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N° 3137

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2015.

PROPOSITION DE LOI

relative à la protection des salariés ayant intenté
une action en justice à l’encontre de tout membre
de leur entreprise, société ou groupe,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement

présentée par Mesdames et Messieurs

André CHASSAIGNE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pour les salariés toujours en poste, trop souvent la saisine du conseil des prud’hommes est synonyme de représailles, les mesures de rétorsion pouvant aller de la « mise au placard » jusqu’au licenciement.

Pour preuve, le nombre d’affaires traitées devant les conseils des prud’hommes, à l’initiative de salariés encore présents dans l’entreprise, est inférieur à 5 %.

Les juges ont à connaître d’affaires dans lesquelles des employeurs ont pris des sanctions à l’encontre des salariés qui agissent en justice pendant l’exécution de leur contrat de travail pour faire valoir leurs droits. D’ailleurs, la jurisprudence a évolué en la matière. Voici trois exemples de décision de justice sanctionnant ces employeurs :

1 – Le 11 juin 2009, onze salariés saisissaient le conseil des prud’hommes d’Avignon afin de faire requalifier leur contrat à durée déterminée en durée indéterminée. Sept d’entre eux recevaient, par voie d’huissier, une notification les informant de la rupture de leurs relations contractuelles avec l’employeur.

2 – Le 20 octobre 2010, la Cour de cassation a censuré une cour d’appel qui avait débouté une salariée de sa demande d’annulation de licenciement, licenciement intervenu suite à une saisie du conseil des prud’hommes.

3 – Le 6 février 2013, la Cour de cassation s’est prononcée sur la protection à accorder aux salariés usant de leur droit d’agir. Le droit d’agir du salarié devient un droit fondamental ne pouvant entraîner aucune sanction de la part de l’employeur, imposant à ce dernier d’apporter la preuve du bien-fondé du licenciement.

Le code du travail garantit le droit aux salarié(e)s de se présenter aux élections professionnelles, de prendre des responsabilités syndicales, de lutter contre toute discrimination, cependant rien ne figure pour garantir, à tout salarié, le droit d’agir en justice.

Aussi, cette proposition de loi vise à garantir le droit à la justice à tout salarié, sans représailles, ni qu’aucune rétorsion ou licenciement abusif ne soit pris à leur encontre.

Concernant les tentatives de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée qui se multiplient, pour grand nombre d’entre elles, le salarié n’a plus de relation contractuelle avec l’employeur lors du passage devant le conseil des prud’hommes.

Au regard des éléments évoqués plus haut, cette proposition de loi n’a pas vocation à interdire les licenciements ou les fins programmées de contrat à durée déterminée, mais elle doit garantir un droit fondamental à tout salarié, celui d’agir.

Elle doit instaurer un garde-fou veillant à ce que les motifs reprochés aux justiciables ne soient pas fallacieux et basés sur l’action en justice menée à l’encontre de l’employeur.

La loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 protège les personnes ayant relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à leur employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement dont elles auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

À l’image de cette loi, il faut protéger le droit des salariés à agir en justice contre leur employeur. En cas contraire, l’entreprise deviendrait une zone de non droit, chaque salarié étant condamné à attendre son licenciement pour réclamer ses droits.

C’est d’autant plus important que la loi de « sécurisation de l’emploi » a considérablement raccourci les délais de prescription. Si le législateur n’affirme pas fermement que le salarié est protégé quand il agit en justice alors que son contrat de travail est en cours, cela signifie qu’un employeur qui ne paierait pas l’intégralité des salaires dus serait automatiquement amnistié tous les trois ans.

Dans cette optique, le code du travail doit se doter d’un article unique visant à protéger tout salarié estant en justice de sanctions motivées par cette action qui pourraient être prises à son encontre.

Ainsi, se basant notamment sur l’arrêt de la Cour de cassation, en date du 6 février 2013, cette proposition de loi vise à ce que toute rupture de contrat de travail, toute sanction prise à l’encontre d’un salarié ne doit pas être motivée par l’action en justice de ce dernier et ne doit pas créer une situation matérielle et financière entravant le justiciable dans son action.

L’article unique, inséré après l’article L. 1132-3-3 du code du travail tend à exclure du licenciement tout salarié ayant intenté une action en justice, liée à son activité professionnelle, à l’encontre de son employeur ou tout membre de l’entreprise, société, groupe dans lequel il exerce, tout motif basé sur cette même action.

Également, il vise à protéger l’ensemble des salariés qui seraient susceptibles de produire des preuves ou témoignages lors de la procédure judiciaire.

Il vise ainsi à apporter une protection permettant l’accès libre à la justice, libérant les parties demanderesses de toute entrave professionnelle uniquement motivée par la mise en œuvre de ladite procédure.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1132-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1132-5. – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distributions d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de l’accomplissement d’une démarche d’information, de revendication ou de réclamation auprès de l’administration du travail, de l’inspection du travail, d’une organisation syndicale, pour avoir agi ou témoigné en justice. »


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