N° 2717
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2015.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur le financement du Front National après les législatives de 2012
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
MM. Bruno LE ROUX, Razzy HAMMADI, Sébastien DENAJA et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (1) et apparentés (2),
députés.
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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Ibrahim Aboubacar, Patricia Adam, Sylviane Alaux, Jean-Pierre Allossery, Pouria Amirshahi, François André, Nathalie Appéré, Kader Arif, Christian Assaf, Joël Aviragnet, Pierre Aylagas, Jean-Marc Ayrault, Alexis Bachelay, Guillaume Bachelay, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Gérard Bapt, Frédéric Barbier, Serge Bardy, Ericka Bareigts, Claude Bartolone, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Laurent Baumel, Philippe Baumel, Nicolas Bays, Catherine Beaubatie, Jean-Marie Beffara, Luc Belot, Karine Berger, Gisèle Biémouret, Philippe Bies, Erwann Binet, Jean-Pierre Blazy, Yves Blein, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Christophe Borgel, Florent Boudie, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Brigitte Bourguignon, Malek Boutih, Kheira Bouziane, Emeric Bréhier, Jean-Louis Bricout, Jean-Jacques Bridey, François Brottes, Isabelle Bruneau, Gwenegan Bui, Sabine Buis, Jean-Claude Buisine, Sylviane Bulteau, Vincent Burroni, Alain Calmette, Jean-Christophe Cambadélis, Colette Capdevielle, Yann Capet, Christophe Caresche, Marie-Arlette Carlotti, Fanélie Carrey-Conte, Martine Carrillon-Couvreur, Christophe Castaner, Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Nathalie Chabanne, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Marie-Anne Chapdelaine, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Jean-David Ciot, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Romain Colas, Philip Cordery, Valérie Corre, Jean-Jacques Cottel, Catherine Coutelle, Jacques Cresta, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Seybah Dagoma, Yves Daniel, Carlos Da Silva, Pascal Deguilhem, Florence Delaunay, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Pascal Demarthe, Sébastien Denaja, Françoise Descamps-Crosnier, Sophie Dessus, Jean-Louis Destans, Michel Destot, Fanny Dombre-Coste, René Dosière, Philippe Doucet, Sandrine Doucet, Françoise Dubois, Jean-Pierre Dufau, Anne-Lise Dufour-Tonini, Françoise Dumas, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Sophie Errante, Marie-Hélène Fabre, Alain Fauré, Martine Faure, Olivier Faure, Hervé Féron, Richard Ferrand, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Hugues Fourage, Jean-Marc Fournel, Valérie Fourneyron, Michèle Fournier-Armand, Michel Françaix, Christian Franqueville, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Guillaume Garot, Hélène Geoffroy, Jean-Marc Germain, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Geneviève Gosselin-Fleury, Pascale Got, Marc Goua, Linda Gourjade, Laurent Grandguillaume, Estelle Grelier, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, Chantal Guittet, David Habib, Razzy Hammadi, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Joëlle Huillier, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Laurent Kalinowski, Marietta Karamanli, Philippe Kemel, Chaynesse Khirouni, Bernadette Laclais, Conchita Lacuey, François Lamy, Anne-Christine Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Pierre-Yves Le Borgn’, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Anne-Yvonne Le Dain, Jean-Yves Le Déaut, Viviane Le Dissez, Annick Le Loch, Jean-Pierre Le Roch, Bruno Le Roux, Patrick Lebreton, Michel Lefait, Dominique Lefebvre, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Christophe Léonard, Annick Lepetit, Arnaud Leroy, Michel Lesage, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, Audrey Linkenheld, François Loncle, Lucette Lousteau, Victorin Lurel , Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Patrick Mennucci, Kléber Mesquida, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Nathalie Nieson, Philippe Noguès, Robert Olive, Maud Olivier, Monique Orphé, Michel Pajon, Luce Pane, Christian Paul, Rémi Pauvros, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Sébastien Pietrasanta, Martine Pinville, Christine Pires Beaune, Philippe Plisson, Elisabeth Pochon, Pascal Popelin, Dominique Potier, Michel Pouzol, Régine Povéda, Patrice Prat, Christophe Premat, Joaquim Pueyo, François Pupponi, Catherine Quéré, Valérie Rabault, Monique Rabin, Dominique Raimbourg, Marie Récalde, Marie-Line Reynaud, Eduardo Rihan Cypel, Denys Robiliard, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Frédéric Roig, Barbara Romagnan, Bernard Roman, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Béatrice Santais, Odile Saugues, Gilbert Sauvan, Gilles Savary, Gérard Sebaoun, Christophe Sirugue, Julie Sommaruga, Suzanne Tallard, Pascal Terrasse, Sylvie Tolmont, Jean-Louis Touraine, Stéphane Travert, Catherine Troallic, Cécile Untermaier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, Clotilde Valter, Michel Vauzelle, Fabrice Verdier, Michel Vergnier, Patrick Vignal, Jean-Michel Villaumé, Jean-Jacques Vlody et Paola Zanetti.
(2) Marie-Françoise Bechtel, Chantal Berthelot, Jean-Luc Bleunven, Guy-Michel Chauveau, Yves Goasdoué, Edith Gueugneau, Christian Hutin, Jean-Luc Laurent, Annie Le Houerou, Serge Letchimy, Gabrielle Louis-Carabin, Hervé Pellois, Napole Polutélé et Boinali Said.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Fin novembre 2014, la presse d’investigation se faisait l’écho d’un prêt de 9 millions d’euros contracté quelques semaines auparavant par le Front National, auprès de la banque russe First Czech Russian Bank (FCRB). Au mois d’avril de la même année, une association de financement présidée par M. Jean-Marie Le Pen avait quant à elle reçu la somme de 2 millions d’euros d’une société chypriote détenue par des fonds russes. Les deux millions d’euros seront utilisés dans le cadre du financement de la campagne des européennes du Front National.
Les conditions de ces prêts, les détails du remboursement, l’origine exclusivement russe des fonds ainsi que les relations ambigües qu’entretiendraient les dirigeants du Front National avec le pouvoir russe, posent une question majeure dont nous devons nous saisir : celle du financement des partis politiques par le biais de prêts étrangers, et ce faisant de leur autonomie à l’égard de leur créancier. L’indépendance du débat politique national est en jeu.
Notre droit positif lie le financement public des partis politiques aux résultats électoraux de ses derniers et donc de leur représentativité. Au cours des 25 dernières années, le législateur s’est appliqué à le faire évoluer afin de garantir la plus grande neutralité et la plus grande transparence conformément à l’article 4 de la Constitution qui dispose que : « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».
Le financement public des partis politiques n’interdit pas les financements privés. Celui-ci est cependant strictement encadré. La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique en définit les principes. En effet, l’article 11-4 de ladite loi modifiée par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique interdit non seulement aux personnes morales de participer au financement des partis et groupements politiques mais également les contributions ou aides matérielles d’un état étranger. Cette interdiction est étendue au financement des campagnes électorales aux termes de l’article L. 52-8 du code électoral qui dispose qu’« aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d’un état étranger ou d’une personne morale de droit étranger ».
S’il n’interdit pas expressément la souscription d’un prêt auprès d’un établissement de droit étranger, l’intention du législateur tend bien à soustraire les élus à toute influence étrangère par le biais du financement. Il convient par conséquent de déterminer si des taux avantageux et autres facilités financières ne sont pas équivalents à des avantages en nature.
L’enjeu ici est celui de la souveraineté nationale car, comment un parti représenté à l’Assemblée Nationale peut-il aborder, à titre d’exemple, des enjeux d’ordre stratégique et de politique internationale lorsque son financement tient de banques étrangères dont la dépendance politique vis-à-vis du pouvoir de son État est avérée ?
Demain, à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, quelle garantie pourra être donnée aux citoyens afin d’assurer que les positions en terme de politique étrangère des partis français dépendent de l’intérêt national et européen et non de leur financement ?
Le taux d’intérêt d’un emprunt ne saurait être soupçonné d’influencer l’intérêt national.
Un amendement d’appel, signé par 36 de nos collègues a été déposé et défendu dans le cadre du projet de loi de finances rectificative début décembre 2014.
Dans ces conditions, il semble nécessaire que la représentation nationale se saisisse de la question du financement du Front National par le biais de prêts russes, et que le cas échéant, elle en tire toutes les conséquences afin de faire évoluer notre droit. L’esprit des textes doit être respecté. C’est pourquoi, je vous propose d’adopter la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête parlementaire de trente membres visant à l’analyse des pratiques de financement du Front National, après les législatives de 2012, par le biais de prêts d’origine russe. La commission d’enquête pourra avancer des propositions qui amélioreront les dispositifs existants visant à encadrer l’influence de groupes ou de personnes physiques ou morales sur la vie publique et politique.