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PROJET DE LOI

autorisant la ratification du traité entre la République française et la République tchèque relatif à la coopération dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace

extra-atmosphérique à des fins pacifiques

NOR : MAEJ1531682L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I- Situation de référence et objectifs du Traité

Afin de fixer le cadre juridique dans lequel la coopération spatiale va évoluer, le gouvernement français et le CNES (Centre national d'études spatiales) signent des accords-cadres de coopération avec des Etats ou des agences spatiales étrangères. En fonction du contexte local, des priorités politiques, de la présence (ou de l’absence) de structures dédiées aux activités spatiales dans le pays concerné, et de la capacité des agences spatiales étrangères à engager leur gouvernement, ces accords peuvent prendre la forme soit d’accords intergouvernementaux, soit d’accords interagences. En particulier, le CNES, établissement public doté de la personnalité juridique, n’est pas habilité à signer des accords engageant le gouvernement français, alors que certaines agences spatiales étrangères (notamment la NASA, National Aeronautics and Space Administration, agence gouvernementale responsable du programme spatial civil des États-Unis) ont un statut leur permettant d’engager leur gouvernement.

Dans le cas du présent accord, l’entité de mise en œuvre en République tchèque étant le ministère des Transports, la signature d’un accord au niveau des gouvernements s’est imposée. Toutefois, en dehors des cas de nécessité juridique ou d’opportunité politique, le CNES conclut habituellement des accords inter-agences avec ses homologues étrangers. A titre d’exemple, la France a conclu des accords-cadres intergouvernementaux dans le domaine spatial avec l’Algérie, la Chine, les Etats-Unis, le Kazakhstan et la Russie. Cette liste est à mettre en regard des accords-cadres interagences conclus par le CNES : AEB (Brésil), AEM (Mexique), AGEOS (Gabon), ASC (Canada), CDTI (Espagne), CONAE (Argentine), CRTS (Maroc), DLR (Allemagne), ISRO (Inde), JAXA (Japon), KARI (Corée du Sud), NKSAU (Ukraine), NSC (Norvège), SNSB (Suède), UAESA (Emirats Arabes Unis), UKSA (Royaume-Uni).

Depuis son accession à l’Agence spatiale européenne (ASE/ESA) en 2008, la République Tchèque a affirmé ses ambitions spatiales. Elle a ainsi placé le domaine spatial au cœur de sa Présidence de l’UE en 2009 (organisation d’un Conseil Espace), avant d’obtenir que le siège de l’Agence du GNSS1 européen (GSA) qui supervise le programme européen de navigation par satellites Galileo soit implanté à Prague. Une réflexion est par ailleurs en cours sur la création d’une agence spatiale tchèque. La République Tchèque constitue ainsi l’un des nouveaux acteurs spatiaux d’Europe centrale et orientale les plus dynamiques.

Dans ce contexte, le Traité franco-tchèque sur la coopération spatiale constituera un outil important de notre diplomatie spatiale, notamment envers les nouveaux États membres de l’ASE. Il permettra à la fois de mener des activités de coopération spatiale au niveau institutionnel et d’ouvrir la voie à d’éventuelles coopérations pour notre industrie spatiale.

Plus généralement, le Traité s’inscrit dans la lignée du partenariat stratégique franco-tchèque du 16 juin 2008, qui se fixe comme objectif de renforcer la coopération entre les deux Etats dans les domaines stratégiques, tel que le domaine spatial.

Le Traité a pour objet de favoriser la coopération scientifique et technique dans le domaine spatial entre la France et la République Tchèque. Il portera principalement sur les domaines suivants : recherche spatiale, formation d’étudiants, réalisation et exploitation de systèmes spatiaux, développement d’applications spatiales et de services associés, diffusion des connaissances acquises auprès du grand public. Le Traité sera mis en œuvre par le Centre nationale d’études spatiales (CNES) et par le Ministère tchèque des transports et son application fait l’objet d’une coordination par le biais d’un comité mixte. La France est le premier État avec lequel la République tchèque a conclu un accord de coopération spatiale. Toutefois, dans le cadre de la mise en œuvre des activités menées au sein de l’Agence spatiale européenne, de nombreuses interactions et coopérations ont lieu entre des acteurs institutionnels, académiques et industriels tchèques et d’autres États membres.

Les autres dispositions notables du Traité concernent l’échange de personnels, la protection des informations échangées, le contrôle des exportations et les formalités douanières. Le texte comprend, par ailleurs, une annexe, qui définit les règles applicables en matière de propriété intellectuelle.

II- Conséquences estimées de la mise en œuvre du Traité

A- Conséquences économiques

La coopération prévue au titre du Traité a notamment vocation à être mise en œuvre dans le domaine de la recherche spatiale, y compris des sciences spatiales, de l’observation de la Terre et de la microgravité (cf. article 2).

Plusieurs axes de coopérations sont envisagés, aussi bien dans le cadre du programme bilatéral que dans le cadre des programmes spatiaux de l’Union européenne (Galileo, Copernicus et Horizon 2020), qu’au sein des programmes de l’ESA, en particulier sur des activités de R&T. Ces pistes, encore préliminaires, feront l’objet de discussions prochaines plus approfondies avec la partie tchèque, lors desquelles l’évaluation des moyens afférents sera discutée.

Dans ce contexte, tant l’industrie spatiale française que les laboratoires de recherche français seront impliqués dans la mise en œuvre des coopérations sans qu’il soit possible à ce stade d’en déterminer l’ampleur. Une journée industrielle spatiale franco-tchèque organisée à Paris en juin 2015 a confirmé l’intérêt de nombreuses sociétés françaises pour une coopération avec la République tchèque, et l’existence de débouchés économiques concrets et de court terme. Aussi bien les grands groupes (Thales Alenia Space, Airbus Defence and Space, ATOS), que des entreprises de taille intermédiaires ou des PME (SODERN, IDRM, M3 Systems, Syrlinks, etc.) ont participé à cet évènement qui a réuni une vingtaine de sociétés tchèques.

B- Conséquences financières

La coopération scientifique et technique prévue par le Traité est mise en œuvre dans le cadre et dans la limite des disponibilités budgétaires des deux États. A ce titre, l’article 7.1 du Traité prévoit une procédure de financement dans la « limite des ressources budgétaires dont (les parties) disposent pour leur fonctionnement courant ».

Par ailleurs, chacun des États parties finance par lui-même les activités de coopération qu’il conduit.

Le Traité n’évoque pas de modalités de financement externe.

Enfin, chaque État partie s’est engagé, au sein d’un article 11, à ne pas introduire de recours en responsabilité à l’encontre ni de l’autre État partie, ni des institutions compétentes de ce dernier en cas de « dommage occasionné à leur personnel ou à leurs biens du fait de la mise en œuvre d’activités dans les domaines de coopération […] ». Le recours à ce type de mécanismes de renonciation à recours est classique dans les accords de coopération dans le domaine spatial. Les accords récents conclus avec les États-Unis, le Kazakhstan ou encore le Mexique prévoient également de tels principes. A ce titre, chaque État partie s’engage à ne pas chercher la responsabilité de l’autre État dans le cas où, au cours de la mise en œuvre des activités de coopération, des dommages seraient causés aux matériels et équipements utilisés par les deux parties ou dans le cas où les personnels impliqués des deux parties subiraient des dommages physiques.

C- Conséquences sociales

Le Traité franco-tchèque prévoit également une coopération en matière d’échanges d’étudiants, d’experts techniques et scientifiques ainsi que de personnels de recherche (cf. article 2). Il précise par ailleurs que les États parties facilitent les échanges de personnel (cf. article 8).

La mise en œuvre de tels échanges permet une coopération en matière d’emploi.

La diffusion des connaissances est prévue pour être déployée tant auprès d’un public professionnel que du «  grand-public  » (cf. article 2).

Le Traité n’emporte, par ailleurs, aucune conséquence dans le domaine de la parité femmes/hommes.

D- Conséquences environnementales 

La coopération compte parmi ses principaux objectifs des résultats valorisables (par le biais du développement d’applications spatiales et de services utilisant les systèmes spatiaux) dans les domaines liés à l’observation de la Terre parmi lesquels : la météorologie, le développement durable et l’ingénierie segment sol (cf. article 2).

La coopération est menée dans le respect des engagements nationaux respectifs des États parties, y compris en matière environnementale et plus particulièrement en matière de développement durable.

E- Conséquences juridiques 

a- Articulation du Traité avec les accords ou conventions internationales existantes2

Les dispositions du Traité sont conformes au Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes conclu le 27 janvier 1967 et ratifié par la France le 5 Août 1970.

Le présent Traité relatif à la coopération dans le domaine de l’exploration de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques ne nécessitera aucune modification de la législation interne.

Son article 9 relatif à la « propriété intellectuelle », renvoie aux dispositions d’une annexe dédiée qui précise que les Parties entendent par la notion de « propriété intellectuelle » le sens que lui attribue l’article 2 de la Convention portant création de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle signée à Stockholm le 14 juillet 1967.

b- Articulation du Traité avec les dispositions du droit de l’UE

S’agissant de la compatibilité de cet accord avec les engagements européens de la France en matière spatiale, celle-ci doit être examinée au regard du paragraphe 3 de l’article 4 du Traité de Lisbonne3, qui prévoit que « dans les domaines de la recherche, du développement technologique et de l’espace, l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions, notamment pour définir et mettre en œuvre des programmes, sans que l’exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d’empêcher les États membres d’exercer la leur ».

Il en résulte que le Traité de Lisbonne n’affecte pas la capacité de la France, outre sa participation aux programmes qui sont ou seront mis en œuvre par l’Union européenne au titre de l’article ci-dessus, à conduire des actions qui lui sont propres dans le domaine de l’espace, tant dans un cadre national qu’en coopération internationale.

La République tchèque occupe une place particulière au sein du programme Galileo, puisqu’elle accueille à Prague l’Agence du GNSS européen, la GSA, dont le rôle est notamment de mettre en œuvre et gérer le GNSS européen. A ce titre, le Traité pourra favoriser l’émergence de positions communes entre la France et la République tchèque sur les programmes européens de navigation par satellite, et plus précisément leur mise en œuvre via la GSA.

c- Exonérations douanières

L’accord prévoit, en son article 13, des exonérations de droits et taxes pour l'importation ou l'introduction ou l'expédition, par l'organisme d'exécution de l'autre partie ou pour son compte, des équipements et des biens associés nécessaires pour mener les activités au titre du présent Accord.).

Cette formulation permet d’exonérer, du paiement des droits et taxes, les matériels importés depuis un pays tiers à l’Union Européenne et dédouanés par l’une des deux Parties puis expédiés sur le territoire de l’autre Partie contractante. En effet, sans cette formulation, à l’arrivée sur le sol de l’autre Partie, les droits et taxes auraient pu être dus. En adoptant cette formulation, la France et la République tchèque ont empêché que leurs autorités douanières taxent les marchandises précédemment importées par l’autre état-Partie.

En l’espèce, les marchandises importées par les parties dans le cadre de ce traité pourront bénéficier des réglementations nationales et européennes applicables en matière de franchises :

- règlement (CE) 1186/2009 du Conseil, du 16 novembre 2009 relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières ;

- directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée 5TVA), articles 138 et 143 ;

- directive 2009/132/CE du Conseil du 19 octobre 2009 déterminant le champ d’application de l’article 143, points b) et c), de la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée de certaines importations définitives de biens ;

- article 50 octies de l’annexe IV du code général des impôts.

Il n’est pas possible à ce stade de caractériser les types de biens concernés, qui dépendront de la teneur des activités de coopération qui seront décidées par les institutions compétentes des États parties.

Ce type de dispositions est usuel dans les accords de coopération dans le domaine spatial (cf. accord avec les États-Unis, article 4, joint en annexe).

d- Sur la protection des données personnelles

Il n’y a pas dans le présent accord de dispositions susceptibles d’affecter directement la protection des données personnelles et la législation applicable en la matière.

A titre accessoire, on peut relever que certaines applications spatiales peuvent mettre en jeu la question de la protection des données personnelles. La jurisprudence de la CJUE (Uzun contre Allemagne, 2010) rappelle ainsi que « la surveillance du requérant par GPS ainsi que le traitement et l’utilisation des données ainsi obtenues s’analysaient en une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit au respect de sa vie privée » garanti par l’article 8 de la CEDH.

Le siège de l’organisme ayant pour vocation de gérer le système Galileo étant désormais installé à Prague, la République tchèque pourrait développer des compétences en matière de navigation par satellite et de données de localisation, qui constitue un domaine de coopération prévu à l’article 2 de l’accord.

La République Tchèque est soumise au nouveau Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Elle fait donc partie des pays assurant une protection suffisante telle que définie par la CNIL.

F- Conséquences administratives

Les activités de coopération sont mises en œuvre par le Centre national d’études spatiales (CNES) pour la République Française et par le ministère des transports pour la République Tchèque (cf. article 4).

Afin de coordonner les activités de coopération, les Parties créent un Comité mixte coprésidé par les deux représentants de chacun des États parties.

Le comité se réunit alternativement en France et en République Tchèque en général une fois par an ou selon la périodicité jugée nécessaire par les Parties (cf. article 5).

III – Historique des négociations

Conformément aux dispositions du partenariat stratégique franco-tchèque du 16 juin 2008, qui fixe comme objectif de renforcer la coopération dans les domaines stratégiques tels que le domaine spatial, la France et la République tchèque ont décidé d’engager une coopération bilatérale dans le domaine spatial. Compte tenu du niveau et du volume anticipé de la coopération franco-tchèque dans ce domaine, il était initialement prévu de mettre en place un accord de niveau interagences. La République Tchèque ne possède pas d’agence spatiale nationale aussi structurée que le CNES pour la France et le secteur spatial est placé sous la responsabilité du Ministère de l’Education, de la Jeunesse et des sports. En raison de cette asymétrie des structures en France et en République tchèque, il a été décidé de préparer un accord intergouvernemental de coopération spatiale.

Les négociations, entamées en 2009, se sont poursuivies jusqu’en 2014. La longueur des négociations s’explique notamment par les difficultés posées par la Partie tchèque sur la forme de l’accord (accord intergouvernemental en bonne et due forme ou simple mémorandum d’entente). Par ailleurs, de longues discussions ont été nécessaires à la finalisation de l’annexe relative à la propriété intellectuelle, compte tenu du manque de maîtrise de l’autre Partie en matière de propriété intellectuelle dans le domaine spatial.

IV – État des signatures et ratifications

Le Traité a été signé par le Premier ministre à l’occasion de sa visite officielle à Prague le 8 décembre 2014, ainsi que par son homologue tchèque.

Le processus de ratification a débuté en mars 2015 en République tchèque. Le Parlement tchèque a donné son accord à la ratification du Traité le 26 novembre 2015. Le Traité a été transmis au Président Tchèque pour ratification.

V - Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 Global Navigation Satellite System

2 http://www.wipo.int/treaties/fr/text.jsp?file_id=283998

http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19741127&numTexte=&pageDebut=11868&pageFin=

http://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Trait%C3%A9_de_l%E2%80%99espace&printable=yes

3 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:12012E/TXT


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