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N° 2707

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à transformer en délit le port du voile intégral,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christian ESTROSI, Édouard COURTIAL, Patrice MARTIN-LALANDE, Philippe VITEL, Olivier DASSAULT, Michel TERROT, Didier QUENTIN, Damien ABAD, Lionnel LUCA, Bernard PERRUT, Jean-Claude GUIBAL, Alain SUGUENOT, Patrick HETZEL, Valérie LACROUTE, Jean-Pierre DOOR, Nicolas DHUICQ, Fernand SIRÉ, Yves NICOLIN, Guy GEOFFROY, Éric CIOTTI, Alain MARLEIX, Guy TEISSIER, Lionel TARDY, Marc-Philippe DAUBRESSE, Paul SALEN, Alain MOYNE-BRESSAND, Olivier MARLEIX, Jean-Luc REITZER et Michel HERBILLON,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’espace public est un bien commun. Il est un lieu d’échange et de partage qui permet la pratique des valeurs de la République. L’histoire de la France passe par l’union autour des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Dans cet esprit, l’espace public permet à chacun, sans discrimination, d’être un citoyen libre.

Or, la dissimulation intégrale du visage de correspond pas à notre idéal de la relation sociale. Il ne permet pas le vivre ensemble de notre société et remet en cause les valeurs de notre pacte républicain.

La sauvegarde de notre pacte social et de notre Nation impose au législateur de prendre toutes les mesures permettant de lutter contre des pratiques communautaristes radicales qui visent au rejet des valeurs de la République. Le port du voile intégral est l’une de ces pratiques. De plus, en étant la traduction d’un refus ostensible de l’égalité entre les hommes et les femmes, ce comportement, qu’il soit subi ou accepté, est une atteinte à la dignité de la personne.

La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public a permis l’interdiction de la dissimilation du visage dans l’espace public. Cependant, force est de constater que le système actuel présente des dérives qui empêchent une application efficace des moyens de répression : paiement des amendes par d’autres personnes que les contrevenants, récidive, communication sur les failles du système répressif… sont autant d’éléments qui constituent un défi envers notre République et ses valeurs.

La loi de la République doit être supérieure à toutes les lois. La République ne doit pas céder à l’interprétation radicale de certaines lois spirituelles. La République a toujours combattu les dogmes radicaux dans un seul but : préserver l’intérêt général. Ce n’est pas la République qui doit être en conformité avec la spiritualité mais le contraire. Or nous constatons que le port du voile intégral devient le moyen de défier nos valeurs au nom d’une idéologie radicale et communautaire.

Dans le contexte actuel de radicalisation, le législateur a donc le devoir de durcir le système répressif actuel (III) afin de le rendre plus dissuasif (I) et d’empêcher la récidive (II).

C’est à cette fin que cette proposition de loi a pour objectif de lutter plus efficacement contre cette pratique en transformant en délit le port du voile intégral.

I. – Mettre en place un caractère dissuasif de la sanction

Le Législateur a le devoir d’être vigilant afin de protéger le caractère laïc de notre République.

Actuellement, le régime contraventionnel ne présente pas un caractère dissuasif assez important permettant de prévenir de manière efficace le port dans l’espace public d’une tenue dissimulant le visage.

La méconnaissance de l'interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public est actuellement punie d’une contravention de deuxième classe, ce qui correspond à une somme maximum de 150 euros. Cette sanction n’est pas assez dissuasive.

De plus, il convient de noter également que le régime contraventionnel permet à un tiers ou à une association de régler le montant des amendes. L’actualité nous a montré que cette possibilité constitue de surcroit une provocation insupportable qui vient défier les lois de la République dans un esprit de désobéissance civile.

Enfin, en présentant de facto un risque récurrent de non personnalisation de la peine, cette sanction ne vient pas responsabiliser les auteurs de cette infraction et ne contribue pas au nécessaire respect du principe de laïcité.

Il faut mettre fin à ce sentiment d’impunité qui commence à gagner les rangs de certains radicaux. Le caractère dissuasif doit permettre une sanction personnelle. Personne ne doit pouvoir régler une amende à la place d’un autre.

Transformer en délit le port du voile intégral est le seul moyen permettant de répondre simplement et efficacement à cette problématique. Il permettra de sortir du régime de l’amende, présentant des failles substantielles au caractère dissuasif de la sanction.

II. – Une modification du régime de sanction doit permettre d’empêcher la récidive

Le régime de sanction doit faire comprendre que la radicalité n’a pas sa place sur le territoire de la République, et que personne ne peut faire entrave à l’application des lois de la République.

Compte tenu de la gravité de cette infraction et du trouble à l’ordre public certain que peut provoquer le dispositif actuel, ce régime de sanction doit être modifié.

Tout d’abord le caractère intentionnel de l’infraction tend à la constitution d’un délit. Cette infraction est le résultat d’une action positive de son auteur et non d’une omission. En portant le voile intégral dans l’espace public, l’auteur agit volontairement en faisant un acte interdit par la loi. Il défit la République et ses valeurs. L’élément intentionnel de cette infraction est donc caractérisé. Il doit donc être sanctionné plus lourdement. Cette sanction empêchera plus efficacement la récidive.

Dans l’hypothèse où l’auteur serait victime d’une dissimulation forcée du visage, le passage devant le juge pourra permettre de mettre fin à une atteinte à la dignité de la personne. Ce régime de sanction sera plus protecteur envers les victimes et permettra de déceler les cas de port forcé du voile intégral.

Dans ces deux cas, la modification du régime de sanction permettra donc assurément d’empêcher plus efficacement la récidive.

III. – Un régime de sanction plus coercitif

A cette fin, il est proposé aujourd’hui que le port du voile intégral quitte cette catégorie d’infraction afin de correspondre à un régime à la fois simple et coercitif. Ainsi, il est indispensable de créer un délit qui permette d’empêcher le port du voile intégral. L’article 3 de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public doit ainsi être modifié par de nouvelles dispositions.

L’instauration de ce régime de sanction permettra :

– un effet dissuasif général dans la mesure où tout individu sait qu’il risque de subir une sanction supérieure en cas de violation de la loi, ce qui peut prévenir le passage à l’acte ;

– un effet de personnalisation des peines, permettant une meilleure prise de conscience de l’infraction. Les pouvoirs d’individualisation du juge permettront aussi de mieux personnaliser la peine selon la gravité du comportement de son auteur. Ce passage obligatoire devant le juge ne permettra plus à des tiers de pouvoir pallier l’infraction financièrement ;

– un effet social grâce au passage devant le juge. En devenant un délit, le port du voile intégral sera sanctionné par un passage physique devant le tribunal correctionnel. Cela permettra aussi une meilleure explication, ce qui contribue à empêcher la récidive.

Il ne s’agit pas de stigmatiser mais d’agir pour plus d’efficacité et de responsabilité. En adoptant cette proposition, vous défendez la liberté de chacun dans le respect des autres, vous renforcez le principe de laïcité et les valeurs de notre démocratie.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter les dispositions suivantes.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après la section 1 ter du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section 1 quater ainsi rédigée :


« Section 1
quater


« De la dissimulation intégrale du visage

« Art. 225—4-11. – Constitue un délit le fait pour toute personne de porter dans l’espace public une tenue destinée à dissimuler son visage de manière intégrale.

« La peine encourue est d’un an d'emprisonnement et de 20 000 € d'amende. 

« L'espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public. L'interdiction prévue ne s'applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s'inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles. »


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