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N° 2221

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2014.

PROPOSITION DE LOI

relative à la transparence financière des partis
et groupements politiques,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Lionel TARDY,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’affaire Bygmalion a causé beaucoup de torts au monde politique et à la démocratie représentative.

La politique est entrée dans une nouvelle ère, où la transparence et la probité ne sont plus seulement une exigence des concitoyens, mais des nécessités absolues et inconditionnelles.

Cette proposition de loi entend, à son échelle, combler certains manques afin d’éviter autant que possible la reproduction d’affaires qui nuisent à tous ceux qui considèrent la politique comme une mission détachée de tout enrichissement.

La Cinquième République n’était pas censée être la République des partis, mais force est de constater leur place centrale, en particulier dans l’optique de l’élection présidentielle – mais pas seulement. Il faut donc encadrer l’activité des partis dans la durée.

Les lois sur la transparence votées en octobre 2013 comprennent un volet beaucoup trop restreint sur les partis politiques, volet dont le texte initial s’était même exonéré. La présente proposition de loi entend modestement combler cette lacune en avançant des pistes, dont la plus forte est sans doute l’instauration d’un contrôle par la Cour des comptes.

D’autres idées, telles que la soumission aux règles des marchés publics, la publication des noms des collaborateurs ou encore l’obligation d’audit interne, aussi intéressantes soient-elles, n’ont pas été retenues car elles entreraient manifestement en contradiction avec l’article 4 de la Constitution selon lequel « les partis et groupements politiques (…) se forment et exercent leur activité librement ». Elles peuvent en revanche parfaitement être mises en œuvre de façon volontaire.

Aussi, il ne s’agit pas de contraindre la liberté des partis mais d’instaurer des obligations de transparence pour tous ceux dont la probité qui leur incombe, de par leur concours à l’expression du suffrage, ne serait malheureusement pas une évidence.

L’article 1er confie le contrôle juridictionnel du financement des partis et groupements politiques à la Cour des comptes. Cette juridiction bénéficie des moyens et de l’expertise nécessaires ; un tel contrôle apparait logique dans la mesure où les principaux partis politiques bénéficient d’argent public et où les cotisations de leurs adhérents et les dons sont soumis à une réduction d’impôt.

L’article 2 transfère les missions dévolues à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) concernant les partis politiques à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Les missions de la CNCCFP sont à l’heure actuelle distinguées en deux groupes : celles relatives aux campagnes électorales et celles relatives aux partis et groupements politiques. Une telle séparation doit permettre à la CNCCFP de se recentrer efficacement sur ses activités de contrôle des comptes de campagne. Ce serait ainsi l’occasion de renforcer ses prérogatives et ses pouvoirs dans ce domaine, afin de lui permettre de déceler notamment les dissimulations dans les comptes de campagne, ce qu’elle n’a pas réellement la latitude de faire actuellement.

Ce transfert à la HATVP apparaît logique dans la mesure où les missions touchant les partis politiques (publication au Journal officiel, gestion des formules de reçus-dons, attribution ou retrait de l’agrément, etc.) sont dans la lignée et dans le même esprit que celles qu’elle exerce actuellement. Il constituerait également la première étape d’une fusion de la CNCCFP et de la HATVP qui pourrait être utilement envisagée à terme, sur le modèle de la création du Défenseur des droits.

En résumé, la certification continuera d’être effectuée par des commissaires aux comptes et la Cour des comptes effectuera quant à elle un contrôle de gestion. On retrouve ce modèle pour les organismes faisant appel à la générosité publique.

L’article 3 ajoute de nouveaux éléments à la publication sommaire annuelle des comptes des partis politiques. En premier lieu, les éléments comptables résumés ne suffisent pas à eux seuls et doivent être accompagnés d’informations complémentaires, susceptibles d’apporter des éclairages utiles, à savoir : le siège social du parti, les noms et fonctions de ces dirigeants, et la liste des principaux prestataires auxquels il a fait appel pendant l’exercice. Pour ce dernier élément, il ne s’agit pas de dévoiler les relations contractuelles que le parti peut librement avoir avec des entreprises, mais bien de prévenir toute anormalité ou favoritisme. C’est pourquoi cette liste ne concernera que les gros prestataires, dont le total des facturations dépassera un certain seuil fixé par voie réglementaire. En outre, cet article propose également de reprendre à part (et toujours en annexe) les informations comptables relatives aux flux financiers entre partis politiques, dans un souci de clarté. Ainsi, les dons et prêts obtenus ou consentis de la part ou en direction d’un autre parti y seront explicitement listés.

Enfin, à l’heure actuelle, la CNCCFP a seulement la possibilité de demander les pièces comptables et justificatifs ; elle ne se fait donc pas nécessairement communiquer l’ensemble de ces documents. Aussi, afin de donner une réelle efficacité à la mission de contrôle, l’article 4 prévoit de rendre cette transmission soit en direction de la Cour de comptes, conformément à l’article 1er de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – À la première phrase du second alinéa de l’article 10 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, les mots : « ne leur sont pas » sont remplacés par les mots : « leur sont ».

II. – Après l’article L. 111-5 du code des juridictions financières, il est inséré un article L. 111-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-6. – La Cour des comptes contrôle les partis et groupements politiques. »

Article 2

I. – Après le 5° du I de l’article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Elle contrôle les obligations comptables et financières des partis et groupements politiques en application du titre III de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. »

II. – La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 11-1, les mots : « Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mentionnée à l’article L. 52-14 du code électoral » sont remplacés par les mots : « Haute Autorité pour la transparence de la vie publique mentionnée à l’article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique » ;

2° Au quatrième alinéa de l’article 11-4, les mots : « Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques » sont remplacés par deux fois par les mots : « Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » ;

3° L’article 11-7 est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : « Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques instituée à l’article L. 52-14 du code électoral » sont remplacés par les mots : « Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » ;

b) À la troisième phrase du même alinéa, le mot : « commission » est remplacé par les mots : « Haute Autorité ».

Article 3

L’article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : « , qui assure leur publication sommaire au Journal officiel de la République française » sont supprimés ;

2° Après le deuxième alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :

« La Haute autorité assure la publication sommaire des comptes des partis ou groupements politiques au Journal officiel de la République française. En outre, pour chaque parti ou groupement, sont annexés à cette publication les éléments suivants :

« 1° Son siège social ;

« 2° Les noms et fonctions des personnes chargées de son administration ;

« 3° La liste des prestataires avec lesquels il a contracté et dont les prestations réalisées sont supérieures, sur l’ensemble de l’exercice, à un montant fixé par voie réglementaire ;

« 4° La liste des autres partis ou groupements auxquels il a consenti des dons ou prêts, et leurs montants ;

« 5° La liste des autres partis ou groupements desquels il a obtenus des dons ou prêts, et leurs montants. »

Article 4

Le dernier alinéa de l’article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« La Cour des comptes reçoit du parti ou groupement politique toutes les pièces comptables et tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle. »

Article 5

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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