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N° 2641

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à tirer les conséquences de l’arrêt « Ruyter »
du 26 février 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne et
à
abroger la soumission à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale des revenus fonciers et des plus-values de source française
des Français établis hors de France
,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Frédéric LEFEBVRE, Thierry MARIANI et Alain MARSAUD,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 soumet aux prélèvements sociaux (au taux global de 15,5 %) les revenus immobiliers (revenus fonciers et plus-values immobilières) de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.

Les revenus fonciers sont désormais imposés aux prélèvements sociaux dus sur les revenus du patrimoine, à un taux de 15 % et les plus-values immobilières sont imposées aux prélèvements sociaux sur les produits de placements (recouvrés à la source par l’intermédiaire notamment des notaires), à l’instar des personnes fiscalement domiciliées en France, déjà assujetties à ces prélèvements.

Ces mesures s’ajoutent aux prélèvements déjà appliqués, s’agissant de l’imposition sur le revenu, et se sont traduites pour les 60 000 contribuables concernés par une hausse d’imposition moyenne de près de 4 200 euros.

Ces mesures, présentées au nom de l’universalité des prélèvements sociaux et de la cohérence de l’impôt, comportent nombre d’effets pervers :

En premier lieu, elles ont eu pour conséquence de taxer les plus-values foncières – avant l’adoption d’un amendement de l’auteur de la présente proposition de loi ramenant de 33 à 19 % leur taux d’imposition – à près de 50 %.

Depuis le 1er janvier 2014, ces plus-values demeurent toutefois taxées à un taux global de 34,5 %, ce qui rend les investissements fonciers nettement moins attractifs que d’autres placements.

En second lieu, elles créent des risques de double imposition, dès lors que les revenus fonciers et les plus-values immobilières font parfois l’objet, conformément aux conventions fiscales en vigueur, d’une taxation du pays de résidence.

Ces mesures sont également contraires au principe d’équité. La précédente majorité avait repoussée l’idée d’un assujettissement aux cotisations sociales des plus-values foncières des non-résidents, au motif que ces derniers ne bénéficient pas des prestations sociales financées par la sécurité sociale.

Ces mesures sont, en outre, contraires au droit européen qui subordonne le paiement des cotisations sociales au bénéfice du régime obligatoire de sécurité sociale, régime dont sont exclus les Français établis hors de France, leur protection sociale relevant du régime volontaire de la Caisse des Français de l’Étranger.

Le Gouvernement a, pour sa part, soutenu que la CSG et la CRDS, bien que concourant au financement de la sécurité sociale, ne constituaient pas des cotisations ouvrant droit au bénéfice des prestations versées par les organismes obligatoire de sécurité sociale, mais relevaient de la catégorie d’« impositions de toute nature » à vocation universelle.

A maintes reprises l’auteur de la présente proposition de loi a attiré l’attention du Gouvernement sur les risques de condamnation contentieuse qu’encourait notre pays en raison de la contrariété de cette mesure au droit européen.

Le 21 octobre 2014, l’avocate général Sharpston de la Cour de Justice de l’Union a rendu ses conclusions dans l’un des contentieux en cours - l’affaire Affaire C-623/13 ministre de l’économie et des finances contre Gérard de Ruyter - et a exprimé une position contraire à celle du gouvernement Français.

L’avocate générale a précisé en premier lieu que la CSG sur les revenus du patrimoine devait être considérée en droit français comme une imposition supplémentaire sur le revenu et non comme une cotisation de Sécurité sociale distincte. Son contrôle et sa collecte par les autorités fiscales, conformément aux règles applicables à l’impôt sur le revenu, ne détermine pas si cette contribution relève du règlement (CEE) n° 1408/71.

En second lieu, elle a conclu que la CSG et la CRDS présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois françaises qui régissent les branches de sécurité sociale, et qu’elles relevaient du champ du règlement du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, le secrétaire d’État au budget au budget interrogé par l’auteur de la présente proposition de loi au regard de ces conclusions avait indiqué que « Le Gouvernement » tirerait « les conséquences de tous les jugements qui pourront intervenir et appliquera le droit, comme il a l’habitude de le faire. ».

Dans son arrêt du 26 février 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a conclu que la France n’avait pas le droit de soumettre les revenus fonciers et les plus-values de source française des non-résidents à la CSG et à la CRDS dans la mesure où ces derniers ne bénéficient pas de la Sécurité sociale française.

Les revenus fonciers et les plus-values immobilières ne devraient donc plus être soumis aux prélèvements sociaux pour les Français résidant dans un pays membre de l’Union européenne.

Dans un communiqué du 26 février 2015, le Gouvernement indique toutefois qu’il prend acte de cet arrêt mais qu’il ne prendra les dispositions nécessaires qu’après la décision définitive du Conseil d’État dans cette affaire, alors que la décision de la Cour de Luxembourg ouvre d’ores et déjà droit aux réclamations et au remboursement des sommes versées aux non-résidents vivant au sein de l’Union européenne.

Il est au contraire urgent de tirer les conséquences de l’arrêt de la CJUE pour les non-résidents vivant dans l’Union européenne.

Il convient également de faire bénéficier l’ensemble des Français résidant à l’étranger en dehors de l’Union européenne des conséquences de l’arrêt de la Cour de justice.

Il n’est en effet pas acceptable que les non-résidents vivant en dehors de l’Union européenne se voient appliquer un régime différent de ceux résidant au sein de l’Union européenne alors qu’ils sont en matière de protection sociale dans une situation identique.

Il serait d’ailleurs paradoxal, après que le Conseil d’État ait estimé dans un arrêt du 20 octobre 2013 qu’il convenait en matière de taux d’imposition des plus-values immobilières d’appliquer le même taux de 19 % aux non-résidents qu’ils soient établis au sein de l’union européenne ou en dehors de l’union européenne, d’opérer une distinction en matière de prélèvements sociaux.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à mettre fin à la soumission des revenus fonciers et des plus-values de source française des Français établis hors de France.

PROPOSITION DE LOI

Article premier

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :

a) Le I bis est abrogé ;

b) À la première phrase du premier alinéa du III, le mot : « à » est remplacé par le mot : « et ».

2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :

a) Le I bis est abrogé ;

b) Le second alinéa du 1 du VI est supprimé.

3° L’article L. 245-14 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « aux I et II de » sont remplacés par le mot : « à » ;

b) La deuxième phrase est supprimée.

4° Au premier alinéa de l’article L. 245-15, la deuxième occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et ».

Article 2

1° – Les 1° et le 3° du I s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013.

2° – Les 2° et 4° du I s’appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter de la date de publication de la présente loi.

Article 3

L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :

1° La dernière phrase du premier alinéa du I de l’article 15 est supprimée ;

2° À la première phrase du I de l’article 16, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I ».

Article 4

1° – Le 1° de l’article 3 s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013.

2° – Le 2° de l’article 3 s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2013.

Article 5

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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