N° 948
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2013.
PROPOSITION DE LOI
tendant à favoriser la maîtrise du second marché de billetterie lors des manifestations sportives à risques,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Paul SALEN, Sylvain BERRIOS, Bernard BROCHAND, Dino CINIERI, François de MAZIÈRES, Jean-Pierre DECOOL, Dominique DORD, Annie GENEVARD, Jean-Claude GUIBAL, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Denis JACQUAT, Valérie LACROUTE, Alain MARC, Philippe Armand MARTIN, Philippe MEUNIER, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Éric STRAUMANN, François VANNSON, Jean-Pierre VIGIER, Michel VOISIN et Marie-Jo ZIMMERMANN,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’objet de cette proposition de loi est de répondre efficacement à l’exigence de sécurité physique des personnes qui achètent des billets pour des manifestations sportives présentant un risque particulier.
L’existant en matière de sécurité
Les fédérations sportives doivent signaler la tenue des manifestations sportives d’importance nécessitant des conditions particulières de sécurité aux autorités détentrices des pouvoirs de police et en dresser une liste (art. D. 331-1 du code du sport). Lorsqu’une manifestation est inscrite sur cette liste, la fédération peut imposer à l’organisateur de la manifestation toutes mesures destinées à assurer la sécurité des spectateurs (art. D. 331-2 du même code).
Le décret n° 97-646 du 31 mai 1997 relatif à la mise en place d’un service d’ordre pour les manifestations sportives permet aux autorités de police d’exiger des organisateurs des mesures de renforcement du service d’ordre. Il revient aux fédérations et aux organisateurs de manifestations sportives de mettre en place des moyens de sécurité et de supporter le coût des prestations de sécurité accomplies par l’État.
Des mesures de sécurité spécifiques aux rencontres de football ont été instaurées : deux circulaires du ministre de l’Intérieur, l’une du 1er septembre 1992 relative à la sécurité dans les stades à l’occasion des rencontres de football, et l’autre du 9 décembre 1994 relative à la sécurité dans les enceintes sportives à l’occasion des rencontres de football. Ces deux textes ont défini plus précisément les dispositifs de sécurité qui doivent être mis en place par les forces de l’ordre et par les organisateurs, en cas de manifestation sportive comme, par exemple, la surveillance des groupes de supporters à risques.
Restrictions de circulation des supporters
Pour les matchs à domicile, le préfet peut, par arrêté, limiter les déplacements de supporters en vue de prévenir des troubles à l’ordre public et ainsi interdire leur présence aux abords des stades (art. L. 336-16-2 du code du sport).
Pour les matchs à l’extérieur, le ministre de l’Intérieur peut interdire le déplacement individuel ou collectif de supporters dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves à l’ordre public (art. L. 336-16-1 du même code).
Le non-respect de l’arrêté, qu’il soit ministériel ou préfectoral, est passible de sanctions : une peine principale de six mois de prison et 30 000 euros d’amende (art. L. 332-16-1 et L. 332-16-2 du même code). La personne condamnée pour cette infraction encourt également une interdiction judiciaire de stade (art. L. 332-11 du même code). Le prononcé de cette peine complémentaire est obligatoire pour la juridiction, sauf décision contraire spécialement motivée (art. L. 332-16-1 et L. 332-16-2 du même code).
Interdictions administratives de pénétrer dans les enceintes sportives
Lorsque, par son comportement d’ensemble lors de manifestations sportives, ou par la commission d’un acte grave à l’occasion de l’une de ces manifestations, une personne constitue une menace pour l’ordre public, le préfet peut, par arrêté motivé, prononcer à son encontre une mesure d’interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public (art. L. 332-16 du code du sport).
Cet arrêté est valable sur tout le territoire national ; il fixe le type de manifestations sportives concernées. Il ne peut excéder une durée de douze mois. Toutefois, cette durée peut être portée à vingt-quatre mois si, dans les trois années précédentes, cette personne a fait l’objet d’une mesure d’interdiction.
Le préfet peut également imposer, par le même arrêté, de répondre, au moment des manifestations sportives objet de l’interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée qu’il désigne. Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté est puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.
Fichier des interdictions
Le préfet communique aux associations et fédérations sportives l’identité des personnes faisant l’objet de la mesure d’interdiction. Il peut la communiquer aux associations de supporters et aux autorités d’un pays étranger lorsque celui-ci accueille une manifestation sportive à laquelle participe une équipe française.
Le second marché de billetterie
Il existe donc un arsenal de mesures préventives de contrôle et de sécurité mises en place par les autorités publiques. Le système d’interdiction administrative de stade avec son fichier des interdictions est efficace sur le premier marché car les clubs sont vigilants sur la vente des billets. En revanche, force est de constater qu’ensuite, n’importe qui peut se procurer des titres d’accès pour n’importe quelle manifestation sportive par le truchement du second marché.
Par le jeu du second marché, des personnes peuvent donc se retrouver admises dans des zones du stade réservées aux supporters de l’équipe adverse. Ainsi, ce mécanisme compromet les effets positifs du « zonage » qui vise à prévenir toute atteinte à la sécurité publique en positionnant clairement les supporters d’une équipe dans des tribunes réservées aux seuls supporters de cette équipe.
Le risque pour la sécurité des consommateurs (en particulier les familles et les enfants) se trouvant dans ces tribunes devient alors non négligeable.
Dispositif proposé
Un contrôle systématique d’identité lors de l’accès aux stades est illusoire, vu l’affluence à ces manifestations.
Pour satisfaire aux exigences de sécurité du public, l’organisateur ou le propriétaire des droits d’exploitation de manifestations sportives ont donc, dans certains cas, besoin d’avoir une traçabilité fine des canaux de distribution des titres d’accès.
Pour assurer la sécurité physique des consommateurs et l’effectivité des mesures existantes, il est nécessaire que le second marché soit maîtrisé par l’organisateur ou le propriétaire des droits d’exploitation.
La seule solution effective est, lorsqu’un risque important pèse sur l’ordre public, de soumettre à autorisation toute revente, même occasionnelle, même sans en tirer un bénéfice.
Cette restriction à la liberté de commerce, commandée par des exigences d’ordre public, doit être motivée : seul le représentant de l’État, par un arrêté motivé, pourra donc prononcer ou non cette interdiction au regard du risque existant sur la sécurité des biens et des personnes.
S’agissant de motifs d’ordre public, cette interdiction doit porter sur toutes les personnes qui ne se conformeraient pas à cet arrêté d’interdiction (vendeurs comme acheteurs) ou qui apporteraient leur concours à la commission de cette infraction, même les intermédiaires, en particulier les plates-formes agissant comme courtiers sur internet, et ce, sans méconnaître la directive e-commerce. Ce point est crucial pour assurer l’effectivité et l’efficacité du dispositif conformément aux objectifs de sécurité poursuivis.
Cette interdiction devra être prononcée avant la première émission des billets pour la manifestation sportive afin de ne pas léser des particuliers qui auraient, après l’émission, revendu ou cédé leurs billets en toute bonne foi avant que la mesure n’intervienne.
L’amende proposée de 3 750 euros correspond à la peine pécuniaire en cas de violation de l’arrêté prévu par l’article L. 332-16 du code du sport par lequel le Préfet peut faire interdiction à un supporter de se rendre aux abords d’une manifestation sportive.
Vu la nature de l’infraction, il est également prévu de pouvoir prononcer à l’interdiction de stade prévue par l’article L. 332-16 du code du sport.
Ce dispositif sera particulièrement important pour l’Euro 2016 dont la France a obtenu l’organisation. À cet égard, l’UEFA demande au pays hôte de lui garantir un statut juridique particulièrement protecteur : ses droits de propriété intellectuelle doivent bénéficier d’une solide protection, la billetterie doit être garantie et efficacement protégée des détournements par un panel de sanctions appropriées. Ce dispositif viendrait compléter utilement ce panel.
PROPOSITION DE LOI
Le chapitre II du titre III du livre III du code du sport est complété par un article L. 332-22 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-22. – Lorsque des troubles à l’ordre public sont susceptibles d’être causés à l’occasion d’une manifestation sportive, le représentant de l’État dans le département et le préfet de police à Paris peuvent interdire, par arrêté, la vente et la cession des titres d’accès à cette manifestation par toute personne non autorisée par l’organisateur ou le propriétaire des droits d’exploitation de cette manifestation sportive.
« L’arrêté précise la manifestation concernée, les circonstances de fait qui motivent l’interdiction ainsi que le territoire sur lequel elle s’applique. Il doit être pris avant la première émission des titres d’accès à la manifestation par l’organisateur.
« Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté ou d’apporter son concours, par quelque moyen que ce soit, à la vente ou à la cession de titres d’accès en violation de l’arrêté est puni de 3 750 euros d’amende ainsi que de la mesure d’interdiction prévue par l’article L. 332-16. Lorsque l’infraction est commise en état de récidive, l’amende et la durée de la mesure d’interdiction sont doublées, dans la limite pour la mesure d’interdiction, de la durée prévue au deuxième alinéa de l’article L. 332-16. Les personnes morales déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du même code, les peines prévues par l’article 131-39 du même code.
« Est considéré comme titre d’accès à une manifestation sportive tout billet, document, message ou code, quels qu’en soient la forme et le support, attestant de l’obtention auprès de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation du droit d’assister à celle-ci. »