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N° 3047

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 septembre 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir le secret professionnel de l’avocat,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Philippe HOUILLON, Bernard GÉRARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article 2 du code de déontologie des avocats dispose que « L’avocat est le confident nécessaire du client » et ajoute que « Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps. »

Pour autant, la loi et la pratique judiciaire viennent en atténuer sa portée et sa définition alors même que la Cour européenne des droits de l’Homme consacre son caractère d’ordre public, le plaçant même au nombre des droits de la personne humaine et que sa violation est sanctionnée pénalement par l’article 226-13 du code pénal.

Plusieurs exceptions sont prévues par la loi et elles ont tendance à se multiplier :

– L’article 4 du décret du 12 juillet 2005 vise notamment l’obligation de dénonciation faite à l’avocat prévue par la loi de transposition des directives européennes concernant la lutte contre le blanchiment d’argent.

Cet article prévoit aussi que, lorsqu’il est mis en cause par son client, l’avocat peut utiliser des éléments couverts par le secret professionnel pour assurer sa défense et se justifier devant le juge.

– Les articles 56, 56-1 et 57 du code de procédure pénale prévoient que certaines perquisitions peuvent avoir lieu dans le cabinet d’un avocat sur décision du juge d’instruction qui en aura informé le bâtonnier.

– Les articles 100 et suivants du code de procédure pénale régissent les écoutes téléphoniques dans le cadre d’une instruction en matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement, précisant seulement dans son article 100-5 alinéa 3 qu’ « à peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense » ; cette disposition est donc la seule protection apportée aux échanges téléphoniques entre l’avocat et son client, concédant toutefois à l’article article 100-7 alinéa 2 « qu’aucune intervention ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction ».

À l’heure où les conséquences d’une surveillance de masse, décuplée par les nouvelles technologies, se font pressentir il est plus que nécessaire de veiller à encadrer plus précisément les exceptions au secret professionnel de l’avocat qui vise exclusivement à favoriser les relations de confiance avec son client, sans lesquelles il n’est point de défense digne de ce nom.

Il faut garder à l’esprit que le secret professionnel de l’avocat est là pour garantir qu’il défendra son client avec diligence, et ce, quoiqu’il ait pu faire, sans jamais devenir son complice.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi qui vise à encadrer les perquisitions et les écoutes téléphoniques de garanties suffisantes pour protéger les relations des clients et des avocats sans lesquelles il n’est pas de défense possible.

La protection du secret confié par le client à son avocat est une norme européenne d’ordre public, mais c’est surtout une valeur fondamentale de notre société.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le premier alinéa de l’article 100 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications par un avocat ne peuvent être prescrites qu’après autorisation du juge des libertés saisi sur requête et lorsque, préalablement à la décision, des indices graves et concordants laissent présumer que l’avocat participe ou a participé à la commission d’un crime ou d’un délit. »

Article 2

L’article 100-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La décision d’interception de correspondances émises par la voie des télécommunications par un avocat est prise pour une durée de deux mois. Elle ne peut être renouvelée qu’une fois pour la même durée par le juge des libertés et de la détention par décision spécialement motivée. Le bâtonnier est entendu lors de l’audience de renouvellement de la décision d’interception et peut donner son avis sur les transcriptions des interceptions déjà réalisées. »

Article 3

Le troisième alinéa de l’article 100-5 du même code est ainsi rédigé :

« À peine de nullité, seules les conversations faisant présumer la participation de l’avocat à un crime ou à un délit peuvent être transcrites. À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense ou celles d’un bâtonnier dans l’exercice de sa fonction ou relevant de l’exercice des droits de la défense. »

Article 4

Le deuxième alinéa de l’article 100-7 du même code est ainsi rédigé :

« Parce que le secret professionnel de l’avocat est absolu, aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne professionnelle ou privée d’un avocat sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction. En cas d’interception sur une ligne professionnelle ou privée du bâtonnier en exercice, le juge d’instruction en informe le bâtonnier le plus ancien membre du Conseil de l’ordre ou, s’il n’y en a pas, le membre le plus ancien du conseil de l’ordre. »

Article 5

Après le troisième alinéa de l’article 56-1 du même code sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’avocat dont le cabinet fait l’objet d’une perquisition a la faculté de contester la saisie d’un document s’il estime que cette saisie ne respecte pas le secret professionnel au sens du troisième alinéa l’article 56 du code de procédure pénale. Cette contestation fait l’objet d’un procès-verbal transmis sans délai au juge des libertés et de la détention dans les mêmes formes que celles prévues à l’alinéa précédent.

« Le bâtonnier ou son délégué et l’avocat ayant fait l’objet de cette mesure sont avisés de la saisine du juge des libertés et de la détention. Ceux-ci ont la possibilité de consulter le dossier de l’enquête ou de l’instruction transmis au juge des libertés et de la détention et au greffe de celui-ci dans un délai raisonnable, avant l’audience du juge des libertés et de la détention statuant sur la contestation »

Article 6

Le quatrième alinéa du même article est complété par les mots : « susceptible de recours ».

Article 7

Le dernier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les formalités mentionnées aux alinéas ci-dessus sont prescrites à peine de nullité ».


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