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N° 74

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 juillet 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
préalable au
débat d’orientation des finances publiques

ET PRÉSENTÉ

PAR M. CHRISTIAN ECKERT,

Rapporteur général,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.– LE BILAN DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FISCALE SUIVIE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES 6

A.– LA POLITIQUE FISCALE SUIVIE DEPUIS 2002 6

1.– Depuis 2002, un transfert de la charge fiscale des ménages aisés et des entreprises vers l’ensemble des salariés 6

2.– Un transfert de charges qui découle de la politique fiscale entamée en 2002 et amplifiée à partir de 2007 8

3.– À partir de l’été 2010, une politique fiscale rattrapée par la réalité budgétaire 11

4.– Des hausses d’impôts qui privilégient la fiscalité indirecte et épargnent les ménages les plus aisés 13

B.– UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES AVEUGLE QUI N’A PAS ATTEINT SES OBJECTIFS 17

1.– La croissance oubliée, résultat d’une politique de « stop and go » inappropriée 19

2.– Les principaux échecs de la Révision générale des politiques publiques 24

3.– Un modèle social sortant affaibli de la précédente législature 26

II.– LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES DE LA XIV° LÉGISLATURE 28

A.– UNE RÉDUCTION INCONTOURNABLE DU DÉFICIT ET DE LA DETTE POUR ASSURER LA SOUVERAINETÉ FINANCIÈRE DE LA FRANCE 28

1.– Retrouver le chemin de la soutenabilité de la dette 28

2.– Réussir le redressement budgétaire 29

B.– LES MODALITÉS : LE REDRESSEMENT DANS LA JUSTICE 31

1.– Rééquilibrer le système fiscal en fonction de la capacité contributive de chacun 31

2.– Maîtriser l’évolution des dépenses publiques à partir de choix politiques clairs et une juste répartition des efforts 36

a) Mobiliser l’ensemble des administrations publiques pour stabiliser les dépenses en volume 36

b) Redéployer les dépenses publiques en faveur de l’emploi, l’éducation, la sécurité et la justice, l’investissement et la préservation de notre modèle social 41

AUDITIONS DE M. PIERRE MOSCOVICI, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, ET DE M. JÉRÔME CAHUZAC, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DU BUDGET 45

EXAMEN DU PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT DES COMPTES ET RAPPORT DE GESTION POUR L’ANNÉE 2011 ET DU RAPPORT PRÉALABLE AU DÉBAT D’ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES 73

INTRODUCTION

Après dix années durant lesquelles, outre la crise, la politique menée par précédente majorité a considérablement détérioré les finances publiques de la France, l'effort budgétaire est plus que jamais une nécessité. Il s'agit pour la nouvelle majorité de reconquérir une marge d'action entière – grevée aujourd'hui par la charge de la dette accumulée – au profit des politiques publiques définies comme prioritaires par le Premier ministre et son Gouvernement en vue de relancer la croissance économique, facteur d'accès à l'emploi pour nos concitoyens qui en sont aujourd'hui privés.

L'effort budgétaire est également, au plan international, indispensable à la préservation de la zone euro et contribuera à réduire les contraintes de la dépendance de l’État vis-à-vis de ses créanciers. Cet effort requiert une réduction du déficit public de l'ordre de la centaine de milliards d'euros sur la législature. Il est d'autant plus important pour la France de réussir ce redressement qu'elle a abordé la crise de la zone euro, en 2010, avec un déficit structurel qui avait doublé en quatre ans et qui s'établit aujourd'hui à un niveau historiquement élevé, puisqu'il est désormais de 5 % du PIB.

Pour rétablir les finances publiques, des hausses de prélèvements obligatoires sont inévitables. Celles-ci doivent toutefois être décidées de façon à rééquilibrer le système fiscal en revenant sur les transferts de charges des ménages aisés et des entreprises vers les salariés qui ont caractérisé la politique fiscale menée depuis 2002. Il s'agit en somme de remettre la justice au cœur de notre système fiscal.

La maîtrise de la dépense publique est une autre condition de l'effort budgétaire. Elle doit être assurée avec constance pour permettre la diminution du taux des dépenses publiques quand la croissance économique sera de retour.

Ce débat d'orientation des finances publiques offre au Gouvernement l'occasion de présenter au Parlement les grandes lignes de la politique budgétaire qui sera suivie sous la XIVème législature. La clarté des choix faits par la nouvelle majorité tranche avec les atermoiements et les incohérences de la précédente. Elle garantit la transparence de l'action du Gouvernement dans un champ de politique qui s'imposera probablement aux autres pendant plusieurs années.

I.– LE BILAN DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FISCALE SUIVIE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES

A.– LA POLITIQUE FISCALE SUIVIE DEPUIS 2002 

Entamée en 2002, amplifiée à partir de 2007, la politique fiscale menée sur la dernière décennie pendant les deux précédentes législatures a conduit à des transferts de charges substantiels des ménages aisés et des entreprises vers les salariés. Les hausses d’impôts menées depuis l’été 2010 dans le contexte de crise de la zone euro obéissent aux mêmes principes.

1.– Depuis 2002, un transfert de la charge fiscale des ménages aisés et des entreprises vers l’ensemble des salariés

Comme l’illustre le graphique suivant, l’évolution du produit des principaux prélèvements obligatoires depuis 2002 est caractérisée par un poids grandissant des impositions assises en totalité ou en majeure partie sur les revenus des salariés – cotisations sociales, CSG et CRDS, impôts sur les salaires et la main d’œuvre – et un allègement de l’impôt progressif sur les revenus et de l’imposition directe des entreprises – impôt sur les sociétés et taxe professionnelle.

ÉVOLUTION ENTRE 2002 ET 2011 DU POIDS DANS LE PIB DES PRINCIPAUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

(en % de PIB)

Le tableau suivant détaille l’évolution des principaux prélèvements obligatoires entre 2002 et 2011. Il met en lumière un transfert de la charge fiscale depuis les ménages aisés et les entreprises vers l’ensemble des salariés.

ÉVOLUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DEPUIS 2002

(en % de PIB)

 

2002

2011

Écart 2011/2002

Taux de prélèvements obligatoires

43,3

43,9

0,6

dont cotisations sociales

16,1

16,7

0,6

dont CSG/CRDS

4,3

4,8

0,5

dont impôts sur les salaires et la main d'œuvre

1,1

1,4

0,3

dont impôt sur le revenu

3,0

2,5

– 0,5

dont impôt sur les sociétés

2,5

2,1

– 0,4

dont imposition locale des entreprises *

1,2

0,9

– 0,3

dont TVA

7,2

7,0

– 0,2

* Taxe professionnelle en 2002, contribution économique territoriale et impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau en 2011.

Source : d’après INSEE.

Entre 2002 et 2011, la part des cotisations sociales dans le PIB augmente de 0,6 point, celle de la CSG et de la CRDS de 0,5 point et celle des impôts sur les salaires et la main-d’œuvre, qui regroupent principalement la taxe sur les salaires (1) et les versements « transports », de 0,3 point. Ces surplus de prélèvements représentent environ 28 milliards d’euros en 2011.

Ces prélèvements partagent deux points communs :

– ils sont assis en totalité – cotisations sociales et impôts sur les salaires – ou en majorité – CSG et CRDS – sur les revenus salariaux ;

– leurs taux sont proportionnels (2), ce qui implique que le taux d’effort de chaque contribuable ne varie pas en fonction de ses revenus, fussent-ils très modestes.

Dans le même temps, la proportion de l’impôt sur le revenu rapportée au PIB a diminué de 0,5 point. Impôt progressif, l’impôt sur le revenu est le principal instrument fiscal de redistribution, les 10 % des ménages les plus aisés acquittant environ 80 % de l’impôt.

Par ailleurs, les charges fiscales pesant sur les entreprises ont diminué, la part de l’impôt sur les sociétés en proportion du PIB baissant de 0,4 point et celle de l’imposition locale des entreprises de 0,3 point.

Au total, ces moindres prélèvements sur les ménages aisés et les entreprises représentent environ 24 milliards d’euros en 2011.

En d’autres termes, on constate, entre 2002 et 2011, un transfert de charges des ménages aisés et des entreprises vers l’ensemble des ménages et des salariés, pour un montant total de l’ordre de 25 milliards d’euros.

2.– Un transfert de charges qui découle de la politique fiscale entamée en 2002 et amplifiée à partir de 2007

L’évolution des principaux prélèvements obligatoires ainsi constatée ne s’explique pas par des dynamiques spontanées mais par les décisions adoptées par les Gouvernements successifs depuis 2002.

● Les mesures nouvelles relatives à l’impôt sur le revenu adoptées entre 2002 et 2011 ont conduit à amputer le produit de l’impôt de 1,4 % de PIB (3) au 31 décembre 2011, soit environ 28 milliards d’euros.

Les mesures adoptées avant 2007 représentent de l’ordre de 85 % du montant net total des allègements.

MESURES NOUVELLES RELATIVES À L’IMPÔT SUR LE REVENU

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

TOTAL

En milliards d'euros

– 4,7

– 1,7

– 1,7

– 2,4

– 2,2

– 7,4

– 1,4

– 3,7

1

0,4

– 23,8

En % de PIB

– 0,3

– 0,11

– 0,1

– 0,14

– 0,12

– 0,39

– 0,07

– 0,2

0,05

0,02

– 1,4 %

Source : d’après ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie.

NB : le total en milliards d’euros ne prend pas en compte la dynamique de l’assiette. Le coût net cumulé des mesures à fin 2011 doit être apprécié en % de PIB (hypothèse de croissance de l’assiette au rythme de celle du PIB).

Les principales mesures expliquant ces manques à gagner sont les réformes successives du barème, qui ont conduit à une perte de recettes de 0,5 % de PIB entre 2002 et 2004 et de 0,2 % de PIB en 2007, soit, au total, une baisse du produit de l’ordre de 14 milliards d’euros en 2011 du fait de ces mesures.

Elles ont été complétées par de multiples dépenses fiscales décidées tout au long de la décennie, comme le renforcement des crédits d’impôt pour l’emploi de salariés à domicile en 2006 ou l’exonération des heures supplémentaires en 2007 (pour un coût de 1,4 milliard d’euros), ainsi que par des mesures ponctuelles comme la suppression de la contribution sur les revenus locatifs pour un coût de 0,7 milliard d’euros en 2007.

On constate que, en dépit d’une amputation de son produit de 1,4 % de PIB du fait des mesures nouvelles, le produit de l’impôt sur le revenu n’a diminué que de 0,5 % de PIB sur la période. Cette résistance s’explique probablement par une croissance spontanée soutenue qui peut trouver son origine dans deux éléments.

D’une part, la proportion de l’impôt sur le revenu rapporté au PIB a tendance à croître spontanément car, alors que le barème de l’impôt est généralement indexé sur l’inflation, les revenus, qui constituent leur assiette, croissent, en principe, au rythme du PIB.

D’autre part, il n’est pas à exclure que cette croissance des revenus ait été supérieure à celle du PIB. Il semble en effet que, sur la décennie passée, la part des revenus des ménages les plus aisés dans le total des revenus des ménages ait augmenté.

● Dans le champ de l’imposition des entreprises, l’impact net cumulé des mesures nouvelles relatives à l’impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle s’établit à 1,2 % de PIB, soit environ 24 milliards d’euros en 2011.

Les principales mesures d’allègement ont été adoptées entre 2007 et 2011 et, dans une moindre mesure, dans la seconde partie de la XIIème législature.

MESURES NOUVELLES RELATIVES À L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

TOTAL

En milliards d'euros

– 1,6

– 0,1

0,3

1,6

– 2,3

– 4,1

– 2,5

– 0,9 *

– 1,8 *

1,9

– 9,5

En % de PIB

– 0,1

– 0,01

0,02

0,09

– 0,13

– 0,22

– 0,13

– 0,05

– 0,09

0,1

– 0,52

MESURES NOUVELLES RELATIVES À LA TAXE PROFESSIONNELLE
ET AUX IMPÔTS QUI L’ONT REMPLACÉE

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

TOTAL

En milliards d'euros

– 0,1

– 0,8

– 0,2

– 0,3

– 0,4

0,1

– 2,5

– 0,5

– 9,4 **

1,3 **

– 12,8

En % de PIB

– 0,01

– 0,05

– 0,01

– 0,02

– 0,02

0,01

– 0,13

– 0,03

– 0,49

0,07

– 0,68

Source : d’après le ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie.

NB : le total en milliards d’euros ne prend pas en compte la dynamique de l’assiette. Le coût net cumulé des mesures à fin 2011 doit être apprécié en % de PIB (hypothèse de croissance de l’assiette au rythme de celle du PIB).

* Hors mesures de relance.

** Évaluation du rapporteur général (4).

Concernant l’impôt sur les sociétés, l’impact des mesures nouvelles sur le produit de l’impôt est globalement neutre entre 2002 et 2005. À compter de 2006, en revanche, plusieurs mesures d’allègement viennent réduire le produit de l’impôt.

La principale est l’abaissement du taux d’imposition des plus-values nettes à long terme – dit « niche Copé » – dont le coût net cumulé s’établit à 2,9 milliards d’euros entre 2006 et 2009. Par ailleurs, la transformation du prêt à taux zéro en dépense fiscale a réduit le produit de l’impôt à compter de 2006 pour représenter un manque à gagner de 1,4 milliard d’euros en 2011. Enfin, le renforcement du crédit d’impôt recherche s’est accompagné d’un coût, entre 2005 et 2011, de l’ordre de 1,7 milliard d’euros.

En ce qui concerne la taxe professionnelle, la période allant de 2002 à 2005 est marquée par des allègements à la marge – dégrèvements sectoriels, réduction des bases... La réforme de 2006, qui porte sur le dégrèvement pour investissements nouveaux et le plafonnement à la valeur ajoutée, vient réduire le rendement de l’impôt pour un montant total de plus de 3 milliards d’euros. Enfin, la suppression de l’impôt en 2010 (5) conduit à un allègement d’impôt d’un montant comparable à l’ensemble des allègements nets accordés sur l’impôt sur les sociétés depuis 2002.

● Dans le champ de l’imposition du patrimoine, les premières mesures concernant les droits de mutation à titre gratuit – donations et successions – et l’impôt de solidarité sur la fortune ont été adoptées dans la deuxième moitié de la XIIème législature, avec une première baisse des droits de succession et l’instauration du bouclier fiscal dans sa première version.

Le mouvement d’allègement est amplifié entre 2007 et 2011. Dans un premier temps, la loi TEPA (6) prévoit des allègements de droits de mutation, un renforcement des dépenses fiscales portant sur l’ISF et l’amplification du bouclier fiscal pour un coût total de l’ordre de l’ordre de 3,2 milliards d’euros. Dans un second temps, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune en 2011 (7) entraîne un manque à gagner de l’ordre de 0,5 milliard d’euros.

MESURES NOUVELLES RELATIVES AUX DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT ET À L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

TOTAL

En milliards d'euros

– 0,3

– 0,4

– 0,7

– 2,6

– 0,3

– 0,1

– 0,2

– 4,6

En % de PIB

– 0,02

– 0,03

– 0,04

– 0,15

– 0,02

– 0,01

– 0,01

– 0,27 %

Source : d’après ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie.

NB : le total en milliards d’euros ne prend pas en compte la dynamique de l’assiette. Le coût net cumulé des mesures à fin 2011 doit être apprécié en % de PIB (hypothèse de croissance de l’assiette au rythme de celle du PIB).

En définitive, les mesures adoptées entre 2007 et 2011 ont poursuivi et amplifié celles décidées entre 2002 et 2011 :

– après les réformes successives du barème de l’impôt sur le revenu entre 2002 et 2006, les allègements d’impôt en faveur des ménages les plus aisés ont porté, à partir de 2007, sur les droits de mutation à titre gratuit et l’impôt de solidarité sur la fortune avec la loi TEPA de 2007 puis la réforme de l’ISF de 2011 ;

– après des allègements encore limités de la fiscalité des entreprises entre 2002 et 2007, la réforme de la taxe professionnelle de 2010 a consisté à octroyer aux entreprises l’équivalent de dix ans de baisses d’impôt sur les sociétés.

Ces grands axes de la politique fiscale menée depuis 2002 doivent être complétés par un ensemble constitué des mesures à visée catégorielle. La plus importante est le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration, instaurée en 2009, dont le coût est estimé, en 2012, à 3,2 milliards d’euros.

3.– À partir de l’été 2010, une politique fiscale rattrapée par la réalité budgétaire

● À compter de la crise de la zone euro, la politique fiscale des précédents Gouvernements est rattrapée par la réalité budgétaire. Jusqu’à cette période, l’équilibre des comptes publics ne semblait pas avoir été prioritaire, comme le prouve la dégradation du solde structurel entre 2006 et 2010. En quatre ans, comme l’illustre le graphique suivant, le déficit structurel double, en passant de 2,3 % à 4,8 % du PIB.

Il importe de rappeler que le solde structurel ainsi calculé ne prend en compte ni les effets de la conjoncture économique – et donc de la récession de 2009 – ni l’impact du plan de relance (8). En conséquence, l’argument selon lequel la crise économique serait l’unique responsable de l’état des finances publiques apparaît irrecevable : derrière le voile des variations exceptionnelles causées par la récession, les éléments fondamentaux des comptes publics se sont régulièrement dégradés au cours de la XIIIème législature.

LE DÉFICIT PUBLIC STRUCTUREL

(en % de PIB)

Source : Cour des comptes, rapports sur la situation et les perspectives des finances publiques pour 2012 (évaluations pour 2007 à 2011) et pour 2006 (évaluation pour 2006).

Du fait de la crise de la zone euro et de la défiance de certains créanciers vis-à-vis des signatures souveraines européennes, la politique fiscale de la précédente majorité s’inscrit cependant, à compter de l’été 2010, dans une perspective d’assainissement budgétaire. Les textes financiers de l’automne 2010 prévoient ainsi une première série de hausses d’impôts pour un montant total de 11,6 milliards d’euros en 2011.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (9) votée au même moment prévoyait pourtant que, à compter de 2012, les hausses d’impôts se limiteraient à 3 milliards d’euros par an – un tel montant étant insuffisant pour rendre crédible l’objectif de déficit public pour 2012. En d’autres termes, le précédent Gouvernement ne semblait guère avoir l’intention de poursuivre les efforts d’assainissement entamés à l’automne 2010. C’est d’ailleurs au printemps 2011 qu’il juge nécessaire de réformer l’impôt de solidarité sur la fortune et de faire supporter au budget de l’État un manque à gagner particulièrement inopportun de l’ordre de 0,5 milliard d’euros.

Toutefois, l’amplification de la crise de la zone euro au mois d’août 2011 conduit le précédent Gouvernement à faire adopter en urgence des hausses d’impôts dans la loi de finances rectificative de septembre suivant (10), puis en loi de finances initiale pour 2012 et enfin, compte tenu des attaques spéculatives sur la dette souveraine française dans le courant du mois d’octobre, dans la loi de finances rectificative de la fin de l’année 2011. Au total, ces textes prévoyaient un montant de nouvelles ressources fiscales supérieur à 16 milliards d’euros pour l’année 2012. Le tableau suivant détaille le rendement net des mesures adoptées depuis le 1er juillet 2010 dans le champ des prélèvements obligatoires, en les ventilant par véhicule législatif.

LES HAUSSES D’IMPÔTS DU PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

LFI et LFSS 2011

11,6

2,3

LFR 1 2011

– 0,5

0,2

LFR 2011

1,1

5,4

LFI et LFSS 2012

0

2,9

LFR 4 2012

0

5,2

Autres

0,1

0,4

TOTAL

12,3

16,4

Source : rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2012 ; ministère de l’Économie des finances et de l’industrie pour les mesures relatives à la LFR IV 2012.

● La réorientation de la politique fiscale à compter de l’été 2010 présente la particularité de n’être pas clairement explicitée par le précédent Gouvernement. Les objectifs affichés consistaient essentiellement en une forte diminution du taux de dépenses publiques. Toutefois, comme le démontre le tableau suivant, les taux de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques ont été systématiquement sous-estimés en prévision, y compris dans les programmes de stabilité de l’année.

PRÉVISION ET EXÉCUTION DES TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ET DE DÉPENSES PUBLIQUES

(en % de PIB)

 

Taux de prélèvements obligatoires

Taux de dépenses publiques

 

2010

2011

2010

2011

PSTAB 2010-2013

41

41,9

55,8

54,6

PSTAB 2011-2014

42,2

43,1

55,7

54,9

Exécution

42,5

43,9

56,6

56

Écart Exécution/PSTAB de l'année *

1,5

0,8

0,8

1,1

* En 2010, la prévision du programme de stabilité 2010-2012 transmis en janvier 2010 aux institutions communautaires est comparée à l’exécution 2010. En 2011, la prévision du programme de stabilité 2011-2013 transmis au mois d’avril 2011 aux institutions communautaires est comparée à l’exécution 2011.

De tels écarts illustrent la divergence entre le discours des précédents Gouvernements, qui mettaient l’accent sur la réduction de la dépense publique, et leur pratique, qui a consisté à mobiliser prioritairement les hausses d’impôts pour atteindre les objectifs de déficit public (11).

4.– Des hausses d’impôts qui privilégient la fiscalité indirecte et épargnent les ménages les plus aisés

Si l’objectif de la politique fiscale menée par le précédent Gouvernement à compter de l’été 2010 consistait à augmenter les impôts et non plus à les diminuer, les principes qui la guidaient sont restés les mêmes. Comme l’illustre le graphique suivant, ces hausses d’impôts ont principalement porté sur les ménages et ont en grande partie épargné les entreprises.

LES HAUSSES D’IMPÔTS ADOPTÉES DEPUIS 2010



Source : d’après rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2012.

● En premier lieu, les mesures fiscales adoptées durant les deux dernières années tendaient à accroître les transferts de charges des ménages les plus aisés vers l’ensemble des salariés.

Ainsi, les hausses de fiscalité indirecte, détaillées dans le tableau suivant, ont représenté 7,1 milliards d’euros sur 2011-2012, soit près d’un quart du rendement total des hausses d’impôts ayant un impact sur ces deux années. Or, du fait que les ménages modestes tendent à consommer la quasi-totalité de leurs revenus alors que les ménages aisés en épargnent une partie croissante avec leur revenu, le poids de la fiscalité indirecte dans le revenu est supérieur pour les ménages modestes. En d’autres termes, la fiscalité indirecte peut être comprise comme une imposition régressive. Elle a pourtant constitué le principal instrument de consolidation budgétaire des précédents Gouvernements.

IMPACT CUMULÉ 2011-2012 DES HAUSSES DE FISCALITÉ INDIRECTE

(en milliards d’euros)

Mesures de fiscalité indirecte

7,1

dont TSCA contrats d'assurance maladie

2,2

dont taux réduits TVA

1,8

dont hausse de la CSPE

1,4

dont TVA triple play

1,1

dont prix du tabac

0,6

Source : d’après rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2012.

Il est vrai que, dans un contexte d’urgence budgétaire, un recours partiel à de telles impositions, qui assurent des rendements importants, ne peut être exclu. Il est, en revanche, difficilement justifiable quand les mesures qui y ont trait représentent un quart du total des hausses d’impôts et que les ménages les plus aisés ne sont pas spécifiquement mis à contribution.

La caractéristique des mesures fiscales adoptées successivement depuis l’automne 2010 réside pourtant dans le fait que, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, les impositions spécifiques aux ménages les plus aisés n’ont globalement pas augmenté du fait des mesures adoptées par la précédente majorité.

Il est vrai que la contribution de 1 % sur les hauts revenus prévue dans le cadre de la réforme des retraites ainsi que la taxation du revenu fiscal de référence ont eu un rendement respectif de 0,5 milliard d’euros et 0,2 milliard d’euros.

A contrario, au vu des prévisions fournies dans le rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2012, on constate que l’impact de la réforme de l’ISF sur le produit de cet impôt et sur celui des droits de mutation à titre gratuit est négatif, avec un manque à gagner cumulé de l’ordre de 0,7 milliard d’euros sur les années 2011 et 2012, détaillée dans le tableau suivant.

IMPACT DE LA RÉFORME DE L’IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE SURL’IMPOSITION DES MÉNAGES LES PLUS AISÉS

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

Cumul

TOTAL

– 0,5

– 0,2

– 0,7

Suppression de la réduction des droits de donation

0,1

0,1

0,2

Suppression du bouclier fiscal

0

0,3

0,3

Nouveau barème de l'ISF

– 0,4

– 1,5

– 1,9

Généralisation de l'auto-liquidation du bouclier fiscal

-0,2

0,4

0,2

Allongement du délai de reprise des donations

0

0,3

0,3

Hausse des taux des dernières tranches des droits de succession

0

0,2

0,2

Source : d’après rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2012.

En d’autres termes, les évaluations fournies par le précédent Gouvernement montrent que, pendant que la fiscalité indirecte, y compris celle pesant sur les contrats d’assurance maladie, a augmenté fortement pour représenter un quart des hausses d’impôts décidées depuis l’automne 2010, les impositions spécifiques aux ménages aisés n’ont globalement pas augmenté en 2011 et 2012 du fait des mesures adoptées par la précédente majorité.

● En second lieu, comme l’illustre le tableau suivant, le précédent Gouvernement a continué à accroître sensiblement les prélèvements assis sur les revenus des salariés.

HAUSSE DES PRÉLÈVEMENTS ASSIS SUR LES REVENUS DES SALARIÉS

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

Cumul

TOTAL

3,4

2

5,6

Annualisation des allègements généraux de charges sociales

1,8

0,2

2

Suppression ou réduction d'exonérations de cotisations employeurs

0,8

0,3

1,1

Alignement du taux de cotisation des fonctionnaires sur celui des salariés du privé

0,3

0,3

0,6

Modification du calcul des allègements de charges (heures supplémentaires)

0

0,6

0,6

Réduction de l'abattement forfaitaire de CSG pour frais professionnels

0

0,6

0,6

Hausse du taux de cotisations de la branche ATMP

0,4

0

0,4

Assujettissement aux cotisations sociales des rémunérations versées par des tiers

0,1

0

0,1

Cotisations sociales secteur de l’énergie

0

0,2

0,2

Source : d’après rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2012.

Au total, les augmentations de prélèvements assis sur les salariés s’élèvent à 5,6 milliards d’euros, soit 18 % du total des efforts demandés à l’ensemble des contribuables.

En conséquence, alors que la mise en œuvre de la TVA dite sociale avait pour objectif d’accorder un allègement de charges sociales de l’ordre de 13,2 milliards d’euros, financé principalement par une – nouvelle – hausse de la fiscalité indirecte, les mesures successives adoptées depuis l’automne 2010 aboutissaient à ce que plus de 40 % de cet allègement du coût du travail soit « repris » pour réduire le déficit public.

● Enfin, les entreprises ont continué à bénéficier d’un traitement de faveur. Les mesures nouvelles relatives aux impositions directes qui leur sont propres ont dégagé un rendement net inférieur de moitié à celui des mesures relatives à la fiscalité indirecte et aux prélèvements assis sur les revenus des salariés.

Le tableau suivant détaille les mesures fiscales adoptées depuis le 1er juillet 2010 dans le champ de l’imposition directe des entreprises – principalement l’impôt sur les sociétés.

HAUSSES DES IMPOSITIONS DIRECTES DES ENTREPRISES DEPUIS LE 1ER JUILLET 2010

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

Cumul

TOTAL

3,3

2,5

5,8

Limitation de la possibilité de reporter les déficits

0,5

1

1,5

Surcontribution des grandes entreprises à l'IS

0

1,1

1,1

Taxation de la réserve de capitalisation des assurances

1

0

1

Taxe de risque systémique sur les banques

0,5

0,1

0,6

Report de la suppression de l'IFA

0,6

– 0,2

0,4

Suppression du bénéfice mondial consolidé

0,2

0,1

0,3

Hausse de la quote-part pour frais et charges

0,2

0,1

0,3

Suppression de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes

0,2

0

0,2

Aménagement du crédit d'impôt recherche

0

0,2

0,2

Suppression de l'abattement de 30 % outre-mer

0

0,1

0,1

Barème de la taxe sur les véhicules de société

0

0,1

0,1

Taxation des entreprises pétrolières

0,1

– 0,1

0

Source : d’après rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2012. Ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie pour la surcontribution d’IS des grandes entreprises.

Cette mise à contribution des entreprises, de l’ordre de 3 milliards d’euros par an, est à comparer au coût net des mesures relatives à l’impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle et ayant un impact sur les finances publiques entre 2007 et 2012 – que ces mesures aient été adoptées sous la XIIIème ou sous la XIIème législature. Comme l’illustre le tableau suivant, ces mesures auraient, entre 2007 et 2012, permis un allègement d’impôt total de plus de 21 milliards d’euros au bénéfice des entreprises.

COÛT NET CUMULÉ DE 2007 À 2012 DES MESURES RELATIVES À L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ET À LA TAXE PROFESSIONNELLE

(en milliards d’euros)

TOTAL

– 21,2

Taxe professionnelle

– 9,9

dont suppression de la taxe professionnelle

– 7 *

dont réforme de 2006

– 3,2

dont dégrèvement temporaire pour investissements nouveaux

0,3

Mesures à l'IS

– 11,3

dont crédit d'impôt recherche

– 2,7

dont PTZ

– 1,1

dont suppression de l'IFA

– 1,3

dont abaissement du taux d'imposition des plus-values

– 2,5

Source : d’après rapports sur les prélèvements obligatoires annexés aux projets de loi de finances et ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie.

* Pour plus de précision sur ce chiffrage, se référer au rapport sur le projet de loi de règlement de l’exercice 2011.

NB : évaluation hors mesures fiscales de relance.

En matière de taxe professionnelle, la réforme de 2006 relative au plafonnement à la valeur ajoutée et au dégrèvement pour investissements nouveaux ainsi que la suppression complète décidée en loi de finances pour 2010 allégeraient de 10 milliards d’euros la charge fiscale des entreprises.

En matière d’impôt sur les sociétés, le principal avantage fiscal dont ont bénéficié les entreprises sous la XIIIème législature est le renforcement du crédit d’impôt recherche, pour un montant total cumulé de 2,7 milliards d’euros. Par ailleurs, l’abaissement du taux d’imposition des plus-values nettes à long terme, dit « niche Copé », aurait entraîné un coût évalué à 2,5 milliards d’euros en cumul entre 2007 et 2009.

En définitive, sur l’ensemble de la législature et en dépit des mesures adoptées depuis le 1er juillet 2010, l’imposition directe des entreprises pourrait avoir diminué de plus de 15 milliards d’euros.

B.– UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES AVEUGLE QUI N’A PAS ATTEINT SES OBJECTIFS

Le bilan de la politique budgétaire de la XIIIe législature, et plus spécifiquement des décisions prises en matière de dépense publique est lourd. Il se traduit par une progression de la dépense de l’ensemble des administrations publiques (APU) (12) de 3,4 points de PIB, celle-ci passant de 52,6 % du PIB fin 2007 à 56 % du PIB fin 2011. La France se situe désormais au deuxième rang de la dépense en Europe après le Danemark (57,9 %).

PART DES DÉPENSES PUBLIQUES DANS LE PIB ET ACCROISSEMENT ANNUEL EN VALEUR

Source : Comptes nationaux, INSEE, base 2005.

L’on aurait pu imaginer que cette progression de la dépense publique ait pour objet et pour effet de défendre les plus modestes pendant la crise en luttant contre le chômage et la précarité et relancer l’activité économique.

Malheureusement, cela n’a pas été le cas : la politique de « stop and go » en matière de dépense – relance en 2008-2009 suivi de la rigueur en 2010-2011 – n’a pas permis de soutenir de manière durable l’emploi et la croissance ; la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) n’a pas produit les économies attendues mais a dégradé la qualité du service public ; enfin, le modèle social français n’a pas été suffisamment préservé.

Au total, le déficit structurel de la France a doublé entre 2006 (2,3 % du PIB) et 2010 (4,8 % du PIB) et la dette a explosé passant de 64,2 % du PIB fin 2007 à 85,8 % du PIB fin 2011, la charge des intérêts d’emprunt constituant désormais le troisième poste de dépenses de l’État, à hauteur de 49 milliards d’euros en 2011, soit 2,5 % du PIB (voir infra II).

1.– La croissance oubliée, résultat d’une politique de « stop and go » inappropriée

Deux périodes doivent être distinguées pour analyser de façon pertinente l’évolution des dépenses publiques et leur impact en faveur du soutien à la croissance, sous la précédente législature :

● La période 2007-2009 : la relance au soutien du secteur bancaire et du financement de l’économie

Le début de la XIIIe législature est bien évidemment marqué par l’adoption du paquet fiscal TEPA, qui constituait le prolongement naturel de la politique fiscale menée depuis 2002 en faveur des plus aisés, mais elle a très vite été rattrapée par la crise financière internationale, déclenchée par la faillite de la banque Lehmann Brother à l’été 2008.

S’en est suivie une série de lois de finances rectificatives, le plus souvent adoptées en urgence, pour lutter, tout d’abord, contre la paralysie du crédit interbancaire – ce que l’on a appelé la crise des liquidités des banques (13) – puis pour mettre en œuvre le plan de relance de l’économie (14) en laissant jouer les stabilisateurs automatiques. Au total, entre juin 2007 et décembre 2009, les dépenses publiques ont progressé de près de 100 milliards d’euros, ce qui représente 5 points du PIB de 2011 (15).

Or, s’il ne fait aucun doute qu’une action rapide était nécessaire et que les mesures adoptées étaient indispensables pour surmonter la crise financière et soutenir en priorité le secteur bancaire et le financement des entreprises (16), elles n’en ont pas moins été insuffisantes pour résoudre durablement la crise économique et sociale que traverse la France depuis.

En premier lieu, le pouvoir d’achat des ménages, censé progresser sous la précédente législature, a d’abord régressé jusqu’au troisième trimestre 2008, puis a connu une évolution particulièrement heurtée jusqu’au dernier trimestre 2011 où il a de nouveau régressé, comme le montre le graphique ci-après :

VARIATION TRIMESTRIELLE DU REVENU DISPONIBLE BRUT DES MÉNAGES

Données CVS-CJO, variation trimestrielle, en %

Source : INSEE, Comptes nationaux, base 2005, Pouvoir d'achat et ratios des comptes des ménages

Par ailleurs, les mesures de relance adoptées sous la précédente législature au moment de la crise financière de 2008 n’ont pas eu pour effet de lutter efficacement contre le chômage ni même de sauvegarder l’emploi en France. Comme le montre le graphique suivant, le chômage n’a cessé d’augmenter jusqu’au premier trimestre 2010.

VARIATION TRIMESTRIELLE DU TAUX DE CHÔMAGE EN FRANCE AU SENS DU BIT

Source : INSEE, Comptes nationaux, base 2005.

Enfin, l’accroissement de la part des dépenses publiques dans le PIB entre 2007 et 2010 ne semble pas non plus avoir eu pour effet de soutenir efficacement l’investissement public dont le taux de croissance annuelle est passé de + 6,8 % entre 2007 et 2008 à – 6,1 % entre 2009 et 2010. Fort heureusement, depuis 2011, l’investissement public a progressé sous l’effet conjugué de la reprise de l’investissement des collectivités territoriales et des administrations sociales sous l’effet de la montée en charge du plan Hôpital 2012. L’effet du programme des investissements d’avenir lancé en mars 2010 se fait pour sa part toujours attendre, compte tenu du retard pris dans la sélection des projets et l’engagement des dépenses.

ÉVOLUTION ANNUELLE EN VALEUR DE LA FBCF (17) DES APU (EN %)

Source : INSEE, Comptes nationaux, base 2005, FBCF par secteur institutionnel.

Dès lors que l’évolution tendancielle des dépenses publiques en volume est de + 2 % entre 1996 et 2006 (soit de l’ordre de + 35 milliards d’euros par an), la progression, de près de 100 milliards d’euros des dépenses, constatée entre juin 2007 et décembre 2009 doit être relativisée notamment au regard de son impact pour sortir la France de la crise. Au total, le plan de relance de l'économie s’est traduit par une dépense nouvelle de 1,5 % du PIB en 2009 (soit près de 30 milliards d’euros), comme le montre l’histogramme ci-après.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VOLUME

en %

Source : INSEE, Comptes publics nationaux, base 2005, calculs du Rapporteur général.

En effet, la progression des dépenses publiques en volume directement liée aux mesures de relance représente en 2009 1,5 point de PIB de plus que l’évolution tendancielle des dépenses publiques sur longue période. Cela signifie que l’effort supplémentaire en dépense consacré à lutter contre la crise économique et sociale que traversait la France ne s’est élevé qu’à 28 milliards d’euros en 2009.

Cette progression permet aussi de comprendre que la progression du ratio dépense publique / PIB entre 2007 et 2011 résulte essentiellement de la récession constatée en 2008 et 2009 et de la faible reprise économique en 2010 et 2011 (qui diminuent le dénominateur), et non d’un accroissement massif des dépenses publiques pour lutter contre la crise.

● La période 2010-2012 : la rigueur aveugle pour redresser les comptes publics à tout prix

Comme le montre l’histogramme précédent, la période 2010-2012 est au contraire marquée par une division par trois du rythme de progression de la dépense publique en volume par rapport à 2009 : +1,5 % en 2010 et + 0 % en 2011, soit une moyenne annuelle de + 0,75 %. Pour 2012, le précédent Gouvernement envisageait de limiter la progression des dépenses publiques en volume à + 0,4 % du PIB seulement.

La principale raison de ce changement de cap résulte de l’accroissement significatif du déficit public dans un contexte de croissance faible, compte tenu de l’importance du déficit structurel de la France antérieur à la crise de 2008. Il en est résulté une forte augmentation de la dette publique, le solde stabilisant la dette s’étant significativement écarté du solde effectif en 2009 comme le montrent les graphiques ci-après.

SOUTENABILITÉ DES FINANCES PUBLIQUES FRANÇAISES

En % du PIB

Source : INSEE, Comptes publics nationaux, base 2005, calculs du Rapporteur général.

BESOIN DE FINANCEMENT ET CROISSANCE ANNUELLE DE LA DETTE PUBLIQUE

Source : INSEE, Comptes publics nationaux, base 2005

Face au risque d’insoutenabilité des finances publiques françaises, et dans le contexte de crise des dettes souveraines déclenchée dès mars 2010 par la Grèce, la France, comme l’ensemble des États membres de l’Union européenne en situation de « déficit excessif » (18), a été tenue de s’engager sur une trajectoire de retour à l’équilibre, matérialisée par le programme de stabilité pour les années 2010 à 2013 transmis à la Commission européenne fin avril 2009. Elle s’est ainsi engagée à réduire le déficit public à 3 % d’ici 2013, ce qui nécessitait dès lors de limiter fortement la progression des dépenses publiques et d’augmenter les impôts.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et la loi de finances initiale pour 2011 ont poursuivi cette démarche proposant, sur le volet dépenses, de limiter la progression de la dépense publique à 0,8 % par an en volume en moyenne annuelle. Pour ce faire, les dépenses de l’État ont été gelées en volume et en valeur, pour les dépenses hors charge de la dette et pensions. Les concours aux collectivités territoriales ont également été gelés en valeur et l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a été revu à la baisse. Enfin, les opérateurs de l’État se sont vu imposer une interdiction de s’endetter à plus d’un an.

L’exécution 2010 et 2011 montre que ces engagements ont été globalement tenus grâce à des économies conjoncturelles sur les dépenses et à des recettes exceptionnelles accompagnées de reports de charges d’une année sur l’autre ayant permis de desserrer la contrainte et d’absorber certains dérapages récurrents des dépenses.

Toutefois, la variation des dépenses et des recettes des différentes administrations publiques entre 2007 et 2011 montre que si tous les secteurs de l’administration sont responsables du dérapage des dépenses, l’État s’est caractérisé par la gestion la moins vertueuse: ses dépenses ont ainsi progressé de 25 % alors que ses recettes n’ont progressé que de 19 %. À l’inverse, contrairement au discours traditionnel de la précédente majorité, les collectivités territoriales ont réussi à financer leurs nouvelles dépenses (+ 10 %) par de nouvelles recettes (+ 13,8 %).

VARIATION DES DÉPENSES ET DES RECETTES DES DIFFÉRENTES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ENTRE 2007 ET 2011

APU

Variation des dépenses

Variation des recettes

En Mds d’euros

En %

En Mds d’euros

En %

État + ODAC

134,6

25,7

94,6

19,3

APUL

21,5

10,1

28,3

13,8

ASSO

69,9

15,1

52,9

11,4

Total

125,8

12,7

74,1

7,9

Source : INSEE, Comptes publics nationaux, base 2005

La responsabilité de l’État, et partant du précédent Gouvernement, est d’autant plus critiquable que celui-ci n’a cessé de prôner la réduction des dépenses de l’État à travers la révision générale des politiques publiques (RGPP). Or, force est de constater que l’application aveugle de règles transversales pour réduire ces dépenses n’a pas produit les économies escomptées alors qu’elle a, en revanche, dégradé la qualité des services publics.

2.– Les principaux échecs de la Révision générale des politiques publiques

Lancée le 10 juillet 2007 par le précédent Président de la République peu après son élection, la Révision générale des politiques publiques (RGPP) avait affiché l’ambition de proposer des services publics efficaces au moindre coût et de redéfinir le périmètre d’intervention de l’État « pour faire mieux avec moins ». Selon le précédent Gouvernement, elle aurait permis de réaliser plus de 7 milliards d’euros d’économies entre 2008 et 2011 à travers 77 mesures (19) et aurait dû produire 15 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2016.

Or, outre que la réflexion sur le périmètre d’intervention et les missions de l’État a rapidement été abandonnée, la rationalisation et la modernisation des services publics de l’État se sont en réalité traduites par une dégradation du service rendu à l’usager. Le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye, déplore à cet égard, en 2011, des « réformes précipitées », « l'empilement législatif » et la « jungle normative » qui « opacifient l'accès des citoyens à l'information et compliquent la tâche des exécutants » (20).

Dans le même sens, le Comité d’évaluation et de contrôle a notamment constaté que « Le lancement de la RGPP a été marqué par une commande hiérarchique ignorant agents publics et usagers du service public (…) Le Parlement n’a été informé qu’au travers d’une vision comptable, essentiellement lors des sessions budgétaires (…) Le suivi de la RGPP a été fortement axé sur le respect des agendas et des jalons temporels, négligeant ne serait-ce qu’un début d’évaluation réelle des impacts des mesures » (21).

Ce résultat particulièrement décevant résulte notamment de l’application aveugle de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (dite règle du « un sur deux ») au sein de la fonction publique de l’État, en contrepartie de laquelle il était prévu que 50 % des économies en résultant soient « rendues » aux agents restant en place pour compenser leur effort de productivité. En effet, l’application de ces deux règles a abouti à la suppression de près de 115 000 postes depuis 2008 (et plus de 150 000 postes depuis 2003), correspondant à une économie brute pour l’État de plus de 3 milliards d’euros. Toutefois, l’économie nette réellement enregistrée ne s’est élevée qu’à 1,1 milliard d’euros, compte tenu du poids des mesures catégorielles reversées aux agents restant en place : ainsi, le taux de retour catégoriel (primes de productivité et autres dispositifs d’accompagnement) a nettement dépassé le taux de 50 % pour s’établir en moyenne sur la période 2008-2011 à 61 %.

ÉCONOMIES GÉNÉRÉES PAR LA MISE EN œUVRE DU « UN SUR DEUX »

 

2008

2009

2010

2011

Total 2008-2011

Départs à la retraite prévus (ETP)

68 411

68 740

67 594

62 421

267 166

Départs à la retraite réalisés (ETP)

73 711

59 831

64 068

64287

261 897

Suppressions de postes prévus (ETP)

22 791

30 529

33 493

31 426

118 239

Suppressions de postes réalisés (ETP)

28 000

27 200

31 193

32143

118 536

soit ratio non remplacement réalisé

38%

45,5%

48,7%

50,0%

45,5%

Économie brute prévue (en M€)

700

958

889

837

3 384

Économie brute réalisée (en M€)

630

860

807

923

3 220

Retour catégoriel prévu (50 %)

315

479

404

419

1 617

Retour catégoriel réalisé (en M€)

435

547

544

561

2 087

Retour catégoriel réalisé (en %)

69,0 %

63,6 %

67,4 %

60,8 %

65,2 %

Économie nette réalisée en (M€)

195

313

263

362

1 133

Source : Projets de loi de finances et lois de règlement relatifs aux exercices 2008, 2009, 2010 et 2011.

En outre, force est de constater que l’attribution de ces mesures catégorielles n’a jamais correspondu à un « juste retour » au bénéfice des agents restant en place au titre de l’effort de productivité qui leur était demandé. Ainsi, l’exécution 2010 et 2011 montre de très fortes inégalités entre les agents des différents ministères au titre du retour catégoriel, les plus grands bénéficiaires étant les agents dont les ministères ont connu le moins de suppressions de postes (Culture, Intérieur, Finances…).

Finalement, malgré la règle du « un sur deux » qui a abouti à une réduction de 1,2 % par an des effectifs de l’État, complétée par le gel du point d’indice de la fonction publique à partir de 2011, la masse salariale de l’État (titre 2), que la RGPP ambitionnait de réduire, a continué de progresser jusqu’en 2011.

Par ailleurs, les dépenses de fonctionnement de l’État, qui constituaient la cible principale de la RGPP, ont connu une évolution contrastée entre la loi de finances initiale pour 2007 et la loi de finances initiales pour 2012. Ainsi, les dépenses de fonctionnement (catégorie 31 du titre III) de l’ensemble des missions du budget général (19,3 milliards d’euros en 2012), hors mission Défense (10 milliards d’euros en 2012), ont globalement baissé en volume de 0,6 % par an en moyenne. En revanche, les dépenses de fonctionnement de la mission Défense ont connu une croissance importante de + 2,3 % par an en moyenne en volume si bien qu’au total les dépenses de fonctionnement de l’État ont augmenté.

Plus critiquable encore, les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs de l’État (catégorie 32 du titre III) ont progressé de + 2,4 % par an en valeur et leurs effectifs ont augmenté de + 1,2 % par an. En outre, le produit des taxes affectées à ces opérateurs a également crû de 1,7 milliard d’euros entre 2007 et 2012. Au total, les moyens alloués aux opérateurs de l’État – qui n’étaient pourtant pas exclus du périmètre de la RGPP – ont augmenté de 4,2 % par an en valeur entre 2007 et 2012.

3.– Un modèle social sortant affaibli de la précédente législature

La politique budgétaire et fiscale menée sous la dernière législature s’est enfin traduite par une détérioration majeure des comptes sociaux comme le montre le graphique ci-après.

DÉFICIT OU CAPACITÉ DE FINANCEMENT DES ASSO

En milliards d’euros

Source : INSEE, Comptes nationaux, base 2005.

En effet, face à l’augmentation des dépenses sociales liées à des facteurs structurels (vieillissement de la population, récurrence croissante des affections de longue durée…) comme à des facteurs conjoncturels (augmentation du chômage pendant la crise, de la précarité et de la pauvreté…), le précédent Gouvernement n’a pas pris les mesures suffisantes pour augmenter les recettes des organismes sociaux. Il s’ensuit que la dette sociale a presque doublé entre 2007 et 2011 puisqu’elle atteint 205 milliards d’euros fin 2011 (soit 10,3 % du PIB) au lieu de 120 milliards d’euros en 2007 (soit 6,4 % du PIB de 2007).

Cette situation, particulièrement grave, est d’autant plus critiquable que depuis 2007, se sont multipliées des mesures de désengagement en matière de protection sociale : déremboursement des soins de ville, introduction d’une franchise de soins, augmentation du forfait hospitalier, droit de timbre pour accéder à l’aide médicale d’État… remettant ainsi en cause l’efficacité et la pérennité du système de protection sociale en France.

En conclusion, le bilan de la politique budgétaire et fiscale de « ri-lance » (22) ou, selon une terminologie économique plus classique, de « stop and go », menée entre 2007 et 2011, ne peut donc être considérée que comme un échec patent puisqu’elle laisse en héritage en 2012, une croissance nulle en France, un taux de chômage record, un pouvoir d’achat des ménages en baisse, et un modèle social particulièrement vulnérable. En outre, malgré l’allègement massif des charges des entreprises entre 2007 et 2011, les plans sociaux – jusqu’ici retardés – se multiplient et le climat de confiance des entreprises et des investisseurs est au plus bas.

Enfin, le redressement à venir des comptes publics français, bien qu’amorcé en 2011 (23), reste d’une ampleur inégalée puisqu’il faudra réduire le déficit public de près de 90 milliards d’euros au cours de la nouvelle législature pour réussir à réduire le poids de l’endettement public français, qui pèse de manière injustifiée sur les générations futures.

II.– LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES DE LA XIV° LÉGISLATURE

A.– UNE RÉDUCTION INCONTOURNABLE DU DÉFICIT ET DE LA DETTE POUR ASSURER LA SOUVERAINETÉ FINANCIÈRE DE LA FRANCE

1.– Retrouver le chemin de la soutenabilité de la dette

Toutes administrations publiques confondues, la dette publique brute en France a progressé de plus de 20 points de PIB depuis 2007 pour s’établir à 85,8 % du PIB au 31 décembre 2011. Elle représente aujourd’hui une charge de plus de 26 000 euros par habitant, 62 000 euros par ménage. Elle devrait
dépasser 90 % du PIB en 2012, atteindre un pic en 2013, avant de régresser chaque année, si la trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics à l’horizon 2017 est respectée.

Le niveau très lourd de la dette publique française laissé par la précédente majorité n’offre plus aucune marge de manœuvre et pose clairement la question de sa soutenabilité. De ce point de vue, tant l’analyse économique que le passé ne sont pas de nature à rassurer : d’une part, l’histoire financière française des trente dernières années témoigne de la très grande difficulté à maîtriser l’endettement public ; d’autre part, tous les théoriciens de l’économie connaissent les règles mathématiques implacables en matière de phénomène d’accumulation : la dette s’alimente elle-même à la fois par la mécanique du déficit budgétaire et celle de « l’effet boule de neige » qui résulte de l’écart entre le taux de croissance de l’activité économique et le taux d’intérêt moyen de la dette (dès lors que le budget de l’État, hors charge de la dette, n’est pas en excédent primaire, ce qui est le cas du déficit français…).

La maîtrise de l’endettement public est devenu un enjeu fondamental, un enjeu de souveraineté nationale, car le développement d’un endettement incontrôlé peut être source de multiples effets d’éviction :

– en limitant, au sein des dépenses publiques, les marges de manœuvre des pouvoirs publics ;

– en détournant l’épargne privée du financement de l’économie, au détriment de l’investissement des entreprises ;

– en encourageant une épargne de précaution chez les ménages anticipant de futures augmentations des prélèvements obligatoires, entraînant un affaissement de la demande intérieure ;

– en conduisant à l’augmentation des taux d’intérêt à long terme, dissuadant l’investissement du secteur privé.

Le risque d’une perte de souveraineté financière de la France est d’autant plus important que la part de la dette négociable détenue par des investisseurs étrangers n’a cessé de progresser depuis dix ans pour atteindre 65 % en 2011, ainsi qu’en attestent les statistiques de la balance des paiements de la France.

DÉTENTION PAR LES NON RÉSIDENTS DE TITRES DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT

 

Décembre 1997

Décembre 2001

Janvier 2006

Mars 2011

Encours en milliards d’euros

113,6

267,6

541,8

876,7

Encours en pourcentage

20,0 %

38,4 %

59,0 %

65,2 %

Source : Banque de France.

Or, comme le montrent actuellement les exemples grec, espagnol et italien, l’absence de stratégie crédible de réduction de la dette publique, à commencer par celle de l’État, peut conduire à une mise sous tutelle par le FMI et l’Union européenne, et, à tout le moins, à une augmentation massive de la charge de la dette compte tenu du comportement des investisseurs étrangers qui réclament des taux d’intérêt toujours plus élevés.

Par conséquent, si le nouveau Gouvernement veut continuer à bénéficier de conditions d’emprunt favorables pour financer sa dette malgré la perte du triple A sous la précédente législature, il doit en tout premier lieu retrouver le chemin de la croissance, qui passe d’abord par le respect de la trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics fixé à l’horizon 2017 par le nouveau Président de la République.

2.– Réussir le redressement budgétaire

La réduction du déficit public est impérative pour assurer la pérennité de la zone euro et mettre fin à la dépendance de l’État vis-à-vis de ses créanciers.

Dans cette perspective, la trajectoire prévue vise à atteindre dès 2013 le seuil de déficit public de 3 % du PIB requis par le pacte de stabilité et de croissance. Le retour à l’équilibre se ferait ensuite progressivement jusqu’en 2017.

Les hausses d’impôts seraient mobilisées principalement en 2012 et 2013 pour compenser le manque à gagner en recettes publiques dû à la faible croissance prévue pour ces deux années. Elles seraient marginales à compter de 2014 puisque, après une hausse de 1,4 % en 2013, le taux de prélèvements obligatoires n’augmenterait que de 0,2 % entre 2014 et 2016.

La croissance annuelle des dépenses étant prévue dans la limite de 1 % en volume sur la législature, le retour à un taux de croissance du PIB en ligne avec le taux de croissance potentielle permettra alors d’assurer une baisse du déficit public en pourcentage du PIB par la diminution du taux de dépenses publiques.

Un tel scénario était initialement fondé sur un taux de croissance de 1,7 % en 2013, de 2 % en 2014 puis compris entre 2 % et 2,5 % à compter de 2015. Il est maintenu en dépit d’une révision prudente à la baisse des perspectives de croissance du PIB, celle-ci étant maintenant prévue à 1,2 % en 2013 puis à hauteur de 2 % à compter de 2014.

LE REDRESSEMENT BUDGÉTAIRE

(en % de PIB)

Source : rapport du Gouvernement préalable au débat d’orientation (tome I).

Grâce à la mise en œuvre de cette trajectoire de retour à l’équilibre, la France respectera ses engagements européens.

Pour 2013, la révision à la baisse de la prévision de croissance implique que l’effort structurel – hausses d’impôts et économies sur la dépense – soit plus important que prévu.

Selon le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques présenté le 2 juillet dernier par la Cour des comptes, dans l’hypothèse d’un déficit public de 4,4 % du PIB en 2012 et d’une croissance du PIB de 1 % en 2013, l’effort structurel devrait atteindre 33 milliards d’euros en 2013 pour que l’objectif de déficit public de 3 % du PIB soit atteint la même année. Si le déficit public s’établit à 4,5 % du PIB en 2012, l’effort s’élèverait à 35 milliards d’euros.

Comme l’indique le tableau ci-dessous, on peut estimer approximativement que 0,1 % de croissance du PIB en moins par rapport à la prévision implique d’accroître de 1 milliard d’euros l’effort structurel.

EFFORT STRUCTUREL NÉCESSAIRE POUR ATTEINDRE UN DÉFICIT PUBLIC DE 4,4 % DU PIB EN 2013, SELON LA CROISSANCE DU PIB

Croissance du PIB

0 %

0,5 %

1 %

1,5 %

2 %

Effort structurel (en mds €)

44

38,5

33

28

23

Source : Cour des comptes.

B.– LES MODALITÉS : LE REDRESSEMENT DANS LA JUSTICE

1.– Rééquilibrer le système fiscal en fonction de la capacité contributive de chacun

La politique fiscale de la nouvelle majorité consiste à demander prioritairement des efforts aux contribuables dont la capacité contributive est la plus importante et qui ont été les principaux bénéficiaires des allègements d’impôts accordés depuis dix ans, à savoir les grandes entreprises et les ménages les plus aisés.

● Une étude de la direction générale du Trésor de juin 2011 (24) montre que les grandes entreprises – celles de 5 000 salariés et plus – bénéficient d’une imposition sur les bénéfices substantiellement moins élevée que celle des autres entreprises.

L’étude a pour objet de mesurer le taux implicite d’imposition des bénéfices des sociétés non financières. Ce taux rapporte l’impôt sur les sociétés au titre de 2007 à un indicateur de profit, l’excédent net d’exploitation (ENE) (25).

Comme l’illustre le graphique suivant, le taux implicite d’imposition des bénéfices, dont la moyenne se situerait à 27,5 %, s’établirait à :

– 37 % pour les micro-entreprises (26) ;

– 39 % pour les petites et moyennes entreprises (27) ;

– 28 % pour les entreprises de taille intermédiaires (28) ;

– 19 % pour les grandes entreprises.

Dans cette décomposition, la taille d’entreprise est appréciée au niveau du groupe fiscal. Une PME détenue par un grand groupe apparaît donc dans la catégorie des grandes entreprises.

En l’absence du taux réduit dont bénéficient les micro-entreprises, l’imposition serait dégressive à mesure que la taille de l’entreprise augmente.

TAUX IMPLICITE D’IMPOSITION DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES AU TITRE DE 2007

(en points d’excédents nets d’exploitation)


Source : liasses fiscales DGFiP ; calculs DG Trésor.

Si les évaluations faites par le Conseil des prélèvements obligatoires sont différentes (29), elles conduisent également à la conclusion d’une sous-imposition des grandes entreprises (30). Le Conseil estimait en effet que, en 2006, le taux implicite d’imposition des entreprises s’établissait, en moyenne, à 18 %. En revanche :

– le taux implicite d’imposition des PME indépendantes serait de l’ordre de 22 % ;

– le taux implicite d’imposition des entreprises du CAC 40 atteindrait 8 %.

Les travaux du Conseil des prélèvements obligatoires, comme ceux du Trésor, confirment donc le constat d’une sous-imposition des grandes entreprises en général et des entreprises du CAC 40 en particulier.

Le tableau suivant indique l’effet des différents facteurs expliquant ces écarts d’imposition.

FACTEURS EXPLICATIFS DE L'ÉCART ENTRE LE TAUX IMPLICITE ET LE TAUX NORMAL
ET DES DIFFÉRENCES ENTRE ENTREPRISES AU TITRE DE 2007

Par écart au taux normal
(34,4 %a)

MICRO

PME

ETI

GE

Manuf.

Services

Toutes sociétés non financières
(SNF)

Déductibilité des intérêts

– 2,7

– 3,7

– 8,8

– 13,9

– 9,3

– 10,0

– 9,3

Taux réduit PME

– 11,5

– 2,0

– 0,5

– 1,7

– 1,2

Imposition forfaitaire annuelle

+ 3,1

+ 2,7

+ 0,8

+ 0,3

+ 0,9

+ 1,5

+ 1,2

Participation

– 0,1

– 1,1

– 2,4

– 2,0

– 2,5

– 1,6

– 1,7

Crédit impôt recherche

– 1,5

– 1,2

– 1,4

– 1,2

– 2,8

– 0,8

– 1,3

Autres facteurs

+ 5,5

+ 3,0

+ 2,5

+ 4,6

+ 3,9

+ 5,6

+ 4,0

Règles d’assiette et de taux

– 7,2

– 2,3

– 9,3

– 12,2

– 10,3

– 7,0

– 8,3

Part des entreprises déficitaires

+ 14,9

+ 10,4

+ 5,6

+ 3,8

+ 4,2

+ 8,5

+ 6,4

Report en avant et en arrière

– 4,7

– 3,0

– 2,7

– 7,4

– 3,3

– 5,3

– 4,7

Démographie

+ 10,2

+ 7,4

+ 2,9

 3,6

+ 0,9

+ 3,2

+ 1,7

Taux implicite

37,4

39,5

28,0

18,6

25,0

30,6

27,5

a. Taux normal de 33,3 %, auquel on ajoute la contribution sociale sur les bénéfices pour les entreprises les plus grandes.

Source : liasse fiscale 2007 (DGFiP) ; calculs DGTrésor

Les raisons expliquant de tels écarts tiennent, à titre principal, aux effets de la déductibilité des intérêts d’emprunt, qui entraînent une réduction du taux d’imposition de 13,9 % pour les grandes entreprises, contre 3,7 % pour les PME.

Les travaux du précédent Rapporteur général (31) confirment le fait que la déductibilité illimitée des frais d’emprunt constitue une source majeure d’optimisation fiscale pour les grands groupes. Il constatait ainsi que « les charges d’intérêt sont concentrées au sein des groupes qui, bien qu’ils ne déclarent qu’environ 70 % du total des charges et des produits, déclarent 90 % des charges d’intérêt (1 500 milliards d’euros) contre 72 % des produits correspondants. »

Outre la plus forte intensité capitalistique des grands groupes, également mentionnée par l’étude du Trésor, deux explications ont été avancées par le précédent Rapporteur général pour tenter de comprendre un tel constat.

D’une part, les montages de LBO – c’est-à-dire de rachats de sociétés financés par endettement – sont généralement organisés en groupe. Les résultats de la société acquise sont, pour l’établissement de l’impôt du groupe, minorés des charges financières supportées par la holding pour l’acquisition de la société opérationnelle. L’État supporte donc une part du coût d’acquisition de la société opérationnelle à raison de l’impôt perdu sur ses résultats.

D’autre part, sont mentionnées des pratiques d’optimisation propres aux grands groupes. Le bénéfice imposable en France serait minoré en rattachant des charges financières afférentes à des opérations étrangères dont le bénéfice n’est pas rapatrié. En d’autres termes, du fait de la déductibilité illimitée des charges financières, l’État financerait indirectement une partie des activités menées à l’étranger par les grands groupes.

Il est ainsi précisé qu’un groupe qui rachète une société dans un État où le taux d’IS est inférieur à celui de la France aura systématiquement intérêt à faire supporter le financement de l’opération – donc les charges financières – par une société française.

Le précédent Rapporteur général concluait cette analyse en indiquant qu’ « il est possible que notre système fiscal ait eu vocation à organiser ainsi une forme de subvention fiscale à l’expansion internationale des entreprises françaises, mais la nécessité d’un tel avantage n’est probablement plus établie. »

Les auteurs de l’étude du Trésor remarquent, par ailleurs, que, s'agissant de la démographie des entreprises, les plus petites d’entre elles font face à un risque de disparition plus important – disparition pure et simple, croissance et passage dans une catégorie supérieure ou rachat –, ce qui expliquerait une grande part de l’écart d’imposition avec les grandes entreprises.

Ils poursuivent en indiquant que ces effets de démographie sont neutralisés quand on s'intéresse aux seules entreprises bénéficiaires et hors mécanismes de report dans le temps. Toutefois, en excluant les entreprises déficitaires, ce cas type ne rend pas compte de l'ensemble de l'économie française. Après prise en compte de ce retraitement, le taux d’imposition des grandes entreprises reste nettement inférieur à celui des PME.

TAUX IMPLICITE DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES BÉNÉFICIAIRES AU TITRE DE 2007

(en points d’excédents nets d’exploitation)

Source : liasses fiscales DGFiP ; calculs DGTrésor.

Au final, les entreprises dont la capacité contributive est la plus importante bénéficient, de fait, d’un régime favorable d’imposition sur les bénéfices en raison notamment de la possibilité de déduire sans limite leurs intérêts d’emprunt.

● Comme indiqué plus haut, l’impôt sur le revenu a connu des allègements successifs qui ont conduit à amputer son produit d’environ 1,4 % de PIB sur la décennie, soit près de 30 milliards d’euros. Une telle évolution contribue à accentuer le déséquilibre du système fiscal en allégeant les contributions versées par les ménages les plus aisés.

Comme le montre le tableau ci-dessous, 10 % des ménages versent plus de 80 % du produit de l’impôt. En d’autres termes, son poids est concentré sur les ménages les plus aisés. Il est donc probable que ceux-ci aient été les principaux bénéficiaires des réformes du barème et des dépenses fiscales décidées depuis 2002 (32).

RÉPARTITION DE L’IMPÔT SUR LE REVENU PAR DÉCILES DE FOYERS FISCAUX

 

Revenus 2007

Les 10 % des foyers acquittant le moins d'impôt

– 7,6%

Les 10 % suivants

– 2,1%

Les 30 % suivants

– 0,2%

Les 10 % suivants

0,7 %

Les 10 % suivants

4,1 %

Les 10 % suivants

8,6 %

Les 10 % suivants

15,6 %

Les 10 % des foyers fiscaux acquittant le plus d'impôt

80,9 %

Ensemble des foyers fiscaux

100,0 %

Source : échantillon représentatif des revenus 2007, MINEFE

Une telle évolution paraît d’autant plus préoccupante que, comme l’a montré l’analyse économique (33), l’impôt progressif constitue le principal instrument permettant de modérer l’accumulation et la reconstitution de patrimoines et d’assurer une redistribution fiscale. Il semble en effet qu’en dépit de la stabilité des inégalités salariales au cours du siècle, une réduction des inégalités ait pu être constatée au cours du XXème siècle en raison de la mobilisation de l’outil fiscal.

Inversement, « aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Royaume-Uni, il ne fait aucun doute que l’élargissement des inégalités patrimoniales observé au cours des années 1980-1990 a été grandement facilité par les très fortes baisses d’impôts dont ont bénéficié les revenus les plus élevés depuis la fin des années 1970. »

En France, l’INSEE (34) estime que les inégalités de patrimoine ont augmenté entre 2004 et 2010. Selon les résultats de l’enquête « Patrimoine des ménages » de 2010, le patrimoine moyen détenu par les 10 % des ménages les plus dotés est, en 2010, 35 fois plus élevé que celui détenu par les 50 % des ménages les moins dotés – ce rapport était de 32 en 2004.

Par ailleurs, l’indice de Gini, qui est un indicateur du niveau des inégalités, aurait augmenté de 1,4 % sur la période. Selon l’INSEE, il progresse de 13,9 % sur la population constituée des ménages dont le patrimoine est supérieur au dernier décile. En d’autres termes, le mouvement d’accroissement des inégalités patrimoniales aurait été largement alimenté par l’enrichissement des « très riches ».

En définitive, le renforcement de l’impôt sur le revenu semble être une nécessité pour mettre un frein à l’accroissement des inégalités et, dans une perspective d’efficacité économique, limiter les revenus de la rente. Dans cette optique, le projet de loi de finances pour 2013 proposera un ensemble de mesures destinées à renforcer l’impôt progressif, telles qu’une évolution du barème avec l’instauration d’une tranche supplémentaire à 45 % et d’une tranche d’imposition à 75 % sur les revenus au-delà d’un million d’euros, un plafonnement plus strict des niches fiscales, la « barèmisation » de l’imposition des revenus du capital ou encore la diminution des avantages retirés du quotient familial.

2.– Maîtriser l’évolution des dépenses publiques à partir de choix politiques clairs et une juste répartition des efforts

a) Mobiliser l’ensemble des administrations publiques pour stabiliser les dépenses en volume

Sur la période 2012 -2015, la croissance tendancielle des dépenses serait, selon l’Inspection générale des finances, de 1,5 % en volume par an pour l’ensemble des administrations publiques, soit de 1,3 % pour l’État, de 1,75 % pour les ASSO et de 1,0 % pour les APUL.

Dès lors que ces dépenses atteignent 1 118 milliards d’euros en 2011, cela signifie que la progression tendancielle des dépenses publiques s’élève globalement à 16,8 milliards d’euros par an.

Le Gouvernement propose de réduire le rythme de progression des dépenses publiques à 0,8 % par an en moyenne, un taux légèrement inférieur à celui retenu dans les documents de campagne du nouveau Président de la République (35), compte tenu de la révision à la baisse des perspectives de croissance sur la période 2012-2015.

Un tel objectif suppose donc de réaliser 9 milliards d’euros d’économies par an sur les dépenses publiques (soit 27 milliards d’euros à l’horizon 2015), sans compter le financement, par redéploiement, des nouvelles dépenses prioritaires du Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat des ménages. Cet effort est certes marqué, mais il apparaît indispensable pour retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire, l’enjeu étant désormais de répartir la charge équitablement entre les différentes administrations publiques en fonction des priorités affichées par le nouveau Gouvernement.

● Pour l’État, l’objectif affiché par le nouveau Gouvernement consiste à stabiliser les dépenses, hors charge de la dette et des pensions, en valeur entre 2013 et 2015.

Or, l’augmentation tendancielle de ces dépenses est de 6 milliards d’euros par an. Le respect de la norme « zéro valeur » implique donc des mesures de redressement à hauteur de 6 milliards d’euros par an, hors mesure nouvelle. Si elle est respectée, l’ancienne norme « zéro volume » le sera aussi mécaniquement, si l’on exclut l’hypothèse d’une forte hausse des taux d’intérêt.

La stabilisation en valeur des dépenses de l’État, hors charge de la dette et des pensions, pourrait apparaître comme moins « dure » que celle qui avait été présentée par le précédent Gouvernement dans le programme de stabilité pour les années 2012 à 2016 puisque ce dernier avait retenu une norme « zéro valeur moins un milliard d’euros ».

Cependant, tel ne sera pas le cas puisque le Gouvernement entend également financer ses nouvelles priorités, pour assurer le redressement dans la justice, par le biais de redéploiements de crédits : augmentation des effectifs dans les secteurs prioritaires (éducation nationale, justice, police et gendarmerie, Pôle emploi) mais stabilisation en valeur des dépenses de personnel de l’État, revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire (+ 0,4 million d’euros), « coup de pouce » en faveur du SMIC (+ 0,6 milliard d’euros en 2013)… Par conséquent, il conviendra de réaliser sur le périmètre de la norme « zéro valeur » plus de 7 milliards d’euros d’économies par rapport à la tendance.

Pour résoudre cette équation difficile mais nécessaire au renforcement du pouvoir d’achat des ménages, d’une part, et, d’autre part, des moyens dédiés à l’éducation, la justice, la sécurité et l’emploi, le nouveau Gouvernement a invité chaque ministère à lui faire des propositions construites en accord avec les partenaires sociaux dans un esprit d’équité, d’efficacité et de différenciation entre les besoins de leurs services.

Le Premier ministre a néanmoins fixé également des objectifs clairs et ambitieux (36) :

– stabilisation des effectifs et stabilisation de la masse salariale de l’État : l’augmentation des effectifs dans l’éducation nationale, la justice et la sécurité (police et gendarmerie) sera compensée par la réduction globale des effectifs de l’État de 2,5 % par an en moyenne sur l’ensemble de ses actions non prioritaires et par la réduction de moitié des crédits réservés aux mesures catégorielles ;

– diminution des dépenses de fonctionnement de l’État – y compris les dépenses de fonctionnement de la mission Défense – de 7 % en 2013 par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, puis de 4 % en 2014 par rapport à 2013 et de 4 % en 2015 par rapport à 2014, soit au total de 15 % sur trois ans ;

– réduction parallèle des dépenses d’intervention « pilotables » de l’État, c'est-à-dire celles qui ne résultent pas de l’application d’un texte réglementaire ou législatif. Ces dépenses s’élèvent à 19 milliards d’euros en 2012 mais seulement cinq dispositifs dépassent 0,5 milliard d’euros de crédits de paiement chacun pour un total de 7,4 milliards d’euros (37). De nombreuses réductions de dépenses pourraient notamment découler de l’identification de redondances entre les dispositifs d’un montant mineur, qui ensemble, représentent près de 62 % de ces dépenses d’intervention ;

– maîtrise de la croissance spontanée des dispositifs d’intervention de guichet par l’adoption de réformes dans un esprit d’équité et d’efficacité.

Il est précisé que si l’ensemble de ces principes est applicable également aux dépenses de personnel, de fonctionnement et d’intervention portées par les opérateurs de l’État, chaque ministre pourra répartir l’effort global entre son administration et les opérateurs dont il a la tutelle selon ce qu’il estime être le plus juste et le plus pertinent. Le Rapporteur général en déduit que l’assiette retenue pour réaliser ces économies sera désormais constituée de l’ensemble des dépenses de fonctionnement de l’État (titre III, catégories 31 et 32 hors masse salariale des opérateurs, soit environ 29 milliards d’euros) et de l’ensemble des dépenses d’intervention de l’État (titre 6 hors Remboursements et Dégrèvements, soit 57 milliards d’euros dont 19 milliards d’euros de dépenses « pilotables »).

Il faut par ailleurs constater qu’aucun ministère n’est exonéré de l’effort de maîtrise des dépenses. S’il exerce une mission prioritaire, le ministère concerné devra néanmoins lui aussi réaliser des économies sur ses dépenses non spécifiquement dédiées à la mise en œuvre de cette mission prioritaire. L’on peut imaginer par exemple qu’au ministère de l’éducation nationale, les effectifs du personnel enseignant ou encadrant les élèves progressent tandis que les effectifs des personnels de l’administration centrale et déconcentrée (ministère, rectorats et académies) non directement en contact avec les élèves diminuent.

Cette répartition équitable des efforts à réaliser entre l’ensemble des ministères et des opérateurs de l’État constitue un véritable changement par rapport à la politique budgétaire menée sous la précédente législature et impose un pilotage fin des dépenses de l’État et de ses opérateurs.

Se pose désormais la question de savoir s’il serait pertinent d’élargir le périmètre des normes « zéro volume » et « zéro valeur » à certaines dépenses extrabudgétaire ou exceptionnelles afin d’offrir au Gouvernement et au Parlement une grille de lecture complète et fine de l’évolution de l’ensemble des dépenses de l’État entre la prévision en loi de finances initiale et l’exécution.

Rappelons que la norme dite « zéro volume » impose que les dépenses du budget général hors Remboursements et dégrèvements, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne et les nouvelles affectations de recettes (soit une enveloppe de dépenses représentant 357,4 milliards d’euros de dépenses en 2011) progressent au même rythme que l’inflation. La norme « zéro valeur » s’inscrit dans le périmètre de la norme « zéro volume » en imposant un gel en valeur des dépenses de ce périmètre, hors charge de la dette (46,3 milliards d’euros en 2011) et des pensions des agents de l’État (35,8 milliards d’euros en 2012).

Sont donc exclues du périmètre de ces deux normes :

– les dépenses de la mission Remboursements et Dégrèvements au sein du budget général, qui procèdent pourtant pour une part significative de mesures de politiques publiques ;

– les dépenses des comptes spéciaux et des budgets annexes alors même que certaines dépenses portées par ces structures sont assimilables à des dépenses du budget général ;

– les dépenses « exceptionnelles », parfois qualifiées comme telles par le précédent Gouvernement pour les soustraire aux normes de dépenses en volume et en valeur, et éviter que les dépenses du budget général ne servent de variables d’ajustement. Ainsi en est-il des dépenses du plan de relance de l’économie en 2009 et 2010 et des dépenses d’investissements d’avenir correspondant aux décaissements des dotations consommables et aux intérêts versés sur les dotations non consommables au cours de l’année.

Or, tant la Cour des comptes (38) que l’Inspection générale des finances (39) recommandent d’élargir le périmètre des normes « zéro volume » et « zéro valeur » de l’État à certaines de ces dépenses dès lors qu’elles présentent certaines caractéristiques, notamment lorsque : le niveau de dépense est relativement prévisible, la dépense présente un caractère récurrent, la dépense est pilotable, la dépense répond à des objectifs similaires à ceux d’une mission du budget général… Sont par exemple visées les dépenses du CAS Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (575 millions d’euros) et du CAS Développement rural et agricole (110,5 millions d’euros).

À ce stade, le Rapporteur général souhaite qu’un débat s’instaure sur cette question dans la perspective de l’élaboration du projet de loi de programmation des finances publiques prévu à l’automne prochain, afin de permettre au Gouvernement et au Parlement de définir le meilleur outil de suivi et de pilotage de la dépense de l’État, afin qu’il soit le plus complet possible de façon à pouvoir arbitrer entre les dépenses prioritaires et non prioritaires et respecter ainsi le cadrage budgétaire proposé par le Premier ministre pour les années à venir.

● Pour les administrations de sécurité sociale, il conviendra impérativement de retrouver l’équilibre des comptes sociaux d’ici 2017.

Le déficit des comptes sociaux, qui revient à faire financer des dépenses courantes de transfert par la dette et donc les générations futures, est une anomalie profonde.

Or le retour à l’équilibre n’est pas atteignable à un horizon proche sans une maîtrise renforcée des dépenses et, subsidiairement, une hausse des prélèvements suffisante pour supprimer le déficit structurel du régime général.

Avec une hypothèse de croissance annuelle de 3,0 % pour l’ONDAM (alors que la moyenne de l’ONDAM s’est établie à 3,4 % entre 2007 et 2011) et de 3,5 % pour la masse salariale, le montant cumulé des déficits enregistrés par le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse entre 2012 et 2020 pourrait atteindre près de 155 milliards d’euros et dépasserait de loin le niveau de dette supplémentaire que la CADES est en mesure de reprendre sans ressources nouvelles et sans recul de son horizon actuel d’amortissement, soit 2025.

Par conséquent, une réflexion d’ensemble sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, des retraites et des prestations familiales ainsi que sur l’indemnisation chômage devra être menée avec les partenaires sociaux afin de trouver les meilleurs leviers de maîtrise de ces dépenses.

Dans un souci de justice et d’équité, plusieurs pistes pourraient être envisagées au bénéfice des plus vulnérables telles qu’un meilleur ciblage des bénéficiaires grâce à la mise sous conditions de ressources de certains avantages ou prestations, une redéfinition des règles d’acquisition des trimestres pour la durée d’assurance, un plafonnement individuel des restes à charges, le non-cumul de certains avantages fiscaux et de prestations concourant au même objectif.

● Pour les collectivités territoriales, le Gouvernement propose de stabiliser en valeur les concours de l’État, et non plus de les réduire chaque année de 200 millions d’euros, comme cela était prévu par le programme de stabilité présenté par le précédent Gouvernement.

En outre, conformément à l’engagement présidentiel, l’acte III de la décentralisation devrait permettre de poser les conditions d’un cadre conventionnel entre l’État et les collectivités locales, représentées par leurs associations nationales, afin de définir les engagements réciproques des diverses catégories de collectivités d’un côté, et de l’État de l’autre. Les premières devraient assumer leur responsabilité dans la régulation par la dépense résultant des engagements de retour à l’équilibre des finances publiques nationales, cependant que le second pourrait fournir des garanties quant à la stabilisation des transferts directs ou surtout indirects de charges non compensées.

b) Redéployer les dépenses publiques en faveur de l’emploi, l’éducation, la sécurité et la justice, l’investissement et la préservation de notre modèle social

La crédibilité de la politique des finances publiques repose aussi sur son acceptabilité sociale. Le ralentissement des dépenses publiques et la hausse des prélèvements obligatoires nécessaires au redressement des comptes publics demanderont des sacrifices aux ménages, qu’ils soient contribuables, bénéficiaires de prestations sociales, agents publics ou usagers des services publics.

Pour être acceptés, ces efforts doivent être équitablement répartis, expliqués et mis en perspective : si des économies doivent être réalisées, les priorités du nouveau Gouvernement ne doivent pas pour autant être sacrifiées. Le débat d’orientation des finances publiques est ainsi l’occasion de rappeler les mesures qui seront prises pour respecter les engagements pris.

● Relancer l’investissement au service de la croissance

Le retour de la croissance passera en premier lieu par une relance du projet européen. Le sommet européen des 28 et 29 juin a marqué une prise de conscience collective de la profondeur de la crise et de la nécessité d’actions de grande ampleur pour relancer la croissance et la solidarité entre Etats. Le Pacte pour la croissance en est la traduction puisqu’il instaure un plan de 120 milliards d’euros soit 1 % du PIB de l’Union européenne, afin de mettre la croissance au premier rang des priorités à travers :

– une augmentation du capital de la banque européenne d’investissement (BEI) de 10 milliards d’euros, qui permettront de lever 60 milliards d’euros de prêts nouveaux dès l’an prochain, pour financer des projets dans l'innovation, les petites et moyennes entreprises, l'efficacité énergétique et les infrastructures stratégiques (40;

 la réallocation de 55 milliards d’euros des fonds structurels non utilisés, en faveur du soutien au PME et à l'emploi des jeunes ;

 la création de « project bonds », c'est-à-dire des émissions communes d’obligations pour financer des investissements comme par exemple des infrastructures de transport et d'énergie…

Sur le plan national, le Gouvernement entend accélérer la sélection des projets au titre des investissements d’avenir, qui constituent le principal outil d’intervention de l’État en matière d’investissement public. Cinq secteurs de l’économie française sont ainsi considérés comme stratégiques et dotés de crédits : l’enseignement supérieur et la formation (11 milliards d’euros), la recherche (7,9 milliards d’euros), l’industrie et les PME (6,14 milliards d’euros), l’économie numérique (4,5 milliards d’euros) et le développement durable (5,1 milliards d’euros) (41).

En outre, conformément à l’engagement de campagne du Président de la République, une banque publique de l’investissement va être créée, au sein d’Oséo, notamment par redéploiement d’un milliard d’euros de crédits destinés aux investissements d’avenir.

À travers ses fonds régionaux, cette banque publique de l’investissement favorisera le développement des PME, le soutien aux filières d’avenir et la conversion écologique et énergétique de l’industrie. Elle doit permettre aux régions, pivots de l’animation économique, de prendre des participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France, étant précisé qu’une partie des financements sera orientée vers l’économie sociale et solidaire.

Le redéploiement de crédits envisagé impactera les actions des programmes des investissements d’avenir suivants : ville de demain (150 millions d’euros), soutien aux usages, services et contenus numériques innovants (450 millions d’euros), plateformes mutualisées d'innovation (450 millions d’euros), prêts verts (50 millions d’euros), actions mises en œuvre par l’ADEME au titre des démonstrateurs en énergie renouvelables (75 millions d’euros), du véhicule du futur (50 millions d’euros) et de smart grids (42) (35 millions d’euros) et de l'action économie circulaire (40 millions d’euros).

● Soutenir l’emploi en concertation avec les partenaires sociaux

Au cours des prochains mois, le Gouvernement mettra en œuvre, en concertation avec les partenaires sociaux, des mesures en faveur de l’emploi : sécurisation des parcours professionnels, création de 150 000 emplois d’avenir, contrats de génération pour lutter contre le chômage des jeunes et des seniors. Couplées au redémarrage progressif de la croissance en 2013, cette politique devrait permettre à l’économie de renouer avec les créations d’emplois (environ 90 000 sur l’année). Le Gouvernement anticipe ainsi une légère accélération de la masse salariale (2,7 %), ce qui conjointement au repli de l’inflation (à + 1,6 % après + 1,9 %), soutiendrait le revenu et le pouvoir d’achat des ménages.

● Soutenir le pouvoir d’achat des ménages

Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé un effort de 400 millions d’euros supplémentaire pour revaloriser l’allocation de rentrée scolaire.

Il a également décidé de revaloriser le SMIC de 2 % au 1er juillet 2012 afin d’anticiper la revalorisation en fonction de l’inflation qui aurait dû avoir lieu au 1er janvier 2013 (+ 1,4 %), tout en la majorant de 0,6 % afin de renforcer le pouvoir d’achat des salariés les plus vulnérables, conformément à l’impératif de justice sociale qu’il se fixe pour les années à venir. Le coût net de cette mesure s’élèverait à 100 millions d’euros pour l’État lui-même, mais pourrait être absorbé en gestion selon le Gouvernement.

Il a enfin été prévu d’encadrer, en urgence par voie réglementaire, l’évolution des loyers en cas de relocation dans les zones les plus tendues, avant de proposer une loi plus générale d’encadrement de tous les loyers en coordination avec l’ensemble des acteurs du secteur, publics et privés, associations de propriétaires ou de locataires.

● Replacer l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique :

La stabilisation des effectifs de l’État et de la masse salariale ne se fera pas de manière uniforme et aveugle contrairement à la mise en œuvre de la précédente règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.

Le Gouvernement prévoit ainsi de créer 60 000 postes supplémentaires dans l’Éducation nationale pour couvrir tous les métiers autour de l’élève, ce qui représente 12 000 recrutements par an supplémentaires, la priorité étant donnée à l’école maternelle et primaire.

● Renforcer la protection des citoyens et assurer la justice pour tous

Malgré la stabilisation des effectifs de l’État, le Gouvernement prévoit également de renforcer les moyens au service de la sécurité et de la justice, par la création de 1 000 postes supplémentaires par an, soit 5 000 postes sur la législature. L’objectif est de mettre en œuvre une nouvelle sécurité de proximité assurée par la police dans les quartiers et par la gendarmerie dans les territoires ruraux et de faciliter l’accès à la justice pour tous les citoyens.

● Préserver le modèle social français :

Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il entendait élargir la possibilité de partir à la retraite à partir de 60 ans sous certaines conditions (43) et a annoncé une négociation globale durant l’été 2012 avec les partenaires sociaux afin de définir, dans un cadre financier durablement équilibré, l’âge légal de départ à la retraite, la prise en compte de la pénibilité, le montant des pensions et l’évolution des recettes indispensables à la pérennité de notre système de retraite solidaire.

Dans le même ordre d’idée, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 déposé le 4 juillet sur le bureau de l’Assemblée nationale prévoit de supprimer le droit d’entrée de 35 euros dans le dispositif de l’aide médicale d’État qui avait entraîné un renoncement ou un report de l’accès au soin des personnes les plus en difficulté, ainsi que l’obligation d’obtenir un agrément préalable pour la délivrance de soins hospitaliers coûteux.

En conclusion, le Rapporteur général constate que le précédent Gouvernement a laissé une situation des comptes publics français particulièrement dégradée, qui résulte essentiellement d’une politique fiscale en faveur des plus aisés et qui ne peut être uniquement justifiée par les conséquences de la crise économique et financière apparue en 2008.

L’enjeu essentiel pour le Gouvernement et sa majorité consistera donc à se donner les moyens de restaurer l’équilibre budgétaire à l’horizon 2017, à travers une hausse des prélèvements obligatoires et une plus juste répartition de la charge de l’impôt par rapport à la période antérieure, tout en assurant une véritable maîtrise des dépenses publiques afin de pouvoir financer ses priorités budgétaires.

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AUDITIONS DE M. PIERRE MOSCOVICI, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, ET DE M. JÉRÔME CAHUZAC, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DU BUDGET

Au cours de sa séance du mercredi 4 juillet 2012, la Commission procède à l’audition de M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances et de M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du Budget, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011 (n° 3), sur le rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques et sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.

M. le président Gilles Carrez. Nous accueillons maintenant, après le premier Président de la Cour des Comptes Didier Migaud, M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, et M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du budget. L’ordre du jour est consistant puisqu’il comporte successivement le projet de loi de règlement, le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour l’exercice 2011, le rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques 2012 et le projet de loi de finances rectificative, second collectif budgétaire de 2012. Messieurs les ministres, nous sommes très heureux de vous accueillir.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je suis très heureux et honoré d’être auditionné par votre commission. Je souhaiterais rendre hommage au député Olivier Ferrand qui aurait dû siéger dans vos rangs et qui aurait constitué un élément de talent au sein de la commission.

Nous posons, dès les premiers jours de cette nouvelle législature, les premiers jalons de la politique économique de « redressement dans la justice » voulue par le Président de la République. L’ordre du jour est effectivement chargé : le projet de loi de règlement présente un panorama détaillé – plutôt sombre d’ailleurs – de la situation financière du pays ; le débat d’orientation des finances publiques offre une perspective d’ensemble et permettra au Parlement d’apporter son soutien aux inflexions nécessaires pour redresser les comptes et l’économie du pays ; enfin, le projet de loi de finances rectificative constituera la première étape de notre plan d’ajustement des comptes publics et de justice fiscale.

Le Parlement sera pleinement associé à ce chantier crucial qui doit allier, dans la durée, crédibilité budgétaire et changement. Jérôme Cahuzac a brillamment assuré la présidence de votre commission dont j’étais un modeste membre sous la précédente législature. Il connaît et respecte donc la rigueur et la qualité de vos travaux. En tout état de cause, nous partageons la même volonté d’échange avec chacun de ses commissaires. Le Gouvernement se doit de cultiver le dialogue, l’écoute et la pédagogie à l’égard des députés afin qu’ils soient pleinement associés à la conduite du changement, dans un contexte économique très difficile.

La situation économique est marquée par une croissance atone, de 0,3 % en 2012, et un taux de chômage touchant 10 % de la population active, et plus particulièrement les jeunes et les seniors. Selon le diagnostic de la Commission européenne, de l’Inspection générale des finances et d’autres instances de contrôle, la France fait face à un triple déficit tandis que les tensions demeurent très vives dans la zone euro. Le premier déficit affecte la croissance et la compétitivité. Il trouve en partie sa source chez certains de nos partenaires européens, contraints de mener des politiques d’austérité en l’absence de solution d’ensemble à la crise des dettes souveraines. En outre, la consommation des ménages étant faible, elle ne joue plus suffisamment son rôle de moteur historique de la croissance. Ce déficit s’explique enfin par une perte de compétitivité sans précédent puisque nos parts de marché à l’exportation ont reculé de 20 % au cours des cinq dernières années.

Le deuxième déficit concerne la crédibilité de notre économie : nos comptes publics dérivent au point qu’une agence de notation nous a retiré notre « triple A ». La dette publique a augmenté de 800 milliards d’euros depuis 2002. En 2011, le déficit public demeure supérieur à 100 milliards d’euros, ainsi que l’a montré la Cour des Comptes. Or, la crise ne peut à elle seule tout expliquer. Ne confondons pas gestion et malchance : confrontée à la même crise et utilisant la même monnaie, l’Allemagne a su ramener son déficit public à un niveau proche de l’équilibre en 2011.

Enfin, il en découle un déficit de confiance en l’action publique, sapée par l’instabilité, les remises en question permanentes et la confusion dans les objectifs. Certaines décisions – que nous estimons injustes, car en faveur des plus privilégiés – ont aussi entamé notre cohésion sociale.

Lors de l’élection présidentielle de mai et des élections législatives de juin, les Français ont voté pour un changement de cap : une stratégie résolue en faveur de la croissance et de la solidarité, tant à l’échelon national qu’européen, et le redressement des comptes dans la justice.

Au niveau européen, des avancées majeures pour restaurer la croissance ont été enregistrées lors du sommet des 28 et 29 juin derniers : grâce, en particulier, aux efforts de la France et au message porté par le Président de la République, la croissance a été replacée au cœur de la construction européenne. Les chefs d’État et de Gouvernement ont adopté un plan ambitieux s’élevant à 1 % du produit intérieur brut – PIB –, c'est-à-dire 120 milliards d’euros, l’équivalent du budget communautaire, comprenant de nouvelles ressources et orientant vers la croissance l’ensemble des politiques européennes.

Ils ont également adopté des mesures de stabilité financière. Avant la fin de l’année, sera mise en place une supervision financière intégrée pour mieux contrôler le système financier et contenir l’impact des crises sur les finances publiques. Les banques en difficulté pourront être recapitalisées, en réponse notamment à la situation espagnole, sans que les prêts consentis par le Mécanisme européen de stabilité – MES – et le Fonds européen de stabilité financière – FESF – reçoivent le bénéfice de la séniorité. Des interventions sur les marchés obligataires primaire et secondaire seront possibles, la Banque centrale européenne intervenant alors comme opérateur pour le compte des fonds de secours mobilisés au profit d’États ayant déjà fait des efforts importants pour redresser leur déficit structurel.

Enfin, une feuille de route a été tracée en vue d’une intégration solidaire. Cela prouve que l’Union européenne n’est pas uniquement synonyme de restrictions budgétaires et que l’on peut obtenir des résultats au niveau européen lorsque l’on formule des propositions tout en étant respectueux de ses engagements.

Au niveau national, des mesures d’urgence ont déjà été adoptées en faveur de la justice, de l’emploi et du pouvoir d’achat et nous les assumons pleinement : le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l’âge d’ouverture du droit à pension de vieillesse, dit décret sur les retraites, la hausse de l’allocation de rentrée scolaire, le coup de pouce au SMIC et la création de contrats aidés supplémentaires. Ces mesures nécessaires, tant sur le plan social que sur le plan économique, ont été entièrement financées par des hausses de recettes ou des économies supplémentaires.

Les textes budgétaires de cette session visent à préserver la croissance. Le projet de loi de finances rectificative traduira ainsi, dans notre fiscalité, la priorité que nous accordons à l’emploi et à l’investissement, par exemple celui des bénéfices plutôt que leur distribution. Le collectif prévoira la suppression de certains avantages consentis aux plus petites entreprises qui n’ont pas contribué à la baisse du chômage. Il s’agit de la première étape d’un mouvement qui se poursuivra. Ainsi, au second semestre 2012 et au premier semestre 2013, nous proposerons une série de réformes ambitieuses pour redresser l’économie en permettant aux entreprises d’investir et en mettant la finance davantage au service de l’économie réelle. Il s’agira notamment d’apporter un soutien aux petites et moyennes entreprises – PME –, aux très petites entreprises – TPE –, aux entreprises de taille intermédiaires – ETI – ; et à l’investissement grâce à une réforme de l’impôt sur les sociétés – IS – et du crédit d’impôt recherche – CIR –.

Plusieurs réformes du financement de l’économie seront conduites en parallèle, avec, pour principaux axes, la création d’une banque publique d’investissement, la réforme bancaire, la réforme de l’épargne réglementée et celle de la fiscalité de l’épargne.

La fiscalité, rendue plus lisible, plus juste et plus efficace, favorisera les investissements au détriment des entreprises qui délocalisent. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault l’a indiqué lors de sa déclaration de politique générale devant cette assemblée : être juste, c’est aussi reconnaître l’apport des créateurs, des innovateurs et des entrepreneurs. En d’autres termes, le volet compétitivité de ces réformes est essentiel. L’équité suppose également une maîtrise, voire une baisse de certains prix, notamment celui du logement, et un soutien affirmé à notre commerce extérieur.

Le soutien à l’activité ne doit pas contrecarrer le redressement de nos comptes publics – une nécessité absolue, tant pour respecter nos engagements européens que pour demeurer souverain vis-à-vis des marchés financiers, restaurer la confiance et, surtout, pour dégager des marges de manœuvre en faveur de la croissance. Le poids de la dette est désormais écrasant : l’État verse chaque année à ses créanciers plus de 50 milliards d’euros, ce qui fait désormais du service de la dette notre premier poste de dépense budgétaire. Une telle situation ne pouvant perdurer, il convient de réduire la part de la dette publique dans le PIB. Le constat de la Cour des Comptes est d’ailleurs particulièrement clair à cet égard. Si les déficits ont effectivement été réduits à 5,2 % en 2011, leur niveau spontané dérivait vers 5 % en 2012. Il fallait donc opérer dès cette année des choix structurels.

Nous avons choisi la sincérité, en commençant par bâtir notre stratégie budgétaire et fiscale sur des prévisions de croissance réalistes – 0,3 % en 2012, soit un taux très légèrement inférieur à la prévision de l’INSEE mais conforme au consensus établi par les économistes, et 1,2 % en 2013. Le retour de la croissance sera donc graduel. Le principe de sincérité suppose également que nous définissions de manière parfaitement claire nos objectifs et les moyens d’y parvenir. Nous visons à contenir le déficit budgétaire à 4,5 % en 2012, à le ramener à 3 % en 2013 grâce à un effort très important, puis à poursuivre ce redressement afin d’atteindre l’équilibre des comptes publics en 2017. Ce cadre apportera de la visibilité à tous les acteurs qui investissent, consomment et exportent. Nos engagements, rappelés à plusieurs reprises par le Gouvernement, y compris à nos partenaires européens, seront tenus tout en menant une politique de justice.

Le redressement économique implique des efforts significatifs que nous souhaitons répartir équitablement : entre recettes et dépenses, dans le temps, entre le secteur privé et le secteur public, au sein du secteur public, et entre ménages et entreprises. Les ménages les plus aisés et les grandes entreprises dont les taux d’imposition sont les plus faibles seront mis à contribution. L’efficacité économique doit rejoindre l’exigence politique et sociale.

Premier élément de cette politique de redressement, le projet de loi de finances rectificative – LFR – que Jérôme Cahuzac va vous présenter vise à sécuriser l’objectif de 4,5 % de déficit public à la fin de l’année sans briser une croissance vacillante. Il nous faut, pour ce faire, calculer au plus juste l’effort à fournir : il consiste en 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires et en des économies de dépenses. En outre, nous souhaitons soutenir le pouvoir d’achat des Français. Enfin, la LFR replacera la justice sociale au cœur du système fiscal en revenant sur les mesures que nous considérons comme les plus injustes et, au demeurant, les plus inefficaces de la législature précédente : la TVA dite « sociale » ou anti-compétitivité...

Mme Valérie Pécresse. « Anti-délocalisation » !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. ...qui n’a été ni sociale ni efficace. Quel que soit le nom donné à cette hausse de TVA, elle n’en aurait pas moins bridé la consommation des ménages les plus populaires et des couches moyennes, qui constitue le moteur de la consommation, déjà ralenti alors qu’il est au fondement de notre modèle productif, à la différence du modèle allemand. Au relèvement de la TVA, s’ajoutait l’allègement de l’impôt de solidarité sur la fortune et des droits de succession.

Redresser le pays, redresser l’Europe, redresser les comptes publics : voilà l’objectif que nous pouvons atteindre, au terme d’une course de fond.

Trois principes nous guideront : la sincérité, la concertation et le pragmatisme. La sincérité des comptes et des prévisions de croissance est la condition pour remettre en ordre nos finances publiques. Nous rompons avec la pratique des hypothèses exagérément optimistes. La concertation suppose l’association des partenaires sociaux et des collectivités territoriales à notre politique de redressement économique, sans stigmatiser les dépenses sociales. Elle se concrétisera lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet. Enfin, le pragmatisme implique de renoncer à l’ajustement mécanique du volume d’effectifs de la fonction publique, au fondement de la revue générale des politiques publiques – RGPP –, et de redéployer les moyens en fonction des besoins au sein de chaque ministère.

L’ancienne majorité nous reproche tantôt d’être trop laxistes, tantôt d’être trop austères. Or, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault met en œuvre une politique à la fois de redressement des comptes et de soutien de la croissance, tâche difficile et équation restée sans solution lors de la législature précédente. Nous avons pris la mesure du défi que nous souhaitons relever et notre démarche est à la fois cohérente, sérieuse et ambitieuse.

M. le président Gilles Carrez. Avant de céder la parole au ministre Jérôme Cahuzac, je salue en lui l’excellent président de la commission des finances qu’il a été ces deux dernières années.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Je constate avec amusement les glissements de certains membres de la commission, tels que votre président, M. Gilles Carrez, passé de ma droite à ma gauche, ou encore M. Charles de Courson, qui s’est rapproché de la présidence. J’exprime devant mes anciens collègues tout le plaisir que j’ai à les retrouver, et souhaite bonne chance à tous les nouveaux commissaires tout en affichant la certitude qu’ils accompliront un travail de qualité. J’ai une pensée émue pour Olivier Ferrand que je connaissais bien. Il manquera à la majorité et au Parlement dans son ensemble.

Le projet de loi de règlement prend acte de la diminution du déficit budgétaire de l’État en 2011, par rapport à 2010, ainsi que de celle du déficit public. Selon la Cour des comptes, qui nous sert en quelque sorte de juge de paix, le déficit budgétaire a diminué de 59 milliards d’euros entre 2010 et 2011, dont seulement 14 milliards de réduction structurelle. Compte tenu du remboursement à l’État des aides au secteur automobile, l’amélioration du déficit budgétaire n’est en fait que de 10 milliards d’euros, ce qui correspond au niveau de croissance spontanée des recettes.

Quant au déficit public, il a diminué d’1,9 % du PIB, mais la Cour n’évalue la diminution structurelle qu’à 0,8 point de PIB, correspondant exclusivement à des gains en recettes. Sur ces 1,9 %, 0,8 % correspond à des baisses exceptionnelles qui, par définition, ne se renouvelleront pas : 0,4 % au titre de l’extinction du plan de relance, 0,2 %, provenant de l’arrêt de l’équipement militaire, et 0,2 %, de la fin de réforme de la taxe professionnelle et à hauteur de 0,5 % de mesures strictement conjoncturelles. La Cour des comptes estime même qu’en dépenses, la politique conduite a abouti à une contribution négative, de – 0,2 %, à la maîtrise de la dépense.

Le projet de loi de finances rectificative s’inscrit donc dans un contexte économiquement tendu. Le texte n’est pas consécutif au rapport de la Cour des comptes qui partage néanmoins les diagnostics établis par les ministères de l’économie et des finances et du budget et, par conséquent, les mesures que nous soumettons au Parlement. Le Gouvernement a constaté pour 2012 des insuffisances de recettes que la Cour estime entre 6,5 et 10 milliards d’euros, et que le Gouvernement estime pour sa part à 7,1 milliards d’euros.

Tout d’abord, 3,4 milliards d’euros proviennent d’insuffisance de recettes au titre de l’impôt sur les sociétés. En effet, les recettes issues de cet impôt ont été surestimées dans la mesure où l’augmentation du bénéfice fiscal, évaluée à 5,4 %, n’aura finalement été que de 2 %, soit une erreur de plus du simple au double. La contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés, votée par la majorité précédente, rapportera 500 millions d’euros de moins que prévu. Ces éléments sont confirmés par la Cour des comptes. La deuxième insuffisance de recettes concerne la TVA, à hauteur d’1,4 milliard d’euros, dont 0,4 milliard de nature conjoncturelle, la croissance ayant été plus faible que ne l’espérait le précédent Gouvernement, et 1 milliard correspondant à une surestimation probablement délibérée puisqu’elle a été réalisée alors que tous les remboursements de TVA n’avaient pas encore été effectués. En outre, il manque 1 milliard de recettes au titre des droits de mutation à titre onéreux. Un tel écart est compréhensible tant cette recette est sensible à la conjoncture. Enfin, on constate une insuffisance de recettes d’1 milliard d’euros au titre des cotisations de sécurité sociale, également d’ordre conjoncturel. À cela s’ajoute l’effet masse des décisions relatives à la Grèce, à hauteur de 300 millions d’euros.

Entériner une telle insuffisance de recettes équivaudrait à accepter de ne pas tenir notre engagement de réduire notre déficit public à 4,5 % du PIB. Des mesures complémentaires sont donc nécessaires, d’autant plus qu’un contentieux, jusqu’alors ignoré des parlementaires, a été découvert. Il a débuté il y a plusieurs années, en 2007 au plus tard et probablement plus tôt encore. Tous les juristes et autres personnalités consultés par le Gouvernement précédent avaient prédit que ce contentieux serait perdu par la France. Cette année, il nous coûtera 1,5 milliard d’euros et 5 milliards d’ici à 2014, compte tenu des intérêts moratoires de près de 20 % que la France devra verser, précisément parce que ce contentieux fut ignoré. S’ajoute à cela – et la Cour des Comptes le confirme – un dérapage des dépenses d’1 à 2 milliards d’euros, phénomène assez peu surprenant car constaté d’année en année et justifiant l’existence d’une réserve de précaution de 5,4 milliards d’euros. Elle a été maintenue et complétée par le gel d’1,5 milliard de crédits supplémentaire.

La LFR propose donc des recettes complémentaires à hauteur de 7,2 milliards d’euros afin de compenser ce manque de recettes et de régler une partie du contentieux précité, dit contentieux « OPCVM ». Je me tiens à disposition des parlementaires souhaitant en savoir davantage sur la manière tout à fait confidentielle dont il a été traité, malheureusement sans succès, par le Gouvernement précédent, et sur la manière dont nous espérons, en gestion, pouvoir étaler ces 1 à 2 milliards d’euros de dérapage dans la dépense. Cette année, nous constatons comme au cours des précédentes, une sous-budgétisation des opérations militaires extérieures, des primes de Noël, du Plan sécheresse et du dixième mois de bourse étudiante, qui fut annoncé mais qui ne fut qu’à moitié financé et qui coûtera cette année 120 millions d’euros pris sur la réserve de précaution.

Si ce PLFR est adopté par le Parlement, non seulement l’objectif de 4,5 % sera respecté mais une partie du programme présenté aux électeurs lors de la campagne présidentielle puis législative sera mise en œuvre. En effet, afin de rétablir les finances publiques, nous sollicitons à part quasi-égale les ménages – pour 53 % – et les entreprises – pour 47 % –, jusqu’alors plutôt épargnés par les politiques économique et fiscale. S’agissant des ménages, nous proposons une taxe rétablissant le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF – que l’État aurait perçu si cet impôt n’avait pas été réformé l’année dernière. Concernant les entreprises, nous proposons de taxer à 3 % les dividendes, suivant la volonté du Président de la République de traiter de façon différenciée les entreprises qui investissent et celles qui distribuent des dividendes. D’autres mesures sont plus ponctuelles, qu’il s’agisse de la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers, de la contribution exceptionnelle sur les établissements de crédit, ou de la taxe sur les transactions financières, dont l’assiette et un taux avaient été votés sous la majorité précédente. Nous nous voyons contraints de doubler ce taux afin d’assurer le rendement attendu initialement. Quant à la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, créée par la majorité précédente, nous proposons d’en percevoir le produit de manière anticipée à la fin de cette année plutôt que l’année prochaine. Enfin, nous proposons de réviser les droits de succession. Lors du célèbre paquet fiscal de l’été 2007, la franchise avait été portée à 150 000 euros par enfant et par parent avec un délai de reprise de six ans, ensuite fixé à dix ans en loi de finances rectificative, à la fin de la précédente législature. Nous proposons de l’allonger de dix à quinze ans en abaissant le montant libre de droits à 100 000 euros par parent et par enfant. Ainsi, pour un couple ayant deux enfants, ce montant correspond, en une fois, à 400 000 euros, en deux fois, c’est-à-dire en trente ans, au double. Cela ne concerne donc pas le patrimoine des classes moyennes.

M. le président Gilles Carrez. Ma première question porte sur l’article 2 du PLFR, supprimant les allègements sociaux liés aux heures supplémentaires. Contrairement à certaines déclarations ambiguës, ces exonérations ne seront pas maintenues pour les salariés des entreprises de moins de vingt salariés, compte tenu du principe d’égalité devant l’impôt. Ainsi, l’ensemble des salariés effectuant des heures supplémentaires verront ces exonérations supprimées. Confirmez-vous les chiffres de 2,8 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales et d’1,4 milliard d’euros au titre de l’exonération d’impôt sur le revenu – IR –, laquelle n’interviendra qu’en 2013, du fait du décalage d’un an du prélèvement de l’IR ? La suppression des exonérations, à hauteur de 4,2 milliards d’euros, touche un peu plus de 8 millions de salariés, diminuant donc leur pouvoir d’achat de 500 euros en année pleine. Classez-vous ces salariés parmi les catégories les plus aisées ? L’exposé des motifs précise que la suppression interviendra le 1er septembre 2012 pour les salariés du secteur privé mais au 1er janvier 2013 pour ceux du secteur public, notamment les enseignants qui effectuent beaucoup d’heures supplémentaires : pourquoi une telle différence de traitement ?

Ma seconde question porte sur l’augmentation de deux points du prélèvement sur les revenus du patrimoine, le taux ayant été porté, depuis le 1er juillet, de 13,5 à 15,5 %. Ce dispositif, qui rapporte 2,6 milliards d’euros, contribuait à la réduction du coût du travail dans les entreprises confrontées à un grave problème de compétitivité. Si le volet TVA est supprimé, en revanche, cette augmentation de 2 % ne l’est pas. Pourquoi ne pas avoir choisi d’affecter ces 2,6 milliards à l’indispensable baisse du coût du travail dans nos entreprises ?

Enfin, le contentieux relatif à la retenue à la source supportée par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières – OPCVM – non-résidents a été correctement traitée : elle a fait l’objet, en comptabilité générale, d’une provision d’1,6 milliard d’euros, et de l’inscription, en 2012, de 900 millions en comptabilité budgétaire. Si l’on doit dépenser 1,5 milliard d’euros cette année, il manquera certes 600 millions d’euros. Cela étant, la question a été traitée dans mes rapports. On ne traite les contentieux en trésorerie, c’est-à-dire en décaissements, qu’une fois le jugement définitif. Dans le collectif budgétaire de juillet 2011, nous avons comptabilisé 500 millions de dépenses budgétaires liées à l’achèvement du contentieux relatif aux frégates de Taiwan. Ces contentieux étaient donc connus et ont été traités sur deux plans : en comptabilité générale et en comptabilité budgétaire.

M. Henri Emmanuelli. Nous n’avons jamais entendu parler de 5 milliards d’euros !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Notre président oublie qu’il existe deux contentieux distincts : le contentieux relatif au précompte mobilier et celui relatif aux OPCVM non-résidents, qui fut totalement absent de tous les documents budgétaires.

La loi de règlement retrace les effets de quatre mesures datant de 2007 : la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat qui a coûté 11,7 milliards d’euros de dépenses fiscales en 2011 ; la TVA à taux réduit dans le secteur de la restauration dont la facture a dépassé 3 milliards en 2011, ce qui correspond à huit ans d’application de la règle dite du « un sur deux ». Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle aura coûté environ 7 milliards d’euros en 2007. On dépasse ainsi les 20 milliards d’euros et l’on frôle les 25 milliards d’euros si l’on y ajoute la réforme de l’ISF dont l’impact est difficile à effectuer pour l’année 2011 puisque l’impôt a été remplacé par des recettes complémentaires dont les assiettes sont différentes. Quelques éléments exceptionnels ont permis au précédent Gouvernement d’améliorer la situation, notamment dans les comptes d’affectation spéciale, retraçant le contrôle de la circulation routière et la gestion des fréquences hertziennes.

Je félicite le ministre d’avoir retenu, dans le PLFR, comme prévision de croissance un taux rabaissé à 0,3 %, alors qu’au cours des derniers jours, un taux de 0,4 % était généralement évoqué. Voilà un signe de prudence et de transparence qui marque un changement. Quel sera le coût du bouclier fiscal en 2012, et son coût cumulé depuis sa création ? Le Gouvernement a-t-il réfléchi aux modalités permettant de mettre fin à cette dépense le plus tôt possible ?

Le Gouvernement a l’intention de reporter la réforme de l’impôt sur le revenu à la loi de finances initiale pour 2013. Cependant, puisque les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires ont été supprimées, pourquoi ne pas être allé au bout de la démarche en remettant également en cause l’exonération fiscale liée au coût des heures supplémentaires ?

La TVA à taux réduit dans le secteur de la restauration coûte près de 3 milliards d’euros pour un bénéfice relativement faible. L’objectif du Gouvernement consistant à corriger les injustices les plus flagrantes, pourquoi ne pas revenir sur cette mesure dans ce collectif budgétaire ?

Enfin, en matière de dépenses, la RGPP se résumait à un coup de rabot uniforme aux effets désastreux en termes d’égalité territoriale. Je suggère, à l’instar de la Cour des Comptes, d’aborder le sujet de manière globale en réfléchissant, d’une part, aux missions relevant de la compétence de l’État ; d’autre part, à la manière de les exercer – soit directement ou en partenariat avec les collectivités, soit en les déléguant à ces mêmes collectivités ou à des opérateurs. Il importe de répartir les missions de service public entre les différents acteurs du pays puis d’en envisager le financement à l’aide d’impositions relevant de chaque niveau de compétence. Ce travail pourrait être engagé parallèlement à la réflexion relative à l’acte supplémentaire de décentralisation. Des économies seront alors possibles en supprimant les doublons qui subsistent.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. En effet, monsieur le rapporteur général, notre prévision de croissance est prudente ; elle est également réaliste. D’autres sont plus optimistes, mais nous avons préféré nous fonder sur le consensus des économistes afin d’être sûrs de tenir l’objectif d’un déficit public à 4,5 % du PIB, étape indispensable pour parvenir à l’équilibre en 2017. Nous nous efforcerons de procéder toujours ainsi.

Vous avez évoqué plusieurs réformes à venir. Le présent projet de loi de finances rectificative indique des orientations – l’efficacité économique, la justice sociale –, mais les réformes plus structurelles sont renvoyées au projet de loi de finances initiale.

Il est exact, monsieur le président, que la seule exonération maintenue pour les entreprises de moins de vingt salariés est patronale. Cela résulte d’une exigence constitutionnelle particulière qui interdit de faire varier l’exonération salariale en fonction de la taille de l’entreprise, au nom de l’égalité de traitement. En revanche, selon les chiffres dont je dispose, l’exonération salariale représente 2,8 milliards d’euros, ce qui, pour 9 millions de salariés, correspond plutôt en moyenne à 300 euros par an et par salarié.

M. le président Gilles Carrez. J’avais ajouté l’exonération fiscale.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. En outre, une majorité de salariés n’en bénéficiait pas, notamment les salariés à temps partiel, et cette exonération était proportionnelle au salaire, donc d’autant plus avantageuse que le revenu était élevé.

J’en viens enfin à votre suggestion relative aux missions de l’État, monsieur le rapporteur général. J’ai évoqué l’équilibre auquel nous souhaitons parvenir à différents niveaux, notamment entre les recettes et les dépenses. Entre les ménages et les entreprises, au demeurant, l’équilibre n’est pas loin d’être atteint par ce PLFR qui sollicite à 53 % les premiers et à 47 % les secondes. Pour l’année suivante, le séminaire gouvernemental a donné des indications sur la progression des dépenses – 0 % en valeur. C’est aussi une progression maîtrisée en volume – sans doute de 0,8 % – au cours des années à venir qui sera présentée dans le cadre du débat d’orientation budgétaire. En d’autres termes, la dépense doit être très sérieusement maîtrisée. Et cette maîtrise concerne tous les agents publics : l’État, les collectivités locales, les organismes de sécurité sociale et les différents opérateurs publics. Le changement de méthode est manifeste par rapport à une norme qui toisait chaque dépense et chaque ministère, à l’aveugle. En outre, il ne s’agit plus de supprimer les emplois publics mais d’en stabiliser les effectifs sur la durée de la législature, en ménageant des priorités que vous connaissez. Dans ce contexte, il est nécessaire de réexaminer, comme vous le proposez, les différentes compétences afin d’éviter les doublons et d’accroître l’efficacité de la dépense publique, c’est-à-dire d’engager une modernisation fine, concertée et intelligente. Il faudra articuler cette démarche à la réflexion annoncée hier par le Premier ministre en vue d’un nouvel acte de la décentralisation.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. En ce qui concerne les exonérations de cotisations sociales, la divergence de vues n’est pas neuve : depuis l’été 2007, l’opposition de l’époque n’a eu de cesse de convaincre l’ancienne majorité d’y renoncer. Aujourd’hui majoritaires, nous revenons sur cette mesure : je conçois que l’opposition désapprouve cette décision, mais non qu’elle s’en étonne.

Monsieur le rapporteur général, le bouclier fiscal va coûter 400 millions d’euros aux finances de l’État en 2012, auxquels il faut ajouter 350 millions au titre du rattrapage des années précédentes. Le coût est donc de 750 millions d’euros en 2012. Au total, le bouclier fiscal aura coûté 3,6 milliards sur la durée de la précédente législature.

Initialement, il était destiné à protéger les revenus du travail ; or l’on s’est aperçu que le bouclier fiscal ne protégeait que les revenus du patrimoine. Il s’agissait de convaincre les Français que leur contribution à la charge publique n’excéderait pas un euro gagné sur deux ; en réalité, sur le nombre extrêmement réduit de personnes concernées – un peu plus de 10 000 –, moins de 5 000 ont bénéficié de 90 à 95 % du coût du dispositif, de sorte que les Français n’étaient pas véritablement touchés par la mesure. Enfin, il fallait mettre un terme à ce que l’on appelait l’exode fiscal et convaincre ceux qui étaient partis de revenir. Ainsi, en juillet 2007, la ministre de l’économie et des finances donnait-elle fort obligeamment aux députés de l’opposition les horaires de l’Eurostar pour qu’ils puissent aller accueillir ces exilés de retour au bercail. Ce fut bien inutile : ils ne sont pas rentrés. En somme, on a dépensé 3,6 milliards d’euros sur cinq ans pour n’atteindre aucun des objectifs que l’on s’était assignés : c’est beaucoup ! Voilà sans doute pourquoi la majorité précédente, qui avait instauré le dispositif, a décidé d’y mettre fin, mais de manière un peu honteuse puisque malgré sa suppression, il faudra le payer pendant encore deux ans.

La contribution exceptionnelle sur la fortune, qui conserve l’assiette de l’ancien ISF et en modifie à peine le barème, nous permet de récupérer cette année une partie de ce que le bouclier fiscal aura coûté aux finances de l’État en 2012, à défaut de pouvoir recouvrer tout ce que nous estimons avoir été perdu en vain. Mais le non-plafonnement de cette taxe restitue quelque 400 millions d’euros, soit le coût du bouclier fiscal pour la seule année 2012.

Quant à la TVA sur la restauration et à la défiscalisation stricto sensu des heures supplémentaires, il a été décidé de renvoyer leur éventuel examen à la loi de finances initiale, qui réformera l’impôt sur le revenu. En effet, une réforme de l’impôt sur le revenu survenue en 2012 ne pouvant produire d’effets fiscaux avant 2013, il eût été inutile de la soumettre au Parlement en plein été. Le présent projet de loi de finances rectificative n’a donc qu’un but : procéder, après la correction démocratique que vient de connaître notre pays, à une correction budgétaire.

M. Hervé Mariton. Au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, je donne acte au Gouvernement d’un changement formel : la couleur rouge de la jaquette du document, et le novlangue puisque « augmentation d’impôts » se dit « première étape de la réforme fiscale dans la justice ». Les engagements du Président de la République sont numérotés, mais nous attendons avec intérêt la liste de ceux qui ne seront pas honorés. Ainsi le Premier ministre a-t-il évoqué hier l’« augmentation » du plafond du livret A, terme plus pudique que celui de « doublement » que les Français ont entendu il y a quelques semaines.

Quant au fond, messieurs les ministres, sur la TVA sociale, vous présentez une contre-réforme. C’était, il est vrai, prévisible, comme l’a dit M. Cahuzac. Mais M. Moscovici a souligné à juste titre le déficit de compétitivité de notre pays et l’urgente nécessité d’y remédier. Or la TVA sociale était une mesure intelligente et nouvelle permettant justement d’améliorer la compétitivité. Vous allez donc continuer de dépenser beaucoup d’argent, notamment pour financer une ribambelle d’agences destinées à promouvoir nos entreprises et notre industrie à l’étranger, au lieu de reconduire des mesures structurelles adaptées à votre objectif ! En outre, en instaurant la TVA sociale, on avait créé un compte de concours financiers qui sécurisait les circuits de financement de la protection sociale. Si l’on peut comprendre le choix idéologique qui vous conduit à abroger la TVA sociale, comment accepter que vous supprimiez aussi ce dispositif sans rien proposer en échange ?

Deuxièmement, le président l’a dit, la suppression de l’exonération de la part salariale représente une perte de pouvoir d’achat de 2,8 milliards d’euros pour certains de nos concitoyens qui n’appartiennent manifestement pas aux catégories les plus favorisées. Une dose supplémentaire d’1,5 milliard d’euros est à prévoir dans le budget pour 2013, ce qui représente au total 4,3 milliards de pouvoir d’achat en moins ! Voilà une information parfaitement claire qui ressort du projet de loi de finances rectificative. Comment de telles mesures pourraient-elles contribuer à la relance de la consommation dont vous parlez tant ?

Enfin, votre fascination pour l’impôt produit ici les effets désastreux que l’on pouvait redouter. Après avoir entendu tout à l’heure les représentants de la Cour des comptes, nous disposons maintenant de vos chiffres. Le projet de loi de finances rectificative représente 7,2 milliards d’euros de charges supplémentaires pour 90 millions non d’économies, mais de redéploiements sous forme de crédits supplémentaires destinés à l’éducation. Pour le cas où nos concitoyens n’auraient pas une idée claire de nos positions respectives : lorsqu’il s’agit de redresser les finances publiques, nous sommes plutôt favorables aux économies sur les dépenses quand vous privilégiez les impôts. On peut d’ailleurs en débattre, sans pratiquer le « tout ou rien ». Mais ici, c’est tout ou rien : 7 milliards d’euros d’augmentation de charges, pour 90 millions de réaffectation de dépenses ! La répartition de ces 90 millions n’est pas dénuée d’intérêt. Un tiers concerne par exemple la défense, dont le budget représente, rappelons-le, 10 % des autorisations d’engagement ; en d’autres termes, pour s’en tenir à ce modeste exemple, la défense paie trois fois sa part. Pourquoi le Gouvernement s’éloigne-t-il à ce point des préconisations de la Cour des comptes quant à l’équilibre entre recettes nouvelles et économies ?

Quelques questions pour finir. Nombre de dépenses annoncées par le Gouvernement ne figurent pas dans le projet de loi de finances rectificative car elles relèvent du volet social. Le Gouvernement s’engage-t-il à présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative ? Dans le cas contraire, pourquoi ? Car il serait bien dommage de ne pas le faire.

J’ai cru par ailleurs comprendre, messieurs les ministres, que l’alourdissement de l’ISF avait fait tiquer le Conseil d’État, qui craint une mesure inconstitutionnelle car confiscatoire. Par quel raisonnement juridique le Gouvernement en justifie-t-il la constitutionnalité ?

Parmi les recettes de poche et les travers traditionnels des présentations du budget, convenez que les 800 millions d’euros que vous récupérez au titre du versement anticipé de l’impôt sur les sociétés ne sont qu’une facilité de trésorerie pour 2012, et ne doivent rien à la vertu.

J’aimerais en dernier lieu que l’on m’éclaire sur un point que je n’ai pas bien compris dans le discours que le Premier ministre a prononcé hier. Y a-t-il un seul mot de différence entre le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance dont vous allez soumettre la ratification à l’autorisation du Parlement et celui qui a été signé par le précédent gouvernement ?

M. Pierre-Alain Muet. Je m’exprimerai au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre des finances, le déficit de nos finances publiques atteint 5,2 % en 2011, contre 1 % en Allemagne. Pourquoi cet écart alors que les deux pays étaient en déficit excessif en 2005 ? L’audition des représentants de la Cour des comptes l’a montré : l’Allemagne a réduit son déficit avant la crise, avant l’été 2008, alors que la France l’a laissé dériver. Il en est résulté cinq années de déficit structurel compris entre 3,3 % et près de 5 %, ce qui ne s’était jamais vu – je rappelle que le déficit structurel correspond au déficit que nous aurions connu sans la crise.

Par le présent PLFR, le Gouvernement dessine la voie étroite qui permet de réduire les déficits tout en soutenant la croissance et l’emploi. Vous corrigez ainsi de 7,2 milliards d’euros la dérive de l’année 2012, messieurs les ministres, par des mesures qui soutiennent la croissance et l’emploi tout en supprimant des dispositifs injustes et inefficaces comme les niches fiscales. Ces mesures représentent 13 milliards d’euros de réduction des déficits en année pleine, ce qui constitue la première étape d’une politique de redressement dans la justice.

Vous supprimez des niches fiscales et sociales qui ont pour effet de miter nos impôts et de les rendre profondément injustes.

Vous supprimez un dispositif qui nuit lourdement à la croissance : la TVA « sociale » ou « anti-délocalisation » – peu importe le nom dont on l’affuble –, dont nous avons longuement débattu ici même et qui consistait pour l’essentiel, comme vous l’avez dit, à saupoudrer des recettes sur un secteur non concurrentiel puisque 8 milliards d’euros allaient aux services, contre 3,3 milliards seulement à l’industrie. En outre, l’effet de la mesure est profondément dépressif. Je ne connais pas l’évaluation qu’en livre aujourd’hui Bercy, mais j’ai souvenir, dans la longue histoire de la TVA sociale, d’un ministre des finances qui expliquait en 2004 devant la commission des finances du Sénat, dont le président était un passionné de ce dispositif, qu’un point de TVA représentait selon ses services 0,9 % de croissance en moins et que l’allègement de cotisations correspondant n’aboutissait qu’à 0,4 % de croissance en plus, si bien qu’un point de TVA équivalait à un demi-point de croissance en moins. Ce ministre s’appelait Nicolas Sarkozy. Je ne sais si d’autres évaluations ont été réalisées depuis ; mais à l’heure où notre croissance est limitée par l’augmentation insuffisante du revenu, la suppression de la TVA sociale – neutre du point de vue budgétaire, voire susceptible de rapporter un peu d’argent – est bienvenue car elle permet de la stimuler.

Vous supprimez également cette arme de destruction massive de l’emploi qu’est la subvention des heures supplémentaires. Comment a-t-on pu appliquer des années durant, alors que le chômage augmentait, une mesure qui aurait pu avoir un sens au temps du plein-emploi, dans les années cinquante, mais qui est totalement absurde dans le contexte actuel ? Comme l’expliquent fort bien les instituts de conjoncture, en période de chômage, elle n’a d’autre effet que de substitution : ce que l’on croit gagner sur le pouvoir d’achat de ceux qui occupent un emploi, on le perd sur le pouvoir d’achat de ceux qui n’en ont plus. En annulant ce dispositif, non seulement vous recouvrez des recettes, mais vous mettez fin à une mesure qui revenait à supprimer quelque 90 000 emplois selon les évaluations d’instituts privés.

Le projet de loi de finances rectificative taxe la rente en instaurant une contribution sur les produits pétroliers, en augmentant la taxe bancaire de risque systémique et en revenant sur la réforme des droits de succession contenue dans la loi TEPA – autant de mesures destinées à orienter l’épargne vers l’investissement. Et la contribution de 3 % sur les dividendes distribués favorise l’investissement, comme l’a dit M. Cahuzac.

Jointes aux mesures de revenu que sont la hausse du SMIC et celle de l’allocation de rentrée scolaire, ces dispositions constituent les premiers éléments d’une politique économique qui tend à réduire le déficit, à réorienter notre pays vers la croissance et l’emploi et à rétablir la confiance. De même que celle-ci constitue, comme l’a dit M. le ministre des finances, un facteur essentiel de croissance, de même une politique de justice sociale est une source majeure d’efficacité économique. Voilà qui résume bien ce projet de loi de finances rectificative.

M. Charles de Courson. Au nom de l’Union des démocrates et indépendants, je félicite nos jeunes ministres d’avoir retenu des hypothèses de croissance aussi réalistes – 0,3 % pour 2012, 1,2 % pour 2013. En revanche, l’objectif de 2 % en 2014, 2015 et 2016 me paraît imprudent car trop incertain. Je vous félicite également, messieurs les ministres, d’avoir repris les thèses du précédent gouvernement, en projetant de stabiliser en valeur, comme lui, les dépenses de l’État hors dette ainsi que les concours de l’État aux collectivités locales, et en prévoyant comme lui d’étendre à tous les opérateurs publics les règles que s’impose l’État. Comme lui encore, vous comptez maîtriser la dépense sociale, en fixant l’ONDAM à 2,7 % – un niveau déjà difficile à tenir.

Quelques points appellent toutefois la critique. D’abord, la stabilité des effectifs dans la fonction publique d’État. Vous ne pouvez mener une telle politique de gestion du personnel. Il faut donc revenir à la baisse raisonnable des effectifs que nous avions entreprise, de quelque 30 000 postes par an. En effet, comment expliquerez-vous aux fonctionnaires qu’il y a deux fonctions publiques, l’une dite prioritaire – l’éducation, la police et la gendarmerie, la justice – qui gagne 11 000 emplois par an, l’autre où vous reconduisez la politique de vos prédécesseurs ? Car pour maintenir les effectifs globaux, il faudra supprimer 13 000 postes par an dans ces secteurs non prioritaires : 7 500 le seront dans celui de la défense aux termes de la loi de programmation que nous avons votée ; restent 6 500 emplois, soit exactement un emploi sur deux, dans les autres ministères.

Ensuite, on constate page 2 du rapport sur le projet de loi de finances rectificative que vous respectez les engagements de la France pour 2012-2013 par un seul moyen ou presque : la hausse des prélèvements obligatoires. Ces derniers augmentent en effet de 1,1 point de PIB en 2012 et de 1,2 point en 2013, ce qui représente une hausse de la pression fiscale de 46 milliards d’euros en deux ans, le tout pour passer de 5,2 % de déficit public à 4,5 % puis à 3 %. En d’autres termes, pour réduire les déficits publics de 2,2 points, vous augmentez les prélèvements obligatoires de 2,3 points. C’est beaucoup trop et vous allez vous « crasher » !

Il est un point essentiel que vous n’avez pas évoqué : les mesures favorables à la compétitivité des entreprises. Sans elles, nous ne pourrons redresser notre pays. Or la plupart de vos propositions ne tendent qu’à aggraver la situation.

J’en viens à quatre des mesures que vous proposez. Vous parlez de prudence, de justice et d’équité. Mais en matière d’heures supplémentaires, vous êtes parfaitement injustes. La défiscalisation des heures supplémentaires rapportait 4,9 milliards d’euros à 8 millions de salariés, c’est-à-dire 600 euros en moyenne par an, soit quelque 50 euros par mois. Vous allez donc faire chuter le pouvoir d’achat d’au moins 25 à 30 % des salariés, et des plus modestes. C’est une politique profondément antisociale.

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas vrai !

M. Charles de Courson. C’est mécanique.

S’agissant de l’ISF, le texte que vous nous proposez est anticonstitutionnel puisque vous ne plafonnez pas l’ensemble formé par l’IR, l’ISF, la CGS et la CRDS. C’est une erreur élémentaire : dès lors qu’il existe un ISF, il faut introduire un plafonnement, même si l’on peut débattre de son niveau. Sur cette disposition, nous saisirons le Conseil constitutionnel qui l’annulera. Pourquoi avez-vous renoncé au plafonnement que vous aviez annoncé ? Et pourquoi ajouter une tranche rétroactive pour les patrimoines de 0,8 à 1,3 million d’euros, qui n’étaient pas imposés ?

Vous supprimez la TVA sociale, alors même que la Cour des comptes préconise une hausse modérée de la TVA et de la CSG. Ce faisant, vous privez les entreprises d’un avantage de compétitivité de 11 milliards d’euros, sans aucune contrepartie. Pourquoi ne pas avoir maintenu le mécanisme prévu pour les PME, au moins pour celles de moins de vingt salariés, comme vous l’aviez annoncé ? Il n’y a là rien d’anticonstitutionnel : nous avons souvent adopté des mesures favorables aux PME, sans contrevenir au droit communautaire.

Enfin, si l’on peut discuter du taux du forfait social, le porter brutalement de 8 à 20 % est tout à fait excessif.

Mme Eva Sas. Le groupe écologiste est satisfait de voir mises en œuvre sans délai trois mesures qu’il appelait de ses vœux : la suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires ; la remise en cause de la réforme de l’ISF ; enfin, la hausse de l’impôt sur la succession, dont les différentes réformes avaient abouti à ce qu’un euro hérité soit taxé 2,5 fois moins qu’un euro issu du travail. Nous nous réjouissons également que la lutte contre l’évasion fiscale commence, notamment grâce aux mesures sur les transferts de bénéfices vers les paradis fiscaux.

En revanche, nous sommes surpris que le collectif ne remette pas plus profondément en cause les dépenses fiscales, lesquelles doivent être évaluées à l’aune de leur effet social mais aussi de la transition écologique et énergétique voulue par la majorité. Nous souhaitons donc que, pour réaliser les économies qu’il recherche, le Gouvernement revienne sur plusieurs niches fiscales, dont l’exonération de taxe sur le kérosène utilisé pour les vols intérieurs, qui représente un manque à gagner de 1,3 milliard d’euros pour l’État, le taux réduit de TVA sur les engrais ou encore les exonérations dont bénéficient les transports routiers. Monsieur le ministre des finances, comptez-vous réexaminer toutes les dépenses budgétaires et fiscales du point de vue de leur effet environnemental et social, afin que l’objectif de redressement des comptes publics rejoigne l’ambition de préparer notre pays aux défis environnementaux de demain ?

M. Nicolas Sansu. Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la situation inquiétante que vous nous présentez, également exposée ce matin par la Cour des comptes, résulte d’un manque de recettes dont faisait déjà état il y a deux ans le rapport de Gilles Carrez. Si les prélèvements avaient conservé leur niveau de 2000, montrait-il alors, le budget aurait été excédentaire en 2006 et 2007 et serait resté par la suite en deçà du seuil fatidique de 3 % du PIB. Pour M. de Courson, les prélèvements obligatoires vont trop augmenter. Mais de quels prélèvements obligatoires parle-t-on ? Aujourd’hui, il s’agit de transférer une part des revenus du capital vers les revenus du travail au titre du partage de la valeur ajoutée. On sait en effet qu’en vingt-cinq ans la part des revenus du travail a perdu 10 % de PIB face aux revenus du capital : 200 milliards sont ainsi passés du travail et de la formation au seul capital. C’est un cancer financier qui ronge notre économie. Tout est là, y compris la compétitivité : nos entreprises seront bien plus compétitives si nous développons l’innovation, la formation et les services publics ainsi que la capacité de consommation de nos concitoyens.

Cette modification de la répartition des revenus entre capital et travail qui s’amorce sera toutefois très délicate dans le cadre européen dans lequel vous vous inscrivez, monsieur le ministre des finances. Car le mécanisme européen de stabilité que vous appelez de vos vœux entraînera selon nous une contraction budgétaire qui risque de faire baisser les dépenses publiques. On nous objectera le « volet croissance », mais il ne représente que 60 milliards d’euros nouveaux puisque 60 milliards étaient déjà prévus : il ne fera pas la maille. Il y a donc un décalage entre votre volonté affichée et cette contrainte budgétaire.

On constate également un hiatus entre le PLFR et le document d’orientation des finances publiques. Le premier est globalement satisfaisant puisque l’architecture fiscale qui en résulte intègre davantage les revenus du capital et ceux des plus aisés, grâce à des mesures justes que nous saluons. En revanche, le second document nous inquiète car il annonce des diminutions de dépenses qui pourraient contrecarrer ces premiers efforts.

Qu’adviendra-t-il du point d’indice de la fonction publique ? Son gel, que maintient le présent PLFR, sera-t-il reconduit dans les budgets suivants ? Qu’en sera-t-il des collectivités locales, c’est-à-dire du service public et de l’investissement public locaux ? Le sort auquel elles sont promises est en totale contradiction avec ce que les élus locaux de gauche annonçaient et attendaient. Enfin, si nous saluons les premiers pas du Gouvernement en la matière, nous aimerions connaître son plan de lutte contre l’évasion fiscale, qui représente 30 à 50 milliards d’euros, ce qui suffirait à résoudre le problème du déficit budgétaire.

Avec ce PLFR, messieurs les ministres, vous faites un petit pas à gauche ; il faut maintenant opérer un virage complet !

Mme Annick Girardin. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste salue à son tour la prudence des prévisions de croissance du Gouvernement, ainsi que sa volonté de répartir avec justice et équité, conformément aux engagements du Président de la République, l’effort général indispensable au retour à l’équilibre en 2017.

Le débat sur le maintien des exonérations de charges sociales dans les TPE est très suivi outre-mer, où ces entreprises constituent l’essentiel du tissu économique et où l’emploi est en grande partie saisonnier. Nous serons donc particulièrement vigilants sur ce point.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je remercie M. Mariton de ses félicitations et je lui confirme que les engagements du Président de la République seront tenus. Ainsi, en ce qui concerne le doublement du plafond du livret A, qui n’est pas remis en cause, j’ai confié à M. Pierre Duquesne une mission destinée à faire le point sur les besoins d’épargne afin de relever le plafond au rythme des besoins.

Sur la TVA sociale, comme du reste sur les heures supplémentaires, je rejoins Pierre-Alain Muet : un profond désaccord nous oppose quant aux effets de la mesure sur la justice sociale, sur le pouvoir d’achat et la consommation. Pierre-Alain Muet en a cité un illustre critique, Nicolas Sarkozy ; je songeais pour ma part à Alain Madelin, que l’on ne peut soupçonner d’être un farouche partisan du virage à gauche.

En ce qui concerne le PLFR et l’équilibre entre les recettes et les dépenses, j’ai trouvé vos remarques assez osées, monsieur Mariton. Rappelons que ce PLFR n’aurait pas été nécessaire si nous n’avions pas constaté que l’évolution spontanée allait aboutir à un déficit de 5 % en 2012 : nous nous en serions volontiers passés.

M. Hervé Mariton. Cela ne dispense pas de faire des économies !

Mme Valérie Pécresse. Que faites-vous pour réduire les dépenses ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Nous avons procédé ainsi que le préconise la Cour des comptes, en dégageant des recettes pour compenser les moindres rentrées – 7,2 milliards d’euros –, et en prenant des mesures de précaution pour combler les impasses budgétaires. Vous le savez, c’est tout ce que nous pouvions faire à ce moment de l’année puisque c’est en loi de finances initiale que l’on procède aux économies sur les dépenses. Notre objectif est l’équilibre entre recettes et dépenses d’ici à la fin de la législature, grâce à un effort à court terme plutôt centré sur les recettes, complété à long terme par des économies sur les dépenses. Comme le montre le document qui vous a été transmis, la part de la dépense publique dans le PIB, qui a fortement augmenté pour atteindre 56 % en 2011, diminuera au cours des années à venir ; nous nous y engageons ici. Cette rectification sera maîtrisée, progressive, mais effective. Je ne vous laisserai pas prétendre que nous serions partisans du tout fiscalité ou de je ne sais quel matraquage : notre approche équilibrée réussira là où vous avez échoué en réduisant la part de la dépense publique dans le PIB.

En ce qui concerne l’Europe – je réponds également à M. Sansu –, le Président de la République a souhaité une réorientation de la construction européenne. Tel était le sens qu’il donnait au terme de renégociation. Un volet supplémentaire attestant de cette réorientation devrait être soumis au Parlement. Le « paquet croissance », tout d’abord, représente 120 milliards d’euros, soit 1 % du PIB de l’Union ou l’équivalent d’un an de son budget. S’y ajoutent les mesures de stabilité financière, laquelle constitue en réalité le principal facteur de croissance. Depuis mon entrée en fonction, j’ai constaté aux États-Unis, au G20, à l’Eurogroupe que tous – Américains, Chinois… – sont inquiets de la situation de l’euro. La levée de ces incertitudes est un important facteur structurel de croissance ; j’espère que nous sommes tous d’accord sur ce point. Les mécanismes qui y concourent sont pertinents. Ratifié par le Parlement allemand, le MES va pouvoir entrer en vigueur d’ici à une dizaine de jours, après signature et passage devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Il permettra de recapitaliser les banques dès lors que la supervision bancaire aura progressé, ce qui suppose d’importants travaux de l’Eurogroupe ; d’appliquer le plan d’aide à l’Espagne sans la séniorité des prêts qui suscitait la défiance des marchés lorsque ce plan a été décidé ; enfin, avec le concours de la Banque centrale européenne, d’intervenir sur les marchés obligataires pour desserrer l’étau qui pèse sur l’Italie.

Ce qui sera soumis au Parlement le moment venu, comme l’a dit le Président de la République à l’issue du Conseil européen de Bruxelles, est donc un paquet : au traité budgétaire s’y ajoutent toutes les mesures décidées au Conseil européen qui marquent une réorientation – et une amélioration.

Si je vous comprends bien, monsieur de Courson, la stabilisation des effectifs de la fonction publique est insuffisante. On retrouve les reproches contradictoires que j’évoquais précédemment : pour les uns, nous serions trop féroces ; pour d’autres, nous ne frapperions pas assez fort. Il y a en effet un changement, que nous assumons : nous mettons fin à la suppression d’effectifs, parce que nous sommes attachés au service public et aux serviteurs du public. Toutefois, nous avons des priorités, qui nous paraissent correspondre aux besoins de la société française. Dans nos territoires, il y a eu beaucoup trop de suppressions d’emplois dans l’éducation nationale qui est une cause prioritaire, comme la sécurité, la justice et Pôle emploi qui, pour que les demandeurs d’emploi soient efficacement traités, doit être renforcé. Cette politique ne revient pas à créer deux fonctions publiques ni ne nous dispense de l’obligation de modernisation que j’ai évoquée. Sérieuse, cohérente et volontaire, elle sera comprise et approuvée.

Monsieur Sansu, s’il suffisait de lutter contre l’évasion fiscale pour résoudre le problème du déficit, d’autres l’auraient sans doute fait ! Mais il est exact que nous devons progresser dans cette voie. Cela relève toutefois du projet de loi de finances pour 2013.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur Pierre-Alain Muet, pour les propos que vous avez tenus sur le projet de loi de finances rectificatif et auxquels j’adhère complètement.

Monsieur Hervé Mariton, peut-être est-ce la marque de chaque majorité que de trouver une expression adaptée pour qualifier les hausses d’impôts. Mais je remarque que dans le dernier tiers de la mandature précédente, la vôtre a refusé de voir dans la diminution de la dépense fiscale l’équivalent d’une hausse d’impôts. En cela il y a une différence entre Pierre Moscovici et moi-même et les trois parlementaires que sont devenus les anciens ministres : nous assumons parfaitement ce que nous disons et nous agissons sans nous cacher derrière notre petit doigt.

Vous évoquez au demeurant la fascination que l’impôt exercerait sur nous. Cela mérite que nous regardions de plus près ce qui s’est fait au cours de ces trois dernières années. D’une part, entre 2010 et 2011, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 1,4 point de PIB, soit 30 milliards d’euros. Or je ne me souviens pas que vous ayez refusé de voter de telles augmentations. D’autre part, entre 2011 et 2012, les prélèvements obligatoires augmenteront de 1,1 point de PIB, qui n’est pas uniquement constitué des 7 milliards d’euros que nous vous proposons puisqu’il recouvre aussi les 15 milliards que vous avez précédemment votés. Bref, depuis 2010, la majorité précédente, à laquelle vous appartenez, a voté sans protester 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires entre 2010 et 2011, et 15 milliards d’impôts supplémentaires entre 2011 et 2012, ce qui représente tout de même une augmentation de 45 milliards !

Ainsi, parce que nous proposons une augmentation de 7 milliards d’euros, nous serions « fascinés » par l’impôt, tandis que vous, qui en auriez voté 45 milliards, vous seriez fascinés par « les économies dans la dépense » ! Permettez-moi de ne pas partager votre point de vue.

On pourrait imaginer dégager, à partir du mois de juillet, 4, 5, 6 ou 7 milliards d’euros en économisant sur la dépense. Mais lorsqu’on ne le décide pas en début d’année, ce n’est pas possible, en raison de la rigidité de cette dernière. C’est tellement vrai que la réserve de précaution – entre 5 et 7 millions d’euros ces dernières années – à laquelle il est souvent fait référence – n’a pas permis d’annulation de crédits en 2010, et n’a permis qu’une économie dans la dépense de 200 millions d’euros en 2011.

Mme Valérie Pécresse. Non, de 2 milliards !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Les documents budgétaires seront là pour rafraîchir la mémoire à celles et ceux qui pourraient en manquer ! Et je mets au défi quiconque de contester ce chiffre. Mais évidemment, il ne faut pas confondre l’annulation de crédits avec la réaffectation de crédits à partir de la réserve de précaution. À ma connaissance, on ne fait pas des économies en déplaçant des sommes d’une ligne de crédits à une autre. On fait des économies en annulant des crédits, et en 2011, ces annulations ont été de 200 millions d’euros.

D’une certaine manière, M. Charles de Courson vous a répondu en déclarant que nous faisions la même chose que vous. Vous nous reprochez de ne pas faire d’économies ? Eh bien, nous faisons comme vous. D’autres, qui espéraient une petite différence, pourraient nous le reprocher. Mais il est difficile de nous reprocher tout et le contraire de tout. Voilà pourquoi je me suis permis de vous répondre un peu longuement en la matière.

Monsieur de Courson, il n’y a pas d’alourdissement de l’ISF, mais création d’une taxe exceptionnelle, qui n’existait pas avant et qui n’existera plus après. Précisément parce que c’est une taxe exceptionnelle, la question de son plafonnement ne se pose pas. Je ne crois donc pas, monsieur de Courson, que cette taxe risque d’être déclarée inconstitutionnelle. C’est en tout cas les assurances qui nous ont été données par les instances que le Gouvernement consulte avant de proposer des projets de loi au Parlement.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas sûr !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Bien sûr, en matière juridique, les choses ne sont jamais certaines. Mais c’est le rôle du Gouvernement que de s’entourer des avis les plus éclairants en la matière et nous estimons que nous pouvons vous proposer cet article sans craindre qu’il soit censuré par le Conseil Constitutionnel.

Vous avez ensuite développé, monsieur Mariton, ce que vous estimez constituer une « perte de pouvoir d’achat ». Je comprends très bien que vous accordiez toute votre attention au pouvoir d’achat des Français. Reste que vous ne vous en êtes pas inquiété cette année, quand vous avez voté le gel de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu : 1,7 milliard d’euros ou l’augmentation de la CSG pour les salariés – 600 millions d’euros –. Je ne vous ai pas non plus entendu vous plaindre quand vous avez augmenté la taxation sur les mutuelles de 2 milliards d’euros ou quand vous avez voté la franchise médicale pour 1 milliard d’euros, en début de mandature. Enfin, à l’occasion de la réforme de l’ISF, c’est vous-même qui avez fait passer de 50 euros à 150 euros l’avantage familial pour enfant pour les foyers éligibles à l’ISF. Cela prouve que de temps en temps, notamment quand il s’agit de l’ISF, vous ne regardez pas à la dépense !

Monsieur Charles de Courson, j’ai entendu vos remarques sur l’ISF et sur le forfait social. S’agissant de l’ISF, on ne peut pas parler de tranche rétroactive, puisqu’il s’agit d’une taxe exceptionnelle. S’agissant du forfait social, vous estimez excessif de le faire passer de 8 % à 20 %. Vous aviez pourtant approuvé la proposition de la Cour des Comptes de le porter à 19 %. Entre 19 % et 20 %, il n’y a que l’épaisseur du trait !

Madame Eva Sas, je vous remercie de votre intervention tout en vous précisant que la taxation spécifique sur le kérosène relève de la convention de Chicago, qui a valeur de traité. Les traités étant une norme juridique supérieure à la loi, il ne nous est pas possible de revenir dessus, tant que cette convention est en vigueur.

Madame Annick Girardin, merci également. Je tiens à vous indiquer que l’avantage dit « patronal » d’1,50 euro par heure travaillée est maintenu. Cela concerne, me semble-t-il, les PME de votre circonscription.

Monsieur Sansu, vous êtes intervenu sur le point d’indice de la fonction publique. Sachez qu’on ne peut en décider qu’à l’occasion de la loi de finances initiale, et pas à l’occasion de cette loi de finances rectificative, dont le but est de permettre à la France de tenir son objectif de 4,5 % de déficit public. Sans recettes supplémentaires, nous n’y parviendrions pas. En effet, lorsqu’il s’est agi de définir la trajectoire des finances publiques de notre pays pour 2012, les équipes précédentes ont surévalué les recettes à venir.

M. François Baroin. Monsieur le ministre, nous avons suffisamment d’estime les uns pour les autres et nous avons assumé suffisamment de responsabilités les uns et les autres, pour considérer que nos prédécesseurs ne sont pas des incapables et nos successeurs des imposteurs. Mais puisqu’il faut choisir un juge de paix, nous nous référerons au rapport de la Cour des Comptes, que le Gouvernement a lui-même commandé. Je tiens à en souligner quelques points, dans la mesure où ce n’est pas aujourd’hui une commission tout à fait comme les autres, puisque l’opinion publique est prise à témoin et que la presse y assiste.

Concernant le respect des objectifs budgétaires, je cite le rapport : « l’année 2011 s’est caractérisée par le respect des objectifs budgétaires prévus ». Il faut donc prendre acte du fait que nous avons tenu la distance.

Quant à la prévision de croissance pour cette année, la Cour a reconnu que les informations disponibles « en avril, lorsque le programme de stabilité a été déposé, ne conduisaient pas à remettre en cause l’hypothèse d’une croissance de 0,7 % en 2012. Celle-ci était notamment cohérente avec la prévision de croissance au premier semestre 2012, que l’INSEE avait présentée dans sa note de conjoncture. ». Il est important de rappeler que le correctif proposé par le ministre de l’économie sur la prévision de croissance est adapté à l’évolution et au contexte européen beaucoup plus incertain encore aujourd’hui, du fait de la dégradation en Espagne et en Italie.

Vous avez évoqué le contentieux des OPCVM et vous nous avez reproché d’avoir caché certaines choses. Je rappelle qu’à l’époque où, comme ministre du budget, je portais la réforme fiscale et qu’avec vous-même, comme président de cette commission, nous y passions des jours et des nuits, nous avons fait voter des dispositions destinées à régler l’affaire des frégates de Taïwan. On n’en a pas parlé. Après tout, il s’agissait d’une charge que l’État devait assumer, et nous l’avons assumée. Vous déclarez que « c’est tout de même cette grosse affaire qui remet en cause et le principe de la réserve de précaution et la problématique de la sincérité du budget ». Je vous renvoie donc à la page 14 de la synthèse du rapport de la Cour des comptes qui précise que « ces contentieux étaient connus. Une provision avait été passée dans la comptabilité générale de l’État à hauteur de 6,3 milliards ».

Je tenais à apporter ces précisions pour qu’on n’en parle plus et pour qu’on ne remette pas en cause pas la qualité, l’objectivité et la sincérité de nos débats. Ensuite, politiquement, vous faites des choix. Nous les contestons. Notamment, nous ne croyons pas à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.

Je reviendrai enfin sur la réforme de l’ISF. Je savoure avec malice le fait que le Gouvernement précédent a supprimé le bouclier fiscal et que le gouvernement actuel nous annonce qu’il envisage de le restaurer en rétablissant le « plafonnement Rocard ». Mais cela concerne la loi de finances 2013.

M. Marc Goua. Messieurs les ministres, votre présentation de cette loi de finances rectificative, qui favorise à la fois le redressement des finances publiques et plus de justice, est pour moi un motif de satisfaction.

Je rappellerai d’abord à M. de Courson qu’il a une mémoire sélective : le candidat Sarkozy avait prévu de réduire les dotations des collectivités d’1,2 milliard d’euros en 2013. Or ce montant est maintenu.

Ensuite, n’est-on pas en train d’exonérer de la taxe sur les stocks pétroliers la grande distribution, qui représente un pourcentage important de la vente de pétrole et d’énergie ?

Enfin, je suis sûr que cette proposition ne pourra que recueillir l’unanimité : à l’instar des ministres qui ont montré l’exemple en acceptant de réduire leurs indemnités, les députés pourraient faire également un effort, dans une période si difficile pour nos concitoyens.

Mme Valérie Pécresse. M. Moscovici a mis en cause, de manière assez inélégante, mon action en matière de réduction des déficits. Mais sait-il de combien de milliards nous avons réduit le déficit entre 2010 et 2011 ? Connaît-il une année, depuis 1945, où la réduction du déficit a été plus importante ? Peut-il dire, pour éclairer la représentation nationale, quel sera en 2012 l’impact des plans de réduction des déficits Fillon votés en 2011 ? Il me semble que dans son discours, il l’a minoré.

M. Baroin a très bien parlé, pour sa part, du contentieux OPCVM et a réfuté la thèse selon laquelle nous aurions caché l’existence de cette « ardoise » à la représentation nationale. D’une part, la représentation nationale en avait discuté. D’autre part, nous avions provisionné le montant que François Baroin et la Cour des comptes ont relevé.

J’aimerais maintenant connaître le coût total des mesures annoncées par M. François Hollande depuis son élection à la présidence de la République, sur l’année 2012 et sur le quinquennat. Voilà en effet un moment que nous nous interrogeons à ce propos, le président de la commission des finances et moi-même. Je ne trouve nulle part trace de nouvelles dépenses budgétées dans ce projet de loi de finances rectificative. Pourtant, il y en aura, et elles devront être compensées et financées.

Je souhaiterais également savoir quelles mesures vous présenterez en projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, la Cour des comptes nous a mis en garde ce matin contre des décisions du Gouvernement qui, selon elle, nuiraient à la compétitivité de l’économie française. À quelles mesures faisait-elle référence ? Que lui répondez-vous ?

M. Pascal Cherki. Merci, messieurs les ministres, pour la clarté et la précision de votre présentation.

Monsieur Moscovici, vous avez eu raison de rappeler que la dette publique avait crû de près de 800 milliards d’euros depuis 2002. On pourrait ajouter à cela le recul phénoménal du commerce extérieur, puisque nous sommes passés d’un excédent de 3,5 milliards d’euros en 2002, à un déficit de 70 milliards en 2012. De ce point de vue, la précédente décennie est marquée par la décadence des finances et du commerce extérieur de la France ! Et il nous faudra bien poursuivre le bilan de la précédente majorité.

Mais la question n’est pas là. Vous avez affirmé, reprenant en cela un engagement que nous avons porté ensemble dans la campagne présidentielle, que nous souhaitions nous inscrire dans une trajectoire de réduction des finances publiques. Seulement, notre vision de l’économie ne se limite pas aux questions des finances publiques. Nous ne pouvons pas laisser de côté les questions du chômage, du pouvoir d’achat et les conditions de vie de nos concitoyens, ni faire l’impasse sur la croissance, qui passe principalement par l’affectation de recettes nouvelles. Est-il donc envisageable, quoi qu’il se passe, et quelles que soient les prévisions de croissance, de maintenir l’engagement de ne pas dépasser un déficit de 3 % et de revenir à l’équilibre en 2017 ?

Il faut que nous ayons une discussion sérieuse sur ces sujets. Si, comme certains économistes l’annoncent, la Chine ou les États-Unis entrent dans une période de contraction de leur activité, ne risquons-nous pas de basculer, à terme, vers l’austérité, et donc d’amplifier une récession que nous ne souhaitons pas voir venir ?

M. Laurent Wauquiez. Selon le rapport, l’objectif de la loi de finances rectificative est d’épargner les classes moyennes. Nous en doutons.

Premièrement, vous estimez que votre mesure sur les successions, qui consiste à abaisser le plafond à 100 000 euros, est de celles qui portent sur les personnes « très aisées ». Ce sont donc des personnes très aisées, celles qui transmettent un bien de 100 000 euros, qui correspond à peine à un tout petit pavillon ou à un minuscule appartement ?

Deuxièmement, vous proposez de faire plus que doubler le forfait social qui pèse sur les entreprises participant aux dispositifs d’épargne salariale, chère à notre groupe. Or ces dispositifs assurent un complément de revenus très conséquent à de nombreux salariés en France – jusqu’à 1 000 ou 1 500 euros de revenus supplémentaires par an. Avez-vous évalué l’impact d’une telle mesure ?

Troisièmement, pendant toute la campagne, vous avez inlassablement répété, comme l’a fait M. Hollande, par exemple sur France Inter, que la mesure sur les heures supplémentaires porterait, en tout cas concernant les entreprises de moins de vingt salariés, uniquement sur les avantages octroyés aux entreprises. Or, comme l’a dit Gilles Carrez et comme cela ressort de votre tableau, sur 1 milliard d’euros attendus de cette mesure, 900 millions d’euros viendront des ménages. C’est un reniement total par rapport à ce que vous aviez annoncé. Vous écrivez vous-même noir sur blanc, dans le projet de loi de finances rectificative, qu’une telle disposition concernera principalement les classes moyennes et les familles modestes.

Enfin, l’ensemble de la mesure TVA « anti-délocalisation » comprenait trois volets : la TVA, la baisse des charges et l’augmentation de la CSG. Vous ne revenez que sur les deux premiers. Mais, dès lors que vous avez décidé d’épargner les classes moyennes et les familles modestes, pourquoi maintenir la hausse de la CSG sur les produits du capital des familles modestes ? Je pense aux revenus immobiliers et aux revenus de l’assurance-vie, qui est l’épargne populaire par excellence.

On voit très bien, à travers ces quatre mesures, que, contrairement à ce que vous prétendez, l’essentiel de vos ajustements concernant les ménages pèse sur les familles modestes et les classes moyennes.

M. Christian Estrosi. Messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, vous avez indiqué ce matin que la question qui se posait était l’écart existant entre la France et l’Allemagne. Nous avons atteint cette année notre objectif de réduction des déficits, mais cela ne vous satisfait pas et vous comparez la France à l’Allemagne sur la même période.

Vous ne vous demandez pas pourquoi l’Allemagne fait mieux que nous aujourd’hui. Quand elle met en place la TVA « anti-délocalisation », vous souhaitez la supprimer en France.

Depuis quelques jours, la nouvelle Clio 4 est à l’honneur. Si cette voiture est produite aujourd’hui à Flins, et non pas à Bursa comme le souhaitait M. Carlos Ghosn, c’est parce que nous avons exigé que, pour le marché et le marché européen, elle soit produite dans une usine française par des ouvriers français. Pourtant Renault s’en plaint, car elle dit qu’une Clio 4 produite en France coûte 1 200 euros de plus qu’une Clio produite en Turquie.

Ainsi, au moment où nous mettons en place une TVA anti-délocalisation permettant de rendre les produits d’importation moins compétitifs, et que nous baissons les charges qui pèsent sur les entreprises pour améliorer la compétitivité de la production française, vous revenez en arrière, rendant les produits d’importation plus compétitifs et les productions françaises moins compétitives. Je voudrais savoir pourquoi.

Vous nous expliquez par ailleurs que vous voulez soutenir le pouvoir d’achat. Mais quel est le lien logique entre l’augmentation du pouvoir d’achat et l’augmentation des droits de succession ou la suppression de l’exonération sur les heures supplémentaires ? Vous souhaitez redonner du pouvoir d’achat aux Français, mais vous supprimez ce qui avait permis d’y parvenir.

J’approuve malgré tout certaines de vos mesures, notamment celle qui concerne la taxation des compagnies pétrolières. Pour autant, je n’accepte pas que cette taxe permette de régler la facture des dépenses ubuesques que vous prévoyez et entraîne, en outre, l’augmentation du prix de l’essence. L’augmentation de la taxe sur les compagnies pétrolières doit servir à faire baisser le prix de l’essence, ce qui favoriserait le pouvoir d’achat.

Votre stratégie est dangereuse. Vous révisez toutes les prévisions du programme de M. Hollande en 2012 et 2013. Ainsi, les dettes publiques passeront en 2013 de 88,6 % à 90,6 % du PIB. En revanche, vous ne révisez pas vos promesses de dépenses. Il y aura plus de dépenses, moins de recettes. La différence ne sera compensée que par des hausses d’impôts, qui pèseront pour beaucoup sur les plus modestes.

Vous écrivez dans votre rapport : « au sein des ménages, ce sont les ménages dont les patrimoines et les revenus sont les plus élevés qui sont, pour l’essentiel, mis à contribution, puisqu’ils supportent à 73 % les prélèvements supplémentaires à la charge des ménages. » Cela signifie très clairement que les foyers les plus modestes, pour 27 % d’entre eux, perdront du pouvoir d’achat en contribuant à ces hausses d’impôts.

C’est une certitude : vous allez étouffer l’économie et nous amener tout droit dans le mur ! Pourquoi ne pas faire d’économies sur les dépenses ?

M. Éric Woerth. Monsieur Moscovici, vous dites que vous mettez en place une politique de redressement des finances publiques. Non : vous ne faites que poursuivre une telle politique, même si vos objectifs et votre méthode diffèrent de ceux de l’ancienne majorité.

De la même manière, vous allez poursuivre la révision générale des politiques publiques. Mais vous allez réduire la fonction publique de façon drastique dans un certain nombre de secteurs, alors que nous avions décidé de le faire plus modérement sur l’ensemble de la fonction publique. Jusqu’à présent, cela se passait tout à fait correctement. À l’avenir, cela risque d’être très difficile pour le service public, sans permettre pour autant de stabiliser la masse salariale. En effet, pour y parvenir, il faudrait que vous bloquiez l’évolution des carrières, ce qui me semble être un peu compliqué. Je précise que nous avons lancé depuis bien longtemps le débat sur le point d’indice. Nous avons d’ailleurs tranché, considérant que la rémunération des fonctionnaires ne reposait pas uniquement sur le point d’indice, mais sur d’autres éléments. Cela dit, je m’en tiendrai là.

Ce PLFR est très idéologique et très antisarkozyste, ce qui se comprend puisque vous venez d’arriver aux affaires. Vous détricotez les mesures que vous avez combattues, sans les remplacer par d’autres mesures dont les objectifs seraient comparables. C’est vrai s’agissant de la compétitivité, qui doit être au cœur des enjeux de l’évolution de notre pays dans les années qui viennent. Vous considérez qu’il faut maintenant baisser la TVA, alors qu’il faudrait plutôt l’augmenter, comme nous le dit la Cour des comptes. Vous faites le contraire.

En augmentant le forfait social sur l’intéressement et la participation, vous envoyez un drôle de message aux salariés et aux entreprises ! De la même façon, en revenant sur la défiscalisation des heures supplémentaires, vous envoyez un message assez curieux à des millions de salariés ; je pense notamment aux millions de fonctionnaires qui en ont bénéficié, tout particulièrement à ceux de l’éducation nationale.

Vous jetez un voile pudique sur les augmentations de dépenses figurant dans ce PLFR. Vous parlez assez peu des recrutements, du coût du SMIC, de la suppression, un peu étonnante, du forfait de l’aide médicale d’État, etc.

Les classes moyennes seront évidemment les premières visées. Je rejoins sur ce point Laurent Wauquiez.

Quelle a été la « recette » de l’Allemagne ? Cette dernière a augmenté la TVA, que vous allez plutôt baisser. Elle a limité et gelé totalement la progression des dépenses. Vous n’allez probablement pas le faire, dans la mesure où vous ne dites pas comment, ni où. Elle a désindexé les pensions de retraite. Or je ne vous vois pas mener ce type de politique. Vous êtes plutôt partis pour faire le contraire.

Enfin, les avancées obtenues au sommet européen sont comme le pâté d’alouette : 99 % de rigueur et 1 % de croissance.

M. Olivier Carré. Je souhaiterais revenir sur la taxation sur la valeur des stocks de produits pétroliers, évoquée tout à l’heure par Christian Estrosi. J’ai entendu que cela pourrait avoir un impact sur le prix à la pompe. Pourriez-vous nous confirmer qu’il y en aura un ? De combien sera-t-il ?

Pourriez-vous également nous dire quel sera l’impact, sur la masse salariale, du « coup de pouce » donné au SMIC ? Apparaît-il dans ce PLFR ?

Ensuite, vous avez évoqué un certain nombre de déconvenues, s’agissant de l’exécution du budget. Pour ma part, je retiendrai un résultat, à savoir le niveau des taux d’emprunt. Mais celui-ci ne pourrait-il pas constituer une marge de manœuvre supplémentaire ?

Autre déconvenue : l’annulation de 4 milliards d’euros du compte d’affectation spéciale « participations financières de l’État ». Qu’est-ce qui était attendu ? Quelle en est la raison ?

M. Yves Censi. Au travers de deux petits exemples, je voudrais mettre l’accent sur l’énorme différence qu’il y a entre les exposés des motifs et la réalité des décisions que vous proposez.

En premier lieu, M. Moscovici, évoquant la question des heures supplémentaires, a dit qu’un complément de revenus de 300 euros par an correspondait déjà à des salaires nettement supérieurs à l’origine. C’est méconnaître totalement la situation réelle d’un certain nombre de travailleurs.

Prenez l’exemple d’un chauffeur routier, auquel les heures supplémentaires peuvent apporter un complément de revenus supérieur à 3 000 euros par an. On ne peut pas dire qu’il bénéficie d’un haut niveau de revenus, mais il travaille beaucoup, et tout travail mérite salaire. Les heures supplémentaires constituent pour lui une bouffée d’oxygène absolument indispensable.

En second lieu, on a abordé la question de l’impact de la TVA anti-délocalisation sous l’angle des mathématiques et des statistiques, en l’évaluant à 1,6 point, auquel il convient d’enlever la diminution des charges pour les entreprises. Tout le monde s’est accordé à dire que cela correspondrait à une augmentation des prix, pour des productions nationales, de 0,35 % : 35 centimes pour un vélo de 100 euros – on ne trouve plus un seul vélo fabriqué en France sur le territoire national – ou l’équivalent d’un paquet de cigarettes pour un produit à 2 000 euros. Vous dites que vous voulez sauver le pouvoir d’achat, mais vous êtes très loin du compte et des réalités ! D’ailleurs, votre lapsus de tout à l’heure, lorsque vous avez appelé la TVA anti-délocalisation « TVA anti-compétitivité » est révélateur d’un certain malaise.

En troisième lieu, vous avez dit que vous vouliez stabiliser le nombre de fonctionnaires. Nous l’avions baissé sous la précédente législature, ce qui nous avait permis de redistribuer à peu près 800 millions d’euros par an sur des mesures catégorielles et des mesures salariales au profit des agents de l’État. En procédant ainsi, vous allez réussir ce tour de force non seulement d’augmenter la masse salariale de l’État, mais de devoir geler des salaires, ce qui entraînera une paupérisation chez les fonctionnaires. J’aimerais savoir si vous êtes d’accord avec cette analyse. Si vous ne l’êtes pas, comment arrivez-vous à joindre les deux bouts ?

M. Jean-Pierre Gorges. Je voudrais revenir sur un point particulier, qui me tient à cœur : l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires et leur défiscalisation, sur lesquelles j’ai travaillé six mois, lors de la dernière mandature, avec mon collègue Jean Mallot. Je conseille d’ailleurs aux ministres et au rapporteur général de lire notre rapport, car leurs interventions m’amènent à penser qu’ils ne l’ont pas fait.

Selon ce rapport, 9 400 000 personnes, touchant en moyenne 450 euros par an, seraient concernées par la suppression de cette exonération et de cette défiscalisation.

Ces 9 400 000 personnes sont les « victimes » des 35 heures. Quand on est passé aux 35 heures, elles ont continué à travailler 39 heures. Elles n’ont pas bénéficié des 35 heures payées 39 – qui se traduisent, tous les ans, par une facture de 12 milliards d’euros. Par un effet d’aubaine, ces 4 heures supplémentaires ont fait l’objet d’une bonification immédiate. Supprimer cette bonification constituerait une faute sociale énorme.

Mais il ne nous semblait pas normal, à Jean Mallot et à moi-même, que l’article 1 de la loi TEPA institue une bonification pour l’entreprise. En effet, pour celle-ci, une heure supplémentaire représente un bonus, alors que pour un employé, c’est une incitation. Or vous allez aujourd’hui à l’encontre des recommandations de M. Mallot en maintenant la mesure d’exonération au niveau de l’entreprise, tout en la supprimant au niveau des salariés. Vous commettez ainsi une « double » faute sociale !

Sur un tel sujet, qui concerne 9 400 000 personnes, notre intérêt politique serait de vous laisser faire. Pendant la campagne, j’ai regretté que le Président de la République n’ait pas été suffisamment agressif à ce propos. Mais je vous préviens que si vous touchez à cette défiscalisation, cela vous coûtera très cher. Pour certaines familles, ce serait l’horreur !

Vous avez encore le temps de corriger le tir. La partie « entreprises » représente 1,3 milliard d’euros. Le Gouvernement avait déjà décidé, à la suite de notre rapport, d’en enlever « l’avantage Fillon », qui coûtait 600 millions d’euros et ne se justifiait pas. Je pense qu’il aurait dû aller plus loin et décider de tout supprimer. Mais de grâce, ne touchez pas aux avantages accordés aux employés. Sachez en tout cas que je me battrai pour l’éviter !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur Baroin, une colère un peu surjouée n’est jamais bonne conseillère et je vais m’efforcer de retrouver l’attitude qui sied à ma fonction. Mais si j’ai réagi de manière sans doute excessive, c’est parce que certains anciens ministres ont cru devoir pilonner avec allégresse ce que nous nous apprêtons à faire. J’ai lu en effet que ce que nous faisons est d’une brutalité inouïe, que nous allons être la risée de toute l’Europe, que la rigueur de gauche est hypocrite ou que nous allons proposer une vraie saignée…

M. Hervé Mariton. C’est un peu ça !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. La retenue dont vous faites preuve, monsieur Baroin, est sans doute de meilleur aloi. Mais je ne veux pas m’immiscer dans les affaires d’une autre formation politique…

Je considère que le rapport de la Cour des comptes – que j’ai en haute estime, même si je n’ai pas eu l’occasion de m’y rendre depuis quelque temps – ne constitue ni un satisfecit, ni un réquisitoire. N’en tirons pas non plus, ni les uns ni les autres, des choses qui n’y sont pas. Le fait est que tous ceux qui sont ici connaissent la situation des finances publiques. Et je me garderais, si j’avais été au gouvernement pendant cinq ans, de dire qu’elle est fameuse : nous sommes face à des impasses.

En 2012, je regrette de le dire, peu d’actions ont été enclenchées pour tenter de réduire les déficits. Elles furent en tout cas insuffisantes, ce qui justifie le collectif d’aujourd’hui.

Nous aurons l’occasion de reparler de la croissance avec Pascal Cherki. Mais je veux l’inviter d’ores et déjà à l’optimisme et à la confiance. Nous travaillons sur les cinq prochaines années. Nous pouvons espérer que les hypothèses que nous présentons sont solides et que le chemin de réduction des déficits, qui est en effet incontournable, sera respecté. Je me garderai d’évoquer les autres scénarios, plus pessimistes : ce ne sont ni ceux que je souhaite, ni ceux sur lesquels nous travaillons.

Monsieur Christian Estrosi, nous pourrions avoir un long débat sur la France et l’Allemagne. Mais je ne crois pas que le modèle allemand ait été fondé exclusivement, et même principalement, sur la TVA ; il conviendrait d’ailleurs d’examiner les dégâts qu’il a pu entraîner au niveau social.

Nous cherchons, pour notre part, à doper la compétitivité à la française, ce qui passera par une politique industrielle, sur laquelle nous aurons à débattre. Vous avez évoqué le secteur automobile. La commune de Sochaux faisant partie de ma circonscription, je vois bien ce qui se passe chez PSA. Mais un plan automobile sera mis en place. De la même façon, plusieurs réformes relatives au financement de l’économie – dont la création de la Banque publique d’investissement – sont prévues.

L’observation d’Éric Woerth sur les « 99 % d’austérité et 1 % de croissance » de l’Europe n’a aucun sens. Il est exact que, il y a seulement quelques mois, on ne parlait pas de croissance en Europe. Pour autant, on ne saurait parler de « 99 % d’austérité » quand on injecte dans la croissance européenne 120 milliards d’euros, soit 1 % du PIB de l’Union.

Vous devriez convenir, vous qui êtes plus libéraux que moi, qu’une meilleure stabilité financière assure aux entreprises – auxquelles nous sommes tous attachés – un meilleur climat pour investir et pour embaucher. Pour ma part, j’irai plus loin : je pense que la stabilité financière, telle qu’elle peut découler du Conseil européen, constitue sans doute le principal facteur qui permettra, dans les années qui viennent, d’améliorer la croissance structurelle de l’économie européenne et de mener à bien la résorption des déficits. L’une et l’autre font masse et cette présentation caricaturale ne sert pas à grand-chose.

Telles sont les remarques que je voulais faire.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. J’ai quelques compléments à apporter.

Monsieur le président, nous ne vous avons pas répondu sur l’éventuelle différence de traitement entre les salariés du privé et ceux du public, s’agissant de la date d’entrée en vigueur de la suppression des exonérations liées aux heures supplémentaires. Une telle mesure s’appliquera à tous le 1er septembre. Si la rédaction du texte vous a semblé ambiguë, je vous présente mes excuses.

Par ailleurs, le contentieux portant sur les 900 millions d’euros auxquels vous faisiez référence était relatif aux précomptes mobiliers, et non pas au contentieux OPCVM. Je maintiens que ce dernier n’a été évoqué à aucun moment, ni en loi de finances initiale, ni dans le programme de stabilité. En revanche il fut provisionné dans la comptabilité générale, sans la moindre indication.

Monsieur Baroin, je prends acte de la réduction du déficit de 1,9 point opérée en 2011. Mais convenez que sur ce 1,9 point, il n’y en a que 0,8 de structurel : le reste est exceptionnel ou conjoncturel. Pour l’essentiel, l’effort reste à faire.

Mme Nathalie Pécresse est revenue sur la loi de règlement pour parler elle aussi des déficits. Je lui indiquerai, ainsi qu’à M. Yves Censi, que si la réduction du déficit opérée en 2011 a pu être qualifiée d’historique, le déficit ne l’était pas moins.

Mme Pécresse s’est également interrogée sur l’impact des mesures Fillon en 2012. Je le lui avais déjà indiqué, mais je le lui confirme : 15 milliards d’euros d’impôts nouveaux ! Les prélèvements obligatoires ont augmenté en 2012 de 1,1 point, qui se ventile ainsi : les 15 milliards « Fillon », et il y a les 7 milliards que nous vous proposons. Les deux tiers de cette augmentation sont donc imputables au gouvernement précédent, et un tiers à l’actuel. Cela me ramène aux remarques que je faisais sur notre prétendue fascination pour la dépense ou pour l’impôt.

M. Wauquiez a évoqué la disposition relative aux successions. Je précise que le dispositif existe depuis six ou sept ans et qu’il ne s’applique pas « pour solde de tout compte », mais par enfant et par parent. Aujourd’hui, nous proposons de baisser le seuil d’exonération à 100 000 euros. Mais un enfant possédant a priori deux parents, le seuil d’exonération s’établit à 200 000 euros. Par ailleurs, il se trouve que le patrimoine médian est de 113 000 ou 120 000 euros. Voilà pourquoi je conteste l’affirmation selon laquelle cette disposition frapperait prioritairement les classes moyennes.

Je remarque enfin qu’avant cette réforme, 5 % des successions étaient imposées. Désormais, 12 % le seront. Cela signifie que 88 % des successions ne le seront pas. Les 12 % qui restent imposées concerneront donc les ménages les plus aisés. Libre à vous d’estimer que dans les 88 %, il n’y a que des classes moyennes. Mais je ne crois pas que vous ayez raison.

Sur 24 millions de salariés, 5 millions seulement sont concernés par l’épargne salariale. Je conçois que l’augmentation du forfait social représente un effort. Mais en proposant cette augmentation, nous ne faisons que nous conformer aux recommandations de la Cour des comptes.

Enfin, monsieur Wauquiez, le gouvernement auquel vous apparteniez n’a pas augmenté la CSG sur le patrimoine : il a augmenté de 2 points le prélèvement social sur les revenus du patrimoine. C’est la même assiette que la CSG, mais ce n’est pas de la CSG. Le rapporteur général de l’époque fut d’ailleurs à l’origine d’un amendement dont l’objet était d’éviter de probables et délicats problèmes de déductibilité. Nous ne touchons pas à cette augmentation. Libre à vous de le contester.

Je ferai ensuite remarquer que l’Allemagne n’a consacré à la baisse des charges qu’un point, et non pas les trois points – comme cela a été avancé abusivement – de l’augmentation de la TVA à laquelle elle a procédé.

Et puisque vous êtes sensibles au sort des classes moyennes, vous ne pourrez qu’approuver la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire qui concerne 5 millions d’enfants et 3 millions de familles, et n’est pas imposable.

M. Hervé Mariton. Comment est-elle financée ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. En partie par le forfait social. L’année prochaine, elle sera financée conformément aux préconisations énoncées dans le programme de François Hollande.

Monsieur Mariton, l’allocation de rentrée scolaire est donc financée à part et ne s’impute pas sur les 7 milliards de recettes nouvelles. Il en est de même des départs à la retraite anticipée pour les carrières longues.

Madame Pécresse, l’augmentation du SMIC coûtera en 2012 à l’État 100 millions d’euros, du fait de l’augmentation de la masse salariale, et à la protection sociale 200 millions d’euros, du fait de la compensation – 100 millions d’euros pour les collectivités territoriales et autant pour la collectivité hospitalière. Nous estimons que de telles sommes seront facilement couvertes, notamment par des annulations de crédit.

Au total, monsieur le président, le coût consolidé de cette augmentation du SMIC sur les cinq années de la mandature ne sera pas de 5 milliards d’euros comme cela a été imprudemment avancé, mais d’1,2 milliard d’euros. Et je vous donne rendez-vous, documents à l’appui, à l’occasion de l’examen de la loi de finances initiale, ou à l’occasion de l’examen de la loi de finances rectificative.

Monsieur Woerth, la masse salariale a évolué en moyenne de 0,6 % sous la précédente mandature. Nous essaierons de faire moins.

Selon vous, monsieur Carré, la baisse de la charge de la dette nous donnerait une marge de manœuvre. Certes, celle-ci diminue effectivement – de 600 millions selon la Cour des comptes, ou de 700 millions selon le ministère de l’économie et des finances. Mais cela ne constitue pas pour autant une marge de manœuvre, en raison de la volatilité des taux d’intérêt.

Par ailleurs, le compte d’affectation spéciale auquel vous faisiez allusion n’est pas supprimé. Simplement, il n’est pas abondé.

Enfin, monsieur Gorges, nous ne sommes pas d’accord. C’est la majorité à laquelle vous apparteniez qui a étendu les 35 heures aux entreprises de moins de 20 salariés. De ce fait, elles se trouvent affectées par ce dispositif.

Je vous remercie.

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EXAMEN DU PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT DES COMPTES ET RAPPORT DE GESTION POUR L’ANNÉE 2011
ET DU RAPPORT PRÉALABLE AU DÉBAT D’ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES

Au cours de sa séance du jeudi 5 juillet 2012, la Commission procède, sur le rapport de M. Christian Eckert, rapporteur général, à l’examen du projet de loi de règlement des comptes et du rapport de gestion pour l'année 2011 (n° 3), ainsi que du rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ma nomination étant toute récente, je demande tout d’abord l’indulgence de la Commission en ce qui concerne le respect des délais et des formes. Mais nous nous efforcerons de fluidifier la circulation des documents et de l’information.

Je veux également souligner la qualité des échanges que j’ai eus avec le président de notre Commission et avec les services du ministère pour préparer l’examen du projet de loi de règlement et le débat d’orientation des finances publiques, avec les collaborateurs du secrétariat de la Commission.

L’examen du premier projet de loi de règlement et la préparation du premier débat d'orientation des finances publiques de cette nouvelle législature, que je vous propose de mener conjointement ce matin, nous permettront de faire le bilan de la législature précédente, en particulier de l'exécution 2011, en même temps que de tracer les grandes lignes de la programmation pour les années à venir.

Cette réunion de la Commission fait suite à des auditions très complètes du Premier président de la Cour des comptes, puis des ministres concernés, elles-mêmes appuyées sur le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui intégrait cette année un audit de l'exécution à la mi-2012.

Le fait que l’exécution des dépenses de 2011 ait été globalement conforme à la prévision ne doit pas masquer la persistance de certaines dérives.

En effet, les dépenses de l'État à l'intérieur du périmètre « zéro volume » ont diminué de 0,6 % surtout grâce à un sursaut d'inflation. Celle-ci a effet atteint 2,1 % en exécution, au lieu des 1,5 % prévus, ce qui a offert une marge de manœuvre supplémentaire de 2,1 milliards d'euros pour tenir la norme « zéro volume ». Le plafond de dépenses en exécution s'établit donc à 359,1 milliards d'euros au lieu de 357,4 milliards d'euros.

Les dépenses du budget général ont dérapé de 1 milliard d'euros en 2011, essentiellement en raison de la progression de la charge de la dette, tandis que les charges de pensions sont en léger repli – de 195 millions d’euros – par rapport à la prévision.

Au total, les dépenses de l'État à l’intérieur du périmètre « zéro volume » s'élèvent à 357,4 milliards d'euros en 2011.

À l'intérieur du périmètre « zéro valeur », donc hors charges de la dette et hors pensions, les dépenses de l’État ont diminué de 259 millions d'euros.

Toutefois, cette « performance » – si l’on peut dire – résulte essentiellement d'une moindre dépense au titre du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), inférieure de 653 millions d’euros à la prévision de la loi de finances initiale. Si tel n'avait pas été le cas, le « dérapage » aurait approché 400 millions d'euros…

L'objectif de stabilisation des dépenses de personnel hors pensions n'a pas été atteint : la masse salariale de l'État a en effet dépassé de 300 millions d'euros le montant prévu en loi de finances initiale pour 2011.

Deux facteurs expliquent cette situation.

Tout d’abord, l'économie nette de 500 millions d'euros attendue par le précédent gouvernement de la mise en œuvre du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux – le « un sur deux » – n'est pas au rendez-vous, malgré des départs en retraite plus nombreux que prévu, qui ont majoré de 118 millions d'euros l'économie brute. Je rappelle à cette occasion que l’économie nette correspond à l’économie brute diminuée du « retour catégoriel », censé s’établir à la moitié de cette dernière. Or ce retour catégoriel a en fait représenté 60 % des économies brutes – 562 millions d'euros sur 935 millions. L'économie nette ne s'élève donc qu'à 373 millions d'euros.

Si les départs en retraite avaient été conformes à la prévision, le poids des mesures catégorielles en 2011 aurait même représenté 69 % de l'économie brute, soit un ratio encore supérieur à celui constaté en 2010, qui était de 67,3 %, et l'économie nette se serait limitée à 255 millions d'euros, soit un niveau comparable à celui constaté en 2010. Ces chiffres incontestables peuvent contribuer au débat que nous avons engagé hier.

Le deuxième facteur expliquant le dérapage des coûts de personnel est le coût des heures supplémentaires. De fait, les suppressions de postes conduisent souvent, notamment dans l’éducation nationale, à majorer le nombre d’heures supplémentaires, qui ont représenté en 2011 un montant de 1,3 milliard d’euros, soit 2,2 % de la masse salariale de la mission Enseignement scolaire. Ce montant équivaut au triple de l'économie brute résultant du « un sur deux » au ministère de l'Éducation nationale en 2011.

L’engagement, pris par le précédent Gouvernement dans la loi de programmation 2011-2014, de réduire de 5 % les dépenses de fonctionnement et d'intervention en 2011 n'a pas non plus été tenu. Les dépenses de fonctionnement n'ont en effet baissé que de 3 % et les dépenses d'intervention ont continué à déraper, compte tenu de sous-budgétisations parfois chroniques, notamment pour les opérations extérieures (OPEX), pour les bourses de l'enseignement supérieur, pour l’hébergement d'urgence, pour l'allocation temporaire d'attente, pour l’aide médicale d'État et pour l’allocation adulte handicapé. Ces informations figurent dans le rapport qui sera prochainement disponible en ligne.

Concernant les recettes, deux enseignements principaux peuvent être tirés de l’exécution budgétaire de l’année 2011.

Le premier est que les recettes fiscales et non fiscales de l’État n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant la crise, puisqu’elles se sont établies à 283 milliards d’euros alors qu’elles avaient atteint 304 milliards d’euros en 2008.

Le second est que la faiblesse du produit de l’impôt sur les sociétés (IS) se confirme. En 2011, la croissance spontanée de cet impôt n’a été que de 0,5 milliard d’euros au lieu des 5,3 milliards d’euros prévus. Pour l’année en cours, la Cour des comptes a situé la moins-value par rapport à la prévision de la loi de finances initiale dans une fourchette de 1,5 à 3,5 milliards d’euros, du fait encore de cette faible croissance spontanée. Cette situation conduira le Gouvernement à présenter au Parlement plusieurs mesures destinées à lutter contre l’optimisation fiscale, ciblant notamment les grandes entreprises.

Le déficit de l’ensemble des administrations publiques s’est établi à 5,2 % du PIB en 2011. Les deux tiers de la réduction du déficit que l’on constate par rapport à 2010 sont dus à des effets mécaniques : disparition des mesures exceptionnelles du plan de relance, fin du surcoût temporaire lié à la suppression de la taxe professionnelle, « surréaction » des prélèvements obligatoires à la croissance.

La loi de finances initiale avait prévu le déficit public à 6 % du PIB. Le meilleur résultat constaté en exécution s’explique surtout par une baisse, par rapport à la prévision de 0,5 % du PIB, du déficit des collectivités territoriales, ramené, au total, à moins d’un milliard d’euros.

La diminution du déficit public due à des décisions du précédent Gouvernement atteint 0,8 % du PIB. Elle tient pour 0,7 point aux hausses d’impôt et pour 0,1 point aux économies réalisées sur la dépense. Compte tenu du débat que nous avons entamé hier, lors de l’audition des deux ministres de l’Économie et des finances, et du Budget, je ne peux qu’appeler votre attention sur cette décomposition !

Enfin, la charge de la dette a considérablement augmenté par rapport à l’année précédente, malgré les conditions de financement favorables offertes par les marchés. La hausse des frais financiers a atteint 5,8 milliards d'euros, soit 14,3 % par rapport à l’année précédente et + 23,5 % par rapport à 2009. L'encours de la dette publique, a pour sa part doublé en dix ans : il est passé de 853 milliards d'euros à 1 717 milliards d'euros.

La réduction apparente du besoin de financement de l'État en 2011 ne doit donc pas masquer le risque réel d'emballement de la dette publique.

Cette préoccupation est confirmée par l'analyse de la situation de l’État en comptabilité générale.

La situation nette de l'État continue en effet de se dégrader au regard de son bilan, compte tenu de la progression de ses charges financières. Sa balance négative s’est établie à 834 milliards d'euros, contre 764 milliards en 2010. Le résultat de l'exercice est toujours déficitaire – de 87,5 milliards d'euros – et ce malgré la disparition des dépenses exceptionnelles auxquelles j’ai fait allusion tout à l’heure.

La loi de règlement pour 2011 dresse donc un bilan qu’il nous faut dorénavant assumer, ce qui constituera tout l’objet du débat d’orientation budgétaire à venir.

La construction de la loi de finances rectificative pour 2012 se fondera sur des prévisions de croissance, retenues par le Premier ministre, de 0,3 % en 2012 et de 1,2 % en 2013. Il s’agit d’une révision à la baisse qui nécessite l’adoption de mesures d’adaptation qui nous ont été présentées hier par le Gouvernement.

La réduction du déficit public est une priorité. Le Gouvernement souhaite le ramener à 4,5 % du PIB en 2012 ; compte tenu des moins-values fiscales détaillées par la Cour des comptes, cet objectif requiert les mesures de rendement figurant dans le collectif budgétaire présenté hier. La trajectoire doit ramener ce déficit à 3 % en 2013, conformément à nos engagements européens, avant d’atteindre l’équilibre à la fin de la législature, en 2017.

En dépenses, le financement des priorités du nouveau Gouvernement et la réduction du déficit imposent la conduite, par l'ensemble des administrations publiques, d’efforts importants. La progression annuelle de la dépense devra être limitée à 0,8 % en volume par an, alors que la progression tendancielle annuelle des dépenses publiques a été évaluée à 1,5 % entre 2012 et 2015 et s'est établie en moyenne à 2 % au cours de ces dix dernières années. Cette situation impose de réaliser 9 milliards d'euros d'économies par an, indépendamment du financement des nouvelles dépenses prioritaires que le Gouvernement souhaite engager afin de procéder au redressement dans la justice. Toutes les administrations publiques – État, collectivités locales, administrations sociales – devront ainsi être mises à contribution, dans un esprit responsable de dialogue et de concertation.

En recettes, des hausses d'impôts en 2012 et 2013 seront nécessaires pour compenser la faiblesse des recettes fiscales qui découle de l’atonie de la croissance. Une stabilisation sera envisagée à partir de 2014.

En ce qui concerne le cadrage fiscal, il est intéressant de noter que, depuis 2002, environ 25 milliards d'euros de charges ont été transférés des ménages aisés et des entreprises vers les salariés.

Dans le collectif budgétaire ont été inscrites les premières mesures pour engager le rééquilibrage du système fiscal. Il s’agit d’abord de l’abrogation des principales dispositions de la loi TEPA qui restaient en vigueur ainsi que de la récente réforme de l’ISF. Des mesures d’urgence pour limiter l’impact de l’optimisation de l’IS pratiquée par les grandes entreprises seront adoptées. Enfin, des prélèvements exceptionnels sur des entreprises bancaires et pétrolières particulièrement profitables seront opérés.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, l’impôt sur le revenu sera profondément réformé : instauration d’une nouvelle tranche à 45 %, intégration des revenus du capital dans le barème, diminution du plafond du quotient familial et des niches fiscales et refiscalisation des heures supplémentaires. D'autres pistes pourront être explorées, notamment un retour sur la diminution du taux de TVA dans la restauration. S’agissant des recommandations de la Cour des comptes portant sur les deux impositions à fort rendement que sont la TVA et la CSG, le Gouvernement exclut l’augmentation du taux de TVA ; nous pourrions être amenés à réfléchir à l’évolution de la seconde.

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le rapporteur général, pour ce premier rapport qui a le double mérite de la clarté et de la concision.

M. Olivier Carré. Tout d’abord, une remarque pour souligner que les annulations de crédits effectives mentionnées dans le projet de loi de règlement se sont élevées à 1 947 millions d’euros en 2011 par rapport à la loi de finances initiale et à ses nombreuses révisions.

Ensuite, l’exposé général des motifs du projet de loi de règlement note une très légère diminution de la masse salariale – de 0,1 % – qui n’est expliquée à cet endroit que par « des mesures de périmètre dues à la réforme des universités (…) et à la création des agences régionales de santé », alors même qu’apparaît, quelques pages plus loin, une réduction nette des effectifs de la fonction publique. Je voudrais donc savoir quel est l’impact sur l’évolution de la masse salariale de la suppression de 31 194 équivalents temps plein (ETP) en 2010 et de 32 005 autres en 2011.

Mme Sandrine Mazetier. Cette présentation du projet de loi de règlement constitue un véritable réquisitoire contre la politique menée pendant cinq ans par le précédent Gouvernement.

Ainsi est-il rappelé que l’accélération de l’inflation a pesé sur le pouvoir d’achat des ménages tandis que l’augmentation du revenu disponible brut des ménages n’était due qu’à l’accroissement significatif des revenus du patrimoine, et non à la hausse de ceux du travail.

Le montant des recettes fiscales est très inférieur à leur niveau d’avant la crise. Cette dernière est souvent présentée comme une excuse à cette situation alors qu’elle est le résultat d’une politique fondée notamment sur des cadeaux fiscaux. Le taux de couverture des dépenses par les recettes est, lui aussi, très inférieur à son niveau de 2007.

Une nouvelle politique, dont les premières mesures vous ont été présentées hier par le Gouvernement, va donc être engagée afin de régler les problèmes nés de cet héritage calamiteux.

Au président de la Commission qui s’inquiétait ce matin sur une station de radio du sort des classes populaires et des classes moyennes, j’aimerais rappeler qu’elles ont beaucoup souffert pendant cinq ans et qu’elles vont dorénavant être protégées. À ce titre, je me félicite, comme tous mes collègues de la majorité, de l’abrogation de la TVA sociale qui allait massivement frapper les catégories populaires et les classes moyennes. J’aimerais également souligner que la moitié de l’effort demandé en recettes sera supporté par les entreprises et que, pour celui qui incombera aux ménages, les assujettis à l’ISF en assumeront 73 %.

Enfin, je voudrais remercier le rapporteur général pour la précision et la concision de son rapport, ainsi que pour avoir mis en lumière les effets réels sur les comptes publics de la politique conduite par la majorité sortante. Ainsi en est-il de la question des heures supplémentaires. Ces dernières ont représenté un coût, pour le budget de l’Éducation nationale, bien supérieur aux économies réalisées avec le non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite. En outre, cette politique constitue un coût encore plus important pour le présent et l’avenir de notre pays en détériorant les résultats des élèves français, comme l’attestent l’ensemble des études européennes et internationales conduites sur ce sujet.

M. le président Gilles Carrez. Permettez-moi de répéter ce que disaient déjà mes deux prédécesseurs à ce siège, MM. Didier Migaud et Jérôme Cahuzac : ne confondons pas nos discussions techniques en commission et les débats en séance publique…

M. Michel Vergnier. Durant toute la précédente législature, nous avons inlassablement dénoncé l’inadéquation entre le mécanisme des heures supplémentaires et le non-remplacement, dans l’Éducation nationale, d’un enseignant sur deux partant à la retraite. Nous avons aujourd’hui la preuve que cette politique était inopportune. Ce qui doit nous conduire à adopter une autre démarche, dans l’intérêt du service public.

Puisqu’il apparaît que les collectivités territoriales ont accompli des efforts pour réduire leur déficit, je souhaite que s’engage une réflexion plus large sur les dotations dont elles bénéficient, notamment sur la péréquation. Je souhaiterais qu’une mission parlementaire soit confiée à ceux d’entre nous qui ont déjà travaillé sur cette question – je pense notamment à notre collègue Jean Launay.

Les collectivités territoriales financent aujourd’hui entre 72 % et 74 % des investissements publics. Si elles se trouvaient contraintes de moins investir, les entreprises de tous nos territoires en paieraient les conséquences, ce qui entraînerait inévitablement des suppressions d’emplois et un ralentissement de la croissance économique. C’est pourquoi le système consistant à attribuer les dotations en fonction du nombre d’habitants, et non de la richesse des collectivités, doit être rapidement revu.

M. Xavier Bertrand. Quel est, selon notre rapporteur général, le bon moment pour procéder au relèvement de la CSG, et à quel niveau le porter ?

M. Pascal Terrasse. Comment ne pas s’inquiéter des déficits masqués, au vu des actions diligentées à ce sujet devant les instances européennes – ainsi s’agissant des OPCVM ? Notre pays aura à supporter pendant plusieurs années le coût des décisions que le Gouvernement sera contraint de prendre !

Le présent projet de loi de règlement traduit par exemple l’engagement pris par la France, à garantir aux côtés de ses partenaires européens 16,8 milliards d’euros pour le groupe Dexia, qui se trouve probablement dans une situation comparable à celle que connut le Crédit lyonnais. Qu’en pense notre rapporteur général ? Je crains que les choses ne soient plus graves qu’il n’y paraît et que l’État n’éprouve quelque difficulté à se faire rembourser, ce qui aura des conséquences sur les comptes de 2013. Peut-être devrions-nous, à la rentrée de septembre, confier une mission à un parlementaire pour examiner ce dossier ?

Mme Karine Berger. Au titre des recettes de l’État, l’impôt sur les sociétés (IS) aurait, selon Mme Valérie Pécresse, connu en 2011 une élasticité plus grande que prévu. Or nous lisons, en page 25 du projet de loi de règlement, que la progression spontanée de l’IS n’aurait été que de 1,4 % ce qui place son élasticité en dessous de 1, mais qu’en revanche le bond de cet impôt, de 33 à 39 milliards en 2011, serait pour 3 milliards imputable au « contrecoup positif de la fin du plan de relance » de 2009. Or, à ma connaissance, ce plan ne prévoyait aucune disposition relative à l’IS, mais seulement des mesures de trésorerie en faveur des entreprises, d’ailleurs plus élevées que celles annoncées. Comment donc expliquer ce bond de six milliards ? Résulte-t-il d’une élasticité surprise de l’impôt ou bien de mesures exceptionnelles ? Dans ce dernier cas, les prévisions de recettes de l’IS pour 2012, avec une élasticité de 1,1, deviennent problématiques.

Notre rapporteur général a bien montré que les dépenses de personnel de l’État, inscrites au titre 2 du budget général, étaient en augmentation par rapport à la prévision du fait des mesures catégorielles intervenues en liaison avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comment ces mesures se ventilent-elles selon les ministères ? Les efforts ont-ils été équitablement répartis entre eux ?

Mme Valérie Pécresse. Le rapporteur général pourrait-il nous éclairer sur sa stratégie globale concernant la fonction publique ? On s’apprête apparemment à refiscaliser les heures supplémentaires, avec application à la fonction publique au 1er janvier 2013. Pouvez-vous le confirmer ? Et comment entendez-vous stabiliser les charges salariales de l’État, compte tenu de l’augmentation des recrutements prévue pour la prochaine rentrée scolaire ? Reviendra-t-on sur la redistribution des gains de productivité obtenus par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ? Le pouvoir d’achat des fonctionnaires devra-t-il diminuer ? Je rappelle qu’il a augmenté, hors inflation, de 10 % au cours des cinq dernières années.

M. Henri Emmanuelli. Mme Valérie Pécresse a-t-elle réalisé que la campagne électorale était terminée ?

M. le président Gilles Carrez. J’ai déjà insisté sur la différence entre les travaux en commission et les débats en séance publique.

Mme Valérie Pécresse. Je comprends l’embarras de M. Henri Emmanuelli sur ce thème, mais le sujet intéresse deux millions et demi de fonctionnaires d’État !

M. le rapporteur général. Je précise d’abord à l’intention de Mme Valérie Pécresse qu’en m’interrogeant elle ne s’adresse pas au Gouvernement, même si j’analyse, au nom de la Commission, les documents que celui-ci, avec lequel je joue un rôle d’interface, nous transmet.

M. le rapporteur général. L’annulation, évoquée par M. Olivier Carré, de 1,9 milliard d’euros de crédits par le projet de loi de règlement, renvoie à la question de la réserve de précaution, dont je retrace l’évolution dans mon rapport. Cette réserve, mentionnée hier par Mme Valérie Pécresse, s’élevait initialement à environ 6,5 milliards. Elle se limitait à 220 millions à la fin de l’exercice… De plus, 1,5 milliard d’euros correspondent à des annulations au titre des remboursements et dégrèvements.

Mme Valérie Pécresse. À cause des frégates de Taiwan et de certaines opérations exceptionnelles…

M. le rapporteur général. Le rapport analyse précisément la consommation des crédits correspondants.

Parmi les personnels de l’État, a été supprimé l’équivalent de 26 527 équivalents temps plein travaillés – ETPT – en 2010 et de 31 728 en 2011. Par rapport à la prévision initiale et à périmètre constant – c’est-à-dire hors transferts effectués vers les universités et vers les agences régionales de santé – ARS –, la masse salariale n’a pas été stabilisée, mais s’est accrue de 0,3 % par rapport à la loi de finances initiale. Sur les mêmes bases, on constate entre 2010 et 2011 une diminution de 0,1 %.

La politique des heures supplémentaires dans la fonction publique a fait l’objet, l’an dernier, d’analyses dans le cadre du rapport de notre Comité d’évaluation et de contrôle
– CEC – sur la RGPP (révision globale des politiques publiques), établi par M. François Cornut-Gentille et par moi-même. Nous avons essayé de dresser un bilan de la RGPP, trop souvent réduite au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux – à tort car elle comporte bien d’autres aspects.

L’écart constaté dans ce domaine entre les économies brutes et les économies nettes résulte de la soustraction des « retours catégoriels », qui seront retracés par ministère et par mission dans mon rapport. En lisant celui-ci, Mme Karine Berger constatera de fortes variations d’un ministère à l’autre. À elle d’en tirer des conclusions, mais il est vrai que ces retours se sont parfois substitués à d’autres dispositions…

S’agissant spécialement de l’Éducation nationale, le rapport du CEC essayait, non sans difficultés, de distinguer le « socle » traditionnel d’heures supplémentaires – qui a toujours existé pour certaines catégories d’enseignants et d’enseignements, notamment dans les classes préparatoires aux grandes écoles – des heures supplémentaires nouvelles. Nous avons évalué cet accroissement à près d’une heure par enseignant, ce qui représente des sommes considérables en raison du nombre de personnes concernées. Les travaux en cours permettront d’affiner cette analyse.

Le plan de relance de 2009 comportait bien quelques mesures relatives à l’impôt sur les sociétés, notamment des restitutions anticipées de créances de carry back et de crédit d’impôt recherche, qui rendent malaisées les comparaisons d’une année à l’autre.

M. Pascal Terrasse m’a interrogé sur la situation de Dexia. Nous attendons les décisions de la Commission européenne sur le montage du plan de sauvetage, présenté comme le dernier du genre. Une mission de l’Inspection générale des finances a déjà été diligentée. Le bureau sera prochainement amené à débattre de la création de missions d’information ; l’un d’elles pourrait porter sur ce dossier – et, à mon avis, une autre sur la réforme de la taxe professionnelle.

L’intervention de M. Xavier Bertrand, évoquant un relèvement de la CSG, me fait penser à cette anecdote du policier qui, pour avoir la confirmation d’une rencontre entre certaines personnes, avait cité plusieurs noms à un participant présumé, dont un leurre. L’individu interrogé ayant nié la présence de ce dernier, il a ainsi confirmé la réalité de la rencontre.

S’agissant de la CSG, je ne peux lui répondre à ce stade. Mais chacun sait que, selon le calendrier de travail fixé par le Gouvernement, le projet de loi de finances rectificative corrigera un certain nombre d’anomalies et d’inégalités existant aujourd’hui en matière fiscale, pour les entreprises comme pour les particuliers. Le projet de loi de finances initiale pour 2013 dressera bien sûr la liste des moyens nécessaires pour parvenir à l’objectif d’un déficit budgétaire ramené à 3 % du PIB en fin d’année. Je vous invite d’ailleurs à formuler des propositions dans ce but.

Je réponds à l’interpellation de Mme Pécresse sur le pouvoir d’achat. Je rappelle que les hausses d’impôt adoptées à l’initiative du précédent Gouvernement ont beaucoup porté sur la fiscalité indirecte. J’en cite quelques-unes pour rafraîchir les mémoires : la TSCA sur les contrats d’assurance maladie, pour 2,2 milliards d’euros…

Mme Valérie Pécresse. Cela pèse sur les entreprises !

M. le rapporteur général. … la majoration des taux réduits de la TVA pour 1,8 milliard, la hausse de la CSPE pour 1,4 milliard. Tout cela a pesé directement sur le pouvoir d’achat des Français. Et je n’oublie pas la TVA triple play, pour 1,1 milliard. Alors, un peu d’humilité !

Enfin, Mme Pécresse est une observatrice trop attentive de nos travaux pour ignorer nos grandes orientations en matière d’effectifs dans la fonction publique. Alors que vous faisiez « moins 30 000 fonctionnaires », nous, nous ferons zéro ! Cela est annoncé, justifié et assumé.

M. Hervé Mariton. Et comment le financerez-vous ?

M. le rapporteur général. Notre stratégie est claire et nos priorités – éducation, justice, sécurité – ont été, dois-je le rappeler, validées par une majorité de Français.

M. le président Gilles Carrez. Je compléterai la réponse de M. le rapporteur général sur la question essentielle de l’impôt sur les sociétés, dont l’expérience enseigne qu’il est à l’origine des principales erreurs de prévision. En effet, madame Berger, l’élasticité de l’IS à la croissance est pratiquement impossible à prévoir tellement elle est volatile. En 2006, 2007 et 2008, l’IS a rapporté un peu plus de 40 milliards d’euros ; avec la crise de 2009, ce montant est tombé à 21 milliards. Et je rappelle que près de la moitié de la « cagnotte » de 1999 était liée à l’IS. Comment s’explique cette volatilité ? Tout simplement par le fait qu’il ne s’agit pas d’un impôt assis sur des stocks ou sur des flux réguliers comme la consommation, mais d’un impôt assis sur un solde, soit un écart entre des produits et des charges. Pour vous répondre encore plus précisément, madame Berger, ce solde est de surcroît profondément affecté par les mesures fiscales qui sont appliquées.

Durant le plan de relance, nous avons ainsi été conduits à apporter de la trésorerie aux entreprises en jouant sur les acomptes d’IS, à travers des mesures de remboursement au titre du carry back ou du crédit impôt-recherche. Par contre, en 2011 – et Mme Pécresse pourra sans doute le confirmer –, dès le mois de juillet, nous avions appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que l’une des conséquences de la crise était la concentration d’énormes reports déficitaires et qu’il était dès lors certainement judicieux de s’inspirer d’une mesure qui existe en Allemagne depuis longtemps et qui consiste à sanctuariser une partie du résultat fiscal par rapport aux reports déficitaires. Au final, nous avons convaincu le Gouvernement de le faire dès l’exercice 2011…

Mme Valérie Pécresse. Excellente proposition !

M. le président Gilles Carrez. … et l’on a donc pu récupérer des recettes sur le cinquième acompte. Cela n’a pas compté pour rien : 1,5 à 2 milliards d’euros, compte non tenu de la suppression du bénéfice mondial consolidé dès la même année.

Dans ces conditions, notre Commission pourrait poursuivre son travail dans les directions qui ont déjà été évoquées, qu’il s’agisse des prix de transfert ou de la déductibilité des frais financiers. Nous partageons tous l’idée que certains grands groupes internationalisés ne paient sans doute pas suffisamment d’IS par rapport à leur valeur ajoutée. La difficulté, c’est qu’il ne faut pas les déstabiliser et qu’il faut parvenir à récupérer des recettes fiscales sans faire peser de risques sur l’investissement et sur l’emploi dans notre pays. À mon sens, il est envisageable de récupérer de 2 milliards à 4 ou 5 milliards, ce qui est considérable ! Cela exige d’y aller très progressivement car la question de la déductibilité des frais financiers est extrêmement sensible. Il faut travailler de manière consensuelle et constructive. Sous la précédente législature, nous avons bâti la méthodologie et les outils qui conduisent au plafonnement d’un certain nombre de niches fiscales – transformation systématique en réductions d’impôt, plafonnement particulier de certaines niches… Et je pense qu’en matière d’IS, même si le Gouvernement et l’administration font leur travail, notre Commission peut apporter sa contribution. Nous serons d’autant plus écoutés que nous serons capables de faire des propositions conjointes. C’est pour cela que j’ai tenu à répondre un peu longuement sur cette question.

M. Henri Emmanuelli. Mais sans dire un mot de l’amendement Copé !

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Emmanuelli, l’an dernier, la quote-part pour frais et charges a été relevée de 5 % à 10 % !

M. Henri Emmanuelli. Cela représente tout de même beaucoup d’argent !

M. le président Gilles Carrez. Nous n’allons pas rouvrir ce débat ! D’autant que ce que vous appelez l’amendement Copé provenait d’un rapport qui avait été demandé par Lionel Jospin !

M. Régis Juanico. J’observe que certains de nos collègues sont très prompts à nous donner des leçons. Suite à l’audition d’hier du Premier président de la Cour des comptes et des ministres, je rappelle que plusieurs mesures programmées en 2012 n’ont cependant pas été financées, à l’instar du dixième mois de bourses pour les étudiants à hauteur de 120 millions.

Monsieur le rapporteur général, vous avez eu raison d’évoquer hier un certain nombre de manques à gagner dans les recettes pour 2011, du fait de réformes structurelles comme la loi TEPA – notamment le bouclier fiscal –, la baisse de la TVA sur la restauration ou la réforme de la taxe professionnelle, et vous avez évoqué à ce propos un montant de l’ordre de 20 milliards à 25 milliards d’euros. Pouvez-vous préciser mesure par mesure les pertes de recettes correspondantes ?

M. Patrick Ollier. Monsieur le Rapporteur général, dans le domaine du tourisme qui m’intéresse tout particulièrement, je souhaiterais connaître le nombre d’emplois concernés par le passage de la durée légale du travail de 39 heures à 35 heures, avec le déclenchement des heures supplémentaires à partir de ce seuil. S’agissant d’activités saisonnières, les conséquences risquent d’être lourdes. Le Gouvernement entend-il appliquer la mesure de manière manichéenne et brutale ou d’autres pistes sont-elles à l’étude ? Attention à ne pas remettre en cause gravement l’activité touristique saisonnière !

M. Thierry Mandon. Ma question porte plus particulièrement sur les mouvements liés à la mise en place de l’autonomie des universités. À ma connaissance, c’est en effet la première fois que ces mouvements se traduisent dans les documents budgétaires. La quasi-totalité des baisses d’effectifs est liée à un transfert de quelque 30 000 postes d’enseignement supérieur et de recherche sur 34 124 équivalents temps plein. Il y aurait donc transfert vers un poste de subventions de service public en titre 3. Notre Commission peut-elle se pencher sur cette question ? Comment ont été financés ces crédits de titre 3 aux universités : à l’euro près, par érosion – avec des oublis –, ou y a-t-il eu au contraire du « gras » ?

M. Éric Woerth. En parlant de la réforme de la fonction publique et de la réduction de ses effectifs, nous touchons au cœur du débat et permettez-moi de constater tout d’abord qu’après l’avoir abondamment critiquée et caricaturée, vous ne remettez pas en cause la RGPP ! Pour décriés qu’ils soient encore aujourd’hui par nombre d’entre vous, ses résultats sont bel et bien entérinés. Vous annoncez une stabilisation des effectifs sur la base de moins 150 000 en cinq ans et vous ne revenez pas sur l’esprit même de la RGPP. Au reste, il n’y a jamais eu de dogme du « un sur deux ». Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite était un résultat, pas un objectif ! La réduction de la masse salariale est au cœur de la maîtrise de la dépense publique, et, quoi qu’il vous en coûte, vous êtes bien forcés d’en convenir. Les mesures catégorielles ont bien entendu été différentes d’une administration à l’autre…

Mme Karine Berger et M. Henri Emmanuelli. Parlez-nous de Bercy !

M. Éric Woerth. Les efforts n’ont pas été les mêmes partout car nous ne partions pas partout de la même situation. Rien n’a été fait de manière uniforme et aveugle. Au vrai, c’est l’esprit même de la réforme de l’État que vous refusez pour ne pas déplaire aux syndicats de fonctionnaires. La réalité, c’est que vous allez amplifier de façon considérable les efforts des administrations puisque à l’intérieur du secteur protégé que constitue la fonction publique, vous allez « tailler » dans les effectifs de certaines administrations et j’aurais bien aimé que vous profitiez de ce débat pour nous dire lesquelles ! Nous attendons toujours des réponses claires à ce sujet.

Quant au pouvoir d’achat des fonctionnaires, nous l’avons augmenté de façon régulière au cours des cinq dernières années. La modération ou le gel de l’évolution du point d’indice ont été compensés par diverses mesures catégorielles, la refonte des grilles ou l’amélioration des carrières, la garantie individuelle de pouvoir d’achat, de manière à ce qu’aucun fonctionnaire ne voie sa rémunération augmenter moins vite que l’inflation.

Alors que nous avons fait progresser le pouvoir d’achat des fonctionnaires pendant cinq ans, ils seront avec vous moins nombreux et moins bien payés !

M. Pascal Cherki. Et les RASED (réseaux d’aide spécialisés aux enfants en difficulté) ? Et les AVS (assistants de vie scolaire) ?

M. Éric Woerth. Les heures supplémentaires offrent de la souplesse et des perspectives à nombre de fonctionnaires. Cela coûte moins cher que de recruter et je regrette infiniment que l’on y renonce aujourd’hui, notamment dans l’Éducation nationale pour les enseignants volontaires. Travailler un peu plus pour gagner un peu mieux, était-ce si absurde ?

M. Pierre-Alain Muet. J’entendais concentrer mon intervention sur la loi de règlement mais je ne peux m’empêcher de réagir aux provocations de M. Woerth. L’entendre dire que le « un sur deux » n’était pas un objectif !

M. Henri Emmanuelli. On lui transmettra une revue de presse !

M. Pierre-Alain Muet. Tout en la critiquant, le précédent Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, avait volontiers admis que la RGPP eût pu être une politique intelligente. La réflexion sur l’évolution des effectifs de la fonction publique est saine et M. Séguin lui-même exhortait à ne pas faire d’un objectif de réduction arithmétique des effectifs le substitut d’une démarche intelligente de réflexion sur l’évolution des missions de service public. L’échec de la RGPP telle qu’elle a été menée par le Gouvernement précédent, c’est de ne pas avoir permis aux administrations qui souffrent d’être un peu soulagées par celles dont les effectifs peuvent sembler un peu surabondants.

J’ajoute que l’économie annuelle d’un milliard d’euros escomptée de cette mesure n’a été en moyenne annuelle nette que de 300 millions ce qui, en termes d’impact sur la réduction du déficit des finances publiques, est extrêmement modeste, à la différence du manque à gagner dû à la baisse de la TVA dans la restauration.

J’en viens à la loi de règlement. Le déficit de l’ensemble des administrations publiques est passé de 7,1 % à 5,2 % entre 2010 à 2011. Cela semble beaucoup mais si l’on considère la seule réduction du déficit structurel, telle que l’a mesurée la Cour des comptes, la baisse n’est plus que de 0,9 point – de 4,8 % à 3,9 %. La diminution, d’ailleurs, résulte essentiellement de l’augmentation des prélèvements et très peu de la réduction des dépenses, contrairement à ce qu’annonçait le précédent gouvernement.

Le déficit budgétaire, quant à lui, est passé de 148,8 milliards d’euros en 2010 à 90,7 milliards en 2011. Formidable ! À ceci près que cette réduction repose sur une fiction puisque les quelque 30 milliards d’euros d’investissements d’avenir, pris en compte en 2010, ont certes été votés mais non consommés… Si l’on tient également compte du report de dépenses qui figureront dans les exercices à venir, la réduction n’est pas de 58 milliards d’euros, mais de seulement 10 milliards.

Ces prochaines années, nous devrons donc réduire considérablement le déficit structurel de notre pays quand vous vous êtes bornés à des incantations et que vous n’êtes parvenus pendant cinq ans qu’à le contenir entre 3,3 % et 5 % du PIB, ce qui ne s’était jamais vu !

Je vous invite enfin à analyser l’évolution du pouvoir d’achat par unités de consommation sur une longue période : l’augmentation du pouvoir d’achat est corrélée à celle des créations d’emplois. Ainsi n’augmente-t-il fortement – entre 2 % et 2,5 % – qu’entre 1997 et 2002 ainsi que pendant « les années Borloo », aux alentours de 2006, périodes pendant lesquelles la politique de l’emploi était particulièrement dynamique. Il me semble qu’une telle leçon doit être retenue.

Mme Valérie Rabault. M. Terrasse ayant abordé les questions liées au groupe Dexia, je souhaiterais avoir des précisions concernant les autres engagements hors bilan de l’État.

Je suis étonnée que le commentaire figurant à la page 34 de l’exposé des motifs du projet de loi taise les véritables causes de l’augmentation de l’impôt sur les sociétés, en se bornant à mentionner « la croissance du bénéfice fiscal des entreprises ». La représentation nationale doit connaître toute la vérité sur le sujet, y compris l’impact de la « niche Copé ».

Enfin, quid de la non-reconduction de 3,2 milliards de dépenses d’investissement de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ?

M. Henri Emmanuelli. Je suis un peu étonné par la tonalité des débats, certains collègues semblant souhaiter jouer les prolongations par une séance de tirs au but… sans ballon.

M. Woerth a répété une démonstration qu’il a déjà faite d’innombrables fois dans l’hémicycle. Il nous a ainsi expliqué que, grâce à la RGPP, 500 millions d’euros avaient été économisés – provoquant la suppression de plus de 120 000 emplois dans la fonction publique – tout en faisant voter dans le même collectif budgétaire la baisse de la TVA dans la restauration qui a coûté trois milliards d’euros et qui était censée créer 40 000 emplois. Je me souviens être monté à la tribune pour dire que, manifestement, il avait un problème de comptabilité. Ne répétez pas indéfiniment ce genre de démonstration, monsieur Woerth !

M. Éric Woerth. C’est vous qui ne cessez pas de revenir sur ce thème !

M. Henri Emmanuelli. La campagne électorale est finie !

De la même manière, je suis un peu étonné d’entendre l’opposition hurler face aux 7 milliards d’euros d’impôts prévus par le Gouvernement alors qu’elle oublie de rappeler aux Français qu’ils échapperont grâce à lui à une hausse qui devait être de 14 milliards. La moitié, c’est mieux que le double !

M. le président Gilles Carrez. Vous êtes constant, monsieur Emmanuelli : vous n’aimez pas l’opposition !

M. Xavier Bertrand. J’ai bien entendu ce qu’a dit M. le rapporteur général : lorsqu’il s’exprime, il ne le fait pas à la place du Gouvernement. Soit, mais il est un personnage important de la majorité, laquelle est bien décidée à se faire entendre. J’ai également compris qu’il ne voulait pas confirmer directement et précisément les propos qu’il a tenus auparavant. Je serai donc attentif au compte rendu de cette séance, qui en rapportera l’intégralité !

M. Éric Alauzet. Selon M. le rapporteur général, les heures supplémentaires payées aux personnels de l’éducation nationale ont coûté plus cher que ce qu’a rapporté le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. C’est tout de même fort ! Contrairement à ce qu’assure M. Woerth, nous remettons en cause le leitmotiv de la réduction de la dépense et de l’emploi publics entonné par tous les libéraux européens.

De surcroît, je note que le système d’exonération des heures supplémentaires contredit la progressivité de l’impôt, puisqu’il peut faire accéder les bénéficiaires à une tranche marginale moins imposée que celles correspondant à la totalité de leur revenu salarial.

Enfin, un salarié qui ne peut travailler au-delà de 35 heures ne peut bénéficier de ces réductions d’impôts, ce qui crée une inégalité majeure.

M. le président Gilles Carrez. Les heures supplémentaires ont toujours existé dans l’enseignement, notamment pour les professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles.

M. Éric Alauzet. Deux heures !

M. le président Gilles Carrez. Beaucoup plus que cela dans ces classes !

Il importe donc plutôt de se demander si la progression du nombre d’heures supplémentaires est liée ou non à la baisse du nombre d’enseignants dans le secondaire. Je ne doute pas que M. le rapporteur général s’en préoccupera.

M. Laurent Grandguillaume. Les entreprises ont été, semble-t-il, fortement affectées par la contribution économique territoriale (CET) puisque l’ancienne majorité a inclus les salaires dans la base imposable, exercice contradictoire avec ses antiennes sur le coût du travail. Il sera intéressant, après un an d’application, d’évaluer les conséquences de cette mesure, suite notamment au rapport du Sénat.

Nous devons également disposer d’informations précises quant au poids de la fiscalité sur les familles en 2011, sachant qu’en cinq ans, plus de 45 taxes ont été créées ou augmentées !

De la même manière, nous devons examiner les cadeaux fiscaux qui ont eu un impact direct sur les finances publiques en réduisant nos marges de manœuvre.

M. Hervé Mariton. La méthode Coué a des vertus !

Nous n’avons pas à rougir de notre choix : nous avons en effet préféré que les enseignants soient moins nombreux mais mieux payés – d’où la défiscalisation des heures supplémentaires. Il n’est pas certain qu’ils nous en aient été reconnaissants lors des élections, mais ils comprendront peut-être plus tard que vous leur en voulez beaucoup.

Un chiffre suffit à apprécier une loi de règlement : le déficit d’exécution, qui est en l’occurrence inférieur à la prévision initiale et à celles qui ont été ajustées au fil des lois de finances rectificatives. Ce n’est pas si mal que cela !

M. le rapporteur général. Monsieur Juanico, le coût des réformes menées par le précédent Gouvernement s’établit comme suit pour 2011 : 7 milliards d’euros pour la réforme de la taxe professionnelle, quelque 3 milliards pour la baisse de la TVA sur la restauration, 0,5 milliard pour la réforme de l’ISF et 11,7 milliards pour la loi TEPA, soit un total de 22,2 milliards.

En l’état, monsieur Ollier, il est difficile d’évaluer le nombre d’emplois concernés par le passage aux trente-cinq heures et par la réforme du régime fiscal et social des heures supplémentaires. Le projet de loi de finances rectificative ne tendant à supprimer l’exonération de cotisations sociales qu’à partir du 1er septembre, la saison estivale ne sera toutefois pas compromise.

M. Patrick Ollier. Mais après l’été vient l’hiver !

M. le rapporteur général. J’en conviens.

S’agissant des transferts de crédits dédiés à l’autonomie des universités, monsieur Mandon, le rapporteur spécial pourra procéder à une expertise mais il semble a priori qu’ils aient été équilibrés.

À ce propos, le projet de loi de règlement est depuis 2007 suivi d’un second tome comportant les commentaires des rapporteurs spéciaux sur les rapports annuels de performance. Compte tenu de leur nomination tardive cette année, je m’en suis chargé en ne retenant toutefois que les seuls éléments techniques.

S’agissant de la RGPP, monsieur Woerth, je rappelle que cinq ans ont été nécessaires à la mise en œuvre de la réforme des services déconcentrés de l’État. Croyez-vous que nous ayons le temps de faire sans cesse des allers-retours ? Stop au stop and go ! Nous sommes assez grands pour maintenir ce qui peut l’être, malgré nos critiques, et pour définir ce qui doit être remis en cause.

Je suis bien entendu d’accord avec M. Muet. Je rappelle que les 0,8 % de réduction du déficit structurel dont il a été question procèdent pour 0,7 point de hausses d’impôts et pour 0,1 point seulement d’économies sur les dépenses.

S’agissant des engagements hors bilan et de l’impôt sur les sociétés, madame Rabault, je vous renvoie au compte général de l’État ainsi qu’à mon rapport, notamment sur les garanties apportées par l’État. Je ne peux vous répondre quant à la non-reconduction des dépenses d’investissement de 3,2 milliards d’euros de la mission « Recherche et enseignement supérieur » mais le rapporteur spécial pourra sans doute vous éclairer.

Je renvoie notre collègue Alauzet au rapport sur la RGPP que j’ai présenté au nom du CEC avec François Cornut-Gentille. Il y trouvera un grand nombre d’informations, notamment sur l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires dans les différents ministères, et en particulier à l’Éducation nationale. Je retiens par ailleurs son observation selon laquelle la défiscalisation des heures supplémentaires irait à l’inverse de la progressivité de l’impôt, qui me semble un argument des plus pertinents.

Notre collègue Grandguillaume trouvera quant à lui des éléments sur la part salaires dans la CET dans le rapport, notamment des tableaux assez édifiants sur la répartition et le poids des différentes fiscalités. Nous sommes en train de récapituler tout cela – ce qui est loin d’être aisé.

Vous nous invitez, monsieur Mariton, à considérer le résultat à la fin de l’exercice. J’ai beau souhaiter éviter la polémique sur un certain nombre de points, vous conviendrez que ce résultat est aussi la conséquence d’éléments que vous trouverez à la fois dans le rapport et dans le document du Gouvernement.

Il faut par exemple considérer les reports sur 2012 – ainsi l’une des annuités du prêt à la Grèce a été décalée d’un an – et le résultat d’un certain nombre de phénomènes « exceptionnels » concernant les comptes d’affectation spéciale – vente d’une licence UMTS, excédent anormalement élevé du compte « contrôle de la circulation et du stationnement routier ». Et l’analyse n’est évidemment pas la même suivant que l’on intègre ou non ces éléments exceptionnels.

M. le président Gilles Carrez.  Mon expérience de rapporteur général m’a montré que les reports « entrants » de l’année précédente, en l’occurrence de 2010 sur 2011, ont peut-être compensé les « sortants » de 2011 sur 2012.

M. Alain Rodet.  Puisque M. Mariton s’intéresse au résultat de la loi de règlement, qu’il me soit permis de lui rappeler que s’il n’avait pas été voici cinq ans le rapporteur maudit du projet de loi sur la privatisation des autoroutes, 1,5 à 2 milliards d’euros de péages rentreraient chaque année dans les caisses de l’État.

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Le compte-rendu de l’audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur la certification des comptes de l’État – exercice 2011 –, sur le rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l’exercice 2011 et sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques, est accessible à cette adresse :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cfiab/11-12/c1112002.asp#P9_510.

1 () La taxe sur les salaires est principalement supportée par le secteur sanitaire et social, les banques et les assurances représentant moins d’un quart de son produit en 2011.

2 () À l’exception de la taxe sur les salaires.

3 () Une telle évaluation constitue un minimum car elle est fondée sur l’hypothèse de calcul que la croissance de l’assiette de l’impôt sur le revenu est identique à celle du PIB. Or, elle est, en pratique, supérieure car les revenus tendent à croître au même rythme que le PIB alors que le barème de l’impôt est généralement réévalué selon l’inflation, dont le rythme est normalement moindre.

4 () Pour plus de détails, se référer au rapport de votre Rapporteur général sur le projet de loi de règlement et les résultats de la gestion budgétaire, exercice 2011.

5 () Loi  n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

6 () Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

7 () Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

8 () Pour les années 2009 et 2010, la Cour des comptes, à la différence de la Commission européenne, exclut du calcul du solde structurel l’impact des mesures de relance.

9 () Article 9 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

10 () Pour mémoire, ces mesures n’étaient pas prévues dans le projet de loi de finances rectificative déposé le 1er août 2011 et y ont été intégrées par lettre rectificative en date du 31 août 2011.

11 () Pour plus de détails sur l’écart constaté en exécution sur l’année 2011, se référer au rapport de votre Rapporteur général sur le projet de loi de règlement et les résultats de la gestion budgétaire, exercice 2011.

12 () Au sens de l’INSEE, les administrations publiques (APU) regroupent les administrations centrales de l’État, les organismes divers d’administration centrale (ODAC), les administrations de la sécurité sociale (ASSO) et les administrations publiques locales (APUL).

13 () La loi n° 2008-1061 de finances rectificative pour le financement de l’économie du 16 octobre 2008 a été adoptée à l’Assemblée nationale quatre jours après sa présentation par le Gouvernement.

14 () Loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 et loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009.

15 () Le PIB en France s’élève à 1996 milliards d’euros fin 2011 selon les comptes nationaux établis par l’INSEE.

16 () Le plan de relance de l’économie s’est en effet traduit par un redéploiement de crédits au sein du budget général d’environ huit milliards d’euros et par une dépense nouvelle de près de 30 milliards d’euros. Ces dépenses ont été consacrées à l'appui de la trésorerie des entreprises (11,4 milliards d’euros), à la prise de participation de l’État au sein des entreprises (10,5 milliards d'euros, au soutien à l’industrie automobile (6,5 milliards d’euros de prêts), au soutien en faveur des PME (3,2 milliards d'euros de prêts ont été garantis par OSEO pour 14 700 entreprises), au soutien en faveur de l’investissement public des collectivités territoriales (4 milliards d’euros) et plus marginalement en faveur du logement (1,8 milliard d’euros au titre de l’aide au logement) et en faveur du pouvoir d’achat des ménages soumis à l’impôt sur le revenu (932 millions d’euros).

17 () Formation brute de capital fixe, c'est-à-dire l’investissement.

18 () Lorsqu’un État est en procédure de déficit excessif, le conseil des ministres des finances européen lui adresse des recommandations pour qu’il mette fin à cette situation à une échéance donnée. Si tel n’est pas le cas, des sanctions financières peuvent être mises en œuvre. Le Conseil Ecofin du 27 avril 2009 a ainsi fixé à la France une échéance à 2013 pour un retour à un déficit inférieur à 3 % en 2013.

19 () Rapport d’information n° 4019 du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la révision générale des politiques publiques (RGPP) présenté le 1er décembre 2011 par MM. François Cornut-Gentille et Christian Eckert, Éléments sur les impacts financiers de la RGPP en fonctionnement et en intervention, p. 177 et suivantes.

20 () Rapport de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, mars 2011.

21 () Rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la révision générale des politiques publiques (RGPP) présenté par M. François Cornut-Gentille et M. Christian Eckert, Principaux constats et recommandations, p 29.

22 () Expression de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, le 4 juillet 2010, pour désigner la politique économique pratiquée en France, par la contraction des mots rigueur et relance.

23 () Voir le rapport de votre Rapporteur général sur le projet de loi de règlement et les résultats de la gestion budgétaire, exercice 2011.

24 () Harry Partouche, Matthieu Olivier, « Le taux de taxation implicite des bénéfices en France », Trésor-éco, n° 88, juin 2011.

25 () L’excédent net d’exploitation correspond à la valeur ajoutée de laquelle sont déduits les rémunérations, les impôts sur la production (contribution économique territoriale, taxes foncières et contribution sociale de solidarité des sociétés) et l’amortissement du capital physique.

26 () Entreprises de moins de 10 salariés, dont le chiffre d’affaires et l’actif sont inférieurs à 2 millions d’euros.

27 () Entreprises de moins de 250 salariés, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros et l’actif est inférieur à 43 millions d’euros.

28 () Entreprises de moins de 5 000 salariés, dont le chiffre d’affaires et l’actif sont inférieurs à 2 milliards d’euros.

29 () Les sources du CPO sont différentes de celles du Trésor. Alors que le Trésor a eu recours aux liasses fiscales de la DGFiP, le CPO a exploité la Centrale des bilans.

30 () Rapport d’octobre 2009 sur les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée.

31 () Rapport n° 3631 de M. Gilles Carrez sur l’application de la loi fiscale, juillet 2011.

32 () Pour plus de détails sur les allègements d’impôt sur le revenu, se référer à la première partie du présent rapport.

33 () Thomas Piketty, Les hauts revenus en France au XX° siècle, 2001, Grasset, Paris

34 () Insee Première n° 1380, « Les inégalités de patrimoine s’accroissent entre 2004 et 2010 », novembre 2010.

35 () Dans le projet du candidat élu, le taux de croissance de la dépense publique était fixé à 1,1 % en moyenne par an. Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques publié le 2 juillet 2012, la Cour des comptes propose quant à elle un objectif de stabilisation en volume des dépenses de l’État sur la période 2013-2015.

36 () Lettres de cadrage du Premier ministre du 28 juin 2012.

37 () Il s’agit de la dotation à Réseau Ferré de France (2,6 milliards d’euros), des contrats aidés non marchands (1,8 milliard d’euros), de l’assistance éducative (1,5 milliard d’euros), du financement du Fonds européen de développement (0,9 milliard d’euros) et de la dotation aux centre d’hébergement et de réinsertion sociale (0,6 milliard d’euros).

38 () Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État, exercice 2011.

39 () « Maîtriser les dépenses de l’État pour revenir à l’équilibre des finances publiques : enjeux et leviers d’action », mai 2012.

40 () Le président de la BEI, M. Werner Hoyer, a ainsi affirmé, dans un entretien au journal Les Echos du 28 juin 2012, que « nous octroyons actuellement pour 50 milliards d'euros de prêts par an. L'augmentation de capital nous permettra de mobiliser 60 milliards de plus sur trois ans ce qui, compte tenu du fait que la BEI ne finance, en moyenne, qu'un tiers des projets que nous sélectionnons, débouchera sur des investissements de l'ordre de 180 milliards d'euros en 2013-2015 ; »

41 () Sur la traduction budgétaire des investissements d’avenir au sein du budget de l’État, voir le rapport de votre Rapporteur général sur le projet de loi de règlement et les résultats de la gestion budgétaire, exercice 2011, juillet 2011.

42 () Le smart grid est une des dénominations d'un réseau de distribution d'électricité « intelligent » qui utilise des technologies informatiques de manière à optimiser la production, la distribution, la consommation ainsi que de mieux mettre en relation l'offre et la demande entre les producteurs et les consommateurs d'électricité. L'apport des technologies informatiques devrait permettre d'économiser l'énergie, sécuriser le réseau et en réduire les coûts. C'est aussi une réponse à la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le dérèglement climatique.

43 () Le décret n’était pas encore publié à la date de rédaction du présent rapport mais devrait entrer en vigueur au 1er novembre 2012. Le décret assouplira les critères exigés en prévoyant notamment que pourront partir dès 60 ans les personnes ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans alors que cette possibilité est aujourd’hui limitée aux personnes ayant commencé à travailler à 17 ans, ainsi que les personnes ayant cotisé la durée requise pour leur génération, soit 41 ans pour les personnes atteignant 60 ans en 2012.


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