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N° 4344

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2016.

PROPOSITION DE LOI

relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Olivier FAURE, Dominique POTIER, Frédérique MASSAT, Jean-Michel CLÉMENT, Germinal PEIRO, Yves DANIEL, Jean-Luc BLEUNVEN, Hervé PELLOIS, Gilles SAVARY, Sébastien DENAJA, Romain COLAS, Sophie ERRANTE, Sandrine MAZETIER, Christian PAUL, Christophe CASTANER, Éric ALAUZET, Paul MOLAC, François-Michel LAMBERT, Annick LE LOCH, Serge BARDY, Karine DANIEL, Florent BOUDIE, Isabelle BRUNEAU, Audrey LINKENHELD, Marie-Lou MARCEL, Frédéric ROIG, Philippe BAUMEL et les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain (1) et apparentés (2),

députés.

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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Ibrahim Aboubacar, Patricia Adam, Sylviane Alaux, Éric Alauzet, Jean-Pierre Allossery, François André, Nathalie Appéré, Kader Arif, Christian Assaf, Pierre Aylagas, Alexis Bachelay, Guillaume Bachelay, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Guy Bailliart, Alain Ballay, Gérard Bapt, Frédéric Barbier, Serge Bardy, Claude Bartolone, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Laurent Baumel, Philippe Baumel, Nicolas Bays, Catherine Beaubatie, Jean-Marie Beffara, Luc Belot, Karine Berger, Gisèle Biémouret, Philippe Bies, Erwann Binet, Jean-Pierre Blazy, Yves Blein, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Christophe Borgel, Florent Boudie, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Brigitte Bourguignon, Malek Boutih, Kheira Bouziane, Emeric Bréhier, Jean-Louis Bricout, Jean-Jacques Bridey, Isabelle Bruneau, Sabine Buis, Jean-Claude Buisine, Sylviane Bulteau, Vincent Burroni, Alain Calmette, Jean-Christophe Cambadélis, Colette Capdevielle, Yann Capet, Christophe Caresche, Marie-Arlette Carlotti, Martine Carrillon-Couvreur, Christophe Castaner, Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Christophe Cavard Nathalie Chabanne, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Marie-Anne Chapdelaine, Guy-Michel Chauveau, Pascal Cherki, Jean-David Ciot, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Romain Colas, David Comet, Philip Cordery, Valérie Corre, Jean-Jacques Cottel, Catherine Coutelle, Jacques Cresta, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Seybah Dagoma, Karine Daniel, Yves Daniel, Carlos Da Silva, Pascal Deguilhem, Florence Delaunay, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Carole Delga, Jacques Dellerie, Pascal Demarthe, Sébastien Denaja, Françoise Descamps-Crosnier, Jean-Louis Destans, Michel Destot, Fanny Dombre-Coste, René Dosière, Philippe Doucet, Sandrine Doucet, Françoise Dubois, Jean-Pierre Dufau, Anne-Lise Dufour-Tonini, Françoise Dumas, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Éric Elkouby, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Sophie Errante, Marie-Hélène Fabre, Alain Fauré, Martine Faure, Olivier Faure, Hervé Féron, Richard Ferrand, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Hugues Fourage, Jean-Marc Fournel, Valérie Fourneyron, Michèle Fournier-Armand, Michel Françaix, Christian Franqueville, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Guillaume Garot, Renaud Gauquelin, Jean-Marc Germain, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Geneviève Gosselin-Fleury, Pascale Got, Marc Goua, Linda Gourjade, Laurent Grandguillaume, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, Chantal Guittet, David Habib, Razzy Hammadi, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Joëlle Huillier, Monique Iborra, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Romain Joron, Régis Juanico, Laurent Kalinowski, Marietta Karamanli, Philippe Kemel, Chaynesse Khirouni, Bernadette Laclais, Conchita Lacuey, François-Michel Lambert, François Lamy, Anne-Christine Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Pierre-Yves Le Borgn’, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Anne-Yvonne Le Dain, Jean-Yves Le Déaut, Viviane Le Dissez, Annie Le Houerou, Annick Le Loch, Jean-Pierre Le Roch, Bruno Le Roux, Marie-Thérèse Le Roy, Marie Le Vern, Marylise Lebranchu, Michel Lefait, Dominique Lefebvre, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Christophe Léonard, Annick Lepetit, Arnaud Leroy, Michel Lesage, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, Audrey Linkenheld, François Loncle, Lucette Lousteau, Victorin Lurel, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Véronique Massonneau, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Patrick Mennucci, Kléber Mesquida, Pierre-Alain Muet, Philippe Naillet, Philippe Nauche, Nathalie Nieson, Robert Olive, Maud Olivier, Monique Orphé, Michel Pajon, Luce Pane, George Pau-Langevin, Christian Paul, Rémi Pauvros, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Sébastien Pietrasanta, Christine Pires Beaune, Philippe Plisson, Elisabeth Pochon, Pascal Popelin, Dominique Potier, Michel Pouzol, Régine Povéda, Christophe Premat, Joaquim Pueyo, François Pupponi, Catherine Quéré, Valérie Rabault, Monique Rabin, Dominique Raimbourg, Marie Récalde, Marie-Line Reynaud, Pierre Ribeaud, Eduardo Rihan Cypel, Denys Robiliard, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Frédéric Roig, Barbara Romagnan, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, François de Rugy, Béatrice Santais, Odile Saugues, Gilbert Sauvan, Gilles Savary, Gérard Sebaoun, Julie Sommaruga, Suzanne Tallard, Pascal Terrasse, Sylvie Tolmont, Jean-Louis Touraine, Stéphane Travert, Catherine Troallic, Cécile Untermaier, Daniel Vaillant, Jacques Valax, Michel Vauzelle, Fabrice Verdier, Michel Vergnier, Patrick Vignal, Jean-Michel Villaumé, Jean-Jacques Vlody et Paola Zanetti.

(2) Marie-Françoise Bechtel, Chantal Berthelot, Jean-Luc Bleunven, Yves Goasdoué, Edith Gueugneau, Christian Hutin, Jean-Luc Laurent, Serge Letchimy, Gabrielle Louis-Carabin, Paul Molac, Hervé Pellois, Napole Polutélé et Boinali Said.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le renouvellement des générations dans l’agriculture ainsi que la transition vers l’agro-écologie sont une des conditions sine qua non pour assurer la sécurité et la qualité de notre alimentation, produire de la valeur ajoutée économique et environnementale, aménager l’ensemble du territoire.

Cette priorité nationale repose en premier lieu sur un outil majeur, la régulation du marché foncier. Les règles qui le régissent doivent rendre possible la liberté d’entreprendre « pour tous » et garantir l’usage du foncier comme celui d’un bien commun dans la durée. Une politique des structures responsable doit privilégier le facteur humain au jeu des capitaux, favoriser la diversité au détriment des monopoles. C’est le sens du « pacte foncier » qui depuis les années 60 établit un équilibre entre la propriété et le travail et unit la France à son terroir.

Depuis une décennie, une « libéralisation » du marché foncier est à l’œuvre dans notre pays. Elle est fondée sur la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, un relâchement du contrôle des structures, des brèches législatives ouvertes en 2006 et l’arrivée de fonds spéculatifs à partir de 2008.

Aujourd’hui, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et la nouvelle PAC (aides différenciées et ciblées) créent une nouvelle donne : modernisation du contrôle des structures, détection de montages abusifs et renforcement du rôle des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER).

Mais à côté de ces mesures positives, force est de constater que des brèches restent béantes !

C’est notamment le cas du détournement du travail à façon. Continuer « artificiellement » son activité au-delà de sa retraite a pour effet d’interdire l’installation au bénéfice de concentrations sans limites. Autre angle mort : le phénomène sociétaire qui permet l’absorption d’exploitation sous prétexte d’association.

Minoritaires aujourd’hui, limitées aux espaces à forts enjeux (haute valeur ajoutée, zones frontalières ou périurbaines), ces dérives risquent de devenir exponentielles et ont d’ores et déjà un effet sur le coût du foncier.

Fermer les yeux sur ce phénomène serait faire preuve d’une terrible hypocrisie. Insidieusement l’enrichissement de quelques-uns se traduit par un appauvrissement collectif.

Les spécialisations excessives qui en découlent ont des effets négatifs sur le plan agronomique. Pas d’agro-écologie sans « relève ». Pas de « relève » sans politique foncière juste.

Il est urgent de réagir par :

- une clarification des choix professionnels pour protéger un atout compétitif et éthique de l’agriculture française ;

- une mobilisation des territoires. Au-delà de la lutte contre l’artificialisation des terres, la question de son partage intéresse les collectivités et les citoyens sur le plan social, économique et environnemental ;

- au-delà des verrous législatifs actuels, nous devons, sans tabous, remettre le « travail sur l’ouvrage ». L’enjeu justifie que le levier de la PAC comme celui du statut de l’actif agricole soient explorés de façon radicale.

Nous avons besoin d’outils nouveaux et surtout d’une boussole. Contrairement aux autres politiques publiques, aux choix de filières, le foncier est une politique « mère » par son caractère quasi irréversible. Renoncer aux régulations ou les réinventer, nous avons un devoir de vérité : ici comme dans les pays du Sud, choisir entre l’accaparement des terres et une renaissance rurale.

Cette attente partagée au sein de la société civile et par les responsables politiques fait écho à l’émotion suscitée par l’affaire des investisseurs chinois dans l’Indre. Mais plus largement, elle participe d’une prise de conscience sur le besoin de reconsidérer l’usage des sols à l’aune de la COP21.

C’est ainsi que dès 2013, le dépôt d’une proposition de loi visant au renforcement des outils de gestion du foncier agricole a inspiré le volet foncier de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

La présente proposition de loi vise, dans son titre Ier, à lutter contre les abus du système sociétaire lorsque celui-ci cherche à contourner la politique des structures. Elle reprend précisément les dispositions introduites dans la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « loi Sapin 2 ») par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale et enrichies lors des navettes avec le Sénat.

Fruit d’une large concertation avec les forces syndicales dans leur diversité, ces dispositions élaborées avec le concours du gouvernement faisaient l’objet le 14 septembre 2016 d’un accord complet avec le rapporteur pour avis au Sénat lors de l’examen en commission mixte paritaire. Celle-ci qui n’a pas abouti en raison de désaccords sur d’autres sujets cruciaux. Néanmoins, c’est à l’unanimité que les dispositions sur le foncier agricole ont été adoptées définitivement en nouvelle lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Ces dispositions ont été censurées par le Conseil Constitutionnel qui a considéré qu’elles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi initial (« cavalier législatif »).

Les trois premiers articles de la présente loi répondent à un besoin de transparence du marché foncier agricole français et de réponse aux contournements, par des montages sociétaires, de l’action des SAFER.

Ainsi l’article 1er reprend le dispositif de l’article 90 de la loi Sapin 2 : il prévoit que l’acquisition de foncier agricole se fasse par l’intermédiaire d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole. Cette obligation est proportionnée puisqu’elle ne s’impose qu’aux acquisitions futures et aux propriétés dont la surface est supérieure aux seuils prévus par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Elle ne s’impose pas aux sociétés ou associations dont l’objet est par nature la propriété agricole, ni aux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), ni aux entreprises agricoles à responsabilité limitée (EARL).

L’article 2 reprend le dispositif de l’article 88 de la loi Sapin 2. Il permet aux SAFER de pouvoir acquérir, à l’amiable, les parts de groupements fonciers agricoles ou ruraux au-delà de la limite actuelle de 30 % du capital de ces sociétés agricoles. Les SAFER peuvent ainsi potentiellement acquérir la totalité de ces parts.

L’article 3 reprend le dispositif de l’article 91 de la loi Sapin 2. Il donne aux SAFER la capacité d’exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle de parts ou d’actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société. Cette extension du droit de préemption est limitée aux cas où il s’agit d’installer des agriculteurs, de maintenir des exploitations agricoles ou de les consolider.

L’article 4 reprend le dispositif de l’article 87 de la loi Sapin 2. Il encadre le mécanisme d’apport en société portant sur des immeubles agricoles en créant une obligation de conservation durant 5 ans des droits sociaux correspondant à l’apport en société de biens immobiliers agricoles. Cet article permet de s’assurer que l’acquisition de parts est un engagement de long terme et non un montage juridique aux finalités spéculatives.

L’article 5 représente le dispositif de l’article 89 de la loi Sapin 2. Afin de rétrocéder les droits sociaux acquis, il permet aux SAFER de maintenir leur participation au capital d’une société de personnes jusqu’à 5 ans.

L’article 6 reprend le dispositif de l’article 92 de la loi Sapin 2. Il précise et rend permanent le barème indicatif de la valeur vénale des terres agricoles qui est aujourd’hui le barème de facto utilisé. Le répertoire de la valeur des terres agricoles pourtant prévu au code rural et de la pêche maritime n’a jamais été mis en place ; il est supprimé.

L’article 7 reprend le dispositif de l’article 93 de la loi Sapin 2. Il modifie le régime de concession temporaire de terres à usage agricole en assouplissant la durée de préavis d’un an avant la fin de la concession. Il lève ainsi un frein pour certaines collectivités territoriales qui souhaiteraient concéder des terres agricoles.

L’article 11 compense la potentielle charge induite par le titre Ier de la proposition de loi en créant une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). Il répond à un même souci de lutte contre l’artificialisation des terres, du fait notamment du développement de grandes surfaces commerciales au détriment des surfaces agricoles.

Au final, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et les différentes initiatives législatives - qu’elles soient d’origine parlementaire ou gouvernementale - inaugurent un nouveau cycle législatif visant à rétablir des régulations du marché foncier.

Néanmoins, face au phénomène mondial de l’accaparement des terres, il sera indispensable d’élaborer dans la prochaine législature une grande loi foncière. C’est un des enseignements majeurs récemment apporté par la prospective Agrimonde - Terra Inra Cirad sur l’usage des terres et la sécurité alimentaire avec l’enjeu crucial de nourrir 9 à 10 milliards d’êtres humains en 2050. C’était la conviction profonde d’Edgar Pisani : « Le monde aura besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde ».

Pour y parvenir, un autre levier majeur est celui de la transition vers des systèmes d’agriculture et d’élevage plus agro-écologiques.

Parce qu’elle donne des perspectives et pose une vision de long terme pour l’agriculture, l’agro-écologie protège les agriculteurs en les rendant moins vulnérables aux aléas économiques, climatiques et sanitaires. À l’aube du XXIème siècle, répondre à une telle ambition signifie adapter son modèle en produisant autrement, en recherchant, sans les opposer, la performance économique, environnementale et sociale. L’objectif partagé étant de produire une nourriture de toutes les qualités accessible au plus grand nombre. Elle dessine les lignes d’un nouvel équilibre autour des enjeux de l’agriculture et de l’alimentation, qui s’appuie à la fois sur des changements indispensables des pratiques agricoles et la recherche d’une nouvelle compétitivité qui intègre la transition écologique.

De nombreux agriculteurs et agricultrices sont déjà pionniers de cette transition ; leur engagement doit tous nous concerner, en tant que citoyens, et comme consommateurs.

L’utilisation des produits de biocontrôle, agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, constitue un élément majeur pour des systèmes agricoles respectant les grands principes de l’agro-écologie. À ce titre, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt apporte des avancées importantes pour encourager le développement de nouveaux produits de biocontrôle et faciliter leur utilisation par les agriculteurs. Ainsi, elle apporte une définition des produits de biocontrôle, rend obligatoire leur mise en avant dans le conseil agricole, exempte d’agrément les prestataires de service qui les utilisent, permet leur publicité, contrairement à d’autres produits phytosanitaires et réduit les délais d’évaluation pour leur mise en marché. Enfin, les produits de biocontrôle ne sont pas soumis à l’obligation de réduction des ventes dans le cadre du dispositif des Certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP). L’utilisation des produits de biocontrôle permettra d’obtenir les certificats demandés et sera donc valorisée en tant qu’action permettant de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.

La présente proposition de loi, dans son titre 2, permet de renforcer sur le plan juridique l’usage de ces produits et de faciliter leur recours en ajustant les dispositions existantes en matière d’utilisation.

L’article 8 modifie l’article L. 254-1 qui exempte d’agrément les applicateurs professionnels de produits de biocontrôle. Cette modification élargit le principe de la dispense d’agrément à tous les produits de biocontrôle, à l’exception de ceux qui sont soumis à un étiquetage comportant une mention de danger (« produit irritant » par exemple). Ainsi, ces derniers pourront en toute sécurité être inscrits sur la liste de reconnaissance des produits de biocontrôle car leurs utilisateurs professionnels présenteront toutes les garanties nécessaires apportées par le dispositif d’agrément.

L’article 9 exempte de l’obligation de Certiphyto les salariés temporaires qui interviennent sur les exploitations agricoles pour disposer des diffuseurs passifs de certains produits de biocontrôle. En effet cette obligation qui constitue un frein au développement de ces méthodes de biocontrôle, à base par exemple de phéromones et de kairomones, n’est pas justifiée compte tenu de leur mode d’action.

Enfin, l’article 10 propose de ratifier l’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, prise en application de l’article 55 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

PROPOSITION DE LOI

TITRE IER

PRÉSERVATION DES TERRES AGRICOLES

Article 1er

I. – La section 3 du chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 143-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 143-15-1. – I. – Lorsqu’ils sont acquis par une personne morale de droit privé ou font l’objet d’un apport à une telle personne, les biens ou droits mentionnés à l’article L. 143-1 sur lesquels les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption sont rétrocédés par voie d’apport au sein d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole. Cette obligation s’applique uniquement lorsque, à la suite de l’acquisition ou de l’apport, la surface totale détenue en propriété par cette personne morale de droit privé et par les sociétés au sein desquelles les biens ou droits sont apportés excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles mentionné à l’article L. 312-1.

« En cas de cession de la majorité des parts ou actions de la personne morale de droit privé mentionnée au premier alinéa du présent I, les parts ou actions des sociétés au sein desquelles les biens ou droits ont été apportés sont réputées cédées dans les mêmes proportions.

« Le même premier alinéa ne s’applique pas aux acquisitions effectuées par un groupement foncier agricole, un groupement foncier rural, une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, un groupement agricole d’exploitation en commun, une exploitation agricole à responsabilité limitée ou une association dont l’objet principal est la propriété agricole. Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations.

« II. – Lorsqu’une des opérations mentionnées au I est réalisée en violation du même I, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter de la publication de l’acte de cession ou, à défaut, dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la cession lui est connue, demander au tribunal de grande instance soit d’annuler la cession, soit de la déclarer acquéreur en lieu et place de la société. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

Article 2

Le chapitre II du titre II du livre III du même code est ainsi modifié :

1° La deuxième phrase de l’article L. 322-2 est supprimée ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 322-22 est supprimé.

Article 3

Le sixième alinéa de l’article L. 143-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles peuvent également, pour le même objet ainsi que pour le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles, exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société, sous réserve, le cas échéant, de l’exercice des droits mentionnés aux articles L. 322-4 et L. 322-5 par un associé en place depuis au moins dix ans. »

Article 4

L’article L. 143-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S’il s’agit d’un apport en société et que la condition suspensive est satisfaite, l’apporteur doit s’engager à conserver la totalité de ses droits sociaux reçus en contrepartie pendant au moins cinq ans à compter de la date de l’apport. Cet engagement doit être joint à la notification préalable de l’opération d’apport. En cas de méconnaissance de l’engagement ainsi souscrit et sauf accord exprès de sa part, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter du jour où elle en a eu connaissance, demander l’annulation de l’apport au président du tribunal de grande instance. » 

Article 5

L’article L. 142-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant la même période transitoire, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural sont également autorisées, par dérogation aux dispositions applicables aux sociétés civiles de personnes mentionnées notamment aux articles L. 322-1, L. 323-1 et L. 324-1, à maintenir, dans le but de les rétrocéder, leurs participations dans le capital de ces sociétés au titre des acquisitions de droits sociaux faites à l’amiable en application du 3° du II de l’article L. 141-1 ou après exercice du droit de préemption en application de l’article L. 143-1. »

Article 6

La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III du même code est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi modifié :

a) Le mot : « répertoire » est remplacé par le mot : « barème » ;

b) Après le mot : « valeur », il est inséré le mot : « vénale » ;

2° L’article L. 312-3 est abrogé ;

3° L’article L. 312-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-4. – Un barème de la valeur vénale moyenne des terres agricoles est publié chaque année par décision du ministre chargé de l’agriculture.

« Ce barème est établi pour chaque département, par région naturelle et nature de culture, en tenant compte notamment des valeurs retenues à l’occasion des mutations intervenues au cours de l’année précédente et, au besoin, au cours des cinq dernières années.

« Les informations figurant au barème de la valeur vénale des terres agricoles constituent un élément d’appréciation du juge pour la fixation du prix des terres.

« Les modalités d’établissement du barème prévu au présent article sont fixées par décret. »

Article 7

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, lorsque les terres concédées sont à usage agricole, il ne peut être mis fin à ces concessions que moyennant préavis :

« 1° Soit d’un an au moins, dès lors qu’une indemnisation à l’exploitant est prévue au contrat de concession en cas de destruction de la culture avant la récolte ;

« 2° Soit de trois mois avant la levée de récolte ;

« 3° Soit de trois mois avant la fin de l’année culturale. »

TITRE II

DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE

Article 8

À la fin du 2° du II de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots « mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-5 » sont remplacés par les mots « définis à l’article L. 253-6 ne faisant pas l’objet d’une classification telle que mentionnée à l’article L. 253-4 ».

Article 9

Le II de l’article L. 254-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce certificat n’est pas exigé pour les médiateurs chimiques au sens de l’article L. 253-6. »

Article 10

L’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques est ratifiée.

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 11

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés.


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