N° 3040
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 août 2015.
PROJET DE LOI
autorisant la ratification du protocole facultatif
à la convention relative aux droits de l’enfant
établissant une procédure de présentation de communications.
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Manuel VALLS,
Premier ministre,
par M. Laurent FABIUS,
ministre des affaires étrangères et du développement international.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La convention relative aux droits de l’enfant a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et est entrée en vigueur le 2 septembre 1990. La France l’a ratifiée le 7 août 1990 (1). Elle a pour objet de reconnaître et protéger les droits spécifiques des enfants. Deux protocoles facultatifs à la convention ont ensuite été adoptés le 25 mai 2000 par l’Assemblée générale des Nations unies. La France les a ratifiés le 5 février 2003 :
– le protocole facultatif à la convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (OPSC), entré en vigueur le 18 janvier 2002 ;
– le protocole facultatif à la convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (OPAC), entré en vigueur le 12 février 2002.
Le protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications a adopté le 19 décembre 2011, lors de la soixante-sixième session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies par la résolution 66/138, pour permettre la mise en place d’un mécanisme de plainte auprès du comité des droits de l’enfant pour la violation, par un État Partie, des droits protégés par la convention des droits de l’enfant. Ouvert à la signature à Genève le 28 février 2012, ce protocole est entré en vigueur le 14 avril 2014. Madame Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, l’a signé au nom de la France le 20 novembre 2014 à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la convention relative aux droits de l’enfant.
L’objet principal de ce protocole, tel qu’exprimé en son article 5, est de créer un nouveau mécanisme de communication à l’attention des particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un État partie qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie de l’un ou plusieurs des droits énoncés dans la convention relative aux droits de l’enfant ou dans l’un de ses deux premiers protocoles additionnels (OPAC et OPSC).
Le protocole se divise en quatre parties comprenant des dispositions générales sur la compétence du comité et les principes généraux guidant l’exercice de ses fonctions, la description des deux types de procédures du comité (la procédure de présentation de communications et la procédure d’enquête) ainsi que des dispositions finales portant sur les modalités de signature, de ratification, d’entrée en vigueur, d’amendement et de dénonciation du protocole.
Le Préambule, outre des considérations générales formulées dans tous les traités relatifs aux droits de l’homme, rappelle que les États parties à la convention relative aux droits de l’enfant reconnaissent le statut spécial de l’enfant en tant que sujet de droits. Ce dernier, se trouvant dans une situation de dépendance, nécessite une protection particulière imposant aux États parties de mettre au point des mécanismes nationaux appropriés permettant aux enfants, dont les droits ont été violés, d’avoir accès à des recours effectifs. A ce titre, il rappelle le rôle important que les institutions nationales des droits de l’homme et d’autres institutions spécialisées dans la promotion et la protection des droits des enfants peuvent jouer.
La première partie (articles 1er à 4) présente la compétence du comité des droits de l’enfant, lequel ne peut connaître de la violation par un État de droits énoncés dans un instrument auquel il n’est pas partie ou s’il n’est pas partie au présent protocole. Le comité doit adopter un règlement intérieur relatif à l’exercice de ses fonctions pour garantir que les procédures suivies devant lui soient adaptées aux enfants. Il doit également y inclure des garanties pour empêcher que les enfants ne soient manipulés par ceux agissant en leur nom. Ainsi, le comité pourrait refuser d’examiner une communication qui ne servirait pas, selon lui, l’intérêt supérieur de l’enfant. Par ailleurs, l’État partie devra veiller à accorder des mesures de protection aux individus qui communiquent ou coopèrent avec le comité.
La deuxième partie (articles 5 à 12) traite de la procédure de présentation de communications individuelles ou interétatiques devant le comité des droits de l’enfant.
Les plaintes individuelles peuvent être déposées par des particuliers, groupes de particuliers ou représentants de ces derniers, qui relèvent de la juridiction d’un État partie et affirment être victimes de la violation par l’État de droits énoncés dans la convention relative aux droits de l’enfant ou dans l’un de ses protocoles facultatifs (OPAC ou OPSC).
L’article 6 du protocole facultatif donne la compétence au comité des droits de l’enfant de prononcer des mesures provisoires à l’égard de l’État partie mais limite cette possibilité à l’existence de « circonstances exceptionnelles » et à un risque de « préjudice irréparable ». Les conditions nécessaires à leur mise en œuvre devraient permettre de limiter le recours à de telles mesures.
Le comité déclare irrecevable toute communication ne remplissant pas les conditions fixées à l’article 7 et transmet à l’État partie mis en cause les seules communications qu’il déclare recevables. Un règlement amiable peut, de plus, être conclu entre les parties. Au terme de l’examen du bien-fondé de la communication, lequel se fait à huis-clos, le comité transmet aux parties ses constatations, éventuellement accompagnées de recommandations. L’État dispose alors d’un délai de six mois pour transmettre une réponse écrite au comité en indiquant toute mesure prise ou envisagée pour donner suite aux constatations ou recommandations du comité.
Par ailleurs, l’article 12 prévoit que les États parties peuvent reconnaître la compétence du comité pour recevoir et examiner des communications interétatiques. Cette reconnaissance de compétence du comité peut être faite à tout moment auprès du Secrétaire général de l’organisation des Nations unies. Dans les faits, si on se réfère à la pratique dans d’autres comités, de telles communications restent néanmoins très rares en raison de leur nature très politique.
La troisième partie (articles 13 et 14) concerne la procédure d’enquête effectuée par l’un des membres du comité en cas d’allégations crédibles de violations graves et systématiques de droits énoncés dans la convention ou l’un de ses protocoles par un État partie. L’enquête pourra, lorsque cela est justifié et avec l’accord de l’État partie, comporter une visite sur le territoire de cet État. L’enquête se déroule confidentiellement et la coopération de l’État partie est requise à tous les stades de la procédure. Après avoir étudié les résultats de l’enquête, le comité les communique sans délai à l’État partie assortis, le cas échéant, d’observations ou de recommandations.
L’État partie a six mois pour réagir. Par la suite, le comité peut, si nécessaire, inviter l’État partie à l’informer des mesures prises ou envisagées, à la suite de l’enquête, y compris, si le comité le juge approprié, dans les rapports périodiques ultérieurs de l’État. Après consultation de l’État concerné, le comité peut décider de faire figurer dans son rapport prévu à l’article 16 du protocole un compte rendu succinct des résultats de la procédure d’enquête.
La quatrième partie (articles 15 à 24) porte sur les dispositions finales. Elle reprend classiquement l’ensemble des modalités de signature, de ratification, d’entrée en vigueur, d’application, d’amendement et de dénonciation du protocole.
Plus particulièrement, l’article 20 prévoit que le comité n’est compétent que pour les violations commises après l’entrée en vigueur du présent protocole envers l’État partie. Et l’article 21 prévoit que tout État partie peut, à tout moment, dénoncer le protocole. La dénonciation prend effet un an après la date de réception de la notification par le Secrétaire général de l’organisation des Nations unies. Elle ne met pas fin aux communications présentées selon les articles 5 ou 12 ou à toute procédure engagée conformément à l’article 13, avant la date de prise d’effet de la dénonciation.
Telles sont les principales observations qu’appelle ce troisième protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant dont certaines dispositions touchent aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Relevant du domaine législatif, le présent texte doit par conséquent être soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Est autorisée la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, signé à New York le 20 novembre 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 26 août 2015.
Signé : Manuel VALLS
Par le Premier ministre : |
²
1 () La France a formulé les trois réserves suivantes :
1) La convention, notamment son article 6, ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l'application des dispositions de la législation française relative à l'interruption volontaire de la grossesse.
2) Compte tenu de l’article 2 de la Constitution, l’article 30 (qui porte sur le droit des enfants des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques) n’a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République.
3) L’article 40 paragraphe 2 b V (droit de faire appel si l’enfant est reconnu avoir enfreint la loi pénale), comme posant un principe général auquel la loi peut apporter des exceptions limitées. Il en est ainsi, notamment, pour certaines infractions relevant en premier et dernier ressort du tribunal de police ainsi que pour les infractions de nature criminelle. Au demeurant les décisions rendues en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour de Cassation qui statue sur la légalité de la décision intervenue.