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N° 2781

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mai 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la lutte contre les trafics de migrants,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie BOYER, Damien ABAD, Élie ABOUD, Sylvain BERRIOS, Marcel BONNOT, Jean-Claude BOUCHET, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Marc-Philippe DAUBRESSE, François de MAZIÈRES, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Laurent FURST, Annie GENEVARD, Guy GEOFFROY, Georges GINESTA, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Michel HEINRICH, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Jacques LAMBLIN, Céleste LETT, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Patrice MARTIN-LALANDE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Axel PONIATOWSKI, Josette PONS, Didier QUENTIN, Jean-Luc REITZER, Paul SALEN, Jean-Marie SERMIER, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY, Michel TERROT, Dominique TIAN, Patrice VERCHÈRE, Michel VOISIN, Marie-Jo ZIMMERMANN, Alain MARLEIX, Philippe MEUNIER et Christophe PRIOU,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

« Tout se vend, tout s’achète » (1) y compris le corps humain.

Depuis de nombreuses années, la France, l’Europe et l’ONU œuvrent dans le même sens pour lutter contre la traite des êtres humains. Ce phénomène mondial n’est plus tolérable et doit être combattu efficacement.

Les Nations Unies estiment à 32 milliards de dollars par an dans le monde, dont 3 milliards pour l’Europe, les profits générés par la traite des êtres humains (2). Au regard de ces chiffres, ce trafic est le troisième le plus lucratif pour les organisations criminelles, après le trafic de stupéfiants et celui des armes.

Du fait de sa position géographique, la France est, aujourd’hui, à la fois un pays recevant des victimes de ces trafics mais aussi un pays de transit.

Ne pas agir c’est devenir complice !

Pendant de trop nombreuses années, notre pays n’a traité ce phénomène que sous l’angle de la prostitution, alors qu’il existe d’autres formes de traite des êtres humains.

La nuit du samedi 18 avril 2015 au dimanche 19 avril 2015 aura été la plus meurtrière de l’histoire de la Méditerranée. Le naufrage d’un bateau de migrants au large de la Sicile aurait entrainé la mort de plus de 800 migrants illégaux, alourdissant, une fois encore, un bilan déjà bien trop important et difficile à évaluer, au vu du nombre d’embarcations de fortune qui partent et dont nous ne connaissons l’existence. Ces immigrés clandestins entrent illégalement sur notre territoire et contournent à la fois nos règles humanistes, comme celles régissant le droit d’asile.

Notre pays se doit de protéger ces milliers de vie en s’attaquant directement à une des « racines » du problème, à savoir les réseaux de ceux qui se font appeler « passeurs ». Il ne fait aucun doute que certains groupes profitent des différents conflits dans le monde, comme en Syrie ou au Mali, pour exploiter la misère humaine.

Combattre ces « passeurs » n’est pas une simple question de sécurité mais doit être un devoir de dignité.

Alors qu’hier ces passeurs étaient des personnes moins organisées, aujourd’hui nous devons faire face à de véritables criminels constitués en réseaux mafieux. Selon, certains témoignages, une traversée de la Méditerranée pour un migrant clandestin peut varier de 3 000 à 7 000 euros par personne, dans des conditions contraires au respect de la dignité humaine. Aussi, nous nous devons de renforcer la lutte contre ces marchands d’esclaves du XXIe siècle.

En droit international, comme national, nous opérons une distinction entre d’un côté la « traite des êtres humains » et de l’autre le « trafic de migrants ». En France, depuis la loi no 2003-239 (3), modifiée par la loi no 2013-711 du 5 août 2013, la traite des êtres humains est définie à l’article 225-4-1 du code pénal comme « le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à sa disposition ou à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. ». La sanction peut s’élever à sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende et à vingt ans de réclusion criminelle et 3 000 000 d’euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

Concernant le trafic de migrants, l’ensemble des règles se trouve dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment dans les articles L. 622-1 et suivants. Au niveau des sanctions, elles sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros et s’élèvent à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque, notamment, les infractions sont commises en bande organisée ou qu’elles ont pour conséquence l’éloignement des mineurs de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel.

Juridiquement, le trafic de migrants est dissocié de la traite des êtres humains, alors que, dans la majorité des cas, ces deux phénomènes sont liés puisque ils s’appuient sur l’exploitation de la mendicité de personnes vulnérables qui tentent de fuir, par tout moyen, leur pays. Dès lors, il faut appliquer les mêmes peines pour ces deux infractions.

Il est donc urgent de renforcer les sanctions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile contre ces « trafiquants-passeurs », avec la même sévérité que pour les trafiquants d’êtres humains, notamment en les considérant comme de véritables criminels, lorsque les infractions prévues par l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :

1° sont commises en bande organisée ;

2° sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

3° ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;

4° sont commises au moyen d'une habilitation ou d'un titre de circulation en zone réservée d'un aérodrome ou d'un port ;

5° ont comme effet, pour des mineurs étrangers, de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel.

Avec cette proposition de loi nous renforcerons la lutte contre les trafics de migrants, en sanctionnant, comme de véritables criminels, ceux qui exploitent la misère humaine. La France, pays des droits de l’Homme et de la dignité humaine, ne sera plus spectatrice de ces véritables drames en se dotant d’outils juridiques plus efficaces qui pourraient se développer au niveau de l’Union Européenne. De ce fait, notre pays pourra agir plus efficacement dans la protection des victimes du trafic d’êtres humains, sans oublier les Français, victimes de cette migration clandestine de masse.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 622-1, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le nombre : « 30 000 » est remplacé par le nombre : « 150 000 » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 622-5, les mots : « dix ans d'emprisonnement et de 750 000 » sont remplacés par les mots : « vingt ans de réclusion criminelle et de 3 000 000°».

(1) Z. Laidi, Les imaginaires de la Mondialisation in colloque « Quel avenir pour la Gauche ? »

(2) Bureau international du travail

(3) Transposition de la directive 2011/36/UE


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