N° 1749
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2014.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la lutte contre l’incitation à la haine raciale,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Messieurs
Meyer HABIB, Jean-Louis BORLOO, Charles de COURSON, Stéphane DEMILLY, Maurice LEROY, Bertrand PANCHER, Rudy SALLES, Sylvain BERRIOS, Philippe COCHET, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Luc REITZER, François SAUVADET, Jean-Christophe FROMANTIN, Jonas TAHUAITU et Philippe VIGIER,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi vise à renforcer l’arsenal juridique permettant de lutter contre le racisme et l’incitation à la haine raciale.
Des dispositifs existent pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse caractérise en délit toute provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Elle vise les infractions commises par la presse et les autres moyens de communication : la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, la diffamation et l’injure à raison de l’origine ou de l’appartenance raciale, ethnique, nationale ou religieuse, l’apologie et la contestation des crimes contre l’humanité. L’auteur de paroles, écrits ou images à caractère raciste est punissable lorsque les attaques incriminées s’adressent par tout moyen de communication au public, y compris par internet.
La loi de 1881 a été renforcée par la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot ».
Pour autant, ces dispositions s’avèrent aujourd’hui malheureusement insuffisantes face à la multiplication d’actes d’incitation à la haine raciale.
Cette proposition de loi vise donc à pénaliser les gestes et comportements portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
D’une part, elle intègre les gestes et comportements à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, relatif à la provocation aux crimes et délits. D’autre part, elle fait de ces gestes et comportements une circonstance aggravante.
Cette proposition de loi vise également à insérer dans le code pénal une nouvelle section qui requalifie les infractions d’incitation à la haine raciale en délit, afin de rendre la sanction plus dissuasive.
PROPOSITION DE LOI
Au premier alinéa de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après la seconde occurrence du mot : « publics », sont insérés les mots : « soit par des gestes ou des comportements dans des lieux ou réunions publics ».
Au second alinéa de l’article 132-76 du code pénal, après le mot : « actes, », sont insérés les mots : « gestes ou comportements, ».
Le chapitre V du titre II du livre II du code pénal est complété par une section ainsi rédigée :
« Section 7
« De l’incitation à la haine raciale
« Art. 225-26. – Est puni de 3 750 euros à 45 000 euros d’amende le fait, sauf pour les besoins d’un film, d’un spectacle ou d’une exposition comportant une évocation historique, d’adopter un geste ou un comportement dans des lieux ou réunions publics, de porter ou d’exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes, les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945, soit par une personne reconnue coupable par une juridiction française ou internationale d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité prévus par les articles 211-1 à 212-3 ou mentionnés par la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.
« Les personnes coupables du délit prévu au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
« 2° La confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;
« 4° Le travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures.
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, de l’infraction définie au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-41, la peine de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit.
« Le fait pour une personne physique, déjà condamnée définitivement pour le délit prévu au présent article, de commettre, dans le délai de cinq ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, le même délit, est puni de 45 000 euros d’amende et deux mois d’emprisonnement. »