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N° 388

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

pour l’institution de « l’Alliance civile »
en complément du mariage et du PACS,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Daniel FASQUELLE, Jean-Luc MOUDENC, Anne GROMMERCH, Fernand SIRÉ, Étienne BLANC, Patrice MARTIN-LALANDE, Philippe LE RAY, Philippe Armand MARTIN, Marianne DUBOIS, Alain MARC, Olivier DASSAULT, Paul SALEN, Marcel BONNOT, Alain GEST, Laurent FURST, Daniel GIBBES, Damien ABAD, François-Xavier VILLAIN, Josette PONS, Guy GEOFFROY, Jean-Claude MATHIS, Rémi DELATTE, Jacques LAMBLIN, Bérengère POLETTI, Marie-Christine DALLOZ, Benoist APPARU, Lionnel LUCA, Catherine VAUTRIN, Alain CHRÉTIEN, Dino CINIERI et Charles de COURSON,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour but d’avancer une solution équilibrée, attentive à la fois aux attentes des couples homosexuels et à ceux qui sont attachés au mariage en ce qu’il unit un homme et une femme dans le but d’avoir des enfants.

Pour ce faire, il est suggéré de créer une nouvelle institution qui ne soit pas le mariage mais qui soit davantage que le pacte civil de solidarité (PACS) : « l’Alliance civile ».

Le pacte civil de solidarité (PACS), contrat privé de nature patrimoniale, n’a pas répondu, en effet, à la demande de tous les couples de même sexe. Il y manque notamment une certaine solennité au moment de l’union ainsi que des obligations extrapatrimoniales plus fortes découlant de l’inscription du lien dans la durée. Une plus grande sécurité juridique au stade de la dissolution du lien est aussi demandée. Le PACS n’en apporte pas moins une réponse à un certain nombre de couples et doit être maintenu.

S’il faut être attentif à la demande de reconnaissance sociale et de sécurité juridique de la part des couples homosexuels, la réponse ne peut cependant passer, pour de nombreux Français, par le mariage et ses conséquences en matière de filiation : adoption, procréation médicalement assistée et mère porteuse. L’étymologie souligne d’ailleurs, la dimension spécifique et unique de cette institution. Le mot « mariage » provient, en effet, des termes latins matrimonium et maritare, dérivant respectivement de mater, la mère et de mas, maris, le mâle. Par essence, le mariage est donc la forme juridique par laquelle la femme se prépare à devenir mère par sa rencontre avec un homme. La différence de sexe et la procréation font partie de sa définition. Ouvrir le mariage aux couples homosexuels, ce serait remettre en cause des repères essentiels dont notre société a besoin, comme la référence au « père » et à la « mère » qu’on ne saurait, sans conséquences, transformer en « parent 1 » et « parent 2 ».

- Une institution nouvelle entre le mariage et le PACS : « l’Alliance civile »

L’alliance civile introduit dans notre droit une réponse adaptée à la cohabitation de personnes de même sexe qui souhaitent offrir un cadre juridique à leur relation privée pour une sécurité accrue et une reconnaissance sociale. Cette convention institue un lien juridique entre deux « alliés ». Comme le mariage, l’alliance civile fera l’objet d’une célébration solennelle d’union devant le maire qui, par elle-même, entraînera des conséquences proches du mariage excepté la filiation.

L’alliance civile déclenche ainsi l’application d’un statut protecteur d’ordre extrapatrimonial comportant notamment une obligation de fidélité, de secours et d’assistance entre alliés. L’alliance civile entraîne aussi des conséquences patrimoniales qui peuvent être complétées ou précisées par acte notarié si les alliés le souhaitent. Enfin, l’alliance civile apporte une sécurité juridique aux alliés lors de la dissolution de l’union plus forte que pour le PACS.

- Un statut protecteur de l’enfant

L’enfant n’est plus suffisamment protégé par notre droit. Les revendications individualistes de certains adultes invitent à lui consacrer un chapitre protecteur, inspiré de la Convention des droits de l’Enfant, signée et ratifiée par la France. Un texte de loi qui se préoccupe des revendications d’adultes doit aussi offrir corrélativement une protection adaptée à l’enfant.

L’enfant n’a été reconnu sujet de droits qu’au XXe siècle, avec la Convention de New-York qui a recherché l’application à l’enfant de la philosophie des droits de l’homme. Il est temps, ce texte international datant du 20 novembre 1989, d’inscrire les droits de l’enfant dans le code civil français. C’est aussi l’un des objectifs de la présente proposition de loi.

- Le mariage conforté

La présente proposition créant « l’Alliance civile » a aussi pour conséquence de conforter le mariage en tant qu’union entre deux personnes de sexe différent dans le but de procréer et de fonder une famille. La protection de l’enfant est, en effet, au cœur de l’institution du mariage par la double filiation (paternelle et maternelle) qu’il lui assure. L’enfant connaît ainsi de façon certaine sa mère, puisqu’elle le met au monde, et son père, grâce à la présomption de paternité (le père de l’enfant est le mari de la femme qui accouche). L’autorité parentale découle de la filiation et donne des devoirs aux parents. Ce corpus législatif assure à l’enfant la stabilité dont il a besoin pour se développer et construire son identité. La double protection juridique de la filiation est sécurisante pour l’enfant. Elle doit être préservée.

À ce sujet, l’alliance civile ne saurait fonder un droit à l’adoption, à la procréation médicalement assistée, aux conventions de mères porteuses. En effet, le fait que deux hommes ou deux femmes ne peuvent avoir d’enfant sans l’intervention d’un tiers, sauf à priver l’enfant d’une partie de ses origines, conduit ipso facto à reconnaître la multi-parentalité. Plus les liens juridiques d’un enfant avec des adultes sont multiples, plus les risques de conflits sont élevés pour son éducation, sa garde et son entretien, ce qui peut le mettre au centre de tensions impactant son quotidien et son développement.

Le droit de la famille doit être construit en prenant en compte, non le point de vue des couples, mais celui de l’enfant qui a droit à un milieu familial où puisse s’épanouir sa personnalité.

Comme le disait Elisabeth Guigou alors ministre du gouvernement Jospin, lors du débat sur le PACS le 3 novembre 1998 : « la différence des sexes est constitutive de l’identité de l’enfant…. Un enfant a besoin d’avoir face à lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption. »

Et pour citer une autre personnalité, le Grand Rabbin de France : ouvrir le mariage aux personnes de même sexe créerait « un préjudice à l’ensemble de la société au seul profit d’une infime minorité (….) parce que seraient brouillées de façon irréversible trois choses : les généalogies, en substituant la parentalité à la paternité et à la maternité ; le statut de l’enfant, passant de celui de sujet à celui d’objet auquel chacun aurait droit ; les identités, où la sexuation comme donnée naturelle serait dans l’obligation de s’effacer. »

Tels sont les motifs pour lesquels je vous demande, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter cette proposition de loi.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre XIII du livre Ier du code civil est ainsi rédigé :

« TITRE XIII

« DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ, DU CONCUBINAGE
ET DE L’ALLIANCE CIVILE »

Article 2

Le même titre XIII est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« De l’alliance civile

« Art. 515-8-1. – L’alliance civile est l’accord de volonté par lequel deux personnes physiques majeures de même sexe soumettent leur union à un corps de règles légales ci-dessous développées.

« Art. 515-8-2. – Les prohibitions édictées en droit du mariage par les articles 161 à 163 sont applicables à l’alliance civile.

« Les majeurs sous tutelle ne peuvent contracter une alliance civile qu’avec l’accord du juge des tutelles et pendant un intervalle lucide.

« En cas de curatelle, l’alliance civile ne peut être célébrée qu’avec l’accord du curateur.

« Art. 515-8-3. – Les alliés se doivent mutuellement fidélité, respect, secours et assistance.

« Les alliés s’engagent mutuellement à une vie commune.

« Art. 515-8-4. – L’alliance civile règle la contribution aux charges de la vie commune. À défaut, les alliés y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.

« Art. 515-8-5. – L’un des alliés peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que l’alliance lui confère. Ce mandat peut être librement révoqué à tout moment.

« Art. 515-8-6. – Les alliés sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante.

« Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives.

« La solidarité n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des alliés, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.

« Art. 515-8-7. – L’officier d’état civil compétent pour célébrer l’alliance est celui du lieu de la résidence commune des alliés ou de la résidence de l’un d’eux.

« L’officier d’état civil, après avoir vérifié que les conditions requises à l’article 515-8-2 sont bien réunies, fixe une date de célébration de l’alliance civile.

« Vingt jours avant la célébration, les alliés doivent remettre, à la mairie, du lieu de la résidence commune ou de la résidence de l’un des alliés la copie intégrale de leur acte de naissance datant de moins de trois mois.

« La célébration fait l’objet d’une publicité en mairie pendant les 10 jours qui précèdent la cérémonie.

« Au cours de la célébration de l’union, l’officier d’état civil rappelle aux alliés quelles sont leurs obligations réciproques, puis les déclare unis devant la loi en présence d’un ou de deux témoins par allié.

« Le régime de l’alliance civile s’applique entre alliés dès le consentement de ceux-ci devant l’officier d’état civil. Les conséquences patrimoniales de l’alliance civile peuvent être précisées par acte notarié établi avant la célébration.

« Un certificat d’alliance civile est délivré aux alliés par le maire à l’issue de la cérémonie.

« L’officier d’état civil porte mention de l’acte en marge de l’acte de naissance des alliés.

« À compter de la mention de l’alliance en marge de l’acte de naissance des alliés, celle-ci a date certaine et est opposable aux tiers.

« L’officier de l’état civil peut déléguer à un adjoint ou conseiller municipal de la commune la célébration de l’alliance et à un fonctionnaire l’accomplissement des formalités et publicité. Lorsque les alliés, dont l’un au moins est de nationalité française, résident à l’étranger, l’officier de l’état civil peut déléguer cette mission à l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente. L’autorité diplomatique ou consulaire peut déléguer la mission à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil. Le délégataire accomplit les formalités prévues au présent article.

« Les dispositions d’ordre patrimonial de l’alliance civile peuvent être modifiées, en cours d’exécution, par le consentement mutuel des alliés par acte notarié.

« À l’étranger, les alliés dont l’un au moins est de nationalité française, peuvent compléter ou modifier les conséquences patrimoniales de l’alliance civile par un acte enregistré auprès des agents diplomatiques et consulaires français.

« Art. 515-8-8. – Les meubles acquis par les alliés sont des biens communs à compter du jour de la célébration.

« Tous les autres biens demeurent la propriété personnelle de chaque allié, sauf convention contraire. Demeurent toutefois nécessairement la propriété exclusive de chacun les biens ou portion de biens reçus par succession ou acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession.

« Art. 515-8-9. – Lorsque l’alliance civile donne lieu à acte notarié, les alliés peuvent se consentir des libéralités, sans toutefois porter atteinte à l’ordre légal des successions. Le titre II du livre III reçoit alors application.

« Art. 515-8-10. – L’alliance civile prend fin par :

« 1° Le décès de l’un des alliés. Le survivant ou tout intéressé adresse copie de l’acte de décès à la mairie qui a reçu l’acte initial ;

« 2° Sa dissolution prononcée par le juge à la demande de l’un des alliés ou des deux. Le juge prononce la dissolution de l’alliance civile et statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi. Le juge rétablit, le cas échéant, l’équilibre des conditions de vie qui existe entre alliés au moment de la dissolution de l’union par l’attribution d’une compensation pécuniaire.

« La date de fin de l’alliance civile est mentionnée en marge de l’acte de naissance des parties à l’acte.

« Art. 515-8-11. – Les avantages sociaux et fiscaux attachés au pacte civil de solidarité sont étendus à l’alliance civile. »

Article 3

I. – L’article 14 du même code devient l’article 13 ;

II. – L’article 15 du même code devient l’article 14.

Article 4

Après le nouvel article 14 du même code, il est inséré un chapitre Ier ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« De la protection de l’enfant

« Art. 15. – La loi assure la protection de l’enfant, elle interdit toute atteinte à la dignité, à l’intégrité physique et morale de celui-ci et garantit spécialement le respect qui est dû à sa personne et à sa pudeur.

« Art. 15-1. – La loi garantit la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant.

« Art. 15-2. – La loi garantit à l’enfant, dans les règles qu’elle crée, le droit fondamental de se voir reconnaître un père et une mère.

« L’enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses père et mère et d’être élevé par eux.

« Les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement.

« La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef au père et à la mère ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant, en assurant son éducation, sa sécurité ainsi que sa protection matérielle et morale.

« Art. 15-3. – Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite à la protection de l’enfant.

« Art. 15-4. – Les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public. »


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