Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 1194

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 juin 2013.

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier le statut des étrangers condamnés
pour actes de terrorisme,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre VIGIER, Bernard ACCOYER, Sylvain BERRIOS, Véronique BESSE, Marie-Christine DALLOZ, Dominique DORD, Laurent FURST, Claude de GANAY, Alain GEST, Jean-Pierre GORGES, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Patrick HETZEL, Valérie LACROUTE, Thierry LAZARO, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Franck MARLIN, Philippe MEUNIER, Jacques MYARD, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Jean-Luc REITZER, Bernard REYNÈS, Sophie ROHFRITSCH, Jean-Marie SERMIER, Éric STRAUMANN, Jean-Marie TETART, Philippe VITEL, Laurent WAUQUIEZ, Étienne BLANC, Guillaume CHEVROLLIER, Dino CINIERI, Jean-Pierre DECOOL, Yannick FAVENNEC, Annie GENEVARD, Jean-Jacques GUILLET, Meyer HABIB, Alain LEBOEUF, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Alain MARSAUD, Yannick MOREAU, Dominique NACHURY, Bérengère POLETTI, Rudy SALLES et Sauveur GANDOLFI-SCHEIT,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte où la menace terroriste est omniprésente, la lutte contre le terrorisme est devenue une préoccupation prioritaire et une nécessité impérieuse pour garantir l’ordre et la sécurité publics.

Or, le 11 mai 2013, un ressortissant algérien condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement pour actes de terrorisme assortie d’une interdiction définitive du territoire français, et qui faisait l’objet d’une assignation à résidence en Haute-Loire, s’est enfui pour la deuxième fois.

Malgré l’émission d’un mandat d’arrêt européen à son encontre et la publication d’une notice rouge signifiant sa demande d’arrestation en vue de son extradition, il est aujourd’hui toujours recherché de sorte que la question du statut juridique des étrangers condamnés définitivement pour actes de terrorisme demeure pleinement d’actualité.

Ainsi, alors même que certains étrangers qui ont été condamnés pour actes de terrorisme ou comportements liés à des activités de terrorisme font l’objet d’une interdiction définitive du territoire, ces derniers s’y maintiennent et sont assignés à résidence, faute d’avoir pu être éloignés du territoire à l’issue de leur peine d’emprisonnement.

Eu égard à la dangerosité de ces étrangers pour la République française, il apparaît nécessaire de modifier leur statut tant la législation actuelle n’est pas adaptée.

La difficulté réside dans le fait que ces étrangers se trouvent dans un cas très particulier qui entraîne l’impossibilité de l’exécution de la peine d’interdiction du territoire français. En effet, une fois purgée leur peine, ces personnes saisissent la Cour européenne des droits de l’homme laquelle ordonne de manière provisoire et ce, dans la plupart des cas, la suspension de la mesure d’expulsion.

Cette pratique est utilisée de manière systématique par ces personnes dans la mesure où cela leur permet de se maintenir sur le territoire.

Or l’exemple récent de la récidive de violation de l’assignation à résidence dont faisait l’objet Monsieur X démontre que ce dispositif se révèle insuffisant pour garantir la sécurité publique. D’autant plus que deux semaines avant sa fuite, cette personne faisait l’apologie du terrorisme au sein d’un journal local de Haute-Loire.

Dès lors, il apparaît nécessaire de mettre en œuvre d’autres outils qui permettraient un contrôle plus accru de ces personnes.

Toutefois, l’éventail des moyens existants tel que notamment la rétention administrative, ne peut pas être appliqué dans ces cas particuliers, ce qui rend indispensable une modification législative eu égard aux difficultés particulières que présente l’éloignement.

1. La rétention administrative, un outil inadapté en l’état

La rétention administrative constitue un procédé qui, s’il était appliqué à ces étrangers, garantirait l’ordre et la sécurité publics et empêcherait leur éventuelle fuite.

L’assignation à résidence de droit commun ne peut plus être utilisée dans ces cas précis tant elle ne permet pas de soumettre la personne à des mesures de contrôle et de surveillance assez rigoureuses.

Or, en l’état, la durée maximale de la rétention administrative pour une personne condamnée pour actes de terrorisme ou comportements liés à des activités de terrorisme est de six mois.

Cette durée, telle que prévue par la loi, s’avère être incompatible avec la situation particulière de ces étrangers comportant les risques les plus graves pour la Nation, de par son caractère très limité.

En effet, le temps d’instruction du recours effectué devant la Cour européenne des droits de l’homme est inévitablement supérieur à six mois, de sorte que la rétention administrative demeure inenvisageable. Il en est de même lorsque l’étranger est en attente d’une réponse à la demande d’asile qu’il a effectuée auprès de l’organisme compétent.

Ainsi, pour pouvoir mettre en œuvre cet outil, il serait nécessaire que la rétention administrative soit prolongée de manière dérogatoire dans le cas particulier des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et qui ont soit déposé une demande d’asile, soit formé un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, jusqu’à ce que ces entités se soient prononcées.

L’article 2 propose une modification en ce sens.

2. Le régime des périodes de sûreté, un calcul inconciliable avec une peine prononcée pour acte de terrorisme

Selon le code pénal, chaque condamné peut bénéficier d’un crédit de réduction de peine calculé selon les critères de l’article 721 du code pénal.

Concernant certaines infractions, la loi prévoit la possibilité d’assortir les peines d’emprisonnement de mesures de sureté, ce qui implique, pendant cette période, qu’aucun calcul de réduction de peine ne soit effectué.

Ce dernier s’applique cependant sur la période restante ne faisant pas l’objet d’une période de sûreté.

Il en résulte dans les faits que les personnes condamnées pour les crimes et délits les plus graves n’exécutent jamais entièrement la peine dont elles ont fait l’objet.

À titre d’exemple, Monsieur X a été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement pour n’en purger que 7 puisqu’elle était assortie d’une période de sûreté égale aux deux tiers de la peine.

Or, une période sûreté supérieure aux 2/3 de la peine aurait permis, d’une part, que ce dernier ne viole pas son assignation à résidence à deux reprises, et d’autre part, de protéger la population face à ce danger.

La situation actuelle est inacceptable au regard de la dangerosité que représentent ces personnes pour la Nation.

L’article 1 propose ainsi que la Cour d’assises ou le tribunal aient la possibilité de prolonger la période de sûreté jusqu’à la totalité de la peine prononcée.

3. Le bénéfice de l’allocation temporaire d’attente, une incompatibilité avec ces cas particuliers

Enfin, ces personnes bénéficient, pendant la durée de leur maintien sur le territoire français, de l’allocation temporaire d’attente du fait qu’elles effectuent une demande d’asile ou d’octroi du statut de réfugié.

Or, le bénéfice d’une telle allocation peut favoriser la fuite puisque leur est allouée une somme d’environ 4 500 euros.

En outre, le fait qu’une personne ayant tenté de commettre des actes de terrorisme contre la France et faisant l’objet d’une interdiction définitive du territoire, bénéficie d’une allocation financée par les derniers publics est moralement inacceptable.

L’article 3 propose la suppression de ce dispositif concernant les personnes dans le même cas que Monsieur X.

Pour garantir l’ordre et la sécurité publics du peuple français, nous vous proposons donc :

Dans l’article 1, de prévoir la possibilité pour la Cour d’assises ou le Tribunal de porter, par décision spéciale, la période de sûreté jusqu’à la totalité de la peine d’emprisonnement prononcée dans le cas particulier de ces étrangers.

Dans l’article 2, de prolonger la rétention administrative dans ce cas particulier soit jusqu’à ce que l’organisme compétent en matière de demande d’asile ait donné une réponse favorable, soit jusqu’à ce que la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par l’étranger, se prononce au fonds sur ce recours.

Dans l’article 3, d’exclure ces étrangers du bénéfice de l’allocation temporaire d’attente.

Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous prions, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le deuxième alinéa de l’article 132-23 du code pénal, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La Cour d’assises ou le tribunal peut porter, par décision spéciale, ces durées jusqu’à la totalité de la peine lorsqu’il s’agit de personnes qui sont condamnées à une peine privative de liberté supérieure ou égale à dix ans pour actes de terrorisme ou comportement lié à des activités à caractère terroriste. »

Article 2

Après l’avant-dernier alinéa de l’article L. 552-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement ne peut être exécutée en raison, soit du manque de coopération de l’étranger, soit de l’absence de décision prise par l’organisme compétent saisi d’une demande d’asile, la rétention dure jusqu’à ce que soit l’organisme compétent saisi d’une demande d’asile rende une décision favorable, soit la Cour européenne des droits de l’homme rende une décision au fond lorsqu’un recours a été exercé par l’étranger. »

Article 3

L’article L. 5423-9 du code du travail est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ; ou ceux qui ont fait l’objet d’une mesure d’expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées. »


© Assemblée nationale