N° 1778
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 février 2014.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jacques PÉLISSARD,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi s’inscrit dans le projet ambitieux de consolider, d’améliorer et de rendre plus attractif le dispositif de commune nouvelle dans un contexte de nécessaire optimisation de notre organisation territoriale.
Il apparaît en effet essentiel de donner une impulsion, dès le début du prochain mandat, à la création de communes plus fortes et d’aider, dans un contexte budgétaire contraint, les collectivités qui le souhaitent à se regrouper pour renforcer leurs moyens, mutualiser leurs compétences et leurs ressources dans une démarche d’optimisation de leur action de proximité et de maîtrise des dépenses.
Les expériences de communes nouvelles menées depuis la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, précurseurs, ont prouvé la pertinence de cette formule mais certaines dispositions relatives à leur statut mériteraient d’être améliorées afin de laisser davantage de souplesse pour faciliter leur fonctionnement et de mieux prendre en compte leurs spécificités.
Ce dispositif particulièrement intéressant peut correspondre à plusieurs situations : le regroupement de communes de petite taille (plus de 31 000 communes de moins de 2 000 habitants), la constitution de centralité (autour de bourgs-centres ou de petites villes), l’aboutissement de l’intégration intercommunale, ...
C’est pourquoi il est proposé de modifier et d’assouplir le régime des communes nouvelles, dans la perspective de le rendre plus intéressant dès le début du prochain mandat, en s’appuyant sur une démarche volontaire et unanime des conseils municipaux. Il s’agit également de clarifier les relations entre les communes nouvelles et l’intercommunalité afin d’aller jusqu’au bout des logiques de regroupement et de tracer les axes d’une réforme des structures.
Enfin, il est important d’encourager leur création en créant un véritable pacte financier pour la constitution de communes nouvelles selon des leviers largement utilisés et déjà validés par le passé.
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L’article 1er vise à assouplir les conditions de composition du conseil municipal de la commune nouvelle pendant la période transitoire, jusqu’au prochain renouvellement général du conseil municipal.
Pour assurer la représentation de chaque ancienne commune pendant la période transitoire (c’est-à-dire au moment de leur création et jusqu’au renouvellement général du conseil municipal) mais aussi pour permettre aux élus, qui portent le projet de regroupement, de participer à sa mise en œuvre et à son suivi technique et politique, il est proposé d’accorder aux conseils municipaux la possibilité de se prononcer, par délibérations concordantes, sur le maintien de l’ensemble des élus issus des anciennes communes pendant la période transitoire. À défaut, les règles de rationalisation du nouveau conseil municipal actuellement en vigueur s’appliqueraient.
Cette dérogation exceptionnelle, facultative et limitée dans le temps, se justifie par l’urgence et l’intérêt général de mener une réforme des structures communales dès le début du mandat prochain en y associant l’ensemble des conseillers municipaux.
Cette faculté, qui repose sur l’accord des assemblées municipales, permettrait de ne pas bouleverser la composition des conseils municipaux élus en mars 2014 et qui se seront impliqués dans le projet de regroupement. À l’inverse, la remise en cause du mandat des nouveaux élus, l’année qui suit celle de leur élection, pourrait être dissuasive ou constituer un motif de report du projet de création de la commune nouvelle.
L’article 2 propose de renforcer la place et le rôle des maires délégués en leur permettant d’intégrer la municipalité de la commune nouvelle par un dispositif incitatif lors du premier renouvellement général des conseils municipaux qui suit la création de la commune nouvelle. En devenant adjoints au maire de la commune nouvelle, les maires délégués, lorsqu’ils existent, bénéficient de responsabilités plus larges que celles dont ils jouissent en tant que maires délégués (les délégations étant territorialisées). Ainsi, le conseil municipal peut se prononcer sur un nombre d’adjoints au maire supérieur au plafond actuel (30 % de l’effectif global du conseil municipal) dans la limite du nombre supplémentaire, au plus, des maires délégués.
L’article 3 reconnaît la Conférence municipale, organe consultatif de coordination et de discussion, qui doit faciliter le fonctionnement de la commune nouvelle. Facultative, cette instance regroupe le maire et les maires délégués, lorsqu’ils existent.
Les dispositions des articles 4 et 5 visent à mieux prendre en compte les spécificités des anciennes communes dans le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune nouvelle ou de l’intercommunalité (intérêts paysagers, spécificités architecturales, patrimoniales, environnementales...) et ainsi valoriser leur caractère urbanistique et environnemental singulier. Le règlement du PLU doit être compatible avec le projet d’aménagement et de développement durable (PADD). Ces dispositions fixent également le délai de réalisation d’un document d’urbanisme à l’échelle du territoire de la commune nouvelle, lorsque les anciennes communes disposent de documents distincts.
Il convient également que l’exécutif, par voie réglementaire, assouplisse les normes relatives à la signalisation, les panneaux d’entrée de ville, numéro Siret... en complément de ces mesures législatives.
La question de la place des communes nouvelles dans les communautés de communes, d’agglomération, urbaines ou les métropoles doit être confirmée selon les dispositions de la loi du 16 décembre 2010 qui fixent notamment le principe d’adhésion de toutes les communes à un EPCI à fiscalité propre.
Toutefois, lorsque la commune nouvelle se substitue à une communauté de communes qui répond aux objectifs de rationalisation, de mutualisation et de solidarité fixés par la loi, la question de son rattachement se pose différemment.
Ainsi, l’article 6 propose d’allonger le délai de rattachement de la commune nouvelle, qui regroupe au moins 5 000 habitants, à un EPCI à fiscalité propre pour laisser aux élus le temps nécessaire pour se déterminer notamment en cohérence avec les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Il est proposé que le conseil de la commune nouvelle puisse se prononcer à tout moment dès sa création et au plus tard à la date d’application de la prochaine révision du schéma départemental de coopération intercommunale (en 2021).
Les articles 7, 8 et 9 visent à permettre le lissage plus rapide des taux de fiscalité (taxes directes locales) d’une part, et à créer un réel pacte de stabilité de la DGF les trois premières années de la création de la commune nouvelle. Il s’agit ainsi d’élargir la disposition votée dans la loi de finances pour 2014.
L’actuel article 1638 du code général des impôts permet le lissage des taux de fiscalité sur une période de 12 ans (sauf si les écarts de taux sont inférieurs à 20 %). L’objectif est d’assouplir le dispositif de lissage des taux et de rendre la durée modulable en fonction du choix des anciens conseils municipaux par délibérations concordantes, du nouveau conseil municipal de la commune nouvelle, ou encore du conseil municipal d’une commune qui souhaite intégrer une commune nouvelle. Cela permet aux élus, dans un délai maximum de deux ans, de déterminer la période d’intégration progressive des anciens taux communaux qui doit être adaptée aux réalités locales.
L’article 8 vise à étendre les dispositions qui ont été adoptées dans la loi de finances pour 2014 sans remettre en cause leur application aux communes nouvelles les trois premières années de leur création au plus tard le 1er janvier 2016 et dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants.
Il est proposé de supprimer la durée de trois ans à compter du 1er janvier 2014, afin de pouvoir faire glisser le dispositif d’exonération de la baisse des dotations pour que les communes nouvelles créées au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016 en bénéficient pleinement.
Ce dispositif d’exonération de la baisse des dotations de l’État aux communes nouvelles de moins de 10 000 habitants, créées au plus tard en 2016, est complété d’un pacte de stabilité de la DGF en valeur : ainsi, et en l’absence à ce stade d’une dotation spécifique, la commune nouvelle bénéficierait d’un montant de DGF au moins égal à la somme des montants de DGF perçus l’année précédente par les anciennes communes.
Ce pacte de stabilité intègrerait également les dotations de péréquation. En sus de la DSR, la dotation nationale de péréquation et la DSU seraient garanties par les dispositions de l’article 9, selon les mêmes conditions.
Enfin, le texte accompagne la création de commune nouvelle à l’échelle des intercommunalités en proposant d’étendre le pacte de stabilité de la DGF des communes et des EPCI ainsi que l’exonération de la contribution au déficit de l’État, aux communes nouvelles – quelle que soit leur taille – dès lors qu’elles se substituent à un EPCI à fiscalité propre au plus tard le 1er janvier 2016 (avec ou sans communes tiers).
PROPOSITION DE LOI
Le conseil municipal de la commune nouvelle
L’article L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal et par délibérations concordantes des conseils municipaux des communes concernées, l’ensemble des membres en exercice des anciens conseils municipaux entrent dans la composition du conseil municipal de la commune nouvelle. Dans ce cas, le dernier alinéa de l’article L. 2113-7 ne s’applique pas. »
2° Au début du premier alinéa, sont insérés les mots : « À défaut et ».
L’article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le conseil municipal de la commune nouvelle peut fixer un nombre d’adjoints au maire supérieur à celui qui résulte de l’application du premier alinéa, en y ajoutant, au plus, le nombre des maires délégués visés à l’article L. 2113-11. »
Après l’article L. 2113-12 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2113-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-12-1. – Il peut être créée, par décision du conseil municipal de la commune nouvelle, une instance de consultation et de coordination dénommée “Conférence municipale” au sein de laquelle il est débattu de tous sujets intéressant le territoire de la commune nouvelle. Cette instance est présidée par le maire et comprend les maires délégués.
« Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président. »
Mieux prendre en compte les spécificités de la commune nouvelle
dans les documents d’urbanisme
L’article L. 123-1-3 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu’il existe une ou plusieurs communes nouvelles. »
L’article 19 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est complété par l’alinéa suivant :
« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, les documents d’urbanisme approuvés ou révisés par les conseils municipaux des anciennes communes avant la date de la création de la commune nouvelle demeurent applicables jusqu’à l’élaboration du document d’urbanisme de la commune nouvelle. »
Commune nouvelle et intercommunalité
L’article L. 2113-9 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Toutefois et nonobstant les dispositions de l’article L. 5210-1-2, une commune nouvelle de plus 5 000 habitants regroupant toutes les communes membres d’un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre, peut adhérer à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à tout moment et au plus tard à la date d’application de la prochaine révision du schéma départemental de coopération intercommunale. »
Dispositions fiscales et incitations financières
L’article 1638 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La durée de la procédure d’intégration fiscale progressive peut être réduite soit par délibération du conseil municipal de la commune nouvelle soit, lorsque la décision de recourir à cette procédure a été prise par délibérations des communes préexistantes, par délibérations concordantes de ces communes, soit par délibération du conseil municipal de la commune appelée à faire partie de la commune nouvelle.
« Ces délibérations sont prises dans les conditions prévues à l’article 1639 A avant le 15 avril de la première ou de la deuxième année au cours de laquelle la création de la commune nouvelle produit ses effets au plan fiscal. Elles ne peuvent être modifiées ultérieurement.
« Dans le cas où ces délibérations ne sont pas prises la première année au cours de laquelle la création de la commune nouvelle produit ses effets au plan fiscal, les taux respectifs de chacune des taxes mises en recouvrement en vertu des 1° à 4° du I de l’article 1379 ne peuvent excéder les taux moyens des communes préexistantes constatés l’année précédente, pondérés par l’importance relative des bases de ces communes. » ;
2° Au troisième alinéa du I, les mots : « des premiers et deuxième alinéas » sont remplacés par les mots : « du présent I » ;
3° Au premier alinéa du II, le mot : « douze » est supprimé.
L’article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Les dispositions prévues à l’article L. 2334-7-3 ne s’appliquent pas, au cours des trois années suivant leur création et au plus tard à compter du 1er janvier 2016, aux communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1 regroupant une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, ainsi qu’aux communes nouvelles regroupant toutes les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et éventuellement d’autres communes tiers. Ces dispositions s’appliquent également, pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2014, aux communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1 créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014. » ;
2° Le II est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1, regroupant une population inférieure ou égale à 10 000 habitants et créées au plus tard le 1er janvier 2016, perçoivent une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue au I. de l’article L. 2334-7 au moins égale à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle.
« Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1, regroupant toutes les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et éventuellement d’autres communes tiers, et créées au plus tard le 1er janvier 2016, perçoivent une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue au I. de l’article L. 2334-7 au moins égale à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle.
« Les communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1 créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014 perçoivent en 2015 et en 2016 une attribution au titre de la dotation forfaitaire prévue au I. de l’article L. 2334-7 au moins égale à celle qu’elles ont perçue en 2014. » ;
3° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours des trois années suivant sa création, la commune nouvelle, créée au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant toutes les communes membres d’un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre perçoit une part “compensation” au moins égale à la somme des montants de dotation de compensation prévue à l’article L. 5211-28-1 et perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre l’année précédant la création de la commune nouvelle. » ;
4° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours des trois années suivant sa création, l’attribution au titre de la dotation de consolidation est au moins égale à la somme des montants de la dotation d’intercommunalité perçue par le ou les établissements publics de coopération intercommunale l’année précédant la création de la commune nouvelle au plus tard le 1er janvier 2016. »
Le dernier alinéa de l’article L. 2113-22 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1, regroupant une population inférieure ou égale à 10 000 habitants et créées au plus tard le 1er janvier 2016 perçoivent une attribution au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation prévues à l’article L. 2334-14-1 et au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue aux articles L. 2334-15 à L. 2334-19 au moins égale à la somme des attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle.
« Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1, regroupant toutes les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et éventuellement d’autres communes tiers, et créées au plus tard le 1er janvier 2016 perçoivent une attribution au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation prévues à l’article L. 2334-14-1 et au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue aux articles L. 2334-15 à L. 2334-19 au moins égale à la somme des attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle.
« Les communes nouvelles mentionnées à l’article L. 2113-1 créées avant le renouvellement général des conseils municipaux de 2014 perçoivent en 2015 et en 2016 une attribution au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation prévues à l’article L. 2334-14-1 et au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue aux articles L. 2334-15 à L. 2334-19 au moins égale à celle qu’elles ont perçue en 2014. »
La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.