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N° 4023

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er septembre 2016.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à créer une commission d’enquête sur les conséquences de l’automatisation sur le marché de l’emploi,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Frédéric LEFEBVRE, Luc BELOT et Philippe VIGIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’automatisation des emplois est aujourd’hui cruciale pour nos économies, elle est vouée à modifier le travail et la forme qu’il prend et à avoir un impact sur les emplois dans notre économie. La question est de savoir si cette automatisation va être bénéfique ou non pour notre économie ? Si elle va déboucher sur une augmentation des emplois ou au contraire une diminution de ceux-ci ? Si cela va améliorer nos conditions de travail, les rendre plus sûres et moins pénibles ?

L’automatisation touche toutes les branches professionnelles. Si au siècle précédent elle s’intéressait essentiellement au domaine industriel, elle concerne de nos jours aussi le secteur des services. Ce qui a un impact des plus important sur l’économie française qui a un produit intérieur brut (PIB) composé de près de 80 % de services (source : Banque mondiale).

L’automatisation des emplois touche tous les domaines du travail sans exception et dans leur étude sur l’automatisation des emplois, (The Future of Employment : How susceptible are jobs to computerisation ?), Frey et Osborne considèrent qu’aux USA 47 % des emplois seront automatisables dans dix à vingt ans.

En France, une étude de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur l’automatisation considère que plus ou moins 8 % des emplois pourraient être supprimés en raison de l’automatisation du travail. Cette source de chômage est appelée par Keynes le chômage technologique.

Le numérique prend de plus en plus de place dans l’économie française, il représente actuellement 5,5 % du PIB français et il serait même créateur d’emplois, 700 000 en quinze ans (source : étude du cabinet McKinsey).

L’évolution du numérique et de l’automatisation des emplois tend à polariser le travail avec un schisme entre travail qualifié et travail non-qualifié. De nombreuses tâches peuvent être réalisées par des machines diminuant ainsi la demande de travailleurs aux compétences intermédiaires.

D’après l’OCDE, dans l’Union européenne entre 2002 et 2014, la part d’emplois « intermédiaires », « routiniers » aurait diminué de 8 % à 9 %. Mais en contrepartie, cela accroît la demande en main-d’œuvre hautement qualifiée et non répétitive ainsi que des emplois peu qualifiés mais non répétitifs (secteur de l’aide à la personne) qui est difficile à automatiser.

Pour l’OCDE, une grande part des emplois ne risque pas une automatisation complète avec 50 % à 70 % des tâches automatisables, ce qui ne détruit pas les emplois mais les modifie entièrement.

Le chômage technologique de masse est à écarter car le secteur des technologies de l’information et de la communication est créateur d’emplois (mais moins qu’il en détruit) et il est susceptible de créer de nouveaux emplois suite au développement de ces nouvelles technologies.

Mais l’automatisation des emplois a pour risque d’engendrer des suppressions d’emplois et modifiera des structures de certaines professions. Ceci devrait polariser le marché du travail et conduire de nombreux travailleurs à changer de secteur. Cette polarisation risque de coincer les salariés entre des emplois peu qualifiés et mal rémunérés. De plus, les théories énonçant que la robotisation des emplois serait créatrice d’emplois peuvent être remises en doute par le phénomène de robolution.

La Commission européenne dans un baromètre a montré en 2012 que 75 % des Français pensent que les robots remplaceront les hommes et finiront par leur « voler » leurs emplois. Mais 90 % des Français sont aussi convaincus de l’utilité de ces robots, notamment pour les tâches dangereuses ou pénibles. Ce baromètre montre que la position de la société civile française est encore partagée dans le domaine de la robotisation des emplois.

Si les Français sont conscients des bénéfices que peut apporter une certaine automatisation des emplois, la question est de savoir comment est préparée cette transition.

Dans un référé de février 2016 sur le thème des transports intelligents, la Cour des comptes notifie au Premier ministre sa vision quant à l’évolution, les objectifs, les avancées dans ce domaine. Ce référé se concentre sur les voitures autonomes ainsi que sur l’ouverture des données (Open Data) dans le domaine des transports. La Cour des comptes a formulé quatre recommandations à destination du Premier ministre :

1 – Désigner un chef de file des transports intelligents qui coordonnerait l’action de l’État afin d’avoir une action plus réactive et efficace ;

2 – Favoriser l’égalité d’accès aux transports et consolider l’ouverture des données. La politique d’ouverture des données est en France en retard notamment à Paris (d’après un travail universitaire récent [2013 : “Open data en transport urbain”] qui compare différentes capitales) ;

3 – Autoriser les essais de véhicules autonomes sur la voie publique, c’est-à-dire assouplir la réglementation dans ce domaine et notamment faire évoluer la Convention de Vienne qui impose à tous les véhicules d’avoir un conducteur ;

4 – Inclure les véhicules autonomes dans le fret améliorant ainsi la productivité des ports, notamment le Havre (une marchandise met 48 heures pour aller du Havre à Paris).

Les véhicules autonomes sont des exemples principaux de l’automatisation du travail qui est en train de révolutionner nos économies et c’est pour cela que la Cour des comptes s’est interrogée sur ce sujet. Néanmoins, cette automatisation pose la question des emplois, si les véhicules autonomes pourront être utilisés dans tous les domaines du transport (particulier et professionnel) et qu’il est plus sûr et plus efficace, combien d’emplois va t-il détruire et que vont devenir les taxis, les chauffeurs privés, les transporteurs de poids lourds etc… ?

Le domaine des véhicules autonomes est certes une avancée pour notre économie, visant à la rendre plus efficace face aux concurrents, mais ce domaine sera dans le futur sûrement créateur de chômage.

En France, le chômage touche prioritairement les emplois non-qualifiés (19,5 % des chômeurs en 2014 étaient des ouvriers non qualifiés). Ceci trouve sa cause notamment dans la robotisation de l’industrie.

Les différentes lois économiques de ces deux dernières années (Loi Macron et El-Khomri) cherchent à rendre notre économie plus efficace et plus compétitive face à nos voisins européens.

Ces différents projets de lois ne remettent pas en cause l’automatisation des emplois qui est un facteur important du chômage, mais cherchent à réduire l’imposition sur les entreprises et les contraintes qu’elles supportent.

Le défi français consiste à réformer le système pour trouver le bon dosage entre flexibilité et sécurité. Afin que l’automatisation de l’emploi, à travers le progrès technologique, ne soit pas entravée, mais qu’elle soit mise en place sans générer des phénomènes d’inégalité ou d’exclusion sociale avec un chômage trop important, qui ne serait pas bénéfique pour l’État.

C’est pourquoi la présente proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête parlementaire sur les conséquences de l’automatisation sur le marché de l’emploi.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement, il est créé une commission d’enquête de trente membres sur les conséquences de l’automatisation sur le marché de l’emploi.


© Assemblée nationale