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N° 698

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2013.

PROPOSITION DE LOI

relative au crime d’usurpation d’identité,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alain BOCQUET, François ASENSI, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’usurpation d’identité est aujourd’hui en France, un crime qui ne cesse d’élargir le nombre de ses victimes. On évoque le chiffre d’une croissance de 50 % par an et à titre d’exemple, la Banque de France recense 132 cas nouveaux d’usurpation d’identité par mois.

Des dispositions existent qui permettent de lutter contre ce fléau ; et d’autres en punissent les auteurs. Le code pénal prévoit dans son article 226-4-1 que « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature, permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. »

Cette rédaction, si elle ne satisfait pas aux attentes des victimes de ces crimes qui préconisent notamment un renforcement des peines applicables, montre puisqu’elle résulte de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, la capacité de notre législation à s’adapter à l’évolution de la société, des technologies, des usages et des mœurs. Cette capacité doit permettre à présent d’aller plus avant.

C’est essentiel car sur ces questions, des changements importants sont indispensables et revendiqués comme tels, concernant par exemple, le durcissement des conditions de délivrance d’extraits d’actes de naissance, de mariage et de décès. Délivrance qui ne devrait pouvoir s’opérer en mairie, que sur présentation de la carte nationale d’identité.

D’autres propositions sont avancées comme celle de la circulation des actes concernés, strictement entre les administrations, par système intranet sécurisé, le citoyen conservant son libre arbitre puisque l’acte en cause ne serait transmis qu’à sa demande et une fois celle-ci vérifiée, à une administration destinataire. Autre exemple, la Suisse où la mairie de naissance ne délivre informations et actes qu’à l’administration concernée par la demande d’acte, après justification de l’agrément de la personne objet de l’acte transmis, sur réception d’un document par l’autorité demanderesse.

Parallèlement à ces enjeux de fond qui touchent au problème de l’usurpation d’identité, il est une question qui se heurte aujourd’hui à un vide juridique : c’est celle de l’effacement d’une indication sur les actes d’état civil.

Dans une réponse du 12 mai 2011, à une question écrite d’un parlementaire (Sénat n° 17426 du 3 mars 2011), le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés, écrit :

« Les actes de l’état civil sont des actes authentiques, de sorte que leur modification par simple effacement d’une indication n’est juridiquement pas possible. C’est pourquoi, la rectification d’un acte d’état civil s’opère par apposition d’une mention, venant préciser l’indication telle qu’elle aurait dû figurer : cette mention rectificative s’ajoute à l’indication erronée et ne vient pas la remplacer. De même, en cas d’annulation de mention à l’état civil, une mention indiquant que la mention précédente est annulée est apposée, sans qu’il y ait effacement de la mention originelle.

En conséquence, le rétablissement d’un acte de l’état civil dans sa rédaction antérieure n’est pas envisageable. Toutefois, afin de répondre aux préoccupations des victimes dans l’hypothèse où l’usurpation aurait donné lieu à l’apposition à tort d’une mention de mariage ou de pacte civil de solidarité, il est envisagé d’adresser aux procureurs généraux une circulaire, afin de leur demander de requérir que le dispositif de la décision d’annulation de l’union mentionne que celle-ci fait suite à une usurpation d’identité.

Ainsi, la mention marginale reproduira cette précision et aucune ambiguïté ne pourra résulter de la lecture de l’acte d’état civil, ce qui permettra de restaurer son titulaire dans sa qualité de victime d’usurpation. »

Force est cependant de constater que si c’est la pratique en cours, elle ne permet pourtant pas, contrairement à l’intention affichée, de « répondre aux préoccupations des victimes ».

Car celles-ci sont conduites à demander que puissent s’appliquer à leur bénéfice des dispositions du type de celles concernant par exemple la tenue des casiers judiciaires d’où s’effacent, par loi d’amnistie ou par application de la loi en faveur des mineurs deux ans après leur majorité, certaines condamnations.

Pourquoi des procédures d’effacement qui bénéficient légitimement à des personnes auteurs de délits et condamnées à ce titre, deviennent-elles des mesures inapplicables en faveur de victimes du crime d’usurpation d’identité ?

L’article 434-23 du code pénal, qui réprime l’usurpation d’identité uniquement lorsque la victime encourt du fait de l’infraction, des poursuites pénales, et les articles 441-2 et suivants du même code, réprimant la détention, l’usage et l’obtention indue d’un faux document administratif constatant une identité, ne permettent pas aux victimes en l’état de la législation, d’obtenir la restauration de leur droit à l’intégrité de leur état civil.

L’usurpation d’identité après sanction pénale de l’auteur et jugement civil en nullité de l’inscription ou de la mention fallacieuse, laisse subsister, sur ou en marge du document, des inscriptions en lien avec l’infraction, auxquelles la victime n’a jamais donné son consentement. Inscriptions qui bafouent son droit au maintien de l’authenticité des actes d’état civil la concernant, en l’état où ils se trouvaient avant la commission de l’infraction.

Il est donc maintenu, par l’absence de rétablissement des actes d’état civil en leur état antérieur à l’infraction, une atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime, laquelle ne dispose plus du droit constitutionnel à l’égalité de tous les êtres humains, au strict respect de son identité biologique et de son droit à maintenir son libre-arbitre pour accomplir, ou non, des actes susceptibles d’impacter, par son consentement, l’inscription de mentions en marge de ses actes d’état civil.

Il est indispensable qu’une évolution de la législation française aboutisse à la prise en compte de cette difficulté matérielle, de la détresse et de la souffrance morales et psychologiques en résultant.

C’est pourquoi, afin de répondre à cette aspiration légitime de femmes et d’hommes victimes d’une usurpation d’identité continuant souvent, très au-delà même des périodes où cette usurpation les a pénalisés puis a pu être jugée, de subir les séquelles de ce crime, il est proposé de modifier l’article 99 du code civil par l’adoption de la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après le troisième alinéa de l’article 99 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le président du tribunal ou le tribunal doivent, en cas d’usurpation d’identité pénalement et définitivement constatée, à la requête de la victime ou du procureur de la République, rétablir l’acte ou les actes d’état civil falsifiés, utilisés ou impactés par la commission de l’infraction, en leur restituant l’état dans lequel ils se trouvaient antérieurement au délit, notamment en effaçant sans qu’il en subsiste la moindre inscription sur l’acte ou en marge de celui-ci, les inscriptions et mentions pour lesquelles la victime n’a pas manifesté son consentement. »


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