 221
2.3.19 .3. Impacts 221
2.3.20.4. Modalités d'application 222
2.3.20. Mesure 54 : Définir des exceptions au caractère suspensif du recours exercé à l'encontre de la décision de mise en demeure d'effectuer des travaux de réparation ou d'entretien sur un monument historique classé (Article 30, 5° e) 224
2.3.20.1. Diagnostic 224
2.3.20.2. Objectifs 225
2.3.20.3. Impacts 226
2.3.20.4. Modalités d'application 226
2.3.21. Mesure 55 : Harmoniser les procédures de récolement des objets mobiliers protégés au titre des monuments historiques en rapprochant le délai de récolement des objets mobiliers protégés au titre des monuments historiques de celui du récolement des collections des musées de France (Article 30, 5°g) 227
2.3.21.1. Diagnostic 227
2.3.21.2. Objectifs poursuivis 227
2.3.21.3. Impacts 228
2.3.21.4. Modalités d'application 228
2.3.22. Mesure 56 : Actualiser les dispositions et formulations devenues obsolètes et améliorer la lisibilité des règles en réorganisation le plan des chapitres I et II du titre II du livre VI (Article 30, 5° b) 229
2.3.23. Mesure 57 : Label patrimoine récent (Article 26, création d’un titre V « qualité architecturale » dans le livre VI ; article L. 650-1 au titre V du livre VI) 229
2.3.23.1. Diagnostic 229
2.3.23.2. Objectifs poursuivis 231
2.3.23.3. Impacts 231
2.3.23.4. Modalités d'application 232
2.3.24. Mesure 58 : Dérogations et autorisation de majoration de volume (article 36 ; modification des articles L. 123-5-1, L. 127-1 et L. 128-1 du code de l’urbanisme et prise en compte d'une compétence de la CRPA L. 611-2) 232
2.3.24.1. Diagnostic 232
2.3.24.2. Objectifs poursuivis 233
2.3.24.3. Impacts 234
2.3.24.4. Modalités d'application 234
2.3.25. Mesure 59 : Tirer les conséquences des modifications apportées par le projet de loi dans le code du patrimoine en outre-mer (Articles 43 à 46) 235
TITRE III : HABILITATIONS A LEGIFERER PAR VOIE D'ORDONNANCE 236
Chapitre Ier : Dispositions portant habilitation à compléter et à modifier le code du cinéma et de l'image animée 236
3.1.1. Mesure 60 : Mettre à jour le code du cinéma et de l’image animée (Article 28) 236
3.1.1.1. Nomenclature des aides financières du CNC 236
3.1.1.1.a). Diagnostic 236
3.1.1.1.b). Objectifs poursuivis 236
3.1.1.1.c). Impacts 236
3.1.1.2. Condition de respect des obligations sociales pour l’attribution des aides financières du CNC 236
3.1.1.2.a). Diagnostic 237
3.1.1.2.b). Objectifs poursuivis 237
3.1.1.2.c). Impacts 237
3.1.1.3. Exercice de la profession d’exploitant d’établissement de spectacles cinématographiques (homologation des établissements, autorisation de l’exploitant, déplacement de séances) 237
3.1.1.3.a). Diagnostic 237
3.1.1.3.b). Objectifs poursuivis 238
3.1.1.3.c). Impacts 238
3.1.1.4. Régime des séances non-commerciales 239
3.1.1.4.a). Diagnostic 239
3.1.1.4.b). Objectifs poursuivis 239
3.1.1.4.c). Impacts 239
3.1.1.5. Régime des séances commerciales organisées par d’autres personnes que les exploitants 240
3.1.1.5.a). Diagnostic 240
3.1.1.5.b). Objectifs poursuivis 240
3.1.1.5.c). Impacts 241
3.1.1.6. Procédures de contrôle et de sanction administrative propres au code du cinéma et de l’image animée 241
3.1.1.6.a). Diagnostic 241
3.1.1.6. b). Objectifs poursuivis 241
3.1.1.6.c). Impacts 242
3.1.1.7. Amélioration formelle du code du cinéma et de l’image animée 243
3.1.1.7.a). Diagnostic 243
3.1.1.7.b). Objectifs poursuivis 243
3.1.1.7.c). Impacts 243
3.1.2. Mesure 61 : Transposer en droit français les dispositions de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 (article 28 bis) 243
3.1.2.1. Diagnostic 243
3.1.2.1.1. Renforcer la transparence et la gouvernance des sociétés de gestion collective 244
3.1.2.1.2. Fluidifier la concession de licences pour les droits musicaux en ligne en matière de droit d’auteur 245
3.1.2.1.3. Diversifier les mécanismes de règlement des différends 245
3.1.2.2. Objectif poursuivi 246
3.1.2.3. Impacts 246
Chapitre II : Dispositions portant habilitation à compléter et à modifier le code du patrimoine. 247
Chapitre III : Dispositions portant habilitation à modifier et compléter le code de la propriété intellectuelle et le code du patrimoine s'agissant du droit de l'outre-mer 247
3.3.1. Mesure 62 : Adapter le code de la propriété intellectuelle à l'Outre-mer (Article 31) 247
3.3.1.1. Diagnostic 247
3.3.1.2. Objectif poursuivi 247
3.3.1.3. Impacts 248
3.3.2. Mesure 63 : Adapter le code du patrimoine à l’Outre-mer (Article 31) 248
3.3.2.1. Diagnostic 248
3.3.2.2. Objectif poursuivi 248
3.3.2.3. Impacts 250
TITRE IV : DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES 251
Chapitre Ier : Dispositions diverses 251
4.1.1 Mesure 64 : Réutilisation des biens de scénographie (Article 37, modification de l’article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques) 251
4.1.1.1. Diagnostic 251
4.1.1.2. Objectifs poursuivis 252
4.1.1.3. Impacts 252
Chapitre II : Dispositions transitoires 254
Chapitre III : Dispositions relatives à l’outre-mer 254
4.3.1. Mesure 65 : applicabilité ultra-marine (Articles 43 à 46) 254
Titre 1 : Dispositions relatives à la création artistique
Les secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques ont connu au cours des dernières décennies d'importantes mutations : le développement et la diversification des formes de la création artistique, de leurs acteurs. Les évolutions du contexte économique social et international ont modifié en profondeur les rapports entre art, culture et société.
Ce changement de paradigme appelle une réflexion publique renouvelée sur les enjeux artistiques, culturels, sociaux, économiques et institutionnels des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques afin de refonder le cadre des politiques publiques adapté aux réalités actuelles de ces secteurs.
Quelques textes, non normatifs, ont fait date et ont constitué des repères nécessaires pour le développement de ces secteurs, parmi lesquels la charte des missions de service public du spectacle vivant en 1998. Mais, hors ces quelques références, les orientations des politiques publiques dans le domaine des arts plastiques et du spectacle vivant se sont essentiellement résumées depuis 1959 à la définition des missions confiées aux ministres successifs de la culture.
Face à ce manque, et alors que les bouleversements du monde ont profondément transformé les conditions d’exercice et la nature des activités artistiques, le Président de la République et le Gouvernement ont pris l’engagement d’une loi permettant l’affirmation des fondements et des instruments de politique publique et créant le socle normatif sur lequel assurer les conditions de structuration et de développement d’un secteur.
chapitre Ier : Dispositions relatives à la liberté de création artistique
1.1.1. Mesure 1 : Reconnaissance et responsabilité de la Nation à l’égard de la création artistique et de ses acteurs (Article 1er)
Le principe de la liberté de la création artistique constitue un enjeu majeur de notre démocratie. Or, à ce jour, il n’est pas formellement consacré en tant que tel en droit interne.
Il ne figure pas dans les textes constitutionnels, contrairement à d’autres pays européens (Autriche, Allemagne, Italie, Espagne, Grèce, Portugal pays d’Europe centrale).
Ce principe tire sa force en droit français de grands textes fondateurs de la République qui garantissent la liberté d’expression :
La liberté d’expression, qui fonde la protection de la liberté de création artistique, résulte de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 17891 qui dispose dans son article 11 que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. » et dans son article 10 que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »
La protection de cette liberté fondamentale constitue une mission cardinale du ministère chargé de la culture. Elle a ainsi été traduite dans les décrets successifs relatifs à l’organisation et aux missions du ministère chargé des affaires culturelles.
Le décret n°59-889 du 24 juillet 1959 disposait que « le ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de français ; d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ». Reprenant ces mêmes grands principes, le décret n° 82-394 du 10 mai 1982 énonçait en outre la mission de « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer, de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la forme artistique de leur choix » . Ce sont les mêmes grandes missions qui sont inscrites dans le décret n°2014-411 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication, actuellement en vigueur.
La Charte des missions de service public pour le spectacle établie en 1998, au terme d’une large consultation avec des collectivités territoriales, des associations d’élus, des administrations et des secteurs professionnels concernés, a affirmé les principes généraux de l’action de l’Etat en faveur du spectacle vivant : « l’engagement de l’État en faveur de l’art et de la culture relève d’abord d’une conception exigeante de la démocratie ». Cet engagement implique de « favoriser l’accès de tous aux œuvres de l’art comme aux pratiques culturelles ; nourrir le débat collectif et la vie sociale d’une présence forte de la création artistique, en reconnaissant aux artistes la liberté la plus totale dans leur travail de création et de diffusion, et garantir la plus grande liberté de chaque citoyen dans le choix de ses pratiques culturelles ».
Ces principes de protection se trouvent également transcrits en droit communautaire et international :
Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne fait figurer au nombre des objectifs de l’action de la Communauté « une [contribution] à l’épanouissement des cultures des États membres » ainsi que le développement de son « action dans les domaines (…) [de] la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l’audiovisuel » (article 167 du TFUE).
La France a adhéré aux orientations générales énoncées dans la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle2 de 2001, dont la reconnaissance des droits culturels en tant que « partie intégrante des droits de l’homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants » (article 5), la protection de la diversité de l’offre créatrice (article 8) et la création de « conditions propices à la production et à la diffusion de biens et services culturels diversifiés » (article 9) ; ainsi qu'aux objectifs et principes directeurs de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la dignité des expressions culturelles de 20053, qui visent notamment à « promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la prise de conscience de sa valeur aux niveaux local, national et international » (article I e) et « de réaffirmer le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire » (article I h).
La France est par conséquent inscrite dans le mouvement de reconnaissance de la diversité culturelle et des formes de la création artistique, qui s’est enrichi du mouvement de défense des droits culturels à la suite de la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels de 20074.
Ces principes se trouvent également transcrits au plan international dans les textes adoptés par l’Assemblée générale des Nations-Unies dont les dispositions protègent expressément la liberté d’expression artistique et de création :
- la Déclaration universelle des droits de l’homme5 qui garantit à toute personne « le droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur » (article 27) ;
- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels6 qui impose aux États parties de « respecter la liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices » (article 15, paragraphe 3) ;
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques7 qui consacre le « droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix » (article 19, paragraphe 2).
Si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a fait explicitement référence à « ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une œuvre d’art contribuent à l’échange d’idées ou d’opinions indispensables à une société démocratique » (CEDH, 24 mai 1988, Müller c/Suisse), on ne trouve pas dans la jurisprudence française, notamment celle du Conseil constitutionnel, de consécration analogue8.
L’ensemble de ces valeurs, constitutives de la tradition républicaine de la France, est défendu par celle-ci de manière constante, tant au niveau interne qu'au plan communautaire et international.
Toutefois, leur énoncé est dispersé dans différents textes, de portée juridique différente, et aucun texte législatif n'est venu réaffirmer solennellement l’engagement de la Nation en faveur de la de la liberté de création artistique.
Au moment où l’environnement de la création artistique connaît de profondes mutations qui affectent le rapport du citoyen à la culture, il apparaît essentiel que la représentation nationale puisse débattre des enjeux relatifs à la création artistique. Un débat dont la Cour européenne des droits de l’homme nous fournit la justification première9 : « ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une œuvre d’art contribuent à l’échange d’idées et d’opinions indispensables à une société démocratique ».
L’objectif premier est d’inscrire au niveau de la loi la liberté de création artistique qui fonde l’engagement et le soutien de la Nation à l'égard de la création artistique, notamment depuis 1959 par l’énoncé des attributions du ministre chargé de la culture.
Il revient en effet à la Nation d’apporter un certain nombre de garanties pour la mise en œuvre d’un cadre légal respectueux des principes démocratiques : de protection de l’artiste et de la liberté de création artistique.
La formalisation juridique de cette reconnaissance qui a façonné la vitalité créative et artistique de la France et a contribué à la positionner, sur le plan international, au rang de grande puissance culturelle répond à l’exigence de prise en compte d’une liberté fondamentale reconnue à chacun afin que ne puissent être imposées arbitrairement l’opinion et les valeurs d’un groupe jouissant d’un pouvoir institutionnel ou économique, ou d’une supériorité démographique au sein de la société.
Ce principe est au cœur de toutes les questions soulevées dans le débat sur le droit à la liberté d’expression artistique et de création et sur les limitations possibles de ce droit.
La disposition proposée consacre en droit interne la liberté de création artistique et affirme ainsi la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression.
Le droit à la liberté de création artistique appartient à chacun. Le respect de la liberté de création est essentiel pour la démocratie. Cette liberté est source d’émancipation individuelle par le développement des connaissances et du libre arbitre, d’une plus grande cohésion de la Nation et d’un mieux-vivre ensemble en englobant les valeurs d’universalité et de pluralisme.
La mesure proposée a une indéniable portée normative puisqu’elle porte sur un droit, même si cette reconnaissance aura davantage de portée symbolique que pratique. Le droit à la liberté de création, ainsi que le droit de participer à la vie culturelle et de jouir des arts appartiennent à tous. Toutes les formes d’expression artistique sont protégées par le droit à la liberté d’expression. Cette reconnaissance par le législateur ne va pas modifier substantiellement l’état du droit dans la mesure où la liberté artistique a toujours été appréhendée par l’intermédiaire de la liberté d’expression qui peut se prévaloir d’un ancrage constitutionnel et constitue l’un des droits fondamentaux. La reconnaissance législative permettra toutefois de mettre pour la première fois en exergue la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression, ce qui pourra peut-être peser dans l’appréciation portée par le juge.
La transcription de ces valeurs et libertés fondamentales consolide le principe même des politiques publiques culturelles. Elle ne peut qu’améliorer la lisibilité et la visibilité des fondements de l’intervention publique et redonne une cohérence à l’action conduite par l’Etat en faveur de la reconnaissance de la protection et du développement de la création artistique.
Cette reconnaissance aura des effets positifs sur les catégories socio-économiques concernées : auteurs, artistes, interprètes, structures artistiques. L’affirmation de la liberté de la création artistique est en particulier très attendue compte tenu de la multiplication des actes de remise en cause de la liberté de choix artistique. Les créateurs font l’objet de poursuites judiciaires au prétexte de la défense de l’ordre public. Ces poursuites marquent les acteurs de la création artistique et ont pour conséquence ce qu’on pourrait appeler une forme d’autocensure préventive.
1.1.2. Mesure 2 : Les objectifs de l’action publique en faveur de la création artistique (Article 2)
À la différence des autres secteurs culturels, tels le patrimoine ou l’audiovisuel, le cadre juridique de l’intervention de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements en faveur du spectacle vivant et des arts plastiques n’a fait l’objet d’aucun dispositif législatif d’ensemble et s’est construit au fil du temps sur des bases juridiques éparses, composées de textes de niveaux différents, institués soit pour certains secteurs, soit pour certaines activités. Ce cadre juridique hétérogène est source d’incertitude pour les acteurs.
Dans le domaine du spectacle vivant, le principal fondement légal est constitué par l’article 1-2 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 (issu de l’article 2 de la loi n° 99-198 du 18 mars 1999) qui pose le principe général selon lequel l’État et les collectivités territoriales, leurs groupements et établissements publics, peuvent subventionner les entreprises de spectacles vivants. Aucun texte n'énonce un principe général équivalent dans le domaine des arts plastiques. En outre, aucun texte ne vient préciser les objectifs particuliers légitimant une intervention des collectivités publiques.
Pour l’essentiel cette politique, pourtant fondamentale et structurante pour le secteur, s’est matérialisée dans différentes chartes et circulaires traduisant les orientations voulues par l’État10 . Ces dispositifs, s’ils constituent des cadres de référence pour les professionnels et les partenaires publics, apparaissent aujourd’hui juridiquement inadaptés au regard de la réalité et des enjeux de cette politique publique. Ils ne rendent pas compte des évolutions du cadre d’action publique et des acquis de la longue construction des politiques partenariales entre l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements.
Grâce à l’initiative des professionnels du spectacle, à l’impulsion de l’État et à l'engagement croissant des collectivités territoriales, la France a bénéficié d’un vaste mouvement de décentralisation artistique et culturelle qui s’est déployé tout au long de la seconde moitié du XXème siècle. Cette dynamique a fait émerger un réseau exceptionnellement dense de structures dédiées à la production et à la diffusion du spectacle vivant et des arts plastiques.
La cartographie actuelle des modes de soutien est riche et diversifiée (cf. La cartographie nationale du spectacle vivant et des arts plastiques en 201011). En 2013, le ministère de la culture et de la communication a aidé 2105 structures sur crédits déconcentrés dans le champ de la création artistique. Une analyse annuelle de la globalité des financements publics (ministère de la culture et de la communication et collectivités territoriales) menée sur 1 200 structures permet de connaître pour l'année 2010 le montant annuel global des aides publiques accordées : elles ont bénéficié de plus de 958 millions d’euros par an toutes collectivités publiques confondues (dont 31 %, soit environ 292 millions d’euros, du ministère de la culture et de la communication).
Cependant, cette « photographie » ne doit pas cacher un certain nombre de dysfonctionnements. Faute de règles claires, l’évolution des participations respectives des collectivités publiques génère parfois des déséquilibres, y compris territoriaux, qui fragilisent le partenariat public autour des projets ou des institutions. L’absence de coordination des actions publiques peut conduire à des approches partielles, à une perte d’efficacité globale de l'intervention publique, voire à de possibles conflits entre plusieurs politiques sans approche d’ensemble.
Les politiques de soutien aux activités de création et de production artistiques souffrent également de plusieurs maux. Sous les effets conjugués de l’élargissement du champ artistique soutenu par les pouvoirs publics, de la multiplication du nombre d’entreprises, de projets et de dispositifs, les moyens publics, malgré leur augmentation constante, ont un impact plus faible sur les conditions de la production et de la diffusion. Entre les centres de production, les équipes conventionnées et celles aidées ponctuellement, une économie à plusieurs vitesses s’est instaurée qui ne favorise ni la professionnalisation ni la structuration du secteur. La rareté des instances de concertation institutionnalisée et de réelle portée entre l’État et les collectivités sur ce sujet ne permet pas de corriger ces évolutions.
Cette perception de fractionnement de l’action publique due à la multiplication des programmes sectoriels ou des « aides » ponctuelles, mis en œuvre par les différents acteurs engendre une déperdition d’efficacité, un manque de lisibilité et de cohérence.
Cette politique publique de co-construction doit s’inscrire dans un cadre normatif fixant les actions de l’action publique d’une part, et leur cohérence d’ensemble d’autre part.
1.1.2.1. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis
L’objectif principal est d’améliorer la cohérence de la politique conduite par l’État avec celle des collectivités publiques, de leurs établissements publics et de leurs groupements sur l’ensemble du territoire par la traduction d’actions communes relevant de l’intérêt général et leur déclinaison dans les vecteurs d’intervention publique.
Ces mesures permettront de donner une assise législative au cadre d’intervention de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et leurs groupements nécessaire à la sécurisation et la préservation des grands axes et les spécificités de la politique publique en faveur de la création artistique.
Cette nécessité est aujourd’hui renforcée par les tendances d’évolutions observées actuellement telles les transformations structurelles des capacités artistiques, la précarisation croissante des situations professionnelles ou la montée des risques de concentration.
Au-delà, l’inscription d’actions partagées entre l’État, les différentes collectivités territoriales, leurs établissements publics et de leurs groupements permet de poser le cadre d’évolution de l’organisation des politiques du spectacle vivant et des arts plastiques dans le sens d’une meilleure efficacité de l’intervention publique sur les bases des valeurs qui lui ont permis de se déployer au cours du siècle précédent, dans le respect de la liberté des artistes et de l’autonomie des professionnels, de la libre administration des collectivités et de l’absence de hiérarchie entre elles.
L’intervention du législateur est nécessaire car il lui revient de déterminer les actions qui composent l’intervention publique dans le respect du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose à l’alinéa 13 que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, la formation professionnelle et à la culture »12.
1.1.2.2. Dispositif juridique proposé
L’article 2 affirme les principes majeurs qui légitiment l'action de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements en faveur à la création artistique lesquels s’inscrivent pleinement dans l’esprit du préambule de la Constitution, dans le respect de la liberté d’administration des collectivités territoriales et de leur compétence générale en matière culturelle, et des objectifs poursuivis par la France dans les négociations européennes ou internationales.
Il rend compte du périmètre des interventions relevant de l’intérêt public général, résultant pour une large part des politiques partenariales qui se sont construites entre l’État et les collectivités territoriales au fil du temps au regard de leur compétence partagée dans le domaine de la culture.
Ces objectifs affirment ainsi l’engagement des collectivités publiques en faveur :
- du soutien en faveur du développement de la création artistique sur l'ensemble du territoire de l’émergence et du développement des talents (1°) ;
- de la liberté de choix des pratiques culturelles (2°) ;
- du développement des moyens de diffusion de la création artistique (3°) ;
- de l’égal accès des citoyens à la création artistique et de favoriser l’accès au public le plus large aux œuvres y compris dans l'espace public (4°) ;
- du soutien aux artistes, aux structures publiques et privées qui œuvrent dans le domaine de la création, de production, de diffusion, des œuvres, d’enseignement supérieur, de sensibilisation des publics et d’éducation artistique et culturelle (5°) ;
- du dynamisme de la création artistique au plan local, national et international, ainsi que le rayonnement de la France à l’étranger (6°) ;
- de la promotion de la circulation des œuvres et des artistes, de la diversité des expressions culturelles et des échanges et les interactions entre les cultures (7°) ;
- de la formation des professionnels de la création artistique et la transmission des savoirs et des savoir-faire entre les générations (8°) ;
- du développement et de la pérennisation de l’emploi artistique, de la structuration des secteurs professionnels ainsi que de la lutte contre la précarité et qui sont une dimension à part entière de l’intervention publique (9°) ;
- du maintien et du développement d’un dialogue régulier avec les organisations professionnelles et l’ensemble des acteurs de la création artistique (10°).
Le dernier aliéna de l’article 2 affirme le principe de la liberté de programmation artistique et précise qu’il appartient à l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements de veiller à son respect.
Impacts généraux
Dans le cadre de la compétence générale et partagée en matière culturelle, l’inscription des principes majeurs qui orientent les actions composant les politiques publiques en faveur de la création artistique redonne une cohérence à l’action conduite par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, recentrée autour des objectifs fondamentaux de démocratisation culturelle, de traitement équitable des territoires, d’enseignement artistique ainsi que de professionnalisation des auteurs et des artistes. Il permet également de mettre en évidence la complémentarité de l’action conduite par l’État et les collectivités territoriales en ces domaines.
L’inscription dans la loi de ces principes ne peut qu’inciter l’engagement des opérateurs publics pour la mise en œuvre de ces objectifs prioritaires dans leur politique de subventionnement en faveur du développement du secteur artistique. La détermination du cadre normatif fournira une assise juridique pour la mise en œuvre des dispositifs réglementaires permettant d’assurer un traitement homogène et de réduire les risques d’inégalités de traitement.
La clarification et l’homogénéisation des actions ne peuvent que favoriser une meilleure application par les agents publics et améliorer le service rendu directement aux professionnels ainsi qu’indirectement aux publics.
Les dispositions de l’article 2 sont susceptibles d’être regardées comme se rapportant à une loi de programmation à caractère économique ou social. Elles doivent donc à ce titre être soumises pour avis au Conseil Economique Social et Environnemental au titre de l’article 70 de la Constitution.
Impacts socio-économiques et sur l’emploi artistique
La définition d’un cadre légal aura des effets positifs sur les catégories socio-économiques concernées (auteurs, artistes, structures artistiques) qui sont en attente d’une clarification des actions des politiques publiques en faveur de la création artistique.
L’objectif affirmé de professionnalisation dans la politique de soutien constituera a minima un facteur de préservation de l’emploi artistique et incitera à la pérennisation de l’emploi artistique.
Impact budgétaire
L’inscription des objectifs n’entraînera pas de coût budgétaire supplémentaire. Ce dispositif stabilise la politique de soutien actuellement conduite à budget constant. Il est de nature à favoriser une affectation adaptée des crédits publics conforme aux priorités de soutien et de développement du secteur.
Impacts en matière d’égalité entre les femmes et les hommes
Les dispositions de cet article garantissent que l’ensemble des citoyens accèdent à la création artistique de manière égale. Il reconnaît ainsi la forte place de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la création artistique, en référence directe à l’article 1er de la loi du 4 août 2014 relative à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cet article définit les domaines sur lesquels porte la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée.
Si les pratiques culturelles des femmes et des hommes sont très semblables aujourd’hui, une forte inégalité est constatée dans le domaine de la culture, par exemple dans les domaines de la création, de la production et de la diffusion, ainsi que dans l’accès aux postes à responsabilités13.
Le domaine de la création artistique est lui aussi marqué par de fortes inégalités : par exemple, pour la saison 2013-2014, 1/4 des spectacles est mis en scène par une femme, et elles dirigent seulement 3 % des concerts. En 2011, parmi les acquisitions des FRAC, à peine 24 % des œuvres ont été réalisées par des femmes. Cette “ invisibilité ” des femmes créatrices suppose un appauvrissement du patrimoine culturel français le privant ainsi d’une partie de ses artistes.
Depuis quelques années, une attention particulière est portée à l’amélioration de la parité femmes-hommes à la tête des principales institutions labellisées implantées sur le territoire. Le ministère peut être partie prenante dans la désignation des directeurs ou directrices de ces institutions, parfois en concertation avec les collectivités territoriales qui cofinancent ces structures. En effet, 8% de femmes sont à la tête de théâtres consacrés à la création dramatique et 26 % des structures subventionnées de la création artistique sont dirigées par une femme. Toutefois, une évolution peut être constatée. Sur les 13 renouvellements qui ont lieu dans les centres dramatiques nationaux, 5 candidates ont accédé à des postes de direction, signe d’une politique volontariste.
De plus, l’État et les collectivités territoriales mettent actuellement en œuvre un processus concerté et transparent pour le choix des projets artistiques et culturels et pour la désignation des responsables des lieux labellisés et réseaux nationaux de création et de diffusion artistique. La circulaire du 22 février 2013 adressée à l’attention des préfets de région et aux directeurs régionaux des affaires culturelles précise les modalités de recrutement des dirigeants. Il convient dorénavant d’établir une liste restreinte de quatre candidats au maximum garantissant la parité. De même que la composition du jury présidant au choix final des candidats doit tendre vers la parité.
Nombre et taux par sexe des personnels des établissements publics nationaux sous tutelle du programme 131
Source : MCC 2013
Etablissements publics |
Direction Masculine |
Direction Feminine |
Direction Mixte |
|
% Direction Masculine |
% Direction Feminine |
% Direction Mixte | |
Centre national de la chanson, des variétés et du jazz |
1 |
1 |
||||||
Centre national de la danse |
1 |
1 |
||||||
Cité de la musique |
1 |
1 |
||||||
Comédie Française |
1 |
1 |
||||||
EPPGHV |
1 |
1 |
||||||
Opéra Comique |
1 |
1 |
||||||
Opéra national de Paris |
1 |
1 |
||||||
Théâtre national de Chaillot |
1 |
1 |
||||||
Théâtre national de la Colline |
1 |
1 |
||||||
Théâtre national de l'Odéon |
1 |
1 |
||||||
Théâtre national de Strasbourg |
1 |
1 |
||||||
Ss-total EP Spectacle vivant |
8 |
3 |
11 |
73% |
27% |
|||
Centre national des arts plastiques |
1 |
1 |
||||||
Sèvres-Cité de la céramique |
1 |
1 |
||||||
Ss-total EP Arts plastiques |
2 |
2 |
100% |
0% |
||||
TOTAL Etablissements publics |
10 |
3 |
13 |
77% |
23% |
1.1.3. Mesure 3 : Les labels de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques (Article 3)
Les institutions culturelles bénéficiaires d’un label, ou inscrites dans un réseau, incarnent l’action culturelle d’aménagement du territoire poursuivie par le ministère de la culture tout au long de ses cinquante ans d’histoire en partenariat avec les collectivités territoriales. Ces dernières sont en effet des acteurs essentiels du développement de la création, de la production et de la diffusion des œuvres.
Il existe aujourd’hui dix types de label dans les secteurs du spectacle vivant.
En 2014, les structures bénéficiant d’une labellisation sont réparties de la façon suivante : 38 centres dramatiques nationaux et régionaux (CDN-CDR), 70 scènes nationales (SN), 18 centres chorégraphiques nationaux (CCN), 14 opéras et 19 orchestres en régions, 8 centres nationaux de création musicale (CNCM), 92 scènes de musiques actuelles (SMAC) et autres lieux de musiques actuelles, 12 pôles nationaux des arts du cirque (PNAC) ; 9 centres nationaux des arts de la rue (CNAR), 9 centres de développement chorégraphique (CDC), soit au total en 2014, 289 établissements représentant un subventionnement de plus de 194 millions d’euros pour l’État.
L’intervention du ministère de la culture et de la communication sur ces structures labellisées représentait en 2014 environ 30 % de la dépense totale consacrée au programme création.
Hormis le décret n°72-904 du 2 octobre 1972 relatif aux contrats de décentralisation dramatique qui encadre les rapports entre l’État et les centres dramatiques nationaux, la politique de soutien aux structures de création et de diffusion dite « labels et réseaux » repose aujourd’hui sur une circulaire du 31 août 2010, modifiée le 22 février 2013, qui regroupe en un seul texte les circulaires relatives à chaque label du spectacle vivant. Par ailleurs, dans le secteur des arts plastiques, la politique de soutien aux structures et aux lieux de création et de diffusion de l’art contemporain repose sur la circulaire du 9 mars 2001 pour les centres d’art.
Ces dispositifs ne sont pas d’une portée juridique suffisante compte tenu de la variété des modes d’intervention des collectivités publiques dans le fonctionnement des structures et ne permettent pas en conséquence à l’État et aux collectivités territoriales d’avoir une influence suffisante pour s’assurer du respect de ce qui a conduit à l’attribution du label.
En effet, les structures bénéficiaires d’un label ou constituant un réseau sont pour la plupart des structures de droit privé majoritairement constituées sous forme associative, à part les centres dramatiques nationaux et régionaux qui ont, à deux exceptions près, un statut de sociétés commerciales (SARL ou SA) et sur lesquelles l’Etat attributeur du label n’a, en l’absence de disposition législative dérogatoire au droit commun, aucun autre outil de contrôle ou d’influence que de jouer sur le montant des subventions versées, voire de signifier, ce qui est le cas extrême, la possibilité du retrait du label.
Dès l’origine, le cadre de l’intervention de l’État a reposé sur le schéma classique de soutien par la subvention d’activités d’initiative privée présentant un intérêt général mais avec des caractéristiques propres traduisant l’engagement de l’État au soutien de la mise en œuvre d’un projet artistique et culturel d’intérêt national en contrepartie de responsabilités spécifiques et d’un encadrement particulier. Ce régime a été institué par le décret du 2 octobre 197214, relatif aux centres dramatiques nationaux, qui a été décliné pour les différentes structures, en l’adaptant à chaque « label ». Toutefois, quel que soit le type de label, le cadre de l’intervention de l’État repose sur une même économie.
L’État apporte son soutien aux structures qui présentent un niveau d’exigence artistique et de développement culturel, répondent aux critères de la politique publique et présentent un caractère d’intérêt général par leurs activités et leurs projets.
Le cahier des missions et des charges spécifique au label conféré à une structure fixent les obligations que celle-ci doit remplir pour satisfaire aux critères de la politique publique d’aides mise en œuvre au niveau national par l’Etat. Ces obligations varient suivant chaque label mais sont identifiées autour d’un socle d’engagements communs qui se traduisent par des responsabilités en termes de :
- missions artistiques : les établissements contribuent à développer la création et/ou la diffusion artistique dans un objectif d’exigence et d’innovation artistiques ;
- missions territoriales et en direction des publics : ils assument une responsabilité vis-à-vis de la population du territoire dans lequel ils sont implantés en proposant une politique visant à développer, renouveler et diversifier tous les publics, et particulièrement les plus éloignés et les publics empêchés, par tous moyens de diffusion ;
- missions pédagogiques par le développement d’actions d’éducation artistique et culturelle et de sensibilisation en direction des enfants, des jeunes et des publics spécifiques ;
- missions professionnelles : ils doivent constituer des espaces de ressources pour les artistes et les professionnels du territoire et leur offrir la possibilité de développer leur pratique artistique notamment par la mise en œuvre de dispositifs d’accueil et d’espace de travail, d’assistance et de conseil, voire de soutien financier à la production. Ils participent également à la formation et à l’insertion professionnelle des jeunes notamment par l’accueil d’étudiants stagiaires et d’apprentis et la mise en place de contrats de professionnalisation.
Sur cette base, le cadre d’intervention de l’État se caractérise par l’instauration de procédures harmonisées et transparentes pour la sélection du projet artistique et la désignation des personnes chargées de la mise en œuvre de ce projet au sein de la structure, qui reposent sur une procédure d’appel à candidatures et une évaluation qui se traduit par un dispositif d’encadrement conventionnel.
Le cadre juridique de l’intervention de l’Etat mérite d’être renforcé et précisé. En particulier, l’Etat souhaite pouvoir organiser et définir les modalités retenues pour la désignation du dirigeant de la structure candidate à une labellisation ; le choix de ce dernier constituant un élément essentiel pour le succès du projet culturel porté par la structure candidate. Il s’agit donc de ce point de vue de permettre, sans que cela puisse être contesté et par dérogation aux règles de droit commun s’appliquant aux structures susceptibles d’être candidate pour un label, de pouvoir intervenir dans la désignation des dirigeants.
L’inscription d’un nouveau cadre juridique de la politique de labellisation dans la loi, attendue par les acteurs du terrain, doit permettre à l’Etat de poursuivre le développement de sa politique de label aujourd’hui dans une phase de maturité et de s’appuyer sur des outils d’action rénovés et suffisamment encadrés pour prévenir toute contestation.
L’inscription dans un cadre réglementaire des procédures de sélection du projet artistique et culturel ainsi que d’agrément des dirigeants, entourées de garanties de transparence et d’objectifs de parité, contribuera à donner une nouvelle lisibilité du fonctionnement et du rôle de ces institutions.
Cette mesure est de nature législative puisqu’il s’agit, à titre principal, de fixer le principe d’une participation de l’Etat à la procédure de sélection de la personne chargée de mettre en œuvre le projet artistique d’intérêt général justifiant l’attribution d’un label à la structure.
Les solutions alternatives à la disposition législative proposée sont inadaptées ou trop contraignantes. La voie de la délégation de service public implique une mise en concurrence qui est inenvisageable au regard du risque de déstabilisation du maillage de ces institutions. Le statut de l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) est celui qui présente le plus d’adéquation avec les besoins et les spécificités des structures labellisées. Toutefois, imposer par la loi la transformation de toutes les structures en EPCC ne paraît pas approprié, eu égard au caractère particulièrement attentatoire à la liberté de commerce et de l’industrie pour les structures de droit privé, du coût budgétaire que représente le passage en EPCC et de la circonstance que le pouvoir d’initiative de la création d’un EPCC relève des collectivités territoriales et non de l’État.
L’article 3 définit le cadre juridique à la politique publique de soutien aux institutions de référence nationale en créant une procédure de label pour ces structures.
Cet article pose la possibilité d’une labellisation de structures intervenant dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques comme instrument de la politique publique culturelle. Le label sera attribué par le ministre chargé de la culture afin de favoriser une structure artistique dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général s’appréciant au regard des objectifs de développement et de renouvellement de la qualité artistique, de diversité, de démocratisation culturelle, de traitement équitable des territoires, d’éducation artistique et culturelle ainsi que de la professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.
La loi fixe les principes essentiels de la labellisation renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités de la procédure d’instruction des demandes de label, des conditions de renouvellement et de retrait.
Dans un objectif de sécurisation juridique, le décret précisera également les prérogatives que l’État peut exercer en contrepartie de l’attribution du label en confortant au niveau réglementaire les axes essentiels de l’intervention de l’État qui sont actuellement fixés par circulaire.
Le décret déterminera ainsi :
- la procédure de sélection du projet artistique et culturel, de renouvellement et d’agrément des directeurs de structures labellisées, qui devra s’exercer dans le respect des principes de transparence, d’égalité des femmes et des hommes aux responsabilités et de renouvellement des générations qui doivent présider au choix de la gouvernance de ces établissements ;
- les conditions, modes de gestion et modalités du soutien apporté par l’État et le cas échéant par les collectivités territoriales qui feront l’objet d’un encadrement conventionnel par une convention pluriannuelle d’objectifs permettant une évaluation et un contrôle de la mise en œuvre de leur action.
Impacts socio-économiques et impacts sur l’emploi artistique
Compte tenu de l’histoire et de la politique menée depuis plusieurs années, le dispositif de labellisation proposé s’inscrira dans la continuité des principes posés par la circulaire du 31 août 2010 et le cahier des missions et des charges attachés aux différents types de labels existants.
Le nouveau cadre normatif entraînera pour l’avenir des effets vertueux obligeant à un meilleur respect des prescriptions attachées au label et de la procédure d’agrément des dirigeants. La précision des modalités d’évaluation avec la prise en compte d’éléments de bilan social contribuera également à un meilleur respect du dispositif.
Par ailleurs, le cadre plus contraignant devrait inciter à un engagement plus prudent et à des demandes de labellisation supplémentaires fondées sur une étude précise de la capacité des structures à répondre au cahier des charges.
Impact budgétaire
L’institution d’un label comme instrument national de politique publique n’a en soi aucun effet budgétaire.
1.1.3.4. Modalités d’application
La mise en œuvre de ce dispositif repose sur un décret en Conseil d’Etat – commun à tous les labels - pour définir les modalités de la nouvelle procédure de labellisation instituée par la loi, ainsi que les mesures transitoires pour les structures bénéficiant déjà d’un label sur la base de la circulaire du 31 août 2010.
chapitre II : Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique
1.2.1. Mesure 4 : Dispositions relatives aux contrats entre artistes et producteurs (Articles 4 et 5)
1.2.1.1. Diagnostic de situation, état du droit et justification du besoin d’évolution
Économie et état du marché musical
Le public a aujourd’hui accès à un large éventail d’offres pour écouter de la musique, qui se différencient selon plusieurs critères tels que la diversité du répertoire, le coût du service ou encore les modalités d’accès ou d’acquisition d’un titre. Une typologie des services d’écoute en ligne peut être articulée autour de deux distinctions principales : au plan technique, entre services de téléchargement et services de diffusion en flux15 (streaming), et au plan économique entre services payants et gratuits financés par la publicité. Le trait commun des nombreux modèles d’affaires existants, qui peuvent hybrider plusieurs de ces paramètres, reste un objectif d’abondance des contenus et d’exhaustivité du catalogue, l’enjeu premier consistant à capter et monétiser l’attention de l’internaute dans un univers très concurrentiel.
Le rapport de M. Christian Phéline, « Musique en ligne et partage de la valeur : état des lieux, voies de négociation et rôles de la loi » relevait en novembre 2013 que l'association « Tous pour la musique »16 dénombrait trente-quatre sites ou services musicaux. En 2013, vingt-sept plateformes musicales étaient labellisées par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) dans sa mission d’encouragement au développement de l’offre légale.
Certains modèles fonctionnent sur le principe du tout payant dans lequel la rémunération se fait sur la vente de titres et d’albums complets en téléchargement. D’autres sont totalement gratuits et proposent le téléchargement ou le streaming de musique, en contrepartie duquel l’internaute doit écouter ou visionner une publicité qu’il a préalablement sélectionnée. Les revenus du site sont alors générés par la publicité avec un système de coût par clic. Un modèle intermédiaire dit « freemium » s’est également développé. Ces plateformes proposent de la musique en streaming gratuit, avec une contrainte de publicité sonore et/ou visuelle ainsi qu’une limitation d’écoute, et proposent aussi une formule d’abonnement dite « premium » qui permet à l’utilisateur, en contrepartie d’un abonnement payant, de bénéficier d’une écoute illimitée sans publicité et d’autres services.
Selon les chiffres publiés par le Syndicat national de l’édition phonographique17 (SNEP) à l’occasion de sa conférence de presse donnée au Marché international du disque et de l’édition musicale (MIDEM) 2015, le marché de la musique enregistrée a pesé en France 570 millions d’euros en 2014, soit une baisse de 5,3 % par rapport à 2013, après avoir perdu près de 65 % de sa valeur au cours des douze dernières années. Le marché numérique a pour sa part connu une progression de 6 % en 2014, pensant ainsi plus de 133 millions d’euros. Il est composé pour 55 % du streaming, pour 40 % des téléchargements sur Internet, et de 5 % pour la téléphonie mobile.
Le débat sur le partage de la valeur dans la musique en ligne
Le bouleversement rapide des modes de consommation et des modèles d’affaires induit par le numérique a entraîné des recompositions importantes sur le marché de la musique. L’émergence de nouveaux acteurs comme les plateformes de diffusion dans la chaîne de la création a fait naître des tensions sur le partage de la valeur entre les différents acteurs. Un débat important s’est ainsi polarisé ces dernières années sur les conditions de rémunération des artistes pour l’exploitation numérique de leurs prestations.
Mission de médiation sur « la gestion des droits de la musique en ligne »
Cette mission, confiée à M. Emmanuel Hoog par le ministre de la culture et de la communication le 15 février 2010, ayant abouti à la signature d’un accord sur « 13 engagements pour la musique en ligne » le 17 janvier 201118 par l’ensemble des parties prenantes du secteur de la musique en ligne et les pouvoirs publics a commencé à traiter de la question du partage de la valeur, notamment entre producteurs et artistes puisque quatre des treize mesures concrètes et réalistes propres à développer l’offre légale de musique en ligne concernaient les relations entre producteurs et artistes, au titre desquelles il convient de mentionner l'engagement n°8 sur « le partage des données relatives à l’économie du secteur et état actuel du partage de la valeur ». Depuis lors, plusieurs études sont intervenues en ce sens, issues des différents acteurs du secteur.
Dans le cadre de sa mission de suivi des « 13 engagements pour la musique en ligne », la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a présenté en septembre 2011 un rapport réalisé par MM. Patrick Waelbroeck, Philippe Astor et Christophe Waignier sur l’engagement n°8 de l’accord, relatif au partage de données sur l’économie du secteur musical. Ce rapport a dressé le constat selon lequel le marché de la musique enregistrée est actuellement dans une phase de transition où l’effort porte à la fois sur l’acquisition de nouveaux clients numériques et la préservation autant que possible des opportunités commerciales des offres physiques. Malgré sa forte progression, le secteur de la musique enregistrée en ligne atteint tout juste l’équilibre et ne constitue pas encore un relais de croissance suffisant pour soutenir l’activité des producteurs. Dans ce contexte de transition, le rapport soulignait que « les points de frictions sur le partage de la valeur entre les acteurs de la musique en ligne étaient nombreux en 2010 ».
Lors du MIDEM 2014, les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) des artistes19 ont présenté certains chiffres soulignant la faiblesse des rémunérations unitaires attachées aux actes de téléchargement ou de streaming. Ces revenus étaient notamment rapportés tant à ceux obtenus pour les exploitations physiques qu’à ceux qui résulteraient d’un partage paritaire comparable à celui des licences légales20.
Rapport de la mission de M. Pierre Lescure sur l' « Acte II de l'exception culturelle ».
Les données chiffrées des SPRD d’artistes, que le rapport de la mission de M. Pierre Lescure sur l’ « Acte II de l’exception culturelle » a citées, ont été vivement contestées par les producteurs phonographiques. Ce rapport, remis le 13 mai 2013 au Président de la République et à la ministre de la culture et de la communication [Aurélie Filippetti] a dressé un panorama très complet, présenté une réflexion approfondie sur les enjeux des industries culturelles dans l’univers numérique et formulé un certain nombre de propositions pour chaque secteur de la création.
S’agissant du financement de la création, le rapport constate que la révolution numérique a bien été créatrice de valeur pour l’écosystème des industries culturelles dans son ensemble, mais que les industries créatrices n’ont pas pleinement bénéficié de la valeur générée. Le rapport appelle donc à la vigilance sur le partage de revenus dans l'univers numérique, afin que les créateurs et les artistes récupèrent le juste fruit de leur création.
La question du partage de la valeur liée à l’exploitation en ligne des œuvres se pose à un double niveau : d’une part, entre titulaires de droits et éditeurs de services en ligne (services de streaming, plateformes de vidéo à la demande, magasins de livre numériques, etc.) et, d’autre part, entre les créateurs et leurs éditeurs ou leurs producteurs. Si ces questions relèvent à titre principal de la liberté contractuelle, la puissance publique est fondée à en assurer la régulation, d’une part, afin de corriger certains rapports de force déséquilibrés, d’autre part, afin d’assurer une transparence qui semble aujourd’hui faire défaut. Cette régulation doit prioritairement s’appuyer sur la négociation interprofessionnelle, éventuellement complétée par un dispositif indépendant d’observation et de médiation de nature à éviter au maximum le recours au juge.
S’agissant de la musique enregistrée, le rapport relève que le niveau des rémunérations perçues par les artistes-interprètes au titre de l’exploitation numérique (téléchargement et streaming) est régulièrement contesté : les abattements pratiqués, calqués sur le physique ou propres au numérique, conduisent à des taux de redevance réels qui seraient inférieurs aux taux affichés. En conséquence, la baisse des revenus unitaires liée à la dématérialisation se doublerait d’une diminution de la part relative revenant à l’artiste. Par ailleurs, les musiciens et artistes d'accompagnement ne bénéficient généralement d'aucun intéressement sur l’exploitation de leurs enregistrements, car ils cèdent leurs droits voisins contre une rémunération forfaitaire. Seules les rares exploitations relevant de la gestion collective volontaire (par exemple les webradios) donnent lieu au versement d’une rémunération proportionnelle.
Il est donc essentiel de garantir aux auteurs et aux artistes interprètes un intéressement juste et équitable aux fruits de ces exploitations, sans remettre en cause les mécanismes de financement et de distribution des œuvres, ni la relation contractuelle liant l’auteur ou l’artiste-interprète à l’éditeur ou au producteur.
A cette fin, la mission préconise la conclusion d’accords collectifs, étendus à l’ensemble du secteur par arrêté, pour déterminer le taux minimum et l’assiette de la rémunération. Les sociétés de gestion collective d’auteurs et d’artistes devraient ensuite être mandatées par les producteurs et les éditeurs afin de percevoir et répartir ces rémunérations, en contrepartie d’obligations relatives à l’efficacité de la répartition et à sa transparence.
Ce système permettrait de calculer les rémunérations dues aux auteurs et aux artistes sur des assiettes simples et transparentes, correspondant au prix réellement payé par le public ou aux recettes réellement encaissées par l’éditeur ou le producteur. Il déchargerait les éditeurs et les producteurs d’une gestion lourde et complexe impliquant une multitude de « nanopaiements » tout en garantissant aux créateurs des conditions de rémunération lisibles et transparentes, que la gestion individuelle échoue parfois à assurer.
Rapport sur la « musique en ligne et partage de la valeur – Etats des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi » confié à M. Christian Phéline
À la suite de ces travaux, la ministre de la culture et de la communication a souhaité que soit engagée une réflexion collective particulière dans le secteur de la musique. Constatant que « le secteur de la musique en ligne est à la fois le plus avancé dans la transition numérique et le moins régulé21 », elle a ainsi confié à M. Christian Phéline une mission d’objectivation « au plan juridique et économique, tant les positions en présence que les usages et les pratiques contractuelles pour les exploitations numériques des phonogrammes (streaming, interactif ou non, et téléchargement) ».
Le rapport de Christian Phéline, « Musique en ligne et partage de la valeur : état des lieux, voies de négociation et rôles de la loi », a été remis en novembre 2013 à la ministre de la culture et de la communication. Ce rapport examine de manière attentive la méthode et les résultats des diverses études disponibles sur le partage de la valeur entre producteurs phonographiques et services légaux de musique en ligne ainsi qu’entre producteurs et artistes-interprètes. Il retrace également la connaissance que la mission a pu prendre, sous une forme anonymisée, de divers documents contractuels ainsi que de nombreux témoignages sur les pratiques en vigueur. Il propose enfin des voies alternatives de négociation afin de réguler les usages.
À l’occasion de la mission conduite par M. Phéline, l’ADAMI et l’ensemble des syndicats d’artistes-interprètes signataires de la Convention collective nationale de l’édition phonographique de 2008 ont présenté en commun une résolution le 13 novembre 2013 où ils font part de leur entente « sur les moyens à mettre en œuvre pour la juste rémunération de tous les artistes-interprètes ». Ce document relevait qu’il n’existait pas de dispositions législatives encadrant les contrats d’autorisation comparables à celles qui régissent les contrats d’auteur et plaidait pour un renforcement de certains articles du code de la propriété intellectuelle visant à équilibrer les relations contractuelles entre artistes et producteurs.
La SPEDIDAM a pour sa part publié en 2014 un Livre Blanc intitulé « Musique, Internet et partage de la valeur : 8 propositions pour les artistes-interprètes », dans laquelle elle demande notamment la création d’une rémunération proportionnelle à l’exploitation de leurs enregistrements pour les artistes-interprètes ainsi que la garantie de principes de transparence et d’équité dans les contrats d’exclusivité entre artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes.
À l’appui de son enquête, le rapport a proposé différentes mesures législatives, dont certaines viseraient notamment à « assurer aux droits des artistes-interprètes des protections comparables à celles reconnues aux auteurs ou en matière audiovisuelle22 » et à « encadrer le recours aux clauses de prélèvement sur des ressources des artistes-interprètes extérieures à l'exploitation phonographique et les assortir de contreparties réelles ». De telles mesures nécessitent en particulier de revoir la façon dont les droits des artistes sont aujourd’hui écrits dans le droit positif.
Le code de la propriété intellectuelle
L’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle pose l’exigence d’un contrat écrit pour autoriser la cession des droits exclusifs d’un artiste-interprète, tout en établissant la liste de ces droits. Il dispose en effet que : « Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image.
Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 212-6 du présent code23 ».
L’article L. 7121-3 du code du travail (ancien article L. 762-1), auquel le code de la propriété intellectuelle renvoie, instaure une présomption de salariat au bénéfice des artistes-interprètes : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ». Les artistes-interprètes employés ponctuellement pour la réalisation d’un album par exemple exécutent donc leur travail sous le régime du contrat à durée déterminée (CDD).
L’article L. 7121-8 du code du travail (ancien article L. 762-2) précise enfin que la rémunération, lorsqu’elle n’est pas fixée en fonction du salaire initial, est « fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement ».
L'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle énumère ainsi les droits permettant aux artistes-interprètes de contrôler les différents actes de reproduction et de communication au public de leurs prestations, y compris dans l’univers numérique.
Les contrats des artistes-interprètes sont en revanche très peu encadrés par le code de la propriété intellectuelle, à la différence de ceux des auteurs.
Les droits voisins des artistes doivent s’articuler avec la régulation de leur activité prévue par le droit social. La présomption de salariat constitue une spécificité du statut des artistes interprètes. L’article L. 111-1, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle dispose pour sa part que la qualité de salarié de l’auteur n’empêche pas la reconnaissance de droits de propriété intellectuelle. L’absence de disposition similaire au bénéfice des artistes-interprètes a pu nourrir certaines ambiguïtés en ce qui concerne la mise en œuvre du droit exclusif au profit des artistes interprètes. La jurisprudence a toutefois considéré, par transposition de la règle posée en droit d’auteur, que le contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits voisins de l’artiste-interprète24.
Enfin, en ce qui concerne la rémunération, l'article L. 212-3, alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle renvoie à l’article L. 7121-8 du code du travail (ancien article L. 762-2), lequel indique que la rémunération, lorsqu’elle n’est pas fixée en fonction du salaire initial, est « fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement ».
Ainsi, la rémunération des artistes n'est pas nécessairement fixée en fonction des modes d'exploitation cédés. La jurisprudence a cependant jugé que le cachet touché par l’artiste lors des séances d’enregistrement de sa prestation ne couvre pas la communication au public ultérieure de cette prestation25.
Si un principe de proportionnalité « aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation » est posé à l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle en matière de cession des droits des auteurs, il importerait de prévoir, pour les droits voisins des artistes-interprètes, que la cession des droits d'exploitation doit donner lieu à une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation.
Par ailleurs, par l’intermédiaire de leur société de gestion collective – l’ADAMI ou la SPEDIDAM – les artistes bénéficient des ressources issues de licences légales et dont la loi prévoit qu’elles sont obligatoirement perçues et réparties en gestion collective. Il s’agit de la rémunération pour copie privée et de la rémunération équitable, créées par la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.
La Convention collective nationale de l’édition phonographique (CCNEP)
Les conditions de travail et de rémunération des artistes-interprètes sous contrat avec une maison de disques sont encadrées par la Convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008 conclue entre les producteurs de phonogrammes et les syndicats d’artistes-interprètes. Cette convention collective a été étendue par un arrêté du ministre chargé du travail du 20 mars 2009.
La convention collective établit tout d’abord un salaire minimum, dénommé « cachet de base », ayant pour objet de rémunérer, outre la prestation de travail de l’artiste-interprète liée à l’enregistrement d’une œuvre musicale, l’autorisation de fixer la prestation de cet artiste-interprète ainsi que l’autorisation de l’exploiter sous certaines formes expressément visées.
Outre ce salaire minimum, la convention collective institue également des rémunérations complémentaires au profit des artistes-interprètes en contrepartie de l’exploitation de leurs prestations.
L’annexe 3 de la convention collective (articles 3-22 et suivants) dresse une nomenclature des modes d’exploitation des phonogrammes qui ouvrent droit à une rémunération forfaitaire complémentaire dont le montant minimum est déterminé par la convention. Une rémunération proportionnelle complémentaire est également due dès lors qu’un producteur de phonogrammes fait le choix de confier la gestion de l’un de ces modes d’exploitation à une SPRD de producteurs. L’artiste-interprète perçoit alors, outre la rémunération forfaitaire complémentaire, une rémunération complémentaire proportionnelle dont le montant est déterminé selon des modalités de calcul fixées par la convention collective.
1.2.1.3. Nécessité de légiférer et dispositif juridique envisagé
Les travaux menés tant par Pierre Lescure que par Christian Phéline ont fait clairement ressortir que, pour assurer un partage de la valeur équitable dans le domaine de la musique en ligne, il est essentiel que les droits en cause soient précisément identifiés et que leur cession soit encadrée. Plus précisément, le rapport de Christian Phéline a établi un récapitulatif de mesures législatives susceptibles d’être inscrites dans un projet de loi.
Il propose à titre principal des voies relevant de la gestion collective obligatoire (2.1), des voies relevant de la négociation collective (2.2), assorties le cas échéant de moyens incitant les sociétés de perception et de répartition gérant les droits voisins des artistes interprètes à collaborer (2.3) et l'instauration de règles relatives aux contrats (2.4).
Les propositions relatives à la gestion collective obligatoire.
Tant le rapport Lescure que le rapport Phéline ont fait des propositions visant à instaurer un mécanisme de gestion collective obligatoire pour le seul streaming ( cf. rapport Lescure) ou pour le streaming et le téléchargement (cf. rapport Phéline), que ce soit dans les relations entre les producteurs et les plateformes, dans les relations entre l'ensemble des titulaires de droits voisins et les plateformes ou dans les relations entre les artistes-interprètes et les plateformes .
Ces propositions font débat parmi les acteurs de la filière : si les tenants d’un mécanisme de gestion collective obligatoire mettent en avant les avantages qu’un tel dispositif permettrait d’obtenir en termes d’amélioration de la transparence, d’augmentation de la rémunération des artistes-interprètes et d’établissement d’une situation de meilleur équilibre des plateformes vis-vis des artistes-interprètes et des producteurs, ses détracteurs font au contraire valoir que la mise en œuvre d’un tel mécanisme risquerait de priver les producteurs d’une part de leurs prérogatives sans pour autant améliorer la situation des artistes.
En l’absence de consensus entre les acteurs et afin de favoriser le dialogue entre les différentes parties, le Gouvernement a confié une mission de concertation à M. Marc Schwartz dont les conclusions seront rendues fin septembre 2015. Cette mission a pour objectif d’aboutir à un accord entre les parties prenantes sur la question de la répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur.
Néanmoins, dans la mesure où les conditions d’un tel accord ne seraient pas réunies, la mission formulera des propositions équilibrées et conformes à l’intérêt général du secteur en vue de leur soumission au législateur. Parmi ces propositions pourrait figurer l’introduction dans le projet de loi d’un mécanisme de gestion collective obligatoire des rémunérations des artistes-interprètes pour les exploitations numériques.
Les propositions relatives à la négociation collective
La proposition de recourir à la conclusion d’accords collectifs, étendus à l’ensemble du secteur par arrêté, pour déterminer le taux minimum et l’assiette de la rémunération a été faite par le rapport Lescure comme par le rapport Phéline, en complément ou en articulation avec d'autres propositions, comme celle de la gestion collective obligatoire.
Une convention collective existe déjà dans le secteur de la musique enregistrée : il s'agit de la Convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008 conclue entre les producteurs de phonogrammes et les syndicats d’artistes-interprètes, étendue par un arrêté du ministre en charge du travail du 20 mars 2009. Cette convention fait actuellement l'objet d'un recours par une partie des artistes-interprètes auxquels elle s'applique par le biais de leur société de perception et de répartition ainsi que par un syndicat.
La proposition incitant à une meilleure collaboration les sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes
Depuis de longues années, un conflit oppose l'ADAMI et la SPEDIDAM en ce qui concerne la répartition entre elles des droits voisins des artistes interprètes de la musique et de l'audiovisuel gérés collectivement. Ce litige porte essentiellement sur deux points :
- la répartition des sommes dues au titre de la copie privée et de la rémunération équitable entre les deux sociétés ;
-la répartition des champs de compétence respectifs des deux sociétés.
Le rapport Phéline propose d'enjoindre les deux sociétés à se rapprocher pour gérer les droits voisins des artistes-interprètes nécessaires à l'exploitation numérique des enregistrements, faute de quoi ces droits seront gérés en gestion collective obligatoire par une seule société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes, agréée par le ministère de la culture et de la communication, à l'issue d'un certain délai. Cette proposition trouve ainsi sa place au sein d'un dispositif chronologique alternant la négociation collective et la mise en place d'une gestion collective obligatoire, dont les propositions n'ont pas été retenues.
Le ministère a confié une mission d’observation à l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) [en la personne de M. Bertrand-Pierre Galey] afin d'accompagner les deux sociétés de gestion collective des droits des artistes interprètes dans la résolution de leurs points de désaccord. Cette mission qui a débuté au mois de septembre 2014 devrait s’achever courant 2015.
Instauration de règles relatives aux contrats : renforcement de la position contractuelle des artistes-interprètes
Formalisme de la cession des droits
La présente loi étend aux artistes-interprètes le formalisme protecteur des auteurs dans un nouvel article L. 212-11 du code de la propriété intellectuelle. À l’image de la règle qui prévaut déjà dans les relations entre auteurs et exploitants de leurs œuvres, le contrat passé entre un artiste et un producteur devra comporter une mention distincte de chacun des droits cédés. Chacun de ces droits devra par ailleurs voir son champ d’exploitation défini selon quatre critères : étendue, destination, lieu et durée. Là encore, il s’agit de dispositions existant à l’article L. 131-3 pour les auteurs, qui sont étendues au bénéfice des artistes.
De même, la règle selon laquelle toute clause qui tend à conférer le droit d’exploiter la prestation de l’artiste-interprète sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de signature est expresse et stipule une participation corrélative aux profits d’exploitation.
C’est ainsi également que la présente loi, au troisième alinéa de l’article 5, introduit un formalisme protecteur au bénéfice des artistes-interprètes dans le cadre des contrats dits « 360° », par lequel l’artiste cède des droits autres que ces droits voisins. Il s’agit notamment de son droit à l’image, du droit sur le merchandising, etc.
Indifférence de l’existence d’un contrat de travail
L’article L. 111-1, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité de salarié de l’auteur n’a pas d’impact sur la dévolution de droits d’auteur à son égard. Alors même que les artistes-interprètes sont souvent en situation de salariat, il n’existe pas de disposition similaire les concernant, et il est vrai que l’influence du droit social crée certaines ambiguïtés, notamment du point de vue de la mise en œuvre du droit exclusif.
Il est donc proposé, par transposition de la règle posée en droit d’auteur, et comme l’a reconnu la jurisprudence (Cass. 1ère civ, 6 mars 2001), d’écrire expressément au sein d’un nouvel article L. 212-10 du code de la propriété intellectuelle que le contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits voisins de l’artiste-interprète.
Rémunérations des artistes-interprètes
Il est proposé de poser à l’article L. 212-13 du code de la propriété intellectuelle le principe selon lequel chaque mode d’exploitation du phonogramme incorporant la prestation d’un artiste fait l’objet d’une rémunération distincte. Il constitue au profit des artistes le pendant de celui qui existe pour les auteurs à l’article L. 132-25 du même code, dont le premier alinéa dispose que « la rémunération des auteurs est due pour chaque mode d’exploitation ».
Contrairement à la situation des auteurs, le code n’indique nulle part expressément que la rémunération des artistes-interprètes doit être proportionnelle ou forfaitaire. En articulation avec l’article L. 7121-8 du code du travail26, les rémunérations que perçoit l’artiste-interprète sont soit des salaires soit des redevances selon qu’il y a exécution directe d’une prestation vivante ou pas. Il perçoit ainsi un salaire lorsqu’il participe physiquement à un concert en public ou à un enregistrement, puis perçoit des droits voisins lorsque le producteur lui verse une participation à la vente de l’enregistrement.
Le nouvel article L. 212-13 du code de la propriété intellectuelle permet en outre le départ entre ce qui relève du salaire et donc du droit du travail, et les fruits perçus de l’exploitation de la prestation de l’artiste, lesquels relèvent des droits voisins. Le contrat passé entre l’artiste et le producteur de phonogrammes garantit une rémunération minimale, au titre du salaire, puis chaque mode d’exploitation de la prestation de l’artiste doit faire l’objet d’une rémunération distincte.
La notion de « mode d’exploitation » (par exemple : streaming, webcasting, vente de disques, etc) correspond à une notion déjà utilisée dans l’audiovisuel et présente dans le code de la propriété intellectuelle, notamment à l’article L. 132-25. Elle implique l’obligation, pour établir la rémunération de l’artiste, de prendre en compte les différents marchés sur lequel se situe l’utilisation de l’objet protégé. L’article L.212-13 du code de la propriété intellectuelle précise également que la mise à disposition sous forme physique et par voie électronique sont des modes d’exploitation distincts.
Reddition des comptes
Le nouvel article L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle met en place une obligation de reddition de comptes à la charge du producteur de phonogrammes, qui doit expliquer à chaque artiste-interprète le calcul de sa rémunération pour chaque mode d’exploitation de sa prestation. Ce principe posé dans le livre deuxième relatif aux droits voisins fait écho à des dispositions proches qui existent dans le livre premier sur le droit d’auteur, notamment l’article L. 132-5 en matière de contrat d’édition.
Cette disposition traduit également l’engagement n° 9 de l’accord signé entre les acteurs de la musique en ligne en 2011 à l’issue de la mission conduite par M. Emmanuel Hoog. Cet engagement, relatif à la transparence au bénéfice des artistes interprètes indiquait que « les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services en ligne s’engagent à trouver les formes de mise à disposition aux artistes interprètes des informations dont ils disposent sur l’exploitation de leurs prestations. Ils transmettront des déclarations semestrielles de redevances par modes d’exploitation ».
L’objectif consiste ici à poser un principe général, qui n’existe pas à l’heure actuelle dans la partie « droits voisins » du code de la propriété intellectuelle, et qui s’inscrit dans le maintien d’une relation de confiance entre artistes et producteurs, en garantissant une transparence et une compréhension sans équivoque des clauses du contrat qui les unit.
Cette obligation de reddition de comptes ne s’appliquera qu’aux artistes-interprètes dont le contrat prévoit le paiement d’une rémunération proportionnelle, en fonction de l’exploitation, et pour laquelle une telle reddition de comptes se justifie.
Dans la plupart des cas, les artistes-interprètes dits « secondaires » ou « d’accompagnement » sont rémunérés par le cachet payé à l’occasion de l’enregistrement de leur interprétation. Ce cachet peut être complété, pour certains modes d’exploitation, par une rémunération proportionnelle dans les conditions prévues par la Convention collective nationale de l’édition phonographique adoptée en 2008.
Impact juridique
Une première conséquence du renforcement de la protection contractuelle des artistes est de rapprocher et harmoniser certaines dispositions qui existent dans le code de la propriété intellectuelle en matière de contrats passés entre auteurs et exploitants avec celles qui existent en matière de droits voisins.
L’introduction des dispositions relatives à la rémunération des artistes dans le code de la propriété intellectuelle aura également pour incidence une clarification des rémunérations dues aux artistes au titre de chaque mode d’exploitation de leurs prestations et de ce qui relève du champ de la propriété littéraire et artistique au regard de ce qui relève du salaire versé par le producteur.
Impact économique
Les dispositions proposées permettront de garantir une meilleure transparence dans la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la filière musicale.
L’introduction de l’article L. 212-14 mettra à la charge des producteurs l’envoi d’une reddition des comptes semestrielle aux artistes. La gestion informatisée existante des données relatives à l’exploitation aux différentes exploitations d’un phonogramme et aux rémunérations correspondantes dues aux artistes est toutefois déjà en place chez tous les producteurs et permet à ces derniers de délivrer de telles informations sans induire de coûts manifestement excessifs.
1.2.1.5. Mise en œuvre des dispositions et textes d’application nécessaires
Les dispositions du présent projet de loi ne nécessitent pas de textes d’application particuliers en ce qui concerne les dispositions relatives à la protection contractuelle des artistes-interprètes.
Ces dispositions font suite à la remise du rapport de M. Christian Phéline, conseiller maître à la Cour des comptes, à qui la ministre de la culture et de la communication a confié une mission afin d’élaborer un diagnostic objectif des positions en présence, des usages et des pratiques contractuelles dans la musique en ligne.
Ce rapport, intitulé « Musique en ligne et partage de la valeur – État des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi », a été remis à la ministre de la culture et de la communication le 18 décembre 2013. Il s’appuie sur une large consultation des professionnels du secteur et dresse un état des lieux des pratiques contractuelles entre plateformes et ayants droit, et entre producteurs et artistes ; puis il fait des propositions pour mieux réguler les relations économiques entre ces différents acteurs.
Cette disposition a également fait l’objet de consultation auprès des professionnels du secteur (représentants des artistes-interprètes, des producteurs phonographiques et des éditeurs de service de musique en ligne) dans le cadre de la concertation sur les dispositions relatives à la musique de ce projet de loi.
1.2.1.7. Modalités d’entrée en vigueur
Le nouvel article L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle relatif à l’obligation de reddition des comptes sera applicable aux contrats en cours.
Les dispositions de l’article 5 entreront en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française.
1.2.2. Mesure 5 : Disposition relative aux relations entre producteurs de phonogrammes et éditeurs de service de musique en ligne (Article 6)
1.2.2.1. Diagnostic et état du droit
Diagnostic
L’internationalisation du marché conjuguée à la contraction des revenus et aux débats relatifs au partage de la valeur fragilise les équilibres entre les différents acteurs du secteur de la musique en ligne.
Les producteurs de phonogrammes sont régulièrement critiqués pour faire preuve d’une transparence limitée quant aux conditions d’exploitation de leurs catalogues. Les éditeurs de service de musique en ligne dénoncent l’application de conditions discriminatoires qui constitueraient des barrières à l’entrée sur le marché et limiteraient la libre concurrence entre les éditeurs de services de musique en ligne, empêchant le développement d’un marché diversifié.
À l’inverse, des producteurs de phonogrammes souffrent d’un rapport de force déséquilibré face à certains éditeurs de service de musique en ligne multi-territoriaux dans la négociation tarifaire des licences.
À titre d’exemple, en juin 2014, dans le cadre de négociations entre les producteurs indépendants et la plateforme You Tube pour le lancement d’une offre d’écoute par abonnement, les producteurs indépendants ont dénoncé les conditions imposées par cette dernière qui étaient selon eux « non-négociables et au rabais » par rapport aux standards du marché ou à celles consenties aux majors, l’accusant d’abus de position dominante.
À ce jour, les articles L. 441-6 et suivants du code de commerce régissent la transparence entre professionnels.
L’article L. 441-6 du code de commerce met notamment à la charge de tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur la communication de ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cet article précise que les conditions générales de vente, qui constituent le socle de la négociation commerciale, comprennent : les conditions de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix et les conditions de règlement.
S’agissant du domaine particulier de la musique en ligne, la charte des « 13 engagements pour la musique en ligne »27 issue de la médiation menée par M. Emmanuel Hoog et signée par l’ensemble des acteurs de la musique en ligne en janvier 2011 pour une durée de deux ans, mettait à la charge des producteurs de phonogrammes la publication des conditions générales de vente. C’est sur le fondement de cette charte que le juge des référés a débouté Universal Music France de son action en contrefaçon contre la société Blogmusik dans son ordonnance du 5 septembre 2011. Cette charte a donc une valeur de précédent pour le secteur de la musique en ligne.
Détails des raisons appelant l’intervention de la loi
Les réunions de bilan organisées par la Haute autorité pour la diffusion des droits et la protection des œuvres sur Internet (HADOPI) en 2013, entité en charge du suivi de l’application de la charte des « 13 engagements pour la musique en ligne », montrent que l’engagement relatif à la publication des conditions générales de vente n’est pas toujours respecté par les producteurs de phonogrammes.
En effet, si des efforts ont pu être constatés sur des modèles de commercialisation éprouvés, les éditeurs de services de musique en ligne soulignent que les producteurs de phonogrammes restent silencieux sur la plupart des modèles de commercialisation actuels, notamment le streaming, et mettent en avant le caractère expérimental de certaines négociations alors même que ces modèles sont déjà usités par des services concurrents.
Ce constat appelle l’intervention du législateur afin de responsabiliser les acteurs et de rééquilibrer leurs relations mais également afin d’assurer le développement d’un marché concurrentiel.
En imposant la fixation objective, équitable et non discriminatoire des conditions d’exploitation des phonogrammes, la disposition vise à améliorer la transparence mutuelle entre producteurs de phonogrammes et éditeurs de services de musique en ligne. Elle vise également à garantir des conditions d’accès équilibrées aux phonogrammes en limitant le recours à des conditions d’exploitation différenciées ou créant des avantages concurrentiels discriminants sans que les critères ayant abouti à cette différenciation soient suffisamment explicites.
Cette disposition doit notamment amener les acteurs à faire reposer les conditions financières sur des modalités de calcul transparentes et fondées sur des données réelles de marché ou encore à définir de bonne foi des objectifs de résultat raisonnables tenant compte des évolutions significatives du modèle économique du service en ligne.
Enfin, l’introduction d’une telle disposition vise plus largement à développer l’offre culturelle en ligne en rendant possible l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché à des conditions raisonnables et en permettant aux acteurs existants de se développer.
Le statu quo : rappeler l’obligation de communication des conditions générales de vente applicable entre professionnels de l’article L. 441-6 du code de commerce
En l’état actuel du marché de la musique en ligne, le statu quo ne peut pas être envisagé, car il ne permet pas d’assurer de façon effective la transparence des conditions d’exploitation des phonogrammes. Les acteurs n’ont d’ailleurs jamais recours à cette disposition.
De plus, au regard de la spécificité de l’objet des contrats en cause qui sont des contrats de licence, la terminologie employée par le code de commerce ne semble pas appropriée. Si la jurisprudence pourrait interpréter largement l’article L. 441-6 du code de commerce à tous les types de contrats (« vente », « louage », « concession », etc.), l’interprétation stricte de cet article semble d’une application a priori incertaine en l’espèce. C’est la raison pour laquelle il semble préférable d’utiliser le terme « conditions d’exploitation ».
L’hypothèse de l’inscription d’une disposition dans un code des usages négocié entre professionnels
Il pourrait être envisagé de prolonger et d’approfondir les « 13 engagements pour la musique en ligne » à travers un code des usages. Cela étant, au regard de la difficulté d’application de la charte des « 13 engagements pour la musique en ligne », qui peut être considérée comme un embryon de code des usages, il semble important d’ancrer certains principes dans la loi afin de leur donner une valeur normative.
Néanmoins, la négociation d’un code des usages entre professionnels n’est pas totalement exclue puisque dans le cadre de ce projet de loi, il est confié au médiateur de la musique la négociation d’un code des usages entre producteurs phonographiques et éditeurs de service de musique en ligne qui précisera notamment les modalités de mise en œuvre de cette disposition.
L’hypothèse de l’introduction d’une obligation de publication des conditions générales d’exploitation dans la loi
Cette option aurait pour objet d’introduire dans la loi une obligation de publication des conditions d’exploitation des phonogrammes. Difficilement conciliable avec la liberté commerciale et la libre concurrence entre les acteurs, cette option est écartée.
Le choix de l’introduction d’une disposition contraignant les acteurs à la fixation des conditions d’exploitation de manière objective, équitable et non discriminatoire.
Il est proposé de poser dans un nouvel article L. 213-2 du code de la propriété intellectuelle le principe selon lequel le contrat conclu par le producteur d’un phonogramme avec un éditeur de services de communication au public par voie électronique fixe les conditions de cette exploitation de manière objective et équitable. Par ailleurs, ces conditions ne pourront comporter de clauses discriminatoires non justifiées par des contreparties réelles.
Cette disposition est inspirée du domaine de l’audiovisuel et plus particulièrement de l’article 17 -1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui permet aux éditeurs ou aux distributeurs de services audiovisuels de saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) lorsqu’ils se posent un différend sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services.
Cette rédaction semble être la plus adaptée et la plus efficace pour répondre aux impératifs de transparence, résoudre les distorsions de marché de la musique en ligne et développer l’offre culturelle en ligne tout en respectant la liberté commerciale des acteurs que ce soit du côté des producteurs de phonogramme et des éditeurs de services de musique en ligne.
La mise en œuvre de cette disposition n’entraîne pas de coût supplémentaire pour les acteurs. Cette mesure contraint en revanche les acteurs dans la conduite des négociations des licences, celle-ci pouvant avoir un réel impact sur l’équilibre final du contrat au bénéfice de chacune des parties.
Cette mesure prévoit en effet un cadre spécifique pour la négociation et la fixation des conditions d’exploitations des phonogrammes, certes plus contraignant que le droit commun, mais nécessaire compte tenu de la singularité de ce secteur. Elle vise à améliorer la transparence mutuelle entre producteurs de phonogrammes et éditeurs de services de musique en ligne et à garantir des conditions d’accès équilibrées aux phonogrammes en limitant le recours à des conditions d’exploitation différenciées ou créant des avantages concurrentiels sans que les critères ayant abouti à cette différenciation soient suffisamment explicites.
La conséquence principale, à l’échelle nationale, de l’introduction de la présente disposition tiendra à l’ouverture du marché de la musique en ligne. Cette ouverture sera bénéfique au marché de la musique en ligne, qui est à ce jour restreint à un cercle d’acteurs majoritairement globaux. Les nouveaux entrants, vecteurs potentiels de diversité culturelle et de développement d’offres innovantes, pourront plus facilement lancer leur activité.
L’introduction de la présente disposition permettra également à l’ensemble des producteurs de phonogrammes d’accéder à la diffusion de leurs catalogues sur des services de musique en ligne dans des conditions équivalentes.
Cette proposition de disposition fait suite à la remise du rapport de M. Christian Phéline, conseiller maître à la Cour des comptes, à qui la ministre de la culture et de la communication a confié une mission afin d’élaborer un diagnostic objectif des positions en présence, des usages et des pratiques contractuelles dans le secteur de la musique en ligne.
Ce rapport, intitulé « Musique en ligne et partage de la valeur – État des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi », a été remis à la ministre de la culture et de la communication le 18 décembre 2013. Il s’appuie sur une large consultation des professionnels du secteur et dresse un état des lieux des pratiques contractuelles entre plateformes et ayants droit, et entre producteurs et artistes. Il établit également des propositions pour mieux réguler les relations économiques entre ces différents acteurs.
Cette disposition a également fait l’objet de consultation auprès des professionnels du secteur (représentants des artistes-interprètes, des producteurs phonographiques et des éditeurs de service de musique en ligne) dans le cadre de la concertation sur les dispositions relatives à la musique de ce projet de loi.
1.2.2.6. Modalités d’application et d’entrée en vigueur
Modalités d’application
Ce projet d’article n’appelle aucune mesure d’application.
Modalités d’entrée en vigueur
Aucune modalité particulière d’entrée en vigueur de la loi ordinaire n’est prévue, il est proposé qu’elle entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal Officiel.
1.2.3. Mesure 6 : Instauration d’un médiateur de la musique (Article 7)
1.2.3.1. Diagnostic et état du droit
Depuis plus de dix ans, le secteur de la musique, qui est à la fois le plus avancé dans la transition numérique et le moins régulé, a subi un grand bouleversement des pratiques de consommation. Ce bouleversement a accentué les tensions entre les acteurs, celles-ci s’exprimant de manière récurrente entre les producteurs phonographiques et les éditeurs de service de musique en ligne d’une part, et entre producteurs phonographiques et artistes-interprètes, au titre de leurs droits voisins respectifs, d’autre part.
Les normes applicables à ce secteur (code de la propriété intellectuelle, code du commerce, code du travail, convention collective nationale de l’édition phonographique, etc.) ne suffisent pas toujours à garantir les équilibres économiques entre les différents acteurs de la chaîne. En raison de rapports de force déséquilibrés, les acteurs peinent à arbitrer les conflits et le recours au juge est par ailleurs envisagé avec une très grande prudence par les professionnels.
S’agissant des artistes-interprètes, le régime des contrats les liant aux producteurs phonographiques se fonde sur une imbrication complexe entre le droit du travail et le droit de la propriété littéraire et artistique qui suffit à expliquer que les quelques contentieux soumis à la Justice ne soient traités qu’avec difficulté, autant par les juridictions prud’homales que par les tribunaux de grande instance. À ce titre, le recours prévu, par l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, devant le tribunal de grande instance (TGI), exclusivement compétent pour connaître des contentieux de propriété littéraire et artistique, ne semble pas pleinement satisfaisant. En outre, la rédaction parfois opaque de ces contrats, intimement liée aux usages de la profession, ajoute une difficulté supplémentaire à la résolution des contentieux.
S’agissant des éditeurs de service de musique en ligne, ils continuent de rencontrer de grandes difficultés à obtenir des conditions d’exploitation des phonogrammes équilibrées et viables de la part des producteurs phonographiques. Dans la mesure où ces autorisations sont indispensables aux éditeurs de service de musique en ligne pour déployer et diversifier leurs offres, les contentieux portés devant les juridictions restent cependant rares. Les représentants de ces acteurs préconisent d’ailleurs l’adoption de normes partagées relevant plutôt du droit souple via notamment la signature d’un code des usages, dans la lignée des « treize engagements » qui avaient été conclus en 2011 à l’issue d’une médiation menée par M. Hoog.
Au-delà des dispositions contenues dans ce projet de loi propres à améliorer les relations contractuelles entre les artistes-interprètes et les producteurs phonographiques d’une part et entre les éditeurs de service de musique en ligne et les producteurs phonographiques d’autre part, l’institution d’un médiateur de la musique a pour objectif de réguler de manière souple les relations entre ces acteurs et de surmonter les difficultés liées aux spécificités du secteur.
Le recours à la médiation doit donc permettre de trouver un accord rapidement, sans coût pour les parties et au plus près de leurs intérêts, en évitant une solution imposée par le juge et une procédure judiciaire souvent longue et coûteuse.
L’hypothèse d’une médiation privée (ou « conventionnelle »).
L’hypothèse d’une médiation privée (ou « conventionnelle ») prévue par les parties elles-mêmes dans le contrat qui les lie a été écartée d’office, car elle ne répondrait pas aux objectifs poursuivis tels que décrits précédemment. En effet, cela induirait que les parties s’accordent en amont sur le recours à un médiateur, sur le choix du médiateur et sur l’opposabilité de ces décisions. Cette option ne semble donc pas appropriée au regard des déséquilibres constatés dans cette filière.
L’hypothèse d’une médiation judiciaire.
La médiation judiciaire est un mode alternatif et rapide de règlement des litiges qui vise à rechercher un accord amiable entre deux parties grâce à l’intervention d’un tiers désigné par le juge. La médiation judiciaire ne peut intervenir que lorsqu’une procédure judiciaire est déjà engagée.
Au regard des problématiques et des acteurs en cause, le recours à ce type de procédure ne semble pas approprié et remplir les objectifs poursuivis puisque les professionnels du secteur envisagent avec une très grande prudence le recours à une procédure judiciaire.
Le choix d’une médiation spécialisée instituée par la loi.
Cette procédure s’inspire du modèle du médiateur du cinéma institué par la loi du 29 juillet 1982 (articles L. 213-1 à L. 213-8 du code du cinéma et de l’image animée) ou encore du médiateur du livre institué par l’article 144 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
Le médiateur dispose de pouvoirs étendus comportant la possibilité de faire des observations ou recommandations dans son rapport annuel et de saisir l’Autorité de la concurrence. Enfin, les décisions du médiateur de la musique peuvent être publiées.
Cette option semble être la solution idoine au regard des objectifs poursuivis.
Impact juridique
Le médiateur de la musique sera chargé d’une mission de conciliation pour tout litige relatif à l’interprétation ou l’exécution de tout accord entre les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et les plateformes, ou de tout engagement contractuel entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes ou entre un producteur de phonogrammes et une plate-forme.
Il est proposé d’introduire cette disposition dans un nouvel article L 214-6 du code de la propriété intellectuelle.
Par ailleurs, l’institution du médiateur ne dé-saisit pas le juge judiciaire de son pouvoir puisque la saisine du médiateur n’est pas préalable à celle du juge.
Impacts économique et financier
L’un des objectifs poursuivis par le recours à la médiation est notamment le gain économique et financier lié à la possibilité pour les parties de trouver un accord rapidement, sans coût lié à la procédure judiciaire et au plus près de leurs intérêts. L’impact économique est donc favorable aux bénéficiaires de cette mesure.
Ce dispositif étant fondé sur la volonté des parties de choisir la médiation plutôt que l’action judiciaire, l’impact financier pour l’État sera donc fonction des affaires dont le médiateur sera saisi mais aussi de la charge d’activité liée à la négociation d’accords avec les professionnels de la musique. À cet égard, le projet de disposition prévoit que le médiateur dressera chaque année un rapport qui rend compte de son activité. Celui-ci permettra d’ajuster les besoins en conséquence.
L’impact financier pour l’État relève donc essentiellement du nombre de personnels et des frais de fonctionnement de la médiation. Ils sont évalués de la manière suivante :
– les besoins en personnel de la médiation sont estimés à ce stade à 1 emploi de médiateur, 1 chargé de mission de catégorie A et 1 assistante. Ces effectifs devraient en partie être couverts par des redéploiements des effectifs du ministère de la culture et de la communication ;
– les frais de fonctionnement liés aux locaux, aux fournitures, à la communication et aux déplacements seront couverts par redéploiement de crédits et mise à disposition de locaux du ministère de la culture et de la communication.
Par référence au médiateur du cinéma, dont la fréquence de sollicitation est plus élevée que celle dont devrait faire l’objet le médiateur de la musique, dans la mesure où le médiateur du cinéma constitue un préalable à la saisine du juge, il s’agit là des moyens nécessaires pour la résolution d’un nombre de litiges estimés en première analyse entre 20 et 30 par an.
Ces estimations pourraient être sensiblement plus élevées la première année et en année n+1, notamment si le médiateur est amené à participer à la négociation d’un accord collectif tel qu’un code des usages entre producteurs phonographiques et plateformes de musique en ligne.
Cette proposition de disposition fait suite à la remise du rapport de M. Christian Phéline, conseiller maître à la Cour des comptes, à qui la ministre de la culture et de la communication a confié une mission afin d’élaborer un diagnostic objectif des positions en présence, des usages et des pratiques contractuelles dans la musique en ligne.
Ce rapport, intitulé « Musique en ligne et partage de la valeur – État des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi », a été remis à la ministre de la culture et de la communication le 18 décembre 2013. Il s’appuie sur une large consultation des professionnels du secteur et dresse un état des lieux des pratiques contractuelles entre plateformes et ayants droit, et entre producteurs et artistes ; puis il fait des propositions pour mieux réguler les relations économiques entre ces différents acteurs.
Cette disposition a également fait l’objet de consultation auprès des professionnels du secteur (représentants des artistes-interprètes, des producteurs phonographiques et des éditeurs de service de musique en ligne) dans le cadre de la concertation sur les dispositions relatives à la musique de ce projet de loi.
1.2.3.6. Modalités d’application et d’entrée en vigueur
L’entrée en vigueur de cet article est subordonnée à la publication d’un décret d’application. Ce décret viendra préciser les modalités d’application de cette disposition et notamment les modalités de désignation du médiateur.
Tableau de bord du texte à prendre pour l’application et la mise en œuvre de cette disposition
Article de la loi |
Article du code |
Nature du texte |
Titre du texte publié au JO |
Article X |
Décret en Conseil d’État |
Décret n°... du … relatif au médiateur de la musique |
Tableau de suivi de la disposition appelant un décret d’application pour les modalités d’application de la disposition instituant un médiateur de la musique
N° |
Article de la loi |
Base légale |
Objet |
Ministère rapporteur |
Direction |
Consultations obligatoires |
Calendrier consultations obligatoires hors Conseil d’État |
Saisine du Conseil d’État |
Calendrier de publication |
Observations |
1 |
Article X |
Décret précisant les modalités d’application de la disposition instituant un médiateur de la musique |
Ministère de la Culture et de la Communication |
Direction générale des médias et industries culturelles |
Dans les six mois suivants la publication de la loi |
Dans les six mois suivants la publication de la loi |
1.2.4. Mesure 7 : Transparence des comptes de production et d’exploitation d’une œuvre cinématographique (Articles 8 et 9)
La mesure proposée vise à renforcer la transparence au sein de l’ensemble de la filière cinématographique.
L’exigence de transparence résulte, de manière générale, de la spécificité de l’industrie cinématographique et de son modèle économique tenant à la solidarité qui sous-tend les relations économiques entre les multiples intervenants, des auteurs aux différentes personnes auxquelles a été confiée l’exploitation de l’œuvre, en raison du principe de la rémunération au pourcentage des ayants droit.
Plus particulièrement, le secteur de la production cinématographique, caractérisé par des montages complexes de financement impliquant de multiples acteurs, doit constamment renforcer ses exigences de transparence économique tant sur le coût des œuvres que sur la réalité des remontées de recettes ou encore l’état d’amortissement des investissements des différents intervenants : chaînes de télévision, SOFICA, distributeurs, établissements financiers, etc.
Le rapport de M. Bonnell de décembre 2013 sur le financement de la production et de la distribution cinématographique à l’heure du numérique a souligné la nécessité de renforcer la transparence des relations entre acteurs, notamment quant aux rendus de comptes, et de clarifier la pratique des mandats groupés en soulignant que la transparence et le partage de la recette représentaient un axe stratégique de l’amélioration du financement.
En effet, une transparence accrue est absolument essentielle au dynamisme de la filière :
- au regard du cas fréquent de financements s’appuyant sur un mécanisme de garanties croisées, où des mandats cédés sur plusieurs marchés (télévision, salle, vidéo, export) peuvent se compenser les uns les autres lorsqu’ils sont “ groupés ” par un même distributeur ;
- pour diversifier les sources de financement (coproducteurs, investisseurs extérieurs au secteur) – diversification rendue nécessaire par la contraction des sources traditionnelles de financement ;
- pour éviter la tendance des différents intervenants à s’assurer une rémunération en amont de la sortie des œuvres en salles afin de réduire leur risque, parfois au détriment de la rentabilité possible du film et de sa cohérence économique et commerciale. Cette tendance est par ailleurs source d’inflation des devis et de certaines rémunérations sur le film.
La mesure a pour objectif de renforcer la transparence entre les différents intervenants de la filière cinématographique en instaurant une obligation de rendus de compte d’une part pour le producteur de l’œuvre et, d’autre part, pour les cessionnaires ou mandataires en assurant l’exploitation. La mesure proposée prévoit ainsi une obligation de transmission des comptes de production d’une œuvre à tous les co-financeurs intéressés aux recettes et aux ayants droit, ainsi qu’une obligation de transmission des comptes d’exploitation au producteur de l’œuvre, à ses partenaires financiers et aux ayants droit.
La création d’une telle obligation dans la loi, contrôlée par le biais d’audits diligentés par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et pouvant faire l’objet de sanctions administratives, assurera une responsabilisation accrue de l’ensemble des acteurs de la filière qui sont placés dans une situation d’interdépendance économique.
Cette obligation vaut pour les films admis au bénéfice des aides à la production du CNC qui pourra faire procéder à des audits de ces différents rendus de comptes.
1.2.4.3. Dispositif juridique proposé
La mesure (article 8) relative à la transparence dans la filière cinématographique implique une modification du code du cinéma et de l’image animée, par la création d’un nouveau chapitre au sein du titre 1er du livre II portant sur l’exercice des professions et activités du cinéma et intitulé “ Transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée ”.
Cette mesure concerne en premier lieu la transparence des comptes de production. Elle impose au producteur délégué d’une œuvre aidée par le CNC d’établir et de transmettre à ses coproducteurs et ses cofinanceurs intéressés aux recettes, ainsi qu’aux auteurs les comptes de production de cette œuvre (article L. 213-24).
Elle porte en second lieu sur la transparence des comptes d’exploitation en imposant aux cessionnaires ou détenteurs de mandats d’exploitation d’une œuvre aidée par le CNC d’établir et de transmettre au producteur délégué les comptes d’exploitation de cette œuvre (article L. 213-28).
Afin d’assurer la cohérence de la mise en œuvre de ces obligations par l’ensemble des acteurs, il est prévu d’une part, que le contenu minimum des comptes de production et d’exploitation est fixé par la loi, d’autre part, une mesure de “ normalisation ” des comptes de production et d’exploitation en renvoyant à un accord professionnel étendu ou, à défaut, à un décret en Conseil d’Etat, le soin de déterminer la forme de ces comptes et la définition des principaux éléments devant y figurer (articles L. 213-25 et L. 213-29).
Les contrats concernés doivent en outre comporter des clauses rappelant ces obligations de transmission (articles L. 213-26 et L. 213-30)
Afin d’assurer la transparence des comptes d’exploitation vis à vis des coproducteurs, des autres partenaires financiers intéressés aux recettes et des ayants droit, ces comptes leur sont transmis par le producteur délégué (L. 213-32 et L. 213-34).
Le texte proposé exclut expressément du champ de l’obligation de transparence des comptes d’exploitation deux types de contrats pour lesquelles elle n’est en effet pas nécessaire (article
L.213-31). Il s’agit tout d’abord des contrats de concession des droits de représentation cinématographique conclus entre distributeurs et exploitants de salles, dans la mesure où la transparence est déjà garantie par le biais du dispositif législatif et réglementaire de contrôle des recettes d’exploitation cinématographique par le CNC. Cela concerne ensuite les contrats de cession de droits de diffusion aux chaînes de télévision puisque ces droits sont acquis pour un montant forfaitaire et ne donnent pas lieu à une commercialisation par les chaînes.
Afin de garantir la bonne mise en œuvre de la mesure, il est prévu que le CNC, dans le cadre de sa mission générale de contribution au financement et au développement du cinéma et s’agissant d’œuvres aidées, peut procéder ou faire procéder par un expert indépendant à des audits des comptes de production tout comme des comptes d’exploitation (articles L. 213-27 et L. 213-35). Selon la même logique de transparence, les rapports d’audit sont transmis, pour ce qui les concerne, à l’ensemble des personnes intéressées.
En outre, il est également prévu que le CNC peut faire procéder à des audits des comptes d’exploitation établis par le producteur délégué en application des accords professionnels entre auteurs et producteurs étendus en application de l’article L. 132-25 du code de la propriété intellectuelle (article L. 213-36).
Parallèlement à la création des différentes obligations précitées et pour en assurer le respect, la mesure (article 9) prévoit des sanctions administratives en complétant la liste des manquements susceptibles de donner lieu à sanction par la Commission du contrôle de la réglementation prévue par le code du cinéma et de l’image animée (6 ter et 6 quater de l’article L. 421-1).
Impacts généraux
La mesure renforcera la transparence, et donc la confiance réciproque, au sein de l’ensemble de la filière et permettra en conséquence de contribuer à l’amélioration des conditions de financement de la production et de la remontée des recettes au bénéfice des différents acteurs de la chaîne de valeur.
Impacts budgétaires et financiers
Le CNC vise à auditer environ 40 films par an, soit un quart de la production de films d’initiative française. Les audits ont vocation à couvrir tant les coûts de production que les résultats d’exploitation des films. Or, l’exploitation des films peut être assurée par une ou plusieurs sociétés de distribution, selon les modes d’exploitation et les cas de figure (totalité des mandats cédés à une même société, ou mandats répartis entre plusieurs sociétés mandataires). En moyenne, trois sociétés seraient à auditer par film, sur un prix de prestation, au regard des marchés passés par le CNC par le passé, d’une moyenne 5 000 euros. Le coût total prévu de ces audits serait donc de l’ordre de 600 000 euros par an.
L’établissement des comptes de production varie en moyenne entre 3 000 et 5 000 euros par film. Environ 200 films d’initiative française sont concernés chaque année. Ces comptes, dont la transmission est rendue obligatoire par la mesure, sont déjà réalisés par les producteurs dans le cadre de l’attribution des aides du CNC.
L’établissement des comptes d’exploitation est assuré par le mandataire ou le cessionnaire, sur chaque mode d’exploitation dont il a la charge. En général, une à trois sociétés sont concernées pour chaque film. Le coût est intégré par le mandataire ou le cessionnaire et est pris en charge sur les frais forfaitaires ou commissions qu’il prélève sur les encaissements du film.
1.2.4.5. Modalités d’application
Application dans le temps
La mesure sera d’application immédiate.
Application dans l’espace
Comme les autres dispositions du code du cinéma et de l’image animée, la mesure relative à la transparence dans la filière cinématographique s’appliquera dans les départements et régions d’outre-mer.
Textes d’application
Un arrêté d’extension du ministre chargé de la culture ou, à défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi, un décret en Conseil d’Etat, sont prévus pour déterminer la forme des comptes de production et d’exploitation et leurs principaux éléments.
Les professionnels du secteur (producteurs, distributeurs, auteurs, éditeurs de services de télévision) ont été largement consultés sur la mesure. Le texte résulte ainsi de la synthèse de l’ensemble des propositions formulées dans le cadre des nombreuses réunions menées dans le prolongement du rapport de M. Bonnell (groupe de travail transparence des “ Assises du cinéma ”).
1.2.5. Mesure 8 : Aménager les dispositifs de contrôle des recettes d’exploitation en salles et l’organisation des échanges d’informations relatives à la projection numérique en salles (Article 10)
L’article 10 a pour objet, d’une part, de consolider les dispositifs de contrôle des recettes d’exploitation cinématographique et, d’autre part, de préciser l’organisation et les destinataires des échanges d’informations relatives à la projection numérique des œuvres cinématographiques en salles.
1.2.5.1. Contrôle des recettes d’exploitation cinématographique
Le contrôle des recettes d'exploitation des œuvres cinématographiques en salles de spectacles cinématographiques est un aspect nodal de l’activité du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). De nombreuses dispositions du code du cinéma et de l’image animée y trouvent leur justification. En effet, d’une part le droit du cinéma s’est construit, depuis l’origine, sur le principe d’un partage de la recette d’exploitation entre tous les acteurs de la filière cinématographique (cf. aujourd’hui article L. 213-9 CCIA), d’autre part la législation propre en matière de propriété littéraire et artistique impose une rémunération proportionnelle des auteurs d’œuvres audiovisuelles lorsqu’elles sont communiquées au public (article L. 132-25 CPI). L’exploitant d’un établissement de spectacles cinématographiques est donc responsable de la solidarité financière des acteurs de la filière, puisqu’il est celui qui collecte la recette d’exploitation en salle.
L’encadrement juridique du contrôle des recettes d'exploitation des œuvres cinématographiques est aussi ancien que le CNC, mais a été modernisé en 2009, d’une part lors de l’édiction de la partie législative du code du cinéma et de l’image animée (article L. 212-32), d’autre part au moyen de son décret d’application n° 2009-1254 du 16 octobre 2009, aujourd’hui codifié aux articles D. 212-67 à D. 212-89 de ce code.
Cet encadrement réglementaire précise les contraintes reposant sur les exploitants quant à la manière dont fonctionne et dont est tenue leur billetterie, ainsi que leurs obligations de transmission régulière d’informations. Mais il prévoit également des obligations s’imposant à d’autres professionnels, qui fabriquent, fournissent et installent des billets ou des systèmes informatisés de billetterie.
La mesure vise à préciser la base légale des obligations imposées à ces personnes et professionnels autres que l’exploitant de l’établissement de spectacles cinématographiques.
Il est attendu une sécurisation juridique des obligations pesant sur l’exploitation en salles ainsi que des opérations de contrôle du respect de ces obligations. La mesure n'a pas d'impact budgétaire.
1.2.5.2. Echanges d’informations relatives à la projection numérique des œuvres cinématographiques en salles
La loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques a permis très efficacement la numérisation rapide et totale des salles françaises.
Dans le cadre du dispositif financier institué par cette loi pour faciliter la numérisation des salles, l’article L. 213-21 CCIA a imposé aux exploitants d’établissements de transmettre tant aux distributeurs qu’au CNC les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique relatives à l'exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée et à l’utilisation de ces équipements. Cette transmission est nécessaire en particulier pour assurer une meilleure transparence de la programmation des films en salles ainsi que, dans un nouveau cadre technologique, une plus grande efficacité en matière d’information portant sur la remontée et la sincérité des recettes d’exploitation.
Cette obligation n’a pu être mise en œuvre à ce jour, en raison de nombreux problèmes techniques. Le CNC a lancé une mission d’évaluation, puis une seconde mission de maîtrise d’œuvre, afin de concevoir et organiser les modalités pratiques d’une transmission et d’une interprétation automatisées de données. Ces missions ont mis en lumière la nécessité d’imposer des obligations de transmission de données accessoires, mais indispensables pour l’interprétation des données extraites des journaux de fonctionnements, à la charge d’autres professionnels que les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, ou l’obligation pour les exploitants de transmettre d’autres types de données.
En vue de la prochaine édiction de la décision règlementaire prévue par l’article L. 213-21 CCIA, il faut préalablement inscrire dans la loi l’obligation pour certains professionnels, à déterminer précisément, de transmettre les informations nécessaires pour décrypter les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique.
Impacts généraux
Des professionnels qui interviennent dans la fourniture aux exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques de moyens matériels nécessaires pour l’exploitation d’œuvres cinématographiques sous forme de fichier numérique, ne sont pas soumis, aujourd’hui, aux obligations qui résulteront pour eux du présent article.
Ces obligations n’auront pas pour objet la réalisation d’activités ou d’opérations matérielles, mais la transmission au CNC des données résultant de ces activités et opérations déjà menées par ces professionnels, et qui constituent l’objet même de leur travail.
Impact budgétaire
Les professionnels devront mettre en place les outils permettant la transmission de certaines données au CNC et supporter les frais exigés par une telle transmission, qui sera régulière.
Parallèlement, le CNC devra mettre en place les moyens, notamment humains et informatiques, nécessaires au traitement administratifs des données transmises, notamment à la mise en place et à la maintenance des bases de données.
Chapitre III : Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle
1.3.1. Mesure 9 : Elargir l’offre disponible pour les personnes handicapées (Articles 11, 12 et 13)
1.3.1.1. Diagnostic, état du droit et justification du besoin d’évolution
La directive 2001/29 du 22 mai 2001 a autorisé les États membres à créer un certain nombre de limitations et exceptions aux droits exclusifs des auteurs d’autoriser ou d’interdire la reproduction et la communication au public de leurs œuvres, notamment “ lorsqu'il s'agit d'utilisations au bénéfice de personnes affectées d'un handicap qui sont directement liées au handicap en question et sont de nature non commerciale, dans la mesure requise par ledit handicap ”
La loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (dite loi DADVSI) a transposé “ l’exception handicap ” au droit d’auteur au 7° de l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle.
- Pour toutes les œuvres de l’esprit mentionnées à l’article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle, l’exception handicap permet aux organismes titulaires d’un agrément ministériel de produire des versions adaptées des œuvres protégées, sans autorisation préalable ni rémunération des titulaires des droits, afin de les mettre à disposition des personnes handicapées.
- Dans le domaine de l’édition (livres, partitions musicales, presse), l’exception handicap permet en outre à certains de ces organismes agréés de produire des versions adaptées des œuvres imprimées à partir des fichiers numériques ayant servi à leur édition. Il s’agit de la dimension potentiellement la plus efficace du dispositif de l’exception, dans la mesure où l’adaptation à partir des fichiers numériques, en principe beaucoup plus aisée et rapide qu’à partir des œuvres imprimées, devrait permettre d’accroître de manière significative le volume des œuvres adaptées.
Le dispositif de “ l’exception handicap ” n’a toutefois été mis en œuvre que récemment, les dispositions réglementaires d’application ayant été prises, s’agissant du dispositif général, par le décret n° 2008-1391 du 19 décembre 2008, et, s’agissant du dispositif particulier relatif au dépôt des fichiers numériques, par le décret n° 2009-131 du 6 février 2009 qui désigne la BnF comme organisme dépositaire des cesfichiers. En pratique, le dispositif n’est pleinement opérationnel que depuis juin 2010, date de l’ouverture de la plate-forme “ PLATON ” de la BnF, sur laquelle les fichiers numériques des œuvres déposés par les éditeurs peuvent être téléchargés par les organismes agréés afin d'être adaptés dans différents formats accessibles (la lecture en braille ou en très gros caractères écoute en synthèse vocale).
La ministre de la culture et de la communication a souhaité disposer d’un bilan de la mise en œuvre de ce dispositif et d’une analyse des besoins non couverts dans le cadre juridique actuel, ainsi que de propositions permettant d’améliorer le dispositif.
Ce bilan a été dresse par l'Inspection générale des affaires culturelles dans un rapport de mai 2013 “ Exception "handicap" au droit d'auteur et développement de l'offre de publications accessibles à l'ère numérique ”28.
Après les avancées de la conférence diplomatique de Marrakech de juin 2013, les préconisations de ce rapport constituent la base d’une amélioration du dispositif français d’accès des personnes aveugles, déficientes visuelles, ou atteintes d’autres handicaps entraînant des difficultés de lecture des œuvres publiées.
Les propositions de ce rapport ont fait l'objet d'une concertation entre les différents acteurs de l'édition adaptée : éditeurs, associations, représentants des personnes handicapées, bibliothèques, services de l’État, etc.
L'élargissement du champ de l’exception au droit d’auteur figure parmi les mesures retenues à l’issue du Comité interministériel du Handicap (CIH), présidé par le Premier ministre le 25 septembre 2013
Le rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) fait le constat de la faiblesse du nombre d'œuvres accessibles malgré la mise en œuvre de l’exception handicap : la production annuelle de publications adaptées ne représente que 3,5 % de l’offre “ grand public ”, et l’offre globale, moins d’un cinquième des références disponibles en France selon les estimations les plus optimistes. La réalité se situe plus vraisemblablement autour d'un dixième. Ainsi, ce qui est plus grave, si rien n'est fait, les taux d'oeuvres accessibles par rapport aux oeuvres référencées diminuera inéluctablement
Premier élément du diagnostic : la production de publications adaptées ne bénéficie qu’à la marge des technologies issues de l’internet. Cette anomalie n’est pas l’effet d’une mise en œuvre défectueuse du dispositif. Elle est la conséquence de la rédaction des dispositions législatives et réglementaires qui ont organisé ce dispositif, la nature et la portée des obligations respectives des acteurs ayant été mal définies. Cette rédaction, qui explique la faible part des fichiers XML transmis par les éditeurs aux organismes agréés, serait, selon le rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles, la seule cause du faible volume d’ouvrages adaptés.
Le législateur a fait obligation à la BnF de mettre les fichiers numériques des œuvres à disposition des organismes agréés “ dans un standard ouvert au sens de l'article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ”. Le format PDF étant un “ standard ouvert ” au sens de ladite loi, la BnF remplit parfaitement ses obligations en mettant à disposition les fichiers numériques des éditeurs dans ce format. Dans ce cadre, les éditeurs rempliraient également leurs obligations.
À ce sujet, il convient de noter que si, en 2012, 73 % des fichiers étaient transmis au format PDF et 15 % en XML, à la suite de l'opération de sensibilisation menée par le SNE durant l'année 2012, la part de PDF fournie est tombée à 45 % contre 48 % de XML en 2013. Contrairement aux formats dérivés du standard XML, qui permettent de produire des publications accessibles, aisément et à moindre coût (caractéristiques pertinentes au regard de l’objectif de la loi du 1er août 2006), le format PDF n’est pas “ adaptatif ”. La référence à un simple standard “ ouvert ” s'avère donc insuffisante.
Deuxième élément de diagnostic : l’édition adaptée demeure en retrait des mutations de bibliothèques à l’ère numérique. Non seulement l’offre globale de publications adaptées est indigente et mal connue, mais elle est en outre largement théorique, les bénéficiaires de l’exception n’ayant accès qu’à une faible part de la totalité de cette offre, du fait du cloisonnement des différents catalogues disponibles. En effet, l’introduction de l’exception handicap tout comme celle du numérique, rendant en théorie le partage des œuvres adaptées plus facile, n’a en réalité pas modifié l’organisation de la distribution héritée de l’ère antérieure et limitée au seul public d'une structure adaptatrice.
Troisième élément de diagnostic : la définition du champ des bénéficiaires ne permet pas de répondre aux besoins avérés, en particulier dans le domaine de l’éducation. La définition législative se fonde sur des critères d’éligibilité purement quantitatifs qui vont en partie à l’encontre de la finalité de l’exception handicap, ce qui est particulièrement manifeste, s’agissant de la référence à un taux d’incapacité conçu pour déterminer des droits à prestations sociales. Fixé à 80 % minimum, il exclut du bénéfice de l’exception certaines déficiences cognitives ce qui compromet grandement la réussite scolaire, voire la scolarisation. Ces exclusions soulèvent de sérieuses difficultés, en termes d’égalité des droits et des chances dans le champ de l’éducation, mais plus généralement en termes d’accès à la culture.
1.5. Le rapport énonce 26 propositions, organisées en trois axes :
- Créer les conditions d'un développement substantiel de l'offre de publications adaptées, en généralisant la fourniture, aux organismes agréés des fichiers des éditeurs en format XML ;
- Faire entrer les bibliothèques de l'édition adaptée dans l'ère de l'inclusion numérique ;
- Modifier les critères d'éligibilité pour élargir le bénéfice de l'exception handicap dans la stricte mesure nécessaire.
1.3.1.2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis
Dans le contexte décrit précédemment et compte notamment tenu des résultats de la concertation menée sur la base des propositions du rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles, le Gouvernement propose de modifier le cadre législatif en poursuivant trois objectifs :
– l'élargissement du champ des publics bénéficiaires in fine du mécanisme de l'exception (inclusion de fait des publics "DYS") ;
– l'amélioration de la production des adaptations réalisées dans le cadre de l'exception (obligations plus contraignantes sur les formats de fichiers transmis par les éditeurs ; partage plus systématique des documents adaptés entre organismes) ;
– la transposition anticipée de certaines dispositions du traité de Marrakech.
L'amélioration de la délimitation actuelle des publics bénéficiaires
En ce qui concerne les publics bénéficiaires, la définition législative actuelle retient des critères d’éligibilité seulement fondés sur la qualification de la déficience qui affecte les personnes bénéficiaires, notamment un taux d’incapacité très élevé (égal ou supérieur à 80 %). Cette délimitation a le double inconvénient :
ñ d'exclure des personnes dont les déficiences n'entrent pas dans le champ défini et qui, ne peuvent donc accéder aux œuvres dans le dispositif actuel ;
ñ de négliger le fait que le champ de l'exception a un caractère naturellement dynamique, compte tenu des progrès technologiques et du développement des fonctionnalités d'accessibilité bientôt nativement disponibles sur les œuvres mises en circulation.
Pour remédier à cette critique, la concertation a permis l’émergence de plusieurs scénarios :
– Un premier scénario consistant à viser très précisément les potentiels bénéficiaires de l'exception n'a pas été retenu, compte tenu de la grande complexité qu’il aurait engendré pour l'identification des personnes bénéficiaires ;
– Un deuxième scénario consistant à faire bénéficier de l’exception les personnes reconnues, par un certificat médical délivré par un médecin qualifié spécialiste dans une des spécialités dont la liste est fixée par arrêté, comme empêchées de lire après correction ou de comprendre ce qui est lu du fait d’une des déficiences visées a également été rejeté. En effet, un tel scénario aurait entraîné un alourdissement important du parcours d’un certain nombre de personnes handicapées, déjà contraintes de réaliser de nombreuses démarches médicales et administratives ;
– Le scénario retenu vise de manière beaucoup plus générique les personnes empêchées du fait de déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'accéder à l'œuvre dans la forme sous laquelle l'auteur la rend disponible au public.
L’amélioration de la productivité de l'activité d'adaptation réalisée dans le cadre de l'exception
Le 7° de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle impose aujourd'hui la fourniture des fichiers aux organismes agréés "dans un standard “ ouvert ” au sens de l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique"29. Les éditeurs peuvent ainsi légalement transmettre à la BnF les fichiers numériques des œuvres imprimées dans le format de leur choix. Or, la facilité du travail d'adaptation de ces fichiers par les organismes agréés dépend majoritairement du format de fichier fourni. Ainsi, si la conversion d'un format PDF demande une forte intervention manuelle des organismes agréés, les formats basés sur XML permettent une adaptation beaucoup plus automatisée.
La rédaction actuelle de la loi apparaît donc aujourd’hui insuffisante pour assurer une adaptation efficace par les organismes agréés des fichiers numériques des œuvres imprimées transmis et il convient dès lors de favoriser la transmission par les éditeurs aux organismes agréés de fichiers dans des formats facilement exploitables pour une activité d'adaptation réalisée dans le cadre de l'exception.
Les formats de transmission des fichiers
Contrairement à ce qui est préconisé dans le rapport de l'IGAC, il a été choisi d’attribuer aux éditeurs et non à la BnF la responsabilité du format dans lequel le fichier est transmis. Cela permet en premier lieu d'éviter de faire peser inutilement sur un établissement public une charge financière liée à de lourds processus de conversion qui peuvent être évités. En effet, les éditeurs sont les acteurs les mieux placés à l'ère du livre numérique pour mettre en place de tels processus, dont ils peuvent eux-mêmes tirer par ailleurs un bénéfice. En effet, pour une grande majorité de textes, le format XML est un format de production pivot qui permet de fabriquer simultanément des formats de diffusion à destination de l'édition papier et de l'édition numérique. Les formats XML sont aujourd’hui largement utilisés dans la chaîne de production de l’industrie éditoriale. Les très rares éditeurs qui produisent encore suivant des méthodes anciennes pourront ainsi gagner en efficacité et professionnalisme. La mesure participera au développement de l'offre de livres numériques nativement accessibles.
Par le biais de la proposition n°1 du rapport, l'IGAC préconise d'insérer au sein du code de la propriété intellectuelle une obligation de fournir aux organismes agréés les fichiers numériques dans des “ standards ouverts et adaptatifs ” permettant la production aisée de documents accessibles.
La conservation de la référence à des standards ouverts pose cependant des difficultés et à ce titre ne semble pas pouvoir être retenue. En effet, certains formats tels les formats de publication assistée par ordinateur, et notamment le format Adobe InDesign, sont à l'heure actuelle des formats fermés. Or le format Adobe InDesign est aujourd'hui le format majoritairement utilisé par les éditeurs et le plus adapté pour la conception d'ouvrages illustrés et à ce titre ne doit pas être exclu de cette obligation. Il en résulte que l'obligation actuelle de fournir les fichiers selon un standard “ ouvert ” n'est souvent pas respectée, s'agissant notamment des œuvres pour lesquelles le format InDesign est le plus adapté. Il est donc proposé de supprimer cette référence au format ouvert et de la remplacer par la désignation d'"un format facilitant la production de documents adaptés".
Le projet de loi reprend, en l'adaptant, la préconisation du rapport de l'IGAC ainsi que celle tendant à ce qu’une liste de ces formats soit arrêtée par le pouvoir réglementaire. Cette question étant d'une très grande technicité, il est préconisé que cet arrêté soit pris après avis de la Bibliothèque nationale de France, des personnes morales et des établissements mentionnés au 7° de l'article L. 122-5, des organisations représentatives des titulaires de droit et des personnes handicapées concernées.
Le dépôt systématique des fichiers des livres scolaires
Dans le cadre actuel de l’exception, les fichiers des livres sont déposés par les éditeurs, à la demande des structures adaptatrices, dans un délai de deux mois après la demande. Or les enseignants choisissent tardivement les manuels pour l’année à venir et la demande de fichier ne peut souvent pas se faire avant la rentrée scolaire. Le délai de deux mois et le temps de réaliser l’adaptation rendent souvent caduque la demande elle-même. Le rapport de l’IGAC soulignait cette difficulté et préconisait un dépôt systématique des livres scolaires de manière à réduire les délais. Cette disposition permettant de rétablir une égalité d’accès au savoir est reprise dans le projet de loi.
La transposition anticipée du traité de Marrakech
Le traité de l'OMPI du 27 juin 2013, dit "traité de Marrakech" visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. Il a été conclu lors de la Conférence diplomatique qui s'est tenue à Marrakech du 17 au 28 juin 2013 et a été signé par la France le 30 avril 2014.
Le traité établit un ensemble de règles internationales qui garantissent l’existence, au niveau national, de limitations ou d’exceptions au droit d’auteur en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés, et qui permettent l’échange transfrontière des exemplaires en format accessible d’oeuvres publiées qui ont été réalisés en application d’une limitation ou d’une exception au droit d’auteur sur le territoire d'un Etat partie au traité.
La définition des bénéficiaires au sens du traité (article 3 du traité) est plus large que celle retenue actuellement par le code de la propriété intellectuelle. Le traité définit les personnes bénéficiaires comme les personnes qui sont aveugles, qui souffrent d’une déficience visuelle, d’une déficience de perception ou de difficultés de lecture, ou qui sont incapables, en raison d’un handicap physique, de tenir ou de manipuler un livre ou encore de fixer ou de bouger les yeux afin de pouvoir lire. Ainsi, les dyslexiques, dyspraxiques et dysphasiques font partie des bénéficiaires au sens du traité tandis qu'ils ne sont pas concernés par l'exception nationale française existante. Pour autant, une réflexion nationale sur l'inclusion d'autres catégories de bénéficiaires avait déjà commencé antérieurement à la conclusion du traité et une réforme avait déjà été envisagée en ce sens.
Par ailleurs, le traité permet aux “ entités autorisées ”, définies comme étant des établissements publics ou d'autres organisations qui offrent, à titre non lucratif, des services en matière d’enseignement, de formation pédagogique, de lecture adaptée ou d’accès à l’information aux aveugles, déficients visuels ou personnes ayant d’autres difficultés de lecture, d’exporter les exemplaires en format adapté réalisés en vertu d’une limitation ou d’une exception au droit d’auteur. Selon l'article 2 du traité, ces entités autorisées doivent être à but non lucratif et avoir une pratique visant à établir qu'elles ne distribuent ces formats adaptés qu'à des bénéficiaires et qu'elles découragent la reproduction, la distribution et la mise à disposition d'exemplaires non autorisés. De plus, elles doivent tenir un registre de reproduction, de distribution et de mise à disposition des exemplaires d’œuvres qu'elles gèrent.
Le traité précise également que, dans la mesure où une partie contractante autorise une personne bénéficiaire ou une entité autorisée à réaliser un exemplaire d’une œuvre en format accessible, elle doit aussi autoriser l’importation de tels exemplaires en format adapté.
Le code de la propriété intellectuelle ne prévoit rien en matière d'échanges transfrontières. Le gouvernement propose, avant la ratification du traité de Marrakech, d'autoriser les exportations ainsi que les importations transfrontières d’œuvres en format adapté. Ces échanges transfrontières étant réalisés par l'intermédiaire d'une entité autorisée telle que définie à l'article 2 du traité, le gouvernement propose que plusieurs entités autorisées puissent réaliser en pratique ces échanges afin qu'ils puissent bénéficier au plus grand nombre de personnes empêchées de lire.
1.3.1.3. Dispositif juridique proposé
En son I modifiant le 7° de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, l’article 11 du projet de loi modifie les critères d’éligibilité pour élargir le bénéfice de l’exception à l’ensemble des personnes empêchées, du fait de leur handicap, de lire ou de comprendre une œuvre compte tenu de la forme sous laquelle elle est mise à la disposition du public.
Pour les raisons décrites ci-dessus, l'article 11 remplace l'approche essentialiste de l'exception par une approche dynamique : le recours à l'exception est légitime dans tous les cas où il est nécessaire, c'est-à-dire quand le besoin particulier d'une personne pour accéder à une œuvre ne peut pas être satisfait compte tenu de l'état dans lequel l’œuvre est mise à la disposition du public.
Cette nouvelle définition des publics bénéficiaires in fine de l'exception a le mérite d'en cantonner le champ aux situations où elle est nécessaire, tout en garantissant qu'elle n'en omettra aucune. Elle laisse par ailleurs toute leur place aux initiatives portées par l'édition et visant à, graduellement, mettre en circulation des textes accessibles à une part croissante de la population, dans des conditions ordinaires de diffusion.
Le II de l'article 11 du projet de loi introduit un article L. 122-5-1 nouveau qui vise à élargir l’offre disponible pour les personnes handicapées éligibles, en mettant à leur disposition la totalité des catalogues des publications adaptées dès lors que les adaptations sont dans un format numérique. Il pose, à cet effet, l’obligation pour les associations et organismes agréés de déposer auprès de la Bibliothèque nationale de France (BNF) les fichiers des documents adaptés afin de constituer un point unique de mutualisation de ces documents. Il autorise également les organismes agréés à échanger entre eux les fichiers des ouvrages adaptés.
Cet article vise également à créer les conditions d’un développement substantiel de l’offre de publications adaptées, en imposant aux éditeurs la fourniture aux associations et organismes agréés des fichiers numériques d’œuvres dans un format qui permette de produire, aisément et à moindre coût, des publications accessibles. La liste de ces formats sera arrêtée par le ministre chargé de la culture après consultation des parties concernées.
A ce sujet, est introduite la possibilité pour les personnes morales et établissements mentionnés au 7° de l'article L.122-5 de demander les fichiers des œuvres publiées sous forme de livres numériques au sens de la loi du 26 mai 2011.30
L'article L. 122-5-2 nouveau du code de la propriété intellectuelle introduit par l'article 11 du projet de loi vise enfin à permettre la diffusion à l’étranger d’œuvres adaptées en France dans les meilleurs délais, sans attendre la ratification du Traité de l’OMPI du 27 juin 2013 précité qui définit les conditions et les modalités de circulation entre les États parties des fichiers d’œuvres adaptées.
Cette nouvelle disposition autorise ainsi les organismes établis en France à diffuser des œuvres adaptées en direction d’organismes établis dans d’autres États et à recevoir des œuvres adaptées par ces derniers sous réserve qu'ils aient consacré dans leur législation une exception en faveur des personnes handicapées. Afin de s’assurer que cette diffusion se fera dans des conditions de sécurité juridique et de transparence satisfaisantes, le projet de loi impose la conclusion de conventions entre les organismes émetteurs et les organismes bénéficiaires et la tenue par les organismes émetteurs d’un registre faisant état des mises en circulation transfrontière.
Les articles 12 et 13 sont des articles de coordination des dispositions qui précèdent.
Impacts généraux
La mesure aura pour effet un élargissement des bénéficiaires de l'exception au droit d'auteur et en particulier les personnes souffrant de troubles cognitifs spécifiques, troubles du langage et des apprentissages, comme la dyslexie, la dysorthographie, la dysphasie, la dyspraxie et la dyscalculie.
Il est difficile de quantifier avec précision le nombre de nouveaux bénéficiaires car les sources disponibles sont diverses et largement discordantes. L’estimation du nombre des élèves présentant des troubles des apprentissages varie ainsi considérablement selon les sources :
- Ainsi, selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), on ne dispose pas en France d’une étude représentative de la population générale sur la prévalence de la dyslexie et aucune donnée épidémiologique française n’est disponible actuellement. Toutefois, l’INSERM a effectué une expertise collective sur la dyslexie en 2007 qui se réfère aux études internationales, menées surtout dans les pays anglophones et qui permettent de fixer la prévalence de la dyslexie entre 3 et 5 % d’enfants vers 10 ans. Ces données semblent cohérentes avec les résultats de deux études épidémiologiques menées chez les adultes en France, et qui concluent que 7 % des adultes de 18-29 ans éprouvent des difficultés importantes ou graves en lecture.
– Pour Jean-Charles Ringard alors Inspecteur d'Académie de Loire-Atlantique, dans son rapport sur la dysphasie et la dyslexie rendu public par le ministère de l'éducation nationale en juillet 2000 :
ñ environ 1 % des enfants présente des difficultés sévères du langage oral ;
ñ environ 4 à 5 % présentent des grandes difficultés du langage écrit (notamment en lecture) dont moins de 1 % sont des "non-lecteurs";
ñ en d'autres termes, environ 5 % des enfants présenteraient une déficience du langage et de la parole, soit 1 enfant sur 20, dont moins de 1 % une déficience sévère.
– Les associations font état de chiffres plus importants. Selon la Fédération française des Dys (FFDYS), 15 % des élèves seraient Dys dont :
ñ 8 à 10% dyslexiques (dont moitié sévères) ;
ñ 4 à 5% dyscalculiques (id) ;
ñ 2 à 3% dysphasiques (id).
En ce qui concerne les échanges de formats adaptés, qu'ils se fassent entre entités autorisées nationales ou à l'exportation, ils ne doivent pas porter atteinte à l'exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. En effet, l'exception nationale reste soumise au test en trois étapes en raison des obligations internationales et communautaires de la France et, pour ce qui est des exportations de formats adaptés, elles sont soumises aux conditions de l'article 5 du traité de Marrakech. Dans ce cadre, les échanges ne devraient pas avoir d'impact économique, ou sinon un préjudice économique minime imposé aux titulaires de droits.
Impacts socio-économiques et sur l’emploi
Pour les structures adaptatrices
Le paysage des structures adaptatrices est largement dominé par la présence d'associations (70 %) puis de collectivités ou d'établissements publics (24 %). Les fondations ou coopératives complètent le tableau. Le modèle associatif, dominant, est synonyme d'une économie souvent fragile et reposant en grande partie sur le travail de bénévoles.
La mutualisation des fichiers adaptés va rendre caducs les modèles économiques basés sur la vente des fichiers et des documents adaptés pour financer l'activité. À ce jour on dénombre 12 structures sur 84 qui vendent leurs adaptations. Les cas où ces ventes sont indispensables au maintien de l'activité sont cependant rares. Une mission d'inspection interministérielle destinée à évaluer les performances et le financement des structures adaptatrices est prévue.
En termes de charge de travail, la mutualisation va permettre d’accroître le nombre d’œuvres adaptées, de diminuer le taux de doublons et va donc contribuer à rationaliser le travail d'adaptation des structures agréées. La transmission des fichiers dans des formats bien structurés va en outre faciliter le travail d'adaptation. Il est à noter que la transmission des fichiers dans des formats spécifiques va impliquer une professionnalisation accrue des intervenants. Cet aspect a été abordé dans les instances de concertation et apparaît positif aux acteurs concernés.
Par ailleurs, la mutualisation des fichiers adaptés pourrait entraîner une spécialisation des prestataires autour de deux pôles d’activités différenciés. Aujourd’hui les organismes adaptateurs exercent simultanément l'activité d'adaptation des textes et celle de diffusion des œuvres adaptées. La mutualisation pourrait permettre à des organismes de se consacrer exclusivement à l'édition, éventuellement spécialisés dans tel ou tel type d'ouvrage, et d'autres organismes à la diffusion.
L'élargissement du dispositif aux publics “ DYS ” entraînera l'agrément de structures dédiées à ce public ou un élargissement des missions des structures déjà agréées.
Il est à noter que l'édition commerciale développe des formats numériques de plus en plus accessibles grâce aux fonctions de vocalisation, modification de la police, agrandissements, espacements des caractères, etc. Cette évolution, mécaniquement, limite le champ de l'exception et compense donc l'élargissement des publics bénéficiaires.
Les échanges de formats adaptés auront une conséquence sociale sur les personnes empêchées de lire en France et à l'étranger au travers des structures qui seront habilitées en France à mettre à disposition, à exporter ou à importer les fichiers adaptés. Ainsi, les personnes empêchées de lire pourront bénéficier de formats adaptés en langue étrangère par l'intermédiaire des entités autorisées situées à l'étranger. Dans le même sens, les malvoyants de l'étranger pourront avoir accès aux œuvres françaises existant en formats adaptés.
Pour les éditeurs
En 2014, 700 groupes éditoriaux sont inscrits sur la plateforme PLATON. 4438 titres ont été adaptés. Ce chiffre est en augmentation constante (+ 65 % entre 2013 et 2014) grâce, à la fois, à la mise en place de processus plus systématiques de transmission des fichiers chez les éditeurs, à la professionnalisation croissante de certaines structures adaptatrices et à la part toujours plus grande de formats facilitant l’adaptation sur la totalité des fichiers fournis.
L'obligation pour les éditeurs, issue de la nouvelle rédaction de la loi, de fournir aux organismes agréés leurs fichiers numériques dans un format prédéfini ne devrait a priori pas faire peser de charges nouvelles sur ces structures. Les éditeurs seront en effet largement impliqués dans la définition de la liste des formats concernés qui fera ainsi l'objet d'une large concertation associant titulaires de droits, organisations représentant les intérêts des personnes handicapées, organismes transcripteurs agréés et BNF.
En outre, une grande partie des éditeurs travaillent d’ores et déjà à l'intégration de formats structurés, dérivés du standard XML, facilitant l'adaptation, au sein de leur chaîne de fabrication. A cet égard, on observe aujourd’hui une importante mobilisation de l'interprofession autour du développement et de l’implémentation du format ePub3, format structuré, interopérable et ouvert développé par l'International Digital Publishing Forum.
Enfin, l'utilisation par les éditeurs de ces formats structurés revêt des avantages plus larges que la seule accessibilité aux personnes handicapées. Le format de production pivot XML permet notamment de produire simultanément des formats de diffusion à destination de l'édition numérique et de l'édition papier. L'élargissement de son adoption par les structures éditoriales encouragera dès lors leur professionnalisation ainsi qu'une harmonisation des pratiques de la profession.
Impact budgétaire
Les conséquences financières seront donc essentiellement à la charge de la BNF.
L'impact budgétaire de ces mesures provient des coûts induits par le stockage des fichiers adaptés par les structures et déposés ensuite à la BnF et de ceux induits par leur circulation.
S'agissant des capacités et des évolutions techniques du système PLATON, la montée en puissance de celui-ci est inscrite dans le plan de développement du service et devrait absorber les évolutions nécessaires à cette disposition (automatisation de certaines transmissions des fichiers, capacité de stockage des serveurs). La BnF fait état d’un surcoût légèrement supérieur à 100 k€ sur ces postes (coût d’investissement non renouvelable). Ces coûts sont de deux types : d’une part les évolutions informatiques liées au dépôt de fichiers par les organismes dépositaires (reprise du modèle de données, des écrans du catalogue et des écrans de recherche, création de batch FTP, création d’un service d’inscription pour les nouveaux organismes…) que l’on peut évaluer à 70 k€ (prestations informatiques), d’autre part les évolutions informatiques liées à la mise à disposition des fichiers collectés auprès des organismes qui en font la demande (création d’un mécanisme de demande des fichiers, de gestion des états et de téléchargement des fichiers), évalué à 40 k€ (prestations informatiques également).
S'agissant de la circulation des fichiers, à ce stade que seules des estimations très générales sont possibles. Si on anticipe un modèle de développement similaire à celui des autres services proposés sur PLATON avec une montée en charge progressive ce qui permettra d'ajuster les ressources affectées au fur et à mesure des besoins, les besoins estimés peuvent être évalués de 2 à 3 ETP : un technicien informatique (cat. B) chargé de la maintenance et de l’exploitation technique et 1 à 2 bibliothécaires adjoints spécialisés (cat. B) chargés de l’administration fonctionnelle (inscription des demandes, relations avec les utilisateurs, contrôle des demandes de dépôt, etc). Il s’agit ici d’un coût récurrent compris entre 70 k€ (2 ETPT) et 105 k€ (3 ETPT).
Impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes
L’enquête Handicaps-Incapacité-Dépendances de l’INSEE de 1999 recensait en tant que personnes handicapées, celles qui présentent des déficiences, mais ne se considèrent pas handicapées, celles qui s’affirment être une personne handicapée (auto-déclaration) et celles qui possèdent une reconnaissance administrative du handicap. Avec cette définition large de la notion de handicap, 33 % des personnes en France âgées de 18 à 65 ans sont en situation de handicap. On dénombrait ainsi plus de 10 millions de personnes, dont 52,6 % de femmes31.
Toutefois, si on ne prend en compte que les personnes possédant une reconnaissance administrative de leur handicap, le nombre n’arrive qu’à 2,5 millions de personnes. Parmi celles-ci, les femmes ne représentent plus que 35,2 % des personnes en situation de handicap. Il apparaît donc que les femmes, qui déclarent autant que les hommes être en situation de handicap, sont nettement sous-représentées dans la reconnaissance administrative32.
Dans son objectif de ne plus exclure des personnes dont les déficiences n’entrent pas dans le champ défini en modifiant les critères d’éligibilité, ce projet de loi aura un effet indirect sur l’égalité entre les femmes et les hommes du fait de sa prise en compte de la discrimination multiple à laquelle sont confrontées les femmes en situation de handicap. Les activités culturelles restent un moyen d’intégration par lequel femmes et hommes handicapés doivent pouvoir participer à égalité. Cette mesure rentre ainsi pleinement dans le fondement de l’article 6 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies33.
1.3.1.5. Mise en œuvre des dispositions et textes d’application nécessaires
La mise en œuvre du dispositif légal envisagé appelle l’intervention de plusieurs mesures réglementaires d’application.
Les articles R. 122-13 à R. 122-21 du code de la propriété intellectuelle devront être modifiés, s’agissant tout particulièrement de tirer les conséquences des nouvelles dispositions relatives à l’extension du champ des personnes handicapées bénéficiaires de l’exception.
Les articles R. 122-13 et R. 122-14 qui précisent actuellement le champ des personnes bénéficiaires en se fondant essentiellement sur des critères d’éligibilité relatifs à la nature de la déficience devront être supprimés.
Parallèlement, afin de mettre en œuvre le critère d’indisponibilité de l’œuvre qui conditionne le recours à l’exception dans le dispositif légal envisagé, des précisions seront apportées quant aux moyens devant être mis en œuvre par les organismes adaptateurs pour s’assurer de l’absence de disponibilité de l’œuvre dans le commerce, dans un format qui soit adapté aux besoins spécifiques de la personne y demandant l’accès.
Il conviendra par ailleurs de supprimer l’article R. 122-22 du code de la propriété intellectuelle relatif à la désignation de l’organisme dépositaire des fichiers numériques ayant servi à l’édition des œuvres ainsi que l’article R. 122-19 qui fixe les conditions qui doivent être remplies par cet organisme dépositaire. Ces articles deviendront obsolètes dans la mesure où les nouvelles dispositions légales désignent explicitement la BNF en qualité d’organisme dépositaire.
Enfin, le projet de loi organise une nouvelle procédure ayant pour but de définir les formats de fichiers numériques facilitant la production des documents adaptés. Le pouvoir réglementaire devra en conséquence prendre un arrêté dont l’objet sera de dresser la liste des formats dans lesquels les éditeurs devront déposer leurs fichiers numériques. La définition de ces formats fera l’objet d’une large concertation associant titulaires de droits, organisations représentant les intérêts des personnes handicapées, organismes transcripteurs agréés et BNF.
Chapitre IV : Développer et pérenniser l’emploi et l’activité professionnelle
1.4.1. Mesure 10 : Liste des métiers artistiques (Article 14)
L’article L. 7121-2 du code du travail dresse une liste de métiers d’artistes du spectacle. La disposition précise que les artistes du spectacle sont « notamment » ceux qui exercent les métiers cités. Or, cette énumération est manifestement incomplète dans la mesure où elle ignore l'artiste de cirque et le marionnettiste. De plus, l’évolution et la diversité des métiers artistiques (par exemple, conteur, Disk Jockey (D.J.), …) conduisent à des difficultés d'interprétation et à des risques contentieux quant à l'application à ces nouveaux métiers artistiques des dispositions protectrices du chapitre Ier du titre II de ce livre du code du travail.
Bien que ces artistes détiennent, au regard de la rédaction actuelle de l'article L. 7121-2, des mêmes droits que tout artiste du spectacle, notamment en ce qui concerne la présomption de salariat, ils en sont parfois exclus en pratique du fait d’interprétations restrictives ou d'interprétation « subjective » des métiers artistiques actuellement mentionnés à l'article L. 7121-2.
Il est nécessaire d'une part, d'enrichir la définition légale, d'autre part, de se référer aux conventions collectives les prennent en compte. Ainsi par exemple, les DJ qui font régulièrement l’objet de débat, notamment en cas de contrôle des inspections du travail, alors qu'ils sont susceptibles d'être couverts par les conventions collectives. Cette reconnaissance est en outre largement demandée par les professionnels concernés.
Le projet de loi prévoit d’ajouter aux métiers déjà listés, les métiers d’artiste du cirque et de marionnettiste. L’ajout de ces professions à la liste susmentionnée procède d'une volonté de clarification de la qualité d’artiste de certaines professions permettant indirectement leur reconnaissance de ces arts et des métiers artistiques qui en découlent au sein du spectacle vivant.
Le projet renvoie également vers la négociation collective. Il prévoit explicitement que sont artistes du spectacle les personnes dont l’activité est reconnue par les conventions collectives du spectacle vivant comme étant un métier d'artiste-interprète.
Impacts généraux
La mesure est attendue par les professionnels en ce qu'elle permet de reconnaître les professions artistiques du cirque et de la marionnette au même titre que les disciplines artistiques déjà énumérées, et d’assurer une meilleure application du droit pour les publics concernés, notamment en ce qui concerne la présomption de salariat et les droits sociaux qui y sont liés.
Impact budgétaire
Il n’y a pas d’impact budgétaire. Les régimes fiscaux spécifiques aux artistes sont déjà applicables aux catégories ajoutées dans le présent projet de loi, puisque le code du travail donne à ce jour une liste non exhaustive des métiers artistiques.
1.4.1.4. Modalités d’application
La mesure ne nécessite aucun texte d’application.
1.4.2. Mesure 11 : Artiste en collectivité publique (Article 15)
Les artistes du spectacle employés par des collectivités publiques et leurs groupements sont soumis à de récentes évolutions de la jurisprudence qui ne sont pas sans insécurité juridique.
En effet par deux décisions du 6 juin 2011, le Tribunal des conflits34 a écarté le principe issu de la jurisprudence Berkani35 selon lequel les agents contractuels travaillant pour le compte d'un service public administratif sont, quelle que soit la nature de leur emploi, des agents de droit public, au profit de la présomption de contrat de droit privé.
L'application de la jurisprudence du tribunal des conflits est une grande source d'instabilité pour les collectivités territoriales gérant les orchestres symphoniques, des maisons d'opéras et ballets qui sont actuellement les principaux employeurs d'artistes soumis au régime contractuel de droit public.
On dénombre actuellement 16 maisons d’opéras gérées par les collectivités locales principalement sous forme de régie directe et de syndicats d’économie mixte. Elles représentent 528 musiciens, 404 chanteurs et 316 danseurs, soit un total de 1248 artistes.
Ces formations sont le fruit d'une histoire et font partie intégrante du service public culturel et éducatif. Grâce à un mode de gestion spécifique, elles présentent une offre pour tous les publics à des tarifs attractifs, permettant de renouveler la fréquentation des salles de concert et d'opéra (accès pour les plus jeunes et les personnes aux revenus modestes) et de démocratiser l'offre culturelle en matière de musique classique et d'opéras sur l'ensemble du territoire.
L’application des dispositions du code du travail aux salariés permanents entraînerait un surcoût important pour les collectivités. Il supposerait l’application des dispositions de conventions collective nationale des entreprises artistiques et culturelles auxquelles ne sont pas soumises les collectivités publiques, notamment celles relatives aux salaires minimum, à la cotisation obligatoire pour l’assurance chômage, aux indemnités forfaitaires de frais de déplacements, aux indemnités de licenciement, aux indemnités de départ à la retraite, au régime de prévoyance des intermittents ou aux activités culturelles et sociales. Une enquête réalisée par les organisations représentant les maisons d’opéra a estimé le surcoût de l’ordre de 15 à 30 % (enquête CPDO – attente éléments CPDO en cours)
On ne peut occulter le fait qu’un régime de droit du travail serait un obstacle financier à l’engagement d’artistes, ce qui pourrait entraîner la disparition de certains répertoires artistiques nécessitant d’importants effectifs artistiques. Il serait au final nuisible à l’emploi. Dans un contexte de restrictions budgétaires, ce surcoût ne pourrait pas être absorbé par les collectivités territoriales et l'Etat, dont dépendent ces formations à raison des financements publics dont elles bénéficient.
C’est donc l'existence même de ces formations qui serait directement compromise, impliquant des pertes d'emplois. A titre d'exemple, pour l'orchestre et l'opéra de Tours / région Centre dont les budgets sont financés par l'Etat, la région, le département et la ville de Tours, le surcoût consécutif au changement de régime d'emploi pourrait être de l'ordre de 400 000 euros environ. Pour l'orchestre et l'opéra de la ville de Limoges, le surcoût serait de l'ordre de 450 à 500 000 euros.
Par ailleurs la stabilisation d’un statut public d’emploi est essentiel au regard du principe d'autonomie de gestion des collectivités territoriales, afin qu'elles puissent conserver la maîtrise de la gestion des activités culturelles et des ressources humaines qui y sont consacrées. L'application de conventions collectives auxquelles sont soumis les contrats de droit privé risquerait de leur faire perdre toute maîtrise des conditions d'emploi, dans la mesure où elles ne participent pas à leur négociation.
Afin de remédier à cette situation, il est proposé d’expliciter dans la loi le fait que le contrat de travail de l’artiste du spectacle dans une collectivité territoriale est un contrat de droit public pour les salariés affectés à une mission permanente et un contrat de droit privé pour les artistes non permanents.
L’objectif de cet article est d’arriver à une position d’équilibre afin de sécuriser l’emploi des artistes par les collectivités territoriales en distinguant les situations dans lesquelles les artistes seront employés sous un régime de droit public de celles dans lesquelles ils relèveront du droit privé.
Le I inscrit le critère de besoin permanent comme critère d’emploi public. Cette notion répond à la définition de l'emploi permanent telle qu'elle a été précisée par le Conseil d'Etat dans une décision du 14 octobre 200936, selon laquelle la notion de permanence ou de non permanence doit s'apprécier au regard de la nature du besoin, entendu comme celui qui est nécessaire au fonctionnement du service et qui ne saurait résulter de la seule durée du contrat.
Ce critère a pour mérite de préserver le recours au contrat de droit public pour les artistes du spectacle vivant employés pour répondre au besoin du service, que ce soit dans un cadre permanent ou semi-permanent.
En revanche, le II précise que les artistes embauchés pour répondre à des besoins ponctuels relèveront d'un régime de droit privé en contrat à durée déterminée d’usage, ce qui couvre la situation des recrutements supplémentaires requis pour renforcer les formations orchestrales et lyriques en fonction de la programmation.
Impacts généraux
Cette mesure lève les difficultés d'application du critère jurisprudentiel retenu par la décision du Tribunal des conflits précitée.
Elle est très attendue par les collectivités territoriales employeurs d’artistes qui n’ont pas manqué de manifester leur inquiétude quant à l’application de cette jurisprudence.
Impact socio-économique et sur l’emploi artistique
La mesure incitera à l’emploi artistique pérenne des collectivités territoriales dans la continuité de la jurisprudence dite « Berkani ». Elle assurera aux artistes employés occasionnellement par ces collectivités des droits sociaux comparables à ceux dont ils jouissent auprès de leurs autres employeurs.
Impact budgétaire
La mesure n’aura pas d’impact sur le budget de l’Etat. Elle stabilisera les dépenses de personnels des collectivités territoriales, puisqu’en l’absence de mesure, et dans l’application de la jurisprudence du tribunal des conflits, les collectivités territoriales doivent recourir au contrat de travail de droit privé.
Si l’évaluation de l’impact financier réel est très difficile à établir, cette mesure apporte une clarification du cadre juridique applicable. En ce sens, cette mesure clarifie les normes techniques applicables aux collectivités territoriales, et doit être en application de l’article L. 1212-2 du CGCT soumise à l’avis de Conseil national d’évaluation des normes.
1.4.2.4. Modalités d’application
La mesure ne nécessite aucune disposition d’application.
1.4.3. Mesure 12 : Observation du secteur du spectacle vivant (Article 16)
La question de l’observation du secteur du spectacle vivant revêt une importance stratégique. L’Etat et ses partenaires, publics ou privés, sont en effet de plus en plus confrontés à la nécessité de mobiliser et de qualifier l’information, en particulier économique et sociale, pour l’évaluation des politiques publiques de ces secteurs et l’évolution des dispositifs mis en œuvre.
Or, malgré les réelles améliorations apportées au cours des dernières décennies, la multiplicité des intervenants, la diversité du champ couvert et les difficultés à rassembler des données qui sont encore dispersées, redondantes et/ou incomplètes, parmi lesquelles les données relatives aux recettes de billetterie et à la fréquentation des lieux de spectacle, impliquent de disposer d’instruments permettant une connaissance exhaustive du champ de la création artistique
Dans le champ du spectacle vivant, la problématique générale de l’observation et les moyens de la parfaire a été posée dès 1997. L'un des axes des recommandations issues des constats et analyses synthétisées dans le « Contrat Etudes Prospectives Spectacle vivant » avait déjà pointé la nécessité d’une organisation concertée de l’observation sur l’emploi et sur les données économiques corrélées aux activités. A la suite de la crise de l’intermittence de 2003, le rapport Latarjet en 2004 pointait les lacunes de l’observation et préconisait également une organisation concertée de l’observation du spectacle.37 Cette question a donné lieu à un groupe de travail dans le cadre des « Entretiens de Valois » qui a conduit à la mise en place d’une Plate-forme d’Observation (PFO) associant tous les partenaires concernés : pouvoirs publics, organisations professionnelles, sociétés d’auteurs et structures dédiées à l’observation et à la ressource.
Les travaux menés de 2009 à 2012 par la PFO ont donné lieu à élaboration d’un cahier des charges précisant les attentes des partenaires qui a mis en évidence la nécessité de disposer d’un cadre permettant une information partagée entre tous les opérateurs concernés.
La PFO a également travaillé sur des chantiers prioritaires pour l’ensemble des disciplines du spectacle vivant38, et notamment sur l’étude de faisabilité d’un système d’information sur la fréquentation du spectacle vivant. Les conclusions de cette étude ont mis en évidence la nécessité de disposer d’un référent national d’information, fiabilisé et partagé par tous les partenaires, fondé principalement sur une remontée obligatoire des informations contenues, entre autres, dans les bordereaux de recettes de billetterie.
Toutefois malgré les progrès accomplis depuis dix ans de nombreuses difficultés demeurent.
L’organisation de l’observation dans le champ du spectacle vivant souffre en effet de la multiplicité des intervenants présentant un paysage épars et peu homogène. On dénombre ainsi 39 :
– les services de l’Etat : ministère de la culture et de la communication via le DEPS, INSEE, Pôle Emploi, sous-commission emploi du CNPS (qui inclue ministères, partenaires sociaux, collectivités, observatoires, organismes sociaux), etc ;
– les caisses et organismes sociaux intervenant dans le champ (Audiens, Caisse des congés spectacles, Afdas, etc) ;
– les services des collectivités territoriales, notamment des régions ;
– les observatoires que l'Etat ou les collectivités territoriales ont peu à peu installé qui contribuent à l’observation au plan national (cf l’observatoire national de la musique à la Cité de la musique), ou régional (cf Arcade, Arteca ou l’Agence Poitou-Charentes, etc.) et fédérés dans une plate-forme inter-régionale ou des centres régionaux de ressources,
– les démarches initiées par les partenaires sociaux (CPNEF-SV et son observatoire des métiers et des qualifications), les associations professionnelles (AFO, ROF, FEVIS, Fédurock, etc.), et les structures dédiées à la perception ou la distribution des droits d’auteur (SACD, SACEM, CNV, etc.) ;
– les centres nationaux de ressources CNT, HLM, Irma, CND, Cité de la musique regroupés dans une Commission permanente des centres de ressources ;
– les autres centres nationaux spécialisés, de type ONDA.
De plus, malgré la richesse des données existantes, le tableau actuel de la connaissance reste très insatisfaisant : la couverture de l’information est incomplète par exemple dans le champ des différentes filières économiques du secteur non subventionné par l’Etat, de l’offre du secteur privé, ou encore du profil sociologique des publics des institutions subventionnées. Il y a des redondances ou des pertes d’informations, un défaut de lectures transversales, un trop faible croisement des problématiques et des sources correspondantes, notamment dans la connaissance économique des secteurs.
Par ailleurs au cours des quinze dernières années, le paysage s’est considérablement modifié avec notamment:
- la structuration, au niveau national, des statistiques de l’emploi et des nomenclatures, dans le cadre du Conseil National des Professions du Spectacle et de la Commission Paritaire Nationale Emploi Formation du Spectacle Vivant ;
- les modifications apportées par la LOLF, notamment la mise en place d’indicateurs ;
Force est de constater que le caractère atomisé de l’observation de ces secteurs se traduit par des lacunes majeures en matière de collecte et d’analyse de données au niveau national. Les décideurs publics, État ou collectivités territoriales, sont en manque d’informations analytiques ou descriptives, d’outils d’aide à la décision et d’instruments d’évaluation comparative des projets et des actions culturelles qu’ils soutiennent. L’absence de coordination et le caractère très lacunaire de l’information ne permettent pas aux partenaires de bénéficier d’un instrument d’analyse prospective des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques et des marchés qu’ils sous-tendent.
L'objectif général est d’améliorer les outils de connaissance du secteur afin de parvenir à la centralisation, à la qualification de l'information utile à l'observation et à l'évaluation des politiques publiques dans le champ de la création artistique.
A cette fin la mesure proposée institue un dispositif légal de remontée obligatoire des données de billetterie. Cette disposition a pour objectif de parvenir à la centralisation, aujourd’hui inexistante, des données de recettes des billetteries du spectacle vivant. Cette mesure permettra de disposer d’un référent national d’information fiabilisé et partagé par tous les partenaires sur la fréquentation du spectacle vivant et du chiffre d'affaires de billetterie.
Cette disposition est nécessaire, malgré les différentes obligations pesant sur les exploitants de billetterie, l'administration ne disposant pas de l’information et a fortiori d’une information centralisée et exploitable au plan national. En effet l'article 50 sexies H du code des impôts40 impose aux exploitants de salle d’établir un relevé d'information pour chaque représentation comportant entre autre des données relatives au nombre de billets émis, au prix et à la recette. Cependant ces relevés ne sont pas transmis aux administrations, cet article imposant simplement de les conserver en vue de contrôle éventuel des agents des impôts.
Par ailleurs, la mesure s’inscrit dans une volonté plus générale de déterminer le cadre d’une observation organisée et partagée du spectacle vivant, par la création, par la voie réglementaire d’un observatoire qui sera placé auprès du ministre chargé de la culture ayant pour mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur les évolutions sociologiques, économiques et sociales des secteurs du spectacle vivant, des arts plastiques et des industries culturelles qui y sont liées.
Il sera constitué du regroupement des acteurs existants, actuellement éclatés, pour créer une plate-forme souple pilotée par l’administration du ministère chargé de la culture.
L’observatoire aura un rôle d’animation, de recueil et de centralisation des données, de coordination, de partage et de mise en cohérence des méthodes (coordination des nomenclatures, rapprochement des bases, etc.), des outils (ex. : outil permanent de remontée des billetteries) et des résultats en concertation avec l'ensemble des acteurs tant professionnels qu'amateurs.
Impact général
L’institution d’un cadre organisé de remontée d'informations liées à la billetterie permettra d’objectiver la connaissance de l’impact des politiques publiques sur le secteur et de créer une méthodologie comparée donnant lieu à une meilleure lecture de ces secteurs, à la fois sur un plan macro-économique et sur un plan micro-économique.
A terme, ce cadre pourra être un instrument de gestion des programmes nationaux et européen de soutien dans le secteur de la création artistique. Ce dispositif permettra d'améliorer la transparence et la qualité de l'aide (traçabilité, adéquation offre/demande, etc.) aux bénéficiaires.
Même si l’impact financier réel est nul pour les collectivités territoriales, cette mesure en instituant une obligation de transmission d’information déjà collectée a pour effet de modifier le cadre normatif applicable aux collectivités territoriales. Cela justifie, qu’en application de l’article L. 1212-2 du CGCT, elle soit soumise à l’avis du CNEN.
Impacts budgétaires
- L'étude de faisabilité conclut à un investissement technique de 300 à 500 K€ : 200 à 300 K€ pour le portail web sécurisé (la télé déclaration et la remontée depuis les systèmes de billetterie) et la base de données, y compris la licence ; et 100-200K€ pour le système d'information décisionnel, y compris la licence. La volumétrie est de 21 700 utilisateurs pour l'extranet et 2000 utilisateurs de SIB ; pour 250 000 représentations déclarées par an, un envoi par trimestre par déclarant ;
- Le coût d'exploitation lié aux effectifs dédiés à l'entité opérationnelle direction/gestion/contrôle et exploitation : environ 5 ETP par redéploiement de deux ETP au sein des services centraux du ministère chargé de la culture (temps partiel des statisticiens du bureau de l’observation et de la SDSI du ministère, trois ETP de l’observatoire de la cité de la musique, opérateur de l’Etat).
- En termes de maintenance applicative et d’hébergement : l'étude de faisabilité du système d’information sur la fréquentation du spectacle vivant conclut à un budget annuel de 65 à 105 K€ annuels (SDSI).
1.4.3.4. Modalités d’application
La mise en place de cette mesure nécessitera un décret précisant les conditions de mise à disposition des informations par les responsables de billetterie des informations contenues dans les bordereaux de recettes des lieux de spectacle.
L’observatoire mentionné ci-dessus sera également créé par la voie réglementaire.
Chapitre V : Enseignement supérieur
1.5.1. Mesure 13 : Structurer l'enseignement supérieur de la création artistique et du cinéma audiovisuel (Article 17)
Signataire de la déclaration de Bologne du 19 juin 1999, la France s’est engagée à réorganiser son enseignement supérieur pour l’intégrer dans l’espace européen de l’enseignement supérieur institué officiellement par la déclaration de Budapest-Vienne du 12 mars 2010. Cette réorganisation et l’ambition qui la porte se sont traduites pour l’enseignement supérieur dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques par des premières mesures formalisant les nécessaires évolutions de ce secteur caractérisé par une sédimentation institutionnelle spécifique et disparate.
En effet :
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ajouté au titre V du livre VII du code de l’éducation un chapitre IX dédié aux établissements d’enseignement supérieur de la musique, de la danse, du théâtre et des arts du cirque, constitué d’un seul article (L. 759-1), qui donne un socle juridique à ces établissements et à leurs missions ;
- la loi n° 2006-723 du 22 juin 2006 modifiant le code général des collectivités territoriales et la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d’établissements publics de coopération culturelle a ajouté au même titre V du livre VII du code de l’éducation, un chapitre X dédié aux établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques, constitué d’un seul article (L. 75-10-1), qui donne un socle juridique aux missions d’enseignement supérieur assurées par les établissements mentionnés à l’article L. 216-3 du même code ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique a ajouté dans le chapitre X du titre V du livre VII du code de l’éducation dédié aux établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques un nouvel article L. 75-10-2, qui a étendu à ces établissements le bénéfice des dispositions de l’article L. 952-1 du même code, relatif à l’emploi d’enseignants associés ou invités ou de chargés d’enseignement.
Ces trois articles du code de l’éducation constituent à ce jour le cadre législatif de l’enseignement supérieur dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Ce cadre a permis d’engager les mutations nécessaires, notamment celles qu’appelaient l’harmonisation avec le schéma licence-master-doctorat (LMD), mais ne suffit pas à constituer un socle juridique raisonné, ni à valoriser les convergences utiles en terme de formation, de recherche et d'éducation artistique et culturelles, des enseignements dispensés dans le secteur du spectacle vivant et celui des arts plastiques. La nécessité de clarifier ces dispositions est aujourd’hui renforcée par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche qui a mis en place le dispositif d’accréditation des établissements d’enseignement supérieur.
La mesure proposée poursuit trois grands objectifs
Le premier objectif est d’organiser l’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques afin de doter les établissements d’enseignement du cadre et des outils adaptés leur permettant de relever les défis imposés par l’harmonisation européenne et la compétition internationale. En outre, aux fins d’une unité de fonctionnement entre l’ensemble des secteurs de la création, des dispositions sont prévues pour les établissements de la création dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel.
Cette structuration doit se faire en réaffirmant les spécificités de ces établissements et de ces enseignements par rapport à l’enseignement supérieur universitaire, notamment en ce qui concerne la pédagogie propre aux matières artistiques. Qu’il s’agisse de former aux métiers de la création ou à ceux de la transmission, cette pédagogie repose sur la méthodologie de projet et accorde une place importante à la personnalité et la sensibilité de l’étudiant dans l’évaluation.
Il s’agit aussi d’affirmer la place de la recherche dans le cursus de l’enseignement supérieur qui constitue aujourd’hui une dimension essentielle des enseignements supérieurs artistiques.
Les évaluations conduites par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) en 2009 aussi bien des écoles supérieures d’arts plastiques que des conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon ont insisté sur la nécessité de développer une activité de recherche pour obtenir la reconnaissance des diplômes délivrés par ces établissements au grade de master.
Cette exigence est évidemment encore renforcée par la mise en place de troisièmes cycles. La France, qui est en retard dans la reconnaissance des doctorats de pratique (PhD) qui existent déjà dans d’autres pays européens et notamment en Grande-Bretagne, doit avancer dans sa réflexion pour reconnaître des doctorats professionnels, qui sont sollicités par d’autres ministères (Défense et Justice). Le retard pris par notre pays fragilise aujourd’hui l’attractivité et la compétitivité de nos écoles, notamment à l’international, puisque le PhD est devenue la norme internationale.
Le projet de loi propose que les troisièmes cycles prennent la forme :
- soit de partenariats, pour la délivrance de doctorats, avec des écoles doctorales comme c’est le cas des 5 écoles supérieures parisiennes de la création (ENSBA, ENSAD, CNSMD de Paris, CNSAD et la Fémis) avec l’école doctorale de l’ENS (dans le cadre du projet SACRe) ou de l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence et de l’Ecole nationale supérieure la photographie d’Arles avec l’école doctorale de l’Université d’Aix-Marseille ;
- soit de diplômes d’école « culture » de niveau post-master d’une durée maximum de trois ans, comme certaines universités le proposent (Diplômes supérieur de recherche appliquée de Paris-Dauphine ou des diplômes supérieurs d’études et de recherche).
En ce qui concerne les troisièmes cycles en partenariat avec des écoles doctorales, les dispositions du second alinéa de l’article L.759-3 visent à reconnaître la participation scientifique et pédagogique et l’apport de la pratique artistique à la recherche, en permettant au ministère chargé de la culture de donner un avis conforme lors de la création d’un troisième cycle élaboré entre un établissement d’enseignement supérieur « culture » et l’école doctorale d’une université, d’une communauté d’universités et d’établissements. Il s’agit d’étendre aux disciplines de la création une possibilité déjà reconnue à d’autres disciplines et notamment à l’enseignement supérieur agricole (L. 812-1 du code rural et de la pêche maritime), dès lors qu’elle respecte l’arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale.
Le deuxième objectif vise à diversifier le recrutement des personnels enseignant de ces établissements et à leur reconnaître une activité de recherche. Il s’agit ici de combler les lacunes de l’article L. 75-10-2 du code de l’éducation, lequel n’ouvre actuellement la possibilité de recruter des enseignants associés et des chargés d’enseignement qu’aux établissements d’enseignement supérieur en arts plastiques. De plus la spécificité de leur activité qui repose sur le développement de la capacité à concevoir, à produire et à transmettre, dans une relation permanente entre la pratique et la théorie n’est pas prise en compte. Il est donc essentiel d’ouvrir aux établissements une large palette de possibilités de recrutement afin que l’enseignement puisse être assuré par des artistes et des professionnels en exercice et qu’ils puissent constituer des équipes enseignantes adaptées à leurs besoins, de même qu’il est aujourd’hui indispensable de reconnaître l’activité de recherche exercée par les enseignants. Cette dimension est reconnue par l’article 2 du décret n° 2002-1520 du 23 décembre 2002 fixant les dispositions statutaires applicables au corps des professeurs des écoles nationales supérieurs d’art qui prévoit qu’ils concourent « au développement de la recherche en art, en liaison notamment avec les organismes d’enseignement et de recherche et les secteurs culturels, économiques et sociaux concernés ». Le dispositif proposé étend ce principe à tous les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique donnant une base juridique aux protocoles de décharges horaires à des fins de travaux de recherche et ce quel que soit le statut de l’enseignant.
Enfin le troisième objectif est d’améliorer les conditions d’accès aux écoles supérieures d’enseignement artistique dans un objectif de diversification sociale. On assiste aujourd’hui à un développement du nombre de classes préparatoires publiques (on en compte 18 actuellement) en réponse à des stratégies territoriales, pédagogiques et politiques. Elles ont vocation à confirmer l’orientation de l’élève, acquérir les outils de la réussite aux concours d’entrée aux écoles publiques supérieures d’art, participer à l’attractivité territoriale et assurer un service public de qualité face à l’offre privée (environ 40 établissements aujourd'hui dont la moitié en région Ile-de -France ).
Or actuellement, les classes préparatoires publiques n’ont aucune reconnaissance et leurs étudiants ne bénéficient d’aucun statut. Ce constat nécessite de revaloriser le service public assuré par les collectivités territoriales, afin de garantir l’égalité des chances entre les étudiants issus de tout milieu. En effet, une rapide étude montre que de nombreux élèves qui réussissent les concours d’entrée à l’ENSAD, l’ENSBA, l’ENSAPC (Paris-Cergy) ou la Villa Arson viennent d’une classe préparatoire privée. En 2011, sur les 85 élèves reçus à l’ENSAD, environ 23,5 % étaient issus des classes préparatoires privées, ils étaient 14 sur 48 reçus (29 %) à Cergy-Pontoise et 15 sur 42 (35,7 %) reçus à la Villa Arson. Ils étaient 36 sur 81 (44 %) reçus à l’ENSBA issus des « Ateliers de Sèvres » et 67 % du total des reçus avaient suivi une classe préparatoire privée.
Par ailleurs, les cycles d’orientation professionnelle mis en place au sein des établissements d’enseignement public spécialisé de la musique, de la danse et de l’art dramatique avec l’agrément de l’Etat, accueillent des étudiants qui, pour une part, ne sont ni en situation de scolarisation ni inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur.
La mesure propose d'instituer un agrément aux formations dispensées par les établissements qui relèvent de l’initiative des collectivités territoriales qui assurent une préparation à l'entrée dans les établissements d'enseignement supérieur. Cette mesure permettra d’affirmer la reconnaissance d’un service public de qualité, financé par les collectivités territoriales, à côté des classes préparatoires privées dont les coûts d’inscription sont très élevés et non accessibles à l’ensemble des familles. En effet, les frais de scolarité dans les classes préparatoires privées sont en moyennes de 6 000€ par an, pour une moyenne de 500€ dans les classes préparatoires publiques.
1.5.1.3. Présentation de la mesure
L’article 17, d’une part, réorganise en un seul chapitre nouveau, le chapitre IX consacré aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques, les deux chapitres du titre V du livre VII du code de l’éducation, formalisant ainsi la convergence entre les secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques en matière d’enseignement supérieur.
D’autre part, l’article 17 consacre le chapitre X nouveau aux établissements de la création dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel.
Le nouveau chapitre IX ainsi institué comprend cinq articles :
L’article L. 759-1 clarifie et complète les missions qui sont imparties aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Les différentes dimensions de leur action sont ainsi clairement affirmées notamment en matière de recherche, d’éducation artistique et culturelle ou de coopération internationale.
L’article L. 759-2 met en cohérence les dispositions du code de l'éducation relatives à l'enseignement supérieur dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques avec le système d'accréditation nouvellement introduit par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche et codifié à l'article L. 613-1 du code de l'éducation.
L'objectif est d'établir un cadre harmonisé pour l'offre de formation tout en laissant aux établissements une plus grande autonomie et une responsabilité pour l'élaboration de leurs formations.
L'accréditation sera conférée par arrêté du ministre chargé de la culture aux établissements ayant conclu un contrat pluriannuel avec l'Etat et emportera habilitation des établissements à délivrer des diplômes d'école et des diplômes nationaux délivrés par le ministère de la culture. Pour les établissements publics nationaux les modalités de l’accréditation seront fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la culture. La procédure d’accréditation permettra au ministère chargé de la culture de signer un contrat pluriannuel avec l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques et du spectacle vivant, tant avec les écoles nationales qu’avec les EPCC. L’accréditation interviendra sur la base de grands indicateurs définis dans le cadre de la stratégie nationale et repris dans un contrat pluriannuel signé avec les collectivités territoriales concernées pour les EPCC. Ces indicateurs seront relatifs notamment à la capacité de l'établissement de mobiliser les moyens humains, financiers et matériels pour soutenir sa mission de formation, ce qui comprend le développement des partenariats avec des écoles relevant du ministère chargé de la culture (architecture, arts plastiques, patrimoines, cinéma, audiovisuel et spectacle vivant) et des partenariats avec des établissements étrangers d’enseignement supérieur de la création, la participation à l’éducation artistique et culturelle et la poursuite de la mutualisation au sein d’EPCC pluridisciplinaires. Les établissements pourront notamment être accrédités à délivrer des diplômes d’école de troisième cycle spécifique en art.
L’article L. 759-3 prévoit que ces établissements auront la possibilité de conclure avec d'autres d'établissements de formation des conventions de coopération en vue d'assurer la formation initiale et continue aux métiers du spectacle vivant.
Cet article précise les modalités d’articulation entre ces établissements et les universités notamment en ce qui concerne l’organisation de cursus conjoints de licence et de master.
Il prévoit la possibilité de délivrance conjointe de diplômes de troisième cycle avec des universités. Cette disposition reconnaît la participation scientifique et pédagogique et l'apport de la pratique artistique à la recherche, en permettant au ministère chargé de la culture de donner un avis conforme lors de la création d'un troisième cycle élaboré entre un établissement d’enseignement supérieur « culture » et l'école doctorale d'une université, d'une communauté d'universités et d'établissements, dès lors qu’elle s'inscrit dans le cadre déjà prévu par l'arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale.
L’article L. 759-4 élargit les modes de recrutement et diversifie les statuts possibles en généralisant la possibilité de recourir à des enseignants associés ou invités et à des chargés de cours. Il inscrit la possibilité que soit confiée une mission de recherche aux enseignants des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques.
Cette dimension est reconnue par l’article 2 du décret n° 2002-1520 du 23 décembre 2002 fixant les dispositions statutaires applicables au corps des professeurs des écoles nationales supérieurs d’art qui prévoit qu’ils concourent « au développement de la recherche en art, en liaison notamment avec les organismes d’enseignement et de recherche et les secteurs culturels, économiques et sociaux concernés ». La mesure envisagée étendra ce principe à tous les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique donnant une base juridique aux protocoles de décharges horaires à des fins de travaux de recherche et ce quel que soit le statut de l’enseignant.
L’article L. 759-5 prévoit de reconnaître par un agrément les formations dispensées dans les classes préparatoires publiques, qui relèvent de l’initiative et de la responsabilité des collectivités territoriales.
Cette mesure permettra d’affirmer la reconnaissance d’un service public de qualité, financé par les collectivités territoriales, à côté des classes préparatoires privées dont les coûts d’inscription sont très élevés et non accessibles à l’ensemble des familles. En effet, les frais de scolarité dans les classes préparatoires privées sont en moyennes de 6 000€ par an, pour une moyenne de 500€ dans les classes préparatoires publiques.
Par ailleurs il étend le régime de sécurité sociale des étudiants aux élèves, inscrits dans les établissements agréés du domaine des arts plastiques, qui s’engagent dans cette année d’étude post-baccalauréat, afin qu’ils bénéficient du même traitement que les étudiants des écoles privées reconnues par le ministère au sens de l’article L. 361-2 du code de l’éducation.
Le nouveau chapitre X, consacré aux établissements d’enseignement supérieur de la création dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel, comprend un seul article :
L’article L. 75-10-1 établit, en cohérence avec l’article L. 759-2 du chapitre IX, une procédure d’accréditation pour les établissements d’enseignement supérieur du cinéma et de l’audiovisuel, selon le même mécanisme que celui retenu pour les établissements des domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. L'accréditation sera ainsi conférée par arrêté du ministre chargé de la culture aux établissements ayant conclu un contrat pluriannuel avec l’État et emportera habilitation des établissements à délivrer des diplômes d'école et des diplômes nationaux délivrés par le ministère de la culture. Les modalités de l’accréditation seront fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la culture.
Généraux
Les mesures instituées par les articles L.759-1 à L. 759-3 consacrent et clarifient les missions des établissements d’enseignement de la création artistique, comme cela existe déjà par exemple pour les domaines de la défense, de la santé, de l’agriculture ou de l’industrie.
Ces mesures seront accueillies très favorablement par l’ensemble de la communauté des directeurs, professeurs et étudiants ainsi que par les établissements sous tutelle des collectivités territoriales.
Le dispositif installe une symétrie d'application de la notion d'accréditation pour l'ensemble des formations des établissements publics de l'enseignement supérieur. Cette clarification juridique et l'application du dispositif d'accréditation permettra aux établissements de l'enseignement supérieur de la création artistique soutenus par l’Etat d’améliorer leur potentiel de déploiement, la qualité des enseignements et la circulation des étudiants et de mieux se positionner dans leur environnement que ce soit en lien avec d’autres établissements d’enseignement supérieur (constitution de communautés d’universités et établissements) ou des structures propres aux disciplines concernées (théâtres, centres d’art, orchestres, etc) ou encore des milieux économiques et industriels avec lesquels des interactions innovantes peuvent être mises en place.
La possibilité de donner un avis conforme à la création de troisième cycle tenant compte de la pratique permettra de conforter les établissements qui nourrissent cette ambition à l’instar de ceux déjà engagés dans de tels rapprochements (voir supra, le projet SACRe par exemple).
La mesure instituée par l’article L.759-4 a pour principal effet de sécuriser les dispositifs de décharge horaire à des fins de travaux de recherche, les personnels enseignants pouvant être appelés indifféremment à exercer aussi bien des missions d’enseignement que de recherche.
Cette mesure n’a pas d’effet en tant que telle sur les statuts des personnels enseignants actuellement en poste. Ces décharges sont neutres en termes de déroulement de carrière et d’avancement ou encore en termes de hiérarchie entre enseignants. Elle n’entraîne pas de création d'un nouveau corps d'enseignements-chercheurs avec une grille indiciaire plus élevée.
La mesure instituée par l’article L. 759-5 aura un impact très favorable sur la population des élèves des classes préparatoires. Cette disposition permettra de reconnaître la qualité des enseignements dispensés par les classes préparatoires aux écoles d’art et des cycles spécialisés du spectacle vivant. Elle consolidera un réseau public aux côtés d’un réseau privé, performant dans ces taux de réussite, par un agrément qui sera accordé par le ministère chargé de la culture après une évaluation pédagogique.
La mesure devrait rencontrer l’approbation des collectivités territoriales qui disposent de telles classes préparatoires. Elle permettra en effet de donner plus de visibilité à ce service public, de créer des liens contractuels avec les établissements d’enseignement supérieur, notamment ceux gérés sous la forme d’EPCC, de développer des politiques de sites en désenclavant certains établissements (ainsi à Digne ou à Châteauroux) et d’assurer la reconnaissance pédagogique de ces formations notamment en arts plastiques.
Elle entraînera très probablement l’augmentation du nombre des élèves inscrits dans les classes préparatoires publiques, attirés par l’agrément du ministère chargé de la culture et par des formations aux coûts d’inscription modérés.
Impact budgétaire
Le dispositif proposé par les articles L. 759-1 à L. 759-3 est sans incidence budgétaire pour les établissements puisque le cahier des charges de l’agrément, en cours d’élaboration, va reprendre les critères remplis par la plupart des classes préparatoires publiques (nombre d’heures d’enseignement, qualifications des enseignants, droits d’inscription modérés…). Seules les collectivités dont les classes préparatoires sont déjà structurées et soutenues pourront accéder à l’agrément. L’intention du ministère chargé de la culture est de valoriser un enseignement public de qualité répondant aux principes du service public.
La mesure prévue à l’article L. 759-5
Pour le spectacle vivant, la mesure n’entraînera pas une augmentation du nombre d’élèves dans la mesure où ces derniers sont sélectionnés à l’issue d’un concours pour entrer dans les cycles spécialisés et que les budgets des conservatoires ne connaissent pas de hausse particulière à ce stade permettant à ces derniers d’augmenter le nombre de places dans les cycles spécialisés.
Sur l’affiliation au régime de la sécurité sociale étudiante pour les élèves inscrits dans le domaine des arts plastiques, la mesure s’inscrit à périmètre et profil de population inchangés, soit des élèves de plus de 18 ans et hors statut (environ 300 élèves). Toutefois, l’affiliation au régime de la sécurité sociale étudiante n’entraînera pas automatiquement la délivrance de bourse, celle-ci étant conditionnée par des critères de revenus et la situation de chacun des élèves revue chaque année au regard des éléments apportés dans le cadre de la nouvelle demande.
En combinant une estimation haute et une estimation reposant sur le postulat qu'1/3 des 150 étudiants inscrits en classes préparatoires aux écoles d'art ont moins de 20 ans, le chiffrage de l'impact financier de cette réforme s'élève à 400 000€ selon une estimation haute.
Le calcul est effectué à partir d'un taux moyen élevé de bourse à l'échelon 4 (le taux maximum étant de 7), soit 4 667€ par an (chiffres commun à tout l'enseignement supérieur).
Cette possibilité n'est pas étendue au domaine du spectacle vivant, compte tenu de la masse des étudiants concernés (près de 3 000 élèves) qui disposent déjà d’aides individuelles financées par le ministère chargé de la culture lorsqu'ils sont en 3e cycle spécialisé au sein des conservatoires c'est à dire dans le cycle de pré-professionnalisation.
Aux termes de l’article L. 232-1 du code de l’éducation, le conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) « est obligatoirement consulté sur :
1° La stratégie nationale de l'enseignement supérieur et la stratégie nationale de recherche ;
2° Les orientations générales des contrats d'établissements pluriannuels prévus à l'article L. 711-1 du présent code et à l'article L. 311-2 du code de la recherche ;
3° La répartition des moyens entre les différents établissements ;
4° Les projets de réformes relatives à l'emploi scientifique. »
En application de ces dispositions, le CNESER a été consulté le 14 octobre 2013 et a émis un avis favorable (28 voix pour, 13 voix contre, 3 abstentions).
1.5.1.6. Mise en œuvre et texte d’application nécessaire
La modification législative des dispositions du code de l'éducation sera accompagnée de modifications de la partie réglementaire du code fixant les modalités d’organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités d’évaluation des formations.
La mise en place des modalités d'accréditation nécessitera un arrêté ministériel et un arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la culture pour les établissements publics nationaux
L'élargissement des modes de recrutement du personnel enseignant et l'institution d'un dispositif de décharge horaire à des fins de travaux de recherche devra être complété par un décret prévoyant les missions des professeurs associés et des chargés d’enseignement.
L'instauration d'un agrément pour les classes préparatoires nécessitera un décret d’application précisant les conditions et la procédure d’agrément et les exigences requises en termes d’organisation pédagogique de l’établissement.
Titre II : Dispositions relatives au patrimoine culturel
Chapitre Ier : Renforcer la protection et améliorer la diffusion du patrimoine culturel
2.1.1. Mesure 14 : Circulation, diffusion et protection des biens culturels (Articles 19 et 30 1° ; Livres Ier, II et IV du code du patrimoine)
2.1.1.1. Options et dispositifs retenus
1 Améliorer l'accès des publics aux patrimoines sur l'ensemble du territoire (projet de loi).
La relance de la circulation des collections nationales sur l'ensemble du territoire est une priorité ministérielle. Elle se traduit par une politique de prêts et dépôts dynamique grâce à des instruments juridiques renouvelés, en donnant rang législatif à cet objectif. Sont également révisées les règles d’insaisissabilité et de transfert de propriété aux collectivités des dépôts de l'Etat.
2 Moderniser l'action de l'Etat en repensant l'équilibre entre mesure dissuasives et mesures de contrôle régalien au bénéfice d'une meilleure protection du patrimoine (projet d'ordonnance).
2.1.- Sont intégrées dans le régime de circulation des biens culturels, des bases juridiques pour renforcer la lutte contre la fraude et le trafic de biens culturels :
- à l'exportation, par la création de nouveaux motifs de rejet des demandes de certificat d'exportation, notamment si la provenance est douteuse (contrefaçon et pillage), ainsi que l'exclusion d'office (appartenance au domaine public, classement préexistant) ;
- à l'importation, par la création d'un contrôle douanier pour intercepter des biens culturels susceptibles de provenir de pillages commis dans d’autres Etats afin de mieux répondre aux enjeux du trafic et de mieux mettre en œuvre la Convention UNESCO de 1970.
2.2- Améliorer le suivi des trésors nationaux pendant la durée du refus du certificat d’exportation avec de nouvelles obligations (information sur la localisation du trésor national, contrôle de son état et autorisation des restaurations nécessaires, maintien de sa présence sur le territoire, impossibilité de "vente à la découpe" pour les ensembles).
2.3.- Favoriser le maintien des trésors nationaux sur le territoire en créant une alternative à l'acquisition au profit d'une institution patrimoniale :
- allongement de la durée de la phase d’acquisition au-dessus d'un certain seuil de valeur
(+ de 5 M€), afin de disposer de plus de temps pour réunir le financement nécessaire à l'acquisition du trésor national ;
- introduction d’une possibilité de rendre définitif le refus de certificat sans indemnité au terme du processus de demande d'acquisition par l'Etat, en cas de refus de vente du propriétaire au prix fixé par l’expertise.
3. Améliorer le contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les musées de France et mieux structurer le dialogue avec les collectivités locales propriétaires de collections publiques :
Sont prévues des dispositions destinées :
3.1 - A confirmer le projet scientifique et culturel comme outil central de l’exercice du contrôle scientifique et culturel et de dialogue de l’Etat avec les musées de France ;
3.2 - A doter l'Etat d'un réel pouvoir de prescription et d'un "droit de suite" sur le respect, par les musées de France, de leurs obligations. Sont ainsi créés des instruments d'alerte formalisés et de réponse graduée en amont de la procédure de péril sur les collections et la possibilité d'une intervention régalienne sur les projets de restauration, par la création d'un avis conforme de l'Etat sur des projets présentant des risques sérieux pour l’œuvre à restaurer.
2.1.2. Mesure 15 : Irrecevabilité des demandes de certificats d'exportation (Article 30 1°, a) ; L. 111-4 du code du patrimoine, création d'un article L. 111-4-1 dans le code du patrimoine)
Depuis plus de vingt ans, la pratique du contrôle de l'exportation des biens culturels par le ministère chargé de la culture fait apparaître plusieurs difficultés:
- le manque de clarté sur le fait que les trésors nationaux, au sens de l'article L. 111-1 du code du patrimoine, ne peuvent faire l'objet d'un certificat d'exportation, document matérialisant l'autorisation de sortie définitive accordée par l'autorité administrative. Les trésors nationaux ne peuvent bénéficier que de sorties temporaires du territoire;
- la nécessité de bien distinguer le refus de certificat, réservé aux seuls biens dont le caractère de trésor national a été reconnu par la Commission consultative des trésors nationaux et font, à ce titre, l'objet d'un refus de certificat par arrêté ministériel, des cas d'irrecevabilité des demandes de certificat ;
- le manque de moyens pour l'Etat de rejeter les demandes de certificat et éviter d'être conduit à devoir procéder à des délivrances de certificats non souhaitables. En l'état actuel du droit, cette faculté est prévue seulement en cas de présomption d'importation illicite du bien sur lequel porte la demande de certificat, ce qui se révèle nettement insuffisant ;
- enfin, la difficulté de connaître les antécédents historiques des biens susceptibles d'être exportés, permet un meilleur traitement des demandes ne soulevant pas de problèmes et la détection des dossiers à risques. De ce fait, la délivrance des certificats d'exportation n'est pas toujours sécurisée et la circulation licite de biens qui ne devraient pas se trouver sur le marché (appartenance au domaine public, provenance de vols ou de pillages, contrefaçons...) est parfois rendue possible. La possibilité d'avoir une meilleure connaissance du parcours historique des œuvres qui, dans la grande majorité des cas, n'est pas renseigné par les demandeurs dans les formulaires (souvent plus par négligence que par ignorance) apparaît donc fondamentale pour que l'administration soit en capacité d'avoir une réponse adaptée aux demandes qui lui soumises.
Cette proposition de mesure a trois objectifs principaux et complémentaires, destinés à répondre aux difficultés repérées:
- affirmer nettement que les trésors nationaux, dont une des caractéristiques de leur statut est de ne pas pouvoir être exportés définitivement, ne peuvent obtenir un certificat d'exportation (L. 111-4). Par voie de conséquence, il s'agit donc d'un cas d'irrecevabilité radicale des demandes de certificat qui pourraient être déposées pour des biens relevant de la définition de l'article L. 111-1;
- distinguer nettement l'irrecevabilité de la demande d'exportation (qui entraîne son rejet et, par voie de conséquence, l'absence de délivrance du certificat) de la procédure de refus du certificat d'exportation, qui est réservée aux biens dont le caractère de trésor national est reconnu par la commission consultative des trésors nationaux et qui font, à ce titre, l'objet d'un arrêté ministériel refusant le certificat d'exportation (L. 111-4-1),
- élargir les motifs d'irrecevabilité des demandes de certificat, en ajoutant les cas de provenance illicite et de contrefaçon et en les assortissant toujours de la possibilité de se faire communiquer les éléments de preuve nécessaires pour établir la recevabilité de la demande.
S'agissant des impacts juridiques, il convient de noter la création d'un nouvel article s'insérant dans le code du patrimoine (L. 111-4-1). Les modifications proposées sont destinées à rendre plus nette la procédure et à éviter que l'Etat ne cautionne la circulation libre de biens qui ne devraient pas s'y trouver. Cela devrait contribuer à renforcer le pouvoir de contrôle de l'administration sur ce dispositif.
Dans les impacts économiques et financiers, on peut relever que, pour permettre la suspension des délais de réponse aux demandes de certificat d'exportation, impartis à l'administration, les requêtes de pièces complémentaires nécessitent d'être envoyées par lettre recommandée avec avis de réception aux demandeurs. Dans la mesure où le nombre de ces demandes de compléments pourrait augmenter, à la faveur des sollicitations dans le cadre prévu au nouvel article L. 111-4-1, ce poste de dépense pourrait légèrement augmenter.
Au plan des impacts administratifs, il existe des possibilités d'augmentation du nombre de demandes d'informations supplémentaires sur les demandes déposées et du nombre de dossiers rejetés en raison de leur irrecevabilité. Les services du ministère de la culture et de la communication chargés de ce contrôle sont en capacité d'absorber à effectif constant ce supplément éventuel.
2.1.2.4. Modalités d’application
Les modalités d'application devront être précisées dans un décret en Conseil d'Etat, qui viendra s'insérer dans le titre 1er du livre I de la partie réglementaire du code du patrimoine. Les articles R.111-5 et R. 111-7 seront modifiés.
2.1.3. Mesure 16 : Amélioration du suivi des trésors nationaux pendant la durée d'effet du refus du certificat d'exportation (Article 30, 1°, a) ; articles L. 111-8 à L. 111-11, L. 114-1-1 du code du patrimoine (nouveaux articles))
Le refus de certificat d'exportation confère, pendant sa durée d'effet, le statut de trésor national au(x) bien(s) concerné(s) par la mesure prise par arrêté ministériel, donc la protection juridique patrimoniale la plus haute. Toutefois, les biens restent, dans l'attente d'un éventuel achat par l'Etat, en mains privées et sans possibilité pour l'administration d'exercer son contrôle scientifique et technique pendant cette période.
Ils se trouvent, à la différence près que la protection n'est que temporaire si elle n'est pas suivie d'un moyen de maintien pérenne sur le territoire, dans la même situation que les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques et que les archives classées.
Or, l'expérience de ces dossiers complexes a révélé un certain nombre de difficultés pendant la période du refus de certificat du fait que le législateur n'a pas prévu d'outils juridiques pour que l'autorité administrative puisse assurer le suivi qu'il convient de ces trésors nationaux alors que l'arsenal existe bien pour leurs « homologues », les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques et les archives classées comme archives historiques.
Par exemple, des incertitudes sont apparues concernant la présence réelle sur le territoire français de trésors nationaux. De même, des interventions de restauration risquant de porter atteinte à la qualité de l’œuvre, et non effectuées dans les conditions prescrites par les services patrimoniaux du ministère de la culture et de la communication ont pu être réalisées sans que l'autorité administrative en soit informée. Enfin, plusieurs tentatives de ventes en lots séparés d'ensembles considérés comme des trésors nationaux ont été commises et le ministère de la culture et de la communication, ne disposant pas de disposition législative pour l'empêcher, s'est alors trouvé démuni.
La réforme vise donc à améliorer le suivi des biens faisant l'objet d'un refus de certificat.
A cet égard, elle instaure de nouvelles obligations destinées à protéger les biens pendant le durée du refus de certificat :
- information sur le lieu de conservation et contrôle de la présence et de l’état (nouvel article L. 111-8) : il s'agit de permettre à l'autorité administrative de connaître précisément la localisation du trésor national et d'éviter ainsi que des doutes puissent surgir sur le maintien réel de celui-ci sur le territoire national pendant la durée du refus de certificat. Une information devra donc être donnée par le propriétaire sur le lieu de conservation habituel du trésor national et tout changement devra être déclaré. Une obligation de présentation à des agents habilités par l'autorité administrative est aussi prévue ;
- insertion d'un régime d'« autorisation de travaux » (nouvel article L. 111-9) : cet article vise à empêcher que des trésors nationaux fassent l'objet d'interventions de restauration dans des conditions qui ne seraient pas considérées comme optimales par l'autorité administrative. Toute forme d'altérations ou de modifications apportée au trésor national devient aussi interdite sans un accord formel du ministère de la culture et de la communication ;
- interdiction de vente en lots des ensembles reconnus trésors nationaux (nouvel article L. 111-10) : l'objectif de cet article est de faire obstacle à des tentations de démembrement des ensembles, qu'ils aient été définis par le demandeur du certificat refusé ou que l'autorité administrative ait usé d'une « faculté de réunion » en reconstituant un ensemble, ayant fait l'objet de demandes de certificat séparées mais d'une seule mesure de refus de certificat. Cette mesure vise à préserver l'intégrité des ensembles et à garder intacte la possibilité pour l'Etat d'acquérir l'ensemble complet qu'il a déclaré trésor national, sans risquer de ne pouvoir, au bout du compte, n'en faire entrer que des parties dans les collections publiques, les autres ayant déjà été dispersées.
La rédaction de ces mesures a été harmonisée avec celles existant pour les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques (articles L. 622-7 et L. 622-8) et les archives classées comme archives historiques (articles L. 212-22 et L. 212-25 du code du patrimoine).
Afin de rendre dissuasif le fait d'enfreindre ces dispositions protectrices, il est prévu de les compléter par un article L. 114-1-1 qui introduit une nouvelle infraction assortie d’une peine d’emprisonnement de trois mois et de 4.500 euros d’amende.
- Du point de vue des impacts juridiques, ces dispositions augmentent les effets de la servitude et les contraintes sur le propriétaire, mais cela paraît proportionné à l'objectif recherché qui est d'améliorer le suivi des trésors nationaux et d'un niveau qui n'est pas plus contraignant que celui des mesures existant déjà pour les objets mobiliers classés au titre des monuments historiques et des archives classées comme archives historiques. Ces nouvelles obligations entraînent la création corrélative d'une sanction pénale.
- L'impact administratif principal est la création d'un véritable contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les trésors nationaux pendant la durée d'effet du refus de certificat, qui se révèle nécessaire dans un objectif de protection du patrimoine national. Compte tenu du faible nombre de biens concernés (moins de 10 mesures de refus de certificat par an depuis 2007: 7 en 2012, 5 en 2013) et du fait que les situations visées ne donneront pas toutes lieu à un refus de certificat cette amélioration du suivi par l'instauration d'un contrôle scientifique et technique ne représentera pas une charge administrative supplémentaire significative et pourra être assumée sans difficulté par les services patrimoniaux concernés, en lien avec le service des musées de France.
2.1.3.4. Modalités d’application
Un décret en Conseil d’Etat viendra préciser les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle procédure (prévue à l'article L. 111-12).
La manière de décliner ces mesures au plan réglementaire s'appuiera aussi sur l'existant en matière d'objets mobiliers classés au titre des monuments historiques et d'archives classées comme archives historiques.
2.1.4. Mesure 17 : Introduction d'un contrôle à l'importation des biens culturels (Article 30, 1°, b) ; création article L. 111-11 CP)
En l’état actuel du droit, seule l’exportation de biens culturels fait l’objet d’une prohibition du point de vue douanier et d’un contrôle spécifique alors que leur importation ne bénéficie pas de mesures particulières et est soumise aux mêmes dispositions que n’importe quelle marchandise.
De ce fait, l’administration des douanes ne dispose pas de pouvoir particulier et ne peut intervenir qu’en cas de déclaration fausse ou non concordante avec la nature des biens concernés, sur l’origine, l’espèce et la valeur. Rien ne lui permet d'intervenir et, le cas échéant, d'intercepter et de saisir des biens culturels, munis d'une déclaration douanière conforme, même si ceux-ci ont une origine illicite.
Dans leur action de lutte contre le trafic des biens culturels, les services de l'Etat concernés déplorent tous, depuis longtemps, qu'un pouvoir douanier spécifique n'ait pas été conféré à l'administration des douanes pour lui permettre de jouer un rôle plus important dans ce domaine et contribuer ainsi à renforcer les moyens de lutte.
Par ailleurs, la France, en ratifiant en 1997 la Convention UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicite des biens culturels de 1970, s'est engagée à respecter ses prescriptions, c'est-à-dire à contrôler non seulement l'exportation mais également l'importation des biens culturels venant sur son territoire. Or, ce second volet n'a pas encore été mis en œuvre.
Enfin, les événements actuels, notamment en Libye, en Syrie et en Irak, conduisent à devoir renforcer la vigilance par rapport à l’entrée potentielle sur notre territoire d’antiquités provenant de pillages opérés dans ces zones.
Cette proposition a deux objectifs principaux:
1. Elle vise à introduire un pouvoir de contrôle douanier à l’importation des biens culturels pour mieux lutter contre le trafic de biens culturels. Pour doter l'administration des douanes de ce moyen opérationnel, très attendu, il convient de créer un lien dans le code du patrimoine avec le code des douanes, dans lequel tous les outils nécessaires sont déjà présents mais ne peuvent actuellement être appliqués dans le cas de l'importation des biens culturels ;
2. Elle répond aussi à la nécessité de mettre davantage le droit national en conformité avec la Convention UNESCO de 1970. Cela est de nature aussi à crédibiliser la France sur la scène internationale sur sa volonté résolue de lutter contre les trafics, notamment par rapport à des Etats étrangers qui estiment que les flux de biens culturels ne sont pas assez contrôlés en France et en feraient ainsi une plaque tournante en la matière.
Afin de ne pas alourdir la charge des opérateurs, l'introduction d'un contrôle douanier à l'importation est prévue sous la forme d'une possibilité d'intervention élargie donnée aux douanes en matière de biens culturels, sans nécessiter la mise en place d'une formalité supplémentaire, telle qu'un certificat d'importation, ainsi que cela existe dans certains pays (comme la Grèce ou l'Italie, où il est facultatif).
Par ailleurs, pour que ce contrôle puisse être conduit de manière réaliste par les douanes et pour tenir compte des observations formulées par cette administration, il est proposé :
- de préciser que le contrôle pourra s’exercer s’il existe un doute sur la licéité du mouvement du bien culturel (caractère non systématique de la mesure) ;
- d’en restreindre le champ d’application aux pays ayant ratifié la Convention UNESCO de 1970, qui ont mis en place un régime de restriction de circulation ou soumettent la sortie des biens culturels de leur territoire à une autorisation d’exportation ;
- de partager la charge de la vérification entre la douane et les services du ministère de la culture et de la communication.
En matière d'impacts juridiques, le dispositif crée une articulation avec le code des douanes et son arsenal, les infractions douanières. Il aura un effet sur le pouvoir de police judiciaire des douaniers. Le ministère de la culture et de la communication s'est interrogé sur l'extension aux importations du champ d'application de l'article L. 114-1, qui prévoit une sanction pénale pour des infractions à l'exportation. Cette possibilité n'a, en définitive, pas été retenue: considérant que le code du patrimoine a vocation à protéger le patrimoine national et la mesure envisagée étant principalement destinée à donner des moyens supplémentaires aux douaniers pour vérifier l'entrée de biens relevant d'autres patrimoines nationaux, il a été privilégié d'établir un lien avec le code des douanes, qui contient un arsenal répressif suffisant pour atteindre l'objectif recherché.
En ce qui concerne les impacts économiques et financiers, un assainissement du marché de l'art français est attendu ; cette mesure étant de nature à limiter la prise de risques des professionnels.
Les impacts administratifs concernent surtout l'administration des douanes, qui sera appelée à effectuer des contrôles plus élargis sur les biens culturels entrants, avec un pouvoir nouveau d'intervention dont les douaniers ne disposaient pas jusqu'à présent. Le nombre de biens culturels interceptés et saisis pourrait notablement augmenter.
En ce qui concerne les impacts diplomatiques, la mesure est susceptible d'avoir un effet sur les relations internationales de la France car elle permettra d'éviter l'entrée sur le territoire national de biens culturels qui ne devraient pas s'y trouver pour avoir probablement été exportés de manière illégale depuis leur pays d'origine. Cependant, elle ne sera pas rétroactive et son application s'inscrira dans le cadre des conventions internationales ratifiées par la France et les autres Etats parties à celles-ci, en tenant compte de leur date d'entrée en vigueur. En termes d'image, l'introduction de ce pouvoir de contrôle douanier à l'importation est par ailleurs de nature à crédibiliser l'action de la France en matière de trafic illicite de biens culturels et démontrer sa volonté de renforcer la mise en œuvre de la Convention de l'UNESCO de 1970.
2.1.4.4. Modalités d’application
Les modalités pour l'application de ce nouveau pouvoir conféré aux douanes seront précisées au plan réglementaire, notamment en ce qui concerne les possibilités de saisies des biens interceptés et les modalités de leur dévolution.
2.1.5. Mesure 18 : Insaisissabilité des biens culturels (Article 30, 1°, c) ; création d'un article L. 113-1 dans le code du patrimoine)
L'insaisissabilité des biens culturels prêtés par une puissance étrangère, une personne publique ou une institution culturelle étrangère, introduite dans le droit national en 1994 est devenue, au fil du temps, un préalable quasiment systématique et obligatoire pour que les institutions publiques françaises puissent emprunter des œuvres à l'étranger et donc organiser des expositions temporaires au propos ambitieux et d'envergure internationale.
La procédure actuelle impose de prendre un arrêté conjoint du ministère de la culture et de la communication et du ministère des affaires étrangères, publié au Journal officiel, avec la liste précise des biens couverts, pour chaque demande d'insaisissabilité. L'augmentation du nombre des demandes entraîne une charge administrative forte pour le ministère de la culture et de la communication et qui a tendance à s'alourdir avec le temps et l'intensification de la circulation internationale des biens et des expositions.
Par ailleurs, le dispositif français d'insaisissabilité n'ayant pas été codifié, il manque de visibilité alors même qu'au plan international, ce dispositif devient de plus en plus important.
Bien que la législation actuelle le permette, il n'apparaît pas prioritaire que les musées à but lucratif continuent à pouvoir bénéficier de la mesure d'insaisissabilité.
Enfin, l'impossibilité actuelle de faire bénéficier d'une mesure d'insaisissabilité les biens appartenant à des personnes privées étrangères est de nature à dissuader certains prêts de longue durée (considérés en France comme des dépôts), qui pourraient pourtant être précieux pour des présentations dans des institutions culturelles publiques en France.
Dans le double objectif de lisibilité et de simplification, ce nouvel article prévoit :
- d'insérer le dispositif d'insaisissabilité dans le livre Ier du code du patrimoine, compte tenu de son application à l'ensemble du champ patrimonial, en toilettant la rédaction initiale et en modifiant certaines de ses modalités ;
- de rendre non éligibles au dispositif les musées français emprunteurs à but lucratif ;
- d'étendre l'insaisissabilité aux dépôts ;
- d'ouvrir de manière encadrée la possibilité du bénéfice de l'insaisissabilité à des biens appartenant à des personnes privées étrangères
- de simplifier le traitement des demandes en rendant l'insaisissabilité « automatique » pour des institutions françaises désignées par l'autorité administrative.
En ce qui concerne les impacts juridiques, on peut relever que la mesure proposée permet de corriger le manque de visibilité du dispositif et contribue donc à rendre la loi plus intelligible.
Quant aux impacts économiques et financiers, on peut relever que la codification du dispositif, ainsi que l'élargissement envisagé autour de l'insaisissabilité sont de nature à enrichir significativement les musées de France notamment de prêts ou de dépôts d'oeuvres étrangères et par conséquent, de renforcer l'attractivité touristique de la France, dont on sait les effets directs et indirects sur l'économie nationale.
Impact administratif: Simplification du fait de l'automaticité de l'insaisissabilité pour les prêts à un certain nombre d'institutions culturelles nationales. Cela devrait permettre une réduction de 50 % du nombre des arrêtés pris dans le cadre du dispositif actuel par l'administration centrale du ministère chargé de la culture (environ 100 arrêtés conjoints par an, ce qui implique un travail complexe de vérifications de listes d'oeuvres et nécessite une navette avec le ministère des affaires étrangères et un traitement pour parvenir à une publication au Journal officiel au moins deux mois avant le début des manifestations concernées).
La mesure aura également pour effet d'alléger sensiblement le travail des institutions culturelles qui organisent des expositions temporaires ou reçoivent des dépôts venant de l'étranger.
On peut aussi en attendre une amélioration de la démocratisation culturelle dans la mesure où le dispositif simplifié devrait favoriser les prêts d'oeuvres étrangères à des expositions culturelles en France.
Enfin, le dispositif d'insaisissabilité, codifié et rénové, pourrait avoir un impact diplomatique par son rôle de facilitation des prêts étrangers consentis aux institutions culturelles nationales.
2.1.5.4. Modalités d’application
Un décret en Conseil d'Etat sera pris pour préciser les modalités d'application du dispositif.
Un régime différencié, destiné à diminuer la charge administrative et à simplifier le traitement des demandes, sera instauré :
- les institutions culturelles nationales, telles que : Musées de France appartenant à l'Etat, EP de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais (RMN-GP), Centre des monuments nationaux (CMN), Archives nationales, Centre national des arts plastiques (CNAP), Mobilier national, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA), Bibliothèque nationale de France (BNF), centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), Cinémathèque française..., dont la liste sera établie par arrêté, bénéficieront d'une insaisissabilité automatique, qui les dispensera ainsi d'avoir à la solliciter au coup par coup et allégera la charge administrative du ministère de la culture et de la communication ;
- dans les autres cas, l'arrêté conjoint du ministère de la culture et de la communication et du ministère des affaires étrangères continuera à être utilisé pour garantir l'insaisissabilité.
Le décret précisera aussi les modalités d'application de l'extension de l'insaisissabilité aux biens appartenant à des personnes privées étrangères, à savoir le cadre général des conventions qui pourront ensuite être passées dans ces situations (durée, etc...).
2.1.6. Mesure 19 : Favoriser le maintien sur le territoire national des trésors nationaux (Article 30, 1°, a) ; article L. 121-1 du code du patrimoine)
Le sort réservé aux œuvres ayant fait l'objet d'un refus de certificat, qui sont des trésors nationaux pendant la durée d'effet de cette mesure (30 mois), est souvent très insatisfaisant dans la mesure où l'Etat se trouve trop souvent en difficulté au moment du financement de leur acquisition et dans la situation de devoir renoncer à se porter acquéreur et à laisser circuler l’œuvre concernée, qui ne peut plus être retenue plus longtemps, conformément au dispositif en vigueur.
Les trésors nationaux, du fait de leur prix généralement très élevé, finissent par quitter le territoire français sans intégrer les collections publiques nationales ou territoriales, alors qu'ils ont vocation à appartenir au patrimoine national.
De plus, quand le propriétaire du trésor national accepte l'offre d'achat présentée par l'Etat, celui-ci doit s'acquitter du prix d'acquisition dans un délai de six mois. Or, bien que l'Etat s'assure généralement qu'il dispose des moyens financiers nécessaires pour réaliser l'acquisition, il a pu se trouver des cas où les contributions promises par des entreprises au titre du dispositif fiscal prévu par l'article 238bis 0A du code général des impôts ont été remises en cause entre la proposition d'acquisition et l'obligation d'acquérir, ou que les crédits budgétaires d'acquisition se révèlent en définitive insuffisants. De ce fait, le délai de six mois a pu s'avérer contraignant et difficile à respecter.
Par ailleurs, en l'état du droit actuel, un trésor national dont le propriétaire refuse toute offre d'achat présentée par l'Etat (même après réalisation de l'expertise prévue à l'article L. 121-1 du code du patrimoine), se trouve ensuite dans une situation peu claire. La loi indique seulement que « le refus de délivrance du certificat est renouvelé ». Quand le cas s'est présenté, l'autorité administrative a été conduite à devoir se prononcer sur de nouvelles demandes de certificat déposées dix ans après le premier refus pour permettre à nouveau la rétention temporaire des mêmes biens sur le territoire national pour une période de 30 mois, ce qui n'a pas permis de trouver de solution pérenne. Pour y remédier, il est apparu nécessaire de clarifier, dans l'intérêt du patrimoine national, la situation de ces biens.
Il faut rappeler qu'à l'origine du dispositif de refus de certificat instauré par la loi n°92-1477 du 31 décembre 1992, il avait été envisagé que le sort des trésors nationaux n'ayant pu être acquis pour les collections publiques pourrait être, le cas échéant, réglé par une mesure de classement au titre des monuments historiques, afin de pérenniser l'interdiction de sortie définitive du territoire national sans impliquer d'achat. Cependant, la jurisprudence Walter, portant sur un classement d'office (c'est-à-dire sans le consentement du propriétaire) d'un tableau de Vincent Van Gogh, (Jardin à Auvers sur Oise) allait rapidement contrarier cette perspective. En effet, pour la première fois, la possibilité de percevoir une indemnité compensant la sujétion sur une œuvre impliquée par le classement, prévue par la loi du 31 décembre 1913, était revendiquée en justice et a conduit à la condamnation de l'Etat à verser 145 millions de francs41 pour un tableau dont il n'est pas devenu propriétaire.
Par la suite, l'Etat a classé un autre trésor national au titre des monuments historiques : Le cercle de la rue Royale de James Tissot après avoir proposé au propriétaire de le vendre à l'Etat au prix de 20 millions de francs somme qui correspondait à son évaluation sur le marché international. Le propriétaire a été débouté de sa demande indemnitaire et la Cour de cassation a rejeté son pourvoi (Hottinguer, Cour de cass. Civ. 1ère 8 mars 2005). L'arrêt a, en effet, donné raison à l'Etat sur son choix de classer le tableau au titre des monuments historiques devant le refus de vente opposé par son propriétaire à un prix juste par rapport au marché international, calculé sans tenir compte de la servitude du refus de certificat. L'Etat, en l'occurrence, avait défendu qu'il n'avait pas à indemniser la mesure de classement à partir du moment où un prix conforme au marché international avait été proposé au propriétaire pour l'achat de son tableau.
Le projet de loi aurait pu prévoir de consacrer cette jurisprudence en prévoyant le classement d'office des trésors nationaux dès lors que leur propriétaire refuse de le vendre à un prix international estimé après expertise. Cependant, il a été jugé préférable de parvenir au même résultat en étendant simplement les effets de la servitude des refus de certificat, afin de consacrer l'interdiction définitive d'exporter.
La modification proposée vise à favoriser le maintien des trésors nationaux sur le territoire national:
- d'une part, en allongeant la durée de la phase d’acquisition pour les trésors nationaux d’une valeur supérieure à 5 millions d’euros. Il s'agit de permettre, au besoin et après notification au propriétaire, d'allonger de dix mois supplémentaires le délai actuellement fixé à deux mois, pour que l'autorité administrative présente au propriétaire une seconde offre d'achat au prix fixé par l'expertise, qui est forcément supérieure à l'offre initiale et pour laquelle l'Etat peut ne pas pouvoir boucler le montage financier nécessaire pour régler le prix d'acquisition définitif. De manière complémentaire, le délai prévu de 6 mois pour le paiement au propriétaire après acceptation de l'offre d'achat pourra désormais être renouvelé une fois, sur notification, afin de permettre à l'Etat de ne pas se trouver en difficulté si le délai ne pouvait être respecté;
- d'autre part, en rendant définitif le refus de certificat sans indemnité en cas de refus de vente de la part du propriétaire au prix “ international ” fixé par l’expertise. A cet égard, il est envisagé de tirer les conclusions de la jurisprudence favorable concernant l'affaire précitée du tableau de James Tissot, Le cercle de la rue Royale. En s'inspirant de cette jurisprudence Hottinguer et exclusivement dans le cas de refus de vente systématique opposé aux différentes offres d'achat présentées par l'Etat, le refus de certificat d'exportation deviendrait définitif, ce qui équivaut à une mesure de classement dans ses effets (qui consistent principalement en une interdiction permanente de sortie définitive) sans forcément devoir s'intégrer aux critères qui prévalent au sein de la Commission nationale des monuments historiques (CNMH) pour obtenir le classement au titre des monuments historiques. La solution retenue permet donc la mise en place d'une protection sui generis, fondée sur cette jurisprudence, qui ainsi n'interfère pas avec la doctrine de la CNMH.
En termes d'impacts juridiques, la servitude supplémentaire et spécifique, créée en cas de refus de vente systématique d'un trésor national, correspond en fait à l'intégration dans la loi d'une possibilité de nature jurisprudentielle déjà existante et qu'il convient de rendre plus opérationnelle par son inscription dans le code du patrimoine.
Au titre des impacts économiques et financiers, on peut relever une possible économie dans la mesure où le refus de certificat devenu permanent permet la conservation du trésor national considéré sur le territoire national, sans avoir à verser un prix d'acquisition, ni d'indemnité en fonction de cette servitude.
Les impacts administratifs concernent les notifications supplémentaires à effectuer en cas d'allongement de la durée de la phase d’acquisition pour les trésors nationaux d’une valeur supérieure à 5 millions d’euros et pour le paiement au propriétaire après acceptation de l'offre d'achat. La procédure actuelle demandant déjà un suivi rigoureux et le nombre d'œuvres concernées étant fort réduit, le service des musées de France de la direction générale des patrimoines, qui assure le pilotage des opérations d'acquisition des trésors nationaux, est en capacité de prendre en charge ces notifications supplémentaires.
2.1.6.4. Modalités d’application
Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application, dans le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code du patrimoine (acquisitions de biens culturels).
La notification de l'offre d'achat devra contenir l'annonce de la possibilité de refus définitif de délivrance du certificat au cas où le propriétaire refuserait toute tentative d'acquisition de l'Etat.
2.1.7. Mesure 20 : Faciliter la récupération par les propriétaires publics des biens culturels appartenant au domaine public lorsqu'ils sont redécouverts entre les mains des personnes privées (Article 30, 1°, d) ; articles L. 112-22 à L. 112-24, L. 114-1-2, L. 114-2-1, L. 212-1, L. 214-5 et L. 622-17 du code du patrimoine)
L'une des ordonnances prévue à l'article 32, 1°, d) du présent projet de loi créera une nouvelle section III intitulée « Action en revendication et action en nullité » dans le chapitre II relatif à la « Restitution des biens culturels » du titre premier concernant la « Protection des biens culturels ».
Les articles L.112-22 à L.112-24 qui composeront cette nouvelle section auront pour objet de renforcer la protection des biens appartenant au domaine public et en facilitant leur récupération lorsqu'ils sont redécouverts entre les mains des personnes privées après leur vol ou leur disparition.
L'ajout des articles L.114-1-2 et L.114-2-1, ainsi que les modifications proposées aux articles L.212-1, L.214-5 et L.622-17 contribueront à la mise en œuvre de cette mesure.
2.1.7.1. : Faciliter les actions en revendication et en nullité
En 2012, la direction générale des patrimoines du ministère de la culture et de la communication a mis en place un groupe de travail sur les questions de revendication de biens culturels appartenant au domaine public de l’État [et d’archives publiques] (figurant dans le code civil, le code du commerce, le code du patrimoine, le code de procédure civile et le code général de la propriété des personnes publiques) en vue de synthétiser le droit et d’harmoniser les pratiques.
Lors de ces travaux, il est apparu souhaitable de modifier le code du patrimoine en vue de renforcer les moyens d'action à disposition de l'ensemble des propriétaires de biens du domaine public mobilier. En effet, les actions en revendication et en nullité des biens appartenant au domaine public sont aujourd'hui soumises à des régimes juridiques différents selon qu'il s'agit de revendiquer une archive publique (article L.212-1 du code du patrimoine introduit par la loi n°2008-696 du 15 juillet 2008), un objet mobilier classé perdu ou volé (article L.622-17 du code du patrimoine issu de la loi du 31 décembre 1913), un bien archéologique, un bien d'une collection publique ou autre (aucun régime spécifique dans le code du patrimoine). Cette disparité de régimes au sein du code du patrimoine n'est pas justifiée et est source de confusion pour les administrés et, notamment, pour le marché de l'art.
En conséquence, il est apparu nécessaire de créer un droit commun au sein du livre I, d’adapter les dispositions existantes pour les seules archives publiques au sein du livre II et de modifier l'article L.622-17 du code du patrimoine.
L’article L.622-17 reprend le dernier alinéa de l'article 20 de la loi du 31 décembre 1913, dans sa version d'origine, lequel prévoit que l'acquéreur ou le sous-acquéreur de bonne foi d'un objet mobilier classé perdu ou volé a droit au remboursement de son prix d'acquisition, charge au ministre « des beaux-arts » de demander au vendeur originaire le remboursement de cette indemnité. Or, les objets mobiliers classés appartenant à une personne publique relevant systématiquement du régime de domanialité publique en application du 6° de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ce droit au remboursement diverge du principe de non-indemnisation du détenteur évincé qui prévaut en matière de revendication des biens perdus ou volés appartenant au domaine public.
Une telle différence de traitement pénalise les personnes publiques propriétaires d'objets mobiliers classés perdus ou volés par rapport à celles qui sont propriétaires d'objets mobiliers simplement inscrits ou non protégés du domaine public ayant subi le même sort. En effet, alors que plusieurs personnes publiques ont obtenu la restitution de biens culturels appartenant à leur domaine public sans avoir versé de contrepartie financière au détenteur évincé en raison de l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité de l'objet litigieux42, une collectivité territoriale a été condamnée au paiement du montant du prix d'acquisition d'une statue du fait de son classement au titre des monuments historiques43.
L’harmonisation du droit de la revendication implique donc une modification de l’article L.622-17, afin de dispenser l'Etat du remboursement de la somme acquittée par le propriétaire évincé.
Enfin, le renforcement des moyens d'action à disposition de l'ensemble des propriétaires de biens du domaine public mobilier lorsque ceux-ci se trouvent entre les mains des personnes privées nécessite la création corrélative de nouvelles sanctions au sein du livre I du code de patrimoine.
Le premier alinéa de l'article L.112-22 entend étendre à l'ensemble de biens culturels, le droit existant depuis 2008 pour les archives publiques en matière d'action en revendication et en nullité de la vente (article L.212-1 du code du patrimoine introduit par la loi n°2008-696 du 15 juillet 2008), afin d'avoir un seul régime harmonisé au sein du code du patrimoine. Il permet à la personne publique propriétaire d'agir directement en revendication sans saisir le service France Domaine. Cette compétence non exclusive en faveur du propriétaire public a démontré son efficacité à l'occasion de plusieurs contentieux judiciaires qui ont permis à l’État de récupérer des manuscrits du Maréchal Pétain (T.Com. de Tarbes,11 juillet 2011, et CA Pau, 28 mars 2013) et, plus récemment, 313 brouillons de télégrammes du général de Gaulle (TGI Paris, 20 novembre 2013).
La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L.112-22 permet au ministère chargé de la culture de jouer son rôle de protecteur du patrimoine culturel public, en l'autorisant à se substituer à un propriétaire public défaillant au nom de l'intérêt public.
La possibilité pour le ministère chargé de la culture d'enjoindre au vendeur de suspendre la vente, telle que prévue au troisième alinéa de l'article L.112-22, a pour objet de lui permettre de s'assurer de la domanialité publique des biens identifiés avant d'engager les procédures administratives et judiciaires pour les revendiquer.
Les articles L.212-1 et L.214-5 sont adaptés à la suite de la création des articles L.112-22 et L.114-2-1 lesquels reprennent les mesures afin de les rendre applicables à l'ensemble de biens culturels du domaine public mobilier.
L'abrogation du dernier alinéa de l'article L.622-17 vise à replacer les objets mobiliers classés dans le droit commun de la revendication des biens culturels appartenant au domaine public des personnes publiques. L'objectif est d'étendre aux objets mobiliers classés au titre des monuments historiques appartenant au domaine public de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics le bénéfice du principe de non-indemnisation du détenteur évincé qui prévaut pour les objets mobiliers inscrits ainsi que pour les autres biens culturels mobiliers appartenant au domaine public.
Une sanction administrative est créée à l’article L.114-1-2 afin de prévenir et réprimer le manquement par un vendeur à son obligation de suspendre une vente pendant le délai nécessaire à la vérification de l’appartenance d’un bien au domaine public mobilier à la suite de l’injonction adressée par le ministère chargé de la culture en vertu du second alinéa de l’article L.112-22.
La sanction pénale créée à l'article L.114-2-1 reprend celle originellement prévue à l'article L.214-5 pour les seules archives publiques afin d'étendre la portée de l'infraction à l'ensemble de biens culturels du domaine public mobilier et les archives publiques qui n'appartiennent pas à une personne publique. Elle entend réprimer le comportement dilatoire des personnes détentrices sans droit ni titre des biens culturels appartenant au domaine public qui s'opposent à leur restitution.
Impact juridique :
Le premier alinéa de l'article L.112-22 prévoit la possibilité pour le département ministériel affectataire d'agir directement en revendication sans déroger pour autant à la compétence de France Domaine qui demeure chargé de représenter l’État lors des litiges portant sur le droit de propriété de ses biens (articles R.2331-1 et R.2331-2 du code général de la propriété des personnes publiques). Cette compétence, non exclusive de celle du service des domaines, qui existe en matière de revendication d'archives publiques depuis 2008 (troisième alinéa de l'article L.212-1 du code du patrimoine) s'est avérée très efficace.
Le pouvoir de suspendre la vente le temps d'un examen sera concurrent, lorsqu'il s'agira d'une vente publique, au pouvoir personnel de suspension provisoire dont dispose le président du conseil des ventes volontaires saisi par le commissaire du Gouvernement en application du quatrième alinéa de l'article L.321-22 du code de commerce. Il apparaît cependant utile pour le ministère de pouvoir en disposer de manière strictement encadrée, notamment pour les cas d'urgence.
Par ailleurs, dans la mesure où le nouvel article L.112-22 entend permettre à toute personne publique propriétaire d'agir directement en revendication sans saisir le service France Domaine, les mots « Le propriétaire du document » sont supprimés au 3° alinéa de l'article L.212-1.
De même, le premier alinéa de l'article L.214-5 est abrogé dès lors que la sanction pénale qu'il prévoit est reprise à l'article L.114-2-1, et ce, afin qu'elle soit applicable à l'ensemble de biens culturels relevant du domaine public mobilier.
L'abrogation du dernier alinéa de l'article L.622-17 aura pour effet de replacer les objets mobiliers classés perdus ou volés appartenant à une personne publique dans le droit commun de la revendication des biens culturels mobiliers du domaine public pour ce qui concerne le principe de non-indemnisation du détenteur évincé.
Le dispositif gagnera en cohérence dans la mesure où le principe de non-indemnisation sera applicable à tout détenteur évincé d'un bien appartenant au domaine public, indépendamment de la typologie du bien culturel perdu ou volé.
Impact économique et financier :
Le premier alinéa de l'article L.112-22 n'impliquera pas de charge financière nouvelle pour le département ministériel affectataire du bien revendiqué dans la mesure où les frais de justice (notamment la représentation par un avocat et les expertises) sont déjà pris en charge par ce dernier lorsque France domaine agit.
La faculté pour le ministre chargé de la culture de se substituer au propriétaire public défaillant impliquera, le cas échéant, une dépense nouvelle, mais qui sera maîtrisée dans la mesure où le ministère entend agir de manière exceptionnelle au regard de l'intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, architectural, ethnologique, scientifique ou technique de l'objet, lequel sera apprécié strictement au cas par cas. Surtout, l'ensemble du dispositif proposé aux articles L.112-22 et L.112-23 tend à ce que l'engagement d'une action judiciaire soit le dernier recours.
La possibilité d'enjoindre au vendeur de suspendre la vente pendant le délai nécessaire à la vérification de l’appartenance du bien au domaine public mobilier, prévue au second alinéa de l'article L.112-22, permettra d'optimiser les actions en justice puisqu’elles seront engagées sur la base de certitudes établies. Ainsi le nombre des contentieux sera sensiblement réduit et, partant, les crédits alloués par le ministère chargé de la culture aux actions en justice également.
La capacité pour le département ministériel affectataire d'agir directement en revendication sans saisir France Domaine induira une rationalisation des moyens administratifs des services de l’État. Les contentieux engagés ces dix dernières années ont mis en évidence que l'enjeu principal de ces procédures consiste à démontrer que les biens litigieux sont bien inventoriés dans les collections publiques ou sont classés ou inscrits au titre des monuments historiques. De ce fait, l'intervention systématique du service France Domaine dans ce type des litiges ne se justifie pas. Par ailleurs, l'adoption du premier alinéa de l'article L.112-22 n'augmentera pas la charge de travail des services du ministère chargé de la culture dans la mesure où ils fournissent déjà les éléments de fond nécessaires aux procédures engagées par les avocats mandatés par France Domaine.
La possibilité pour le ministre chargé de la culture d'enjoindre au vendeur de suspendre la vente, prévue au second alinéa de l'article L.112-22, permettra aux agents du ministère de disposer du temps nécessaire pour vérifier l’appartenance du bien au domaine public mobilier, le délai étant fixé par décret en Conseil d’État,
L'abrogation du dernier alinéa de l'article L.622-17 n'impliquera pas de charge financière nouvelle pour les personnes publiques propriétaires des biens mobiliers volés ou perdus. Au contraire, cette proposition entend supprimer cette contrepartie financière prévue depuis 1913 en faveur de seuls détenteurs de biens mobiliers classés au titre des monuments historiques alors que rien ne justifie de les distinguer des détenteurs d'autres types de biens mobiliers appartenant au domaine public. Les personnes publiques propriétaires d'objets mobiliers classés perdus ou volés ne seront plus pénalisées financièrement par rapport à celles qui sont propriétaires d'objets mobiliers inscrits ou d'autres objets mobiliers du domaine public ayant subi le même sort.
Cette mesure évitera également que le budget de l’État soit utilisé pour compenser les sommes que les communes sont appelées à verser à titre d'indemnité aux acquéreurs de bonne foi (cf. affaire de la Vierge à l'Enfant de Saint-Gervasy présentée ci-dessus).
Impact sur le fonctionnement de la justice :
Le fait que le département ministériel affectataire puisse agir directement en revendication sans saisir France Domaine n'aura pas d’impact sur le fonctionnement de la justice.
En revanche, le pouvoir du ministère chargé de la culture d'enjoindre au vendeur de suspendre la vente pendant le délai nécessaire à la vérification de la domanialité publique des biens, favorisera l'engagement d'actions en justice fondées. Il évitera aussi que les biens susceptibles d'appartenir au domaine public soient mis en vente et dispersés, obligeant le propriétaire public à assigner en justice plusieurs acquéreurs (à titre d'exemple, le refus en 2008 d'un commissaire-priseur de suspendre la vente de plusieurs manuscrits du Maréchal Pétain malgré la demande du ministère et du commissaire du Gouvernement près le conseil des ventes volontaires a obligé l’État à engager des actions en justice séparées, dont l'une au Luxembourg).
En outre, le renforcement des moyens d'action des personnes publiques propriétaires devrait inciter les acteurs du marché de l'art à encore mieux s'assurer de la licéité de l'origine de propriété des biens, ce qui devrait avoir pour conséquence in fine de réduire les contentieux.
De manière générale, l'application cohérente, notamment par abrogation du dernier alinéa de l’article L.622-17, du principe de non-indemnisation du détenteur d'un bien appartenant au domaine public incitera les acquéreurs des biens culturels à mieux s'assurer de la licéité de l'origine de propriété des biens qu'ils acquièrent, ce qui devrait avoir pour conséquence in fine de réduire les contentieux.
Impact sur les collectivités territoriales :
La dernière phrase du premier alinéa de l'article L.112-22 permettra aux collectivités territoriales ne disposant pas des moyens techniques et financiers pour engager les démarches nécessaires pour agir en revendication ou en nullité de bénéficier de l'aide du ministère chargé de la culture. Son aide est déjà très fréquemment sollicitée par des propriétaires publics, notamment des communes, dans ce type d'affaires, et les services patrimoniaux du ministère les informent sur le droit applicable, les conseillent sur les procédures pouvant être engagées et parfois même intercèdent pour eux ou appuient leurs actions. Cette possibilité pour le ministère chargé de la culture d'agir en lieu et place de la collectivité territoriale défaillante sera exercée de manière exceptionnelle, au nom de l'intérêt public, sans heurter le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Avec l’abrogation du dernier alinéa de l’article L.622-17, les collectivités territoriales, notamment les petites communes, pourront plus facilement récupérer les objets classés qui leur ont été volés (le cas des objets classés « perdus » étant largement un cas d'école) sans être astreintes à des dépenses qui peuvent s'avérer considérables pour leur budget.
Ces nouvelles dispositions exigent l'adoption d'un décret en Conseil d’État qui précisera notamment le délai dont dispose la personne publique pour identifier formellement la domanialité publique du bien identifié (second alinéa de l'article L.112-22).
2.1.7.2. Favoriser la restitution volontaire des biens
Les détenteurs de biens appartenant à des personnes publiques, même mis formellement en demeure de les restituer, refusent souvent de les rendre volontairement. Ce comportement s’explique par le fait que la restitution n'est pas suivie d’une contrepartie financière de la part du propriétaire public originaire (en raison de l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité des biens du domaine public) et par crainte de ne pas obtenir le remboursement du prix d'achat et des dépenses par le vendeur au titre de la garantie d'éviction du droit commun. Cette situation oblige le propriétaire public à agir en revendication devant la justice afin de faire valoir ses droits alors même que le détenteur pourrait volontairement restituer le bien puis agir contre son vendeur en garantie d'éviction sur la base du trouble actuel et certain occasionné par la mise en demeure adressée par le propriétaire public.
L'article L.112-23 consacre dans la loi la jurisprudence en matière civile qui permet à l'acquéreur de bonne foi d'un bien appartenant au domaine public d'agir en garantie d'éviction contre le vendeur après mise en demeure par la personne publique propriétaire. Cette mesure favorisera la restitution amiable, ce qui aura pour effet de réduire le nombre d'actions en revendication, en donnant un fondement juridique lisible et clair à l'action que l'acquéreur évincé de bonne foi peut engager contre son vendeur pour recouvrer le prix payé, les frais engagés, ainsi que les éventuels dommages et intérêts.
Cette nouvelle disposition prévoit par ailleurs l’information du vendeur avant la restitution volontaire par l’acheteur. Cette information lui permettra de défendre la validité du titre de propriété du bien culturel s'il considère qu'il l'a valablement transféré à l'acquéreur et entend contester la mise en demeure.
Impact juridique :
Cette disposition précise à partir de quel moment le trouble du droit de l'acquéreur de bonne foi d'un bien appartenant au domaine public est considéré comme étant « actuel », par opposition à « éventuel », permettant à l'acquéreur d'exiger de son vendeur la garantie d'éviction dont il dispose selon le droit commun (article 1626 du code civil). Elle consacre, uniquement pour ce qui concerne les biens mobiliers appartenant au domaine public, la règle en matière civile selon laquelle pour que le trouble soit actuel, il faut que le tiers ait manifesté clairement son intention de faire valoir son droit sur la chose et de contester celui de l'acheteur. Dans ce sens, l'article L.112-23 spécifie que la mise en demeure de restituer le bien adressée par le propriétaire public constitue un trouble actuel du droit de l'acquéreur de bonne foi qui peut alors restituer le bien volontairement et agir en garantie d'éviction contre son vendeur, sans se voir opposer par ce dernier l'éventualité de l'éviction.
La dernière phrase de cette disposition garantit au vendeur la possibilité de prouver, avant la restitution volontaire du bien au propriétaire originaire, qu'il existe des moyens suffisants pour réfuter les arguments de la personne publique.
Impact économique et financier :
Cette nouvelle disposition favorisera la restitution volontaire des biens appartenant au domaine public par les acquéreurs de bonne foi dans la mesure où ils seront rassurés sur le fait qu'ils pourront agir en garantie d'éviction contre leur vendeur pour recouvrer le prix payé, les frais engagés, ainsi que les éventuels dommages et intérêts après la mise en demeure adressée par la personne publique, sans attendre que cette dernière l'assigne en justice.
Favoriser la restitution volontaire des biens par les acquéreurs permettra de réduire les contentieux devant la juridiction judiciaire et par conséquent les coûts de représentation de l'administration devant les tribunaux.
Impact administratif :
Cette disposition n'impliquera pas une charge de travail supplémentaire pour les services du ministère chargé de la culture. Au contraire, favoriser les restitutions volontaires des biens appartenant au domaine public en facilitant la mise en œuvre de la garantie d'éviction permettra de consacrer moins de temps de travail à l’engagement et au suivi des procédures judiciaires.
Impact sur le fonctionnement de la justice :
La restitution volontaire des biens relevant du domaine public permettra de limiter les actions en justice portées par les personnes publiques devant les tribunaux.
Préciser la réalité de l'éviction et faciliter l'action en garantie d’éviction dont dispose l'acquéreur évincé ne devraient pas avoir pour effet une augmentation très forte des actions devant la justice dans la mesure où les vendeurs, qui n'ont pas été diligents au moment de la vente, n'auront pas intérêt à se laisser assigner en justice et auront l'opportunité de négocier le remboursement des frais lorsque l'acquéreur les aura saisis.
En somme, cette disposition devrait avoir pour effet de limiter le nombre des actions en revendication ou en nullité portées devant la justice, sans pour autant impliquer un accroissement corrélatif des actions judiciaires en garantie d'éviction, les acteurs du marché de l'art préférant s'arranger à l'amiable avec leurs clients dans de tels cas.
Impact sur les collectivités territoriales :
Les collectivités territoriales propriétaires des biens culturels appartenant à leur domaine public tireront les mêmes bénéfices de ces dispositions que les services de l’État.
Ces nouvelles dispositions nécessitent l'adoption d'un décret en Conseil d’État qui précisera notamment le délai dont dispose le vendeur pour défendre la validité du titre de propriété qu'il considère avoir transmis à l'acquéreur du bien avant que ce dernier le restitue volontairement.
2.1.8. Mesure 21 : Assouplir les modalités de transfert des biens culturels entre services culturels des personnes publiques (Article 30, I, 1°, e)
La direction générale des patrimoines est confrontée de manière récurrente au besoin exprimé par les personnes publiques, ministères compris, de transférer la propriété de biens mobiliers culturels appartenant à leur domaine public à titre gratuit pour un motif d’intérêt général.
En l’état du droit positif, le transfert de propriété des biens culturels mobiliers entre personnes publiques, sans déclassement préalable, est soumis à l’article L.3112-1 du CG3P. France domaine, interrogé sur la possibilité de réaliser ces transferts à titre gratuit ou à vil prix en considération de l’intérêt général et d’autres contreparties financières liées à la prise en charge des objets (frais de surveillance, d’entretien, de restauration et d’étude) répond avec constance que les opérations de cession au titre de l’article L.3112-1 du CG3P doivent être réalisées sur la base de la valeur vénale des biens mobiliers transférés pour être régulières.
Le Conseil d’État admet quant à lui que pour la détermination du prix de cession, il puisse être tenu compte des charges liées aux biens cédés ainsi que des contreparties accordées entre les parties (CE, 28 février 2007, Commune de Bourisp et CE, 15 mai 2012, Hayart).
En droit du patrimoine, il existe déjà deux dérogations à l’article L.3112-1 du CG3P permettant le transfert à titre gratuit de biens culturels entre personnes publiques :
- en droit des musées, l’article L.451-8 autorise le transfert à titre gratuit de la propriété de tout ou partie des collections d’un musée de France entre deux personnes publiques si la personne publique bénéficiaire du transfert s’engage à en maintenir l’affectation à un musée de France. Cette disposition est issue de la loi n°2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.
- en droit de l’archéologie, l’article L.523-14 autorise le transfert à titre gratuit du mobilier archéologique appartenant à l’État issu de fouilles d’archéologie préventive mais seulement au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle ils ont été découverts et dès lors qu’elle s’engage à en assurer la bonne conservation. Issue de la loi du 1er août 2003 relative à l’archéologie préventive, cette mesure a pour origine un amendement parlementaire présenté par la commission des affaires culturelles du Sénat dans le souci de permettre aux communes de bénéficier des découvertes réalisées sur leur territoire (JO Débats, Sénat, séance du 17 juin 2003).
En dehors de ces deux cas, les transferts de propriété de biens du domaine public entre personnes publiques, sans déclassement préalable, devraient donc être réalisés à la valeur vénale des biens transférés. Quelques cas difficiles, voire impossibles à régler en vertu de cette législation ont démontré ces dernières années le besoin d’élargir la possibilité de transfert entre services culturels des personnes publiques à titre gratuit à tous les biens culturels mobiliers lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie.
Corrélativement à cette mesure, le projet de loi prévoit la possibilité pour l’État de transférer à titre gratuit des biens archéologiques à toute personne publique s’engageant à en assurer la conservation et l’accessibilité sous le contrôle scientifique et technique des services chargés de l’archéologie (article L.541-3 proposé).
Il s’avère nécessaire de prévoir au plan législatif une mesure permettant de solutionner les situations complexes rencontrées, en autorisant des transferts de propriété à titre gratuit des biens culturels publics au-delà de les seules possibilités existant actuellement entre musées de France et en matière de mobilier archéologique.
De ce fait, la mesure proposée a pour objectif d’assouplir les modalités relatives aux transferts de propriété des biens culturels mobiliers entre services culturels des personnes publiques afin de permettre essentiellement leur réalisation à titre gratuit, au-delà des deux possibilités existant actuellement au sein du code du patrimoine.
Par ailleurs, elle s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la politique conduite en faveur de la suppression des contraintes pesant sur les collectivités territoriales dans la mesure où l’idée qui la sous-tend est de faciliter la gestion des services publics culturels en apportant une solution là où le droit en vigueur fait obstacle.
Cette mesure pourrait s’avérer particulièrement utile dans la perspective de l’entrée en vigueur de la loi NOTRE qui devrait conduire à des recompositions des collectivités territoriales et à la création de nouvelles intercommunalités susceptibles de nécessiter le transfert de biens culturels mobiliers.
En matière d'impacts juridiques, la possibilité prévue sera articulée avec l’article L. 3112-1 du CG3P et prévoira une procédure de validation de ces transferts. En ce qui concerne les musées de France, il est envisagé d’élargir le rôle du Haut Conseil des musées de France qui pourrait devenir compétent pour approuver les transferts de propriété à titre gratuit de collections publiques vers un musée de France ou simultanément au retrait de l’appellation musée de France vers le domaine public d’une autre personne publique.
D'un point de vue économique et financier, la possibilité élargie de transferts de propriété à titre gratuit sera protectrice des finances publiques puisqu’elle permettra la meilleure conservation des biens mobiliers présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique en enrichissant, sans coût, le domaine public de la personne publique la mieux placée pour s’en charger.
Selon les procédures mises en place, les impacts administratifs pourront entraîner un supplément de dossiers à traiter par l’administration centrale, notamment pour le Haut Conseil des musées de France, mais cette charge administrative nouvelle devrait rester modérée et pourra être absorbée par les services du ministère de la culture et de la communication.
L’impact sur les collectivités territoriales est positif dans la mesure où, dans le cadre d’une démarche de valorisation du développement social et économique de leurs territoires, elles pourront enrichir leur domaine public sans dépenser des deniers publics qu’elles devront consacrer à la conservation, la restauration et la valorisation des biens culturels mobiliers transférés.
2.1.8.4. Modalités d’application
Cette nouvelle mesure ne nécessite pas forcément l’adoption des dispositions réglementaires. Si dans l’état actuel du droit, l’article R. 523-68 (issu du décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 relatif aux procédures administratives et financières en matière d’archéologie préventive) fixe la procédure à suivre par les collectivités territoriales souhaitant bénéficier du transfert gratuit en matière d’archéologie préventive prévu par l’article L. 523-14, l’article L. 451-8 relatif au transfert gratuit entre musées de France n’a pas, quant à lui, de modalités d’application au niveau réglementaire.
2.1.9. Mesure 22 : La protection et la conservation des collections d’art contemporain (Article 18 ; articles L. 116-1 et L. 116-2 du code du patrimoine)
Les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) sont des institutions créées par la circulaire du 3 septembre 1982 du ministre chargé de la culture, et sont actuellement régies par la circulaire du 28 février 2002 qui précise notamment les modalités de gestion des collections d’œuvres d'art acquises par les FRAC.
La double mission des FRAC consiste en la constitution d'un patrimoine d'art contemporain dans chaque région et sa présentation aux publics les plus larges au moyen de prêts et dépôts des œuvres hors les murs, particulièrement dans des lieux non dédiés à la culture. Elle implique l'acquisition d’œuvres d'artistes vivants, représentatives des orientations les plus actuelles de la création. Le Fonds s’inscrit dans le territoire régional, mais son action a également une portée nationale et internationale. L’institution est financée par l’État et le conseil régional sur le territoire duquel le FRAC est implanté.
Le patrimoine d’œuvres d'art contemporain réuni par les FRAC représente 25 000 œuvres fin 2013. Il a vocation à s'enrichir régulièrement. Ensemble, les œuvres des FRAC constituent la troisième collection acquise avec l'appui des pouvoirs publics, après celles du Centre national des arts plastiques (47 700 œuvres postérieures à 1960 représentant 8 500 artistes) et du Musée national d’art moderne - Centre national d’art et de culture Georges Pompidou (29 300 œuvres postérieures à 1960 représentant 3 700 artistes).
Ce patrimoine envié et souvent emprunté par les grandes institutions en France et à l'étranger permet à chaque région de disposer d’une offre artistique exceptionnelle, témoignant de la création contemporaine dans toute sa diversité. Au-delà de sa valeur artistique, la valeur comptable des œuvres atteint, fin 2012, à 90 M€ (valeur d’achat des œuvres) et peut être estimée, en valeur marché, à deux fois et demi la valeur comptable, soit 135 M€.
A ce jour, il existe 23 Fonds régionaux d'art contemporain : un dans chaque région de métropole et un à la Réunion. Les FRAC sont majoritairement constitués sous la forme associative régie par la loi du 1er juillet 1901. Toutefois, certains FRAC ont un statut de droit public : celui de Franche-Comté est une régie régionale ; le FRAC de Midi-Pyrénées déploie ses activités au sein d'un syndicat mixte constitué par la région et la ville de Toulouse ; les FRAC de Bretagne et de la Réunion sont quant à eux des établissements publics de coopération culturelle.
Les missions exercées par les FRAC portent un projet d’intérêt général, encouragé par l’Etat et les collectivités territoriales par une aide financière à l’acquisition des œuvres destinées à enrichir les fonds.
Compte tenu de ce mode de financement, il importe depuis longtemps au ministère de la culture et de la communication que le statut de ces œuvres soit sécurisé, afin de garantir la pérennité de ces collections acquises exclusivement avec des fonds publics.
Il importe donc qu'elles empruntent les caractéristiques des collections publiques, en étant aussi sécurisées que possible.
Les collections appartenant à des personnes morales de droit public bénéficient en effet du régime protecteur de la domanialité publique.
Il n’en est pas de même des œuvres acquises par des personnes morales de droit privé, qui constituent la majorité des FRAC. Aussi, le ministère chargé de la culture a encouragé, par voie d’instruction, les FRAC privés à prévoir dans leur statut respectif une clause spécifique prescrivant l'incessibilité des œuvres constituant la collection.
A ce jour, la grande majorité des statuts des FRAC sous statut de droit privé comprennent une telle disposition. Néanmoins, compte tenu des risques de modifications statutaires à l’initiative de ces institutions, il apparaît nécessaire de renforcer cette obligation, en lui donnant une force législative.
Cet article a pour objet de fournir un cadre juridique à l'identification et à la sécurisation des collections d'art contemporain en créant une appellation pour ces collections.
L'objectif de cette mesure est double :
Il est d'abord de donner une base légale à l'existence des FRAC et ainsi de les ancrer durablement, trente ans après leur création, dans le paysage culturel français et de marquer la spécificité de leur collection. Il formalise ainsi le rôle structurant de l’État dans le domaine de l'art contemporain au moyen d'une appellation FRAC qui sera délivrée dans chaque région par décision du ministre chargé de la culture.
Il est ensuite de garantir l’affectation des œuvres à la présentation du public, mission d’intérêt général qui justifie l’aide publique à l’acquisition.
La disposition proposée ajoute ainsi au livre I du code du Patrimoine un titre VI intitulé « Les Fonds régionaux d'art contemporain » composé de deux articles nouveaux fixant le régime de l’appellation.
L'article L.116-1 fixe les conditions d'attribution de l’appellation « FRAC », afin de marquer la spécificité de leurs collections notamment :
- leur acquisition effectuée, sauf exception, du vivant de l'artiste, avec des concours publics et sur proposition d'une instance composée de personnalités qualifiées dans le domaine de l'art contemporain, ou par dons et legs,
- leur caractère représentatif de la création contemporaine française et étrangère dans le domaine des arts plastiques et des arts appliqués,
- leur présentation habituelle au public, dans et hors les murs, notamment en des lieux non dédiés à l'art,
- les actions de médiation et d'éducation artistique et culturelle en direction des publics dont elles sont l’objet,
- leur inscription sur un inventaire.
L'article L.116-2 prévoit que l'appellation sera délivrée par décision du ministre chargé de la culture. Son attribution sera conditionnée à l’insertion, par les personnes morales de droit privé bénéficiant de l’appellation, de clauses statutaires limitant la possibilité de cession de leurs collections acquises avec le concours public.
Ainsi, les statuts devront obligatoirement contenir des clauses prévoyant l'affectation irrévocable à la présentation au public des biens acquis par dons et legs, ou avec le concours de l’État ou d'une collectivité territoriale. Ces biens ne pourront être cédés, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seraient engagées, au préalable, à maintenir l'affectation de ces biens à la présentation au public. La cession ne pourrait intervenir qu'après approbation de l'autorité administrative après avis de la Commission scientifique nationale des collections prévue à l’article
Cette disposition s’inspire directement de la rédaction retenue par l’article L. 451-10 pour les cessions des collections privées des musées de France.
Des alternatives ont été envisagées, mais elles apparaissent à l'examen impraticable :
1 / Le statut d'établissement public de coopération culturelle (EPCC)
Ce statut a été privilégié dans le cas où les collectivités territoriales en feraient la demande.44 Pour autant, imposer la transformation de tous les FRAC en EPCC n’est pas envisageable au regard du coût budgétaire que représente le passage en EPCC évalué à environ 20 % (recrutement de compétences, de gestion des ressources humaines, comptabilité publique,45 …). En outre, le régime EPCC ne semble pas en rapport avec la taille moyenne de ces organismes, qui mobilisent généralement une équipe de 8 ETP. Il induirait un formalisme et une surcharge de gestion qui viendrait inévitablement réduire la marge artistique des FRAC et leur réactivité.
Enfin il nécessiterait que cet objectif soit partagé par la gouvernance de ces organismes. C’est pourquoi le ministère a écarté l’idée de procéder à une harmonisation des statuts des FRAC, laissant à leur gouvernance, en liaison avec les régions et les DRAC, le choix de la structure juridique la mieux adaptée.
2/ Le transfert des collections aux collectivités territoriales
Un tel transfert serait, en théorie, envisageable à l'initiative des FRAC, propriétaires des collections. Il aurait toutefois pour effet d'entraîner une disparité entre les fonds selon leur politique d'acquisition et de diffusion et ainsi de menacer l'homogénéité du réseau qu'ils constituent. De surcroît, il est vraisemblable que les régions n'accepteraient pas unanimement cette solution dans le contexte budgétaire actuel.
Dès lors, la question de la pérennité de ces institutions et de leur rôle se poserait.
Elle reviendrait à considérer que les œuvres acquises par les FRAC le sont pour le compte des collectivités publiques, sont propriétés publiques et relèvent du régime protecteur de la domanialité publique. Néanmoins, cette solution emporterait notamment les conséquences suivantes :
- La contractualisation des liens entre les personnes publiques (Etat – Région) et les FRAC qui seront alors en charge d’une mission de service public (délégation de service public), ce qui a pour effet de remettre en cause le fonctionnement existant des FRAC, et nécessiterait des mesures transitoires pour sa mise en œuvre ;
- Le dispositif ne vaudra que pour l’avenir, et ne règlerait pas la difficulté des collections d’ores et déjà constituées ;
- Il nécessiterait une modification du dernier alinéa de l’article L. 115-1, pour supprimer la faculté des FRAC privés de consulter la commission « têtes maories », qui n’aurait plus lieu d’être pour l’avenir.
3/ Conférer le label « musées de France » aux FRAC
La loi de janvier 2002 relative aux musées de France a institué l’appellation “musée de France”, appellation qui emporte plusieurs prérogatives et obligations pour les musées qui en sont les bénéficiaires, notamment au regard du statut de leurs collections.
A cet égard, une option aurait pu être d’étendre le régime applicable aux collections des musées de France aux collections des FRAC.
Néanmoins, cette option n'est pas envisageable à court terme dans la mesure où plusieurs effets de cette appellation s'avèrent incompatibles avec les modes actuels de gestion des FRAC.
Les activités scientifiques des musées de France doivent être assurées sous la responsabilité de professionnels présentant des qualifications conformes au statut de conservateur. Or la direction des FRAC est traditionnellement exercée par des professionnels de l'art contemporain qui n'appartiennent pas à ce corps de fonctionnaires.
Quant aux modalités d'acquisition, seule la commission nationale scientifique et les commissions scientifiques régionales sont compétentes en matière d'acquisitions des biens des musées de France. Or, chaque FRAC dispose d’une commission d’acquisition prévue par la circulaire du 28 février 2002 susmentionnée.
En outre, les conditions de prêts et dépôts applicables aux biens constituant les collections des musées de France sont incompatibles avec les modalités actuelles, beaucoup plus souples, de circulation des œuvres des FRAC.
Telles sont les raisons ayant conduit à écarter ces alternatives au profit de l'inscription, dans la loi, d'une appellation ad hoc intégrant les caractéristiques propres à la circulation des collections des FRAC.
Impacts généraux
Ce cadre législatif est nécessaire pour garantir l’enrichissement du patrimoine d’œuvres d'art contemporain et la pérennité de sa présentation au public. Il est de ce fait très attendu par les acteurs de l'art contemporain, notamment en région.
La création par la loi d'une appellation unique, délivrée par le ministre chargé de la culture et subordonnée au respect d'un cahier des charges, permettra de garantir l'homogénéité du réseau des FRAC.
Elle permettra aussi d'assurer l'harmonisation des modalités d'enrichissement et de présentation au public des collections d'art contemporain subventionnées par l’État et les collectivités territoriales.
Elle garantira l'affectation irrévocable des biens acquis par dons et legs ou avec le concours de l’État ou d'une collectivité territoriale à la présentation au public, tout en ménageant la possibilité de leur cession, à titre gratuit ou onéreux, aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seraient engagées, au préalable, à maintenir l'affectation de ces biens à la présentation au public. La cession ne pourra alors intervenir qu'après approbation de l'autorité administrative après avis de la Commission scientifique nationale des collections.
Impact budgétaire
La création de l'appellation FRAC est sans conséquence budgétaire.
2.1.9.4. Modalités d’application
Les modalités d'attribution et de retrait de l'appellation ainsi créée par la loi, ainsi que les conditions de conservation et de présentation au public des œuvres concernées seront précisées ultérieurement par un décret en Conseil d'Etat.
L'article 34 du projet de loi prévoit une mesure transitoire d’application de la loi aux termes de laquelle les organismes créés sous la dénomination de « fonds régional d'art contemporain » avant l'entrée en vigueur de la présente loi bénéficient de l'appellation pendant un délai de cinq ans à compter de cette date.
Mesures 23 et 24 : Musées de France
2.1.10. Mesure 23 : Améliorer et renforcer le contrôle scientifique et technique sur les musées de France (Article 19 ; L. 452-1, L. 452-2 (modification) et L. 452-2-1 (nouvel article) du code du patrimoine
Après l'avancée représentée par la loi relative aux musées de France de 200246, il apparaissait important de compléter en les renforçant les outils du contrôle scientifique et technique sur les musées de France. Le législateur avait souhaité initialement un cadre incitatif : une pratique d'une décennie a montré toute sa pertinence mais aussi la nécessité de mieux l'encadrer encore, voire de le renforcer sur certains points.
Le projet scientifique et culturel (PSC) est un document de constat, de perspectives et d'orientation qui a montré, pour les musées qui se sont livrés à cet exercice, l'étendue de son rôle structurant tant, en interne, pour les équipes des musées que pour les tutelles de ces musées et/ou propriétaires des collections. Les modalités d'approbation du PSC par l'Etat en font un outil précieux dans son dialogue avec les collectivités territoriales propriétaires de collections de musées de France.
Conformément à la loi relative aux musées de France susmentionnée, désormais intégrée au code du patrimoine, les projets de restauration portant sur les biens des collections des musées de France sont soumis, pour examen et avis, aux commissions scientifiques régionales ou inter-régionales des collections des musées de France compétentes dans ce domaine, dans lesquelles l'Etat est représenté par le conseiller pour les musées de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et par un membre du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF).
A la lumière de certains cas récents, il est apparu que l'avis défavorable de la commission ou les prescriptions qu'elle émettait n'étaient pas toujours suivis par les propriétaires des collections, ce qui pouvait entraîner un risque de dégradation des biens concernés. En conséquence, une possibilité de mieux contrôler l'exécution de ces projets de restauration semble nécessaire.
Enfin, le cadre juridique des musées de France ne prévoyant pas de réponse coercitive à certains problèmes en cas de risques de dégradation de biens, ni de procédure pour y remédier, il semble nécessaire de prévoir un meilleur contrôle de l'exécution des projets de restauration. Il est donc prévu d'assortir le pouvoir de prescription de l'Etat d'un « droit de suite » et de créer des niveaux de réponse gradués, en amont de la procédure de péril, en cas de non-respect de leurs obligations par les musées de France.
2.1.10.2. Objectifs poursuivis
- Renforcer le contrôle scientifique et technique de l'Etat sur la restauration des biens des collections des musées de France
Pour éviter la mise en danger des biens, la modification de l'article L. 452-1 vise à permettre au ministre chargé de la culture, en cas de constat de non-respect de l'avis défavorable ou des prescriptions de la commission scientifique régionale des collections des musées de France, de faire arrêter les interventions et de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la préservation des biens concernés.
- Mise en demeure d'un propriétaire de collections des musées de France défaillant et introduction d'une procédure de travaux d'office
L'objectif est de créer, sur le modèle du dispositif existant pour les monuments historiques, la possibilité pour l'Etat de mettre en demeure un propriétaire défaillant, en cas de problème concernant la conservation, la sécurité ou la sûreté, ainsi qu'une procédure de travaux d’office.
Si la conservation d'un bien est compromise par l'inexécution de travaux de restauration, d'entretien ou de conservation, l'Etat peut, sur décision motivée, faire procéder aux travaux nécessaires et imposer le délai de réalisation, avec une participation minimale de 50 % aux frais.
La créance ainsi née au profit de l’Etat sera recouvrée aux échéances fixées par l’autorité administrative qui pourra les échelonner sur une durée de quinze ans, sauf pour le propriétaire à faire abandon de son bien à l’Etat.
Ce renforcement du pouvoir coercitif de l'Etat pour l'application du livre IV dans le domaine de la restauration et de la conservation, inspiré du droit des monuments historiques, est harmonisé dans son économie générale et sa rédaction avec les propositions d'évolution du livre VI.
En termes d'impacts juridiques, il convient de noter la création d'un article L. 452-2-1 destiné à instaurer l'exécution d'office de travaux.
Cette mesure répond par ailleurs à la mesure n°37 du chapitre III de la loi par laquelle il est prévu d'écarter l'application du droit des monuments historiques aux objets mobiliers classés ou inscrits appartenant aux collections des musées de France, et ce afin de supprimer une superposition de régimes juridiques pour un même bien. Le contrôle des travaux affectant les objets classés ou inscrits en droit des monuments historiques étant écarté en faveur de l'application du droit des musées, alors même qu'il est plus contraignant et plus protecteur, il est essentiel que les dispositions relatives aux collections des musées de France prévoeint un contrôle scientifique et technique des projets et de l'exécution des travaux, ainsi que des sanctions adaptées de même niveau.
Les coûts de l'exécution des travaux d'office, ainsi que les coûts éventuels de la procédure d'interruption des travaux sont les principaux impacts économiques et financiers contenus dans l'adoption de ces mesures, tant pour l'Etat que pour le propriétaire du bien .
Sur le plan des impacts administratifs, le dossier soumis pour une demande d'appellation devra désormais comporter, en plus de l'inventaire des collections, un projet scientifique et culturel élaboré au préalable,qui permettra aux instances consultatives de se prononcer sur la pertinence de la demande. Cela nécessitera un examen plus approfondi du dossier de demande d'appellation "musée de France" par le service des musées de France, mais ce dernier devrait pouvoir faire face à cette charge administrative. Par ailleurs, la procédure d'interruption des travaux devra être formalisée.
Quant aux impacts sur les collectivités territoriales, qui sont majoritairement propriétaires des collections publiques muséales, ils consistent notamment dans le fait qu'elles devront se conformer à cette nouvelle obligation du PSC pour solliciter une appellation "musée de France".
En tant que propriétaires de collections des musées de France, elles pourront également être concernées par le nouveau dispositif destiné à assurer une meilleure exécution des avis de la commission scientifique régionale compétente pour la restauration et elles devront se conformer plus strictement aux avis de la commission scientifique régionale des collections des musées de France pour les projets d'intervention sur les collections des musées de France leur appartenant.
2.1.10.4. Modalités d’application
Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour préciser les modalités d'élaboration et d'approbation du projet culturel et scientifique des musées de France ainsi que les conditions et les modalités d'application de la procédure d'interruption des interventions de restauration non conformes. S'agissant des procédures de mise en demeure des propriétaires des collections de musées de France et de travaux d'office, leur déclinaison au plan réglementaire s'inspirera aussi du dispositif existant en matière de monuments historiques.
Enfin, des sanctions administratives ou pénales devront être envisagées.
2.1.11. Mesure 24 : Fusionner au livre IV les instances consultatives compétentes en matière de musées de France (Article 30, I 3°)
Plusieurs organismes consultatifs participent à la mise en œuvre de la politique menée en matière de musées de France, issue de la loi n°2002-5 du 4 janvier 2002. Parmi eux, figurent notamment le Haut conseil des musées de France, la Commission scientifique nationale des musées de France et la Commission nationale d’évaluation.
Ainsi, le Haut conseil des musées de France (HCMF), créé par la loi (article L.430-1 du code du patrimoine), est consulté dans le cadre de la procédure de délivrance ou de retrait de l’appellation musée de France, en matière de transfert de la propriété des collections d’un musée de France ou encore lorsque la conservation ou la sécurité d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France est menacée.
S’agissant de la Commission scientifique nationale des musées de France (CSNMF), régie par les articles R.451-3 et suivants du code du patrimoine, pour une part de ses missions, elle est une instance préparatoire au HCMF, qui est chargée de rendre des avis sur les collections présentées par les personnes morales propriétaires sollicitant l'appellation « musée de France », préalablement à l'avis du HCMF, et sur des projets d'acquisition et de restauration des musées de France dans un certain nombre de cas listés à l'article R. 451-3 du code du patrimoine (notamment en cas d'appel d'un avis défavorable de la commission scientifique régionale ou pour l'exercice du droit de préemption pour un musée de France n'appartenant pas à l'Etat). La CSNMF sert aussi de commission d'acquisition en l'absence de commission régionale compétente (en outre-mer par exemple).
La Commission nationale d’évaluation (CNE), prévue à l’article R. 442-7 du code du patrimoine, a quant à elle pour mission de rendre des avis préalables sur les qualifications présentées par certaines personnes qui n'appartiennent pas à des corps ou cadres d'emplois de fonctionnaires ayant vocation statutaire à exercer des missions de conservation ou scientifiques liées aux collections publiques mais qui souhaitent pouvoir occuper ce type de fonctions dans des musées de France.
A la suite de la réflexion menée par le Service des musées de France sur le dispositif mis en place depuis 2002, il est apparu que les missions de ces différentes instances consultatives pouvaient être regroupées et que la solution opportune était de les concentrer au sein du Haut conseil des musées de France.
La simplification du dispositif instauré par la loi relative aux musées de France est l'objectif recherché. L'évolution proposée répond aux préconisations gouvernementales en matière de réduction du nombre des instances consultatives administratives et de leur rationalisation.
Impact juridique
L’article L.430-1 du code du patrimoine devra probablement être modifié afin de pouvoir adapter les missions du Haut conseil des musées de France et de revoir sa composition dont l’équilibre est fixé par le législateur.
Impact administratif
La mesure proposée permettra de supprimer deux commissions administratives et participera ainsi à réduire leur nombre.
Un décret en Conseil d’Etat et un décret simple tireront les conséquences de l’absorption par le Haut conseil des musées de France des missions de la Commission scientifique nationale des musées de France et de la Commission nationale d’évaluation. A cette fin seront modifiés les articles R. 442-5 à R. 442-9, R. 451-3 et R. 452-10 à R. 452-13 ainsi que les articles D. 451-4 à D. 451-6, D. 451-9, D. 451-13, D. 451-14 et D. 452-4.
Chapitre II : Réformer le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique (Articles 20 et 30 ,4°; Livre V du code du patrimoine)
En octobre 2012, le ministère de la culture a installé une commission d’évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d’archéologie préventive chargée de réaliser un bilan de la mise en œuvre du dispositif législatif et réglementaire et de formuler des propositions pour son évolution. La commission a remis en mars 2013 un Livre blanc sur l’archéologie préventive dont les préconisations sont à l’origine d’une grande partie des mesures proposées dans le présent projet de loi. Les développements ultérieurs feront ainsi régulièrement référence au « Livre blanc » et à la « commission d’évaluation ».
2.2.1. Mesure 25 : Compléter la définition du patrimoine archéologique (Articles 20 et 30 4°; Articles 36, 15°)
La définition juridique actuelle du patrimoine archéologique national a été établie au moment de l’élaboration du code du patrimoine en 2004. Elle a été volontairement inspirée de la définition posée par la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique du 16 janvier 1992 – dite Convention de Malte -dont l’article 1er est ainsi rédigé :
1. Le but de la présente Convention (révisée) est de protéger le patrimoine archéologique en tant que source de la mémoire collective européenne et comme instrument d'étude historique et scientifique.
2. A cette fin, sont considérés comme éléments du patrimoine archéologique tous les vestiges, biens et autres traces de l'existence de l'humanité dans le passé, dont à la fois:
i) la sauvegarde et l'étude permettent de retracer le développement de l'histoire de l'humanité et de sa relation avec l'environnement naturel;
ii) les principaux moyens d'information sont constitués par des fouilles ou des découvertes ainsi que par d'autres méthodes de recherche concernant l'humanité et son environnement;
iii) l'implantation se situe dans tout espace relevant de la juridiction des Parties.
3. Sont inclus dans le patrimoine archéologique les structures, constructions, ensembles architecturaux, sites aménagés, témoins mobiliers, monuments d'autre nature, ainsi que leur contexte, qu'ils soient situés dans le sol ou sous les eaux
La rédaction retenue pour l’article L. 510-1 du code du patrimoine est toutefois moins complète que celle de la Convention européenne dont elle ne reprend pas les éléments mentionnés au point 3.
Or cette définition est jugée trop restreinte par la communauté archéologique nationale. La référence actuelle aux « vestiges et autres traces » ne prend pas suffisamment en compte l’importance du contexte – notamment les éléments stratigraphiques – et entretient l’idée scientifiquement erronée d’un patrimoine archéologique limité aux « objets ». Cette définition ne reflète pas complètement la réalité scientifique des éléments qui doivent être pris en compte par la politique publique de protection et d’étude du patrimoine archéologique.
La modification de rédaction reprenant des termes présents au point 3 de l’article 1er de la Convention de Malte permet de consacrer en droit interne la réalité scientifique des éléments constitutifs du patrimoine archéologique et ainsi d’en améliorer la protection.
Il est en effet primordial de rappeler que la protection juridique de ce patrimoine ne saurait se limiter à celle des vestiges immobiliers ou des biens mobiliers mis au jour.
La priorité de la politique publique menée par le ministère de la culture et de la communication est d’assurer la conservation in situ des éléments du patrimoine archéologiques en vue de leur transmission aux générations futures.
Parallèlement les opérations de recherches archéologiques sont constitutives d’une démarche scientifique stricte qui consiste à observer et interpréter les vestiges dans leur contexte. En effet, le prélèvement sans méthode d’un bien détruit les couches stratigraphiques dans lesquelles il se situait, le contexte archéologique est donc détruit.
Ce ne sont donc pas les seuls objets ou immeubles qui font le patrimoine archéologique mais bien l’ensemble de ces éléments liés à leur contexte.
Impact juridique
La consécration de cette définition élargie est en cohérence avec les grands principes du droit de l’archéologie nationale et n’emporte pas de modification dans son application.
C’est bien l’importance du contexte archéologique qui justifie que les opérations de recherche archéologique soient soumises à autorisation administratives, qu’elles soient réalisées sous le contrôle scientifique et technique des services de l’Etat et que des dispositions pénales sanctionnent le non-respect de ces dispositions.
Impact sur le fonctionnement de la justice
Dans des affaires récentes de poursuites pénales à l’encontre de personnes ayant réalisé des fouilles sans autorisation et dans lesquelles le ministère de la culture s’était constitué partie civile, l’un des enjeux a été de démontrer que le préjudice subi par la communauté nationale ne se limitait pas à la soustraction frauduleuse de biens matériels, et ce qu’elle qu’en soit la valeur vénale, mais résidait plus dans la disparition irrémédiable des informations scientifiques qui auraient pu être recueillies dans le cadre d’une démarche scientifiquement encadrée (voir par exemple Trib. Correctionnel Meaux, 8 août 2014, Epoux B.).
La consécration d’une définition intégrant cette notion de contexte pourra utilement accompagner le juge dans l’appréciation des faits et dans la reconnaissance d’un préjudice moral de l’Etat.
Mesures 26 et 27 : Améliorer le contrôle scientifique et technique du dispositif d’archéologie préventive
Le dispositif de l’archéologie préventive mis en place en France à partir de 2001 et modifié en 2003 repose sur une chaîne opératoire cohérente et précise qui fait intervenir différents acteurs – Etat, opérateurs d’archéologie, aménageurs, dont les responsabilités sont distinctes.
La cohérence et la qualité du dispositif reposent sur la capacité à assurer le contrôle scientifique et technique à chacune des étapes de cette chaîne.
La mission de contrôle est confiée aux services de l’Etat qui sont les garants de la qualité des résultats des opérations archéologiques et les arbitres dans la mise en œuvre du dispositif.
Dans le cadre de l’archéologie préventive qui, depuis 2003, fait intervenir plusieurs types d’opérateurs d’archéologie, ce contrôle scientifique et technique est schématiquement réparti entre :
- les services d’administration centrale qui exercent un contrôle sur les opérateurs : tutelle de l’Inrap et instruction des demandes d’agréments des opérateurs publics et privés (mesure 3.2) ;
- les services déconcentrés du ministère de la culture qui exercent le contrôle scientifique et technique des opérations (mesure 3.1)
2.2.2. Mesure 26 : Améliorer le contrôle scientifique et technique des opérations d’archéologie préventive (Article 20, 2°, 3° et 4°, articles
L. 522-1, L. 523-8 et L. 523-9 du code du patrimoine)
Le Livre blanc a mis en évidence l’existence d’un consensus – partagé par les archéologues, les aménageurs et les représentants des personnels – sur le rôle fondamental des services régionaux de l’archéologie dans le dispositif et a donc formulé des propositions tendant à renforcer leurs missions en vue d’un contrôle scientifique et technique exigeant.
Il est notamment apparu que la loi n° 2003-707 du 1er août 2003 modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, en confiant la maîtrise d'ouvrage des fouilles préventives à l'aménageur du projet, donne, de fait, la responsabilité de procéder au choix de l'opérateur à des aménageurs qui n’ont pas la maîtrise des critères scientifiques qui doivent guider ce choix. Le bilan de cette pratique conduit à constater un risque pour l’aménageur que le projet scientifique de l’opérateur retenu ne soit pas validé par le service régional de l’archéologie (SRA) et un allongement des délais de la procédure du fait des échanges rendus nécessaires entre l’aménageur et le service prescripteur lorsqu’il ne valide pas le responsable scientifique pressenti et/ou le cahier des charges scientifique.
Les auteurs du Livre blanc ont fait le constat que la validation de la qualité scientifique du projet d’intervention proposé par l’opérateur était une nécessité qui a été prise en compte de manière très imparfaite dans la réglementation actuelle : la mise en œuvre du projet de l’opérateur est subordonnée à la délivrance par l’État d’une autorisation, celle-ci étant accordée à la condition que le projet soit conforme au cahier des charges scientifique établi par le service régional de l’archéologie (SRA). Or, cette autorisation de fouille ne peut être sollicitée qu’après la signature du contrat entre l’aménageur et l’opérateur. Cette organisation ne permet pas au contrôle scientifique et technique de l’Etat de s’exercer suffisamment en amont, le SRA ne disposant que d’un « simple droit de veto », et nuit grandement au contrôle de la qualité scientifique des opérations archéologiques. En outre, si l’État refuse de délivrer cette autorisation, l’aménageur se voit contraint de conclure un nouveau contrat, voire de changer d’opérateur, ce qui risque d’allonger les délais et donc d’augmenter les coûts de l’opération.
La Commission d’évaluation a donc proposé de modifier les textes en inversant le calendrier de cette procédure : les projets des divers opérateurs mis en concurrence devront avoir fait l’objet de la validation scientifique du SRA avant que l’aménageur ne choisisse l’opérateur sur ses propres critères.
Par ailleurs, l’expérience des services du ministère de la culture montre une insuffisante coordination entre le contrôle a priori exercé au moment de la délivrance d’un agrément d’opérateur en archéologie et les exigences qui doivent être formulées à l’occasion de chaque opération que cet opérateur est appelé à réaliser.
En effet, la délivrance d’un agrément par l’Etat repose notamment sur la vérification d’un certain nombre de conditions et notamment celle de la présence de compétences scientifiques avérées dans les effectifs de la structure. L’agrément étant délivré pour une période de 5 ans, il importe que les services déconcentrés puissent mettre en œuvre, pendant toute cette période, les exigences formulées a priori par les ministres de la culture et de la recherche.
La mesure vise à réaffirmer, renforcer et améliorer l’exercice du contrôle scientifique et technique des opérations d’archéologie préventive. Elle repose sur une série de trois articles.
Le premier article apporte un complément à la définition du rôle de l’Etat en explicitant son rôle de garant et la répartition des responsabilités entre les acteurs (article L. 522-1)
Le deuxième article précise les conditions dans lesquels un opérateur agréé peut intervenir pour la réalisation de fouilles. Il impose, d’une part, que l’opération archéologique soit réalisée sous l’autorité effective des personnels scientifiques sur lesquels repose l’obtention de l’agrément et, d’autre part, que le responsable scientifique de l’opération proposé par l’opérateur dispose d’un contrat de travail dont la durée soit compatible avec la conduite complète de l’opération archéologique.
Cette disposition permet de décliner pour chaque opération les exigences qui sont posées au moment de l’obtention de l’agrément. Elle vise donc à assurer une cohérence entre le contrôle exercé a priori sur l’opérateur au moment de la demande d’agrément et le contrôle continu exercé sur les opérations (article L. 522-8).
Enfin, le troisième article vise à améliorer l’exercice du contrôle scientifique et technique par les services de l’Etat en rendant obligatoire la transmission des offres reçues par l’aménageur afin que le service régional d’archéologie puisse les examiner et indique celle(s) dont le projet scientifique d’intervention correspond à une réalisation scientifique de qualité de la prescription. Il reviendrait ensuite à l’aménageur de retenir parmi les offres validées celle qui lui correspondrait également en termes de prix, de délais et de modalités de réalisation du chantier.
Ainsi, le dispositif permettra d'améliorer la conciliation des intérêts respectifs de la recherche scientifique et du développement économique.
Impact juridique
La mesure proposée renforce les missions imparties aux services régionaux de l’archéologie en matière de contrôle scientifique et technique.
En suivant la chronologie de la chaîne opératoire, ces missions sont renforcées sur les trois temps suivants :
- Sélection de l’opérateur chargé de la réalisation de la fouille
La mesure proposée vise à rendre à l’Etat la responsabilité du choix scientifique de l’opérateur archéologique. Elle a pour effet d’instaurer une phase obligatoire de contrôle scientifique et technique exercée par les services de l’Etat (DRAC/SRA) en amont de la signature du contrat entre l’aménageur et l’opérateur.
Ainsi, si l’aménageur reste maître des autres critères de sélection des offres, tels quel le prix ou les délais de réalisation proposés, le critère scientifique est lui sous la responsabilité de l’Etat.
La vérification de la conformité du projet scientifique d’intervention établi par un opérateur de fouille archéologique aux objectifs définis dans le cahier des charges scientifique annexé à la prescription de l’Etat, n’est pas nouvelle puisqu’un tel contrôle est aujourd’hui réalisé préalablement à la délivrance de l’autorisation de fouille. La sélection ainsi réalisée par l’Etat est objective, elle ne porte que sur les aspects scientifiques du projet et dès lors que les exigences en la matière sont respectées, plusieurs projets peuvent être validés par l’Etat.
En revanche le projet de loi effectue une réorganisation de la chaîne opératoire en instaurant une procédure qui a pour effet d’encadrer la liberté contractuelle de l’aménageur ; celui-ci sera en effet tenu de choisir un opérateur dont le projet scientifique aura été préalablement validé par l’Etat.
Cette phase de sélection scientifique préalable ne constitue par une pré-autorisation de fouille. Après signature du contrat de fouille entre l’aménageur et l’opérateur, l’obtention de l’autorisation administrative, ainsi que la désignation du responsable scientifique de l’opération restent nécessaires, mais ces phases de la procédure seront facilitées et le délai réglementaire d’instruction pourra être réduit en conséquence.
- Désignation du responsable scientifique de l’opération
Les services de l’Etat seront également compétents pour vérifier, au moment de la désignation du responsable scientifique de l’opération (désigné par l’Etat sur proposition de l’opérateur) qu’il dispose d’un contrat de travail dont la durée est au moins équivalente à la durée nécessaire pour la réalisation de la fouille dans son intégralité, c’est à dire jusqu’à la remise du rapport d’opération.
- Suivi de la réalisation de l’opération
L’Etat devra également vérifier, dans le cadre du contrôle exercée tout au long de la réalisation de la fouille (phases terrain et rédaction du rapport) que les personnels scientifiques de l’opérateur dont la présence a justifié l’obtention de l’agrément exercent une direction effective sur le suivi de l’opération. Cette condition sera naturellement remplie si la personne sur qui repose l’agrément est désignée responsable scientifique de l’opération. Il peut également s’agir d’une direction scientifique de coordination, en relation et sous le contrôle sur SRA, à l’instar du rôle des adjoints scientifiques et techniques de l’Inrap par exemple.
Impact administratif
L’étude vise à apprécier notamment la charge de travail supplémentaire qui en découlerait pour les services régionaux de l’archéologie, en particulier pour ce qui concerne l’examen des projets scientifiques d’intervention.
L’étude est basée sur des données chiffrées provenant :
- des SRA pour les années 2009 à 2011. Ces données sont, par année et par région, le nombre d’autorisations de fouille préventive délivrées aux aménageurs (tableau 1) ; la répartition de ces opérations entre maîtrise d’ouvrage publique et maîtrise d’ouvrage privée (tableau 2) ;
- de l’INRAP (observatoire de la concurrence) pour l’année 2011 : le nombre des réponses à appels d’offre présentées par les opérateurs archéologiques. Cette dernière source appelle des commentaires. Les valeurs prises en compte résultent des enquêtes menées par l’INRAP auprès des aménageurs à l’issue des procédures d’attribution des marchés publics de fouille. Il ne s’agit donc pas de résultats établis à partir de l’ensemble des marchés publics de fouilles archéologiques, mais seulement de ceux pour lesquels l’INRAP a été retenu par l’aménageur.
Par ailleurs, si les aménageurs privés sont en droit de solliciter des propositions auprès de plusieurs opérateurs, seule l’offre qu’ils retiennent en définitive est soumise à l’examen du préfet de région. Le projet de mesure législative n’a pas pour effet de modifier la faculté de l’aménageur privé sur ce point. Il est toutefois possible que certains d’entre eux souhaiteront recueillir l’avis des services compétents avant de conclure le contrat avec l’opérateur retenu.
Les données disponibles permettent d’établir les indicateurs suivants : 432 fouilles préventives sont en moyenne autorisées chaque année, soit 17 opérations par région.
Les opérations induites par un aménagement public représentent 54% des projets scientifiques d’intervention (PSI) examinés ; soit, en moyenne, 232 opérations par an (9 opérations par région).
Des données de l’INRAP, on constate qu’à un appel d’offre public répondent entre un et cinq opérateurs selon la distribution suivante :
Nombre d’offres |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
% |
32 % |
38 % |
22 % |
5 % |
3 % |
En appliquant cette répartition à la moyenne des opérations autorisées chaque année pour un aménagement public, on obtiendrait, si la mesure était adoptée, un nombre théorique de PSI à examiner distribué comme suit :
Nombre de PSI par appel d’offre |
TOTAL | |||||
1 |
2 |
3 |
4 |
5 | ||
Appels d’offre |
74 (32 %) |
88 (38 %) |
51 (22 %) |
12 (5 %) |
7 (3 %) |
232 (100 %) |
Nombre de PSI |
74 |
176 |
153 |
48 |
35 |
486 |
Le nombre total de PSI annuels à examiner pour les fouilles soumises à appel d’offres public serait de 486 ; soit 19 par région.
Le nombre total de PSI à examiner chaque année par l’ensemble des services représenterait donc :
PSI des demandes d’autorisation de fouille par aménageur privé : 200
PSI d’offres sur marchés publics : 486
TOTAL : 686
En hypothèse haute, si chaque appel d’offre public entraînait l’examen de cinq PSI cela représenterait 1160 PSI, auxquels il faut ajouter les PSI des demandes d’aménageurs privés (200), soit 1360 PSI par an.
Estimation de la charge pour les services :
1/ Hypothèse moyenne
D’après les données ci-dessus, les SRA auraient à examiner :
PSI des demandes d’autorisation de fouille par aménageur privé : 200
PSI d’offres sur marchés publics (selon clé répartition INRAP) : 486
TOTAL : 686
Aujourd’hui ils examinent un PSI par opération, soit un total de 432.
Ils devront donc examiner 254 PSI supplémentaires.
A raison d’un temps d’examen d’environ une journée par PSI (8 heures étant ici considérée comme une durée haute), la charge de travail supplémentaire serait de 2032 heures.
2/ Hypothèse haute
Si tous les marchés publics généraient 5 offres.
Les SRA auraient donc à examiner
PSI des demandes d’autorisation de fouille par aménageur privé : 200
PSI d’offres sur marchés publics : 1160
TOTAL : 1360
Aujourd’hui ils examinent un PSI par opération, soit un total de 432.
Ils devraient donc examiner 928 PSI supplémentaires.
A raison d’un temps d’examen de l’ordre d’une journée par PSI la charge de travail supplémentaire serait de 7424 heures.
Soit l’équivalent de 5 ETPT au niveau national à répartir entre 26 services régionaux, lesquels comptent actuellement 336 ETPT toutes catégories de personnels confondues.
Les autres phases du contrôle prévues dans cette mesure (vérification durée contrat de travail et implication des personnels scientifiques de l’opérateur) ont vocation à s’intégrer dans le temps d’ores et déjà consacré par les agents des SRA aux missions du CST.
2.2.2.4. Modalités d’application
Un décret en Conseil d’Etat viendra préciser les modalités de mises en œuvre de cette nouvelle procédure.
S’agissant plus particulièrement de la modification prévue à l’article L.
523-9, il conviendra d’organiser les deux étapes précédant la délivrance de l’autorisation de fouille.
1- en ce qui concerne la vérification des projets des opérateurs transmis par les aménageurs avant la signature du contrat, le décret devra déterminer un délai raisonnable imparti aux services de l’Etat pour apprécier la qualité scientifique de ces projets et indiquer celui ou ceux qui sont conformes à sa prescription. L’absence de réponse de l’administration dans le délai imparti vaudra validation des projets soumis en conformité avec la règle « SVA », toutefois il n’est pas exclu à ce stade qu’une dérogation à la règle des 2 mois soit nécessaire.
2- en ce qui concerne la demande d’autorisation, le décret maintiendra les obligations existantes tenant à la vérification administrative du contenu du contrat et des pièces qui l’accompagnent (notamment celles prévues aux articles R 523-44 et R 523-45 du code du patrimoine portant sur les dispositions relatives aux marchés publics, le justificatif de l’agrément en cours de validité de l’opérateur, …), il prévoira également une vérification formelle en ce qui concerne le projet scientifique de l’opérateur afin de s’assurer qu’il s’agit bien de l’un des projets préalablement validés par l’Etat, il intégrera enfin les nouvelles exigences fixées par l’article L. 522-8 en ce qui concerne l’encadrement scientifique de l’opération. A ce stade, il peut être envisagé que le délai actuellement prévu pour cette étape qui est de deux mois soit réduit.
La reconfiguration en deux étapes de cette procédure et l’existence d’un nouveau délai ne signifie pas pour autant un allongement de la durée globale du processus pour l’aménageur dans la mesure où, d’une part l’étape de vérification préalable des projets scientifiques se déroulera pendant un temps qui n’est aujourd’hui pas encadré par les textes, celui de la négociation pré contractuelle, et pourra ainsi être réalisé « en temps masqué » et, d’autre part, le délai imparti in fine pour délivrer l’autorisation pourra éventuellement être réduit
La procédure actuelle et les modifications envisagées sont représentées dans les schémas ci-après.
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2.2.3. Mesure 27 : Améliorer le contrôle scientifique et technique des opérateurs d’archéologie préventive (Article 20, 5°, article L. 523-8 -1 du code du patrimoine)
La loi n° 2003-707 du 1er août 2003 modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive a ouvert la catégorie des opérateurs d’archéologie préventive aux services archéologiques des collectivités territoriales et entreprises privées d’archéologie.
L’Inrap, établissement public administratif de l’Etat créé par la loi de 2001 pour réaliser l’ensemble des opérations prescrites par les préfets de région, ne dispose donc plus d’un monopole mais demeure l’opérateur compétent pour tous types d’interventions sur la totalité du territoire national. Il est placé sous la double tutelle des ministères chargés de la culture et de la recherche.
Sous réserve d’obtenir préalablement un agrément à cet effet, d’autres opérateurs peuvent depuis la loi de 2003 intervenir pour la réalisation de ces opérations.
Il existe deux types d'agréments :
- l'agrément pour la réalisation de diagnostic, qui ne peut être délivré qu'aux services archéologiques de collectivités territoriales ou de groupement de collectivités territoriales ; cet agrément permet à la collectivité ou au groupement qui a souhaité prendre cette compétence, de réaliser les diagnostics prescrits à l’occasion de travaux ou aménagements réalisés sur son territoire.
- l'agrément pour la réalisation de fouilles, qui peut être délivré aux services archéologiques de collectivités territoriales ou de leurs groupements ainsi qu'à toute personne de droit public ou privé. Cet agrément est valable sur la totalité du territoire national, y compris pour les services de collectivités territoriales. Il peut en revanche être limité à des domaines (archéologie minière, archéologie sous-marine, etc) et périodes chronologiques limitativement énumérés.
Le ministère de la culture et le ministère chargé de la recherche sont chargés de délivrer conjointement cet agrément aux opérateurs d'archéologie préventive, après consultation du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA).
L’agrément est valable pour une période de cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions que celles applicables à une demande initiale.
Il permet à l’organisme qui en bénéficie de se positionner comme opérateur d’archéologie préventive et vise à garantir, a priori, sa capacité à réaliser des opérations d’archéologie préventives. Pour réaliser effectivement une opération, l’opérateur agréé devra, tout comme l’Inrap, présenter un projet scientifique d’intervention soumis à la validation des services de l’Etat et, dans le cas d’une fouille obtenir une autorisation préalable.
Le code du patrimoine prévoit le principe de l’agrément :
- à l’article L. 522-8 pour les services de collectivités territoriales ou de groupements de collectivités ;
- à l'article L. 523-8 pour les autres personnes de droit privé ou public.
L’article R. 522-10 précise le contenu du dossier de demande d'agrément :
« I. ― Pour l'ensemble des demandeurs :
1° Les qualifications, le statut, les spécialités et l'expérience professionnelle, dans le domaine de la recherche archéologique, des personnels employés par le service ou l'entité dont l'agrément est demandé ;
2° La capacité technique et financière du service ou de l'entité ;
3° L'organisation administrative du service ou de l'entité ainsi que sa place dans l'organisme dont il relève.
II. ― Pour les personnes de droit privé et les établissements publics industriels et commerciaux :
1° La présentation générale de l'organisme et le bilan financier ;
2° Un descriptif de l'activité de l'entreprise dans le domaine de l'archéologie ;
3° La déclaration sur l'honneur prévue à l'article 44 (2°) du code des marchés publics ;
4° Et lorsque l'agrément est sollicité par une association :
a) Un exemplaire ou une copie du Journal officiel de la République française contenant l'insertion mentionnée à l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, une copie de la décision du tribunal d'instance ou de la juridiction supérieure inscrivant l'association ;
b) Le rapport moral et le rapport financier approuvés lors de la dernière assemblée générale. »
L’article R.522-11 prévoit enfin la consultation du CNRA. Lors de l'examen des dossiers, le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) veillera plus particulièrement à l'expertise des compétences scientifiques et technique des postulants.
Les ministres chargés de la culture et de la recherche doivent statuer dans un délai de trois mois suivant la réception du dossier de demande.
Il est à noter qu’en application de l’article L. 522-8, les demandes présentées par une collectivité territoriale donne lieu à un agrément tacite en cas de silence de l’administration alors que pour les autres personnes de droit public ou privé, le silence gardé pendant trois mois équivaut à une décision de refus (article R 522-11).
Ce dispositif opérationnel depuis 2003 montre cependant certaines limites dans sa capacité à garantir que l’opérateur dispose effectivement de la capacité scientifique, administrative et financière à réaliser les opérations susceptibles de lui être confiées. Le contrôle scientifique et technique réalisé par les services déconcentrés à l’occasion des opérations de terrain et de phases d’étude ont mis en évidence des lacunes qui n’avaient pas été décelées en amont, à l’examen des dossiers de demande d’agrément. A ce jour, trois opérateurs privés ont cessé leur activité suite à une procédure de liquidation judiciaire en laissant des opérations archéologiques inachevées ; un quatrième est en phase d’observation. Ces difficultés qui se sont produites alors que certains de ces opérateurs n'avaient que quelques mois d’existence conduisent à s'interroger sur l’adéquation du niveau du contrôle préalable.
En ce sens, les auteurs du Livre blanc ont exprimé le souhait que le niveau d’exigence d’obtention (et de renouvellement) de l’agrément soit renforcé et, en soulignant fermement le caractère scientifique de la discipline, que le projet soumis par le candidat affirme plus sensiblement encore l’ambition et les capacités scientifiques de la structure ainsi que la cohérence et l’adéquation de l’équipe d’intervention.
Le projet de loi vise à inscrire explicitement dans la loi les exigences et la procédure générale de l’agrément.
Le contrôle, destiné notamment à prévenir des difficultés lourdes entraînant une défaillance de l’opérateur alors même que des opérations archéologiques sont en cours, est renforcé par la création de l’obligation d’une transmission annuelle d’un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier relatif à l’activité de la structure en matière d’archéologie.
Pour faire face à des situations d’urgence, qui ne peuvent être réglées par la procédure de retrait d’agrément laquelle nécessite des délais conséquents, il est prévu une procédure de suspension provisoire de l’agrément.
Enfin, la règle relative au silence gardé par l’administration est unifiée quelle que soit la catégorie juridique du demandeur : le silence vaut dans tous les cas agrément tacite.
Toutefois, compte tenu de la complexité technique des dossiers et de la nécessité de consulter le CNRA, la durée d’instruction qui reste fixée à trois mois peut être prorogée sur décision de l’autorité administrative.
Impact administratif
La mesure proposée implique un travail de suivi accru pour les services d’administration centrale chargés de l’instruction des dossiers que l’on peut estimer entre ½ et 1 ETPT annuel
2.2.3.4. Modalités d’application
La mise en œuvre de cette mesure implique des compléments dans le dispositif réglementaire déjà existant.
Il conviendra notamment d’encadrer strictement la possibilité de suspension provisoire de l’agrément et sa durée, en veillant au respect du principe du contradictoire notamment.
La nature des pièces exigibles pour veiller à la capacité administrative et financière des opérateurs doit également faire l’objet de précisions.
2.2.4. Mesure 28 : Refonte du régime juridique applicable au mobilier archéologique (Article 20, 6°, 7°, 8°, 9°et 10° a) et c) ; articles L. 523-12, L. 523-14, L. 531-5, L. 531-11, L. 531-16, L. 531-17, L. 531-18, L. 541-2, L. 542-2-1, L. 541-3, L. 541-4, L. 541-5, L. 541-6 et L. 541-7 du code du patrimoine)
Les règles relatives à la propriété des vestiges archéologiques mobiliers sont fixées par la loi, elles résultent de l’application combinée de dispositions du code civil et de dispositions du code du patrimoine.
Le régime juridique actuel est insatisfaisant à plusieurs égards.
En premier lieu, il présente une très grande complexité dans la mesure où la propriété des vestiges varie en fonction de la nature mobilière ou immobilière du bien, du lieu et des circonstances de sa découverte. Il en résulte également une diversité dans la reconnaissance du délai d’étude qui permet à l’Etat de se voir confier le mobilier archéologique pour procéder à son étude scientifique ainsi que l’illustre le tableau ci-dessous.
Synthèse des régimes de propriété du patrimoine archéologique et des délais d’études associés
Type de vestige et circonstances de la découverte |
Propriétaire(s) du vestige |
Délai d’étude |
Textes de référence |
Mobilier issu de fouilles autorisées par l’État |
Propriétaire du terrain |
Aucun délai prévu par la loi, dépend uniquement d’un accord entre le propriétaire du terrain et le titulaire de l’autorisation de fouille. |
Art. L. 531-1 et s du code du patrimoine Art. 552 du code civil |
Mobilier issu de fouilles exécutées par l’État |
Partage entre l’État et le propriétaire du terrain |
Mobilier confié à l’Etat pour un délai de 5 ans maximum |
Art. L. 531-11 du code du patrimoine et art. 716 du code civil |
Mobilier découvert fortuitement |
Partage entre l’inventeur et le propriétaire du terrain |
Mobilier confié à l’Etat pour un délai de 5 ans maximum |
Art. L. 531-16 du code du patrimoine et art. 716 du code civil |
Mobilier issu d’opérations préventives |
Partage entre l’État et le propriétaire du terrain sauf si renoncement de celui-ci / Possibilité de transfert de propriété à titre gratuit de l’État vers une collectivité territoriale |
Mobilier confié à l’opérateur d’archéologie, sous le contrôle de l’Etat, pour un délai de 2 ans maximum |
Art. L. 523-12 et L. 523-14 du code du patrimoine |
Bien culturel maritime situé dans le domaine public maritime |
État si le propriétaire n’est pas identifiable |
Sans objet |
Art. L. 532-2 du code du patrimoine |
Immeuble mis au jour après l’entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2001 |
Commune ou État si renoncement de celle-ci |
Sans objet |
Art. L. 541-1 du code du patrimoine |
La diversité de ces régimes de propriété n’est pas justifiée sur le plan scientifique ou patrimonial. L’intérêt et la valeur qui s’attachent au patrimoine archéologique, qu’il soit meuble ou immeuble, situé à terre ou sous les eaux, découvert à l’occasion de fouilles préventives ou programmées, résident dans l’information scientifique que son étude peut apporter à la connaissance de l’histoire de l’humanité.
L’absence d’unité dans les dispositions relatives au délai d’étude n’apparaît pas plus justifiée sur le plan scientifique. Or, la possibilité de mener de telles études est l’une des principales justifications des interventions archéologiques de terrain lesquelles n’ont de sens que si elles permettent de répondre à la mission de service public consistant à restituer à la communauté scientifique et aux citoyens les données recueillies sur l’histoire du développement de l’humanité.
En second lieu, trois types de découvertes - les découvertes fortuites, les fouilles réalisées d’office par l’Etat et les opérations préventives - conduisent à un régime de partage de propriété qui est une aberration scientifique.
D’une part, il conduit à disperser des éléments du patrimoine archéologique qui présente une cohérence scientifique parce qu’issus d’un même site archéologique et dont l’étude, à court comme à long terme, nécessite d’avoir accès à l’ensemble.
D’autre part, pour réaliser un partage à parts égales suivant les règles du droit civil, il implique d’attribuer une valeur vénale à des biens dont la valeur est avant tout scientifique. La démarche archéologique fait abstraction de la valeur esthétique ou marchande de ces éléments et ne retient que la valeur d’information de l’objet, liée à son contexte scientifique de découverte. A ce titre, dans une perspective de restitution historique, un tesson de céramique d’une matière particulière ou de forme inédite peut avoir bien plus de valeur scientifique qu’un vase entier de la même époque mais dont la typologie est déjà connue.
Cette situation constitue en outre une charge de travail particulièrement complexe pour les services régionaux de l’archéologie chargés de leur mise en œuvre. La recherche des propriétaires de terrain – qui ne sont pas systématiquement connus des services de l’Etat au moment de l’intervention archéologique – la procédure de partage, le recours éventuel à un expert sont autant de missions à caractère administratif qui excèdent les compétences scientifiques des agents et qui ont connu un accroissement considérable avec le développement de l’archéologie préventive. Le ministère ne dispose cependant pas à ce jour d’étude chiffrée permettant d’évaluer le coût de ces missions.
A titre d’exemple, on peut mentionner le cas des aménagements d’infrastructures linéaires de transport (autoroutes, voies ferrées, …) pour lesquels des opérations de diagnostic et de fouilles importantes sont conduites sous la maîtrise d’ouvrage d’un aménageur (concessionnaire, RFF, …) qui n’est généralement pas encore propriétaire des terrains au moment de l’intervention archéologique. A l’issue des opérations, ce sont plusieurs dizaines – parfois une centaine de propriétaires pour un kilomètre d’aménagement linéaire - que le SRA doit rechercher pour engager la procédure d’attribution de propriété prévue par le code du patrimoine.
En amont, cette situation représente également une difficulté importante pour l’opérateur d’archéologie préventive : celui-ci doit en effet enregistrer « géographiquement » chacune des découvertes archéologiques - de la structure immobilière au plus petit tesson de poterie - afin de la placer dans un contexte scientifique de mise au jour. Mais il faudrait également que cet opérateur rattache chacune de ces découvertes à une parcelle en fonction de son propriétaire au moment de la découverte, en tenant compte des mutations de propriété qui peuvent intervenir au cours de l’opération.
Enfin, le partage, lorsqu’il peut être mené à bien, est précédé d’une longue période pendant laquelle le mobilier se trouve dans une situation juridique d’indivision qui constitue souvent un obstacle aux actions que l’Etat souhaite ou doit mener relativement à ce mobilier. En particulier, lorsqu’il apparaît justifié de procéder à la restauration de certains objets, cette restauration permettant une valorisation mais étant même parfois une mesure nécessaire de mise en état pour étude, le coût de telles opérations peut s’avérer rédhibitoire si l’on considère que l’objet sera finalement attribué à une personne privée. De la même manière, la circulation de ces biens hors des frontières nationales qui s’avèrent nécessaire pour des analyses ou des projets de valorisation est compliquée par la nécessité d’obtenir l’accord de propriétaire qui ne sont pas encore connus.
Les règles relatives à la sélection, à l’étude et à la conservation des éléments du patrimoine archéologiques recueillis lors des opérations soulèvent également des difficultés.
On peut noter qu’en application de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques :
« Sans préjudice des dispositions applicables en matière de protection des biens culturels, font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique, notamment : [...]
4° Les découvertes de caractère mobilier devenues ou demeurées propriété publique en application du chapitre 3 du titre II et du chapitre 1er du titre III du livre V du code du patrimoine ;
5° Les biens culturels maritimes de nature mobilière au sens du chapitre 2 du titre III du livre V du code du patrimoine ; [...] »
L’appartenance au domaine public des mobiliers archéologiques appartenant aux personnes publiques garantit une protection essentielle à ce patrimoine. Toutefois, il peut apparaître en contradiction avec les mesures qui sont prises pendant le déroulement d’une opération : sélection des éléments à prélever pendant la phase terrain d’une opération archéologique, analyses faites pendant la phase d’étude qui peuvent entraîner une destruction totale ou partielle de certains éléments mobiliers, sélection des éléments qui doivent être conservés à l’issue de l’opération.
De nombreux travaux ont été conduits par le ministère de la culture et de la communication sur le sujet de la gestion des mobiliers et sur la notion de conservation sélective. Deux études sont en cours de finalisation concernant, d’une part, les critères de sélection des vestiges à conserver et, d’autre part, les conditions de leur conservation.
En effet, tous les éléments à caractère archéologique mis au jour lors d’une opération n’ont pas vocation à être conservés de manière pérenne.
Lors d'une opération d'archéologie deux types de vestiges mobiliers sont à distinguer :
- les vestiges ayant un intérêt scientifique majeur qui vont être identifiés, inventoriés et doivent nécessairement être conservés de manière pérenne pour que d'autres chercheurs puissent intervenir dans l'avenir et que la valorisation de ces vestiges soit assurée ;
- les vestiges ayant un intérêt scientifique ponctuel, strictement quantitatif, qui vont permettre à l'archéologue d'étayer sa réflexion et ne nécessitant pas de stockage après quantification, identification et inventaire réalisés par l'opérateur durant la phase d'étude.
Ces problématiques apparaissent insuffisamment prises en comptes par la législation en vigueur. La législation relative à l’archéologie préventive a introduit certaines dispositions en ce sens - en ce qui concerne par exemple la remise des mobiliers à l’Etat à l’issue de l’opération ou encore les conditions de conservation que doivent respecter les collectivités territoriales - mais elles paraissent incomplètes et ne s’appliquent qu’aux opérations d’archéologie préventive.
Le patrimoine archéologique est le bien commun de la nation en tant qu’il permet de retracer l’histoire du développement de l’humanité. Il importe de pouvoir étudier, conserver et transmettre aux générations futures ses éléments, fragiles et non renouvelables, dans le seul souci de l’intérêt général et en dehors de toute logique commerciale.
A l’instar des principes fondamentaux adoptés par la communauté internationale pour le patrimoine culturel subaquatique dans le cadre de la Convention Unesco du 2 novembre 2001 que la France a ratifié en décembre 2012, la loi française doit garantie que les éléments du patrimoine archéologique mis au jour sont conservés dans l’intérêt de l’humanité et ne doivent faire l’objet d’aucune exploitation commerciale (article 2 de la convention, points 1 et 7).
Une première étape a été franchie avec la loi n°2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive et son décret d’application n° 2002-89 du 16 janvier 2002 qui ont, pour l’avenir, neutralisé la présomption de propriété du propriétaire du sol sur les vestiges archéologiques immobiliers et rendu applicables à ces biens les règles relatives aux biens sans maître (articles L. 541-1 et R. 541-1 du code du patrimoine).
Ces dispositions ont été interprétées par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 24 avril 2012, ministre de la culture et de la communication c/ Mathé-Dumaine, dont il ressort que le fait d’écarter la présomption de propriété posée par l’article 552 du code civil pour des découvertes faites sur des terrains acquis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi ne constitue pas une privation de propriété.
Le présent projet de loi a pour objectif d’étendre ce mécanisme de renversement de présomption de propriété au profit de l’Etat à l’ensemble des vestiges mobiliers qui seront mis au jour postérieurement à l’entrée en vigueur du présent projet de loi sur des terrains acquis après cette date.
Parallèlement, pour les objets mis au jour après l’entrée en vigueur de la loi sur des terrains acquis avant cette date, le projet de loi retient l’option consistant à attribuer la propriété de l’ensemble des vestiges découverts au propriétaire du terrain sur lequel les mobiliers archéologiques ont été mis au jour. Un délai d’un an est imparti au propriétaire pour faire valoir ses droits ou y renoncer au profit de l’Etat. Le projet de loi généralise ici la règle adoptée en 2001 pour les biens archéologiques mobiliers issus de fouilles préventives (article L 523-14). Si le propriétaire du terrain souhaite faire valoir ses droits sur les biens archéologiques mobiliers, l’exercice de ce droit de propriété est assorti de servitudes destinées à garantir la conservation pérenne de ce patrimoine, Cette solution présente l’avantage de mettre fin au régime de partage
Le projet de loi retient donc le principe d’une présomption de propriété publique qui concernera en premier lieu l’Etat. Celui-ci pourra opérer des transferts de propriété à titre gratuit vers les collectivités territoriales désireuses de s’investir dans la conservation et la valorisation de ce patrimoine. Un tel dispositif existe aujourd’hui pour les mobiliers appartenant à l’Etat et découverts à l’occasion de fouilles préventives. Le dispositif sera ainsi étendu à tous les biens archéologiques mobiliers indépendamment des conditions de leur découverte.
En ne distinguant plus selon les circonstances de la découverte et en mettant fin au régime de partage de propriété, cette mesure a également pour objectif de simplifier et rationaliser l’action des services de l’Etat chargés de l’archéologie en recentrant leurs missions sur la gestion scientifique et patrimoniale de ce patrimoine.
Par ailleurs un projet d’ordonnance sera établi au vu des travaux achevés sur les critères de sélection et de conservation des mobiliers. Elle comportera notamment des dispositions relatives à :
- la réalisation des inventaires qui doivent être élaborés à l’issue de tout type d’opération archéologique ;
- une procédure adaptée de classement et de déclassement dans le domaine public, s'articulant avec le CGPPP, pour permettre une bonne gestion des éléments appartenant aux personnes publiques (analyses, destruction) ;
- les conditions minimales de bonne conservation du patrimoine afin d’assurer l’étude scientifique et la valorisation ;
- le traitement des restes humains.
Impact administratif
Le MCC n’est pas en mesure d’évaluer précisément l’impact en termes de charge de travail pour les services de l’Etat. Mais cette réforme apportera nécessairement un allègement des procédures dans la mesure où il ne sera plus imposé aux services de procéder au partage des mobiliers. En revanche, elle impliquera pour les services de l’Etat de procéder à la vérification systématique de la date d’acquisition du terrain pour déterminer le régime de propriété applicable aux BAM.
Impact financier
Dans la mesure où elle impliquera un accroissement significatif du volume des biens archéologiques appartenant à une personne publique, la réforme proposé présente par ailleurs un impact financier dans la mesure où l’Etat, et les collectivités locales qui demanderont un transfert de propriété. Ces dernières devront disposer des équipements nécessaires pour assurer la conservation et permettre l’étude scientifique de ce patrimoine.
Le ministère de la culture a initié en 2007 une politique de développement des centres de conservation et d’étude (CCE) pour répondre aux enjeux de gestion du patrimoine archéologique mobilier mis au jour.
A ce jour, 20 projets de CCE ont bénéficié de financements de l’Etat (15 sont opérationnels et 5 en cours de réalisation) Le financement de ces opérations se situe dans une moyenne 7 millions d’euros par projet.
Une étude ayant pour objet l’estimation en volume des biens archéologiques dont l’Etat doit assurer la gestion est en cours de réalisation à la demande du ministère de la culture. Ses résultats sont attendus pour la fin mai 2015.
La mesure proposée par le projet de loi aura pour conséquence d’augmenter le volume de ce patrimoine mais cet effet sera tempéré par la mise en œuvre d’une politique de conservation raisonnée/sélective du patrimoine dont la doctrine administrative et scientifique est en cours de finalisation sur la base des travaux menées par les services du ministère depuis 18 mois et s’appuyant sur les réflexions de plusieurs groupes d’experts.
Par ailleurs, cette mesure est susceptible de présenter un impact financier positif pour le budget de l’Etat dans la mesure où, pour les découvertes à venir, il ne sera plus nécessaire de procéder à des revendications dans l’intérêt des collections publiques. Or, bien que la valeur du patrimoine archéologique réside en premier lieu dans son caractère scientifique, les procédures d’expropriation et de revendication conduisent à donner une valeur vénale, parfois très importante, à ces éléments. A titre d’exemple, un expert mandaté par les tribunaux judiciaires a estimé à 100.000 euros des vestiges mobiliers (ossements animaux) présents dans la grotte Chauvet alors même que la communauté scientifique s’interroge encore quant à leur caractère d’artefact. Le MCC ne dispose pas de statistiques sur le volume annuel des acquisitions réalisées. En tout état de cause, très peu de revendications (acquisitions à titre onéreux) ont été réalisés faute de disponibilité budgétaire.
Impact juridique
Une première option, qui consistait à affirmer la propriété de l’Etat sur les biens archéologiques mobiliers mis au jour a été écartée en raison du manque de moyens de l’Etat qui aurait dû indemniser les propriétaires de terrain en compensant la valeur des biens archéologiques mobiliers mis au jour, sauf à prendre le risque de l’inconstitutionnalité et de l’inconventionnalité de la mesure. Le dispositif proposé ne prévoit donc pas une appropriation publique directe des biens archéologiques mobiliers mais une présomption simple - non irréfragable- susceptible d’être renversée par tout propriétaire d’origine pouvant justifier de la légitimité de sa revendication.
Il n'est en effet pas question de priver toute personne qui pourrait justifier d'un droit de propriété antérieur à la mise au jour du bien archéologique de son droit de le revendiquer en application du droit civil. L’affaire de la gourmette de Saint Exupéry est exemplaire à cet égard : les biens culturels maritimes sont présumés appartenir à l'Etat sauf leur revendication par un propriétaire légitime et la gourmette qui avait été découverte fortuitement dans le domaine public maritime a été restituée par l'Etat aux héritiers sans procès. De même, l’archéologie des récents conflits mondiaux met régulièrement au jour des biens (armements, équipements militaires, effets personnels de soldats...) dont les propriétaires (Etats tiers ou ayants-droit) sont informés et mis en mesure de faire valoir leurs droits. Dans ces affaires, encadrées par les conventions internationales, les propriétaires légitimes renversent la présomption de l’article 552 du Code civil sans être contraints, du moins jusqu’à ce jour, de saisir les tribunaux judiciaires par les propriétaires des terrains
La présomption de propriété, instaurée par l’article 552 du code civil qui dispose « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous » , peut ici être légitimement écartée sans que cela constitue une privation de propriété dès lors que le propriétaire du terrain a acquis ce dernier en connaissance de cause et pour son utilité mais sans pouvoir spéculer sur son potentiel archéologique et aucune indemnité ne pourra en conséquence être réclamée par ce dernier du fait de son éviction puisqu’il n’aura jamais été propriétaire ou présumé propriétaire du bien et qu’il ne sera même jamais simple détenteur précaire du fragment d’immeuble devenu meuble au moment de sa mise au jour par l’archéologue, sauf à avoir lui-même procédé à la fouille. Il ne pourra donc prétendre avoir été privé d’un « intérêt patrimonial », d’une « valeur patrimoniale » ou d’un « intérêt économique substantiel » au sens de la jurisprudence de la CEDH aux fins de réclamer une indemnisation.
En effet, lorsque la CEDH considère que la personne évincée n’était qu’un détenteur précaire du bien et ne peut donc être assimilée à un propriétaire exproprié, une demande d’indemnisation est encore envisageable mais à condition de pouvoir établir que la revendication du bien par l’État prive le requérant d’un « intérêt patrimonial », d’une « valeur patrimoniale » ou d’un « intérêt économique substantiel ».
Par ailleurs dans le cas de découverte fortuite, il est instauré une procédure reposant sur la consultation d’une commission scientifique permettant de reconnaître l’intérêt scientifique de ce bien. C’est à l’issue de cette reconnaissance que le bien appartiendra à l’Etat.
En outre, cette présomption de propriété au bénéfice de l’Etat apparaît justifiée au regard de l’objectif d’intérêt général qui s’attache à étudier, faire connaître et transmettre aux générations futures ce patrimoine archéologique qui est le bien commun de la nation, voire de l’humanité.
Par ailleurs, pour les biens archéologiques mobiliers mis au jour sur des terrains acquis avant l’entrée en vigueur de la loi, le propriétaire du terrain bénéficiera toujours de la présomption de propriété de l’article 552 du Code civil et pourra s’il le souhaite faire valoir ses droits sur l’ensemble de ses biens. Dans cette hypothèse, il devra assumer la responsabilité de la conservation et de l’accessibilité des objets. Ces servitudes constituent des limitations au droit de propriété qui apparaissent justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général.
En effet, compte tenu de la nature particulière du patrimoine archéologique, de la nécessité d’assurer la cohérence scientifique des « collections » mises au jour et de les rendre accessible à tous, ces sujétions sont proportionnées à l’objectif poursuivi.
Le droit comparé permet de constater que plusieurs pays, ont d’ores et déjà adopté un système similaire.
En effet, la majorité des pays dans le monde consacre une propriété publique de leur sous-sol archéologique y compris en Europe.
On peut notamment, à titre d’exemples européens, citer trois pays de l’Union et la Suisse :
a) Grèce
Tous les vestiges immobiliers antérieurs à 1453, ainsi que tous les vestiges mobiliers - quelle que soit leur datation - appartiennent à l'Etat (voir art. 7 de la loi n° 2002/3028 sur la protection des antiquités et du patrimoine culturel en général).
Cette loi de 2002 confirme un principe de propriété publique pour les vestiges mobiliers en vigueur en Grèce depuis 1834 et est intervenue pour conformer le droit grec à ses obligations internationales.
La question de l'indemnisation est abordée aux articles 9 et 19 de la loi : une indemnisation est prévue du fait de la perte de jouissance du bien, calculée à partir de la jouissance originale, mais elle ne concerne que les vestiges immobiliers.
La loi ne prévoit aucune compensation sur l’appropriation publique des vestiges mobiliers.
b) Pays-Bas
La loi néerlandaise de 1988, révisée en 2011 prévoit que les biens archéologiques mobiliers mis au jour à l'occasion de fouilles appartiennent à la puissance publique, selon le cas, la province, la municipalité ou Etat. Le texte ne prévoit aucune règle d'indemnisation (voir document joint : Monuments and Historic Buildings Act 1988 -Act of 23 December 1988 ; Section 50-)
c) Allemagne
L'on citera enfin l'exemple notable du droit allemand (voir fiche récapitulative ci-jointe).
Le tribunal constitutionnel fédéral, juge suprême allemand, a, dans une décision du 18 mai 1988, considéré que l'appropriation publique des vestiges archéologiques sans indemnisation (en l'espèce, il s'agissait de biens meubles) ne portait pas atteinte au droit de propriété tel que constitutionnellement protégé par l'art. 14 de la Loi fondamentale (protection constitutionnelle proche de celle en vigueur en France ou dans la convention européenne des droits de l’homme).
En effet, selon le tribunal, la protection constitutionnelle de la propriété « ne garantit que des droits qui appartiennent déjà à un sujet de droit ; les simples chances et les possibilités de gains ne sont pas protégées ». Or, jusqu'à la mise au jour du vestige, « il n'existe qu'une simple possibilité, soumise à conditions, d'acquisition de la propriété ».
Aucune indemnisation n'est prévue.
d) Suisse
En ce qui concerne les vestiges archéologiques mobiliers, le code civil suisse prévoit en son article 724 une dévolution au profit des cantons, cette propriété publique étant adossée à l’intérêt scientifique que présente ce patrimoine archéologique. Aucune indemnité n'est prévue pour le propriétaire du terrain concernant ces biens sauf s'il s'agit d'un trésor (voir extraits du Code civil suisse ci-joint).
Ces systèmes juridiques d’appropriation étatique, parfois sans qu’un dispositif indemnitaire compensatoire soit institué n’ont pas fait l’objet, à notre connaissance, de procédure contentieuse devant la CEDH.
2.2.4.4. Modalités d’application
Le nouveau régime de propriété publique entrera en vigueur à la publication de la loi. Il s’appliquera aux biens archéologiques mobiliers mis au jour dans le cadre de découvertes fortuites postérieures à cette date, de fouilles préventives ou programmées autorisées postérieurement à cette date ou de fouille réalisée d’office par l’Etat en vertu d’une décision postérieure à cette date.
La propriété des mobiliers mis au jour après l’entrée en vigueur de la loi dans le cadre d’opérations décidées ou autorisées avant cette date sera réglée en application des dispositions actuellement en vigueur.
Pour assurer la gestion transitoire de ces biens, l’Etat disposera d’un délai d’étude de cinq ans maximum, délai pendant lequel le mobilier lui sera confié pour qu’il réalise ou fasse réaliser – notamment par les opérateurs d’archéologie préventive – les études scientifiques nécessaires.
Afin d’assurer la protection des biens archéologiques mis au jour avant l’entrée en vigueur de la loi, le droit de revendication permettant à l’Etat d’acquérir des biens dans l’intérêt public est maintenu. La rédaction des dispositions afférentes actuellement réparties dans plusieurs sections du code du patrimoine en fonction des circonstances de la découverte est unifiée dans une disposition commune. En outre, l’exercice du droit de revendication est étendu en permettant à l’Etat de revendiquer pour le compte d’une autre collectivité publique qui en fait la demande.
Dans le cas de découverte fortuite, la commission scientifique en charge sera la commission interrégionale de la recherche archéologique (CIRA) siégeant en l’absence du représentant du préfet.
Enfin, et dans le même souci de protection des vestiges déjà mis au jour, la loi crée la notion d’ensemble cohérent de biens archéologiques mobiliers afin d’éviter la dispersion de collections dont les nécessités d’étude scientifique commandent qu’elles demeurent réunies. Elle soumet également à déclaration préalable toute aliénation d’un bien archéologique mobilier.
Un décret en Conseil d’Etat précisera les conditions de mise en œuvre de cette réforme.
2.2.5. Mesure 29 : Article 20, 10° b Régime de propriété des biens archéologiques immobiliers (article L. 541-1 du code du patrimoine)
Comme indiqué supra, les règles relatives à la propriété des biens archéologiques immobiliers ont été modifiées par la loi n°2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive. Elles sont désormais fixées par les articles L. 541-1 et R. 541-1 à R. 541-6 du code du patrimoine qui disposent que, sauf lorsque le propriétaire du terrain sur lequel un bien archéologique immobilier est découvert peut établir qu’il en est le propriétaire, ce bien est présumé appartenir à la commune sur le territoire de laquelle la découverte a été faite. La commune dispose d’un délai de 6 mois pour faire valoir ses droits ou pour y renoncer au profit de l’Etat.
Or, dans sa décision du 24 avril 2012, ministre de la culture et de la communication c/ Mathé-Dumaine, le Conseil d’Etat a introduit une limite temporelle liée à la date d’acquisition du terrain assiette de la découverte. Il a ainsi sanctionné l’application de l’article L.541-1 à une découverte faite postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi mais sur un terrain acquis avant cette date au motif qu’elle était contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il apparaît opportun de modifier l’article L. 541-1 du code du patrimoine pour tirer les conséquences de la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat en indiquant expressément que ces règles particulières d’appropriation qui dérogent à l’article 552 du code civil ne peuvent concerner que des biens archéologiques immobiliers « mis au jour à la suite d'opérations de fouilles ou de découvertes fortuites réalisées sur des terrains acquis postérieurement au 19 janvier 2001 ».
Aucun impact n’est attendu de cette mesure qui se contente de consacrer la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat.
Ainsi, cette disposition sécurisera davantage les actes administratifs pris en application de l’article L. 541-1 du code du patrimoine qu’il s’agisse d’une délibération de la commune ou d’un arrêté du préfet de région incorporant un bien archéologique immobilier à son domaine public.
La propriété des biens qui seront mis au jour sur des terrains acquis avant le 19 janvier 2001 restera régie par les dispositions de droit commun – article 552 du code civil – l’Etat conservant la possibilité d’en poursuivre l’expropriation dans les conditions prévues par les articles L. 531-12 et L. 531-13 du code du patrimoine.
2.2.5.4. Modalités d’application
Aucune modalité particulière d’application ne semble nécessaire.
2.2.6. Mesure 30 : Permettre d’opposer l’intérêt public de protection du patrimoine archéologique à l’occasion d’une demande de permis de démolir (Article 36, 15° du projet de loi ; article L. 421-6 du code de l’urbanisme)
Si la protection du patrimoine archéologique incombe en premier lieu aux services de l’Etat chargés de ce patrimoine, les services de l’Etat ou des collectivités territoriales chargés de la délivrance des autorisations d’urbanisme sont également des acteurs majeurs de cette protection.
Au-delà de leur rôle dans la transmission des dossiers d’aménagement au titre de la réglementation sur l’archéologie préventive, ces autorités sont également en mesure de refuser un permis de construire au motif que les travaux projetés sont de nature à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques (article R. 111-4 du code de l’urbanisme).
Cette possibilité n’existe cependant pas pour les demandes de permis de démolir.
Le projet apporte une modification à l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme en ajoutant la protection du patrimoine archéologique au nombre des motifs pouvant justifier un refus de permis de démolir.
Le permis de démolir donne en effet les moyens à l'administration de vérifier qu'un projet de démolition respecte bien les règles d'urbanisme en vigueur et il est généralement exigé pour la réalisation de démolition des constructions situées dans un secteur protégé au titre du patrimoine architectural, urbain ou paysager.
Il constitue dès lors un moyen de sauvegarde du patrimoine, lequel doit pouvoir prendre en compte l’ensemble du patrimoine culturel c’est-à-dire en incluant le patrimoine archéologique.
L’objectif de protection du patrimoine archéologique sera pris en compte par l’autorité compétente pour délivrer le permis de démolir et son service instructeur, et s’ils sont également saisis en application du droit du patrimoine ou du droit des sites, par les services chargés des monuments historiques, des espaces protégés et des sites, dans le cadre normal des instructions de permis de démolir, c’est à dire lorsque ce dernier est exigé en application de l’article L.421-3 du code de l’urbanisme, et des articles R.421-26 à R.421-28 du code de l’urbanisme. La mesure aura en conséquence pour effet de permettre de fonder un refus de permis de démolir sur le fait archéologique de manière complémentaire avec l’article R.111-4 du règlement national d’urbanisme du code de l’urbanisme, qui permet déjà de s’opposer aux projets de construction et d’aménagement qui par leur nature, leur localisation et leurs caractéristiques, pourraient compromettre la conservation ou la mise en valeur d’un site ou de vestiges archéologiques.
Le projet de démolition pourra ainsi également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation et ses caractéristiques, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques.
La mesure n’impliquera pas la création d’un nouveau cas de permis de démolir à l’article R.421-28 du code de l’urbanisme et n’aura donc aucun impact sur le champ d’application des formalités d’urbanisme.
Aucune charge nouvelle ne pèsera sur les services des collectivités territoriales dès lors que les informations nécessaires auront été correctement transmises par le préfet de région dans le cadre du porter à connaissance.
2.2.6.4. Modalités d’application
Aucune modalité d’application ne sera induite par cette mesure qui se suffit à elle-même.
2.2.7. Mesure 31 : Biens culturels maritimes - Convention UNESCO du 2 novembre 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (article 30 , 4°, f) ; articles L. 532-1, L. 532-1-1, L. 532-14, L. 532-15, L. 532-16, L. 532-17 du code du patrimoine)
En droit international, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) adoptée le 10 décembre 1982 à Montego Bay (Jamaïque) constitue la référence en matière de droit de la mer et fonde l’application géographique différenciée des compétences de l’Etat. Cette convention, qui consacre seulement deux articles aux objets archéologiques et historiques, s’est avérée peu appropriée à la gestion du patrimoine culturel subaquatique. Elle n’a pas débouché sur un mécanisme juridique de protection et a conduit à favoriser le droit du premier découvreur du bien au-delà de la mer territoriale et, par application de son article 303, de la zone contiguë.
En conséquence, une nouvelle convention internationale sur la protection du patrimoine culturel subaquatique est venue compléter la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Adoptée à Paris par la conférence générale de l’UNESCO le 2 novembre 2001, cette convention retient des exigences minimales de protection du patrimoine culturel subaquatique afin d’en empêcher le pillage et la destruction. Elle permet de mieux protéger ce patrimoine selon sa localisation et ce, dans toutes les zones maritimes (zone économique exclusive, plateau continental et Zone en haute mer). Chaque État partie peut, s’il le souhaite, mettre en place un niveau de protection plus élevé. Cette protection est comparable à celle qui est accordée par d’autres conventions de l’UNESCO ou par des législations nationales relatives au patrimoine culturel terrestre, elle comporte également des aspects spécifiques au patrimoine culturel subaquatique.
La loi n° 2012-1476 du 28 décembre 2012 a autorisé la ratification par la France de cette convention qui est entrée en vigueur le 7 mai 2013 et a été publiée au Journal officiel de la République française par décret n° 2013-394 du 13 mai 2013.
La France dispose depuis la loi n° 89-874 du 1er décembre 1989 (désormais codifiée dans le livre V du code du patrimoine, articles L. 532-1 et suivants) d’un dispositif de protection spécifique pour le patrimoine culturel subaquatique que l’on désigne, en droit interne, par les termes de biens culturels maritimes, ou BCM. Cette législation permet de protéger et d’encadrer les recherches faites sur ce patrimoine lorsqu’il est situé dans le domaine public maritime ou dans la zone contiguë.
On entend par BCM situés dans le domaine public maritime, ceux qui se trouvent entre 0 et 12 milles marins, puisque, selon l'article L. 2111-4 du Code Général de la Propriété des personnes publiques, le domaine public maritime naturel est constitué essentiellement du sol et du sous-sol de la mer, compris entre la limite haute du rivage, c’est-à-dire celle des plus hautes eaux en l’absence de perturbations météorologiques, et la limite, coté large, de la mer territoriale ; les BCM situés dans la zone contiguë sont ceux qui sont localisés, « entre 12 et 24 milles marins mesurés à partir des lignes de base de la mer territoriale, sous réserve d’accords de délimitation avec les États voisins » (articles L. 532.12 du code du patrimoine). On ajoutera que, sur l'emprise des 5 départements français d’Outre-mer, sont également considérés comme des BCM les biens culturels localisés dans la limite dite des 50 pas géométriques, à savoir une zone de 81,30 m de large localisée à terre au-delà de la laisse de haute mer
Le projet de loi vise à étendre, conformément à la convention précitée du 2 novembre 2001, ces mécanismes de protection et de contrôle aux biens culturels maritimes situés dans la zone économique exclusive (zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci qui ne s’étend pas au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale) ou dans la Zone en haute mer.
Les principaux objectifs de ces dispositions, en permettant l’application effective de la convention UNESCO du 2 novembre 2001, sont :
- d’obtenir une protection globale du patrimoine culturel subaquatique, où qu’il se trouve ;
- d’harmoniser les systèmes de protection de ce patrimoine avec ceux du patrimoine terrestre ;
- de fournir aux archéologues, aux autorités publiques et aux institutions chargées de la gestion des sites, des directives sur la façon de prendre en charge le patrimoine culturel subaquatique.
En matière de police des épaves maritimes et de protection des biens culturels maritimes, la France dispose depuis 1966 d’un département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), compétent pour gérer scientifiquement et administrativement les biens culturels maritimes. Ce service à compétence nationale, qui a pleine compétence sur l'ensemble des eaux sous juridiction française, en métropole comme en outre-mer, est chargé d'y assurer l'inventaire, l'étude, la protection et la mise en valeur, des biens culturels maritimes, qu'il s'agisse d'un objet isolé, d'une épave homogène ou d'un site terrestre aujourd'hui submergé. A cet effet, le DRASSM qui est rattaché à la direction générale des patrimoines a notamment pour mission de :
a) Contrôler et appliquer, en liaison avec les administrations compétentes (affaires maritimes, douanes, marine nationale...), la législation et la réglementation des biens culturels maritimes à caractère patrimonial ;
b) Recenser et expertiser l’ensemble des découvertes sous-marines constituant le patrimoine sous-marin ;
c) Conduire chaque année des fouilles archéologiques sous-marines programmées et superviser la totalité des autres opérations de fouille en y apportant au besoin son assistance scientifique ou technique ;
d) Gérer les collections d'objets découvertes fortuitement ou au cours des fouilles ;
e) Préparer à l’intention du Conseil national de la recherche archéologique le rapport scientifique détaillé de chaque découverte de bien culturel maritime afin d’instruire les demandes de récompense présentées par les inventeurs ;
f) Recueillir et diffuser l'information et la documentation et participer aux expositions et aux manifestations sur le patrimoine sous-marin ;
g) Former aux techniques de l'archéologie sous-marine en accueillant des stagiaires, français et étrangers.
La France dispose donc déjà des structures administratives propres à assurer l’application des textes dont la ratification fait l’objet de la présente fiche d’impact. Les principales décisions administratives porteront donc pour l’essentiel sur la nécessité de renforcer ou non ces structures, mais pas sur la création de nouvelles structures.
2.2.7.4. Modalités d’application
Aucun dispositif réglementaire d'application n'est nécessaire.
2.2.8. Mesure 32 : Réorganiser le plan du livre V du code du patrimoine, harmoniser la terminologie, abroger ou adapter les dispositions devenues obsolètes (article 30 , 4°, a) et b); livre V Archéologie du code du patrimoine)
Le plan du livre V du code du patrimoine adopté lors de l’élaboration de la partie législative du code en 2004 repose sur quatre titres :
Titre I – Définition du patrimoine archéologique
Titre II – Archéologie préventive
Titre III – Archéologie programmée et découvertes fortuites
Titre IV – Dispositions diverses
Ce plan s’est révélé porteur de confusion pour la compréhension des enjeux de la politique publique d’archéologie nationale. Il ne correspond pas à l’organisation scientifique et administrative de la discipline et ne permet pas une bonne compréhension de la norme juridique.
En effet, de manière schématique, cette organisation a consisté – pour la partie législative - à codifier par bloc les différentes lois alors en vigueur concernant l’archéologie :
- titre II : la loi du 17 janvier 2001 modifiée par la loi du 1er août 2003 relative à l’archéologie préventive,
- titre III : la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et la loi du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes
- titre IV : la loi du 18 décembre 1989 relative à l’utilisation des détecteurs de métaux et les dispositions des différentes lois relatives à la propriété des vestiges immobiliers, au droit fiscal et au droit pénal.
(Pm : le titre I comporte un article créé au moment de la codification)
Or, les dispositions issues de la loi du 27 septembre 1941 constituent le cadre juridique général de la discipline et plusieurs d’entre elles auraient eu vocation à occuper une place transversale dans le plan. A contrario, les lois de 2001 (archéologie préventive) et 1989 (biens culturels maritimes, détecteurs de métaux) peuvent être qualifiées de lois spéciales.
Par ailleurs, à l’occasion du vote de la loi de 2001 relative à l’archéologie préventive, plusieurs dispositions à caractère général ont été adoptées ; elles concernent notamment la carte archéologique nationale (inventaire fondamental des connaissances archéologiques) et les services archéologiques des collectivités territoriales. Ces dispositions ont été codifiées dans le Titre II alors qu’elles ont une portée qui ne se limite pas à l’archéologie préventive.
A l’occasion de l’élaboration de la partie réglementaire du code, le plan a également constitué une difficulté, certaines dispositions ne trouvant pas « naturellement » leur place dans cette organisation. Ainsi, pour permettre la codification du décret du 16 janvier 2002 portant statut de l’Inrap et du décret du 11 mai 2007 relatif au CNRA et aux CIRA, il a fallu créer dans le Titre IV intitulé « dispositions diverses », un chapitre V intitulé « dispositions diverses ».
La distinction faite entre archéologie préventive et archéologie programmée met en avant les différences opérationnelles entre deux modes d’intervention de l’archéologie mais gomme les principes généraux applicables à l’ensemble de la discipline.
Il convient de rappeler la définition de la discipline archéologique donnée par le livre Blanc du 29 mars 2013 : « L’archéologie est une discipline scientifique dont l’objet est de rechercher et d’étudier les vestiges témoins de l’occupation humaine du territoire national afin de retracer le développement de l’histoire de l’humanité et de sa relation avec l’environnement naturel. Cet objectif de connaissance revêt un caractère d’intérêt général et s’accompagne de missions de service public dont l’État est responsable et qui consistent d’une part à assurer la protection du patrimoine archéologique dans l’objectif d’une gestion durable et d’autre part à encadrer les activités de recherche archéologique afin d’en garantir la qualité scientifique ».
Par ces propos la commission reconnaît et conforte l’organisation administrative de la recherche archéologique en France en mettant en exergue l’objectif de connaissance et les missions de protection et d’encadrement de la recherche.
Afin d'améliorer la compréhension et la lisibilité du droit de l'archéologie, le nouveau plan du livre V du code du patrimoine sera organisé de manière cohérente avec les caractéristiques de la discipline.
Dès lors, le plan proposé comportera trois titres ainsi conçus :
- Titre I : Disposition générale à l’archéologie
Définitions de la discipline archéologique et du patrimoine archéologique, rôle des acteurs fondamentaux y concourant : l’État, les collectivités territoriales, l’établissement public Inrap et les instances scientifiques.
- Titre II : La recherche archéologique
Prise en compte de l’ensemble de la chaîne opératoire : traitement des données archéologiques, opérations archéologiques, biens archéologiques, exploitation scientifique et diffusion des résultats de la recherche
- Titre III : Dispositions diverses
Dispositions fiscales et pénales
L'impact de la mesure est essentiellement juridique s'agissant de réformer la structure d'un livre du code du patrimoine à droit constant.
2.2.9. Mesure 33 : Adapter les procédures d’archéologie préventive pour les aménagements projetés dans le domaine public maritime (Article 30, 4°, d)
Le sujet de l’archéologie préventive en mer est récurrent depuis plusieurs années, le constat ayant été rapidement fait de l’inadaptation au domaine des dispositions législatives adoptées en 2001 puis 2003. Les difficultés rencontrées portent sur les procédures administratives et financières qui ont été définies pour le domaine terrestre mais qui se heurtent parfois aux spécificités du milieu maritime et des aménagements qui y sont réalisés.
Du point de vue des enjeux de l’archéologie préventive - et donc de la nécessité de concilier la protection du patrimoine avec le développement économique et social - le sujet se caractérise par :
- l’importance des surfaces affectées par les projets d’aménagements ;
- l’accroissement de certaines catégories d’aménagements (demandes de concession d’exploitation de granulats marins, de poses de câbles sous-marins, ou de productions d’énergie offshore) ;
- la relative faiblesse des informations archéologiques disponibles ;
- les conditions d’intervention archéologiques en milieu immergé (contraintes liées à la sécurité des personnes, nombre restreint de personnels qualifiés, nécessité de matériels spécifiques,...).
Au regard de ces éléments, deux problématiques doivent être abordées :
1. La fiscalité : le dispositif relatif à la redevance d’archéologie préventive est inadapté aux aménagements réalisés en mer.
Rien ne s’oppose en droit à ce que des personnes réalisant des travaux et aménagements en milieu immergé, et notamment sous-marin, puissent être assujetties à la redevance d'archéologie préventive.
Au sens de l'article L.524-2 du code du patrimoine précité, sont notamment assujetties à la redevance d'archéologie préventive les personnes projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et donnant lieu à une étude d'impact en application de code de l'environnement. Pour ces aménagements, le fait générateur de la redevance est - aux termes de l'article L 524-4 du code du patrimoine - l'acte qui décide, autorise ou approuve la réalisation du projet et en détermine l'emprise.
Si une assiette est bien définie – la surface au sol des travaux nécessaires à la réalisation des installations autorisées ou la surface sur laquelle porte la demande de diagnostic anticipée - sans distinguer si l'aménagement se situe en milieu terrestre ou sous-marin, elle peut cependant être regardée comme inadaptée lorsque les aménagements en cause affectent le sous-sol marin compte tenu de l’étendue des surfaces impactées. En ce sens, l’application des dispositions de l’article L. 524-7 à des exploitations de granulats ou des infrastructures liées à la production d’énergie conduit à des montants d’impôt totalement disproportionnés au regard de l’équilibre économique des projets.
2. La chaîne opérationnelle : les prescriptions d’archéologie préventive – diagnostic et fouille et/ou modifications de la consistance du projet – ne peuvent pas être mises en œuvre dans les mêmes conditions que pour les aménagements terrestres.
Un diagnostic vise à détecter la présence éventuelle de patrimoine archéologique et à la caractériser (nature, chronologie, état de conservation, intérêt scientifique). Pour répondre à ce double objectif en milieu maritime, l’opération nécessite deux phases d’intervention distinctes entre lesquelles s’intercale une phase d’étude :
- une première phase de prospection géophysique (radar, sonar,...) qui permet de relever des anomalies ;
- une étude des données recueillies pour qualifier les anomalies potentiellement anthropiques ;
- une phase de plongées pour confirmer la nature anthropique des anomalies et, surtout, caractériser les éléments archéologiques localisés.
Dans la majorité des cas, les services de l’Etat ne disposent pas d’informations suffisantes enregistrées dans la carte archéologique nationale pour prescrire directement les opérations de plongées qui seules permettent de répondre aux objectifs du diagnostic. Compte tenu des surfaces à prospecter, il est évidemment totalement exclu d’organiser, sans bénéficier des résultats de la prospection géophysique, des plongées qui couvriraient la totalité de l’aire géographique du projet d’aménagement.
La fouille vise à recueillir l’ensemble des données archéologiques présentes sur le site, à en faire l’analyse et à en assurer la compréhension. Une opération de fouille archéologique en mer est soumise à des contraintes particulières et nombreuses qui la rendent inévitablement longue et coûteuse, dans des proportions bien supérieures à celles du domaine terrestre. En outre, les personnels qualifiés pour réaliser de telles opérations sont peu nombreux. Le recours à la fouille pour assurer la sauvegarde par l’étude du patrimoine archéologique ne sera le plus souvent pas la solution adaptée.
Il est indispensable de rechercher systématiquement des stratégies d’évitement des vestiges afin que l’aménagement puisse être réalisé sans porter atteinte au patrimoine et sans avoir besoin de mettre en œuvre une fouille. La procédure devra donc permettre de recourir quasi exclusivement à des prescriptions de modification de la consistance du projet d’aménagement.
Le projet d’ordonnance vise à apporter des adaptations au dispositif d’archéologie préventive en vigueur pour le rendre opérationnel et acceptable socialement et économiquement.
L’archéologie préventive en mer doit bénéficier d’un dispositif adapté et pérenne.
Impact administratif
La mise en œuvre de ce dispositif incombe aux services de l’Etat chargés de la protection du patrimoine archéologique sous-marin. Le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm), service à compétence national du ministère de la culture et de la communication, dispose des personnels compétents qui exercent déjà les missions liées à l’instruction des dossiers d’aménagement en mer.
La réalisation des opérations de diagnostics suppose une montée en charge des équipes de l’Inrap qualifiées pour des interventions en mer.
2.2.9.4. Modalités d’application
Des mesures réglementaires d’application seront nécessaires.
2.2.10. Mesure 34 : Définir la procédure de remise à l’autorité administrative, de conservation et d’étude sous sa garde, des restes humains mis au jour au cours d’une opération archéologique ou d’une découverte fortuite et les modalités selon lesquelles ceux-ci peuvent faire l’objet de restitution ou de ré-inhumation (Article 30 4° b)
Une problématique particulière concerne les restes humains. Du point de vue scientifique, les restes humains mis au jour dans le cadre des opérations archéologiques font partie intégrante des éléments du patrimoine archéologique qui renseigne sur l’histoire de l’humanité et sont donc étudiés au même titre que les autres matériaux naturels et de nature biologique (faune, flore, etc).
Mais ces biens particuliers doivent être traités avec respect et dignité. Ceci implique notamment de rechercher, lorsque cela est possible, les descendants des défunts et d’obtenir leur accord pour procéder à des études scientifiques et, le cas échéant, restituer les dépouilles à leur famille ; c’est particulièrement le cas pour les périodes modernes et contemporaines et de telles démarches sont systématiquement entreprises, par exemple dans le cadre de l’archéologie des conflits armés.
Lorsque aucune descendance ne peut être identifiée, les restes humains qui n’ont pas vocation à être conservés de manière durable aux fins d’études scientifiques sont ré-inhumés en lien avec les autorités communales.
Ces pratiques relèvent aujourd’hui plus d’une démarche déontologique implicite que d’un encadrement normatif clair. En particulier, la question de savoir si les restes humains « archéologiques » peuvent faire l’objet d’un droit de propriété – et donc dans certains cas être partagés entre le propriétaire du terrain et l’Etat – n’est pas explicitement résolue.
D’un côté, l’article 16-1 du code civil dispose expressément que « Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ». D’un autre côté, dans l’affaire des têtes maories, le juge administratif a considéré que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à l’exercice d’un régime de domanialité publique sur des restes humains en application de dispositions particulières du code du patrimoine (CAA Douai, 24 juillet 2008).
La question du traitement des restes humains en archéologie préventive est récurrente. Elle pose des questions à la fois scientifique, de déontologie et d’articulation juridique.
L’objectif poursuivi est d’obtenir un meilleur encadrement juridique et une déontologie dans traitement des vestiges humains en réaffirmant que les restes humains mis au jour à l'occasion d'une opération de fouilles ou fortuitement ne sont pas susceptibles d'appropriation, en précisant quel est le service chargé de l’archéologie territorialement compétent pour le temps de leur étude scientifique et les modalités de leur affectation et de leur conservation à l’issue de la phase d’étude, et en rappelant les droits des descendants en matière de restitution des dépouilles et d’attribution d’une sépulture décente.
2.2.10.3. Impacts
Cette mesure permettra de clarifier des situations concrètes où les services de l’Etat peuvent hésiter dans les mesures à prendre. Elle aura un rôle de clarification pour les descendants éventuels. Elle aura également un rôle d’apaisement et d’orientation pour la prise en compte de certaines revendications internationales.
2.2.10.4. Modalité de mise en œuvre
Un décret en Conseil d’Etat précisera les conditions restrictives d’éligibilité au dispositif.
Chapitre III : Valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine (articles 21 à 26)
2.3.1. Mesure 35 : Patrimoine mondial (Article 23 ; article L. 612-1 du code du patrimoine)
La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 16 novembre 1972, a été ratifiée par la France le 27 juin 1975. Ce texte consacre la notion de patrimoine mondial, auquel est associée une valeur universelle exceptionnelle, qui confère au bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial une importance culturelle ou naturelle telle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité.
À ce titre, la protection permanente de ce patrimoine n'incombe pas seulement à l’État partie ou au gestionnaire du bien, mais à l'humanité toute entière. C’est pourquoi l’UNESCO a prévu un ensemble de procédures de suivi du bien inscrit, qui sont détaillées dans les « Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial ».
La France compte 39 biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial : 35 sont des biens culturels,
3 sont des biens naturels et 1 est un bien mixte. Les périmètres des biens culturels concernent 683 communes et couvrent environ 4 100 km². Certains de ces biens possèdent une zone tampon ainsi qu’un plan de gestion, dont les modalités sont définies conjointement par les collectivités territoriales gestionnaires et par l’État, suivant les préconisations émises par l’UNESCO dans les « Orientations ».Les biens sont dits « en série » quand ils sont composés d’éléments discontinus (comme par exemple les « Fortifications de Vauban », réparties sur 10 régions).
Pour assurer la gestion de ces biens, l’État dispose de différents outils en matière de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine, rassemblés notamment dans les codes du patrimoine, de l'urbanisme et de l'environnement.
Cependant, en l’absence d’une transcription des obligations de la Convention en droit national, on constate que la réglementation actuelle n’est pas adaptée à certains biens étendus sur plusieurs communes, voire sur plusieurs régions comme le sont les biens en série.
Ainsi, les mesures de protection et les règlements d’urbanisme en vigueur dans des biens comme le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (87 communes sur 2 départements) ou le Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes (164 communes sur 4 départements et 2 régions) ne permettent pas une gestion appropriée de territoires étendus, en constante évolution et qui sont soumis à des impératifs de développement économique, social et environnemental importants.
Les aménagements et les nouvelles infrastructures, pour indispensables qu’ils soient, font parfois peser une menace sérieuse sur le maintien de la valeur universelle exceptionnelle des biens inscrits dans la plupart des pays industrialisés. Pour prévenir ces impacts potentiels, l’UNESCO a prévu une procédure graduelle de veille renforcée sur certains biens (procédure dite de « suivi réactif ») qui peut conduire au placement sur la liste des biens en péril, elle-même constituant la dernière étape avant la désinscription. Le cas de la ville de Dresde, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en 2004 et retirée en 2009 en raison de la construction d’un pont autoroutier à proximité immédiate du bien inscrit, est à cet égard tout à fait exemplaire.
Au-delà de la nécessité d’informer le Centre du patrimoine mondial de tout aménagement susceptible d’avoir une conséquence sur la valeur universelle exceptionnelle du bien, chaque État partie à la Convention a donc le devoir d’anticiper et de prévenir les problèmes qui pourraient surgir et ce, dès la phase de conception des aménagements concernés.
Pour répondre aux engagements de l’État, tout en respectant les compétences des collectivités territoriales en matière d’urbanisme, il est donc apparu indispensable de faire figurer les obligations du patrimoine mondial dans le droit national. Cette démarche avait été adoptée lors de l’examen d’une proposition de loi relative à la politique nationale du patrimoine de l’État, présentée par les sénateurs Françoise Férat, Jacques Legendre et Catherine Morin-Dessailly, à l'unanimité des deux assemblées lors de la précédente législature : « Art. L. 610-1. […] Lorsqu'un élément de patrimoine ou une partie de territoire est reconnu en tant que patrimoine mondial de l'humanité en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture en date du 16 novembre 1972, l'impératif de protection de sa valeur universelle exceptionnelle ainsi que le plan de gestion du bien et de sa zone tampon qui assurent cet objectif sont pris en compte dans les documents d'urbanisme de la ou les collectivités concernées. L'État peut également, à tout moment, recourir en tant que de besoin aux procédures exceptionnelles prévues par les articles L. 522-3 et L. 621-7 du présent code et par les articles L. 113-1, L. 121-9 et L. 122-5-1 du code de l'urbanisme.
Lorsque la collectivité territoriale compétente engage l'élaboration ou la révision d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un plan local d'urbanisme, le représentant de l'État porte à sa connaissance les mesures et les modalités à respecter pour assurer l'atteinte des objectifs visés aux premier et deuxième alinéas du présent article. »
Il s’agit avant tout de transcrire en droit français les obligations qui découlent de la Convention de 1972, et notamment la préservation de la valeur universelle exceptionnelle des biens inscrits.
Cette disposition permet également de concilier les objectifs de développement économique, social et environnemental des collectivités territoriales avec l’engagement international de la France en tant qu’État partie à la Convention, seul garant, devant la communauté internationale, de la préservation de la valeur universelle exceptionnelle des biens inscrits sur son territoire.
En outre, la prise en compte de l’inscription au Patrimoine mondial dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT) consacre la pleine collaboration des services de l’État et des collectivités territoriales, principales responsables des documents d'urbanisme, dans la gestion du patrimoine mondial. Elle traduit également un objectif de mise en valeur de l'environnement des biens, et notamment de leur zone tampon, en s'attachant à contrôler la nature des opérations de constructions et d'aménagement : les infrastructures, les équipements, les bâtiments de grande hauteur ou de grande surface seront encadrés, permettant ainsi de freiner l'extension de l'urbanisation et de « l'artificialisation » des sols.
Cette mesure aura un impact très positif sur les politiques décentralisées d'urbanisme et d'aménagement, tant dans leur conception que dans leur application. L’État devra porter à la connaissance de toute autorité compétente en matière d'élaboration ou de révision de document d'urbanisme les mesures et les modalités à respecter pour assurer la protection et à la mise en valeur des biens du patrimoine mondial.
Les collectivités et établissements compétents en matière de document d'urbanisme ne seront assujettis à aucune autre procédure d'instruction que les procédures existantes. L’impact sur les collectivités concernées, en termes financiers ou de personnel, est donc minime : elles auront à intégrer dans leurs documents d’urbanisme des éléments patrimoniaux qu’elles sont déjà supposées intégrer, en application de l’article L.123-1-5 du code de l’urbanisme.
En revanche, le rôle des services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication sera confirmé. Ces services contribueront à une meilleure prise en compte des enjeux du patrimoine mondial au niveau local, régional voire interrégional dans le cas de certains biens étendus ou en série.
Répartition du nombre de communes concernées par un bien inscrit au patrimoine mondial en fonction de leur document d’urbanisme47 (biens inscrits hors zone tampon):
Carte communale |
70 |
Plan d’occupation des sols |
185 |
Plan local d’urbanisme |
341 |
Communes soumises au règlement national d’urbanisme |
87 |
Total |
683 |
2.3.1.4. Modalités d'application
La prise en compte du patrimoine mondial (biens, zones tampons et plans de gestion) dans les documents d'urbanisme est introduite dans l'article L.612-1 du code du patrimoine.
Disposition réglementaire à modifier |
Mesure |
Contenu |
CODE DU PATRIMOINE | ||
Préciser la procédure de définition de la valeur universelle exceptionnelle des biens inscrits, de leur délimitation, de leur zone tampon et de leur plan de gestion. | ||
CODE DE L'URBANISME | ||
Préciser les modalités de prise en compte des biens inscrits, de leur zone tampon et de leur plan de gestion dans les documents de l’urbanisme. | ||
2.3.2. Mesure 36 : Articulation et simplification des procédures : la non superposition des servitudes portant sur les espaces et les immeubles (Article 24 ; articles L. 621-30 et L. 632-3 du code du patrimoine)
1. La superposition actuelle des servitudes
La complexité des dispositifs actuels en matière de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager conduit à une stratification normative et à un cloisonnement des régimes d’autant plus importants lorsque ces dispositifs se superposent.
En effet, le nombre conséquent de dispositifs (monument historique, secteur sauvegardé, zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP), abords des monuments historiques et site classé et inscrit) engendre de fait des superpositions qui peuvent rendre la gestion du patrimoine, sur une commune ou un territoire, complexe.
Cette gestion est d’autant plus délicate que les dispositifs en question relèvent de plusieurs administrations : du ministère de la culture et de la communication mais également des services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
À titre d’exemple, le nombre d’avis émis par les architectes des bâtiments de France (ABF) dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux concernées par la superposition de servitudes, s’élève à 26 000 en 2013. Si le nombre d’autorisations de travaux délivrées au titre de plusieurs servitudes peut sembler peu élevé, environ 7 % de l’ensemble des avis émis par les ABF en 201348, il n’en demeure pas moins que ces autorisations se rapportent à des projets situés dans des territoires aux forts enjeux patrimoniaux. On peut ainsi évoquer le cas de Paris dont environ 70 % du territoire est protégé à la fois au titre d’abords de monuments historiques et au titre d’un site inscrit. A ces protections, il convient d’ajouter les deux secteurs sauvegardés du Marais et du Faubourg Saint-Germain. La superposition du site inscrit et des périmètres de protection des monuments historiques concentre à elle-seule plus de 60 % des avis émis sur une année à Paris.
L’instruction des demandes d’autorisation de travaux peut être alourdie dès lors que les régimes de protection se superposent. Le nombre de services concernés par une opération projetée, la nature, la portée et le délai des avis qui doivent être rendus en sont multipliés. Cette lourdeur administrative ne favorise pas la lisibilité de dispositifs déjà mal identifiés par la population et les élus.
2. Le cas des sites
La législation en matière de sites, à savoir les dispositifs de classement et d'inscription des monuments naturels et des sites, relève du code de l'environnement. Si le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est le principal acteur de la protection de ces sites, il n'en demeure pas moins que le ministère de la culture et de la communication est directement impliqué dans la gestion et la mise en valeur des sites classés et inscrits.
En effet, le décret n°2010-633 du 8 juin 2010 relatif à l’organisation et aux missions des directions régionales des affaires culturelles, et plus précisément l'article 4, spécifie expressément la participation des services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication à la politique de protection et de mise en valeur des sites :
« Sous l'autorité fonctionnelle des préfets de département, les directions régionales des affaires culturelles participent à l'application de la législation relative aux sites inscrits et classés et veillent à l'application de la législation de la publicité extérieure et des enseignes, en collaboration avec la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement et, le cas échéant, avec la direction départementale du territoire. »
Les architectes des bâtiments de France (ABF) affectés au sein des services territoriaux de l'architecture et du patrimoine, contribuent tout particulièrement à la conservation et à la mise en valeur des espaces naturels, paysagers ou urbains remarquables d'intérêt patrimonial. À ce titre, leur expertise est requise dans le cadre des demandes d'autorisation de travaux en site classé et en site inscrit selon les dispositions suivantes :
• En site classé, tout projet relevant d’une décision préfectorale est soumis à l’avis de l’ABF en application de l’article R. 341-11 du code de l’environnement ;
• En site inscrit, la réglementation applicable prévoit un accord exprès de l'ABF pour les démolitions (article R.*425-18 du code de l'urbanisme) et une consultation de l'ABF (article R.*425-30 du code de l'urbanisme) pour toutes les autres autorisations d'urbanisme. Le nombre de sites inscrits dégradés et leur évolution ont démontré l'insuffisance de l'avis simple (consultatif) en termes de protection. Parallèlement les sites sont parfois très étendus et génèrent un nombre d'avis très important. Sur les 400 000 avis annuels rendus par les ABF, on estime à environ 63 000 les avis rendus au titre des sites inscrits, dont 41 000 avis rendus au titre des sites inscrits seuls, c'est-à-dire non conjugués à un avis au titre du code du patrimoine (abords de monuments historiques principalement) ;
L'implication des ABF dans la politique de protection et de mise en valeur des sites protégés est donc d'autant plus prégnante que de nombreux sites, qu'ils soient inscrits ou classés, se superposent à d'autres types de protection tels que notamment les périmètres de protection des monuments historiques.
L’objectif est de mettre fin aux superpositions de régimes de protection relevant du même code, notamment pour les monuments historiques, les cités historiques et les abords délimités des monuments historiques. L’article L.632-3 du code du patrimoine prévoit ainsi que la servitude de cité historique ne s’applique pas aux monuments historiques et l’article L.621-30 que les abords des monuments historiques ne s’appliquent pas en cité historique. Les 810 cités historiques (fusion des secteurs sauvegardés, des ZPPAUP et des AVAP) possèdent presque toutes au moins un monument historique. La limitation des superpositions simplifiera la gestion de l’ensemble des dispositifs en faveur de la protection du patrimoine.
Par ailleurs, la servitude de site inscrit ne sera plus applicable dans les périmètres délimités des abords ainsi que dans les cités historiques. Rappelons que le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit notamment pour les sites des dispositions visant à :
- abroger les sites dont la dégradation est considérée comme irréversible ou qui sont couverts par d'autres protections au moins équivalentes,
- conduire les sites inscrits existants les plus remarquables vers des mesures de protection au titre du code du patrimoine pour les espaces urbains ou vers des sites classés pour les espaces naturels.
Aucun impact n’est à prévoir en termes de charge de travail ou en termes financiers pour les services de l’État tout comme pour les services des collectivités. La limitation des superpositions de régimes de protection n’aura que peu d’impact en termes de nombre d’avis émis par les ABF qui ne devrait ni diminuer ni augmenter. En revanche, elle apportera une simplification certaine dans l’instruction des demandes d’autorisation de travaux.
La simplification et la clarification des outils en matière de protection des sites seront assurées par une meilleure articulation entre le code de l'environnement et le code du patrimoine.
Les délais d’émission des avis seront unifiés. Actuellement, les délais à l’issue desquels l’ABF est réputé avoir émis un avis diffèrent en fonction du type de régime de protection qui s’applique et de la nature des travaux projetés. Ces délais, fixés dans la partie réglementaire du code de l'urbanisme, seront modifiés et unifiés.
2.3.2.4. Modalités d'application
L'article L.612-2 remplace l'ancien titre III (sites) du livre VI du code du patrimoine.
Il précise le renvoi, pour la mise en œuvre des sites, aux articles concernés du code de l'environnement (articles L.341-1 à L.341-22).
Disposition à modifier |
Mesure |
Contenu |
CODE DU PATRIMOINE | ||
CODE DE L'URBANISME | ||
sans objet |
2.3.3. Mesure 37 : La non-superposition des servitudes portant sur les objets mobiliers (Article 30, 5° f)
Le titre V du livre IV du code du patrimoine institue un dispositif de protection et de contrôle scientifique et technique de la conservation des biens inscrits sur l'inventaire d'un musée de France.
Or, certains de ces biens peuvent bénéficier d'une protection au titre des monuments historiques, généralement antérieure à leur acquisition par le musée concerné et parfois être à l'origine même de la création du musée (par exemple, les objets découverts dans le tumulus de Vix dont le cratère dit « le vase de Vix » classés en 1956, ou les véhicules de la collection Schlumpf à Mulhouse, classés en 1978 et constitutifs de la collection du musée national de l'automobile). Dès lors, ils devraient également être soumis aux dispositions prévues par le livre VI du code du patrimoine pour le contrôle scientifique et technique de la conservation des objets mobiliers classés et inscrits.
La base Palissy contient 3360 notices d'objets (une notice peut concerner plusieurs objets) présents ou déplacés dans des musées. Plusieurs objets classés sont conservés au musée du Louvre et au musée national du Moyen Âge et des thermes de Cluny à Paris (classements de la fin du XIXème siècle ou du début du XXème siècle).
Exemples d'objets mobiliers classés au titre des monuments historiques, inscrits sur l'inventaire d'un musée de France :
- tenture d'Esther et Assuérus au musée Lorrain à Nancy, classée en 1927 ;
- tenture de 10 tapisseries de l'histoire de David et Bethsabée, au musée national de la Renaissance du château d'Écouen, classée dès 1889 ;
- ensemble des 12 tableaux de la folie de Roland d'après l'Arioste, au musée Roger Quillot de Clermont-Ferrand, classés en 1951.
L'application d'un double régime de contrôle scientifique et technique, faisant appel, pour l'essentiel, aux mêmes catégories de professionnels (conservateurs du patrimoine formés à l'institut national du patrimoine qui peuvent occuper les fonctions de conservateurs des monuments historiques ou de conseillers pour les musées en direction régionale des affaires culturelles, et de conservateurs au sein des musées de France) apparaît toutefois superflue et susceptible de générer des délais inutiles. En pratique, lorsqu'un objet protégé au titre des monuments historiques figure sur l'inventaire d'un musée de France, les conséquences de la protection au titre des monuments historiques sont suspendues.
Cette pratique n'est toutefois pas prévue par le code du patrimoine et n'est pas conforme à la lettre de la loi.
Il s'agit de supprimer, dans le code du patrimoine, la superposition pour un même bien des deux régimes de la protection au titre des monuments historiques et de l'appartenance aux collections d'un musée de France.
Dès lors, tant qu'il figurera sur l'inventaire d'un musée de France, l'objet mobilier classé ou inscrit se verra exempté de l'application des dispositions du livre VI du code du patrimoine.
Ces dispositions lui redeviendront toutefois applicables de plein droit s'il cesse d'appartenir aux collections d'un musée de France, soit par disparition de celui-ci, soit au cas où l'appellation de musée de France lui serait retirée en application de l'article L.442-3 du code du patrimoine.
La disposition envisagée aura pour effet de régulariser une pratique existante et permettra de clarifier les responsabilités en matière de contrôle entre les services chargés des musées de France et des monuments historiques. Elle permettra de dispenser ces derniers de l'exercice de leur mission de contrôle sur les biens concernés, dans les cas où ils l'exercent encore. Cette mesure ne concerne pas les objets simplement en dépôt.
Le contrôle des travaux affectant les objets classés ou inscrits au titre des dispositions du livre VI relatif aux monuments historiques étant écarté en faveur de l'application des dispositions relatives aux musées, alors même qu'il est plus contraignant et plus protecteur, il est essentiel que le droit des collections des musées de France prévoie un contrôle scientifique et technique des projets et de l'exécution des travaux, ainsi que des sanctions adaptées de même niveau. La mesure n°30 répond à cette exigence en attribuant au service chargé des musées de France de véritables pouvoirs de contrôle de l'exécution des travaux sur les biens appartenant aux collections des musées de France ainsi que, sur le modèle du droit des monuments historiques, un régime de travaux d'office.
La mesure est donc dépourvue d'impact, en termes financiers, pour les collectivités territoriales. Elle se traduira éventuellement, en termes de charge de travail, par une diminution liée à la simplification.
2.3.3.4. Modalités d'application
Un article de la partie réglementaire du code du patrimoine prévoira l'obligation, pour le propriétaire d'un objet classé ou inscrit, de signaler à l'autorité administrative compétente (le préfet de région) l'entrée ou la sortie d'un objet mobilier classé ou inscrit de l'inventaire d'un musée de France.
Dispositions à modifier |
Mesure |
Contenu |
CP, partie réglementaire, section 3 du chapitre 2 du titre II du livre VI |
Décret en CE |
Insertion d'un article prévoyant l'obligation et les modalités de signalement à l'autorité administrative de l'entrée ou de la sortie d'un objet mobilier classé ou inscrit de l'inventaire d'un musée de France. |
2.3.4. Mesure 38 : Institutions (Article 23; articles L. 611-1 et L. 611-2 du code du patrimoine)
Dans la logique des efforts entrepris depuis plusieurs années et conformément au relevé de décisions du comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP) du 2 avril 2013, le Gouvernement a poursuivi la politique de réduction du nombre des commissions consultatives. Si aucune commission consultative compétente en matière de monuments historiques et d'espaces protégés n'est inutile et si chacune a sa légitimité et un rôle bien précis, il est apparu qu'à la faveur des réformes envisagées, notamment dans les domaines des espaces protégés (création des cités historiques) et des objets mobiliers, certaines de ces commissions pouvaient être regroupées, apportant à la fois une meilleure lisibilité, une plus grande cohérence des régimes entre eux et une économie de moyens.
Aujourd'hui, au niveau central, deux commissions consultatives s'occupent de monuments historiques et d'espaces protégés : la Commission nationale des monuments historiques et la Commission nationale des secteurs sauvegardés. La commission régionale du patrimoine et des sites conseille le préfet de région. Quant à la commission départementale des objets mobiliers, elle est chargée de conseiller le préfet de département.
1. Commission nationale des monuments historiques (CNMH)
La Commission nationale des monuments historiques succède à la Commission des monuments historiques, créée dès 1837 pour conseiller le service des monuments historiques naissant, devenue par la suite Commission supérieure des monuments historiques. L'appellation et l'organisation actuelles ont été créées par le décret n°2007-612 du 25 avril 2007 relatif à la Commission nationale des monuments historiques, intégré en 2011 dans la partie réglementaire du code du patrimoine (articles R.611-1 et suivants).
Cette commission est organisée en un comité des sections, chargé des affaires transversales et en six sections thématiques, toutes présidées par le ministre chargé de la culture ou son représentant :
1ère section : Classement des immeubles.
2ème section : Travaux sur les immeubles classés ou inscrits.
3ème section : Périmètres de protection des immeubles classés ou inscrits et travaux sur les immeubles situés dans ces périmètres.
4ème section : Classement des objets mobiliers et travaux sur les objets mobiliers classés.
5ème section : Classement et inscription des orgues, buffets d'orgues et instruments de musique et travaux s'y rapportant.
6ème section : Classement des grottes ornées et travaux sur les grottes ornées classées.
Chacune des sections est composée de 25 membres permanents (membres de droit, membres de l'inspection des patrimoines, membres des services déconcentrés du ministère chargé de la culture, élus, personnalités qualifiées, dont des représentants d'associations) et de « membres experts », qui ne siègent que lorsque sont examinés des dossiers relevant de leurs domaines de compétence (par exemple, la première section comprend des experts du patrimoine des jardins, des experts du patrimoine du XXe siècle et des experts du patrimoine industriel, scientifique et technique).
Les sections se réunissent à des fréquences variables (d'une dizaine de séances par an pour la 1ère et la 2ème sections, à deux ou trois séances par an pour les 3ème et 6ème sections).
2. Commission nationale des secteurs sauvegardés (CNSS)
La Commission nationale des secteurs sauvegardés, dont la consultation est notamment prévue par l'article L.313-1 du code de l'urbanisme, est instituée, sous sa forme actuelle, par l'article R.313-18 du code de l'urbanisme.
Cette commission, présidée par un député ou un sénateur, comprend 24 membres (8 représentants de ministres, le directeur de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, cinq élus de collectivités territoriales et neuf personnalités qualifiées, désignés par arrêté conjoint des ministres chargés du patrimoine et de l'urbanisme).
La Commission nationale des secteurs sauvegardés est consultée préalablement à la création, par arrêté préfectoral, d'un nouveau secteur sauvegardé (CU, art. L.313-1 et R.313-1); elle est également consultée sur les projets d’extension de secteur sauvegardé, ainsi que de création ou de révision des plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) élaborés dans les secteurs sauvegardés et sur certains projets de modification des PSMV (CU, art. L.313-1, R*.313-10, R.313-13 et R.313-15).
Plus largement, elle délibère sur toutes les questions relatives à l'application des articles L.313-1 à L.313-15 du code de l'urbanisme (c'est à dire du chapitre III : « Restauration immobilière et secteurs sauvegardés » du titre I : « Opérations d'aménagement » du livre III : « Aménagement foncier ») dont elle est saisie par le ministre chargé du patrimoine ou le ministre chargé de l’urbanisme (CU, art. R.313-19).
3. Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS)
La CRPS a succédé en 199949 à la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique et au collège régional du patrimoine et des sites. Les dispositions relatives à la CRPS sont codifiées aux articles L.612-1 et R.612-1 à R.612-9 du code du patrimoine.
Elle est présidée par le préfet de région et comprend 32 membres (membres de droit, experts des services de l’État en charge des monuments historiques, élus nationaux ou locaux, personnalités qualifiées et représentants d'associations ou de fondations). Elle est dotée d'une délégation permanente comprenant 10 membres et d'une section chargée d'examiner les recours contre les avis rendus par les architectes des bâtiments de France, comprenant 12 membres. La composition de la CRPS et de la délégation permanente est légèrement différente dans les régions d'outre-mer.
Contrairement à ce que laissait entendre sa dénomination, la CRPS n'a, depuis sa création, jamais exercé de compétence en matière de sites au sens du code de l'environnement. Elle est chargée d'émettre un avis sur les demandes et propositions d'inscription ou de classement d'immeubles au titre des monuments historiques, sur les projets de création d'aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), sur les projets de création de périmètres de protection adaptés autour des monuments historiques et sur les projets de création de périmètre de protection modifiés qui lui sont soumis, ainsi que sur toute question qui lui est posée par le préfet de région intéressant l'étude, la protection et la conservation du patrimoine de la région (CP, art. R.612-1).
Sa délégation permanente peut examiner les propositions et demandes d'inscription et de classement, et émettre un avis défavorable au nom de la CRPS, ou se prononcer pour un examen en commission plénière (CP, art. R.612-2).
Sa section, enfin, est chargée d'examiner les recours formulés contre les avis émis par les architectes des bâtiments de France sur des projets de travaux aux abords des monuments historiques ou en secteur sauvegardé (CP, art. L.612-1, L.621-31, R.612-3, et CU, art. L.313-2).
4. Commission départementale des objets mobiliers (CDOM)
À la suite de la loi n°70-1219 du 23 décembre 1970 modifiant la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques en instituant notamment le régime de l'inscription à l'inventaire supplémentaire des objets mobiliers (l'inscription était jusqu'alors réservée aux immeubles), la CDOM a été créée par décret 19 octobre 197150. La CDOM est désormais organisée par les articles R.612-10 à R.612-16 du code du patrimoine.
La CDOM est présidée par le préfet de département et comprend 25 membres (membres de droit, conservateurs d'un musée et d'une bibliothèque, conseillers généraux et maires, personnalités qualifiées et représentants d'associations ou de fondations). Elle est légèrement adaptée dans les départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud.
La CDOM est consultée sur les demandes et propositions de classement et d'inscription d'objets mobiliers au titre des monuments historiques. Elle veille à la protection des objets mobiliers intéressants au point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la technique dans le département, étudie les mesures propres à assurer leur conservation, sensibilise l'opinion publique à la conservation du patrimoine culturel mobilier, conseille le préfet sur les projets de transfert, cession, modification, restauration ou réparation d'objets mobiliers protégés, et de manière générale sur toute question dont elle est saisie en matière de protection ou de conservation des objets mobiliers (CP, art. R.612-10).
La CDOM est enfin la commission, placée auprès du préfet compétente, aux termes de l'article L.612-2 du code du patrimoine, pour donner un avis sur l'application de l'article L.622-10 relatif à la mise à l'abri, dans un musée ou un trésor de cathédrale et sur décision du préfet, d'un objet classé dont la conservation et la sécurité ne sont pas assurés par son propriétaire.
De manière générale, les mesures proposées permettront de préciser certaines compétences des commissions consultatives compétentes en matière de monuments historiques et de cités historiques. Elles obéissent par ailleurs à des objectifs propres à chacun des niveaux d'organisation, central et déconcentré.
1 Création d'une Commission nationale des cités et monuments historiques fusionnant la Commission nationale des secteurs sauvegardés et la Commission nationale des monuments historiques
Il existe, d'ores et déjà, une proximité entre certains des sujets soumis à la Commission nationale des monuments historiques (3ème section) et ceux qui sont soumis à la Commission nationale des secteurs sauvegardés. Ces deux instances sont en effet chargées d'émettre des avis sur des dossiers relatifs à la protection de la qualité d'espaces urbains (secteurs sauvegardés) ou situés en abords des monuments historiques. Les compositions de ces deux instances comportent certaines similitudes, notamment en ce qui concerne les personnalités qualifiées. La fusion, opérée par la présente proposition de loi, entre les régimes des secteurs sauvegardés et des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) dans le nouveau régime des cités historiques, et le rapprochement des régimes d'autorisation de travaux dans ces cités historiques et aux abords des monuments historiques, justifient une fusion de la CNMH et de la CNSS dans une nouvelle Commission nationale des cités et monuments historiques (CNCMH).
Cette fusion permettrade traiter dans une même section de la nouvelle CNCMH les problématiques comparables des diverses catégories d'espaces protégés au titre du patrimoine culturel. Elle simplifiera l'organisation de l'actuelle CNSS, par un effet de mutualisation. Elle renforcera enfin la cohérence des politiques de protection des différentes catégories de patrimoine culturel, depuis les objets mobiliers jusqu'aux cités historiques, en passant par les immeubles classés ou inscrits.
La fusion de la CNSS et de la CNMH permettra donc de supprimer une commission consultative au niveau national, sans pour autant créer une section supplémentaire dans l'actuelle CNMH, devenant CNCMH.
2. Fusion dans la commission régionale du patrimoine et de l'architecture des compétences de la commission régionale du patrimoine et des sites et de la commission départementale des objets mobiliers
Dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale de l'État, le niveau régional a été confirmé dans son rôle de pilotage de la protection des immeubles et des espaces.
Ce choix d'organisation au niveau régional, sous l’autorité du préfet de région (DRAC), a reposé la question, déjà évoquée à plusieurs reprises par le passé, de la cohérence du maintien au niveau départemental des compétences exercées par la commission départementale des objets mobiliers en matière de protection au titre des monuments historiques.
En outre, certaines commissions départementales des objets mobiliers peinent aujourd'hui à se réunir, faute de temps et de moyens, pour les services des préfectures, pour organiser les réunions et établir les procès-verbaux.
Enfin, le ministère de la culture conduit, depuis plusieurs années, un effort de rationalisation des protections au titre des monuments historiques, matérialisé par une instruction du 1er décembre 2008 relative aux critères de protection des immeubles et une autre du 28 novembre 2012 (actualisant une instruction du 15 juin 2009) relative aux critères de protection des objets mobiliers. Cette rationalisation passe par une plus grande sélectivité des inscriptions au titre des monuments historiques et par une meilleure cohérence des décisions sur l'ensemble du territoire.
Nombre d'immeubles classés et inscrits depuis 1965
Source : Bilan de la protection des monuments historiques en 2012 (MCC/DGP, 2013)
Références : Instructions du 1er décembre 2008 et du 28 novembre 2012 sur la protection des immeubles et des objets mobiliers et circulaire du 8 février 2013 sur la commission régionale du patrimoine et des sites
La fusion dans la nouvelle CRPA des CDOM (anticipée pour les régions et départements d'outre-mer où elle a pu être effectuée, s'agissant de régions mono - départementales, par décret du 11 février 2014), qui conduira au transfert au préfet de région de la compétence d'inscription des objets mobiliers, parachèvera la réorganisation au niveau régional des services de l’Etat chargés de l’inscription au titre des monuments historiques et permettra de renforcer la cohérence des protections entre les différents départements d'une même région et entre les immeubles et les objets mobiliers. Elle introduira, par l'effet mécanique d'une diminution du nombre des commissions (1 ou 2 réunions par an au niveau régional, contre 4 à 8 réunions de CDOM par an, dans une région comptant 8 départements), l'obligation d'un choix plus rigoureux des objets proposés à l'inscription.
Elle permettra de remplacer 101 commissions départementales par 18 (13 en métropole et 5 outre-mer) sections spécialisées en matière d'objets mobiliers des CRPA.
La fusion de la CNMH et de la CNSS n'impactera pas l'organisation des services des ministères chargés du patrimoine et de l'urbanisme, l'organisation des séances de la CNSS étant déjà principalement assurée par les services du ministère chargé de la culture. Elle simplifiera et allégera toutefois la tâche de ces derniers, puisqu'il ne sera plus nécessaire de préparer un arrêté spécifique pour la nomination des membres de la CNSS, l'ensemble des membres des sections de la future CNCMH étant désignés, comme aujourd'hui pour la CNMH, par un seul et même arrêté.
Elle ne générera aucune dépense supplémentaire et devrait même conduire à une réduction des coûts, dans la mesure où il n'est pas envisagé de créer une septième section, mais de redistribuer les compétences des six sections actuelles de la CNMH et de la CNSS entre six sections de la nouvelle CNCMH.
Répartition des compétences des formations de la CNMH et proposition de répartition des compétences de la future CNCMH
Formations |
Compétences actuelles |
Compétences futures |
Section 1 |
Classement des immeubles |
Classement et gestion des cités historiques |
Section 2 |
Travaux sur les immeubles classés ou inscrits |
Protection des immeubles au titre des monuments historiques et abords |
Section 3 |
Périmètres de protection des immeubles classés ou inscrits et travaux sur les immeubles situés dans ces périmètres |
Travaux sur les immeubles |
Section 4 |
Classement des objets mobiliers et travaux sur les objets mobiliers classés |
Classement des objets mobiliers et travaux sur les objets mobiliers classés |
Section 5 |
Classement et inscription des orgues, buffets d'orgues et instruments de musique et travaux s'y rapportant |
Classement et inscription des orgues, buffets d'orgues et instruments de musique et travaux s'y rapportant |
Section 6 |
Classement des grottes ornées et travaux sur les grottes ornées classées |
Classement des grottes ornées et travaux sur les grottes ornées classées |
La fusion des CDOM et de la CRPS aura un impact positif en termes d'amélioration de la cohérence des politiques de protection des immeubles et des objets mobiliers, dans la logique de la création par la présente loi de la servitude de maintien dans les lieux d'objets mobiliers classés dans un immeuble classé (mesure n°53), et du renforcement du lien entre l'immeuble par nature protégé au titre des monuments historiques et les immeubles par destination (mesure n°62).
La participation aux séances de la CDOM et de la CRPS ne donnant pas lieu à rémunération, cette fusion ne générera pas d'économies budgétaires substantielles. Toutefois, elle créera des économies d'échelle, dans la mesure où 101 commissions départementales seront remplacées par une section « objets mobiliers » pour chaque CRPA. La tâche des services de l'État, pris dans leur ensemble, s'en trouvera indéniablement allégée, même si cet allègement, qui bénéficiera principalement aux préfectures de département, se traduira par un léger accroissement de la charge de travail des services des directions régionales des affaires culturelles, sachant que certains organisaient déjà les séances des CDOM pour le compte des préfectures de département.
La disparition des CDOM, instances de proximité, pose la question de l'éloignement de la politique de protection des objets mobiliers par rapport au niveau départemental surtout dans la perspective de la création des « grandes régions ». Les CDOM sont en effet essentiellement constituées d'acteurs implantés dans le département, alors que les sections dédiées aux objets mobiliers de la CRPA devront faire appel à des compétences régionales– comme c’est déjà le cas, cependant, pour les immeubles, sans difficulté majeure de ce fait. Cette perte de proximité, partiellement compensée par la réduction des distances due à l'évolution des outils de communication, reste limitée par la présence et l'action des conservateurs des antiquités et objets d'art (CAOA), relais de l'action de l'État, en matière de patrimoine mobilier, dans les départements. Cette implantation départementale des CAOA, tout comme celle des architectes des Bâtiments de France, doit être corrélativement renforcée.
Dans le dispositif actuel, les CAOA sont chargés de repérer dans le département les objets mobiliers qui semblent justifier une protection au titre des monuments historiques, de rassembler les éléments d'information permettant de présenter ces objets aux CDOM, d'animer les réunions de la CDOM et, en aval de la protection, d'effectuer le récolement périodique des objets classés, de conseiller les propriétaires en matière de conservation préventive, de sécurité et de sûreté, et de contribuer au contrôle scientifique et technique des travaux. Le rôle d'animation de la CDOM sera remplacé par la participation des CAOA, chacun pour ce qui concerne son département, aux séances de la section dédiée au patrimoine mobilier de la CRPA.
Cette mesure n’aura aucun impact en termes financier ou en termes de charge de travail pour les collectivités territoriales.
2.3.4.4. Modalités d'application
La fusion de la CNMH et de la CNSS décidée par la loi nécessitera une modification des parties réglementaires du code du patrimoine et du code de l'urbanisme, et une adaptation des arrêtés (règlements intérieurs, nominations) et des circulaires existants.
La fusion des CDOM et des CRPS exigera la modification de la partie réglementaire du code du patrimoine, une adaptation des arrêtés (nominations) et des circulaires existants.
La seule modification législative qu'elle implique est l'abrogation des dispositions actuelles de l'article L. 612-2 du code du patrimoine, qui renvoie à l'article L. 622-10 relatif aux avis émis sur la mise en sécurité d'objets mobiliers classés. L'emploi de cette disposition étant extrêmement rare, cette compétence pourra être, sans préjudice aucun, transférée à la CRPA, par voie d'ordonnance. La CDOM pourra, pour le reste de ses compétences, perdurer dans son organisation actuelle jusqu'à l'adoption, par décret, de la nouvelle organisation de la CRPA, incluant les compétences de la CDOM et abrogeant les dispositions réglementaires relatives à cette dernière. La transition entre les deux systèmes pourra dès lors s'effectuer sans difficulté majeure.
L'alourdissement de la tâche des services des DRAC devra être atténuée par une répartition des rôles entre les différents acteurs concernés (agents administratifs, conservateurs des monuments historiques, chargés de la protection des monuments historiques, CAOA), chacun pour ce qui le concerne (convocations, organisation matérielle, ordre du jour, procès-verbaux).
Une mesure réglementaire devra également transférer du préfet de département au préfet de région la compétence de signature des arrêtés d'inscription des objets mobiliers.
Des dispositions transitoires sont prévues dans le cadre du présent projet de loi pour :
- permettre aux commissions actuelles de continuer d’exercer les missions des nouvelles commissions jusqu’à la création effective de ces dernières ;
- garantir que les avis émis par les anciennes commissions pourront tenir lieu des avis demandés aux nouvelles commissions, pendant une période de temps déterminée, pour éviter d’avoir à consulter les nouvelles commissions sur des sujets sur lesquels les anciennes se seraient déjà prononcées.
Dispositions à modifier |
Mesure |
Contenu |
CP livre VI, article L.612-2 |
Ordonnance |
Ajout à la liste des compétences de la CRPA de la compétence d'avis prévue par l'article L.622-10. |
CP livre VI, CU, et tous textes réglementaires |
Décret en CE |
Remplacement des mentions « Commission nationale des monuments historiques » et « Commission nationale des secteurs sauvegardés » par la mention « Commission nationale des cités et monuments historiques » ; remplacement des mentions « Commission régionale du patrimoine et des sites » par la mention « Commission régionale du patrimoine et de l'architecture ». À terme, remplacement des mentions « Commission départementale des objets mobiliers » par la mention « Commission régionale du patrimoine et de l'architecture ». |
CP art. R.611-1 |
Décret en CE |
Article précisant les compétences de la CNMH. Modification pour intégrer les compétences de la nouvelle CNCMH relatives aux cités historiques, à l'aliénation des immeubles classés et inscrits appartenant à l'État, à la fixation de la liste et à la délimitation des domaines nationaux, à la création des ensembles historiques mobiliers et des servitudes de maintien dans les lieux. |
CP art. R.611-2 |
Décret en CE |
Article fixant la liste des sections de la CNMH. Modifier pour intégrer à la nouvelle CNCMH les compétences de la CNSS et les compétences à ajouter à l'article R.611-1. |
CP art. R.611-4 |
Décret en CE |
Article relatif à la présidence de la CNMH. À ajuster en ce qui concerne la section qui remplacera la CNSS. |
CP art. R.611-6 |
Décret en CE |
Article relatif au secrétariat de la CNMH. À ajuster en ce qui concerne la section qui remplacera la CNSS. |
CP art. R.611-10, 11 ,12 |
Décret en CE |
Articles relatifs à la composition des 1ère, 2ème et 3ème section de la CNMH. À adapter. |
CP art. R.611-16 |
Décret en CE |
Article relatif à la composition du comité des sections de la CNMH. À adapter. |
CP. Section 2 du chapitre I du titre I du livre VI (partie réglementaire) |
Décret simple |
Article unique (D.611-17) relatif à la Commission nationale des secteurs sauvegardés. À abroger. |
CP art. R.612-1 |
Décret en CE |
Article fixant la liste des compétences de la CRPS. Ajouter pour la CRPA les compétences relatives aux cités historiques, et, à terme, les compétences de l'actuelle CDOM et celles qui doivent lui être confiées par le projet de loi (ensembles historiques mobiliers, servitudes de maintien dans les lieux). |
CP art. R.612-2 à R.612-9 |
Décret en CE |
Articles relatifs aux attributions de la délégation permanente, de la section, et à l'organisation des différentes formations de la CRPS. À reprendre pour modifier ces attributions et ces compositions conformément aux nouvelles missions de la CRPA. |
CP art. R.612-10 |
Décret en CE |
Article fixant la liste des compétences de la CDOM. Abrogation de cet article pour la fusion des CDOM dans les CRPA. |
CP art. R.612-11 à R.612-16 |
Décret en CE |
Dispositions relatives à la composition et au fonctionnement de la CDOM. Abrogation pour la fusion des CDOM dans les CRPA. |
CP art. D.612-17 |
Décret simple |
Article relatif aux règles concernant le conseil des sites de Corse. Remplacer les références à la CRPS par les nouvelles références à la CRPA. |
CP art. R.622-32 à R.622-38 |
Décret en CE |
Compétences du préfet de département en matière d'inscription des objets mobiliers. À transférer au préfet de région. |
CP Livre VI titre I |
Décret simple |
Ajouter un article pour instituer la ou les commissions compétentes, en Corse, pour la protection des objets mobiliers, des ensembles historiques mobiliers et pour l'institution des servitudes de maintien dans les lieux, en remplacement de la CDOM. |
CP Livre VII |
Décret en CE |
Effectuer les modifications relatives à la composition et aux attributions des commissions consultatives Outre-Mer, en cohérence avec les textes métropolitains. |
Hors CP |
Décret en CE |
Moderniser et adapter aux réformes du code du patrimoine et territoriale le décret n°71-859 du 19 octobre 1971 relatif aux attributions des CAOA |
2.3.5. Mesure 39 : Définition, champ et conditions d'application des abords des monuments historiques (Article 24 ; article
L. 621-30 du code du patrimoine)
1. Principe et limites du régime actuel des périmètres de protection des monuments historiques
1.1 Principe
Les immeubles classés et inscrits au titre des monuments historiques génèrent un périmètre de protection automatique d'un rayon de 500 mètres destiné à préserver l'immeuble et ses abords pour en permettre une lisibilité constante.
La plupart des 43 000 édifices protégés au titre des monuments historiques engendre un périmètre de protection. Ces périmètres concernent aujourd'hui environ 16 600 communes et s'étendent sur une superficie totale de plus de 21 200 km². C'est dire l'importance de ce régime, communément nommé « abords » des monuments historiques, en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine architectural, urbain et paysager sur le territoire français.
Actuellement, les périmètres de protection des monuments historiques, servitude d’utilité publique, relèvent du code du patrimoine. L'article L.621-30 en précise le champ et les conditions d'application :
« […] Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument. »
Cet article établit deux principes essentiels :
Ø l'établissement automatique d'un périmètre de 500 mètres dès lors qu'un immeuble est classé ou inscrit ;
Ø la notion de champ de visibilité, soit l'application du régime des abords subordonnée à une condition de (co)visibilité : tout immeuble visible du monument historique ou visible en même temps que le monument historique est donc considéré comme étant dans son champ de visibilité. L'immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit est soumis à une autorisation de travaux. Il s'agit de s'assurer que les opérations projetées dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit ne portent pas atteinte à la préservation de cet édifice et à son environnement.
C'est un système à double niveau que développe la législation française : au moment de leur protection, les monuments historiques sont dotés automatiquement d'un périmètre géométrique dans lequel le niveau de protection varie selon le degré de dépendance visuelle entre le monument et tout aménagement ou projet de construction. La loi retient donc un double critère, géométrique d'une part, et optique, d'autre part.
Depuis 1945 près de 26 000 immeubles ont été protégés au titre des monuments historiques. Cette augmentation constante du nombre de protections, malgré une plus grande sélectivité ces dernières années, a étendu mécaniquement la surface des périmètres de protection des abords et la charge de travail des services territoriaux de l'architecture et du patrimoine, services des architectes des bâtiments de France.
1.2 Limites
Si le régime des abords est défini clairement par la loi selon un double critère, géométrique (500 mètres) et optique (champ de visibilité), il n'en demeure pas moins que ce dispositif peut être source de difficultés lors de son application et nécessite parfois des délais d’instruction des demandes d’autorisation de travaux jugés trop longs.
1.2.1 Le caractère « arbitraire » du régime des périmètres de protection des monuments historiques
L'établissement d'un périmètre de protection de « 500 mètres » autour des monuments historiques, du fait de son aspect automatique et géométrique, peut être considéré comme arbitraire. En effet, ce périmètre de protection s'applique indépendamment des caractéristiques et de l’environnement de chaque immeuble classé ou inscrit. Ce régime peut également susciter une certaine incompréhension de la part des habitants, la procédure actuelle de protection des monuments historiques ne prévoyant pas de concertation qui permettrait d'informer et de recueillir les avis de la population. En l'état, le régime actuel des abords ne favorise pas l'appropriation du patrimoine par les habitants et les élus.
De plus, la notion de champ de visibilité, suspendue à la condition de (co)visibilité, n'est pas d'une application toujours aisée pour les services territoriaux de l'architecture et du patrimoine et, en leur sein, les architectes des bâtiments de France. Ces derniers sont en effet chargés de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux situés notamment dans les périmètres de protection des monuments historiques. À ce titre, il leur revient de déterminer en amont de la délivrance de leur avis, s'il existe en ce qui concerne le projet envisagé une (co)visibilité avec le monument historique. Cette condition appréciée par l'ABF n'appelle pas le même type d'avis : en cas de (co)visibilité, c'est-à-dire de champ de visibilité confirmé, l'avis de l'ABF est « un accord », éventuellement assorti de prescriptions qui s’impose à l’autorité compétente, contrairement à l'avis rendu lorsque le projet se situe hors du champ de visibilité du monument historique.
De fait, le critère de (co)visibilité est essentiel dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux, mais son caractère appréciatif peut rendre le travail des ABF d'autant plus difficile et incompris qu'il peut être source d'insécurité juridique. Les avis émis par les ABF dans le cadre des demandes d'autorisation de travaux peuvent faire l'objet de recours auprès du préfet de région (recours administratif préalable obligatoire) ou du juge administratif.
Des procédures de recours engagées contre les avis émis par les ABF dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux peuvent en témoigner. Ces recours, très peu nombreux au regard du nombre d'avis émis chaque année par les ABF (moins de 100 recours pour 400 000 avis) concernent essentiellement les avis émis au titre du périmètre de protection des monuments historiques (qui s'élèvent, quant à eux, à 235 00051). Les recours au titre du périmètre de protection des monuments historiques sont le plus souvent fondés sur une mise en cause de la (co)visibilité dont l'appréciation relève de l'ABF.
La législation prévoit en effet qu'en cas de désaccord du maire avec l'avis émis par l'ABF, ou en cas de désaccord du pétitionnaire avec une décision de refus issue de l'avis défavorable de l'ABF, une procédure de recours peut être initiée : le préfet de région, après consultation facultative de la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS), rend une décision qui peut, soit confirmer l'avis émis par l'ABF, soit infirmer cet avis. Dans les deux cas, la décision du préfet de région vient se substituer à l'avis émis par l'ABF.
Les recours au titre du périmètre de protection des monuments historiques remettent bien souvent en cause la (co)visibilité dont l'appréciation relève de l'ABF. La compétence même de l'ABF peut donc être contestée dans le cadre de recours administratifs pouvant fragiliser la perception, par les usagers et les demandeurs, des services de l’État.
1.2.2 L’ambiguïté du régime des périmètres de protection des monuments historiques
Si le régime des abords des monuments historiques peut être considéré dans son application comme arbitraire, il peut également être source d’ambiguïté.
En effet, la condition de champ de visibilité définie par le code du patrimoine en fonction de la situation de l’immeuble n’est pas appréciée selon le même critère dans le code de l’urbanisme qui considère non pas la situation de l’immeuble mais le projet en tant que tel :
« Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou dans celui d'un parc ou d'un jardin classé ou inscrit ayant fait l'objet d'un périmètre de protection délimité [...] le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des bâtiments de France. » (article R.425-1 du code de l'urbanisme)
Cette divergence entre le code du patrimoine et le code de l’urbanisme, c’est-à-dire la prise en compte dans un cas de la situation de l’immeuble et dans l’autre du projet à réaliser, entretient une certaine ambiguïté.
Ainsi, un projet (d’impact limité) peut être en dehors du champ de visibilité d'un monument historique, quand bien même l'immeuble objet des travaux, considéré dans sa globalité, est lui-même dans le champ de visibilité du monument historique. Par exemple dans le cas d'un projet sur une façade sur cour d'un immeuble situé face à un monument historique.
Une autre ambiguïté existe quant à l’appréciation du champ de visibilité. Certains exemples de jurisprudence démontrent que le champ de visibilité peut être déterminé à partir d'un point de vue situé en dehors du rayon de 500 mètres :
« Considérant […] que les deux immeubles ne sont visibles en même temps d’aucun point du territoire, qu’il soit situé à l’extérieur ou à l’intérieur du périmètre de 500 mètres prévu ci-dessus » (Tribunal administratif de Strasbourg, 30 juillet 1993, Préfet de la Moselle c/commune de Scy-Chazelles, M. Felice Montirosso, n°922064).
L’intérêt du monument historique peut donc conduire à admettre dans certains cas une (co)visibilité au-delà du périmètre des 500 mètres.
Pour faire cesser ces différentes ambiguïtés, il est proposé dans le présent projet de loi de supprimer la notion de « champ de visibilité » dans les périmètres délimités des abords des monuments historiques, dans la mesure où ces périmètres sont délimités en fonction de l’environnement de chaque monument historique dans le cadre d’une étude historique, architecturale, urbaine et paysagère et après concertation (enquête publique).
2. Le régime des « abords » : une notion partagée en Europe
La notion d' « abords » d'édifices protégés est complexe mais bien réelle dans les différentes législations européennes. Si cette notion est développée selon des formules variables, toutes s'accordent sur un dénominateur commun : le contrôle des travaux et des interventions dans l'environnement de l'édifice protégé susceptibles de porter atteinte à son intégrité.
2.1 Définition
ü Les abords sont désignés par des substantifs différents d'un pays à l'autre (zone, aire, environnement, abords, entourage, perspective, secteur, etc), voire également au sein d'un même pays, notamment lorsqu'ils recouvrent des réalités juridiques différentes : ex. en Espagne, les termes entorno relatif à la législation du patrimoine et area relatif à la législation urbanistique ;
ü Les abords ne sont pas toujours clairement définis légalement, il n'existe pas de définition légale du terme « abords » en Espagne et en Italie par exemple, mais la notion d'abords est présente dans toutes les lois relatives au patrimoine des pays européens cités ;
ü La prise en compte des abords peut se faire au moment de la protection du monument afin d'envisager simultanément le monument et son environnement, ainsi que les relations qu'ils entretiennent (Angleterre, Espagne et Italie).
2.1. Périmètre de protection
ü Le périmètre des abords n'est jamais établi automatiquement. Il fait au contraire l'objet d'une étude au cas par cas, voire il est redéfini en permanence en fonction des projets envisagés à proximité des monuments protégés (ex. l'Allemagne) ;
ü Les abords ne correspondent pas toujours à l'environnement immédiat autour de l'immeuble protégé : en Angleterre par exemple, la protection des immeubles comprend l'immeuble et le terrain ou le site auquel il est associé, les abords correspondent alors à l'environnement au-delà de l'immeuble et du terrain ou du site ;
2. 3 Travaux
ü Les abords impliquent que les travaux projetés dans leur périmètre soient examinés en fonction de leur impact sur le monument même (Allemagne) ou sur le monument et les abords (Espagne, Italie, Angleterre). Il s'agit donc de déterminer dans la majorité des cas si le projet porte atteinte au monument et aux abords (Espagne, Italie, Angleterre) et non uniquement à l'immeuble protégé (Allemagne). Dans les dispositifs anglais, espagnol et italien, le contrôle est donc guidé par la qualité de l'environnement du monument, indépendamment de tout lien visuel direct, voire de co visibilité avec le monument ;
ü Les abords peuvent être également considérés comme un outil urbanistique : en Espagne, ils impliquent l'élaboration d'un « plan spécial » par les communes, c'est-à-dire l'obligation d'établir un document d'aménagement tenant compte des biens, des abords, des éléments urbains et naturels et des constructions.
Le terme « abords » communément utilisé pour désigner le périmètre de protection autour des monuments historiques est intégré dans la législation française.
Au-delà du substantif « abords » consacré, c'est la notion même de périmètre de protection autour des monuments historiques qui doit être redéfinie au regard des limites et difficultés que pose le régime actuel. L'objectif est de rationaliser les abords en créant un dispositif concerté et adapté.
La modification du régime actuel considéré dans son application comme arbitraire et suspendu à un avis appréciatif des architectes des bâtiments de France doit permettre :
Ø une plus grande lisibilité du rôle des services et notamment des missions des architectes des bâtiments de France qui pourront se recentrer sur les territoires à enjeux ;
Ø une meilleure compréhension et appréhension du patrimoine par les habitants et les élus.
Les impacts liés à la modification du régime des abords sont développés dans la partie suivante.
2.3.5.4. Modalités d'application
Voir la mesure n°39 relative au dispositif des abords
2.3.6. Mesure 40 : Périmètres de protection adaptés et délimités des abords (Article 24 ; articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine)
1. Définitions des dispositifs actuels de périmètre de protection adapté (PPA) et de périmètre de protection modifié (PPM).
La plupart des 43 000 édifices protégés au titre des monuments historiques génère un périmètre de protection automatique d'un rayon de 500 mètres dont les conditions d'application sont décrites dans la partie précédente dédiée à la mesure « définition, champ et conditions d'application des abords des monuments historiques ». Ce régime d'abords relève de l'actuel article L.621-30 du code du patrimoine qui prévoit également deux dispositions introduites par l'article 40 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite « loi SRU » et complétées par l'article 4 de l'ordonnance n°2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés :
Ø le périmètre de protection adapté (PPA) : cette mesure permet d'introduire, dès la procédure de protection de l'édifice au titre des monuments historiques, à l'initiative de l'ABF, un périmètre réduit ou plus étendu que le rayon automatique des 500 mètres et ce, en adéquation avec l'édifice protégé et son environnement ;
Ø le périmètre de protection modifié (PPM) : cette mesure permet d'ajuster au mieux la protection autour des monuments historiques en modifiant le périmètre de protection automatique de 500 mètres existant. La procédure peut être engagée, à l'initiative de l'ABF, à l'occasion de l'élaboration ou de la révision d'un document d'urbanisme ou à l'initiative de l’État.
Plus de 900 périmètres de protection modifiés et une cinquantaine de périmètres de protection adaptés ont été créés à ce jour.
2. PPA et PPM : objectifs et coût.
En ajustant le périmètre automatique de « 500 mètres » aux caractéristiques du monument et de son environnement, les dispositifs de PPA et de PPM permettent d'introduire la notion de « périmètre raisonné ».
La modification d'un périmètre permet, d'une part, de réduire le périmètre des « 500 mètres » de manière à mieux recentrer la mission de l'ABF sur les espaces à plus forts enjeux, d'autre part, d'étendre le périmètre lorsque les enjeux urbains et paysagers dépassent les 500 mètres.
Ce souhait d’adapter le régime de droit commun en matière de protection des abords des monuments historiques permet de prendre en compte le partage de compétence entre l’État et les collectivités territoriales. Le processus de création de ces périmètres impose selon des degrés différents une concertation État/collectivités territoriales pour la protection et la mise en valeur du patrimoine.
L'analyse des informations recueillies auprès des services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication permet de déterminer que la procédure la plus utilisée par les ABF est celle applicable dans le cadre de l'élaboration, la révision ou la modification d'un document d'urbanisme. L'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés a étendu cette possibilité de modification à tout moment par une procédure conduite par l'État. Celle-ci demeure très peu utilisée en raison de l’organisation et des frais d'enquête publique et de publicité.
Le coût financier d'un PPM varie en fonction de sa nature :
- un PPM réalisé sous l’autorité de l’État peut être évalué a minima entre 1 500 et 2 000 euros, ce coût représentant les frais de procédures (enquête publique et publicité) ;
- un PPM dont l’étude serait confiée à un prestataire extérieur peut être évalué entre 3 000 et 7 000 euros (frais de procédures et frais d’étude inclus) ;
L’élaboration d’un PPM peut être également l’occasion de procéder, sur un territoire donné, à une identification des autres monuments historiques susceptibles d’être concernés par ce type de procédure. Dans un tel cas, le coût du PPM qui associe une étude du monument historique et des autres monuments historiques situés dans son environnement peut excéder les coûts mentionnés ci-dessus.
3. Limites du PPA et du PPM
La complexité en termes de procédure de création des PPA et des PPM a généré en pratique des résultats modestes. Seule une cinquantaine de PPA a été créée témoignant du caractère marginal de cet outil. S'agissant des PPM, leur création demeure très hétérogène d'une région à l'autre : 3 PPM créés en Haute-Normandie et 185 en Île-de-France. Le nombre de PPM rapporté au nombre de monuments historiques par département indique que la majorité des départements se situe sous le seuil des 5% de monuments couverts par un PPM. Le maximum atteint est seulement d’environ 40% par le département de l’Essonne.
De manière générale, on peut considérer que seuls 3% des monuments historiques actuels présentent un périmètre de protection modifié ou adapté, les 97% restants génèrent de fait un périmètre automatique de « 500 mètres ».
1. Simplification et modernisation des dispositifs
Il s'agit de simplifier et de moderniser la mise en œuvre des périmètres de protection autour des monuments historiques, aujourd’hui répartis entre périmètre de protection automatique de « 500 mètres », PPM et PPA, par l'élaboration d'une procédure unique, soit l’établissement d'un périmètre délimité des abords. Le périmètre de « 500 mètres » ne disparaît pas pour autant puisqu’il s'applique en l'absence du périmètre délimité des abords. Cependant, il doit devenir un dispositif transitoire, c'est-à-dire un périmètre par défaut, avant la création d'un périmètre délimité des abords dont l’élaboration sera facilitée et encouragée.
La simplification de la procédure de mise en œuvre du périmètre délimité des abords par le biais d'une procédure unique doit s'accompagner d'une simplification de leur délimitation. L'objectif est de développer des périmètres de protection raisonnés tenant compte des enjeux patrimoniaux d'un territoire. Cela implique de favoriser notamment la création de périmètres de protection communs à plusieurs monuments historiques telle que prévue par l’article L.621-30 du projet de loi.
2. La prise en compte du patrimoine dans les documents d'urbanisme :
L'instruction d’un projet de périmètre délimité des abords à l'occasion de l'élaboration, de la révision ou de la modification du document d'urbanisme en vigueur, et l’enquête publique conjointe qu’elle implique, permettent de favoriser la prise en compte des enjeux patrimoniaux dans la politique d'aménagement mise en œuvre par la commune.
La nécessité de recueillir l’avis des habitants lors de l’enquête publique préalable à l’établissement du document d’urbanisme élaboré, modifié ou révisé est garante de l’information de la population et de sa collaboration au projet. En effet, il appartient à l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme de joindre le projet de périmètre délimité des abords au dossier d'enquête publique du document d'urbanisme projeté.
Enfin, l'un des objectifs attendus est la consolidation de l'articulation entre document d'urbanisme et servitude d'utilité publique. Le périmètre délimité des abords demeure une servitude d'utilité publique annexée au document d'urbanisme en vigueur et affectant de facto l'utilisation des sols. Lors de l'élaboration, de la révision ou de la modification d'un document d'urbanisme, la protection et la mise en valeur du patrimoine doivent être pleinement prises en compte en cohérence avec cette servitude.
Impact financier
La nature des études en matière d'élaboration de périmètre délimité des abords n’est pas modifiée : la prise en compte de l'environnement historique, architectural et urbain est confirmée comme critère essentiel. Certains immeubles en (co)visibilité pourront être exclus du périmètre délimité des abords, car considérés comme sans incidence sur le maintien de la qualité des abords et du monument historique.
En pratique, la maîtrise d'ouvrage des périmètres délimités des abords sera assurée par l’État (direction régionale des affaires culturelles) qui aura la charge de leur financement. Une étude plus générale qui concernerait les questions et enjeux patrimoniaux d'une commune ou d'un territoire, dans laquelle serait évoqué le dispositif de périmètre délimité des abords, pourra faire l'objet d'un financement commun État/commune.
Le coût d'un périmètre délimité des abords peut être estimé au coût actuel d'un PPM, soit entre 1 500 et 2 000 euros et entre 12 000 et 15 000 euros pour les cas les plus complexes.
Impact administratif
La création de périmètres délimités des abords lors de l'élaboration, de la modification ou de la révision d'un document d'urbanisme, déjà prévue par les dispositions actuelles, n’aura pas d’impact supplémentaire en termes de charge de travail, par rapport à l’élaboration actuelle des périmètres de protection modifié ou adapté.
S'agissant par exemple des plans locaux d'urbanisme (PLU), ils concernent actuellement environ 13 000 communes52 sur les 36 664 communes françaises soit environ 35% des documents en vigueur en matière d'urbanisme.
On estime le nombre annuel d'élaborations et de révisions des PLU entre 1 000 et 1 200. 16 600 communes sont aujourd'hui intéressées par un ou plusieurs monuments historiques, soit environ la moitié des communes françaises. On peut estimer le nombre de périmètres délimités des abords à mettre en œuvre lors de l'élaboration ou de la révision d'un PLU à environ 500 par an. La possibilité introduite par le projet de loi de regrouper plusieurs monuments historiques dans un même périmètre délimité des abords devrait faciliter cette mise en œuvre.
Cette mesure est donc sans impact, du point de vue financier ou en termes de charge de travail, pour les collectivités territoriales.
Impact environnemental
L'établissement des périmètres délimités des abords à l'occasion de l'élaboration, de la révision ou de la modification d’un document d'urbanisme aura un impact favorable en matière de développement durable, en ce que la préservation et la mise en valeur du patrimoine participent pleinement aux objectifs, d’aménagement et de construction durable.
La création de périmètres délimités des abords permet en effet d’assurer la prise en compte du patrimoine architectural, urbain et paysager et de lutter notamment contre l’étalement urbain
2.3.6.4. Modalités d'application
Disposition à modifier |
Mesure |
Contenu |
CODE DU PATRIMOINE | ||
Livre VI, Titre II, chapitre 1er, section 4, sous-section 2 (article R.621-92) |
Décret CE Révision |
Création d'un périmètre de protection délimité : à aménager en fonction du nouveau régime des abords |
Livre VI, Titre II, chapitre 1er, section 4, sous-section 2 (article R.621-93) |
Décret CE Révision |
Périmètre de protection instruit sous l’autorité du préfet de département : à aménager en fonction du nouveau régime des abords |
Livre VI, Titre II, chapitre 1er, section 4, sous-section 2 (article R.621-94) |
Décret CE Révision |
Périmètre de protection instruit à l’occasion d’un PLU : à aménager en fonction du nouveau régime des abords |
Livre VI, Titre II, chapitre 1er, section 4, sous-section 2 (article R.621-95) |
Décret CE Mise en cohérence |
Notification des décisions de création des actuels PPM et PPA : à aménager en fonction du nouveau régime des abords |
CODE DE L’URBANISME | ||
Livre Ier, Titre Ier, chapitre III, section II (article *R.123-15) |
Décret CE Mise en cohérence |
Proposition par l’ABF d’un PPM à l’occasion de l’élaboration, modification ou révision des PLU : à aménager en fonction du nouveau régime des abords |
2.3.7. Mesure 41 : Travaux en abords des monuments historiques (Article 24 ; article L. 621-32 du code du patrimoine)
1. Régime actuel des travaux dans le périmètre de protection des monuments historiques
Les opérations de construction, de modification, d'aménagement ou de démolition situées dans les périmètres de protection des édifices protégés au titre des monuments historiques concentrent actuellement la majeure partie du travail d'instruction des demandes d'autorisation de travaux par les architectes des bâtiments de France (ABF). Rappelons qu'il s'agit de déterminer selon deux critères, géométrique (le rayon de 500 mètres) et optique (la covisibilité), l'éventuel impact des travaux sur le monument et son environnement.
Les travaux dans le périmètre de protection des monuments historiques sont actuellement régis par les articles L.621-31 et L.621-32 du code du patrimoine qui prévoient deux dispositifs selon la nature des travaux :
Ø un accord de l’ABF pour toute autorisation de travaux au titre du code de l'urbanisme (permis de construire, permis de démolir, permis d’aménager ou déclaration préalable) ;
Ø un avis « simple » de l’ABF auprès du préfet de département qui prend la décision pour toute autorisation spéciale de travaux au titre du code du patrimoine.
Deux catégories de procédures peuvent donc être déterminées selon la nature des travaux, l'une relevant du code de l'urbanisme, l'autre relevant du code du patrimoine.
2. Les avis et accords émis par les ABF dans le cadre des demandes d'autorisation de travaux
Actuellement sur les 400 000 actes, avis et accords rendus annuellement par les ABF, plus de la moitié, environ 235 000, concernent les abords des monuments historiques. Le tableau ci-dessous récapitule pour l'année 2013 le nombre d'actes émis en fonction des différents types de servitudes53.
Si l'on s'en tient uniquement au périmètre de protection des monuments historiques, indépendamment de toutes superpositions, il concerne 62 % des actes rendus en 2013 répartis comme suit :
Ø 34 % des actes, soit 127 700 avis et accords émis au titre du champ de visibilité du monument historique, la décision d'autorisation de travaux ou de non opposition à déclaration préalable étant subordonnée à l'accord de l'ABF ;
Ø 28% des actes, soit 105 500 avis émis à titre de conseil (hors du champ de visibilité du monument historique), la décision d'autorisation de travaux ou de non opposition à déclaration préalable ne requérant pas l'accord de l'ABF, l'avis est rendu ici dans le cadre du champ de compétence de la direction régionale des affaires culturelles (cf. l’article 3 du décret n°2010-633 du 8 juin 2010 relatif à l’organisation et aux missions des directions régionales des affaires culturelles54).
Cette distinction entre les actes implique que la portée juridique des avis de l'ABF n'est pas la même si les critères de périmètre de « 500 mètres » et de (co)visibilité, soit de champ de visibilité, sont remplis.
Le nombre d'actes émis au titre du périmètre de protection des monuments historiques est d'autant plus conséquent lorsque ce régime se superpose à d'autres types de servitudes, tels que les sites inscrits par exemple. Leur nombre s'élève alors à environ 260 000 attestant de l'importance de ce régime de protection dans la gestion du patrimoine architectural, urbain ou paysager.
L'instruction efficiente des demandes d'autorisation de travaux aux abords des monuments historiques est donc primordiale puisque ces demandes concernent environ 70% des avis émis par les ABF chaque année.
3. Le projet d'amélioration du processus d'autorisations de travaux en espaces protégés
Un projet d'amélioration du processus d'autorisations de travaux en espaces protégés incluant les périmètres de protection des monuments historiques a été lancé en 2010 par le ministère de la culture et de la communication. Ce projet dit « ATEP » s'est déployé dans les directions régionales des affaires culturelles de France métropolitaine et plus particulièrement au sein des services territoriaux de l'architecture et du patrimoine. Les objectifs sont les suivants : assurer une meilleure information des demandeurs et des usagers à chaque étape de leur projet ; améliorer la qualité des dossiers de demandes d'autorisation de travaux et raccourcir les délais d'instruction.
Les bénéfices en termes de conseil et de gestion efficiente des dossiers ont pu être mesurés dès 2012 avec une amélioration des délais et de la qualité d'instruction des dossiers par les services territoriaux de l'architecture et du patrimoine avec plus de 55% des dossiers traités en moins de 20 jours et un objectif de traitement à terme, dans le même délai, de 80% des dossiers.
La création du dispositif de périmètre délimité des abords en recentrant l'action des services sur les espaces les plus remarquables devrait à terme participer pleinement au projet ATEP qui fait partie aujourd’hui de la politique de modernisation conduite par le Gouvernement. À ce titre, ce projet a été défini par le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique au titre des mesures destinées à améliorer le service rendu aux entreprises et aux particuliers.
1. Simplification du régime d'autorisation de travaux
L'objectif est de simplifier le régime d'autorisation de travaux en abords des monuments historiques en l’unifiant avec le régime d'autorisation de travaux relatif aux cités historiques : les délais d'instruction des demandes d'autorisation de travaux, les types d'autorisation de travaux et les modalités de recours sont unifiés, ce qui implique notamment d'harmoniser le code du patrimoine et le code de l'urbanisme en intégrant notamment dans la partie réglementaire du code de l'urbanisme l'ensemble des autorisations de travaux en abords des monuments historiques. Ce point est précisé dans la partie consacrée aux impacts en termes d’autorisations de travaux et de délais dans la mesure relative aux travaux en cité historique (mesure n°56).
Cette volonté d'unification des procédures doit permettre de raccourcir les délais d'instruction des autorisations de travaux en abords des monuments historiques dans une même démarche de modernisation de l’action publique que celle développée lors du projet ATEP présenté dans la partie précédente. Cette mesure répond notamment à la décision n°22 du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet 2013.
2. Clarification des missions des ABF
Cette mesure précise et clarifie des missions relevant des ABF. Le régime d'autorisation de travaux prévu aux articles L. 621-32 pour les abords et L. 632-1 et L. 632-2 pour les cités historiques définit la procédure d'autorisation de travaux et le rôle de l'ABF.
Impact général
La simplification du régime d'autorisation de travaux en abords des monuments historiques et son unification avec les autres régimes de travaux en espaces protégés impliquent les mesures suivantes :
Ø la suppression des dispositions relatives au régime des adossés, c'est-à-dire les immeubles en contact avec un monument historique classé qui relèvent actuellement des articles L. 621-30, L. 621-31 et L. 621-32 ;
Ø la suppression des autorisations spéciales au titre du code du patrimoine, l'objectif étant, pour rappel, l'intégration dans la partie réglementaire du code de l'urbanisme de l'ensemble des autorisations de travaux en cités historiques et en abords des monuments historiques ;
Cette simplification du régime d'autorisation de travaux sera à même de favoriser le processus de rationalisation des actes émis par les ABF et d'assurer un traitement plus efficace des dossiers de demandes d'autorisation de travaux : les délais sont raccourcis et le risque de contentieux réduit.
Les tableaux ci-dessous proposent une synthèse de la nature des avis émis par les ABF.
AVANT L’ADOPTION DE LA LOI (tableau synthétique)
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
« Autorisation spéciale » (code du patrimoine ou de l'environnement) |
Déclaration préalable |
Permis de démolir |
Permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Champ de visibilité d'un monument historique (périmètre de protection adapté, modifié ou rayon de 500 m) |
Autorisation préfet après avis « simple » ABF Refus d'autorisation tacite en cas de silence du préfet |
Accord ABF - accord tacite de l'ABF en cas de silence - les ABF doivent adresser copie de leur refus d'accord et/ou de leurs prescriptions, le cas échéant, au demandeur afin qu'il ne puisse pas se prévaloir d'une autorisation tacite | |||
Secteur sauvegardé |
Sans objet (Déclaration préalable) → | ||||
ZPPAUP ou AVAP |
Avis « conforme » (l’autorité compétente ne peut passer outre qu'en formant un recours auprès du préfet de région) - avis favorable tacite de l'ABF en cas de silence | ||||
Site inscrit |
Autorisation préfet après avis « simple » ABF |
Accord exprès ABF pour les démolitions, refus d’accord tacite en cas de silence (silence vaut refus) avis « simple » ABF pour les constructions avis favorable tacite de l'ABF en cas de silence | |||
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
Autorisation ministre après consultation ABF |
Autorisation préfet après avis « simple » ABF |
Autorisation ministre environnement après consultation ABF | ||
Hors espace protégé |
Consultation possible de l'ABF pour observations au titre de ses missions générales de conseil |
APRÈS L’ADOPTION DE LA LOI
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
Déclaration préalable |
Permis de démolir |
Permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Cité historique ou abords |
Accord ABF - accord tacite de l'ABF en cas de silence - les ABF doivent adresser copie de leur refus d'accord et/ou de leurs prescriptions, le cas échéant, au demandeur afin qu’il ne puisse pas se prévaloir d'une autorisation tacite | |||
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
Autorisation préfet après avis ABF |
Autorisation ministre environnement après consultation ABF (idem pour les autorisations spéciales) | ||
Hors espace protégé |
Consultation possible de l'ABF pour observations au titre de ses missions générales de conseil |
Les délais, différents en fonction du type de travaux et de la nature de la protection, sont également unifiés. Les tableaux ci-dessous en proposent une synthèse avant et après le projet de loi. Il convient de noter qu’il s’agit ici des délais maximum d’obtention des autorisations de travaux dans le cadre desquels l’ABF doit émettre son avis dans des délais impartis :
AVANT L’ADOPTION DE LA LOI
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
Autorisation spéciale (code du patrimoine ou de l'environnement) |
Déclaration préalable |
Permis de démolir |
Permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Abords de monument historique |
3 mois |
2 mois |
3 mois |
6 mois | |
Secteur sauvegardé |
Voir DP → |
3 mois |
4 mois | ||
ZPPAUP ou AVAP |
2 mois | ||||
site inscrit |
4 mois | ||||
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
1 an |
2 mois |
1 an | ||
Délai de droit commun |
Sans objet |
1 mois |
2 mois |
3 mois |
APRÈS L’ADOPTION DE LA LOI
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
Déclaration préalable |
Permis de démolir ou permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Cité historique ou abords |
2 mois dont 1 mois ABF |
3 mois dont 2 mois ABF |
4 mois dont 2 mois ABF |
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
2 mois |
1 an | |
Délai de droit commun |
1 mois |
2 mois |
3 mois |
Impact administratif
La modification du régime des abords en un dispositif unifié, concerté et raisonné aura un impact tant sur la charge de travail des services territoriaux de l'architecture et du patrimoine que sur l'appropriation par la population et les élus de leur patrimoine.
La création d'un périmètre délimité des abords suppose de déterminer préalablement les enjeux patrimoniaux propres à l'environnement du monument historique, en fonction desquels l'architecte des bâtiments de France émettra un avis sur les demandes d'autorisation de travaux. Dispensés d'apprécier la condition de (co)visibilité inhérente au régime actuel des périmètres de protection des monuments historiques, les architectes des bâtiments de France rendront un avis sur un territoire délimité et approuvé en collaboration avec l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme et avec la population qui aura été informée et associée lors de l'enquête publique préalable à la création du périmètre délimité des abords. Les effets attendus d'un tel dispositif sont l'amélioration de la sécurité juridique des avis émis par les ABF qui ne sont plus tenus par le critère appréciatif de (co)visibilité et la réduction des contentieux. Cet impact sera d'autant plus positif qu'il s'accompagnera en parallèle d'une meilleure information et concertation de la population et des élus, ce qui ne peut qu'encourager la compréhension et l'appropriation des enjeux patrimoniaux.
Si l'institution d’un périmètre délimité des abords permettra de renforcer la sécurité juridique des avis émis par les ABF, ce dispositif aura également un effet sur le nombre d'avis rendus en ce qu'il devrait réduire la surface des périmètres de protection. En effet, au périmètre de protection automatique de « 500 mètres » couvrant 78,5 hectares se substituera un périmètre raisonné qui, s'il est réduit par exemple de 100 mètres soit un rayon effectif de 400 mètres, ne concernera plus qu’environ 50 hectares. Le territoire pour lequel l'expertise et l'avis de l'ABF seront sollicités sera ainsi recentré.
Enfin, il convient de rappeler que les ABF émettent plus de 100 000 avis hors du champ de visibilité des monuments historiques55 et qu’en cela leur charge de travail sera en partie allégée, à terme, par l’institution du dispositif de périmètre délimité des abords.
Cette mesure n’aura donc qu’un impact positif, en termes de simplification des procédures d’urbanisme, pour les collectivités territoriales, mais n’emportera pour elles aucune charge financière ou de travail supplémentaire.
Impact environnemental
L'établissement de périmètres délimités des abords à l'occasion de l'élaboration, de la révision ou de la modification d’un document d'urbanisme aura un impact favorable en matière de développement durable en ce que la préservation et la mise en valeur du patrimoine participent pleinement aux objectifs d’aménagement et de construction durables.
La création de périmètres délimités des abords permet en effet de favoriser la préservation du patrimoine architectural, urbain et paysager et de limiter l’artificialisation des sols.
2.3.7.4. Modalités d'application
Disposition à modifier |
Mesure |
Contenu |
CODE DU PATRIMOINE | ||
Livre VI, Titre II, Chapitre 1er, section 4, sous-section 1 (article R.621-92) |
Décret CE Révision |
Création d’un périmètre de protection adapté et modification de périmètre de protection: à aménager en fonction du nouveau régime des abords |
Livre VI, Titre II, Chapitre 1er, section 4, sous-section 1 (articles R.621-96 à R621-96-18) |
Décret CE Révision |
Instruction de l’autorisation spéciale de travaux en abords de monument historique : à verser dans le code de l’urbanisme |
CODE DE L'URBANISME | ||
Livre I, Titre Ier, chapitre Ier, sous-section 2 (article R.*111-42-3°) |
Décret CE Mise en cohérence |
Dérogations accordées pour la pratique et la création de campings : substitution des termes « champ de visibilité », « ZPPAUP », « AVAP » par les termes « en abords » et « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, Chapitre I, section I, sous-section 3 (article R*.421-12-a) |
Décret CE Mise en cohérence |
Déclaration préalable relative à l’édification d’une clôture : substitution des termes « champ de visibilité », « ZPPAUP », « AVAP » par les termes « en abords » et « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, Chapitre I, section IV (article R*.421-28-b) |
Décret CE Abrogation |
Permis de démolir relatif aux travaux sur tout ou une partie d’une construction adossée à un immeuble classé : à supprimer dans le cadre de la simplification des régimes d’autorisation de travaux prévus par le projet de loi |
Livre IV, Titre II, Chapitre I, section IV (article R*.421-28-c) |
Décret CE Mise en cohérence |
Permis de démolir : substitution des termes « champ de visibilité », « ZPPAUP », « AVAP » par les termes « en abords » et « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, Chapitre III, section II, sous-section 2 (article R*.423-10) |
Décret CE Mise en cohérence |
Demande de permis ou de déclaration préalable transmise au STAP pour les immeubles inscrits et les immeubles adossés : suppression des termes « immeubles adossés à un immeuble classé» |
Livre IV, Titre II, Chapitre III, section IV, sous-section 3 (article R*.423-28) |
Décret CE Modification |
Délai d’instruction d’un permis sur un immeuble inscrit ou un immeuble adossé à un immeuble classé : suppression des termes « immeuble adossé à un immeuble classé » dans le cadre de la simplification des régimes d’autorisation de travaux prévus par le projet de loi et modification du délai d’instruction des permis en abords des monuments historiques (introduction des délais de 3 mois pour les permis de démolir et les permis de construire de maison individuelle et 4 mois pour les permis de construire et les permis d’aménager) |
Livre IV, Titre II, Chapitre III, section VI, sous-section 3 (article R*.423-66) |
Décret CE Mise en cohérence |
Délai de la demande de permis portant sur un immeuble ou une partie d’immeuble inscrit ou adossé à un immeuble classé : suppression des termes « immeuble adossé à un immeuble classé» |
Livre IV, Titre II, Chapitre III, section VI, sous-section 3 (article R*. 423-67-1) |
Décret CE Modification |
Délai à l’issue duquel l’ABF est réputé avoir émis un avis favorable pour les permis de construire ou d’aménager en abords de monuments historiques : substitution des termes « quatre mois » par « deux mois » dans le cadre de l’harmonisation des délais d’instruction des autorisations de travaux |
Livre IV, Titre II, Chapitre III, section VI, sous-section 3 (article R.*423-68) |
Décret CE Modification |
Délais à l’issue desquels le préfet de région doit se prononcer sur un recours de l’autorité compétente contre l’avis de l’ABF : à réviser en fonction des nouvelles dispositions prévues sur les recours contre l’avis de l’ABF en cité historique et en abords |
Livre IV, Titre II, Chapitre III, section VI, sous-section 3 (article R.*423-68-1) |
Décret CE Modification |
Délai à l’issue duquel le ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés doit se prononcer : à aménager en fonction du régime des abords |
Livre IV, Titre II, Chapitre IV, section 1ere, (article R*.424-2) |
Décret CE Mise en cohérence |
Défaut de notification d’une décision expresse : suppression des termes « immeuble adossé à un immeuble classé » |
Livre IV, Titre II, Chapitre IV, section III, (article R*.424-14) |
Décret CE Modification |
Recours du demandeur contre une décision de refus de permis ou d’opposition à déclaration préalable fondée sur une opposition de l’ABF : à réviser en fonction des nouvelles dispositions sur les recours contre l’avis de l’ABF en cité historique et en abords |
Livre IV, Titre II, Chapitre V, section Iere, (article R*.425-1) |
Décret CE Modification |
Les autorisations de travaux en abords des monuments historiques : substitution des termes « dans le champ de visibilité » par les termes « en abords » coordination en référence à l'article L.621-30 du code du patrimoine |
Livre IV, Titre II, Chapitre V, section II, (article R*.425-16) |
Décret CE Mise en cohérence |
Permis et non opposition à déclaration préalable soumis à l’accord du préfet de région pour les immeubles inscrits et les immeubles adossés aux immeubles classés : suppression des termes « ou sur un immeuble adossé à un immeuble classé monument historique» |
Livre IV, Titre III, Chapitre 1er, section II, sous-section 2 (article R*.431-14) |
Décret CE Mise en cohérence |
Notice du projet architectural pour les opérations situées en espaces protégés et sur les immeubles inscrits et les immeubles adossés aux immeubles classés : substitution des termes « champ de visibilité », « ZPPAUP », « AVAP » par les termes « en abords » et « cités historiques » |
2.3.8. Mesure 42 : Dispositions transitoires relatives aux périmètres de protection existants (Article 40)
Les périmètres de protection modifiés et les périmètres de protection adaptés introduits par l'article 40 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains et complétés par l'article 4 de l'ordonnance n°2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés et par le décret n°2014-1314 du 31 octobre 2014 ont pour objet de délimiter un territoire ajusté aux caractéristiques du monument historique et de son environnement. On dénombre aujourd'hui environ 900 périmètres de protection modifiés (PPM) et une cinquantaine de périmètres de protection adaptés (PPA)56.
Ce sont donc environ 950 périmètres qui seront intégrés au nouveau dispositif des abords délimités. Les PPM et PPA existants sont déjà des dispositifs adaptés aux enjeux patrimoniaux d'un territoire donné. Ils présentent en effet les caractéristiques d’abords délimités au regard de l'objectif de préservation et de mise en valeur du monument historique et de son environnement. Ils ont été délimités après accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme ou de document d’urbanisme et après enquête publique.
Préserver les périmètres de protection modifiés et les périmètres de protection adaptés existants en capitalisant les acquis de ces deux dispositifs par le biais du nouveau régime unifié des abords.
Le dispositif du périmètre délimité des abords sera opérationnel dans les 950 périmètres modifiés et adaptés existants répartis dans l'ensemble des régions. Aucun impact en termes de charge de travail ou de potentiel coût financier n’est attendu tant pour les services de l’État que pour les collectivités.
2.3.9. Mesure 43 : Autorisation du détachement d'immeubles par destination dans un immeuble classé ou inscrit (Article 24, 2° et 3° ; articles L. 621-9 et L. 621-27 du code du patrimoine)
La première loi sur les monuments historiques du 30 mars 1887 distingue déjà deux catégories de biens susceptibles d'être protégés : les immeubles et les objets mobiliers. Mais, à l'instar du code civil, elle fait suivre aux immeubles par destination le sort des immeubles par nature. Ainsi, la première liste des immeubles classés, dressée en application de la loi de 1887 en 1889, comporte, au bas de la première page, une note, indiquant que « le classement d'un immeuble implique le classement de tous objets, immeubles par destination, qu'il renferme ».
À cette époque, les immeubles par destination participant du décor d'un immeuble par nature classé sont donc, de manière assez logique, considérés comme partie intégrante de cet immeuble, et protégés au même titre que lui.
L'évolution de la pratique du service, entre 1887 et 1913, a conduit à une évolution de la législation sur ce point, qui s'est avérée préjudiciable à la conservation du patrimoine monumental.
L'analyse des documents préparatoires à la loi de 1913 et des archives du service des monuments historiques (cf. 1913, genèse d'une loi sur les monuments historiques, La documentation française, 2013, p.167) montre que cette évolution tient largement à l'émergence, au sein de ce dernier, d'un bureau dédié aux objets mobiliers et, par extension, aux œuvres d'art. Dans un premier temps, ce service a constaté que le fait que les immeubles par destination soient considérés comme classés avec les immeubles qui les abritaient empêchait d'en publier une liste exhaustive. Dès lors, la protection dont ils se trouvaient ainsi bénéficier automatiquement, en théorie, pouvait devenir inopérante, faute de notification particulière au propriétaire.
Pour une illustration : procès-verbal de la sous-commission de classement des objets mobiliers du 23 mai 1891. La sous-commission émet le vœu que les immeubles par destination se trouvant dans un immeuble classé, « dont le déplacement est possible et la conservation par suite menacée (soient) désignés nominativement (…) bien que, légalement, le classement du monument lui-même doive suffire à les protéger » ; rapport au sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts sur le projet de loi destiné à compléter la loi de 1887, par l'inspecteur général Lucien Magne, le 13 mai 1909 : « trop souvent, ces œuvres d'art qui sont immeubles par destination ne sont pas désignées avec précision ; si bien que leur aliénation pourrait être faite à notre insu, et sans laisser de traces »).
C'est dans le cadre de la préparation de la loi du 9 décembre 1905 portant séparation des églises et de l’État que la question de la conservation du patrimoine artistique des églises se pose de manière cruciale. C'est dès lors, paradoxalement, dans une perspective d'une meilleure protection des immeubles par destination que leur rattachement au régime des objets mobiliers est envisagé.
Intervention du ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes devant la chambre, le 15 juin 1905 : « la loi de 1887 ne garantit pas suffisamment les immeubles par destination (…) il y aurait intérêt à (leur) étendre la protection qui couvre les objets mobiliers »). Et dans une note au sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, en 1907, Paul-Frantz Marcou, inspecteur général des monuments historiques chargé des objets mobiliers, écrit : « on s'explique mal la différence de traitement auquel sont soumis les objets mobiliers et les immeubles par destination (…) le départ est souvent des plus malaisé à établir (et la limite est) souvent purement factice et arbitraire qui sépare l'un de l'autre ».
C'est donc dans le but d'une meilleure protection des immeubles par destination que la loi du 31 décembre 1913 rattache ces derniers au régime des objets mobiliers classés, et non plus des immeubles par nature.
Ce rattachement présente cependant un inconvénient évident, perçu dès 1921 par Paul Léon, directeur général des Beaux-Arts, lors de la séance du 7 avril de la commission chargée de la préparation du règlement d'administration publique de la loi du 31 décembre 1913 : Paul Léon considère alors que le fait qu'« un propriétaire (ait) le droit, dans un immeuble classé, de dépecer l'intérieur » constituerait « une lacune de la loi », à laquelle il « ne peut croire ».
La situation actuelle illustre le bien fondé des inquiétudes formulées par Paul Léon. Le propriétaire d'un monument historique peut en théorie, en toute légalité, procéder à la dépose d'éléments immeubles par destination, et à leur cession. Le monument protégé se trouve ainsi privé de toute une partie de son décor (aux termes des articles 524 et 525 du code civil, la notion d'immeuble par destination recouvre « tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés à un fonds à perpétuelle demeure », en les scellant « à plâtre, à chaux ou à ciment », comme les statues « placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir »).
C'est ainsi que, dans les années 1990, dans le cadre de ce qui a été appelé par la presse « l'affaire des châteaux japonais », plusieurs châteaux français, dont certains prestigieux, ont été dépouillés, non seulement de leurs meubles, mais également de décors considérés en l'espèce comme immeubles par destination par le juge répressif, en toute légalité.
Face à cette « lacune », déjà constatée en 1921, le juge administratif et le juge judiciaire ont été amenés à préciser la limite entre immeubles par nature et immeubles par destination. Dans ses décisions Société Carlhian du 13 janvier 1938 (criminel) et du 19 mars 1963 (civil), la Cour de cassation a ainsi considéré que des boiseries « dès l'origine » intimement et spécialement incorporées à un immeuble protégé avaient le caractère d'immeuble par nature et condamné le propriétaire vendeur et l'acheteur à une amende et à la remise en place des boiseries déposées sans autorisation. Dans son arrêt Transurba du 24 février 1999, le Conseil d’État a adopté le même raisonnement concernant deux bas-reliefs, formant un tout indivisible avec l'ensemble du grand salon de la duchesse d'Enville au château de la Roche-Guyon (95), auquel ils avaient été, dès l'origine, intimement et spécialement incorporés et appartenant dès lors à l'immeuble par nature.
Il n'est toutefois pas toujours aisé d'établir qu'un bien appartient au décor « d'origine » d'un immeuble classé ou inscrit, et certains décors intégrés à un édifice longtemps après sa construction (par exemple lors du réaménagement à l'époque moderne d'un château médiéval ou Renaissance, tel que le château d'Ancy-le-Franc dans l'Yonne) peuvent participer grandement de l'intérêt de l'immeuble, sans appartenir pour autant au décor « d'origine ». Il en résulte des incertitudes dommageables, certains éléments de décor étant ainsi détachés d'immeubles classés ou inscrits sans que l'administration en soit informée. Certaines déposes donnent lieu à des contentieux complexes, dans lesquels des vendeurs et acquéreurs de bonne foi peuvent se trouver mis en difficulté faute d'avoir fait une juste appréciation de la nature du bien.
Plusieurs affaires récentes, dans lesquelles l'analyse de la nature du bien par le ministère de la culture et de la communication a été confirmée par le juge (décors d'opaline d'une boutique inscrite à Dijon, statues ornant le jardin inscrit d'un château en Bretagne, panneaux peints formant la voûte d'un pavillon de jardin du XVIIe siècle en Franche-Comté, statue Le Baiser de Brancusi sur le tombe de Tanya Rachevskaïa au cimetière Montparnasse à Paris), sont venues confirmer la persistance de ce problème.
L'objectif poursuivi est de revenir, en droit des monuments historiques, au droit commun du code civil, tel qu'il était auparavant suivi par la loi de 1887, en rendant le classement ou l'inscription d'un immeuble applicable, non seulement à l'immeuble par nature, mais aussi aux immeubles par destination qu'il contient, attachés à perpétuelle demeure, participant de son intérêt historique et contribuant à lui donner sens. Cette mesure améliorera ainsi la préservation de l'intégrité des immeubles classés et inscrits et de leur décor.
Des immeubles par destination pourront toujours, lorsqu'ils présentent un intérêt intrinsèque, faire l'objet d'une protection spécifique au titre des objets mobiliers, indépendamment de l'immeuble par nature auquel ils sont attachés et qui peut ne pas présenter d'intérêt propre. Cependant, les immeubles par destination, protégés ou non, attachés à perpétuelle demeure à un immeuble par nature classé ou inscrit ne pourront en être détachés sans autorisation de l'administration, qui pourra ainsi contrôler si le bien concerné participe de l'intérêt de l'immeuble protégé.
Le démembrement du décor des immeubles protégés, au prétexte de l'absence de protection des éléments immeubles par destination, sera ainsi empêché, et les contentieux générés par la difficulté de distinguer immeubles par destination et immeubles par nature seront dans de nombreux cas évités.
Impact juridique
En termes juridiques, cette disposition réintroduira une cohérence entre les dispositions du code civil et celles du code du patrimoine, cohérence perdue depuis la loi de 1913, et que la jurisprudence a tenté de rétablir, au cas par cas. Elle n'obligera pas à la création de nouvelles procédures. L'autorisation requise sera, pour les immeubles classés, celle prévue par l'article L.621-9 du code du patrimoine, et pour les immeubles inscrits, celle prévue à l'article L.621-27 (alinéas 1, 3 et 4). Toutefois, pour ces derniers, la faculté de s'opposer aux travaux en procédant au classement de l'immeuble inscrit dans le délai de 4 mois sera remplacée par la délivrance d'une autorisation.
Cette disposition peut être analysée comme portant atteinte au droit au respect de la propriété privée, puisqu'elle empêchera les propriétaires de déposer à leur gré les éléments immeubles par destination de leur immeuble protégé, et d'en disposer librement, par exemple en procédant à leur aliénation.
L'atteinte ainsi portée au droit à la propriété privée est cependant proportionnée, eu égard à l'objectif d'intérêt général poursuivi. En effet, l'intérêt d'un immeuble protégé au titre des monuments historiques peut être significativement diminué par la dépose des immeubles par destination qui contribuent à son décor.
Par ailleurs, la disposition proposée ne vise pas l'ensemble des immeubles par destination tels que déterminés par le code civil, mais uniquement ceux qui sont attachés à perpétuelle demeure, matériellement, à l'immeuble. Ainsi, les immeubles par destination autres que ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 524 du code et à l'article 525 (« les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds » : objets mobiliers non liés matériellement à un immeuble, tels que chaises, buffets, tableaux non incorporés dans des boiseries, etc) pourront être librement aliénés par le propriétaire, s'ils ne font pas l'objet d'une protection spécifique au titre des objets mobiliers. En outre, la dépose d'un immeuble par destination n'ayant pas d'impact sur l'intérêt protégé de l'immeuble sera autorisée.
Cette disposition apportera enfin une meilleure lisibilité à la protection des biens, évitant aux propriétaires des contentieux liés à une question d'appréciation de la nature du bien, contentieux qui ont, à ce jour, généralement abouti à la remise en place du bien détaché laissant à la charge du propriétaire des frais de procédure et des frais de dépose-repose.
Cette mesure est sans impact, en termes financiers comme de charge de travail, sur les collectivités territoriales.
2.3.9.4. Modalités d'application
La partie réglementaire du code du patrimoine devra être adaptée pour préciser la procédure de demande d'autorisation, en cas de projet de dépose d'un immeuble par destination attaché à perpétuelle demeure à un immeuble par nature classé ou inscrit.
Si les dossiers de protection anciens ne peuvent être systématiquement repris et complétés à l'occasion de cette mesure, l'élaboration des futurs dossiers de protection devra prendre en compte, dans la mesure du possible, le recensement et la photographie des éléments immeubles par destination. Les principaux pourront, le cas échéant, être signalés dans les bases de données documentaires nationales Mérimée (immeubles) et Palissy (objets mobiliers et « décors portés »).
Ces dispositions nécessitent enfin une adaptation des sanctions pénales relatives aux articles L. 621-9 et L. 621-27, et de l’article L. 621-33 relatif à la remise en place d’éléments détachés d’un immeuble classé ou inscrit en violation de ces deux articles.
Dispositions à modifier |
Mesure |
Contenu |
CP art. R.621-11 5° |
Décret en CE |
Travaux sur immeuble classé soumis à autorisation en application de l'article L.621-9 du CP. Ajout de la mention du détachement d'un immeuble par destination, attaché à perpétuelle demeure dans les parties classées de l'immeuble |
CP art. R.621-10 |
Décret en CE |
Travaux sur immeuble inscrit, autres que d'entretien ou de réparation ordinaires, non soumis à PC, PD, PA ou DP au titre du code de l'urbanisme ; prévoir qu'en ce qui concerne le détachement d'un immeuble par destination, attaché à perpétuelle demeure, c'est une autorisation qui doit être délivrée dans le délai de 4 mois. |
2.3.10. Mesure 44 : Ensembles historiques mobiliers et servitude de maintien dans les lieux (Article 24, 7° et 10° ; articles L. 622-1-1, L. 622-1-2 et L. 622-4-1 du code du patrimoine)
Un ensemble mobilier est composé de biens dont la réunion en tant qu'ensemble s'inscrit dans l'histoire de ces biens, et dont l'intérêt patrimonial comme ensemble est supérieur à celui de chaque objet constituant cet ensemble.
L'annexe de la recommandation R 98 4 du conseil de l'Europe du 17 mars 1998 relative aux mesures susceptibles de favoriser la conservation intégrée des ensembles historiques composés de biens immeubles et meubles précise que « l'expression « ensembles historiques composés de biens immeubles et de biens meubles » (dénommés ci-après « ensembles historiques ») est considérée comme recouvrant des éléments mobiliers situés à l'intérieur ou à l'extérieur d'un immeuble et rattachés à celui-ci par des liens historiques, artistiques, archéologiques, scientifiques, fonctionnels ou culturels donnant à ces ensembles une cohérence remarquable qu'il convient de maintenir ».
La notion d'ensemble mobilier, dans le domaine du patrimoine culturel, peut être définie, au regard de la norme européenne EN 15898 parue en 2011 (termes généraux de la conservation des biens culturels) comme un ensemble de biens présentant en commun ou en combinaison un intérêt patrimonial. L'intérêt patrimonial est la combinaison de toutes les valeurs assignées à un bien, indication de l'importance que des individus ou une société attribuent à un bien. La valeur peut être de différente nature par exemple: artistique, symbolique, historique, sociale, économique, scientifique, technologique, etc.
Concernant la circulation des biens culturels, l'article R.111-3 du code du patrimoine dispose que « pour l'application de l'annexe 1 du présent code, constitue une collection, un ensemble d'objets, d’œuvres et de documents dont les différents éléments ne peuvent être dissociés sans porter atteinte à sa cohérence et dont la valeur est supérieure à la somme des valeurs individuelles des éléments qui le composent. La valeur et la cohérence de la collection s'apprécient en fonction de son intérêt pour l'histoire ou pour l'histoire de l'art, des civilisations, des sciences ou des techniques ».
À titre d'exemple, on peut mentionner :
- une galerie de portraits de famille ou de directeurs ou fondateurs d’établissements universitaires ou hospitaliers dont l'intérêt artistique individuel n'est pas homogène, mais dont l'intérêt historique en tant qu'ensemble cohérent dans le lieu concerné est considérable ;
- les machines ou équipements de production d'un établissement industriel ou artisanal historique (ensemble des machines, lithographies et bois gravés de l'imagerie d’Épinal).
Tous les types de patrimoine public ou privé peuvent être concernés par ces problématiques d'ensembles mobiliers ou d'éléments mobiliers liés aux immeubles dans lesquels ils sont conservés :
- mobilier des salles d'assemblées des mairies et hôtels de département ou de région, mobilier des salles d'audience des palais de justice ;
- collections scientifiques des établissements d'enseignement, notamment cabinets de physique des lycées et collections de modèles anatomiques ou herbiers des universités ;
- collections hospitalières (apothicaireries, mobilier des salles des malades, des chapelles ou du conseil d'administration) ;
- portraits de familles, éléments de décor ou d'ameublement des châteaux, villas et hôtels particuliers ;
- équipements techniques d'usines ou ateliers ou de sites miniers ;
- patrimoine mobilier des congrégations religieuses ;
- patrimoine mobilier des édifices du culte.
Le code du patrimoine ne permet à ce jour que la protection individuelle des objets mobiliers et des immeubles. Un ensemble d'objets mobiliers classés ou l'ameublement, constitué d'objets mobiliers classés, d'un immeuble classé, parfois maintenu depuis des siècles dans cet immeuble, peuvent ainsi, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une quelconque autorisation, se trouver dispersés et démembrés très rapidement.
La cession par les propriétaires publics des objets mobiliers classés ou inscrits est impossible, sauf au profit d'une autre personne publique, en vertu des dispositions combinées de l'article L.622-14 du code du patrimoine et du 6° de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui inclut les objets classés ou inscrits dans le domaine public mobilier des personnes publiques. La préservation des ensembles historiques mobiliers ou des ensembles objets/mobiliers immeubles en main publique est donc plus facile, même si la désaffectation et la cession de certains établissements hospitaliers ou palais de justice peuvent poser problème de ce point de vue (ex. récents: mobilier de la chapelle de l'hôpital Laënnec, à Paris, collections des hospices civils de Lyon ou de l’hôpital général de Dijon...).
Mais la cession par les propriétaires privés de certains objets mobiliers classés ou inscrits, qui n'est subordonnée à aucune autorisation préalable, peut ainsi conduire à la dissociation d'ensembles mobiliers historiques dont une grande part de l'intérêt tient à leur cohérence.
De même, certaines cessions ou certains déplacements d'objets mobiliers ou d'immeubles par destination peuvent faire perdre beaucoup d'intérêt à l'immeuble qui les contient et aux objets eux-mêmes, ainsi privés de leur contexte.
Sur plus de 130 000 notices d'objets mobiliers classés présentes en 2014 dans la base de données Palissy du ministère de la culture (une notice pouvant correspondre à plusieurs objets mobiliers), un peu plus de 10 000 concernent des objets mobiliers en mains privées. Sur ces 10 000, plus de 600 objets ou ensembles d'objets sont « en mouvement », et ont quitté, parfois depuis des décennies, les immeubles pour lesquels ils avaient été conçus ou dans lesquels ils étaient conservés de très longue date.
Les archives des monuments historiques montrent qu'au moment de la protection de leurs objets mobiliers, notamment dans les années 1940-1950, les propriétaires privés avaient souvent l'objectif de maintenir dans les lieux les biens mobiliers qu'ils avaient conservés ou réunis dans leur immeuble, et qui faisaient sens avec celui-ci. Mais le dispositif juridique actuel, tel qu'il existe depuis l'origine de la protection des objets mobiliers privés (loi du 31 décembre 1913), ne répond pas à cette préoccupation, et dès lors que les héritiers ou acquéreurs des biens ainsi protégés ne partageaient pas cet objectif, des dispersions et démembrements de ces objets classés ont pu être opérés en toute légalité.
À titre d'exemple, on peut mentionner la dispersion du mobilier des hôtels particuliers de Jeanzat à Riom (1973), Pillet-Will à Paris (2002), Saint-Priest-d'Urgel à Avignon (2008 : 45 objets mobiliers classés dispersés aujourd'hui dans 13 lieux différents), et celle du mobilier des châteaux de La Roche-Guyon (1987), de Sourches et de Rosny-sur-Seine (1993), de Condé-en-Brie (1983, plus de 50 objets dont 4 ensembles d'objets dispersés dans 5 lieux différents) et de Canteleu (2010 : 78 objets classés dispersés dans 16 lieux différents, dont 7 antiquaires).
Ces dispersions représentent, d'une part, une perte patrimoniale considérable, les ensembles historiques mobiliers ou mixtes ainsi dissociés perdant une grande part, et parfois l'essentiel, de leur intérêt culturel, notamment lorsque de nouveaux acquéreurs souhaitent ouvrir leur immeuble au public. Elles génèrent, d'autre part, une charge de travail considérable pour les services en charge des monuments historiques tenus, dans le cadre du récolement régulier des objets mobiliers classés et du contrôle scientifique et technique, de « suivre » ces objets mobiliers, qui peuvent rapidement subir plusieurs changements de mains successifs, sur l'ensemble du territoire national (l'exportation hors de France des objets classés étant interdite), notamment lorsqu'ils sont acquis par des antiquaires qui n'ont pas pour but de les conserver.
Les opérateurs du marché de l'art ignorent souvent, malgré de nombreuses opérations de sensibilisation et d'information auprès de leurs organisations professionnelles, de même que les notaires, les règles du code du patrimoine (information préalable au déplacement des objets classés, information après aliénation, interdiction d’exportation...). Les propriétaires successifs peuvent dès lors ignorer le classement des objets qu'ils ont acquis, et le contrôle scientifique et technique des services de l’État, comme les opérations de récolement périodique et le constat de la présence sur le territoire national, sont rendus très difficiles, voire impossibles.
Certains objets classés sortis de leur contexte ne sont aujourd'hui plus localisés, malgré les recherches menées par l'administration (vente en 1973 des collections de l'hôtel de Jeanzat).
Malgré ces difficultés, plusieurs propriétaires ont demandé ou accepté des protections de leurs biens mobiliers avec ce même souci de pérennisation de la présence de ces biens dans un édifice auxquels ils sont liés historiquement. On peut mentionner, parmi les exemples récents :
- le château de Breteuil à Choisel (78)
- le château de Flaujergues à Montpellier (34)
- la maison Champollion à Vif (38)
- le château de Serrant à Saint-Georges-sur-Loire (49)
- la maison de Louis Carré à Bazoches-sur-Guyonne (78)
2.3.10.2. Objectifs poursuivis
En réaction au scandale des « châteaux japonais », qui avait notamment affecté le château de Rosny-sur-Seine et le pavillon de Louveciennes dans sa circonscription, le député des Yvelines, Pierre Léquiller, avait déposé le 28 février 2001 une proposition de loi n°2933 relative à la protection du patrimoine, instituant les ensembles historiques mobiliers et une servitude de maintien dans les lieux d'objets classés dans des immeubles classés. Votée par l'Assemblée Nationale le 3 avril 2001, cette disposition n'avait pas été discutée au Sénat.
Sa pertinence a été confirmée par le rapport remis en novembre 2004 par Marc Sanson, conseiller d’État, et Catherine de Salins, maître des requêtes, suite à leur mission de réflexion sur la transmission des immeubles et objets privés protégés au titre des monuments historiques, commandée par le ministère de la culture et présentée à la commission des affaires culturelles du Sénat le 8 novembre 2005.
Elle a donc été reprise, dans les mêmes termes, par la sénatrice Françoise Férat, dans sa proposition de loi sur le patrimoine monumental de l'État, dont l'examen a été interrompu en 2012 par les élections législatives. Au sein de cette proposition, les articles relatifs aux ensembles historiques mobiliers et à la servitude de maintien dans les lieux avaient été votés dans les mêmes termes par les deux assemblées (en première et deuxième lectures par le Sénat, en première lecture par l'Assemblée Nationale).
C'est cette proposition qui est reprise dans le présent projet de loi.
Il s'agit d'une part de permettre la protection d'ensembles historiques mobiliers cohérents, constitués d'objets dont l'intérêt provient en grande partie de leur conservation en tant qu'ensembles ; d'autre part, de garantir le maintien dans les lieux d'objets mobiliers classés conservés dans des immeubles classés, et historiquement liés à ces immeubles.
Impact général :
La cohérence d'ensembles historiques mobiliers et d'ensembles formés par des immeubles et objets mobiliers classés sera garantie sur le long terme.
Le nombre d'ensembles concernés par ces dispositions devrait demeurer limité, d'autant plus que la servitude de maintien dans les lieux ne concernera que des objets ou ensembles mobiliers classés dans des immeubles classés, et que cette servitude ne pourra être prononcée qu'avec l'accord du propriétaire. Dès lors, la charge de travail pour les services ne sera pas considérable. Elle devrait par ailleurs être compensée à terme, puisque le difficile suivi des éléments classés d'ensembles dispersés, décrit plus haut, leur sera ainsi épargné.
La mise en œuvre et le suivi de ces dispositions imposent toutefois le maintien sur le territoire d'un réseau de personnes qualifiées en matière de conservation des objets mobiliers.
Impact financier :
S'agissant de la consolidation de situations existantes, l'impact financier de la mesure sera a priori nul sauf dans les cas de classement d’office d’ensembles historiques mobiliers, ou de refus de levée de la servitude de maintien dans les lieux, entraînant pour le propriétaire une sujétion anormale.
Impact économique :
L'impossibilité, sauf autorisation préalable, de démembrer des ensembles d'objets mobiliers classés, ou de sortir des objets mobiliers classés des immeubles classés qui les abrite, privera le marché de l'art d'un certain nombre de biens. Toutefois, compte tenu du faible nombre d'ensembles qui seront a priori concernés, au regard de la quantité d'objets d'art circulant sur les marchés national et international, l'impact sera assez limité.
Au demeurant, les acteurs du marché devraient y gagner en termes de sécurité juridique, le suivi des objets mobiliers classés s'en trouvant facilité.
Le maintien du patrimoine mobilier dans les lieux concourt fortement à l'attractivité d'un monument historique ouvert au public. L'impact touristique sera donc loin d'être négligeable.
Impact juridique :
Ces nouveaux dispositifs constituent une limitation, en contrepartie de la sauvegarde d'un 'intérêt public, au droit de propriété privée. Toutefois, s'agissant de la servitude de maintien dans les lieux, elle ne pourra être instituée qu'avec l'accord du propriétaire et celui-ci pourra demander une indemnité, au cas où l’administration refuserait une demande ultérieure de levée de la servitude, entraînant pour lui une sujétion anormale. Quant à la protection des ensembles historiques mobiliers, si le texte prévoit la possibilité de l'instituer d'office contre l'avis du propriétaire, ce ne sera qu'au prix d'une procédure très lourde (décret en Conseil d’État), assortie d'une possibilité d'indemnisation. Cette procédure ne peut qu’être réservée aux cas exceptionnels, comme elle l'est déjà pour le classement d'office des immeubles (un ou deux cas par an), et plus encore pour le classement d'office des objets mobiliers (aucune occurrence depuis plus de dix ans).
Ces servitudes s'imposeront certes aux acquéreurs des immeubles ou ensembles qui en auront précédemment fait l'objet. Mais ces derniers acquerront les immeubles ou ensembles mobiliers en toute connaissance de cause. En définitive, les seules personnes auxquelles ces servitudes s'imposeront en dehors de leur volonté seront les héritiers des personnes qui auront accepté leur institution sur leurs biens.
Les dispositifs fiscaux existant en matière d'ouverture au public des immeubles et des collections qu'ils abritent constituent toutefois une compensation préexistante à cette servitude, de même que les subventions susceptibles d'être octroyées pour la conservation des immeubles et objets mobiliers concernés.
Impact sur les collectivités territoriales :
Cette mesure est sans impact, en termes financiers comme de charge de travail, sur les collectivités territoriales.
2.3.10.4. Modalités d'application
L'application de ces dispositions exigera l’adaptation des articles relatifs aux sanctions pénales et administratives et la rédaction d'articles réglementaires ad hoc dans le code du patrimoine, concernant les modalités d'adoption des décisions de protection des ensembles historiques mobilier et d'institution de la servitude de maintien dans les lieux, ainsi que les modalités d'instruction des demandes d'autorisation prévues. Ces dispositions réglementaires seront calquées sur les dispositions existantes relatives aux immeubles et aux objets mobiliers.
Des instructions seront par ailleurs données aux services sur les critères et les modalités de la protection des ensembles et de l'institution de la servitude de maintien dans les lieux.
Dispositions à modifier |
Mesure |
Contenu |
CP art. R.611-1 |
Décret en CE |
Compétences d'avis de la Commission nationale des monuments historiques. Ajouter l'avis sur les classements d'ensembles historiques mobiliers et la création de servitudes de maintien dans les lieux. |
CP art. R.611-2 4° |
Décret en CE |
Liste des sections de la CNMH. Ajouter à l'intitulé de la première section, entre « classement des objets mobiliers » et « et travaux sur les objets mobiliers classés », les mots « et ensembles historiques mobiliers, institution de servitudes de maintien dans les lieux » |
CP art. R.611-13 |
Décret en CE |
Article relatif à la composition de la 4ème section de la CNCMH. Modifier le titre. |
CP art. R.622-1 à R.622-4, R.622-6 à R.622-9, R.622-24 à L.622-31 |
Décret en CE |
Ajouter à chaque fois, après « objets mobiliers », « ou des ensembles historiques mobiliers », ou compléter les dispositions pour inclure les ensembles historiques mobiliers. Insérer les dispositions réglementaires correspondantes relatives à la servitude de maintien dans les lieux. |
CP art. R.612-10 4° |
Décret en CE |
Article relatif aux compétences de la commission départementale des objets mobiliers. Modifier le 4° relatif à l'avis sur les demandes de protection d'objets mobiliers pour prendre en compte les ensembles historiques mobiliers et la servitude de maintien dans les lieux. Cependant, à terme, la fusion de la CDOM dans la CRPA est prévue. |
2.3.11. Mesure 45 : Institution des domaines nationaux (Article 24 ; articles L. 621-34 à L. 621-39 du code du patrimoine)
Le patrimoine national comprend d'importants ensembles historiques, architecturaux, artistiques, paysagers et naturels, constitués ou maintenus au fil des siècles par l’État. Ces domaines, qui ont mobilisé les plus grands architectes, artistes et paysagistes de leur temps, ont pour l'essentiel perduré jusqu'à nos jours. Le contexte actuel de pression foncière croissante, notamment en Île-de-France où se trouve la plupart d'entre eux, et de dynamisation du foncier de l’État, représente cependant une menace importante pour le maintien de leur intégrité.
Du domaine de la Couronne aux palais nationaux
L'édit de Moulins, pris par Charles IX en février 1566, considéré comme à l'origine des principes actuels de la domanialité publique, prévoit l'inaliénabilité du domaine de la Couronne, applicable aux résidences des rois de France, pour l’essentiel en Île-de-France, Picardie et dans le Val de Loire.
Extraits du règlement général sur le domaine du roi dit édit de Moulins (février 1566)
Article ler
Le domaine de nostre couronne ne peut estre aliéné qu'en deux cas seulement :
- l'un pour appanage des puisnez masles de la Maison de France : auquel cas y a retour à nostre couronne par leur decez sans masles, en pareil estat et condition qu'estoit ledict domaine lors de la concession de l'appanage : nonobstant toute disposition, possession, acte expres ou taisible faict ou intervenu pendant l'appanage ;
- l'autre pour l'aliénation à deniers comtans pour la nécessité de la guerre, après lettres patentes pour ce decernees et publiées en nos Parlemens : auquel cas y a faculté de rachapt perpetuel.
Article 2
Le domaine de nostre couronne est entendu celuy qui est expressement consacré, uny et incorporé à nostre couronne, ou qui a esté tenu et administré par nos Receveurs et Officiers par l'espace de dix ans, et est entré en ligne de compte.
Article 3
De pareille nature et condition sont les terres autresfois alienees et transferees par nos predecesseurs roys, à la charge de retour à la couronne, en certaines conditions de masle, ou aultre semblable
Article 5
Deffendons à nos Cours de Parlemens et Chambre des comptes d'avoir aulcun esgard aux lettres patentes contenans alienation de nostre domaine et fruicts d'iceluy, hors les cas susdictz, pour quelque cause et temps que ce soict, encores que ce fust pour un an (…)
Article 13
Les articles cy dessus auront lieu de loy et ordonnance, tant pour le regard de nostre ancien domaine uny à nostre couronne, que aultres terres depuis accreuës ou advenuës, comme Bloys, Coucy,Monfort, et aultres semblables.
Article 19
Et enioignons très expressément à nos Procureurs tenir la main à la protection, conservation, poursuitte et reünion de nostre domaine, sur peine de respondre de la perte d'iceluy, qui seroit advenuë par leur faict et faulte.
Le domaine de la Couronne était constitué des biens qui en formaient partie à l'avènement du souverain, auquel étaient ajoutés ceux dont il était propriétaire ou qu'il créait. Ainsi, au « noyau » médiéval, vinrent successivement s'ajouter des biens apportés par les nouvelles dynasties, puis « l'arc francilien » constitué par Louis XIV et sa famille à l'ouest de Paris : Versailles, Marly, Meudon, Saint-Cloud, Rambouillet, s'ajoutant à l'ancienne résidence de Saint-Germain-en-Laye. À partir de la Révolution, le domaine de la couronne devient « liste civile » des souverains français : des châteaux et domaines appartenant à l’État, et mis à la disposition des souverains pour leur servir de résidence. Le statut de cette liste civile évolue alors au gré des régimes politiques :
- décret du 9 mai 1790 de l'Assemblée Nationale : tous les biens de la Couronne sont inaliénables ;
- décrets des 26 mai et 1er juin 1791 : un certain nombre de grands domaines sont affectés à la « liste civile » du Roi ;
- décret du 10 août 1792 : dissolution de la liste civile ;
- sénatus-consulte du 30 janvier 1810 : rétablissement de la dotation de la Couronne ;
- loi du 8 novembre 1814 : imprescriptibilité de la dotation de la Couronne ;
- loi du 2 mars 1832 : liste des domaines appartenant à la liste civile de Louis-Philippe ;
- décrets des 29 février et 18 avril 1848 : le domaine de la Couronne est réuni au domaine de l’État ;
- sénatus-consulte du 12 décembre 1852 : liste des domaines appartenant à la liste civile de Napoléon III ; la dotation de la Couronne est inaliénable et imprescriptible ;
- décrets des 6 septembre 1870 et 17 juillet 1871 : le domaine de la Couronne est rattaché au domaine de l’État.
À la chute du Second Empire, le domaine (ou dotation) de la Couronne disparaît définitivement. La liste civile est « liquidée ». Les domaines qui la constituaient sont répartis entre plusieurs administrations, principalement celle des Beaux-Arts, celle des Eaux et Forêts et celle de la Guerre. Ainsi, les châteaux et parcs d'agrément de Versailles, Saint-Cloud, Saint-Germain-en-Laye, le Louvre et les Tuileries, dont certains abritaient déjà un musée ouvert au public avant la Révolution, sont confiés aux services des Beaux-arts, et depuis au ministère de la culture ou à ses établissements publics. Plusieurs anciens massifs forestiers, qui constituaient les « grands parcs de chasse » de ces domaines (Fontainebleau, Meudon, Saint-Germain-en-Laye) sont confiés aux services des Eaux et Forêts, et sont aujourd'hui des forêts domaniales gérées par l'Office national des forêts. D'importantes emprises, dépendant du Petit parc de Versailles (plateau de Satory, camps des Matelots et des Mortemets, caserne Pion), des domaines de Saint-Cloud (caserne Sully), de Meudon (office national d'études et de recherche aérospatiale) ou de Fontainebleau sont confiées au ministère de la Guerre. Enfin, d'autres administrations se voient confier, dans une moindre mesure, certaines dépendances : observatoire national de Meudon, arboretum de Chèvreloup et potager du Roi à Versailles...
Les décrets du 6 septembre et du 24 octobre 1870 confient à la direction des bâtiments civils, rapidement absorbée par la direction de l'architecture au ministère chargé des beaux-arts, la conservation et l'entretien des bâtiments et des jardins faisant partie de l'ancienne liste civile impériale. Le service des bâtiments civils et des palais nationaux (BCPN) est créé. L'appellation de « palais nationaux » est alors attribuée aux édifices, avec leurs dépendances, qui constituaient la dotation immobilière de la Couronne : l’Élysée, le Palais-Royal, le Louvre, les Tuileries, Saint-Cloud, Versailles, les Trianon, Fontainebleau, Compiègne, Rambouillet, les écuries de l'Alma, le château de Pau, les parterres et terrasses de Saint-Germain, etc… Sont également rattachés à ce régime des « palais nationaux » divers monuments commémoratifs parisiens érigés au cours du XIXe siècle : statues d'Henri IV, de Louis XIII, de Louis XIV, monument au maréchal Ney, monument aux généraux Lecomte et Thomas, colonne Vendôme et colonne de Juillet, ainsi que la colonne de la Grande Armée à Wimille (62).
Après la Première Guerre mondiale, l'actuel palais du Rhin, alors palais impérial allemand, à Strasbourg, et le château du Haut-Koenigsbourg, sont rattachés au régime des palais nationaux. Le château du Haut-Koenigsbourg quittera le patrimoine de l’État pour être transféré au département du Bas-Rhin dans le cadre de l'article 97 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
À partir des années 1960, le service cesse de recruter des « architectes en chef des bâtiments civils et palais nationaux » (BCPN), et lors d'un conseil des ministres restreint, le 15 juillet 1975, le président de la République décide de mettre fin au régime des BCPN. En 1980, la partition de la direction de l'architecture, entre les ministères chargés de la culture et de l'équipement, morcelle le service des BCPN. Le décret du 19 juin 1990 supprime officiellement le régime et au sein du ministère de la culture, la gestion des ex-palais nationaux est rattachée à celle des monuments historiques appartenant à l’État. Les parties des anciens palais nationaux affectées au ministère de la culture seront d'ailleurs progressivement classées au titre des monuments historiques.
Les risques pesant sur l'intégrité des anciens palais nationaux
À l'exception de quelques interruptions, les grands domaines de l’État ont ainsi bénéficié, depuis le XVIIe siècle, d'un statut particulier, qui a garanti jusqu'à aujourd'hui leur intégrité relative. Si certains d'entre eux ont fait l'objet d'amputations, à la suite des bouleversements politiques de la période contemporaine, la conscience de leur importance symbolique, historique, artistique et paysagère a toujours empêché de trop graves atteintes.
Ainsi, après la chute de la monarchie, le 16 floréal an II (5 mai 1793), la Convention nationale décrète que le parc et le château de Saint-Cloud seront « conservés et entretenus aux dépens de la République pour servir aux jouissances du peuple ». Depuis longtemps déjà, les jardins des Tuileries et de Versailles étaient accessibles au public. À la veille de la Révolution, le palais du Louvre, qui abritait les collections royales, fait l'objet d'un projet de muséum, qui sera concrétisé avec le Muséum central des arts de la République, inauguré en novembre 1793. Louis-Philippe crée le musée de l'Histoire de France en 1833, à Versailles, et Napoléon III installe le musée des antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye et permet au public de visiter, en son absence, les palais de Saint-Cloud et des Tuileries.
La mise en place des infrastructures routières et ferroviaires franciliennes a causé d'importantes dégradations. Les domaines de Versailles et de Saint-Cloud ont été « découpés » par les tracés des voies de chemin de fer de l'ouest et, au XXe siècle, l'avenue d'honneur du palais de Saint-Cloud a servi de tracé à l'autoroute de l'ouest, qui a détaché la partie nord du reste du domaine.
Toutefois, le morcellement opéré à la chute du Second Empire n'a pas significativement remis en cause l'intégrité des domaines, devenus « nationaux ». Les divers usages ont été, pour l'essentiel, respectueux de la cohérence des domaines, et les aménagements ont souvent été opérés sous le contrôle de l'administration des bâtiments civils et des palais nationaux, soucieuse de ne pas mettre en cause la qualité architecturale et paysagère des lieux.
Plusieurs facteurs se sont conjugués, dans les dernières décennies, pour remettre en cause l'intégrité de cet héritage national :
- la fin de la conscription, et la réorganisation consécutive des implantations du ministère de la défense, ont rendu inutiles une grande partie des terrains qu'occupait ce dernier dans l'emprise des domaines nationaux. Les grands projets que le ministère de la défense est appelé à financer (nouveau siège de Balard, à Paris), l'ont conduit à souhaiter « réaliser » ses actifs et à envisager la mise en vente de certaines implantations.
- de manière plus générale, la politique de modernisation de la gestion du patrimoine immobilier de l’État ne prend pas en compte les critères d'intégrité des domaines nationaux, d'autant plus que leur situation, majoritairement en Île-de-France, leur confère une valeur foncière considérable.
- ces vastes espaces non bâtis, dont l'appartenance aux domaines historiques n'est pas toujours perceptible au premier abord du fait des aménagements subis, suscitent un grand intérêt de la part des aménageurs et promoteurs franciliens, qui y voient des emprises utilisables pour des projets de développement urbain.
- la propriété de l’État a longtemps été considérée comme suffisante pour garantir la préservation de ces ensembles, qui n'ont été que tardivement protégés au titre des monuments historiques (classement des domaines nationaux de Compiègne et de Saint-Cloud en 1994, du domaine national de Chambord et du château de Villers-Cotterêts en 1997, du château de Vincennes en 1999, du domaine national de Pau en 2004, du domaine national de Fontainebleau en 2008, du domaine national de Marly en 2009, du domaine national de Rambouillet en 2010). Encore ces protections portent-elles principalement sur les parties affectées au ministère chargé de la culture ou à ses établissements publics, et, à l'exception de Chambord ou Vincennes, d'importants éléments affectés à d'autres départements ministériels sont demeurés non protégés.
Face à cette menace, un système de sauvegarde a été mis en place dès 1995 pour le domaine national de Versailles. Le décret du 27 avril 199557 portant statut de l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles a en effet institué, pour un certain nombre de dépendances de l'ancien Petit parc (à l'exclusion du plateau de Satory et de la caserne Pion), un régime de « double affectation », selon lequel le ministère utilisateur et le ministère chargé de la culture se trouvaient co-affectataires des dépendances non exclusivement attribuées à ce dernier ou à son établissement public, et devraient intégrer le domaine géré par l'établissement public lorsque le ministère affectataire n'en aurait plus l'usage, sans compensation financière. C'est ainsi que l'ancien Grand Commun du château, ex-hôpital militaire Dominique-Larrey, a pu réintégrer le domaine, et est en cours d'aménagement pour accueillir l'ensemble des services de l'établissement public. De même, l'essentiel de l'ancien camp des Mortemets et une partie du camp des Matelots ont été intégrés dans la dotation de l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, ainsi que l'hôtel du Grand contrôle.
Les réflexions conduites depuis 2003
Le rapport remis au ministre de la culture et de la communication par la commission présidée par le professeur René Rémond en 2003 (cf. mesure n°59), dans le cadre de la préparation de l'article 97 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales, relatif au transfert de monuments historiques de l’État aux collectivités territoriales, préconisait la conservation par l’État de l'ensemble des monuments dits « palais nationaux », pour des raisons historiques et symboliques. De fait, à l'exception du château du Haut-Koenigsbourg, aucun des anciens « palais nationaux » ne fut proposé aux collectivités dans le cadre de l'application de la loi de 2004.
Dans leur proposition de loi sur le patrimoine monumental de l’État (cf. mesure n°59), les sénateurs Legendre et Férat prévoyaient que les critères adoptés par la commission Rémond pour les monuments historiques appartenant à l’État et affectés au ministère de la culture seraient étendus à l'ensemble des monuments historiques de l’État. Comme précisé ci-dessus, l'examen de cette proposition de loi a été interrompu par les élections législatives de 2012, et il a été décidé de reprendre une partie de ses problématiques dans le projet de loi sur les patrimoines.
Les prestigieux domaines constitués au fil des siècles par l’État, et conservés dans leur quasi-intégrité par les différents régimes politiques français, pour certains depuis le Moyen-Âge, subissent aujourd'hui, du fait de l'évolution du contexte économique et foncier, des menaces de démembrement. Il importe de prévoir sur ce petit nombre de biens exceptionnels, dont plusieurs sont inscrits au patrimoine mondial par l'UNESCO, et qui constituent, depuis la Révolution, le bien commun de la Nation française, un système de protection spécifique, garantissant le maintien de leur cohérence historique pour les générations futures.
[Référence :
Décret n° 2010-1367 du 11 novembre 2010 relatif à l'Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles]
L'objectif principal des dispositions concernées est de garantir la pérennité et l'intégrité des « domaines nationaux », en les dotant d'un statut particulier, inspiré des dispositions du décret du 27 avril 1995 portant statut du domaine national de Versailles susmentionné.
Le projet prévoit de renvoyer l'établissement de la liste des domaines nationaux à un décret en Conseil d’État. Le critère proposé pour leur détermination, celui d'un « lien exceptionnel avec l'histoire politique de la Nation », permet toutefois d'identifier les domaines qui ont servi de siège du pouvoir politique, et de résidence aux chefs d’État français, quel que soit le régime. Cette définition inclut la plupart des domaines ayant figuré sur la liste civile des souverains français, mais ne s'y limite pas. A titre d'exemple, le domaine de Chambord, résidence royale construite sous François Ier, mais devenue propriété privée d'Henri de Bourbon, comte de Chambord, au XIXe siècle, ne figurait donc pas sur la liste civile de Louis-Philippe ou de Napoléon III. Il n'est définitivement revenu à l’État qu'en 1930. De même, le palais du Rhin, palais impérial allemand construit pendant l'annexion de l'Alsace-Moselle, ne pouvait figurer sur la liste civile des souverains français du XIXe siècle. Mais son importance architecturale et symbolique, en tant que palais et « cœur » du pouvoir politique allemand en Alsace, qui a justifié, après le traité de Versailles, son intégration dans le régime des « palais nationaux », le désigne à l'évidence comme devant figurer au nombre des domaines nationaux.
Il s'agit de garantir que ces ensembles historiques, artistiques, architecturaux et paysagers, souvent situés dans des zones où la pression foncière est forte, demeureront bien commun de la Nation et de l'ensemble des Français.
La délimitation des domaines nationaux, qui sera également effectuée par décret en Conseil d’État, fera bénéficier chaque élément constitutif d'une protection au titre des monuments historiques : le classement pour les parties appartenant à l'Etat ou à ses établissements publics, l'inscription pour les parties devenues propriété privée ou propriété d'une autre personne publique que l’État ou ses établissements publics, sauf pour ceux de ces biens qui bénéficient déjà d'un classement.
Le respect du droit à la propriété privée sera ainsi garanti, le Conseil Constitutionnel ayant jugé conforme à la Constitution et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen la possibilité, prévue par les textes, d'inscrire un bien au titre des monuments historiques sans l'accord de son propriétaire.
Cette protection permettra, indépendamment de la situation domaniale des biens, aux services de l’État de s'assurer que les dépendances ou anciennes dépendances des domaines nationaux ne seront pas dégradées. Elle ne fera pas obstacle à ce que les biens ainsi inscrits puissent être ultérieurement classés, dans les conditions habituelles.
Par ailleurs, le maintien des règles qui régissent les forêts domaniales est prévu pour les parties forestières des domaines nationaux sauf en ce qui concerne les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques : dans les domaines nationaux, la cession de parties de forêts domaniales appartenant à l’Etat, prévue par le code général de la propriété des personnes publiques dans certains cas particuliers, ne sera pas possible.
Impact général
La mise en place de ce dispositif permettra de garantir que des ensembles historiques et paysagers de toute première importance, qui sont parvenus à peu près intacts jusqu'à nos jours, seront maintenus dans leur intégrité pour les générations futures, en rétablissant un dispositif spécifique protecteur.
Ce dispositif montrera qu'à côté du « droit commun » des monuments protégés appartenant à l'État, dont la cession peut être envisagée dans le respect du dispositif présenté à la mesure n°59 ci-dessous, il existe un petit nombre de biens qui symbolise, à travers un patrimoine historique et environnemental majeur, la continuité de la Nation française et dont l’État s'interdit l'aliénation, en tout ou partie.
Impact financier
Ces dispositions conduisent à interdire toute vente des parties concernées des domaines nationaux. Il en résulte, pour l’État et les administrations concernées, l'impossibilité de percevoir le produit de ces ventes et donc la perte d'une ressource financière potentielle. Toutefois, l'essentiel de la surface des futurs domaines nationaux est représentée par des bâtiments historiques et des parcs ouverts au public par le ministère de la culture et de la communication d'une part, et par des emprises forestières déjà protégées contre l'aliénation, sous réserve de dérogations, par les dispositions de l'article L.3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques, d'autre part. Seuls les biens relevant aujourd'hui d'autres administrations d’État seront donc réellement concernés par cette inaliénabilité nouvelle.
Au cas où un ministère utilisateur renoncerait à l'usage d'une partie d'un domaine national, l'entretien et la conservation de cette dépendance sont également susceptibles de représenter une charge. Le code général de la propriété des personnes publiques permet cependant de donner les meilleures chances de réutilisation des dépendances, dans le respect de l'intégrité du domaine. Ainsi, au cas où la dépendance concernée ne serait pas susceptible de générer un revenu justifiant une mise à disposition à titre onéreux (par exemple dans le cas d'une utilisation agricole ou hôtelière : ferme de Gally et hôtel du Grand contrôle à Versailles, ou de l'accueil des activités d'une société privée : partie du parc de Villeneuve dans le domaine national de Saint-Cloud concédée à la société pharmaceutique Bio-rad), des mises à disposition gratuites, de long terme, pourront être envisagées auprès de personnes publiques, à charge pour ces dernières d'assurer l'entretien des dépendances (article L.2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques). La préservation de ces dernières sera ainsi assurée, sous le contrôle scientifique et technique de l’État en ce qui concerne les travaux d'entretien et de restauration, et certaines administrations ou collectivités pourront bénéficier de l'usage de ces dépendances, sans remettre en cause la pérennité et l'intégrité du domaine national.
Impact économique
Le dispositif présenté ci-dessus permettra d'éviter que certaines parcelles soient « gelées » pour toute valorisation économique, sans mettre en cause les impératifs de conservation. Outre les activités culturelles et touristiques d'accueil du public et les activités forestières qui caractérisent la plupart des domaines nationaux, certaines parties pourront donc accueillir d'autres activités économiques des secteurs primaire (exploitations agricoles), secondaire (accueil d'entreprises) ou tertiaire (hôtellerie).
Cette dimension économique demeurera compatible avec le maintien de l'attractivité touristique très forte de ces ensembles historiques et paysagers.
Impact environnemental
Les domaines nationaux, à l'exception de quelques exemples urbains, dénués de jardins, qui contribuent néanmoins fortement à la qualité esthétique de la cité (par exemple, le palais du Louvre ou les vestiges du palais de la Cité, à Paris, avec la Conciergerie et la Sainte-Chapelle), ont tous une dimension paysagère et environnementale très forte. Pour certains domaines urbains, comme le jardin des Tuileries et le Palais-Royal à Paris, le palais du Rhin à Strasbourg ou le château d'Angers, cette dimension prend la forme d'un jardin ou d'un parc nettement circonscrit. Mais pour la plupart, comme les grands domaines de l'Ouest parisien, Compiègne, Fontainebleau, Chambord ou Villers-Cotterêts, les domaines nationaux comportent de très vastes parcs, pour partie d'agrément, pour partie forestiers, qui constituent de véritables « poumons verts », susceptibles d'accueillir et de préserver flore et faune sauvage, au sein de zones en grande partie urbanisées ou artificialisées.
Par ailleurs, certains domaines nationaux comportent des dispositifs hydrauliques, véritables chefs d’œuvre du patrimoine technique de l'époque moderne (Versailles, Fontainebleau, Saint-Cloud), parfois longs de plusieurs kilomètres, dont le rôle dans la collecte, l'acheminement et l'utilisation des eaux pluviales a été très important, et pourrait le redevenir. Des études ont ainsi été conduites, en partenariat entre l’État, l'agence de l'eau Seine-Normandie, les syndicats de gestion des eaux et l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles, pour la reconnexion au domaine des réseaux gravitaires des étangs inférieurs (étangs de Saclay) et supérieurs (étang de Saint-Quentin). De même, si le réseau sud (Ville-d'Avray) du domaine national de Saint-Cloud continue d'alimenter le domaine national et ses jeux d'eau, des études ont été conduites en vue de la reconnexion de la branche nord (étangs de la Marche) coupée au XIXe siècle.
L'enjeu environnemental représenté par la préservation des domaines nationaux est donc de toute première importance.
Impact social
Si tous n'ont pas la même notoriété, les domaines nationaux participent du sentiment d'appartenance nationale. Leur importance symbolique est grande, dans l'opinion publique française, et pour la perception de la France à l'étranger.
Tous renvoient à des événements fondamentaux de l'histoire et de l'imaginaire de la Nation française, illustrés notamment par Victor Hugo (Notre-Dame de Paris), Alexandre Dumas (le cycle des Mousquetaires, le cycle des guerres de Religion) ou Maurice Druon (les Rois maudits). On peut mentionner, à titre d'exemples, et sans prétendre à l'exhaustivité :
- la construction de la Sainte-Chapelle du palais de la Cité par saint Louis, et du palais lui-même par Philippe le Bel ;
- le fastueux accueil de l'empereur Charles Quint par François Ier à Chambord, en 1539 ;
- l'ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, par laquelle François Ier rend l'usage du français obligatoire dans les documents administratifs ;
- la paix de Saint-Germain-en-Laye, en 1570, qui met fin à la troisième guerre de Religion ;
- l'assassinat à Saint-Cloud du roi Henri III par le moine Jacques Clément, en 1589 ;
- la naissance de Louis XIV au château de Saint-Germain-en-Laye, le 5 septembre 1638 ;
- l'investissement du Palais-Royal et de la chambre du roi par le peuple, en 1649, lors de la Fronde, et la fuite de la cour à Saint-Germain-en-Laye ;
- la signature par Louis XIV de l'édit de Fontainebleau, révoquant l'édit de Nantes, le 18 octobre 1685 ;
- l'appel à l'insurrection de Camille Desmoulins, le 12 juillet 1789, dans les jardins du Palais-Royal, après le renvoi de Necker ;
- la prise des Tuileries et le massacre des gardes suisses le 10 août 1792 ;
- le coup d’État du 18 brumaire par lequel Bonaparte, en 1799, impose le transfert à Saint-Cloud du conseil des Anciens et du conseil des Cinq-Cent, et met fin au Directoire ;
- les adieux de Napoléon Ier à la Garde, en 1814, au château de Fontainebleau ;
- les ordonnances de Saint-Cloud, dont la signature par Charles X, en 1830, déclenche les Trois Glorieuses et la chute définitive de la branche légitimiste ;
- l'assignation du palais de l’Élysée comme résidence du président de la République par décret de l'Assemblée Nationale, le 21 décembre 1848 ;
- la signature à Saint-Cloud, le 17 juillet 1870, de la déclaration de guerre à la Prusse par Napoléon III, qui va précipiter la chute du Second Empire, le retour de la République - et la ruine du château de Saint-Cloud ;
- la proclamation de l'empire allemand (et donc de l'unité allemande) par Bismarck dans la galerie des Glaces du château de Versailles, le 18 janvier 1871 ;
- l'incendie des Tuileries pendant la Semaine sanglante, le 23 mai 1871 ;
- l'attribution à l’État français des biens de la couronne impériale allemande en Alsace-Moselle, et principalement du palais impérial, devenu depuis palais du Rhin, par le traité de Versailles, en 1919 ;
- la signature du traité d'amitié franco-allemand de l’Élysée par de Gaulle et Adenauer, le 22 juillet 1963 ;
- le premier sommet des pays les plus industrialisés (G6) au château de Rambouillet en 1975.
La préservation de ces ensembles et l'engagement de l’État à garantir leur cohérence à long terme, témoignent de l'affirmation par la Nation de la volonté de conférer à ces domaines une dimension exceptionnelle, les plaçant en dehors du droit commun du patrimoine immobilier de l’État.
Ces dispositions peuvent être considérées comme portant atteinte au droit constitutionnel à la propriété privée, dans la mesure où elles ont pour conséquence de placer des biens appartenant à des personnes privées sous un régime qui permettra à l’État un contrôle des travaux (inscription au titre des monuments historiques) et lui donnera des droits particuliers (expropriation et préemption).
Toutefois, ces mesures de délimitation seront prises par décret en Conseil d’État, ce qui garantira un contrôle du bien-fondé de l'emprise retenue. Par ailleurs, elles ne feront que placer les biens concernés sous le régime de l'inscription au titre des monuments historiques, mesure pour laquelle l'accord du propriétaire n'est pas nécessaire, aux termes du code du patrimoine, et dont les limitations qu'elle porte au droit de propriété ont été reconnues comme constitutionnelles par le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°2011-207 QPC Grande brasserie Patrie Schutzenberger du 16 décembre 2011.
Impact pour les collectivités territoriales :
Cette mesure est sans impact, en termes de charge de travail, sur les collectivités territoriales. Seules celles qui sont propriétaires de parcelles incluses dans les futurs domaines nationaux seront réellement concernées, ces parcelles passant automatiquement sous le statut de l’inscription au titre des monuments historiques. Le nombre des collectivités concernées, comme l’étendue des parcelles en cause, seront toutefois très limités.
2.3.11.4. Modalités d'application
L'application de cette mesure nécessitera la préparation et l'adoption d'un décret en Conseil d’État fixant la liste des domaines nationaux, qui n'appelleront pas de difficulté particulière.
Elle nécessitera également la préparation et l'adoption de décrets en Conseil d’État portant délimitation de ces domaines nationaux, qui s’avéreront plus lourdes et plus complexes. En effet, il conviendra d'abord de conduire une recherche historique, faisant appel notamment aux documents du XIXe siècle (notamment à l'atlas des biens de la couronne de 1832, qui a servi de référence à la liquidation des biens de la liste civile impériale au début de la IIIe République) ; ces éléments devront ensuite être confrontés au cadastre actuel, et une enquête de terrain devra être conduite, pour déterminer ceux des biens appartenant aux anciens palais nationaux qui doivent être inclus dans l'emprise des domaines nationaux, et ceux qui, en raison de transformations trop profondes ou irréversibles, doivent en être exclus. Cette phase devra être suivie d'une période de négociation avec les propriétaires et affectataires des biens concernés, et le cas échéant d'un arbitrage du Premier ministre, avant consultation du Conseil d’État. Les servitudes ainsi créées devront finalement être publiées au fichier immobilier.
Ces procédures ne sont pas inédites. Elles reprennent très largement celles qui président à la protection d'immeubles au titre des monuments historiques. Les services du ministère de la culture sont donc habitués à les conduire. Par ailleurs, les classements récents de certains domaines nationaux faciliteront le travail de recherche préalable, en tout cas pour les parties relevant actuellement du ministère de la culture ou de ses établissements publics. Enfin, certains domaines nationaux très précisément circonscrits ne nécessiteront pas un travail très lourd. Il n'en reste pas moins que la constitution des dossiers représentera, dans un délai relativement bref et particulièrement pour la direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France, un travail conséquent.
La préparation des décrets mentionnés ci-dessus s’effectuera en concertation étroite entre le ministère chargé de la culture et le ministère chargé du domaine.
La gestion des domaines nationaux, après délimitation, ne représentera pas une charge de travail nouvelle très considérable au quotidien pour les services. Des conventions d'utilisation spécifiques devront être mises au point avec France domaine, sur un modèle qui sera très voisin du modèle en cours de finalisation pour les monuments historiques de l’État.
Dispositions à modifier |
Mesure |
Contenu |
CP art. R.611-1 |
Décret en CE |
Compétences d'avis de la Commission nationale des monuments historiques. Ajouter l'avis sur les décrets fixant la liste et les limites des domaines nationaux. |
CP partie règlementaire |
Décret en CE |
Création d'une section dédiée aux domaines nationaux. Cette section pourra comprendre un article fixant la liste des domaines nationaux, leur délimitation précise, par décret, n'ayant a priori pas vocation à être codifiée. Elle devra comprendre un article relatif à la notification au propriétaire et à la publication au fichier immobilier des décrets délimitant les domaines nationaux. |
CP art. R.621-85 |
Modalités de notification des décisions relatives aux monuments historiques. Ajouter les références relatives aux domaines nationaux. |
2.3.12. Mesure 46 : Institution des cités historiques : critères, objet, procédures (Article 24 ; articles L. 631-1, L. 631-2, L. 631-3 du code du patrimoine)
Les espaces dits « protégés », qui couvrent 6% de notre territoire, englobent des éléments bâtis et paysagers de nature et d'époque différentes : centres urbains, quartiers historiques d'une ville, éléments architecturaux et paysagers, parcs, jardins, etc.
La sauvegarde et la mise en valeur de ces espaces protégés c’est-à-dire du patrimoine historique, architectural, urbain et paysager est une politique essentielle pour l'attractivité du territoire français. Nombre de communes parmi les plus touristiques de France sont couvertes par des protections relevant du code du patrimoine, du code de l'urbanisme ou encore du code de l'environnement.
Parallèlement aux dispositifs existants en matière de protection du patrimoine urbain et paysager, se sont développés, des labels délivrés aux communes engagées dans une politique de valorisation du patrimoine et de sensibilisation à l'architecture. Ces labels (tels que Ville et pays d'art ou d'histoire ou encore Petites cités de caractère,) participent à la mise en valeur du patrimoine en complémentarité avec les outils légaux existants.
Le droit en matière de patrimoine architectural, urbain et paysager souffre d’une complexité excessive due à la stratification normative des dernières décennies et à un cloisonnement des régimes de protection. Il en ressort des dispositifs mal identifiés et peu lisibles, donc moins efficients qu'ils pourraient l'être. Actuellement, on ne dénombre pas moins de six outils en faveur de la protection et de la mise en valeur d'ensembles urbains ou paysagers remarquables par leur intérêt patrimonial :
Ø les secteurs sauvegardés,
Ø les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP),
Ø les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP),
Ø les sites classés relevant du code de l'environnement,
Ø les sites inscrits relevant du code de l'environnement,
Ø les zones de protection du titre III de la loi du 2 mai 1930 relative aux sites et monuments naturels.
Il faut ajouter à ces six catégories destinées à protéger les espaces pour leur valeur intrinsèque, les différentes catégories de périmètres de protection des abords des monuments historiques.
Les sites classés et inscrits placés sous la compétence du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie font, parallèlement au présent projet de loi, l'objet de mesures d'amélioration prévues par le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ne relevant pas directement du ministère de la culture et de la communication, ces régimes de protection ne seront pas développés dans la partie suivante dédiée à la présentation des dispositifs en vigueur.
Cependant, il est important de souligner que le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit pour les sites inscrits des dispositions visant à :
Ø abroger les sites inscrits dont la dégradation est considérée comme irréversible ou qui sont couverts par d'autres protections au moins équivalentes,
Ø conduire les sites inscrits existants les plus remarquables vers des mesures de protection au titre du code du patrimoine pour les espaces urbains ou vers des sites classés pour les espaces les plus remarquables.
La dernière disposition introduit donc la possibilité d’intégrer une partie des sites inscrits bâtis qui auront gardé leur valeur patrimoniale dans des dispositifs relevant du ministère de la culture et de la communication. La protection de ces sites au titre du code du patrimoine pourra s’organiser entre le dispositif de cité historique pour les sites inscrits à dominante urbaine et celui des abords des monuments historiques pour les autres sites inscrits les plus remarquables à dominante urbaine et celui des abords des monuments historiques pour les sites inscrits constituant l'environnement d'un ou plusieurs monuments historiques.
1. Présentation des dispositifs en vigueur
1.1 Les secteurs sauvegardés
Les secteurs sauvegardés correspondent aux ensembles urbains et aux quartiers historiques les plus remarquables, du point de vue du patrimoine. Ils sont destinés à garantir la sauvegarde et la mise en valeur de ces ensembles et quartiers. Les règles particulières d’urbanisme et d'architecture qui s’y appliquent sont regroupées dans un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) qui a valeur de document d’urbanisme et qui se substitue au plan local d’urbanisme (PLU).
• Origine :
Créé par la loi du 4 août 1962 dite « Loi Malraux », le dispositif des secteurs sauvegardés avait pour objectif de préserver les centres urbains et d’éviter la destruction massive des centres anciens menacés par des opérations de rénovations urbaines radicales. En effet, alors jugés insalubres, les centres anciens étaient menacés de destruction par souci d'hygiène et de modernité afin de les remplacer par un nouvel urbanisme de tours et de barres noyées dans la verdure.
• Procédure :
Le dispositif des secteurs sauvegardés est aujourd’hui codifié dans le code de l'urbanisme aux articles L.313-1 à L.313-2-1. Un secteur sauvegardé est créé et délimité par arrêté préfectoral après consultation de la Commission nationale des secteurs sauvegardés. Cet acte prescrit l'établissement d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Une commission locale du secteur sauvegardé est composée par arrêté préfectoral en accord avec l'autorité décentralisée. Le projet de PSMV, établi par un architecte urbaniste spécialiste du patrimoine, est soumis à l'avis de cette commission, puis à celui de la collectivité territoriale compétente. Il est examiné par la Commission nationale des secteurs sauvegardés.
Le projet de PSMV, éventuellement amendé, est soumis à une enquête publique par arrêté préfectoral. Le projet de PSMV est soumis à l'accord de la collectivité territoriale puis est approuvé par arrêté préfectoral. À défaut d'accord de la collectivité, le PSMV peut être approuvé par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale des secteurs sauvegardés.
Le PSMV peut être révisé dans les mêmes formes que celles précédemment citées, ou modifié selon une procédure moins contraignante lorsqu’il n'est pas porté atteinte à son économie générale.
• Nombre actuel de secteurs sauvegardés et de PSMV
On dénombre actuellement 105 secteurs sauvegardés : 8 secteurs sauvegardés ont été créés entre 2003 et 2012 dont 4 en 2008, année correspondant au plus grand nombre de créations par an durant les 10 dernières années.
Le nombre de plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) approuvés s'élève, entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2012, à 25 dont 9 PSMV approuvés en 2007. Ce pic s'explique par la simplification opérée par la réforme du code de l'urbanisme intervenue en 2007 qui a permis le déblocage d'un grand nombre d'approbations de PSMV alors en instance.
1.2 Les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP)
1.2.1 Les AVAP
Le dispositif des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) a pour objet de garantir la qualité du cadre de vie et plus précisément la pérennité et la mise en valeur du patrimoine sur un ou des territoires présentant un intérêt culturel, architectural, urbain, paysager, historique ou archéologique dans le respect du développement durable.
• Origine :
Le dispositif des AVAP est issu de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement dite « Grenelle II » et est amené à remplacer d'ici au 14 juillet 2016 celui des ZPPAUP introduit en 1983 et dont l'application reste transitoirement en vigueur. Les AVAP conservent les principes fondamentaux de mise en œuvre et les objectifs d'origine des ZPPAUP, à savoir : un partenariat et une démarche consensuelle entre la collectivité et l'État, un périmètre sur mesure au regard des intérêts patrimoniaux, un cadre de prescriptions partagé. La principale évolution imprimée consiste dans la prise en compte, outre des qualités patrimoniales du tissu bâti et des espaces, de l'environnement et des objectifs de développement durable.
• Procédure :
Le dispositif des AVAP est aujourd'hui codifié au code du patrimoine aux articles L.642-1 à L.642-10. Les AVAP sont mises en œuvre par la commune, maître d'ouvrage. En effet, cette dernière a l'initiative de création du dispositif, elle en assure le financement et conduit la procédure. Le préfet donne son accord au terme de la procédure, préalablement à la délibération de l'autorité décentralisée. Les AVAP résultent donc, comme les ZPPAUP, d'un régime de codécision, l’État demeurant ainsi le partenaire privilégié des communes. Il n'est actuellement plus possible de créer ou de réviser des ZPPAUP, sauf dans le cas de procédures engagées avant l’entrée en vigueur de la loi Grenelle II.
• Nombre actuel d’AVAP
On peut estimer le nombre d’AVAP au 1er septembre 2014 à environ 80,soit 60 ZPPAUP transformées en AVAP et une vingtaine d'AVAP créée58.
1.2.2 Les ZPPAUP
Près de 685 ZPPAUP ont été créées depuis 1983 qui ont vocation à évoluer en AVAP d’ici au 14 juillet 2016. Elles concernent la quasi-totalité des départements, parmi lesquels les mieux pourvus, le Finistère et la Dordogne, pouvant comporter jusqu'à une trentaine de ZPPAUP. Elles portent sur des territoires d'une très grande diversité depuis l'espace rural avec un intérêt paysager dominant, jusqu'à des quartiers de ville tels que Dieppe ou Marseille.
1.3 La fiscalité en secteur sauvegardé, ZPPAUP et AVAP
Les dispositifs fiscaux actuels en faveur de la restauration des immeubles situés, soit en secteur sauvegardé, en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ou en aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP), soit hors de ces espaces mais caractéristiques d’un type de patrimoine, relèvent du ministère de l’économie et des finances, et de dispositions figurant dans le code général des impôts ainsi que dans les bulletins officiels des impôts.
Les deux dispositifs actuels, le dispositif dit « Malraux » et le label de la fondation du patrimoine, sont complémentaires en ce qu’ils s’appliquent tous deux en espaces protégés.
Label de la fondation du patrimoine est applicable non seulement aux immeubles situés en ZPPAUP/AVAP mais également en dehors de ces espaces protégés.
1.3.1 Rappel du dispositif Malraux
Le dispositif Malraux est régi par l'article 199 tervicies du code général des impôts qui prévoit une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des dépenses effectuées en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti. Ce dispositif ouvrant droit à une réduction fiscale s'applique aux zones et lieux suivants :
➢ Les secteurs sauvegardés (articles L. 313-1 et L. 313-4 du code de l'urbanisme) ;
➢ Les quartiers anciens dégradés définis par l'article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, qui fixe jusqu'au 31 décembre 2015 la possibilité de bénéficier du régime Malraux dès lors que la restauration a été déclarée d'utilité publique ;
➢ Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager-ZPPAUP (articles L.642-1 à L.642-7 du code du patrimoine en vigueur jusqu'au 14 juillet 2010) ;
➢ Les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine-AVAP (articles L.642-1 à L. 642-7 du code du patrimoine).
Les propriétaires concernés sont les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts c’est-à-dire principalement les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, les personnes exerçant en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ou encore les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
Les locaux concernés sont les locaux d'habitation, les locaux destinés originellement à l'habitation et réaffectés à cet usage ou les locaux dont le produit de la location est imposé dans la catégorie des revenus fonciers.
Les dépenses éligibles sont principalement les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire.
Rappelons que lorsque les dépenses portent sur un local à usage d'habitation, le propriétaire prend l'engagement de le louer nu, à usage de résidence principale du locataire, pendant une durée de neuf ans. Dans le cas où le local est affecté à un autre usage que l'habitation, le propriétaire prend l'engagement de le louer pendant la même durée. Dans tous les cas, la location doit intervenir dans les douze mois suivant l'achèvement des travaux.
1.3.2. Rappel du dispositif du label de la fondation du patrimoine
La fondation du patrimoine dont la vocation est la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine dispose de différents dispositifs incitatifs pour remplir ses missions.
Dans le cadre de l'aide au patrimoine privé, le label de la fondation du patrimoine permet aux propriétaires privés d'immeubles non protégés au titre des monuments historiques de bénéficier d'une déduction fiscale pour les travaux extérieurs réalisés.
Le ministère de l'économie et des finances a habilité la fondation du patrimoine à délivrer un label ouvrant droit à une déduction fiscale à compter de la loi de finances pour 2003. Les conditions relatives à l'attribution du label ont été précisées à la suite de la publication du bulletin officiel des impôts n°5-B-05 du 1er février 2005.
Le champ du label de la fondation du patrimoine s'applique à trois catégories d'immeubles : les immeubles les plus caractéristiques du patrimoine rural, les immeubles non habitables constituant le « petit patrimoine de proximité » et les immeubles situés en zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager désormais transposable aux aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine.
Chaque année, ce sont entre 1 000 et 1 200 immeubles qui sont labellisés par la fondation du patrimoine.
2. Limites des dispositifs en vigueur
2.1 Les secteurs sauvegardés
S'agissant de la création de secteurs sauvegardés, on peut constater un bilan mitigé par rapport aux ambitions d'origine. Une certaine stagnation est à souligner : moins de 2 secteurs sauvegardés ont été créés par an ces dernières années. Par ailleurs, de nombreux plans de sauvegarde et de mise en valeur (environ 50% du total) appellent une révision, en particulier du fait de leur ancienneté.
2.2 Les ZPPAUP
Le régime des ZPPAUP, qui a vocation à être remplacé par celui des AVAP, pose problème et nécessite une évolution législative et réglementaire.
L’échéance introduite par l'article 28 de la loi Grenelle II qui implique l’extinction des ZPPAUP à défaut de leur substitution par une AVAP au 14 juillet 2015 a été prolongé par l’article 162 de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) d’un an soit le 14 juillet 2016. Cette échéance est une date couperet. En effet, compte tenu du nombre de ZPPAUP, le relais par une AVAP ne pourra pas être pris pour la majorité d'entre elles. Or, la disparition de ces ZPPAUP sans concertation ni évaluation préalable apparaît comme contraire à l’intérêt du patrimoine et de l’attractivité des territoires. Sur les 685 ZPPAUP existantes, 60 ont été transformées en AVAP au 1er décembre 2014. La grande majorité des ZPPAUP est donc menacée de disparition.
2.3 Les AVAP
Le dispositif des AVAP souffre d'un certain nombre de difficultés.
En premier lieu, l'échéance de transformation des ZPPAUP en AVAP, fixée au 14 juillet 2016, peut dissuader de nombreuses communes, notamment rurales, la procédure pouvant exiger une révision du plan local d’urbanisme.
La disparition d’un nombre important de ZPPAUP est à craindre ce qui provoquerait une forte régression de la protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. À défaut de la transformation de ces ZPPAUP en AVAP, seront réintroduits, pour les monuments historiques situés dans ces ZPPAUP, les périmètres de protection automatiques de 500 mètres (périmètres géométriques, dépourvus de règles et procédant pour leur application de la condition de champ de visibilité avec le monument).
En second lieu, les problèmes de coordination du règlement de l’AVAP avec les dispositions et l'évolution du PLU existent. Une relation de compatibilité régit dispositions du PLU et de l’AVAP, notamment le respect des orientations énoncées dans le projet d’aménagement et de développement durable. En tant que de besoin, une procédure de mise en compatibilité du PLU avec un projet d’AVAP a bien été prévue, la création de cette dernière pouvant alors emporter cette mise en compatibilité. Cependant, ce dispositif compliqué est mal connu et ne semble pas avoir été utilisé à ce jour.
Par ailleurs, des difficultés apparaissent également pour la mise en œuvre par les collectivités, spécialement les petites communes rurales, des commissions locales de l'AVAP s’agissant de leur constitution et leur compétence.
Leur constitution, prévue par la loi, conduit à n'admettre que huit élus maximum au nombre des membres de droit de la commission, alors même que la création d'une AVAP peut concerner plusieurs communes. Ce nombre maximum ne permet pas de garantir la représentation élue de toutes les communes concernées par ce projet.
L’obligation de désigner quatre personnes qualifiées (deux choisies au titre du patrimoine culturel ou environnemental local et deux choisies au titre d'intérêts économiques locaux) rend parfois difficile la constitution de ces commissions du fait d'une disponibilité insuffisante d'experts locaux.
La compétence d'examen par la commission locale des recours formés contre l'avis de l’ABF sur les demandes d’autorisation de travaux, pose également une question d'indépendance. L'autorité compétente pour la délivrance des autorisations de travaux a seule la capacité de former le recours alors que la commission locale est elle-même placée dans la majorité des cas sous la présidence de cette même autorité compétente.
Enfin, une grande incertitude existe au sein des services déconcentrés quant aux modalités de prise en compte de l'environnement au sein des dossiers d'AVAP comme de PSMV.
Cette incertitude tient à l'obligation d'une telle prise en compte qui se traduit, pour l'AVAP, par un « diagnostic architectural, patrimonial et environnemental » incorporé en annexe du rapport de présentation. Pour le PSMV, par le rapport de présentation lui-même. Par ailleurs, la soumission de l'AVAP et du PSMV à évaluation environnementale est décidée au cas par cas par décision de l'autorité environnementale.
Dans un tel cadre, il est difficile de distinguer ce qui relève de l'évaluation environnementale et ce qui relève du diagnostic.
2.3.12.2. Objectifs poursuivis
Il est envisagé de créer un seul régime juridique, la cité historique, se substituant aux régimes des secteurs sauvegardé, ZPPAUP et AVAP.
L'objectif général est de rendre plus efficiente la mise en œuvre de la politique de conservation et de mise en valeur des espaces qui, d’un point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, présentent un intérêt public. Il s’agit de redéfinir les dispositifs de protection en vigueur, leur champ et modalités, et de renforcer les compétences des collectivités et les partenariats avec l'État dans le domaine concerné.
La simplification et la modernisation des dispositifs doivent assurer la promotion d'une meilleure applicabilité de la protection et une meilleure lisibilité pour les acteurs de la gestion de l'espace et pour les administrés, notamment par l’harmonisation des procédures d'instruction des demandes d’autorisation de travaux par l'ABF. Ce point est développé dans la partie relative aux impacts de la présente mesure.
La politique d'incitation « fiscale » instituée par le biais des dispositifs Malraux et du label de la fondation du patrimoine sont tous deux complémentaires et permettent la réalisation de travaux de qualité et sont des leviers déterminants pour l’investissement locatif.
La mesure d'unification au sein des cités historiques suppose un ajustement de la répartition des taux d'imputation des dépenses.
La loi de finances pourrait maintenir un taux plus favorable pour les parties de la cité historique couvertes par un PSMV (taux actuel des secteurs sauvegardés) et un taux de base pour les autres parties (taux actuel des ZPPAUP/AVAP).
En ce qui concerne les secteurs sauvegardés dont le PSMV est en cours d’élaboration, il conviendrait, afin d’encourager les communes concernées qui se sont engagées dans cette procédure, que puisse être appliqué durant l’élaboration même du document d’urbanisme, le taux de déduction fiscale correspondant au PSMV pendant une durée transitoire.
Ces deux taux de déduction fiscale différents pour les cités historiques avec ou sans PSMV est dans la même lignée que les deux taux de déduction fiscale existants aujourd’hui en secteurs sauvegardés et en ZPPAUP/AVAP.
Impact général
810 cités historiques seront automatiquement créées par la loi : 105 secteurs sauvegardés, 625 ZPPAUP et 80 AVAP créées.
Le présent projet de loi prévoit une distinction entre la création du périmètre de cité historique et l’élaboration, puis l’approbation du document d’urbanisme associé à la cité historique. Il y a donc une distinction nette entre la protection, la servitude d’utilité publique créée par l’État après enquête publique et accord de la collectivité, et sa gestion par le biais du document d’urbanisme choisi et élaboré par la collectivité : plan local d’urbanisme (PLU) ou plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).
Il est important de souligner que cette distinction entre une phase de protection puis une phase de gestion de la cité historique pourrait faciliter la protection d’ensembles urbains remarquables jusqu’alors inscrits au titre des sites. Rappelons que le projet de loi cadre Biodiversité porté par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie prévoit qu’une partie des sites inscrits puisse être protégée au titre du code du patrimoine. Certains des sites inscrits urbains remarquables pourraient être classés au titre des cités historiques.
Impact administratif
La transformation en cités historiques des secteurs sauvegardés, ZPPAUP, et AVAP sera automatique et les services de l’État et les collectivités n’ont donc pas à faire face à une charge de travail supplémentaire. Cette simplification, par ce nouvel outil unique, peut au contraire dénouer des situations de protection trop compartimentées ou complexes, comme le cas de Marseille où coexistent actuellement 4 ZPPAUP.
De plus, les 625 ZPPAUP qui doivent obligatoirement être transformées en AVAP avant la date du 14 juillet 2016, sous peine d’extinction, impliquaient jusqu’alors la mise en œuvre d’une procédure administrative de transformation par les communes concernées. L’institution de cités historiques qui implique la conversion automatique de l’ensemble des dispositifs existants dont les ZPPAUP a un impact d’autant plus positif qu’il permet de faire tomber la date couperet du 14 juillet 2016 et de supprimer toute procédure contraignante pour les communes concernées par ce délai. Il en résulte pour elles une économie en termes financiers.
Pour autant, les procédures d’élaboration des AVAP déjà engagées ne sont pas « perdues » et pourront s’inscrire dans l’élaboration, au moment choisi par la collectivité, du document de gestion de la cité historique, PSMV ou PLU.
Impact financier
Ø Le financement des cités historiques
Toute création de cité historique implique la délimitation d’un périmètre de protection précis. Afin de déterminer ce périmètre, des études préalables devront être menées qui peuvent être comparées à celles déjà existantes en matière de délimitation de périmètre de secteur sauvegardé. Le coût d’une étude préalable visant à proposer un périmètre de secteur sauvegardé est d’environ 35 000 euros. La définition du périmètre du secteur sauvegardé de Nîmes a été estimée à 46 000 euros pour 41 hectares de superficie. Quant au périmètre du secteur sauvegardé de Pont-Saint-Esprit, il s’élève à 30 000 euros pour environ 50 hectares. Le coût des études préalables peut être réduit par une meilleure définition des besoins et des responsabilités.
S’agissant de la mise en œuvre dans les cités historiques d’un document d’urbanisme « patrimonial », les communes ont le choix entre deux outils : un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) sur tout ou partie de la cité historique ou un plan local d’urbanisme (PLU) comportant les dispositions relatives à l’architecture et au patrimoine prévues aux 1° et 2° du III de l’article L.123-1-5 du code de l’urbanisme. Ces deux outils n’ont pas la même portée. Le PSMV nécessite une connaissance du patrimoine, immeuble par immeuble (les intérieurs d’immeubles étant également concernés). L’investissement n’est pas le même que celui exigé par la mise en œuvre d’un PLU. Ce point est précisé dans la mesure relative aux documents d’urbanisme en cités historiques.
Ø La fiscalité dans les cités historiques
L’augmentation du nombre de labels accordés par la fondation du patrimoine, qui pourra désormais intervenir dans toutes les cités historiques, sera relative. La fondation du patrimoine intervient d’ores et déjà dans les 625 ZPPAUP et les 80 AVAP. Par ailleurs, cette augmentation relative sera compensée par le resserrement du taux haut « Malraux » (le périmètre de la cité historique ne correspondant plus obligatoirement au périmètre du PSMV) aux seules parties couvertes par un PSMV. Le reste de la cité historique bénéficie du taux bas.
2.3.12.4. Modalités d’application
Disposition à modifier |
Mesure |
Contenu |
CODE DU PATRIMOINE | ||
Chapitre 1er du titre IV du livre VI (article D.641-1) |
Décret simple Abrogation |
Rappel des dispositions du code de l'urbanisme relatives aux secteurs sauvegardés : à supprimer en raison du nouveau régime de la cité historique |
Chapitre 2 du titre IV du livre VI sections 1 à 3 (articles D.642-1 à |
Décret simple Abrogation |
Dispositions relatives aux AVAP : à supprimer en raison du nouveau régime de la cité historique Dispositions transitoires prévues par la loi |
Chapitre 2 du titre IV du livre VI section 4 (article R.642-29) |
Décret en CE Mise en cohérence |
Sanctions pénales : substitution des termes « cité historique » aux termes ZPPAUP et AVAP |
Chapitre 3 du titre IV du livre VI (article D.643-1) |
Décret simple Mise en cohérence |
Dispositions fiscales : substitution des termes « cité historique » aux termes secteur sauvegardé, AVAP et ZPPAUP |
CODE DE L'URBANISME | ||
Chapitre III du titre 1er du livre III section 1ère sous-section 1 (article R.313-1) |
Décret en CE Abrogation |
Création du secteur sauvegardé : à supprimer |
Chapitre III du titre 1er du livre III section 1ère sous-section 4 (article R.313-17) |
Décret en CE Abrogation |
Surveillance générale du secteur sauvegardé par l'ABF : à supprimer |
Chapitre III du titre 1er du livre III section 1ère sous-section 6 (article R.313-22) |
Décret en CE Mise en cohérence |
Mesures de publicité et d'information : substitution des termes « cité historique » aux termes secteur sauvegardé |
2.3.13. Mesure 47 : Travaux en cité historique (Article 24 ; articles L. 632-1 et L. 632-2 du code du patrimoine)
Les dispositifs de secteur sauvegardé, de zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et d’aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) ont tous en commun la consultation obligatoire de l’architecte des bâtiments de France (ABF) dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux. Cette consultation garantit la compatibilité des travaux projetés avec la conservation et la mise en valeur du patrimoine et du cadre de vie.
Le tableau ci-dessous récapitule, pour l’année 2013, l’ensemble des actes émis par les ABF et les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine (STAP) en fonction des différents types de servitudes59.
Les actuels secteurs sauvegardés, ZPPAUP et AVAP concentrent environ 16% des avis émis par les ABF soit environ 60 000 avis. On peut donc considérer qu’environ 60 000 avis seront émis chaque année au titre des cités historiques, auxquels il convient d’ajouter une partie des avis émis au titre des sites inscrits.
Rappelons que le projet de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages porté par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie prévoit en effet la transposition des sites inscrits bâtis les plus remarquables du point de vue patrimonial vers une protection au titre du code du patrimoine, qui pourrait être le dispositif de cité historique. En l’état, il n’est cependant pas possible de déterminer les sites inscrits qui seraient potentiellement concernés par cette disposition.
Toutefois, il est important de noter que les avis émis actuellement au titre des secteurs sauvegardés, des ZPPAUP et des sites inscrits sont extrêmement hétérogènes du point de vue de leur portée juridique, de leur nature et du délai dans lequel ils doivent être émis60.
On constate une complexité dans les procédures d'autorisation de travaux, souvent accentuée par les superpositions de protection, ce qui peut susciter l’incompréhension, voire l’irritation des demandeurs, des citoyens et des élus.
À titre d’exemple, la procédure d’autorisation de travaux en ZPPAUP et en AVAP peut être considérée comme ambiguë et complexe en ce que l’avis de l’ABF est supposé « conforme » de fait, car le maire porteur de la demande d’autorisation de travaux ne peut passer outre cet avis qu’après avoir proposé une décision alternative au préfet de région, que celui-ci peut refuser après avoir consulté, le cas échéant, une commission locale placée elle-même sous la responsabilité du maire. En outre, le demandeur est privé de toute possibilité de recours auprès du préfet de région en ZPPAUP et en AVAP contrairement aux autres espaces protégés.
2.3.13.2. Objectifs poursuivis
La simplification par l’unification des régimes d’autorisation de travaux.
Les régimes d'autorisation de travaux c’est-à-dire la nature, les délais, les modalités de consultation de l’ABF et de recours contre l’avis de l’ABF sont unifiés. Il est important d’indiquer que cette unification porte sur l’ensemble des régimes de protection : les cités historiques, objet de la présente mesure, mais aussi les abords des monuments historiques.
Cette unification participe pleinement à la politique de modernisation de l’action publique. Un projet d'amélioration du processus d'autorisations de travaux en espaces protégés incluant les secteurs sauvegardés, les ZPPAUP et les AVAP notamment, a été lancé en 2010.
Ce projet « ATEP » s'est déployé dans les directions régionales des affaires culturelles et plus particulièrement au sein des services territoriaux de l'architecture et du patrimoine. Les objectifs ont été les suivants : assurer une meilleure information des demandeurs et des usagers à chaque étape de leur projet ; améliorer la qualité des dossiers de demandes d'autorisation de travaux et raccourcir les délais d'instruction. Les bénéfices en termes de conseil et de gestion efficiente des dossiers ont pu être mesurés dès 2012 avec une amélioration des délais et de la qualité d'instruction des dossiers par les services territoriaux de l'architecture et du patrimoine avec plus de 55% des dossiers traités en moins de 20 jours et un objectif de traitement à terme, dans le même délai, de 80% des dossiers.
La création du dispositif unitaire de cité historique à l’instar de celui des périmètres délimités des abords des monuments historiques en recentrant l'action des services sur les espaces les plus remarquables devrait à terme participer pleinement au projet ATEP qui fait partie aujourd’hui de la politique de modernisation conduite par le Gouvernement. Le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique a validé l’objectif de simplification par l’institution des cités historiques, en tant que mesure à l’attention des particuliers et des entreprises.
Impact administratif
La transposition des régimes actuels de secteur sauvegardé, de ZPPAUP, d’AVAP et d’une potentielle partie des sites inscrits dans le régime unifié de cité historique aura un impact favorable sur la charge de travail des services de l’État et sur celle des collectivités. La complexité actuelle de gestion des autorisations de travaux due au caractère hétérogène des régimes de protection et de ce qu’ils impliquent en termes de délai, de nature et de portée juridique des avis émis par les ABF sera réduite. L’institution du dispositif unifié de cité historique implique en parallèle une simplification des autorisations de travaux : les délais, la nature des avis émis par les ABF sont unifiés en un régime qui regroupe cité historique et abords des monuments historiques.
Les tableaux ci-dessous proposent une synthèse de la nature des avis actuellement émis par les ABF et leur simplification dans le cadre du projet de loi.
AVANT L’ADOPTION DE LA LOI (tableau synthétique)
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
« Autorisation spéciale » (code du patrimoine ou de l'environnement) |
Déclaration préalable |
Permis de démolir |
Permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Champ de visibilité d'un monument historique (périmètre de protection adapté, modifié ou rayon de 500 m) |
Autorisation préfet après avis « simple » ABF Refus d'autorisation tacite en cas de silence du préfet |
Accord ABF - accord tacite de l'ABF en cas de silence - les ABF doivent adresser copie de leur refus d'accord et/ou de leurs prescriptions, le cas échéant, au demandeur afin qu'il ne puisse pas se prévaloir d'une autorisation tacite | |||
Secteur sauvegardé |
Sans objet (Déclaration préalable) → | ||||
ZPPAUP ou AVAP |
Avis « conforme » (l’autorité compétente ne peut passer outre qu'en formant un recours auprès du préfet de région) - avis favorable tacite de l'ABF en cas de silence | ||||
site inscrit |
Autorisation préfet après avis « simple » ABF |
Accord exprès ABF pour les démolitions, refus d’accord tacite en cas de silence (silence vaut refus) avis « simple » ABF pour les constructions avis favorable tacite de l'ABF en cas de silence | |||
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
Autorisation ministre après consultation ABF |
Autorisation préfet après avis « simple » ABF |
Autorisation ministre environnement après consultation ABF | ||
Hors espace protégé |
Consultation possible du de l'ABF pour observations au titre de ses missions générales de conseil |
APRÈS L’ADOPTION DE LA LOI
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
Déclaration préalable |
Permis de démolir |
Permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Cité historique ou abords |
Accord ABF - accord tacite de l'ABF en cas de silence - les ABF doivent adresser copie de leur refus d'accord et/ou de leurs prescriptions, le cas échéant, au demandeur afin qu’il ne puisse pas se prévaloir d'une autorisation tacite | |||
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
Autorisation préfet après avis ABF |
Autorisation ministre environnement après consultation ABF (idem pour les autorisations spéciales) | ||
Hors espace protégé |
Consultation possible de l'ABF pour observations au titre de ses missions générales de conseil |
Les délais, différents en fonction du type de travaux et de la nature de la protection, sont également unifiés. Les tableaux ci-dessous en proposent une synthèse avant et après le projet de loi. Il convient de noter qu’il s’agit ici des délais maximum d’obtention des autorisations de travaux dans le cadre desquels l’ABF doit émettre son avis dans des délais impartis :
AVANT L’ADOPTION DE LA LOI
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
Autorisation spéciale (code du patrimoine ou de l'environnement) |
Déclaration préalable |
Permis de démolir |
Permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Abords de monument historique |
3 mois |
2 mois |
3 mois |
6 mois | |
Secteur sauvegardé |
Voir DP → |
3 mois |
4 mois | ||
ZPPAUP ou AVAP |
2 mois | ||||
site inscrit |
4 mois | ||||
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
1 an |
2 mois |
1 an | ||
Délai de droit commun |
Sans objet |
1 mois |
2 mois |
3 mois |
APRÈS L’ADOPTION DE LA LOI
Type d’autorisation → Type d'espace protégé ↓ |
Déclaration préalable |
Permis de démolir ou permis de construire maison individuelle |
Permis de construire ou permis d’aménager |
Cité historique ou abords |
2 mois dont 1 mois ABF |
3 mois dont 2 mois ABF |
4 mois dont 2 mois ABF |
Site classé ou en instance (code de l'environnement) |
2 mois |
1 an | |
Délai de droit commun |
1 mois |
2 mois |
3 mois |
Impact juridique
La simplification des procédures d’instruction des autorisations de travaux aura un impact sur les codes du patrimoine et de l’urbanisme. Cette simplification entraînera une harmonisation de ces codes.
On peut estimer que les recours contre les avis émis par les ABF pourront être en légère augmentation du fait de l’extension du droit de recours des demandeurs aux actuelles ZPPAUP et AVAP.
Impact accessibilité
Toutes les dispositions nécessaires à la prise en compte du handicap moteur sont déjà contenues dans le code de la construction et de l'habitation (articles L.111-7 à L.111-8-4).
Impact sur le label de la fondation du patrimoine
L’objectif est de permettre à la fondation du patrimoine d’intervenir dans les cités historiques, dans les mêmes conditions qu’en ZPPAUP et en AVAP par le biais du dispositif du label.
Le label de la fondation du patrimoine est régi par une instruction fiscale61, qui vise trois catégories d'immeubles que l'on pourrait définir comme suit :
- les immeubles constituant le petit patrimoine de proximité tels que les pigeonniers ou les fours à pain ;
- les immeubles caractéristiques du patrimoine rural ;
- les immeubles situés en ZPPAUP et en AVAP.
Les immeubles situés en secteurs sauvegardés peuvent être labellisés s'ils sont caractéristiques du patrimoine dit « de proximité » ou du patrimoine rural. Il n'existe donc pas de limitation explicite dans l'instruction fiscale s'agissant des secteurs sauvegardés. Cependant, la nature même des secteurs sauvegardés, centres urbains historiques, ne correspond pas aux types d'immeubles labellisables. Il y a donc peu d'immeubles labellisés en secteur sauvegardé.
L’objectif est ici d’unifier par le biais de l’institution des cités historiques englobant les secteurs sauvegardés, les ZPPAUP et les AVAP, les conditions d’attribution du label de la fondation du patrimoine.
2.3.13.4. Modalités d'application
Disposition à modifier |
Mesure |
Contenu |
CODE DU PATRIMOINE | ||
Livre VI, Titre IV, section 3 (articles D.642-11 à D.642-28) |
Décret en CE Abrogation |
Régime de l'autorisation spéciale en AVAP à supprimer |
CODE DE L'URBANISME | ||
Livre I, Titre Ier, chapitre Ier (article *R.111-1) |
Décret CE Mise en cohérence |
Règles générales de l’urbanisme : substitution des termes « ZPPAUP et AVAP » par les termes « cités historiques » |
Livre I, Titre Ier, chapitre Ier, sous-section 2 (article R.*111-42-3°) |
Décret CE Mise en cohérence |
Dérogations accordées pour la pratique et la création de campings : substitution des termes « champ de visibilité », « ZPPAUP », « AVAP » par les termes « en abords » et « cités historiques » |
Livre I, Titre Ier, chapitre III, section Ière (article *R.123-2) |
Décret CE Modification |
Rapport de présentation des PLU : complément à apporter pour l’application du régime de la cité historique |
Livre I, Titre Ier, chapitre III, section Ière (article *R.123-3) |
Décret CE Modification |
Éléments constitutifs du projet d’aménagement et de développement durables (PADD) : complément à apporter pour le PLU patrimonial en cité historique |
Livre I, Titre Ier, chapitre III, section Ière (article *R.123-9-11°) |
Décret CE Modification |
Éléments constitutifs du règlement du PLU, substitution des termes « l’aspect extérieur » par les termes « l'architecture » |
Livre I, Titre Ier, chapitre III, section Ière (article *R.123-10) |
Décret CE Abrogation |
Suppression du COS dans le cadre de la loi accessibilité au logement et urbanisme rénové |
Livre I, Titre Ier, chapitre III, section Ière (article *R.123-11-h) |
Décret CE Modification |
Contenu du règlement du PLU concernant les éléments à protéger : compléments à apporter au PLU patrimonial en cité historique |
Livre I Titre Ier, chapitre III, section Ière (article *R.123-13-1°) |
Décret CE Mise en cohérence |
Annexes du PLU : substitution des termes « secteurs sauvegardés » par les termes « cités historiques » |
Livre III, Titre I, chapitre III, section II (article *R.313-29) |
Décret CE Mise en cohérence |
Attestation de l’ABF pour l’application des dispositions fiscales du code général des impôts : substitution des termes « secteur sauvegardé » et « ZPPAUP » par les termes « cité historique » |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section Ière, sous-section 1 à sous-section 2 (spécialement les articles *R.421-2, *R.421-3, *R.421-6, *R.421-7, *R.421-8-1) |
Décret CE Modification |
Régimes d’autorisations de travaux : aménagement du champ des travaux dispensés d’autorisation en cité historique |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section Ière, sous-section 3 (article *R.421-9) |
Décret CE Mise en cohérence |
Travaux soumis à déclaration préalable : substitution des termes « secteurs sauvegardés » par les termes « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section Ière, sous-section 3 (article *R.421-10) |
Décret CE Mise en cohérence |
Travaux d’infrastructures : substitution des termes « secteurs sauvegardés » par les termes « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section Ière, sous-section 3 (article *R.421-11) |
Décret CE Mise en cohérence |
Travaux soumis à déclaration préalable : substitution des termes « secteurs sauvegardés » par les termes « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section Ière, sous-section 3 (article *R.421-12) |
Décret CE Mise en cohérence |
Travaux d’édification de clôture : substitution des termes « secteurs sauvegardés », « ZPPAUP ou AVAP » par les termes « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section II, sous-section 1 (article *R.421-15) |
Décret CE Mise en cohérence |
Dispositions spécifiques en permis de construire situés en secteur sauvegardé : substitution des termes « secteurs sauvegardés » par les termes « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section II, sous-section 2 (article *R.421-17-c) |
Décret CE Mise en cohérence |
Travaux particuliers soumis à déclaration préalable : substitution des termes « secteurs sauvegardés » par les termes « cités historiques » |
Livre IV, Titre II, chapitre Ier, section III, sous-section 1 (article *R.421-19-a) |
Décret CE Mise en cohérence |