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N° 510

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

encadrant l’accès des mineurs
aux interventions de chirurgie esthétique,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie BOYER, Damien ABAD, Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Guy GEOFFROY, Philippe GOSSELIN, Valérie LACROUTE, Olivier MARLEIX, Jean-Luc MOUDENC, Jean-Luc REITZER, Guy TEISSIER et Michel VOISIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avec la banalisation des actes de chirurgie esthétique dans notre société moderne et au sein même de certaines familles, les praticiens constatent une recrudescence significative du nombre d’interventions chez les mineurs.

Selon un sondage récent Top Santé par Harris Interactive, les femmes seraient toujours plus enclines à recourir à la chirurgie esthétique si bien que 45 % d’entre elles envisagent sérieusement de subir une intervention. Considérée comme une pratique « à la mode » par 71 % des femmes, la chirurgie esthétique attire de plus en plus les jeunes filles. À titre d’exemple, 63 % des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans souhaiteraient modifier l’apparence de leurs cuisses.

Or, aujourd’hui, la législation française n’encadre pas de façon suffisamment stricte l’accès des mineurs à la chirurgie esthétique. La loi « Kouchner » n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a introduit l’obligation pour le praticien responsable de la prestation de chirurgie esthétique d’informer la personne concernée ou son représentant légal responsable des conditions de l’intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications. Cette information doit être accompagnée de la remise d’un devis détaillé et un délai minimum doit être respecté par le praticien entre la remise de ce devis et l’intervention éventuelle. Mais cette loi ne prévoit aucune disposition spécifique pour les mineurs qui pourtant, constituent un public particulièrement exposé, fragile et vulnérable, et que les parents n’arrivent pas toujours à comprendre, convaincre ou canaliser.

À l’adolescence, l’acceptation de son corps est une étape pas toujours facile à gérer et certains parents s’avouent désemparés devant le mal être de leurs enfants. La pression du corps parfait et la banalisation de l’accès à la chirurgie esthétique peuvent les conduire à accepter une opération pour leurs enfants qui n’est pas indispensable et peut avoir des incidences psychologiques importantes.

D’un autre côté, certains parents ayant eux-mêmes recours régulièrement à la chirurgie esthétique n’ont plus le discernement suffisant vis-à-vis de tels actes sur leurs enfants mineurs et vont jusqu’à les encourager sans mesurer pleinement les conséquences de ces opérations.

Dans ce contexte, les dispositions de la loi « Kouchner » méritent d’être renforcées afin de mieux protéger les mineurs et leurs parents de la banalisation des actes de chirurgie esthétique.

La présente proposition de loi prévoit la mise en place d’un dispositif permettant de faire prendre conscience au mineur et à ses parents, de l’importance d’une telle opération au plan physique et psychologique et par là, d’éviter autant que possible des conséquences dommageables pour ces adultes en devenir.

Alors que certains pays réfléchissent à l’interdiction pure et simple de la chirurgie esthétique sur les mineurs, la proposition de loi n’a pas pour objectif d’interdire ou de contraindre (ce qui engendrerait le tourisme de ces opérations vers les pays qui les autorisent), mais d’éclairer le choix du mineur et de ses parents par un dispositif d’aide à la décision. Ce dispositif se traduit par la création d’une nouvelle séquence de consultations préopératoires. Ainsi, le mineur devra obligatoirement consulter un psychiatre et un deuxième chirurgien esthétique avant toute intervention de chirurgie esthétique. Les dépenses liées à la consultation du psychiatre ne feront l’objet d’aucune prise en charge par la sécurité sociale. En effet, la consultation intervient en préparation d’une intervention de chirurgie esthétique qui, à la différence de la chirurgie réparatrice et reconstructrice, n’est motivée ni par une pathologie ni par ses séquelles, mais par des causes morphologiques non pathologiques et n’ouvre pas non plus droit à remboursement.

Cette nouvelle séquence de consultations a pour objectif de s’assurer que le mineur présente une maturité psychologique et corporelle suffisante pour recevoir l’intervention de chirurgie esthétique. Le délai minimum de réflexion avant l’intervention éventuelle court alors à compter de la consultation du deuxième chirurgien. Par ailleurs, le fait de procéder à une intervention de chirurgie esthétique sur un mineur alors que l’évaluation psychologique ou la consultation d’un deuxième chirurgien esthétique n’ont pas été effectuées sera puni d’une amende de 30 000 euros.

Tel est l’objet de notre proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 6322-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6322-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6322-2-1. – Avant toute intervention de chirurgie esthétique sur un mineur, une évaluation psychologique du patient, conduite par un psychiatre, est obligatoire. Cette évaluation doit être effectuée après la première consultation d’un chirurgien esthétique. La consultation d’un deuxième chirurgien esthétique est également requise. Un délai minimum doit être respecté par le praticien entre la consultation obligatoire d’un deuxième chirurgien et l’intervention éventuelle. »

Article 2

Le II de l’article L. 6324-2 du même code est ainsi modifié :

1° – À la fin du 1°, les mots : « à l’article L. 6322-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 6322-2 et L. 6322-2-1 » ;

2° – À la fin du 2°, les mots : « au même article » sont remplacés par les mots : « par ces mêmes articles » ;

3° – Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :

« 4° De procéder à une intervention chirurgicale sur un mineur sans que l’évaluation psychologique n’ait eu lieu ou lorsque la consultation obligatoire d’un deuxième chirurgien esthétique n’a pas été effectuée. »


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