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N° 2538

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2015.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à modifier le Règlement intérieur
de l’Assemblée nationale afin d’accorder les mêmes prérogatives aux députés non-inscrits que celles réservées
aux députés membres d’un groupe parlementaire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jacques BOMPARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Compte tenu des missions de vote de la loi et de contrôle de l’action du Gouvernement qui sont attribuées aux députés, chacun d’entre eux est réputé représenter la Nation tout entière. Bien qu’élus dans une circonscription, les députés sont investis d’un mandat national. La prohibition par l’article 27 de la Constitution des mandats impératifs signifie que les députés sont les délégués de l’ensemble du pays. L’assemblée de ces élus exerce donc la souveraineté nationale.

La République française est démocratique, c’est-à-dire que le peuple est souverain : pour cela, les députés, représentants de la Nation, sont reconnus comme bénéficiant tous de droits égaux. En effet, un système politique prévoyant que les représentants de la Nation n’ont pas le même statut et les mêmes droits ne saurait être garant de la démocratie.

Comment alors justifier les différences de traitement entre députés, effectuées au détriment de ceux qui ne sont pas inscrits à un groupe politique ? Est-ce à dire que tous les députés ne sont pas considérés par principe représenter la Nation tout entière ?

En effet, le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, à son chapitre V intitulé « Groupes » énonce que les députés peuvent se grouper par affinités politiques au sein d’un groupe constitué d’au moins quinze membres (article 19 alinéa 1), sans quoi ils ne bénéficieront pas d’un certain nombre de droits spécifiques. La logique du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale veut que les prérogatives accordées aux députés soient proportionnelles à leur importance numérique, d’où la création de groupes politiques.

Pourtant, les députés non-inscrits ont eux aussi été élus grâce au suffrage universel, sans être toutefois soutenus par l’appareil politique d’un parti politique bien implanté et disposant des faveurs médiatiques. Les citoyens eux-mêmes sont désillusionnés quant à l’efficacité des partis politiques majoritaires pour résoudre les difficultés auxquelles notre pays est confronté. Ainsi, selon un sondage Opinion Way pour le Cevipof et le CNRS de janvier 2014, les partis politiques n’inspirent de la confiance qu’à 11 % des Français. Les députés non-inscrits, ne bénéficiant pas du soutien des partis majoritaires, et étant élus par le peuple, répondent davantage aux revendications de nos concitoyens, ce qui est la raison d’être et la seule légitimité dont peuvent se prévaloir les députés. Dès lors, l’Assemblée nationale doit cesser de réserver un traitement favorisant les députés membres d’un groupe politique au détriment des députés non-inscrits.

Or le principe démocratique selon lequel chacun des députés représente la Nation entière est totalement bafoué par le système des groupes politiques excluant les députés non-inscrits. En effet, selon le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, un député ne dispose de tous les moyens lui permettant d’exercer efficacement son mandat, et par là de représenter la Nation, qu’en fonction de l’importance numérique de ses affinités politiques par rapport à l’effectif des députés. Ainsi, un député ne faisant pas partie d’un groupe politique ne bénéficiera que d’un statut de seconde zone, l’empêchant d’incarner son mandat représentatif.

Un tel déni de droits égaux pour les représentants du peuple ne peut que mener les parlementaires à une prise de conscience frontale du déficit de démocratie dont fait preuve le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Ainsi, parmi les droits non reconnus à certains députés qui pour être minoritaires sont réputés ne pas représenter le peuple, il convient de relever que les députés non–inscrits disposent d’un temps de parole lors des séances largement inférieur à celui accordé aux députés membres d’un groupe (article 49 alinéa 2).

Par ailleurs, les députés non-inscrits sont floués en ce que, toujours en vertu des prérogatives accordées selon la proportion du nombre de leurs membres, ils ne peuvent disposer d’un nombre satisfaisant de sièges au sein des commissions permanentes. En effet, l’article 37 du Règlement intérieur prévoit que « Les groupes régulièrement constitués (…) disposent d'un nombre de sièges proportionnel à leur importance numérique par rapport à l'effectif des membres composant l'Assemblée. Les sièges restés vacants après cette répartition sont attribués aux députés n'appartenant à aucun groupe. Les candidatures pour ces sièges font, à défaut d'accord, l'objet d'un choix effectué au bénéfice de l'âge ».

Or, les commissions permanentes de l’Assemblée ont une influence majeure dans la mesure où il s’agit des lieux de préparation du débat législatif en séance publique. Restreindre le droit d’accès à certains députés « minoritaires » porte atteinte aux garanties d’un régime démocratique.

Par ailleurs, les députés membres d’un groupe politique bénéficient d’un secrétariat administratif qui leur fournit un certain nombre de services d’assistance, tel un système d’information et de veille de presse. De la même façon, les groupes politiques bénéficient de droits de tirage qui leur permettent de demander, une fois par session ordinaire, la création d’une commission d’enquête. Enfin, les députés membres d’un groupe politique bénéficient de facilités pour faire assister des tiers aux séances publiques. Les députés non-inscrits ne bénéficient de façon scandaleuse d’aucune de ces prérogatives.

En définitive, au vu de tous ces privilèges qui ne bénéficient qu’à certains députés, ceux d’entre eux qui ne sont pas inscrits à un groupe apparaissent comme les « oubliés » de l’Assemblée nationale. Alors que les acteurs de la vie publique ne cessent de vouloir faire appliquer partout le principe d’égalité, on ne peut que s’étonner de voir une certaine partie des représentants du peuple victimes de telles inégalités.

Cette situation suffit à expliquer pourquoi 87 % des Français n’ont pas ou peu confiance dans la classe politique (selon un sondage Opinion Way pour le Cevipof et le CNRS datant de janvier 2014). En effet, comment croire encore en une vie publique démocratique lorsque les partis politiques dominants ne reconnaissent pas de droits égaux aux élus minoritaires et pourtant tout aussi légitimes ?

Pour faire en sorte que la démocratie française soit davantage respectueuse des principes élémentaires qu’elle ne respecte pas elle-même, les députés non-inscrits doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits que ceux actuellement réservés aux députés membres d’un groupe politique.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article 1er

Supprimer l’alinéa 1 de l’article 19.

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 7 de l’article 19.

« Tous les députés non-inscrits constituent automatiquement un groupe à eux seuls ».

Article 3

Après l’alinéa 7, insérer à l’article 19 l’alinéa suivant :

« Le groupe des députés non-inscrits bénéficie d’un secrétariat administratif, lequel assure un service d’assistance, notamment d’information et de veille. Le groupe des députés non-inscrits dispose des mêmes droits de tirage que les autres groupes politiques. Le groupe des députés non-inscrits dispose des mêmes capacités d’invitation de tiers à assister aux séances publiques que les autres groupes politiques. »

Article 4

Supprimer l’alinéa 2 à l’article 37.

Article 5

Rédiger ainsi l’alinéa 3 de l’article 37 :

« Tous les groupes politiques régulièrement constitués disposent d’un nombre égal de siège au sein des commissions permanentes. »

Article 6

Supprimer les deux dernières phrases de l’alinéa 2 de l’article 49.


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