N° 1694
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 janvier 2014.
PROPOSITION DE LOI
visant à rendre obligatoire la consultation des habitants
par voie référendaire lors de chaque modification territoriale liée au statut ou au périmètre des communes et des
établissements publics de coopération intercommunale,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Gaby CHARROUX, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Un vaste débat a été amorcé ces dernières années sur le paysage administratif et politique de notre pays.
L’État, souvent dans le seul souci d’économie de moyens et pour poursuivre sa politique désastreuse de révision générale des politiques publiques ou, plus généralement de réduction de la dépense publique, a réduit considérablement le service public de proximité soit en agissant directement sur ses services comme la fusion police nationale/gendarmerie, les services des impôts, la carte judiciaire et d’autres ; soit en réduisant les moyens d’établissements publics comme la Caisse d’allocations familiales, Pôle Emploi, la Poste avec une ouverture du capital qui poursuit un objectif de rationalité se traduisant par la fermeture de centaines de bureaux de poste et de réduction d’horaires sur le territoire national.
En parallèle, et en conformité avec ces mêmes objectifs, la suppression de la taxe professionnelle a créé une dépendance malsaine des collectivités territoriales, accentuant les discriminations sociales et spatiales, développant les péréquations horizontales et positionnant les élus locaux en situation d’insécurité budgétaire. Le gel des dotations aux collectivités territoriales vient amplifier ce constat.
Dans le même mouvement, comme un troisième pilier, est venue la réforme des collectivités territoriales. Initiée dès le mois de mars 2009 par le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales aboutissant au rapport Balladur intitulé « Il est temps de décider », ce travail a débouché sur l’adoption de la loi n° 2010-1563 portant réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010.
Force est de constater que cette loi, dont de nombreux maires et parlementaires demandent l’abrogation, fut très controversée et rencontre de grandes difficultés de mise en œuvre.
L’examen du projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, démontre, une fois de plus, que les règles essentielles visant à renforcer le débat public et à considérer l’avis des citoyens comme majeur dans l’application des décisions touchant directement à leurs vies et à leurs territoires est nié.
Il faut renouveler la démocratie.
La démocratie locale ne peut aujourd’hui se satisfaire des seuls principes et des seules règles érigées par la loi relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 et les lois subséquentes, ni même par le seul principe, mal abouti, du référendum d’initiative locale où de l’attendu droit de pétition.
Les citoyens veulent participer directement à la décision et la République aurait tant à gagner à mettre les hommes et les femmes au centre des décisions majeures pour tout ce qui concerne leur lieu de vie et les structures communales et intercommunales qui produisent, chaque jour, des actes essentiels à leur environnement économique, social, environnemental, culturel et urbain. Les échecs des lois Marcellin du 16 juillet 1971 tout autant que la réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 sont liés à la non-prise en compte de ces critères essentiels.
Il ne s’agit pas ici de nier l’intérêt que peut revêtir pour des collectivités territoriales la possibilité de s’associer pour créer des coopérations utiles, volontaires, souvent synonymes d’efficacité et d’économies d’échelle, en fait d’efficience.
Pas plus qu’il ne s’agit de remettre en cause la mise en place des établissements publics de coopération intercommunale définis par les lois n° 99-590 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Ce dont il s’agit c’est de renforcer la légitimité des futures structures de coopération et, au-delà, des territoires.
Après une première inscription dans la loi du 16 décembre 2010, la création des métropoles connaît un nouvel essor avec le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ce projet de loi porte en lui une volonté affirmée de réduire le rôle des communes, des départements et des élus de proximité au profit de structures plus grandes en éloignant les centres de décision des citoyens.
Il confisque aux communes ou aux structures intercommunales fondées sur le principe de la volonté commune de coopération dans des espaces de solidarité édicté à l’article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, des compétences majeures comme le foncier, la gestion de l’eau ou des ordures ménagères au profit de nouvelles collectivités centralisées.
Cette démarche épouse les contours de la volonté de centralisation de la commission européenne visant à réduire les moyens et les budgets des états et des collectivités territoriales qui passera forcément par une réduction des services publics de proximité. Elle s’accompagne d’une dépendance toujours plus forte des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale par la disparition de la taxe professionnelle et la réduction programmée des dotations.
Cette voie est dangereuse pour la démocratie locale et pour le développement social et urbain harmonieux des territoires.
L’État doit être un acteur majeur de la démocratie locale.
Il faut aujourd’hui dessiner une décentralisation qui respecte les territoires et les populations en rendant actifs les principes de clarification des compétences et des moyens nécessaires à la mise en œuvre de celles-ci. Elle devra s’appuyer sur l’expérience des élus de proximité, de l’immense tissu social, solidaire, économique et culturel tissé dans les territoires et mettre au cœur de la réforme le citoyen.
D’ores et déjà, il convient d’acter une obligation de consultation des citoyens par voie référendaire lors de chaque modification touchant au statut et au périmètre des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale.
Ainsi, lorsqu’une commune nouvelle dans le sens de la loi du 16 décembre 2010 est proposée, au-delà des quotas de majorité requis dans les assemblées communales, le représentant de l’État doit organiser un référendum dans chacune des communes concernées. Si la majorité est acquise dans chacune des communes concernées, la commune nouvelle est créée. Sinon, la décision est caduque.
Il en est de même lorsque la fusion de deux ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale est proposée. Un référendum est organisé, à l’initiative du représentant de l’État, à l’échelle du territoire de chacun des établissements publics de coopération intercommunale existant. Si la majorité est acquise dans chaque établissement public de coopération intercommunale, la fusion est actée. Dans le cas contraire :
– Soit la fusion ne concerne que deux établissements publics de coopération intercommunale et elle est caduque,
– Soit elle concerne plusieurs établissements publics de coopération intercommunale et la fusion est actée pour les seuls établissements publics de coopération intercommunale dont les électeurs ont validé majoritairement la fusion.
Cette fusion partielle reste soumise à la règle de la continuité territoriale édictée par la loi.
Dans le cas de constitution d’une métropole, la règle est la même que pour les fusions d’établissements publics de coopération intercommunale puisqu’elles sont créées par fusions d’établissements publics de coopération intercommunale.
Enfin, pour les communes isolées, en l’État des schémas départementaux de coopération intercommunale, il ne peut être inscrit une intégration d’office. Le représentant de l’État doit organiser dans la ou les communes concernées un référendum.
L’adoption de cette proposition de loi donnerait du crédit à la volonté de l’État de développer la démocratie participative sans porter atteinte à la démocratie représentative puisqu’elle la renforcerait.
PROPOSITION DE LOI
Après le troisième alinéa du II de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l'État a obligation de consultation des habitants par voie référendaire lors de chaque modification territoriale liée au statut ou au périmètre des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. »
Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.