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N° 3702

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 avril 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer les contrôles à l’encontre du travail détaché
dans le secteur du bâtiment,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alain CHRÉTIEN, Bruno LE MAIRE, Luc CHATEL, Éric STRAUMANN, Philippe GOSSELIN, Sophie ROHFRITSCH, Jacques MYARD, Édouard COURTIAL, Jean-Pierre DOOR, Guillaume CHEVROLLIER, Damien ABAD, Marie-Jo ZIMMERMANN, Nicolas DHUICQ, Philippe LE RAY, Marc FRANCINA, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Philippe VITEL, Patrick HETZEL, Laurent FURST, Didier QUENTIN, Jacques PÉLISSARD, Olivier MARLEIX, Marcel BONNOT, Franck RIESTER, Arlette GROSSKOST, Arnaud VIALA, Michel HEINRICH, Éric WOERTH, Frédéric REISS, Virginie DUBY-MULLER, Paul SALEN, Dominique NACHURY, Marc-Philippe DAUBRESSE, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Pierre VIGIER, Lionnel LUCA, Jean-Pierre DECOOL, Laurence ARRIBAGÉ, Michel SORDI, Yannick MOREAU, Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard PERRUT, Rémi DELATTE, Michel HERBILLON, Damien MESLOT, Annie GENEVARD, Gérard MENUEL, Lionel TARDY, Laure de LA RAUDIÈRE, Jean-Claude BOUCHET, Jean-Luc REITZER, Alain MARLEIX, Marie-Christine DALLOZ, Guy TEISSIER, Véronique LOUWAGIE, Olivier DASSAULT, Daniel FASQUELLE, Guy GEOFFROY et Marc LE FUR,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le bâtiment représente un secteur essentiel de l’économie française. Il représente à lui seul 5 % du produit intérieur brut (PIB) français et 8 % si l’on inclut la filière construction. La croissance de l’activité du bâtiment a des conséquences rapides et directes sur l’emploi, en particulier peu qualifié (le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) emploie 25 % des apprentis). C’est également un secteur qui participe au maintien de l’emploi sur tout le territoire.

Toutefois, depuis 2008, le secteur du bâtiment connaît un ralentissement d’activité important et les difficultés rencontrées ont des répercussions directes sur l’ensemble de notre économie : l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) avait estimé que la chute des mises en chantier de logements neufs entre juillet 2013 et juillet 2014 avait fait chuter la croissance de 0,4 point. Pire, ce secteur connaît une baisse d’activité croissante : de - 1 % en 2012, de près de - 3 % en 2013 et de - 4,3 % en 2014 (au lieu des - 0,4 % attendus fin 2013). Ce mouvement s’est amplifié en 2015 avec la suppression de 36 100 postes de travail. Seule perspective positive, l’accélération des ventes de logements neufs depuis le début de l’année 2016 mais qui faisait suite à plusieurs années consécutives de recul du nombre de logements neufs mis en chantier.

Il a résulté de ces dernières années difficiles une sérieuse dégradation des trésoreries des TPE et PME du secteur et des conséquences en termes de suppression d’emploi. Si ces difficultés s’expliquent en partie par des raisons conjoncturelles, elles sont amplifiées par le manque de confiance des acteurs économiques face à une législation compliquée, qui évolue sans cesse.

Augmentation de la TVA au 1er janvier 2014 (passage du taux normal de 19,6 % à 20 %, et du taux intermédiaire de 7 % à 10 %), suppression du PTZ+ sur l’ancien, durcissement des conditions d’accès au PTZ+ sur le neuf, suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de l’exonération sur les terrains à bâtir au bout de trente ans. Autant de mesures qui ont découragé l’investissement des ménages, pèsent sur les entreprises et freinent la reprise de l’activité du bâtiment.

Face à une telle situation, le Gouvernement a présenté plusieurs mesures en 2014, destinées à enrayer un cycle baissier et relancer le secteur : préfinancement à taux zéro des remboursements versés par l’État au titre du Fonds de compensation pour la TVA et prorogation jusqu’à la fin 2016 du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

Néanmoins ces mesures ne suffisent pas à masquer d’autres mesures telles que la mise en œuvre d’obligations supplémentaires pesant sur les TPE de moins de 11 salariés avec la création de commissions paritaires régionales prévue à l’article 1er du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi ou la mise en place du compte pénibilité au 1er janvier 2016. La récente suppression de la fiche individuelle de prévention a heureusement atténué les inquiétudes des artisans. Toutefois, le projet de loi « El-Khomri » n’est pas de nature à les rassurer, notamment avec le « compte personnel d’activité », et ce alors même que la mise en œuvre des derniers dispositifs restent d’une grande complexité pour toutes les entreprises du secteur. La traduction législative des référentiels de branche sera cruciale pour sécuriser les entreprises du secteur.

La concurrence des travailleurs détachés est l’une des problématiques du secteur du bâtiment. À l’heure des licenciements massifs dans ce secteur s’ajoute la concurrence déloyale des travailleurs détachés, dont les employeurs payent les cotisations sociales dans le pays d’origine. Les entreprises françaises sont ainsi confrontées à la concurrence d’entreprises intra-européennes, proposant des tarifs très bas car n’étant pas assujetties aux mêmes règlementations fiscale et sociale. Ainsi, selon un rapport du Sénat de 2013, un travailleur détaché polonais revient en moyenne 30 % moins cher qu’un travailleur non détaché. Cette problématique, initialement située dans les zones frontalières, s’est amplifiée (+ 8% en 2014). 230 000 travailleurs détachés seraient déclarés en France (dont 35 % à 45 % dans le secteur du bâtiment), représentant 42 000 emplois à temps plein.

Un rapport de la Cour des comptes de septembre 2014 chiffre la perte de recettes ainsi induite pour la sécurité sociale à 400 millions d’euros, dans le cas où ces emplois seraient occupés par des travailleurs non-détachés payés au SMIC. Un rapport du Sénat estime qu’à ces travailleurs s’ajoutent environ 200 000 travailleurs en situation illégale. Ce recours à une main-d’œuvre bon marché s’accompagne souvent de violations de la législation du travail française. Ces fraudes « s’accompagnent souvent d’irrégularités très graves concernant un nombre important de travailleurs détachés (rémunération très inférieure au SMIC, dépassement des durées quotidienne et hebdomadaire maximales, non-respect des règles d’hygiène et de sécurité, hébergement indigne) » (1).

Plusieurs mesures ont été engagées par le Gouvernement pour lutter contre les dérives du travail détaché non déclaré. En octobre 2014, le ministre du travail avait annoncé des contrôles renforcés sur les chantiers, à l’aide d’un redéploiement de 175 inspecteurs du travail et la mise en place d’une carte d’identité professionnelle obligatoire dans le secteur du bâtiment.

Dans la continuité de ces mesures, l’article 96 de la loi pour la croissance et l’activité dite « Macron » stipule que, s’il constate une infraction commise par un employeur basé à l’étranger concernant le salaire minimum légal, la durée quotidienne ou hebdomadaire maximale, et les conditions de vie ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, l’agent de contrôle de l’inspection du travail doit enjoindre l’employeur à régulariser la situation.

Cette procédure peut conduire, à défaut de régularisation, à la suspension de la réalisation de la prestation de services, c’est-à-dire à l’arrêt temporaire du chantier par l’autorité administrative.

L’article 97 de la loi Macron rend obligatoire la carte d’identification professionnelle sur les chantiers pour faciliter les contrôles et lutter plus efficacement contre le travail illégal. Une amende administrative est mise en œuvre contre un employeur n’ayant pas déclaré ses travailleurs détachés après constatation de l’infraction par un agent de contrôle de l’inspection du travail ou d’un agent des douanes, en cas de défaut de déclaration dans le cadre de l’établissement d’une carte d’identification professionnelle

Compte tenu de l’ampleur prise au cours des dernières années par les pratiques frauduleuses en matière de détachement, et des conditions de travail indignes auxquelles elles peuvent aboutir - situations parfois connues mais difficiles à contrôler par manque de moyens -, il importe d’employer les ressources des douanes, comme cela se pratique dans d’autres pays européens, en raison de leurs compétences propres. En effet, les agents des douanes interviennent dans un cadre temporel et avec des moyens différents de ceux des agents de l’inspection du travail. Ils peuvent ainsi agir de façon complémentaire à ceux-ci, en effectuant des contrôles par exemple pendant les jours de repos hebdomadaire, notamment le samedi.

C’est pourquoi il convient de leur donner le pouvoir de faire les mêmes constats que les agents de contrôle de l’inspection du travail, concernant les conditions de travail fondamentales des salariés détachés.

Le 12 février 2015, le Premier ministre et le ministre du travail ont annoncé la mobilisation de l’ensemble des services de contrôle, « y compris les douanes ». Il convient désormais d’engager une réflexion pour une mise en œuvre rapide de cette mesure. C’est l’objet de la présente proposition de loi, qui vise à associer les services des douanes à l’effectivité des contrôles.

L’article 1er vise à associer les agents de contrôle des douanes à l’inspection du travail dans les cas de constatation de manquement grave, commis par un employeur établi hors de France qui détache des salariés sur le territoire national.

L’article 2 invite l’inspection du travail à se concerter avec les agents de contrôle des douanes pour élaborer le rapport motivé en cas de non-respect par l’employeur de la décision administrative mentionnée à l’article L. 1263-4 du code du travail. C’est sur la base de ce rapport que l’autorité administrative compétente peut prononcer une amende administrative.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au premier alinéa de l’article L. 1263–3 du code du travail après la référence : « L. 8112-5 », sont insérés les mots : « ou un agent des douanes mentionné au 3° de l’article L. 8271-1-2 ».

Article 2

Le premier alinéa de l’article L. 1263-6 du même code est complété par les mots : « , après concertation avec les services des douanes mentionnés au 3° de l’article L. 8271-1-2 ».

1 () Rapport de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal du 12 février 2015.


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