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ogo2003modif

N° 2507

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 janvier 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et
de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

sur la mise en œuvre des missions de la
Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
,

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Martine CARRILLON-COUVREUR,

Députée.

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

SYNTHÈSE 11

LISTE DES 24 PRÉCONISATIONS 15

I. DIX ANS APRÈS SA CRÉATION, LA CNSA OCCUPE UNE PLACE CENTRALE DANS LE PAYSAGE MÉDICO-SOCIAL 19

A. LA CNSA S’EST AFFIRMÉE COMME UNE INSTANCE RECONNUE ET ORIGINALE 19

1. La création de la CNSA, réponse au défi du vieillissement de la population 19

a. Le contexte de la création de la Caisse 19

b. Des interrogations fortes sur la nature et le rôle de la CNSA lors de sa création 20

2. Un mode de gouvernance original, associant l’ensemble des acteurs du secteur médico-social 22

a. La composition atypique du conseil de la CNSA 22

b. Le conseil, incarnation de la « démocratie médico-sociale » 24

3. Des missions de plus en plus importantes, au sein d’un paysage médico-social qui a évolué 25

a. Les missions de la CNSA définies dans la loi « handicap » du 11 février 2005 26

b. Un élargissement progressif de ses compétences 27

B. LA CAISSE A SU TROUVER SA PLACE PARMI DE NOMBREUX ACTEURS 32

1. La place spécifique de la Caisse 32

2. La CNSA travaille avec de nombreux acteurs 33

a. Les tutelles de la CNSA 33

b. Les agences régionales de santé (ARS) 35

c. Les conseils généraux et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) 36

d. La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) 37

C. LA GESTION DES CRÉDITS MÉDICO-SOCIAUX EST EN COURS D’AMÉLIORATION 38

1. La CNSA rassemble une part importante des ressources nationales consacrées à la compensation de la perte d’autonomie 38

2. La diminution de la sous-consommation des crédits de la CNSA 44

a. Une sous-consommation qui a pu être excessive 44

b. Une situation qui s’est améliorée 45

3. Le financement des établissements : une difficile, mais indispensable réforme 47

4. Les concours aux départements au titre des aides individuelles : une nécessaire vigilance 50

II. LA CNSA DOIT AUJOURD’HUI ÊTRE RENFORCÉE AFIN DE POUVOIR ACCOMPLIR PLEINEMENT SES MISSIONS 53

A. LA CNSA DOIT DISPOSER DES MOYENS D’ACTION ET DES CONNAISSANCES NÉCESSAIRES À L’EXERCICE DE SES MISSIONS 53

1. La persistance de disparités territoriales et la faible connaissance des besoins et des coûts 53

a. Les disparités dans la prise en charge de la perte d’autonomie 53

b. Le manque de connaissance des besoins et des coûts 62

2. La nécessité de donner à la CNSA les moyens de mener une véritable action en faveur de la répartition équitable des ressources sur le territoire et de la connaissance des besoins et des coûts 66

a. Renforcer la capacité de la CNSA à mettre fin aux inégalités territoriales en matière de compensation de la perte d’autonomie 66

b. Favoriser la connaissance du patrimoine immobilier du secteur médico-social 73

c. Faire de l’évaluation et de la recherche une priorité 75

B. LES SYSTÈMES D’INFORMATION RESTENT INADAPTÉS AUX EXIGENCES DES MISSIONS DE LA CAISSE, MALGRÉ DES EFFORTS TARDIFS 79

1. Le retard considérable en matière de systèmes d’information 79

2. Des perspectives récentes d’amélioration, à confirmer 82

a. Les systèmes d’information en matière d’offre collective 82

b. Les systèmes d’information des MDPH 83

III. LE RÔLE MAJEUR DE LA CNSA POUR FAVORISER LE DÉCLOISONNEMENT DES POLITIQUES ET LA PRISE EN COMPTE DU PROJET DE VIE 85

A. EN DÉPIT DE LA CRÉATION DE LA CNSA, LA PRISE EN CHARGE DES BESOINS DE LA PERSONNE RESTE TRÈS CLOISONNÉE 85

1. Le décloisonnement des politiques : une attente unanime 85

a. Une réflexion engagée dès la création de la CNSA 85

b. Un décloisonnement des politiques plus indispensable que jamais dans le contexte actuel 86

2. Des politiques encore trop segmentées 90

a. Le cloisonnement des politiques destinées aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées 90

b. Le cloisonnement des politiques sanitaires et médico-sociales 92

B. LA NÉCESSITÉ DE DÉCLOISONNER LES POLITIQUES POUR UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE DES BESOINS DE LA PERSONNE 93

1. Le rapprochement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social 93

a. Renforcer la coordination et la coopération entre les acteurs 93

b. Encourager les initiatives locales innovantes et étendre les expérimentations fructueuses 95

c. Revoir les modalités de tarification 99

d. Favoriser les échanges d’information entre les professionnels 100

2. Le rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées 100

a. Des réponses partielles au besoin de convergence des politiques 101

b. Développer les maisons départementales de l’autonomie (MDA) 103

TRAVAUX DE LA COMMISSION 107

ANNEXES 121

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 121

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 123

ANNEXE 3 : LETTRE DE SAISINE DE LA COUR DES COMPTES 127

ANNEXE 4 : RÉPONSE DE LA COUR DES COMPTES 129

ANNEXE 5 : COMPOSITION DU CONSEIL DE LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L’AUTONOMIE 131

ANNEXE 6 : PRINCIPAUX RAPPORTS PUBLIÉS SUR LE THÈME DE L’AUTONOMIE 135

ANNEXE 7 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 137

« La perte d’autonomie, comme la souffrance et la maladie, remet en cause tout ordre établi et nous impose de penser autrement – avec enthousiasme. C’est cet esprit très fort qui nous a guidés au moment de la création de la CNSA ».

M. Alain Cordier, premier président de la CNSA, lors de son audition à l’Assemblée nationale le 8 juillet 2014.

« Rappelons que l’autonomie n’est pas une donnée préalable, n’est pas donnée une fois pour toutes, mais qu’elle va grandissant, régressant, parfois, qu’elle fait l’objet d’un combat. Et qui combat s’expose à la blessure : notre autonomie est vulnérable ! […] Elle demande à être reconnue et parfois stimulée, ce qui l’inscrit immédiatement dans une dynamique relationnelle. Je ne suis pas autonome sans les autres ! »

Mme Agata Zielinski, « Pour une éthique de la relation : la dimension relationnelle de l’autonomie et de la vulnérabilité », premières rencontres scientifiques sur l’autonomie, 12 février 2009.

INTRODUCTION

L’institution de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées s’enracine dans le drame de la canicule de l’été 2003, qui a fait près de 15 000 victimes. Celui-ci a précipité la prise de conscience de la nécessité de renforcer significativement les moyens d’action en faveur des personnes en perte d’autonomie.

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est venue ensuite préciser et élargir les missions de la Caisse.

Celles-ci consistent à contribuer au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à promouvoir l’égalité de traitement de ces personnes sur l’ensemble du territoire et à assurer un rôle d’expertise, d’information, d’animation et de conseil aux opérateurs de terrain, en particulier les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Près de dix ans après sa création, le temps est venu de réaliser un bilan de l’action de cet organisme sui generis.

À cette fin, la présidente de notre commission des affaires sociales, Mme Catherine Lemorton, le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, M. Gilles Carrez, et les coprésidents de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), MM. Pierre Morange et Jean-Marc Germain (1), ont sollicité, en application de l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières et par lettre du 20 novembre 2012, l’assistance, l’expertise et les moyens de la Cour des comptes.

La communication de la Cour, portant sur la place et le positionnement de la CNSA dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques d’accompagnement de la perte d’autonomie, à la fois en matière d’offre collective, en matière d’aides individuelles, et dans l’exercice des missions d’appui et d’animation des MDPH, a été transmise à l’Assemblée nationale fin octobre 2013. Cette étude témoigne une fois encore du caractère fructueux de l’assistance apportée par la Cour au Parlement dans sa mission constitutionnelle de contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale et d’évaluation des politiques publiques.

Depuis la présentation le 10 avril 2014 de la communication de la Cour par Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, M. Dominique Antoine, conseiller maître, président de section, et MM. Christian Carcagno et Michel Thomas, conseillers référendaires, la MECSS a procédé à 22 auditions et a entendu la plupart des acteurs institutionnels et associatifs travaillant en lien avec la CNSA. Elle s’est également appuyée sur les nombreux rapports consacrés au secteur médico-social, dont les préconisations ont permis à la mission de constater avec satisfaction les progrès accomplis au cours des dix dernières années, dans un secteur marqué par de nombreuses réformes.

En effet, si sa création a pu susciter des inquiétudes, la CNSA s’est peu à peu affirmée comme un acteur incontournable des politiques de compensation de la perte d’autonomie. Ses missions ont été progressivement étendues, ses relations avec les nombreux acteurs du secteur médico-social ont été clarifiées et la gestion des crédits médico-sociaux est en cours d’amélioration.

Votre rapporteure a toutefois identifié un certain nombre d’obstacles qui ne permettent pas à la CNSA d’accomplir pleinement les nombreuses missions qui lui ont été confiées par le législateur.

Parmi ces difficultés, des disparités subsistent sur le territoire, tant en matière d’offre collective dans les établissements et services médico-sociaux que s’agissant de la compensation individuelle de la perte d’autonomie. L’action de la CNSA est en outre entravée par l’existence de carences dans la connaissance des besoins comme dans celle des coûts des établissements et services. Le retard considérable pris en matière de systèmes d’information dans le secteur médico-social nuit à l’analyse des coûts et à la qualité des remontées de données dont dispose la Caisse. Par ailleurs, alors que la nécessité de promouvoir la continuité des parcours de vie fait l’objet d’une prise de conscience partagée, la prise en charge et l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées se heurte toujours au cloisonnement des politiques qui les concernent.

Votre rapporteure s’est attachée, au fil de ce rapport, à faire plusieurs préconisations qui ont pour objet de répondre à ces préoccupations, présentant la place centrale qu’occupe maintenant la CNSA dans le paysage médico-social (I), insistant sur la nécessité de la renforcer pour lui permettre d’accomplir pleinement ses missions (II), avant de conclure sur le rôle majeur attendu de la CNSA pour favoriser le décloisonnement des politiques publiques menées en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées et tendre à une prise en compte satisfaisante de leur projet de vie (III).

SYNTHÈSE

Organisation sui generis créée il y a près de dix ans pour faire face au défi du handicap et du vieillissement de la population, la CNSA s’est progressivement affirmée comme une instance reconnue et originale au sein du paysage médico-social. Sur la base du constat et des recommandations formulées par la Cour des comptes dans sa communication remise, à sa demande, à l’Assemblée nationale en octobre 2013, la MECSS est parvenue aux conclusions et préconisations présentées ci-après.

Un organe devenu central dans le paysage médico-social

Véritable précurseur lors de sa mise en place, le conseil de la CNSA constitue aujourd’hui un modèle de gouvernance. Sa composition innovante, marquée par la participation et la représentation des usagers, a facilité le développement d’une culture commune dans l’approche de la compensation de la perte d’autonomie. La participation de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse (CNAV), respectivement au titre des régimes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse, contribuerait à favoriser encore une approche transversale de la politique de l’autonomie (préconisation n° 1).

La CNSA se situe au cœur d’un équilibre subtil, entre un État stratège et une gestion de proximité des politiques de compensation de la perte d’autonomie. À cet égard, la prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue avec l’État pourrait être l’occasion de clarifier les missions et les compétences respectives de la CNSA et de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) (préconisation n° 3).

Le renforcement progressif des missions de la CNSA au sein d’un secteur ayant connu plusieurs réformes au cours des dernières années – notamment la création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en 2005 et celle des agences régionales de santé (ARS) en 2009 – a permis la construction d’une véritable politique de l’autonomie. Dans ce contexte, il est nécessaire de sanctuariser les ressources de la Caisse et de veiller à ce qu’elle dispose de moyens adaptés pour lui permettre de remplir les nombreuses missions qui lui ont été attribuées (préconisation n° 2).

Au titre de ses missions, la Caisse gère un budget de plus de 20 milliards d’euros, marqué ces dernières années par une amélioration de la consommation des crédits.

Ces crédits permettent notamment de contribuer au financement des établissements et services médico-sociaux. À cet égard, il convient de veiller à ce que la réforme de la tarification de ces établissements et services se concrétise dans un délai maximum de trois ans (préconisation n° 4).

Dans l’attente de cette réforme, qui ne pourra pas aboutir avant plusieurs années, la contractualisation entre l’administration et les gestionnaires de structures médico-sociales pourrait être généralisée, en particulier en rendant obligatoire la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre ces gestionnaires et les autorités chargées de l’autorisation des établissements et services médico-sociaux (préconisation n° 5).

Enfin, la progression des concours versés aux départements au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) appelle à une nécessaire vigilance, dans un contexte de dégradation de la situation financière des départements. Les recettes de la CNSA affectées aux départements doivent être adaptées au rythme de progression des dépenses légales des départements en matière d’APA et de PCH (préconisation n° 6).

Un renforcement de la Caisse nécessaire pour lui permettre d’accomplir ses missions

La CNSA doit aujourd’hui être renforcée. En effet, des disparités substantielles subsistent sur le territoire, tant en matière d’offre collective dans les établissements et services médico-sociaux que s’agissant de la compensation individuelle de la perte d’autonomie, à travers le versement de l’APA et de la PCH.

Afin d’améliorer la capacité de la CNSA à mettre fin à ces inégalités territoriales, le contenu des schémas régionaux d’organisation médico-sociale (SROMS) pourrait être précisé de manière à les rendre assez homogènes pour effectuer des comparaisons et permettre une meilleure connaissance des besoins sur le territoire (préconisation n° 7).

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financements de la sécurité sociale (MECSS) propose également d’affiner les critères de répartition des mesures nouvelles de création de places dans les territoires (préconisation n° 9), qui restent trop peu précis pour permettre une affectation fine tenant compte des spécificités de chaque région, et de réduire, comme ce fut le cas dans le cadre du plan autisme 2013-2017, le montant de la réserve ministérielle nationale allouée aux ARS sur instruction expresse du ministre. Un rapport annuel informant le Parlement de l’utilisation de la réserve permettrait en outre d’accroître la transparence de cette procédure (préconisation n° 10).

Concernant la connaissance des coûts, un renforcement des effectifs de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), chargée de mener des enquêtes de coûts et des études de coûts dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les structures pour personnes handicapées, paraît nécessaire (préconisation n° 8).

Il convient en outre de mettre en place un suivi de la mise en œuvre des décisions d’orientation des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en établissements et services médico-sociaux (préconisation n° 11).

En matière de compensation individuelle, la MECSS propose, à partir des travaux de la CNSA déjà menés en ce sens, d’engager une réflexion sur la mise en place de nouveaux critères de péréquation pour l’attribution des concours aux départements (préconisation n° 12). Elle suggère également de rendre systématique la suspension du versement des concours de la CNSA aux départements lorsque ceux-ci ne lui transmettent pas les informations prévues dans la convention d’appui à la qualité de service qu’ils ont conclue avec la Caisse (préconisation n° 13).

La dégradation du parc immobilier du secteur médico-social et les retards dans la prise en compte des exigences en termes de maintenance, d’entretien et d’adaptation aux normes rendent en outre nécessaire la réalisation rapide d’une évaluation du patrimoine immobilier des établissements et services médico-sociaux afin de mieux connaître et d’anticiper ses besoins de modernisation (préconisation n° 14).

La recherche dans le secteur médico-social, qui reste ponctuelle et peu structurée, doit être au cœur de l’action de la CNSA. Pour cela, le rôle du conseil scientifique et le caractère opérationnel de la recherche pourraient être accrus (préconisation n° 15).

La MECSS a également pu constater le retard considérable pris en matière de systèmes d’information dans le secteur médico-social. Ce retard nuit à l’analyse des coûts et à la qualité des remontées de données dont dispose la CNSA, bien que des progrès récents aient été constatés.

Dans le champ de l’offre collective, la mise à disposition de l’application « Harmonisation et partage d’information » (HAPI), utilisée à la fois pour la tarification des ARS et pour le pilotage local de leurs enveloppes de tarification, permet à la CNSA de disposer de données de plus en plus fines sur l’exécution de l’objectif global de dépenses.

Les retards sont plus importants en ce qui concerne les systèmes d’information des MDPH, dont la diversité rend les échanges directs entre MDPH impossibles et les remontées d’information vers la CNSA complexes. Afin de remédier à cette difficulté, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours de navette, propose de mettre en place un nouveau système d’information, commun aux MDPH et interopérable avec ceux de la CNSA et des conseils généraux. Il convient de veiller à ce que ce système d’information mutualisé, piloté par la CNSA, puisse être mis en place dans un délai de deux ans (préconisation n° 16).

Concernant le suivi des décisions d’orientation, qui se situe à l’interface des systèmes d’information des établissements et services médico-sociaux et de ceux des MDPH, l’application Via-Trajectoire, dont le pilotage pourrait être confié à la CNSA, constitue une piste d’amélioration particulièrement prometteuse (préconisation n° 17).

Réduire le cloisonnement des politiques menées

Alors que la nécessité de promouvoir la continuité des parcours de vie fait l’objet d’une prise de conscience partagée, la prise en charge et l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées se heurte au cloisonnement des politiques qui les concernent.

Le rapprochement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social est nécessaire à la continuité des parcours de vie et de soins.

Le décloisonnement de ces deux secteurs suppose d’inciter les établissements de santé et les établissements médico-sociaux à mutualiser leurs moyens et leurs compétences et de renforcer la coopération et la coordination entre les équipes de soins et les équipes médico-sociales (préconisation n° 18), mais aussi de favoriser le développement d’initiatives locales innovantes et d’étendre les expérimentations fructueuses, notamment le projet « personnes âgées en risque de perte d’autonomie » dit « PAERPA » (préconisation n° 19). Les bonnes pratiques, mises en place dans certains territoires, méritent d’être encouragées. Il ne s’agit pas de se contenter d’expériences réussies, mais de se donner pour objectif d’en faire profiter chacun (préconisation n° 20). Une évolution des modalités de tarification et de rémunération pourrait en outre favoriser les coopérations entre les acteurs et le décloisonnement des différentes politiques publiques concernées (préconisation n° 21). Le décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social au service de la fluidité des parcours de soins suppose aussi de lever les obstacles juridiques et techniques au partage d’informations entre les professionnels de ces secteurs, dans le respect des droits des personnes (préconisation n° 22).

Le rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et de celles destinées aux personnes handicapées pourrait, quant à lui, être facilité par la convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation des besoins et de suivi de la personne handicapée et de la personne âgée dépendante (préconisation n° 23).

La généralisation d’un guichet unique ouvert aux personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient handicapées ou âgées dépendantes, permettrait en outre de rapprocher utilement des politiques aux problématiques souvent communes. Afin de garantir l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, la CNSA pourrait se voir confier une fonction renforcée de pilotage, de régulation et d’évaluation de cette nouvelle organisation pour conforter une politique nationale de l’autonomie (préconisation n° 24).

LISTE DES 24 PRÉCONISATIONS

Lecture : Les préconisations comportant un astérisque font également partie des recommandations de la Cour des comptes dans sa communication d’octobre 2013 sur la mise en œuvre des missions de la CNSA.

Préconisation n° 1 : prévoir la participation de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse (CNAV) au sein du conseil de la CNSA, respectivement au titre des régimes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse.

Préconisation n° 2 : sanctuariser les ressources de la CNSA. Veiller à ce qu’elle dispose des ressources nécessaires et adaptées pour remplir ses nouvelles missions.

Préconisation n° 3 : clarifier les missions et les compétences respectives de la CNSA et de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion.

Préconisation n° 4 : fixer un calendrier précis de réalisation de la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux et veiller à ce qu’elle soit mise en place dans un délai maximum de trois ans.

Préconisation n° 5 : rendre obligatoire la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux et les autorités chargées de l’autorisation de ces établissements et services, à compter de la prochaine génération de contrats.

Préconisation n° 6 : adapter le montant des recettes de la CNSA affectées aux départements au rythme de progression des dépenses légales des départements en matière d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH).

Préconisation n° 7 * : préciser le contenu des schémas régionaux d’organisation médico-sociale (SROMS) afin de les rendre assez homogènes pour effectuer des comparaisons entre les territoires.

Préconisation n° 8 : renforcer les effectifs de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) afin de lui permettre de faire face à l’extension de ses missions dans le secteur médico-social.

Préconisation n° 9 * : affiner les critères de répartition des moyens nouveaux de création de places dans les territoires.

Préconisation n° 10 : limiter l’enveloppe de la réserve ministérielle nationale à 5 % des mesures nouvelles de création de places et à 5 % du volume financier consacré au financement d’opérations d’investissement dans le cadre du plan d’aide à l’investissement. Prévoir la réalisation d’un rapport annuel informant le Parlement de l’affectation de ces crédits.

Préconisation n° 11 : mettre en place un suivi de la mise en œuvre des décisions d’orientation des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en établissements et services médico-sociaux.

Préconisation n° 12 * : à partir des travaux de la CNSA, engager une réflexion sur la mise en place de nouveaux critères de péréquation pour l’attribution des concours de la Caisse en matière d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH).

Préconisation n° 13 : rendre systématique la suspension du versement des concours de la CNSA aux départements lorsque ceux-ci ne lui transmettent pas les informations prévues dans la convention d’appui à la qualité de service qu’ils ont conclue avec la Caisse.

Préconisation n° 14 * : demander au Gouvernement la réalisation, dans un délai maximum de deux ans, d’un rapport sur l’évaluation du patrimoine immobilier des établissements et services médico-sociaux afin de mieux connaître et d’anticiper ses besoins de modernisation.

Préconisation n° 15 * : développer le rôle du conseil scientifique et mieux articuler ses travaux avec l’activité opérationnelle de la Caisse.

Préconisation n° 16 : veiller à ce que le système d’information mutualisé des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) prévu par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et piloté par la CNSA puisse être mis en place dans un délai maximum de deux ans.

Préconisation n° 17 : confier à la CNSA le pilotage et le suivi du développement de l’outil Via-Trajectoire dans le secteur médico-social.

Préconisation n° 18 : inciter les établissements de santé et médico-sociaux à mutualiser leurs moyens et leurs compétences et renforcer la coopération et la coordination entre les équipes de soins et les équipes médico-sociales.

Préconisation n° 19 : soutenir et généraliser à l’ensemble du territoire l’expérimentation dite « PAERPA », « personnes âgées en risque de perte d’autonomie ».

Préconisation n° 20 : communiquer autour des références de bonnes pratiques pour que l’ensemble des acteurs puisse s’inspirer des initiatives réussies.

Préconisation n° 21 : faire évoluer les modes de tarification et de rémunération de façon à permettre et à encourager les coopérations entre les acteurs et le décloisonnement des politiques.

Préconisation n° 22 : assouplir les règles de partage et d’échange d’informations entre professionnels de santé et personnels médico-sociaux.

Préconisation n° 23 : mettre en place une convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation des besoins et de suivi de la personne handicapée et de la personne âgée dépendante.

Préconisation n° 24 : prévoir la généralisation d’un guichet unique ouvert aux personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient handicapées ou âgées dépendantes. Confier à la CNSA une fonction renforcée de pilotage, de régulation et d’évaluation de cette nouvelle organisation pour conforter une politique nationale de l’autonomie.

I. DIX ANS APRÈS SA CRÉATION, LA CNSA OCCUPE UNE PLACE CENTRALE DANS LE PAYSAGE MÉDICO-SOCIAL

Créée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité des personnes âgées et des personnes handicapées, la CNSA est une organisation sui generis. Cette caisse nationale proche des acteurs de terrain, dotée d’un mode de gouvernance original et de missions étendues, s’est peu à peu imposée au sein du paysage médico-social.

Alors que sa création a pu susciter des inquiétudes, la CNSA est devenue, près de dix ans après sa création, un acteur incontournable des politiques de compensation de la perte d’autonomie. Ses missions ont été progressivement élargies, ses relations avec les nombreux acteurs du secteur médico-social ont été clarifiées et la gestion des crédits médico-sociaux est en cours d’amélioration.

A. LA CNSA S’EST AFFIRMÉE COMME UNE INSTANCE RECONNUE ET ORIGINALE

La création de la CNSA constitue une solution innovante pour faire face au défi du handicap et du vieillissement de la population.

1. La création de la CNSA, réponse au défi du vieillissement de la population

a. Le contexte de la création de la Caisse

La création de la CNSA constitue une réponse au vieillissement de notre société et à l’augmentation du nombre de personnes en situation de dépendance.

L’arrivée à des âges élevés de la génération du baby-boom ainsi que l’allongement de l’espérance de vie conduisent à une hausse sensible du nombre de personnes âgées. L’enquête « Handicap-Incapacités-Dépendance » (HID) de l’INSEE, réalisée de 1998 à 2001 à domicile et en institution, a recensé 795 000 personnes âgées dépendantes en 1999. Or, d’après le modèle de microsimulation Destinie (2) et en supposant une stabilité de la durée de vie moyenne en dépendance, le nombre de personnes dépendantes augmenterait de 50 % entre 2000 et 2040, pour atteindre 1,23 million de personnes. Surtout, cette hausse s’accélérerait à partir de 2030, lorsque les générations du baby-boom atteindront 80 à 85 ans, âge où la dépendance devient plus forte. Toujours d’après les mêmes projections, une personne sur quatre appartenant à la génération d’après-guerre risque de connaître la dépendance, alors que le nombre d’aidants potentiels devrait baisser d’ici 2040 (3).

Ce vieillissement de la population française a progressivement amené les acteurs publics à s’interroger sur l’évolution des politiques publiques menées en direction des personnes âgées. Si cette évolution, continue depuis plusieurs décennies, a permis d’engager une réflexion sur la prise en charge de la perte d’autonomie, le drame de la canicule, intervenu à l’été 2003, a joué un rôle de catalyseur des réformes envisagées. Cette crise a précipité la prise de conscience de l’existence de nombreuses personnes dépendantes et a conduit à proposer une action rapide, afin à la fois de changer le regard porté sur la perte d’autonomie et de dégager des moyens nouveaux à son profit.

b. Des interrogations fortes sur la nature et le rôle de la CNSA lors de sa création

Les débats qui ont accompagné l’adoption de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité des personnes âgées et des personnes handicapées, auxquels votre rapporteure a participé, témoignent des interrogations fortes de l’époque quant à la nature et au rôle de la future Caisse.

La première interrogation qui s’est manifestée au moment de sa création tenait au statut original de la CNSA. Avant qu’elle ne finisse par faire l’objet d’un consensus, plusieurs autres pistes avaient été proposées. Certains imaginaient que le risque « dépendance » (le « cinquième risque ») devait être pris en charge par une caisse de sécurité sociale à gestion paritaire. D’autres, considérant le volume considérable des crédits en provenance de l’assurance maladie – ils s’élèvent aujourd’hui à plus de 17 milliards d’euros –, estimaient que les missions aujourd’hui dévolues à la CNSA devaient être confiées à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Enfin, plusieurs voix s’élevaient pour estimer que la politique liée au vieillissement constituait un élément de la politique familiale et qu’elle devait à ce titre être rattachée à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

Ne correspondant à aucune de ces propositions, le statut prévu pour la nouvelle Caisse était inédit. En effet, la CNSA ne constitue pas à proprement parler une « caisse » au sens que le code de la sécurité sociale donne généralement au mot. Dès l’origine, elle n’a pas été conçue pour fonctionner selon le principe du paritarisme assis sur une représentation des organisations syndicales patronales et de salariés. Comme le notait notre collègue député Denis Jacquat, alors rapporteur du projet de loi, « cette ambiguïté apparente sur le statut de la « caisse » suscite des inquiétudes chez certains acteurs » (4), l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) y voyant avant tout un fonds de financement, alors que d’autres acteurs, comme l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), estimaient que la CNSA devait être « intégrée dans le cadre des institutions de sécurité sociale » et préconisaient de lui donner le statut « d’organisme de sécurité sociale ».

Les doutes étaient plus importants quant au périmètre de la mission de la CNSA, dans la mesure où le projet de loi lui assignait comme unique mission transitoire de contribuer au financement de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. M. Denis Jacquat notait à ce sujet que « l’inquiétude porte le plus souvent sur un éventuel découplage entre, d’une part, les fonctions de collecte – qui seront assurées par la caisse – et, d’autre part, les missions d’élaboration des politiques, d’évaluation et de contrôle, de garantie de l’égalité de traitement. La crainte unanimement exprimée est celle de la mise en place d’une politique en matière de perte d’autonomie par département, de la coexistence de quatre-vingt-quinze politiques ».

L’articulation de la Caisse avec les autres acteurs a également soulevé des interrogations. Alors que le Premier ministre avait annoncé que la CNSA aurait vocation, à terme, à « rassembler en un lieu unique les moyens mobilisables par l’État et l’assurance maladie pour prendre en charge la dépendance des personnes handicapées et des personnes âgées », la nature, l’ampleur et les modalités des transferts de moyens et de compétences prévus ont fait l’objet de débats. Les personnes auditionnées dans le cadre de l’examen du projet de loi ont exprimé leur crainte de voir se développer une sécurité sociale à deux vitesses, avec un système propre aux personnes en perte d’autonomie, qui serait stigmatisant et contraire à l’ambition, portée par le texte, d’une plus grande solidarité nationale à leur égard. La relation de la future Caisse avec les conseils généraux a également soulevé des inquiétudes, en particulier quant à l’autonomie dont ces derniers bénéficieraient pour mettre en œuvre la politique relative à la perte d’autonomie.

L’ensemble de ces interrogations explique en grande partie le vote négatif émis par les conseils d’administration des caisses nationales de sécurité sociale (CNAMTS, CNAV et MSA) et de l’ACOSS sur le projet de loi qui leur avait été soumis pour avis (5).

Les travaux parlementaires ont permis d’apporter des précisions au texte du Gouvernement, avant que la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ne définisse les missions de la CNSA.

Surtout, la Caisse s’est rapidement imposée comme une structure incontournable. Elle a su trouver sa place au sein d’un secteur médico-social à l’organisation complexe et fortement décentralisée, si bien que les inquiétudes initiales – au demeurant tout à fait légitimes – se sont rapidement apaisées.

2. Un mode de gouvernance original, associant l’ensemble des acteurs du secteur médico-social

La CNSA est dotée d’un conseil, chargé de définir les orientations et perspectives de l’action de la Caisse. Il constitue une instance de gouvernance originale, tant par sa composition qu’en raison de son fonctionnement et des missions qui lui ont été confiées.

a. La composition atypique du conseil de la CNSA

La composition du conseil de la CNSA se distingue de celle des conseils d’administration des caisses historiques de sécurité sociale. Elle traduit la volonté d’associer l’ensemble des acteurs du champ médico-social à la conception et à la mise en œuvre de la politique de compensation de la perte d’autonomie.

Ce conseil comporte quarante-huit membres (6). Comme dans les Caisses nationales de sécurité sociale, les partenaires sociaux, soit cinq représentants des organisations syndicales de salariés et trois représentants des organisations d’employeurs, siègent au conseil. Il réunit également des représentants des associations œuvrant, au niveau national, en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées, mais aussi des conseils généraux, de l’État, des parlementaires, des représentants d’institutions intervenant dans les domaines de compétence de la Caisse et des personnalités qualifiées.

Cette composition permet au conseil de jouer un double rôle. Comme un organe de gouvernance classique, il arrête le budget, approuve les comptes et le rapport d’activité et se prononce sur les priorités d’action de la Caisse dans le cadre de la convention d’objectifs et de moyens (COG) qui la lie à l’État. Mais le conseil constitue aussi un lieu d’échanges et de débats sur la politique de compensation de la perte d’autonomie. Ce rôle se traduit notamment par l’adoption d’un rapport annuel remis au Parlement et au Gouvernement, qui comporte un certain nombre de recommandations.

L’État occupe une place importante au sein du conseil, puisque ses dix représentants disposent, en raison d’un système de pondération des voix, de 37 voix sur un total de 83, soit 44,5 % de l’ensemble. Si son poids n’est pas négligeable, il ne possède pas pour autant la majorité absolue à lui seul. Cette représentation équilibrée est marquée à la fois par le souci de ne pas donner à l’État le « dernier mot » et d’éviter les situations de blocage.

La volonté d’associer l’ensemble des parties prenantes à la mise en œuvre de la politique de compensation de la perte d’autonomie tient en partie aux circonstances de la création de la CNSA. Face au drame de la canicule de l’été 2003, il est apparu que la prise en charge et l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie, de plus en plus nombreuses, nécessitaient un effort partagé par l’ensemble de la Nation. Au-delà de cette prise de conscience précipitée par une situation exceptionnelle, ce mode de gouvernance atypique s’explique également par le rôle historique des associations dans le secteur médico-social, en particulier pour ce qui concerne les personnes handicapées. À cet égard, les deux vice-présidents du conseil représentent respectivement le monde du handicap et celui des personnes âgées.

Les avantages retirés de la composition collégiale du conseil, aussi inattendue que pertinente, ont été salués par l’ensemble des personnes auditionnées. Mme Isabelle Millet-Caurier, représentante de la Fédération nationale de la Mutualité française, a notamment tenu à souligner que « le mode de gouvernance atypique de la CNSA nous a étonnés, nous qui sommes habitués au paritarisme classique des caisses nationales d’assurance maladie. Il a permis, sous l’impulsion d’un premier directeur particulièrement remarquable, de relayer les propositions émises par les acteurs. Il importe que cette gouvernance soit reconnue et renforcée ; une telle sphère d’échange et de partage, à la fois force de proposition et lieu d’innovation, doit être protégée ». Votre rapporteure partage ce point de vue positif.

Elle s’interroge néanmoins sur l’absence de représentation de l’assurance maladie, alors que celle-ci est le principal financeur de la CNSA. Les ressources de la Caisse en provenance de l’assurance maladie se sont ainsi élevées à plus de 17 milliards d’euros en 2013, ce qui représente près de 80 % de son budget. Au-delà de cet aspect financier, la nécessité de décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social afin d’éviter les ruptures de parcours plaide en faveur d’un dialogue entre la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et la CNSA.

De même, votre rapporteure estime que le rôle joué par la Caisse nationale de l’assurance vieillesse (CNAV) justifierait que celle-ci siège au conseil de la CNSA. Les actions et les financements de la CNAV contribuent en effet à la prévention et à la compensation de la perte de l’autonomie. Les deux caisses mènent en outre des projets en commun. Elles ont notamment engagé une coopération en 2014 dans le cadre de la rénovation des « logements-foyers ».

La participation, au titre des régimes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse, de la CNAM et de la CNAV au conseil de la CNSA contribuerait à favoriser une approche transversale de la politique de l’autonomie.

Votre rapporteure reste toutefois sensible au respect des équilibres entre les différentes catégories de membres du conseil.

Préconisation n° 1 : prévoir la participation de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse (CNAV) au sein du conseil de la CNSA, respectivement au titre des régimes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse.

b. Le conseil, incarnation de la « démocratie médico-sociale »

Mme Paulette Guinchard, présidente de la CNSA, a insisté lors de son audition sur le rôle de « démocratie médico-sociale » du conseil. La réunion, au sein d’une même instance, d’acteurs venant d’horizons différents permet en effet une coconstruction de la politique de compensation de la perte d’autonomie. Le « GR 31 », instance de concertation qui regroupe les trente et une organisations représentant ou œuvrant en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées siégeant au conseil, comme les différents groupes de travail constitués au sein du conseil, sont également emblématiques de cette « démocratie médico-sociale » évoquée par la présidente. Dans le cadre de ce dialogue permanent, chacun est amené non seulement à infléchir ses positions, mais aussi à convaincre les autres partenaires. C’est en partie grâce à cette gouvernance originale que la CNSA a produit des résultats intéressants et relativement rapides, si l’on songe qu’elle n’a que dix ans.

Le conseil a été qualifié par M. Alain Cordier d’« espace public » et de « contre-démocratie, au sens non d’opposition, mais de contrefort ». Le premier président de la Caisse a ainsi rappelé lors de son audition comment les membres du conseil sont peu à peu parvenus à s’entendre pour élaborer des positions communes, en indiquant que ceux-ci ont « essayé de découvrir ensemble qu’il était possible d’aller très loin dans la recherche des convergences comme dans l’identification précise des divergences. Il ne s’agit pas seulement d’être pour ou contre, mais aussi de dire pourquoi et à quelles conditions cette position pourrait évoluer. Nous avons vécu là des moments très émouvants. Je pense au rapport d’octobre 2007, que nous avions mis quatre mois à écrire mais qui a fait l’objet d’un vote unanime du conseil – ce fut un moment magique, où nous nous sommes surpris à découvrir que nous étions capables d’élaborer un travail commun ». À force de discussions et de débats, les différents membres du conseil ont réussi à atteindre un consensus.

Ce mode de gouvernance de la CNSA a donc facilité le développement d’une culture commune dans l’approche de la compensation de la perte d’autonomie, si bien qu’aujourd’hui, la pertinence de ce modèle n’est plus remise en cause.

Il a même inspiré de nouveaux modèles de gouvernance locale, comme les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA), dont la création est prévue par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, tel qu’il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 septembre 2014. Les CDCA permettront la représentation des personnes âgées et des personnes handicapées au sein d’une même instance, ainsi que l’animation de l’ensemble des politiques de l’autonomie dans le département. Cette nouvelle structure assurera les fonctions actuelles du comité départemental des retraités et personnes âgées (CODERPA) et du conseil départemental consultatif des personnes handicapées (CDCPH), qui seront ainsi réunis en un organe unique de démocratie médico-sociale.

Le renforcement de la participation des usagers constitue également l’un des objectifs du projet de loi relatif à la santé, présenté en Conseil des ministres le 15 octobre 2014. L’exposé des motifs présente ainsi « de nouvelles dispositions visant à assurer la pleine participation des patients, de leurs proches et de leurs représentants, à l’élaboration même de la politique de santé ». Le chapitre IV du titre IV du projet de loi concerne « l’association des usagers à l’élaboration de la politique de santé » et prévoit notamment « l’obligation légale de représentation des usagers dans les organes de gouvernance de toute agence sanitaire nationale ».

Véritable précurseur il y a dix ans, le conseil de la CNSA constitue aujourd’hui un modèle de gouvernance dans les secteurs sanitaire et médico-social. Sa composition innovante, marquée par la participation et la représentation des usagers, doit servir de référence dans les réformes à venir.

3. Des missions de plus en plus importantes, au sein d’un paysage médico-social qui a évolué

Le législateur a confié à la CNSA des missions ambitieuses, puisqu’elle est à la fois une caisse et un opérateur central des politiques de l’autonomie. Elle apporte à ce titre un appui technique aux acteurs locaux et assure par ailleurs une mission d’expertise, d’information et de soutien à la recherche et à l’innovation dans le champ des politiques de l’autonomie.

Ses missions ont été progressivement précisées et renforcées, alors que le paysage médico-social s’est fortement transformé depuis sa création, avec la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et celle des agences régionales de santé (ARS) par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Après une période d’ajustements, la mise en place des ARS en 2009 et la signature avec l’État de la convention d’objectifs et de gestion (COG) pour la période 2012-2015 ont constitué pour la CNSA une nouvelle naissance.

Le renforcement progressif des missions de la Caisse au sein d’un secteur ayant connu plusieurs réformes au cours des dernières années a permis la construction progressive d’une véritable politique de l’autonomie.

a. Les missions de la CNSA définies dans la loi « handicap » du 11 février 2005

Les missions de la CNSA ont été précisées par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elles sont codifiées à l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF).

Sa première mission est d’ordre financier. La Caisse est chargée de contribuer au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, tant à domicile qu’en établissement, tout en étant garante de l’égalité de traitement de ces personnes sur l’ensemble du territoire national. Elle répartit les crédits de l’assurance maladie destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées, en veillant à une prise en compte de l’ensemble de leurs besoins.

La CNSA remplit également une mission d’expertise et d’évaluation. Elle contribue à l’établissement de référentiels nationaux d’évaluation des déficiences et de la perte d’autonomie et d’outils et de méthodes pertinents pour évaluer les besoins individuels de compensation. Ses compétences lui permettent de jouer un rôle d’appui dans l’élaboration des schémas régionaux d’organisation sociale et médico-sociale (SROMS) et des programmes interdépartementaux d’accompagnement du handicap et de la perte d’autonomie (PRIAC). Elle est chargée de participer, avec les autres institutions et administrations compétentes, à la définition d’indicateurs et d’outils de recueil de données pour améliorer l’analyse de la perte d’autonomie et de ses conséquences en termes de besoins de compensation.

La Caisse assure en outre un ensemble plus large de missions d’information, d’animation et de conseil, de partage d’expériences et de diffusion des bonnes pratiques d’évaluation des besoins individuels. Elle apporte en particulier un soutien juridique et technique aux MDPH, en mettant à leur disposition des outils et des guides méthodologiques destinés à faciliter l’accueil ou à développer leurs systèmes d’information. Ce rôle est un peu atypique puisque, tout en étant un organisme national, la CNSA est ainsi amenée à travailler au plus près des acteurs de terrain pour essayer de les outiller. Elle est également chargée de contribuer à l’information et au conseil sur les aides techniques qui visent à améliorer l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi qu’à l’évaluation de ces aides et à la qualité de leur distribution.

Enfin, la CNSA participe à la définition, au soutien et au lancement d’actions de recherche dans le domaine de la prévention et de la compensation de la perte d’autonomie. Elle apporte un appui significatif à des programmes de recherche dans le secteur médico-social.

b. Un élargissement progressif de ses compétences

Instance originale dans un secteur fortement décentralisé, la CNSA s’est affirmée de manière progressive, avant de devenir incontournable. Son rôle a été peu à peu précisé par la convention qui la lie à l’État et accru par la loi.

Les précisions apportées par la convention d’objectifs et de gestion conclue pour 2012-2015

Les missions de la CNSA ont d’abord fait l’objet, pour les exercices 2006 à 2009, d’une première convention d’objectifs et de gestion (COG) signée avec l’État. Conclue le 23 janvier 2006, soit un peu plus de six mois après la nomination du premier directeur de la Caisse, la COG 2006-2009 restait très générale et comportait peu d’objectifs précis. L’absence de recul sur le fonctionnement de la nouvelle institution explique le choix fait à l’époque d’un document de principes et de méthode, plutôt que d’objectifs stratégiques évaluables au vu des résultats. Cette convention de première génération a surtout permis de définir les missions et de poser les règles du jeu, sans développer d’objectifs précis ni les priorités de la Caisse.

Il a fallu attendre la création des agences régionales de santé (ARS) par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi dite « HPST ») pour que la Caisse prenne un nouveau départ, marqué par la COG conclue avec l’État pour la période 2012-2015.

Mises en place dans toutes les régions dès le 1er avril 2010, les ARS ont entraîné une nouvelle organisation déconcentrée de la gestion de l’objectif global de dépense (OGD), dont a tenu compte la nouvelle COG. Cette convention, qui détaille sept objectifs prioritaires accompagnés d’un calendrier de leur réalisation, fixe ainsi une feuille de route précise et opérationnelle.

Les objectifs de la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre l’État et la CNSA pour la période 2012-2015

I – Assurer une gestion performante des financements aux établissements et aux services médico-sociaux, garantissant l’égalité d’accès, la qualité et l’adaptation de l’accompagnement, l’efficience, le suivi et le contrôle de la dépense

1.1 Mettre en place une programmation adaptée aux besoins et un pilotage performant et équitable des financements aux établissements et services médico-sociaux

Objectif prioritaire 1 : Assurer un suivi fin de la réalisation de l’objectif global de dépenses (OGD)

1.2 Soutenir la structuration du dispositif de l’offre institutionnelle et le développement de la qualité

1.3 Contribuer à l’efficience du système de financement et à la maîtrise des risques

Objectif prioritaire 2 : Mettre en œuvre une politique de développement de l’efficience (gestion du risque dans le champ sécurité sociale)

1.4 Piloter les modalités de programmation et de gestion des crédits médico-sociaux par les ARS dans le cadre du CNP

Objectif prioritaire 3 : Structurer les échanges avec les ARS, en appui à la programmation et à la gestion des campagnes budgétaires

1.5 Assurer le suivi du financement des groupes d’entraide mutuelle (GEM)

II – Développer les outils permettant de mettre en œuvre une politique de compensation individuelle de la perte d’autonomie équitable et de qualité

2.1 Renforcer la connaissance sur les facteurs d’évolution des dépenses d’APA et de PCH pour identifier les disparités locales et garantir l’équité dans la répartition des financements

Objectif prioritaire 4 : Développer la connaissance relative à l’allocation personnalisée à l’autonomie et à la prestation de compensation et renforcer l’équité d’accès à ces prestations

2.2 Accompagner la structuration d’un réseau territorial de qualité à destination des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d’autonomie pour favoriser l’égalité de traitement et la qualité de service

Objectif prioritaire 5 : Concourir à l’harmonisation des pratiques des MDPH, notamment en ce qui concerne l’évaluation des besoins et l’élaboration des plans personnalisés de compensation et améliorer la remontée d’informations et de données

2.3 Contribuer au développement de la connaissance des aides techniques destinées à compenser la perte d’autonomie, et en faciliter l’accès

2.4 Soutenir le maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie dans le cadre de la mise en œuvre du principe de libre choix

Objectif prioritaire 6 : Renforcer l’efficience des actions de modernisation et de professionnalisation de l’aide à domicile

III – Participer au développement de la connaissance des enjeux à moyen terme de la perte d’autonomie

3.1 Développer les outils de la connaissance en partenariat avec la DREES

3.2 Favoriser le développement de la recherche et de l’innovation dans le domaine de la prévention et de la compensation de la perte d’autonomie

3.3 Participer à la réflexion sur les enjeux du secteur médico-social

3.4 Informer sur les données et les enjeux de la politique d’aide à l’autonomie

IV – Garantir une politique de l’aide à l’autonomie plus intégrée et efficace, grâce à une gouvernance renouvelée et une optimisation de la gestion interne

4.1 Structurer et renforcer les échanges avec les autres acteurs publics du champ de l’aide à l’autonomie

4.2 Renforcer la performance au sein de la CNSA

Objectif prioritaire 7 : Développer l’efficience interne de la Caisse

4.3 Développer les instruments de pilotage interne

4.4 Assurer la certification des comptes à compter de l’exercice 2012

V – Piloter et évaluer la mise en œuvre de la COG

5.1 Formaliser un suivi de la COG

5.2 Associer les membres du Conseil à la démarche objectifs/résultats

5.3 Adapter la COG quand le contexte évolue

5.4 Bilan et évaluation finale de la COG

Afin d’évaluer la mise en place des objectifs et le respect des différents indicateurs, une réunion de suivi de la COG, pilotée par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) en lien avec l’ensemble des directions de tutelle de la CNSA, à savoir le secrétariat général des ministères sociaux, la direction de la sécurité sociale (DSS) et la direction du budget, est organisée deux fois par an. Le dernier comité de suivi, organisé le 3 juillet 2014, a permis de constater que la réalisation des différents objectifs était bien avancée et devrait être effective à la fin de l’année 2015, à l’exception, qui n’est certes pas mineure, du développement du système d’information des MDPH.

Les compétences nouvelles introduites par le législateur

Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2008 et pour 2010 ont confié à la Caisse de nouvelles compétences.

La LFSS du 19 décembre 2007 a ajouté une mission consistant à contribuer au financement des investissements destinés à la mise aux normes, à la modernisation des locaux et à la création de places nouvelles en établissements sociaux et médico-sociaux, afin d’augmenter leurs capacités d’accueil, insuffisantes par rapport à la demande.

La LFSS du 24 décembre 2009 a quant à elle renforcé le rôle de la Caisse en matière de régulation de l’offre provenant des établissements et services qui entrent dans son champ de compétence. Elle est chargée d’analyser, sur la base des données qu’ils lui transmettent, les coûts et les tarifs de ces opérateurs. Cette nouvelle compétence s’inscrit dans la logique de « convergence tarifaire » désormais à l’œuvre dans le secteur médico-social. Il s’agit d’effectuer une péréquation destinée à atténuer les disparités de coûts entre établissements de même nature, souvent héritées des modes de régulation antérieurs, de façon à contraindre ces derniers à rejoindre un « coût moyen », l’objectif étant, pour la puissance publique, de parvenir à un meilleur contrôle des dépenses.

L’EXTENSION PROGRESSIVE DES MISSIONS DE LA CNSA

Loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées

Création de la CNSA

Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

– Définition des missions et du fonctionnement de la CNSA 

– Création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)

Loi de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007

Nouvelle mission confiée à la CNSA (contribuer au financement des investissements destinés à la mise aux normes, à la modernisation et à la création de places nouvelles en établissements sociaux et médico-sociaux)

Loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires

Création des agences régionales de santé (ARS)

Loi de financement de la sécurité sociale du 24 décembre 2009

Nouvelle mission confiée à la CNSA (analyse des coûts et des tarifs des établissements et services médico-sociaux)

Projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement – en cours d’examen au Parlement

Nouvelles missions confiées à la CNSA (veiller à l’équité de l’examen des demandes de compensation formulées par les personnes âgées, financement des actions de prévention de la perte d’autonomie et d’accompagnement des proches aidants, information du public).

Si la CNSA fait encore face à des limitations de ses possibilités d’action, sur lesquelles le présent rapport reviendra, elle est parvenue, près de dix ans après sa création, à remplir les différentes missions qui lui ont été progressivement confiées. Instance désormais reconnue, elle est amenée aujourd’hui à voir ses missions se développer à nouveau.

En effet, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 17 septembre 2014, vient renforcer les missions de la Caisse pour consacrer son rôle de « maison commune de l’autonomie ».

Le projet de loi renforce tout d’abord les compétences de la CNSA en faveur des personnes âgées, qui sont moins développées que pour les personnes handicapées. Afin de lui permettre de devenir un véritable lieu d’échange d’expériences et d’harmonisation des pratiques en lien avec l’ensemble des politiques d’autonomie, sa mission d’harmonisation des pratiques, qu’elle assure aujourd’hui auprès des MDPH, est étendue à l’activité des équipes médico-sociales et aux services départementaux en charge de l’élaboration des plans d’aide et de la gestion de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le texte précise que la CNSA est chargée de veiller à l’équité de l’examen des demandes de compensation formulées par les personnes âgées, une compétence qu’elle exerce déjà dans le champ du handicap. Il reprend ainsi une recommandation formulée par la Cour des comptes qui consistait à « étendre à la CNSA, pour l’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), le rôle d’animation et d’appui méthodologique qu’elle exerce pour la prestation de compensation du handicap (PCH) » (7).

Le texte propose également de confier à la Caisse un rôle de financement des actions de prévention de la perte d’autonomie et d’accompagnement des proches aidants. Sa compétence d’expertise serait élargie à l’analyse de la situation des besoins des proches aidants.

Le champ d’intervention de la CNSA doit en outre être étendu à l’information du public. Il est ainsi prévu de mettre à la disposition des personnes âgées, des personnes handicapées ainsi que de leur famille une « information relative à leurs droits et aux services qui leur sont destinés ». Afin de se conformer à cette nouvelle exigence législative, Mme Geneviève Gueydan, nouvelle directrice de la CNSA nommée le 1er août 2014, a indiqué lors de son audition avoir déjà engagé une réflexion sur la création d’un portail d’information destiné au grand public. Cette interface à vocation pédagogique devrait notamment présenter les droits des usagers et détailler les différents types d’offres de services. Elle devrait comporter des outils opérationnels, notamment un annuaire des établissements et des services médico-sociaux ou un modèle de calcul du reste à charge. Ce portail, conçu comme un premier niveau d’information et d’orientation, permettra également d’orienter le public vers l’information locale. C’est pourquoi la CNSA souhaite intégrer dans ses conventions le principe d’une coopération des conseils généraux au portail. À cet effet, les présidents de conseils généraux ont d’ores et déjà été saisis afin de désigner des référents et un certain nombre de départements participent au groupe de travail chargé de l’élaboration du portail. La Caisse devrait par conséquent être en mesure de rendre publique la première version de ce portail dès l’hiver 2015.

Enfin, le projet de loi confie à la CNSA la conception et la mise en œuvre d’un système d’information commun à l’ensemble des MDPH. Afin de rendre effective la mise en œuvre de ce système d’information unifié, la Caisse sera dotée d’une capacité de définition des normes permettant de garantir l’interopérabilité entre ces systèmes d’information, ainsi que d’un pouvoir de labellisation des systèmes d’information conformes aux normes qu’elle aura édictées.

La CNSA doit disposer de moyens adaptés à l’exercice de ses nombreuses missions.

C’est particulièrement le cas concernant les systèmes d’information, dont la construction a pris beaucoup de retard. À cet égard, M. Luc Allaire, précédent directeur de la CNSA, a précisé lors de son audition qu’un effort avait été réalisé afin de renforcer les effectifs consacrés aux systèmes d’information. Il a ainsi noté qu’« en 2011 et 2012, dans le cadre de la COG, nous avons bénéficié, de façon tout à fait extraordinaire pour l’époque, de sept emplois supplémentaires, en même temps que nous avons dû consentir un effort de redéploiement interne et appliquer la fameuse politique de non-remplacement d’une personne sur deux partant à la retraite, même si, juridiquement, nous ne sommes pas opérateur de l’État. L’application de cette mesure a touché six emplois en quatre ans. Nous avons réaffecté l’essentiel des sept emplois créés et des six emplois redéployés aux systèmes d’information dans le champ de la compensation collective et dans celui de la compensation individuelle ».

En tout état de cause, il semble que les nouvelles missions confiées à la CNSA par la future loi d’adaptation de la société au vieillissement soient l’occasion d’envisager le renforcement de ses moyens de fonctionnement. L’effectif de la Caisse (106 équivalents temps plein) ne semble pas excessif au regard du budget total géré par cet organisme, qui s’élève à plus de 21 milliards d’euros.

À cet égard, il convient d’observer que cinq équivalents-temps plein (ETP), inscrits sur le budget de la CNSA de 2014 afin de lui permettre notamment de remplir les nouvelles missions qui lui seront confiées dans le cadre de la future loi d’adaptation de la société au vieillissement, ont été affectés à la DGCS. Alors que les rémunérations de ces cinq postes sont à la charge de la CNSA, les agents concernés sont mis à la disposition de la DGCS, dans ses locaux et sous son autorité, pour être affectés à la réforme de la tarification des établissements et services pour personnes handicapées. Cette réforme devant prendre plusieurs années, votre rapporteure s’interroge sur la pertinence de ce dispositif qui s’apparente à un transfert de charges de l’État vers la CNSA. Elle souhaite que celle-ci dispose des effectifs nécessaires pour lui permettre de remplir les missions de plus en plus larges qui lui sont confiées.

Préconisation n° 2 : sanctuariser les ressources de la CNSA. Veiller à ce que la CNSA dispose des ressources nécessaires et adaptées pour remplir ses nouvelles missions.

Au-delà de ses nouvelles missions, la CNSA doit constituer un point de repère dans un secteur confronté à de nombreuses réformes. Dans un contexte où la réforme territoriale, dont les contours précis ne sont pas encore connus, risque de modifier le positionnement des acteurs de terrain qui portent les politiques médico-sociales, votre rapporteure estime que la Caisse constitue un élément de continuité et est de ce fait à même de jouer un rôle de sécurisation, d’appui, d’accompagnement et d’aide à la gestion des transitions dues aux grandes évolutions annoncées dans les prochaines années.

B. LA CAISSE A SU TROUVER SA PLACE PARMI DE NOMBREUX ACTEURS

1. La place spécifique de la Caisse

Instance nationale au sein d’un secteur fortement décentralisé, la CNSA occupe une place originale dans le paysage médico-social. À cet égard, MM. Alain Cordier et Denis Piveteau, respectivement premier président et premier directeur de la Caisse, ont tous les deux insisté lors de leur audition sur son positionnement particulier.

La gouvernance de la politique de compensation de la perte d’autonomie suppose à la fois un État stratège et une gestion de proximité. Entre les deux, la CNSA est à la fois un opérateur d’assistance à la maîtrise d’ouvrage nationale et d’appui à la maîtrise d’œuvre au plan local. Pour M. Denis Piveteau, elle constitue un « quatrième pied complémentaire » au service de l’administration centrale, qui définit les politiques, des autorités politiques locales – aujourd’hui, les conseils généraux –, et des organismes de mise en œuvre que sont les agences régionales de santé (ARS) et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Selon son ancien directeur, ces trois « pôles de responsabilité » ont en effet besoin, à des niveaux différents, de l’appui de la CNSA.

Ce niveau intermédiaire entre un État stratège et une gestion de proximité place la CNSA au cœur d’un équilibre subtil. Il suppose une contractualisation de ses relations avec les différents acteurs, d’autant plus qu’elle n’est pas en relation directe avec les personnes bénéficiant des aides, comme le montre le schéma suivant.

ACTEURS EN RELATION AVEC LA CNSA

Source : Rapport d’activité 2013 de la CNSA, avril 2014.

2. La CNSA travaille avec de nombreux acteurs

a. Les tutelles de la CNSA

La tutelle de la CNSA est assurée par trois directions ministérielles. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) joue un rôle de chef de file, aux côtés de la direction de la sécurité sociale et de la direction du budget.

Cette tutelle se manifeste d’abord par des votes au conseil, où l’État, avec 44,5 % des voix, dispose d’un poids important. Elle se traduit surtout par la convention d’objectifs et de gestion (COG) qui lie la CNSA à l’État pour quatre ans et dresse une liste d’objectifs à réaliser dans cette période. Comme votre rapporteure l’a mentionné supra, la première convention, conclue pour la période 2006-2009, se limitait à définir les missions de la nouvelle agence, sans fixer d’objectifs précis. Le renouvellement de la convention a été tardif, la CNSA ne disposant pas d’objectifs clairement fixés pendant trois ans. La COG conclue pour 2012-2015, plus approfondie et ambitieuse que la précédente, a commencé à clarifier le rôle et les attributions respectives de la CNSA et de ses tutelles.

En dépit de cette contractualisation des relations entre l’État et la CNSA, le partage des tâches demeure parfois insuffisamment précis. Comme l’a souligné M. Alain Villez, conseiller technique au sein de l’UNIOPSS, lors de son audition, « les relations entre la CNSA et la DGCS manquent singulièrement de clarté, notamment pour ce qui est de la définition des politiques de compensation pour l’autonomie et de l’articulation entre les aspects réglementaires et la mise en œuvre des dispositions ».

En effet, le modèle propre à la CNSA n’est pas habituel en France, ce qui pose la question de la place qu’elle occupe par rapport à la DGCS.

Cette dernière a en charge un secteur particulièrement vaste, puisqu’elle est compétente en matière d’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées, mais aussi de πolitique familiale, d’égalité entre les femmes et les hommes et de promotion des droits des femmes, de prévention et de lutte contre les exclusions, d’insertion des personnes en situation de précarité et d’économie sociale et solidaire. À ses côtés, la CNSA apparaît comme un opérateur léger et dynamique, reconnu et apprécié par l’ensemble des acteurs du secteur médico-social.

Dans ce contexte, la frontière qu’il conviendrait de tracer entre la CNSA et la DGCS fait débat. S’il est évident qu’un établissement public peut se montrer plus « agile » et réactif qu’une administration centrale, il peut être délicat de lui confier des missions à caractère réglementaire. La CNSA pourrait en revanche être davantage mise à contribution dans la préparation de certains textes en tant qu’expert, tout en préservant le rôle normatif de la DGCS.

Préconisation n° 3 : clarifier les missions et les compétences respectives de la CNSA et de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion.

La coopération entre les deux entités peut sans doute être améliorée, même si l’on constate de réels progrès depuis le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances (IGAS-IGF) de février 2010 (8) qui insistait sur les « faiblesses du pilotage stratégique » et « l’éclatement des responsabilités entre les acteurs ». Depuis 2013, la circulaire adressée aux ARS pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux (9) témoigne d’une meilleure articulation du travail entre la CNSA et la DGCS : de manière nouvelle, dans un souci de lisibilité et de simplification pour les services chargés de la tarification, cette circulaire intègre tant les directives de l’État que les instructions techniques de la CNSA pour la mise en œuvre des campagnes budgétaires.

b. Les agences régionales de santé (ARS)

Depuis leur création le 1er avril 2010, la CNSA attribue chaque année aux ARS une dotation régionale limitative qui leur permet d’allouer les moyens financiers aux établissements et services médico-sociaux.

Les ARS de Bourgogne, du Limousin, du Nord-Pas de Calais et de Rhône-Alpes, auditionnées par votre rapporteure, ont estimé que leurs relations avec la CNSA étaient satisfaisantes et constructives. Le directeur de la CNSA est membre du conseil national de pilotage (CNP) des ARS et le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, qui préside le CNP par délégation du ministre, est membre du conseil de la CNSA. Les ARS disposent en outre d’un correspondant bien identifié à la CNSA, qui se déplace en région à la rencontre des équipes et avec lequel les contacts sont fréquents.

Selon M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’ARS de Bourgogne, les dialogues de gestion organisés chaque année entre novembre et février donnent lieu à de véritables échanges sur l’ensemble des sujets touchant aux personnes âgées ou handicapées. Ce dialogue s’opère en deux étapes : une étape technique puis une étape stratégique. Il permet de vérifier que les ARS appliquent bien les orientations nationales et qu’elles mettent en œuvre les financements alloués à la région sous forme de dotations régionales limitatives.

Toutefois, l’organisation et la répartition des financements relèvent encore, selon les directeurs généraux des ARS auditionnés par votre rapporteure, d’une sorte de « pilotage automatique » qui laisse trop peu de place à une approche stratégique et qualitative qui consisterait à évaluer conjointement l’efficacité des grandes politiques publiques mises en œuvre, afin de mieux répartir, le cas échéant, les financements alloués à chaque région, en fonction de ses spécificités. À cet égard, la synthèse du point d’étape effectué le 3 juillet 2014 à l’occasion du comité de suivi de la COG 2012-2015 précise que la CNSA a engagé́ une réflexion avec son conseil scientifique pour proposer une évolution des modalités de répartition des dotations régionales limitatives dans le but de réduire les disparités territoriales.

Au niveau de chaque région, l’une des difficultés identifiées est liée au caractère tardif de la campagne budgétaire, qui ne permet pas aux ARS de mobiliser les crédits avec assez d’anticipation. Dans ce contexte, la publication dès le mois de mars, depuis 2013, de la circulaire présentant, pour l’exercice budgétaire de l’année en cours, les priorités d’action dans le champ médico-social, ainsi que la détermination et les modalités de gestion des enveloppes déléguées aux ARS, constitue une évolution positive. Avant 2013, cette circulaire, désormais cosignée par l’État et la CNSA, qui présente les priorités d’actions et les éléments d’évolution de l’objectif global de dépense (OGD) à décliner dans la politique régionale d’allocation de ressources, ne paraissait pas avant le mois d’avril.

c. Les conseils généraux et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)

Les départements sont les chefs de file de l’action sociale de proximité, en particulier dans le champ de l’aide à l’autonomie. Ils financent notamment l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les personnes âgées et la prestation de compensation du handicap (PCH). Pour ces deux prestations, la CNSA leur verse un concours financier, dans une logique de péréquation tenant compte de leurs charges et de leur potentiel fiscal.

Les conseils généraux assurent également la tutelle administrative et financière des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), constituées sous forme de groupement d’intérêt public. Pour les accompagner, la CNSA assure un rôle d’animation et veille à l’échange d’informations et d’expériences entre les structures départementales et à la diffusion des bonnes pratiques.

Depuis 2006, les départements et la CNSA signent des « conventions d’appui à la qualité de service », dont la troisième génération couvre la période 2012-2015. Ces conventions, signées dans tous les départements avant le 31 mars 2013, détaillent les concours financiers de la CNSA aux départements. Elles apportent également des précisions relatives aux échanges de données entre la CNSA, la MDPH et le département ainsi qu’aux modalités d’appui de la Caisse aux MDPH.

Les MDPH auditionnées par la mission ont unanimement salué l’apport essentiel de la CNSA en matière d’animation et de soutien juridique et technique. Le rôle de la CNSA a été particulièrement crucial au moment de la mise en place des MDPH en 2005. Comme le note M. Yannick Deimat, directeur-adjoint de la MDPH du Finistère, « l’appui de la CNSA au moment du démarrage de la structure a été déterminant. Un vrai travail d’accompagnement a été mis en œuvre, avec l’élaboration de nombreux guides. Dès l’origine, toute une démarche de structuration de la mise en place des MDPH a été conduite. C’était d’autant plus important qu’il s’agissait à la fois d’une gouvernance et de dispositifs nouveaux. De nombreux textes n’étaient pas encore publiés lorsque nous avons démarré ; le contexte était donc difficile ». Des rencontres sont organisées régulièrement et à différents niveaux (avec les directeurs de MDPH, les coordinateurs d’équipes pluridisciplinaires, les référents pour l’insertion professionnelle ou l’enfance, etc.). Certes, la CNSA ne dispose que d’un pouvoir incitatif, mais sa légitimité est telle que ses avis juridiques et ses recommandations sont globalement suivis.

Grâce au travail de la CNSA, des pratiques communes commencent à émerger, en dépit de la diversité des MDPH. Celles-ci souhaitent d’ailleurs que le rôle d’appui et d’expertise de la Caisse soit renforcé. Une attente forte s’exprime pour qu’elle joue pleinement son rôle de « maison commune », pour reprendre l’expression retenue par l’Assemblée des départements de France (ADF), c’est-à-dire pour qu’elle assure un réel pilotage des MDPH et qu’elle soit à même de coordonner leurs pratiques et de garantir l’équité de traitement entre les usagers.

Des progrès pourraient notamment être accomplis en matière de centralisation des données et de production de documents uniformes. En effet, les MDPH sont encore amenées à communiquer, en début d’année, le nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) à quatre administrations différentes – caisse d’allocations familiales (CAF), Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) et direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – et, quelques mois plus tard, à la CNSA elle-même. Cela occasionne un travail très important, d’autant que le document à adresser n’est pas le même selon les administrations. Au-delà de cet exemple symptomatique, les MDPH, mais aussi l’ADF, sont favorables à un renforcement du rôle et des missions de la CNSA.

En effet, comme le note la Cour des comptes dans sa communication sur la mise en œuvre des missions de la CNSA, le « positionnement [de la CNSA] sur le conseil et la pédagogie est compréhensible à l’égard de collectivités décentralisées. Néanmoins, il ne met pas en mesure la CNSA, comme on le verra dans l’exercice de ses missions, d’assurer la plénitude de son rôle de garant de l’égalité de traitement des personnes âgées et handicapées sur l’ensemble du territoire national ».

À cet égard, le projet de loi précité relatif à l’adaptation de la société au vieillissement propose de renforcer les compétences de la CNSA dans le champ des politiques en faveur des personnes âgées, notamment en matière d’appui méthodologique, d’expertise et de prévention. Il élargit en parallèle les possibilités de contractualisation de la CNSA avec les départements. Alors que seules les dispositions relatives à l’installation et au fonctionnement des MDPH faisaient l’objet d’un conventionnement, les conventions dites « d’appui à la qualité de service » conclues entre la Caisse et les départements verraient leur contenu élargi à l’ensemble du champ de l’autonomie.

La mise en place des futures conventions devra être l’occasion pour la CNSA d’engager un dialogue avec les conseils généraux, afin d’apporter des réponses à la diversité des pratiques, notamment en matière de mise en œuvre de l’APA, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.

a. La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

La CNAMTS est le principal contributeur au budget de la CNSA : en 2013, la contribution des régimes d’assurance maladie au titre de l’ONDAM médico-social s’est élevée à près de 17,1 milliards d’euros, ce qui représente plus de 80 % des ressources de la CNSA, affectées au fonctionnement des établissements et services médico-sociaux. La CNAMTS intervient dans le pilotage macroéconomique d’ensemble en formulant des propositions d’évolution de l’ONDAM, mais la gestion des crédits est du ressort de la CNSA.

Après une première convention couvrant la période 2007-2009, la CNAMTS et la CNSA ont conclu une nouvelle convention le 24 mai 2013, qui porte sur la période 2012-2015. Celle-ci, à travers la définition de cinq axes principaux de collaboration, a permis de formaliser les thèmes de travaux communs aux deux Caisses. Alors que la convention 2007-2009 n’avait pas véritablement débouché sur des actions concrètes, cette dernière convention, conclue tardivement, a permis de développer les échanges d’information entre la CNAMTS et la CNSA.

En outre, après avoir considéré, au moment de la création de la CNSA, que les missions médico-sociales relevaient désormais de ses compétences, la CNAMTS s’est rendu compte de la nécessité, pour une bonne coopération entre les deux Caisses, de disposer de part et d’autre d’interlocuteurs dédiés. C’est pourquoi elle a recréé en 2012 une équipe de quatre personnes en charge des questions médico-sociales.

C. LA GESTION DES CRÉDITS MÉDICO-SOCIAUX EST EN COURS D’AMÉLIORATION

1. La CNSA rassemble une part importante des ressources nationales consacrées à la compensation de la perte d’autonomie

En 2013, le montant des dépenses de protection sociale liées à la compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées s’est élevé à plus de 59 milliards d’euros, dont 64 % pour les personnes handicapées et 36 % pour les personnes âgées (10). Ces dépenses sont financées par différents acteurs : l’État, la CNSA, la Sécurité sociale et les départements.

Les deux tableaux présentés ci-dessous détaillent la répartition entre les différents financeurs de l’ensemble des dépenses de protection sociale en faveur des personnes âgées dépendantes, d’une part, et des personnes handicapées, d’autre part. Les crédits gérés par la CNSA figurent en grisé.

DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES ET RÉPARTITION PAR FINANCEUR

(en millions d’euros)

Dépenses en faveur des personnes âgées dépendantes

Montants 2013

État (programme Handicap et dépendance)

1 132

Personnes âgées

43

Aides au logement

430 (*)

Exonérations fiscales

660

CNSA

2 881

Établissements et services

920

APA (transfert aux départements)

1 729

Plan d’aide à la modernisation des établissements

211

Animations, prévention et études

3

Dépenses modernisation, professionnalisation et formation

18

Autres actions (congés soutien familial)

0

Sécurité sociale

11 168

Assurance maladie

9 392

ONDAM personnes âgées (gestion assurée par la CNSA)

8 388

USLD

1 004

Assurance vieillesse (Action sociale pers. âgées)

740

Exonération de cotisations sociales pour emplois à domicile

1 036

Départements

6 016

APA (domicile + établissements) net des transferts CNSA

3 691

Aide sociale en établissement hors APA, ACTP et PCH (dont aide sociale à l'hébergement)

2 244 (*)

Aide sociale à domicile hors APA, ACTP et PCH (dont aide-ménagère)

81 (*)

Total Personnes âgées

21 197

(*) Données 2012.

Source : DSS, DGCS, DGFIP, DREES, CNSA et AGEFIPH - chiffres arrondis.

DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES ET RÉPARTITION PAR FINANCEUR

(en millions d’euros)

Dépenses en faveur des personnes handicapées

Montants 2013

État

14 194

Programme Handicap et dépendance

12 338

Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées (dont contribution au fonctionnement des MDPH, etc.)

65

Incitation à l’activité professionnelle (dont GRTH, ESAT, etc.)

2 682

Ressources d’existence (dont AAH, FSI, etc.)

9 566

Compensation des conséquences du handicap (dont instituts nationaux, fonds de compensation aux MDPH, FIAH, etc.)

22

Pilotage du programme

3

Hors programme Handicap et dépendance

1 856

Pensions militaires d'invalidité

987

Prog. Vie de l'élève-action élèves handicapés

579

Prog. Accès et retour à l'emploi (Aide au poste)

290

CNSA

989

Établissements et services

288

PCH + MDPH (transfert aux départements)

609

Majoration AEEH (CNAF)

0

Plan d’aide à la modernisation des établissements

79

Animation, préventions et études

4

Dépenses modernisation, professionnalisation et formation

4

Autres actions (STAPS+étudiants+congés soutien familial)

5

AGEFIPH

442

Sécurité sociale

15 824

Assurance maladie

14 977

ONDAM personnes handicapées (gestion assurée par la CNSA)

8 736

Pensions invalidité

6 217

Action sociale

20

CNAF (AEEH et allocation de présence parentale)

847

Départements

6 280

Frais d’hébergement en établissement

4 890

ACTP + PCH, net des transferts CNSA

1 399

Total Personnes handicapées

37 737

Source : DSS, DGCS, DGFIP, DREES, CNSA et AGEFIPH, chiffres arrondis.

Parmi ces différents financeurs, la CNSA gère un budget considérable, les produits nets de la Caisse ayant atteint 21,1 milliards d’euros en 2013.

Ses ressources proviennent essentiellement des crédits de l’Assurance maladie, dont la gestion lui est déléguée. Ces crédits, qui ne donnent pas lieu à un flux de trésorerie mais seulement à une écriture dans les comptes de la CNSA, sont constitués par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie consacrées au secteur médico-social (ONDAM médico-social), voté chaque année dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. La contribution des régimes d’assurance maladie au titre de l’ONDAM médico-social a été d’environ 17,1 milliards d’euros en 2013, ce qui représente 81 % des produits de la CNSA. Ces crédits, complétés par une fraction de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA), sont affectés au financement du fonctionnement des établissements et services médico-sociaux.

La CNSA dispose en outre de ressources propres, fixées par la loi et constituées de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA correspondant à la « journée de solidarité » instaurée par la loi du 30 juin 2004), d’une fraction, à hauteur de 0,1 point, de la contribution sociale généralisée (CSG) et, depuis le 1er avril 2013, de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), prélevée sur les avantages de retraite et d’invalidité ainsi que sur les allocations de préretraite perçues par les personnes imposables au titre de l’impôt sur le revenu. Ces ressources propres se sont élevées à 3,7 milliards d’euros en 2013, soit 17,5 % des produits (11). Elles sont essentiellement reversées aux départements sous la forme de concours au titre de la compensation des versements de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

L’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA)

L’affectation de la CASA a été l’objet de débats. Son produit est affecté à une section provisoire du budget de la CNSA, la section V bis, à partir de laquelle la Caisse ventile les ressources sur les missions que le législateur lui a dévolues en les inscrivant dans les autres sections de son budget.

Avec la création de la CASA, la Caisse s’est trouvée face à un afflux de ressources destinées au financement d’un périmètre d’actions non encore élargi par le législateur. Dans l’attente, une fraction de sa ressource CSG (0,036 point) équivalent à la CASA a été réallouée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 afin de mobiliser utilement ce surcroît de ressources en faveur des personnes âgées, en l’occurrence au Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Dans l’attente de l’adoption définitive des mesures d’adaptation de la société au vieillissement, une partie de ces crédits, de l’ordre de 100 millions d’euros, a néanmoins été maintenue dans le budget de la CNSA afin de financer des mesures d’investissement dans le secteur médico-social.

Le projet de loi prévoit un retour à la normale, avec la pleine affectation des ressources de la CASA et de la fraction de CSG à la Caisse, dans la perspective d’un élargissement de ses missions par le législateur au cours des prochains mois.

Schéma simplifié du budget de la CNSA exécuté en 2013

(En milliards d’euros)


Source : d’après un schéma de la communication de la Cour des comptes sur la mise en œuvre des missions de la CNSA.

Afin de garantir une affectation claire des ressources de la CNSA à ses différentes missions, le budget de la Caisse est constitué de six sections distinctes et permanentes, détaillées à l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles. Les cinq premières sections retracent les financements correspondant aux missions confiées à la Caisse, la sixième section étant quant à elle consacrée à ses frais de gestion. L’article précité détaille également les règles de répartition des produits entre les sections et définit les charges imputées à chacune d’entre elles.

Cette segmentation du budget permet de suivre précisément l’affectation des ressources entre les différentes missions de la Caisse et répond ainsi à l’objectif de transparence et de lisibilité des dépenses.

Les six sections du budget de la CNSA

En vertu de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, le budget de la Caisse comporte six sections, dont deux (les sections I et V) sont subdivisées en sous-sections par bénéficiaires (personnes âgées ou personnes handicapées) :

– la section I relative au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux ;

– la section II relative aux concours aux départements pour le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie ;

– la section III relative aux concours aux départements au titre de la prestation de compensation du handicap et des maisons départementales des personnes handicapées ;

– la section IV relative aux actions innovantes, à la formation des aidants familiaux et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service ;

– la section V consacrée au financement des autres dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes (notamment les dépenses d’animation et de prévention et les frais d’études dans les domaines d’action de la Caisse) ;

– la section VI retraçant les frais de gestion.

À ces six sections s’ajoute une section provisoire (section V bis) consacrée à la mise en réserve du produit de la CASA, dont les ressources sont destinées au financement des mesures, prévues par le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui seront prises pour améliorer la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie.

Bien qu’elle ne soit pas soumise à l’obligation de certification de ses comptes, la CNSA a accueilli pour la première fois à la fin de l’année 2012 un commissaire aux comptes, qui a procédé à la certification de ses comptes 2012 sans réserve. Les comptes de l’année 2013 ont également fait l’objet d’une certification sans réserve.

Le budget de la CNSA permet ainsi de retracer une part essentielle des ressources publiques nationales consacrées à la compensation de la perte d’autonomie, les moyens qu’elle gère représentant près de 36 % des dépenses de protection sociale engagées à ce titre, dont une très grande partie correspond aux crédits délégués par l’Assurance maladie.

2. La diminution de la sous-consommation des crédits de la CNSA

a. Une sous-consommation qui a pu être excessive

Depuis sa création, la CNSA a connu d’importants excédents, représentant près de 3 268 millions d’euros cumulés entre 2005 et 2012, ce qui a soulevé certaines interrogations légitimes.

Comme le note la Cour des comptes dans son rapport d’octobre 2013 consacré à la CNSA, « La majeure partie des réserves constituées par la CNSA depuis 2005 provient des excédents réalisés sur la section I qui retrace les crédits alloués aux établissements et services médico-sociaux. On constate depuis la création de la Caisse une sous-consommation récurrente de l’objectif global de dépenses (OGD) représentant entre 0,2 % et 3,6 % du total selon les années, qui aura constitué un cumul de 2 751 millions d’euros sur la période 2005-2012. Elle concerne pour l’essentiel l’OGD personnes âgées, l’OGD personnes handicapées étant pour sa part surconsommé, sauf en 2009 et 2011 ».

La sous-consommation des crédits de la section I du budget de la CNSA correspond à l’écart entre le montant de l’objectif global de dépenses (OGD), fixé par arrêté, et les versements effectués par les caisses d’assurance maladie aux établissements et services médico-sociaux.

L’objectif global de dépenses

L’OGD est fixé chaque année par arrêté ministériel et est déterminé en additionnant :

– une contribution de l’assurance maladie figurant au sein de l’ONDAM, dite « sous-ONDAM médico-social », qui peut varier à la marge en cours d’exercice par fongibilité

– une part (52 %) de la CSA, qui est affectée aux établissements et services médico-sociaux

La majeure partie des réserves constituées par la CNSA depuis sa création provient ainsi des excédents réalisés sur la section I de son budget. La plus grande partie a été utilisée pour financer les aides à l’investissement dans les établissements médico-sociaux. Elles sont également venues abonder l’objectif global de dépenses (OGD), ce qui revient à reporter les crédits non consommés au profit de l’usage auquel ils étaient destinés, mais sur un exercice ultérieur.

Bien que ces réserves aient bien été réutilisées au bénéfice du secteur médico-social, notre collègue députée Bérengère Poletti notait dans son rapport de 2010 consacré à la CNSA que « les excédents de la caisse ont suscité une certaine émotion, en raison notamment de leur ampleur, des besoins de financement dans le domaine médico-social ainsi que des difficultés rencontrées par certains établissements ou services » (12). L’ampleur de ces réserves a fait l’objet de différentes études. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) ont ainsi mené conjointement une « Enquête sur la sous-consommation des crédits soumis à l’objectif global de dépenses (OGD) », précitée, qui a donné lieu à un rapport paru en février 2010. Le rapport de notre collègue Bérengère Poletti consacrait également une grande partie de ses développements à la sous-consommation des crédits de la CNSA et présentait différentes propositions visant à améliorer la gestion des crédits médico-sociaux. Votre rapporteure tient à souligner l’importance de ces rapports qui, en mettant l’accent sur une situation préoccupante et en proposant des solutions opérationnelles, ont contribué aux progrès constatés par la suite en matière de consommation des crédits.

b. Une situation qui s’est améliorée

Depuis, il y a heureusement lieu de constater que la situation s’est améliorée.

CONSOMMATION DE L’OBJECTIF GLOBAL DE DÉPENSES (OGD)

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

OGD PA arrêté

5 688

6 612

7 592

8 182

8 547

8 925

9 256

OGD PA consommé

5 201

6 073

7 252

7 953

8 301

8 736

9 100

Solde en valeur

487

539

340

229

246

189

156

Solde en %

8,6 %

8,2 %

4,5 %

2,8 %

2,9 %

2,1 %

2,1 %

OGD PH arrêté

7 232

7 654

8 010

8 210

8 503

8 703

8 952

OGD PH consommé

7 290

7 684

7 919

8 401

8 478

8 719

9 007

Solde en valeur

- 58

- 30

91

- 191

25

- 16

- 55

Solde en %

-0,8 %

-0,4 %

1,1 %

-2,3 %

0,3 %

-0,2 %

- 0,6 %

OGD (PA+PH) arrêté

12 921

14 266

15 602

16 392

17 050

17 628

18 208

OGD (PA+PH) consommé

12 490

13 757

15 171

16 354

16 779

17 455

18 107

Sous-consommation de l’OGD

431

509

431

38

271

173

101

En % de l’OGD arrêté

3,3 %

3,6 %

2,8 %

0,2 %

1,6 %

1,0 %

0,6 %

Source : d’après un tableau de la Cour des comptes et les données de la CNSA.

L’année 2013 confirme la tendance à l’amélioration importante du niveau d’exécution, avec une sous-consommation, par rapport à l’objectif global de dépenses (OGD), des crédits alloués aux établissements et services médico-sociaux ramenée à 101 millions d’euros, contre 173 millions d’euros en 2012. Plus précisément, l’OGD dévolu aux personnes âgées a été exécuté à hauteur de 9,1 milliards d’euros, la sous-consommation étant de 156 millions d’euros (soit 1,7 % de l’OGD), contre 189 millions d’euros l’année précédente, ce qui correspond à une diminution des crédits non consommés de 17,6 %. S’agissant des personnes handicapées, l’OGD a été exécuté à hauteur de 9 milliards d’euros en 2013, avec une surconsommation de crédits de 55 millions d’euros (soit 0,6 % de l’OGD), contre 16 millions d’euros en 2012.

La diminution de la sous-consommation des crédits de la section I du budget de la CNSA s’explique à la fois par la mise en place d’un mode de gestion pluriannuelle en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (AE-CP) analogue à celle prévue pour l’État, par une procédure budgétaire plus précoce et par le développement du système d’information « Harmonisation et partage de l’information » (HAPI).

• Tout d’abord, comme le note la Cour des comptes, « la CNSA a apporté des correctifs dans la gestion de ces crédits, le principal d’entre eux étant le passage, initié par la DGCS, à une budgétisation en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP). Les AE permettent de fixer le montant indicatif de crédits dont disposeront les ARS pour couvrir le fonctionnement d’établissements ou services nouveaux pour les années à venir ».

Ce mode de gestion a permis de fluidifier les créations de places en établissements. En effet, alors qu’auparavant la CNSA devait disposer des crédits nécessaires avant que la création de nouvelles places ne soit autorisée, la gestion en AE-CP permet de délivrer les autorisations de création de places et de démarrer les travaux sans attendre que la CNSA dispose effectivement des crédits de paiement correspondants. Ce mode de gestion a également été utilisé pour les crédits destinés à la médicalisation des établissements. En effet, la médicalisation d’un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) suppose la signature d’une convention tripartite (CTP) entre l’établissement, le département et l’ARS, ainsi que la réalisation d’une coupe transversale de l’état des patients permettant de définir, à partir du référentiel PATHOS (13), le niveau de soins nécessaires pour leur prise en charge, ce qui allongeait les délais. L’amélioration de l’anticipation de la notification des autorisations d’engagement des crédits de médicalisation a permis de notifier aux ARS 130 millions d’euros en 2014 contre 85 millions d’euros en 2013, ce qui leur a donné davantage de souplesse pour renouveler les CTP.

• La Cour des comptes note également qu’« une connaissance anticipée par les ARS des crédits autorisés (AE) tant pour les créations de place que pour les crédits de médicalisation, d’une part, et une campagne budgétaire plus précoce, d’autre part, devraient permettre une mobilisation anticipée des acteurs et donc une optimisation des dépenses : la déconnexion entre budgétisation et consommation est en effet également une conséquence d’un calendrier de mise en œuvre ne permettant pas toujours aux ARS de mobiliser les crédits avec assez d’anticipation. Sur ce plan, la publication anticipée de la circulaire budgétaire unique 2013 (le 15 mars 2013 au lieu du 5 avril 2012) constitue une évolution positive à poursuivre ». La publication de cette circulaire a lieu de plus en plus tôt dans l’année (le 31 mai en 2010, le 29 avril en 2011, le 5 avril en 2012, le 15 mars en 2013, à l’exception de 2014 où elle est parue le 28 mars). Votre rapporteure se félicite de cette évolution positive qui doit être poursuivie.

• Enfin, la CNSA a mis en place le système d’information « Harmonisation et partage de l’information » (HAPI) qui permet de suivre l’intégralité de la tarification des ARS depuis la campagne budgétaire de 2013 et sur lequel votre rapporteure reviendra.

En dehors de la gestion de l’objectif global de dépenses, la section IV du budget de la CNSA, relative à la promotion des actions innovantes, à la formation des aidants familiaux et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service, enregistre régulièrement des excédents. En 2013, les dépenses ont été inférieures de 35 millions d’euros à ce qui était prévu. Cette sous-consommation s’explique à la fois par une contribution versée aux ARS au titre des actions de modernisation de l’aide à domicile (14) moins élevée que prévue, les ARS ne faisant pas parvenir de demande concernant ces crédits, et par une reprise de provisions supérieure aux dépenses effectivement réalisées dans le cadre des conventions de partenariat. Par ailleurs, 50 millions d’euros, correspondant à la deuxième tranche du fonds de restructuration des services d’aide à domicile pour 2013-2014 ont été provisionnés. Au final, les 35 millions d’euros de sous-consommation et la provision de 50 millions d’euros ont conduit à un déficit de la section IV de 15 millions d’euros. Ce déficit conjoncturel ne doit pas masquer les excédents enregistrés régulièrement depuis 2005 par la section IV, alors même que la demande d’accompagnement de la part des personnes en perte d’autonomie est croissante. Dans ce contexte, la gestion des crédits de la section IV doit impérativement être améliorée pour permettre une consommation effective des crédits.

3. Le financement des établissements : une difficile, mais indispensable réforme

Alors que le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie des personnes handicapées vont continuer d’accroître fortement la demande d’hébergement, les modalités de tarification des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des adultes handicapés n’ont pas évolué.

Dans un référé rendu public le 24 novembre 2014 (15), la Cour des comptes constate que la réforme de la tarification est restée inaboutie. Elle note que « les moyens sont accordés aux établissements selon une procédure contradictoire au cours de laquelle les autorités de tarification fixent, chaque année, les dotations ou les tarifs journaliers destinés à couvrir les dépenses annoncées par les gestionnaires, dans le cadre d’enveloppes de crédits de plus en plus contraintes. Alors que le processus de tarification vise à donner une connaissance fine de la gestion des établissements aux décideurs publics, la lourdeur et les carences du système en l’absence de référentiels de coûts tendent, en réalité, à la reconduction à peine aménagée de coûts de gestion historiques ».

Les modalités de tarification actuelles ne sont pas satisfaisantes, à la fois pour les autorités de tarification – ARS et départements – et pour les gestionnaires d’établissement. Comme le note la Cour des comptes dans son référé, les premières ne parviennent à modifier l’offre d’hébergement qu’à la marge et ne sont pas en mesure de valoriser suffisamment la qualité des prestations. Les gestionnaires d’établissement considèrent quant à eux que le caractère annuel de l’allocation des ressources constitue un frein à l’adaptation de leurs prestations et de leur organisation aux besoins des résidents.

Dans ce contexte, votre rapporteure regrette que la réforme de la tarification, engagée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, soit restée inaboutie en l’absence de décret d’application.

La réforme de la tarification doit néanmoins se concrétiser dans les prochaines années. Les travaux préparatoires au projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement ont prévu un second volet législatif comportant une réforme de la tarification des EHPAD.

Plus récemment, un comité stratégique sur la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux qui accueillent et accompagnent les personnes handicapées a été mis en place le 26 novembre 2014 par Mme Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Cette première réunion a lancé la phase opérationnelle des travaux qui vont permettre de mettre en œuvre un nouveau dispositif d’allocation de ressources à ces établissements et services.

Le lancement de cette réforme répond à de nombreuses attentes. S’il s’en réjouit, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a tenu à souligner que celle-ci « ne peut être uniquement pensée comme une nouvelle modalité de tarification d’un établissement ou service, mais doit être conçue comme une occasion d’ouvrir des possibilités pour un parcours résidentiel » (16). La réforme de la tarification doit être au service d’une meilleure adaptation de la prise en charge du handicap à l’évolution des besoins des personnes handicapées.

La CNSA et la DGCS, qui pilotent conjointement le projet sous l’égide du ministère, ont présenté aux membres du comité stratégique le calendrier du projet, constitué de trois étapes : la construction des outils qui permettront une allocation de ressources rénovée, le choix d’un modèle de tarification, et enfin le déploiement du modèle. La CNSA et la DGCS doivent travailler ces prochains mois avec les financeurs (l’assurance maladie et les conseils généraux) et les gestionnaires (les fédérations gestionnaires et les associations de personnes en situation de handicap) afin d’établir un référentiel des besoins des personnes accueillies qui permette de connaître les situations auxquelles répondent les établissements et services et d’élaborer un référentiel des prestations qui y sont délivrées. Ces deux référentiels permettront d’engager une enquête de coûts en vue de l’élaboration d’un référentiel de coûts.

La mise en place d’un calendrier précis de réalisation de la réforme et d’un comité de suivi chargé d’évaluer ses avancées doit permettre la réalisation de ce chantier ambitieux, qui devrait aboutir dans un délai maximum de trois ans.

Préconisation n° 4 : fixer un calendrier précis de réalisation de la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux et veiller à ce qu’elle soit mise en place dans un délai maximum de trois ans.

Dans l’attente de cette réforme qui ne pourra pas aboutir avant plusieurs années, il convient d’encourager la contractualisation entre l’administration et les gestionnaires de structures médico-sociales.

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a introduit la possibilité de mettre en place un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) entre, d’une part, les autorités chargées de l’autorisation des établissements – État, ARS ou départements –, et, d’autre part, les gestionnaires d’établissements et services.

Première étape dans l’évolution des systèmes de tarification, les CPOM offrent une souplesse de gestion nouvelle. Ils permettent des engagements de financement pluriannuels, offrant aux gestionnaires une meilleure visibilité sur leurs ressources et la capacité à prendre des mesures à moyen terme pour améliorer les prestations servies. M. Denis Piveteau, dans son rapport intitulé « Zéro sans solution » (17), note à ce sujet que « la contractualisation par CPOM […] devrait devenir la norme pour tous les gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux, quelle que soit leur taille ».

Alors que les premiers contrats arrivent à échéance, votre rapporteure a présenté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 visant à évaluer leur efficacité. Adopté en nouvelle lecture, il confie au Gouvernement la réalisation d’un rapport d’évaluation des CPOM conclus depuis 2008 avec les établissements et services du secteur social et médico-social (18).

En dépit de son intérêt, la contractualisation demeure peu développée. La Cour des comptes, dans son référé du 24 novembre 2014 précité, note qu’ « à l’automne 2012, l’administration centrale recensait, dans les 16 régions où les ARS ont répondu à l’enquête réalisée par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), quelque 287 CPOM, englobant 1 598 établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), sur un périmètre global de 16 407 établissements, soit 9,7 % des structures. Du côté des départements, l’enquête a montré le très faible nombre de contrats établis ».

Le faible développement spontané de la contractualisation incite donc à mettre en place un dispositif plus volontariste et plus contraignant, qui permette une réelle montée en charge progressive des CPOM.

Préconisation n° 5 : rendre obligatoire la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux et les autorités chargées de l’autorisation de ces établissements et services, à compter de la prochaine génération de contrats.

4. Les concours aux départements au titre des aides individuelles : une nécessaire vigilance

La CNSA contribue au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) par le versement de concours aux départements. La section II de son budget est essentiellement destinée au financement de l’APA et la section III est dédiée à titre principal à celui de la PCH. Les concours représentent une enveloppe fermée qui est répartie intégralement entre les départements en fonction de différents critères.

Le nombre de bénéficiaires de l’APA et de la PCH augmente chaque année depuis la mise en place de ces prestations, respectivement en 2002 et en 2006. Concernant la PCH, le programme de qualité et d’efficience « Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 précise que « depuis sa mise en place, la prestation de compensation du handicap a connu une évolution dynamique du nombre de ses bénéficiaires, qui se poursuit encore sur 2013. En décembre 2013, près de 230 000 personnes bénéficient d’un accord pour la PCH en France métropolitaine et dans les DOM, soit une augmentation de 9 % des effectifs en un an selon des données provisoires de la DREES ». Le nombre de bénéficiaires de l’APA connaît également une forte augmentation, même si celle-ci est moins prononcée aujourd’hui que dans les années qui ont suivi la création de l’allocation. En décembre 2013, 1,24 million de personnes âgées dépendantes bénéficiaient de l’APA, soit une augmentation de 2 % par rapport à 2012.

Dans le même temps, les concours APA et PCH de la CNSA ont connu une nette progression. En 2013, ils ont augmenté de 4,4 % pour l’APA, s’établissant à 1,7 milliard d’euros. La progression du concours destiné au financement de la PCH a été moins dynamique mais néanmoins significative, de 0,7 %, pour s’établir à 458,6 millions d’euros.

Au-delà de ces volumes se pose la question récurrente du taux de couverture de ces prestations, c’est-à-dire de la part qu’assume la solidarité nationale, via la CNSA, dans leur financement et de celle restant à la charge des départements.

De ce point de vue, le bilan est contrasté. Il est positif en ce qui concerne l’APA qui mobilise les volumes les plus conséquents. Le taux de couverture des dépenses relatives à l’APA par la CNSA est resté relativement stable entre 2006 et 2008, proche d’un tiers. Ce ratio a diminué en 2009 et en 2010, en raison d’une baisse des ressources de la CNSA liée aux effets de la conjoncture économique. En 2011 et 2012, la part de financement assurée par la CNSA est remontée à 30,8 %, puis à 31,9 % en 2013.

En 2006, première année de mise en œuvre de la PCH, le concours versé par la CNSA au titre de cette prestation a excédé de 444 millions d’euros les dépenses relatives à la PCH. Cet excédent a été mis en réserve sur un compte spécial dans la comptabilité des départements, afin d’être affecté au financement de leurs dépenses ultérieures de PCH. Les mises en réserves des premières années ont eu un effet sur le taux de couverture des dépenses par la CNSA. Son concours, relativement stable, a, dès 2008, assuré un taux de couverture inférieur à 100 % et décroissant dans le temps. Ce taux s’établissait à 42 % en 2011, à 39 % en 2012 et à 36 % en 2013.

La question du taux de couverture se pose dans un contexte de dégradation de la situation financière des départements, qui avait rendu nécessaire en décembre 2012 la mise en place d’un soutien d’urgence, sous la forme d’un fonds d’aide spécifique de 170 millions d’euros destiné aux départements les plus fragiles. Ceux-ci se trouvent en effet sous la double pression du dynamisme des dépenses sociales, en particulier en faveur de l’APA et de la PCH, et de la baisse de certaines ressources, notamment des droits de mutations.

Cette évolution dynamique de l’APA et de la PCH fait craindre un « effet de ciseau » lié au décalage croissant entre les rythmes de progression des concours de l’État et celui des prestations versées par les départements. La Cour des comptes, dans son rapport public annuel de 2013, a relevé que « le décalage entre les recettes affectées et les charges croissantes supportées par les départements s’observe tout particulièrement s’agissant des trois allocations universelles à la personne que sont l’APA, le RMI/RSA et la PCH » (19). Dans ce contexte, votre rapporteure sera attentive à ce que le montant des concours de la CNSA attribués aux départements lui permette a minima de prendre en charge une part constante des dépenses légales d’APA et de PCH à la charge des départements.

Préconisation n° 6 : adapter le montant des recettes de la CNSA affectées aux départements au rythme de progression des dépenses légales des départements en matière d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH).

II. LA CNSA DOIT AUJOURD’HUI ÊTRE RENFORCÉE AFIN DE POUVOIR ACCOMPLIR PLEINEMENT SES MISSIONS

Si la CNSA s’est progressivement affirmée comme une institution incontournable, son positionnement n’a rien d’évident. Caisse nationale chargée d’accompagner des politiques décentralisées, l’accomplissement de ses missions doit tenir compte du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

L’ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteure se sont pourtant montrées favorables à un renforcement des pouvoirs de la CNSA. Les représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) ont notamment admis que l’adaptation locale de politiques qui relèvent en grande partie de la solidarité nationale devait faire l’objet d’un encadrement de nature à permettre une égalité de traitement entre les territoires.

A. LA CNSA DOIT DISPOSER DES MOYENS D’ACTION ET DES CONNAISSANCES NÉCESSAIRES À L’EXERCICE DE SES MISSIONS

1. La persistance de disparités territoriales et la faible connaissance des besoins et des coûts

a. Les disparités dans la prise en charge de la perte d’autonomie

Des disparités subsistent sur le territoire, tant en matière d’offre collective dans les établissements et services médico-sociaux que s’agissant de la compensation individuelle de la perte d’autonomie.

L’offre collective dans les établissements et services médico-sociaux

Le programme de qualité et d’efficience (PQE) intitulé « Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA » présenté en annexe aux projets de loi de financement de la sécurité sociale comporte des indicateurs permettant de mesurer les écarts d’équipements entre les régions, en nombre de places par habitant et en dépenses exprimées en euros par habitant également.

Les disparités d’équipement concernant les établissements et services pour personnes handicapées sont mesurées à l’aide de coefficients de variation (écart-type rapporté à la moyenne exprimé en pourcentage) respectivement des taux d’équipement et de la dépense en euros pour 1 000 enfants.

Concernant tout d’abord l’accueil des enfants handicapés, les écarts interrégionaux de taux d’équipements, après s’être réduits entre 2007 et 2010, se sont accrus entre 2010 et 2012, pour atteindre 20,3 % en 2013 en nombre de places pour 1 000 enfants. La dispersion de la dépense entre les régions était, quant à elle, de 17,8 % en 2013.

ÉCARTS D’ÉQUIPEMENTS EN NOMBRE DE PLACES POUR 1 000 ENFANTS

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Écart interrégional

18,4 %

18,5 %

18,3 %

18,0 %

17,8 %

20,9 %

21,1 %

20,3 %

Médiane des régions

9,6

9,6

9,8

9,9

9,8

10,1

10,2

10,3

Moyenne nationale

8,8

8,9

9,0

9,1

9,1

8,9

9,0

9,0

Source : DREES pour données 2006, CNSA pour données 2007-2013 (FINESS). Champ : France métropolitaine.

Lecture : en 2013, on compte en moyenne sur la France métropolitaine (hors DOM) 9,0 places en établissements et services pour 1 000 enfants ; la moitié des départements dispose d’au moins 10,3 places pour 1 000 enfants. On observe une dispersion des taux d’équipement de 20,3 % autour de la moyenne nationale pour les régions. Plus le coefficient de variation est élevé, plus les valeurs sont dispersées autour de la moyenne - une diminution du coefficient de variation signifie donc une réduction des écarts territoriaux.

ÉCARTS DE DÉPENSES D’ÉQUIPEMENTS EN EUROS POUR 1 000 ENFANTS

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Écart interrégional

17,6 %

17,3 %

18,0 %

17,0 %

16,3 %

18,2 %

18,6 %

17,8 %

Médiane des régions

342

357

367

383

401

400

400

393

Moyenne nationale

317

331

343

361

369

366

366

377

Source : CNSA/CNAMTS, dépenses de l’assurance maladie concernant les établissements et services médico-sociaux pour les personnes handicapées, en euros pour 1 000 enfants.

Lecture : cf. ci-dessus

Les disparités sont encore plus importantes pour les adultes handicapés que pour les enfants handicapés, puisque, en 2013, les écarts d’équipements entre régions étaient de 28,4 % en terme de capacité d’accueil et de 26,3 % en terme de dépenses. Ces inégalités sont néanmoins en constante diminution depuis 2006 (20), date à laquelle les écarts atteignaient respectivement 37,4 % et 35,8 %.

ÉCARTS D’ÉQUIPEMENTS EN NOMBRE DE PLACES POUR 1 000 ADULTES

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Écart interrégional

37,4 %

33,1 %

31,0 %

31,3 %

29,8 %

29,4 %

29,6 %

28,4 %

Médiane des régions

1,3

1,5

1,7

1,8

2,0

2,1

2,1

2,2

Moyenne nationale

1,3

1,5

1,6

1,8

1,9

2,0

2,1

2,2

Source : DREES pour données 2006, CNSA pour données 2007-2013 (FINESS). Champ : France métropolitaine.

ÉCARTS DE DÉPENSES D’ÉQUIPEMENTS EN EUROS POUR 1 000 ADULTES

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Écart interrégional

35,8 %

34,8 %

33,1 %

27,7 %

32,2 %

30,7 %

31,4 %

26,3 %

Médiane des régions

52

57

61

61

73

77

83

89

Moyenne nationale

53

57

62

66

73

80

85

89

Source : CNSA/CNAMTS, dépenses de l’assurance maladie concernant les ESMS pour les personnes handicapées, en euros pour 1 000 adultes.

Les disparités territoriales sont moins importantes en ce qui concerne les établissements pour personnes âgées. Les écarts d’équipements entre les régions en 2013 ne s’élevaient qu’à 14,5 % en capacité d’accueil et à 11,8 % en dépenses. Si les écarts de taux d’équipement se sont sensiblement réduits depuis 2007, les inégalités de dépenses ont quant à elles eu cependant plutôt tendance à se creuser.

ÉCARTS D’ÉQUIPEMENTS EN NOMBRE DE PLACES POUR 1 000 PERSONNES ÂGÉES

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Écart interrégional

18,1 %

19,9 %

17,3 %

16,7 %

15,9 %

15,4 %

14,6 %

14,5 %

Médiane des régions

140,9

140,5

133,0

133,0

131,5

133,3

132,4

133,7

Moyenne nationale

134,9

132,4

128,4

128,6

127,3

128,5

127,6

128,3

Source : DREES pour données 2006, CNSA pour données 2007-2013 (FINESS). Champ : France métropolitaine.

ÉCARTS DE DÉPENSES D’ÉQUIPEMENTS EN EUROS POUR 1 000 PERSONNES ÂGÉES

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Écart interrégional

10,3 %

9,2 %

8,9 %

8,4 %

9,7 %

11,9 %

11,7 %

11,8 %

Médiane des régions

1 391

1 484

1 636

1 814

1 832

1 929

1 966

2 069

Moyenne nationale

1 436

1 505

1 652

1 826

1 861

1 978

2 030

2 092

Source : CNSA/CNAMTS, dépenses de l’assurance maladie en euros pour 1 000 personnes âgées.

Les données présentées dans les tableaux ci-dessus montrent que les niveaux et l’évolution des disparités entre régions varient selon l’indicateur utilisé : selon l’indicateur « taux d’équipement », elles se réduisent sensiblement pour les adultes handicapés et pour les personnes âgées et tendent plutôt à s’accroître pour les enfants handicapés. Selon l’indicateur « dépenses par habitant », les écarts évoluent de manière irrégulière pour les adultes et les enfants handicapés et tendent à croître pour les personnes âgées.

Au total, la réduction des inégalités territoriales en matière d’offre collective, lorsqu’elle existe, apparaît relativement limitée, notamment au regard des importants moyens nouveaux apportés au titre des grands plans nationaux (plan solidarité grand âge, plan Alzheimer, plan pluriannuel handicap). Ces résultats mitigés témoignent des difficultés que rencontre la CNSA dans la réduction des disparités entre les régions.

La compensation individuelle de la perte d’autonomie

Le niveau d’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) est inégal d’un département à l’autre.

Les disparités d’attribution de l’APA peuvent être mises en évidence en rapportant la dépense d’APA au nombre de personnes âgées de 75 ans et plus par département. En 2013, la dépense moyenne ainsi calculée était de 920 euros. Les écarts varient fortement entre les départements, la dépense moyenne par habitant de 75 ans et plus allant de 537 euros dans les Yvelines à 2 857 euros à La Réunion.

Le programme de qualité et d’efficience (PQE) annexé au PLFSS pour 2015 identifie plusieurs facteurs concourant à expliquer ces disparités, tels que : « le niveau des ressources individuelles […], l’hétérogénéité de l’état de santé par département, ou le plus ou moins grand isolement des personnes ». La Cour des comptes note toutefois dans sa communication sur la CNSA précitée qu’ « aucune étude ne permet actuellement d’avoir une explication objective des écarts à partir de ces facteurs ».

LES QUINZE DÉPARTEMENTS DONT LA DÉPENSE D’APA PAR HABITANT DE 75 ANS ET PLUS EST LA PLUS ÉLEVÉE EN 2013

Départements

Dépense totale d’APA

en 2013 (en euros)

Population

de 75 ans et plus

Dépense unitaire moyenne (en euros)

974 Réunion

84 525 209

29 588

2 857

978 Saint-Martin

1 574 333

579

2 719

971 Guadeloupe

42 894 126

27 347

1 569

20a Corse-du-Sud

22 356 977

14 695

1 521

977 Saint-Barthélemy

530 885

352

1 508

972 Martinique

44 866 856

30 304

1 481

973 Guyane

5 870 049

4 048

1 450

20b Haute-Corse

23 793 359

16 865

1 411

34 Hérault

137 221 293

103 001

1 332

62 Pas-De-Calais

158 476 215

119 157

1 330

23 Creuse

25 155 167

19 041

1 321

08 Ardennes

31 987 767

25 328

1 263

46 Lot

29 154 070

24 139

1 208

80 Somme

59 756 230

49 832

1 199

65 Hautes-Pyrénées

36 335 964

30 326

1 198

Source : données fournies par la CNSA.

LES QUINZE DÉPARTEMENTS DONT LA DÉPENSE D’APA PAR HABITANT DE 75 ANS ET PLUS EST LA PLUS FAIBLE EN 2013

Département

Dépense totale d’APA

en 2013(en euros)

Population

de 75 ans et plus

Dépense unitaire moyenne (en euros)

70 Haute-Saône

17 915 077

23 387

766

94 Val-de-Marne

71 346 398

93 366

764

60 Oise

41 868 052

55 067

760

53 Mayenne

25 103 884

33 161

757

75 Paris

127 791 006

169 467

754

39 Jura

20 572 434

27 692

743

85 Vendée

50 244 058

67 915

740

27 Eure

33 708 870

45 854

735

77 Seine-et-Marne

56 364 762

76 769

734

51 Marne

34 354 178

47 001

731

49 Maine-et-Loire

52 942 131

73 950

716

37 Indre et Loire

42 518 989

59 701

712

91 Essonne

48 609 345

80 331

605

92 Hauts-de-Seine

66 736 768

116 320

574

78 Yvelines

53 152 270

98 934

537

Source : données fournies par la CNSA.

Les disparités d’attribution de la PCH peuvent quant à elles être mises en évidence en rapportant la dépense de PCH à la population de 20 à 59 ans par département. En 2013, la dépense moyenne est de 44 euros. Les écarts entre les départements sont importants, allant d’une dépense de 13 euros à Saint-Barthélemy à une dépense de 97,30 euros en Haute-Corse.

LES QUINZE DÉPARTEMENTS DONT LA DÉPENSE DE PCH PAR HABITANT EST LA PLUS ÉLEVÉE EN 2013

Département

Dépenses totales de PCH en 2013 (en euros)

Population

de 20 à 59 ans

Dépense unitaire moyenne (en euros)

20b Haute-Corse

8 608 468

88 441

97,3

66 Pyrénées-Orientales

18 486 903

218 576

84,6

11 Aude

14 493 294

174 026

83,3

972 Martinique

16 658 458

203 768

81,8

48 Lozère

3 064 199

38 538

79,5

26 Drôme

17 920 347

245 195

73,1

33 Gironde

56 016 376

781 356

71,7

20a Corse-du-Sud

5 491 130

76 674

71,6

34 Hérault

39 083 015

546 222

71,6

46 Lot

5 427 899

82 623

65,7

54 Meurthe-et-Moselle

25 296 431

390 361

64,8

03 Allier

10 137 026

163 860

61,9

87 Haute-Vienne

11 237 903

187 350

60,0

971 Guadeloupe

12 380 475

206 948

59,8

18 Cher

9 053 060

152 001

59,6

Source : données fournies par la CNSA.

LES QUINZE DÉPARTEMENTS DONT LA DÉPENSE DE PCH PAR HABITANT EST LA PLUS FAIBLE EN 2013

Départements

Dépenses définitives de PCH en 2013

Population de 20 à 59 ans

Dépense unitaire moyenne en euros

977 Saint-Barthélemy

76 933

5 937

13,0

70 Haute-Saône

1 884 070

120 246

15,7

973 Guyane

2 115 342

118 069

18,0

24 Dordogne

3 670 450

197 991

18,5

978 Saint-Martin

380 512

20 442

18,6

45 Loiret

6 504 236

335 911

19,4

88 Vosges

4 772 809

190 019

25,1

57 Moselle

14 295 052

569 073

25,1

28 Eure-et-Loir

5 522 306

219 434

25,2

08 Ardennes

3 921 138

144 748

27,1

92 Hauts-de-Seine

24 283 644

887 762

27,4

975 St-Pierre-et-Miquelon

94 275

3 412

27,6

90 Territoire de Belfort

2 132 682

75 876

28,1

53 Mayenne

4 468 879

152 030

29,4

94 Val-de-Marne

22 318 739

744 304

30,0

Source : données fournies par la CNSA.

D’après le programme de qualité et d’efficience (PQE), les disparités constatées en matière de PCH peuvent s’expliquer notamment par « les caractéristiques des populations vivant sur les territoires, en terme de santé, de critères démographiques, de prévalence du handicap par exemple ».

À la demande de l’ADF, la CNSA a engagé une étude sur les disparités en matière d’APA et de PCH, dont les résultats seront disponibles au premier trimestre 2015. Cette enquête approfondie comporte un premier volet réalisé en partenariat avec la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). La seconde phase de l’étude, en cours à l’heure de la rédaction du présent rapport, comporte l’envoi de questionnaires quantitatifs à tous les départements ainsi qu’un travail beaucoup plus approfondi dans quinze d’entre eux, où des enquêtes de terrain sont effectuées. Pour la première fois, cette étude tente de mettre en relation les disparités existant en matière de montant, de taux de pénétration et de taux d’acceptation de l’APA et de la PCH avec différents facteurs explicatifs, qu’ils soient d’ordre organisationnel, socio-économique, ou liés à la politique départementale. Les quinze départements retenus pour l’étude approfondie présentent des caractéristiques différentes dans le but d’obtenir des résultats représentatifs de la réalité de la diversité des territoires.

Les aides techniques

Les aides techniques sont définies à l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles comme « tout instrument, équipement ou système technique adapté ou spécialement conçu pour compenser une limitation d’activité rencontrée par une personne du fait de son handicap, acquis ou loué par la personne handicapée pour son usage personnel ». Le terme recouvre un ensemble très vaste et hétérogène d’outils, parmi lesquels les fauteuils roulants, les audioprothèses, les cannes, les sièges de douche ou encore les téléagrandisseurs.

La CNSA est chargée d’une mission d’information et de conseil en matière d’aides techniques. Elle contribue également à l’évaluation de ces aides et veille à la qualité des conditions de leur distribution.

L’accès aux aides techniques se heurte notamment à l’existence d’inégalités entre les usagers et à un manque de connaissances.

– L’accès aux aides techniques est tout d’abord marqué par des inégalités sensibles entre les usagers, la prise en charge des besoins différant en particulier pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées.

Au plan réglementaire, les modalités de prise en charge des aides techniques sont définies différemment. Ainsi, les aides pouvant être prises en charge pour les bénéficiaires de la PCH sont, comme pour les bénéficiaires de l’APA, celles inscrites sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) de l’assurance maladie, mais aussi celles figurant dans l’arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de la prise en charge des aides techniques par la PCH (21), qui s’appliquent de façon subsidiaire et complémentaire au financement de l’assurance maladie. Concernant l’APA, seulement 8 % du montant des plans d’aide à domicile sont affectés à des aides techniques ou à des petits aménagements de logement. En outre, à la différence de la PCH, aucun arrêté ne fixe la liste et le tarif de prise en charge des aides techniques au titre de l’APA.

Par ailleurs, les personnes handicapées bénéficient d’importants financements complémentaires, sans équivalents pour les personnes âgées dépendantes. Elles reçoivent en effet des compléments de subvention apportés par les fonds départementaux de compensation, gérés par les MDPH, et bénéficient également de financements, pour les salariés, de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) ou, pour les agents publics, du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Il en résulte que, pour un même handicap ou une même déficience, les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes n’ont pas un accès équivalent aux aides techniques.

Les fonds départementaux de compensation du handicap fonctionnent eux-mêmes de manière très hétérogène. Ces fonds sont chargés d’accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge après déduction de la PCH. L’absence de régulation nationale induit une grande variété de fonctionnements des fonds. Dans une étude publiée en 2011 sur le sujet (22), la CNSA montre que leur fonctionnement, leur règlement intérieur, leurs contributeurs, les types d’intervention et les montants accordés diffèrent fortement selon les départements. Les 67 fonds de compensation ayant répondu à cette enquête interviennent dans le financement des aides techniques, qui représente en moyenne près de la moitié (47 %) des montants accordés, mais cette part varie de 5 % à 100 % selon les fonds. Ceux-ci financent en moyenne les aides techniques à hauteur de 838 euros. Là encore, ce montant moyen national masque une grande disparité des situations départementales, puisque le montant moyen décidé pour les aides techniques varie selon les départements de 522 euros à 2 541 euros. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, la CNSA réalise actuellement une étude sur la situation actualisée des fonds de compensation en 2013, dont les résultats seront disponibles au début de l’année 2015.

Dans ce contexte, votre rapporteure estime que la Caisse pourrait jouer un rôle accru en ce qui concerne l’amélioration des conditions de recours aux aides techniques et la réduction des inégalités d’accès, à la fois entre les bénéficiaires et entre les territoires.

Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours d’examen au Parlement, contient à cet égard une disposition permettant d’améliorer l’accès des personnes âgées aux aides techniques. Il prévoit ainsi de mettre en place, dans chaque département, une conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, chargée d’établir un programme coordonné de financement comportant notamment des mesures de nature à améliorer l’accès des personnes âgées aux aides techniques (23). Votre rapporteure tient à saluer la mise en place de ces programmes de financement, qui permettra de réduire les inégalités d’accès aux aides techniques en rapprochant la prise en charge des aides techniques des personnes âgées de celle dont bénéficient les personnes handicapées.

– Par ailleurs, la connaissance des nombreuses aides techniques reste limitée.

Le rôle d’animation et d’information de la CNSA en matière d’aides techniques s’est traduit par la mise en place de l’Observatoire du marché et des prix des aides techniques, lieu d’échanges d’informations entre les différents acteurs professionnels et associatifs concernés. La CNSA a également aidé à la mise en place de centres d’expertise nationaux sur les aides techniques. Elle fournit par ailleurs un appui aux MDPH en organisant notamment des réunions des correspondants techniques en matière d’aides techniques et mène une enquête périodique sur le fonctionnement des fonds départementaux de compensation.

Ces actions restent néanmoins insuffisantes au regard du constat partagé d’un manque d’information en matière d’aides techniques. Comme l’a noté notre collègue Annie Le Houerou, rapporteure pour avis des crédits du programme « handicap et dépendance » du projet de loi de finances pour 2015, « il est à cet égard particulièrement regrettable que la base de données sur les aides techniques, mise en place par la CNSA en 2008, ne soit plus accessible. Ce portail de recherche sur les aides techniques, destiné aux usagers, avait pour mission de centraliser les informations provenant de trois sources différentes, le Cerahtec, la fondation Garches et Hacavie à travers sa base de données Handicat. Après trois ans de fonctionnement, cette base de données a cessé ses activités le 1er juillet 2011 » (24). Votre rapporteure partage ce constat et estime que l’accès à ce portail doit à nouveau être envisagé.

D’une manière plus générale, la recherche en matière d’aides techniques doit être renforcée afin de pouvoir présenter aux personnes âgées et aux personnes handicapées une information claire, exhaustive et fiable sur l’ensemble des aides dont elles peuvent bénéficier. Au-delà de son rôle d’information et d’animation, la CNSA pourrait contribuer au développement et à la structuration de la recherche dans ce secteur particulièrement mal connu.

b. Le manque de connaissance des besoins et des coûts

Le constat de l’existence de carences dans la connaissance des besoins comme dans celle des coûts des établissements et services est unanime. L’ensemble des acteurs du secteur médico-social auditionnés par votre rapporteure, comme les différents rapports produits sur le sujet, s’accordent sur ce point.

L’insuffisante connaissance des besoins des personnes

Le guide méthodologique pour l’élaboration du schéma régional d’organisation médico-sociale (SROMS), réalisé par la CNSA et la DGCS en juillet 2011, identifiait déjà les obstacles auxquels les ARS allaient être confrontées dans le diagnostic des besoins, en dressant le constat d’un manque de connaissance des besoins et en pointant les points suivants : « Limite des connaissances épidémiologiques, surtout centrées sur les pathologies, et des connaissances sur la qualité de vie des personnes. Complexité de la notion de besoin qui résulte, non de la seule déficience, mais de l’interaction avec l’environnement, facteur essentiel de l’incapacité éventuelle de la personne à accéder à une vie sociale et professionnelle. Limite des connaissances d’observation sociale dans la population générale ».

Le schéma régional d’organisation médico-sociale (SROMS)

Le SROMS, défini par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, a pour objet de prévoir et de susciter « les évolutions nécessaires de l’offre des établissements et services médico-sociaux afin notamment de répondre aux besoins de prises en charge et d’accompagnements médico-sociaux de la population handicapée ou en perte d’autonomie » (article L.1434-12 du code de la santé publique).

À cet effet, le SROMS doit apprécier les besoins de prévention, d’accompagnement et de prise en charge médico-sociaux, au regard notamment des évolutions démographiques, épidémiologiques, socio-économiques et des choix de vie exprimés par les personnes handicapées, en perte d’autonomie ou vulnérables. Il détermine l’évolution de l’offre médico-sociale souhaitable pour répondre à ces besoins compte tenu, entre autres, de l’offre existante, de sa répartition et des conditions d’accès aux services et aux établissements.

Or, la CNSA ne dispose d’informations sur les besoins qu’à travers la synthèse des schémas régionaux d’organisation médico-sociale (SROMS), qui ne présentent pas d’évaluation précise et approfondie des besoins des personnes. La Cour des comptes souligne, dans sa communication d’octobre 2013 précitée, le caractère sommaire et incomplet de ces SROMS et note que « ce manque de connaissance des besoins est préjudiciable à la qualité des décisions prises en matière de répartition des moyens ».

Malgré les efforts consentis par la CNSA, ces schémas ne permettent pas encore de mener une approche comparative entre régions, pourtant indispensable pour que la Caisse joue pleinement son rôle.

Au-delà, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) notent par ailleurs dans leur rapport consacré à l’offre, aux besoins et aux modalités de financement des établissements et services pour personnes handicapées que « l’évaluation de l’adaptation de l’offre aux besoins des personnes est obérée par l’absence d’outils pertinents » (25). La commission « organisation institutionnelle » du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a également souligné récemment que « le secteur du handicap souffre du manque de chiffres, de statistiques, de données objectives. Il est nécessaire, comme le souligne le rapport de l’IGAS et de l’IGF, de recenser l’ensemble des besoins des personnes handicapées et de leur famille » (26).

Préconisation n° 7 * (27) : préciser le contenu des schémas régionaux d’organisation médico-sociale (SROMS) afin de les rendre assez homogènes pour effectuer des comparaisons entre les territoires.

L’insuffisante connaissance des coûts et des tarifs des établissements

La répartition équitable des moyens entre les établissements et services suppose une bonne connaissance de leurs prestations, de leurs coûts et de leurs tarifs. À cet effet, la loi de financement de la sécurité sociale du 24 décembre 2009 a confié à la CNSA la mission de mener des études sur les coûts et les tarifs des établissements et services médico-sociaux, à partir des données qu’ils lui transmettent.

Pour cela, la COG conclue entre l’État et la CNSA pour la période 2012-2015 prévoit que la CNSA s’appuie sur l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), dont le champ de compétence a été étendu au secteur médico-social en 2012. L’ATIH, qui dispose d’une longue expérience des études dans le secteur sanitaire, est désormais également chargée de concevoir des études de coûts concernant les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les structures pour personnes handicapées. Ses travaux font l’objet d’une convention-cadre pour 2013-2015 et de conventions annuelles, conclues avec la CNSA.

L’ATIH a mis en place deux dispositifs de mesure des coûts des EHPAD : les enquêtes de coûts et les études de coûts.

• L’enquête de coûts est un dispositif allégé de calcul des coûts. Menée en 2013 à partir de l’analyse des données de 2012, cette enquête consiste à mesurer les coûts réellement constatés dans les EHPAD en répartissant les charges non pas par section tarifaire mais par grande activité (hôtellerie, accompagnement des personnes, vie sociale et soins dispensés). Elle permet aux établissements de se comparer entre eux et peut être utile pour améliorer l’allocation des ressources, pour cibler des gains d’efficience dans les établissements, mais aussi dans le cadre des réflexions sur la réforme de leur financement.

Ce type d’enquête permet de disposer de résultats relativement rapidement : les données de 2012 ont été recueillies en 2013 et les résultats ont été restitués début 2014. Néanmoins, ceux-ci ne sont pas totalement satisfaisants. Ils permettent certes de calculer des coûts moyens par établissement, mais pas de tenir compte de la structure ou de la typologie des résidents. Pour cela, une étude de coûts est nécessaire.

• L’étude de coûts correspond à une méthodologie plus complexe de mesure des coûts. Au-delà de la connaissance des coûts par activité principale, elle vise à mesurer le coût moyen par catégories de résidents et de prises en charge. Les pathologies, à travers les coupes PATHOS (28), ainsi que le degré de dépendance, à travers le GIR (groupe iso-ressource) des résidents, sont pris en compte. L’étude de coûts permet ainsi de comparer des établissements n’ayant pas nécessairement les mêmes résidents, et donc de neutraliser l’effet de structure de sa clientèle.

Les résultats de cette étude ne pourront être présentés qu’en 2017. Ce délai, particulièrement long pour les acteurs souhaitant mettre en place de nouveaux dispositifs de financement, explique que l’ATIH ait commencé par mener des enquêtes de coûts.

Par ailleurs, faute de moyens suffisants, les premières enquêtes de l’ATIH se sont limitées aux EHPAD, alors que l’extension de ses missions concerne également les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les établissements et services pour personnes handicapées.

Si la connaissance des coûts des établissements et services médico-sociaux du secteur des personnes âgées devrait donc évoluer de façon significative dans les prochaines années, elle demeure en revanche très limitée dans le secteur des personnes handicapées, même si la mise en place le 26 novembre 2014 d’un comité stratégique sur la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées doit s’accompagner du lancement d’études de coûts également dans ce secteur.

La CNSA, afin de mener à bien sa mission de connaissance des coûts et des tarifs des établissements et services médico-sociaux, est donc très dépendante des moyens à la disposition de l’ATIH. Or, la Cour des comptes avait déjà qualifié cette agence, dans son rapport de 2011 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, d’ « opérateur fragile exposé à un risque de dispersion de ses forces » (29). Alors que l’ATIH a vu ses missions étendues au secteur médico-social, la Cour estime que ses moyens ont été insuffisamment renforcés pour lui permettre de mener à bien cette nouvelle mission. Elle note, dans sa communication d’octobre 2013 précitée, que « les éléments de connaissance des coûts et des tarifs [des] établissements et services sont à ce jour très limités. L’insuffisance des moyens que l’ATIH peut mobiliser à cette fin est d’autant plus pesante à cet égard que les études à réaliser ont pris beaucoup de retard. Malgré les besoins implicites d’enquêtes de coût contenus dans les missions confiées à la CNSA, lors de sa création, malgré la loi du 24 décembre 2009 et la dernière COG, qui lui confient explicitement la mission de réaliser des études de coûts, force est de constater que le lancement de ces études est à peine engagé, qu’il est dépendant de la disponibilité de moyens humains à l’ATIH et donc que la réalisation de progrès tangibles en la matière n’interviendra que dans plusieurs années ».

L’ATIH employait, au 31 décembre 2013, 123 collaborateurs, ce qui paraît peu au regard de ses nombreuses missions, qui concernent principalement le recueil et l’analyse des données couvrant toutes les activités de l’hôpital.

C’est pourquoi, dans la mesure où les études et les enquêtes de coûts sont indispensables à l’exercice de la mission principale de la CNSA consistant à répartir les ressources de manière équitable, votre rapporteure estime que les effectifs de l’ATIH devraient être renforcés.

Préconisation n° 8 : renforcer les effectifs de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) afin de lui permettre de faire face à l’extension de ses missions dans le secteur médico-social.

2. La nécessité de donner à la CNSA les moyens de mener une véritable action en faveur de la répartition équitable des ressources sur le territoire et de la connaissance des besoins et des coûts

a. Renforcer la capacité de la CNSA à mettre fin aux inégalités territoriales en matière de compensation de la perte d’autonomie

En matière de compensation collective

Afin de favoriser la répartition équitable des moyens entre les établissements et services sur le territoire, la CNSA peut agir à la fois sur les flux, c’est-à-dire sur la répartition des nouvelles places créées, et sur les stocks, par l’analyse des besoins de reconduction des moyens existants.

– Les critères de répartition des moyens nouveaux ont été révisés en 2010, à la suite de la création des ARS.

Critères de répartition des mesures nouvelles

Ø Personnes âgées :

– 50 % des mesures nouvelles sont déterminées sur la base de la part de la population régionale de 75 ans et plus dans la population française ;

– 50 % sont calculées à partir de l’euro par habitant (dépense effective sur le champ médico-social CNSA, unités de soins de longue durée (USLD) et actes infirmiers de soins des infirmiers libéraux).

Ø Personnes handicapées :

– 50 % pour le critère de la population régionale ;

– 30 % sur l’euro par habitant (dépense effective médico-sociale uniquement) ;

– 20 % relatifs au taux d’équipement.

Source : Cour des comptes, communication sur « La mise en œuvre des missions de la CNSA », octobre 2013.

Si ces critères de répartition des dotations régionales de mesures nouvelles présentent l’avantage d’être simples et objectifs, ils restent trop peu précis pour permettre une affectation fine tenant compte des spécificités de chaque région. Comme le note la Cour des comptes dans le rapport précité, « objectifs, ils peuvent constituer une première ligne de partage dans l’attribution des moyens. Ils sont cependant sommaires et n’apparaissent pas suffisants pour répondre à la mission première de la CNSA de répartition équitable de l’offre en ESMS dans les régions ». Elle suggère ainsi « d’envisager d’autres critères, qui intégreraient par exemple les équipements non financés par l’assurance maladie, les flux de population, les ressources financières des populations, etc. ».

Lors de son audition, M. Bruno Chèze, directeur de la MDPH de la Nièvre, a noté à ce sujet que « la CNSA ne prend pas suffisamment en compte les données sociodémographiques de certains départements. […] Tout comme les particularités géographiques et démographiques, […] l’histoire des départements doit elle-même être prise en considération ; par exemple, la Nièvre est un territoire d’accueil, comme la Corrèze pour d’autres raisons. En effet, prendre en compte uniquement la population, et non les personnes venant de la région parisienne ou d’autres départements, aboutit à fausser la connaissance en matière de listes d’attente et de taux d’occupation dans les établissements sociaux et médico-sociaux ».

Les directeurs généraux d’ARS auditionnés par votre rapporteure ont également proposé de prendre en compte d’autres critères de répartition des enveloppes entre les régions, comme le taux d’attribution de l’allocation aux adultes handicapées (AAH), le taux d’enfants en situation de handicap, ou d’autres éléments de santé publique comme, par exemple, la mortalité précoce.

Préconisation n° 9 * : affiner les critères de répartition des moyens nouveaux de création de places dans les territoires.

Les inégalités entre les territoires en matière de compensation collective de la perte d’autonomie sont aggravées par le mécanisme de la réserve ministérielle nationale.

La réserve nationale correspond à une part des dotations des grands plans nationaux allouée aux ARS, sur instruction expresse du ministre chargé des affaires sociales et de ses secrétaires d’État aux personnes âgées et aux personnes handicapées, comme complément d’enveloppe régionale pour couvrir le coût d’opérations ciblées.

Les enveloppes de la réserve nationale représentaient 10 % des mesures nouvelles de création de places et 10 % du volume financier consacré au financement d’opérations d’investissement dans le cadre du plan d’aide à l’investissement, ce qui correspond à des volumes considérables. Le montant de la réserve nationale a néanmoins été réduit dans le cadre du plan autisme 2013-2017, celle-ci ayant été fixée à 5 % du volume global des crédits médico-sociaux consacrés au développement de l’offre médico-sociale (hors enveloppe consacrée au développement des unités d’enseignement en maternelle).

La Cour des comptes porte un jugement particulièrement sévère sur ce mécanisme qui tend paradoxalement, en pratique, à accentuer les écarts d’équipement entre les territoires. Elle note ainsi, dans sa communication d’octobre 2013 précitée, que « les décisions prises dans le cadre de la réserve nationale, non seulement ne vont pas dans le sens d’une répartition équitable des moyens sur le territoire pourtant prévue par la loi et par la convention d’objectifs et de gestion, mais accroissent souvent les écarts de taux d’équipement entre les régions ». La Cour souligne également que « la mise en œuvre de la réserve nationale se fait donc indépendamment des critères de répartition votés par le conseil de la CNSA. La CNSA ne fait qu’appliquer la décision ministérielle en émettant, sur saisine des ministres, un avis qui reste consultatif ». Or, il s’avère que les avis de la CNSA ou des ARS sur ces opérations sont le plus souvent réservés ou défavorables. L’ensemble de ces raisons amène la Cour des comptes à recommander la suppression de la réserve nationale.

Si votre rapporteure partage le point de vue de la Cour quant à l’inefficacité de la réserve nationale en terme de réduction des disparités entre les régions, elle estime néanmoins que celle-ci peut permettre de financer des expérimentations nouvelles engagées dans certains territoires ou d’encourager les structures innovantes, sous réserve d’en encadrer un peu plus les conditions pour être retenues. C’est pourquoi la réduction du montant de la réserve nationale à 5 % du volume global des crédits médico-sociaux, adoptée dans le cadre du plan autisme 2013-2017, lui paraît constituer un compromis satisfaisant.

Afin de conserver une certaine souplesse dans l’affectation des crédits, elle estime qu’il est en effet préférable de réduire la réserve sans la supprimer totalement, notamment en limitant son enveloppe à 5 % des mesures nouvelles de création de places et à 5 % du volume financier consacré au financement d’opérations d’investissement dans le cadre du plan d’aide à l’investissement.

La réalisation d’un rapport annuel remis au Parlement détaillant l’affectation des crédits de la réserve ministérielle nationale permettrait d’éclairer la représentation nationale sur l’utilisation de ces fonds et d’accroître la transparence de cette procédure, dans le sens de ce qui a été fait pour la réserve parlementaire.

Préconisation n° 10 : limiter l’enveloppe de la réserve ministérielle nationale à 5 % des mesures nouvelles de création de places et à 5 % du volume financier consacré au financement d’opérations d’investissement dans le cadre du plan d’aide à l’investissement. Prévoir la réalisation d’un rapport annuel informant le Parlement de l’affectation de ces crédits.

– À côté de la répartition des moyens nouveaux, une action sur la reconduction des moyens existants permet à la CNSA de réduire les écarts entre les régions. Il s’agit même, comme le fait remarquer la Cour des comptes, du principal levier d’action dans les années à venir, dans la mesure où la création de places nouvelles représentera vraisemblablement des volumes plus faibles que durant les dernières années.

Le manque de connaissance de l’offre et des coûts des établissements et services, ainsi que des besoins des populations, mis en lumière supra, rend néanmoins une action sur les stocks difficile. Comme le note la Cour des comptes dans la communication précitée, « faute de disposer à ce jour d’outils permettant une approche territoriale comparative de l’offre en établissements et services médico-sociaux et de son adaptation aux besoins de la population, il est difficile pour la CNSA de procéder à une modulation de la reconduction des moyens existants ». La consolidation des SROMS (proposition n° 7) permettra d’améliorer la connaissance des besoins, alors que la réalisation d’études de coûts et d’enquêtes de coûts favorisera celle des coûts et des tarifs des établissements et services médico-sociaux.

Il existe par ailleurs une véritable carence dans le suivi des décisions d’orientation prises par les MDPH. M. Bruno Chèze, directeur de la MDPH de la Nièvre, a ainsi précisé lors de son audition qu’« il est demandé aux commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de notifier des orientations et des prestations, en lien avec les besoins repérés par les équipes pluridisciplinaires d’évaluation et les attentes des familles. Or les MDPH ont de grandes difficultés à connaître le suivi des décisions d’orientation, comme l’ont indiqué plusieurs rapports, en raison là aussi d’un manque d’articulation ». M. Yannick Deimat, directeur-adjoint de la MDPH du Finistère, a confirmé ces propos en indiquant que « le nombre de personnes suivies ou dossiers ʺactifsʺ est toujours compliqué à déterminer, puisque nous ignorons les décisions qui sont mises en œuvre ».

Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale, admet à ce sujet qu’ « alors que le projet annuel de performances du programme 157 du budget de l’État, « Handicap et dépendance », prévoit que nous indiquions tous les ans le taux de réalisation des décisions d’orientation, nous ne sommes pas en mesure de le faire du fait de l’absence d’un système d’information permettant de connaître les décisions prises par les MDPH, ainsi que d’un défaut de communication entre les systèmes d’information des MDPH et les systèmes d’information des établissements et services sociaux et médico-sociaux ».

Afin d’améliorer la fluidité des parcours et l’adaptation des décisions d’orientation prises au sein des MDPH, les échanges entre les MDPH et les établissements et services médico-sociaux doivent être renforcés.

Préconisation n° 11 : mettre en place un suivi de la mise en œuvre des décisions d’orientation des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en établissements et services médico-sociaux.

En matière de compensation individuelle

Les concours versés aux départements au titre de la compensation des dépenses d’APA et de PCH sont encadrés par des règles de péréquation financières détaillées dans le tableau suivant.

Critères pris en compte pour la répartition des concours de la CNSA
entre les départements

Ø Allocation personnalisée d’autonomie (APA) :

– nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, pour 50 % ;

– dépense constatée d’APA, pour 20 % ;

– potentiel fiscal (30), pour - 25 % ;

– nombre de foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active (sous certaines conditions de ressources), pour 5 %.

Coefficient total : 50 % rapporté à 100 %

Ø Prestation de compensation du handicap (PCH) :

– population âgée de 20 à 59 ans, pour 60 % ;

– nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et de pensions d’invalidité, pour 30 % ;

– nombre de bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), pour 30 % ;

– potentiel fiscal, pour - 20 %.

Coefficient total : 100 %

Un critère correctif intervient lorsque la part des dépenses nette du concours rapportée au potentiel fiscal est supérieure à 30 %. Le montant du concours ne peut en outre être supérieur au montant de la dépense de PCH du département.

Comme votre rapporteure l’a mentionné supra, il existe d’importantes disparités d’attribution de l’APA et de la PCH entre les départements.

• Les critères de répartition des concours, tout d’abord, laissent subsister des inégalités entre les territoires.

Pourtant, la modification de ces critères peine à se concrétiser, malgré les travaux menés par la CNSA en ce sens.

Afin de renforcer la péréquation financière, le conseil de la Caisse était parvenu en juin 2010 à adopter une proposition de modification des critères d’attribution des concours aux départements au titre de l’APA. Ce projet n’a toutefois pas abouti, alors même que les représentants des départements siégeant au conseil l’avaient approuvé. Le Gouvernement a en effet préféré suivre la demande de l’Association des départements de France (ADF) qui souhaite lier cette réforme à une amélioration de la compensation des dépenses par l’État, via une augmentation globale des concours financiers aux départements.

Votre rapporteure regrette cette décision qui retarde une réforme pourtant nécessaire et partage l’avis de la Cour des comptes, qui note à ce sujet qu’« il est regrettable qu’une proposition de réforme approuvée par le conseil de la CNSA, qui avait pleinement joué son rôle, ait été ajournée à la suite d’une discussion bilatérale avec l’État ». Elle estime que les critères de répartition des concours au titre de l’APA, mais aussi au titre de la PCH, doivent être modifiés afin de renforcer la péréquation financière.

Préconisation n° 12 * : à partir des travaux de la CNSA, engager une réflexion sur la mise en place de nouveaux critères de péréquation pour l’attribution des concours de la Caisse en matière d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH).

• Les inégalités en matière d’attribution de l’APA et de la PCH tiennent également aux différences de pratiques des équipes pluridisciplinaires chargées d’évaluer les besoins de compensation.

La convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue pour 2012-2015 précise que la CNSA a pour mission de « concourir à l’harmonisation des pratiques des MDPH, notamment en ce qui concerne l’évaluation des besoins et l’élaboration des plans personnalisés de compensation ». Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement tend à étendre cette mission d’harmonisation des pratiques à l’activité des équipes médico-sociales et aux services départementaux en charge de l’élaboration des plans d’aide à l’autonomie et de la gestion de l’APA.

Les fonctions d’animation du réseau des MDPH par la CNSA, ainsi que l’élaboration de documents d’appui aux pratiques, sous forme de guides, d’outils ou de référentiels, sont très appréciées par les MDPH.

Parmi ces outils, le Guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (GEVA) facilite le processus d’évaluation des besoins des personnes handicapées par les équipes des MDPH et constitue de ce fait un vecteur d’harmonisation des pratiques et donc d’équité de traitement. C’est pourquoi la CNSA a déployé, entre 2010 et 2012, un plan d’action en faveur de l’appropriation du GEVA, dont le bilan a été réalisé en 2013 à l’aide d’un questionnaire adressé aux MDPH. Ce bilan a montré une progression de l’utilisation du guide : sur les 74 MDPH ayant répondu au questionnaire, toutes, à une exception près, ont déclaré utiliser le GEVA début 2013, contre 75 % en 2009. Le type de situations pour lesquelles il est utilisé comme support à l’évaluation est également plus large, puisque 75 % des MDPH utilisaient le GEVA uniquement pour les demandes de PCH en 2009, contre 25 % des MDPH en 2013.

Les pratiques d’utilisation restent cependant hétérogènes. 83 % des MDPH continuent de n’utiliser le GEVA que partiellement. Parmi elles, 9 % l’utilisent pour toutes les situations, 40 % pour certaines prestations, 22 % uniquement pour l’évaluation des prestations de compensation et 13 % au cas par cas.

Les besoins de compensation des personnes âgées dépendantes sont quant à eux évalués au moyen de la grille AGGIR (autonomie, gérontologie, groupes iso-ressources), qui permet de déterminer le niveau de l’APA. Le modèle PATHOS permet également d’évaluer, à partir des situations cliniques observées, les soins médico-techniques nécessaires à la prise en charge de l’ensemble des pathologies des personnes âgées, en établissement ou à domicile.

La CNSA participe aux travaux de refonte de l’outil PATHOS, menés actuellement sous l’égide du comité des référentiels présidé par le Professeur Jean-Luc Novella. En actualisant et en réécrivant les ordonnances constitutives de cet outil d’évaluation des besoins en soins, la démarche vise à consolider et mettre à jour les algorithmes qui servent au calcul des moyens en soins des établissements pour personnes âgées.

Si l’utilisation de ces outils, le partage d’information et d’expériences, ainsi que le rôle d’animation du réseau des MDPH de la CNSA sont de nature à favoriser une harmonisation des pratiques, la Cour des comptes note que les compétences actuelles de la CNSA « ne [la] mettent pas réellement en capacité de ʺveiller à l’équité de traitement des demandes de compensationʺ, comme le prévoit la loi. Cette responsabilité est pourtant cruciale, au regard à la fois de l’importance des ressources publiques correspondant aux prestations de compensation du handicap attribuées par les MDPH et des fortes et persistantes disparités territoriales du traitement des demandes de compensation. Mais cette mission nécessiterait, pour la CNSA, d’être dotée d’un véritable pouvoir de contrôle sur les modalités de traitement par les MDPH des demandes de compensation du handicap ce qui pourrait être considéré comme contraire à la logique décentralisatrice voulue par ailleurs par le législateur ».

La dernière génération de conventions d’appui à la qualité de service conclues entre les départements et la CNSA, approuvée par le conseil de la CNSA en février 2012, autorise néanmoins celle-ci à suspendre le versement de ses concours aux départements en cas de non-transmission du rapport annuel de la MDPH, de son compte administratif, des états récapitulatifs de dépenses des prestations APA et PCH ou des données relatives au système d’information des MDPH, le SipaPH. Cette possibilité n’a été évoquée qu’une seule fois lors d’une discussion de la CNSA avec un conseil général, mais n’a jamais été mise en œuvre. Votre rapporteure estime que cette prérogative de la CNSA doit être mise en œuvre de manière systématique dès lors qu’un département ne lui transmet pas les informations demandées.

Préconisation n° 13 : rendre systématique la suspension du versement des concours de la CNSA aux départements lorsque ceux-ci ne lui transmettent pas les informations prévues dans la convention d’appui à la qualité de service qu’ils ont conclue avec la Caisse.

b. Favoriser la connaissance du patrimoine immobilier du secteur médico-social

La loi de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007 a confié à la CNSA une nouvelle mission consistant à contribuer au financement des investissements destinés à la mise aux normes techniques et de sécurité, à la modernisation des locaux ainsi qu’à la création de places nouvelles en établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Financée exclusivement sur les réserves de la Caisse jusqu’en 2010, cette politique bénéficie depuis 2011 d’une fraction du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA). Les plans d’aide à l’investissement ont permis d’améliorer l’accueil des personnes âgées et des personnes handicapées dans les établissements et services médico-sociaux, même si leur montant est en baisse depuis 2011.

Alors que des études ont été menées par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) sur le patrimoine immobilier du secteur hospitalier, il n’existe pas de réflexion comparable dans le secteur médico-social.

Afin de remédier à cette lacune, une évaluation du patrimoine des établissements et services médico-sociaux a été lancée en mai 2013 par l’ANAP, en partenariat avec la CNSA.

Cette évaluation est d’autant plus utile que l’immobilier constitue le deuxième poste de dépenses dans les établissements concernés et représente un élément important du reste à charge pour les familles, en particulier dans les régions où le prix du foncier est élevé.

Surtout, les besoins de modernisation des établissements et services médico-sociaux sont patents, notamment au regard du secteur hospitalier. En effet, celui-ci a bénéficié de plans d’investissements (Hôpital 2007, Hôpital 2012) qui lui ont permis – certes au prix d’un triplement de la dette des hôpitaux publics en une dizaine d’années – de rénover une grande partie de son patrimoine, si bien que l’âge moyen de son parc immobilier, de l’ordre de quinze ans, est relativement faible. Le secteur médico-social comprend quant à lui de nombreuses structures associatives qui ont hérité de demeures familiales ou historiques, dont l’entretien est souvent réduit au minimum. La moyenne d’âge du patrimoine immobilier est proche de quarante ans. Or, ce patrimoine représente environ 15 millions de mètres carrés – contre 60 millions dans le secteur sanitaire.

Lors de son audition, M. Christian Anastasy, directeur général de l’ANAP, a présenté les étapes et les principaux enjeux de l’étude menée par cette agence, dont les travaux sont encore en cours à l’heure de la rédaction du présent rapport. Il a précisé que « lorsque nous connaîtrons l’étendue du patrimoine, il nous faudra mesurer les besoins en investissements, savoir combien de mètres carrés supplémentaires il faut construire, et selon quelles normes ».

À cet égard, le directeur général de l’Agence a noté que l’application de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II », risquait de condamner les établissements à une double peine. Faute d’isolation performante, les dépenses énergétiques des établissements représentent en effet une part importante de leur budget, à laquelle une taxe supplémentaire pourrait s’ajouter. La question des normes environnementales, techniques ou de sécurité était déjà abordée par notre ancienne collègue députée Mme Paulette Guinchard, dans son rapport d’information de mai 2006 consacré au financement des établissements d’hébergement des personnes âgées (31). Elle notait ainsi, il y a plus de huit ans, que « la question du renchérissement des coûts, lié aux contraintes techniques de sécurité, constitue une des préoccupations les plus importantes des opérateurs et porteurs de projets dans le secteur de l’hébergement des personnes âgées entendus par la mission. Celle-ci estime indispensable que les conséquences financières des normes techniques et des réglementations fassent l’objet d’études d’impact sur les financements à prévoir et sur le coût de l’hébergement ». Ses conclusions sont aujourd’hui toujours d’actualité, dans la mesure où les établissements, souvent vétustes, ont rarement anticipé les exigences de mise aux normes qui s’appliqueront dans les prochaines années.

Afin de mesurer les besoins en investissements, l’ANAP a créé un référentiel, l’Observatoire des surfaces et coûts immobiliers en établissements de santé (OSCIMES), qui permet à une fédération, une association, un gestionnaire privé ou une collectivité publique de se faire une meilleure idée, avant de lancer un appel d’offres, du coût de la construction dans le secteur médico-social.

L’Agence a également mené des travaux sur les coûts d’exploitation, notamment en matière de maintenance et de renouvellement. M. Christian Anastasy estime à ce sujet que « les conseils généraux étant tentés de réduire les frais de maintenance au maximum, les bâtiments, faute d’entretien, deviennent très dégradés. On a connu ce phénomène dans le secteur hospitalier : il a rendu nécessaires les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012. Nous tentons, avec la CNSA, de lancer l’alerte sur ce sujet, mais les sommes en jeu font peur à tout le monde. Il est pourtant nécessaire d’aborder le problème ».

Votre rapporteure se réjouit qu’une étude soit enfin lancée afin d’améliorer la connaissance du patrimoine des établissements et services médico-sociaux. Comme elle a déjà eu l’occasion de l’évoquer le 24 octobre 2014 en séance publique à l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (32), elle estime que la dégradation du parc immobilier et les retards dans la prise en compte des exigences en termes de maintenance, d’entretien et d’adaptation aux normes rendent nécessaire la réalisation rapide d’un bilan approfondi consacré à ce sujet crucial.

Préconisation n° 14 * : demander au Gouvernement la réalisation, dans un délai maximum de deux ans, d’un rapport sur l’évaluation du patrimoine immobilier des établissements et services médico-sociaux afin de mieux connaître et d’anticiper ses besoins de modernisation.

c. Faire de l’évaluation et de la recherche une priorité

Avec près de 36 000 établissements et services sociaux et médico-sociaux, de nombreux organismes gestionnaires, des tarifications variées, des sources de financement nombreuses, plusieurs outils de pilotage et une gouvernance à la fois régionale et départementale, l’organisation du secteur médico-social est complexe, notamment au regard de celle du monde hospitalier. M. Franck Von Lennep, directeur de la DREES, a d’ailleurs évoqué lors de son audition la difficulté de l’observation statistique dans le secteur médico-social : « dans le champ du handicap et de la perte d’autonomie, l’observation statistique est un exercice très complexe en raison du grand nombre de prestataires, de la grande diversité des établissements et des statuts et de la décentralisation de la gestion. »

Aussi, la parution, en juillet 2013, d’un guide intitulé « Le secteur médico-social, comprendre pour agir mieux », réalisé par l’ANAP avec la participation de la CNSA, a permis à de nombreux acteurs de mieux appréhender ce secteur. M. Christian Anastasy, directeur général de l’ANAP, a souligné que ce guide, devenu un véritable document de référence, « est d’ailleurs le plus téléchargé parmi tous ceux que propose actuellement l’ANAP, avant nos recommandations en matière de chirurgie ambulatoire, ce qui prouve qu’il répond à un besoin ». La production de supports issus de travaux de synthèse, d’évaluation ou de recherche permet ainsi aux acteurs de mieux appréhender le secteur médico-social.

Pourtant, la recherche reste, d’une manière générale, essentiellement ponctuelle et peu structurée. Il n’existe pas d’équivalents aux programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) dans le secteur médico-social, qui fait face à une pénurie de chercheurs. Comme l’a évoqué lors de son audition Mme Marie-Ève Joël, présidente du conseil scientifique de la CNSA, « il faut bien voir que, pour la recherche, nous n’avons pas d’équipes pluridisciplinaires importantes sur la perte d’autonomie, comme au Personal Social Services Research Unit (PSSRU) à la London School of Economics (LSE) en Angleterre ou à l’institut Karolinska en Suède, qui disposent d’équipes d’une cinquantaine de chercheurs […] Je participe à un groupe de recherche sur le vieillissement qui essaie de mobiliser les énergies des 140 chercheurs qui en sont membres pour participer aux appels d’offres européens, mais cela reste très laborieux et il y a peu d’équipes françaises en sciences humaines et sociales capables d’animer un projet et d’en assumer la responsabilité ». Le manque de structuration de la recherche ne favorise pas l’attribution de subventions internationales aux chercheurs français, comme a pu le noter M. Jean-Yves Barreyre, vice-président du conseil scientifique : « en Angleterre et, surtout, en Suède et en Australie, les chercheurs parviennent à bénéficier de fonds internationaux ou européens – qu’ils viennent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou du Conseil de l’Europe – à côté des subventions nationales. Nous pourrions largement nous améliorer sur ce point ».

Dans ce contexte, plusieurs tentatives récentes témoignent de la volonté d’encourager et de structurer la recherche dans le domaine médico-social.

• Tout d’abord, le conseil scientifique de la CNSA est davantage associé aux décisions de la Caisse en matière de financement des programmes de recherche.

Le conseil scientifique de la CNSA

Le conseil scientifique assiste le conseil et le directeur de la CNSA dans la définition des orientations et la conduite des actions de la Caisse.

Composé de 22 membres, il regroupe des personnalités nommées pour une durée de quatre ans par le ministre chargé des personnes âgées et par le ministre chargé des personnes handicapées (11 membres) et des membres représentant un ministère ou un organisme (11 membres). Les experts sont issus de différentes disciplines : épidémiologie du handicap, démographie, médecine de réadaptation, chirurgie du handicap, pédopsychiatrie, psychiatrie, gériatrie et gérontologie, sciences humaines et sociales, notamment sociologie, droit. Il se réunit deux fois par an.

Le conseil scientifique joue auprès de la CNSA un triple rôle : orientation (par la définition des priorités assignées à la partie « dépenses d’animation, prévention et études » de la section V du budget de la CNSA), appui à la décision et aide méthodologique (projets de subventions de la section V), expertise et conseil (notamment dans le domaine des outils d’évaluation).

La CNSA finance, à travers la section V de son budget, les programmes de recherche dans le champ médico-social, pour un montant annuel de 10 millions d’euros. Le conseil scientifique est associé à la mise en œuvre de ce volet du champ d’intervention de la Caisse. Depuis 2011, il participe aux comités d’appels d’offres, pour apporter son expertise sur certains appels d’offres, notamment ceux gérés par l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), comme l’appel à recherches « handicap psychique et majeurs protégés », ou ceux menés avec l’Agence nationale de la recherche (ANR). Depuis 2014, deux représentants du conseil scientifique siègent au sein du comité d’appel d’offres, chacun étant spécialisé dans les dossiers consacrés soit aux personnes âgées, soit aux personnes handicapées. Mme Geneviève Gueydan, directrice de la CNSA, s’est félicitée, lors de son audition, de l’association nouvelle du conseil scientifique au choix des projets : « j’ai pu constater que des progrès ont été réalisés, ces dernières années, pour mieux articuler ce conseil scientifique avec l’activité opérationnelle de la CNSA. Il n’est pas évident de faire travailler ensemble et cohabiter un conseil scientifique composé d’experts, de chercheurs, et une structure comme la CNSA qui distribue des financements et appuie des acteurs opérationnels ».

• En outre, la CNSA a décidé en 2012 de participer, dans le cadre d’un partenariat avec l’École des hautes études de santé publique (EHESP) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), pour une période de quatre ans, au cofinancement de trois chaires dans le domaine de la recherche médico-sociale. Ces chaires sont animées par trois experts reconnus du secteur médico-social : M. Jean-François Ravaud pour la chaire « Participation sociale et situation de handicap », Mme Florence Weber pour la chaire « Handicap psychique et décision pour autrui » et M. Claude Martin pour la chaire « Social care, lien social et santé ».

Le comité de pilotage des trois chaires, présidé par les directeurs de l’EHESP, de l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), de l’École normale supérieure et de la CNSA, a demandé au conseil scientifique d’évaluer leurs travaux, afin de décider s’il convient de renouveler ce partenariat ou bien s’il est préférable d’orienter les efforts de la CNSA vers le financement d’autres actions de recherche.

• À cet égard, le développement de stratégies innovantes pose la question des cours en ligne ouverts à tous, communément appelés, en anglais, « massive open online courses » (MOOCs). Ces derniers ont fait l’objet d’une présentation devant le conseil scientifique par M. Antoine Flahault, ancien directeur de l’EHESP. La CNSA a décidé d’engager une réflexion sur la mise en place éventuelle, dans des conditions financières et d’organisation qui restent à définir, de telles MOOCs, en vue de faciliter l’accès aux travaux de recherche et aux enseignements relatifs aux personnes âgées et aux personnes handicapées.

Outre son conseil scientifique, le soutien à la recherche de la CNSA s’appuie sur une coopération avec la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Dès 2008, la DREES et la CNSA se sont associées, par la mise en commun de moyens financiers et humains, dans le cadre du lancement d’appels à projets de recherche sur plusieurs thèmes, notamment le handicap psychique, l’aide à domicile aux personnes fragiles, le handicap et la perte d’autonomie. Lancé en 2009, l’appel à projets « handicap et perte d’autonomie » a été transformé à partir de 2011 en un partenariat entre la CNSA, la DREES et l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), qui doit être renouvelé jusqu’en 2016. Il comprend un appel à projets général et des appels à projets thématiques, portant par exemple sur les personnes handicapées vieillissantes.

Votre rapporteure est convaincue que la recherche doit être au cœur de l’action de la CNSA. Elle salue les différentes tentatives destinées à encourager et à structurer la recherche en matière de perte d’autonomie, mais estime qu’il convient d’aller plus loin.

En particulier, force est de constater que la COG conclue pour 2012-2015 comporte relativement peu de dispositions sur le rôle d’appui à la recherche et à l’innovation de la CNSA. Les travaux préparatoires au renouvellement de la COG, qui s’engageront en 2015, devraient être l’occasion de mieux intégrer cette dimension. Le rôle du conseil scientifique devrait notamment être renforcé.

Par ailleurs, le caractère opérationnel de la recherche doit être accentué. La présidente du conseil scientifique a ainsi souligné lors de son audition que la recherche, plus développée et mieux structurée en Angleterre, se traduisait outre-Manche par des résultats concrets : « en Angleterre, l’évaluation conduite par le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) joue un rôle important. Les expérimentations sont systématiquement évaluées et, lorsqu’une évaluation est concluante, elle est suivie de recommandations en matière sanitaire et médico-sociale ». Il apparaît à cet égard indispensable de se pencher sur l’organisation de la recherche dans le champ de l’autonomie chez nos voisins européens.

M. Denis Piveteau, dans son rapport précité, revient également sur la nécessité de développer une dynamique de « recherche-action ». Partant du constat que « l’accompagnement des situations complexes de handicap souffre à la fois d’un manque de culture, et de sérieux besoins de documentation, dans l’évaluation objective des pratiques », il note qu’il existe néanmoins différentes expertises et pratiques probantes sur le terrain. Toutefois, celles-ci ne sont pas collectées et recensées. Aussi, afin d’améliorer l’accompagnement des situations complexes de handicap, il propose d’investir les différents champs de recherche existants sur le sujet « en visant un ʺaller-et-retourʺ permanent entre la collecte et l’analyse de données d’expérience, d’une part, l’élaboration et l’amélioration des référentiels de pratique, d’autre part ».

Votre rapporteure partage le constat du premier directeur de la CNSA selon lequel « il n’y aura pas d’amélioration de l’accompagnement si les savoirs et les connaissances restent figés » et souhaite insister sur la nécessité de favoriser les « allers-retours » entre les expériences de terrain et les connaissances fondamentales.

Préconisation n° 15 * : développer le rôle du conseil scientifique et mieux articuler ses travaux avec l’activité opérationnelle de la Caisse.

Enfin, les différents organismes menant des actions de recherche dans le secteur médico-social doivent être encouragés. Parmi eux, votre rapporteure souhaite insister sur le rôle des centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) d’une part, et sur celui que jouait le Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI) d’autre part.

• Les CREAI sont des centres d’observation et d’analyse des besoins des personnes en situation de perte d’autonomie ou d’exclusion. Dix-sept CREAI et quatre délégations régionales interviennent aujourd’hui dans vingt-trois régions, en particulier dans le domaine du handicap, mais aussi dans le champ des personnes âgées. Ils exercent des fonctions de conseil et d’appui aux acteurs, d’étude, d’évaluation et de formation. Leur cadre d’intervention a été conforté à l’issue d’un travail partenarial conduit par la DGCS en 2013 et associant des représentants de la CNSA, de la DREES, de l’ADF, des ARS, des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), en vue de proposer les moyens de préserver l’outil d’observation que constituent ces structures. Le cadre d’intervention des CREAI s’appuie donc désormais sur une charte reformulée en 2014. Ces centres ont bénéficié en 2013 d’un financement de la CNSA à hauteur de 600 000 euros.

Votre rapporteure tient à souligner le rôle important des CREAI, dont les moyens doivent être préservés. Ils contribuent notamment à fédérer les professionnels du secteur médico-social, alors que leurs études de terrain permettent d’alimenter la recherche.

• Depuis le 1er janvier 2011, l’École des hautes études en santé publique (EHESP) a repris l’ensemble des activités du Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI). Le fonds documentaire du CTNERHI, constitué au début des années 1970, comprenait plus de 13 000 ouvrages et 250 collections de périodiques. Il traitait des aspects psychologiques, sociologiques, économiques et juridiques du handicap. La banque de données SAPHIR gérée par le Centre comptait près de 13 000 références bibliographiques sur le handicap et l’inadaptation sociale. Le site Internet du CTNERHI n’est toutefois plus alimenté depuis le 31 décembre 2010.

Votre rapporteure regrette que les activités de ce centre, qui permettait de donner une certaine visibilité à la recherche dans le domaine du handicap, aient été reprises par l’EHESP, pour qui celui-ci ne constitue malheureusement pas la première des priorités.

B. LES SYSTÈMES D’INFORMATION RESTENT INADAPTÉS AUX EXIGENCES DES MISSIONS DE LA CAISSE, MALGRÉ DES EFFORTS TARDIFS

Le retard considérable pris en matière de système d’information dans le secteur médico-social nuit à l’analyse des coûts et à la qualité des remontées de données dont dispose la CNSA, bien que des progrès récents aient été constatés, notamment en ce qui concerne l’allocation des ressources des ARS.

1. Le retard considérable en matière de systèmes d’information

M. Luc Allaire, directeur de la CNSA jusqu’en juillet 2014, a porté un jugement particulièrement sévère sur les systèmes d’information de la CNSA lors de son audition : « nos systèmes d’information ne sont pas seulement inadaptés, ils sont quasiment inexistants. En ce qui concerne le secteur médico-social, la CNSA n’est pas à l’âge de pierre mais à l’âge Excel, ce qui vaut à peine mieux au XXIe siècle. Nous n’avons rien d’équivalent avec le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) des hôpitaux ou avec le système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM), pour la médecine de ville, qui sont des outils extraordinaires pour les chercheurs. Nous ne disposons pas de données nominatives anonymisées dans le cadre de la législation sur l’informatique et les libertés, qui permettraient d’établir des statistiques nationales et un suivi des études, à la fois pour les politiques publiques et pour la recherche. Nous avons donc tout à construire, conformément, du reste, aux objectifs de la COG ».

La Cour des comptes note quant à elle que « la CNSA ne dispose pas des systèmes d’information adaptés à l’ampleur de ses missions et à l’exigence de ses objectifs ».

Ce retard dans l’informatisation des données est d’autant plus préjudiciable qu’une connaissance précise des besoins et des dépenses permettrait d’améliorer tant la prise en charge des personnes dépendantes que la maîtrise budgétaire, dans une période où l’utilisation de chaque denier public doit être optimisée.

Les systèmes d’information couvrent deux champs autonomes : celui de l’offre collective, c’est-à-dire la répartition de l’objectif global de dépenses (OGD) entre les établissements sociaux et médico-sociaux, et celui des MDPH.

• Les systèmes d’information dans le champ de l’offre collective en établissements et services médico-sociaux ont été construits progressivement, souvent en réponse à des demandes ciblées portant sur des besoins à couvrir dans des échéances courtes, sans obéir à une logique d’ensemble. Les applications, construites pour la plupart avant la création des ARS, ont donné lieu à un système « en silo », caractérisé à la fois par la juxtaposition d’applications recoupant des informations identiques et par des applications consacrées isolément à un domaine restreint et très spécifique. La coexistence de différents systèmes – pour les ressources et la tarification, pour les autorisations de création de places, pour la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), etc. – obligeait les ARS et les services à saisir plusieurs fois les mêmes données.

Dans ce contexte, et comme le prévoit sa COG, la CNSA a lancé en 2011 un grand chantier « d’urbanisation » (33) des systèmes d’information du champ des établissements et services médico-sociaux, afin de les harmoniser. Elle a déployé progressivement le système d’information « Harmonisation et partage de l’information » (HAPI) pour l’allocation des ressources des ARS.

• Le retard est encore plus important en ce qui concerne les systèmes d’information des MDPH. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a confié à la CNSA la mise en œuvre d’un système d’information national, le système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH), alimenté par les données provenant des MDPH. Conformément aux précisions apportées par le décret n° 2007-965 du 15 mai 2007 pris pour son application, chaque MDPH a progressivement mis en place le système d’information de son choix.

En pratique, trois éditeurs de logiciels seulement ont assuré l’essentiel de l’informatisation des MDPH, mais des différences de paramétrage ont néanmoins contribué à générer une grande hétérogénéité de ces systèmes d’information. Certaines MDPH ont également fait le choix d’utiliser le même système d’information que leur conseil général. Ainsi, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) note, dans un rapport consacré au « Bilan du fonctionnement et du rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) » publié en novembre 2010 (34), que « cent systèmes départementaux […] ont pris la place de deux systèmes nationaux », OPALES et ITAC, lesquels étaient utilisés par les anciennes commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES) et commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP).

Le problème majeur découlant de cette hétérogénéité tient à l’absence d’interopérabilité entre les systèmes d’information des MDPH, ainsi qu’avec les systèmes d’information des départements dans certains cas, mais aussi et surtout avec ceux de la CNSA. En conséquence, comme le soulignait l’IGAS dès 2010 dans le rapport précité, les échanges directs entre MDPH sont impossibles, et les remontées d’information des MDPH vers la CSNA, complexes.

Aujourd’hui, force est de constater que la loi du 11 février 2005 confiait à la CNSA une mission impossible, consistant à fédérer des informations dont elle n’avait pas la maîtrise. L’absence de pilotage national est responsable du retard considérable pris par les systèmes d’information des MDPH. Alors que les départements étaient à l’origine réticents à confier ce pilotage à la CNSA, il semble qu’il existe aujourd’hui un consensus autour de cette proposition. Comme l’a constaté M. Jérôme Guedj, représentant de l’ADF, lors de son audition : « il est vraiment regrettable que tant de temps ait été perdu. Cette situation n’est en aucun cas adaptée aux sommes brassées. Elle suscite de plus la perte d’un nombre considérable d’informations et ne permet pas d’opérer un suivi fin. Même si certains efforts sont consentis en matière de suivi de l’orientation, la politique du « doigt mouillé » prévaut quand il s’agit d’estimer les besoins, notamment pour les personnes handicapées. Le citoyen ne peut pas comprendre qu’un président de conseil général se trouve dans l’incapacité de dire combien d’orientations ont été effectuées par la MDPH et sur quel type de handicap ».

Un audit piloté en 2013-2014 par la CNSA a confirmé les difficultés engendrées par les systèmes d’information actuels des MDPH, et préconisé, en accord avec l’ADF, la mise en place d’un système d’information mutualisé des MDPH.

2. Des perspectives récentes d’amélioration, à confirmer

a. Les systèmes d’information en matière d’offre collective

Le chantier d’« urbanisation » précité, qui a pour but d’assurer une meilleure communication entre les différents systèmes d’information, a permis de réaliser des progrès importants ces dernières années dans l’allocation des ressources aux ARS. Depuis 2012, la mise à disposition de l’application « Harmonisation et partage d’information » (HAPI), utilisée à la fois pour la tarification des ARS et pour le pilotage local de leurs enveloppes de tarification, permet à la CNSA de disposer de données de plus en plus fines sur l’exécution de l’objectif global de dépenses.

M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux à la CNSA, a précisé lors de son audition que « le système HAPI, déployé au sein des agences régionales de santé, nous permet de suivre en temps réel l’exécution des dépenses d’assurance maladie consacrées au financement des établissements et services médico-sociaux. Nous pouvons ainsi rendre compte, chaque trimestre, au comité de conjoncture du suivi de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) piloté par la direction de la sécurité sociale et, chaque année, au conseil de la CNSA. Cette application a désormais atteint sa vitesse de croisière ».

Depuis sa mise en place, le système HAPI s’est enrichi de nouvelles fonctionnalités, comme la possibilité pour les établissements et services médico-sociaux d’importer directement leur budget prévisionnel dans l’application. La CNSA construit en outre un nouveau système d’information permettant une remontée des comptes administratifs des établissements et services vers les ARS.

Dans sa note de suivi de la mise en œuvre, au 3 juillet 2014, de la COG 2012-2015, la CNSA constatait une appropriation croissante de l’outil HAPI, qui se traduit notamment par le fait que les ARS saisissent une part de plus en plus importante de leur dotation régionale dans l’application pendant la campagne tarifaire. La note précise que « dans le champ PA [personnes âgées], 81,5 % des DRL [dotations régionales limitatives] ont été saisies dans HAPI contre 67 % l’année dernière, et dans le champ PH [personnes handicapées] 85,57 % contre 62,5 % en 2013. Plus les ARS utilisent l’application pour tarifer les établissements et services, plus les données que contient HAPI et dont nous nous servons pour le pilotage sont pertinentes et exhaustives. C’est donc une tendance très positive. […] Du fait des progrès faits en matière de systèmes d’information, nous sommes en mesure de réaliser des prévisions d’exécution de l’OGD plus tôt dans l’année que ce que nous faisions avant 2012. Les deux dernières années, l’exécution constatée était bien dans la fourchette de prévision que nous avions faite. Enfin, notre accompagnement auprès des ARS semble se traduire par des premiers résultats positifs en termes de prévisions d’installations de places : la tendance est à l’amélioration de la fiabilité des prévisions en ce qui concerne les estimations faites en janvier de l’année donnée ».

Si le processus d’urbanisation peut prendre encore plusieurs années, il a d’ores et déjà permis d’améliorer la cohérence et l’efficacité des outils de pilotage dans le champ des établissements et services médico-sociaux.

b. Les systèmes d’information des MDPH

Tirant les conséquences de l’échec du « SipaPH », les résultats de l’audit piloté par la CNSA ont abouti à retenir une nouvelle orientation. Plutôt que de chercher à faire remonter des statistiques harmonisées produites par cent systèmes d’information différents – ce qui fut un échec –, il apparaît préférable d’élaborer un système d’information unique produisant des données de pilotage directement issues des processus de gestion de l’activité des MDPH.

Cette évolution figure dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement en cours de navette, qui propose de mettre en place un nouveau système d’information commun aux MDPH et interopérable avec ceux de la CNSA et des conseils généraux (35).

Le pilotage de la mise en place de ce nouveau système d’information serait confié à la CNSA. Conformément aux recommandations de l’audit, un comité d’orientation stratégique, composé de représentants des différentes parties prenantes du projet (ministères sociaux, départements, MDPH, etc.) serait chargé de valider, au fur et à mesure, les orientations stratégiques et la feuille de route de ce nouveau système d’information mutualisé. Les étapes intermédiaires et les conditions précises de réalisation de ce chantier de grande ampleur doivent toutefois encore être précisées par l’Agence des systèmes d’information partagés en santé (ASIP santé), qui accompagnera la CNSA dans la réalisation de ce chantier.

Afin de faciliter le recueil et la transmission des données relatives à l’activité des MDPH, en particulier celles concernant leurs usagers, le projet de loi prévoit également l’utilisation du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des usagers (NIR). Compte tenu des conditions particulières d’utilisation du numéro d’inscription au répertoire, prévues notamment par l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le décret en Conseil d’État prévu pour définir les conditions d’application de cette disposition devra être pris après avis motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Votre rapporteure se félicite de cette nouvelle orientation. Afin de rattraper le retard accumulé depuis bientôt dix ans en matière de systèmes d’information des MDPH, elle veillera à ce que ce chantier de grande ampleur puisse aboutir dans un délai de deux ans.

Préconisation n° 16 : veiller à ce que le système d’information mutualisé des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) prévu par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et piloté par la CNSA puisse être mis en place dans un délai maximum de deux ans.

Concernant enfin le suivi des décisions d’orientation, qui se situe à l’interface des systèmes d’information des établissements et services médico-sociaux et de ceux des MDPH, l’application Via-Trajectoire constitue une piste d’amélioration particulièrement prometteuse.

Via-Trajectoire est un logiciel destiné à permettre de réaliser une orientation personnalisée vers une unité de prise en charge du projet de suites de soins de chaque patient, au sortir des soins aigus, en s’assurant qu’il bénéficiera des compétences requises. L’aide à l’orientation est possible en direction des soins de suite et de réadaptation (SSR), de l’hospitalisation à domicile (HAD) ou en unités de soins de longue durée (USLD). Une extension pour l’admission en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est désormais utilisée dans neuf régions et un module pour l’accueil en établissements pour personnes handicapées est en cours de développement.

Via-Trajectoire peut ainsi être utilisé pour la gestion des parcours des personnes handicapées – notamment par les MDPH pour la gestion des listes d’attente en établissement – et des personnes âgées dépendantes. L’outil comporte trois entrées : une entrée pour les usagers, qui leur permet de suivre l’avancement du traitement de leur demande, une entrée pour les établissements, pour la gestion des listes d’attente, et une entrée pour les acteurs institutionnels (MDPH, ARS, conseils généraux).

Votre rapporteure estime que cet outil doit être généralisé, sachant que plusieurs ARS y consacrent déjà des financements. Un pilotage national, qui pourrait être conduit par la CNSA, est à cet égard nécessaire, afin de conforter le développement cohérent de ce dispositif.

Préconisation n° 17 : confier à la CNSA le pilotage et le suivi du développement de l’outil Via-Trajectoire dans le secteur médico-social.

III. LE RÔLE MAJEUR DE LA CNSA POUR FAVORISER LE DÉCLOISONNEMENT DES POLITIQUES ET LA PRISE EN COMPTE DU PROJET DE VIE

Alors que la nécessité de promouvoir la continuité des parcours de vie fait l’objet d’une prise de conscience partagée, la prise en charge et l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées se heurte au cloisonnement des politiques qui les concernent respectivement.

A. EN DÉPIT DE LA CRÉATION DE LA CNSA, LA PRISE EN CHARGE DES BESOINS DE LA PERSONNE RESTE TRÈS CLOISONNÉE

1. Le décloisonnement des politiques : une attente unanime

a. Une réflexion engagée dès la création de la CNSA

Les débats qui ont accompagné l’adoption de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité des personnes âgées et des personnes handicapées ont conduit à remettre en cause la pertinence de la distinction entre handicap et perte d’autonomie.

Notre collègue Denis Jacquat, alors rapporteur du projet de loi pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, notait ainsi que « plusieurs faits militent contre la distinction rigide traditionnellement faite entre le handicap et la perte d’autonomie liée à l’âge souvent appelée « dépendance ». Tout d’abord, fort heureusement, l’âge ne s’accompagne pas nécessairement de la perte d’autonomie. A contrario, la perte d’autonomie n’atteint pas seulement les plus âgés : outre les enfants handicapés, près d’un million d’adultes ont perçu une allocation en 2002. Or, le seul fait qu’ils touchent une telle allocation indique avec certitude qu’ils n’ont pas atteint l’âge de soixante ans. Enfin, la perte d’autonomie touchant les personnes au-delà de cet âge n’affecte pas uniquement les plus âgées d’entre elles. On peut par exemple évoquer les maladies neuro-dégénératives, certes plus fréquentes avec l’âge, mais pas l’apanage des plus âgés » (36).

En avril 2004, un rapport du Conseil économique et social, intitulé « Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap », présenté par M. Maurice Bonnet, mettait également en évidence le caractère inadapté du critère de l’âge, ainsi que les points communs existant souvent entre le handicap et la perte d’autonomie liée à l’âge (37).

Ces réflexions, partant du constat qu’ « il n’y a pas d’âge pour le handicap », invitaient à mettre fin à la distinction faite, non dans la situation des personnes, mais dans le traitement différencié de leur prise en charge.

Le rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap constitue « la première intuition » à l’origine de la création de la CNSA, selon les mots de M.  Alain Cordier, son premier président, auditionné par la mission.

Celui-ci a ainsi précisé que « cette intuition, qui s’est révélée juste, a eu très rapidement trois conséquences. A très vite été mise au jour l’aberration que constituait la barrière d’âge – je préciserai même : toute barrière d’âge. Ensuite, l’ensemble des acteurs membres du conseil de la CNSA se sont retrouvés autour d’une sémantique : la perte d’autonomie, quel qu’en soit le motif – naissance, accident de la route, grand âge, maladie… Cela a vite fait apparaître que nous étions face à une transition épidémiologique liée au vieillissement, qui se traduit par un fait majeur : la chronicité. Nous ne guérissons pas des maladies, mais nous n’en mourons plus – nous vivons avec. Cela a des conséquences sur l’autonomie ».

La prise de conscience de la nécessité d’organiser une compensation en dehors de toute discrimination liée à l’âge s’est également traduite par l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Celle-ci prévoit notamment de supprimer les « barrières d’âge », c’est-à-dire les différences de traitement et de prise en charge existant entre les personnes handicapées en fonction de leur âge. L’article 13 de la loi prévoit ainsi que les dispositions de la loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissements sociaux et médico-sociaux doivent être supprimées dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur.

b. Un décloisonnement des politiques plus indispensable que jamais dans le contexte actuel

Le développement des maladies chroniques

Le rapport du comité des sages présidé par M. Alain Cordier, intitulé « Un projet global pour la stratégie nationale de santé » et rendu public le 21 juin 2013 (38), identifie cinq évolutions du contexte actuel qui rendent nécessaire une réforme du système de santé et de soins : la chronicité, le vieillissement, la médecine personnalisée, l’impact de l’innovation technologique sur les besoins sociaux et la mondialisation.

Parmi ces évolutions, le développement des maladies chroniques, lié au vieillissement de la population et au progrès médical, constitue, selon le rapport du comité des sages, l’un des principaux défis des prochaines années. Dans un contexte où les progrès thérapeutiques sont suffisants pour que le patient ne meure pas mais souvent insuffisants pour qu’il guérisse, la qualité de l’accompagnement doit contribuer à la préservation de sa qualité de vie, dès lors que la guérison n’apparaît plus comme le seul objectif. La prise en charge des personnes en situation de perte d’autonomie, que celle-ci soit liée à l’âge ou à un handicap préexistant, correspond à cette préoccupation.

Or, la chronicité suppose une interface entre différentes compétences professionnelles et amène donc, quel que soit le secteur d’activité, à rendre ces interfaces aussi fluides que possible, afin d’améliorer la qualité des soins mais aussi de réduire les dépenses publiques de santé. M. Alain Cordier a en effet souligné lors de son audition que la chronicité et les polypathologies expliquaient désormais plus des deux tiers de la croissance de la dépense. Dès lors, une approche en termes de parcours de soins apparaît selon lui comme la seule alternative permettant à la fois d’améliorer la qualité des soins et leur adaptation à l’évolution des maladies et de faire face au défi du financement.

Votre rapporteure partage le constat selon lequel la réduction de la croissance de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) suppose un vrai changement de paradigme, la principale voie d’avenir consistant à renforcer la fluidité du parcours de soins et de santé, et donc à franchir la frontière entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, comme entre les établissements et le domicile.

Le vieillissement des personnes handicapées

Le vieillissement de la population, qui constitue la deuxième grande évolution identifiée dans le rapport du comité des sages précité, conduit également à faire en sorte que la prise en charge de la dépendance s’effectue en continuité avec l’offre de soins.

Le rapport précité souligne ainsi que « l’"enchaînement vertueux" entre la prise en compte des enjeux soignants par les mécanismes d’aide à l’autonomie et la prise en compte des enjeux d’autonomie par le système de soins, est la condition absolue pour que la prise en charge de l’autonomie des personnes âgées ne crée pas une impasse financière supplémentaire pour les comptes publics. Les dépenses d’aide à l’autonomie doivent, au contraire, être mises à profit comme des outils d’amélioration, tout à la fois de la qualité des soins, de la vie quotidienne des personnes et de la maîtrise de la dépense publique globale, appréciée sur le parcours de santé dans sa totalité. L’objectif est d’allonger le temps sans perte d’autonomie. L’espérance de vie s’allongeant (un trimestre par an), la question est de savoir si cet allongement perdurera, mais tout autant de savoir si ce temps gagné est un temps " en bonne santé ". Les dépenses de santé se concentrent dans les derniers temps de la vie et si on y inclut les dépenses sociales, celles-ci s’accroissent fortement lors de la perte d’autonomie ».

Ce vieillissement général de la population concerne également les personnes handicapées. Les travaux menés par la CNSA en 2010 ont conduit à définir spécifiquement le vieillissement de la personne handicapée. Une personne handicapée vieillissante est ainsi « une personne qui a entamé ou connu sa situation de handicap, quelle qu’en soit la nature ou la cause, avant de connaître par surcroît les effets du vieillissement. Ces effets consistent, plus ou moins tardivement en fonction des personnes, en l’apparition simultanée :

– d’une baisse supplémentaire des capacités fonctionnelles déjà altérées du fait du handicap ;

– d’une augmentation du taux de la survenue des maladies liées à l’âge, maladies dégénératives et maladies métaboliques, pouvant aggraver les altérations des fonctions déjà présentes ou en occasionner de nouvelles ;

– d’une évolution de leurs attentes dans le cadre d’une nouvelle étape de vie, sachant que les modalités d’expression de ces attentes seront très variables en fonction des personnes et de la situation de handicap dans laquelle elles se trouvent.

Le tout pouvant se conjuguer jusqu’à entraîner une réduction du champ des activités notamment sociales, que cette réduction soit d’origine personnelle (capacitaire ou liée à une modification des attentes) ou environnementale (liée aux possibilités offertes par l’environnement et ses éventuelles évolutions) (39).

Différents travaux mettent en évidence que l’augmentation tendancielle de l’espérance de vie moyenne des personnes handicapées est plus importante que celle de la population française dans son ensemble. L’enquête Établissements sociaux (ES) de 2010 montre ainsi que l’âge moyen des adultes présents dans les établissements médico-sociaux s’est accru, la part des personnes âgées de soixante ans et plus ayant quasiment doublé dans certains établissements. Cette enquête a également permis de constater une augmentation de l’âge moyen des personnes qui entrent en établissement : 12,4 % des adultes accueillis en établissements et services médico-sociaux sont âgés d’au moins 55 ans, soit environ 27 000 personnes sur les 218 000 recensés par l’enquête ES-Handicap de 2010, parmi lesquels 11 % sont âgés de 65 ans et plus. En 2006, cette population représentait 8,8 % du public accueilli. Cette progression, qui apparaît dans tous les types d’établissements, est particulièrement marquée dans les foyers d’accueil médicalisés (FAM), où près de 25 % des personnes ont plus de 55 ans, ainsi que dans les maisons d’accueil spécialisées (MAS) et dans les foyers occupationnels.

L’avancée en âge des personnes handicapées rend nécessaire le développement de nouvelles formes d’accueil, privilégiant la complémentarité des compétences et des structures accueillant les personnes handicapées, d’une part, et les personnes âgées dépendantes, d’autre part.

L’essor de la notion de parcours de vie

Depuis quelques années, les politiques médico-sociales semblent reposer sur une approche moins quantitative, pour privilégier une démarche davantage qualitative, centrée sur la notion de parcours de vie et de soins.

Comme l’a souligné avec justesse la nouvelle directrice de la CNSA, Mme Geneviève Gueydan, lors de son audition : « la création de plusieurs milliers de places, que nous avons connue ces dernières années, a été utile. Il faudra continuer de les décliner jusqu’au bout puisqu’elles ont permis de franchir des étapes positives, mais ce n’est pas nécessairement cette voie que nous emprunterons dans les années à venir. Nous aurons certainement besoin d’offres plus flexibles. Il faudra passer de la notion de place à celle de réponse accompagnée, afin de ne pas laisser les publics les plus fragiles, ceux qui sont dans les situations les plus complexes, se débrouiller seuls. Cela doit se faire en articulant les différents niveaux territoriaux et en mobilisant les acteurs en bout de chaîne ».

Mme Sabine Fourcade, directrice de la DGCS, a également précisé devant la Mission que « le conseil de la CNSA réfléchit à l’opportunité d’adopter une vision plus qualitative de l’offre de prise en charge, une vision excessivement quantitative de la répartition des crédits ayant prévalu jusqu’ici. Aujourd’hui, plus que de lancer des plans massifs de création de places, on cherche à adapter beaucoup plus finement la prise en charge aux besoins réels, via des transformations ou des créations plus ciblées sur des handicaps particuliers dont la prise en charge est insuffisante ou sur des territoires en difficulté ».

Le développement des maladies chroniques renforce d’ailleurs la nécessité de développer les parcours de vie et de soins, dans la mesure où l’accompagnement devient aussi important que les soins les plus aigus. Cette idée est au centre des préconisations du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM). Dans son rapport intitulé « Assurance maladie et perte d’autonomie », adopté à l’unanimité le 23 juin 2011 (40), le Haut conseil appelle à une plus grande continuité dans la réponse aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie comme dans leur prise en charge. Il souligne notamment qu’ « au grand âge, la présence très systématique d’un nombre élevé de pathologies, le plus souvent chroniques, rend tout à fait prioritaire l’articulation entre les soins cliniques et techniques d’une part, et l’accompagnement de la perte d’autonomie d’autre part ». Au terme de son analyse, le HCAAM entend mettre en avant cette idée essentielle que la perte d’autonomie de la personne âgée, bien que distincte de la maladie au sens strict, ne peut pas se traiter à part du trajet de santé de cette personne, ni même à part de la prise en charge de la santé de ses proches aidants familiaux. Il préconise que toute politique publique d’aide à l’autonomie des personnes âgées cherche à améliorer la continuité de leur « trajet de santé ».

Le rapport précité de M. Denis Piveteau, intitulé « Zéro sans solution : Le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches » propose quant à lui de partir des « situations de vie » pour offrir à chacun une « réponse accompagnée ». Afin d’éviter les ruptures de parcours, l’organisation médico-sociale doit être repensée, en renforçant notamment la coordination des acteurs de terrain.

Enfin, l’importance prise par la notion de parcours de vie a justifié que la CNSA y consacre la partie thématique de son rapport d’activité de 2012, intitulé « Promouvoir la continuité des parcours de vie » (41). La Caisse y constate que « la notion de parcours (parcours de soins, parcours de santé ou plus largement parcours de vie) tend à devenir un nouveau paradigme autour duquel s’articulent les propositions d’amélioration du système de santé et des politiques publiques en direction de publics fragiles » et formule un certain nombre de recommandations destinées à améliorer la fluidité de ces parcours.

2. Des politiques encore trop segmentées

En dépit d’un contexte démographique et financier favorable au décloisonnement des politiques, celles-ci restent encore trop segmentées dans le domaine médico-social.

a. Le cloisonnement des politiques destinées aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées

Une construction distincte des politiques

Dans le rapport précité du Conseil économique et social consacré à la prise en charge, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap, M. Maurice Bonnet revient sur la construction des politiques de la vieillesse et du handicap pour montrer que celle-ci s’est réalisée de façon séparée, « chaque sphère ignorant l’autre malgré la similitude des problématiques ».

C’est en 1975 que le législateur, avec la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées et la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales (42), met en place une politique en faveur des personnes handicapées, quelle que soit l’origine du handicap. La loi d’orientation de 1975 a été modifiée par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (43) qui dispose que la personne handicapée a « droit à la compensation des conséquences de son handicap quelles que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge et son mode de vie, et à la garantie d’un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante ». Comme le note M. Maurice Bonnet, « en modifiant la loi d’orientation de 1975, la loi de modernisation sociale pose le principe d’une compensation du handicap quel que soit l’âge de la personne et, par là, pose le début d’un principe de changement entre les frontières des différents champs de notre protection sociale. De plus, elle admet que le handicap peut s’accroître avec l’âge ». Les champs du handicap et du vieillissement restent néanmoins séparés.

Le maintien des « barrières d’âge »

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées comporte deux avancées tendant à un rapprochement des politiques en faveur des personnes handicapées, d’une part, et des personnes âgées, d’autre part. Tout d’abord, la loi de 2005 permet aux personnes handicapées de mettre en place un « projet de vie », c’est-à-dire de prendre en compte l’ensemble des événements intervenant dans leur vie et les différentes périodes et transitions qu’elle connaît, notamment son vieillissement. Cette notion, qui doit permettre d’éviter les ruptures de parcours, reste toutefois insuffisamment mise en œuvre.

Surtout, la loi du 11 février 2005 prévoyait de supprimer les « barrières d’âge ». L’article 13 de la loi dispose en effet que, dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur, les dispositions de la loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissements sociaux et médico-sociaux devaient être supprimées. Pourtant, près de dix ans après l’entrée en vigueur de la loi, cet article n’est toujours pas appliqué.

Le rapport du groupe de travail animé par M. Patrick Gohet, membre de l’Inspection générale des affaires sociales, sur « L’avancée en âge des personnes handicapées », publié en octobre 2013 (44), souligne à ce sujet que « tous les citoyens dont le handicap survient avant 60 ans sont concernés par ce dispositif législatif, y compris lorsqu’ils avancent en âge. Le groupe déplore que les personnes dont le handicap survient après 60 ans n’en bénéficient pas, la convergence prévue par la loi pour devenir effective en 2010 n’ayant pas été mise en œuvre ». Il constate qu’alors que l’avancée en âge des personnes handicapées apparaît clairement identifiée par les acteurs publics, « elle ne fait pas systématiquement l’objet d’une action concrète et coordonnée installée dans les priorités des calendriers ».

Le cloisonnement entre les politiques destinées aux personnes handicapées et celles en faveur des personnes âgées s’illustre au plus haut niveau de l’État, puisqu’il existe dans l’actuel Gouvernement deux Secrétariats d’État distincts, placés tous deux auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé : le Secrétariat d’État chargé de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, d’une part, et le Secrétariat d’État chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, d’autre part.

Bien que les politiques publiques menées récemment aillent dans le sens d’un rapprochement entre personnes handicapées et personnes âgées, notamment grâce au projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, cette séparation entre deux sphères aux problématiques souvent proches, sinon communes ne facilite pas l’action de la CNSA.

b. Le cloisonnement des politiques sanitaires et médico-sociales

Dans son rapport d’activité de 2012 précité, la CNSA déplorait la fragmentation de la prise en charge des besoins des personnes. Elle constatait ainsi que « l’action publique dans le champ de la santé et de l’action sociale se caractérise par une fragmentation en sous-secteurs aux cultures institutionnelles, aux expertises professionnelles et aux leviers d’intervention propres : le secteur ambulatoire, le secteur hospitalier, le secteur social, le secteur médico-social, le « secteur personnes âgées », le « secteur personnes handicapées », le « secteur santé mentale », etc. Dans le champ de la santé (au sens large, incluant le social et le médico-social), l’enchevêtrement des compétences de régulation s’ajoute à la fragmentation des acteurs : l’articulation entre le niveau régional auquel a été déconcentrée l’action de l’État et de l’assurance maladie (ARS) et le niveau départemental auquel ont été en partie décentralisées les politiques d’action sociale reste difficile ».

Le caractère sectoriel des politiques publiques produit des cloisonnements qui entrent en contradiction avec le caractère souvent multidimensionnel des problèmes à traiter. Il ne permet pas d’apporter des réponses globales, cohérentes et rapides aux situations des usagers du système de santé et du champ médico-social. C’est particulièrement le cas quand ces situations sont complexes et font appel à plusieurs compétences et à plusieurs formes d’accompagnement, qui peuvent elles-mêmes évoluer dans le temps.

Ce constat est partagé par l’ensemble des acteurs du secteur. Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques de la Fédération nationale de la Mutualité française a tenu à insister en particulier, lors de son audition, sur le fait qu’« il faudrait vraiment faire disparaître le cloisonnement entre le champ de la perte d’autonomie et celui du soin. Aujourd’hui encore, les réflexions, les modes de gestion, les systèmes d’information sont scindés entre ce qui relève de l’assurance maladie nationale et ce qui relève de la CNSA ; cela se fait au détriment des personnes, qui se trouvent piégées dans leur parcours de soins. Il faut impérativement favoriser la transversalité ».

En dépit d’une prise de conscience unanime, des obstacles structurels persistants empêchent la continuité des parcours de vie. Parmi eux, le manque d’interopérabilité entre les systèmes d’information utilisés par les différents professionnels rend difficile une continuité dans l’accompagnement des personnes, de même que l’existence d’obstacles juridiques au partage d’information entre professionnels, sur lesquels votre rapporteure reviendra. La CNSA, dans son rapport de 2012 précité, identifiait également des freins d’ordre sociologique et culturel, comme la technicisation du travail médical, la surspécialisation des professionnels, les différences de pratiques professionnelles, la hiérarchisation des métiers qui empêche de faire jouer pleinement leur complémentarité, ou encore les logiques de rémunération à l’acte, qui ne favorisent pas une vision globale des besoins des personnes.

Si l’articulation des politiques en matière d’offre sanitaire et médico-sociale au service de la fluidité des parcours s’est jusqu’à présent heurtée à un manque de stratégie globale et cohérente portée par les acteurs nationaux et locaux, le projet de loi relatif à la santé, présenté en Conseil des ministres le 15 octobre 2014 et dont l’examen est prévu au Parlement au premier semestre 2015, prévoit un certain nombre de mesures allant dans le sens d’un décloisonnement des politiques et d’une meilleure prise en compte des parcours.

B. LA NÉCESSITÉ DE DÉCLOISONNER LES POLITIQUES POUR UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE DES BESOINS DE LA PERSONNE

1. Le rapprochement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social

M. Alain Cordier a insisté lors de son audition sur la nécessité de décloisonner les politiques sanitaire et médico-sociale. Pour le premier président de la CNSA, « la véritable voie d’avenir consiste à travailler sur la fluidité du parcours de soins et de santé, donc à franchir la frontière entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, comme entre les établissements et le domicile ».

La continuité des parcours suppose à la fois de renforcer la coordination et la coopération entre les acteurs, de soutenir les initiatives en faveur du décloisonnement des politiques, de revoir les modalités de tarification et de favoriser les échanges d’information entre les professionnels.

a. Renforcer la coordination et la coopération entre les acteurs

Le rapprochement des professionnels permet d’améliorer la qualité de la prise en charge des individus, tout en étant source d’économies sur le plan financier. Par exemple, le fait de renforcer le personnel soignant la nuit dans les EHPAD vise à éviter bien des recours aux urgences hospitalières. De même, le fait de renforcer la présence d’auxiliaires de vie à domicile évite un certain nombre de chutes et de fractures du col de fémur.

La mise en place de parcours suppose avant tout une évolution des pratiques professionnelles vers une plus grande coopération. Le développement des maladies chroniques, le vieillissement des personnes handicapées et la complexification des situations des personnes nécessitent un partage de l’information entre les différents professionnels. Comme le note le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) dans son rapport de fin de mandature 2009-2012, « face à la complexité des handicaps concernés, le CNCPH souligne la nécessité d’un travail d’équipe multidimensionnel et polyvalent. Ainsi, la multiplicité d’interventions hyperspécialisées ne constitue pas la solution la plus adéquate » (45).

M. John Houldsworth, directeur-adjoint de la MDPH de Seine-Saint-Denis, auditionné par la mission, a mis en avant ce besoin de coordination entre les acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux au niveau des territoires, en soulignant que « nous devons donc travailler ensemble pour avoir les moyens d’agir et traiter de cas qui se révèlent de plus en plus complexes. Nous combinons de plus en plus en Seine-Saint-Denis des problématiques très lourdes en matière de santé, de handicap et d’insertion professionnelle et sociale, et nous avons besoin d’un regard pluridisciplinaire pour y répondre ».

C’est cette idée qu’exprime également M. Denis Piveteau dans son rapport précité, lorsqu’il note que « l’offre sanitaire et sociale doit se réorganiser pour ne plus simplement proposer des « places » mais des « réponses ». La place est une case dans laquelle ne rentrent que les profils qui lui correspondent. La réponse est un dispositif modulaire, capable de combiner plusieurs prises en charge médico-sociales, sanitaires, éducatives, et d’épouser les situations complexes ou évolutives ». Il préconise à cet égard de donner la faculté aux MDPH de convoquer, pour les situations les plus complexes, un « groupe opérationnel de synthèse » réunissant l’ensemble des acteurs de l’accompagnement susceptibles de concourir à la prise en charge d’une situation individuelle particulière.

Or, comme l’a constaté la nouvelle directrice de la CNSA, Mme Geneviève Gueydan, lors de son audition, ces pratiques de coopération opérationnelle autour des personnes et des situations « ne sont pas faciles [à mettre en œuvre] car l’organisation repose plutôt sur des logiques cloisonnées. On se heurte aussi à des problèmes de légitimité quant au pilotage de ces modes d’organisation coopératifs conçus pour transcender les frontières d’intervention ». Le développement des coopérations et l’apparition de fonctions de coordination qui en découle nécessitent des efforts de formation, de clarification et de repositionnement des acteurs.

Concernant la prise en charge à domicile, le comité des sages présidé par M. Alain Cordier préconise pour sa part dans son rapport précité d’inscrire dans les priorités des ARS le renforcement de la coordination entre l’hospitalisation à domicile (HAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) et les compétences en soins palliatifs.

Préconisation n° 18 : inciter les établissements de santé et médico-sociaux à mutualiser leurs moyens et leurs compétences et renforcer la coopération et la coordination entre les équipes de soins et les équipes médico-sociales.

b. Encourager les initiatives locales innovantes et étendre les expérimentations fructueuses

Plusieurs expérimentations en cours proposent une nouvelle méthodologie de travail privilégiant la coordination des acteurs au service de la continuité des parcours de soins. L’expérimentation dénommée « Personnes âgées en risque de perte d’autonomie » (PAERPA), celle des structures de services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD), ainsi que les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) méritent d’être généralisées à l’ensemble du territoire. Sur le terrain, les initiatives innovantes favorisant le décloisonnement des politiques doivent être davantage soutenues.

L’expérimentation « Personnes âgées en risque de perte d’autonomie » (PAERPA)

Les parcours de santé PAERPA, qui visent à prévenir et à limiter la perte d’autonomie des personnes âgées, sont actuellement mis en place dans neuf territoires pilotes. Ils se caractérisent par une prise en charge médico-sociale plus légère et par l’intervention de professionnels de santé de ville. L’enjeu est de parvenir, grâce à une meilleure organisation entre les acteurs, à maintenir à leur domicile, le plus longtemps possible et pour un coût raisonnable, les personnes qui le souhaitent dès lors que leur état de santé le permet.

Initiés dans le cadre de la stratégie nationale de santé, ces dispositifs s’articulent autour d’équipes professionnelles de proximité (médecin traitant, infirmier, pharmacien, kinésithérapeute, etc.). La démarche encourage une action en amont du risque de perte d’autonomie en agissant sur les facteurs d’hospitalisation évitable (dénutrition, chutes, dépression, problèmes liés aux médicaments…). Près de 190 000 patients âgés et 7 000 professionnels ont été identifiés dans les territoires d’expérimentation. Le premier PAERPA a été lancé dans le Lochois, en Indre-et-Loire, en septembre 2014.

Les médecins concernés sont sensibilisés à l’élaboration de plans personnalisés de santé (PPS). Ceux-ci sont déclenchés par les médecins traitants dès le repérage d’une situation à risque. Pilulier électronique, fiche de sortie d’hospitalisation, hébergement temporaire en sortie d’hôpital ou encore numéro unique dédié aux professionnels ont été développés dans le cadre de cette expérimentation.

Appelés à être généralisés, bien qu’aucun calendrier ne soit défini, les PAERPA coûtent en moyenne 1,87 million d’euros par an et par territoire. Ils doivent néanmoins permettre à terme de réaliser des économies en évitant le recours à l’hospitalisation et en favorisant le maintien à domicile. En fonction de l’état de la coordination entre les professionnels et du nombre de personnes âgées, le financement pour 2015 doit s’échelonner entre 500 000 et 2,5 millions d’euros.

Préconisation n° 19 : soutenir et généraliser à l’ensemble du territoire l’expérimentation dite « PAERPA », « personnes âgées en risque de perte d’autonomie ».

Le développement des structures de services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD)

Les structures de services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD), créées à titre expérimental, apportent simultanément un accompagnement dans les actes de la vie quotidienne et des soins aux personnes aidées, associant ainsi les compétences des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) à celles des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Ils assurent ainsi la continuité et la coordination des prestations d’aide et de soins auprès des mêmes publics (personnes âgées, personnes handicapées, personnes atteintes d’une pathologie chronique ou d’une affection de longue durée).

La mise en place des SPASAD devrait permettre de mieux articuler l’activité de ces services avec le reste de l’offre médico-sociale, d’autant que le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoit de les rendre éligibles aux financements destinés à la prévention de la perte d’autonomie.

Comme le note notre collègue députée Martine Pinville dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (46), Mme Ségolène Neuville, Secrétaire d’État à la famille, aux personnes âgées et à l’autonomie, a, le 27 septembre 2014, rappelé son attachement à l’objectif de transformer, dans les cinq ans, l’ensemble des SSIAD en SPASAD, ce qui contribuera opportunément au décloisonnement du secteur.

La transformation des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA)

Le plan Alzheimer 2008-2012 s’est notamment traduit par la mise en place des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA), chargées d’orienter, d’accueillir et d’offrir à toute personne âgée en perte d’autonomie une prestation adaptée, rendue par le bon professionnel, en articulant son action avec celles des dispositifs existants, en particulier les 552 centres locaux d’information et de coordination (CLIC) répartis sur le territoire. Compte tenu de leur succès, la généralisation des MAIA se poursuit, 252 structures de ce type ayant été mises en place fin 2014.

Ces maisons sont désormais ouvertes non seulement aux patients atteints de la maladie d’Alzheimer mais également à toutes les personnes âgées en perte d’autonomie. Dans ce contexte, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoit de rebaptiser le dispositif des MAIA en Méthode d’action pour l’intégration des services d’aides et de soins dans le champ de l’autonomie, afin de souligner qu’il s’agit non pas de « maisons » au sens physique, mais bien d’une façon de se coordonner au niveau local, destinée à toutes les personnes en perte d’autonomie.

Le dispositif MAIA constitue un exemple intéressant de coordination entre les professionnels, en particulier grâce à la notion de « guichet intégré », constitué de l’ensemble coordonné des lieux d’accueil, d’information et d’orientation pour les personnes âgées sur le territoire. Ce « guichet » est mobilisé dès qu’une personne âgée ou son entourage fait une demande d’aide ou qu’un besoin est identifié par un professionnel. Grâce à l’utilisation d’une grille d’analyse commune, les personnes peuvent bénéficier d’une analyse multidimensionnelle de leur situation, quel que soit le « guichet » auquel elles s’adressent (établissement de santé, centre communal d’action sociale, équipe médico-sociale du conseil général…).

Les études d’impact réalisées lors de l’expérimentation des MAIA ont mis en évidence une simplification des parcours des usagers, le nombre moyen d’interlocuteurs contactés avant de trouver le bon étant passé de 3,24 à 1,3.

L’expérience positive des MAIA montre en tout état de cause que les coopérations entre les professionnels au sein d’un même territoire constituent des dispositifs « gagnant-gagnant », même si elles ont souvent besoin de temps pour se mettre en place.

Des initiatives locales à encourager

Plusieurs initiatives menées au niveau local tendent à développer la fluidité des parcours de soins. Parmi elles, votre rapporteure souhaite mentionner en particulier les filières gérontologiques mises en place dans la région Rhône-Alpes ainsi que les actions de prévention de la perte d’autonomie assurées par le pôle gériatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges.

– Partant du constat partagé que les personnes âgées ont besoin d’une prise en charge globale dans le cadre d’un parcours de proximité sans rupture, les filières gérontologiques de la région de Rhône-Alpes associent, au sein d’un territoire d’action, l’ensemble des acteurs sanitaires et médico-sociaux concourant à la prise en charge globale des personnes âgées : hôpitaux, EHPAD, équipes mobiles de gériatrie, services d’aide à domicile et professionnels de santé libéraux.

L’enjeu de ces filières est d’éviter les ruptures de parcours et de créer une véritable dynamique d’organisation permettant d’assurer une prise en charge graduée des patients âgés, répondant à la fois à leur situation sociale, médicale, environnementale et familiale.

Chaque filière gérontologique couvre un territoire d’action, le plus souvent de niveau infra-départemental, dont le périmètre est déterminé par la présence d’une offre sanitaire de référence ainsi qu’en fonction des caractéristiques de santé de la population. La filière est animée par un comité de filière composé de représentants des professionnels des secteurs sanitaires et médico-sociaux, ainsi que des représentants d’usagers.

L’ensemble des acteurs et structures d’un territoire doivent en outre s’accorder sur une charte de filière qui permet de clarifier leurs rôles et leurs engagements réciproques pour assurer une prise en charge de qualité sans rupture. Ces « points de ruptures » sont, pour chaque filière, identifiés par les acteurs du territoire concerné. Selon les cas, il peut s’agir par exemple d’améliorer l’entrée en établissement sans passer par les urgences, du retour en EHPAD ou à domicile, de l’accès au plateau technique ou à certaines spécialités médicales. La charte prévoit également les modalités concrètes de relations entre les différents acteurs de la filière.

– Les actions de prévention de la perte d’autonomie assurées par le pôle gériatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges constituent un autre exemple de rapprochement entre des politiques traditionnellement cloisonnées.

À la demande des personnes âgées elles-mêmes, de leur famille ou du médecin traitant, un médecin gériatre et une infirmière coordonnatrice prennent rendez-vous pour un bilan d’autonomie au domicile même de la personne. Toutes les personnes de plus de soixante-quinze ans et les personnes de plus de soixante-cinq ans atteintes de polypathologies peuvent bénéficier de ce service. En fonction des résultats du bilan d’autonomie, un plan d’action est défini en partenariat avec les professionnels sanitaires et sociaux de terrain. Selon les besoins, des rendez-vous avec un ergothérapeute, un psychologue ou un psychomotricien sont programmés.

Ces plans de prévention de la perte d’autonomie, qui mobilisent les intervenants sociaux, les infirmiers, les médecins traitants et les EHPAD, donnent des résultats remarquables en termes d’autonomie, retardent sensiblement l’âge d’admission en EHPAD et font diminuer de manière significative le nombre d’hospitalisations ou le recours aux services d’urgence.

Votre rapporteure estime que ces bonnes pratiques, mises en place dans certains territoires, méritent d’être encouragées et de faire l’objet de plus de communication afin de permettre à l’ensemble des acteurs de s’en inspirer. Il ne s’agit pas de se contenter d’expériences réussies, mais de se donner pour objectif d’en faire profiter chacun.

Préconisation n° 20 : communiquer autour des références de bonnes pratiques pour que l’ensemble des acteurs puisse s’inspirer des initiatives réussies.

c. Revoir les modalités de tarification

Les directeurs généraux d’ARS auditionnés par la mission ont estimé que les modes de financement actuels constituaient un frein à la coopération des acteurs des différents secteurs et au développement de formes plus souples d’organisation des structures.

M. Philippe Calmette, directeur général de l’ARS du Limousin, a ainsi considéré que « se pose d’emblée la question du financement de ces parcours. Grâce au fonds d’intervention régional (FIR) et à la fongibilité des enveloppes, les ARS – là est leur valeur ajoutée – financent les politiques de prévention de la perte d’autonomie et permettent l’amorçage de ces parcours. Si toutefois nous ne réformons pas nos modes de financement actuels, en tuyaux d’orgue, il sera difficile aux ARS, qui n’en ont pas les moyens, de déployer ces parcours sur l’ensemble du territoire régional ».

Afin d’illustrer ses propos, M. Philippe Calmette a pris l’exemple précité de la politique de prévention de la perte d’autonomie menée par le pôle gériatrique du CHU de Limoges, pour noter que « tout récemment encore, le financement de ces plans [de prévention de la perte d’autonomie] était exclusivement assuré par le CHU, lequel y perdait financièrement puisqu’ils se traduisaient, pour les populations concernées, par une baisse des hospitalisations de 19 % en traumatologie, de 30 % en pneumologie et de 38 % en cardiologie, et signifiaient donc une perte de recettes liée à la tarification à l’activité (T2A). En d’autres termes, le CHU, qui investit dans la prévention de la perte d’autonomie, est aujourd’hui économiquement pénalisé par un système de tarification inadapté à cette stratégie des parcours de soins. Il est donc urgent de le faire évoluer ».

Dans ce contexte, votre rapporteure appuie les préconisations formulées par les directeurs généraux d’ARS en faveur de possibilités accrues de fongibilité des enveloppes sanitaire et médico-sociale de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). L’augmentation du fonds d’intervention régional (FIR) pourrait également permettre de faciliter la transversalité des interventions des ARS.

M. Alain Cordier, premier président de la CNSA, a également souligné lors de son audition que les modes de financement actuels n’incitaient pas au développement de parcours de soins. Il a estimé que « pour aller au bout de la logique, il faut accepter de lever un tabou, c’est-à-dire de s’interroger sur les modes de rémunération et de tarification, qui incitent à la verticalité et non à la transversalité ». À cet égard, le rapport précité du comité des sages, dont il était le président, a proposé de réunir, comme cela s’est fait dans beaucoup d’États américains, l’ensemble des acteurs impliqués, pendant plusieurs mois, pour réfléchir à la meilleure façon d’inclure des incitations à la transversalité dans nos modes de rémunération et de tarification.

Préconisation n° 21 : faire évoluer les modes de tarification et de rémunération de façon à permettre et à encourager les coopérations entre les acteurs et le décloisonnement des différentes politiques publiques concernées.

d. Favoriser les échanges d’information entre les professionnels

Les personnes relevant du secteur médico-social verraient leur situation améliorée si les conditions d’accès aux données du dossier médical personnalisé (DMP) étaient assouplies.

Au sein des MDPH, les médecins-conseils devraient avoir plus largement accès au DMP afin de connaître les éléments qu’il pourrait contenir sur l’état et la nature du handicap de l’assuré. Cela permettrait d’éviter à l’intéressé des démarches redondantes et, par là même, de simplifier le traitement des demandes.

De nombreux témoignages attestent également d’une difficulté à assurer un suivi des personnes âgées hébergées en EHPAD. Un manque de circulation de l’information est ainsi constaté entre le médecin conventionné par l’EHPAD, qui suit les personnes en semaine, et les services de permanence de nuit ou de week-end, qui interviennent lorsque l’état de santé d’une personne hébergée le nécessite. De même, lorsqu’une personne âgée dépendante entre en établissement, il n’existe pas de canal d’information suffisamment fluide pour permettre l’échange et la transmission d’informations entre les différents professionnels qui suivaient la personne (médecin généraliste, infirmières, etc.) et l’équipe de l’établissement ou son médecin conventionné. Là encore, outre la nécessité d’encourager les acteurs à échanger entre eux au niveau des bassins de vie, il est nécessaire sur le plan légal et administratif de favoriser un enrichissement du DMP et une meilleure circulation de l’accès aux informations qu’il contient.

Le décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social au service de la fluidité des parcours de soins suppose donc de lever les obstacles juridiques et techniques au partage d’informations entre professionnels de ces secteurs, dans le respect des droits des personnes.

Préconisation n° 22 : assouplir les règles de partage et d’échange d’informations entre professionnels de santé et personnels médico-sociaux.

2. Le rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées

Les personnes avançant en âge connaissent des réductions de leurs capacités qui, dans leurs conséquences, présentent des similitudes avec la situation et les besoins des personnes handicapées. De même, le vieillissement des personnes handicapées amène à réunir la prise en compte des handicaps liés à l’âge et ceux imputables à un parcours de vie différent.

La « convergence » des politiques en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes a été impulsée par la création de la CNSA et par la loi du 11 février 2005 précitée qui avait prévu la levée de la barrière d’âge de soixante ans. Pourtant, près de dix ans plus tard, seules des réponses partielles ont été apportées à cet objectif.

La mise en place de maisons départementales de l’autonomie (MDA) pourrait rapprocher utilement des politiques aux problématiques souvent communes.

a. Des réponses partielles au besoin de convergence des politiques

Trois types de convergence peuvent être distingués.

La convergence des prestations en espèces, tout d’abord, semble difficilement envisageable. En effet, le montant de la PCH, versée aux personnes handicapées, est supérieur à celui de l’APA, qui bénéficie aux personnes âgées dépendantes. Une harmonisation, qui ne pourrait s’effectuer qu’à la hausse, ne paraît pas réaliste dans le contexte actuel de nos finances publiques.

La convergence de la gouvernance devrait, pour sa part, être renforcée au niveau local avec l’adoption du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement.

Enfin, la convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation et de suivi de la personne, mériterait d’être approfondie.

L’amélioration de la gouvernance locale

Sur le modèle du conseil de la CNSA, qui réunit au sein d’une même instance les représentants des associations œuvrant en faveur des personnes handicapées et en faveur des personnes âgées, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement prévoit de créer des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA).

Cette nouvelle structure assurerait les fonctions actuelles du comité départemental des retraités et personnes âgées (CODERPA) et du conseil départemental consultatif des personnes handicapées (CDCPH).

En permettant la représentation des personnes âgées et des personnes handicapées au sein d’une même instance, et en assurant leur participation à l’élaboration, à la mise en œuvre et à la mise en cohérence des politiques de l’autonomie dans le département, les CDCA pourront contribuer au décloisonnement et à la convergence des politiques en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées.

Cette disposition, qui figurait dans l’avant-projet de loi mais qui a ensuite été supprimée du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale, a été réintroduite par un amendement du Gouvernement (47) en séance publique, en première lecture à l’Assemblée nationale. Votre rapporteure tient à saluer la présence de cette disposition, qui était attendue sur tous les bancs de notre Assemblée.

L’adaptation des structures d’accueil

Le vieillissement des personnes handicapées doit conduire à pouvoir accueillir celles-ci en EHPAD. Cet accueil tend à se développer, notamment à travers l’émergence d’unités dédiées aux personnes handicapées vieillissantes.

Les fonctions des EHPAD peuvent également, le cas échéant, être renforcées par un service susceptible d’intervenir à domicile ou en établissement ou par l’intervention des équipes d’hospitalisation à domicile.

L’adaptation des établissements et services à l’accueil de personnes handicapées vieillissantes suppose de trouver un équilibre entre l’évolution nécessaire de ces établissements et services et la prise en compte de leurs compétences propres. Pour cela, des actions de formation, qui pourraient être menées par la CNSA, permettraient d’aider à l’évolution des compétences des professionnels et de faciliter la compréhension réciproque de cultures et de savoir-faire différents.

L’évolution des outils et des méthodes de travail

À l’heure actuelle, les grilles permettant d’évaluer le niveau de dépendance et le besoin de compensation des personnes âgées, d’une part, et des personnes handicapées, d’autre part, reposent sur des approches différentes.

La grille AGGIR (autonomie gérontologie groupe iso-ressources), qui permet d’évaluer le degré de perte d’autonomie d’une personne âgée dans l’accomplissement de ses actes quotidiens, tient compte des actes que la personne ne peut pas accomplir seule. Le GEVA (guide d’évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée) s’appuie quant à lui sur ce que la personne handicapée peut réaliser de manière autonome.

Tout en tenant compte des spécificités propres à la prise en charge et aux besoins de chaque population, un rapprochement des grilles d’évaluation permettrait d’offrir une meilleure lisibilité pour l’évaluation et les conditions d’attribution des prestations APA et PCH.

Préconisation n° 23 : mettre en place une convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation des besoins et de suivi de la personne handicapée et de la personne âgée dépendante.

b. Développer les maisons départementales de l’autonomie (MDA)

Dès 2007, le rapport annuel de la CNSA (48) abordait la question des maisons départementales de l’autonomie (MDA), évoquant le rapprochement des politiques d’accompagnement des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Certains départements ont engagé́ une telle démarche après avoir installé́ leur MDPH.

L’avant-projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoyait de généraliser les MDA sous la forme d’un guichet unique ouvert aux personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient handicapées ou âgées dépendantes, ainsi qu’à leurs proches. Ce guichet devait s’appuyer sur les structures existantes dans les départements, à savoir les MDPH, dont la composition aurait été élargie.

Cette organisation aurait le mérite de la simplicité et de la lisibilité. Elle permettrait aux familles des personnes âgées confrontées à la perte d’autonomie d’un proche de se sentir moins perdues face au grand nombre d’acteurs intervenant dans la prise en charge de la perte d’autonomie. L’existence d’au moins un point de focalisation et de coordination dans chaque département offrirait, en outre, une garantie d’efficacité et de réactivité des politiques publiques menées par les acteurs nationaux comme locaux.

La généralisation des MDA n’est cependant pas proposée par le projet de loi déposé, qui comprend en revanche un cadre juridique stabilisé pour les départements souhaitant ou ayant décidé leur mise en place. Leur déploiement sur le territoire repose sur le volontariat des conseils généraux qui, de plus en plus fréquemment, choisissent de créer des MDA, c’est-à-dire des structures qui « absorbent » les MDPH.

Votre rapporteure estime que les MDA représentent une structure d’avenir des politiques de l’autonomie. Guichet unique permettant d’accueillir, de conseiller et d’orienter les personnes en perte d’autonomie, que ce soit en raison du handicap ou de l’âge, leurs familles ainsi que les professionnels, leur mise en place doit être à la fois encouragée et encadrée afin de dissiper les réticences qui peuvent s’exprimer à leur sujet.

Respecter la spécificité de la prise en charge des différents publics

Si les besoins des personnes âgées dépendantes et ceux des personnes handicapées sont en partie similaires, certaines spécificités, sans interdire un rapprochement des politiques, rendent inadaptée toute forme d’amalgame ou de confusion.

Tout d’abord, pour la même nature et le même degré de déficience, le projet de vie, c’est-à-dire les aspirations et les désirs des personnes, n’est pas le même pour une personne handicapée jeune et pour une personne âgée, souffrant par exemple de la maladie d’Alzheimer. En outre, si l’on constate un vieillissement des personnes handicapées, ce vieillissement intervient, dans la majorité des cas, plus tôt que le reste de la population. Une personne âgée devenant peu à peu dépendante dispose par ailleurs d’un patrimoine d’autonomie acquis et vécu qui n’existe pas, ou du moins beaucoup moins, chez la personne dont le handicap est inné ou acquis très tôt.

Il importe donc de veiller à la prise en charge de la spécificité des différents publics, le champ du handicap, en particulier, étant très complexe.

Engager un travail de dialogue et d’écoute, notamment avec les associations représentant les personnes handicapées

Les associations représentatives des personnes handicapées ont exprimé des réticences à la mise en place des MDA.

Si le Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) assure ne pas être hostile à l’idée de MDA, il pose de multiples conditions à cette éventuelle transformation des MDPH.

Lors de son assemblée plénière du 26 mars 2013, le CNCPH a en effet estimé que « bien que le concept d’évolution des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en Maison départementales de l’autonomie (MDA) soit un objectif concevable à long terme, les organisations du CNCPH estiment qu’il est prématuré de s’engager dès à présent sur cette voie ».

Les représentants du secteur du handicap souhaitent notamment « qu’un débat spécifique soit mené, dans la durée, avec l’ensemble des organisations représentatives des deux secteurs ». Ils estiment également que les MDPH doivent être « consolidées et stabilisées dans leur fonctionnement pour exercer pleinement leurs missions avant d’opérer une quelconque transformation ». Ils veulent enfin que les MDA existantes fassent l’objet d’une évaluation et « qu’un bilan qualitatif associant les usagers soit réalisé ».

De plus, le CNCPH s’est prononcé en faveur du « maintien du statut de groupement d’intérêt public à durée indéterminée des MDPH, dont la gouvernance est confiée à une commission exécutive. Aucun nouveau modèle de Maisons départementales de l’autonomie ne pourrait se concevoir avec une remise en cause de ce statut ».

L’inquiétude des associations œuvrant en faveur des personnes handicapées est compréhensible. La loi du 11 février 2005 précitée a en effet constitué pour elles un progrès considérable. Membres de leur commission exécutive (COMEX), elles sont associées à la gouvernance des MDPH. Elles s’inquiètent également, avec légitimité, de la question des moyens : ceux des MDPH sont déjà bien souvent insuffisants et la création de MDA doit s’accompagner de l’allocation de ressources supplémentaires conséquentes et garanties dans la durée.

La mise en place des MDA suppose donc d’engager un travail de dialogue et d’écoute, notamment avec les associations représentant les personnes handicapées, qui sont habituées à être acteurs des politiques du handicap. Les discussions engagées avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), le Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA), mais aussi les réflexions menées dans le cadre de la Conférence nationale du handicap devront permettre de définir la manière dont les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes pourront être représentées et rassemblées au sein de ces nouvelles structures.

Elle suppose plus généralement une participation effective des personnes handicapées et des parents d’enfants handicapés aux décisions qui les concernent.

Confier à la CNSA la définition d’un statut commun aux MDA

Il existe aujourd’hui différentes expérimentations de MDA, qui prennent des formes variées.

Quelques départements s’engagent, dans le prolongement d’une territorialisation de leurs politiques, dans un rapprochement géographique de leurs équipes d’accueil et, parfois, d’évaluation de la situation des personnes âgées ou handicapées. D’autres réfléchissent plutôt à une mutualisation de leurs pratiques professionnelles, considérant que les outils, les méthodes, les professionnels et les dispositifs mobilisés pourraient être communs, quand bien même les prestations finalement accordées resteraient différentes. L’état d’avancement de ces travaux est relativement hétérogène selon les départements.

Si elles présentent des formes d’organisation variées, les différentes MDA déjà créées sur le terrain s’inscrivent toutes dans une dialectique intéressante entre le souci de proximité et celui de mutualisation, et permettent de faire bénéficier à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées des aspects positifs de chaque secteur. Comme l’a noté la directrice de la CNSA, Mme Geneviève Gueydan, lors de son audition, « par exemple, pour les personnes âgées, il existe souvent des structures infra départementales gérées par le département, qui donnent le premier niveau d’information, mais qui n’existent pas nécessairement dans le secteur du handicap. Faire profiter les personnes handicapées d’un premier niveau d’information de proximité va plutôt dans le bon sens. De même, il peut être intéressant de faire bénéficier les personnes âgées, dans le cadre d’évaluations complexes, de l’apport d’un ergothérapeute qui travaille d’habitude à 80 % avec les personnes handicapées ».

La CNSA a observé et analysé des initiatives locales en fournissant un appui financier et méthodologique, entre mai 2010 et fin 2012, à trois projets de MDA, dans le Cantal, la Corrèze et la Côte-d’Or, et en animant un groupe de travail national. Ces trois projets cumulaient le rapprochement des organisations et la convergence des pratiques.

L’accompagnement de la CNSA s’est traduit par un appui méthodologique, sa participation aux comités de pilotage, l’organisation de réunions de travail entre les sites expérimentaux afin qu’ils échangent leur expérience et la réalisation d’une évaluation commune de l’expérimentation à partir des évaluations réalisées sur chaque site.

Un bilan du fonctionnement de ces trois MDA a été réalisé à la mi-2013 et a fait l’objet d’une présentation à la commission « Aide à domicile » du conseil de la CNSA en octobre 2013. Les premiers enseignements permettent d’identifier les points forts de ces expérimentations, mais également d’en repérer les fragilités. Ils font apparaître des enjeux forts autour des thèmes de la gouvernance, de la modélisation et du suivi des processus, ainsi que de l’accompagnement du changement auprès des équipes.

La mise en place des MDA doit en outre respecter le principe d’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire national. Le respect de ce dernier suppose notamment que ces nouvelles structures prennent la même forme juridique. Votre rapporteure estime à cet égard qu’elles pourraient prendre la forme de groupement d’intérêt public (GIP), statut qui a fait ses preuves pour les MDPH. Les prestations proposées doivent en outre respecter les mêmes minima.

Pour cela, votre rapporteure estime qu’il est nécessaire d’attribuer à la CNSA une fonction renforcée de pilotage, de régulation et d’évaluation de ces nouvelles structures. Cette fonction pourrait notamment consister, à partir des résultats de l’évaluation de l’expérimentation menée par la CNSA dans le Cantal, en Corrèze et en Côte-d’Or, à définir des critères validés par la CNSA pour étendre cette expérimentation.

Préconisation n° 24 : prévoir la généralisation d’un guichet unique ouvert aux personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient handicapées ou âgées dépendantes. Confier à la CNSA une fonction renforcée de pilotage, de régulation et d’évaluation de cette nouvelle organisation pour conforter une politique nationale de l’autonomie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales examine le rapport d’information de Mme Martine Carrillon-Couvreur en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au cours de sa séance du mercredi 21 janvier 2015.

Mme la présidente Catherine Lemorton.  Nous allons examiner le rapport d’information de Mme Martine Carrillon-Couvreur en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

La mission a travaillé sur la base d’une communication que la Cour des comptes lui avait transmise, à notre demande conjointe avec la commission des finances, le 10 avril 2014. La MECSS s’est réunie sur ce thème jusqu’à la fin octobre 2014, avant d’adopter, le 14 janvier dernier, le projet de rapport qui nous est soumis, au terme d’une réunion de travail dont il m’a été rapporté qu’elle avait été longue et fructueuse.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Sans vouloir faire une interprétation osée, je dirai que la question qui va être traitée maintenant à travers le rapport de la MECSS rejoint, d’une certaine façon, le débat que nous venons d’avoir sur la fin de vie. Ce sujet et l’accompagnement de la perte d’autonomie tout au long de la vie sont au centre des préoccupations de tous nos concitoyens.

Je salue les deux co-présidents de la MECSS, Mme Gisèle Biémouret et M. Pierre Morange.

Après environ six mois d’auditions, et avec l’assistance de la Cour des comptes, la MECSS a adopté, le 14 janvier dernier, son rapport sur la mise en œuvre des missions de la CNSA. La Caisse a été créée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, adoptée après le drame de la canicule de l’été 2003 qui avait fait près de 15 000 victimes. Si plusieurs documents, rapports et études ont suivi le cheminement de cette Caisse, dix ans après sa création, le temps était venu pour la MECSS de tirer le bilan de la mise en place de cet organisme original.

Dix ans, c’est très peu finalement, si l’on songe à la place centrale qu’occupe désormais la CNSA dans le paysage médico-social. C’est le premier constat de la MECSS auquel est consacrée la première partie du rapport : la CNSA s’est imposée comme un acteur incontournable et a su trouver sa place au sein d’un secteur médico-social à l’organisation complexe et fortement décentralisée.

Plusieurs aspects témoignent du bilan globalement positif de la CNSA.

Tout d’abord, le mode de gouvernance de la CNSA, précurseur il y a dix ans, constitue aujourd’hui un modèle dans les secteurs sanitaire et médico-social. Il a facilité le développement d’une culture commune, souvent réclamée, dans l’approche de la compensation de la perte d’autonomie. En effet, le conseil de la CNSA est composé des partenaires sociaux, mais également des représentants des associations œuvrant dans le champ du handicap et des personnes âgées, de représentants des conseils généraux, de représentants de l’État, de parlementaires, de représentants d’institutions intervenant dans les domaines de compétence de la Caisse, et de personnalités qualifiées. Cette composition originale, qui se distingue de celle des conseils d’administration des caisses historiques de sécurité sociale, traduit la volonté d’associer l’ensemble des acteurs du champ médico-social à la conception et à la mise en œuvre de la politique de compensation de la perte d’autonomie. Qualifiée de « démocratie médico-sociale », cette gouvernance a permis la co-construction d’une politique de compensation de la perte d’autonomie. Il nous a semblé que la participation au conseil de la CNSA de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) favoriserait encore davantage une approche transversale de la politique d’autonomie.

Instance originale, la CNSA s’est également imposée comme un acteur incontournable du paysage médico-social grâce à l’extension progressive de ses missions, lesquelles devraient être encore élargies par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, une fois adopté. Dans un secteur confronté à de nombreuses réformes, la CNSA doit être perçue comme un point de repère. Alors que la réforme territoriale, dont les contours précis ne sont pas encore connus, risque de modifier le positionnement des acteurs de terrain qui portent les politiques médico-sociales, la CNSA constitue un élément de continuité et est, de ce fait, à même de jouer un rôle essentiel de sécurisation, d’appui, d’accompagnement et d’aide à la gestion des transitions dues aux grandes évolutions annoncées dans les prochaines années.

Si la CNSA a su trouver sa place parmi de nombreux acteurs, entre un État stratège et une gestion de proximité, il nous a néanmoins semblé que ses relations avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) méritaient d’être clarifiées.

J’ai également souhaité aborder dans le rapport la question du financement des établissements et services médico-sociaux, auquel se rapportent les crédits de la section I du budget de la CNSA. Les modalités de tarification actuelles ne sont pas satisfaisantes et peinent à évoluer. Un comité stratégique sur la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux qui accueillent les personnes handicapées a néanmoins été mis en place le 26 novembre dernier par Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. La MECSS souhaite que la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux, attendue depuis longtemps, puisse se concrétiser dans un délai de trois ans.

En attendant, la contractualisation entre l’administration et les gestionnaires de structures médico-sociales doit être développée. C’est pourquoi je propose de rendre obligatoire la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux et les autorités chargées de l’autorisation de ces établissements et services. Les CPOM, qui offrent une souplesse de gestion nouvelle en permettant des engagements de financement pluriannuels, sont trop peu développés, malgré leur intérêt.

Le budget de la CNSA contribue également, à travers ses sections II et III, au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). Dans un contexte où le versement de ces prestations représente une charge croissante pour les départements, la MECSS rappelle la nécessité de sanctuariser les recettes de la CNSA et de veiller à ce que le montant de ses recettes affectées aux départements soit adapté au rythme de progression des dépenses légales des départements en matière d’APA et de PCH.

Dans la deuxième partie du rapport, j’ai souhaité insister sur la nécessité de renforcer la CNSA, afin de lui permettre d’accomplir pleinement les nombreuses missions qui lui ont été confiées.

Plusieurs difficultés ont été identifiées : des disparités importantes subsistent sur le territoire, tant en matière d’offre collective que s’agissant de la compensation individuelle de la perte d’autonomie. En matière d’offre collective, dans les établissements et services médico-sociaux, on note d’importants écarts d’équipements entre les régions, en nombre de places par habitant comme en dépenses par habitant. En matière de compensation individuelle, le niveau d’attribution de l’APA et de la PCH est également inégal d’un département à l’autre.

La définition de critères plus fins de répartition des moyens nouveaux pour les créations de places dans les établissements permettrait de mieux répartir les crédits en fonction des spécificités respectives de chaque territoire. De même, de nouveaux critères de péréquation pour l’attribution des concours de la CNSA en matière d’APA et de PCH permettraient d’améliorer la répartition des crédits entre les départements.

L’action de la CNSA est également entravée par des carences dans la connaissance des besoins sur le territoire, comme dans celle des coûts des établissements et services. La répartition équitable des moyens entre les établissements et services suppose, en effet, une bonne connaissance de leurs prestations, de leurs coûts et de leurs tarifs. Pour cela, la CNSA s’appuie sur l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), dont le champ de compétence a été étendu au secteur médico-social très récemment, en 2012. Or les moyens de l’ATIH sont insuffisants – même la Cour des comptes en convient : dans la mesure où les études et les enquêtes de coûts menées par cette agence sont indispensables à l’exercice de la mission principale de la CNSA consistant à répartir les ressources de manière équitable, j’ai proposé que les effectifs de l’ATIH soient renforcés.

Le manque de connaissances concerne également le patrimoine immobilier du secteur médico-social, sujet souvent évoqué au sein même de cette commission ou à l’occasion de nos travaux dans le cadre de la MECSS. La dégradation du parc immobilier rend nécessaire la réalisation rapide d’une évaluation de ce patrimoine afin de mieux connaître et d’anticiper ses besoins de modernisation, qui sont particulièrement importants.

D’une manière plus générale, il nous est apparu que la recherche dans le secteur médico-social restait trop ponctuelle et peu structurée, alors qu’elle devrait être au cœur de l’action de la CNSA. Pour cela, le rôle de son Conseil scientifique doit être accru et le caractère opérationnel de la recherche accentué.

La MECSS a également pu constater le retard considérable pris en matière de systèmes d’information dans le secteur médico-social. Ce retard nuit à l’analyse des coûts et à la qualité des remontées de données dont dispose la CNSA, bien que des progrès récents aient été constatés.

Dans le champ de l’offre collective, la mise à disposition de l’application « Harmonisation et partage d’information » (HAPI), utilisée à la fois pour la tarification des agences régionales de santé (ARS) et pour le pilotage local de leurs enveloppes de tarification, permet désormais à la CNSA de disposer de données précises sur l’exécution de l’objectif global de dépenses.

Les retards sont plus importants en ce qui concerne les systèmes d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), dont la diversité rend les échanges directs entre MDPH impossibles et les remontées d’information vers la CNSA complexes. Afin de remédier à cette difficulté, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours de navette, prévoit de mettre en place un nouveau système d’information, commun aux MDPH et interopérable avec ceux de la CNSA et des conseils généraux. La MECSS s’attachera à veiller à ce que ce système d’information mutualisé, piloté par la CNSA, puisse être mis en place dans un délai de deux ans.

Dans la troisième partie du rapport, j’ai souhaité proposer des pistes de réforme permettant de favoriser le décloisonnement des politiques publiques et de mieux prendre en compte la notion de « projet de vie ». En effet, l’ensemble des personnes auditionnées par la MECSS, mais aussi les nombreux rapports publiés sur le sujet, dressent un constat unanime : il est nécessaire de promouvoir la continuité des parcours de vie.

En dépit de ce consensus, les politiques menées restent encore trop segmentées. Les politiques destinées aux personnes handicapées et celles en faveur des personnes âgées dépendantes font l’objet d’un traitement trop distinct. Les politiques sanitaires et les politiques médico-sociales sont également trop cloisonnées, en dépit du caractère souvent multidimensionnel des problèmes à traiter. Afin de rapprocher le secteur sanitaire et le secteur médico-social, il convient d’inciter les établissements de santé et les établissements médico-sociaux à mutualiser leurs moyens et leurs compétences, et de renforcer la coopération et la coordination, encore insuffisantes, entre les équipes de soins et les équipes médico-sociales.

Je souhaiterais aussi que soit favorisé le développement d’initiatives locales innovantes et que soient étendues les expérimentations fructueuses, notamment le projet « personnes âgées en risque de perte d’autonomie », dit « PAERPA ». Des initiatives et des moyens ont été développés à travers les centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC), mais aussi à travers les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA). Plusieurs expérimentations de terrain existent, qui sont extrêmement riches. Le rapport cite des initiatives locales qui ont produit des résultats satisfaisants, comme les actions de prévention de la perte d’autonomie assurées par le pôle gériatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges ou encore les filières gérontologiques de la région Rhône-Alpes. Ces bonnes pratiques méritent d’être encouragées et de faire l’objet de plus de communication, afin de permettre à l’ensemble des acteurs de s’en inspirer. Il ne s’agit pas de se contenter d’expériences réussies, mais de se donner pour objectif d’en faire profiter chacun.

Par ailleurs, dans la mesure où les modes de financement actuels constituent un frein à la coopération des acteurs des différents secteurs et au développement de formes plus souples d’organisation des structures, une évolution des modalités de tarification et de rémunération nous est apparue nécessaire. Le décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social au service de la fluidité des parcours de soins suppose aussi de lever les obstacles juridiques et techniques au partage d’informations entre les professionnels de ces secteurs, dans le respect des droits des personnes. Le rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et de celles destinées aux personnes handicapées pourrait, quant à lui, être facilité par la convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation des besoins et de suivi de la personne handicapée et de la personne âgée dépendante.

Cette convergence doit néanmoins tenir compte de la spécificité des différents publics. Si les besoins des personnes âgées dépendantes et ceux des personnes handicapées sont en partie similaires, certaines particularités, sans interdire un rapprochement des politiques, rendent inadaptée toute forme d’amalgame ou de confusion. Tout en appelant à la plus grande vigilance sur ce point, je suis convaincue de la pertinence de la généralisation d’un guichet unique pour rapprocher utilement des politiques aux problématiques souvent communes.

Afin de garantir l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, la CNSA pourrait se voir confier une fonction renforcée de pilotage, de régulation et d’évaluation de cette nouvelle organisation, pour conforter une politique nationale de l’autonomie. Cette évolution ne pourra se faire de manière satisfaisante que grâce à un travail de dialogue et d’écoute, notamment avec les associations représentant les personnes handicapées, habituées à être actrices des politiques du handicap. La CNSA pourra accompagner et évaluer, puis valider les étapes de cette évolution.

Mme Gisèle Biémouret, coprésidente de la MECSS.  Je remercie notre rapporteure, Martine Carrillon-Couvreur, pour le travail qu’elle a accompli pour élaborer ce rapport complet et très instructif. Il est, bien sûr, centré sur la CNSA mais, à travers celle-ci, sur les nombreuses personnes qui rencontrent des problèmes au quotidien. Ce rapport arrive au bon moment : entre le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et les incertitudes liées à la réforme territoriale et aux nouvelles compétences des régions, il constituera pour nous un point d’appui.

Dix ans après sa création, la CNSA occupe une place centrale dans le paysage médico-social, et son rôle est reconnu et apprécié. Il était nécessaire d’avoir une évaluation de sa mise en place.

Ma première réflexion porte sur les disparités. La CNSA a pour usage de passer des conventions avec les conseils généraux. Vos interlocuteurs ont souligné que cette contractualisation se faisait dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales, mais avec des objectifs de politiques publiques partagés, à partir de financements apportés au niveau national. Néanmoins, vous notez des disparités de traitement selon les départements. Comment réduire ces différences et aboutir à une égalité de traitement sur l’ensemble de notre territoire ?

Enfin, la mise en place d’un guichet unique dans les départements n’a pas eu partout le même succès, pour différentes raisons. À votre avis, quels sont les freins qui restent à lever pour en faire un outil efficace au service des usagers ?

Présidence de Mme Martine Pinville, secrétaire

M. Pierre Morange, co-président de la MECSS. Je salue le travail remarquable de Martine Carrillon-Couvreur. Ce sujet éminemment stratégique s’inscrit dans le programme parlementaire mais aussi dans la problématique plus large des comptes publics pour lesquels le mot d’ordre est à la rationalisation, ce qui ne confère que plus de légitimité aux travaux de la MECSS. Je précise que les préconisations du rapport ont été adoptées par cette dernière à l’unanimité.

Le rapport identifie deux problèmes : le retard considérable en matière d’information et la difficulté à apprécier l’offre et la demande en régions, si l’on peut dire de manière aussi cavalière, en matière de dépendance et de handicap. Une meilleure connaissance doit permettre de définir la politique la mieux à même de garantir la continuité du parcours du patient. Cette continuité exige tout à la fois un partage de l’information et un décloisonnement des différentes structures.

La dépendance et le handicap sont deux grands chapitres des textes que nous examinons chaque année au titre du financement de la sécurité sociale. La MECSS aura à cœur de s’assurer, avec le soutien de la commission des affaires sociales, que ses préconisations seront suivies d’effet et trouveront une traduction législative.

Mme Joëlle Huillier. J’adresse mes félicitations à la rapporteure pour la qualité de son travail sur un sujet essentiel pour l’organisation de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées.

Créée il y a près de dix ans, la CNSA est devenue un organisme incontournable dans le paysage médico-social. Le rapport comporte des préconisations concrètes et réalistes afin de faciliter l’accomplissement des missions de la CNSA et de remédier au cloisonnement des politiques. Je souhaite mettre l’accent sur les propositions qui me semblent les plus importantes parce qu’elles placent la personne au centre de nos politiques.

Le rapprochement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social est indispensable à la bonne continuité des parcours de vie et de soins. La non-fongibilité des enveloppes budgétaires entre ces deux secteurs constitue un obstacle à la fluidité du parcours de soins, que la mutualisation des moyens et des compétences des établissements ainsi que des équipes permettrait de lever.

L’exigence de rapprochement vaut également pour les politiques en faveur des personnes handicapées et les politiques à l’égard des personnes âgées. Votre rapport évoque la généralisation du guichet unique. La CNSA pourrait également se voir confier un rôle renforcé de pilotage. Enfin, la participation des régimes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse au conseil de la CNSA favoriserait une approche transversale.

Par ailleurs, vous insistez sur la nécessité de rendre plus équilibrée, ou plutôt plus égalitaire, la réponse aux besoins sur chaque territoire, en matière de structure, de répartition des dotations des territoires et de compensation individuelle de la perte d’autonomie.

Enfin, vous plaidez pour une meilleure organisation des systèmes d’information et une meilleure communication des données, indispensables à la connaissance des besoins et à l’adéquation des réponses qui leur sont apportées.

Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir présenté un rapport complet et proposé des pistes d’évolution qui ne peuvent que recueillir l’approbation des membres du groupe SRC.

Mme Bérengère Poletti. À mon tour de féliciter la rapporteure pour son travail remarquable et complet. Je veux également exprimer ma satisfaction quant au fonctionnement de la MECSS et saluer les co-présidents qui contribuent à entretenir un état d’esprit propice aux propositions communes.

La question des moyens consacrés à l’accompagnement des personnes âgées rejoint, en effet, le débat sur la fin de vie : plus ces moyens seront importants, plus les personnes âgées seront accompagnées, moins nous aurons à aborder ce sujet aussi grave.

Ayant été, en 2010, rapporteure d’une mission d’information présidée par Mme Laurence Dumont sur les missions et l’action de la CNSA, j’ai pu acquérir une certaine connaissance du sujet. À l’époque, le souci principal était la non-consommation de crédits qui s’accumulaient alors que les besoins continuaient de croître dans nos territoires. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de l’évolution de la Caisse. Je déplorerais que le travail complexe et technique de Mme Carrillon-Couvreur ne suscite pas plus l’intérêt des médias. Il est pourtant tellement utile !

Le paysage médico-social a considérablement évolué depuis dix ans : la création de la CNSA en 2004, l’implantation des MDPH dans les départements et la création des ARS ont constitué une véritable révolution.

La CNSA occupe une place très importante et très lisible dans le domaine du handicap. Elle est moins reconnue dans le domaine de la dépendance des personnes âgées parce qu’elle n’est pas relayée dans les départements par des structures comme les MDPH. Toutefois, face à la problématique grandissante de l’augmentation de l’espérance de vie et du vieillissement de la population, il est souhaitable que les missions de la CNSA soient élargies, ainsi que la rapporteure l’a souligné.

Force est de constater que la consommation des crédits de la CNSA s’est améliorée ces dernières années grâce à plusieurs outils : les appels à projets, les enveloppes anticipées ainsi qu’une moindre pression sur les besoins.

L’un des principes fondateurs de la CNSA est la sanctuarisation des crédits qui lui sont délégués, à laquelle nous sommes tous attachés. Je regrette de ne pas avoir davantage entendu nos collègues de la majorité, qui étaient plus prompts à protester sous notre majorité, lorsque les crédits de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) ont été détournés de leur objectif, et plus récemment, lorsque 170 millions d’euros ont été prélevés sur le budget de la CNSA pour les affecter à la sécurité sociale. Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir rappelé, dans la préconisation n° 2, telle qu’elle vous est proposée maintenant, la nécessité de sanctuariser les ressources de la CNSA. Nos concitoyens ont besoin de discours cohérents qui ne varient pas au gré des majorités politiques.

Je remarque que les systèmes d’information sont pointés du doigt par Mme Carrillon-Couvreur, alors qu’ils avaient déjà fait l’objet d’une proposition dans mon rapport de 2010. Il est regrettable que cette question ne soit toujours pas réglée aujourd’hui. Ces systèmes, pourtant essentiels pour gérer au mieux des budgets si importants, ne sont pas le point fort de la CNSA. La section IV du budget qui doit permettre l’informatisation dans les territoires des différents services sociaux et médico-sociaux n’est pas gérée dans un souci de cohérence et d’organisation des services. Cette difficulté a-t-elle été abordée lors des auditions ? De quelle manière ont été évalués les besoins en nouvelles mesures, pour les personnes handicapées comme pour les personnes âgées ?

J’observe également que, en raison de la réforme territoriale, il est difficile de proposer une nouvelle organisation de la CNSA, notamment au travers du développement des maisons de l’autonomie, dès lors que les compétences des collectivités dans le domaine social ne sont pas encore clairement définies. La double casquette de caisse et d’agence fait de la CNSA un partenaire indispensable pour nos territoires. Les nouvelles compétences confiées à ces derniers devront tenir compte de son travail remarquable.

M. Arnaud Richard. Je tiens à saluer la qualité du travail de notre collègue sur un sujet extrêmement technique, compliment qui vaut pour l’ensemble des travaux de la MECSS. Il faut se féliciter de cette instance qui travaille au demeurant de concert avec la Cour des comptes. Quelles que soient les évolutions politiques, nous devons nous assurer que ses préconisations peuvent être rapidement mises en œuvre dans les lois de financement de la sécurité sociale. Le travail de la MECSS n’est malheureusement pas suffisamment connu et soutenu par nos collègues. Pourtant le Parlement doit, plus que jamais, s’attacher aux suites données à ses évaluations des politiques publiques et aux préconisations qui les concluent.

Je souligne le rôle essentiel de la CNSA, tout à la fois chargée de financer les aides aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées, de répartir les moyens qui lui sont alloués par la solidarité nationale, de garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et d’assurer une mission d’expertise et d’information sur la qualité des services rendus. La CNSA est donc au cœur des politiques publiques qui doivent permettre à la France de relever le défi du vieillissement et de la perte d’autonomie, répondant ainsi à une exigence de cohésion sociale et de solidarité nationale à laquelle l’UDI est très attachée.

Nous avions regretté, pendant les débats sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, l’absence d’harmonisation dans l’évaluation des situations de dépendance. Nous avions plaidé pour la mise en place d’un référentiel d’éligibilité unique, intégrant les situations de handicap, qui ouvrirait droit à une rente déterminée selon le degré de dépendance de la personne. Est-ce envisageable, ou même souhaitable, à terme ? Quels en seraient les avantages pour la CNSA ?

Ce même projet de loi n’est pas assez ambitieux en matière de réduction des inégalités sociales et territoriales, alors que de fortes disparités demeurent en matière de gestion des aides au niveau départemental. Le rôle d’appui méthodologique et d’harmonisation des pratiques confié à la CNSA permet-il d’apporter une réponse à la hauteur de cet enjeu ? Faudrait-il aller plus loin ?

En termes de gouvernance, nous naviguons un peu à vue. Nous ne savons pas ce qu’il adviendra des conseils départementaux puisque leur avenir est suspendu à la réforme territoriale. Pensez-vous que le périmètre des missions de la CNSA puisse évoluer avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dont notre commission s’est saisie pour avis ?

M. Stéphane Claireaux. Madame la rapporteure, je vous remercie pour ce rapport très complet.

En dépit des inquiétudes qu’a suscitées sa création, la CNSA s’est affirmée, depuis dix ans, comme un acteur incontournable dans le financement des politiques publiques relatives à la perte d’autonomie. Vos préconisations nous semblent très pertinentes. Elles donnent des lignes directrices pour améliorer l’efficacité de la Caisse et garantir une réponse adaptée aux besoins des publics concernés.

La préconisation n° 20 porte sur la communication autour des références de bonnes pratiques pour que l’ensemble des acteurs puisse s’inspirer des initiatives réussies. Comme vous l’indiquez dans votre rapport, les directeurs généraux d’ARS auditionnés estiment que les modes de financement actuels constituent un frein à la coopération des acteurs des différents secteurs et au développement de formes plus souples d’organisation des structures. Leurs propositions en faveur d’une fongibilité accrue des enveloppes sanitaires et médico-sociales de l’ONDAM – objectif national des dépenses d’assurance maladie –, et de l’augmentation du FIR – fonds d’intervention régional – seraient de nature à faciliter la transversalité des interventions des ARS.

Votre rapport indique également que tous les acteurs devraient se réunir afin de réfléchir ensemble, le temps nécessaire, à la meilleure manière d’inclure les incitations à la transversalité dans les modes de rémunération et de tarification. Quand ces réunions vont-elles commencer, si ce n’est déjà fait ? Sous quel patronage se dérouleront-elles ?

La préconisation n° 23 suggère de mettre en place une convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation des besoins et de suivi de la personne handicapée et de la personne âgée dépendante. Vous estimez que les maisons départementales de l’autonomie (MDA) représentent une structure d’avenir pour les politiques de l’autonomie. Dans le même temps, vous rapportez que les associations représentatives des personnes handicapées ont fait part de leurs réticences sur une évolution à court terme des maisons départementales des personnes handicapées en MDA. Nous connaissons les problèmes soulevés par une telle évolution, notamment en matière de financement. Les associations expriment-elles une position de principe ou laissent-elles la porte ouverte pour des discussions futures ?

M. Dominique Tian. Je remercie Martine Carrillon-Couvreur pour la qualité de son travail, à laquelle elle nous a habitués. La MECSS est un lieu d’échanges entre les partis intéressant, car ses travaux donnent lieu à des décisions unanimes sur lesquelles s’appuyer pour obtenir une traduction législative. Pensez-vous que le projet de loi relatif à la santé pourra être enrichi des propositions de la MECSS ? Pierre Morange l’a dit, ces propositions sont le fruit d’un débat apaisé et utile.

Sur le financement des établissements médico-sociaux, sujet très important, nous attendions une loi qui n’est jamais venue. Pourtant, la Cour des comptes souligne régulièrement le problème. Dans un référé du 24 novembre 2014, elle indique que la réforme de la tarification est inaboutie. Elle note que les moyens attribués aux établissements font l’objet d’une procédure contradictoire faute d’une connaissance plus fine de la gestion des établissements et de l’existence de référentiels. C’est du « bricolage ». Il faudra, un jour, disposer d’éléments statistiques et objectifs pour déterminer le véritable prix de journée des établissements.

Bravo encore pour ce travail, madame la rapporteure, même si, vos préconisations le montrent, il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Mme Martine Pinville. Je salue le rapport et les propositions qu’il contient.

Le travail d’expertise et de proposition de la MECSS est très important. Je m’interroge, en revanche, sur le suivi de ses travaux. Nous devons être très attentifs au devenir des propositions.

Nous avons sans aucun doute à améliorer l’organisation du secteur médico-social, dont la complexité est le fruit de notre histoire. La CNSA se trouve au centre de toutes les politiques en matière de dépendance et de handicap.

Les départements et les ARS mettent en œuvre des politiques très variées, même si elles sont par ailleurs de qualité. D’un département à l’autre, les inégalités sont en conséquence manifestes. Ne faudrait-il pas évaluer les politiques mises en place dans les départements ? La CNSA, en plus de son rôle de gouvernance et de pilotage, devrait jouer ce rôle d’évaluation.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Vous avez été nombreux à évoquer la réduction des disparités et la levée des freins à la généralisation du guichet unique.

Comme le montrent le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement en cas de navette parlementaire et l’expérience de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il est nécessaire de revoir les critères de péréquation – c’est l’objet de la préconisation n° 12. Parallèlement, la préconisation n° 9 suggère d’affiner les critères de répartition des moyens nouveaux afin de tenir compte des spécificités des territoires. Ce chantier est devant nous. La CNSA, qui a déjà engagé un travail sur ce point, est invitée à aller plus loin, et nous l’y aiderons de notre mieux en ce sens.

Sur le guichet unique, nous devons avancer. Les MDPH ont démontré leur capacité à apporter des réponses en matière de handicap, même s’il reste encore des choses à améliorer. Nous devons suivre cette voie s’agissant de la perte d’autonomie des personnes âgées : il y a nécessité à regrouper et à apporter des réponses à travers un guichet unique.

Quant au retard en matière d’information et à l’indispensable décloisonnement des politiques, de nombreux travaux les constatent depuis longtemps. Il faut, à l’évidence, franchir une étape nouvelle. Les ARS sont au cœur de cette réflexion : certaines d’entre elles ont déjà engagé des travaux et mis en œuvre des solutions sur les territoires. Nous devons veiller à rappeler sans cesse cette nécessité de décloisonner les politiques, question que la réforme territoriale devra d’ailleurs prendre en compte. On observe déjà des initiatives locales, comme les contrats locaux de santé, qui permettent de décloisonner les politiques suivies, dans le respect des missions de chacun, mais au service des populations qui ont besoin de lisibilité.

Le rapport d’information de notre collègue Bérengère Poletti, publié en 2010, intitulé « la CNSA, partenaire innovant : bilan et perspectives », s’était préoccupé de la sous-consommation des crédits. En 2015, mon rapport s’intéresse plus aux systèmes d’information, aux difficultés d’évaluation ainsi qu’au décloisonnement. Cela démontre une progression dans nos travaux.

Mme Joëlle Huillier a évoqué le décloisonnement entre les secteurs et la fluidité des parcours. Le rapport de M. Denis Piveteau trace des pistes pour y parvenir. Depuis le mois de décembre, Mme Marie-Sophie Dessaule, précédente directrice générale de l’ARS des Pays de la Loire, a été missionnée pour accompagner la mise en œuvre de ce rapport, qui va dans le même sens que le mien.

Je plaide pour un pilotage renforcé de la CNSA. L’association de la CNAV et de la CNAMTS au conseil n’était pas une évidence il y a quelques années. Depuis, les travaux de la CNSA et sa capacité à travailler en partenariat grâce à cette gouvernance originale ont montré que ces organismes y ont toute leur place. D’ailleurs, ils travaillent déjà ensemble.

Bérengère Poletti évoque la réforme territoriale. Le rapport aborde également ce sujet, encore marqué aujourd’hui par plusieurs inconnues. Nos travaux nous obligent à faire entendre la nécessité d’intégrer ces questions dans le cadre de la réforme à venir. C’est le souhait de nombre de membres de cette commission.

Quant à la mise en œuvre des préconisations, nous connaissons tous la difficulté, quelles que soient les majorités, à obtenir l’intégration dans le cadre législatif des conclusions des travaux d’évaluation. Nous y arrivons malgré tout, à force de persévérance. Je pense à quelques amendements récents, qui ont été adoptés après plusieurs années. Le projet de loi relatif à la santé sera sûrement l’occasion de reprendre certaines propositions du rapport. Les rapports d’évaluation n’ont de sens que s’ils permettent d’améliorer la législation.

La réforme de la tarification des établissements médico-sociaux est très attendue. Depuis le 24 novembre dernier, un comité de pilotage a été installé pour travailler avec l’ensemble des acteurs sur ce sujet et aboutir, dans trois ans, à une solution efficace, nous le disons dans le rapport. Nous avons placé la barre haute pour être sûrs d’avancer.

Au sujet des MDA, la préconisation n° 24 est certainement celle qui a requis le plus d’attention. Les associations représentant les personnes handicapées ne sont pas favorables dans l’immédiat à cette avancée. Je pense néanmoins que nous devons progresser. L’ensemble des préconisations tend à concourir à une véritable politique de l’autonomie. Pour autant, cela requiert de prendre à la fois des précautions et du temps. Aujourd’hui, trois départements expérimentent les MDA : la Côte-d’Or, le Cantal et la Corrèze. La CNSA accompagne et évalue ces expérimentations. Ce travail doit permettre de déterminer les domaines dans lesquels les convergences sont possibles.

Avec le temps et le soutien de la CNSA, nous devons pouvoir avancer vers des MDA qui respectent la spécificité des deux secteurs, qu’une tradition historique a séparés. Il est possible d’évoluer vers un guichet unique. C’est la raison pour laquelle je propose de conserver le statut de groupement d’intérêt public – GIP –, qui a fait ses preuves malgré les critiques dont il a pu faire l’objet par le passé. Le GIP garantit la possibilité d’approches diversifiées quant au parcours des personnes.

Je suis très attachée à l’avis des associations représentant les personnes handicapées, car ces dernières ont permis de construire une politique très forte dont le secteur de la dépendance peut s’inspirer. Chacun doit pouvoir se retrouver dans une organisation qui respecte ses attentes et ses besoins. Aujourd’hui, nous travaillons avec le Comité national des retraités et des personnes âgées et le Conseil national consultatif des personnes handicapées, mais aussi la Conférence nationale du handicap, pour mener une réflexion commune et avancer vers une politique de l’autonomie.

J’espère que la CNSA finira par être mieux connue ; elle commence à l’être dix ans après sa création. En tout état de cause, chacun d’entre nous aura malheureusement un jour à en entendre parler.

Il faut laisser du temps au temps pour que les choses se construisent en veillant – c’est là l’essentiel – au respect des personnes. J’ai mis en exergue du rapport deux citations que je vous invite à lire, l’une de M. Alain Cordier, premier président de la CNSA, et l’autre issue de travaux dans le cadre du conseil scientifique de la CNSA. Ces citations rappellent ce qu’est l’autonomie, tant il est vrai que nous peinons parfois à appréhender ce qui est pourtant un enjeu de société. Faisons en sorte que ce rapport, comme d’autres, permette d’éclairer les décisions à prendre.

Mme Martine Pinville, présidente. Je vous remercie, madame la rapporteure, pour la qualité de vos réponses. Mes chers collègues, nous passons au vote en vue d’autoriser la publication du rapport.

La Commission autorise, à l’unanimité, le dépôt du rapport d’information sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, en vue de sa publication.

ANNEXES

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION

Coprésidents

Mme Gisèle Biémouret (SRC) (depuis le 8 octobre 2014)

M. Jean-Marc Germain (SRC) (jusqu’au 30 septembre 2014)

M. Pierre Morange (UMP)

Membres

Groupe SRC

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Jérôme Guedj (jusqu’au 2 mai 2014)

Mme Joëlle Huillier (depuis le 8 octobre 2014)

Mme Bernadette Laclais (depuis le 8 octobre 2014)

M. Gérard Sebaoun (depuis le 20 mai 2014, jusqu’au 30 septembre 2014)

Groupe UMP

M. Jean-Pierre Door

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Bérengère Poletti

M. Dominique Tian

Groupe UDI

M. Hervé Morin

M. Francis Vercamer

Groupe Écolo

M. Jean-Louis Roumegas

Groupe RRDP

Mme Dominique Orliac

Groupe GDR

M. Jean-Philippe Nilor

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pages

AUDITION DU 10 AVRIL 2014

Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, M. Dominique Antoine, conseiller maître, président de section, et MM. Christian Carcagno et Michel Thomas, conseillers référendaires 137

AUDITIONS DU 17 AVRIL 2014

Mme Paulette Guinchard, présidente du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), M. Luc Allaire, directeur, Mme Bernadette Moreau, directrice de la compensation de la perte d’autonomie, et M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux 147

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable des relations avec le. Parlement 154

Mme Bernadette Devictor, présidente de la Conférence nationale de santé, et M. Sylvain Denis, vice-président du Comité national des retraités et personnes âgées 163

AUDITIONS DU 29 AVRIL 2014

M. Didier Lesueur, délégué général adjoint de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS), et Mme Estelle Camus, chargée d’études dans le champ du soutien à l’autonomie 171

M. Franck Von Lennep, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère des affaires sociales et de la santé, et Mme Magda Tomasini, sous-directrice de l’observation de la solidarité 176

AUDITIONS DU 6 MAI 2014

Table ronde réunissant des représentants d’institutions intervenant dans les domaines de compétence de la CNSA, membres du conseil de la CNSA : Mme Adeline Leberche, directrice du secteur social et médico-social de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), Mme Élodie Hemery, adjointe chargée du secteur social et médico-social de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Olivier Bachellery, directeur-adjoint à la direction santé de la Fédération nationale de la Mutualité française, et Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques, M. Bruno Lachesnaie, directeur chargé de la direction du développement sanitaire et social de la Mutualité sociale agricole (MSA), et M. Alain Villez, conseiller technique, chargé des personnes âgées de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) 183

M. Housseyni Holla, directeur de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), et Mme Véronique Sauvadet, cheffe du service du financement des établissements de santé 191

Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale au ministère des affaires sociales et de la santé 199

AUDITIONS DU 15 MAI 2014

M. Jérôme Guedj, président du conseil général de l’Essonne, représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF), et de M. Jean-Pierre Hardy, directeur délégué de l’ADF 207

M. Jean-Luc Faucher, directeur du pôle personnes âgées-personnes handicapées au conseil général de la Haute-Vienne, et M. Bruno Chèze, directeur de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Nièvre 214

AUDITIONS DU 22 MAI 2014

Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des représentants de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) : M. Yannick Deimat, directeur-adjoint de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Finistère, Mme Marie-Pierre Duchemin, directrice-adjointe de l’autonomie au conseil général de la Nièvre, et M. John Houldsworth, directeur-adjoint de la maison départementale des personnes handicapées de Seine-Saint-Denis 221

AUDITIONS DU 3 JUIN 2014

Table ronde réunissant des représentants des organisations syndicales, membres du conseil de la CNSA : Mme Martine Déchamp représentant la Confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Patrice Malleron représentant la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Mme Sylviane Spique représentant la Confédération générale du travail (CGT), et M. Jean-Marc Bilquez représentant la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) 235

M. Christian Anastasy, directeur général de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), et M. Christian Espagno, directeur associé 239

AUDITIONS DU 12 JUIN 2014

Table ronde réunissant des représentants d’associations œuvrant pour les personnes handicapées, membres du conseil de la CNSA : Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale Compensation et autonomie de l’Association des paralysés de France (APF), M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie, M. Michel Girard, vice-président de l’Union nationale des familles et amis de malades mentaux (UNAFAM), et Mme Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), et M. Thierry Nouvel, directeur général 249

Table ronde réunissant des représentants d’associations œuvrant pour les personnes âgées, membres du conseil de la CNSA : M. Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), Dr Serge Reingewirtz, président du Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC), M. Benoît Jayez, secrétaire général-adjoint de l’Union confédérale des retraités et des préretraités-Force ouvrière (UCR-FO), et M. Francis Contis, président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) 258

AUDITIONS DU 8 JUILLET 2014

M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) 267

M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne, M. Philippe Calmette, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Limousin, M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais, Mme Véronique Wallon, directrice générale, et Mme Marie-Hélène Lecenne, directrice Handicap et grand âge de l’agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes 271

M. Alain Cordier, ancien président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) 280

AUDITION DU 8 OCTOBRE 2014

Mme Agnès Jeannet, présidente du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), et de M. Didier Charlanne, directeur 289

AUDITION DU 27 OCTOBRE 2014

Pr Marie-Ève Joël, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et M. Jean-Yves Barreyre, vice-président du conseil scientifique 301

Mme Geneviève Gueydan, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), Mme Emmanuelle Dubée, directrice adjointe, M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux et M. Étienne Deguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie 307

ANNEXE 3 : LETTRE DE SAISINE DE LA COUR DES COMPTES

ANNEXE 4 : RÉPONSE DE LA COUR DES COMPTES

ANNEXE 5 : COMPOSITION DU CONSEIL DE LA CAISSE NATIONALE
DE SOLIDARITÉ POUR L’AUTONOMIE

au 15 octobre 2013

– Présidente : Paulette Guinchard, présidente de la Fondation nationale de gérontologie ;

– Vice-présidents : Sylvain Denis, président de la Fédération nationale des associations de retraités et préretraités, et Jean-Louis Garcia, président de l’Association pour adultes et jeunes handicapés ;

– Six représentants des associations œuvrant au niveau national pour les personnes handicapées ainsi que leurs six suppléants :

* Arnaud de Broca (Fédération nationale des accidentés de la vie), avec pour suppléant Didier Voïta (Union nationale pour l’insertion sociale du déficient auditif).

* Philippe Charrier (Union nationale des familles et amis de malades mentaux), avec pour suppléant Jacques Ravaut (Fédération des associations, groupements et établissements pour la réadaptation des personnes en situations de handicap).

* Christophe Duguet (Association française contre les myopathies), avec pour suppléant Vincent Michel (Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes).

* Jean-Louis Garcia (Association pour adultes et jeunes handicapés), avec pour suppléante Régine Clément (Trisomie 21 France : fédération des associations d’étude pour l’insertion sociale des personnes porteuses d’une trisomie 21).

* Christel Prado (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), avec pour suppléante Danièle Langloys (Autisme France).

* Alain Rochon (Association des paralysés de France), avec pour suppléante Mathilde Fuchs (Coordination handicap et autonomie).

– Six représentants des associations œuvrant au niveau national pour les personnes âgées ainsi que leurs six suppléants :

* Pascal Champvert (Association des directeurs au service des personnes âgées), avec pour suppléant Didier Sapy (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées).

* Francis Contis (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles), avec pour suppléant Thierry D’Aboville (association d’aide à domicile en milieu rural).

* Sylvain Denis (Fédération nationale des associations de retraités et préretraités), avec pour suppléant Pierre Erbs (Générations mouvement).

* Marie-Odile Desana (Union nationale des associations France-Alzheimer et maladies apparentées), avec pour suppléant Jean de Gaullier (ADESSA –Adomicile-Fédération nationale).

* Benoit Jayez (Union confédérale des retraités et des préretraités-Force ouvrière), avec pour suppléant François Ferraguti (Fédération nationale des associations de retraités de l’artisanat).

* Dr. Serge Reingewirtz (Syndicat national de gérontologie clinique), avec pour suppléant Claudy Jarry (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées).

– Six représentants des conseils généraux désignés, ainsi que leurs six suppléants, par l’Assemblée des départements de France :

* Bernard Cazeau, Sénateur, Président du Conseil général de la Dordogne. Suppléante Marie-Françoise Lacarin, Vice-présidente du Conseil de l’Allier

* Yves Daudigny, Président du Conseil général de l’Aisne. Suppléante Marie-Françoise Lacarin, Vice-présidente du Conseil de l’Allier

* Pascal Terrasse, Député de l’Ardèche. Suppléant, en cours de nomination

* Jérôme Guedj, Président du Conseil général de l’Essonne. Suppléant Gérard Mauduit, Vice-président du Conseil général de Loire Atlantique

* Gérard Roche, Président du Conseil général de Haute Loire. Suppléant Guy Jacquey, Vice-président du Conseil général du Haut Rhin

* Vincent Descoeur, Président du Conseil général du Cantal. Suppléant Bruno Belin, Vice-Président du Conseil général de la Vienne

– Cinq représentants des organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national et leurs cinq suppléants :

* Sylviane Spique, Confédération générale du travail. Suppléante Solange Fasoli, Confédération générale du travail

* Dominique Fabre, Confédération française démocratique du travail. Suppléante Martine Dechamp, Confédération française démocratique du travail

* Jean-Marc Bilquez, Confédération générale du travail – Force ouvrière. Suppléant Paul Virey, Confédération générale du travail – Force ouvrière

* Thierry Gayot, Confédération française des travailleurs chrétiens. Suppléant Jean-Pierre Samurot, Confédération française des travailleurs chrétiens

* Patrice Malleron, Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres Santé-Social. Suppléant Jean-Baptiste Plarier, Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres Santé-Social

– Trois représentants désignés par les organisations professionnelles nationales d’employeurs représentatives et leurs trois suppléants :

* Dominique Lery, Mouvement des entreprises de France. Suppléante Agnès Canarelli, Fédération française des sociétés d’assurance

* Paulin Llech, Confédération générale des petites et moyennes entreprises. Suppléant Antoine Fraysse, Confédération générale des petites et moyennes entreprises

* Jean-Louis Maitre, Union professionnelle artisanale. Suppléant Elodie Corrieu, Union professionnelle artisanale

– Dix représentants de l’État :

* Le directeur général de la cohésion sociale

* Le directeur de la sécurité sociale

* Le directeur du budget

* Le directeur de l’enseignement scolaire

* La déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle

* Le directeur général de l’offre de soins

* Le directeur général de la santé

* Le Secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales

* Le directeur général des collectivités locales

* Le Secrétaire général du comité interministériel du handicap

– Parlementaires :

* Martine Pinville, députée de Charente

* Dominique Watrin, sénateur du Pas de Calais

– Sept représentants d’institutions intervenant dans les domaines de compétence de la Caisse et leurs sept suppléants :

* Michelle Dange, Fédération nationale de la mutualité française. Suppléant Olivier Bachellery, Fédération nationale de la mutualité française

* Alain Villez, Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux. Suppléant Johan Priou, Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux

* Christian Möller, Fédération hospitalière de France. Suppléante Elodie Hemery, Fédération hospitalière de France

* Adeline Leberche, Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif. Suppléant David Causse, Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif

* Gérard Pelhate, Mutualité sociale agricole. Suppléant Jean-François Belliard, Mutualité sociale agricole

* Florence Arnaiz-Maume, Syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées. Suppléant Antoine Fraysse, Syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées

* Françoise Nouhen, Union nationale des centres communaux d’action sociale. Suppléant, en cours de nomination

– Trois personnalités qualifiées :

* Paulette Guinchard, présidente de la Fondation nationale de gérontologie (présidente du conseil de la CNSA)

* Pénélope Komites, adjointe au maire du XIIe arrondissement de Paris, en charge des affaires sociales, de la santé, de la solidarité et des personnes en situation de handicap

* Bruno Vellas, coordonnateur du Gérontopôle à Toulouse

ANNEXE 6 : PRINCIPAUX RAPPORTS PUBLIÉS
SUR LE THÈME DE L’AUTONOMIE

– Conseil économique et social, Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap, présenté par M. Maurice Bonnet, 2004.

– Assemblée nationale, rapport d’information n° 3091, déposé par la commission des affaires culturelles et sociales, en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, sur le financement des établissements d’hébergement des personnes âgées, présenté par Mme Paulette Guinchard, 17 mai 2006.

– Inspection générale des affaires sociales – Inspection générale des finances, Enquête sur la consommation de crédits soumis à l’objectif global de dépense, février 2010.

– Assemblée nationale, rapport d’information n° 2687, déposé par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux de la mission sur les missions et l’action de la CNSA, présenté par Mme Bérengère Poletti, 30 juin 2010.

– Inspection générale des affaires sociales, Bilan du fonctionnement et du rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), novembre 2010.

– Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, Assurance maladie et perte d’autonomie, 23 juin 2011.

– Observatoire national de l’action sociale décentralisée, Du soutien à la dépendance au soutien à l’autonomie, juillet 2011.

– Inspection générale des affaires sociales – Inspection générale des finances, Établissements et services pour personnes handicapées, offre et besoins, modalités de financement, octobre 2012.

– M. Luc Broussy, L’adaptation de la société au vieillissement de sa population : France, année zéro !, janvier 2013.

– Docteur Jean-Pierre Aquino, Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société, février 2013.

– Mme Martine Pinville, Relever le défi politique de l’avancée en âge, perspectives internationales, 11 mars 2013.

– Comité des sages présidé par M. Alain Cordier, Un projet global pour la stratégie nationale de santé, 19 recommandations du comité des « sages », 21 juin 2013.

– Groupe de travail animé par M. Patrick Gohet, membre de l’Inspection générale des affaires sociales, L’avancée en âge des personnes handicapées, contribution à la réflexion, octobre 2013.

– Communication de la Cour des comptes à la commission des finances et à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, octobre 2013.

– M. Denis Piveteau, Zéro sans solution : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches, 10 juin 2014.

ANNEXE 7 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

AUDITION DU 10 AVRIL 2014

Audition de Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, M. Dominique Antoine, conseiller maître, président de section, et MM. Christian Carcagno et Michel Thomas, conseillers référendaires

M. le coprésident Pierre Morange. En accueillant ce matin des représentants de la Cour des comptes, la MECSS aborde une nouvelle thématique : la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Nous remercions vivement la Cour d’avoir travaillé dans des délais contraints au rapport qui lui avait été demandé sur ce sujet par notre Mission d’évaluation, par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, et par celle des affaires sociales. Un texte sur le vieillissement sera prochainement soumis à notre assemblée, et notre rapporteure aura un rôle éminent à jouer lors de son examen.

Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes. Le rapport qui vous a été transmis sur la mise en œuvre des missions de la CNSA a en effet été établi à la demande du président de la commission des finances, de la présidente de la commission des affaires sociales, ainsi que des coprésidents de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de l’article L.O. 132-3-1 du code de la sécurité sociale.

La lettre de saisine précisait que l’enquête devait faire le point sur « la place et le positionnement de la CNSA dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques d’accompagnement de la perte d’autonomie », cela dans trois domaines : tout d’abord en matière de compensation individuelle au travers des concours que la CNSA apporte aux départements au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) ; ensuite, en matière d’offre collective, dans la répartition des ressources destinées aux établissements et services médico-sociaux (ESMS) ; enfin, dans l’exercice de la mission d’appui et d’animation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et de l’action de la CNSA en faveur de la convergence des systèmes d’information.

Notre travail a commencé en mars 2013 et nous avons remis notre rapport à votre assemblée à la fin du mois d’octobre.

À des degrés divers, le message principal de la Cour est commun aux domaines que je viens d’évoquer. Il peut être résumé en trois points.

Alors que l’organisation du secteur médico-social, à la différence de celle du secteur sanitaire, est complexe et fortement décentralisée, le législateur a fait en 2004 le choix assez original de créer un établissement public de l’État qui n’est ni l’un de ses « opérateurs » ni une caisse de sécurité sociale, et il lui a confié des missions particulièrement ambitieuses, notamment celle de répartir équitablement sur le territoire national les dépenses de l’objectif global de dépenses (OGD) et celle de contribuer à l’égalité de traitement sur le territoire des bénéficiaires de l’APA et de la PCH.

L’affirmation du rôle de la CNSA a été très progressive. Ses missions initiales concernant les personnes âgées et les personnes handicapées ont d’abord fait l’objet, pour les exercices 2006 à 2009, d’une convention avec l’État qui, très générale, comportait peu d’objectifs précis. Il a fallu attendre la création des agences régionales de santé (ARS) par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), et la mise en place de ces dernières, pour que la Caisse prenne un nouveau départ, marqué par la convention d’objectifs et de gestion signée avec l’État pour les exercices 2012 à 2015, convention qui a fixé une feuille de route précise et utile.

Près de dix ans après sa création, la CNSA occupe une place centrale dans le paysage médico-social. Son rôle est reconnu et apprécié, même si les transformations nécessaires se concrétisent lentement et si la Caisse fait face à de fortes limitations de ses possibilités d’action.

La Cour présente ses principaux constats dans les quatre chapitres du rapport.

Le chapitre Ier traite du cadre institutionnel dans lequel évolue la CNSA et souligne les spécificités de cet établissement dont la gouvernance est singulière puisqu’il est administré par un conseil de quarante-huit membres, composé donc de façon très large de manière à ce qu’y soit représentée la diversité des acteurs du secteur médico-social – ce qui a pour effet que l’État n’y a pas de majorité automatique.

Ce premier chapitre présente également les ressources de la CNSA. Depuis sa création en 2004, d’importantes réserves ont été constituées puisque leur montant cumulé approchait 3,3 milliards d’euros en 2012. Ce phénomène s’explique par une sous-consommation structurelle de l’OGD consacré aux personnes âgées, sous-consommation qui commence toutefois à se résorber. Nous avons constaté que la quasi-totalité de ces réserves avait bien été consacrée à des emplois correspondant aux missions de la CNSA. Les deux tiers ont permis de financer des aides à l’investissement dans les établissements et services médico-sociaux ou ont été reportés sur l’OGD des années ultérieures – ce qui revient malgré tout à alimenter l’excédent. Le tiers restant a servi, pour l’essentiel, à alimenter des transferts de crédits vers l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) sanitaire, ce que nous pouvons admettre, mais il a également été utilisé pour financer des dépenses qui auraient dû relever du budget de l’État, comme celles résultant des engagements d’aides à l’investissement pris par l’État dans les contrats de projets État-région.

Dans ce même chapitre, l’examen des systèmes d’information montre qu’il s’agit d’une des faiblesses de la CNSA. Ces systèmes, construits « en silos », sans vision d’ensemble cohérente, ne sont toujours pas adaptés aux exigences des missions de la Caisse. Nous déplorons qu’ils ne permettent pas pour l’instant de connaître les besoins collectifs à partir de l’évaluation individuelle des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées.

Le chapitre II porte sur la mission la plus importante de la CNSA par le volume des crédits publics qui y sont consacrés : le remboursement des dépenses des régimes d’assurance maladie au titre des ESMS, soit près de 18 milliards d’euros et 85 % des charges de la Caisse en 2012. La CNSA est en effet chargée par la loi de répartir équitablement sur le territoire les crédits destinés à l’offre médico-sociale.

Les grands plans nationaux de création de places ont fortement majoré ces crédits. Nous avons relevé des écarts sensibles entre prévisions et réalisations, particulièrement en ce qui concerne les établissements hébergeant des personnes âgées.

Dans l’accomplissement de sa mission, la CNSA rencontre deux limites de nature technique.

La première est l’insuffisante connaissance des besoins à satisfaire. Ceux-ci ne peuvent être déterminés qu’à la base, dans le cadre des schémas régionaux d’organisation médico-sociale (SROMS). La Cour a constaté l’hétérogénéité de ces schémas qui ne permettent pas encore, malgré les efforts consentis par la CNSA, de mener une approche comparative entre régions, pourtant indispensable pour que la Caisse joue pleinement son rôle.

L’insuffisante connaissance des prestations, des coûts et des tarifs des établissements constitue une seconde limite.

Le chapitre II traite également de la réserve ministérielle nationale à disposition du ministre chargé des affaires sociales et de ses ministres délégués ou secrétaires d’État aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Il y a là une nouvelle limitation, s’ajoutant à celles que je viens d’évoquer : en effet, la répartition des moyens s’opère sur le fondement de critères sommaires prenant trop peu en compte la situation des divers territoires. L’existence de cette réserve, qui représente 10 % de l’enveloppe des crédits nouveaux, contrarie de ce fait les efforts entrepris pour réduire les fortes disparités entre les régions.

D’autre part, le mécanisme de lissage, appelé « serpent », réduit également l’impact des redéploiements destinés à résorber les écarts entre régions.

Le chapitre III analyse la mission d’appui et d’animation du réseau des MDPH, mission essentielle, non au regard du volume des crédits qui y sont affectés – environ 60 millions d’euros par an –, mais en raison de la place centrale dévolue aux MDPH dans le dispositif de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

La CNSA ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur ces maisons, qui sont des groupements d’intérêt public (GIP) décentralisés. Pour autant, elle exerce effectivement un rôle d’animation et de diffusion des bonnes pratiques. Son action est toutefois contrariée par les grandes difficultés qu’elle rencontre pour mettre en œuvre le système d’information qui lui serait nécessaire pour accomplir la mission ambitieuse dont la charge la loi : veiller au traitement équitable des demandes de compensation.

Enfin, le chapitre IV rend compte de la mission consistant à assurer une bonne allocation des concours aux départements et à contribuer à l’égalité de traitement des bénéficiaires sur le territoire en matière de compensation des aides individuelles, APA et PCH, versées par les départements.

Si nous avons constaté de fortes disparités dans l’attribution de ces aides selon les départements, leur compensation par la CNSA doit obéir aux règles de péréquation financière définies par la loi et les règlements. Le conseil de la Caisse a essayé en 2010 de réformer la pondération des critères de péréquation de l’APA, mais cette tentative n’a pas abouti. Nous rappelons dans notre rapport la nécessité de réviser ces critères trop peu fins, mais cette révision dépend de l’Assemblée des départements de France (ADF), qui la lie à une augmentation du volume des concours de l’État.

Nous relevons enfin que, si la loi prévoit l’intervention de la CNSA pour contribuer à l’égalité de traitement des personnes handicapées par l’harmonisation des pratiques d’attribution de la PCH et par l’animation du réseau des MDPH, elle ne lui attribue aucune compétence pour agir auprès des équipes départementales sur la distribution de l’APA, ce qui limite sérieusement sa marge de manœuvre.

Tirant les enseignements de ces constats, la Cour a formulé neuf recommandations qu’il est possible de regrouper autour de trois grands objectifs. Le premier consiste à développer les outils de connaissance des besoins, des coûts et de l’offre territoriale ; le deuxième à mieux définir les critères de répartition des moyens, qu’il s’agisse de la création de places ou des concours de la CNSA au financement de l’APA, à supprimer la réserve nationale et à réviser le « serpent », deux dispositifs qui entravent une allocation optimale des financements destinés aux ESMS. Le troisième objectif est de doter la CNSA des moyens d’exercer une mission d’animation dans le domaine de l’aide aux personnes âgées comme elle le fait dans celui de l’aide aux personnes handicapées.

Préparé par le précédent Gouvernement, le futur projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement tend à renforcer les capacités d’action de la Caisse dans un sens conforme aux recommandations de la Cour.

Ainsi les missions de la CNSA seraient élargies ou renforcées en ce qui concerne l’appui méthodologique, l’harmonisation des pratiques et l’échange d’expériences en matière d’APA – de manière à ce que, comme nous le souhaitons, la Caisse assure dans ces domaines des missions identiques à celles qu’elle exerce auprès des MDPH. Elle se verrait confier, en lien avec les acteurs locaux compétents, l’information du grand public sur les droits et services qui lui sont destinés. Enfin, elle devrait être mise à même de concevoir et mettre en œuvre un système d’information commun à l’ensemble des MDPH afin de faciliter les remontées de données des départements. Pour ce faire, elle pourrait désormais définir des normes garantissant l’interopérabilité des différents systèmes d’information, et labelliser seulement ceux d’entre eux qui seraient conformes à ces normes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. La représentation nationale, qui a travaillé à plusieurs reprises sur le sujet, est convaincue comme la Cour des comptes que, près de dix ans après la création de la CNSA, ses missions doivent être renforcées. Quelles sont vos recommandations pour que la Caisse puisse exercer pleinement ses responsabilités ?

Depuis de nombreuses années, chacun s’accorde à considérer que les systèmes d’information de la CNSA fonctionnent mal et constituent l’un de ses points faibles. Ils sont indispensables pour mieux recenser les besoins, mais les améliorer serait une tâche complexe et difficile, nous dit-on. Selon vous, quelles pistes pourrions-nous emprunter pour disposer de systèmes plus efficaces ?

Mme Anne Froment-Meurice. Notre rapport montre que de sérieux efforts sont consentis par la Caisse pour améliorer ses systèmes d’information. Il reste que les évolutions sont lentes et les obstacles nombreux. Toutefois, il existe un projet dit « d’urbanisation » du système d’information qui semble très prometteur.

M. Christian Carcagno, conseiller référendaire. En matière de systèmes d’information, il faut distinguer deux champs autonomes : celui de l’offre collective, la répartition de l’OGD entre les établissements sociaux et médico-sociaux, et celui des MDPH.

Pour le premier, la CNSA trouve des moyens d’action par l’intermédiaire des ARS, pilotées par un Conseil national de pilotage présidé par le ministre ou le secrétaire général du ministère. Les systèmes d’information de ce champ ont été bâtis à partir des directives de l’administration centrale avant la création de la CNSA. Six à sept systèmes – pour les ressources et la tarification, pour les autorisations de création, pour la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), etc. – étaient montés « en silos », ce qui obligeait les ARS et les services à saisir plusieurs fois les mêmes données. Le projet d’urbanisation des systèmes d’information doit fédérer les systèmes de base. L’application dite « HAPI », pour « harmonisation et partage de l’information », permettra d’harmoniser la tarification des établissements et services des ARS. Les autres systèmes d’information seront greffés sur ce pivot afin de constituer un ensemble cohérent.

M. le coprésident Pierre Morange. Quand ce travail d’urbanisation a-t-il commencé ?

M. Christian Carcagno. Il a été entrepris dès 2011 ou 2012, mais de nombreux retards ont été enregistrés.

M. le coprésident Pierre Morange. J’ai encore en mémoire les propos d’un directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie qui nous assurait en 2004 que l’urbanisation serait rapidement opérationnelle au sein de la branche maladie. Dix ans après, ce n’est toujours pas achevé. Et je n’évoque même pas l’interconnexion des fichiers du secteur médico-social avec ceux du fisc !

M. Christian Carcagno. Point positif, nous avons constaté que le système HAPI fonctionne. Même si les ARS s’en méfient encore un peu et ont conservé leurs systèmes autonomes en 2013, il est probable qu’elles l’utiliseront de façon exclusive pour la prochaine campagne de tarification. D’autres applications, d’ailleurs bien moins lourdes, seront absorbées à terme. En ce qui concerne l’allocation des moyens de l’offre collective, nous constatons donc qu’une ligne directrice se dégage et que des perspectives favorables se dessinent.

M. le coprésident Pierre Morange. Disposons-nous d’une évaluation du coût de mise en œuvre de cette urbanisation ? Avons-nous bien affaire à des systèmes ouverts, et non à des systèmes mainframe comme ceux que nous avons rencontrés dans la branche famille ?

M. Christian Carcagno. Il n’y a rien de comparable. Nous avons tenté d’estimer les coûts, ce qui n’est pas facile, mais les sommes en jeu ne sont pas considérables car, d’une part, ces systèmes sont très décentralisés puisqu’ils sont gérés dans les ARS et, d’autre part, la CNSA dispose en son sein d’un service d’une dizaine de personnes qui nous ont paru compétentes, ce qui permet de limiter le recours aux cabinets de conseil. Cette direction des systèmes d’information fournit un travail important qui tend à se développer, plusieurs arbitrages favorables ayant permis à la Caisse de renforcer ses moyens dans ce domaine.

Pour ce qui est des MDPH, la situation est plus complexe car la loi n’était pas claire. Lors de la création de la CNSA, les départements n’ont pas voulu lui déléguer le pilotage des systèmes d’information. Elle devait donc remplir une mission impossible consistant à fédérer des informations dont elle n’avait pas la maîtrise. Une kyrielle de prestataires de services intervenait. Un système d’information national « SipaPH », pour Système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées, a été créé en 2010 pour recueillir toutes les informations et les faire remonter, mais son développement n’était pas satisfaisant car, en même temps que des opérateurs tardaient à entrer dans le jeu, certaines MDPH considéraient que ce sujet ne constituait pas une priorité, qu’il leur fallait d’abord dématérialiser les demandes. En définitive, le SipaPH a pris un retard considérable et la première des quatre phases préalables à son alimentation n’est pas encore partout mise en œuvre.

Aujourd’hui, néanmoins, les départements ont pris conscience de l’intérêt que pouvait avoir l’existence d’une instance centrale leur permettant de récupérer, d’échanger et de comparer des données. Cette évolution se traduit dans les mesures figurant dans l’avant-projet de loi qui, dans sa version de la fin du mois de février, prévoyait que la CNSA disposerait de la maîtrise du pilotage du système d’information des MDPH, grâce à la labellisation et à l’utilisation du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques. Si ces dispositions sont votées, la CNSA disposera de plus de pouvoir pour développer ce système d’information. Elle en tirera un réel profit pour l’évaluation des besoins des personnes handicapées, ce qui devrait lui permettre d’ajuster avec les ARS les schémas et l’offre.

Mme Bérengère Poletti. Le paysage médico-social a considérablement évolué depuis dix ans. La création de la CNSA, la loi du 11 février 2005 précitée, l’implantation des MDPH dans les départements et la création des ARS ont constitué une véritable révolution dans ce secteur.

En 2010, j’ai été rapporteure de la mission d’information, présidée par Mme Laurence Dumont, sur les missions et l’action de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Il faut bien avouer que, malgré les efforts de communication consentis par la CNSA, son organisation et ses mécanismes de financement ne sont pas faciles à décrypter. Ils font parfois figure d’usine à gaz pour des parlementaires qui ne sont pas toujours prêts à consacrer l’énergie nécessaire à l’analyse de ce dispositif – et qui ne saisissent d’ailleurs toujours pas, par exemple, pourquoi tous les crédits ne sont pas dépensés alors que, sur le terrain, les besoins sont immenses.

Même si les choses s’améliorent, cette non-consommation des crédits a constitué durant des années un véritable problème. La création par notre commission des affaires sociales de cette mission d’information visait à analyser ce phénomène. Quatre ans après, je constate que vos réflexions et vos questions rejoignent les nôtres. Ainsi les systèmes d’information qui étaient au cœur de nos propositions sont encore aujourd’hui au cœur des vôtres, et l’on peut craindre qu’en la matière les choses se compliquent encore. En effet, si l’on peut se satisfaire de l’action que la CNSA conduit en faveur des personnes handicapées en partenariat avec les MDPH, tout reste à faire pour les personnes âgées. Les départements qui pilotent les politiques de ce secteur et la CNSA ne se connaissent pratiquement pas.

Mme Anne Froment-Meurice. Il y a tout de même eu des progrès !

Mme Bérengère Poletti. Peu !

Mme Anne Froment-Meurice. Le futur projet de loi pourrait donner à la CNSA les moyens qui lui manquent aujourd’hui pour jouer son rôle en matière d’accompagnement des personnes âgées. La Caisse est en effet chargée en ce qui les concerne de la même mission que celle qu’elle exerce maintenant avec plus de succès à l’égard des personnes handicapées : elle doit veiller à l’équité de la répartition des concours sur le territoire. Il est très gênant qu’elle ne puisse pas s’en acquitter.

Mme Bérengère Poletti. Je crois qu’une conférence des financeurs doit être organisée dans les départements. Elle devrait permettre de tisser des liens avec la CNSA.

Malgré des améliorations progressives, les difficultés rencontrées pour consommer la totalité des crédits demeurent. En 2010, nous avions constaté que la délégation tardive des crédits vers les ARS ne laissait que quatre mois pour mener la campagne sur le terrain. Certaines dispositions avaient été prises afin que les ARS puissent anticiper les besoins – notification d’enveloppes anticipées, recours aux appels à projets… Il semble néanmoins que le problème persiste. Ces mesures ont-elles permis d’assurer une meilleure fluidité des crédits ?

Dans notre rapport, nous avions également préconisé de renforcer l’audit interne de la Caisse et envisagé la possibilité d’une certification de ses comptes par la Cour des comptes. Nous avions en outre souhaité faire évoluer sa gouvernance en allégeant la composition de son conseil. Quelles solutions permettraient selon vous à la CNSA de prendre ses décisions de manière plus fluide et plus rapide ?

M. Christian Carcagno. Les grands plans nationaux de création de places, comme le plan solidarité grand âge pour 2007-2012, ont joué un rôle dans la non-consommation des crédits en raison d’un décalage entre les ambitions et l’exécution par les ARS – les objectifs en matière de création de services n’ont pas été atteints, alors qu’ils étaient dépassés en ce qui concerne la création d’établissements. Ce constat avait conduit le ministère et la CNSA à mettre en place un système d’autorisations de programme et de crédits de paiement.

Aujourd’hui, grâce aux appels à projets et au tarissement des crédits nouveaux, lié à la fin des grands plans nationaux, la sous-consommation des crédits tend à diminuer.

Mme Bérengère Poletti. La création des ARS a sans doute contribué aussi à cette amélioration – auparavant, lorsque les choses se décidaient au niveau du département, on constatait d’ailleurs que les crédits étaient mieux répartis et consommés quand les préfets de région s’en chargeaient au plus près du terrain. Il reste cependant des crédits non consommés.

Mme Anne Froment-Meurice. Cela concerne désormais seulement 1 % des crédits : on est passé de 490 millions d’euros en 2012 à 173 millions en 2013.

Mme Bérengère Poletti. Il y a donc eu une amélioration !

M. Dominique Antoine, conseiller maître, président de section. Le renforcement des missions de la CNSA doit permettre d’étendre aux personnes âgées toutes les compétences qu’elle exerce aujourd’hui à l’égard des personnes handicapées.

Un débat permanent existe aussi sur la frontière qu’il faudrait tracer entre la CNSA et les administrations centrales de l’État, en particulier avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Évidemment, un établissement public peut se montrer plus « agile » et réactif qu’une administration centrale. La Cour reste néanmoins un peu réticente à l’idée de voir confier des missions à caractère réglementaire à un établissement public détaché de l’État. Il faut sans doute améliorer la coopération entre les deux entités en question et ne pas hésiter à mettre davantage la CNSA à contribution, par exemple dans la préparation de certains textes en tant qu’expert, mais la DGCS devrait selon nous conserver son rôle normatif.

Mme la rapporteure. Plusieurs propositions ont été faites en matière de gouvernance, en particulier la création d’un Haut Conseil de l’âge. On a également évoqué la possibilité de revoir la composition du conseil de la CNSA, en ménageant trois postes de vice-président : l’un pour un représentant des départements et les deux autres partagés entre les associations s’occupant des personnes âgées et celles qui s’occupent des personnes handicapées. De fait, en tant que présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, je sais que ces associations souhaitent que la CNSA ne perde pas de vue les spécificités de prise en charge tant du vieillissement que du handicap. Que pense la Cour de ces propositions ? Sont-elles susceptibles d’améliorer la situation ?

Mme Anne Froment-Meurice. Notre rapport mentionne dans ses développements consacrés à la gouvernance les propositions qui ont été avancées en vue d’accroître la représentation des principaux financeurs de la Caisse au sein de son conseil, en y faisant entrer les organismes de sécurité sociale et en y renforçant la place des conseils généraux qui pourraient se voir confier une troisième vice-présidence, créée à cet effet. À ma connaissance, les réflexions en cours et le futur projet de loi vont dans ce sens, ce qui nous semble positif comme tout ce qui permet de resserrer les liens entre les départements et la CNSA et de faciliter l’action de cette dernière.

Mme Bérengère Poletti m’a paru très critique : mes collègues, que l’élaboration de ce rapport a conduits à fréquenter assidûment la CNSA, n’ont pas eu le sentiment qu’elle était confrontée à des blocages dus à sa gouvernance. Il nous semble au contraire que l’institution fonctionne bien.

Mme Bérengère Poletti. Je me suis sans doute mal fait comprendre. Les lourdeurs que j’évoquais concernent la conception originelle très complexe de certains mécanismes, en matière budgétaire notamment ; je n’en reconnais pas moins que la CNSA constitue l’une des grandes réussites de la loi du 11 février 2005. Le progrès permis par le lien établi entre la Caisse et les MDPH est tel que nous regrettons que le modèle ne s’applique pas également en ce qui concerne les personnes âgées – mais je pense qu’il a servi d’exemple à ceux qui ont élaboré le projet de loi sur le vieillissement.

Je me suis contentée de constater qu’alors que certaines lourdeurs de fonctionnement ou certaines difficultés sont identifiées depuis longtemps, on n’y remédie que bien lentement – par exemple en ce qui concerne les systèmes d’information.

M. le coprésident Pierre Morange. Les systèmes d’information constituent en effet un sujet central.

La Cour, dans sa septième recommandation, considère qu’il est impératif de « progresser dans la connaissance des coûts des établissements et services médico-sociaux », ce qui souligne, en creux, leur dispersion. Celle-ci s’explique peut-être par l’histoire de la prise en charge de la dépendance et du handicap, qui doit beaucoup à l’action des associations même si l’État a peu à peu rattrapé son retard. Avez-vous constaté dans le secteur du handicap une multiplication des coûts de fonctionnement liée à ce phénomène, comme la Cour avait pu le relever dans son travail sur les hôpitaux ?

Mme Anne Froment-Meurice. Il s’agit de l’un des rares sujets sur lesquels nous sommes vraiment critiques à l’égard de la CNSA. Nous constatons une grande insuffisance en matière de connaissance des coûts. Les gestionnaires actuels ne sont pas en cause – ils font ce qu’ils peuvent – mais, presque dix ans après la création de la Caisse, on se demande comment il a été possible d’attendre aussi longtemps pour mener des études de coûts, sachant que, sans la connaissance de ceux-ci, la CNSA ne peut remplir sa mission consistant à répartir équitablement l’OGD entre les territoires.

Nous avons longuement débattu du sujet avec la Caisse, qui insiste sur ce qui est désormais entrepris. Néanmoins, des obstacles se dressent encore, ne serait-ce qu’en raison de la complexité de ces analyses. Une contribution a été demandée à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), qui fait un remarquable travail dans son domaine mais qui n’a pas les moyens de donner cet appui, sachant que ces enquêtes prennent de trois à quatre ans.

En la matière, le retard pris par la CNSA est considérable et, même si plusieurs études ont été lancées, il faudra longtemps pour le combler.

M. Dominique Antoine. Je veux également souligner que la bonne répartition des moyens n’épuise pas les exigences de l’équité entre territoires. Il faut aussi une juste distribution des moyens financiers entre les établissements, y compris à l’intérieur d’un même territoire.

M. le coprésident Pierre Morange. … distribution qui doit être justifiée par la bonne utilisation de ces moyens.

M. Dominique Antoine. La Cour a identifié un certain nombre de freins parmi lesquels un déficit de volonté partagée, que vous évoquiez à demi-mot, monsieur le coprésident. Il est vrai que la transparence sur les coûts peut déranger et remettre en cause des situations acquises. La CNSA ou les ARS ont aussi pu trouver une certaine facilité dans la reconduction mécanique des enveloppes. Il ne faut pas non plus négliger l’insuffisance des outils à la disposition de l’État, qui a concentré son expertise sur le secteur sanitaire en négligeant le secteur médico-social.

La Cour des comptes ne pousse évidemment pas à la dépense mais, précisément, il semble qu’investir un peu plus dans l’expertise médico-sociale donnerait un levier pour réaliser des économies, en sus de favoriser la recherche de l’équité.

Mme Bérengère Poletti. Derrière ce problème de la connaissance des coûts, nous rencontrons forcément celui de la réforme de la tarification des établissements que, pour ma part, je réclame depuis des années. Une telle réforme n’aurait rien d’anodin sachant que certaines tarifications historiques vont bien au-delà de ce qui se pratique sur le terrain. Il faudrait instaurer une convergence entre les établissements, convergence que les associations de personnes handicapées n’appellent pas nécessairement de leurs vœux.

Mme Anne Froment-Meurice. Nous menons actuellement une enquête, qui devrait aboutir au second semestre de cette année, sur la tarification et sur l’allocation des ressources dans les établissements sociaux et médico-sociaux qui hébergent des personnes âgées et des personnes handicapées, et nous faisons le même constat que vous. Mais cette réforme de la tarification est manifestement un sujet compliqué.

Mme la rapporteure. Après que plusieurs événements médiatisés ont mis en évidence les difficultés de prise en charge de certaines situations de handicap, le Gouvernement a confié à M. Denis Piveteau, conseiller d’État, une mission sur le sujet qui devrait traiter de cette question de la tarification. Elle met en effet en jeu le fonctionnement des établissements, leur répartition et l’offre sur les territoires. Cette contribution devrait nous permettre d’avancer sur cette question essentielle que nous évoquons depuis longtemps.

La Cour ne propose, dans sa cinquième recommandation, que de revoir le mécanisme de lissage des réductions des écarts interrégionaux appelé « serpent » alors qu’elle préconise de mettre fin à la pratique de la réserve nationale. Pourquoi cette différence de traitement ?

Mme Anne Froment-Meurice. Dans un premier temps, nous avions proposé la suppression du « serpent ». À l’issue de la procédure contradictoire avec la CNSA, nous avons décidé de nous contenter d’en demander la révision car, sur le terrain, certains éléments peuvent justifier son maintien, ce qui n’est pas vrai de la réserve nationale.

M. Christian Carcagno. La réserve nationale joue sur des volumes considérables et gêne les ARS. Certaines décisions prises au niveau central sont contraires aux prescriptions des schémas ; les ARS nous en ont fourni de multiples exemples. En termes d’efficacité de la répartition des moyens sur le territoire, la Cour considère donc que la réserve est contre-productive.

Le mécanisme du « serpent » a une portée plus symbolique. Le conseil de la CNSA avait souhaité que toutes les régions, même celles qui étaient « surdotées », bénéficient des moyens supplémentaires alloués dans le cadre des grands plans. Ce choix qui est à l’origine du « serpent » a évidemment paru à la Cour contraire à la volonté du législateur de réduire les écarts entre les régions. La CNSA nous a toutefois convaincus de modérer notre recommandation initiale en faisant valoir qu’il était difficile de ne rien donner dans certains secteurs. En tout état de cause, le tarissement des grands plans nationaux fait que ce mécanisme aura désormais des effets sans commune mesure avec ceux qu’a provoqués l’existence de la réserve nationale.

Mme Anne Froment-Meurice. Comparativement, les enjeux financiers sont très faibles.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous remercions vivement la Cour des comptes pour les éclairages qu’elle nous a apportés ce matin. Nous avons eu un immense plaisir à l’accueillir, comme c’est toujours le cas.

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AUDITIONS DU 17 AVRIL 2014

Audition de Mme Paulette Guinchard, présidente du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), M. Luc Allaire, directeur, Mme Bernadette Moreau, directrice de la compensation de la perte d’autonomie, et M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus. Je vous prie de bien vouloir excuser MM. les coprésidents Morange, retenu en séance publique, et Germain.

Les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ont fait l’objet de nombreux travaux, notamment, en 2010, d’un rapport de Laurence Dumont et Bérengère Poletti intitulé « La CNSA, un partenaire innovant : bilan et perspectives ». La Caisse est, en effet, devenue un acteur incontournable pour les politiques publiques à destination des personnes âgées et des personnes handicapées, et plus généralement pour celles qui intéressent l’ensemble du champ médico-social. Dans cette optique, nous nous penchons sur les moyens de la conforter dans ses missions et, si possible, de les améliorer. Aussi avons-nous souhaité vous entendre aussitôt après la Cour des comptes, dont nous avons reçu des représentants la semaine dernière.

J’aimerais avoir, Madame la présidente, votre sentiment général sur la CNSA, dont vous venez de prendre la présidence, ainsi que sur son fonctionnement. Nous pourrons ensuite évoquer, de façon plus détaillée, la gouvernance et le positionnement de la CNSA, les systèmes d’information, la compensation – qu’elle soit collective ou individuelle – de la perte d’autonomie, ainsi que la place et le rôle des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, peut-être amenées à devenir des maisons départementales de l’autonomie, sachant que le contexte est encore appelé à évoluer, notamment depuis les annonces relatives aux départements.

Mme Paulette Guinchard, présidente du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Je me limiterai aux questions d’ordre général, pour vous faire part de mon ressenti.

Depuis le mois novembre, date à laquelle je suis entrée dans mes fonctions de présidente, j’ai pu constater que la CNSA, n’ayant que dix ans d’existence, se construisait en mobilisant toutes les ressources de l’imagination. Son mode de gestion présente un intérêt tout particulier, la présence des associations – représentants du monde du handicap ou, pour les personnes âgées, professionnels – obligeant décideurs et financeurs à se confronter aux réalités du terrain ; cela a aussi permis de rapprocher les politiques à destination des personnes âgées et des personnes handicapées, même si l’on peut sans doute aller plus loin dans cette convergence. Un tel modèle de gestion, fondé sur l’écoute, a une force démocratique que je ne soupçonnais pas : il permet, au-delà des questions financières – évidemment essentielles –, d’aborder des sujets de fond, comme lors du dernier conseil, au cours duquel fut voté un rapport prospectif sur la représentation et la participation des usagers.

La nouveauté que constitue le ciblage strict des financements, y compris des réserves, est une autre force de notre organisation ; nous y reviendrons sans doute.

La gestion de la CNSA peut servir d’exemple à l’heure où l’on s’interroge sur la démocratie représentative, car elle oblige les uns et les autres à s’écouter. La CNSA travaille également avec les agences régionales de santé (ARS), les conseils généraux ou les associations représentant les personnes handicapées – en particulier à travers les MDPH –, et ce faisant contribue à l’animation des différents secteurs concernés : on peut le constater, par exemple, avec la mise en place des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA.

Que ce soit au niveau des MDPH, des conseils généraux ou des MAIA, les missions d’animation de la CNSA contribuent aussi à l’égalité territoriale, y compris par le biais des systèmes d’information, car, dans les domaines dont nous parlons, les connaissances sont encore insuffisantes.

Bref, l’animation et le dialogue avec les différentes structures territoriales me semblent constituer un modèle de gestion innovant, d’autant qu’il associe les représentants des usagers ; j’aimerais beaucoup, d’ailleurs, qu’une étude sociologique montre ce qu’il peut apporter du point de vue du fonctionnement démocratique. En définitive, c’est tout le champ des politiques sociales qui est concerné.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Comment voyez-vous évoluer la gouvernance que vous avez décrite, sachant que nous sommes dans l’expectative pour les départements ?

Êtes-vous favorable à un accroissement du rôle du conseil scientifique de la CNSA ?

Dix ans d’existence, cela peut paraître long, mais en réalité, c’est court, car c’est le temps de la construction. Auriez-vous une ou deux pistes pour améliorer le fonctionnement de la CNSA ?

Mme Paulette Guinchard. S’agissant de l’évolution de la CNSA, un approfondissement des relations avec les ARS, les conseils généraux et les MDPH me semblerait utile : la mission d’animation – même si certains peuvent s’interroger sur ce terme –, au niveau local comme national, a en effet une portée très forte. Le projet de loi de Mme Delaunay sur la prise en charge du vieillissement comporte une évolution intéressante de ce point de vue, pour ce qui concerne les relations entre la CNSA et les départements. Les conseils généraux sont bien entendu décideurs, mais l’animation permet, à travers les rencontres, d’échanger points de vue et savoir-faire. Cela peut présenter un intérêt tout particulier, par exemple, sur le sujet de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les personnes âgées.

Quant au conseil scientifique, il vient d’être renouvelé. Nous devons assurément nous pencher sur la question que vous avez posée, madame la rapporteure. C’est si vrai que, lors de la dernière réunion du conseil, il a été décidé d’inscrire les questions de recherche en tête de l’ordre du jour, avant les questions financières qui auparavant les précédaient. Dans les domaines dont nous parlons, la recherche, essentiellement ponctuelle et dispersée, s’est encore peu structurée. Les financements de la CNSA peuvent contribuer à y remédier, comme l’illustre le partenariat récemment signé, pour trois chaires, avec l’École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes ; mais nous pouvons aller plus loin. La CNSA, par le biais de son conseil scientifique, apporte au monde médical l’éclairage de l’expérience, tant il est vrai que l’accompagnement ne se résume pas aux aspects sanitaires. Le fait que l’approche médicale prévale depuis plusieurs années tient précisément à la trop grande dispersion de la recherche dans d’autres disciplines, en particulier les sciences sociales. Cela dit, le conseil scientifique n’a que dix ans d’existence : c’est très court. Peut-être pourriez-vous auditionner sa présidente, Marie-Ève Joël.

M. Luc Allaire, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. La CNSA travaille dans un esprit de rigueur scientifique. Outre son conseil scientifique, elle s’appuie sur la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, qui est au cœur des politiques scientifiques du ministère chargé des affaires sociales. C’est avec elle, par exemple, que nous avons réalisé l’étude consacrée à l’APA et à la prestation de compensation du handicap (PCH).

Deux exemples peuvent illustrer l’engagement du conseil scientifique au cœur des missions de la CNSA. Le premier est celui des concours au profit de la recherche et de l’innovation via la section V de notre budget, qui dispose d’une enveloppe de 20 millions d’euros par an. Pour les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche, la CNSA est devenue un partenaire important, doté d’une réelle force de frappe. Depuis trois ans, le conseil scientifique est associé aux décisions du comité « section V », lesquelles résultent d’un consensus et en aucun cas d’un mécanisme hiérarchique : c’est après examen de l’expertise collective interne à la CNSA, des expertises scientifiques indépendantes et de l’avis du représentant du conseil scientifique qu’est décidé l’octroi de subventions. À partir de cette année, ce sont même deux représentants du conseil scientifique qui siégeront au sein du comité, chacun étant spécialisé dans les dossiers consacrés, soit aux personnes âgées, soit aux personnes handicapées, car les spécificités des uns et des autres sont marquées. Le seul cas de divergence entre les experts est survenu l’an dernier. J’ai alors soumis, selon une procédure de référé, la question au conseil scientifique réuni en formation plénière. C’est au vu de son avis – négatif, en l’occurrence – que nous avons tranché.

Le deuxième exemple d’action du conseil scientifique concerne les critères d’allocation des crédits aux ARS. Compte tenu de la difficulté de la tâche, nous y avons associé la DREES.

Le conseil scientifique, nommé pour quatre ans, est périodiquement renouvelé par tiers, ce qui assure aussi une certaine continuité. Un tiers des membres a ainsi été renouvelé cette année par arrêté ministériel. Au cours de sa première réunion, deux questions ont été soulevées. La première, évoquée par Mme Guinchard, est celle de la structuration de la recherche : nous y œuvrons à travers les financements de la section V. Nous avons constaté que, entre les professeurs chevronnés, plus âgés, et les jeunes doctorants, il manque un chaînon ; aussi aimerions-nous structurer une filière de chercheurs dont l’âge se situe dans la tranche intermédiaire.

La deuxième question soulevée était celle des stratégies innovantes. Les Massively open online courses (MOOCs), ces cours en ligne qui se développent aux États-Unis, ont fait l’objet d’une présentation par M. Antoine Flahault, qui a été directeur de l’EHESP jusqu’à la fin 2013. Nous allons engager une réflexion collective au sein du conseil scientifique sur la mise en place éventuelle, dans des conditions financières et d’organisation à définir, de MOOC en vue de faciliter l’accès aux travaux de recherche et aux enseignements relatifs aux personnes âgées et personnes handicapées (PA-PH).

En 2011, nous avons mis en place le financement pour quatre ans de trois chaires dans le domaine de la recherche médico-sociale. Il s’agissait d’assurer un complément de financement autour de trois chercheurs bien connus dans le secteur – M. Martin, M. Ravaud et Mme Weber. La présidence du conseil scientifique des trois chaires est assurée par Mme Joël, qui préside également le conseil scientifique de la CNSA : cela garantit une meilleure articulation méthodologique entre les deux conseils. Le comité de pilotage des trois chaires, présidé par les directeurs de l’EHESP, de l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), de l’École normale supérieure et de la CNSA – moi-même à l’heure actuelle –, a demandé au conseil scientifique d’évaluer les travaux des trois chaires. Ce bilan sera présenté au conseil scientifique de la CNSA qui leur a alloué les crédits. Sur cette base, nous déterminerons s’il convient de renouveler une, deux, trois chaires ou d’en financer davantage, ou bien s’il vaut mieux orienter nos efforts vers d’autres financements de recherche comme les MOOC.

En tout état de cause, je suis convaincu que la recherche est au cœur des politiques de la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Les échanges de données et le contrôle des établissements ont-ils permis à la CNSA d’appréhender le suivi des dépenses ? Le comité de suivi prévu dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre la CNSA et l’État se réunit-il régulièrement ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous apporter quelque éclairage sur les systèmes d’information dont tout le monde convient sinon de l’inadaptation, du moins des difficultés ?

M. Luc Allaire. La COG, signée au début de 2012 pour une durée de quatre ans et dont le champ couvre l’ensemble du périmètre de la CNSA, comporte sept objectifs :

– le suivi fin de l’objectif global de dépenses ;

– la mise en œuvre d’une politique d’efficience dans les établissements et services médico-sociaux ;

– la structuration des échanges entre la CNSA et les ARS dans le cadre du lancement et du suivi des campagnes budgétaires ;

– la connaissance relative à l’APA et à la PCH ainsi que le renforcement de l’équité d’accès à ces prestations, dont l’Assemblée des départements de France avait fait une demande forte parmi les cinquante-cinq propositions qu’elle avait formulées en 2011, dans le cadre des débats sur la préparation du projet de loi relatif à la dépendance ;

– l’harmonisation des pratiques des MDPH ;

– la professionnalisation de l’aide à domicile ;

– l’efficience interne de la CNSA, qui a été évoquée hier, de façon subliminale, par le Premier ministre dans son discours puisque, comme tout le monde, nous sommes astreints à des efforts de productivité, de gains d’efficience, de réduction de nos coûts.

Dans le cadre du suivi de la COG, nous organisons deux réunions par an, pilotées par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), en lien avec l’ensemble des directions de tutelle de la CNSA, à savoir le secrétariat général des ministères sociaux, la direction de la sécurité sociale (DSS) et la direction du budget. Ces réunions commencent par un point sur l’ensemble des indicateurs de suivi, puis un focus est fait sur deux ou trois points particuliers qui sont soit stratégiques, soit problématiques.

Le SipaPH, le système d’information des MDPH, est l’un des sujets qui ont fait l’objet de l’attention du dernier comité de la COG, au début de l’année 2014. Les tutelles ont accepté de transformer l’objectif initial fixé par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui ne sera pas atteint pour des raisons systémiques. Nous avons diligenté un audit du système d’information (SI) et sommes convenus avec la direction financière de reprendre le dossier différemment.

Pour le reste, nous avançons très correctement dans la réalisation des objectifs ; j’ai bon espoir qu’ils seront tous remplis à la fin de 2015, à l’exception donc, qui n’est pas mineure, du système d’information des MDPH.

Mme Moreau et M. Dupont aborderont plus en détail nos deux grands systèmes d’information. Pour ma part, je préciserai que le premier, recueillant des données de nature professionnelle, concerne les établissements et services médico-sociaux (ESMS) et le second, recueillant des données nominatives, les MDPH. Tous deux ne relèvent pas du même droit, du fait de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Je serai plus dur que vous, madame la rapporteure : nos systèmes d’information ne sont pas seulement inadaptés, ils sont quasiment inexistants. En ce qui concerne le secteur médico-social, la CNSA n’est pas à l’âge de pierre mais à l’âge Excel, ce qui vaut à peine mieux au XXIe siècle. Nous n’avons rien d’équivalent avec le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) des hôpitaux ou avec le système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM), pour la médecine de ville, qui sont des outils extraordinaires pour les chercheurs. Nous ne disposons pas de données nominatives anonymisées dans le cadre de la législation sur l’informatique et les libertés, qui permettraient d’établir des statistiques nationales et un suivi des études, à la fois pour les politiques publiques et pour la recherche. Nous avons donc tout à construire, conformément, du reste, aux objectifs de la COG.

En 2011 et 2012, dans le cadre de la COG, nous avons bénéficié, de façon tout à fait extraordinaire pour l’époque, de sept emplois supplémentaires, en même temps que nous avons dû consentir un effort de redéploiement interne et appliquer la fameuse politique de non-remplacement d’une personne sur deux partant à la retraite, même si, juridiquement, nous ne sommes pas opérateur de l’État. L’application de cette mesure a touché six emplois en quatre ans. Nous avons réaffecté l’essentiel des sept emplois créés et des six emplois redéployés aux systèmes d’information dans le champ de la compensation collective et dans celui de la compensation individuelle.

Nous travaillons de façon déterminée et méthodique sur l’ « urbanisation » des systèmes d’information des ESMS. Nous avançons vraiment depuis la mise en place du système d’information de gestion des campagnes, dit « Harmonisation et partage d’information » (HAPI). Mais nous allons très au-delà et nous suivons un calendrier volontariste.

M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux. Le système HAPI, déployé au sein des agences régionales de santé, nous permet de suivre en temps réel l’exécution des dépenses d’assurance maladie consacrées au financement des ESMS. Nous pouvons ainsi rendre compte, chaque trimestre, au comité de conjoncture du suivi de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) piloté par la direction de la sécurité sociale et, chaque année, au conseil de la CNSA. Cette application a désormais atteint sa vitesse de croisière.

D’autres applications nous renseignent, notamment sur l’état d’avancement de l’installation des places nouvelles créées au sein des établissements. Notre objectif est de rationaliser ces applications héritées pour la plupart de la période antérieure à la création de la CNSA, afin d’aboutir à un système plus intégré, « urbanisé » selon l’expression consacrée, qui réponde à l’ensemble des besoins de gestion des équipes médico-sociales des agences de santé.

Mme Bernadette Moreau, directrice de la compensation de la perte d’autonomie. La loi du 11 février 2005 avait laissé la possibilité aux MDPH de construire leur propre système d’information, pourvu qu’il soit conforme aux dispositions du décret du 15 mai 2007 autorisant la création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel par les maisons départementales des personnes handicapées et modifiant le code de l’action sociale et des familles, précisant les contenus à développer. Ces informations devaient être transmises au niveau national, dans un « entrepôt » constitué par la CNSA, à savoir le SipaPH.

Une version test a été livrée en 2009 et l’arrêté décrivant les caractéristiques des données attendues est paru fin 2010. Or la construction du système s’est avérée difficile, car soit nous ne recevions pas les flux nécessaires des maisons départementales, soit nous ne parvenions pas à les interpréter. Par conséquent, nous avons lancé un audit en 2013 ; parallèlement, le rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances (IGAS-IGF) sur les établissements et services pour les personnes handicapées nous invitait à avancer sur le sujet, rejoignant l’inquiétude des MDPH et des conseils généraux désireux de développer leur propre système pour favoriser les échanges à la fois au niveau national, avec la CNSA, et au niveau local, avec tous leurs partenaires : caisses d’allocations familiales, caisses de mutualité sociale agricole (MSA), Pôle emploi, éducation nationale. L’Assemblée des départements de France nous a donc soutenus dans la conduite de cet audit.

Les recommandations en sont assez précises, les deux premières étant incontournables : revoir le système de gouvernance pour que tous les acteurs se mettent d’accord sur les priorités et le calendrier à respecter ; s’assurer que toutes les MDPH aient un tronc commun de fonctionnement et utilisent un langage commun afin qu’un même vocable désigne la même chose dans chaque système local. Ce n’est pas évident, car les MDPH gèrent de très nombreuses prestations elles-mêmes fort complexes.

Deux scénarios peuvent être envisagés. Dans le premier, les auditeurs des MDPH intègrent dans leur propre SI ce tronc commun qui leur permettra d’obtenir de la CNSA un label de conformité. Parallèlement, la Caisse construit les services transversaux qui permettront aux MDPH d’échanger avec les partenaires locaux.

Dans le second scénario, les systèmes locaux sont remplacés par un système unique construit par la CNSA. Il s’agit certes d’un changement assez complet de paradigme, mais l’intérêt financier est évident puisqu’il n’y aurait plus qu’un seul système à adapter et à mettre à jour régulièrement contre cent. Les avis sur ce scénario sont assez partagés, certains acteurs s’y montrant favorables, d’autres non.

Quel que soit le scénario choisi, il ne pourra être que progressif ; il faudra du temps pour construire un tel système : cinq à dix ans selon l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP).

Sollicitée par l’ancienne ministre déléguée, l’Assemblée des départements de France s’est prononcée en faveur du second scénario, le scénario dit « intégré », parce que moins coûteux à terme. En attendant la confirmation des ministres concernés pour avancer, nous préparons une feuille de route.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous voyons bien l’intérêt du tronc commun. Toutefois, le délai de cinq à dix ans n’a pas de quoi rassurer au regard de l’avancement du dossier, en dépit de certains progrès que vous avez mentionnés. Pensez-vous que les MDPH sont prêtes ? On sentait, en effet, il n’y a pas si longtemps, des résistances assez fortes liées à la crainte d’un contrôle national alors que le législateur avait confié à chaque collectivité le soin de mener ces avancées. Les auditions auxquelles nous avons procédé ces dernières années montrent une certaine convergence sur le sujet à la fois de la part des MDPH, des collectivités et, aujourd’hui, de la CNSA.

M. Luc Allaire. Cinq à dix années sont nécessaires pour obtenir un système achevé, mais la progression sera régulière. Ainsi, nous sommes en train de construire une base de données employabilité qui est l’exemple type d’un service transversal du SI des MDPH ; cette base sera opérationnelle dès 2015.

C’est un jeu que l’on joue à trois : la CNSA en lien avec ses partenaires de l’État, comme l’ASIP, les MDPH et les conseils généraux. Nous ne pourrons bien travailler que si nous disposons de l’appui politique, au niveau national, de l’Assemblée des départements de France. C’est pourquoi nous travaillons continûment avec elle : l’ADF a été associée à toutes les phases de l’audit évoqué par Mme Moreau ; son président, M. Claudy Lebreton, a été impliqué dans le choix de l’objectif final et du scénario de référence ; nous-mêmes avons travaillé avec M. Yves Daudigny, le président de la commission des affaires sociales et familiales de l’ADF.

Notre logique n’est pas celle du « tout ou rien », et nous allons progresser dans notre construction brique par brique. Si le processus d’urbanisation prendra de trois à huit ans, nous avons d’ores et déjà une première brique avec le système HAPI qui nous permet, depuis deux ans, de faire une prévision d’exécution remarquablement fiable : dès le mois d’octobre, nous sommes en mesure de donner à nos tutelles un grammage assez fin de prévision d’atterrissage de l’ONDAM pour les PA-PH. De même, pour le système d’information des MDPH, l’objectif est d’obtenir des résultats rapides même si la version complète demandera cinq à dix ans et beaucoup de travail à la CNSA.

Mme Bernadette Moreau. Nous ne sommes pas complètement démunis : nous sommes capables d’établir des statistiques, même si nous ne disposons que de tableaux Excel et de deux statisticiens seulement pour contrôler les cent fichiers envoyés par les cent MDPH.

Aujourd’hui, les MDPH attendent l’établissement des statistiques au niveau national pour pouvoir se comparer entre elles. Autant, en 2006-2007, les départements étaient assez réticents à la publication de statistiques nominatives, autant ils les réclament aujourd’hui, à tel point que dans l’édition 2012 de nos conventions d’appui à la qualité de service, l’ADF a demandé que toutes les statistiques fassent apparaître le numéro des départements. Je vous remets un rapport sur ce qui se passe dans les MDPH chaque année.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Venons-en à la réserve nationale – la part des dotations des plans nationaux allouées aux ARS sur instruction expresse d’un ministre, qui contribue souvent à accroître les écarts d’équipements entre les territoires. Pensez-vous que sa suppression est envisageable ?

Sur tous nos territoires, nous sommes confrontés au manque de place, à tout le moins à la méconnaissance de l’offre. Quelques affaires récentes ont d’ailleurs montré que ces situations peuvent tourner au drame. Une mesure d’alerte a été lancée et M. Denis Piveteau, ancien directeur de la CNSA, conduit actuellement un travail sur la question.

Quel est votre point de vue, vous qui vous trouvez au cœur de ces sujets ?

M. Luc Allaire. Il ne vous a pas échappé, madame la rapporteure, que la réserve nationale est de nature ministérielle ; je laisse donc aux intéressés le soin de vous répondre. Je peux vous faire part de ce que nous avons répondu, sur un plan technique, à la Cour des comptes dans le cadre d’un contrôle de gestion. La doctrine d’emploi de la réserve nationale soulève deux problèmes : d’une part, cette réserve n’est pas nécessairement répartie conformément aux critères votés par le conseil de la CNSA ; d’autre part, elle s’articule difficilement avec la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires en tant que celle-ci prévoit, pour les ouvertures de places, des appels à projets. La réserve dite « d’investissement » ne soulève pas les mêmes difficultés ni en termes de critères de répartition, puisqu’il s’agit de rénover des établissements existants, ni en termes d’appels à projets.

Vous avez évoqué la question des personnes handicapées en situation de non-placement, qui a été très médiatisée à l’automne dernier. Ce sujet a donné lieu, d’une part, à l’installation d’un dispositif dit « situations critiques » par circulaire ministérielle, d’autre part, à une mission confiée à M. Piveteau. Ce dernier travaille avec l’ensemble des partenaires, et considère d’ores et déjà qu’une partie de la réponse se trouve dans l’adaptation de l’offre existante. Dans son rapport, attendu pour la fin du mois de mai, il proposera peut-être d’éventuelles modifications législatives au ministre. Enfin, la connaissance des places dites « inadéquates » s’affinera au fil du temps, grâce en particulier à un autre SI que nous sommes en train de développer relatifs aux orientations et à l’accueil dans les établissements pour personnes handicapées.

Le cas qui a été médiatisé relevait d’une orientation qui ne trouve pas de place pour des raisons qui peuvent être très complexes. Parfois, les places existent mais il faut traiter un problème d’ordre géographique à un niveau supérieur. D’où l’établissement désormais de trois niveaux de gestion des situations critiques : les MDPH pilotent le niveau départemental, les ARS peuvent chercher à mutualiser les services au niveau régional et la CNSA pilote le niveau national. Grâce à ce dispositif, nous avons pu trouver, dans un ou deux cas, des solutions en dehors du département d’origine. Ensuite, un flux d’orientation ne correspond peut-être pas à la structuration actuelle des places, ce que les futurs systèmes d’information devraient mettre en évidence, grâce à quoi le pilotage de la politique pourrait être modifié, de la même façon que, dans le domaine sanitaire, la fongibilité symétrique permet de redéployer des crédits vers le secteur médico-social. Avec une analyse bien conduite des places inadéquates au sein du secteur médico-social, on peut, à terme, envisager de pouvoir répondre aux demandes et aux situations individuelles.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous vous remercions pour vos réponses.

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Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable des relations avec le. Parlement

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous accueillons, pour cette deuxième audition sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable de la mission relations avec le Parlement et veille législative. Je vous remercie tout particulièrement de votre disponibilité, car vous êtes souvent sollicités par notre institution qui a besoin d’entendre les acteurs incontournables que vous êtes.

La CNSA a dix ans, ce qui est encore très jeune. Nous souhaitons faire le point sur son rôle dans le champ de nos politiques publiques et réfléchir aux moyens de la soutenir dans l’exercice de ses missions et d’améliorer son fonctionnement, en anticipant notamment les évolutions indispensables dans la prise en charge des personnes âgées.

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. La CNSA a été créée il y a une dizaine d’années ; c’est donc une caisse relativement jeune. Elle intervient dans un domaine complexe du fait, à la fois des champs qu’il couvre – le handicap et les personnes âgées – et de la pluralité des acteurs impliqués, dont la CNAMTS fait partie. Si cette dernière entretient de nombreuses relations avec la CNSA, elle ne siège pas, de même que les autres régimes d’assurance maladie obligatoire, en tant que telle au conseil de la CNSA. Ce dernier, aux termes de l’article L. 14-10-3 du code de l’action sociale et des familles, est composé notamment de représentants des organisations syndicales nationales de salariés et de personnalités qualifiées, dont certaines peuvent par ailleurs siéger au conseil d’autres caisses.

La CNSA a été créée, dans un souci de bonne gestion de l’affectation des recettes, pour recevoir le produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie ainsi que, depuis 2013, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). Même si ces contributions ont permis de renforcer les politiques en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, il ne s’agit néanmoins que de recettes additionnelles : en 2013, sur les 21 milliards d’euros du budget de la CNSA, 17 milliards proviennent de crédits de l’assurance maladie affectés au médico-social et votés dans le cadre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

En tant que principal contributeur au financement, nous assurons un certain nombre de missions, notamment des paiements aux établissements de soins et aux établissements médico-sociaux ; mais la gestion des crédits est prise en charge par la CNSA, et nous n’intervenons guère dans leur affectation. Néanmoins, à la demande du ministère de la santé et des affaires sociales, nous avons reconstitué un département spécialisé dans la remontée de dépenses en vue de mettre à disposition des statistiques exploitables. Dans ce cadre, nous avons notamment développé une application informatique permettant de faire le lien entre la consommation de soins hospitaliers ou de soins de ville et la résidence des personnes âgées en établissement. La CNSA a un projet identique pour les personnes handicapées.

Au titre de ses missions, la CNSA contribue au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et handicapées et répartit, selon les besoins des différents établissements, les crédits qui lui sont délégués. Depuis 2005, elle fixe également les dotations régionales limitatives et les répartit en dotations départementales. Pour ce faire, elle produit expertises techniques et propositions permettant d’établir des référentiels médicaux d’évaluation ; comme les autres administrations et institutions concernées, elle participe à l’édification d’indicateurs, d’outils, de recueils de données. Elle a de fait la responsabilité du suivi de l’ONDAM médico-social et de ses sous-enveloppes, qu’elle répartit entre les agences régionales de santé.

Il va de soi que nous intervenons sur le pilotage macroéconomique d’ensemble puisque, chaque année, la loi nous fait obligation de soumettre au gouvernement, dans la perspective du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des propositions sur l’évolution de l’ONDAM. Un gros effort a été consenti sur l’ONDAM médico-social, qui a progressé de plus de 50 % sur les six dernières années, pour atteindre, en ce qui concerne la part financée par les crédits de l’assurance maladie, 17 milliards d’euros, répartis à peu près également entre les personnes âgées et les personnes handicapées. Cependant, les politiques de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie ont conduit à une décélération importante du rythme d’augmentation de ces dépenses, qui progressent actuellement de 2,9 % pour les personnes âgées et de 3,1 % pour les établissements et services pour personnes handicapées, contre plus de 6 % au début des années 2000. La nécessité de maîtrise de nos déficits publics va renforcer l’exigence de bonne utilisation des ressources consacrées à ces établissements, tandis que se renforceront parallèlement les exigences de qualité desdits établissements, ce qui, compte tenu de leur nombre, nécessitera une organisation dédiée.

Ce sont les directeurs généraux d’ARS qui notifient et autorisent la tarification pour les établissements et services médico-sociaux. Les conseils généraux sont, quant à eux, aux termes des lois de décentralisation, les chefs de file de l’action sociale de proximité, qui représente parfois jusqu’à 50 % du budget du département et qui bénéficie essentiellement aux personnes âgées avec plus de 1,228 million de bénéficiaires de l’APA. Les conseils généraux interviennent par ailleurs sur les budgets et les contrats tripartites.

Nous avons donc affaire à une organisation financière assez complexe, qui implique de multiples acteurs – État, départements, CNSA, CNAMTS et ARS – et qui justifierait sans doute une réflexion globale sur l’efficacité du dispositif.

La loi a prévu la signature d’une convention d’objectifs et de gestion (COG) entre la CNSA et la CNAMTS, motivée notamment par le fait que la création de la CNSA a donné lieu à des transferts de compétences et de personnel entre les deux organismes. Il était primordial, par ailleurs, d’organiser au mieux l’exploitation et le partage des données dont l’une et l’autre caisse disposaient.

De son côté, la CNAMTS détient des données comptables, puisqu’elle paie les établissements à la demande des ARS, ainsi que des données relatives aux personnes, celles-ci étant anonymisées dans le cadre du système national d’information inter régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM) étendu au Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Je le disais, nous avons également développé une application nous offrant une meilleure connaissance de la situation des personnes âgées dépendantes en résidence. Dans le cadre de la convention, nous nous sommes donc engagés à échanger ces données afin d’améliorer la connaissance des publics âgés et handicapés, et donc le suivi et l’anticipation de la dépense. En effet, une partie des décisions de la CNSA se traduisant par des créations de places parfois différées dans le temps, il est essentiel d’en maîtriser le pilotage.

En ce qui concerne la gestion des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la CNSA nous transmet des données relatives au PATHOS moyen pondéré, qui permet d’évaluer la lourdeur des cas pris en charge par l’établissement et de calculer le groupe iso-ressources moyen pondéré (GIR), dont nous tenons compte pour établir la tarification. De notre côté, nous transmettons à la CNSA les données issues des déclarations des résidents d’EHPAD, ce qui permet une analyse de la dépense globale, qu’elle soit médico-sociale ou sanitaire, en établissements de soins ou en ville.

Nous avons également prévu de faire évoluer nos systèmes d’information respectifs pour produire conjointement des indicateurs de gestion de risque applicables aux établissements concernés. Nous avons notamment entrepris, à la demande du gouvernement et de l’IGAS, une étude approfondie sur les coûts, qui n’intègre néanmoins ni les restes à charge au titre de l’hébergement ni les abondements effectués par les départements à travers le financement de l’APA. Le but est de mieux comprendre ce que coûte à chaque bénéficiaire, à la collectivité et, le cas échéant, aux organismes complémentaires, une prise en charge en établissement de soins, afin d’élaborer éventuellement des stratégies alternatives. D’ici dix à quinze ans, les premières générations nées après la guerre vont atteindre l’âge de quatre-vingts ans : c’est un défi majeur qu’il nous faut anticiper, en réfléchissant notamment à un développement de la prise en charge à domicile.

Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins. Après une première convention couvrant la période 2007-2009, une deuxième convention a été conclue le 24 mai 2013, qui porte sur la période 2012-2015. Elle définit cinq axes principaux de collaboration, et nous a permis, en déclinaison de la convention d’objectifs et de gestion que l’État a signée avec la CNSA, de formaliser nos thèmes de travaux communs, en matière notamment d’échange d’informations.

Le premier axe de collaboration porte sur l’amélioration du suivi de l’ONDAM. À la demande du ministère et de la CNSA, conscients des risques de dépassement de l’ONDAM médico-social, notamment pour le secteur des personnes handicapées, nous transmettons chaque mois à la CNSA des données issues de nos balances comptables pour le suivi des établissements en dotation globale ainsi qu’un suivi du nombre de journées pour les établissements en prix de journée. La mise en place de ces échanges d’informations a permis de mieux piloter la dépense.

En deuxième axe, nous travaillons à améliorer notre connaissance de la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées. À partir de l’identification des personnes résidant en EHPAD, nous analysons leur consommation réelle de soins, le nombre d’hospitalisations qu’elles subissent et leur recours aux soins de ville.

Le troisième axe consiste à développer des actions conjointes et des réflexions prospectives qui constituent le socle des propositions que nous pouvons faire à la direction de la sécurité sociale et à la direction générale de la cohésion sociale du ministère de la santé.

Le quatrième axe est le développement d’une politique d’échange d’informations de nos données respectives. Concrètement, nous transmettons des données à la CNSA et nous l’aidons à comprendre et à utiliser nos systèmes d’information, notamment le SNIIRAM. À l’inverse, la CNSA nous fournit des informations qu’elle est seule à détenir, notamment sur le statut de financement des EHPAD et sur le degré de dépendance des personnes qui y résident.

La fourniture de ces données nous permet ensuite d’élaborer, pour chaque établissement, un profil le situant par rapport aux autres établissements du département ou avoisinants, en fonction des caractéristiques de la population qu’il accueille mais aussi de ses pratiques en matière de prescriptions médicamenteuses. Il s’agit, en effet, d’un enjeu important pour l’assurance maladie, qui a lancé des campagnes auprès des établissements pour les sensibiliser à la bonne prise en charge médicamenteuse et aux risques d’iatrogénie.

Enfin, notre dernier axe de coopération consiste à travailler ensemble à la clarification de certaines difficultés d’interprétation juridique concernant les personnes handicapées ou résidant en EHPAD, le ministère tranchant en dernier ressort.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Cette convention du 24 mai 2013 a été un peu tardive, mais elle a le mérite d’exister. Elle permettra de progresser sur des points importants, car il était indispensable que la CNSA et la CNAMTS collaborent plus étroitement. À quelle échéance, selon vous, l’objectif d’une continuité entre conventionnement, tarification et décaissement pourra-t-il être atteint ?

Mme Mathilde Lignot-Leloup. La convention pour 2007-2009 n’avait pas vraiment débouché sur des actions concrètes. La nouveauté de la deuxième convention, qui explique sa conclusion tardive, c’est que nous avons, à la demande du ministère, recréé au sein de la CNAMTS une petite cellule vouée à s’occuper des sujets médico-sociaux. Après avoir considéré, au moment de la création de la CNSA, que les missions médico-sociales relevaient désormais de ses compétences, nous nous sommes assez vite rendu compte qu’il était important, pour une bonne coopération entre nos deux caisses, d’avoir de part et d’autre des interlocuteurs dédiés.

M. Frédéric Van Roekeghem. Dans un premier temps, il avait en effet été décidé de transférer les personnes en charge de ces secteurs vers la CNSA. Mais il est apparu que la CNSA ne pouvait gérer seule les questions relatives en particulier à l’exécution financière – je pense notamment à l’organisation des remontées des caisses primaires. Afin de renforcer notre coopération, nous avons donc reconstitué en 2012 une équipe de quatre personnes affectées à ces questions.

Force est de constater que le système n’est pas d’une grande simplicité : après ordonnancement par la CNSA, certains crédits transitent vers les ARS où ils donnent lieu à des arrêtés mis en œuvre par les caisses primaires, lesquelles assurent le paiement ; les dépenses constatées remontent dans les systèmes comptables et statistiques de l’assurance maladie, pour repartir ensuite en direction de la CNSA. Maintenir la cohérence entre les engagements de l’ordonnateur et des paiements n’est donc pas d’une grande simplicité. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné la nécessité de rapprocher certaines données issues des différents systèmes, notamment du système de répartition et de paiement, pour parvenir à une vision plus claire de l’état d’exécution des décisions de la CNSA.

Nous remontons déjà beaucoup de données vers la CNSA. Outre toutes les données mensuelles des balances comptables pour tous les établissements et services médico-sociaux en prix de journée, nous lui communiquons annuellement les charges définitives au titre des établissements qui incombent à la CNSA et aux autres régimes. Nous lui fournissons également les versements sous dotation, qui doivent normalement lui permettre de rapprocher les données de son système de versements, ainsi que le calcul des provisions nécessaires à l’élaboration de ses comptes, l’ensemble de ces données étant élaboré au sein de notre direction financière et statistique.

En plus de ces éléments comptables, nous communiquons à la CNSA des statistiques mensuelles de dépenses, en distinguant les versements pour l’enfance inadaptée, les versements aux établissements pour adultes handicapés et les versements aux établissements pour personnes âgées. Les dépenses sont ventilées par risque – maladie et accidents du travail. Nous lui fournissons également une statistique par caisse, dans le champ du régime général, pour la métropole et les départements d’outre-mer, et une statistique mensuelle relative à chacun des établissements. De nombreuses données lui sont donc remontées.

Compte tenu de la complexité de l’engagement de la dépense, qui passe par des décisions des conseils généraux puis par une mise en cohérence par les ARS, il n’est pas simple de mettre en relation le système d’engagement des dépenses et leur exécution. Bien entendu, nous y travaillons.

La CNSA a développé plusieurs applications, notamment une application de suivi en ligne des installations et des autorisations, l’application dite « HAPI », pour « harmonisation et partage d’information », une application permettant la remontée des budgets exécutoires pour connaître le niveau de la dépense et des comptes administratifs des établissements et services médico-sociaux, pilotée par le pôle budgétaire de la CNSA, et enfin une application de saisie des demandes d’hébergement en EHPAD, qui permet de suivre le nombre de personnes âgées réellement hébergées et donc le taux d’utilisation des capacités.

Un certain nombre de ces outils, notamment GALAAD, « Gérontologie approche logistique pour une aide à l’analyse et à la décision », ont été développés par l’assurance maladie et transmis à la CNSA et au Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC).

L’outil de saisie des demandes d’hébergement en EHPAD est coopératif avec notre outil de déclaration de la résidence des personnes. Une réelle coopération s’est donc engagée dans le domaine des systèmes d’information, mais elle est plus récente que la mise en place de la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La situation est donc en voie d’amélioration. Dans nos précédents travaux sur la CNSA, les systèmes d’information apparaissaient, en effet, comme l’un des points faibles.

En ce qui concerne la gouvernance du secteur médico-social, quelle appréciation portez-vous sur la répartition et l’articulation des compétences et des financements entre la CNSA, les conseils généraux, les services de l’État, la CNAMTS et les ARS ? Avez-vous des pistes d’amélioration à nous proposer dans ce domaine ?

D’ici dix à quinze ans, nous allons assister au vieillissement des générations nées après la guerre, celles du baby-boom. Que pensez-vous de la création d’un Haut Conseil de l’âge annoncée dans le cadre de la future loi sur l’adaptation de la société au vieillissement de la population ? Cette évolution va nous contraindre à porter un regard différent sur ces questions. Que pouvez-vous dire sur ce sujet ?

M. Frédéric Van Roekeghem. La CNAMTS n’est pas en charge des politiques en direction des personnes âgées ou des personnes handicapées, la CNSA ayant précisément été créée pour cela.

Après une relative stabilisation au cours des dix prochaines années, le nombre de personnes arrivant à l’âge où l’on a besoin d’une attention particulière, voire d’une prise en charge en établissement, va connaître une forte augmentation. Il est souhaitable d’approfondir l’analyse des conséquences de cette situation, de mieux l’anticiper et d’œuvrer à l’élaboration de politiques soutenables permettant de garantir la prise en charge de ces personnes dans les meilleures conditions. C’est l’un des sujets les plus complexes auxquels nous avons affaire dans le domaine sanitaire et social, car il concerne des personnes qui sont à la croisée de besoins sanitaires et de besoins de prise en charge médico-sociale. Ces personnes, dans leur majorité, souhaitent pouvoir rester chez elles, dans le meilleur état de santé possible. L’éclatement des acteurs, lui-même lié à la complexité de la situation, n’aide sans doute pas à l’élaboration de ces politiques et à la réflexion. De ce point de vue, la création du Haut Conseil de l’âge peut être une opportunité en ce qu’il permettrait de rassembler ces acteurs.

Cela étant, nous devons reconnaître notre ignorance sur un certain nombre de points.

Jusqu’à ce que nous mettions en place, avec la direction de la sécurité sociale, une obligation assortie de sanctions et des outils informatiques sur la résidence des personnes en EHPAD, nous avions une vision assez peu précise de la répartition exacte des personnes prises en charge, sachant que certaines d’entre elles conservent leur lieu de domicile tout en étant hébergées. Nous n’avions pas non plus procédé à une consolidation du coût pour la collectivité, à tout le moins dans le cadre de l’ONDAM et des charges de la CNSA. Désormais, nous disposons d’une vision à peu près claire d’au moins une partie de la dépense.

Le coût reste, bien sûr, un des volets du sujet compte tenu des difficultés de notre pays à équilibrer ses politiques sociales au regard de sa capacité de croissance. La réflexion autour de l’amélioration de l’efficience et du rapport qualité-prix de la prise en charge des personnes est un enjeu majeur, que nous devons anticiper. Il nous faut donc mieux connaître la qualité de la prise en charge, son rapport qualité-prix et son coût pour la collectivité.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Le coût global pour l’assurance maladie d’une personne prise en charge par la collectivité en EHPAD varie entre 15 000 et 17 000 euros par an. Le financement du forfait soins de l’assurance maladie constitue la majeure partie de cette dépense. Ce ne sont pas les dépenses d’hôpital ou de soins de ville engagées pour ces personnes qui représentent la majeure partie de la dépense, mais bien ce forfait soins, dont le montant varie entre 12 000 et 15 000 euros.

Chacun est conscient que l’allégement des charges des départements au détriment de l’assurance maladie ne constitue pas une solution – ce n’est pas ainsi que l’on réduira le déficit global. Néanmoins, ce peut être une tentation devant les difficultés que connaissent les départements suite aux politiques qui leur ont transféré – sans doute dans un objectif de responsabilisation – des charges dynamiques.

La politique la plus raisonnable, à la fois pour les personnes elles-mêmes et pour les finances publiques, consiste à les maintenir en situation d’autonomie le plus longtemps possible, par une prévention, une prise en charge et une organisation plus adaptées. C’est l’un des sujets de l’expérimentation dite PAERPA, « personnes âgées en risque de perte d’autonomie », en cours sur certains territoires, qui allie une prise en charge médico-sociale plus légère et l’intervention de professionnels de santé de ville. L’enjeu est de parvenir, grâce à une meilleure organisation des soins de ville et à une meilleure coordination avec l’intervention du secteur médico-social, à maintenir à leur domicile, le plus longtemps possible et pour un coût raisonnable, les personnes qui le souhaitent dès lors que leur état de santé le permet.

Nous n’avons pas procédé à une consolidation complète, du point de vue des personnes et de la collectivité, de la répartition des coûts complets de la prise en charge en établissement. De la même manière, nous n’avons qu’une connaissance incomplète de l’organisation optimale qui permettrait de prendre en charge les personnes dans certaines conditions, étant entendu que la prise en charge en établissement est parfois inévitable. Sachant que nous n’échapperons pas à une tension sur les capacités des établissements de soins d’ici dix à quinze ans, nous avons besoin d’une politique beaucoup plus adaptée à la prise en charge à domicile, en proximité. Cette politique reste à construire, ce que l’intervention de nombreux acteurs de statuts variés rend particulièrement complexe.

Nous n’avons également qu’une faible connaissance de l’activité des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Nous n’avons pas intégré de consolidation de cette activité, qui joue pourtant un rôle majeur dans la prise en charge des personnes âgées, dans nos systèmes d’information. De même, les associations de prise en charge à domicile ne sont pas totalement intégrées dans ces systèmes d’information, alors qu’elles jouent parfois un grand rôle. Bref, nos outils de connaissance sont encore imparfaits. Ils sont surtout issus du monde sanitaire, qui a été le premier à les développer ; ils doivent être confortés. L’éclatement entre professionnels de différents métiers et différents statuts rend cette organisation très complexe.

Il nous reste quelques années pour construire un système plus rationnel, définir clairement les politiques et mieux faire coopérer les différents acteurs sur le terrain.

Enfin, parmi les éléments dont nous n’avons pas une connaissance précise figurent les besoins en infirmières. La situation aujourd’hui est la suivante : le numerus clausus est fixé à 31 088; les dépenses de l’ONDAM soins de ville augmentent fortement ; notre pays compterait près de 600 000 infirmières, dont près de 100 000 seraient installées en libéral. Je ne suis pas sûr que nous ayons procédé à une simulation claire de l’évaluation des besoins qui nous permettrait de savoir si ce numerus clausus est adapté à la situation.

Bien des progrès restent donc à faire, à la fois dans l’organisation quotidienne et la mise en cohérence des interventions des différents acteurs, mais aussi dans le pilotage des politiques publiques.

Dans le cadre des conventions signées avec les infirmières, nous essayons d’inverser la tendance à la répartition très inégale des infirmières libérales sur le territoire. L’écart est aujourd’hui de un à neuf, ce qui signifie que pour une infirmière dans un département, neuf se trouveront dans un autre. Or, demain, il faudra que ces professionnelles puissent prendre en charge les populations dans toutes les régions. Là encore, cela exige une mise en cohérence du pilotage. En l’absence de vision claire de l’intervention des différents offreurs de soins et organismes médico-sociaux, nous n’avons pas véritablement fait de choix d’intervention, ce qui est peut être sous-optimal.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous prie d’excuser mon retard. J’intervenais dans l’hémicycle sur la proposition de loi de notre collègue Bérengère Poletti sur les arrêts de travail et les indemnités journalières, issue des travaux de la MECSS, qui n’a malheureusement pas fait la même unanimité qu’au sein de notre mission, et vient donc d’être rejetée.

Le sujet central est celui de l’information, de son partage et de l’analyse de l’offre et de la demande. Le constat que nous faisons est celui d’un système encore rudimentaire dans le secteur médico-social, tant en ce qui concerne la perte d’autonomie qu’en ce qui concerne le handicap.

Vous appelez de vos vœux une urbanisation des systèmes d’information – sujet cher à la CNAMTS. Disposez-vous aujourd’hui du « squelette » qui vous permette d’assurer que cette urbanisation est à peu près finalisée, et que les systèmes pourront ainsi être en interface, voire en osmose, avec celui qui devrait être mis en place pour le secteur médico-social ?

Dans le rapport sur la mise en œuvre des missions de la CNSA que nous lui avions demandé, la Cour des comptes a fait état d’une dispersion des coûts en ce qui concerne les établissements médico-sociaux. Ce constat, qui l’a conduite à formuler sa recommandation n° 7 – progresser dans la connaissance des coûts des établissements et des services médico-sociaux – renvoie au déficit d’information que vous avez vous-même évoqué. Vous avez parlé d’un groupe de travail en charge de la collecte de données, qui se heurterait à des résistances et à la force des habitudes. Avez-vous des aspirations particulières qui puissent se décliner sous forme réglementaire ou sous forme législative ? Il s’agit pour nous de progresser de manière concrète face aux attentes de nos concitoyens sur le sujet de la perte d’autonomie et du handicap.

Enfin, quelles dispositions qui ne s’y trouvent pas encore souhaiteriez-vous voir figurer dans le projet de loi sur le vieillissement pour répondre à cet objectif d’adéquation entre l’offre et la demande ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Sur le dernier point, je vous renvoie à l’avis du conseil de la CNAMTS sur le projet de loi, même si différentes tendances s’en sont dégagées. Je vous propose de transmettre à la MECSS non seulement cet avis, mais aussi les déclarations jointes qui permettent de tenir compte de la diversité des positions qui se sont exprimées.

L’urbanisation des systèmes d’information est évidemment un sujet majeur. L’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est que les chaînes de paiement aux établissements de soins s’appuient principalement sur la capacité des caisses primaires à assurer l’exécution des décisions prises par les ARS. Par construction, la répartition et l’éclatement des différentes compétences ne peuvent que conduire à une complexité des remontées des systèmes d’information. C’est à la source que le problème se pose.

Une des raisons qui expliquent la situation actuelle est que, antérieurement à la création de la CNSA, l’organisation financière était différente. Nous avons veillé à la continuité des paiements ; concrètement, les caisses primaires ont continué à verser aux établissements de soins les ressources qui leur sont dédiées. C’est en soi un sujet. À ce stade, il n’existe pas de projet informatique tendant à modifier fortement la gestion de ces paiements.

L’autre problématique est celle de la capacité de remontée. Payer est une chose, mais si l’on veut assurer la gouvernance financière de l’ensemble, il faut à la fois la capacité de payer, mais aussi l’ensemble des remontées, la ventilation comptable et la capacité de retraitement statistique et comptable. En clair, si l’on veut simplifier, il faut doublonner – ce qui n’est pas nécessairement opportun du point de vue des finances publiques. Le sujet est complexe. Je crois savoir que la DSS réfléchit sur une simplification à terme de la « cascade » historique. Compte tenu du nombre d’acteurs intervenant dans la chaîne, il n’est pas étonnant que les systèmes d’information soient complexes.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous essayé de lancer des audits sur le coût de fonctionnement des différentes structures médico-sociales, à la manière de ce qu’avait fait la Cour des comptes sur le fonctionnement hospitalier, en s’inspirant d’études conduites sur un certain nombre de services spécialisés – pneumologie, obstétrique, cardiologie – qui avaient mis en évidence des écarts conséquents en termes de ratios de personnel d’encadrement ou de soignants ? Pareille démarche a-t-elle été conduite dans le domaine médico-social, afin de rationaliser la prise en charge au profit du plus grand nombre ?

M. Frédéric Van Roekeghem. La CNAMTS ne l’a pas fait, car elle n’avait pas de compétence pour le faire. En revanche, nous sommes en train de travailler sur le domaine sanitaire. Nous nous penchons en ce moment sur la productivité des plateaux techniques chirurgicaux, sujet qui a déjà donné lieu à des réflexions diverses et variées. Il y a quelques années, nous étions ainsi arrivés à la conclusion que la productivité apparente du travail variait entre les établissements selon un rapport de l’ordre de un à deux. Cette conclusion doit être interprétée avec le recul nécessaire : il faut connaître l’activité, ce qui est possible à partir de la nomenclature des actes techniques et des groupes homogènes de malades (GHM) et groupes homogènes de séjours (GHS) hospitaliers ; mais il faut aussi connaître assez finement l’utilisation, le nombre de salles et celui des professionnels qui y travaillent. Bref, c’est assez complexe.

Nous n’avons pas investi sur les établissements médico-sociaux, que ce soit pour les personnes âgées ou pour les personnes handicapées, car cela n’entre pas dans nos compétences.

M. le coprésident Pierre Morange. Cela ne fait certes pas partie de votre cœur de métier, mais on aurait pu imaginer une réflexion conjointe.

M. Frédéric Van Roekeghem. C’est une question de ressources. Pour les établissements hébergeant des personnes âgées ou handicapées, il faut disposer d’une évaluation des groupes iso-ressources et PATHOS. Le contenu de soins est relativement variable. Il faut avoir la capacité d’évaluer comment l’établissement fait face aux besoins de soins avec les dotations qui lui sont allouées. Cela suppose une connaissance intime du fonctionnement des établissements. Si l’on utilise parfois des remontées d’un système d’information existant, qui nous permettent de nous faire une idée, les éléments de remontée et de connaissance dans le secteur médico-social doivent encore être améliorés pour permettre ce type d’étude sans s’engager dans un audit généralisé. Par ailleurs, l’éclatement et le nombre des structures rendent l’analyse complexe.

Néanmoins, il est clair que la quasi-totalité des acteurs considèrent qu’un travail important doit être engagé pour avoir de meilleures garanties de qualité dans les prestations délivrées et le rapport qualité-prix.

Mme la rapporteure. Nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions. Nous aurons certainement l’occasion d’échanger à nouveau sur ces sujets dans quelques mois.

M. le coprésident Pierre Morange. N’oubliez pas que nous attendons vos recommandations opérationnelles.

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* *

Audition de Mme Bernadette Devictor, présidente de la Conférence nationale de santé, et M. Sylvain Denis, vice-président du Comité national des retraités et personnes âgées

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Madame, monsieur, soyez les bienvenus dans cette mission, qui réfléchit aux moyens d’améliorer le fonctionnement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Quel est votre point de vue sur l’articulation de ses compétences avec celles d’autres acteurs : autorités de tutelle, agences régionales de santé, départements, maisons départementales des personnes handicapées ? Comment se déroule le travail mené conjointement par la Conférence nationale de santé (CNS), le Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA), et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ?

L’équilibre actuel entre les membres du conseil de la CNSA est-il satisfaisant ? Êtes-vous favorables à la création d’un troisième poste de vice-président, qu’occuperait un représentant des départements, même si les récentes déclarations du Premier ministre laissent un doute sur l’avenir de ces derniers ? Certaines initiatives locales ont-elles permis de décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social ?

Que pensez-vous de la création d’un Haut Conseil de l’âge, figurant dans le projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement ?

M. le coprésident Pierre Morange. À mon tour, je vous souhaite la bienvenue.

D’emblée, je prolonge la question de Mme la rapporteure s’agissant du projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement : ce texte répond-il à vos attentes ? Doit-il être complété ?

Les systèmes d’information dont vous disposez vous permettent-ils d’apprécier et d’anticiper l’offre et la demande de prise en charge ? Constatez-vous, comme la Cour des comptes, une dispersion des coûts qui induirait la nécessité de rationaliser la dépense ? Enfin, comment appréciez-vous la compensation, tant collective qu’individuelle, de la perte d’autonomie ?

M. Sylvain Denis, vice-président du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA). Je sors d’un conseil de la CNSA, dont je suis vice-président et qui se réunit deux fois par an pour examiner son budget. Sans être volumineux, celui-ci est compliqué, au sens où il mobilise de nombreux acteurs, qui l’abondent ou en reçoivent des fonds. En outre, il n’est pas toujours facile de distinguer les soins et le médico-social, ou encore l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et l’ONDAM médico-social. Enfin, comme dans un jeu de bonneteau, on nous reprend parfois en contribution sociale généralisée (CSG) ce qu’on nous accorde en contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). Je me suis souvent élevé contre cette manière de procéder : nous devrions pouvoir utiliser la CASA que l’on nous verse. On nous répond que nous ne pourrons pas le faire sans l’appui de la loi.

Au sein de la CNSA, la répartition des compétences est compliquée par la multiplicité des acteurs, chacun tenant beaucoup à son rôle. Comme la plupart des agences de l’État, la CNSA est soumise à plusieurs tutelles. Elle dépend à la fois du ministère des finances, du ministère des affaires sociales et de la santé, au titre de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et du ministère de l’intérieur, au titre de la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui intervient en tant que « tuteur » des départements. Ce sont autant d’instances qui doivent se concerter.

Enfin, la répartition des rôles entre les départements et les ARS manque de clarté. On note même, ici et là, quelques tiraillements. Pour les personnes âgées, il n’existe pas d’équivalent aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), puisque les centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC) ne dépendent pas de la CNSA. D’ailleurs, le nombre de CLIC varie d’un département à l’autre : il y en a beaucoup dans les Yvelines et aucun dans le Gard ou la Somme.

Ne me faites pas dire, cependant, que je préconise la création de maisons départementales de l’autonomie. Le plus simple, comme je l’ai indiqué à Mme Touraine quand elle s’est rendue à la CNSA, serait que les personnes âgées entrent dans un dispositif dédié aux personnes handicapées, ce à quoi elles sont tout à fait disposées.

Mme Bernadette Devictor, présidente de la Conférence nationale de santé (CNS). Dans le domaine médico-social, il serait bon d’harmoniser, au sein de la gouvernance, les relations entre les ARS, les conseils généraux et l’assurance maladie ; mais, en pratique, c’est sur les territoires de proximité que le décloisonnement est le plus facile à opérer. Au sein de la politique régionale, il n’est pas facile d’articuler le schéma médico-social et les schémas départementaux qui ne respectent pas le même calendrier. Quant à leur contenu, il dépend beaucoup de la situation de la région. Il y a probablement quelques schémas en trop.

Pour citer une initiative qui a permis le décloisonnement, les filières gérontologiques de Rhône-Alpes, qui ont été conçues autour de l’hôpital, proposent en pratique un parcours non gériatrique mais gérontologique. Elles réunissent ainsi les acteurs du sanitaire, du social, du médico-social et – dans une moindre mesure, à cause de l’organisation de la médecine libérale – de la médecine de ville.

Les initiatives qui peuvent être prises se heurtent à la multiplicité des canaux de financement, qui entraîne une perte d’efficacité. Sur un territoire, les financements arrivent en tuyau d’orgue et les actions ne sont pas nécessairement coordonnées. Il semble essentiel de créer des comités de financeurs réunis sur un territoire et sur un type d’action, si l’on veut rendre la dépense publique plus efficiente. Par ailleurs, pour aboutir à un accord, il ne faut pas séparer financeurs, acteurs et usagers, qui doivent choisir ensemble l’orientation de leur politique.

Le projet de loi sur le vieillissement sépare à tort le comité des financeurs et le comité d’orientation politique présidé par un département. Compte tenu de la réforme territoriale, mieux vaudrait une autre organisation et une présidence partagée. Enfin, il faudrait harmoniser la politique des départements, ce que ne permet pas l’adossement au conseil général. L’harmonisation territoriale est une des missions de la CNSA.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les initiatives prises en Rhône-Alpes pour favoriser le décloisonnement ?

Mme Bernadette Devictor. Le dispositif n’est pas récent puisqu’il a été mis en place du temps des agences régionales de l’hospitalisation (ARH). Il s’agissait d’optimiser le parcours de soins des personnes âgées, en partant du principe que, tôt ou tard, celles-ci arrivent à l’hôpital. Le postulat est juste, mais l’hôpital n’a pas nécessairement à figurer au centre du découpage. Quoi qu’il en soit, la région a défini trente territoires gérontologiques.

Au départ, il s’agissait de mettre en relation les acteurs sanitaires de la filière gériatrique. Très vite, il a paru pertinent de prévoir un cheminement gérontologique incluant les acteurs du domicile et du médico-social. La structuration des filières a induit une gouvernance à deux niveaux, l’une opérationnelle sur le territoire de proximité, l’autre stratégique.

Lorsque ces filières sont montées en charge, l’ARH puis l’ARS était présente. Maintenant qu’elles fonctionnent, les acteurs se sont organisés sur leur territoire, tandis que l’ARS se situe à un niveau stratégique. Une charte organise le partage des responsabilités. On pourrait parler d’une « approche en responsabilité populationnelle », puisqu’il s’agit de répondre aux besoins de santé, au sens large, d’une population de personnes âgées vivant sur un territoire.

M. Sylvain Denis. Sur ce sujet, vous auditionnerez probablement M. Dominique Libault, qui préside le comité national de pilotage sur les parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA). Un budget a été alloué pour que celles-ci ne sortent pas de l’hôpital en plus mauvaise santé qu’elles n’y sont entrées. Une dizaine d’expériences ont été menées, qui pourraient un jour servir de modèle.

Mme Bernadette Devictor. C’est à ces questions que réfléchit le groupe de travail que je préside sur le service territorial de santé. J’espère que celui-ci pourra rapidement rendre son rapport. Il entend privilégier un nom générique plutôt qu’une multiplicité de noms spécifiques, et apporter avant tout des réponses à une population, ce qui suppose un engagement des acteurs, une gouvernance à plusieurs niveaux et une implication des financeurs, qui doivent optimiser la dépense.

M. Sylvain Denis. Il est un acteur qu’on voit très peu mais dont le rôle est essentiel, tant sur le plan de l’animation que de la proximité et de la vie quotidienne : la ville, ou l’intercommunalité. Certes, l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) est représentée à la CNSA, mais, si l’on entend beaucoup l’Assemblée des départements de France (ADF), l’Association des maires de France (AMF) se manifeste peu. Je le regrette, car il se passe beaucoup de chose au niveau de la ville.

Mme la rapporteure. Traditionnellement, la prise en charge des personnes âgées relève de la compétence du centre communal d’action sociale (CCAS) plutôt que de la municipalité, mais, lors des élections municipales, cette question est venue au centre des débats. Les villes devront sans doute s’impliquer davantage et surveiller le travail de l’UNCCAS et des CCAS.

Je constate, comme vous, que les communautés d’agglomération ne se mobilisent pas sur ces sujets, alors qu’elles peuvent jouer un rôle important sur le territoire.

Pouvez-vous nous dire un mot sur le Haut Conseil de l’âge ?

M. Sylvain Denis. J’ai proposé, peut-être un peu tard, d’appeler cette instance le Haut Conseil des âges, formule qui me paraît plus large et moins discriminatoire, car elle ouvre la réflexion sur l’avancée en âge ou la prévention des effets de l’âge. L’essentiel est que ce conseil en réfère au Premier ministre, comme le Haut Conseil de la famille ou le Conseil d’orientation des retraites.

Il faut aussi qu’il dispose de moyens, ce qui n’est pas le cas du CNRPA. Celui-ci emploie en tout et pour tout un demi-cadre A et une secrétaire. En outre, il déménage sans cesse, de sorte que son courrier ne lui parvient pas toujours. J’ajoute qu’il ne peut pas faire appel à un expert, faute de pouvoir le rémunérer, ce qui l’empêche de jouer pleinement son rôle. Peut-être le Haut Conseil de l’âge pourra-t-il s’appuyer sur les compétences du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP).

Sa composition, encore floue, sera précisée par décret. Mme Delaunay, que nous avions interrogée sur ce point, nous a fait des promesses qui n’engagaient qu’elle. Le CNRPA a demandé que les associations soient consultées à l’avance sur le sujet, plutôt qu’au dernier moment et pour avis.

Pour ma part, je fonde de grands espoirs sur ce nouveau conseil, ainsi que sur les comités départementaux qui auront à traiter en même temps des personnes âgées et handicapées. Il résulte d’ailleurs de la concertation menée par Mme Delaunay qu’il existe de fortes convergences et des transversalités entre ces populations. Réunir un collège de personnes âgées, de personnes handicapées et d’experts permettra de réfléchir, par exemple, aux plans d’urbanisme. Les choses se passent déjà ainsi à la CNSA, où j’apprécie de rencontrer mes homologues chargés du handicap, ce qui ne se faisait pas il y a dix ans. Étendre cette pratique au plan local va dans la bonne direction.

Le problème reste de savoir qui aura la main sur ce Haut Conseil. Il ne faudrait pas qu’il soit à la botte d’un président de conseil général, par exemple, qui considérerait que certains n’ont pas leur mot à dire sur l’utilisation des crédits. De ce point de vue, il est dommage que le comité des financeurs et le comité stratégique soient scindés. N’oublions pas que les usagers contribuent, eux aussi, au financement par le biais du reste à charge – à hauteur de 9 milliards d’euros pour les personnes âgées. À la limite, il ne serait pas illégitime qu’ils figurent dans le comité des financeurs. Cette séparation ne nous paraît donc pas pertinente. Fallait-il vraiment créer « un machin » pour associer les caisses de retraite ? Cela étant, je n’en remets pas en question la nécessité.

Mme la rapporteure. Selon vous, ce serait l’un des points sur lesquels il faudrait apporter des améliorations.

M. Sylvain Denis. Tout à fait.

Mme Bernadette Devictor. Le futur comité territorial est-il une instance consultative ou une instance opérationnelle ? Une ambiguïté demeure aujourd’hui, qu’il faut lever. S’il s’agit d’une instance consultative, il ne saurait être présidé par le conseil général, lequel ne pourrait pas formuler d’avis sur lui-même.

Plusieurs rapports convergent sur ce point : la démocratie sanitaire doit passer d’une posture consultative à une posture de co-élaboration des politiques. Or cela emporte certaines conséquences en matière d’attributions et de composition, qui ne peuvent demeurer exactement les mêmes.

M. Sylvain Denis. Mme Guinchard, que vous venez d’auditionner, a dû prononcer devant vous le terme de « coconstruction », qui est son obsession. Elle a raison : c’est ensemble que nous devons construire et, pour cela, il faut mettre en place le dispositif nécessaire. Réunir tous les trois mois 35 000 personnes ne servirait pas à grand-chose ; il faut travailler ensemble sur de véritables projets, ce qui suppose d’en chiffrer aussi le coût pour ne pas s’exposer à la déception d’apprendre in fine qu’il n’y a pas l’argent nécessaire pour les mener à bien.

Mme Bernadette Devictor. Tout comme elle entretenait des liens avec le CNRPA, la CNSA devra en établir avec le futur Haut Conseil de l’âge. Essayons au moins d’éviter les doublons dans les travaux de la multitude d’instances consultatives qui existent.

Mme la rapporteure. C’est un souci que nous partageons complètement.

M. le coprésident Pierre Morange. Le sujet de la gouvernance est éminemment stratégique : de la coordination est en effet nécessaire afin d’éviter la dispersion des acteurs, certes tous légitimes, et de parvenir à une rationalisation au sein de structures les plus lisibles possible, ayant pour objet le service d’autrui.

Un autre sujet central est celui de la maîtrise de l’information. Il est toujours difficile pour une instance, consultative ou opérationnelle, de réfléchir ou de décider sans maîtrise de l’information. Il faudrait analyser de manière plus fine, au travers notamment d’une comptabilité analytique, le rapport coût/efficacité des prestations. Sur ce point, n’êtes-vous pas frustrés de ce que, quelle que soit la cohérence des décisions, du soutien ou de la promotion des projets, il est tout aussi impossible de comparer précisément les coûts que d’apprécier la pertinence d’une approche dans la prise en charge de la dépendance, de la perte d’autonomie ou du handicap, dont les frontières sont ténues ? Je ne parle même pas des barrières liées aux tranches d’âge, qui aboutissent à des subtilités administratives insupportables au regard des tragédies humaines vécues par les personnes concernées.

Avec le recul qui est le vôtre et votre vision pour ainsi dire zénithale de l’ensemble de ces problèmes, quelles seraient, selon vous, les mesures à prendre ? Avez-vous commencé à débroussailler ce champ, pour le moins en jachère ?

Lorsque Paulette Guinchard coprésidait avec moi la MECSS, nous avions présenté ensemble un rapport sur le financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées, rapport qui avait d’ailleurs été adopté à l’unanimité. Au-delà de la charge foncière liée au lieu d’implantation des établissements, nous nous étions attachés aux coûts de fonctionnement de ces derniers. Nous avions également abordé le sujet de la complexité croissante de la réglementation et du durcissement constant des normes de construction, notamment la norme de sécurité incendie « type J ». La réflexion sur le sujet a-t-elle été poursuivie ? Car cela continue d’amputer les capacités d’intervention.

M. Sylvain Denis. Loin d’être résolu, ce problème des normes s’accentue. Chronophage, ce sujet mobilise du personnel et coûte de l’argent, retardant d’autant la création de nouvelles places d’accueil. Il faut beaucoup plus de temps en France qu’en Belgique pour construire une maison de retraite. C’est la conséquence de ce phénomène qu’on observe depuis une dizaine d’années : pour une personne s’étant coincé les doigts dans une porte, on exige de nouvelles normes pour toutes les portes. Il a suffi de trois accidents d’ascenseur pour que les ascensoristes puissent aujourd’hui se frotter les mains. Pour ce qui est de l’accessibilité, en revanche, notre pays est en retard.

La CNSA a reçu pour mission de créer un portail d’information à destination du public, sur lequel elle a commencé de travailler. Elle s’est également attelée à son système d’information interne, mais elle n’est pas, hélas, la seule impliquée dans ce travail. Ainsi, pour le dernier rapport qu’elle vient de remettre sur les MDPH, quatre-vingt-dix-sept départements ont répondu, cinquante-six réponses seulement étant réellement exploitables. Vu que les MDPH sont des structures encore récentes et que les freins à la communication des informations sont multiples, cela n’est pas si mal. Pour autant, ce n’est pas satisfaisant. La multiplicité des acteurs est un obstacle à la circulation et à la centralisation des informations.

Une autre difficulté tient aux délais de déblocage et d’attribution des crédits. L’un des gros problèmes de la CNSA jusqu’à présent était la sous-consommation de ses crédits – ce qui est de moins en moins vrai puisqu’elle en reçoit de moins en moins. Un groupe de travail va être mis en place pour déterminer comment s’explique, par exemple, la sous-consommation de 156 millions d’euros observée cette année pour les personnes âgées et la surconsommation de 55 millions d’euros pour les personnes handicapées. L’une des raisons de cette situation a déjà été identifiée ; elle tient à la pratique en matière de finances publiques. Lorsque l’ARS ne reçoit ses crédits qu’en juin, compte tenu des vacances, elle ne peut elle-même pas les déléguer avant octobre. Il est alors trop tard pour mener à bien un projet, si bien que les crédits ne sont pas consommés. On essaie certes de limiter les possibilités de report, mais toutes ces acrobaties budgétaires ne font qu’obscurcir la situation. On essaie aussi de flécher les crédits par année, mais l’information qui importe – savoir si tel ou tel établissement a pu ou non être construit –, on a beaucoup de mal à la faire remonter.

Une autre difficulté naît aussi de la confusion entre coût et tarification. Les deux mots sont parfois utilisés de manière indifférente alors qu’ils ne recouvrent pas la même réalité. Ainsi des départements disent qu’ils « tarifient » des EHPAD pour signifier qu’ils leur allouent un budget. On parle également de tarification ternaire dans les EHPAD. Ces ambiguïtés sémantiques, conjuguées à la multiplicité des acteurs, nuisent à la bonne remontée de l’information. J’admire d’ailleurs que, dans ces conditions, la CNSA parvienne quand même à élaborer des documents d’une grande clarté.

Mme la rapporteure. Elle n’a que dix ans, et les MDPH sont récentes aussi. Des améliorations restent, bien sûr, à apporter. Les premiers travaux de Paulette Guinchard pointaient déjà cette difficulté. Pour autant, il ressort de nos auditions que des progrès ont été accomplis, en tout cas sont en marche. On peut donc espérer que, dans un futur proche, chaque acteur puisse disposer de toutes les informations utiles et que celles-ci puissent être mutualisées. Dans une période compliquée, où la clarté s’impose sur le plan financier, il est d’autant plus nécessaire de se doter des outils permettant de répondre de façon efficace aux besoins.

Mme Bernadette Devictor. Pour l’efficience même de la dépense, il faudrait aussi parvenir à structurer le secteur associatif de l’accompagnement pour les personnes âgées et les personnes handicapées, aujourd’hui atomisé, et pouvoir trouver dans les ARS les compétences nécessaires au management des projets et à l’accompagnement de ceux qui les portent. Sur le terrain, la disparition d’associations entraîne parfois une rupture dans l’offre. Cette structuration du secteur est clairement de la responsabilité des pouvoirs publics.

Si on a une bonne visibilité sur les tarifs, comme on connaît mal la complexité des situations prises en charge et vécues par les usagers, on ne peut pas savoir si le niveau de tarification correspond bien à cette complexité. Comment dans ces conditions s’assurer que l’argent public est bien dépensé ?

M. Sylvain Denis. Il faudrait que les services, départementaux en particulier, se comportent en services d’accompagnement et non de censure. Leurs agents ne devraient pas être là seulement pour apposer des tampons ou se montrer tatillons sur les pièces demandées, mais pour assister vraiment les porteurs de projet. Cela suppose de faire évoluer les mentalités administratives, ce qui n’est pas une mince affaire ! C’est aussi une question de formation des agents.

M. le coprésident Pierre Morange. Quel est votre sentiment sur l’évolution de la réglementation européenne issue des Livre vert de 2003 et blanc de 2004 relatifs aux services sociaux d’intérêt général (SSIG) ? Même si des garde-fous ont été mis en place pour essayer de sanctuariser le champ sanitaire et médico-social, l’ouverture à la concurrence peut conduire à revoir les prestations et rend en tout cas impératif de connaître les coûts. Compte tenu de l’évolution démographique actuelle et celle prévisible dans les dix à quinze prochaines années, ce sujet constitue une bombe à retardement. Dans un marché ouvert, les coups de boutoir portés par les sociétés proposant de tels services seront d’autant plus violents que la demande sera plus forte. Il n’est pas certain que le secteur sanitaire et médico-social puisse être encore longtemps sanctuarisé.

Mme Bernadette Devictor. D’où la nécessité, je le redis, de bien connaître la complexité des situations prises en charge et les coûts en regard de la tarification. Ce travail de fond est indispensable.

M. le coprésident Pierre Morange. La question est stratégique.

Mme Bernadette Devictor. Il est aussi de la responsabilité des pouvoirs publics de structurer le secteur de l’accompagnement médico-social, car les coups de boutoir dont vous parlez seront portés par des sociétés beaucoup moins atomisées, elles.

M. le coprésident Pierre Morange. L’émiettement des structures ne favorise pas, en effet, la rationalisation de l’offre.

M. Sylvain Denis. Au-delà, se pose la question de la force de frappe financière et managériale des structures. Le modèle associatif est-il adapté dans tous les cas ? Je ne voudrais pas donner l’impression de reprendre les termes utilisés récemment par la représentante du MEDEF devant le conseil de la CNSA, mais on a laissé se créer des structures sans aucun contrôle. N’importe quelle aide-soignante a pu monter un service d’aide à la personne, déséquilibrant parfois tout un secteur, pour devoir souvent plier bagages quelques mois plus tard, par manque de connaissances. De nouvelles forces peuvent être bienvenues, à condition d’un encadrement minimal. On ne gère pas un service d’aide à la personne comme un service d’aide-ménagère ! Le MEDEF a, pour l’instant, du mal à le comprendre.

M. le coprésident Pierre Morange. Si le secteur associatif occupe encore une place centrale, tout à fait justifiée d’ailleurs au regard du dévouement de ses membres, c’est qu’historiquement, c’est lui qui a commencé d’assurer la prise en charge de la dépendance et du handicap. L’État ne s’est mobilisé que tardivement sur ce sujet, pourtant si essentiel au regard de la solidarité nationale et de l’éthique républicaine. Ce sont les lois du 30 juin 1975 et du 11 février 2005 qui ont marqué sa volonté d’investir ce champ.

Face à l’ouverture à la concurrence, le secteur sanitaire et médico-social doit se garder d’une logique consumériste dans laquelle on considérerait que la prise en charge à domicile de personnes dépendantes ou en situation de handicap ne requiert pas de compétences spécifiques !

Mme la rapporteure. La situation des associations, dans les deux champs de la prise en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, est très diverse. Certaines ont su se renforcer, s’équiper, s’adapter, tandis que d’autres en sont encore restées au stade de l’amateurisme, ce qui n’est d’ailleurs pas sans danger. Un encadrement sera, en effet, indispensable dans le cadre de l’ouverture du marché européen.

Une évolution législative vous paraît-elle nécessaire afin de doter la CNSA de réels leviers d’action dans le champ de l’APA, alors que sa mission d’animation de réseau se limite actuellement aux MDPH chargées d’attribuer la PCH ?

M. Sylvain Denis. J’espère qu’un jour l’APA et la PCH se rapprocheront. Cela a commencé de manière discrète, par exemple, lorsqu’il a été proposé d’élargir la grille AGGIR (Autonomie gérontologie groupes iso-ressources) à des aspects autres que médicaux. Cette grille tient compte des actes que la personne ne peut pas accomplir seule alors que le GEVA (Guide d’évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée) s’appuie, lui, sur ce qu’elle peut encore faire. Les deux approches, aujourd’hui diamétralement opposées, convergeront peut-être progressivement. En tout cas, nous militerons en ce sens.

Le monde des personnes âgées est mal suivi. Si on connaît bien les établissements, un peu les services – non sans difficulté d’ailleurs –, l’organisation sur le terrain est laissée aux départements. Nous ne voyons pas d’objection à ce qu’un troisième poste de vice-président occupé par un représentant des départements soit créé au sein du conseil de la CNSA. C’est même normal quand on sait que les départements assurent 70 % du financement de l’APA et 60 % de celui de la PCH. Mais il ne faut pas en attendre un meilleur fonctionnement sur le terrain. Les difficultés tiennent aussi aux systèmes d’information. S’il est difficile d’obtenir des informations concernant les MDPH, il l’est encore davantage de faire remonter des statistiques concernant l’APA et les EHPAD.

Mme la rapporteure. Pour vous, ce point devrait figurer dans le futur projet de loi comme une première étape législative. Nous avons bien conscience que le travail devra être poursuivi.

Madame, monsieur, nous vous remercions.

M. Sylvain Denis. Merci de nous avoir invités.

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AUDITIONS DU 29 AVRIL 2014

Audition de M. Didier Lesueur, délégué général adjoint de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS), et Mme Estelle Camus, chargée d’études dans le champ du soutien à l’autonomie

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La Mission, qui réfléchit sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), a souhaité vous entendre, madame, monsieur, pour savoir quel regard vous portez sur la gouvernance de la Caisse, sur les systèmes d’information dont elle dispose, sur la compensation individuelle et collective de la perte d’autonomie et sur les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Comment appréciez-vous la répartition des compétences entre la Caisse et les acteurs avec lesquels elle travaille : autorités de tutelle, agences régionales de santé (ARS), départements et MDPH ? L’équilibre entre les membres du conseil de la CNSA vous paraît-il satisfaisant ? Seriez-vous favorables à la création d’un poste de vice-président, occupé par un représentant des départements, comme le prévoit le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement ? Dix ans après sa création, comment pourrait-on améliorer le fonctionnement de la CNSA ?

M. Didier Lesueur, délégué général adjoint de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS). L’ODAS a été créé il y a vingt-quatre ans dans le but d’observer pour mieux agir, afin d’aider la décision des acteurs locaux ou nationaux. Son statut d’association répond à un souci d’indépendance : ses travaux ne doivent être entachés d’aucun parti pris en faveur des collectivités locales ou de l’État.

À l’origine, sa création a été portée à la fois par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, M. Jean-Michel Belorgey, et celui de la commission des affaires sociales du Sénat, M. Jean-Pierre Fourcade. L’ODAS a toujours eu à cœur de se tenir à égale distance entre les forces politiques qui peuvent intervenir dans le débat républicain.

Notre préoccupation est de faire émerger l’intérêt général, ce qui nous vaut parfois certaines inimitiés. Je puis citer une anecdote à ce sujet. Chaque année, nous publions une analyse des dépenses d’action sociale effectuées par les départements. Il y a deux ans, ce rapport, qui s’intitulait Se poser les bonnes questions, pointait le fait que, depuis la décentralisation, ces dépenses étaient tirées à la hausse par celles du handicap. On nous a alors reproché – à tort – de mettre ces dernières en cause. Nous entendions seulement souligner que, depuis 1984, la charge nette – l’effort assumé par les ressources propres des départements – était deux fois plus importante pour le secteur du handicap que pour les autres secteurs. J’avais déjà prévenu plusieurs associations spécialisées qu’elles ne disposeraient pas toujours des mêmes financements.

Notre souci d’indépendance nous impose de parler vrai en respectant trois principes. Le premier est la neutralité. Le deuxième est d’observer en faisant observer : nous travaillons avec les acteurs, parce qu’ils possèdent la connaissance, et nous essayons, avec pédagogie, de faire partager certains constats. Dans notre pays, on observe trop peu avant d’orienter l’action dans telle ou telle direction. Le troisième principe est de croiser les regards, c’est-à-dire, quel que soit le sujet, de rencontrer tous les acteurs concernés.

De l’action sociale, nous en sommes arrivés rapidement à étudier l’évolution de la société. C’est ainsi que nous avons mené une recherche-action sur « Les villes et le lien social » avec sept villes de taille et de sensibilité politique différentes : Besançon, Bordeaux, Clichy-sous-Bois, Le Havre, Strasbourg, Tourcoing et Valenciennes. Nous souhaitions en intégrer une huitième à notre étude, mais, malgré l’accord du maire, l’administration ne nous l’a pas permis. Nous avons réfléchi au moyen de mobiliser davantage les politiques municipales pour favoriser le tissage du lien social.

Notre rapport contient un constat et des préconisations, que nous avons formulées le plus souvent avec les villes. Néanmoins, nous avons fait remarquer à un maire que son organigramme politique ne correspondait pas à sa préoccupation affichée de soutien au lien social, parce qu’il se présentait en silo – distinguant des pôles « personnes âgées », « personnes handicapées » et « petite enfance » – et non de manière transversale.

D’ores et déjà, nous vous invitons le 4 juin, de dix-huit heures à vingt heures trente, à un symposium que nous organisons à la demande du président du Sénat sur le thème « Les maires et le pacte républicain ». Nous entendons mobiliser les élus municipaux sur l’enjeu majeur que représente le lien social. Les observations que nous menons depuis vingt-quatre ans ont montré qu’une partie des difficultés que rencontrent les services sociaux et médico-sociaux tient à la disparition de ce lien et à une perte des repères de la part des citoyens. D’où notre souci de remplacer notre solidarité de droit par une solidarité d’implication.

Nous avons rencontré les représentants de la CNSA dès sa création. Son fonctionnement pourrait préfigurer l’évolution de bien des administrations d’État vis-à-vis des collectivités locales, si le choix de la décentralisation est maintenu, voire amplifié.

La Caisse a cofinancé trois études avec l’ODAS. La première concerne la mise en place des MDPH, créées par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. La deuxième porte sur l’appropriation du projet de vie. La troisième s’intitule Du soutien à la dépendance au soutien à l’autonomie. Elle vise à analyser ce qui se passe avant les prises de décisions relatives aux personnes âgées. Dès lors que survient un problème, comment l’accueil est-il organisé ? Où trouver l’information ? Comment l’orientation est-elle déterminée ?

Nous terminons en ce moment une étude qui fera pendant à celle-ci, et porte sur la période qui s’étend de la décision à la fin du versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) à domicile.

Dès l’origine, la gouvernance de la Caisse a placé l’ensemble des acteurs au centre de la structure, ce qui a permis de dépasser les défiances éventuelles entre administrations locales et nationale. Nous n’avons pas d’avis tranché sur la création d’un troisième poste de vice-président qui représenterait les départements, mais nous n’y sommes pas hostiles.

Il est intéressant que la CNSA se positionne en accompagnement des collectivités, particulièrement de l’action des MDPH. D’autres caisses de protection sociale pourraient s’inspirer de ce modèle.

Cela dit, la législation française est une des rares à établir des distinctions entre les handicaps selon qu’ils tiennent à la naissance, à l’âge, à la maladie ou à un accident, ce qui empêche parfois la CNSA de soutenir les démarches de convergence au niveau des départements. Il arrive, par exemple, que les relations entre les MDPH, présidées par le président du conseil général, et le département soient difficiles.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Pour des raisons historiques, les associations ont, dans le domaine de la solidarité, une place particulière dans notre pays. Même si les mentalités changent, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour faciliter la convergence.

Mme Estelle Camus, chargée d’étude sur l’autonomie à l’ODAS. Le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement encourage – même modestement – la mise en place de maisons de l’autonomie (MDA). Il s’agit d’une solution intéressante, surtout si la CNSA l’accompagne, comme elle avait accompagné la création des MDPH. Elle se prépare activement à jouer un rôle dans ce domaine.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Elle conduit ce travail en lien avec les conseils nationaux consultatifs des différents publics que nous avons évoqués. Nous sommes à un moment charnière : il faut dépasser certaines grandes étapes de notre histoire.

M. Didier Lesueur. En 2011, quand nous avons réalisé l’étude intitulée Du soutien à la dépendance au soutien à l’autonomie, nous avons bénéficié, de la part des départements, d’un taux de réponse de 98 %. Sur place, quand nous avons effectué des visites, nous avons été frappés par la manière dont ceux-ci avaient anticipé l’échéance fixée par la loi de 2005, et organisé une gouvernance plus intégrée entre le soutien aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. Cela dit, notre travail actuel souligne que les relations avec les MDPH sont difficiles.

Le projet de loi en préparation repose sur une vision très large du vieillissement. Dans notre pays – même s’il existe de grandes disparités entre les territoires –, une personne qui prend sa retraite bénéficie généralement d’une longue période de bonne santé relative et de disponibilité, que les politiques publiques pourraient utiliser davantage. Les personnes âgées ont plus besoin d’aider que d’être aidées. En valorisant leur apport, on intégrerait le bilan de toutes les études sur la dépendance, qui montrent qu’en permettant à ces personnes de rester actives après la retraite, on retarde l’âge de la dépendance.

Mme Estelle Camus. Les données remontent difficilement des MDPH vers les départements, puis vers la CNSA, ce qui complique le choix d’une stratégie. La CNSA, qui a eu du mal à s’emparer des dispositifs d’information, s’est attelée activement à ce problème. Seule la remontée des données issues des MDPH permettra d’apprécier l’efficience des dispositifs et les besoins des territoires.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous manquons effectivement de données claires sur la population et ses besoins. La CNSA nous a confirmé qu’elle travaillait sur le problème, qui est apparu quatre ou cinq ans après sa création.

M. Didier Lesueur. Il est dommage que la classification commune des handicaps par les départements, qui avait cours avant la création des MDPH, n’existe plus.

Entre 1998 et 2008, les dépenses d’hébergement des personnes en situation de handicap ont augmenté deux fois plus vite que l’effet coût − l’inflation − et l’effet volume − l’augmentation du nombre de personnes accueillies. Ce doublement peut s’expliquer par la mise en œuvre des 35 heures ou l’amélioration des conditions statutaires, sous l’effet des conventions collectives, mais il y a d’autres facteurs à prendre en compte. La situation n’est d’ailleurs pas spécifique au secteur du handicap. Elle concerne aussi celui de l’accueil des enfants protégés et des personnes âgées dépendantes.

Quand, avec les départements, nous avons entrepris d’analyser le coût de chaque structure, nous avons constaté qu’en raison du partage des responsabilités entre financeurs, nul ne possède de vue d’ensemble. Les départements ne disposent parfois que d’informations très succinctes ou aléatoires sur les forfaits soins. Par ailleurs, chaque structure affirme qu’elle accueille des handicaps de plus en plus lourds, sans pour autant en apporter la preuve, ce qui signifie que cette appréciation reste subjective. Enfin, le coût des structures, très disparate, n’est pas corrélé à leur classification.

Après notre première étude, l’ancien directeur de la CNSA, M. Laurent Vachey, nous a demandé de reconstituer les contributions des finances publiques au secteur du handicap. Notre rapport, annexé au sien, montre que, depuis la décentralisation, les départements, comme d’autres financeurs publics, ont fortement investi dans ce domaine.

Nous essaierons de modéliser ce travail sur l’évolution des coûts dans les différentes structures. Nous ne possédons encore que des intuitions, qu’il nous faut consolider.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vous regrettez que la connaissance des handicaps ait diminué. Les outils d’évaluation, notamment les grilles AGGIR (autonomie gérontologique groupes iso-ressources) ou le guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (GEVA), sont-ils suffisants ? Les établissements ou les services ont-ils renoncé à connaître les publics accueillis ?

Mme Estelle Camus. On peut parler d’un effet « filière » : un enfant qui entre dans un système institutionnel aura tendance à y rester, même si celui-ci ne correspond pas exactement à son handicap, parce que l’offre est émise par la fédération ou l’association gestionnaire. En outre, les MDPH, qui décident de certaines orientations, ne connaissent pas toujours la disponibilité ou l’offre sur leur territoire. Certaines décisions sont prises par défaut. Une personne peut être adressée à un établissement qui ne correspond pas parfaitement à son handicap soit parce qu’il n’existe rien d’autre sur son territoire, soit parce qu’il n’existe pas de place dans une structure plus appropriée.

La grille AGGIR ne dit pas toujours ce qu’il faudrait savoir. Ses items, qui prennent en compte l’environnement des personnes âgées, ne sont pas intégrés dans le calcul du GIR (groupe iso-ressources). Or, il est impossible de réfléchir à la situation d’une personne âgée sans prendre en compte son environnement ou la capacité de son entourage à accompagner d’éventuels changements de parcours.

Il existe très peu d’évaluations communes de l’APA et de la PCH. Malgré les efforts réalisés, notamment pour évaluer les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, le GEVA est difficile à mettre en œuvre sur le terrain. Il existe deux cultures différentes dans la manière d’appréhender le handicap, ce qui peut poser problème à certaines équipes. La compensation initiée par la loi de 2005 peut aller très loin, au-delà même des capacités financières de certaines institutions. On ne rencontre pas la même démarche envers les personnes âgées, chez lesquelles on cherche surtout à identifier des besoins.

Un important travail doit être mené non seulement entre les départements, mais aussi avec les caisses de retraite, qui évaluent en amont la déficience de la personne. Il existe des similitudes entre les traitements de l’âge et du handicap. Tout en installant de nouvelles relations avec les services d’aide à domicile, les départements envisagent des forfaitisations qui prendraient en compte l’environnement global de la personne. De leur côté, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et l’interrégime des caisses de retraite − CNAV, Mutuelle sociale agricole et Régime social des indépendants − réfléchissent à la mise en place de paniers de services forfaitisés qui intégreraient, outre l’aide à domicile, l’entourage et l’aide collective qui peut être apportée en amont.

Notre étude sur la complémentarité des caisses de retraite et des départements pour le maintien à domicile des personnes âgées préconise la mise en place, sous le contrôle de la CNSA, d’une grille d’évaluation commune à tous les intervenants. La Caisse a sa place dans le travail qui doit être mené pour partager la culture de l’évaluation.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous nous souviendrons de cette proposition lorsque nous examinerons le texte. Il est essentiel de rapprocher les points de vue pour créer une culture commune.

Mme Estelle Camus. Je suis très sensible au fait que la CNSA ne se préoccupe pas seulement de données techniques ou de mise en œuvre opérationnelle. Elle mène une réflexion sur la place de la personne âgée ou handicapée dans notre société, afin de l’aider à y jouer un rôle actif. C’est un point important de notre rapport annuel qui paraîtra prochainement, et qui vise à sensibiliser les différents acteurs.

Par ailleurs, il est bon que les études ne prennent pas une forme trop universitaire, ce qui les amènerait peut-être à se couper de certaines propositions ou d’innovations intéressantes qui peuvent remonter du terrain. Il serait dommage de renoncer à des propositions ou à des expérimentations qui sortent du cadre strict de l’appel à projets.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Dans le cadre de la section V de son budget, la CNSA peut proposer des expérimentations, qui doivent être préservées.

Une partie du rapport d’activité touche à la citoyenneté et à la participation des personnes, ce qui rejoint l’esprit de la loi de 2005. La CNSA travaille déjà sur ce sujet, sur lequel nous formulerons des propositions.

Mme Estelle Camus. Si la convergence entre les problématiques de l’âge et du handicap a été difficile à établir, le vieillissement des personnes handicapées amènera sans doute à réunir la prise en compte des handicaps liés à l’âge ou imputables à un parcours de vie différent.

M. Didier Lesueur. La convergence est difficile à concevoir parce que les liens ne sont pas systématiques – heureusement – entre l’avancée en âge et la dépendance. L’expérience de nos voisins nordiques montre que les politiques de prévention font reculer l’âge et la durée de la dépendance.

Les parents d’enfants en situation de handicap craignent qu’une politique de convergence ne réduise la prise en charge de leurs enfants, mais les départements qui ont travaillé sur la mise en place des MDA assurent le contraire. Le système actuel est trop compliqué. Dans notre pays, une personne ne relève pas de la même législation si elle fait un accident vasculaire cérébral à cinquante-neuf ou à soixante ans, ce qu’aucun citoyen ne parvient à comprendre. Cette situation semble même contraire à l’égalité qui est au cœur du pacte républicain.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. On a souvent reproché à la CNSA de n’avoir pas maîtrisé, au fil des ans, les crédits de création de places.

Mme Estelle Camus. C’est un sujet que je connais peu.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous demanderai de nous envoyer vos publications les plus récentes.

M. Didier Lesueur. Nous vous adresserons toutes les communications que nous avons citées, auxquelles on peut accéder directement sur notre site, ainsi que le rapport sur les caisses de retraite et les départements, qui n’a pas été publié. Pour réaliser l’étude que nous avait commandée l’interrégime des caisses de retraite, particulièrement la CNAV, nous nous sommes rendus dans huit départements où nous avons identifié des pratiques intéressantes qui pourraient faire l’objet de propositions.

Mme Estelle Camus. Certaines de ces propositions figurent déjà dans le projet de loi. Nous vous enverrons également une synthèse du point d’étape que nous avons réalisé en novembre avec la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous remercie.

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Audition de M. Franck Von Lennep, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère des affaires sociales et de la santé, et Mme Magda Tomasini, sous-directrice de l’observation de la solidarité

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous accueillons à présent M. Franck Von Lennep, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), accompagné de Mme Magda Tomasini, sous-directrice de l’observation de la solidarité.

La Cour des comptes a rendu public en octobre 2013 un rapport sur « la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ». Je vous propose, monsieur le directeur, de nous rappeler les travaux récents conduits par la DREES sur ce sujet, en particulier concernant la perte d’autonomie. Je vous poserai ensuite quelques questions.

M. Franck Von Lennep, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Je me propose de dresser un panorama de nos travaux, en rappelant à chaque fois de quelle manière nous collaborons avec la CNSA, laquelle est pour nous un partenaire majeur dans le champ du handicap et de la perte d’autonomie. Nous mettons en commun, dans une large mesure, nos moyens financiers et partageons nos expertises.

Aux termes de la convention d’objectifs et de gestion (COG), deux volets de coopération sont attendus entre la DREES et la CNSA : les opérations statistiques, d’une part, et la recherche, d’autre part.

Je rappelle en préambule que les systèmes d’information de la CNSA ainsi que nos propres outils statistiques s’appuient sur le répertoire FINESS (Fichier national des établissements sanitaires et sociaux) géré par la DREES et qui contient un très grand nombre d’établissements, de statuts juridiques et de nomenclatures très complexes. Nous collaborons constamment avec la CNSA afin d’améliorer et de clarifier ces nomenclatures. Ce répertoire constitue la base du futur portail de la CNSA consacré aux établissements pour personnes âgées et à destination du grand public, à l’élaboration duquel nous participons.

Dans le champ du handicap et de la perte d’autonomie, l’observation statistique est un exercice très complexe en raison du grand nombre de prestataires, de la grande diversité des établissements et des statuts et de la décentralisation de la gestion. Nos opérations statistiques sont de deux ordres : les collectes de données administratives, qui sont des données de gestion, d’une part, et les enquêtes ad hoc d’autre part.

Pour ces opérations statistiques, nous nous appuyons de préférence sur les données administratives, ce qui est plus rapide et moins coûteux. Toutefois, il n’est pas toujours aisé de collecter de telles données – c’est le cas pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) en raison de l’existence d’une centaine de conseils généraux ayant chacun leur propre système de gestion – et celles-ci peuvent se révéler insuffisantes, car elles ne permettent pas toujours de savoir si une prestation répond à un besoin. Il est donc nécessaire, parallèlement, de réaliser des enquêtes, ce dont n’avons pas toujours les moyens.

Nous disposons de données administratives sur les bénéficiaires de l’APA. En 2008-2009, la DREES a mené une première opération en recueillant des données relatives à l’année 2007 auprès d’une trentaine de conseils généraux, opération qu’elle a reproduite l’année dernière auprès d’un peu plus de soixante départements. Cet échantillon nous a permis de réaliser toutes les simulations de réforme de l’APA présentées dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Le recueil de données auprès de soixante départements est un travail très lourd en raison de l’existence d’un grand nombre de systèmes d’information différents. La CNSA a largement contribué au financement de cette collecte dont l’intérêt est d’apporter une vision consolidée au niveau national sur les bénéficiaires, leur âge, leurs revenus, leur groupe iso-ressources (GIR). Ainsi, plus les prestations sont décentralisées, plus il est nécessaire de conserver une vision nationale.

Nous menons également de grandes enquêtes. En 2008-2009, la DREES et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ont réalisé une grande enquête intitulée Handicap-Santé (HS), trop lourde pour être reproduite à intervalles courts. Nous avons décidé de la reconduire pour la période 2014-2016, mais sur un champ plus réduit, celui de la perte d’autonomie, auprès des personnes de plus de soixante ans. Cette enquête a pu être mise en place grâce à l’apport financier indispensable de la CNSA. La CNSA nous apporte également sa connaissance des métiers liés à la perte d’autonomie en nous indiquant les types de questions correspondant aux attentes des utilisateurs. Dès 2014, cette enquête est précédée d’un volet départemental visant à interroger, dans chaque département, un échantillon de personnes de plus soixante ans afin d’évaluer la proportion touchée par la perte d’autonomie. Cela permet non seulement de calculer des prévalences de perte d’autonomie au niveau départemental, mais aussi d’observer les disparités entre départements pour le versement de l’APA.

À côté des enquêtes sur les bénéficiaires, la DREES mène deux enquêtes quadriennales sur les établissements pour personnes âgées dépendantes et pour personnes handicapées. Ces enquêtes ne sont pas cofinancées par la CNSA, laquelle nous apporte cependant une expertise métier très importante lors des comités de pilotage d’élaboration des questionnaires – les données lui sont ensuite fournies, comme le recommande la COG. La prochaine enquête, réalisée auprès des établissements pour personnes handicapées, aura lieu l’année prochaine.

J’en arrive au second volet de coopération entre la DREES et la CNSA : la recherche.

Dès 2008, la DREES et la CNSA se sont associées, par la mise en commun de moyens financiers et humains, dans le lancement d’appels à projets de recherche sur plusieurs thèmes, notamment le handicap psychique, l’aide à domicile aux personnes fragiles, le handicap et la perte d’autonomie. Lancé en 2009, l’appel à projet « handicap et perte d’autonomie » a été transformé à partir de 2011 en un partenariat entre la CNSA, la DREES et l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), qui sera renouvelé jusqu’en 2016. Il comprend un appel à projets général et des appels à projets thématiques, portant par exemple sur les personnes handicapées vieillissantes.

Pour la période 2011-2016, les financements accordés et les financements prévus se chiffrent à plus de 3 millions d’euros, ce qui permet d’offrir aux chercheurs une visibilité leur donnant la possibilité de constituer des équipes et de s’investir dans la durée sur une thématique. La CNSA et nous-mêmes espérons poursuivre au-delà de 2016 ; cela suppose des efforts financiers de notre part et une sanctuarisation des budgets de recherche.

Pour conclure, j’esquisserai quelques pistes sur nos besoins et nos attentes pour l’avenir.

Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement comporte un volet sur les systèmes d’information et le suivi statistique. Grâce à l’uniformisation des systèmes d’information des MDPH et leur consolidation par la CNSA, nous pourrons tirer des systèmes d’information statistiques depuis les systèmes de gestion administrative. Par ailleurs, les remontées statistiques sur les bénéficiaires de l’APA vers la DREES et l’utilisation du numéro d’inscription au répertoire (NIR) par les départements nous permettront de constituer des cohortes et de suivre dans la durée le devenir des bénéficiaires de l’APA.

Le futur système d’information sur les personnes handicapées de la CNSA nous apportera quantité d’informations, mais nous aurons toujours besoin de mener parallèlement des enquêtes. C’est pourquoi nous prévoyons une grande enquête sur le handicap – sur le modèle de celle sur la dépendance prévue l’année prochaine – aux alentours de 2019 ; ce faisant, le rythme des grandes enquêtes de ce type est décennal, comme au niveau européen. À cette fin, un financement de la CNSA nous sera indispensable, mais nous n’avons pas d’inquiétude à cet égard étant donné l’état de nos relations actuelles et les attentes de cette dernière.

À plus court terme, et dans l’attente de la mise en place de ce système d’information, il nous semble nécessaire de mener une enquête approfondie afin de récolter des informations sur les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH). La DREES en avait mené une en 2008 auprès de ces bénéficiaires, mais nous nous interrogeons aujourd’hui sur leur profil. Une telle enquête ne pourra être réalisée que si nos moyens le permettent ; l’accompagnement financier et le savoir-faire de la CNSA nous seront, là encore, nécessaires.

En conclusion, nous nous félicitons du niveau de coopération et d’échanges en matière d’expertise et de financement entre la DREES et la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. À quelle date a été réalisée la dernière grande enquête ?

M. Franck Von Lennep. La grande enquête auprès des personnes en perte d’autonomie est prévue pour 2014-2016. La précédente, intitulée « Handicap-Santé », date de 2008 et couvrait le champ de la santé, du handicap et de la perte d’autonomie.

Les groupes de travail réunis en 2011 en vue de la préparation d’un avant-projet de loi, animés par MM. Bertrand Fragonard et Jean-Michel Charpin, avaient recommandé que soit réalisée une nouvelle enquête sur les personnes âgées en perte d’autonomie afin d’évaluer, d’une part, la prévalence et les facteurs de la perte d’autonomie – dont l’évolution est certainement plus rapide que pour le handicap en raison du vieillissement de la population – et, d’autre part, le reste à charge et la mobilisation des ressources par les personnes âgées ou leur entourage pour financer la perte d’autonomie. Pour cette enquête, qui reposera sur un échantillon d’une dizaine de milliers de personnes, nous avons prévu de recueillir des informations d’autres bases de données, en particulier fiscales et sociales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vous avez évoqué les difficultés rencontrées par la CNSA en matière de systèmes d’information. Un travail est en cours à ce sujet, et nous le suivrons avec attention.

Quel bilan tirez-vous de l’action de la CNSA s’agissant de sa contribution au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à domicile ou en établissement, en particulier au regard du respect de l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire ?

M. Franck Von Lennep. Nous avons produit récemment des études sur les disparités départementales en matière d’allocation aux adultes handicapés (AAH), d’APA et de PCH. Il s’agit de modélisations statistiques qui visent à mesurer en quoi les données démographiques des départements expliquent les disparités. Nous en concluons que la partie non expliquée n’est pas liée à ces variables, mais qu’elle tient soit à des variables dont nous ne disposons pas, soit à des différences de pratiques entre acteurs locaux. Les disparités en termes de gestion et d’accès aux prestations sont une préoccupation forte de la CNSA qui nous sollicite très régulièrement sur ces sujets. Grâce à son financement, l’enquête qui sera menée à partir de cette année dans tous les départements auprès des personnes de plus de soixante ans lui permettra de rapprocher les données obtenues avec celles du versement de l’APA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Dans une note de décembre 2013 consacrée à l’AAH, la DREES relève que les disparités observées entre les départements seraient expliquées par les différences de pratiques des acteurs locaux du handicap.

Quel peut être le rôle de la CNSA dans l’harmonisation des pratiques ?

M. Franck Von Lennep. Nous discutons beaucoup de ce type de problématique avec la CNSA, laquelle s’efforce d’intégrer une réflexion en amont sur les facteurs objectifs pouvant expliquer les disparités, ce qui permet ensuite d’identifier les leviers d’action.

À titre d’exemple, les différences en matière d’attribution de GIR 4 ne s’expliquent pas seulement par des raisons démographiques, sociales ou économiques ; elles s’expliquent aussi par des données objectivées, qui permettent ensuite à la CNSA de plaider pour la mise en place d’outils en vue de l’accompagnement des départements vers une plus grande rationalisation dans l’attribution de l’APA.

Si la CNSA est en attente de données sur la PCH, c’est justement parce qu’elle ne dispose pas des outils pour s’informer auprès des MDPH ou des départements sur les pratiques d’attribution de cette prestation. Grâce à son financement, nous pouvons lui fournir des données fondées sur une représentativité territoriale suffisante, qui lui permettent ensuite, soit de discuter avec les acteurs concernés, soit de faire des recommandations au conseil général.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La répartition de l’offre sur le territoire est une question prégnante. En effet, il est difficile pour de nombreux départements de connaître le nombre de places dans les établissements et de savoir si elles correspondent aux besoins. Avez-vous des pistes à nous suggérer en la matière ? La situation s’est-elle aggravée ?

M. Franck Von Lennep. À la suite d’une demande d’un élu local qui lui a été adressée récemment, la CNSA nous a sollicités pour savoir si le nombre de bénéficiaires de l’AAH s’expliquait par les caractéristiques du département ou par des facteurs exogènes. Il est tout à fait logique que les élus se demandent si les prestations correspondent à des besoins.

Votre question comporte deux volets : l’offre et les besoins.

L’offre, en tout cas en établissement, est décrite de façon assez détaillée dans les deux enquêtes quadriennales que j’ai mentionnées tout à l’heure – l’enquête auprès des établissements d’hébergement pour personnes âgées, et l’enquête auprès des établissements et services pour enfants et adultes handicapés. Il nous est parfois reproché que ces enquêtes ne permettent pas aux ARS et à la CNSA de réaliser un pilotage fin, annuel. Cependant, les renouveler plus souvent, comme cela nous est parfois demandé, est hors de portée pour nous en termes de moyens. Ces enquêtes sont très utiles non seulement à la CNSA, mais aussi aux missions d’inspection, en particulier à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Deux éléments devront être pris en compte pour l’avenir. D’une part, une partie des futurs systèmes d’information de la CNSA, en particulier le portail sur les établissements pour personnes âgées, permettra éventuellement d’alléger certaines de nos enquêtes et, par conséquent, de réaliser des économies ou des enquêtes plus fréquentes. D’autre part, nos enquêtes sont progressivement dématérialisées. La prochaine vague, qui aura lieu l’année prochaine auprès des établissements et services pour personnes handicapées, sera pour la première fois totalement dématérialisée. Pour autant, nous n’aurons jamais les moyens de mener ces enquêtes annuellement, si bien que ce type d’outil ne permet pas un pilotage annuel.

Aujourd’hui, la seule solution serait que l’ARS décide, pour tel type de population, de pathologie ou de handicap, de suivre l’évolution des places chaque année, comme cela est fait, par exemple, avec le plan Alzheimer.

Quant à la demande, elle est très compliquée à mesurer car très difficile à définir. C’est vrai dans le champ de la santé comme dans celui du handicap et de la dépendance, car il n’est pas aisé de déterminer le moment à partir duquel un besoin s’exprime, si bien que, malgré l’existence de grilles, comme la grille AGGIR (autonomie gérontologique groupes iso-ressources), nous sommes obligés de retenir des hypothèses.

Les choix d’adaptation de l’offre exigent que l’on soit capable de mesurer les besoins localement, ce qui implique la réalisation d’enquêtes. Concrètement, il faut interroger un nombre important de personnes sur leurs souffrances, les limitations qu’ils rencontrent dans la vie quotidienne, en procédant le plus souvent en face en face, ce qui rend ces enquêtes coûteuses et difficiles à mettre en place et à réitérer. Nous menons cet exercice cette année et l’année prochaine sur la perte d’autonomie ; nous le réaliserons avant 2020 sur le handicap, objectif en réalité ambitieux car très coûteux. L’enquête Handicap-Santé de 2008 – cofinancée par l’INSEE, qui s’est ensuite désengagé de ce type d’enquête – a représenté au moins la moitié du budget de la DREES. Beaucoup d’acteurs souhaiteraient des enquêtes plus fréquentes, permettant d’évaluer l’adaptation du nombre de places à l’évolution des besoins, mais elles sont conditionnées à l’évolution de nos budgets. Sur ces sujets, à propos desquels nous échangeons quotidiennement avec la CNSA, nous sommes obligés de programmer à moyen terme.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Une difficulté subsiste : le cloisonnement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Quelles pistes proposez-vous pour rapprocher ces secteurs ?

M. Franck Von Lennep. Les enjeux du projet PAERPA – parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie – portent notamment sur la coordination entre les différents secteurs – sanitaire, social et médico-social – dans neuf territoires. La DREES est très impliquée dans ce projet, puisque je préside le comité de pilotage de l’évaluation de ce dispositif. Notre objectif est d’évaluer, sur trois à cinq ans, les gains pour le système de santé, à travers par exemple une meilleure prise en charge des personnes à la sortie de l’hôpital. Ce projet nous amènera également à développer un programme de recherche qualitatif, ou sociologique, afin d’identifier les risques de rupture lors du parcours de soins, dans la perspective d’un meilleur accompagnement des personnes.

Ce projet pose en outre l’importante question des systèmes d’information, c’est-à-dire du partage de l’information entre les professionnels du secteur sanitaire et ceux du secteur médico-social. Au-delà, se posent des questions juridiques lourdes relatives à l’accès par les professionnels à certaines informations figurant dans le dossier médical.

Par ailleurs, nous avons prévu de mener, en 2014, une enquête qualitative auprès des professionnels de l’aide à domicile – aides-soignantes des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), infirmières libérales, aides à domicile –, qui nous permettra de mieux comprendre les spécificités de ces différents intervenants, leur manière de répondre aux ruptures, et l’articulation de leur action avec celle des médecins traitants.

Ainsi, pour ce qui est de l’articulation entre le médico-social, le social et le sanitaire, nous projetons au moins ces deux études pour les deux ans à venir.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Le rôle du conseil scientifique de la CNSA vous semble-t-il devoir être accru ?

M. Franck Von Lennep. Les membres du conseil scientifique de la CNSA sont nos interlocuteurs naturels : c’est avec eux que nous discutons des aspects techniques pour le lancement d’une grande enquête comme celle sur l’autonomie. Ce conseil est un lieu d’expertise, de discussion absolument nécessaire. Mais si un Haut Conseil de l’âge est créé demain, il n’est pas impossible que les missions des uns et des autres doivent être reprécisées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Comme l’ont montré toutes nos auditions, la CNSA est devenue un acteur incontournable, compte tenu des évolutions en matière de vieillissement et de handicap. Reste la question des systèmes d’information, comme vous l’avez souligné. Merci beaucoup pour votre contribution.

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AUDITIONS DU 6 MAI 2014

Table ronde réunissant des représentants d’institutions intervenant dans les domaines de compétence de la CNSA, membres du conseil de la CNSA : Mme Adeline Leberche, directrice du secteur social et médico-social de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), Mme Élodie Hemery, adjointe chargée du secteur social et médico-social de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Olivier Bachellery, directeur-adjoint à la direction santé de la Fédération nationale de la Mutualité française, et Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques, M. Bruno Lachesnaie, directeur chargé de la direction du développement sanitaire et social de la Mutualité sociale agricole (MSA), et M. Alain Villez, conseiller technique, chargé des personnes âgées de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Mesdames, messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a décidé de se pencher sur les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), sujet qui a fait l’objet de nombreux travaux ces dernières années. Ce faisant, nous sommes amenés à nous intéresser également au rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ainsi qu’aux politiques de l’autonomie conduites dans les territoires. Aussi avons-nous prévu d’auditionner les représentants des services de quatre conseils généraux, afin de les interroger sur leurs relations avec la CNSA et sur leurs attentes au regard du vieillissement de la population et de la situation des personnes handicapées, étant entendu que la CNSA avait été créée il y a dix ans précisément pour répondre à ces défis.

Je propose que, dans une brève intervention liminaire, chacun d’entre vous se présente et explique comment il perçoit le rôle de la CNSA. Ses missions vous paraissent-elles répondre aux besoins et aux politiques à mettre en œuvre ? Quel bilan dressez-vous de son action depuis sa création ? Sa gestion vous semble-t-elle adaptée ?

Peut-être pourriez-vous évoquer ensuite l’articulation des compétences entre la CNSA et les différents acteurs avec qui elle est amenée à travailler : autorités de tutelle, agences régionales de santé (ARS), départements, maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Enfin, pour clore ce premier échange de vues, je souhaiterais savoir quelle appréciation vous portez sur le pilotage stratégique de la Caisse par l’État.

Mme Adeline Leberche, directrice du secteur social et médico-social de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP). Je vous prie d’excuser MM. Antoine Dubout et Jean-Yves Dupuis, respectivement président et directeur général de la FEHAP. Je précise toutefois qu’en tant que directrice du secteur social et médico-social, j’ai eu l’occasion de représenter notre organisation au conseil de la CNSA.

La FEHAP a une opinion favorable sur la création de la Caisse, les missions qui sont confiées à celle-ci et la manière dont elle les remplit. Nous estimons que l’on peut tirer un bilan plutôt positif de son action en matière de régulation et de pilotage de la politique de l’autonomie, même si des moyens tant techniques qu’humains lui font encore défaut. Les systèmes d’information qu’elle utilise apparaissent ainsi insuffisants, ce qui restreint sa capacité à faire remonter les informations, à les analyser et à s’appuyer sur elles dans le cadre d’une politique nationale de répartition des crédits, des moyens et de l’offre. Pour y remédier, les effectifs n’ont cessé de croître ces dernières années et de nouveaux moyens lui ont été accordés par la convention d’objectifs et de gestion (COG) qui vient d’être signée.

Toutefois, nous avons demandé lors du dernier conseil de la CNSA un éclaircissement : cinq équivalents temps plein (ETP), qui avaient été inscrits dans le budget de la CNSA en vue de lui permettre de remplir de nouvelles missions, notamment dans la perspective de la future loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement, seront finalement affectés à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). N’assiste-t-on pas là un transfert de charges de l’État vers une agence, via un détournement des effectifs de la Caisse ? Pour l’heure, nous n’avons pas obtenu de réponse précise sur la manière dont ces effectifs seront gérés, mais il s’agit d’un point qui nous tient à cœur : dans la mesure où il y a encore beaucoup à faire, notamment en matière de répartition de l’offre et d’amélioration des systèmes d’information, il serait bon que ces nouveaux effectifs restent présents au sein de la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ces délégations de postes répondent-elles aux besoins d’une mission temporaire ou la situation est-elle appelée à perdurer ?

Mme Adeline Leberche (FEHAP). Si l’on en croit les explications de la directrice générale de la cohésion sociale, ces ETP seront affectés à la réforme de la tarification des établissements et services pour personnes handicapées. Comme le soulignent M. Laurent Vachey et Mme Agnès Jeannet dans leur rapport, cette réforme pourra prendre jusqu’à huit ans. Il s’agit donc d’une création de postes pérennes, ou du moins pérennisés dans le cadre du budget de la CNSA. En tout cas, la disposition ne nous a pas été présentée comme ayant été prise pour un temps limité. Un budget a été ouvert pour couvrir non seulement la rémunération de ces personnes, mais également la location des bureaux et les frais de fonctionnement.

La réforme de la tarification pour les personnes handicapées a certes une dimension législative et réglementaire et il incombe à l’État et à la DGCS de la mettre en œuvre. Cependant, de nombreuses autres questions sont en attente de traitement : l’amélioration des systèmes d’information, la remontée et le traitement des informations en provenance des MDPH, les listes d’attente, la mise en œuvre des « amendements Creton », la confection d’outils susceptibles de mieux évaluer les besoins des personnes – autant de sujets qui, de notre point de vue, font partie des missions de la CNSA.

Mme Élodie Hemery, adjointe chargée du secteur social et médico-social de la Fédération hospitalière de France (FHF). La situation de la CNSA est la traduction des difficultés que traverse actuellement le secteur médico-social et l’illustration qu’il y a une étape à franchir dans le cadre des réformes en cours. Les rapports produits sur le sujet et la tentative avortée de créer un cinquième risque font écho aux difficultés que rencontre la CNSA dans le pilotage et la gouvernance du secteur. Ces difficultés sont principalement dues au manque de coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social et à un dispositif totalement illisible, avec des circuits de financement et de décision extrêmement complexes.

Tout le monde semble s’accorder sur la nécessité de recentrer le dispositif sur les parcours de vie en le plaçant sous le pilotage d’une autorité unique. Dans cette perspective, que faire du millefeuille administratif ? Comment améliorer l’articulation entre la CNSA, la direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’assurance maladie, la DGCS, les MDPH, les conseils généraux et les ARS ? Comment la CNSA va-t-elle assumer son rôle d’animateur, de régulateur et de pilote du secteur ? En outre, les frontières entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social sont floues et les acteurs se trouvent en concurrence pour capter et « sanctuariser » les crédits, avec des enveloppes de plus en plus restreintes. Quid de la fongibilité, notamment avec la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ?

La CNSA avait été créée afin de sanctuariser les fonds de la dépendance dans la perspective de l’instauration d’un cinquième risque. Dix ans après, la question n’est plus à l’ordre du jour, mais cela ne signifie pas pour autant que l’on doit renoncer à une politique de l’autonomie ambitieuse, qui soit à la hauteur des enjeux liés au vieillissement de la population et permette d’accompagner les personnes handicapées vers l’autonomie.

Quant à la gestion de la CNSA, si l’on peut être satisfait des dix premières années d’exercice, on ne peut que déplorer la sous-consommation des crédits pour les personnes âgées, qui est liée à une construction structurellement excédentaire dans le cadre de l’objectif global des dépenses (OGD), mais aussi à des causes conjoncturelles, notamment les difficultés que rencontre la CNSA à imposer des règles de fonctionnement aux ARS. La CNSA attribue les crédits suivant une procédure budgétaire descendante ; or les ARS ne dépensent pas toujours la totalité de leurs crédits, ce qui provoque des situations ubuesques.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La question de la sous-consommation des crédits a fait l’objet de nombreux travaux ces dernières années. Nous avions cru comprendre, à l’issue des premières auditions, que la situation s’améliorait, mais vous soulignez que la CNSA a bien du mal à placer les ARS dans une dynamique de maîtrise et de suivi des crédits. Sans doute faudra-t-il que nous y revenions dans notre rapport.

M. Olivier Bachellery, directeur-adjoint à la direction santé de la Fédération nationale de la Mutualité française. Je vous prie d’excuser Mme Michelle Dange, qui est la représentante de la Mutualité française au conseil de la CNSA. Toutefois, nous serons deux à nous exprimer devant vous au titre de la Mutualité française ; Mme Isabelle Millet-Caurier ayant plus d’expérience que moi sur le sujet, je serai bref.

Pour ce que j’ai pu observer lors des premières réunions auxquelles j’ai assisté, la CNSA dispose d’un mode de gouvernance original, comportant une forte collégialité, ce qui lui permet d’être une force de proposition. Il me paraît important de le préserver.

La CNSA est un outil pour aller vers plus d’équité dans le secteur des personnes en perte d’autonomie, ce qui justifierait que ses moyens d’intervention soient renforcés. Le problème, c’est que le fort morcellement des acteurs à la base peut contrarier la bonne remontée des informations ; or une bonne information est indispensable à une bonne politique.

Peut-être faudrait-il aussi accroître certains pouvoirs de la CNSA, afin qu’elle puisse mieux remplir son rôle de garante de l’équité. L’avant-projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement comprenait à cet égard des avancées intéressantes. Il prévoyait notamment de renforcer le rôle de la CNSA vis-à-vis des personnes âgées, à l’image de ce qu’elle fait aujourd’hui en direction des personnes handicapées, notamment en matière d’information et de recommandations. D’autres mesures visaient à améliorer son information sur les volets vieillesse et maladie ; il était notamment prévu que les deux caisses nationales soient représentées dans son conseil. Autant de dispositions qui nous semblaient aller dans le bon sens. Nous espérons que ce texte sera réinscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Quand vous dites qu’il faudrait accroître certains pouvoirs de la CNSA, à quoi pensez-vous ?

M. Olivier Bachellery (Mutualité française). Par exemple, il est aujourd’hui beaucoup question de la « silver économie ». La Mutualité française souhaite favoriser le bon usage des aides techniques, via la création d’une forme de labellisation ou d’un d’observatoire, ce qui permettrait de s’assurer que l’on propose aux personnes âgées des solutions vraiment adaptées, et à des prix contrôlés, de manière à éviter que l’on s’oriente vers une marchandisation. On pourrait ainsi donner à la CNSA un rôle dans la labellisation ou le contrôle du secteur.

Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques de la Fédération nationale de la Mutualité française. Je compléterai l’intervention d’Olivier Bachellery en apportant deux éclairages complémentaires.

Il faut bien reconnaître que le mode de gouvernance atypique de la CNSA nous a étonnés, nous qui sommes habitués au paritarisme classique des caisses nationales d’assurance maladie. Il a permis, sous l’impulsion d’un premier directeur particulièrement remarquable, de relayer les propositions émises par les acteurs. Il importe que cette gouvernance soit reconnue et renforcée ; une telle sphère d’échange et de partage, à la fois force de proposition et lieu d’innovation, doit être protégée.

Ensuite, il faudrait vraiment faire disparaître le cloisonnement entre le champ de la perte d’autonomie et celui du soin. Aujourd’hui encore, les réflexions, les modes de gestion, les systèmes d’information sont scindés entre ce qui relève de l’assurance maladie nationale et ce qui relève de la CNSA ; cela se fait au détriment des personnes, qui se trouvent piégées dans leur parcours de soins. Il faut impérativement favoriser la transversalité ; une bonne occasion de s’interroger sur les parcours, les personnes et le décloisonnement va s’offrir à nous dans les prochains mois, avec la Stratégie nationale de santé que vient de présenter Mme Marisol Touraine.

Deux perspectives s’ouvrent donc pour l’avenir de la CNSA : l’avant-projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement et la Stratégie nationale de santé.

M. Bruno Lachesnaie, directeur chargé de la direction du développement sanitaire et social de la Mutualité sociale agricole (MSA). Je représente M. Gérard Pelhate, le président de la MSA, qui s’excuse de ne pas pouvoir être disponible ce matin.

La MSA est dans une position un peu particulière, puisque, bien que nous soyons une caisse de sécurité sociale multibranches, nous siégeons au conseil de la CNSA en qualité non pas de caisse mais d’institution qualifiée. Le mandat implicite qui nous avait été confié était d’apporter un éclairage sur la dimension territoriale, la MSA étant identifiée au milieu rural.

Je m’associe à ce qui a déjà été dit : la CNSA est un lieu de débat et de production de documents dont il existe peu d’équivalents, que ce soit au sein des caisses ou parmi les agences de l’État.

Toutefois, la CNSA souffre d’un péché originel en ce qui concerne le pilotage, qui découle du fait que l’on a confié à une caisse nationale le soin de piloter des prestations sociales à caractère législatif et réglementaire, mais mises en œuvre par les collectivités locales. On pourra toujours essayer d’améliorer la situation, on se heurtera toujours au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. On observe notamment des dérapages de plus en plus importants s’agissant du versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Le secteur des personnes âgées étant peu organisé, il n’y a pas beaucoup de contentieux ; résultat : les plafonds de l’APA retenus sont largement inférieurs à ce que le décret prévoit. C’est très inquiétant. L’erreur provient de ce que l’on a confié une prestation de protection sociale aux collectivités locales.

C’est d’ailleurs la même chose pour le revenu de solidarité active (RSA), dont nous sommes l’organisme payeur pour le public agricole : certains départements ont pris des mesures dérogatoires en faveur des travailleurs agricoles, mais d’autres refusent de le faire. Par conséquent, il se peut que, dans un département, très peu d’agriculteurs aient droit au RSA, alors que les « vannes » sont ouvertes dans le département voisin.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Cette difficulté a en effet été unanimement soulevée.

L’avant-projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement prévoit de créer au sein du conseil de la CNSA un troisième poste de vice-président, qui serait attribué à un représentant des départements. Ce serait déjà une première réponse – certes insuffisante.

En outre, les départements ont été associés aux discussions préparatoires, de façon à ce que ce point soit examiné. Quoi qu’il en soit, nous aurons à faire des propositions en vue de rétablir un certain équilibre et pour que la Caisse ait les moyens de garantir un minimum d’équité entre les territoires.

M. Bruno Lachesnaie (MSA). Peut-être pourrait-on mieux prendre en considération les notions de territoire et de bassin de vie. Les travaux de la CNSA concernant les aspects territoriaux consistent essentiellement en des comparaisons entre départements ou entre régions. Il conviendrait de s’intéresser aussi à l’accessibilité aux différents services pour les bénéficiaires de l’APA et leurs entourages ; des travaux ont été entrepris sur les « zones blanches » dans le domaine de l’assurance maladie, mais pas dans le secteur médico-social. Je précise que cela concerne non seulement les territoires ruraux, mais aussi certaines zones urbaines.

Nous nous réjouissons du projet visant à élargir le périmètre de compétence de la CNSA à la prévention, en liaison avec les politiques de santé publique. Alors qu’en matière de santé publique, il s’agit de prévenir les pathologies, la prévention dans ce nouveau cadre s’intéressera plutôt aux modes de vie. Il faudra néanmoins veiller à la bonne articulation entre les ARS et l’organisme qui sera chargé de la mise en œuvre des stratégies locales de prévention, notamment dans le cadre des « conférences départementales des financeurs » de la prévention de la perte d’autonomie, qui font l’objet de l’un des articles de l’avant-projet de loi. Je crains que la CNSA ne soit totalement absente de cette instance ; elle va déléguer 115 millions d’euros de crédits aux conseils généraux dans le cadre d’une convention, mais on voit mal de quels leviers elle disposera pour assurer la cohérence des stratégies locales. Nous préférerions que les caisses de retraite, qui seront au centre du dispositif, signent directement une convention avec la CNSA pour la distribution des aides techniques et le déploiement des actions de prévention, dans le cadre d’une instance locale où les conseils généraux pourraient jouer leur rôle de chef de file. Sinon, cela risque de devenir une véritable « foire aux aides techniques », d’autant plus que les sommes en jeu, déjà conséquentes, seront appelées à augmenter avec le vieillissement de la population.

La structuration stratégique de ce volet telle qu’elle est définie dans l’avant-projet de loi ne nous satisfait donc pas, dans la mesure où la CNSA ne pourra pas exercer la moindre responsabilité dans la mise en ordre de ce secteur pourtant essentiel.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Cela pose en effet problème. Vos caisses ont-elles été consultées lors des travaux préalables sur le texte ?

M. Bruno Lachesnaie (MSA). Oui, et nous avons fait part de notre souhait d’être les interlocuteurs de la CNSA pour jouer ce rôle au niveau local, avec les mutuelles et les conseils généraux, mais nous n’avons pas été entendus : le tropisme favorable aux conseils généraux l’a emporté dans les arbitrages finaux…

Mme Isabelle Millet-Caurier (Mutualité française). Je tiens à indiquer, au sujet de la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, qu’il n’est pas envisageable pour la Mutualité française de siéger dans cette instance au seul titre de « financeur ». Il y a toute une gestion du risque à mettre en œuvre, et la Mutualité ne peut accepter de restreindre son ambition à mettre au pot dans le cadre d’un financement collectif.

M. Alain Villez, conseiller technique, chargé des personnes âgées de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS). J’ai le privilège de représenter l’UNIOPSS au sein du conseil de la CNSA depuis la création de celui-ci, ce qui me permet de souligner le bilan extrêmement positif de la CNSA en matière de gouvernance. On parle beaucoup de « démocratie sanitaire » à propos des ARS, mais il faut insister sur l’apport de la CNSA à la démocratie médico-sociale, notamment dans la perspective de la construction d’un nouveau champ de la protection sociale – faute d’un « cinquième risque ». Nous avons été, en tant qu’organisation œuvrant en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, parfaitement associés à la construction de ce concept, dans un cadre qui fut d’une transparence exemplaire s’agissant de la gestion des crédits : il est rare de disposer d’autant d’informations sur leur programmation, leur engagement et leur suivi. Je ne noterai qu’une seule exception, qui concerne les crédits qui ont été attribués, récemment, aux départements en difficulté ; il faut impérativement, sinon que la CNSA joue un rôle de pilotage – on risquerait dans ce cas de lui opposer l’autonomie de gestion des collectivités –, du moins qu’on lui confie l’animation du dispositif, comme on l’a fait pour la prestation de compensation du handicap (PCH), par l’intermédiaire des MDPH.

Nonobstant les critiques qui ont été formulées, nous sommes donc très attachés à la CNSA, qui a acquis un rôle prépondérant grâce à son mode de gouvernance et aux missions qu’elle remplit – d’ailleurs l’UNIOPSS assure l’animation du GR 31, instance de concertation entre les organisations représentatives des personnes âgées ou handicapées siégeant au conseil de la CNSA. Ce rôle me semble emblématique de la mise en place d’une démocratie médico-sociale ; d’ailleurs, son premier président, M. Alain Cordier, a souligné que la CNSA explorait un nouveau champ de la protection sociale.

Bien sûr, il reste beaucoup à faire, notamment pour que soit mise en œuvre une véritable politique de l’autonomie en direction tant des personnes âgées que des personnes en situation de handicap – car si l’on a évoqué le manque de coordination entre le champ sanitaire et le champ médico-social, il existe aussi cette autre coupure, et la CNSA devrait être l’artisan d’une harmonisation. Même si la création d’un cinquième risque n’est plus à l’ordre du jour, la CNSA reste le lieu privilégié de la construction progressive d’un droit universel à la compensation de la perte d’autonomie.

La création de maisons départementales de l’autonomie (MDA), dont il est question dans l’avant-projet de loi et qui a soulevé bien des débats, traduit bien cette volonté. Toutefois, on ne peut pas se satisfaire de la proposition en l’état, car le texte se contente de mettre en avant la fonction d’harmonisation des méthodologies d’évaluation et d’orientation des personnes, sans qu’une volonté de mettre en œuvre une politique véritablement convergente soit perceptible. Or, la mutualisation des moyens n’épuise pas le sujet ; il faut impérativement aller plus loin, en ayant recours à des notions comme les parcours de vie et de santé, ou le droit à un projet individuel de vie – qui est reconnu dans le dispositif de la PCH, mais pas dans celui de l’APA. Il importe aussi de réaffirmer le rôle de la CNSA en matière d’animation et de pilotage du dispositif de l’APA.

Autre problème : le relais sur le terrain avec les ARS. Il y a eu des améliorations, notamment en matière de programmation et de pilotage des enveloppes de crédits, mais il reste des efforts à faire, par exemple pour remédier à la sous-consommation des crédits destinés aux personnes âgées ; on a du mal à fonctionner correctement dans le cadre de l’annualité budgétaire. Il convient de réaffirmer à cet égard la mission de pilotage national de la CNSA. En outre, le décalage que l’on observe entre les discours et la réalité est intolérable : sur le terrain, les ARS se plaignent de ne pas avoir de crédits, mais on constate au niveau national que tous les crédits ne sont pas consommés ! La programmation des crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est indéniablement de nature à améliorer les choses.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La création des maisons départementales de l’autonomie suscite bien des réactions, en particulier de la part des personnes handicapées, qui craignent, sans doute à juste titre, que cela ne se fasse à leur détriment. Il faudra donc veiller à ce que tout le monde en tire profit. Durant les discussions préparatoires, des avancées ont été réalisées, et certains départements ont déjà mis en place des MDA ; toutefois, il faut éviter que chacun y mette ce qu’il veut et qu’apparaissent ainsi de nouvelles inégalités.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait établi un droit à un projet de vie pour les personnes en situation de handicap, mais on se rend compte aujourd’hui que la notion même de projet de vie pose problème. Il faudrait faire le bilan, dix ans après, de cette loi, et essayer de redonner du sens à tout cela.

Mme Adeline Leberche (FEHAP). Peut-être serait-il utile en effet de préciser nos attentes envers la CNSA au-delà du texte de loi en préparation.

La FEHAP s’intéresse tout particulièrement au volet relatif aux établissements et aux services. Aujourd’hui, la CNSA répartit, à l’issue d’un dialogue de gestion avec les ARS, les crédits de fonctionnement des établissements et les crédits nouveaux alloués en loi de finances, dans le cadre notamment des grands programmes de création de places. Or ces derniers, comme le plan de solidarité grand âge ou le programme pluriannuel de création de places pour un accompagnement tout au long de la vie des personnes handicapées, sont en voie d’achèvement. Après, il ne restera plus à la CNSA qu’à déléguer aux ARS le versement des moyens nécessaires au fonctionnement quotidien des établissements : vu la conjoncture, on ne lancera probablement plus de vastes programmes de créations de places. La question de la place et du rôle de la CNSA va donc se poser. Ne pourrait-elle pas prendre les commandes d’une restructuration de l’offre locale, dans la mesure où elle aurait en sa possession les données et les informations nécessaires, notamment concernant les « zones blanches » ? La FEHAP a d’ailleurs commencé à faire ce travail s’agissant des services à domicile, en incitant ses adhérents à couvrir les territoires qui ne disposent actuellement d’aucune prestation médico-sociale.

Autre attente : la mise en œuvre de la onzième mission de la CNSA, relative à l’analyse des coûts des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Depuis deux ans, la situation est au point mort. Cette mission est aujourd’hui déléguée à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) dans le champ des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), où le pilotage de la CNSA est très ténu. Nous aimerions que le rôle de cette dernière soit renforcé, et qu’il s’applique également aux autres catégories d’établissements et services.

La CNSA a obtenu le pilotage du plan d’aide à l’investissement et elle a rendu un rapport très intéressant qui montre qu’une telle subvention constitue un levier essentiel pour les établissements qui en bénéficient. Or, les nouveaux crédits votés dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale sont gelés depuis plusieurs années ; le programme est financé exclusivement sur les réserves. Sur le terrain, on a le sentiment que la manière dont les subventions d’investissement sont octroyées et in fine validées par la CNSA est assez opaque. Vu la vétusté croissante des établissements et les besoins en matière d’investissement, de renouvellement et de relocalisation – par exemple des instituts médico-éducatifs implantés dans des châteaux isolés –, un coup de pouce serait nécessaire. La CNSA pourrait assurer le pilotage de la politique d’investissement et engager un travail de fond sur ces questions. S’il y a de la transparence dans la manière dont les crédits sont délégués, en revanche il manque des analyses fines et détaillées sur les coûts et les raisons pour lesquelles l’objectif global de dépenses (OGD) des personnes handicapées est dépassé quasiment chaque année, alors que l’OGD global est sous-consommé. Il faudrait donner à la CNSA les moyens humains et techniques de réaliser un tel travail.

Mme Élodie Hemery (FHF). Je partage l’opinion d’Adeline Leberche : il serait nécessaire de revoir les modalités de financement et de tarification, ainsi que les dialogues de gestion entre les acteurs.

Ce que la FHF souhaiterait, c’est qu’il y ait une plus grande cohérence et une meilleure coordination entre les différentes initiatives – avant-projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement, Stratégie nationale de santé, projet de loi de santé publique – et que les dispositifs soient recentrés sur la notion de parcours. Or, aujourd’hui, au contraire, tout concourt à renforcer la logique des silos. Est-il vraiment nécessaire de créer de nouvelles instances, comme la conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, de renforcer les oppositions entre pilotage, stratégie et financement, et de complexifier encore le secteur, alors que dans le contexte économique actuel, le principal enjeu est l’efficience ? Comment la CNSA pourrait-elle, sur la base d’une meilleure connaissance de l’offre et des coûts, améliorer l’efficience des établissements et services, sachant qu’il existe des marges de manœuvre à quasiment tous les niveaux ? Quels sont les leviers à utiliser, les systèmes d’information à employer, les études de coûts à mener pour faire en sorte qu’établissements et services répondent vraiment aux besoins de santé dans un territoire donné ? Comment y parvenir avec les structures existantes, voire en supprimant celles qui n’auraient pas donné la preuve de leur efficacité ? Comment réussir à faire converger des politiques lorsque tout concourt à les séparer ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Il faudra en effet prendre à bras-le-corps toutes ces questions.

La CNSA a rencontré de grandes difficultés s’agissant des systèmes d’information, et cela dès l’origine. Chaque département a plus ou moins construit son propre système, et il existait une certaine méfiance à l’égard de ce qui pouvait être demandé. Mais les choses sont en passe de s’améliorer – même s’il reste encore du travail.

Tout le monde est conscient qu’il faut renforcer les convergences, et pourtant les politiques précédemment menées allaient plutôt dans le sens d’un cloisonnement. La préparation du projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement a permis de faire bouger les lignes. Toutefois, cela reste insuffisant. Considérez-vous qu’il faille aller vers une évolution législative dans les dix années à venir, et si oui, sur quels points ?

M. Alain Villez (UNIOPSS). La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées aura dix ans en 2015. Or, un article de cette loi n’a jamais été appliqué : l’article 13, qui abroge les barrières d’âge en matière de compensation du handicap. Il faudrait pouvoir revenir sur la question – sachant que l’avant-projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement n’apporte pas d’avancée significative en la matière.

Les relations entre la CNSA et la DGCS manquent également singulièrement de clarté, notamment pour ce qui est de la définition des politiques de compensation pour l’autonomie et de l’articulation entre les aspects réglementaires et la mise en œuvre des dispositions ; ainsi, tout ce qui touche à la réforme de la tarification fait l’objet d’allers et retours incessants. On se trouve aujourd’hui dans un régime d’observation.

Mme Adeline Leberche (FEHAP). La FEHAP pense qu’il convient de renforcer les pouvoirs de la CNSA, notamment s’agissant des remontées d’informations en provenance des départements et des ARS. Ne croyez pas que si la CNSA lance une « enquête flash » auprès des ARS, celles-ci y répondront toutes ! Dès lors, les données recueillies ne peuvent pas être exhaustives. Peut-être faudrait-il accorder à la CNSA une sorte de pouvoir de sanction à l’encontre de celles et ceux qui ne respecteraient pas leurs obligations ?

Enfin, pour illustrer le flou qui règne entre les attributions de la CNSA et celles de la DGCS, il faut relever que, depuis l’année dernière, le directeur de la CNSA signe lui aussi les circulaires d’orientation budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées. C’est la première fois que l’on voit apparaître cette double signature ; cela montre le glissement du positionnement de la CNSA sur ces missions.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous avions traité de ce dernier point à l’occasion d’un précédent rapport.

Mesdames, messieurs, je vous remercie pour cet échange. Si vous avez des éléments complémentaires à nous transmettre, n’hésitez pas à le faire.

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Audition de M. Housseyni Holla, directeur de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), et Mme Véronique Sauvadet, cheffe du service du financement des établissements de santé

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous accueillons maintenant M. Housseyni Holla, directeur de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), et Mme Véronique Sauvadet, cheffe du service du financement des établissements de santé.

Dix ans après la création de la CNSA, notre Mission réfléchit aujourd’hui sur la mise en œuvre de ses missions. Elle a souhaité compléter les travaux qui ont été menés ces dernières années en examinant comment la CNSA se positionne dans le champ médico-social, et comment elle répond aux attentes qui s’expriment dans le cadre des politiques publiques, sachant qu’elle devait entre autres permettre de conforter et de sanctuariser les crédits destinés aux personnes âgées et handicapées. La préparation du projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement est aussi l’occasion de poser un certain nombre de questions sur le rôle de la CNSA et de faire des propositions d’amélioration.

M. Housseyni Holla, directeur de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH). J’organiserai ma présentation à partir des questions que vous m’avez fait parvenir, qui peuvent être regroupées autour de quelques thématiques.

L’ATIH est un établissement public de l’État, placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et régi par les articles L. 6113-33 à L. 6113-52 du code de la santé publique. Son conseil d’administration est présidé par le directeur général de l’offre de soins. Il est composé de représentants de l’État et de l’assurance maladie et de personnalités qualifiées dans le domaine de la santé et de la sécurité sociale. Ses missions sont au nombre de quatre. Il s’agit d’abord de collecter, d’analyser et de restituer toutes les données des établissements de santé, qui portent à la fois sur l’activité, à travers le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), sur les coûts hospitaliers, à travers des enquêtes de coûts, sur l’organisation, la qualité et la sécurité des soins, sur les données financières et sur les ressources humaines.

Nous gérons d’autre part les dispositifs techniques de financement des établissements, sous le pilotage de la DGOS du ministère des affaires sociales et de la santé. Nous participons à l’élaboration de la classification commune des actes médicaux (CCAM), puisque nous travaillons sur la nomenclature avec la CNAMTS. Nous jouons plutôt un rôle technique en ce domaine – c’est la CNAMTS qui négocie avec les professionnels de santé. Nous gérons aussi avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les classifications internationales des maladies, et nous contribuons à l’élaboration des nomenclatures des dispositifs médicaux et des médicaments.

Enfin, nous concevons – depuis 2012 – des études de coûts sur les EHPAD, les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les structures pour personnes handicapées. Il s’agit donc d’une mission récente.

Nous signerons dans quelques semaines avec l’État le contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’Agence pour la période 2014-2016, qui prévoit la poursuite de l’extension de nos missions dans le secteur médico-social. Outre les études de coûts sur les EHPAD, les SSIAD et les structures pour personnes handicapées, l’Agence devrait reprendre progressivement les tableaux de bord partagés (TBP) et développer et optimiser le recueil des données d’activité du secteur, en lien avec l’ensemble des acteurs – notamment la CNSA, la DGCS et la CNAMTS.

Comment s’organise le travail de l’ATIH sur les études de coûts dans le secteur médico-social ? Dans ce secteur, le périmètre de l’ATIH se limite à la conception et à la réalisation des études de coûts dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS). Le champ est limité aux EHPAD, aux SSIAD et aux ESMS pour personnes handicapées. Pour conduire ces études de coûts, nous avons besoin de données sur les charges, mais aussi de données d’activité. Nous devrons ici compter sur les systèmes d’information de la CNSA.

Deux instances ont été mises en place pour assurer la gouvernance de ces travaux sur les coûts. Un comité de pilotage tout d’abord, animé par la DGCS, où siègent l’ensemble des acteurs du secteur, à savoir les fédérations intervenant dans les domaines de compétence de la CNSA, les administrations, principalement la DGCS et la direction de la sécurité sociale (DSS), la CNSA et la CNAMTS, qui est chargée d’orienter et de valider les travaux techniques. Un comité technique des études de coûts ensuite, animé par l’ATIH, qui réunit les experts de l’ensemble des acteurs du comité de pilotage et conçoit la méthodologie des études de coûts. L’ATIH conduit donc ces études de coûts selon la méthodologie conçue par le comité technique et validée par le comité de pilotage ; comme vous le voyez, elle le fait en collaboration avec les acteurs du secteur.

Aux termes de la convention signée entre l’ATIH et la CNSA, la CNSA est chargée de l’analyse des coûts des ESMS. Pour atteindre cet objectif, la loi lui permet de s’appuyer sur l’ATIH. Dans la mesure où l’ATIH disposait d’une longue expérience des études dans le secteur sanitaire, il a en effet paru naturel d’étendre cette compétence au secteur médico-social.

En pratique, l’ATIH et la CNSA signent à la fois une convention cadre sur une période de trois ans et une convention annuelle. La convention cadre en cours porte sur la période 2013-2015. Elle programme les travaux sur la période et assure la couverture du financement par la CNSA. La convention annuelle prise en application de cette convention cadre précise quant à elle le programme annuel, les objectifs, les moyens mobilisés et les modalités de financement.

Les crédits sont sollicités par l’ATIH dans le cadre de l’élaboration de son budget prévisionnel annuel. Ils font l’objet d’ajustements en fonction de l’état des travaux, et surtout des arbitrages. Il ne vous a en effet pas échappé que la charge de travail nouvelle pour l’Agence devait s’accompagner d’une évolution de ses moyens financiers et humains, ce qui est évidemment délicat dans la conjoncture actuelle. Notre rythme de travail est conditionné par cette évolution de nos moyens ; en milieu d’année, les financements sont ajustés pour que les prévisions tiennent compte de la réalité. En 2012, les crédits attribués se sont élevés à seulement 60 000 euros ; cette année-là, notre travail s’est borné à concevoir la méthodologie. Il s’agissait pour nos experts d’animer les réunions qui ont permis à l’ensemble des acteurs de valider une méthodologie pour mesurer le coût des établissements. Le secteur médico-social était nouveau pour nous, puisque notre domaine d’activité est plutôt le secteur sanitaire. Les acteurs étaient donc assez réticents à l’idée de transposer une méthodologie du secteur sanitaire au secteur médico-social. Une immersion dans ce dernier secteur s’imposait si nous voulions comprendre ses problématiques et construire un dispositif comparable à ce qui existe dans le secteur sanitaire. En 2013, les crédits alloués se sont élevés à 490 000 euros. Nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs, notamment l’accompagnement des établissements. Je m’explique : une étude de coûts est une opération complexe, que les établissements ne peuvent mener à bien seuls. Il existe donc un dispositif d’accompagnement par l’ATIH, mais aussi par un prestataire engagé par celle-ci, qui les accompagne individuellement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Comment procédez-vous concrètement ?

M. Housseyni Holla. Le recueil de leurs coûts par les établissements doit se faire selon la méthodologie que nous avons mise au point. Le rôle du prestataire consiste à vérifier que les établissements appliquent cette méthodologie, afin que les coûts puissent être comparés entre établissements. Nous passons un marché avec les prestataires, qui sont pilotés par les experts de l’ATIH ; mais ce sont les prestataires – et non l’ATIH – qui vont dans les établissements.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ce sont des contrôleurs de gestion ?

M. Housseyni Holla. Absolument.

En 2014, les crédits prévisionnels alloués s’élèvent à 673 000 euros. Nous sommes dans une phase de montée en charge, mais jusqu’à présent, nous nous sommes bornés aux EHPAD. Les arbitrages qui ont été rendus ne nous permettent pas de faire davantage pour le moment.

Nous avons deux dispositifs de mesure des coûts : les enquêtes de coûts et les études de coûts.

L’enquête de coûts est un dispositif allégé de calcul des coûts, qui permet de disposer de résultats plus rapidement, puisque les données sont moins détaillées que pour une étude de coûts. Il s’agit principalement d’un récolement de la comptabilité des établissements. On ne dispose donc pas d’une affectation des charges. Les données sont rétrospectives, puisque nous travaillons sur les données comptables à la fin de l’exercice. Par exemple, les données de 2012 ont été recueillies en 2013, et les résultats ont été restitués début 2014. Le principal objectif est de disposer des coûts par activité principale, les activités principales du secteur étant l’hôtellerie, l’accompagnement des personnes, la vie sociale et les soins dispensés. Ces coûts peuvent également être ventilés selon l’option tarifaire – tarif global avec ou sans pharmacie à usage intérieur (PUI), tarif partiel avec ou sans PUI – ou par poste de charges. Ces enquêtes permettent d’avoir des coûts moyens de référence sur un certain nombre de postes, d’activités ou de postes de charges. Elles permettent aussi aux établissements de se comparer entre eux. Elles peuvent être utilisées par le ministère et par la CNSA pour l’allocation des ressources, mais aussi dans le cadre des travaux de réforme du financement. Enfin, ces éléments peuvent servir pour cibler des gains d’efficience dans les établissements.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les PUI ?

M. Housseyni Holla. Certains établissements disposent d’une pharmacie intérieure, d’autres non. Dans le premier cas, le tarif englobe les médicaments, alors que dans le second, l’établissement doit recourir à des officines.

J’en viens au calendrier de l’enquête 2012. Les travaux ont démarré en juillet 2012 ; le cadre et la méthodologie ont été validés en novembre ; nous avons sélectionné les établissements, avant de les former à l’enquête de coûts, au premier trimestre 2013. Les données ont ensuite été recueillies au deuxième semestre. Les résultats ont été présentés à l’ensemble des acteurs lors de la réunion du comité de pilotage d’avril 2014.

Mme Véronique Sauvadet, cheffe du service du financement des établissements de santé. Nous vous avons fait parvenir un dossier de presse sur les premiers résultats de cette enquête.

L’enquête n’a pas porté sur l’ensemble des EHPAD, mais sur un sous-ensemble constitué des EHPAD tarifés au GIR (groupe iso-ressources) moyen pondéré soins (GMPS) et ayant réalisé une coupe PATHOS validée en 2010 ou 2011, soit 821 structures. L’enquête a porté sur un échantillon de 50 de ces établissements, ce qui est significatif, d’autant que les données de toutes ces structures ont été jugées d’une qualité suffisante pour être intégrées.

Le choix de l’échantillon a donné lieu, au sein du comité de pilotage et du comité technique, à de nombreuses discussions, qui ont notamment porté sur la représentativité de l’échantillon. Ce dernier était finalement assez large ; il couvrait toutes les options tarifaires, tarif partiel comme tarif global, tous les statuts juridiques, du privé commercial au public, qu’il soit ou non rattaché à un établissement sanitaire, et toutes les tailles de structures. On retiendra qu’il représentait environ 7 % des places des 821 structures du panel d’origine.

L’enquête a permis de procéder à une estimation du coût « total », qui intègre également les soins de ville des résidents. Ce coût se décompose entre les quatre activités principales citées par M. Holla. Il intègre aussi les charges transversales, à savoir les charges administratives et les charges relatives au personnel affecté à la blanchisserie ou au nettoyage. En revanche, il n’intègre pas les charges relatives à ce que nous appelons la structure immobilière, ni les charges financières.

Le coût total a été estimé à environ 34 700 euros par an, soit environ 2 900 euros par mois. Un tiers de ce coût correspond à l’hôtellerie, un tiers aux soins dispensés, un quart à l’accompagnement et 8 % à 10 % à l’activité de vie sociale. En ce qui concerne les soins dispensés, il convient de dissocier ce qui est pris en charge directement par l’EHPAD pour les EHPAD en tarif global – dans ce cas, le tarif intègre tous les éléments. Pour les EHPAD en tarif partiel, elles sont complétées par les compléments sur les soins de ville, qui représentent environ 6 % du coût annuel soit environ 2 000 euros.

Ces données peuvent être croisées. Dans le cadre du premier communiqué de presse diffusé à l’occasion du comité de pilotage du 2 avril dernier, nous avons présenté un certain nombre de croisements. Le coût peut ainsi être décomposé entre les grandes activités ou les principaux postes de charges – personnel, médicaments, dispositifs médicaux. Si l’on s’intéresse par exemple aux soins dispensés, on constate que la majorité des charges sont des charges de personnel. Nous allons procéder à d’autres croisements de données, qui donneront lieu à une publication début juillet, dans le cadre d’une journée organisée par la DGCS et la CNSA, à laquelle seront conviés tous les établissements ayant participé à l’enquête. Nous procéderons alors à une restitution plus complète ; les établissements se verront également restituer leurs propres données.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Selon le dossier de presse, que je vous remercie de nous avoir adressé, nous arrivons donc à un montant de 34 700 euros par an, soit 2 892 euros par mois.

Que recouvrent exactement les charges liées à la structure immobilière ? S’agit-il de l’entretien des bâtiments ou des équipements ? La question des investissements et des charges immobilières, qui représentent souvent des frais assez lourds pour les établissements, a été soulevée par plusieurs rapports.

Mme Véronique Sauvadet. La structure immobilière intègre toute la partie bâtiments. Comme je l’ai dit, le coût que nous avons estimé grâce à l’enquête exclut également les investissements et les emprunts, autrement dit les charges financières. Elles ont été exclues car nous procédons à des traitements statistiques pour passer d’une observation sur 50 établissements à une estimation la plus proche possible du coût auquel nous serions parvenus si nous avions été capables de le mesurer sur les 821 établissements. Dans le cadre de ces redressements statistiques, nous utilisons des informations qui sont disponibles sur les 821 établissements, afin de faire un redressement de la population de l’enquête à la population nationale. La difficulté était que nous ne disposions pas de ces informations sur l’ensemble des 821 structures. Nous connaissions notre échantillon, mais nous ignorions s’il était caractéristique de notre population – les 821 structures. Par conséquent, nous ne pouvions procéder à des redressements ayant du sens.

Néanmoins, nous sommes conscients que ces charges constituent un poste important. Nous nous sommes donc engagés vis-à-vis de nos partenaires à les étudier plus spécifiquement sur l’échantillon et à essayer de les intégrer dans le cadre de la prochaine enquête, y compris dans les estimations nationales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ces charges pèsent en effet lourd dans le reste à charge, comme l’avait relevé dans un rapport parlementaire Mme Paulette Guinchard, actuelle présidente de la CNSA. Mais nous comprenons bien l’intérêt de cibler l’enquête sur les trois grandes activités dans un premier temps.

M. Housseyni Holla. La même question s’était posée en son temps pour le secteur sanitaire. Nous avions intégré ces charges, mais la méthodologie est à nouveau débattue par les acteurs du secteur. Il s’agit donc d’un sujet complexe. Instruits de ce précédent, nous espérons parvenir à une solution pour le secteur médico-social. Le problème est de trouver un consensus.

Nous avons décidé avec la DGCS et la CNSA de poursuivre l’enquête de coûts en 2013, ce qui nous permettra de conforter les résultats dont nous disposons déjà. Nous allons affiner certains postes, notamment l’hôtellerie, par exemple en distinguant la restauration et la blanchisserie, qui sont des éléments importants dans le secteur. Surtout, nous allons essayer d’élargir l’échantillon. Pour les statisticiens, 50 structures peuvent suffire si elles couvrent les différentes facettes du secteur ; mais il n’est pas facile de couvrir toutes ces facettes. Tout au moins, les acteurs ont du mal à saisir que cet échantillon permet d’obtenir des résultats précis. Nous nous sommes donc engagés à élargir l’échantillon à une centaine de structures. C’est assez complexe : il faut trouver des établissements volontaires et prêts à s’engager sur la durée. Or, la participation à l’enquête représente une charge de travail importante.

L’élargissement de l’échantillon nous permettra de procéder à davantage de croisements qu’aujourd’hui. Le calendrier de l’enquête est arrêté : la sélection et la formation des établissements ont lieu au premier semestre 2014 ; le recueil des données s’effectuera au second semestre 2014, et la présentation des résultats au premier trimestre 2015. Comme vous le voyez, une enquête de coûts est assez rapide : elle ne nécessite qu’une année et un trimestre. Néanmoins, les résultats ne sont pas totalement satisfaisants. Ils permettent certes de calculer des coûts moyens par établissement, mais pas de tenir compte de la structure ou de la typologie des résidents. Pour cela, il faut une étude de coûts.

L’étude de coûts est une méthodologie plus complexe de mesure des coûts. Au-delà de la connaissance des coûts par activité principale et par poste de charges, elle vise à mesurer le coût moyen par résident en fonction de la typologie de la prise en charge. Nous faisons ici intervenir les pathologies, à travers les coupes PATHOS et le degré de dépendance, à travers le GIR des résidents. Cela implique de recourir à une affectation des charges par résident, qui est nécessairement prospective, c’est-à-dire qu’elle s’effectue tout au long de l’exercice. Cette opération assez complexe va nous permettre de disposer de coûts moyens de référence par typologie de résident, et donc de comparer des établissements n’ayant pas nécessairement les mêmes résidents. Bref, nous pourrons neutraliser « l’effet clientèle ». Nous pourrons également ventiler ce coût moyen par typologie selon les activités principales, et constater par exemple que selon les typologies, c’est l’hôtellerie ou la vie sociale qui prédomine. Ces éléments fins permettront à la DGCS et à la CNSA de mieux travailler sur le financement des établissements, l’allocation des ressources, mais aussi – puisque nous serons en mesure de comparer des établissements ayant une clientèle différente – les gains d’efficience potentiels.

Je vous ai dit que nous avions fait une enquête de coûts en 2012 et que nous en avions lancé une autre en 2013. Nous allons aussi procéder à une étude de coûts sur les données de 2015. Le calendrier est le suivant : nous avons commencé à travailler sur la méthodologie ; ces travaux se poursuivront tout au long du premier semestre 2014. Nous devons notamment nous intéresser au cadre de recueil de l’activité. En effet, nous avons besoin d’affecter des résultats par résident – ce qui suppose de les connaître précisément. Le travail de recueil des données est donc beaucoup plus lourd.

Nous allons sélectionner et former les établissements au cours du deuxième semestre 2014. Le recueil des données descriptives de leurs résidents se fera sur toute l’année 2015. Comme je vous l’ai dit, il s’agit d’une enquête prospective, tout au long de l’exercice, ce qui rend l’opération beaucoup plus longue que dans le cas de l’enquête.

Nous recueillerons les données comptables au cours de l’année 2016, à la fin de l’exercice comptable 2015. Les résultats ne pourront être présentés qu’en 2017. Pour les acteurs qui souhaitent mettre en place de nouveaux dispositifs de financement, le délai est assez long. C’est pourquoi nous avons commencé par conduire des enquêtes de coûts.

Nous ne ferons pas d’enquête de coûts en 2014, en raison du risque de chevauchement avec l’étude de coûts sur les données de 2015, et de la charge de travail que cela représenterait pour les établissements concernés. Nous disposerons donc des enquêtes de coûts sur 2012 et 2013, et de l’étude de coûts sur les données de 2015, dont les résultats seront disponibles en 2017. D’ici là, les enquêtes permettront déjà de mettre en place un certain nombre de politiques, que l’étude viendra ensuite affiner.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Cette étude et ces enquêtes vont donc trouver leur aboutissement en 2017.

M. Housseyni Holla. Les résultats de l’étude ne seront disponibles qu’en 2017. En revanche, nous disposons déjà de ceux de l’enquête de 2012 ; ceux de l’enquête de 2013 seront disponibles en 2015. Les décideurs disposeront donc d’éléments bien avant 2017.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ces enquêtes et cette étude permettront enfin à la CNSA de disposer de données plus précises. Le manque de connaissance précise de ces coûts et de la situation des établissements et du secteur constitue aujourd’hui une réelle difficulté. La Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP) nous disait tout à l’heure qu’un travail sur la question de la tarification s’imposait. La démarche que vous mettez en œuvre contribuera à une meilleure connaissance des réalités des établissements et des services.

M. Housseyni Holla. L’intervention de l’ATIH a été assez appréciée par les fédérations qui nous connaissaient déjà dans le secteur sanitaire – ce qui est le cas de la FEHAP. La FEHAP et la Fédération hospitalière de France (FHF) ont vu d’emblée l’exploitation qui pourrait être faite de ces résultats en termes de financement. Mais il y a tout de même un travail à faire pour passer de la mesure des coûts à la mise en place d’un dispositif de financement. Je note qu’aujourd’hui, l’ATIH n’est pas missionnée sur le travail que vont entamer la CNSA, la DGCS et les différents acteurs sur la réforme du financement. Nous fournissons simplement les outils techniques qui permettront de la concevoir.

J’en viens au TBP des ESMS. Le tableau de bord a été conçu comme un outil de dialogue entre les ARS, les conseils généraux et les gestionnaires des établissements. Il devrait permettre un benchmarking entre ces établissements. Il peut aussi être utilisé pour le pilotage interne.

Cet outil est constitué d’indicateurs d’activité, de qualité et de coût présentés selon quatre axes : les prestations de soins et l’accompagnement, les ressources humaines et les moyens matériels, les finances et le budget, et enfin la qualité.

Le TBP a été mis en place par l’ANAP, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux. Les travaux ont commencé en 2009 et se sont concrétisés en 2010 et 2011. Entre 2011 et 2013, il a été expérimenté par cinq ARS sur environ 800 établissements. En 2014, il est prévu d’étendre l’expérimentation à neuf ARS, en passant de 800 à 4 000 établissements, et de transférer la gestion du tableau de bord – aujourd’hui confiée à un prestataire de services – à l’ATIH. L’ANAP n’est en effet pas en mesure de gérer les bases de données, sachant qu’à terme, nous devrions passer de 4 000 à 17 000 structures.

L’ATIH reprendra donc en 2014 cet outil dont la fonction est triple : assurer la collecte des données par les établissements, aider les ARS à accompagner les établissements dans cette collecte et restituer les indicateurs aux acteurs.

La montée en charge matérielle se fera en trois phases. Dans un premier temps, nous avons repris l’outil pour le faire fonctionner correctement dans l’ensemble des ARS et des établissements concernés. Nous l’ajusterons ensuite à la montée en charge sur neuf ARS et 4 000 établissements, ce qui représente un travail important ; les premiers éléments de diagnostic nous font d’ailleurs craindre quelques difficultés. Enfin, nous allons travailler à sa généralisation sur les 17 000 structures. Nous sommes aujourd’hui en attente d’arbitrages. Nous sommes capables de maintenir l’outil sur les cinq ARS ; avec un effort de productivité conséquent, nous pouvons l’étendre à neuf ARS. En revanche, il sera difficile de l’étendre à moyens constants à l’ensemble des structures.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Travaillez-vous avec le conseil scientifique de la CNSA ? Selon vous, le rôle de ce dernier pourrait-il être accru ?

Par ailleurs, où en est le projet « personnes âgées en risque de perte d’autonomie » (PAERPA), expérimenté dans neuf ARS, qui doit permettre d’évaluer les différents modes d’allocation de ressources nécessaires à la prise en charge de ces personnes ? Quel est le rôle de l’ATIH dans la mise en œuvre de ce dispositif ?

M. Housseyni Holla. En tant que membre du comité national de pilotage du projet PAERPA, l’ATIH a participé à l’élaboration du cahier des charges de l’expérimentation et à la mise en œuvre du projet. Nous travaillons aujourd’hui, dans le cadre du comité d’évaluation piloté par l’ANESM, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à la définition des indicateurs de suivi et d’évaluation. Notre rôle est surtout un rôle de soutien et d’expertise technique sur l’ensemble des indicateurs utilisant les données d’activité des établissements de santé. Nous accompagnons le déploiement sur le terrain organisé par l’ANAP, dont l’évaluation est assurée par l’ANESM. Autant nous avons contribué à monter le projet, autant notre rôle dans son déploiement – qui est un rôle d’expertise technique – est modeste.

Nous n’avons pas d’interactions avec le conseil scientifique de la CNSA. Il m’est donc difficile de porter une appréciation sur un éventuel accroissement de son rôle. En revanche, nous pourrions être intéressés par ses travaux. Le secteur médico-social exerce une influence sur le secteur sanitaire : tout ce qui a trait à la dépendance, à l’autonomie ou au handicap, affecte de manière importante la prise en charge sanitaire. Les quelques explorations que nous avons pu faire ne nous ont toutefois pas permis de savoir si nous pourrions utiliser ces travaux dans notre secteur d’activité.

Nous mobilisons pour le moment très peu les systèmes d’information de la CNSA, puisque nous avons investi le secteur médico-social à travers les études de coûts, et que l’extension de nos missions dépend des moyens disponibles. Mais comme je l’ai rappelé, le contrat d’objectifs et de performance prévoit que l’ATIH développe et optimise le recueil des données d’activité sur le secteur avec ses acteurs. Nous serons donc conduits à nous interroger à brève échéance sur la mesure de l’activité. Nous l’avons d’ailleurs déjà fait, puisque nous avons dû aller chercher des données dans le système d’information de l’assurance maladie ; nous avons utilisé les coupes PATHOS et les GIR, mais simplement au niveau de l’enquête de coûts. Lorsque nous allons descendre au niveau de l’étude de coûts, où nous avons besoin d’informations individualisées, nous pourrons porter un jugement sur les systèmes d’information de la CNSA. Aujourd’hui, nous ne les utilisons pas assez pour le faire.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vous avez travaillé essentiellement sur les EHPAD. Envisagez-vous de travailler sur les établissements et les services pour personnes handicapées ?

M. Housseyni Holla. Absolument. Les trois catégories de structures – EHPAD, SSIAD et établissements et services pour personnes handicapées – figurent dans le texte qui a étendu les missions de l’ATIH au secteur médico-social. Tout est question d’arbitrage. Les priorités qui doivent être retenues ne nous ont pas permis pour le moment d’entamer les travaux sur les établissements et services pour personnes handicapées. Nous sommes disposés à travailler sur ce secteur, mais l’arbitrage est en cours.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Dans son rapport de 2011 sur l’application sur les lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes a qualifié l’ATIH d’« opérateur fragile exposé à un risque de dispersion de ses forces ». L’Agence est-elle aujourd’hui en mesure de faire ses preuves et de rassurer le secteur sur ces questions de coût, qui contribuent à une transparence devenue indispensable dans le contexte actuel ? Comment concevez-vous le rôle de l’ATIH dans les années à venir ?

M. Housseyni Holla. Notre volonté est de continuer à travailler sur le secteur médico-social. Il me semble que nous avons fait nos preuves avec l’enquête de coûts : nous avons tenu les délais sur lesquels nous nous étions engagés, et nous avons su collaborer avec l’ensemble des acteurs. Ces derniers nous ont acceptés, en dépit du fait que nous étions issus d’un secteur sanitaire marqué par la tarification à l’activité (T2A). Nous sommes disposés à investir l’ensemble des trois champs. Nous avons une expérience ancienne sur les données d’activité du secteur sanitaire : nous avons développé nos compétences sur l’ensemble des données sanitaires, et pas seulement les données d’activité ; nous collectons donc toutes les données sur le secteur sanitaire, et nous ambitionnons de le faire – mais cela dépendra des arbitrages – sur le secteur médico-social.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous vous remercions pour votre présentation et vos réponses. Nous suivrons la suite de vos travaux avec intérêt. N’hésitez pas à nous transmettre tous les documents qui pourraient permettre de compléter vos propos.

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Audition de Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale au ministère des affaires sociales et de la santé

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous accueillons maintenant Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale.

Pouvez-vous, après avoir rappelé les rapports que la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) entretient avec la CNSA, nous indiquer la vision qui est la vôtre du rôle et des missions de la CNSA ? Comment serait-il possible selon vous d’améliorer l’exercice de ses missions par la Caisse ? Quel regard portez-vous sur le travail accompli depuis dix ans par la Caisse ?

Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale. La CNSA aura en effet dix ans le 30 juin prochain. Elle est devenue un acteur incontournable dans l’exercice de ses trois missions : caisse, agence d’appui technique, lieu de débat via son conseil. Se retrouvent en effet au sein de cette instance d’un caractère tout particulier, la CNSA étant un établissement public créé par la loi, l’ensemble des acteurs du champ de l’autonomie, financeurs, État, caisses de sécurité sociale, départements, associations, usagers, partenaires sociaux.

Ces trois missions vont être confortées et étendues par le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, afin que la CNSA devienne ce à quoi de nombreux acteurs aspirent : une véritable « maison commune de l’autonomie ».

J’exposerai d’abord les progrès réalisés en matière de gouvernance de la CNSA et de pilotage de la dépense publique au cours de ces dix dernières années, puis les chantiers qui sont encore devant nous, et enfin ce que la future loi sur le vieillissement va changer.

Les progrès réalisés depuis dix ans ont permis de clarifier les relations entre la CNSA et les autres financeurs du secteur médico-social, d’améliorer le pilotage de la dépense. Ces avancées ont été formalisées par la dernière convention d’objectifs et de gestion (COG) signée entre l’État et la CNSA.

Ce sont d’abord les relations avec l’État qui ont été clarifiées, notamment celles entre la Caisse et la DGCS. Il s’agit d’une relation classique entre un opérateur et l’administration centrale sous la tutelle duquel il exerce ses missions. La DGCS vient à l’appui de la conception des politiques publiques de cohésion sociale, en particulier en participant à l’élaboration des projets de loi ou de décret. Nous sommes à la disposition du Gouvernement pour préparer, mettre en œuvre et évaluer l’ensemble de ces politiques, au cas d’espèce celles relatives à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

La CNSA, quant à elle, est un opérateur sous tutelle dont la mission est de mettre en œuvre les politiques publiques telles qu’elles ont été définies. Elle est notamment chargée de gérer les crédits destinés à financer la compensation de la perte d’autonomie. S’agissant de la compensation collective, c’est-à-dire l’offre en établissements et en services médico-sociaux, ces crédits proviennent essentiellement de l’assurance maladie et relèvent de l’objectif nationale des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). S’y ajoute une part du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie, la CSA, créée après la canicule de l’été 2003 et qui était financée par la journée de solidarité envers les personnes âgées. Quant aux crédits de la compensation individuelle, financée par les concours de la CNSA aux départements au titre de l’APA et de la PCH, ils proviennent principalement de la CSA, à quoi s’ajoute une petite partie du produit de la contribution sociale généralisée (CSG).

La CNSA doit gérer l’ensemble de ces crédits conformément à des objectifs de transparence vis-à-vis de l’ensemble des acteurs et d’équité territoriale. Elle exerce en outre une mission d’appui technique aux ARS et aux départements dans la mise en œuvre des politiques ainsi financées. La COG qui lie l’État à la CNSA précise les modalités selon lesquelles nous exerçons notre tutelle sur la Caisse.

Les relations de la Caisse avec les départements ont également été clarifiées, puisque la CNSA finance pour partie l’APA et la PCH, qui constituent les sections 2 et 3 de son budget. La CNSA a la possibilité de saisir la chambre régionale des comptes quand la sincérité des calculs des concours est mise en cause. Dans le champ des personnes handicapées, elle a également compétence pour mettre à disposition des MDPH des outils d’évaluation des besoins, diffuser des bonnes pratiques, et assurer une répartition équitable de la PCH entre l’ensemble des MDPH. Ainsi, la CNSA appuie les MDPH dans leurs décisions d’orientation des personnes handicapées vers les établissements ou les services – Mme Carlotti lui avait confié une mission d’expertise et de conseil concernant notamment les cas complexes. Dans le cadre de la mission de réflexion confiée à M. Denis Piveteau quant aux modalités de prise en charge des personnes dont le handicap est difficile à gérer, c’est avec la CNSA que devront être définis les mécanismes permettant aux MDPH de prendre des décisions d’orientation plus claires. Il s’agit d’assurer une prise en charge qui puisse varier en fonction de l’état de la personne.

Le projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement va étendre ces missions d’appui technique et de construction de référentiels avec les acteurs à la gestion de l’APA par les départements.

S’agissant de l’assurance maladie, je rappelle que les crédits de l’ONDAM spécifiquement dédiés au secteur médico-social – soit 17,6 milliards d’euros en 2014 – sont gérés par la CNSA.

La CNSA a également fait des progrès significatifs en matière de pilotage de la dépense.

Si les réserves de la CNSA étaient si importantes les premières années, cela était dû, d’une part, au fait que le produit de la nouvelle contribution de solidarité pour l’autonomie n’avait pas été immédiatement utilisé et, d’autre part, au lancement de deux plans nationaux de créations de places en établissements et services médicosociaux (ESMS), celui destiné aux personnes handicapées et le plan de solidarité grand âge, le PSGA, et au mouvement de médicalisation des EHPAD.

Afin d’améliorer le niveau de consommation de ces crédits, la CNSA a mis en place un mécanisme d’enveloppes anticipées. Jugé insatisfaisant par un rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF (Inspection générale des affaires sociales-Inspection générale des finances) de 2010, il a été remplacé par un mode de gestion en autorisations d’engagement et crédits de paiement (AE-CP). Alors qu’auparavant la CNSA devait disposer des crédits nécessaires avant que la création de nouvelles places soit autorisée, la gestion AE-CP permet de délivrer les autorisations de création de places et de démarrer les travaux sans attendre que la CNSA dispose effectivement des crédits de paiement correspondants.

Ce mode de gestion a également été utilisé pour les crédits de médicalisation. En effet la médicalisation d’un EHPAD suppose la signature d’une convention tripartite (CTP), entre l’établissement, le département et l’ARS, ainsi que la réalisation d’une coupe transversale de l’état des patients permettant de définir, à partir du référentiel PATHOS, le niveau de « pathossification ». Tout cela prend du temps.

L’amélioration de l’anticipation de la notification des autorisations d’engagement de médicalisation avait permis de notifier aux ARS 130 millions d’euros en 2014 contre 85 millions d’euros en 2013, ce qui leur a donné une plus grande souplesse pour renouveler les CTP.

À cela se sont ajoutés les efforts de toutes les directions d’administration centrale concernées, DGCS, sécurité sociale et budget, pour avancer la campagne budgétaire, les ESMS déjà installés étant financés par douzième. Cette procédure budgétaire dure soixante jours et démarre au moment où le directeur de la CNSA notifie les crédits de fonctionnement de l’année aux ARS. Alors qu’en 2012 cette notification avait eu lieu le 12 mai, elle a été faite le 10 avril en 2013 et le 29 avril en 2014. L’objectif est de faire en sorte que l’ensemble des questions financières relatives à la CNSA puissent être réglées le plus rapidement possible une fois la loi de financement de la sécurité sociale adoptée afin qu’on puisse déterminer la répartition des crédits et notifier les autorisations d’engagement aux ARS. Les progrès sont indéniables même si je ne peux pas me satisfaire d’une notification au 29 avril.

Enfin, la CNSA a mis en place le système d’information Harmonisation et partage de l’information (HAPI), qui permet de suivre l’intégralité de la tarification des ARS depuis la campagne de 2013.

Ces trois mécanismes permettent un meilleur suivi de la consommation des crédits et donc de diminuer la sous-consommation de l’objectif global de dépense de la CNSA, soit l’addition des crédits de l’assurance maladie et de la part du produit de la CSA finançant la compensation collective. Cette sous-consommation est passée de 189 millions d’euros en 2012 à 156 millions d’euros en 2013, soit une baisse de 17,6 % – je rappelle qu’elle avait atteint 250, voire 350 millions d’euros les années précédentes. Cette diminution est due aussi à un meilleur ajustement du montant des crédits nécessaires. On a pu ainsi redistribuer des crédits aux ARS qui en avaient besoin.

L’ensemble de ces progrès ont été formalisés dans une convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNSA conclue pour la période 2012-2015 et dont nous surveillons la bonne exécution dans le cadre d’un comité de suivi réunissant deux fois par an le directeur de la sécurité sociale, celui du budget et moi-même. Avec M. Luc Allaire, directeur de la CNSA, nous y suivons l’avancement des chantiers définis dans la COG.

L’ensemble de ces chantiers avance de façon convenable, à l’exception de la mise en œuvre du système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées, le SipaPH, dont chacun d’entre nous a jugé les résultats insatisfaisants. La CNSA va malheureusement devoir mettre en place un nouveau système.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. C’est un problème qui ressort de toutes les auditions que nous avons menées jusqu’ici. La Cour des comptes avait quant à elle souligné l’inadaptation des systèmes d’information utilisés par la CNSA. Quelles seraient selon vous les pistes d’amélioration ? Avez-vous pu échanger sur ce sujet avec la CNSA ? Quel est l’état d’avancement du chantier d’« urbanisation » ?

Mme Sabine Fourcade. Au nombre des chantiers en cours, il y a beaucoup de chantiers informatiques. Le secteur médico-social souffre en effet d’un retard dans l’informatisation des données. C’est d’autant plus préjudiciable qu’une connaissance précise des besoins et des dépenses permet d’améliorer tant la prise en charge des personnes que la maîtrise budgétaire, si importante dans une période où chaque denier public doit être optimisé.

Parmi ces chantiers figure une étude d’« urbanisation » mise en œuvre par la DGCS. Comme vous le savez, l’urbanisation des systèmes d’information vise à assurer une communication entre différents systèmes. Cette étude tend à s’assurer que tous les systèmes d’information des ARS sont compatibles avec les systèmes d’information médico-sociaux pour ce qui concerne l’offre collective de prise en charge des personnes. S’agissant de la compensation individuelle, la CNSA a mis en place une étude d’urbanisation plus ciblée sur son champ de compétence, qui doit constituer un des jalons de notre étude d’urbanisation. Cette étude porte sur les sujets de compensation individuelle, qui sont aujourd’hui les plus complexes et sur lesquels nous ne rendons pas suffisamment de compte, notamment à la représentation nationale. Ainsi, alors que le projet annuel de performances du programme 157 du budget de l’État, « Handicap et dépendance », prévoit que nous vous indiquions tous les ans le taux de réalisation des décisions d’orientation, nous ne sommes pas en mesure de le faire du fait de l’absence d’un système d’information permettant de connaître les décisions prises par les MDPH, ainsi que d’un défaut de communication entre les systèmes d’information des MDPH et les systèmes d’information des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS).

Cette absence s’explique en partie par la multiplicité des acteurs œuvrant dans le champ médico-social – vous savez qu’il existe 30 000 ESMS – qui trouve elle-même son origine dans l’histoire de cette prise en charge. Celle-ci en effet, avant d’être financée par l’État, a été construite par la société civile. Aujourd’hui, même si elle est en grande partie financée par les politiques publiques, elle reste pour l’essentiel assurée par des associations – à 90 % dans le domaine du handicap. Nous devons parvenir à ce que les systèmes de gestion de ces associations puissent transmettre des données aux MDPH afin que puisse être assuré un suivi des décisions d’orientation. Une meilleure connaissance de ces données doit nous permettre de faire évoluer les modalités de prise en charge.

Il faut pour cela que les pratiques des MDPH soient harmonisées. C’est le cœur de la mission confiée à M. Denis Piveteau. La CNSA a également dédié un groupe de travail à cette question. Son objectif est d’homogénéiser, en lien avec les MDPH, leurs décisions d’orientation.

On a perdu beaucoup de temps, dans le cadre de ce fameux SipaPH, à essayer d’harmoniser des données issues de systèmes d’information différents, chaque MDPH ayant, au moment de sa création, créé son propre système de gestion, reprenant parfois celui du département dont elles relevaient. Je crois, et les départements sont d’accord avec moi sur ce point, qu’il faut désormais établir un système d’information unique, commun à toutes les MDPH, seul à même de nous permettre de disposer des données dont nous avons besoin.

Par ailleurs, le conseil de la CNSA réfléchit à l’opportunité d’adopter une vision plus qualitative de l’offre de prise en charge, une vision excessivement quantitative de la répartition des crédits ayant prévalu jusqu’ici. Aujourd’hui, plus que de lancer des plans massifs de création de places, on cherche à adapter beaucoup plus finement la prise en charge aux besoins réels, via des transformations ou des créations plus ciblées sur des handicaps particuliers dont la prise en charge est insuffisante ou sur des territoires en difficulté.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vous soulevez là une préoccupation majeure : celle de l’adaptation de l’offre et de la définition d’un parcours de la prise en charge, et la mission confiée à M. Denis Piveteau devrait apporter des éléments de réponse sur ce point.

Avez-vous, dans cette perspective, réfléchi aux modalités d’organisation de l’offre sur l’ensemble du territoire afin d’assurer une prise en charge spécifique des situations particulières de handicap ?

Mme Sabine Fourcade. Ce point est effectivement au centre de nos réflexions sur l’avenir.

S’agissant des personnes handicapées, nous sommes en train de mettre en place une équipe dédiée, conformément aux préconisations des deux rapports rédigés par Mme Agnès Jeannet et M. Laurent Vachey au nom de l’IGAS et de l’IGF, et consacrés à l’offre et aux modalités de financement des établissements et services pour personnes handicapées. C’est là un sujet que les deux auteurs connaissaient parfaitement, Mme Agnès Jeannet présidant par ailleurs le conseil d’administration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), et M. Laurent Vachey ayant dirigé la CNSA.

Cette équipe devra travailler à redéfinir, avec l’ensemble des acteurs concernés, associations, départements, responsables d’établissement, les besoins et les modalités de leur prise en charge. Aujourd’hui, alors que l’on assiste à une explosion du handicap psychique ou du pluri-handicap, pathologies caractérisées par l’instabilité, les prises en charges doivent pouvoir être modulées. On doit pouvoir passer, par exemple, d’une prise en charge à domicile à une hospitalisation en établissement en cas de crises, de décompensation ou de difficultés aiguës.

Cette équipe sera mise en place à partir de septembre ; elle comptera cinq membres et œuvrera sous la responsabilité d’une personne que j’ai déjà nommée au sein de la DGCS. Cette équipe sera pilotée par le directeur de la CNSA et moi-même. Elle rendra régulièrement des comptes à l’assurance maladie et aux départements, les deux financeurs. Un comité de pilotage, où l’ensemble des acteurs seront représentés et qui se réunira plusieurs fois par an, sera chargé de valider les grandes étapes, sur le modèle du comité d’évaluation de cette politique. Sa première réunion interviendra avant cet été.

Cette équipe aura trois ans pour définir les besoins, les modalités d’offre, de financement et de tarification des établissements et services pour les personnes handicapées. Cela peut paraître long, mais je rappelle qu’il a fallu dix ans pour mettre en place la tarification à l’activité. Il vaut mieux prendre le temps de la concertation avec les financeurs et les usagers.

Depuis la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, l’ensemble des établissements et services doivent faire l’objet d’évaluations internes et externes. Nous sommes aujourd’hui en pleine période d’évaluation. Avec l’ANESM, nous sommes en train de mettre en place des sessions de formation destinées aux responsables d’ARS et aux directeurs d’ESMS qui souhaitent apprendre à effectuer ces évaluations, qui sont aujourd’hui réalisées par des organismes extérieurs, agréés par l’ANESM.

Ensuite, les ARS, les départements s’agissant des établissements qu’ils financent, et l’État s’agissant des ESMS financés par lui, auront deux ans, de 2015 à 2017, pour analyser les résultats de l’évaluation externe. En fonction de ces résultats, ils auront à décider de renouveler l’autorisation tacite pour les établissements – on imagine que ce sera le cas de la majorité d’entre eux – qui auront su s’approprier la question de la qualité et dégager des voies de progrès. Cette période de deux ans doit leur permettre d’aider, voire de contraindre ceux d’entre eux qui connaissent des difficultés à engager des processus d’amélioration de la qualité de leurs prestations, afin que leur autorisation puisse être renouvelée en 2017.

Nous travaillons enfin avec l’ensemble des responsables sanitaires et les ARS à mettre en place un cadre juridique susceptible d’améliorer la fongibilité entre les secteurs sanitaire et médico-social. En effet, du fait du vieillissement de la population, les besoins de prise en charge médico-sociale explosent, alors que notre système de santé est très orienté vers la prise en charge des pathologies aiguës. Il y a donc des restructurations à opérer et des coopérations à établir. Certes, il existe déjà des groupements de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS), ou des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), mais ces instruments juridiques ont d’abord un objectif économique. Il faudrait également permettre la signature de CPOM entre les établissements et leurs financeurs et des regroupements entre établissements et services ayant des activités différentes. C’est ainsi qu’on pourra établir les parcours de prise en charge que vous appelez de vos vœux. Pour cela, il faut, non pas créer un service supplémentaire, mais faire de l’un des ESMS la plateforme autour de laquelle s’organisent les autres établissements.

S’agissant plus spécifiquement de la prise en charge des personnes âgées, ce sont souvent les EHPAD qui jouent le rôle de centre de ressources en cas de coopération entre les établissements. Un tel système existe déjà sur le terrain et semble fonctionner, mais on peut imaginer d’autres modalités de régulation de l’offre de prise en charge.

Le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement va introduire des changements dans la prise en charge de la dépendance. Ce texte va créer des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie qui réuniront, sous la présidence des départements, les ARS et l’ensemble des acteurs de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Ces conseils auront la charge de formaliser dans chaque bassin des chartes définissant un système de coopération. Aux termes de l’avant-projet de loi, la MAIA, acronyme qui désigne une maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, désignera désormais une méthode pour accompagner de manière intégrée toutes les personnes âgées.

L’objectif est de laisser à ces conseils départementaux le soin d’organiser ces prises en charge intégrées au niveau des bassins de vie. Il importe peu qu’elles relèvent d’une MAIA, d’un EHPAD, d’un centre local d’information et de coordination, un CLIC, du réseau gérontologique, etc. Ce qui compte, c’est que les structures ne s’additionnent pas les unes aux autres, mais qu’elles s’organisent autour d’un établissement ressource.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vous avez indiqué que la définition des besoins, des modalités d’offre et de financement de la prise en charge de la dépendance va prendre du temps. Peut-on imaginer des solutions transitoires pour assurer dans l’immédiat des prises en charge plus précoces ?

Mme Sabine Fourcade. J’ai pu mesurer moi-même, en tant qu’usager ou dans mon entourage, les obstacles à la prise en charge des difficultés sociales, médico-sociales ou sanitaires qui peuvent naître du millefeuille administratif, et je sais combien le sentiment d’abandon alors qu’on est en situation de vulnérabilité est insupportable. J’attends beaucoup de la mission confiée à M. Denis Piveteau et du travail actuellement accompli par la CNSA pour mieux qualifier les décisions des MDPH. Je pense qu’on ne doit pas tout attendre de la création de nouvelles places : il y a des solutions à trouver dans l’offre existante, à la condition d’établir des coordinations, et cela sera plus rapidement réalisable si les décisions des MDPH sont mieux qualifiées, et si les ESMS coopèrent. De ce point de vue, j’attends beaucoup de la future loi sur l’adaptation de la société au vieillissement.

En tant que productrice de réglementations, je déplore qu’il faille parfois sur le terrain contourner la réglementation pour rendre la coopération possible, alors qu’il faudrait au contraire que la réglementation favorise la coopération. C’est pourquoi nous réfléchissons, avec mon équipe, à adapter la réglementation à la réalité.

Ainsi, dans le cadre du Plan pauvreté, nous avons mis en place dans une dizaine de départements l’expérimentation « Agir pour améliorer la gouvernance et l’initiative locale pour mieux lutter contre l’exclusion ». Il s’agit de favoriser des coopérations entre les acteurs du monde social – départements, État, caisses d’allocations familiales, caisses d’assurance maladie, centres communaux d’action sociale – afin de garantir une prise en charge intégrée des personnes. Si ces acteurs s’engagent à établir de telles coopérations, nous, administration centrale, nous engageons à étudier la faisabilité des assouplissements de normes qu’ils nous demanderaient.

Je crois beaucoup à la pertinence de ce genre d’approche dans les secteurs médico-social et sanitaire. C’est pourquoi l’avant-projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement ne crée pas de structure supplémentaire, mais vise à aider les acteurs de terrain à s’organiser ensemble. Nous devons résoudre l’opposition apparente entre la nécessité de proposer des prises en charge adaptées aux territoires et aux personnes, et assurer l’égalité de tous devant la loi à laquelle nous sommes attachés, ainsi que la nécessité de rendre des comptes à la Cour des comptes et à la représentation nationale. Il faut donc vérifier que les orientations définies par le Gouvernement et le Parlement sont appliquées sur le terrain, tout en permettant aux acteurs de terrain de s’adapter aux réalités locales.

Cela suppose une politique décidée d’investissement, en dépit des nécessaires économies budgétaires, afin de pouvoir mettre en place des systèmes d’information performants et cohérents, et l’édiction de normes plus souples, qui donnent des directions sans préciser les modalités de l’action. C’est un objectif difficile à atteindre, mais nous nous y attelons tous les jours.

Je voudrais enfin évoquer les États généraux du travail social, que nous sommes en train de préparer. Nombre de professionnels œuvrant dans les établissements sont concernés ; ces États généraux devraient améliorer la connaissance des métiers du travail social.

Depuis l’Adresse de Mme Nicole Questiaux aux travailleurs sociaux de 1982, les pouvoirs publics n’ont donné aucune feuille de route aux professionnels du travail social. Il me semble qu’il est temps de reformuler ce que la société attend des travailleurs sociaux et d’engager la réflexion sur leurs conditions de travail, leurs évolutions de carrière et leur formation, qu’il s’agisse de la formation initiale ou de la formation tout au long de la vie.

Des assises interrégionales doivent se tenir dans une douzaine de villes d’ici au mois de juillet, celles de Lyon et Rennes ayant déjà eu lieu. Les États généraux eux-mêmes se dérouleront à Paris, en décembre ou en janvier.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous remercie pour cette présentation, madame Fourcade.

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AUDITIONS DU 15 MAI 2014

Audition de M. Jérôme Guedj, président du conseil général de l’Essonne, représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF), et de M. Jean-Pierre Hardy, directeur délégué de l’ADF

M. le coprésident Pierre Morange. Messieurs, nous sommes heureux que vous nous fassiez part de vos réflexions concernant la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et leur adéquation avec le futur projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Toute polémique mise à part, il semble particulièrement intéressant que le représentant de l’Assemblée des départements de France se prononce sur le périmètre des compétences médico-sociales d’une collectivité locale dont l’avenir fait actuellement l’objet d’hypothèses diverses.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Votre témoignage nous est en effet d’autant plus précieux que plusieurs annonces récentes laissent présager une évolution prochaine de l’organisation territoriale de notre pays.

M. Jérôme Guedj, président du conseil général de l’Essonne, représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF). La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, instance ad hoc née des conséquences dramatiques de la canicule du mois d’août 2003, fêtera bientôt ses dix ans. Au regard des trois grandes missions dont elle est chargée, il est indéniable qu’elle a atteint ses objectifs.

Elle joue d’abord un rôle de caisse. C’est ensuite une agence technique d’appui aux politiques publiques médico-sociales à destination des personnes âgées et handicapées. Son rôle est donc essentiel dans une décennie qui connaît en la matière de nombreuses évolutions législatives et réglementaires. La CSNA assure enfin une fonction de conseil et permet d’inventer la « démocratie médico-sociale » dans un lieu rare de débats et d’échanges où se retrouvent l’État, les conseils généraux, les organisations syndicales, les grandes associations concernées, et même les organismes de sécurité sociale et de retraite. En la matière, elle a largement inspiré de nouveaux modèles de gouvernance locale, comme les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA), dont la création est prévue par l’avant-projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Le CDCA assurera les fonctions actuelles du comité départemental des retraités et personnes âgées (CODERPA) et du conseil départemental consultatif des personnes handicapées (CDCPH), en s’inspirant de la commission exécutive (COMEX) des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Aujourd’hui, même si la CNSA n’a pas encore atteint sa maturité, et s’il lui reste encore du chemin à parcourir, la pertinence de son modèle n’est plus remise en cause. Pourtant, avant qu’elle ne fasse l’objet d’un tel consensus, plusieurs autres pistes avaient été proposées.

Certains imaginaient qu’une caisse de sécurité sociale à gestion paritaire devait prendre en charge le cinquième risque. D’autres, considérant le volume considérable des crédits en provenance de l’assurance maladie – ils s’élèvent encore à plus de 17 milliards d’euros –, estimaient que les missions aujourd’hui dévolues à la CNSA devaient être confiées à la Caisse nationale d’assurance maladie. Enfin, plusieurs voix considéraient que la politique du vieillissement constituait un élément de la politique familiale et qu’elle devait être rattachée à la Caisse nationale des allocations familiales. Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, a d’ailleurs très récemment indiqué que la future loi relative au vieillissement constituait un élément de la politique familiale, mais sans doute ne cherchait-elle qu’à affirmer la cohérence du secteur dont elle a la charge.

Monsieur le président, madame la rapporteure, vous avez souligné ce que la période avait de particulier. Quel que soit l’avenir réservé aux conseils départementaux, la question de la territorialisation des politiques médico-sociales se posera inéluctablement. Le bon niveau de proximité reste sans doute à définir, mais il est paradoxal de constater que l’avant-projet de loi présenté au Conseil économique, social et environnemental (CESE) amplifie le rôle du conseil général comme chef de file des politiques sociales à destination des personnes âgées, et le place au centre des enjeux des adaptations de la société au vieillissement. Les instances nouvelles, comme la « conférence départementale des financeurs » sur la prévention de la perte d’autonomie, ont ainsi pour pilier le conseil général.

Depuis dix ou quinze ans, force est d’ailleurs de constater que le schéma départemental à destination des personnes âgées a pris une place plus grande et qu’il a considérablement gagné en qualité. De véritables politiques publiques locales sont menées en faveur de cette population, pour lesquelles les départements sont à la manœuvre. Parce qu’ils sont les mieux à même de faire dialoguer tous les acteurs – collectivités locales, associations… – avec lesquels ils entretiennent des rapports étroits, ils ont développé en la matière de réelles capacités d’ingénierie politique et sociale. Acteurs du développement social, ils ont vu leurs compétences progressivement confortées par la loi. D’expérience, je puis vous dire qu’un schéma départemental pour les personnes âgées rédigé aujourd’hui n’a rien à voir avec le document que nous présentions en 1999.

Les conseils généraux conserveront-ils demain le rôle éminent qui est aujourd’hui le leur ? Qui exercerait leurs prérogatives si elles leur étaient retirées ? La vente se fera-t-elle par appartements ? Pour ma part, avant d’être opéré, je préfère savoir quelle chirurgie va être pratiquée, et, surtout, connaître les compétences de l’anesthésiste. (Sourires.)

M. le coprésident Pierre Morange. Dans le rapport qu’elle nous a remis, la Cour des comptes a souligné l’inadaptation actuelle des systèmes d’information utilisés par la CSNA. Comment l’offre peut-elle s’adapter à la demande si l’information n’est pas correctement collectée ?

La Cour a également relevé une grande dispersion des coûts, ce qui est sans doute le signe d’une mauvaise répartition de l’offre.

Une approche territorialisée en matière médico-sociale ne pourrait-elle pas être envisagée pour répondre à ces deux problèmes soulevés par la Cour ?

Mme la rapporteure. Si la compétence de la CNSA est unanimement reconnue, l’insuffisance des connaissances de la réalité des territoires demeure l’une des faiblesses de la politique médico-sociale en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Comment favoriser une approche plus concrète ?

M. Jérôme Guedj. Les deux sujets évoqués par le président Morange concernent l’action de la CNSA pour accompagner des politiques décentralisées.

À titre personnel, si je suis attaché à la décentralisation et au principe de subsidiarité, je ne serais pas choqué, loin de là, que l’adaptation locale de politiques qui relèvent pour une grande part de la solidarité nationale respecte un cadre plus ou moins contraint qui comporterait des référentiels, ou même des valeurs « planchers » et « plafonds » constituant une sorte de « serpent social ». En un mot, je suis favorable à davantage d’encadrement, ce qui favoriserait par ailleurs un minimum d’égalité de traitement entre les territoires. Il est clair qu’en la matière la CNSA a un rôle à jouer. Disons que je suis un décentralisateur à tendance jacobine !

Les choix opérés lors de la mise en place des systèmes d’information des MDPH ont abouti à une situation particulièrement caricaturale. Après que la plus grande latitude a été laissée à chaque structure, les compteurs doivent aujourd’hui être remis à zéro pour permettre d’élaborer un système mutualisé uniforme. Il semble toutefois que cela exige un délai de cinq à dix ans. Il est vraiment regrettable que tant de temps ait été perdu.

Le besoin de cadres se fait sentir dans d’autres domaines. Les schémas départementaux des personnes âgées sont par exemple très différents d’un conseil général à l’autre. La loi ne définit en effet ni le contenu du schéma ni les indicateurs utilisés. Cela rend particulièrement difficile toute comparaison ou agrégation. Dans son rôle d’agence technique, la CNSA pourrait fort bien en fournir le canevas.

Le directeur de la CNSA, M. Luc Allaire, n’hésite pas à utiliser le mot « inexistants » pour qualifier les systèmes d’information de la Caisse qui, selon ses propres termes, se réduisent à l’utilisation d’Excel. Cette situation n’est en aucun cas adaptée aux sommes brassées. Elle suscite de plus la perte d’un nombre considérable d’informations et ne permet pas d’opérer un suivi fin. Même si certains efforts sont consentis en matière de suivi de l’orientation, la politique du « doigt mouillé » prévaut quand il s’agit d’estimer les besoins, notamment pour les personnes handicapées. Le citoyen ne peut pas comprendre qu’un président de conseil général se trouve dans l’incapacité de dire combien d’orientations ont été effectuées par la MDPH et sur quel type de handicap.

M. le coprésident Pierre Morange. En la matière, à votre connaissance, certains départements ont-ils mené des expérimentations qui pourraient servir de modèle ?

M. Jérôme Guedj. Toutes les COMEX se sont évidemment saisies du problème, en travaillant avec leur conseil général. Le Finistère est engagé dans un effort particulier.

La question de la dispersion des coûts me paraît particulièrement pertinente. La CNSA peut faciliter les comparaisons à l’intérieur d’un même département, et entre les départements : il lui revient d’établir des référentiels communs.

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’en est-il des expérimentations dans ce domaine ?

M. Jérôme Guedj. Des études sont menées sur la structure des coûts en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il s’agit de travaux méthodologiquement complexes. En la matière, le rapprochement de la CNSA et de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) est pertinent.

Pour ma part, j’estime que la CNSA devrait s’impliquer encore davantage dans l’animation du réseau des directeurs de MDPH. J’ai pleinement conscience que nous parlons de politiques coproduites.

La réflexion sur l’optimisation de l’usage de l’argent public ne peut faire l’économie de la question du millefeuille administratif. La question se pose lorsque la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) se décharge d’une partie de ses coûts de fonctionnement sur la CNSA. À l’échelon régional, le problème existe entre les agences régionales de santé (ARS) et leurs délégations territoriales.

Mme la rapporteure. Pour en venir aux sujets budgétaires, qu’en est-il aujourd’hui de la sanctuarisation des crédits ?

La Cour des comptes a relevé le caractère sommaire et le manque d’approche territoriale des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC). Comment améliorer le contenu de ces programmes afin d’effectuer des comparaisons sérieuses ?

Quelles évolutions législatives seraient selon vous à même de renforcer la CNSA dans ses divers rôles ?

Il semble que la sous-consommation des crédits ait tendance à régresser. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Jérôme Guedj. Les améliorations qu’il serait utile d’apporter ne sont pas de nature législative mais plutôt d’ordre réglementaire. Elles relèvent aussi de choix internes à la CNSA et à ses tutelles concernant l’affectation des produits.

La contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) a été créée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées, à la suite de la canicule de l’été 2003.

Actuellement, 26 % de son produit contribue au financement de la prestation de compensation du handicap (PCH), soit le taux plancher prévu par la loi. L’ADF demande que ce taux atteigne son « plafond », soit 30 %, comme cela avait été le cas entre 2005 et 2007. Cette évolution permettrait de dégager quatre points de CSA, soit 100 millions d’euros, qui seraient affectés à la compensation des dépenses de PCH, dont le taux de couverture par l’État n’est aujourd’hui que de 36 % – les 64 % restant étant financés par les départements. Je souligne au passage le caractère dynamique de la PCH dans les budgets des départements : elle progresse annuellement de 8 à 9 %.

Environ 20 % du produit de la CSA participent au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Par ailleurs, 54 % des sommes rapportées s’ajoutent à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées pour permettre aux ARS de financer, dans le cadre de l’objectif global de dépenses (OGD) de la CNSA, des dépenses relevant de l’assurance maladie.

Enfin, 1 % de la CSA finance des plans d’aide à l’investissement (PAI). L’aide à l’investissement par la CNSA et la gestion sur le terrain par les ARS sont déterminantes pour la création d’établissements dans le secteur du handicap et la rénovation des EHPAD. À défaut de PAI, aucune rénovation ne pourrait être effectuée sans une augmentation drastique des prix journaliers. L’enjeu de l’accessibilité financière devient pourtant majeur, à telle enseigne que l’Essonne a fait le choix d’un service public départemental de maisons de retraite afin de contenir les prix.

L’ADF constate l’existence de financements indus par la CNSA au détriment de la compensation de l’APA et de la PCH. Elle conteste depuis plusieurs années ces transferts de charges de l’assurance maladie sur le budget de la CNSA. Nous n’employons pas le mot « détournement », car les fonds en question sont destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées ; nous parlons toutefois de « distraction » d’une partie des moyens que la CNSA devrait consacrer à d’autres missions.

Les financements en question concernent en particulier les groupes d’entraide mutuelle pour handicapés psychiques, pour 29 millions d’euros en 2014. Ces montants devraient être financés par prélèvement sur l’enveloppe de crédits sanitaires dans le respect de la « fongibilité asymétrique » votée dans le cadre de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ».

Ces financements sont aussi destinés, pour 57 millions d’euros en 2014, aux maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA), qui devaient pourtant être financées dans le cadre du plan Alzheimer par les franchises médicales. Par ailleurs, alors que la loi prévoit explicitement que les contributions au financement des trois agences nationales de l’État que sont l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), et l’ATIH sont « à la charge des organismes de sécurité sociale », la CNSA participe à leur financement.

De la même façon, en violation d’un article du code de l’action sociale et des familles qui précise que les centres régionaux de l’enfance et de l’adolescence inadaptée (CREAI) sont des centres de ressources financés sur les crédits de l’ONDAM et/ou de l’État, un transfert de charges est opéré depuis deux ans sur le budget de la CNSA.

Au dernier conseil de la CNSA, le 15 avril dernier, l’ADF s’est opposée à un prélèvement de 3 millions d’euros sur les crédits destinés à compenser l’APA et la PCH pour alimenter le budget de l’État, notamment son budget opérationnel de programme « Handicap » – le budget opérationnel de programme n° 157 –, afin de compenser son désengagement dans les fonds départementaux de compensation du handicap.

Par ailleurs, l’État, qui est majoritaire au sein de ce conseil, a fait adopter la création de cinq postes équivalents temps plein pour des personnels chargés de préparer la réforme tarifaire pour les établissements accueillant des personnes handicapées, dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP). Les rémunérations de ces cinq postes seront à la charge de la CNSA mais les agents concernés seront mis à la disposition de la DGCS dans ses locaux et sous son autorité. Cela revient à faire financer des dépenses de personnels d’administration centrale par les départements. Nous nous interrogeons sur la validité juridique d’un tel dispositif peu susceptible d’être validé en l’état par le comptable public de la CNSA et son commissaire aux comptes.

Nous voulons bien que la CNSA soit notre « maison commune », mais il ne faut pas qu’elle soit instrumentalisée comme une variable d’ajustement du budget de l’État ou de l’assurance maladie au détriment des départements.

La question de la sous-consommation de l’OGD « personnes âgées » et des crédits non reconductibles (CNR) est l’un des points qui fait le plus débat au sein du conseil de la CNSA.

Cette sous-consommation s’élève à 156 millions d’euros en 2013, auxquels il faut ajouter 353 millions de CNR déclarés par les ARS. Il conviendrait de prendre les arrêtés de tarification des ARS en tenant compte de ces données.

Je rappelle que 156 millions d’euros représentent les six points de CSA qui permettraient, comme le demande l’ADF, de faire passer, pour renforcer l’ONDAM dans l’OGD, le taux de prélèvement de cette cotisation du niveau plafond, soit 54 %, au niveau plancher, soit 50 %.

Il est urgent de publier le décret d’application de l’article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui permettra de financer à 100 % les postes supplémentaires d’aides-soignantes et d’auxiliaires de soin en gérontologie dans le cadre de la médicalisation dite « pathossification ». Ce financement actuellement assuré à 30 % par les conseils généraux est répercuté sur le reste à charge des résidents et le tarif d’hébergement, autrement dit, l’accroissement de la présence sanitaire et médicale n’est pas financé par la solidarité nationale.

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, M. Yves Daudigny avait fait adopter au Sénat un amendement visant à permettre le financement des amortissements des évaluations dans les foyers d’accueil médicalisés (FAM), les EHPAD et les établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA). La mesure avait reçu le soutien à l’Assemblée nationale de Mme Bérengère Poletti, rapporteure du volet médico-social du PLFSS. Aujourd’hui, malgré l’obligation d’évaluations externes, le décret organisant le cofinancement de l’assurance maladie, qui permettrait d’économiser annuellement 2 millions d’euros, n’a toujours pas été pris.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions concernant le suivi et le contrôle de l’évaluation ?

M. Jean-Pierre Hardy, directeur délégué de l’Assemblée des départements de France. Le législateur de 2011 a prévu le partage du financement des évaluations qui portent à la fois sur le « projet de vie » et le « projet de soins » – elles étaient jusqu’alors financées intégralement grâce au tarif hébergement. La mission juridique du Conseil d’État auprès des ministères sociaux a donné raison à l’ADF en reconnaissant que le partage devait se faire entre le département, l’usager et l’assurance maladie, et que la notion de financeurs ne pouvait pas se réduire à des sections tarifaires. L’absence de décret explique les retards actuels.

Par rapport au secteur du handicap, les établissements pour personnes âgées dépendantes ne sont pas particulièrement en avance en matière d’évaluation, mais leur démarche reste très structurée comme le montrent, par exemple, le guide d’autoévaluation ANGELIQUE (application nationale pour guider une évaluation labellisée interne de qualité pour les usagers des établissements), rédigé dans le cadre de la mission d’appui à la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (MARTHE), ou la place de l’autoévaluation dans le renouvellement des conventions tripartites. La signature de ces conventions est souvent différée en raison du retard de la sortie du décret relatif au financement de la « pathossification » – elle est à l’origine d’une hausse d’environ 25 % d’augmentation des budgets. Une partie des 353 millions d’euros de CNR déclarés par les ARS dans les EHPAD est encore constituée de « crédits faits aux conseils généraux » pour le financement à 100 % des aides-soignantes supplémentaires, mais il n’est pas certain que ces crédits seront reconduits, ce qui risque d’avoir un effet non négligeable sur les tarifs. Le système est bloqué depuis quatre ou cinq ans.

Concernant le reste à charge, je signale que les dépenses d’APA sont globalement maîtrisées. L’APA à domicile progresse très peu alors que l’APA en établissement augmente de 5 % pour 1 % de bénéficiaires supplémentaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Au quotidien, pour le patient ou la famille, le véritable sujet, c’est le reste à charge. Mme Paulette Guinchard, alors coprésidente de la MECSS, s’interrogeait, en 2006, dans un rapport d’information traitant du financement des établissements médico-sociaux, sur la dictature des normes réglementaires qui pèsent fortement sur les coûts journaliers. Alors que la retraite moyenne des Français s’élève à 1 200 euros mensuels, le reste à charge dans les établissements d’Île-de-France atteint 3 000 euros. Il est vrai que le prix du foncier est prohibitif sur ce territoire, ce qui rend indispensable l’intervention de la puissance publique, mais les nombreuses contraintes normatives également pèsent très lourd.

Quelles sont les réflexions de l’ADF en la matière ?

M. Jérôme Guedj. Je suis pour ma part convaincu de la nécessité de réduire le reste à charge. Cette préoccupation a d’ailleurs motivé la création du service public essonnien du grand âge (SEGA). La logique de mutualisation constitue l’un des leviers sur lequel nous devons jouer.

Les EHPAD vont progressivement se transformer en EHSPAD : établissements d’hébergement et de soins pour personnes âgées dépendantes. Sortons de l’hypocrisie sur le sujet ! Assumons une évolution indéniable !

M. le coprésident Pierre Morange. L’étanchéité de la frontière entre le médical et le social m’a toujours laissé perplexe !

M. Jérôme Guedj. Une tarification binaire dans les EHPAD avec un volet soins et un volet hébergement permettrait une répartition logique. Les départements ne verseraient plus d’APA en établissement, et il n’y aurait plus de forfait dépendance mais une prise en charge des soins. Est-il logique que le salaire du directeur de l’EHPAD ne provienne que du tarif hébergement alors que ce dernier dirige évidemment les équipes de soins ?

Tout en insistant sur la préservation de la qualité et la sécurité de la prise en charge, nous appelons à un choc de simplification en matière de normes.

Quoi qu’il advienne, la CNSA jouera un rôle pour aider à l’émergence inévitable de services publics locaux d’accompagnement de la perte d’autonomie. Je suis particulièrement attaché aux maisons départementales de l’autonomie (MDA) qui constituent un point de convergence des divers publics pris en charge. Au-delà du service public de niveau communal ou intercommunal, une structure de référence et de proximité doit être en mesure de traiter au niveau infra-départemental mais supra-communautaire les cas les plus complexes, et délivrer conseils et informations. Il reviendra à la CNSA d’aider à la création de ces services publics et de les « labelliser », même s’il est clair qu’il faudra qu’ils s’adaptent à des situations de terrain très diverses.

Mme la rapporteure. De peur de perdre sa spécificité, le secteur du handicap a opposé une résistance forte à la montée en puissance des MDA. Les évolutions récentes ont tout de même montré les effets positifs de ce mouvement. Il me semble que la période peut permettre à tous les acteurs de se retrouver. De façon symptomatique, vous releviez que la loi future fera une place à la participation des citoyens dans les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie.

Comment surmonter les éventuelles réticences qui persisteraient malgré tout ?

M. Jérôme Guedj. Il faut sortir des postures qui existent de part et d’autre. L’inquiétude des associations du secteur du handicap était compréhensible. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait constitué pour elles un progrès considérable. Membres de la COMEX, elles étaient associées à la gouvernance des MDPH. Tout ce qui paraît remettre en cause cette évolution a donc une bonne chance de passer à leurs yeux pour un recul.

Le travail mené, à la demande de M. Claudy Lebreton, président de l’ADF, par M. Luc Broussy, conseiller général du canton de Goussainville-Louvres dans le département du Val-d’Oise, pour dégager un consensus a permis d’avancer sur le chemin d’une convergence inéluctable. N’oublions pas en effet que 25 % des usagers des MDPH ont déjà plus de 60 ans ! S’il est inacceptable que la prise en charge passe du simple au triple selon que le handicap survient la veille ou le lendemain d’un anniversaire, et que l’on s’offusque à juste titre du maintien d’une barrière d’âge, il est absurde de refuser, dans le même temps, toute convergence concernant les outils. Évidemment, handicap et âge relèvent de traitements spécifiques, mais ils peuvent aussi répondre à des logiques communes : mise en place d’un projet de vie, importance du parcours et de l’évaluation… Le secteur médico-social a une histoire forte faite de combats menés par les associations ; il doit pouvoir la dépasser. Les conseils généraux, partenaires des associations, ont des atouts pour dialoguer avec elles et avec l’ensemble des acteurs ; il serait dommage de se priver de leurs compétences.

M. le coprésident Pierre Morange. Messieurs, nous vous remercions pour vos interventions.

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Audition de représentants des services de conseils généraux : M. Jean-Luc Faucher, directeur du pôle personnes âgées-personnes handicapées au conseil général de la Haute-Vienne, et M. Bruno Chèze, directeur de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Nièvre

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Depuis quelques semaines, notre travail sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) nous amène à recevoir des organismes et des représentants des collectivités. Dans ce cadre, nous avons retenu plusieurs départements, dont la Haute-Vienne et la Nièvre, et recevrons prochainement des représentants des départements du Rhône, du Nord et du Finistère. À la faveur d’organisations innovantes, ce dernier se situe en avance dans sa réflexion sur la question relative au pôle personnes âgées-personnes handicapées, comme cela vient de nous être expliqué. Au demeurant, toutes les expériences nous intéressent. Nous aimerions savoir où en la CNSA dix ans après sa création. Devenue une institution incontournable dans le paysage social et médico-social, elle n’en rencontre pas moins des difficultés pour assurer l’intégralité de ses missions.

Aussi souhaiterions-nous vous entendre, messieurs, sur la situation dans vos départements respectifs, les initiatives que vous avez éventuellement mises en place, et les possibles évolutions permettant de conforter les missions de la CNSA. En dépit de la transformation envisagée des départements, voire de leur possible disparition, la question des territoires et de la proximité demeure centrale et nécessite d’examiner toutes ces expériences dont nous pourrions nous inspirer le cas échéant.

M. Jean-Luc Faucher, directeur du pôle personnes âgées-personnes handicapées au conseil général de la Haute-Vienne. Je vous remercie de votre invitation.

Je vais vous donner un avis sur le fonctionnement de la CNSA et vous présenter des pistes d’amélioration, sachant que le manque de visibilité sur l’évolution des conseils généraux rend difficile l’élaboration d’hypothèses. La disparition éventuelle des conseils généraux met en effet un point d’interrogation sur certains types d’évolution, comme les maisons de l’autonomie, qui ne constituent cependant pas le modèle auquel nous avions songé. En tout état de cause, l’incertitude affectera la poursuite ou la mise en œuvre de nouvelles initiatives dans les mois à venir.

Les rapports entre un conseil général et la CNSA se déclinent de plusieurs façons.

D’abord, le rapport direct entre la CNSA et les MDPH s’opère par le filtre des départements. Les liens des MDPH avec leur collectivité de tutelle sont relativement variés car, si le président du conseil général préside la commission exécutive de la MDPH, certains départements recrutent eux-mêmes les personnels des MDPH, tandis que d’autres laissent ces dernières les recruter elles-mêmes, comme en Haute-Vienne où la majorité des personnels est recrutée par le groupement d’intérêt public (GIP). Ces variantes d’organisation expliquent sans doute en partie les difficultés que peut rencontrer la CNSA. De surcroît, elle a ses ministères ou ses directions de tutelle ; elle n’est pas seulement une caisse, mais aussi un établissement public qui a des rapports avec la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et avec une centaine de départements et autant de MDPH. Au final, cette construction originale est à l’origine des dysfonctionnements auxquels la Caisse doit faire face.

C’est dans ce cadre que la CNSA et les MDPH ont développé un aspect innovant, rarement observé dans une organisation de ce type, qui est l’appui et le conseil. Sur cet aspect, la mission est assez efficace et a relativement convaincu les personnes qui ont travaillé avec la Caisse, par les apports techniques et la mise en commun d’informations. Par contre, le retour d’information vers les conseils généraux présente quelques insuffisances, je pense en particulier aux dépenses en matière de prestation de compensation du handicap (PCH) pour lesquelles nous recevons des informations diverses, ce qui rend difficile la comparaison avec celles délivrées pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – mais il est vrai que ce dernier dispositif est plus simple.

Dans l’ensemble, pour ce qui est du champ des relations avec les MDPH, on peut parler de réussite grâce à cet apport d’actions innovantes en termes de conseil et d’appui.

Ensuite, la CNSA est en relation directe avec les conseils généraux via les conventions de la section IV de son budget. En dépit de la lourdeur que représente leur préparation, ces conventions donnent satisfaction et nous en avons signées deux successivement, avec prorogation d’une année pour les services bénéficiant des financements conjoints, comme nous l’avons expliqué à la CNSA dans le cadre de son audit.

D’autre part, le lien avec les conseils généraux s’opère via le versement de l’APA et de la PCH. Comme l’a souligné l’Assemblée des départements de France (ADF), les départements souhaiteraient voir augmenter les contributions au financement de ces deux prestations, mais aussi que ces contributions ne soient pas affectées à d’autres segments de financement où l’État s’évapore. La couverture de la dépense du conseil général de la Haute-Vienne se situe autour de 35 % pour l’APA, mais de 25 % pour la PCH. Cette dernière dépense est donc assez élevée dans notre département. Pourtant, dans le cadre d’une réunion relative à la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 créant les MDPH, à laquelle j’avais participé, le ministre d’alors avait tenu à rassurer les départements sur l’évolution observée pour l’APA et indiqué que la dépense serait strictement couverte grâce, d’une part, à la disparition de l’allocation compensatrice, et, d’autre part, à la dotation de la CNSA. En ce qui nous concerne, avec une couverture de 25 %, le financement de la CNSA s’élève à 3,5 millions d’euros, pour une dépense qui est passée de 600 000 euros la première année à 12 millions l’an dernier, le retrait progressif de l’allocation compensatrice n’ayant pas permis de couvrir cette montée en charge.

Au titre des pistes d’évolution, on peut imaginer que l’apport méthodologique délivré pour la PCH puisse être étendu à l’APA. À mon avis, la fusion prévue à terme des deux allocations s’éloigne, compte tenu du coût de la mesure, sachant que les plans d’aide vont de 400 euros d’un côté à 800 euros de l’autre. Une fusion se ferait donc par le haut, or les contraintes budgétaires ne le permettent pas aujourd’hui.

Enfin, le troisième axe de relations entre la CNSA et les départements concerne le champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) avec, du fait de la subtilité de l’organisation que j’ai décrite, l’existence d’un intermédiaire que sont les agences régionales de santé (ARS). Le département de la Haute-Vienne élabore actuellement son schéma autonomie, en rassemblant les deux aspects personnes âgées-personnes handicapées, afin d’aboutir à un document cohérent pour les cinq prochaines années. Les ARS participent à nos travaux, mais connaissent une importante charge de travail et une réduction de leurs moyens, et elles ne sont pas en mesure de nous délivrer une perspective sur les cinq prochaines années en termes de financement.

Au titre des personnes âgées, notamment des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), le département de la Haute-Vienne est sous-doté par rapport à la moyenne nationale, et davantage encore par rapport à la moyenne régionale. Or notre interlocuteur est l’ARS, et très peu la CNSA. À l’occasion d’un point sur les bilans réguliers de l’application des conventions, nous avons tout de même pu présenter cette problématique au directeur de la Caisse, en indiquant que notre dotation régionale ESMS personnes handicapées-personnes âgées était sans doute plus élevée que la moyenne nationale, mais que nous nous trouvions pénalisés au regard d’un rééquilibrage infrarégional. Dans le cadre de l’élaboration du schéma régional, l’ARS nous a entendus sur la nécessité d’un rééquilibrage en notre faveur au regard des deux autres départements, l’un des responsables de l’agence ayant même utilisé le terme de « bouclier médico-social » pour la Haute-Vienne. Mais si le principe d’un rééquilibrage a été acté, il n’y a plus de financement…

Le rapport de la Cour des comptes évoque des mécanismes d’attribution des moyens par la CNSA pour le rééquilibrage et le mécanisme du « serpent ». Ce sont des données ou des décisions auxquelles nous n’avons pas accès, tout comme sans doute l’échelon régional de l’État lui-même. En effet, l’ARS reçoit une notification de moyens pour un nombre d’années donné et n’a pas vocation à connaître la base sur laquelle la dotation est calculée. Cette situation ne nous permet pas de bâtir notre schéma autonomie à partir des perspectives d’attribution de moyens nouveaux. Cependant, on peut toujours appréhender cette question en termes de besoins.

Tels sont les trois axes que je dégage pour les relations avec la CNSA : l’axe avec la MDPH, qui se révèle fructueux ; l’axe traditionnel relatif au financement des allocations ; enfin l’axe ayant trait au financement des ESMS, plus difficile à comprendre et à maîtriser pour nous, les agences de santé étant des instances régionales, et non départementales comme l’étaient autrefois les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS). L’ARS du Limousin a d’ailleurs supprimé sa délégation départementale en Haute-Vienne.

M. Bruno Chèze, directeur de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Nièvre. Je vous remercie de cette invitation. Je suis d’autant plus sensible aux propos qui viennent d’être tenus que je suis moi-même originaire du Limousin.

Je rejoins mon collègue sur l’absence de visibilité quant au devenir des conseils généraux et sur l’incertitude au sujet de l’identité future des MDPH, sous tutelle administrative et financière des conseils généraux.

La Nièvre est un département rural où coexistent un axe ligérien rassemblant une grande partie de la population et des territoires moins concernés par le placement des personnes. Cette précision est importante, car il me semble que la CNSA ne prend pas suffisamment en compte les données sociodémographiques de certains départements. Or, dans le cadre de l’allocation des subventions de fonctionnement à des structures comme les MDPH, les particularités départementales devraient être prises en considération. Un département rural, donc, où le président souhaite développer une dynamique de « nouvelle ruralité », en partenariat avec les départements voisins du Cher, de la Creuse et de l’Allier, dont les questionnements sont sensiblement les mêmes.

La CNSA, qui a une obligation de moyens, mais non de résultat, dispose d’un pouvoir incitatif auprès des MDPH et a essayé de développer une boîte à outils à leur intention. Pour autant, il existe autant de modes de fonctionnement que de MDPH, ce qui crée des problématiques de transmission des dossiers pour les usagers, même si une pratique commune commence à se dégager. Aussi cette boîte à outils me semble devoir être davantage étoffée.

Il a été demandé aux MDPH d’être des guichets uniques ; une attente forte s’exprime pour que la CNSA ait un rôle de « maison unique », pour reprendre l’expression retenue par l’ADF, c’est-à-dire qui permette de centraliser les données. Il faut savoir que, actuellement, les MDPH sont amenées à communiquer, en début d’année, le nombre de bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) à quatre administrations différentes – caisse d’allocations familiales (CAF), Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) et direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – et, quelques mois plus tard, à la CNSA elle-même. Tout cela occasionne un travail très important, d’autant que le document à adresser n’est pas le même selon les administrations, ce qui revient à reproduire un fonctionnement proprement kafkaïen.

Je pense donc que la CNSA doit non seulement avoir un rôle de pilote et être confortée dans ses missions d’expertise au niveau national, mais aussi être considérée comme une maison unique. À cet égard, je regrette que le système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH), qui devait permettre de faire remonter les données au niveau de la CNSA, n’ait pas abouti. En effet, la fluidité de l’information entre les MDPH et la CNSA ainsi qu’entre les différentes administrations et la CNSA est une question très importante.

Tout comme les particularités géographiques et démographiques des départements, en particulier ruraux comme la Nièvre, qui certes peut être considérée comme un département au-dessus des ratios régionaux et nationaux, l’histoire des départements doit elle-même être prise en considération ; par exemple, la Nièvre est un territoire d’accueil, comme la Corrèze pour d’autres raisons. En effet, prendre en compte uniquement la population, et non les personnes venant de la région parisienne ou d’autres départements, aboutit à fausser la connaissance en matière de listes d’attente et de taux d’occupation dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

Ce point est très important. Il est demandé aux commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de notifier des orientations et des prestations, en lien avec les besoins repérés par les équipes pluridisciplinaires d’évaluation et les attentes des familles. Or les MDPH ont de grandes difficultés à connaître le suivi des décisions d’orientation, comme l’ont indiqué plusieurs rapports, en raison là aussi d’un manque d’articulation. Je pense donc que la CNSA pourrait assurer ce rôle de coordination entre les MDPH et les établissements sociaux et médico-sociaux.

Ainsi, une attente forte est exprimée par les acteurs quant à cette coordination, et pas uniquement autour du rôle incitatif de la CNSA, car nous avons besoin d’un pilote avec une boîte à outils plus étoffée et des missions plus claires.

Pour terminer, et sans revenir sur les propos de mon collègue sur le travail étroit entre la CNSA et les MDPH et le lien entre la Caisse et les conseils généraux, nous préconisons une meilleure lisibilité grâce à une boîte à outils commune PCH-APA pour l’évaluation et les conditions d’attribution de ces deux prestations.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vous avez mis l’accent sur la nécessité de renforcer le pilotage. Pensez-vous qu’il faille réformer la gouvernance, par exemple en créant un conseil exécutif avec les co-gestionnaires et les co-financeurs et un conseil d’orientation, ou encore par la création d’antennes ou de correspondants territoriaux ?

Au chapitre des mesures permettant d’améliorer la coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, des initiatives locales dans vos départements ont-elles permis de décloisonner ces deux secteurs ?

Vous avez abordé la question des systèmes d’information et votre difficulté à avoir une vision plus globale des situations. Tous les intervenants, notamment la Cour des comptes, ont pointé ce problème, et plus précisément une connaissance insuffisante des besoins dans les départements et de la répartition de l’offre. La CNSA est consciente de ces difficultés et s’est engagée à améliorer la situation, mais cinq à dix ans seront nécessaires, nous a-t-on dit. Avez-vous été consultés sur ces sujets ? Quelles sont les dernières avancées dans le déploiement du système d’information SipaPH, qui doit permettre le pilotage des politiques du handicap ? Quel progrès attendez-vous de la possibilité, prévue par l’avant-projet de loi, pour la CNSA de définir des normes garantissant l’interopérabilité des différents systèmes d’information des MDPH et la labellisation de ceux qui sont conformes à ces normes ? En effet, et vous l’avez dit à plusieurs reprises, l’attente est forte de voir la CNSA jouer pleinement son rôle de pilote et accompagner l’ensemble des départements sur ces sujets.

Enfin, l’avant-projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement prévoit l’évolution des MDPH en maisons départementales de l’autonomie (MDA). À cet égard, comment vos départementaux se positionnent-ils ? Ont-ils avancé dans leur réflexion, voire commencé à s’organiser, comme l’ont fait certains départements ? Ce sujet suscite-t-il dans vos départements des réflexions, des craintes, des espoirs ? Je pense d’ailleurs que cette nouvelle organisation constituera une avancée, bien qu’elle ait suscité beaucoup d’appréhension, en particulier dans le secteur des personnes handicapées.

M. Bruno Chèze. Dans la Nièvre, une MDA n’a pas été mise en place, mais il existe d’ores et déjà une collaboration très étroite entre la MDPH et le pôle « économie sociale et solidaire » du conseil général. Grâce à la mise en place d’une convention entre le GIP MDPH et le conseil général, 11,5 équivalents temps plein (ETP) de travailleurs médico-sociaux du conseil général interviennent directement pour la MDPH sur les sites du département. Les différents sites du pôle « économie sociale et solidaire » sont amenés à accueillir et à informer les personnes en situation de handicap.

La Corrèze, le Cantal et la Côte-d’Or ont expérimenté une nouvelle organisation, mais il s’agissait de trois expérimentations différentes, avec des fonctionnements différents pour l’accueil ou l’évaluation. Là non plus, il n’existe pas de trame commune de ce que pourrait être une MDA.

Grâce à cette collaboration proche, certaines bases sont ainsi posées dans la Nièvre pour faire exister et fonctionner la MDA.

Concernant le système d’information, les deux logiciels métiers, OPALE, utilisé essentiellement par les commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES), et ITAC, utilisé par les anciennes commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), permettaient d’indiquer les pathologies ou les types de handicap. Or, certains départements ont basculé vers le logiciel métier IODAS, qui ne permet plus cette codification. D’où la difficulté pour les MDPH à jouer leur rôle d’observatoire du handicap, l’utilisation et la généralisation de IODAS ne leur permettant plus d’indiquer les types de difficultés.

Dans ce contexte, il me semble nécessaire de s’interroger sur les relations avec les éditeurs. En effet, il est difficile de faire évoluer les logiciels métiers, comme IODAS ou PERCEVAL, créés par ces derniers. Par conséquent, à chaque fois que les MDPH ont de nouvelles missions, elles ont du mal à faire évoluer leur propre logiciel métier, sans compter que ces évolutions ont un coût.

Le système d’information SipaPH est attendu : il nous permettrait de remplir ce rôle d’observatoire et de répondre aux différentes administrations. Plusieurs MDPH ont d’ores et déjà codifié et « anonymisé » certaines données et, en 2013, les éditeurs ont créé des extracteurs, qui permettent d’établir un lien entre le logiciel métier et SipaPH. À présent, se pose la question de la généralisation de la mise en place de SipaPH, qui induira des coûts financier et humain.

Les MDPH se voient confier de nouvelles missions, comme le pilotage de la commission de gestion des situations critiques depuis l’année dernière. Or, depuis sa création, la MDPH de la Nièvre a vu son activité augmenter de 62 %, avec un plateau technique qui a très peu évolué. Il est également demandé aux MDPH de codifier les types de handicap, ce qui nécessite un temps mobilisable d’agent très conséquent. Pour sa part, la MDPH de la Nièvre gère les dossiers de plus de 38 000 personnes. Au surplus, la codification ne peut être réalisée que sur la base d’un avis médical. Tous ces facteurs ajoutés à la problématique de la désertification médicale rendent impossible pour les MDPH la réalisation des chantiers qui leur sont demandés.

Aussi des apports financiers plus importants sont-ils nécessaires, afin de permettre aux MDPH d’affecter un nombre d’agents suffisant aux missions supplémentaires qui leur sont demandées. Pour moi, les missions prioritaires des MDPH consistent à répondre aux demandes des personnes en situation de handicap.

M. Jean-Luc Faucher. En 2006, année de création des MDPH, des logiciels nationaux étaient en place, puis il a fallu passer en deux ou trois ans à des dispositifs départementaux. Aujourd’hui, on considère que les logiciels départementaux ne permettent pas l’établissement de synthèses au niveau national et qu’il est nécessaire de revenir au logiciel national ; c’est en tout cas la priorité qui semble s’être dégagée à la suite de l’audit.

Les logiciels départementaux sont interfacés entre la partie MDPH et la partie conseil général. Par exemple, les décisions prises par la CDAPH en matière de PCH basculent automatiquement sur le logiciel du conseil général pour la mise en paiement. Remonter les informations au niveau national serait une bonne chose, mais elles devraient ensuite redescendre vers les départements pour leur fournir des éléments sur leur situation, ce qui engendrerait des difficultés pour ces derniers dans la mesure où le projet national ne pourra sans doute pas s’interfacer avec les produits servant au paiement des prestations à leur charge. Telle est la limite.

Par conséquent, si le constat est fait de la difficulté technique à mettre en synergie une centaine de sites dotés de programmes différents, il faut veiller à ne pas défavoriser les liaisons qui avaient été mises en place avec le conseil général.

S’agissant des MDA, l’avant-projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée…

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous n’avons pas de calendrier précis à ce jour, mais l’inscription à l’ordre du jour de ce texte, confirmée par le Premier ministre, aura probablement lieu à l’automne.

M. Jean-Luc Faucher. Cet avant-projet de loi prévoit le rapprochement des services des MDPH avec ceux des conseils généraux. Cela est déjà souvent le cas dans la mesure où ils sont dans le même giron, avec des équipes intervenant sur l’évaluation de l’APA à domicile et une équipe pluridisciplinaire sur l’évaluation des prestations handicapées.

Effectivement, certaines expérimentations peuvent être différentes de celle consistant simplement à juxtaposer dans le même bâtiment les deux équipes. Celle-ci constituerait-elle la MDA ? Il me semble important de travailler sur ce qui est commun à plusieurs populations, par exemple sur l’information. La Haute-Vienne comporte des maisons du département, dans lesquelles ont été affectés des référents autonomie, agents départementaux issus des instances de coordination cantonales ou des centres locaux d’information et de coordination (CLIC) mis en œuvre en 2011. Il me semble intéressant de s’inspirer d’une telle mesure de simplification, car elle répond en partie aux problématiques évoquées.

Ainsi, le parti a été pris de reprendre les compétences départementales qui avaient été dévolues aux associations cantonales et aux CLIC pour les gérer dans nos services. Sur le territoire, ces référents autonomie ont en charge l’accueil, l’orientation, l’information des personnes âgées et le suivi des plans d’aide APA. En outre, nous développons un plan de formation permettant à ces agents de prendre en charge, à l’échéance de 2015, la même typologie d’intervention pour les personnes handicapées, c’est-à-dire l’accueil, l’orientation et le suivi des plans PCH.

La fusion complète des deux dispositifs – l’un destiné aux personnes âgées depuis vingt ou trente ans, l’autre adapté aux personnes handicapées depuis un temps plus récent – devrait se concrétiser : elle correspond à l’option qui avait été retenue pour une fusion des deux allocations à terme. Tant qu’il y aura, non une allocation unique, mais deux dispositifs encore assez éloignés, l’unité complète de fonctionnement, vers laquelle il faudrait tendre, ne pourra être réalisée.

De surcroît, l’hypothèse ouverte un temps par la loi de décentralisation, à savoir l’intégration des MDPH dans les conseils généraux – option qui avait figuré dans le projet de loi, avant d’être retirée, puis envisagée sous forme d’amendement parlementaire –, n’est pas neutre pour la constitution des futures MDA. En effet, l’intégration des MDPH dans les services des conseils généraux offrirait un nouveau cadre pour la constitution des maisons de l’autonomie.

Sur la gouvernance, l’ADF a employé l’expression « maison commune ». Le renforcement de la participation des conseils généraux dans la CNSA, qui correspond à une demande de l’ADF, est logique dans la mesure où ils sont aujourd’hui majoritaires dans le financement des prestations aux personnes âgées et personnes handicapées. En outre, ils financent une partie non négligeable du fonctionnement des établissements médico-sociaux, par le biais de l’aide sociale, de la prise en charge de la dépendance ou encore du financement du secteur des personnes handicapées.

Enfin, vous avez évoqué la piste des correspondants territoriaux. Ces derniers seraient-ils placés dans les ARS ou relèveraient-ils de la CNSA ? En tout état de cause, ils ne pourront pas agir seuls dans le cadre d’une région, a fortiori si le nombre de régions est revu à la baisse.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ces questions se posent à juste titre au regard de la future reconfiguration du paysage administratif. Il faudra donc les reprendre à terme.

En tout état de cause, le besoin exprimé aujourd’hui d’un lien plus fort entre la CNSA et les territoires est une réalité, comme cela a été souligné dans chacune de nos auditions.

Merci beaucoup, messieurs, de votre contribution.

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AUDITIONS DU 22 MAI 2014

Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des représentants de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) : M. Yannick Deimat, directeur-adjoint de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Finistère, Mme Marie-Pierre Duchemin, directrice-adjointe de l’autonomie au conseil général de la Nièvre, et M. John Houldsworth, directeur-adjoint de la maison départementale des personnes handicapées de Seine-Saint-Denis

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Dans le cadre de ses travaux sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a souhaité entendre des représentants de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Nous sommes donc heureux de recevoir M. Yannick Deimat, directeur-adjoint de la MDPH du Finistère, dont nous avons entendu saluer les initiatives lors d’une récente audition, Mme Marie-Pierre Duchemin, directrice-adjointe de l’autonomie au conseil général de la Nièvre, que je connais bien, puisqu’elle représente mon département, et que j’ai le plaisir d’accueillir pour la deuxième fois à l’Assemblée nationale, et M. John Houldsworth, directeur-adjoint de la MDPH de Seine-Saint-Denis. Je les remercie d’avoir accepté notre invitation.

Madame, messieurs, nous souhaitons acquérir une vision plus complète du sujet et comprendre comment vous vivez sur le terrain les réalités de l’accompagnement de la perte d’autonomie, qu’il s’agisse des personnes handicapées ou des personnes âgées. Nous avons déjà reçu un certain nombre d’organismes et de personnalités. Nous sommes curieux de connaître le bilan que vous dressez de l’action de la CNSA, à la fois sur l’animation du réseau des MDPH et sur le soutien financier à leur installation et à leur fonctionnement.

La CNSA a dix ans. Elle est devenue une institution incontournable, qui occupe une place importante et indispensable ; mais elle connaît aussi des difficultés, sa création étant finalement assez récente. C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de dresser un bilan de la mise en œuvre de ses actions.

Aux termes de la loi, la CNSA est chargée de contribuer au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, dans le respect de l’égalité de traitement des personnes concernées sur l’ensemble du territoire. Quelle appréciation portez-vous sur la mise en œuvre de ces missions ? De quels moyens la CNSA dispose-t-elle pour y faire face ? Comment remédier aux disparités dans l’attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) ? Faut-il étendre les moyens et les missions de la Caisse en vue de mieux garantir l’égalité de traitement ? Selon une note récente de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), près du quart des disparités observées entre les départements dans l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) s’explique par les différences de pratiques des acteurs locaux. Quel rôle la CNSA pourrait-elle jouer dans l’harmonisation de ces dernières ?

M. Yannick Deimat, directeur-adjoint de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Finistère. Je suis heureux d’apprendre que l’on vous a dit du bien de la MDPH du Finistère…

Pour faire un bref historique, notre équipe de direction est la même depuis l’origine. La directrice et moi-même avons mis en place la MDPH et l’avons soutenue contre vents et marées. À peine constituées, les MDPH ont en effet été l’objet de grands débats sur leur construction juridique, leur autonomie ou leur mode de gouvernance. Nous avons vécu tout cela, en même temps que l’installation de la CNSA, ce qui nous permet de porter un regard rétrospectif sur cette période, sachant que plus de la moitié des directeurs de MDPH ayant participé à leur création ne sont plus en poste.

Dans le Finistère, nous avons souhaité créer une MDPH à la fois autonome et non consommatrice de crédits. Il faut entendre par là une autonomie dans la gouvernance – la MDPH n’est pas placée sous l’autorité des services du département ; il s’agit bien d’un groupement d’intérêt public (GIP). En revanche, il nous est interdit de recréer le moindre service sur lequel nous appuyer dans le cadre du fonctionnement du département. Nous parlons donc d’autonomie au sens de la loi, à savoir d’autonomie dans la gouvernance fondée sur la commission exécutive (COMEX) et la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), et de fonctionnement dans une structure autonome.

L’appui de la CNSA au moment du démarrage de la structure a été déterminant. Un vrai travail d’accompagnement a été mis en œuvre, avec l’élaboration de nombreux guides. Dès l’origine, toute une démarche de structuration de la mise en place des MDPH a été conduite. C’était d’autant plus important qu’il s’agissait à la fois d’une gouvernance et de dispositifs nouveaux. De nombreux textes n’étaient pas encore publiés lorsque nous avons démarré ; le contexte était donc difficile.

En ce qui concerne les dotations financières, nous avons bénéficié d’une « dot » de démarrage. La couverture de l’effet économique était délicate à évaluer, selon que la MDPH s’installait dans des bâtiments anciens ou dans un bâtiment neuf, achetait ou non un nouveau logiciel…

Dans cette phase de démarrage, l’apport de la CNSA a donc été important ; mais l’engagement du conseil général a été déterminant.

La phase de mise en œuvre s’est révélée plus compliquée. Les outils informatiques se sont mis en place progressivement, au fil de la publication des textes – ce qui concourt d’ailleurs à expliquer un certain nombre des difficultés de la CNSA. On a donc assisté à une course à la production d’outils techniques à mesure que les textes paraissaient, sachant que ces derniers étaient eux-mêmes sans cesse modifiés. Les éditeurs avaient à peine le temps de développer un outil pour saisir un formulaire que l’on créait un nouveau formulaire. Cette période a été marquée par la volonté de remonter très rapidement un nombre considérable d’indicateurs. Cette phase de changement – marquée aussi par des tensions au sein de la CNSA – a été plus difficile. Bref, il y a eu un problème de construction du projet.

J’en arrive à la phase actuelle. Le contexte est devenu plus rationnel ; nous sentons que les projets sont construits, menés de façon plus scientifique et plus technique ; nous percevons désormais une démarche opérationnelle et une volonté d’aboutir. En tant que vice-président de l’association des directeurs de MDPH, je ressens également une écoute nouvelle et une prise en compte de nos attentes par rapport aux limites que les postures précédentes avaient induites dans la conduite de projets.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Connaissez-vous le nombre de personnes suivies par la MDPH du Finistère et les budgets engagés aujourd’hui ?

M. Yannick Deimat. Le nombre de personnes suivies ou dossiers « actifs » est toujours compliqué à déterminer, puisque nous ignorons les décisions qui sont mises en œuvre. Dans le Finistère, nous l’évaluons à environ 80 000. Nous avons pris 43 000 décisions en 2012, et plus de 63 000 en 2013, en raison d’une opération de rattrapage.

Quant au budget de la MDPH, il s’élève à presque 5 millions d’euros.

Mme Marie-Pierre Duchemin, directrice-adjointe de l’autonomie au conseil général de la Nièvre. La Nièvre est un petit département de 219 000 habitants, avec une population vieillissante et une importante population handicapée – ce qui nous a valu une inspection de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les conditions d’attribution de l’AAH. À la suite de cette inspection et de la lecture faite par l’IGAS des missions de la CNSA, il me semble nécessaire de faire évoluer les critères nationaux concernant les personnes handicapées. À ce jour, l’attribution des financements est liée à la tranche de population des 20-59 ans, ce qui ne correspond pas à la réalité pour l’attribution du nombre de places en établissement. J’ai essayé, au regard des données, qui sont difficiles à obtenir, de la cibler plutôt sur le nombre de personnes handicapées par rapport aux places. Ces chiffres, qui ont sans doute correspondu à une réalité autrefois, ne sont plus adaptés aujourd’hui, puisque nous prenons aussi en charge des enfants handicapés et des personnes handicapées ayant plus de 60 ans.

Je rejoins M. Deimat dans son analyse de l’évolution de la CNSA, que j’ai moi-même pu percevoir. Je suis arrivée au conseil général de la Nièvre en 2006, en tant que cheffe de service. J’ai connu trois directeurs de MDPH. Depuis deux ans, la MDPH a un lien fonctionnel avec le pôle solidarité du conseil général – d’où ma présence aujourd’hui.

À l’origine, la CNSA a beaucoup accompagné les MDPH. Mais nous avons ensuite perçu un flottement, plutôt sur des aspects techniques, et davantage de distance – à une période qui a dû correspondre pour la Caisse à un diagnostic de son fonctionnement. En tout cas, nous avons beaucoup travaillé avec elle, que ce soit pour le public âgé ou pour le public handicapé. Nous avons ainsi travaillé avec les médecins de la CNSA, suite au décret du 21 août 2008 relatif au guide de remplissage de la grille nationale AGGIR, dit « new AGGIR », sur un référentiel et sur les plans d’aide afin que les équipes d’évaluation puissent avoir le même référentiel et donc assurer une égalité de traitement sur l’ensemble du département.

Le passage du logiciel ITAC à OPALES, où nous avons dû à la fois nous confronter au nouveau logiciel et fournir de nouvelles données demandées non seulement par la CNSA, mais aussi par la DREES, la caisse d’allocations familiales (CAF) ou la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), a été difficile. Nous devons fournir les mêmes données à tous ces organismes, mais pas sous le même format ! Il faut travailler sur ce point, même si j’en mesure la difficulté. Nous avons aussi beaucoup contribué au Système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH) ; nous avons passé des jours à coder. Les éditeurs de logiciels ont fait ce qu’ils pouvaient. Pour ce qui concerne la MDPH de la Nièvre, nous travaillons avec l’éditeur GFI. Nous avons eu un bug au début de l’année, si bien que nous n’avons pu remonter toutes les données à temps. Je souhaiterais que la CNSA se positionne comme un maître d’œuvre vis-à-vis des éditeurs. Actuellement, les MDPH se retrouvent un peu isolées lorsqu’elles doivent mettre en œuvre des évolutions.

J’attends également que la CNSA se positionne par rapport à des outils qui se développent avec les agences régionales de santé (ARS), notamment l’outil ViaTrajectoire, qui est en train de prendre une place importante. Sachant qu’il devrait être utilisé par un certain nombre de régions, il serait bon qu’il soit validé par la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet outil ?

Mme Marie-Pierre Duchemin. ViaTrajectoire, conçu sur la base d’un logiciel utilisé dans les établissements sanitaires, a été développé par les Hospices civils de Lyon. Il s’adresse d’abord au secteur médico-social et peut être utilisé par les MDPH pour la gestion des listes d’attente. À partir de la notification, il est par exemple possible de savoir qu’une personne est entrée en établissement et service d’aide par le travail (ESAT). L’outil comporte trois entrées : une entrée pour les usagers, qui permet à chaque usager de savoir où en est sa demande, une entrée pour les établissements, pour la gestion des listes d’attente, et une entrée pour les institutionnels – MDPH, ARS, conseil général – avec des habilitations. Il peut également être utilisé pour la gestion des parcours des personnes âgées.

ViaTrajectoire devrait être utilisé par cinq ou six régions, dont la région Bourgogne. Il ne faudrait pas qu’il soit remis en cause alors que les ARS y consacrent des financements.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La CNSA suit-elle sa mise en œuvre dans ces cinq ou six régions ?

Mme Marie-Pierre Duchemin. J’avais posé la question. Pour l’instant, la CNSA se dit extrêmement favorable au développement de cet outil, mais un pilotage national est nécessaire si nous ne voulons pas nous retrouver dans la même situation que pour ITAC et OPALES. Que se passera-t-il à l’échelle nationale si dix régions ne veulent pas du système ? En effet, celui-ci permet aussi de faire le lien avec le sanitaire. Nous en sommes aujourd’hui à bâtir les éléments du système ; la démarche est portée par l’ARS et par le groupement de coopération sanitaire (GCS) « e-santé Bourgogne ». Dans la mesure où de l’argent public est engagé, il est impératif de s’interroger sur l’avenir de cet outil.

J’aimerais également aborder l’aspect réglementaire. La CNSA élabore des recommandations et des guides de bonnes pratiques, mais ils n’ont pas de valeur juridique. Il serait souhaitable qu’elle ait le pouvoir de faire des propositions d’évolution en termes réglementaires. J’ai dressé une liste des points qu’il serait intéressant de modifier ; je pense notamment à la PCH en établissement.

Je souhaite aussi que nous parlions de l’aide sociale.

J’ai appris en lisant le rapport de l’IGAS qu’il existait une réserve nationale. Comment peut-elle être mobilisée pour l’évolution – à l’échelle nationale – non du nombre de places en ESAT, mais du nombre d’équivalents temps plein (ETP) en ESAT ? C’est une nuance importante, car cela permettrait une décongestion du secteur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La question de la réserve nationale a été soulevée lors de plusieurs auditions. Nous n’avons pas obtenu de réponse à ce stade, mais nous y reviendrons dans le cadre de notre rapport.

M. John Houldsworth, directeur-adjoint de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Seine-Saint-Denis. Le cas de la Seine-Saint-Denis est assez différent de ceux du Finistère et de la Nièvre, puisqu’il s’agit d’un très gros département, qui compte plus de 1,6 million d’habitants. La MDPH, qui est l’une des plus importantes de France, connaît près de 150 000 usagers, pour un budget de fonctionnement d’environ 8,2 millions d’euros.

Je suis arrivé à la MDPH fin 2012 ; je n’ai donc pas le même recul que mes collègues sur ses débuts et le soutien que la CNSA a pu lui apporter. Mais je dirais que la MDPH de la Seine-Saint-Denis vit dans une situation d’évolution permanente, voire de crise ou de changement permanent. L’actuel directeur est le quatrième depuis les débuts de la MDPH ; le turn-over est important. La maison a dû se créer à partir de peu de chose ; elle l’a fait avec un soutien très important du département. Ensuite, il a fallu « digérer » l’héritage de la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et de la commission départementale de l’éducation spéciale (CDES), avec des retards importants qui ont exigé une forte mobilisation entre 2008 et 2011. Enfin, nous avons dû réorganiser la MDPH et nous adapter aux nouveaux enjeux liés aux systèmes d’information, notamment la numérisation des dossiers et de leur traitement, avec des impacts organisationnels et financiers considérables. Au terme de toutes ces évolutions, nous arrivons enfin à une phase plus sereine.

Nous souhaitons aujourd’hui travailler avec la CNSA sur les systèmes d’information. À l’origine, le choix a été fait de laisser chaque MDPH gérer son système d’information, ce qui a entraîné – en tout cas en Seine-Saint-Denis – une forte dépendance à l’égard des choix techniques du département, puisque nous ne disposons pas des compétences nécessaires en interne. De même, les éditeurs ont défini des paramétrages d’outils spécifiques pour chaque MDPH, si bien que nous avons du mal à faire entendre une même voix auprès d’eux.

Il convient également de veiller aux évolutions réglementaires.

Je rejoins Mme Duchemin en ce qui concerne les remontées de données. C’est une tâche qui nous prend beaucoup de temps ; en outre, nous n’avons pas toujours de retours. Certes, la CNSA élabore une synthèse très intéressante des rapports d’activité que nous lui transmettons chaque année. Mais nous transmettons aussi des informations à l’ARS, à la CAF, à tous les services déconcentrés de l’État et au conseil général. L’automatisation des remontées de données est donc un chantier très important pour nous.

L’autre aspect qui nous préoccupe particulièrement en Seine-Saint-Denis est la coordination des différents acteurs – MDPH, conseil général, ARS, direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), DIRECCTE, Éducation nationale – qui n’ont pas toujours la même implication dans toutes les problématiques. Des outils nationaux ou des instructions nationales permettraient d’améliorer cette coordination. Je pense par exemple aux commissions départementales qui viennent d’être mises en place pour traiter des situations critiques. C’est le type d’outil dont nous avons besoin aujourd’hui.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous reviendrons sur le traitement des situations critiques, qui semble constituer une difficulté un peu partout. Je rappelle que M. Denis Piveteau, qui fut le premier directeur de la CNSA et que nous auditionnerons, a été chargé d’un rapport sur cette question.

Vous parlez de difficultés de coordination. Vos collègues n’ont pas évoqué ce problème ; peut-être celui-ci est-il lié à la taille du département.

M. John Houldsworth. Je pense plutôt à un problème d’adéquation entre la taille du département, l’importance des enjeux en matière sociale, médicale et médico-sociale sur son territoire, et les moyens de plus en plus limités de nos partenaires, pour qui la question du handicap, notamment l’insertion professionnelle des personnes handicapées, n’est pas nécessairement une priorité. L’histoire propre de la MDPH de Seine-Saint-Denis joue sans doute aussi un rôle. La mission de coordination est de la responsabilité de la MDPH ; mais l’évolution permanente que j’évoquais il y a un instant ne nous a pas toujours permis de remplir ce rôle. Depuis un an, nous nous investissons à nouveau dans cette mission. Nous avons encore les moyens de fonctionner, mais nous savons que sur le plan des financements, les beaux jours sont derrière nous. Nous devons donc travailler ensemble pour avoir les moyens d’agir et traiter de cas qui se révèlent de plus en plus complexes. Nous combinons de plus en plus en Seine-Saint-Denis des problématiques très lourdes en matière de santé, de handicap et d’insertion professionnelle et sociale, et nous avons besoin d’un regard pluridisciplinaire pour y répondre.

Autre point important, le suivi et l’effectivité des orientations. Nous manquons encore d’outils dans ce domaine, notamment pour évaluer les besoins – et même l’offre – sur un territoire. Là aussi, la coordination des acteurs et le soutien de la CNSA peuvent être déterminants. Aujourd’hui, nous prenons la décision d’orientation que nous jugeons bonne par rapport au besoin de compensation de l’usager ; mais nous ne savons pas si elle va être mise en œuvre, ni de quelle manière. Nous dépendons des informations de nos partenaires. C’est pourquoi la coordination avec ces derniers, mais aussi avec nos usagers, est fondamentale.

S’agissant de l’animation du réseau des MDPH par la CNSA, je rejoins ce qui a été dit par mes collègues et par différents rapports. Les relations sont d’excellente qualité et le soutien juridique et technique apporté par la CNSA est précieux pour les MDPH. Certes, il n’y a pas de tutelle ; mais la légitimité de la CNSA est telle que ses avis juridiques et ses recommandations sont globalement suivis. C’est un réel atout. Les réunions régulières organisées à tous les niveaux – directeurs de MDPH, coordinateurs d’équipes pluridisciplinaires, référents insertion professionnelle ou enfance – sont précieuses pour nous.

Bref, le seul point sur lequel nous appelons à la vigilance est la question des remontées de données et des systèmes d’information, sur laquelle la CNSA s’implique davantage aujourd’hui. Sans doute allons-nous reparler du SipaPH et de ses difficultés de mise en œuvre, à la fois pour les départements et pour la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ce n’est pas la première fois que nous entendons qu’il est difficile de suivre les orientations des usagers. Avez-vous l’intention d’utiliser l’outil ViaTrajectoire dans vos départements respectifs ? Avez-vous réfléchi à la manière d’améliorer votre connaissance de l’orientation des usagers ? Il existe des initiatives, mais elles sont dispersées sur le territoire. C’est une difficulté que nous travaillons à surmonter. L’association des directeurs de MDPH conduit-elle une réflexion sur ViaTrajectoire ou sur le partage d’outils communs ?

M. Yannick Deimat. La CNSA suit ce projet : l’observatoire des décisions fait partie des quatre projets qu’elle devait conduire. Le groupe chargé de le suivre, dont je fais partie, s’est déjà réuni à plusieurs reprises ; des rapports ont déjà été rédigés sur la problématique du suivi des décisions.

En fait, le projet a démarré tard. C’est bien, car cela a suscité le démarrage d’initiatives locales, à défaut de prise de conscience nationale, et cela s’est fait avec le pragmatisme du terrain. Une dizaine d’outils de suivi des décisions ont donc été développés au niveau local. Ils sont plus ou moins performants, et leurs choix d’utilisation comme leurs origines – outils d’associations, logiciels libres, outils du type ViaTrajectoire, outils couplés avec les logiciels du conseil général – sont variés. La vraie difficulté de ces outils rappelle celle qui a affecté le SipaPH. En résumé, l’échec du SipaPH est un échec de départ. Le problème n’est pas de remonter des données, mais de savoir ce qu’est une donnée et qui la renseigne. Avons-nous la possibilité, dans le modèle économique actuel, de transformer une partie de nos équipes professionnelles en statisticiens pour remonter des données qui ne sont pas exploitées fonctionnellement au quotidien dans l’intérêt de la tâche qui nous est confiée ? C’est un peu comme si l’on avait commencé par construire des autoroutes avant les routes secondaires. On a voulu automatiser les traitements, définir des dictionnaires de données. Il fallait bien sûr le faire ; mais on a voulu démarrer par là. Or, sur le terrain, on ne peut se permettre de passer vingt minutes à renseigner un dossier quand il faut déjà trois mois pour l’instruire. Il y a donc eu beaucoup d’échecs à tous les niveaux. Pour ma part, j’associe l’échec du SipaPH à celui du dossier médical personnel (DMP). Dès le début des MDPH, nous avons vécu deux échecs – qui n’ont il est vrai pas fait l’objet de publicité. Je pense au formulaire dématérialisé, « outil miracle » que la direction générale de la modernisation de l’État (DGME) de Bercy pensait finaliser en six mois. Or il lui manquait deux éléments très importants : la certitude de la personne qui fait la demande, qui aurait pu être acquise par l’utilisation du numéro d’inscription au répertoire (NIR) et d’un outil informatique performant, et le certificat médical et les données médicales.

La loi nous interdit aujourd’hui de demander d’autres informations, suite au dépôt d’une demande, que celles que nous pourrions obtenir auprès de l’un de nos partenaires. Or, la MDPH étant un GIP, nous avons de multiples partenaires. Dans une interprétation stricte des textes, nous ne serions ainsi autorisés à demander à ceux qui viennent nous voir que leur nom et leur numéro de sécurité sociale ! On parle de pénurie de médecins, mais si nous pouvions accéder directement aux données des usagers par voie informatique au lieu de les renvoyer chez le médecin pour obtenir un certificat ou subir un examen complémentaire qu’ils ont déjà subi deux mois auparavant, cela nous aiderait grandement.

Cette difficulté a conduit au développement de solutions de contournement sur le terrain. Nous nous heurterons à la même difficulté avec l’outil de suivi des décisions. Il s’agit de trouver un outil qui puisse être « vendu » aux établissements. Dans le Finistère, nous avons mis en place cet outil de suivi des décisions en établissement, DELOS, avec une gestion mutualisée. Cela nous a permis d’accéder à des informations très intéressantes. Nous nous sommes ainsi aperçus qu’une personne qui faisait cinq demandes était comptabilisée cinq fois sur les listes d’attente, ou que sur certains types de demandes, plus de 20 % des personnes ayant un droit ne le mettaient jamais en œuvre, car elles faisaient la demande par précaution.

L’essentiel du travail a néanmoins été l’accompagnement sur le terrain. Pour la petite histoire, l’ARS a décidé de mettre en place un outil régional et nous a demandé de tout reprendre à zéro au moment même où nous commencions à mettre le nôtre en œuvre ! D’où la question que nous avons posée : pourquoi les ARS n’utiliseraient-elles pas toutes le même outil ? Nous en revenons à la problématique du système d’information : si nous voulons un système d’information unique, réfléchissons quand même à deux grands projets récents, censés tout régler, qui ont tourné à la catastrophe financière alors qu’ils étaient suivis par les meilleurs spécialistes de l’État. On nous demande de mettre tant de choses dans nos outils informatiques, de les partager avec tant de monde et d’y stocker tant de données que je ne crois pas qu’il soit possible de gérer tout cela à l’échelle nationale. En revanche, il faut que les outils fonctionnent et communiquent entre eux, à travers les web services. La CNSA a pris le projet en main ; il est près d’aboutir, notamment avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). S’il arrive à son terme, nous devrions pouvoir disposer demain de tous les éléments liés à la connaissance de la situation d’une personne faisant une demande dans une MDPH à travers l’outil de la CAF. Cela bénéficiera à l’usager et nous permettra d’améliorer notre réactivité sur les ruptures de droits, ainsi que la lutte contre la fraude, sachant qu’aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens techniques de savoir si une personne qui fait une demande de PCH a formulé la même demande dans un autre département.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vous avez bien identifié les difficultés récurrentes qui sont au cœur de nos travaux et qui sont aussi l’un des sujets de prédilection de mon collègue Pierre Morange, coprésident de la MECSS.

Estimez-vous que la CNSA a aujourd’hui pris conscience de ces difficultés, qui ont fortement pénalisé le fonctionnement des MDPH, et qu’elle est prête à se donner les moyens d’en sortir ? Il est nécessaire de dépasser cette période.

Mme Marie-Pierre Duchemin. Il me semble que la CNSA a conscience que nous avons besoin d’outils de pilotage. Nous avons vraiment du mal à savoir où nous en sommes et s’il y a besoin, par exemple, de créer des places ; nous avons besoin de savoir comment se passe la gestion des files d’attente. À ce jour, nous ne disposons pas de ces indicateurs. L’ARS n’a pas de pouvoir sur les établissements, la MDPH et le conseil général non plus. Certes, nous travaillons en coordination avec eux, mais il y a encore des orientations par défaut, ce que nous ne souhaitons pas. Nous avons donc besoin de tous ces éléments.

Je pense que la CNSA a pris conscience de nos besoins, des problèmes d’interopérabilité ou de redondance de données. Compte tenu des investissements qui ont déjà été faits sur les logiciels, il faut se demander qui prendrait en charge une éventuelle évolution des systèmes d’information. La MDPH de la Nièvre est en difficulté financière. Nous avons d’ailleurs sollicité la CNSA car ces difficultés sont liées à la convention d’origine qui fait que la traçabilité des dotations de l’État n’est pas toujours assurée. Nous attendons par exemple une compensation, qui n’est pas forcément versée, pour des personnes aujourd’hui décédées.

Une réflexion doit donc être conduite sur l’aspect financier. J’ai déjà évoqué l’éventualité d’une aide financière consacrée à la modernisation des MDPH. Nous en aurions besoin pour la dématérialisation : songez que depuis 1975, aucun dossier n’a été trié, si bien que nous sommes obligés de constituer une cellule de pré-tri avant toute dématérialisation. Nous avons demandé à être aidés car nous n’avons pas les moyens financiers nécessaires. Comment ferons-nous si une évolution des systèmes d’information vient s’y ajouter ?

M. John Houldsworth. Nous avons bien conscience que la CNSA s’investit dans ces questions de systèmes d’information et de suivi des places. Néanmoins, il ne faut pas « surinvestir » dans les dispositifs nationaux. Il existe en effet un prérequis : la coordination des acteurs sur le terrain. Aujourd’hui, nous sommes dépendants, pour le suivi des décisions, de ce que les établissements nous disent. Nous devons donc nous coordonner au niveau local. Il appartient à la MDPH de convaincre les différents acteurs de la nécessité du partage des informations. En effet, il subsiste parfois des formes de défiance entre acteurs : certains suspectent les établissements de ne pas vouloir donner toutes les informations pour pouvoir continuer à choisir leurs usagers ; les établissements ne veulent pas perdre la faculté d’adapter leur accueil à leurs projets et à la population qu’ils accueillent déjà ; en-dehors de la validation des budgets et des arrêtés de prix de journée, le pouvoir de contrôle ou de tutelle sur les établissements n’est pas toujours très clair.

Ce prérequis est important pour pouvoir développer un outil informatique commun. En Seine-Saint-Denis, nous avons développé notre propre outil de suivi au niveau de la MDPH – que nous partageons le plus possible. Mais il est défaillant, au sens où il dépend des informations de nos partenaires, que nous savons incomplètes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Concernant les établissements, j’avoue avoir été surprise lors des auditions. Je pensais que la MDPH était informée des entrées et des sorties dans les établissements ; je croyais, peut-être à tort, que la MDPH assurait un suivi des parcours des personnes accueillies en établissement. Il semble – nous l’avions d’ailleurs entendu lors de précédentes auditions – que cela ne soit pas si simple et que nous ne disposons pas de toute l’information. La question du suivi des orientations et des parcours est donc posée ; c’est je crois l’un des points sur lesquels travaille M. Denis Piveteau. Quoi qu’il en soit, j’imagine que le problème est encore plus délicat pour les personnes qui ne sont pas en établissement. Vos remarques nous sont donc précieuses et nous allons les intégrer dans notre rapport.

S’agissant de la coordination, le propre des MDPH est de couvrir des territoires différents : leurs connaissances sont donc différentes. Vous l’avez souligné, certaines maisons départementales fonctionnent mieux que d’autres. La CNSA aura le souci, sinon de généraliser, du moins de faire connaître les bonnes pratiques. Il faut, vous l’avez également souligné, conforter le pilotage de la CNSA afin qu’elle accompagne de manière plus précise les différentes situations dans les territoires.

M. John Houldsworth. Comme le souligne le rapport de M. Luc Broussy consacré à l’adaptation de la société française au vieillissement de sa population, il est important que soit assurée au plan national, entre les administrations centrales, les différentes tutelles et la CNSA, la même coordination qu’entre les différentes administrations et la CNSA au plan local, afin d’éviter des différences préjudiciables, notamment dans l’utilisation des différents outils qui ne sont pas nécessairement connus de toutes les ARS.

M. Yannick Deimat. Les nouveaux modes d’accompagnement – fluidité des parcours, polyaccueil – risquent de complexifier le fonctionnement des MDPH : il ne sera pas simple d’ajouter des acteurs dans le suivi de la décision.

Je participe également, au titre de l’Association des directeurs de MDPH, à la mission IMPACT (innover et moderniser les processus MDPH pour l’accès à la compensation sur les territoires), pilotée par le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) sur la modernisation des process des MDPH : il est nécessaire d’inscrire dans un texte et de mettre en œuvre des prérequis nationaux, seule manière de conforter les initiatives locales. La question est celle de l’identification du demandeur, puisque la mission travaille sur la simplification des démarches, du formulaire et des processus, ainsi que sur le dossier médical partagé. J’ai le sentiment que l’histoire bégaye dramatiquement. Il est désormais possible de déclarer ses revenus et de payer ses impôts sur internet – tous les contrôles sont informatisés –, mais on doit, pour une demande de passeport, remplir et imprimer le document avant de l’apporter à un guichet où il sera ressaisi. Je préfère la pratique des impôts à celle des passeports.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Quelles évolutions législatives seraient nécessaires pour les dix ans de la CNSA, l’année prochaine ?

Les dispositions contenues dans l’avant-projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui visent à renforcer le rôle de la CNSA et à améliorer la connaissance des coûts et des besoins, vous satisfont-elles entièrement ? D’autres dispositions sont-elles à prévoir ? Des améliorations sont-elles possibles, alors que chacun prend conscience des difficultés rencontrées par les MDPH ? Avez-vous des propositions à faire en la matière ?

M. Yannick Deimat. L’Association des directeurs de MDPH propose onze mesures de simplification qui vous seront envoyées. Il faut éviter de placer toute son énergie sur certaines décisions et d’y consacrer tout l’apport technique : ne modernisons pas de l’inutile en omettant de nous appuyer sur l’intelligence collective.

S’agissant du rôle de la CNSA, tout dépendra de l’avenir des départements. La tutelle restera-t-elle aux départements, si rien ne change, ou passera-t-elle aux GIP ou aux ARS ?

L’avant-projet de loi vise à conforter le rôle de la CNSA sur le terrain en la dotant d’un droit d’investigation auquel nous sommes favorables car il nous permettra de nous défendre de toute accusation de laxisme en matière de PCH. De nombreux directeurs sont partis après avoir subi des pressions terribles pour les obliger à revoir les plans de compensation à la baisse. Certains avaient réclamé à cor et à cri des missions d’inspection de la CNSA, dont l’expertise paraît plus légitime que celle de l’IGAS. De telles inspections seraient saines pour la démocratie car elles assureraient le respect, par tous, des règles édictées.

Les articles de l’avant-projet de loi qui traitent du système d’information m’inquiètent, surtout celui qui prévoit un système informatique « commun », si cela aboutit à la création d’un logiciel national. Pour avoir participé au comité stratégique sur le système d’information, je sais que cette perspective fait très peur aux éditeurs, qui commencent à freiner le développement de projets sur le point d’aboutir et dont nous avons besoin pour améliorer notre fonctionnement, comme ceux d’échanges avec la CAF et avec le SipaPH. La dématérialisation des procédures suscite d’énormes attentes. J’ai lancé un projet de dématérialisation de l’évaluation : il faut trouver des outils permettant de concilier le travail sur le terrain avec les remontées épidémiologiques et le suivi statistique. Je doute de l’efficacité d’un logiciel au plan national tout en en percevant déjà tous les défauts par rapport aux investissements que nous avons engagés.

Mme Marie-Pierre Duchemin. Je suis favorable, comme M. Deimat, au fait d’accorder à la CNSA un pouvoir d’investigation sur la méthodologie de travail – j’ai apprécié le travail que j’ai mené avec la Caisse dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

J’attends de la CNSA qu’elle précise la réglementation en vue de rendre complètement équitable la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. La Caisse devrait enfin comprendre ce qu’est l’aide sociale départementale, que personne ne connaît. S’agissant de la PCH en établissement, la personne, si elle est éligible, bénéficie en établissement d’un forfait de 10 %, ce qui constitue une atteinte à l’équité de traitement des bases de la compensation prévue dans la loi de 2005. Les 10 % qui sont alloués à la personne handicapée lorsqu’elle est en établissement n’étant soumis à aucun contrôle d’effectivité de l’aide, c’est comme de l’argent de poche qui lui est versé au titre de l’aide sociale. Comment parler d’égalité de traitement entre les personnes à domicile et en établissement, alors que la loi de 2005 prévoit la vérification du plan personnalisé de compensation des personnes à domicile sans leur accorder ce supplément de revenu que constituent les 10 % ? La compensation doit répondre à un besoin. La CNSA est consciente de l’existence de cette inégalité, que les conseils généraux ne souhaitaient pas couvrir, puisqu’elle est contraire à l’esprit de la loi. Le Conseil d’État n’a cependant rien trouvé à redire à une situation qui entretient la confusion entre aide sociale et PCH. J’attends donc de la CNSA qu’elle pose son regard affûté sur l’application sur le terrain de la PCH afin que l’ensemble des personnes qui la reçoivent soient traitées de manière égale.

La mise en œuvre du dédommagement pour perte de salaire des aidants familiaux peut également donner lieu à une inégalité de traitement. Il faut savoir que la PCH permet aux aidants familiaux d’être dédommagés d’une perte éventuelle de salaire, mais la « solvabilisation » est différente si l’aidant familial ne travaillait pas auparavant et n’a donc subi aucune perte de salaire.

Je reviens sur la PCH en établissement : contrairement à la loi de 2005, on a considéré qu’elle prenait la suite de l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) qui donnait lieu au versement des 10 % que j’ai évoqués plus haut. La CNSA doit faire porter son expertise sur ce dysfonctionnement par rapport à la loi de 2005.

M. Yannick Deimat. La loi de 2005 a été adoptée avant la crise, si bien qu’elle a fini par créer, y compris pour nos évaluateurs, des situations stigmatisantes. La prise en compte de la notion de ressources pour l’évaluation de la PCH devient difficile à vivre pour nos collègues sur le terrain. Certaines personnes handicapées refusent la PCH parce qu’elles n’ont pas les moyens de payer le solde ; d’autres perdent définitivement le bénéfice de la prestation une fois que l’aide apportée par le fonds de compensation leur est supprimée, parce qu’elles ne peuvent pas payer le reste à charge. Par ailleurs, que convient-il de prendre en compte dans le calcul des ressources ? Presque rien ! Si bien que nous n’avons quasiment jamais pu appliquer la clause de réduction de la PCH.

Je tiens également à évoquer le développement des assurances pour les accidents de la vie courante. Lorsqu’un tiers est identifié, il nous est possible de récupérer l’argent, mais il n’en est pas de même lorsque nous avons affaire à des personnes qui s’assurent à titre personnel. Certaines formulations de contrat sont assimilables à de l’escroquerie, notamment quand l’assurance n’intervient qu’en complément de la PCH alors qu’elle était supposée prendre en charge le handicap à 100 %. Lorsque la prise en charge par l’assurance est complète, la personne handicapée considère que sa double indemnisation est légitime puisque c’est elle qui a fait le choix de souscrire l’assurance. Or il faut savoir que des volumes importants sont en jeu. Le conseil général du Finistère a perdu un contentieux, la justice ayant confirmé le versement de la PCH en sus de l’indemnisation par l’assurance, au motif que les dispositions relatives au versement de la PCH prévoient la soustraction de la majoration pour aide constante d’une tierce personne (MTP) mais non celle de l’indemnité versée par l’assurance.

La loi de 2005 a, par ailleurs, organisé une forme d’inégalité territoriale en autorisant les conseils généraux à déplafonner les transports. Il conviendrait également de revenir sur les aides techniques. De nombreux rapports ont souligné le coût exorbitant, en France, des prothèses auditives ou des fauteuils roulants électriques : le prix de certains fauteuils pourrait rivaliser avec celui d’une grosse berline ! Il conviendrait de prévoir des contrôles pour ajuster le tarif de vente, comme cela se pratique dans d’autres secteurs de la santé.

Mme Marie-Pierre Duchemin. Certaines prothèses auditives ayant atteint 2 500 à 3 000 euros chacune, la MDPH de la Nièvre s’est organisée avec la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et la mutualité sociale agricole (MSA) afin d’en faire baisser le coût : elles se sont mises d’accord pour demander deux devis et réétudier le recours au fonds de compensation, en faisant peser la menace de ne plus financer des prothèses aussi chères. La coordination avec les acteurs concernés a permis de faire baisser le prix de chaque prothèse à 1 800, voire 1 500 euros. C’est la proximité et la complémentarité des financements dans le cadre d’une confrontation des méthodes de travail – je pense aux maisons de l’autonomie ou aux maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) – qui nous ont permis d’atteindre ce résultat. Notre prochain effort doit porter sur les fauteuils roulants. Nous avons également observé une petite amélioration sur le coût de l’aménagement du logement, notamment des salles de bain. Il ne s’agit pas de financer l’achat de robinets en or !

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Le projet de loi d’habilitation pour l’adoption par ordonnance des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées sera bientôt examiné en séance publique. J’ai été très intéressée par l’initiative de la Nièvre en matière de coordination avec les chambres consulaires : les artisans et la MDPH ont signé une charte « Handibat », le label « Handibat » faisant l’objet d’une recommandation nationale. Je rencontrerai de nouveau prochainement les acteurs de cette charte : il faut accompagner de telles initiatives qui permettent aux financeurs de s’y retrouver. Toutes les parties prenantes doivent étudier ensemble la question du coût de l’accessibilité.

Pouvez-vous nous faire part d’autres initiatives prises dans d’autres départements ? Il s’agit de repérer les bonnes pratiques en vue de les valoriser.

M. John Houldsworth. La Seine-Saint-Denis en est encore à l’identification des besoins. Nous nous sommes en effet rendu compte que, certains mois, plus de la moitié des PCH accordées ne sont pas mises en œuvre. Nous avons lancé une étude avec nos collègues du conseil général chargés de la mise en œuvre du droit : si nous n’avons pas encore les résultats de l’étude, nous savons d’ores et déjà que, dans de nombreux cas, le reste à charge est trop important, malgré l’aide du fonds de compensation et un montant élevé de PCH.

Nous avons également décidé de travailler sur le contrôle d’effectivité a posteriori des PCH, y compris des PCH « aménagement » et « aides techniques ». Ce travail regroupe les évaluateurs de la MDPH et le financeur qu’est le conseil général. Un tel contrôle n’est pas effectué à l’heure actuelle, où nous nous consacrons uniquement à l’évaluation du besoin et à l’ouverture des droits.

M. Yannick Deimat. La MDPH du Finistère a pris l’initiative, en matière de contrôle, de travailler avec la DIRECCTE sur les ententes illicites, en cas notamment de devis manifestement surestimés. Nous avons également travaillé sur la fraude aux cartes de stationnement avec la gendarmerie qui a mené une opération « coup de poing » : 25 % des personnes contrôlées étaient en infraction de stationnement et 5 % utilisaient la carte d’un tiers ou une carte falsifiée.

Les trois ergothérapeutes de la MDPH du Finistère ont travaillé sur la détermination du surcoût handicap des factures. Demander plusieurs devis contraint à calculer ce surcoût sur les différents devis qui ne sont pas nécessairement construits de la même façon, ce qui allonge les délais, alors que la PCH « aménagement de logement » est déjà la plus longue à instruire. Nos ergothérapeutes rencontrent deux fois par an les ergothérapeutes libéraux du département pour les conseiller en matière d’aménagement. Ils organisent par ailleurs des réunions « Handibat » avec les professionnels du secteur. La MDPH a également accordé un budget à ses ergothérapeutes afin qu’ils organisent à moindre coût un espace de simulation comprenant une salle de bain et une cuisine témoins. Des organismes de vente nous prêtent gratuitement du matériel pour effectuer des essais. Cette initiative entre dans le cadre de l’accompagnement de l’évolution du handicap. Un simulateur de logement – des cloisons mobiles pouvant recevoir des appareils – permet de sensibiliser les artisans et de tester la mobilité. Je crois cette initiative utile, même s’il nous est difficile de chiffrer les gains obtenus grâce à cette politique de sensibilisation.

M. John Houldsworth. J’ignore si la Seine-Saint-Denis aurait les moyens de se lancer dans de telles initiatives.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La population de votre département étant plus jeune, la demande en la matière est peut-être moindre…

M. John Houldsworth. S’il y a moins de personnes âgées en Seine-Saint-Denis que dans d’autres départements, le département doit toutefois compter avec son héritage ouvrier, c’est-à-dire une population vieillissante handicapée ou victime de maladies professionnelles.

Mme Marie-Pierre Duchemin. J’aimerais aborder la question de la convergence des dispositifs de prise en charge des personnes âgées et handicapées, inscrite dans la loi de 2005 et que le CNSA a évoquée notamment dans son rapport de 2008. Pourrait-elle être inscrite dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, dont l’examen a été retardé ?

Je ne parle pas de la convergence des prestations, la PCH étant plus favorable – dans la Nièvre,  200 personnes de plus de 60 ans et de moins de 75 ans bénéficient de la PCH. Mais, alors que les trois maisons de l’autonomie (MDA) font actuellement l’objet d’une évaluation, la convergence devrait permettre des mutualisations – je pense notamment aux cartes d’invalidité pour chacune des deux populations – tout en favorisant des projets communs. Dans les rapports nationaux, le handicap apparaît comme un malheur qui surgit et la vieillesse comme inéluctable. Il conviendrait de changer ce regard pour, comme le prévoit l’avant-projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, permettre aux MDA, dans le cadre de la convergence, de devenir des lieux d’innovation sociale en matière notamment d’aménagement de logements, les deux publics partageant souvent des besoins identiques en la matière. Une telle démarche valoriserait les savoir-faire. Nous assistons aujourd’hui à une évolution des pratiques des professionnels qui gravitent autour des MDPH, des conseils généraux, voire de l’Éducation nationale qui, il est vrai, est un acteur plus éloigné.

M. Yannick Deimat. L’Association des directeurs de MDPH a déjà transmis sa vision de la convergence aux partenaires du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Il existe trois types de convergence : la convergence des prestations, qui est financièrement impossible, la convergence de la gouvernance et la convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation et de suivi de la personne. Cet objectif, inscrit dans la loi, est cohérent.

Il ne m’appartient pas de prendre position sur la place que la société a donnée aux personnes handicapées dans le cadre de la loi de 2005 : la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été ratifiée par la France et par l’Union européenne, a ouvert des droits particuliers aux personnes handicapées. Un de ces droits est leur participation effective à la gouvernance des structures et des commissions qui les gèrent.

L’article 61 de l’avant-projet de loi évoque les MDA : leur évaluation sera très intéressante. De nombreux enseignements doivent être tirés du fonctionnement des MDPH : il ne faudrait pas que les MDA favorisent la diversité dans le traitement des dossiers, voire dans leur propre constitution, comme cela a pu être le cas des MDPH, dont certaines étaient virtuelles. Il conviendra de préciser le rôle respectif des MDPH et des MDA si les deux sont conservées, afin d’éviter les difficultés qui ont présidé à la constitution des MDPH.

Il faudra également clarifier et simplifier les financements. Il a été longtemps demandé que la CNSA devienne le seul et unique interlocuteur des MDPH concernant leurs dotations. Il faut savoir que la gestion des agents est aujourd’hui très compliquée. Dans le Finistère, nous n’avons plus que deux interlocuteurs au lieu de trois : c’est un progrès. Qu’en est-il des décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des MDPH et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, dite « loi Blanc » ? Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) qui étaient prévus pourraient être un moyen de contractualiser les relations et de clarifier les enjeux. L’affectation de crédits de la CNSA au financement des projets a été évoquée. Or, alors que nous en sommes au deuxième renouvellement de notre outil informatique, on ne nous en a financé qu’un. De plus, les attentes fonctionnelles n’ont pas cessé d’augmenter : c’est ainsi que la réforme de l’AAH nous a contraints à revoir tous les dossiers sans pour autant que nous ayons reçu de moyens supplémentaires pour traiter le courrier engendré par cette réforme. Les procédures sont parfois très complexes, comme le droit d’option avec ou sans réversibilité… On nous demande de traiter les dossiers au plus fin dans le cadre de procédures complexifiées et avec des attentes de plus en plus fortes en termes de remontée de données et de respect des échéances. Il serait certainement préférable d’entretenir des relations financières directes avec la CNSA et de les inscrire dans des CPOM. Il faut simplifier les outils.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ces points font-ils partie des onze mesures de simplification que vous avez évoquées ?

M. Yannick Deimat. Non.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. En matière de convergence, le CNCPH travaille avec le Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) et la Conférence nationale de santé (CNS), en vue de valoriser les pratiques communes, de dédramatiser les enjeux et de calmer les inquiétudes suscitées par l’avant-projet de loi. Il convient de répondre aux interrogations qui subsistent. La CNSA doit jouer tout son rôle en la matière.

Quant à la participation des personnes handicapées, elle ne peut que faire l’objet d’un consensus – la CNSA y travaille.

Nous souhaitons également répondre à vos inquiétudes sur le système d’information commun.

Madame, messieurs, je vous remercie.

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AUDITIONS DU 3 JUIN 2014

Table ronde réunissant des représentants des organisations syndicales, membres du conseil de la CNSA : Mme Martine Déchamp représentant la Confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Patrice Malleron représentant la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Mme Sylviane Spique représentant la Confédération générale du travail (CGT), et M. Jean-Marc Bilquez représentant la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO)

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous voudrions dresser un bilan du fonctionnement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) après dix années d’existence. Estimez-vous que les objectifs fixés par la loi ont été atteints ? La gestion de cet organisme vous paraît-elle adaptée ? Comment voyez-vous l’articulation de la CNSA avec les autres acteurs du secteur médico-social ? Certaines faiblesses ont maintes fois été relevées comme l’inadaptation des systèmes d’information ou les limites de la compensation individuelle du handicap ou de la perte d’autonomie, liées à des grilles d’évaluation en partie obsolètes. En tant que membres du conseil de la CNSA, nous aimerions avoir votre réaction sur ces différentes questions.

Mme Sylviane Spique représentant la Confédération générale du travail (CGT). Je ne siège que depuis deux ans au conseil de la CNSA et je n’ai donc pas assez de recul pour dresser un véritable bilan. On peut dire néanmoins que la CNSA a répondu aux objectifs assignés par le législateur.

Le conseil a un double rôle : c’est un organe de débat et de réflexion sur la compensation du handicap et de la dépendance, qui regroupe l’ensemble des parties prenantes, mais c’est aussi un organe de gouvernance qui fixe des orientations budgétaires et répartit des crédits.

On peut toutefois déplorer que plus de 80 % du budget de la CNSA soit défini dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

La CNSA ne fait que répartir les crédits mais elle n’a pas de mission de pilotage. Elle ne peut pas assurer de suivi de l’utilisation des crédits. Les acteurs-clés restent les agences régionales de santé (ARS) et, en deuxième niveau, les conseils généraux, qui mènent des politiques très disparates sur ces sujets.

La CNSA a déploré durant plusieurs années une sous-consommation des crédits dont elle ne pouvait se rendre compte que plusieurs mois après leur utilisation. Cette réalité est paradoxale étant donné l’importance des réserves financières au niveau national.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ce paradoxe est bien connu et a été analysé. La situation s’est améliorée ces dernières années.

Mme Sylviane Spique. C’est vrai que la situation est meilleure, mais attendre huit années avant de constater que les réserves financières étaient surdimensionnées est tout de même problématique compte tenu de l’importance des besoins non satisfaits. De plus, ce sont des décisions ministérielles qui viennent affecter les réserves et non la CNSA qui n’a aucun pouvoir décisionnaire en la matière.

Concernant les systèmes d’information, les défauts dénoncés notamment par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) s’expliquent aisément par la dispersion des acteurs qui ont chacun mené leur propre politique d’équipement informatique. Là encore, la CNSA n’est pas un véritable pilote, elle subit ce dysfonctionnement et ne peut guère accélérer les réformes d’harmonisation nécessaires.

Les prestations et aides accordées sont trop disparates sur le territoire. Les tarifs de l’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA) pour une heure d’aide à domicile vont de 16,9 à 21,5 euros. Les tarifs les plus bas ne couvrent pas le prix de revient de l’intervention d’un professionnel. Les personnes âgées doivent soit compléter ce montant sur leurs ressources personnelles soit accepter une réduction de la durée des interventions pour l’aide à domicile. On en arrive à des restrictions difficilement gérables, comme limiter à une demi-heure l’intervention d’un professionnel pour coucher une personne âgée. Bien souvent, il est impossible de respecter cet horaire en raison du degré de dépendance. De même, pour un même état de santé, les aides attribuées sont très variables selon les départements.

La CGT aurait préféré la création d’un cinquième risque de la sécurité sociale pour garantir à tous une véritable égalité quel que soit le territoire de résidence. Les grilles d’appréciation de la dépendance ou du handicap sont totalement obsolètes, notamment pour les personnes âgées handicapées. Ces grilles laissent trop de place aux appréciations subjectives et conduisent à de véritables disparités de traitement pour des états de dépendance comparables.

Mme Martine Déchamp représentant la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Le conseil de la CNSA n’est pas un conseil d’administration, car ses pouvoirs de gestion sont très limités.

La CNSA a été créée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées comme un opérateur national pour assurer l’égalité de traitement de tous les handicaps. Elle devait jouer un rôle d’animation, apporter une capacité d’expertise et répartir les financements destinés aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. La CNSA a atteint ses objectifs et assure une véritable médiation entre les acteurs nationaux et les politiques locales. La gouvernance actuelle est positive. On peut cependant regretter le poids trop lourd de l’État au sein du conseil.

La CFDT ne demande plus la création d’un cinquième risque mais voudrait améliorer le pilotage de la CNSA.

Le financement soulève des difficultés très complexes. On constate une sous-consommation des crédits pour les établissements de personnes âgées alors que, pour les établissements pour personnes handicapées, la situation est inversée et on déplore une surconsommation. L’égalité de traitement est mal assurée du fait de la disparité des politiques menées par les conseils généraux.

La réforme territoriale à venir suscite de multiples interrogations car il est indispensable de garder une présence administrative de proximité pour les questions médico-sociales.

Concernant les systèmes d’information, il est urgent de les rendre plus performants et d’œuvrer à leur harmonisation. Il s’agit d’un travail colossal qui a débuté mais dont on ne ressentira les effets que progressivement tellement la tâche est immense. L’objectif recherché est de disposer d’informations fiables au niveau national pour mieux déterminer les besoins non pourvus. Il est difficile aujourd’hui d’apprécier s’il faut encore créer des places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Nous estimons très positif que l’avant-projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement prévoit la création d’un portail unique recensant l’ensemble des équipements d’accueil et d’hébergement.

La grille AGGIR (autonomie gérontologie groupe iso-ressources) devrait être modifiée pour mieux appréhender le degré de dépendance, qui reste complexe à évaluer et qui doit tenir compte de l’environnement humain et matériel de la personne. Afin d’améliorer la prévention, les caisses de retraite cherchent à définir des critères permettant d’apprécier les pertes d’autonomie plus légères (GIR 5 et 6).

On peut déplorer que certains établissements restent sous-occupés car le reste à charge est trop important. On comprend mal l’importance des réserves, évaluées à près de 400 millions d’euros en 2013, alors que, dans le même temps, des projets de création de places d’hébergement se heurtent à des refus de la part de certaines ARS.

Pour conclure sur une note optimiste, il faut se féliciter de la décision du 15 avril dernier accordant 10 millions d’euros pour le financement de foyers logement dans l’attente de plus profonds changements qui seront votés dans le cadre du futur projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. S’agissant de la question des places en EHPAD, le vrai sujet est l’évaluation des besoins, car, comme vous l’avez souligné, certains établissements ne sont pas pleins. Certes, ceci s’explique par l’importance du reste à charge pour les familles, mais aussi par des besoins différents. M. Denis Piveteau mène une étude sur les situations critiques. Il convient de se référer à la notion de parcours, certaines personnes âgées n’ayant pas la nécessité d’être accueillies à temps complet dans des établissements.

La question de l’organisation des différentes structures sur un territoire et celle du cloisonnement entre le secteur sanitaire et médico-social se posent.

Avez-vous connaissance d’expérimentations qui pourraient être des solutions ?

M. Jean-Marc Bilquez, représentant la Confédération générale du travail (CGT). Je partage l’ensemble des réflexions de mes collègues, notamment sur la grille AGGIR. Je souhaiterais insister sur le renforcement de la gouvernance de la CNSA qui me semble essentiel.

Tout d’abord, je veux insister sur le bilan positif du fonctionnement de la CNSA. Le tandem composé du directeur Denis Piveteau et du président Alain Cordier a remarquablement bien fonctionné et la gouvernance de cette époque était très intéressante, même s’il est encore trop tôt pour juger la nouvelle présidence de Mme Paulette Guinchard.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Elle avait d’ailleurs participé aux travaux préparatoires lors de la création de la CNSA.

M. Jean-Marc Bilquez. La gouvernance de la CNSA est marquée par une certaine ambiguïté. En effet, le conseil n’est pas un conseil d’administration et ne dispose pas des mêmes pouvoirs que ceux des organismes de la sécurité sociale comme la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ou la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). J’en veux pour preuve trois exemples.

En premier lieu, le nombre de voix dont dispose l’État au sein du conseil est prépondérant : 37 voix, sans compter celles des trois personnalités qualifiées, désignées par l’État, sur 83 voix. Je plaide donc pour que l’État ne participe plus à ce conseil. La tutelle est puissante et un commissaire du gouvernement y siégeant suffirait.

En deuxième lieu, le conseil n’a pas de rôle budgétaire et n’est pas associé à la présentation des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, la CNSA a continué à fonctionner malgré la vacance du poste du président Alain Cordier pendant de nombreux mois avant la nomination de M. Francis Idrac.

Il faut donner plus de poids à ce conseil.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous invite à prendre connaissance des nombreux rapports sur ce sujet. Si la CNSA a pu fonctionner, c’est que la vacance n’a pas duré trop longtemps.

M. Jean-Marc Bilquez. Le conseil de la CNSA est faible en raison de sa composition et de la prépondérance des voix accordées à l’État. Un vote mettant en minorité l’État secourait la tutelle. Ce cas de figure est déjà arrivé par deux fois, au prix d’alliances politiques et de rassemblements très larges.

Quant au rôle du CNSA, la création des ARS a induit un filtre entre les départements et la CNSA, ce qui l’empêche d’approcher le terrain.

La prochaine réforme territoriale, avec l’évolution des compétences des conseils généraux, qui pourrait avoir pour conséquence que des missions soient remplies par des structures différentes selon les départements, risque de susciter des difficultés et des différences de traitements selon les territoires, notamment dans le financement de l’APA ou de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je tiens à souligner que les débats sur cette question n’ont pas débuté. La question de la proximité est importante.

S’agissant du rôle du conseil et de ses moyens, que pensez-vous de la création d’un Haut Conseil de l’âge ?

M. Jean-Marc Bilquez. Je ne participe pas à la gestion de ce dossier, il m’est donc difficile de me prononcer. Je tiens seulement à souligner que si ce Haut Conseil est créé, le conseil ne devra pas être dessaisi de son rôle de réflexion.

S’agissant des places en EHPAD, la difficulté provient plus de leur coût et de leur accès que d’un manque de places, même si dans certaines parties du territoire des tensions existent. Je note que ce sujet ne figure pas dans l’avant-projet de loi.

M. Patrice Malleron représentant la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Je partage les réflexions sur la gouvernance et la question des votes. La CNSA est une institution nécessaire qui permet une écoute mutuelle et des débats intéressants. S’agissant des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), il convient d’intégrer tous types de handicaps, d’où cette notion de maison de l’autonomie. L’évaluation des besoins de la personne dépendante, que ce soit celle de la personne handicapée ou âgée, devrait être réalisée par une instance autonome et non par le département qui est le financeur. Je milite pour un renforcement des ARS et pour l’existence d’un budget unique du financeur, quelle que soit la nature du besoin à prendre en charge.

Les MDPH ont besoin de se restructurer. Les places doivent être attribuées selon les besoins des personnes et non selon la disponibilité d’accueil des établissements.

Enfin, l’accueil en EHPAD de la personne handicapée vieillissante n’est pas adapté.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ce phénomène soulève en effet la question des moyens en personnel et de la formation des équipes à ce type de situation.

M. Patrice Malleron. Le premier point est la nécessité de développer la prévention. Ensuite, la professionnalisation de ces personnels est nécessaire, surtout dans le cas des personnes âgées maintenues à domicile. C’est pourquoi, il convient de reconnaître la formation dans les grilles de salaire.

Il existe une inégalité dans le reste à charge des EHPAD selon les territoires, c’est pourquoi il serait nécessaire d’instituer un guichet unique au niveau du financement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Le texte qui sera présenté marquera un changement d’approche et permettra de poser la question du handicap. Sur la question du reste à charge, je vous invite à relire le rapport de Mme Paulette Guinchard, réalisé en 2007 dans le cadre de la MECSS, qui reste d’actualité.

Mme Martine Déchamp. Le dispositif de prise en charge est plus éclaté et moins structuré pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées. Mme Michèle Delaunay a grandement contribué à la dénomination du Conseil de l’âge et nous trouvons cette appellation constructive. La CFDT est favorable au renforcement du rôle de la CNSA par la loi, notamment par une meilleure coordination des financeurs. La contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) est due par les retraités depuis le 1er avril 2013 : il y a donc une certaine impatience de leur part de savoir comment cette taxe va financer la dépendance et il serait souhaitable que la loi soit votée avant la fin de l’année.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. La question de la convergence entre ces deux secteurs se pose aujourd’hui. La notion de parcours des personnes tout au long de leur vie permettra ce rapprochement.

M. Patrice Malleron. Le nom de « conseil de l’âge » me pose problème car il est bien ici question de perte d’autonomie. Or celle-ci n’est pas toujours proportionnelle à l’âge. Il faut être très attentif à la sémantique.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ce nom a pour objectif de rappeler que les différentes étapes de la vie, et donc l’âge, nécessitent une prise en charge particulière. Cependant, la sémantique est effectivement importante. Je tenais aussi à rappeler que le projet de loi relatif à la santé publique contiendra des mesures relatives à la politique de prévention en faveur des personnes âgées car la logique préventive est aussi essentielle pour éviter le développement de certaines fragilités chez les personnes âgées.

M. Jean-Marc Bilquez. Je confirme l’impatience des personnes retraitées de connaître l’utilisation qui sera faite de la CASA.

Mme Sylviane Spique. Notre organisation était opposée à la mise en place de cette contribution : on ne peut accepter qu’une contribution soit créée pour financer une action qui n’existe pas encore.

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Audition de M. Christian Anastasy, directeur général de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), et M. Christian Espagno, directeur associé

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous portons une attention particulière aux moyens dont dispose la CNSA pour remplir les missions qui lui ont été assignées lors de sa création. Plusieurs rapports ont montré l’importance de son rôle, tout en soulignant certains points sur lesquels des améliorations apparaissent nécessaires, notamment pour ce qui concerne l’égalité de traitement entre les territoires.

Dix années se sont écoulées depuis la création de la CNSA. C’est peu, mais c’est suffisant pour dresser un premier bilan. Quels vous semblent être les principaux apports de la Caisse ?

Pouvez-vous nous présenter les travaux que vous conduisez en collaboration avec la CNSA afin de promouvoir la performance dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS), et plus particulièrement la construction d’un tableau de bord partagé (TBP) qui doit permettre d’établir des comparaisons entre établissements ?

Les directeurs de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), que nous avons auditionnés le 22 mai, nous ont fait part du manque d’outils de pilotage et d’indicateurs, notamment concernant le suivi des places en établissement. Vos travaux peuvent-ils apporter des réponses à ces difficultés ?

Je vous laisse la parole afin de vous présenter et de répondre à ces premières questions.

M. Christian Espagno, directeur associé de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP). Chirurgien de formation, j’ai exercé pendant trente-cinq ans en neurochirurgie, d’abord en centre hospitalier universitaire, puis dans un établissement privé de la région toulousaine. J’ai ensuite été amené à diriger ce dernier pendant sept ans, ce qui m’a permis d’adopter le point de vue d’un responsable d’établissement. J’ai enfin intégré l’ANAP en octobre 2011.

M. Christian Anastasy, directeur général de l’ANAP. Je dirige l’ANAP depuis sa création, le 1er avril 2009. Auparavant, j’ai été directeur d’hôpital, d’abord dans le secteur public, puis dans le privé commercial et dans celui des établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC). Pendant cette longue période, j’ai observé, dirigé, réorganisé des établissements sanitaires et médico-sociaux. En matière sanitaire, j’ai travaillé aussi bien dans le champ de la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) que dans celui de la psychiatrie. Avec un parcours aussi diversifié, j’ai naturellement été conduit à envisager de faire carrière à l’ANAP.

Au sujet de la CNSA, je me dois de rappeler que nous n’avons pas avec cette institution des relations égalitaires, puisque la Caisse occupe un siège à notre conseil d’administration. La gouvernance de l’ANAP est par ailleurs œcuménique : outre l’État, représenté par cinq directions d’administration centrale – la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et celle de la cohésion sociale (DGCS) ; la direction de la sécurité sociale ; la direction du budget ; le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales –, siègent également à ce conseil notre financeur principal, l’assurance maladie, ainsi que notre financeur secondaire, la CNSA – qui apporte 3 % de notre budget de 30 millions d’euros –, ainsi que l’ensemble des fédérations du secteur sanitaire et médico-social : la Fédération hospitalière de France (FHF), la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP), la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) et le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA).

Comme l’ensemble des administrateurs, la CNSA participe à la définition du programme de travail de l’Agence, établi chaque année. L’ANAP hiérarchise les commandes en fonction de ses compétences – ainsi, les problèmes de qualité seront plutôt renvoyés à la Haute Autorité de santé (HAS) ou à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) – et de l’effet escompté sur les 3 000 établissements sanitaires et les 30 000 établissements et services médico-sociaux (ESMS).

Dès l’origine, la CNSA nous avait demandé de réfléchir aux moyens de mieux apprécier la performance des ESMS, qui occupent un champ très vaste. En effet, si, dans certains domaines, on mesure assez bien la lourdeur de la prise en charge – c’est le cas s’agissant des personnes âgées, grâce aux grilles AGGIR (autonomie gérontologie groupe iso-ressources) et PATHOS –, les indicateurs sont inexistants pour les personnes handicapées.

J’en viens aux travaux que l’Agence, conformément aux commandes de la CNSA, a réalisés pour ces établissements, et que l’on peut regrouper en quatre grands domaines.

Notre première préoccupation était de savoir de quoi nous parlions. Nous avons donc cherché à acquérir une meilleure connaissance du secteur médico-social, en réalisant un inventaire de ses 30 000 établissements. Le résultat est un guide coédité avec la CNSA – Le secteur médico-social, comprendre pour agir mieux –, qui est devenu un document de référence. Il n’est, en effet, pas évident, pour les fonctionnaires amenés à gérer les établissements de ce secteur, de s’y retrouver parmi les SAVS (services d’accompagnement à la vie sociale), les SAMSAH (services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés), les SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) et autres SAD (services à domicile). Ce document est d’ailleurs le plus téléchargé parmi tous ceux que propose actuellement l’ANAP, avant nos recommandations en matière de chirurgie ambulatoire, ce qui prouve qu’il répond à un besoin.

Un deuxième volet de nos travaux a concerné les systèmes d’information. Vous avez cité le tableau de bord partagé : l’élaboration de cet outil, prévu pour être un moyen simple de diffuser des indicateurs, induisait, en effet, une réflexion sur les systèmes d’information dans le secteur médico-social et sur ce que les spécialistes appellent « l’urbanisation des systèmes d’information » : l’objectif était de faciliter la transmission d’indicateurs en tout point du territoire, leur diffusion homogène et leur comparaison.

Un des aspects principaux de la demande de la CNSA concernait les indicateurs à retenir pour comprendre comment fonctionne le secteur. Nous sommes partis de l’idée simple qu’il n’y a pas d’équité sans transparence. Comme je l’ai dit, on peut mesurer, grâce aux grilles existantes, le degré de prise en charge d’une personne âgée selon qu’elle relève du GIR 5 ou du GIR 1, mais il n’en est pas de même pour les personnes handicapées. En outre, nous ne connaissons pas la relation entre les personnes et la consommation de ressources qu’elles induisent. Nous avons donc cherché à construire un tableau de bord simple permettant d’introduire plus de transparence dans la consommation de ressources entre établissements de niveaux plus ou moins comparables, afin de parvenir progressivement à réguler les moyens en fonction de l’ampleur de la prise en charge.

Il nous a fallu du temps – deux ans – pour accomplir ce travail, parce que nous avons procédé par consensus d’experts. Des personnes choisies par les fédérations représentées à notre conseil d’administration, par la CNSA, par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales se sont réunies dans un lieu assez convivial, où chacun pouvait s’exprimer, afin qu’un consensus se construise sur l’architecture globale du tableau de bord, puis sur des indicateurs.

En définitive, le tableau de bord comprend quatre axes fonctionnels – les prestations de soins, les ressources humaines et matérielles, les finances, les objectifs selon les structures, c’est-à-dire le projet de soins, de vie ou thérapeutique –, que permettent d’observer quarante-trois indicateurs.

Il a été décidé de ne pas réaliser ce tableau de bord à des fins de tarification, mais de dialogue de gestion. Un établissement sera d’autant plus enclin à échanger des informations avec d’autres établissements et avec sa tutelle qu’il sait que cette dernière ne va pas s’en servir pour lui opposer des mesures tarifaires coercitives. Le dialogue de gestion permet d’évaluer le type de population prise en charge, le projet de soins et l’utilisation des moyens disponibles.

L’élaboration du tableau a impliqué entre quatre-vingt et cent personnes. Nous avons travaillé avec trois agences régionales de santé et deux départements volontaires, avec des représentants de l’ANESM, de la DGCS, de la CNSA, de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et d’autres. Pour chaque axe fonctionnel, nous avons retenu des indicateurs de dialogue et des indicateurs d’analyse et de pilotage interne. Dans la première catégorie, pour ce qui concerne les prestations de soins, figurent, par exemple, le score moyen de dépendance GMP (GIR moyen pondéré) ou le taux de personnes en dérogation ou hors autorisation, et dans la deuxième, le profil des personnes accompagnées. S’agissant des ressources humaines, on citera la répartition des effectifs par fonction – nombre d’aides-soignants dans chaque établissement, taux d’absentéisme. En matière de finances, on peut donner l’exemple de la répartition des recettes par groupe sur la section exploitation. Pour ce qui concerne les objectifs, l’indicateur d’analyse est l’échelle de maturité du système d’information.

Pour parvenir à structurer les systèmes d’information, il était nécessaire de proposer un projet fédérateur, un but qui inciterait tout le monde à transmettre des informations. Nous avons donc beaucoup insisté, notamment auprès de la DGCS, pour que le tableau de bord soit un instrument de dialogue de gestion et pas du tout un instrument de tarification.

Il pourrait néanmoins le devenir dans un second temps. Dans le secteur sanitaire, on a mis vingt ans à créer le programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI), et il a fallu encore vingt ans, le temps que chacun ait pris l’habitude d’utiliser ce système, pour fixer des tarifs liés à des groupes homogènes de malades, ce qui a donné naissance à la tarification à l’activité (T2A). Il en est de même dans le secteur médico-social : il faut d’abord une acclimatation. L’idée d’une adéquation entre les actes et les ressources doit d’abord être assimilée, et les professionnels concernés doivent s’habituer à se confronter les uns aux autres ; c’est seulement ensuite, sur la base d’indicateurs transparents et acceptés par la communauté, que l’on pourra en venir à la tarification.

Une fois élaboré, le tableau de bord a été testé in situ dans 500 établissements répartis sur cinq régions et dix-huit départements, avant d’être étendu à près de 800 établissements. Cela peut paraître peu au regard d’un total de 30 000 établissements, mais cela constituait un volume suffisant pour qu’une généralisation du système apparaisse pertinente.

Ce travail a été entamé à la fin de l’année 2009 ; le tableau de bord a été mis au point au cours des années 2010 et 2011, et son utilisation généralisée en 2012 et 2013. Aujourd’hui, nous en sommes à la dernière étape ; nous nous sommes engagés à transférer toutes les informations – trucs et astuces divers, bases de données, logiciels de traitement des données – à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH). Certes, celle-ci n’a pas, a priori, vocation à prendre en charge un tel système, mais il n’est pas du ressort de l’ANAP de gérer une base de données volumineuse. Plutôt que de passer un marché avec une société de services informatiques, nous avons préféré nous adresser à une agence publique afin d’assurer la pérennité des données recueillies.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. L’usage du tableau de bord partagé devait être généralisé au cours de l’année 2014, mais il semble que l’ATIH rencontre des difficultés liées à sa charge de travail. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

M. Christian Anastasy. Je ne dispose pas d’informations précises, mais je suppose que la gestion en routine d’un outil de cette nature nécessiterait des moyens supplémentaires.

L’ATIH emploie entre 120 et 130 personnes habituées à gérer des systèmes d’information complexes : il était donc naturel de se tourner vers elle, d’autant que les organismes susceptibles de s’occuper du TBP n’étaient guère légion. L’ANAP, je le répète, n’a pas les moyens de prendre en charge une base de données de cette ampleur. Quant à la CNSA, elle aurait dû créer une équipe spécialisée, ce qui paraissait compliqué. Notre choix était donc logique. Cela étant, il faut sans doute renforcer les moyens de l’ATIH, mais surtout en étendre le champ de compétences au secteur médico-social et non plus seulement hospitalier. Cette solution fait consensus, mais le décret qui doit modifier les compétences de l’Agence n’est toujours pas paru.

Cela n’empêche pas l’ANAP et l’ATIH de travailler de concert à une généralisation, dès 2015, du tableau de bord partagé à toutes les régions de France. Non seulement l’outil est suffisamment robuste, mais nous avons réussi à faire admettre qu’il n’est pas un instrument coercitif – seulement un outil de dialogue de gestion. La directrice générale de la cohésion sociale l’a d’ailleurs rappelé, et les fédérations partagent ce point de vue. Dès lors, il importe que le décret paraisse rapidement afin que l’ATIH ait toute légitimité pour gérer le tableau de bord partagé.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Les auditions précédentes ont montré que le défaut de connaissance du secteur médico-social et la faiblesse des systèmes d’information étaient des problèmes sur lesquels tout le monde se heurtait. À vous entendre, avant de pouvoir les résoudre, il était indispensable d’organiser un dialogue et de construire une culture commune afin de parvenir à un consensus et de surmonter les réticences. Désormais, les conditions semblent réunies pour mieux connaître ce secteur.

M. Christian Anastasy. On ne gagne pas de temps à vouloir aller trop vite. Prendre le temps de faire les choses est un des principes qui guident l’action de l’ANAP, d’autant que l’on ne peut pas imposer les choses en tordant le bras des acteurs. L’État cherche souvent à agir vite parce que les titulaires du pouvoir sont éphémères et souhaitent laisser leur empreinte. Mais une action publique exige du temps, non seulement pour être élaborée par les pouvoirs publics, mais aussi pour que les personnes concernées puissent se l’approprier. Le Conseil d’État a classé l’ANAP parmi les agences qui « exercent l’État autrement ». J’aime cette définition : nous accomplissons, en effet, une action publique au service de l’État, mais de façon différente, sans recourir au décret ou à l’injonction comminatoire. Nous sommes au contact des acteurs de terrain, que nous connaissons bien – tous les professionnels de l’ANAP ont exercé auparavant dans des établissements sanitaires ou médico-sociaux –, et nous essayons de bâtir avec eux un système efficace, respectueux des orientations définies par les pouvoirs publics, mais tenant compte également des réticences des personnes concernées. Dans un contexte marqué par le rejet des discours institutionnels, quelle que soit leur origine, et s’agissant d’un secteur aussi atomisé, une telle attitude me paraît indispensable pour mener des politiques publiques susceptibles de faire consensus.

Reste qu’une fois le tableau de bord élaboré, il faut l’alimenter, ce qui n’est pas toujours simple.

M. Christian Espagno. Cela demande, en effet, un certain temps, dans la mesure où le niveau de maturité des systèmes d’information du secteur est faible. Nous avons ainsi constaté que, dans plus des deux tiers des 800 établissements constituant l’échantillon, le tableau de bord devait être rempli à la main faute d’un système d’information adéquat. Un autre avantage de ce projet a donc été de faire prendre conscience à l’ensemble des structures médico-sociales de la nécessité de se doter d’un équipement informatique minimal, si possible harmonisé et communiquant, ainsi que de méthodes de gestion plus modernes.

M. Christian Anastasy. Nous avons choisi comme méthode d’aller à la rencontre des professionnels – par exemple, l’Association des amis et parents de personnes handicapées mentales (ADAPEI) de la Loire, à Saint-Étienne –, afin de connaître l’infrastructure réseau mise en place et les résultats obtenus. Ensuite, nous publions le retour d’expérience, en ligne et sous forme imprimée, afin de le mettre à la disposition des acteurs. De tels documents n’ont, bien sûr, pas force de loi, mais ils peuvent servir de référence pour d’autres structures moins avancées. Pour élaborer un système d’information, il est toujours plus facile de s’inspirer d’exemples existants que de partir de zéro. Comment l’ADAPEI de la Gironde ou l’Institut Le Val Mandé procèdent-ils ? Comment Korian a-t-il mis au point le dossier résident informatisé ? Comment les établissements Médica de Paris et d’Aix-en-Provence ont-ils élaboré un système d’information centralisé ? Les professionnels du secteur peuvent se référer à ces expériences et s’en inspirer, quitte à les adapter.

Le tableau de bord partagé donne un objectif à atteindre en matière de système d’information dans un secteur où de tels systèmes sont très peu développés. Une maison de retraite, on le sait, dispose d’un budget réduit. L’ordinateur qui y est utilisé peut être celui avec lequel la directrice de l’établissement tient la comptabilité de son mari artisan. Cela se passe ainsi dans la vraie vie. Quand il n’existe qu’un poste pour un établissement de quatre-vingts lits, la notion d’urbanisation des systèmes d’information apparaît bien exotique. Dans un tel contexte, on ne peut qu’être bien accueilli quand on propose une application dédiée, voire une aide pour s’équiper du matériel adéquat. D’autant que le tableau de bord est également partagé par les autres structures d’un même groupe : tous les établissements de l’ADAPEI, par exemple, bénéficieront du même outil, ce qui les habituera à se parangonner entre eux. Il en résultera une émulation entre les professionnels.

Dans ce processus, la CNSA a toujours joué un rôle facilitant. Ses représentants ont participé aux groupes de travail et ont fortement contribué à l’élaboration du tableau de bord. Ils ont, par ailleurs, soutenu la méthode consistant à faire intervenir les pairs. En outre, la caisse nous a apporté une autorité dont nous ne disposions pas nous-mêmes, d’autant que le secteur médico-social était plutôt réservé à l’égard de la notion de performance. Je l’ai souvent entendu lors des premiers congrès auxquels j’ai participé : « Nous ne faisons pas de performance, nous construisons des projets de vie au service des gens. » De telles réticences sont compréhensibles. Il nous a donc fallu convaincre nos interlocuteurs que la performance des systèmes d’information et la qualité des informations transmises étaient sources de transparence et donc d’équité.

On sait bien, en effet, que les dotations sont moins favorables qu’autrefois, notamment pour ce qui concerne les personnes handicapées. C’est d’autant plus vrai que la moitié des départements de France connaissent des difficultés avec leur budget de l’aide sociale. Dès lors, les établissements les plus récents ont tendance à être moins bien dotés. Mais avant de corriger les écarts, il faut les mesurer. Cela, les acteurs l’ont plutôt bien compris.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Comment avez-vous choisi les établissements participant à l’expérience ?

M. Christian Anastasy. Ils étaient volontaires.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je suppose que lorsque les établissements concernés font partie d’un grand réseau comme l’UNAPEI, leur pratique n’est pas sans effets sur les autres établissements du réseau.

M. Christian Anastasy. En effet, d’autant que certaines fédérations avaient déjà avancé dans cette réflexion. Par exemple, la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (FEGAPEI) disposait, dès 2009, d’un système d’information performant mais qui n’était utilisé que par une partie des adhérents. Voyant qu’une agence nationale, appuyée par la CNSA, les agences régionales de santé (ARS) et les conseils généraux, intervenait pour rendre ces instruments plus transparents et plus ouverts, les grandes fédérations ont très vite suivi le mouvement. C’est d’ailleurs leur intérêt de disposer d’une vision panoramique de l’activité des établissements de leur réseau. Elles ont contribué à la propagation et à la diffusion du tableau de bord ; à ma connaissance, aucune d’entre elles ne s’est opposée au processus.

Notre but est le même que celui de l’État : répartir les moyens de façon équitable. Mais pour cela, il faut se donner du temps, respecter les acteurs, leur culture, leur histoire. Tous ne s’entendent pas entre eux ; certains ont une sensibilité religieuse, d’autres sont laïcs. Dans ce climat très sensible, il était nécessaire d’établir un dialogue et d’associer les personnes concernées à nos travaux. En adoptant une attitude trop volontariste, en voulant faire trop vite, on se serait mis tout le monde à dos, si bien que le projet de tableau de bord, initialement proposé par M. Hervé Droal à la CNSA, aurait probablement connu l’échec. Notre rôle a donc été de créer du consensus. Or, si les notions de comparaison et de performance étaient difficilement acceptables, l’idée d’équité dans la répartition des enveloppes, elle, pouvait faire consensus.

Dans le secteur hospitalier, nous avons élaboré un outil, « Hospi-diag », désormais très utilisé, et qui répondait à des besoins similaires : c’est un instrument de dialogue de gestion partagé par l’ensemble des acteurs et destiné à améliorer la transparence et l’équité. De telles démarches paraissent indispensables si nous voulons que soit mieux appréciée l’action d’institutions qui consomment d’importantes ressources publiques.

Outre la recherche d’une meilleure connaissance du secteur et l’aide à la structuration des systèmes d’information, nos travaux ont concerné l’approche territoriale. La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), mais aussi la politique actuelle, conduisent à apprécier les problématiques de prise en charge des personnes non pas par établissement, mais par parcours de soins. Un patient peut, en effet, fréquenter la médecine de ville puis alterner entre un établissement hospitalier et un établissement médico-social ; il est souvent amené à croiser différents producteurs de services de santé, de soins et d’hébergement.

C’est pourquoi notre réflexion s’est articulée autour de trois axes : les territoires, les établissements, les personnes. Comment mieux prendre en compte les parcours sur un territoire, en s’appuyant sur les schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) ? Comment promouvoir la mutualisation entre établissements et l’externalisation des services, notamment par le biais du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) ? S’agissant des personnes, on parle toujours de leur parcours, mais on ne leur demande jamais leur avis. Il nous paraît donc nécessaire de travailler davantage avec les associations de patients. Par exemple, il ne sert à rien d’organiser une consultation avancée pluridisciplinaire dans une ville si les gens ont l’habitude de faire leur marché ailleurs.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Vos travaux vous permettent-ils d’identifier les modes de coopération qui fonctionnent le mieux, ceux qui pourraient être érigés en modèles ?

Par ailleurs, où en est le projet PAERPA (personnes âgées en risque de perte d’autonomie), expérimenté dans neuf ARS, et qui doit permettre d’évaluer les différents modes d’allocation des ressources nécessaires à la prise en charge des personnes ? Quel est votre rôle dans ce dispositif ?

M. Christian Espagno. Le tableau de bord partagé comprend un socle commun d’indicateurs valables pour tous les établissements, et des indicateurs plus spécifiques adaptés à tel ou tel type de structure. Nous espérons que sa diffusion – nous avons l’ambition d’étendre son usage à 4 000 nouveaux établissements avant la fin de l’année – permettra d’avoir, au moins sur une partie des territoires, une meilleure connaissance de la situation actuelle de l’offre.

Nous avons pu observer que l’organisation du secteur médico-social n’était pas toujours adaptée aux besoins des patients. Nous avons donc lancé des études et entrepris des expérimentations sur la transformation d’établissements psychiatriques en établissements médico-sociaux. Le retour d’expérience fera l’objet d’un document publié à la rentrée.

Nous réfléchissons, par ailleurs, aux moyens d’étendre l’expérimentation relative à la coopération entre établissements sanitaires, qui est actuellement menée dans trois régions, aux coopérations entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. On sait, en effet, que l’un des problèmes auxquels sont confrontés les premiers est le manque de « débouchés », ou du moins de fluidité, dans le parcours des patients vers le secteur médico-social.

S’agissant du projet PAERPA, le diagnostic territorial est terminé dans cinq territoires, et il est en cours dans les quatre autres. Nous devrions établir avant la fin de l’année une cartographie plus exploitable des parcours des personnes âgées. Toutefois, compte tenu des moyens importants, tant humains que financiers, qu’exige l’établissement du diagnostic territorial au sein des ARS, la généralisation de l’expérience à un plus grand nombre de territoires pourrait poser problème.

M. Christian Anastasy. Le secteur médico-social est très atomisé : les 30 000 établissements sont assez bien répartis géographiquement, mais la plupart sont des petites structures. Dans ces conditions, il ne sera pas facile de développer les coopérations. Pour autant, les modèles vont s’imposer d’eux-mêmes, chacun des acteurs n’ayant pas les moyens de développer, à lui seul, un système d’information ou un mode de management pertinent. Certes, les établissements appartenant à un réseau peuvent bénéficier de l’aide de leur fédération pour gérer leurs effectifs, leurs achats et leur système d’information. Mais s’agissant des plus isolés, il est indispensable de les inciter à la coopération. Il faut commencer par le plus simple, c’est-à-dire par l’harmonisation des systèmes d’information – et à cet égard, le tableau de bord partagé joue un rôle fédérateur. Mais il faut aussi mettre en commun les achats et la gestion des ressources logistiques, financières ou humaines.

La gestion des ressources humaines n’est pas plus simple dans un petit établissement de quarante places que dans une structure qui en comprend dix fois plus. En revanche, il sera plus difficile pour une petite structure de recruter un directeur des ressources humaines expérimenté : non seulement les candidats potentiels auront des prétentions salariales trop élevées, mais un tel poste serait en deçà de leurs ambitions. Pour recruter des personnes compétentes, il faut leur proposer un défi à leur dimension. Et cela vaut également pour la construction d’un système d’information. C’est ainsi que nous parvenons progressivement à convaincre les établissements de s’intéresser à la coopération.

Pour les ARS et les conseils généraux, le CPOM représente d’ailleurs un moyen d’inciter les établissements à coopérer entre eux. On ne peut pas, en effet, envisager le recrutement d’un directeur des ressources humaines ou d’un directeur financier pour chaque structure de soixante lits.

Parmi les domaines dans lesquels la coopération fonctionne, on peut citer les transports. M. Christian Espagno a déjà eu l’occasion d’évoquer devant la MECSS la question des transports sanitaires, mais dans le secteur médico-social, d’importants efforts doivent également être consentis, notamment en direction des personnes handicapées. Il est compliqué, par exemple, de faire admettre dans un cabinet dentaire une personne déficiente psychique que la douleur peut rendre agressive ; elle risque de se voir mal accueillie par le personnel soignant. Dans de telles situations, et même en administrant des calmants, seuls les actes courts sont tolérables, ce qui induit des transports plus nombreux que pour les autres patients.

Les professionnels du secteur prennent toutefois conscience – et le tableau de bord partagé a joué un rôle dans cette évolution – de la nécessité, pour éviter de consommer trop de ressources, de développer la mutualisation et l’externalisation.

Notre quatrième et dernier sujet d’étude concerne l’immobilier. Lors de sa création, on a beaucoup reproché à l’ANAP d’être une agence exclusivement sanitaire, parce qu’elle résulte du regroupement de trois entités issues de ce secteur, le groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier (GMSIH), la mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier (MAINH) et la mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers (MEAH). En réalité, sur certains sujets comme l’immobilier, notre expertise a été très utile pour analyser la situation du secteur médico-social. L’immobilier est, en effet, le deuxième poste de dépenses dans les établissements concernés et un élément important du reste à charge pour les familles. Le problème se pose moins pour les maisons de retraite situées dans des régions où le prix du foncier est peu élevé, mais il est aigu dans des régions telles que l’Île-de-France. Des grands groupes comme Korian réfléchissent d’ailleurs aux moyens de réduire les coûts liés à l’immobilier, en construisant en bois ou en optimisant les surfaces.

Il était d’autant plus important de se saisir du problème que le patrimoine du secteur médico-social est vieillissant. Le secteur hospitalier a bénéficié de plans d’investissements – Hôpital 2007, Hôpital 2012 –, qui lui ont permis de rénover une grande partie de son patrimoine, si bien que son parc immobilier, dans le public comme dans le privé, a une moyenne d’âge relativement faible, de l’ordre de quinze ans. Mais le secteur médico-social comprend de nombreuses structures associatives qui ont hérité de demeures familiales ou historiques, voire de châteaux, dont l’entretien est souvent réduit au minimum. La moyenne d’âge du patrimoine immobilier y est plus proche des quarante ans. Or ce patrimoine est important : il représente environ 15 millions de mètres carrés – contre 60 millions dans le secteur sanitaire. Il nous a donc paru nécessaire d’en réaliser l’inventaire, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Une fois de plus, nous réalisons ce travail en partenariat avec la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Combien de temps vous faudra-t-il ?

M. Christian Anastasy. Nous avons commencé en 2013, et nous nous donnons pour objectif de finir en 2015.

Lorsque nous connaîtrons l’étendue du patrimoine, il nous faudra mesurer les besoins en investissements, savoir combien de mètres carrés supplémentaires il faut construire, et selon quelles normes. À cet égard, l’application de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II », risque de condamner les établissements à une double peine : comme les bâtiments, faute d’isolation performante, consomment beaucoup d’énergie, non seulement ce poste représente une part importante de leur budget, mais ils risquent de devoir payer une taxe supplémentaire.

Dans d’autres pays, comme l’Italie ou l’Allemagne, de gros efforts sont consentis en ce domaine, en privilégiant notamment l’isolation extérieure. En France, on fait preuve d’inertie, au prétexte que l’isolation thermique coûte cher et ne permet pas, à court terme, de réaliser des économies importantes. En outre, les obligations en ce domaine ne s’appliqueront pas avant 2020.

Pour mesurer les besoins en investissements, nous avons créé un référentiel, l’Observatoire des surfaces et coûts immobiliers en établissements de santé (OSCIMES), qui permet à une fédération, une association, un gestionnaire privé ou une collectivité publique de se faire une meilleure idée, avant de lancer un appel d’offres, du coût de la construction dans le secteur médico-social.

Nous sommes également sur le point de finir nos travaux sur les coûts d’exploitation, notamment en matière de maintenance et de renouvellement. En effet, les conseils généraux étant tentés de réduire les frais de maintenance au maximum, les bâtiments, faute d’entretien, deviennent très dégradés. On a connu ce phénomène dans le secteur hospitalier : il a rendu nécessaires les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012. Nous tentons, avec la CNSA, de lancer l’alerte sur ce sujet, mais les sommes en jeu font peur à tout le monde. Il est pourtant nécessaire d’aborder le problème.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Si nous ne respectons pas les obligations prévues par la loi dite « Grenelle II », nous risquons de voir se répéter ce qui s’est passé en matière de mise en accessibilité des bâtiments aux personnes en situation de handicap : alors que, selon la loi du 11 février 2005, les aménagements nécessaires devaient être effectués avant 2015, la plupart des institutions concernées ne sont pas prêtes, si bien que nous allons devoir programmer de nouvelles échéances.

Je suis frappée par cette incapacité de notre pays à prendre en compte les exigences de maintenance, d’entretien et d’adaptation aux évolutions. Il en résulte un patrimoine dégradé au point que certains établissements sont menacés de fermeture. Le sujet mériterait presque qu’un rapport lui soit exclusivement consacré, d’autant qu’il a des conséquences sur le reste à charge pour les familles. À cet égard, le rapport d’information remis par Mme Paulette Guinchard est, sept ans après, toujours d’actualité. Le travail que vous menez avec le concours de la CNSA sera donc fort utile. Faute de prendre le problème à bras-le-corps, nous risquons de connaître des lendemains difficiles.

M. Christian Espagno. Un volet de nos travaux consacré à l’immobilier consiste à évaluer comment les tarifs d’hébergement pourraient mieux traduire les coûts d’investissements et de maintenance. À l’heure actuelle, la relation entre les deux n’est pas toujours évidente.

M. Christian Anastasy. Vous m’avez interrogé sur nos relations avec l’ANESM. Le directeur de cette agence est membre de notre conseil scientifique, si bien que nos deux institutions ont des échanges réguliers. En revanche, nous n’effectuons pas de travaux avec le conseil scientifique de la CNSA, mais nous ne sommes pas hostiles, bien au contraire, à l’idée d’organiser des réunions communes et de mutualiser les réflexions des deux instances.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous remercie, messieurs, de votre contribution à nos travaux. Vous avez même ouvert de nouvelles pistes qui mériteraient des auditions supplémentaires. J’ai le sentiment, à vous entendre, que les choses avancent : le secteur est mieux connu et l’information plus transparente. Je suis d’accord avec vous, il est essentiel que chacun s’approprie les nouvelles façons de travailler. À cet égard, vous avez choisi la bonne méthode en privilégiant le dialogue.

Pour autant, il reste des progrès à accomplir dans la connaissance du système. La transparence est le maître mot : c’est la condition de l’équité.

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AUDITIONS DU 12 JUIN 2014

Table ronde réunissant des représentants d’associations œuvrant pour les personnes handicapées, membres du conseil de la CNSA : Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale Compensation et autonomie de l’Association des paralysés de France (APF), M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie, M. Michel Girard, vice-président de l’Union nationale des familles et amis de malades mentaux (UNAFAM), et Mme Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), et M. Thierry Nouvel, directeur général

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Mesdames, messieurs, c’est avec plaisir que je vous accueille à la MECSS, dans un autre cadre que celui dans lequel j’ai l’habitude de travailler avec vous. Vous êtes auditionnés ce matin dans le cadre de nos travaux sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), en vue d’un rapport qui devrait être remis à l’automne. Nous avons déjà travaillé sur la CNSA. Aujourd’hui, elle a dix ans : le moment du bilan est venu, mais dix ans, c’est un peu court pour bâtir un instrument de cette importance.

Au terme de cette décennie, quel bilan dressez-vous de la création de la CNSA ? Quels sont selon vous ses principaux apports ? Sa gestion vous semble-t-elle adaptée ?

Du point de vue de la gouvernance, quel regard portez-vous sur la répartition et l’articulation des compétences et des financements entre la Caisse et les différents acteurs que sont les autorités de tutelle, les agences régionales de santé (ARS), les départements et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ?

La gestion des crédits de la CNSA au niveau local vous paraît-elle satisfaisante ? Comment améliorer l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social ?

Aux termes de la loi, la CNSA est chargée de contribuer au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, « dans le respect de l’égalité de traitement des personnes concernées sur l’ensemble du territoire ». Quelle appréciation portez-vous sur la mise en œuvre de ces dispositions ? Comment remédier aux disparités d’attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) ? Conviendrait-il d’étendre les moyens et les missions de la Caisse en vue de mieux garantir l’égalité de traitement ?

Nous aimerions aussi vous entendre à propos des MDPH et du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement : que pensez-vous des dispositions destinées à renforcer le rôle de la CNSA et à améliorer la connaissance des coûts et des besoins ? Y a-t-il des mesures dont vous regrettez qu’elles n’y figurent pas ?

M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie. Je vous remercie de votre invitation. Je suis relativement nouveau à la CNSA, tout au moins comme titulaire. Dix ans, c’est court en effet pour construire à la fois une Caisse nationale et un réseau local, celui des MDPH ; mais cette simultanéité était bienvenue pour assurer l’efficacité du dispositif par la cohérence entre les deux niveaux, sans doublon.

Comme membre du Conseil de la CNSA, je trouve son fonctionnement, les travaux qu’elle publie, son rôle de coordination et de synthèse des connaissances intéressants. Les rapports que nous examinons lors des conseils sont souvent de qualité et fournissent des données que l’on ne trouve pas ailleurs. Il me semble qu’ils sont le plus souvent consacrés aux personnes âgées.

Sur la gouvernance, j’ai coutume de comparer la CNSA à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), dont le conseil comprend lui aussi des représentants de la FNATH – et ce, depuis 2004, au titre de l’association en elle-même et non plus comme personnalités qualifiées. Le conseil de la CNAMTS n’est plus un conseil d’administration ; il fixe désormais des orientations. Les représentants des associations n’y occupent que trois sièges sur trente-cinq. La gouvernance de la CNSA me paraît beaucoup plus intéressante, car elle a été d’emblée conçue pour garantir la représentation des associations – même s’il se trouve que, du fait des règles de vote et de majorité, nous y sommes souvent minoritaires. Sans doute parce que la Caisse est récente, son fonctionnement fait une large place aux différentes parties prenantes, qu’elles siègent au conseil ou non, groupes de travail, commissions, etc.

Bref, la gouvernance de la Caisse est plus conforme à nos attentes que celle de la CNAMTS, qui se voit réduite à un jeu de rôle entre les acteurs. Certes, les règles de vote ne nous satisfont pas entièrement, mais construire des alliances et des positions communes fait partie du jeu. Il semble donc opportun de conserver la gouvernance en l’état, dans sa spécificité, et même de l’étendre aux branches maladie et accidents du travail / maladies professionnelles (AT/MP) de la sécurité sociale.

En ce qui concerne le dispositif des MDPH, je suis de plus en plus critique et les avis sont de plus en plus négatifs sur leur organisation, leur fonctionnement, leur implication, le rôle des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), les règles de vote. Toutefois, sans la CNSA, la situation serait encore plus catastrophique, car la Caisse joue un rôle important sinon pour harmoniser le réseau, du moins pour lui donner des lignes directrices, et pour diffuser l’information auprès des MDPH. Leurs directeurs en témoignent. Elle mobilise les acteurs et répond à leurs questions sur les problèmes posés par la législation en vigueur. Son action pourrait être encore améliorée et l’égalité territoriale accrue, mais son bilan sur ce point est positif.

J’aimerais surtout insister sur une question qui me tient à cœur, même si j’ai peu de chances d’être entendu : les transferts de charges entre la branche AT/MP et la branche maladie en raison de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Une commission se réunit tous les trois ans – elle l’a fait il y a peu – pour évaluer les sommes en jeu, conformément à une disposition votée chaque année dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ; elles s’élèvent à un milliard d’euros environ. Il conviendrait d’étudier l’impact sur la CNSA et les MDPH de cette sous-déclaration et de la mauvaise indemnisation des victimes. Nombre de nos adhérents sont amenés à demander à la MDPH une prestation de compensation et des aides alors qu’ils devraient être indemnisés pour le préjudice subi et que ces prestations ne couvrent de toute façon pas la totalité des frais engagés. Quelle victime d’un préjudice corporel accepterait une telle situation ? La branche AT/MP étant financée par les cotisations des employeurs, cela signifie que les responsables n’assument pas entièrement les conséquences du préjudice qu’ils ont causé.

Je profite également de l’occasion pour revenir, même si ce n’est pas le sujet du jour, sur le gel de la revalorisation des rentes AT/MP. C’est là une mesure inadmissible, qui nous renvoie soixante ans en arrière, puisque c’est en 1954 que la FNATH a obtenu la revalorisation annuelle ; c’est même à cette fin qu’elle avait été créée en 1921 et que, à partir de 1927, ses représentants sont venus à la Chambre des députés accompagnés de personnes mutilées pour impressionner les parlementaires de l’époque. Cette décision est incompréhensible pour les personnes concernées – sans parler du gel de la revalorisation des pensions d’invalidité.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous avons pris connaissance du communiqué de la FNATH sur ce point. Sans anticiper sur des informations dont nous ne disposons pas, je tiens à vous dire que nous sommes plusieurs à être intervenus à ce sujet.

M. Arnaud de Broca. S’agissant enfin du secteur médico-social, il me semble, sans être spécialiste de la question, qu’il existe un problème de coordination avec les ARS et de fonctionnement. Le dispositif est loin d’être parfait pour ce qui touche à la gouvernance des associations ; sur les appels à projets, mes collègues sont plus compétents que moi pour vous répondre.

Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale Compensation et autonomie de l’Association des paralysés de France (APF). Je suis d’accord avec M. Arnaud de Broca sur la gouvernance innovante de la Caisse, avec ses deux vice-présidences représentant respectivement le monde du handicap et celui des personnes âgées. On la retrouve dans les groupes de travail qui ont émaillé les premiers travaux de la Caisse, destinés à créer des outils et des dispositifs, en particulier à l’intention des MDPH.

Je regrette seulement que ce réflexe de collaboration active avec les associations d’usagers ait été un peu perdu au fil des années. Aujourd’hui, nous ne participons plus aux travaux qu’en bout de course. C’est à mon sens le premier élément à améliorer dans le fonctionnement de la Caisse.

Je regrette ensuite que les travaux et l’ordre du jour des séances du conseil soient toujours consacrés aux mêmes sujets : le secteur médico-social, en particulier le plan d’aide à l’investissement (PAI), et d’une manière générale les financements, surtout destinés aux personnes âgées. Alors que la CNSA est dotée d’une direction de l’autonomie qui fait un excellent travail, il n’en est pas question au conseil, sinon par l’intermédiaire d’une petite commission des aides à la personne, qui nous procure au demeurant des données très intéressantes.

Comment améliorer le rôle et le fonctionnement de la CNSA ? Sa direction de la compensation est chargée d’accompagner les MDPH au quotidien par des dispositifs concrets – formulaires de demande, certificats médicaux, guides d’évaluation, d’aide à la cotation des critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap (PCH), par exemple –, mais aussi en conseillant les équipes des MDPH lorsque celles-ci prennent leurs décisions, qu’il s’agisse des décisions d’évaluation ou de celles des CDAPH. Des sessions de formation sont organisées à l’intention des équipes pluridisciplinaires. Cet appel des MDPH aux équipes nationales de la CNSA est censé garantir l’équité territoriale. Mais les équipes de la CNSA sont-elles assez nombreuses pour accomplir leur mission jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mise en œuvre concrète des indications élaborées au niveau national ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. C’est un problème que l’on nous a déjà signalé.

Mme Malika Boubekeur. Le fonctionnement des MDPH en est un autre. Aujourd’hui, la CNSA répartit 60 millions d’euros entre toutes les MDPH du territoire afin de financer leur fonctionnement. Par ailleurs, elle signe une convention d’appui avec chaque conseil général afin de ventiler également les contributions pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la PCH. Nous aimerions que soient enfin mis en œuvre les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) prévus par la loi du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, dite « loi Paul Blanc », entre l’État, les conseils généraux, le groupement d’intérêt public MDPH (GIP MDPH) et la CNSA, afin d’assurer à chaque MDPH une base financière et budgétaire et de fixer les apports en personnel et le financement de chacun, idéalement pour trois ans au moins, grâce à un contrat triennal. La convention d’appui pourrait être intégrée au CPOM.

Par ailleurs, les actions de la CNSA sont limitées aux services des MDPH, alors que ce sont d’autres services, ceux du conseil général, qui sont chargés du versement de la PCH et du contrôle de son effectivité. La CNSA ne peut ni former les personnels, ni proposer une extension des missions. Dans le cadre du groupe de travail mené par M. Denis Piveteau, nous avons proposé la création de services d’accompagnement à la mise en œuvre des plans d’aide. Au-delà des situations critiques dont il s’agissait en l’occurrence, nous souhaitons qu’ils concernent toute personne bénéficiant d’un plan personnalisé de compensation.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous recevrons M. Denis Piveteau le mois prochain afin qu’il nous parle de ces travaux, mais aussi de son expérience à la tête de la CNSA.

Mme Malika Boubekeur. J’aimerais aborder maintenant le sujet des aides techniques, présentées ces jours-ci dans le cadre du salon Autonomic. Ce secteur est riche d’acteurs très nombreux et très atomisés et, si vous me permettez l’expression, il n’y a pas de pilote dans l’avion. Nous aimerions que la CNSA devienne ce pilote. Elle a déjà créé un observatoire du marché et des prix des aides techniques ainsi qu’un portail, malheureusement disparu, qui centralisait les informations sur ces produits – équipements techniques, fauteuils roulants, nouvelles technologies, etc. En outre, chargée de la compensation, la CNSA a toute légitimité pour coordonner le secteur des aides techniques puisque celles-ci font partie des dispositifs de compensation des conséquences du handicap.

Nous saluons naturellement le renforcement des prérogatives de la CNSA dans le cadre du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, s’agissant en particulier des aidants.

En revanche, nous sommes très inquiets de constater que deux dispositions ont disparu du texte dans la version présentée le 3 juin en Conseil des ministres.

La première concerne la labellisation et le contrôle des maisons départementales de l’autonomie (MDA). Nous avions fait part de notre préoccupation face aux initiatives de certains départements qui installaient des maisons de l’autonomie et leur permettaient, à partir des GIP MDPH, d’accueillir un nouveau public, sans prestation unique de compensation puisqu’il n’en existe toujours pas, ni moyens de fonctionnement supplémentaires. Les premières informations dont nous disposions faisaient état d’une économie de personnel au sein des MDA créées. Mais comment faire plus et mieux avec moins, et en accueillant un public nouveau ? Il avait donc été convenu au moment de la préparation du projet de loi que toute création de MDA serait soumise à un avis conforme des commissions exécutives (COMEX), des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) et d’une commission nationale de labellisation. Or cette mesure a disparu ; nous avons déjà fait part de notre inquiétude à la Ministre.

Seconde disparition : celle des CDCA eux-mêmes, équivalents locaux du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui devaient être créés à partir des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH) et des comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA).

M. Michel Girard, vice-président de l’Union nationale des familles et des amis de malades mentaux (UNAFAM). La création de la CNSA a constitué une expérience indiscutablement positive. Je regrette seulement qu’elle fonctionne trop souvent comme une simple caisse payeuse, sans grand pouvoir d’intervention sur le terrain. Elle ne peut agir en faveur d’une plus grande équité territoriale entre les MDPH. Certes, elle peut formuler des recommandations, mais il ne s’agit précisément que de recommandations.

Alors que les discussions en cours autour de la réforme territoriale annoncent de possibles interférences dans la mise en œuvre des attributions de la CNSA, je crois qu’il faut au contraire défendre la spécificité des MDPH. Leur caractère propre tendrait à s’estomper, si elles devaient être noyées au milieu des structures d’accueil de personnes âgées, destinées à une population beaucoup plus nombreuse.

Mme Martine Carillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Voulez-vous dire que la CNSA devrait recentrer son activité sur la seule politique du handicap ?

M. Michel Girard. Non, je ne parlais que de l’équité territoriale ; je ne voudrais pas remettre en cause la double mission de la CNSA, qui doit rester compétente à la fois pour le handicap et pour le vieillissement. Je regrette cependant qu’elle affecte parfois ses ressources et répartisse ses crédits de manière peu compréhensible et imparfaite au regard de ses objectifs.

Quant à l’articulation de son action avec les autorités sanitaires, je n’en vois guère. Les éléments novateurs développés par la CNSA ne trouvent pas de débouché concret, car les autorités sanitaires se cantonnent à une approche traditionnelle. C’est regrettable, car le défi du handicap et du vieillissement exige de concevoir des solutions innovantes.

Ce que vient de dire Mme Malika Boubekeur à propos du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement n’a rien de rassurant. Avant d’envisager de nouveaux rapprochements, il faudrait corriger les défauts des maisons départementales des personnes handicapées, conformément à la loi du 28 juillet 2011 précitée qui tendait à améliorer leur fonctionnement. Or, elles continuent de traiter les demandes dans des délais qui s’allongent, faisant la preuve d’une certaine inefficacité.

Les conseils généraux prennent trop souvent la question à la légère alors que l’on est parfois dans le n’importe quoi, sinon dans l’illégalité pure et simple. La CNSA, si elle avait un pouvoir plus grand, pourrait améliorer la situation. En ce domaine, la législation n’envisage souvent qu’une consultation simple des instances représentatives des personnes handicapées, ce qui est lourd de conséquences. Le projet de loi originel ne faisait état que d’un simple avis, sans autre précision… Il n’était même pas indiqué qu’il devait être favorable ! Mais ce n’est sûrement pas un hasard : ceux qui rédigent ce genre de texte savent très bien ce qu’ils font…

Au total, le bilan de la CNSA est positif, mais elle pourrait certainement mieux faire.

Mme Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI). Je m’associe totalement aux déclarations de la FNATH, de l’APF et de l’UNAFAM. La CNSA est une institution de grande qualité qui, en associant au sein de structures novatrices toutes les parties prenantes, permet une co construction de la politique du handicap. Dans ce dialogue permanent, chacun est amené non seulement à infléchir ses positions, mais aussi à convaincre les autres partenaires. La CNSA a donc produit des résultats intéressants et plutôt rapides, si l’on songe qu’elle n’a que dix ans.

Je serais plus critique sur les liens qu’elle entretient avec ses partenaires. Siégeant dans ses instances, et forte de mon expérience de mère d’enfant handicapé, j’observe le jeu d’acteurs entre la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la CNSA. Je constate que, par-delà les mots échangés, cette communication n’est pas optimale, voire que ces rapports dégénèrent en une relation de concurrence néfaste pour le fonctionnement de ces institutions.

Quant à l’harmonisation des pratiques, la CNSA ne peut que l’accompagner par ses avis et par ses conseils. Au nom de la libre administration des collectivités territoriales, elle se voit refuser tout moyen d’intervenir par la contrainte pour assurer une meilleure équité territoriale. Le GEVA, guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées, devait être l’instrument multidimensionnel qui permette de définir de manière concrète les besoins de la personne handicapée. Or, sur le terrain, cette évaluation n’est pas faite ou reste totalement incomplète. Dès lors, faute d’avoir une vision objective des besoins de la personne en situation de handicap, il est impossible de donner les bonnes réponses aux diverses problématiques.

Pire encore, il n’a même pas été possible d’imposer aux départements, dans les conventions qu’ils signent avec la CNSA, qu’ils établissent chaque année un rapport d’activité sur leur politique du handicap, et suivent pour ce faire un modèle commun. Toute comparaison en est rendue impossible, ce qui est un comble.

Les liens avec les ARS ne sont quant à eux pas tout à fait stabilisés, peut-être parce que leurs relations avec la CNSA sont encore récentes. Sur un même projet, il n’est pas rare que je m’entende dire de la part de la CNSA que des crédits sont débloqués, alors que l’ARS me répond qu’ils ne le sont pas. Il y a forcément quelqu’un qui ment ; mais comme je ne suis pas dans le tuyau, je ne pourrai vous dire qui…

Entre tous les apports de la CNSA, son principal mérite est de permettre la construction d’une culture commune dans l’approche de la compensation et de la perte d’autonomie. C’est à mes yeux un apport majeur, qui nous permet d’envisager de dépasser les politiques de réadaptation ou d’intégration pour viser une véritable politique de l’inclusion. Malheureusement, alors que nous pensions que cette nouvelle culture était acquise, comprise, et qu’il était possible d’aller plus loin, la présentation du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, et la composition même du nouveau Gouvernement, avec deux secrétariats d’État désormais séparés qui ont en charge, pour l’un la famille, les personnes âgées et l’autonomie, pour l’autre les personnes handicapées et la lutte contre l’exclusion, apparaissent comme deux signes récents, particulièrement inquiétants, qui témoignent soit d’une incompréhension, soit d’une volonté politique délibérée de ne pas donner suite aux dispositions de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je n’ai pas la réponse, mais je m’interroge. Quoi qu’il en soit, je ne vois aucune cohérence entre le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et la loi de 2005, et pas davantage entre ce projet de loi et la stratégie nationale de santé. Je m’interroge sincèrement sur la pertinence de ce texte, de son calendrier, de ses modalités de financement. Cette loi, si elle n’est pas remise en cohérence avec les autres outils législatifs, sera non seulement totalement inutile, mais elle enverra un mauvais signe à tous les publics concernés, y compris aux personnes âgées, qui y avaient pourtant fondé beaucoup d’espoirs, comme nous-mêmes en avions beaucoup fondés dans la loi du 11 février 2005.

Dans un registre plus positif, je salue les efforts de la CNSA en faveur du public handicapé, car elle facilite à tous les démarches conduites auprès d’elle en appliquant de manière exemplaire les règles européennes dites du « facile à lire et à comprendre » dans l’écriture de ses décisions.

Plusieurs autres sujets me tracassent. Le système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH), pourtant très coûteux, ne fonctionne pas. J’aimerais que l’on puisse faire une évaluation de tous les moyens, financiers et humains, qui ont été investis dans un outil dont on ne sait absolument pas quand il fonctionnera, alors même que le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances (IGAS-IGF) d’octobre 2012 sur les établissements et services pour personnes handicapées y voyait un outil majeur pour répondre aux difficultés de mise en œuvre des politiques en faveur des personnes handicapées… Nous sommes loin de ce que les citoyens pourraient attendre en termes de bonne maîtrise des dépenses publiques.

L’exil en Belgique des personnes handicapées constitue un autre sujet de préoccupation. La CNSA finance ainsi, par une enveloppe spécifique allouée à l’ARS du Nord-Pas-de-Calais, l’accueil de 6 000 personnes chez notre voisin. Cela permet à la Belgique de créer pas moins de 4 000 emplois… Autant de richesse qui pourrait prospérer dans notre pays dans ce contexte de chômage massif. Sans parler du bien-être des personnes handicapées – mais qui s’en soucie, à part les associations ? Sinon, la solution aurait été trouvée depuis longtemps.

J’ai été profondément choquée par la ponction de 400 millions d’euros opérée sur les réserves de la CNSA au profit des départements, sans la moindre assurance quant à leur affectation : loin d’avoir uniquement servi la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, ils ont le plus souvent abondé la politique d’insertion et le revenu de solidarité active (RSA), là où les départements avaient les besoins de financement les plus criants. Plus choquant encore, les critères d’attribution ne tenaient aucun compte des politiques de prévention qu’avaient pu mener certains départements pour éviter de trop dépenser : de fait, ils ont été totalement « sortis du radar », et l’on a donné une prime à ceux qui travaillaient mal !

Il est anormal que la CNSA finance des emplois de moniteurs sportifs (STAPS) qui interviennent auprès des personnes handicapées. Ces emplois doivent certes être financés, mais pas sur le budget de la CNSA.

Enfin, je regrette que le programme pluriannuel 2008-2013 de création des places pour un accompagnement adapté du handicap tout au long de la vie, annoncé par le président Nicolas Sarkozy, n’ait finalement connu qu’une exécution partielle, puisque la moitié des places attendent encore de voir le jour. Même si la double tarification complique la mise en œuvre de ces engagements, il faut à tout prix sortir de l’ornière.

M. Thierry Nouvel, directeur général de l’UNAPEI. La CNSA souffre d’avoir un périmètre mal défini. Ainsi, les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) ne sont financés que sur fonds budgétaires, avec une enveloppe fermée, tandis qu’ils pourraient être pris en charge sur le budget de la CNSA. Cette option, qui alignerait la situation des ESAT sur celle des autres établissements, paraît en outre plus susceptible d’une mise en œuvre rapide, d’autant que la perspective d’une décentralisation des ESAT au profit des conseils généraux me semble assez éloignée dans le contexte actuel de réorganisation territoriale.

La CNSA a, entre autres missions, celle de garantir une égalité de traitement sur le territoire, mais elle ne dispose pas d’outils pour le faire. Au contraire, la répartition des crédits suit de manière mécanique des critères de densité de population. À défaut d’être présent partout, l’État pourrait au moins se doter d’instruments autorisant une régulation plus fine dans la perspective d’une nouvelle organisation territoriale.

Au niveau national, la répartition des compétences entre la CNSA et la DGCS n’est pas claire : c’est même un joyeux bazar ! Les circulaires de répartition des crédits sont souvent des circulaires conjointes, rédigées dans le secret d’un bureau. Curieusement, le contenu de ces circulaires budgétaires ne fait l’objet d’aucune discussion au sein du conseil de la CNSA, et pas davantage d’ailleurs avec la représentation nationale, elle aussi totalement absente. La décision finale, certes, relève du ministre ; mais la CNSA pourrait à tout le moins émettre un avis.

Les besoins sont enfin mal évalués et cette méconnaissance est proprement aberrante. Plusieurs rapports ont déjà pointé l’échec du système d’information SipaPH ; non seulement il n’aurait pas véritablement permis de connaître les besoins d’aujourd’hui, mais c’est déjà trop tard : nous avons besoin d’outils qui permettent de faire des projections. Aussi l’UNAPEI a-t-elle entrepris de bâtir une base de données à partir des renseignements qu’elle collecte auprès des établissements de soins. Malgré l’intérêt marqué par plusieurs ARS, la CNSA a cependant refusé de financer cet instrument, au motif que c’est à elle qu’il reviendrait de le développer…

Mme Christel Prado. En quoi elle n’a pas tort !

M. Thierry Nouvel. En attendant, ce sont les ressources propres de l’UNAPEI, c’est-à-dire principalement les cotisations des parents de personnes handicapées, qui sont mises à contribution. Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce pays…

Enfin, le récent projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement pâtit de manière flagrante du retrait de la circulaire du Premier ministre du 4 septembre 2012 relative à la prise en compte du handicap dans les projets de loi. Cette circulaire prévoyait de prendre en compte de manière systématique le handicap au stade de la conception des projets de loi. Pour la première fois depuis deux ans, l’étude d’impact préalable aura cependant fait l’impasse sur cette problématique.

Mme Malika Boubeker. Suite à l’intervention de Mme Christel Prado, j’aimerais revenir sur l’abondement par l’État des fonds départementaux de compensation : lors son dernier conseil, la CNSA a voté une enveloppe de 3 millions d’euros alors que Mme Carlotti, la Ministre, nous avait indiqué cette année que la quote-part de l’État s’élèverait à 4 millions d’euros pour 2014.

Premier souci : nous nous retrouvons avec une enveloppe moindre. Second souci : ces trois millions d’euros sont ponctionnés sur l’enveloppe dévolue à l’APA et à la PCH, c’est-à-dire une enveloppe déjà dédiée aux départements pour financer la compensation des conséquences du handicap dont nous savons qu’elle est déjà insuffisante par rapport aux besoins.

Alors que le financement de l’APA pèse déjà sur les budgets des conseils généraux et que la PCH commence aussi à le faire, puisque le taux de couverture atteint 40 %, venir ponctionner sur cette enveloppe insuffisante les 3 millions d’euros destinés à abonder les fonds départementaux de compensation dont le rôle est de financer les restes à charge pour les personnes, souvent suite à l’intervention de la prestation de compensation, c’est vraiment une double peine : on ponctionne sur une enveloppe déjà amoindrie.

C’est pourquoi je voulais compléter les propos de Mme Christel Prado et revenir sur l’avis du CNCPH concernant le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. La CNSA n’a pas de prérogatives pour agir sur certaines réglementations. Nous aimerions que les rôles de la DGCS et la CNSA puissent s’adapter pour être cohérents.

Prenons l’exemple du tarif de la prestation de compensation « aide humaine » qui est insuffisant quand le salarié est engagé de gré à gré. La CNSA n’a absolument pas le pouvoir de relever ce tarif car c’est du ressort de la DGCS, alors que c’est elle qui est amenée chaque jour à en constater l’insuffisance.

Comme l’indiquaient Mme Prado et M. Nouvel, il est nécessaire que les informations mais aussi les prérogatives respectives de la CNSA et de la DGCS soient mises en cohérence et en commun pour que tous les acquis de la loi du 11 février 2005, dont le droit à compensation, puissent vraiment se concrétiser.

Autre exemple : il n’existe toujours pas de prestation de compensation dédiée aux enfants et c’est la prestation de compensation pour adulte que l’on propose aux enfants. La CNSA le constate ; la DGCS le constate également, mais à un autre niveau ; tous les travaux sur cette question se sont arrêtés en 2008 et ils n’ont jamais repris.

Voilà encore un exemple de la nécessité d’une bonne cohérence, d’une bonne gestion et d’une bonne mise en synergie de deux services : l’un, la CNSA, qui constate tous les jours sur le terrain les conséquences d’une loi non aboutie parce que des décrets sont venus limiter ce droit ; l’autre, l’administration centrale, qui a le pouvoir de régler ces difficultés.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous remercie les uns et les autres pour vos contributions qui rejoignent largement celles qui ont déjà été apportées dans le cadre de cette Mission.

Grâce à votre regard particulier, vous avez éclairé certains sujets. Sans y revenir, je dirai que vos propos et l’histoire récente de la CNSA montrent que l’inaboutissement de certaines réformes conduit sinon à une paralysie du système du moins à une gêne dans son fonctionnement : difficultés d’évaluations de besoins, problèmes de périmètres et de circulation de l’information.

Nous reprendrons vos propositions dans le rapport qui devrait permettre de faire évoluer la CNSA vers une nouvelle étape. On ne saurait se passer de la CNSA dont vous avez rappelé toute l’importance qu’elle a prise dans le paysage : non seulement ses travaux sont de qualité mais tout le secteur attend d’être mieux accompagné et de trouver cette garantie d’équité.

Créée en 2004, la CNSA a une histoire récente et il fallait le temps que la confiance s’installe entre les acteurs. Nous recevrons M. Denis Piveteau, son directeur, et M. Alain Cordier, son premier président, qui ont été à l’origine d’un travail de fond qui nécessite d’être poursuivi. Nous pouvons les remercier d’avoir tenu à poser les bases d’un fonctionnement solide. Il nous reste à construire la suite, pour ne pas rester au milieu du gué, ce qui aurait des conséquences – vous en avez évoqué quelques-unes – qui seraient très préjudiciables.

Merci, une fois encore, pour vos contributions qui ont repris certains sujets abordés dans d’autres auditions, ce qui montre une réelle cohérence d’approche entre les uns et les autres. Nous essaierons de faire en sorte que le rapport en témoigne et soit suivi d’effets : dix ans plus tard, les choses ne peuvent pas rester en l’état, il faut passer à une nouvelle étape et vous nous avez apporté un éclairage sur ce qu’elle devrait être.

Nous allons à présent recevoir les représentants du secteur des personnes âgées. Tout au long de ces auditions, nous alternons entre personnes âgées et personnes handicapées car il est intéressant de voir comment les réflexions se croisent et s’enrichissent. Nous aurons matière à faire des propositions qui, nous le souhaitons, permettront d’avancer.

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Table ronde réunissant des représentants d’associations œuvrant pour les personnes âgées, membres du conseil de la CNSA : M. Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), Dr Serge Reingewirtz, président du Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC), M. Benoît Jayez, secrétaire général-adjoint de l’Union confédérale des retraités et des préretraités-Force ouvrière (UCR-FO), et M. Francis Contis, président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA)

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Messieurs, je vous remercie de votre présence à cette table ronde organisée par la MECSS, en vue du rapport qu’elle prépare sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Après avoir auditionné plusieurs organismes au cours des dernières semaines, et juste avant vous les représentants des associations œuvrant pour les personnes handicapées, nous vous entendrons sur vos activités relatives aux personnes âgées.

Notre travail fait suite à divers rapports et travaux déjà réalisés sur ce sujet. Au terme de dix ans d’existence de la CNSA, il nous a paru utile de faire le point et, surtout, de voir comment améliorer encore l’action de cette institution désormais très reconnue et appréciée dans le champ social et médico-social.

Quel bilan tirez-vous de l’action de la CNSA dans vos champs d’activité respectifs et quels sont, selon vous, ses principaux apports ? Comment envisageriez-vous son évolution ? Sa gestion vous paraît-elle adaptée ? L’équilibre entre les membres de son conseil vous paraît-il satisfaisant ? Que pensez-vous de la création d’un Haut Conseil de l’âge, proposée dans le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement ?

D’autre part, quel regard portez-vous sur la répartition et l’articulation des compétences et des financements entre la CNSA et les différents acteurs, qu’il s’agisse des ARS, des autorités de tutelle, des MDPH et des départements eux-mêmes, qui sont encore chefs de file dans leur territoire, même si on ne sait pas encore aujourd’hui ce qu’ils deviendront ? La gestion au niveau local des crédits de la CNSA vous paraît-elle satisfaisante, ainsi que l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social ? Quelles mesures faudrait-il proposer pour décloisonner ces deux secteurs ? De telles mesures existent-elles déjà ou faudrait-il aller plus loin ?

Aux termes de la loi, la CNSA est chargée de contribuer au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie – qui concerne à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées –, dans le respect de l’égalité de traitement des personnes sur l’ensemble du territoire. Quel est votre point de vue à cet égard ? Comment remédier aux disparités dans l’attribution de l’APA ? Comment améliorer la répartition de l’offre et la connaissance des coûts des établissements et services médico-sociaux (ESMS) ?

Sans doute aurez-vous aussi des choses à nous dire sur l’évaluation et la connaissance des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Je vous remercie de votre invitation et vous présente les excuses de M. Pascal Champvert, qui n’a pu être parmi nous aujourd’hui.

Pour l’Association des directeurs au service des personnes âgées, le bilan des dix premières années de fonctionnement de la CNSA est plutôt positif, notamment en termes de régulation et de pilotage des politiques d’autonomie. L’AD-PA tient en outre à souligner l’originalité de la gouvernance de la CNSA, notamment quant à la composition de son conseil. Cette collégialité permet en effet une importante production de documents, qui contribue à une meilleure connaissance des besoins du secteur. Elle permet également des débats de qualité entre les acteurs de ce secteur et assure ainsi à notre association une force de proposition déterminante.

Ce bilan positif n’exclut cependant pas certaines réserves.

La première porte sur les systèmes d’information, déjà largement évoqués lors des précédentes auditions. La cause en est un manque de moyens techniques et humains, malgré les réelles améliorations constatées ces dernières années. À cet égard, la création de cinq équivalents temps plein, financés sur le budget de la CNSA et affectés à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), évoquée lors du dernier conseil de la CNSA, fait débat.

Nos réserves portent également sur la gestion, au vu notamment de la sous-consommation des crédits destinés aux personnes âgées, récurrente – malgré des progrès – depuis la création de la CNSA. Ce point reste, selon nous, très problématique.

Enfin, une autre difficulté tient à la représentativité des membres du conseil, où les représentants de l’État disposent presque à eux seuls de la majorité.

Pour ce qui est des perspectives d’avenir, il nous paraît essentiel de préserver, sinon de renforcer, l’originalité de la composition de la CNSA – notamment en réduisant le nombre de voix dont dispose l’État.

Par ailleurs, nous serions favorables à une augmentation des pouvoirs de la CNSA, notamment en termes de contrôle et dans le sens d’une remontée des informations provenant des ARS et des départements. Il conviendrait également de renforcer son rôle de pilote des politiques d’autonomie, notamment pour assurer une vision plus claire des crédits alloués aux départements et de leur utilisation, en particulier pour veiller à l’égalité de leur répartition sur l’ensemble du territoire.

La CNSA est également le lieu où nous pouvons penser et construire ensemble la perspective, fondamentale pour l’avenir, d’une prestation universelle d’autonomie, que certains désignent comme la prise en charge du « cinquième risque ».

Dr Serge Reingewirtz, membre du conseil d’administration du Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC). Le Syndicat national de gérontologie clinique, présidé par Michel Salom, représente les médecins de terrain et est connu par deux outils d’évaluation médico-administrative et économique. Il est en effet à l’origine de la grille « autonomie gérontologique groupes iso-ressources » (AGGIR), qui évalue le besoin d’aide pour les actes de la vie quotidienne, et de l’évaluation PATHOS, qui permet de mesurer les besoins médicaux et techniques des personnes résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Ces outils d’évaluation, destinés à déboucher sur une tarification, se sont également révélés être des outils de pilotage de la qualité : on a en effet constaté que la valorisation de certains axes générait dans les établissements des actions permettant de lutter, par exemple, contre la dénutrition, phénomène qui concerne 40 % des résidents d’EHPAD.

Pour ceux qui peuvent y accéder, la CNSA assure une certaine proximité avec les professionnels, les usagers, les élus et les administrations. C’est une agence à taille humaine, où l’accueil est de qualité et où l’on trouve des interlocuteurs disponibles. C’est donc, telle que nous la percevons, une agence en bonne santé. Elle est, en outre, bien au fait des problématiques des personnes âgées et ne limite pas son action au contrôle ou à la réglementation.

Au-delà des outils et réglementations qu’elle propose, cependant, la CNSA reste très peu connue des médecins et des paramédicaux – à peine plus que l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) ou l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP). Il serait à cet égard intéressant qu’elle pilote le lien entre l’évaluation des besoins, les obligations réglementaires et recommandations visant les établissements et intervenants, et les moyens alloués. Souvent, en effet, les acteurs de terrain sont confrontés à une double injonction : faute d’évaluation des moyens nécessaires pour se conformer aux obligations qui leur incombent, les soignants se trouvent en situation d’échec. Il conviendrait donc, sous peine de schizophrénie, de remettre à plat toutes ces situations afin de donner aux acteurs concernés les moyens de réaliser les objectifs très élevés qui leur sont assignés.

Dès 2018, alors qu’il y avait, dix ans plus tôt, deux fois plus d’aidants naturels que de personnes aidées, ces deux groupes seront à égalité numérique, après quoi le nombre de personnes aidées connaîtra une augmentation exponentielle, tandis que le nombre d’aidants naturels diminuera. Il y a là un pari pour l’avenir, que la CNSA doit prendre en compte.

Un autre enjeu est celui de la démographie médicale et paramédicale. Si l’on trouve encore aujourd’hui des médecins qui se déplacent dans les établissements, voire au domicile des personnes âgées, il n’est pas certain que ce sera encore le cas demain. Là encore, une réflexion s’impose.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Qu’en est-il de la démographie paramédicale ?

Dr Serge Reingewirtz. Devant votre Mission, un chercheur a déclaré qu’il ne connaissait pas les besoins à venir en infirmiers. On voit bien sur le terrain que ces besoins existent – ainsi du reste que pour d’autres professions paramédicales, comme les psychomotriciens ergothérapeutes. Y aura-t-il assez d’aidants professionnels, compte tenu de l’évolution de la population âgée, tant à domicile que dans les lieux d’hébergement ? De fait, si l’on sait compter le nombre d’infirmières nécessaires pour l’hôpital, on ne sait guère le faire pour les autres situations.

En troisième lieu, les études de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ont montré que le taux d’accidents de travail dans le secteur des services aux personnes âgées avait dépassé celui du secteur du bâtiment : l’aide aux personnes âgées se situe ainsi à la première place à cet égard, ce qui n’est pas sans incidence sur ce secteur, notamment en termes salariaux.

Il conviendrait donc que la CNSA puisse avoir une dimension d’anticipation et puisse tester des solutions. Elle est en effet capable de réunir les personnes compétentes et de susciter des propositions visant à anticiper les problématiques que nous voyons émerger.

Pour rapprocher les dimensions médicale et médico-sociale, le plus efficace est de réunir les acteurs de ces deux dimensions : dès qu’ils acceptent de se retrouver autour de la table, les solutions surgissent, alors qu’on peut faire la navette pendant cinq ans si on laisse les uns nous renvoyer aux autres.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Cela signifie-t-il qu’il faut imaginer des conventions ou des passerelles ? Vos travaux ou ceux de la CNSA font-ils apparaître des solutions qui existeraient déjà ou des propositions susceptibles d’améliorer la situation ?

Dr Serge Reingewirtz. La CNSA est très bien placée pour réunir autour d’une table les acteurs du ministère de la santé, de la Haute Autorité de santé (HAS) et de la DGCS, et pour poser les problèmes : prenons-nous en charge la situation à laquelle nous sommes confrontés et que sommes-nous capables de faire ensemble ? On ne réglera certes pas tous les problèmes en même temps et il conviendra sans doute de hiérarchiser nos actions.

Enfin, la CNSA devrait avoir les moyens d’assumer des missions qui relèvent du service public. Les aides techniques, par exemple, qui se développent rapidement et contribuent à l’indépendance et à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, doivent être connues pour être utilisées, ce qui suppose que l’on puisse avoir accès à une base de données indépendante. Il en existe aujourd’hui plusieurs, dont certaines sont même reconnues à l’échelle européenne, mais la CNSA ne dispose pas du financement nécessaire qui lui permettrait, à partir d’informations provenant des fournisseurs de solutions technologiques, d’assurer ce service public sous la forme d’une base de données accessible aux utilisateurs et aux professionnels.

Une évaluation indépendante de ces solutions technologiques devrait également être accessible. De fait, à la différence de ce que propose la HAS pour les médicaments et les dispositifs médicaux, il n’existe pas de moyens d’évaluation pérennes pour les outils d’aide à la vie ou d’aide aux personnes handicapées, qui ne sont pas pris en charge au titre de l’assurance maladie. Au-delà donc du titre V du budget de la Caisse, qui permet l’expérimentation, la CNSA devrait pouvoir financer ce service public qui lui permettrait d’offrir aux professionnels et aux utilisateurs une information indépendante sur les solutions, produits et services disponibles.

M. Benoît Jayez, secrétaire général adjoint de l’Union confédérale des retraités et des préretraités–Force ouvrière (UCR-FO). Je suis ici aujourd’hui essentiellement en ma qualité de représentant du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA)  et le premier point que je veux souligner est le problème que représente la désignation des administrateurs et des grands électeurs de la CNSA. Lors de sa création, un an après la canicule de 2003, la CNSA a été très décriée, y compris par le Conseil économique et social et le CNRPA, et c’est par son travail qu’elle a obtenu la reconnaissance dont elle bénéficie aujourd’hui. Ayant déjà vocation à intervenir à la fois dans le domaine des personnes âgées et dans celui des personnes handicapées, elle est appelée à se voir confier une autre fonction, actuellement exercée par les conseils généraux – ce qui risque de faire débat lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

Comme l’ont dit les personnes qui m’ont précédé, nous ne contestons pas la composition de la CNSA, mais la sur-représentation de l’État – la seule présence de ses représentants suffit presque à le rendre majoritaire. L’avenir dépend du contenu de la future loi d’adaptation de la société au vieillissement. La création d’un Haut Conseil de l’âge entraînera inévitablement la disparition du CNRPA et donc celle du mot « retraités », qui avait une grande importance pour les intéressés.

En accord avec l’Assemblée des départements de France (ADF), les organisations figurant au sein du CNRPA ont insisté sur la nécessité que l’entité amenée à le remplacer en représente bien toutes les composantes actuelles, à savoir à la fois les organisations syndicales et les associations de personnes âgées. Certes, cela exigera une gestion différente, ce qui peut poser un problème de fond, mais pour nous, l’essentiel est que les associations de personnes âgées soient bien représentées. La question, déjà évoquée en Conseil des ministres, ne manquera pas de se poser à l’Assemblée nationale.

Nous devons également nous interroger sur la nécessaire représentation des personnes âgées au sein des départements quand les comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA) auront disparu. La question est d’importance, ce qui explique que, notamment lors des discussions que nous avons eues avec Mme Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie dans le précédent Gouvernement, nous nous soyons initialement opposés à la disparition du mot « retraités » dans l’intitulé du Haut Conseil de l’âge.

Ayant émis les quelques réserves qui précèdent, je conclurai en répétant que, passée l’opposition générale qu’avait suscitée sa création, chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître l’efficacité de la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. À quelle opposition faites-vous allusion ?

M. Benoît Jayez. À celle qui s’est manifestée lors de la création de la CNSA, intervenue peu de temps après la canicule de 2003. À l’époque, tout le monde était contre le principe de cette création – et même contre l’instauration d’une journée de solidarité en faveur des personnes âgées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je me souviens effectivement de la réaction de rejet qui s’était manifestée en 2004 mais qui, à mon sens, ne portait pas tant sur le principe même de création de la Caisse que sur ses modalités de financement et les incertitudes qu’elles pouvaient susciter. L’une des principales questions portait sur la sanctuarisation des crédits – sujet toujours sensible.

M. Francis Contis, président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). Je m’exprime ici en tant qu’administrateur de la CNSA et porte-parole de quatre des fédérations faisant partie de la branche « aide à domicile », à savoir l’Union nationale d’aide à domicile en milieu rural (UNADMR), la Fédération nationale d’aide à domicile (ADESSA), la Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire-Confédération syndicale des familles (FNAAFP-CSF) et l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), que je préside.

L’UNA regroupe un millier de structures adhérentes sur l’ensemble du territoire national : des associations, mais aussi des mutuelles gestionnaires de services d’aide à domicile, et des centres communaux d’action sociale (CCAS). Nous avons émis 84 propositions dans le cadre du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, dont certaines y ont été reprises ; nous tâcherons de faire en sorte que les autres reçoivent le soutien de parlementaires lors de l’examen du texte.

Nous proposons un nouveau rôle pour la CNSA. Considérant que la Caisse a fait ses preuves, l’UNA estime qu’il convient désormais de lui confier d’autres attributions. Nous avons déjà signé avec elle une convention de trois ans, appelée à être renouvelée très prochainement, intitulée « Programme de modernisation » et qui a permis l’évolution de la gestion et de la qualité des services de nos associations. Nous ne pouvons que nous féliciter d’une telle coopération, qui a conduit les auditeurs externes désignés à émettre le vœu que la convention en question soit renouvelée, ses résultats leur paraissant excellents.

Nous entretenons donc un vrai partenariat avec la CNSA. En dépit des critiques auxquelles je m’associe sur la surpondération des voix dont bénéficie l’État au sein du conseil, ce qui pose parfois problème, le fait est que le dialogue entre l’UNA et la CNSA est réel, ce qui nous conduit à applaudir à la disposition, inscrite dans le projet de loi, visant à consacrer le rôle de maison commune de l’autonomie de la CNSA. Par ailleurs, nous estimons que la Caisse peut jouer un rôle transversal de pilotage national consistant à assurer l’équité territoriale, pour l’heure inexistante, en matière d’aide aux personnes âgées. La CNSA peut avoir une action de régulation, d’harmonisation des pratiques et des financements allant au-delà de son rôle actuel, mais également au-delà de celui que prévoit de lui accorder le projet de loi en matière de prévention et de perte d’autonomie. Mme Delaunay nous avait donné sur ce point les explications auxquelles nous nous attendions, mais qui ne nous satisfont pas. Nous ne devons pas nous laisser arrêter par des blocages institutionnels – je me garderai de citer telle collectivité, agence ou même caisse de sécurité sociale… La CNSA peut également proposer des évolutions dans la répartition de la part nationale de l’APA. Elle peut aider à l’amélioration des recueils d’information – alors que, pour l’heure, nous sommes aveugles – et à l’évolution de nos bases de données afin de doter les conseils généraux et la Caisse de nouveaux indicateurs ; elle sera de son côté à même d’émettre des recommandations fondées sur des informations plus qualifiées et plus objectives.

Vous avez parlé à l’instant de la sanctuarisation des recettes. Vous ne pouvez imaginer quelle a été notre indignation quand nous avons constaté que la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) pouvait ne pas être utilisée comme elle avait été votée. Dès la rentrée, nous allons à nouveau interpeller sur ce sujet, et très au-delà du conseil de la CNSA. Il est en effet inadmissible que les moyens alloués à la Caisse soient mal déployés – c’est un euphémisme –, surtout quand on sait quels sont les besoins, et à quel point ces moyens seraient utiles pour mettre en œuvre des expérimentations en matière technologique, sociale et tarifaire.

Vous avez également évoqué la convergence entre l’aide et le soin. Nous allons précisément rencontrer cet après-midi le cabinet de Mme la ministre de la santé pour discuter de cette affaire, en particulier de la difficulté qu’il y a actuellement à associer le secteur sanitaire et le secteur médico-social dans des actions communes : il n’y a pas, sur ce point, de convergence naturelle. Il nous semble que les dispositifs de coordination pourraient être mieux utilisés, que les ARS pourraient jouer un rôle plus efficace – pour le moment, elles ne donnent pas au domicile la place qu’il devrait occuper, celle du premier centre de soins et du lieu de vie majeur des personnes âgées. Sur ce point, le projet de loi peut être amélioré, notamment en ce qui concerne les services polyvalents d’aide et de soins à domicile. Le développement de dispositifs comme les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) pourrait permettre de faire évoluer certains métiers en les rendant plus transversaux, au bénéfice d’une meilleure coordination autour de la personne âgée – car ce qui se fait aujourd’hui fait plutôt penser à une noria qu’à une action coordonnée. Sur tous ces sujets, la CNSA pourrait se rendre irremplaçable, en ce qu’elle est un lieu d’objectivation où l’ensemble des acteurs peuvent se rencontrer, se reconnaître et évoluer ensemble.

J’en viens à la gouvernance de la CNSA, que nous souhaitons renforcer, comme nous l’avons fait savoir lors de l’élaboration du projet de loi. Cette instance doit devenir plus décisionnaire qu’aujourd’hui et jouer le rôle transversal qu’elle est seule à pouvoir assumer. Bien sûr, elle doit aussi rester l’endroit où se retrouvent tous les acteurs évoluant auprès de la personne âgée : nous ne voulons pas nous trouver confinés dans je ne sais quelle instance de surveillance ou « comité Théodule », nous tenons à rester membres du conseil de la CNSA rénovée. Pour l’heure, même si nous ne sommes pas majoritaires, au moins sommes-nous entendus. L’élargissement du conseil de la CNSA, s’il a lieu, ne doit pas se faire au détriment des secteurs que nous représentons ici. Le conseil est aujourd’hui une instance d’orientation. Nous sommes ouverts à l’idée de la constitution d’un bureau qui se réunirait plus régulièrement et préparerait les réunions du conseil, mais nous tenons à ce que celui-ci garde ses attributions décisionnaires.

Par ailleurs, les nombreuses commissions qui composent la CNSA ne constituent pas un obstacle à son bon fonctionnement. Elle se saisit annuellement de thématiques, ce qui présente l’avantage de nous donner des idées et de fournir des rapports utiles auxquels il peut être donné suite. En cela également, la CNSA nous paraît irremplaçable. Notre secteur serait très déçu de ne pas voir son rôle renforcé, et ne manquerait pas de le faire savoir. Nous avons déjà suffisamment de sujets de déception, celui-ci serait de trop !

M. Yves Vérollet, délégué général de l’UNA. Mon président a été très complet ; je me contenterai d’un mot sur le financement de la CNSA. Au-delà de la CASA, il importera de rééquilibrer les choses dans le cadre de la réforme et de réduire l’écart entre le financement national et le financement local. Il n’est pas normal que les départements financent l’APA à hauteur de 70 %, ce qui revient à dire que chaque département finance ses propres besoins en dépendance.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Les réflexions que vous venez de faire rejoignent en grande partie celles que nous avons déjà entendues de la part des intervenants vous ayant précédés. Dix ans après sa création, la CNSA occupe une place que chacun reconnaît, grâce au travail de grande qualité qu’elle accomplit. Cependant, elle se trouve à un moment de son histoire où elle doit s’adapter afin de pouvoir disposer des moyens qui lui permettront d’accompagner concrètement les évolutions de son domaine d’action. Effectivement peu connue à l’origine, elle a pris le temps de construire patiemment sa place, jusqu’à gagner la reconnaissance qui lui est aujourd’hui légitimement due.

J’ai bien entendu vos préoccupations et, si je ne sais dans quelle mesure elles seront prises en compte, vous avez eu raison de souligner l’indispensable attention qui devra être portée au secteur des personnes âgées. Je souhaite que vous nous transmettiez les propositions que vous dites avoir formulées, dont nous prendrons connaissance avec intérêt.

M. Francis Contis. Nous les avons déjà transmises à bon nombre de parlementaires, mais nous vous les communiquerons à nouveau.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ces documents nous aideront à formuler nos propres propositions lors de la rédaction de notre rapport.

Le projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement apporte un certain nombre de réponses – pas forcément toutes celles que vous attendez, mais en étant patient et persévérant, on finit toujours par se faire entendre et par obtenir des avancées, d’autant que les sujets que vous avez évoqués font l’unanimité.

La question de l’évaluation des besoins et des systèmes d’information est une question très complexe. Des travaux sont en cours, avec des délais de réalisation dont la longueur annoncée n’a rien d’étonnant au vu de l’importance de la tâche. Sur ce point aussi, nous apporterons notre contribution, et nous avons auditionné des personnes qui ont souligné l’importance de mener à bien ce chantier, compte tenu du déficit d’information qui constitue un frein à l’action qui pourrait être menée.

M. Francis Contis. Un travail est déjà engagé depuis plusieurs années au sein de la CNSA en vue de parvenir à une harmonisation des sources d’information provenant des différents acteurs amenés à rendre des services au domicile : l’objectif est de faire converger les systèmes d’information afin de les mettre à disposition de tous – notamment les ARS et les collectivités territoriales. Les autres fédérations d’aide à domicile y sont associées. Nous pouvons donc raisonnablement espérer disposer dans quelques années d’informations bien meilleures qu’aujourd’hui.

Il est un autre point sur lequel la CNSA nous paraît pouvoir progresser rapidement, à savoir celui de l’indispensable réforme des modes de financement, et de la réflexion à mener en ce sens. Sur ce point, la Caisse constituerait un partenaire très intéressant, au-delà des collectivités territoriales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Tout à fait. Vous avez également souligné la nécessité d’anticiper sur certains sujets, ce que les travaux effectués par la Caisse permettent souvent. Sa composition associant de multiples acteurs donne lieu à des échanges de grande qualité, ce qui permet de dégager un consensus et d’avancer.

M. Yves Vérollet. Vous avez évoqué tout à l’heure le Haut Conseil de l’âge. Je veux dire qu’ayant moi-même siégé au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et au Haut Conseil de la famille, j’ai eu l’occasion de me rendre compte à quel point l’apport de ces instances était utile. En ce qui concerne le Haut Conseil de l’âge, vous aurez à régler, en tant que parlementaires, la question du rôle des uns et des autres. Il ne faudrait pas que la CNSA, qui regroupe différents partenaires et exerce des attributions à la fois dans le domaine de la gestion et dans celui de la réflexion, se trouve dévitalisée par une autre structure. On peut envisager que le Haut Conseil de l’âge fasse de la « recherche fondamentale », tandis que la CNSA s’occupe de « recherche appliquée ». En tout état de cause, il faudra veiller à une bonne répartition des rôles.

M. Francis Contis. Gardons-nous, en effet, d’un effet de « siphonnage » ! Au demeurant, une fois le problème posé, il n’est pas bien difficile à régler : il suffit pour cela de penser à placer des garde-fous.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous remercie pour vos interventions. N’hésitez pas à nous transmettre des documents complémentaires que nous pourrons utiliser lors de la rédaction de notre rapport. Nos travaux se poursuivront en principe jusqu’à l’automne, afin de permettre la réalisation d’un vrai travail de fond à un moment où la Caisse a besoin de sentir que nous portons un certain nombre de ses propositions.

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AUDITIONS DU 8 JUILLET 2014

Audition de M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

M. le coprésident Pierre Morange. Nous recevons M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). La mise en œuvre des missions de la Caisse pose des problèmes de périmètre, de gouvernance, d’articulation entre les volets sanitaire et médico-social et de définition des besoins notamment.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Monsieur Piveteau, vous avez été le premier directeur de la CNSA : votre expérience doit nous permettre d’aller un peu plus loin dans notre réflexion.

Cette Caisse a dix ans, ce qui est peu et beaucoup à la fois ; vous allez pouvoir nous dire où nous en sommes de son évolution. Pourriez-vous revenir sur les débats qui ont précédé sa mise en place et sur la façon dont elle a été perçue à l’origine par ses différents interlocuteurs ? Quel bilan faites-vous de son action et quels en sont les principaux apports ? Sa gestion vous semble-t-elle adaptée ? Quelles suggestions pouvez-vous faire pour conforter ses missions ?

M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Merci de votre accueil.

La prudence m’a conduit à envisager de décliner votre invitation : j’ai en effet quitté mes fonctions de directeur de la Caisse il y a six ans ; entre-temps, presque deux mandats complets de directeur se sont écoulés et je n’ai pas voulu me mêler des affaires de celle-ci, ce qui aurait été déplacé à l’égard de mes successeurs. Reste que certaines intuitions de départ me semblent toujours valables et que j’ai remis il y a une quinzaine de jours à la ministre des affaires sociales un rapport traitant des besoins des personnes handicapées.

La CNSA constitue à mon sens un quatrième pied complémentaire au service de l’administration centrale, qui définit les politiques, des autorités politiques locales – aujourd’hui, les conseils généraux, qui disposent d’une marge d’initiative encore insuffisamment exploitée selon moi – et des organismes de mise en œuvre comme les agences régionales de santé (ARS) et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces trois pôles de responsabilité ont en effet besoin de cette institution pour une assistance à la maîtrise d’ouvrage – aussi bien s’agissant de l’État que des conseils généraux – et un appui à la mise en œuvre – vis-à-vis des ARS comme des MDPH.

Dès le début, dans l’organisation administrative de la CNSA, il existait deux volets complémentaires : un premier portant sur l’aide directe à la personne, avec une direction de la compensation, et un second traitant du financement des structures, avec la direction des établissements et services médico-sociaux (ESMS). Cette distinction a d’ailleurs toujours prévalu dans la définition des politiques publiques. Dans un cas, il s’agit de répartir des concours nationaux entre des prestations individuelles et de conforter les outils d’évaluation des besoins, dans l’autre, de redistribuer des enveloppes relevant essentiellement de l’assurance maladie et, accessoirement, des crédits propres de formation ou issus d’une fraction de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA).

Or ces deux volets doivent évoluer si l’on veut éviter des ruptures de parcours des personnes handicapées, notamment dans le champ de l’autisme. Mon rapport fait plusieurs propositions à cet égard.

S’agissant de l’aide à la personne, il faut aller vers des procédures de réponses accompagnées, autrement dit un processus d’orientation permanent pour accompagner au mieux les personnes compte tenu des moyens disponibles sur le terrain et de la lourdeur du handicap. Cela implique, pour les MDPH, à la fois une décision fixant ce qui est souhaitable et autant de plans d’accompagnement nécessaires pour établir ce qui est possible.

Cela suppose de modifier en profondeur le travail de ces instances, pour qu’elles sachent gérer, non pas des files d’attente dans les établissements, mais des situations d’attente, qui sont la mesure de l’écart entre le possible et le souhaitable. La CNSA a, à cet égard, un rôle très important à jouer d’appui à la mise en œuvre d’un mode de travail radicalement différent au sein du réseau des MDPH, dont elle est en quelque sorte l’animatrice.

S’agissant de l’organisation de l’offre, il faut passer d’une logique de places à une logique de réponse, ce qui suppose de s’interroger, non seulement sur la place en établissement, mais aussi sur la formation des personnels, l’analyse des pratiques, les outils de supervision, les modes de management ou les aides à l’investissement dans l’établissement. Cela implique d’examiner les procédures selon lesquelles l’accès à l’établissement est organisé : les protocoles de travail relatifs à un hébergement temporaire doivent ainsi être mis en place en même temps que celui-ci est ouvert. Face à des situations complexes, il est nécessaire de disposer d’appuis experts dans le champ médico-social comme dans le champ sanitaire. Il s’agit de pouvoir proposer une réponse multidimensionnelle, modulaire et évolutive et, là encore, la CNSA est bien placée pour accompagner les conseils généraux et les ARS dans la gestion de l’offre des établissements.

Il faut beaucoup plus de flexibilité dans l’offre d’établissements et de services, ce qui justifie une capacité de réaction d’une agence de ce type, en mesure d’appuyer la définition des stratégies et la mise en réseau des acteurs pour la maîtrise d’œuvre. L’assistance à maîtrise d’ouvrage peut porter sur l’appui à l’évolution des appels à projets, la recherche, les conventions globales de qualité de service avec les MDPH, et la maîtrise d’œuvre, sur la méthodologie d’indicateurs ou les fonds d’intervention notamment.

Dans une logique de construction de réponses accompagnées autour des personnes, une agence du type de la CNSA me paraît indispensable sur trois points : les systèmes d’information, les enjeux de formation de tout ordre et les outils d’évaluation. Il y a aujourd’hui, aussi bien en termes de qualité de service au sein des MDPH que de conditions de financement, un important travail à faire de réflexion et de mise en partage d’un bon tableau de bord d’indicateurs, qui puisse être représentatif de ce qui est attendu par les usagers et mobilisateur pour les équipes accompagnant les personnes handicapées.

Mme la rapporteure. Nous vous avons sollicité en effet aussi en tant qu’auteur de ce rapport, qui vous a été demandé à la suite du cas très médiatisé d’une jeune personne n’ayant pas pu être accueillie en établissement en France – ce cas n’est d’ailleurs pas unique : vous en citez d’autres exemples.

Vous faites 131 propositions, dont certaines sont de nature législative. Or la question des réponses accompagnées et des parcours concerne aussi les personnes âgées. Comment entendez-vous plus précisément transformer en profondeur le travail des MDPH ? Comment allons-nous aider et accompagner les équipes et ces organismes ? Comment, également, associer l’ensemble des acteurs sur un territoire donné ? Enfin, que préconisez-vous au sujet du décloisonnement entre le sanitaire et le médico-social ?

M. le coprésident Pierre Morange. Se pose également la question de l’évaluation, c’est-à-dire l’appréciation du besoin ainsi que la connaissance et le partage de l’information. La disharmonie des systèmes d’information et le caractère disparate des données laissent pantois, les acteurs étant éclatés et ne partageant pas un certain nombre de données non standardisées. Or la notion de parcours que vous évoquez suppose l’existence d’un dossier continu. Il serait utile d’avoir des référentiels communs pour définir des grilles d’analyse et des besoins qui s’inscrivent dans une planification.

M. Denis Piveteau. Sur les systèmes d’information, nous avons deux besoins principaux. Un premier, stratégique, consiste à préciser les ressources disponibles et manquantes pour nourrir le débat sur les priorités budgétaires – le nombre de places à ouvrir, les territoires choisis ou l’objectif en termes de soins et sur le plan social.

Cela suppose d’avoir une connaissance distincte du possible et du souhaitable. Si le travail administratif mélange les deux, les systèmes d’information ne pourront pas non plus faire cette distinction.

Nous avons également besoin de systèmes d’information opérationnels. Pour un enfant ayant idéalement besoin d’un internat complet qui n’a pu être trouvé, si on veut pouvoir gérer rapidement les tensions liées à cette impossibilité par un accueil complémentaire quelques week-ends par an ou pendant les vacances, les équipes des MDPH ne pourront le faire à la main. Répondre aux besoins de manière graduée en tenant compte des urgences exige un système d’information réactif et fin, permettant à la fois une gestion quotidienne des parcours et une gestion optimisée et modulaire des ressources dont nous disposons.

Madame la rapporteure, si la mobilisation de plusieurs moyens sanitaires, médico-sociaux et sociaux exige une nouvelle fonction d’assembleur de la part des MDPH, cela ne veut pas dire que cela ne fasse pas déjà partie de leurs missions, telles qu’elles ont été définies par le législateur en 2005. D’ailleurs, les responsables des MDPH sont majoritairement convaincus que c’est cette fonction que l’on attend d’elles : il ne s’agit donc pas d’un changement de cap. Cela étant, les MDPH ont atteint à cet égard un niveau de maturité très variable.

Mais il n’est pas sûr qu’elles disposent de tous les moyens nécessaires. Il ne suffit pas de vouloir disposer d’offres modulaires : il faut aussi que les gestionnaires de ces offres et les autorités de contrôle – les ARS et les conseils généraux – soient réactifs. Si la MDPH est responsable du projet relatif à une personne donnée, elle n’a pas autorité sur les services offreurs, que sont le directeur d’hôpital ou l’ARS, le directeur de foyer ou le conseil général, ou bien le chef d’établissement scolaire ou l’inspecteur d’académie ou le recteur. Cette clarification des responsabilités constitue un véritable changement : le rapport fait plusieurs propositions en ce sens.

Mme la rapporteure. Vous évoquez une mesure dérogatoire au sujet de la réactivité : pourriez-vous nous en dire davantage ?

Par ailleurs, si nous devions retenir quelques mesures prioritaires, lesquelles conseilleriez-vous ?

M. Denis Piveteau. Il ne faut surtout pas lire l’annexe avant le rapport en pensant que la liste des propositions permettra d’aller à l’essentiel. Nous avons rédigé une synthèse de trois pages, qui figure en fin de rapport, rappelant en une page les idées essentielles et sur les deux autres, vingt mesures principales. Enfin, le dernier chapitre du rapport explique comment et dans quel ordre mettre en œuvre les mesures proposées. Compte tenu de la multitude des conditions à remplir et des acteurs, la question du « premier pas », s’agissant des MDPH comme des autorités nationales et des gestionnaires de projet, est en effet fondamentale.

Il faut trouver un donnant-donnant entre un certain nombre de simplifications administratives et un niveau d’exigence plus important dans l’accompagnement des personnes. Il n’y a pas de raison d’imposer à une MDPH montrant sa capacité d’assurer le suivi des besoins des personnes un réexamen tous les deux ou trois ans d’une prestation qui devrait être automatiquement réexaminée dans le cadre de rééchelonnements réglementaires. Cela ne pourrait que perturber tout le travail qu’elle aura pu conduire. La latitude laissée aux MDPH de fixer les termes de réexamen d’un certain nombre de prestations va donc de pair avec une autre organisation du travail.

Cependant, je ne pense pas que toutes les MDPH de France soient en mesure de basculer à la même date dans ce nouvel équilibre.

Le législateur pourrait à cet égard concevoir un processus contractuel, par lequel une MDPH capable de donner les garanties nécessaires passerait à ce nouveau dispositif – la « bascule » sur la totalité du territoire s’effectuant dans un délai de trois ou cinq ans. Cela suppose un changement de logique au sein des équipes de ces organismes, ce qui pourrait être proposé assez rapidement.

Mme la rapporteure. Comment avancer sur l’articulation des âges charnières que vous évoquez dans le rapport ?

M. Denis Piveteau. Cette question – qui recouvre le dépistage précoce des handicaps, les âges charnières jalonnant la prime adolescence et le passage à l’âge adulte, ou le vieillissement des personnes handicapées – renvoie plus à un travail d’organisation de l’offre qu’à la construction d’une réponse individuelle.

Il faut prendre conscience qu’aucun acteur n’a dans sa main la totalité de ce qui permet de construire une réponse. L’anticipation du passage à l’âge adulte relève ainsi pour partie du conseil général, gestionnaire des foyers d’hébergement pour les adultes, et pour partie de l’autorité de l’État en charge du travail et de l’emploi, de l’ARS – pour l’accompagnement médico-social et sanitaire – ou du recteur, pour la poursuite d’études ou d’une formation.

Il est nécessaire que ces acteurs, entre lesquels il n’y a pas de préséance, définissent une stratégie commune au sein d’un tour de table, qui pourrait prendre appui sur les instances déjà créées au sein des ARS.

Enfin, il convient de proposer à des personnes en foyer ou en établissement et service d’aide par le travail (ESAT) des moyens d’orientation leur permettant de gagner en autonomie en leur proposant des prises en charge temporaires dans des environnements moins médicalisés ou entourés. Cela suppose une gestion active de la subsidiarité dans l’offre de places.

M. Gérard Bapt. Existe-t-il dans les interventions concernant les systèmes d’information l’expression d’une exigence en termes d’interopérabilité et d’homologation ?

Par ailleurs, la CNSA suit-elle particulièrement la transmission entre le médical et le médico-social ?

M. Denis Piveteau. Il s’agit de questions cruciales.

La netteté d’une maîtrise d’ouvrage nationale de la CNSA disposant d’outils juridiques et techniques permettant de garantir un cahier des charges suffisamment précis et des développements locaux renvoie au degré d’importance accordé à la maîtrise d’ouvrage globale des systèmes d’information. Une maîtrise d’ouvrage des systèmes entrant dans le champ de la CNSA ne servira à rien si elle n’est pas cohérente avec une maîtrise d’ouvrage sanitaire. On ne peut traiter la question de la CNSA indépendamment de celle, globale, de la force et des moyens donnés aux maîtrises d’ouvrage nationales des systèmes d’information.

Cela renvoie d’ailleurs à la capacité d’avoir sur l’ensemble des politiques des maîtrises d’ouvrage cohérentes.

Enfin, je rappelle que la CNSA dispose en quelque sorte d’une direction de tutelle claire et cohérente mais étroite : son donneur d’ordre, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), n’a aucune compétence sur le plan sanitaire.

M. Gérard Bapt. Le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales pourrait jouer un rôle.

M. Denis Piveteau. Il n’est pas le lieu de synthèse des politiques publiques. C’est plutôt le Conseil national de pilotage (CNP) qui est censé le faire. Reste qu’on ne peut demander à la CNSA d’être une assistante à la maîtrise d’ouvrage cohérente si les maîtrises d’ouvrage sont multiples et peu coordonnées, ce qui renvoie à la capacité pour l’administration centrale de définir une ligne claire.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS fait à chaque mission toujours le même constat d’une absence de coordination et d’interopérabilité des différents systèmes collectant les données. Or la réponse apportée laisse perplexe quant à la capacité de l’État à mettre en place une règle commune, sans se livrer à des contorsions vis-à-vis des opérateurs sur le terrain.

M. Denis Piveteau. Je suis convaincu que l’organisation interne de l’administration centrale est un des freins à son efficacité et à celle de ceux qui, comme la CNSA, sont chargés d’apporter leur appui à différentes directions.

M. Gérard Bapt. Il faudrait peut-être faire remonter l’idée de la nécessité d’agir rapidement sur ce point et tester celle d’un rattachement de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) au secrétariat général.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous remercie.

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Audition de M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne, M. Philippe Calmette, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Limousin, M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais, Mme Véronique Wallon, directrice générale, et Mme Marie-Hélène Lecenne, directrice Handicap et grand âge de l’agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes

M. le coprésident Pierre Morange. Nous accueillons pour cette audition sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne, M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’ARS du Nord-Pas-de-Calais, M. Philippe Calmette, directeur général de l’ARS du Limousin, Mme Véronique Wallon, directrice générale de l’ARS de Rhône-Alpes, accompagnée par Mme Marie-Hélène Lecenne, directrice du handicap et du grand âge.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. La MECSS poursuit ses travaux sur les missions de la CNSA. Nos auditions, entamées il y a quelques semaines, se poursuivront jusqu’à la rentrée, puis nous rendrons notre rapport en novembre.

Créée en 2004, la CNSA est aujourd’hui une instance reconnue par tous dans le champ médico-social. Nous souhaiterions savoir, mesdames, messieurs, quel bilan vous dressez des relations entre la CNSA et les ARS et quel regard vous portez sur l’articulation des compétences et des financements entre la CNSA et ses autorités de tutelle.

Le rapport de 2010 de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la consommation des crédits soumis à l’objectif global de dépense évoquait les « faiblesses du pilotage stratégique national » et l’« éclatement des responsabilités » entre l’administration centrale, la CNSA et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Partagez-vous ce constat ?

J’aurais également d’autres questions portant sur les systèmes d’information utilisés par la CNSA, dont la Cour des comptes a souligné l’inadaptation. Quelles sont, d’après vous, les différentes pistes d’amélioration possibles ? Quelle est la participation des ARS au chantier d’« urbanisation » ?

En ce qui concerne la compensation collective de la perte d’autonomie, comment pensez-vous que l’on puisse améliorer la répartition de l’offre d’établissements et services médico-sociaux (ESMS) sur le territoire, la connaissance des besoins des personnes handicapées et des personnes âgées et celle des coûts des ESMS ?

J’aimerais enfin connaître votre opinion sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement : les dispositions qu’il comporte doivent permettre de renforcer le rôle de la CNSA et d’améliorer la connaissance des coûts et des besoins. Pensez-vous qu’elles doivent être complétées pour améliorer le dispositif actuel ?

M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’ARS de Bourgogne. Coauteur du rapport rendu par l’IGAS et l’IGF en 2010, je confirme que nous avions rendu un verdict assez sévère sur un dispositif qui souffrait à l’époque, malgré une économie générale très satisfaisante, de défauts de jeunesse très préjudiciables à son efficacité. En poste à l’ARS de Bourgogne depuis un an et demi, j’ai pu constater avec plaisir de nettes améliorations, que ce soit dans les relations avec les ARS ou dans l’organisation et le fonctionnement du niveau central.

Les relations entre l’ARS de Bourgogne et la CNSA sont faciles et constructives. Nous disposons à la CNSA d’un correspondant bien identifié, avec lequel les contacts sont fréquents et qui n’hésite pas à se déplacer en région à la rencontre des équipes.

Un dialogue de gestion s’organise par ailleurs chaque année, qui permet de vrais échanges sur l’ensemble des sujets touchant aux personnes âgées ou handicapées. Ce dialogue de gestion s’opère en deux étapes : une étape technique d’abord, une étape stratégique ensuite. Si ce dialogue permet de vérifier que nous appliquons les orientations nationales et que nous mettons en œuvre les financements alloués à la région sous forme de dotations régionales limitatives, l’organisation et la répartition des financements, qui relèvent d’une sorte de pilotage automatique, interdisent en revanche un véritable échange sur l’adaptation régionale des politiques nationales et laissent peu de place à une approche stratégique et qualitative, qui consisterait à évaluer conjointement l’efficacité des grandes politiques publiques mises en œuvre, afin de mieux répartir, le cas échéant, les financements alloués à la région.

Au plan national, on constate également des évolutions positives, comme l’existence désormais d’une circulaire budgétaire et d’instructions communes, qui permettent une meilleure articulation du travail entre la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la CNSA. Je serai plus réservé en revanche sur la qualité des relations entre la CNSA et la DGCS, d’un côté, et les autres directions sanitaires du ministère ou l’assurance maladie, de l’autre. Tandis que les ARS s’efforcent de promouvoir une forme de transversalité dans la gouvernance, l’administration centrale demeure très cloisonnée, et l’investissement de la CNAMTS reste modeste, malgré les programmes de gestion du risque, qui restent trop ponctuels.

M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’ARS du Nord-Pas-de-Calais. L’ARS du Nord-Pas-de-Calais travaille également en réel partenariat avec la CNSA, ce qui nous permet, lorsque c’est nécessaire, de procéder, à la marge et dans le cadre contraint des enveloppes, à quelques aménagements.

Je partage l’idée que nous gagnerions à mettre en place au niveau national une organisation moins cloisonnée, qui favoriserait la fluidité et la fongibilité à la base. Je suis optimiste quant à cette évolution, car les expérimentations effectuées en matière de coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social offrent des perspectives. C’est ainsi que, dans le Pas-de-Calais, nous avons adopté le dispositif pilote PAERPA (Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie) et avons lancé un programme de parcours de soins pour les personnes en situation de handicap. À cela s’ajoutent les actions ponctuelles entreprises dans le cadre du fonds d’intervention régional (FIR).

M. Philippe Calmette, directeur général de l’ARS du Limousin. Pour répondre correctement à vos questions, il convient d’avoir une vision dynamique des politiques de santé sur les territoires. Les relations entre l’ARS du Limousin et la CNSA sont de très bonne qualité et permettent, par le dialogue, d’infléchir, même marginalement, l’allocation des ressources en fonction de certaines particularités régionales.

Il faut, cela étant, se projeter dans la mise en œuvre des parcours de soins, qu’ils concernent les personnes âgées ou handicapées. Parce qu’elle est la région de France dont la population est la plus âgée, le Limousin s’est depuis longtemps investi dans la prévention de la perte d’autonomie. Nos trois conseils généraux mènent des politiques actives de maintien à domicile, soutenus en cela par l’ensemble des acteurs de santé.

Se pose d’emblée la question du financement de ces parcours. Grâce au FIR et à la fongibilité des enveloppes, les ARS – là est leur valeur ajoutée – financent les politiques de prévention de la perte d’autonomie et permettent l’amorçage de ces parcours. Si toutefois nous ne réformons pas nos modes de financement actuels, en tuyaux d’orgue, il sera difficile aux ARS, qui n’en ont pas les moyens, de déployer ces parcours sur l’ensemble du territoire régional. J’ajoute qu’il est tout aussi important pour le financement de ces parcours de santé qu’aboutissent les négociations entre l’assurance maladie et les professionnels de santé sur les nouveaux modes de rémunération.

J’illustrerai mes propos par un exemple concret : celui de la prévention de la perte d’autonomie assurée par le pôle gériatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges. Les équipes de ce service interviennent à la demande des familles, des patients ou du médecin traitant sur les personnes de plus de soixante-quinze ans et les personnes de plus de soixante-cinq ans atteintes de polypathologies, pour élaborer des plans de prévention de la perte d’autonomie. Ces plans, qui mobilisent les intervenants sociaux, les infirmiers, les médecins traitants et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), donnent des résultats remarquables en termes d’autonomie, retardent sensiblement l’âge d’admission en EHPAD et font diminuer de manière significative le nombre d’hospitalisations ou le recours aux services d’urgence. Tout récemment encore, le financement de ces plans était exclusivement assuré par le CHU, lequel y perdait financièrement puisqu’ils se traduisaient, pour les populations concernées, par une baisse des hospitalisations de 19 % en traumatologie, de 30 % en pneumologie et de 38 % en cardiologie, et signifiaient donc une perte de recettes liée à la tarification à l’activité (T2A). En d’autres termes, le CHU, qui investit dans la prévention de la perte d’autonomie, est aujourd’hui économiquement pénalisé par un système de tarification inadapté à cette stratégie des parcours de soins. Il est donc urgent de le faire évoluer.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous insistez sur la nécessité de substituer à une approche verticale des questions de gouvernance et de coûts une approche horizontale, ce qui implique une bonne appréhension de ces derniers. Or, autant l’analyse des coûts est relativement fine pour le milieu hospitalier, autant elle me semble très parcellaire dans le domaine médico-social. J’aimerais donc savoir si vos expériences respectives sur le terrain vous permettent d’appréhender ces coûts avec plus de précision, en termes de flux comme en termes de stocks – ou de patrimoine. Cette question de l’évaluation patrimoniale est au cœur des préoccupations de la MECSS, qui s’était déjà penchée sur le patrimoine des hôpitaux français et a confié à M. Jean-Marc Germain une mission sur la dette hospitalière et les prêts toxiques qui s’y rapportent – respectivement de 24 milliards et 1,5 milliard d’euros.

M. Philippe Calmette. Nous avons beaucoup progressé sur l’évaluation des coûts de fonctionnement du système de soins aux personnes âgées dépendantes. Avec les coupes PATHOS, qui permettent de mesurer le décalage entre les moyens mobilisés et les besoins de médicalisation, puis d’affecter les crédits là où ce décalage est le plus important, la CNSA a mis en place un outil de pondération du coût à la place qui nous est extrêmement utile.

Nous n’en sommes pas encore là pour les personnes handicapées, dont le financement des soins n’a pas fondamentalement évolué depuis plusieurs années, ce qui explique les difficultés avec lesquelles sont appréhendées les situations de polyhandicap. Il n’est pas normal, par exemple, que la décision d’admission d’une personne handicapée dans un établissement ou un service relève du directeur de l’établissement ou du service en question, alors qu’elle devrait appartenir à la personne morale gestionnaire, qui définit la politique d’accueil et d’accompagnement.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous préciser ce dernier point et nous confirmer que, selon vous, ce n’est pas à l’exécutif de prononcer les admissions ?

M. Philippe Calmette. En effet. Cette question est au cœur des antagonismes qui peuvent surgir entre celui qui définit la politique d’un établissement – la personne morale qui s’incarne le plus souvent dans une association ou un établissement public – et celui qui est chargé de la mettre en œuvre et dispose pour cela, avec les décisions d’admission, d’un levier décisif.

Un temps directeur général de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (FEGAPEI), j’ai beaucoup insisté auprès des personnes morales gestionnaires sur l’obligation qu’elles avaient d’accueillir tous les publics, dans la mesure de leurs capacités. Force est de reconnaître cependant que cette obligation se heurte, sur le terrain, aux arbitrages des directeurs d’établissement qui, disposant de budgets tendus et peu évolutifs, s’efforcent de conserver dans leurs établissements des structures de population correspondant aux moyens qui leur sont alloués, ce qui les conduit à refuser les cas les plus lourds et donc les plus coûteux. C’est bien la preuve que notre système de tarification n’est pas adapté.

Mme Véronique Wallon, directrice générale de l’ARS de Rhône-Alpes. D’importants progrès ont été accomplis depuis une quinzaine d’années dans les secteurs sanitaire et médico-social. La CNSA est aujourd’hui un véritable interlocuteur pour les ARS. Elle leur a permis de régionaliser leurs politiques et de sécuriser les enveloppes. Nous souhaitons donc que la CNSA continue d’animer, avec plus de force encore qu’aujourd’hui, le réseau des agences.

Plusieurs pistes de progression sont possibles.

La création de la CNSA n’a pas résolu le problème du pilotage stratégique du secteur, ce qui interdit la mise en place d’une tarification adaptée. Remédier à ce défaut de pilotage implique de rompre avec la logique des tuyaux d’orgue pour lui substituer une vision horizontale, à partir des territoires et des parcours de soins. Cela implique aussi de disposer d’outils permettant d’améliorer notre connaissance du terrain et notre analyse des besoins, lesquels sont de plus en plus individualisés. Il s’agira ensuite de concevoir une tarification adaptée à ces nouveaux enjeux, sans se contenter d’améliorer le système actuel. Si cette recomposition de l’offre relève d’un travail conjoint de la DGCS, de la direction de la sécurité sociale (DSS) et de la CNSA, il est clair que, pour les ARS, c’est cette dernière qui devra être l’interlocuteur opérationnel.

Une fois le pilotage amorcé, la CNSA doit mettre en place des outils adaptés aux nouvelles orientations stratégiques, dans les trois domaines suivants : ressources humaines, systèmes d’information et animation. Pour atteindre nos objectifs, il est indispensable de décloisonner les systèmes d’information, qui ne doivent plus être uniquement conçus comme des systèmes ascendants de communication des données (reporting) et de collecte de l’information mais comme des instruments d’aide à la décision. Il y a là une petite révolution copernicienne à accomplir. Quant aux ressources humaines, elles sont un enjeu majeur pour les établissements, qui doivent préparer leurs équipes médico-sociales à affronter les évolutions que connaît le secteur le plus sereinement possible.

Le pilotage ne peut faire l’impasse sur la question patrimoniale, qui s’articule autour de deux volets : investissement et ressource. La modernisation, la mise aux normes et la sécurisation des EHPAD constituent pour le secteur un « mur d’investissement » évalué, pour la seule région Rhône-Alpes, à 2,5 milliards d’euros. Le ratio communément admis étant que la région représente 10 % des dépenses nationales, cela signifie 25 milliards d’euros à l’échelle du pays… La ressource, par ailleurs, est mal valorisée, les gestionnaires d’établissement – associations ou établissements publics – n’ayant guère de tradition en la matière, alors même qu’il s’agit d’un patrimoine considérable, constitué parfois de terrains et de propriétés de prestige, certes, mais peu fonctionnels et mal adaptés aux nouveaux usages.

La CNSA doit enfin avoir pour objectif de simplifier au maximum la vie de chacun, ce qui implique qu’elle se concentre sur la maîtrise des grandes articulations, laissant aux acteurs de terrain le soin de mettre en place des déclinaisons plus subtiles, adaptées aux situations particulières.

Mme Marie Hélène Lecenne, directrice du handicap et du grand âge à l’ARS de Rhône-Alpes. Cet exercice de simplification est d’autant plus indispensable que les processus à l’œuvre sont lourds et complexes. Pour les personnes âgées, nous disposons d’un outil d’estimation de la charge en soins, qui permet de définir la dotation budgétaire. En revanche, les outils de convergence budgétaire ou de modulation des droits de tirage en fonction de cette charge en soins restent d’un usage délicat en région, sans doute parce qu’ils n’ont pas été suffisamment consolidés au niveau national. C’est là une première difficulté.

Dans le domaine du handicap, si la maîtrise des enveloppes est garantie, ce n’est pas le cas pour les dépenses. Les différents modes de tarification – tantôt à la journée, tantôt par dotation globale – et la diversité des financeurs – conseils généraux et ARS – complexifient le système et n’ont aucun effet vertueux sur la régulation des dépenses.

M. le coprésident Pierre Morange. Les établissements pour personnes âgées ou handicapées disposent-ils, en règle générale, d’une comptabilité analytique ?

Mme Véronique Wallon. Nous en sommes encore à la préhistoire…

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions à mener dans le champ des ressources humaines, en matière notamment de formation et d’adaptation des personnels ?

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’en est-il de l’assurance maladie, qui semble la grande absente de nos échanges ? A-t-elle, et de quelle manière, un rôle à jouer dans le renforcement de la coordination entre volet sanitaire et volet médico-social ?

M. Christophe Lannelongue. À l’absence de pilotage stratégique au niveau national répond, au plan régional, une logique de répartition des enveloppes également dépourvue de portée stratégique. La CNSA est, fondamentalement, une machine qui répartit l’argent dans des conditions de neutralité, de transparence et d’équité destinées à écarter tout soupçon de favoritisme politique ou géographique. Il a fallu pour cela privilégier une mécanique automatique de répartition des dotations à partir d’indicateurs simples, les taux d’équipement.

Les systèmes d’information dont nous disposons ont donc été conçus, de manière verticale, comme des outils de suivi de la répartition. Des progrès ont certes été accomplis, mais ils restent partiels et n’intègrent pas encore le suivi de la performance pour chaque établissement. Au-delà d’un indicateur de base comme le taux d’équipement, nous manquons d’outils de gestion offrant une connaissance fine de l’offre et des niveaux de service ainsi qu’une analyse individualisée des besoins.

En matière patrimoniale, il n’y a pas eu, dans le secteur médico-social, de réflexion sur les investissements comparable à celle qui a été menée dans le secteur hospitalier – avec, il est vrai, des fortunes diverses. Cela tient au fait que la question immobilière est étroitement liée aux questions de restructuration qui agitent le secteur, qu’il s’agisse de la coexistence entre établissements publics et privés ou de la capacité des associations à se fédérer et à mutualiser leurs moyens pour accroître les économies d’échelle et améliorer la qualité de service, grâce à une meilleure gestion des compétences.

Cela m’amène à la question des ressources humaines, domaine dans lequel les ARS ont assez peu de leviers d’action. Elles interviennent certes dans la régulation des instituts de formation et sont en relation avec le CHU et l’université, mais elles ont une vision parcellaire des besoins sur le terrain, ignorent encore la gestion prévisionnelle et n’ont guère in fine la capacité de peser sur la gestion des établissements et des services. C’est là l’un des gros points faibles du secteur, qui explique bon nombre des difficultés auxquelles sont confrontés les établissements et les patients.

M. Jean-Yves Grall. Je voudrais revenir sur l’affectation des enveloppes budgétaires. Pour affecter ces enveloppes, la CNSA a besoin d’un système d’information performant qui, sans être trop sophistiqué, permette de mettre en œuvre un véritable pilotage stratégique.

Pour appuyer le travail entrepris par la CNSA sur les critères de répartition des enveloppes entre les régions, je préconiserais, par exemple, de ne pas s’en tenir au nombre de places disponibles en établissement mais de prendre en compte des critères comme le taux d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou le taux d’enfants en situation de handicap. À titre d’exemple, ils sont respectivement, pour la région Nord-Pas-de-Calais, de 17,5 ‰ et de 5,2 ‰, contre 14,5 ‰ et 3,2 ‰ en moyenne nationale. Pourraient également être pris en compte d’autres éléments de santé publique, sans doute plus difficiles à manier, comme, par exemple, la mortalité précoce. Il faut ensuite opérer au sein même des régions une répartition aussi égalitaire que possible entre les différents territoires, ce qui nécessite, là encore, d’affiner nos systèmes d’information et de s’appuyer sur des appels à projets territorialisés.

En matière de ressources humaines, je ne peux que constater le décalage qui existe entre les personnels des établissements accueillant des personnes âgées ou handicapées et les personnels du secteur sanitaire. C’est flagrant en ce qui concerne le circuit du médicament, domaine dans lequel les personnels des établissements médico-sociaux font montre de graves lacunes. Bien que les ARS ne disposent d’aucun levier direct pour agir sur la formation de ces personnels, il est essentiel d’insister auprès des différents employeurs pour qu’ils s’emparent du sujet.

Je conclurai en rappelant que le secteur médico-social reste relativement morcelé par rapport au secteur sanitaire. Des dynamiques de regroupement et de mutualisation y sont à l’œuvre ; elles doivent se poursuivre.

Mme la rapporteure. Compte tenu de la médicalisation croissante des établissements médico-sociaux, ce que vous dites à propos du médicament nous intéresse tout particulièrement. Nous allons travailler sur la stratégie nationale de santé, et nous aimerions savoir quelles sont les pistes que vous préconisez pour repenser les métiers du secteur médico-social. Peut-on envisager un module de formation commun aux secteurs médico-social et sanitaire ? Comment pensez-vous qu’il soit possible de réformer les formations pour mieux les adapter, notamment dans le cas de situations critiques, à l’accompagnement des parcours de soins, sur lequel a travaillé M. Denis Piveteau ?

M. Jean-Yves Grall. Tous les personnels doivent bénéficier d’une formation sur le circuit du médicament ; ce n’est pas uniquement une question de coût mais également de sécurité sanitaire. En ce qui concerne la prévention des situations critiques, les établissements mettent de plus en plus souvent en place des protocoles permettant de garantir le suivi médicamenteux des patients, afin d’améliorer l’accompagnement des personnels qui interviennent tout au long du parcours de soins.

M. Philippe Calmette. L’éparpillement de la responsabilité en matière de gestion du risque est l’une des difficultés que doit résoudre la gouvernance. Encore faut-il s’entendre sur ce que l’on entend par gestion du risque et ne pas réduire cette notion au contrôle de la pratique des tarifications ou de la T2A dans les établissements sanitaires. La gestion du risque, c’est la technique qui doit nous permettre de prioriser nos investissements de santé et d’allouer nos ressources aujourd’hui pour améliorer, demain, la santé des Français et réaliser, après-demain, des économies. Aujourd’hui, l’absence de pilotage et le défaut de gouvernance déjà évoqués privent les directeurs d’ARS des informations leur permettant d’investir là où ce serait le plus efficient en termes de santé et de qualité de l’offre de soins.

J’ai pour ma part priorisé deux parcours en région Limousin : le premier lié à l’autisme, le second à la personne âgée dépendante. Sur ce dernier, je disposais d’éléments médico-économiques issus de l’expérience de prévention à domicile menée par le pôle gériatrie du CHU, dont je vous ai déjà parlé. Je savais donc qu’en investissant dans le déploiement de ce dispositif sur l’ensemble de la région, j’allais permettre le maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions et réaliser ainsi, au bout du compte, d’importantes économies.

Pour l’autisme, je ne disposais que d’études canadiennes et américaines, recommandant le dépistage et le diagnostic précoce, pour un accompagnement intensif le plus tôt possible. En France, le diagnostic et l’accompagnement ne se font pas, en moyenne, avant l’âge de six ans, alors que nous disposons des moyens techniques pour le faire dès dix-huit mois. Cela se traduit, d’une part, par une perte de chances pour les malades, chez qui nous intervenons trop tard et, d’autre part, par un surcoût global, à l’âge de quarante ans, de 1,3 million de dollars selon les études parues outre-Atlantique. Compte tenu du taux de prévalence de l’autisme, évalué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à 1 pour 140, cela représente pour notre pays six milliards d’euros, actuellement investis dans les hôpitaux psychiatriques et les maisons d’accueil spécialisées, où vivent des personnes lourdement accompagnées alors qu’elles pourraient l’être beaucoup moins.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur cette question de l’autisme, on ne doit pas non plus méconnaître les résistances opposées par la Faculté de médecine aux thérapies comportementales, et l’on peut déplorer que l’État ne s’appuie pas davantage sur l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui a admis à mots couverts l’inadaptation de l’approche psychanalytique.

M. Philippe Calmette. Je partage votre analyse de la situation. Les ARS disposent depuis de deux ou trois ans d’outils pour agir, au premier rang desquels les recommandations de la HAS, relativement récentes…

M. le coprésident Pierre Morange. Mais les études américaines ont près de trente ans !

M. Philippe Calmette. Pour en revenir à la gestion du risque, nous manquons d’études médico-économiques pour savoir quelles actions privilégier au sein d’un parcours de soins, dans une perspective d’investissements pluriannuels.

Mme la rapporteure. Je pense qu’il y a là un sujet dont la MECSS pourrait se saisir.

M. Philippe Calmette. Le FIR et la fongibilité des enveloppes nous permettent de mettre en place les premiers éléments des parcours de soins, mais nous ne disposons pas des outils d’ingénierie financière et de tarification pour les généraliser à l’ensemble de la région. Cela ne pourra se faire qu’à quatre conditions : approfondissement de la fongibilité, développement du FIR, multiplication des études médico-économiques et recentrage de la gestion du risque. Pour mettre en adéquation la politique des parcours et le financement de ces derniers, les ARS ont besoin de professionnels – trop peu nombreux – capables de réaliser des études d’efficience dans les établissements médico-sociaux, c’est-à-dire de mesurer la pertinence des mesures d’accompagnement et de soins en les mettant en rapport avec les dépenses et les investissements de la structure gestionnaire. Il faut, pour cela, savoir lire un haut de bilan, car les règles comptables ont longtemps permis de faire remonter les ressources des établissements vers les hauts de bilan des structures gestionnaires, permettant à ces dernières de constituer parfois d’importantes réserves. Or la contractualisation des ARS avec les opérateurs porte sur les comptes d’exploitation et très rarement sur ces hauts de bilan, pour lesquels nous ne disposons pas des compétences d’analyse nécessaires.

Mme Véronique Wallon. Un mot sur le médicament. En 2011, l’ARS de Rhône-Alpes a mis en ligne un guide du médicament à destination des EHPAD dépourvus de pharmacie intérieure. Il s’avère que c’est la partie du site la plus consultée, ce qui montre que cela répondait à une réelle demande.

J’insiste également, sans m’y attarder, sur le fait que, pour que les parcours de soins soient un succès, la réforme de la tarification doit s’accompagner de la mise en place d’une structure équivalant au FIR pour le secteur médico-social et d’une application plus ambitieuse du principe de fongibilité.

En matière de gestion du risque, les relations de l’ARS Rhône-Alpes avec l’assurance maladie sont bonnes. Les directeurs régionaux, qui siègent au sein de la commission régionale de gestion du risque, sont demandeurs d’informations sur les stratégies engagées en la matière, pour les faire remonter à leur hiérarchie. L’exercice va néanmoins rapidement rencontrer ses limites, d’abord parce que les actions engagées, si elles sont soutenues au niveau local par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), ne rentreront pas forcément dans les cases de tarification de la CNAMTS ; peut-être même ne correspondront-elles pas aux objectifs de gestion du risque définis au niveau national. Par ailleurs, les services territoriaux de l’assurance maladie n’ont pas encore l’habitude d’appréhender les schémas de parcours de soins dans leur globalité. Confrontés, par exemple, à une demande concernant un transport sanitaire, ils ne rapportent pas nécessairement le coût induit aux économies réalisées par ailleurs puisque ce transport sanitaire s’inscrit dans un parcours où la médecine ambulatoire s’est substituée à l’hospitalisation.

M. le coprésident Pierre Morange. Le transport des patients représente 4,5 milliards d’euros, sur lesquels, selon la Cour des comptes, 1,5 milliard d’euros pourraient être économisés grâce à de simples mesures de rationalisation et à un renforcement des contrôles permettant d’éviter les surfacturations abusives.

Mme Véronique Wallon. L’ARS de Rhône-Alpes a défini trente filières gérontologiques, qui couvrent tout le territoire et permettent de calculer globalement le coût d’un parcours ; encore faut-il que ces calculs puissent ensuite se traduire en termes de paiement et de tarification.

Quelques remarques enfin sur les ressources humaines. Je milite d’abord pour la simplification administrative. On ne peut en effet continuer d’imposer aux directeurs d’établissement la sophistication croissante de nos dispositifs : leur métier n’est pas d’être comptable. J’attire ensuite votre attention sur un certain épuisement, perceptible chez les personnels du ministère et des agences, confrontés depuis plusieurs années à la mise en œuvre des réformes successives. Si une réforme de la tarification s’annonce, sans doute pourrait-elle s’accompagner d’un renforcement de la formation de ces personnels, leur permettant de donner du sens à leur travail. Enfin, il faut poursuivre l’effort de valorisation des métiers en établissement médico-social.

Mme la rapporteure. Nous sommes tous conscients en effet que la succession des réformes a pu déstabiliser les personnels qui travaillent dans les ARS ou les établissements. Il est primordial de donner du sens à l’action publique. Pour cela, il faut accompagner les personnels et leur proposer des formations adaptées.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions, mesdames et messieurs, de nous avoir ainsi éclairés. La MECSS a le souci de formuler des recommandations qui dépassent le champ des généralités et aient une portée véritablement opérationnelle. N’hésitez donc pas, dans cette perspective, à nous transmettre toute préconisation sur la rationalisation des moyens ou la simplification des procédures, qu’il s’agisse de mesures s’inscrivant dans le champ réglementaire ou dans le domaine législatif.

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Audition de M. Alain Cordier, ancien président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Alain Cordier, ancien président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Mme Martine Carrillon-Couvreur, notre rapporteure sur la mise en œuvre des missions de la CNSA, revisite actuellement ces missions, notamment à travers le prisme du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui doit encore être affiné d’ici la rentrée de septembre.

Nous avons déjà procédé à un certain nombre d’auditions. Nous avons souhaité vous entendre, monsieur Cordier, pour bénéficier de votre expérience, de votre regard rétrospectif sur cette Caisse qui fête son dixième anniversaire, et de votre réflexion sur les marges de manœuvre à exploiter pour répondre aux besoins dans le secteur médico-social.

De nombreux rapports ont déjà été publiés, notamment sur la gouvernance, les systèmes d’information, la méconnaissance des coûts et l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Nous vous remercions d’avoir accepté cette invitation à dialoguer avec nous dans le cadre du rapport que nous présenterons en novembre sur la mise en œuvre des missions de la CNSA.

Vous avez vécu les débuts de la CNSA, qui fête aujourd’hui ses dix ans. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par la Caisse, devenue une instance reconnue, que nous estimons néanmoins nécessaire de conforter encore dans ses missions ? Quel bilan dressez-vous de ce parcours ? Quelles seraient selon vous les améliorations à apporter pour les années à venir ?

La CNSA a fait l’objet de nombreux rapports. Les constats qui ont été dressés touchent en particulier aux systèmes d’information, dont la mise en place a pris beaucoup de retard et qui restent en retrait par rapport à ce qu’ils devraient être, même si la prise de conscience a été salutaire. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

En ce qui concerne la compensation collective et individuelle de la perte d’autonomie, quelle est votre réflexion sur la répartition de l’offre, la connaissance des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées et celle des coûts des établissements et services médico-sociaux (ESMS), l’accompagnement et les parcours des personnes, sachant que nous ne raisonnons plus en termes de places, mais de parcours accompagnés ? Je précise que nous avons reçu tout à l’heure M. Denis Piveteau, qui a vécu avec vous les débuts de la CNSA.

M. Alain Cordier, ancien président de la CNSA. Je vous remercie de m’offrir l’occasion de rajeunir (Sourires). J’avais été auditionné avec M. Denis Piveteau par M. Morange peu de temps après la création de la CNSA, il y a donc dix ans. J’ai hésité à accepter votre invitation, car il y a maintenant un certain temps que j’ai quitté la CNSA. Mes connaissances sont donc un peu trop obsolètes pour répondre à des questions très précises sur la CNSA. Mais, puisque vous m’avez invité à titre de « grand témoin », c’est avec plaisir que je m’exprimerai devant vous.

Avec le recul, cinq intuitions qui étaient à l’origine de la CNSA me paraissent avoir suivi leur chemin. En 2006, la Cour des comptes, sous la plume de son président de l’époque, M. Philippe Séguin, avait qualifié la Caisse, dans l’un de ses rapports, d’organisation sui generis – ce qui était assez perspicace. Nous avons eu la chance, Denis Piveteau et moi-même, de vivre ce moment où nous avons pu prouver le mouvement en marchant. Il n’est pas si fréquent de vivre la naissance d’une « start-up administrative »… Je le dis en souhaitant que le naturel ne revienne pas trop vite au galop et que nous gardions cet état d’esprit imaginatif et créatif.

La première intuition est fondamentale. C’était la première fois qu’une institution réunissait les personnes âgées dépendantes et les personnes en situation de handicap. J’observe d’ailleurs que, si les gouvernements se succèdent, on continue à nommer un ministre des personnes âgées d’un côté et un ministre des personnes handicapées de l’autre, ce qui ne laisse pas de me surprendre.

Cette intuition, qui s’est révélée juste, a eu très rapidement trois conséquences. A très vite été mise au jour l’aberration que constituait la barrière d’âge – je préciserai même : toute barrière d’âge. Ensuite, l’ensemble des acteurs membres du conseil de la CNSA se sont retrouvés autour d’une sémantique : la perte d’autonomie, quel qu’en soit le motif – naissance, accident de la route, grand âge, maladie… Cela a vite fait apparaître que nous étions face à une transition épidémiologique liée au vieillissement, qui se traduit par un fait majeur : la chronicité. Nous ne guérissons pas des maladies, mais nous n’en mourons plus – nous vivons avec. Cela a des conséquences sur l’autonomie. Au bout du raisonnement, nous arrivons à une notion très importante. Les Anglais ont deux verbes pour le soin, to cure et to care. Le soin et le prendre-soin sont deux éléments également importants. J’ai été, avec le professeur Didier Sicard, l’un des auteurs du rapport sur la fin de vie. La littérature sur le sujet nous montre qu’il est décisif pour la qualité de la prise en charge, y compris en ce qui concerne les cancers, d’introduire le plus tôt possible les soins palliatifs – non pas comme soins de fin de vie, mais comme soins de support. Il est sans doute devenu banal de le dire, mais l’accompagnement est aussi important que les soins les plus aigus.

L’idée a fait son chemin. Nous l’avons prolongée, avec Denis Piveteau, lorsque nous avons conduit les travaux du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), en faisant approuver à l’unanimité des acteurs la notion de médecine de parcours, ou de parcours de soins et de santé. J’ai moi-même prolongé cette intuition dans le rapport, remis au Gouvernement en juin 2013, du « Comité des sages », que je présidais et qui était chargé de « plancher » sur la stratégie nationale de santé, en montrant que les défis majeurs étaient désormais la chronicité et la polypathologie, qui expliquent plus des deux tiers de la croissance de la dépense. Or, qui dit chronicité dit interface entre différentes compétences professionnelles. Quel que soit le secteur d’activité, rendre les interfaces aussi fluides que possible permet de progresser en qualité de soins comme en matière de réduction des dépenses. Il n’y a donc pas d’alternative pour l’avenir que de raisonner en termes de parcours de soins et de santé si l’on veut à la fois mieux soigner et faire face au défi du financement.

Je suis membre du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. Je suis convaincu que faire passer de 2,5 % à 2 % la croissance de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) constitue un vrai changement de paradigme. On ne réussira pas à coups de rabot sur le panier de soins, même s’il faut continuer à le faire – mieux vaut rembourser des médicaments efficaces que des médicaments inefficaces –, mais la véritable voie d’avenir consiste à travailler sur la fluidité du parcours de soins et de santé, donc à franchir la frontière entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, comme entre les établissements et le domicile. Je vous renvoie au rapport que j’ai rédigé pour le « Comité des sages ».

J’ajoute que les ruptures dans ce domaine sont éthiquement et humainement insupportables.

Cette première intuition, si importante, a continué de cheminer. Elle est portée par l’ensemble des acteurs. Hors du champ des caméras, chacun se reconnaît en effet dans ce diagnostic.

La deuxième intuition est la conciliation entre droit commun et réponse personnalisée. Nous sommes partis, tant avec les associations qu’avec les organisations syndicales, d’un principe classique en France : le primat de l’égalité. Chemin faisant, nous nous sommes aperçus que cela n’avait pas de sens de créer un droit spécifique pour les personnes en perte d’autonomie. En effet, plus nous serons capables de répondre à une situation complexe, et plus nous serons capables de répondre à toutes les situations. Pour prendre un exemple, la réalisation de plans inclinés pour les personnes en fauteuil roulant n’intéressera pas grand monde ; il en ira autrement si l’on précise que cette réalisation sera aussi utile à la personne âgée qui commence à avoir du mal à marcher et à tirer sa valise, à la maman avec une poussette, et au jeune qui s’est cassé la jambe et se déplace avec des béquilles. Cette idée d’un droit commun plutôt que de droits spécifiques pour chacun est extrêmement motivante. La découverte d’une transversalité concernant l’ensemble des situations a d’ailleurs été une étape très importante pour le conseil de la CNSA. L’une des principales difficultés auxquelles je me suis heurté comme président est la verticalité de chacun : pour un aveugle, un sourd n’est pas une personne en situation de handicap, puisqu’il n’est pas aveugle. Le risque est donc grand que chacun défende son intérêt, comme nous le voyons avec les associations de malades – ce qui est somme toute logique. Mais nous avons découvert progressivement un élément transversal à toutes les situations, qui intéresse tout le monde.

Nous sommes arrivés à une autre conclusion : le droit commun passe naturellement par des réponses d’équité, mais aussi par des réponses personnalisées. C’est une avancée décisive de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui parle de projet de vie de la personne. Le législateur de 2004 avait d’ailleurs déjà avancé cette notion avec l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Pour moi, c’est un défi majeur des services publics aujourd’hui : nous avons deux hémisphères, l’un qui demande l’égalité et l’autre qui demande une réponse personnalisée pour chacun d’entre nous.

Au fond, nous avons compris un phénomène important, le renversement de la pyramide – qui signifie qu’on part de la personne. La réponse ne passe plus par un formulaire administratif de la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), mais par un dialogue avec la personne. Certes, c’est compliqué, et nous avons toujours été conscients qu’il faudrait des années pour aller au bout de l’intuition ; mais celle-ci a été confirmée par le législateur, tant en 2004 qu’en 2005.

Troisième intuition : ce renversement de logique s’entend également du point de vue budgétaire. On vous a certainement parlé des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC). Il s’agit de partir du besoin pour aller vers le budget. Cela suppose une connaissance claire des besoins – et nous avons mesuré combien nous étions en retard sur ce terrain. Je voudrais néanmoins rendre hommage à Denis Piveteau et à ses services pour la qualité des dossiers remis au conseil : ils allaient chercher toute l’information disponible, y compris avec des variables « proxy », comme disent les statisticiens, pour essayer d’approcher la réalité. Venant moi-même du secteur sanitaire, je pensais que nous étions très en retard ; j’ai découvert que le secteur médico-social l’était encore plus… Mais la logique était là, et la vision claire des situations est un point très important.

Cela n’empêche pas qu’il faille un peu d’intelligence. À notre arrivée à la CNSA, l’administration de l’État avait pour habitude de raisonner à partir du pourcentage de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans un département Nous avons ajouté un deuxième critère : ce même pourcentage dans dix ans. La combinaison des deux critères donne une vision un peu différente de celle que l’on obtient en se bornant au premier.

Certes, il y a beaucoup de progrès à faire dans les systèmes d’information et la captation de l’information, mais un vrai travail d’intelligence à partir des chiffres n’en est pas moins nécessaire. N’attendons pas pieusement d’avoir un système d’information parfait – nous ne l’aurons jamais. Essayons d’y travailler, mais développons en même temps une intelligence des chiffres et une habileté statistique.

Une fois les besoins identifiés, il faut faire des choix de priorités. Sortons du jeu qui consiste à nier le besoin pour pouvoir dire que le budget est identique à ce besoin. Reconnaissons que les besoins existent, que le budget ne peut répondre immédiatement à tous, et que la situation budgétaire nous impose de faire un choix de priorités. Cette clarté a été précieuse vis-à-vis des acteurs du conseil de la CNSA. Je rends ici hommage aux associations de personnes en situation de handicap, qui ont accepté – sans doute un peu plus que les associations de personnes âgées – d’entrer dans ce raisonnement. Il est primordial d’être reconnu dans son besoin pour pouvoir comprendre la logique d’arbitrage budgétaire et de choix de priorités.

La quatrième intuition est, hélas, toujours d’actualité. Nous avons cherché à faire du conseil de la CNSA un espace public. On pourrait parler de contre-démocratie, au sens non d’opposition, mais de contrefort. Nous avons essayé de découvrir ensemble qu’il était possible d’aller très loin dans la recherche des convergences comme dans l’identification précise des divergences. Il ne s’agit pas seulement d’être pour ou contre, mais aussi de dire pourquoi et à quelles conditions cette position pourrait évoluer. Nous avons vécu là des moments très émouvants. Je pense au rapport d’octobre 2007, que nous avions mis quatre mois à écrire mais qui a fait l’objet d’un vote unanime du conseil – ce fut un moment magique, où nous nous sommes surpris à découvrir que nous étions capables d’élaborer un travail commun. Certes, ce n’était pas de la grande littérature, et il faisait la part belle au compromis ; mais enfin, nous l’avions fait. Je pense aussi à la convention d’appui à la qualité de service des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Comme vous le savez, la loi avait prévu que la CNSA signe un contrat avec chaque département. Lorsque Denis Piveteau a présenté la première convention-type devant le conseil, celui-ci s’est divisé entre les départements, qui me demandaient de leur donner l’argent et de les laisser s’occuper du reste, et les associations de personnes handicapées, qui refusaient de leur faire confiance et exigeaient une batterie d’indicateurs. Il nous a fallu un an de discussions ; mais en définitive, nous avons fait voter la convention-type à l’unanimité, lors de mon dernier conseil comme président. Trois ans après, lorsque le nouveau directeur de la Caisse, M. Laurent Vachey, a présenté l’évolution de cette convention, le vote a été acquis en quelques minutes. Certains diront que nous avons perdu un an, mais nous avions gagné beaucoup pour la suite.

Cette idée forte, qui est encore d’actualité, n’est rien d’autre que la découverte de la confrontation des points de vue au sens du point d’où je vois.

Mme la rapporteure. En quelle année cette convention-type a-t-elle été adoptée ?

M. Alain Cordier. De mémoire, en 2006 ou en 2007.

Il est important de découvrir que l’on progresse lorsque l’on reconnaît que la confrontation des points de vue est utile au sens du point d’où je vois. Un président de conseil général ne voit pas la même chose, et n’entre pas dans le sujet de la même façon qu’un représentant d’association. La question est de savoir si l’on souhaite progresser – ce qui ne veut pas dire tout régler, mais au moins identifier les divergences et repérer les convergences possibles. Cette intuition reste essentielle.

La place de l’État dans le conseil de la CNSA reste discutée. Le législateur a fait preuve d’une grande audace. Il existe deux systèmes classiques : celui où l’État est majoritaire au conseil et où son président est un représentant de l’État, et celui où le conseil ne compte aucun représentant de l’État, mais où celui-ci est néanmoins représenté par un commissaire du Gouvernement. Nous sommes ici dans un système hybride, dans lequel l’État n’a pas la majorité, bien qu’il pèse énormément puisqu’il détient environ 44 % des voix. Par ailleurs, le président du conseil n’est pas censé représenter l’État : c’est une personnalité qualifiée élue par ses pairs. Personnellement, j’ai toujours défendu l’idée que le président de la CNSA devait être à équidistance de l’État, des associations, des syndicats et des financeurs, pour essayer – lorsque je le sentais possible – de faire émerger une convergence ou d’identifier une divergence, et d’en faire une synthèse. Certains m’ont reproché de ne pas toujours être du côté de l’État ou des syndicats. Mais il me semblait que le service que je devais rendre, dans l’architecture voulue par le législateur, était d’essayer de faire émerger cette convergence, ce qui suppose de la part de l’État une intelligence particulière : lorsqu’il siège au conseil, il doit être plutôt partie prenante que tuteur.

Le législateur n’a doté ce conseil d’aucun pouvoir. Il ne s’agit ni d’un conseil d’administration, ni d’un conseil de surveillance, ni d’un conseil d’orientation. En revanche, il lui a donné la compétence de voter le budget, mais un budget décidé pour l’essentiel par le Parlement – l’ONDAM. Sur le plan juridique, c’est un peu bancal. Néanmoins, nous arrivions à nous en débrouiller en faisant un travail d’analyse, d’observation et d’orientation. Ceci fait, les associations se retiraient du jeu et l’État arrêtait le budget. Au fond, le processus était assez mécanique.

J’insisterai plus particulièrement sur la dernière intuition, qui rejoint sans doute une part de vos questions. Tout cela nous conduit progressivement à un nouveau paradigme du pilotage des politiques publiques.

Le législateur a assigné à la CNSA l’objectif de rendre compte une fois par an à travers un rapport. C’est pour moi une idée forte dans la gouvernance des politiques publiques. Il s’agit de faire le point, une fois par an, sur ce qui a fonctionné et sur ce qui n’a pas fonctionné. Nous avons besoin de cette culture de l’erreur ou de cette learning curve – courbe d’apprentissage ou d’expérience. Cela nous a permis de découvrir que nous avions d’abord besoin d’une gestion de proximité. J’ignore quel sera l’avenir institutionnel du département, mais il est impératif de conserver la capacité d’une gestion de proximité : une réponse personnalisée implique de tenir compte de considérations « loco-régionales ». Or certains départements ont une densité de médecins suffisante, et d’autres non ; de même, il y a des secteurs plus dynamiques que d’autres.

Mais nous avons aussi besoin d’un État stratège et régulateur. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup regretté que l’État ne soit pas assez stratège. Je reste ainsi fasciné par l’épaisseur des annexes à la première convention d’objectifs et de gestion (COG) que nous avions élaborée. Cela montre que tout n’avait pas été compris du côté de l’État.

Proximité d’un côté, État stratège de l’autre, donc. Entre les deux, nous avons un opérateur d’assistance à la maîtrise d’ouvrage nationale et d’appui à la maîtrise d’œuvre au plan local. Cet intermédiaire est subtil ; il faut en passer par des éléments de contractualisation. Il faut accepter cette complexité, car nous sommes face à un sujet complexe. Les réponses simples sont peut-être séduisantes, mais elles se révèlent vite simplistes par rapport à des situations complexes.

J’ai repris cette idée dans le rapport du « Comité des sages » que j’ai rendu au Gouvernement l’an dernier : il s’agit de réorganiser fondamentalement la gouvernance au niveau national, avec une seule direction nationale de la stratégie en santé – ce qui implique de franchir la frontière entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social.

Il y a pour moi deux points saillants dans cette aventure – qui s’est prolongée, puisque je siège au collège de la Haute Autorité de santé (HAS), où nous développons toutes ces idées.

Tout d’abord, il importe d’accepter la complexité et d’avoir une approche systémique – ce qui n’est pas facile pour une administration, qui a en général une approche très verticale. Il faut donc se doter de lieux, c’est-à-dire à la fois d’espaces et d’organigrammes, permettant de mettre en œuvre cette approche systémique. Je sais que ce point est débattu ; certains estiment que cela revient à l’échelon politique, c’est-à-dire au ministre et à son cabinet. Certes, c’est la vocation de l’échelon politique ; mais il y répondra d’autant mieux qu’il disposera d’une administration capable de faire ce travail d’élaboration d’une vision systémique et de synthèse.

Ensuite, mon obsession est désormais le mode opératoire. Je l’ai dit, nous sommes globalement tous d’accord sur le diagnostic : c’est vers la fluidité des parcours qu’il nous faut aller. Soyons donc pragmatiques. J’ai eu la chance de diriger une entreprise privée pendant huit ans, et de la développer aux États-Unis. Je raconte souvent cette anecdote, qui m’a beaucoup marqué. La première fois que je me suis retrouvé devant des salariés américains, je leur ai fait un grand discours sur la stratégie. « Demain matin, m’ont-ils demandé au bout d’un moment, que faisons-nous ? » Encore aujourd’hui, je pense – et je le dis dans mes rapports – que le plus important est d’enclencher des décisions concrètes capables de faire basculer le paradigme. C’est ce que j’ai essayé de faire dans le rapport du « Comité des sages » l’an dernier. On peut rejeter ces propositions, mais à condition d’en réinventer d’autres.

Permettez-moi de vous donner un exemple de pragmatisme. Avant de faire une grande révolution institutionnelle, pourquoi ne pas examiner de plus près les deux propositions formulées dans l’un de nos rapports ? La première consistait à envisager une partie commune dans la composition des conseils de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la CNSA, afin que ces personnes vivent elles-mêmes la transversalité entre le sanitaire et le médico-social. La seconde, qui a été très débattue, au point que nous l’avons formulée sous forme d’interrogation, concernait les MDPH : au lieu de les maintenir dans un statut de groupement d’intérêt public (GIP), pourquoi ne pas reconnaître clairement un management sous l’autorité du conseil général, à condition d’avoir un conseil des acteurs et des parties prenantes suffisamment puissant pour se faire entendre ? Nous n’avions pas tranché, mais nous avions posé la question.

Dans les politiques publiques, la question clé est celle du management, de l’organisation ou des process. Comment avancer chaque jour ? Telle est en tout cas l’exigence que je retire de mon expérience.

Mme la rapporteure. Il eût été dommage que vous ne veniez pas ! Vous l’avez très bien dit, vous avez avancé en marchant – et c’est ce que nous retenons nous aussi de la construction de la CNSA. En même temps, nous avons conscience de cette nécessité de rester pragmatiques et d’inventer les réponses au fur et à mesure, tout en maintenant des espaces construits où chacun puisse trouver sa place.

Pouvez-vous revenir sur ce que vous avez appelé cette « partie commune » dans la composition des conseils de la CNAMTS et de la CNSA ? C’est en effet un point sensible depuis l’origine. J’avoue que je n’avais pas vu cette proposition ; je vous remercie donc de l’avoir évoquée.

De même, nous avions peu parlé à l’origine de la construction des budgets de la CNSA. J’ai participé au débat dans l’Hémicycle en 2004. À l’époque, nous avions pensé que la CNSA permettrait de sanctuariser les budgets dédiés aux champs du handicap et des personnes âgées. Nous avons constaté que c’était compliqué, et que l’État a tendance à rechercher ces financements dans les crédits non consommés. Que pouvez-vous nous dire sur le sujet ?

M. Alain Cordier. Le mot de « sanctuarisation » traduit l’inquiétude profonde – et très vive – du monde médico-social : celle de se faire « manger » par le monde sanitaire. Je terminais mon mandat au moment de la discussion de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Il s’agissait notamment de savoir si les compétences des agences régionales de santé (ARS) devaient s’étendre au médico-social. Ce débat a été très vif, du fait de cette peur. Reconnaissons qu’elle n’est pas totalement irraisonnée : la tendance naturelle est bien de privilégier la « grande première » médicale plutôt que de renforcer la présence d’infirmières la nuit dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il n’empêche que le législateur a fait le choix d’inclure le médico-social dans les ARS. Il faut donc aller au bout de ce choix : on ne peut rester au milieu du gué. Le pragmatisme peut consister à avancer ou à reculer – ce qui peut être tout aussi légitime.

Il s’agit aujourd’hui, et les travaux sur le vieillissement que nous avons conduits avec Denis Piveteau dans le cadre du HCAAM démontrent clairement cette nécessité, de mettre un peu plus de moyens dans le secteur médico-social et un peu moins dans le secteur sanitaire, et en particulier dans le domaine hospitalier. Cela étant, tout se tient. Aujourd’hui, il est de bon ton de dire qu’il faut développer la chirurgie ambulatoire. Mais si nous le faisons sans nous préoccuper de l’aval, de l’accueil à domicile ou de l’accompagnement des patients, il y a peu de chances qu’elle se développe vraiment. Ce qui est important, c’est donc d’aller au bout de la logique. C’est ce que nous avons fait dans le rapport du « Comité des sages », en proposant d’un côté une vraie autorité administrative, la direction générale de la stratégie nationale de santé, capable de piloter à la fois la CNAMTS, la CNSA, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et de l’autre une vraie capacité d’autorité au niveau régional, avec une réelle fongibilité. L’objectif doit être celui des équipes de soins de santé primaires, du médico-social et de l’organisation des process hospitaliers de telle manière qu’ils ne soient que la réponse technique dont nous avons besoin à un moment donné. Cela suppose à la fois une capacité de gestion et une transversalité dans les organigrammes des ARS. Force est en effet de constater qu’il y a une grande verticalité dans leur organisation. Il faut la repenser pour faire vivre la transversalité et franchir la frontière entre le médico-social et le sanitaire. Je le répète, c’est une question de confiance, car la méfiance est grande du côté du secteur médico-social. Mais, à l’évidence, renforcer la présence soignante un peu qualifiée la nuit dans les EHPAD évitera bien des recours aux urgences hospitalières, de même que renforcer celle d’auxiliaires de vie à domicile évitera un certain nombre de chutes et de fractures du col de fémur – avec tout ce qui s’ensuit. Nous avons intégré des éléments chiffrés à notre réflexion. Pour aller au bout de la logique, il faut accepter de lever un tabou, c’est-à-dire de s’interroger sur les modes de rémunération et de tarification, qui incitent à la verticalité et non à la transversalité. J’avais préconisé dans le rapport du « Comité des sages » de réunir, comme cela s’est fait dans beaucoup d’États américains, l’ensemble des acteurs pendant plusieurs mois pour réfléchir à la façon d’inclure des incitations à la transversalité dans nos modes de rémunération et de tarification. C’est au moins aussi crucial que les systèmes d’information. On ne peut en vouloir aux acteurs, qui vont être jugés – y compris financièrement – dans leur verticalité, de ne pas travailler dans la transversalité.

J’en viens aux fameux excédents de la CNSA. Fort heureusement, nous avons bénéficié ici du soutien des pouvoirs publics. Nous avions compris que ces excédents étaient de faux excédents. À l’époque, il s’agissait surtout de créer des places. Cela ne se fait pas d’un seul coup, d’où un décalage entre l’octroi des crédits et la réalisation. Nous avions alors obtenu des ministères concernés de pouvoir réutiliser ces excédents dans des dépenses d’investissement. Cela a été un levier important, d’autant que comme pour les PRIAC, que j’ai évoqués tout à l’heure, nous avions fait approuver par le conseil des critères de choix sur l’investissement. Il nous semblait en effet nécessaire, pour la clarté et la transparence, de nous donner ces critères de choix en termes d’investissement, permettant à l’administration de prendre les bonnes décisions à la fois au plan local et au plan national. Denis Piveteau revenait ensuite devant le conseil pour rendre compte, c’est-à-dire pour expliquer comment le budget avait été réparti au regard de ces critères. Non seulement c’était très astucieux, mais cela a permis d’améliorer des situations concrètes et de faire progresser la culture collective. Il faut cesser de penser que, parce que l’on met un budget, on répond à tous les besoins. Il y a des besoins ; il faut les identifier, se donner des critères de choix et assumer ces critères.

Mme la rapporteure. Je vous remercie de votre contribution, qui nous éclaire sur un moment de la vie de la CNSA et nous permettra de faire des propositions pour les années à venir. Peut-être aurons-nous l’occasion d’échanger à nouveau sur tous ces sujets. En tout cas, nous ne manquerons pas de reprendre certains points de votre contribution dans notre rapport.

M. Alain Cordier. Je me tiens à votre entière disposition. La perte d’autonomie, comme la souffrance et la maladie, remet en cause tout ordre établi et nous impose de penser autrement – avec enthousiasme. C’est cet esprit très fort qui nous a guidés au moment de la création de la CNSA.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur le président, nous vous remercions.

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AUDITION DU 8 OCTOBRE 2014

Audition de Mme Agnès Jeannet, présidente du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), et de M. Didier Charlanne, directeur

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Nous reprenons le cours de nos auditions sur la mise en œuvre des missions de la CNSA. Créée il y a dix ans, cette instance a joué un rôle important ces dernières années dans le champ médico-social. Plusieurs auditions nous ont permis de mieux comprendre et de mieux cerner l’évolution de ses missions.

Madame, monsieur, qui êtes ici respectivement en tant que présidente du conseil d’administration et directeur de l’ANESM, j’aimerais savoir comment vous appréciez l’évolution de la CNSA, et comment vous avez pu, au fil du temps, travailler avec celle.

Pouvez-vous nous préciser vos relations avec la CNSA, en présentant en particulier la convention qui avait été passée entre vos deux organismes en 2007, et modifiée par avenant en 2009 ?

Pouvez-vous nous présenter les travaux que vous conduisez, qui visent à promouvoir la performance dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) ? Où en est la construction des indicateurs visant à évaluer les ESMS ?

Les directeurs des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), que nous avons auditionnés le 22 mai dernier, nous ont fait part du manque d’outils de pilotage et d’indicateurs, concernant notamment le suivi des places en établissement. Par la suite, nous avons pris connaissance de l’excellent rapport de M. Denis Piveteau, intitulé « Zéro sans solution : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches », rapport dans lequel l’auteur formule un certain nombre de solutions. Vos travaux peuvent-ils permettre de répondre à ces difficultés ?

La Cour des comptes a souligné l’inadaptation des services d’information. Ce problème, qui a été soulevé dans presque toutes les auditions, est très pénalisant. L’ANESM participe-t-elle aux différents travaux destinés à développer les systèmes d’information dans le secteur médico-social, et notamment à ce qu’il est convenu d’appeler le chantier d’urbanisation des systèmes d’information lancé par la CNSA ?

Enfin, êtes-vous amené à travailler avec le conseil scientifique de la CNSA ? Son rôle pourrait-il être accru ? Nous auditionnerons prochainement ses représentants pour mieux connaître les sujets sur lesquels la CNSA et son conseil se mobilisent, et comment.

Mme Agnès Jeannet, présidente du conseil d’administration de l’ANESM. Je suis inspectrice générale des affaires sociales et je préside l’assemblée générale, c’est-à-dire l’assemblée délibérante, de l’ANESM.

L’Agence a le statut juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP) composé de l’État, de la CNSA et de l’ensemble des fédérations gestionnaires de l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Les conseils généraux auraient dû en faire partie, dans la mesure où ils ont compétence sur toute une partie du secteur social et que, notamment, la partie « enfance » des fédérations qui s’occupent de l’enfance relève directement de leur autorité et de leur responsabilité. Pour des raisons historiques, ce n’est pas le cas.

Le GIP n’est pas un établissement public. C’est une structure assez originale, puisque les gestionnaires siègent au conseil. L’idée était de les associer à la politique de qualité.

Je n’ai pas de fonctions exécutives. C’est le directeur, M. Didier Charlanne, qui est en charge des fonctions exécutives de l’établissement.

M. Pierre Morange, coprésident. Je précise que le capital et les voix des organes délibérants des GIP doivent être détenus à plus de 50 % par des personnes morales de droit public ou de droit privé mais chargées d’une mission de service public.

Vous avez fait allusion aux fédérations. Y a-t-il à l’ANESM des prestataires privés ? Cette question me semble avoir de l’importance, compte tenu de l’intervention toujours plus importante du privé dans le secteur médico-social.

Mme Agnès Jeannet. Parmi elles, il y a des fédérations privées comme, par exemple, le Syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (Synerpa). Mais ce sont des fédérations gestionnaires d’établissements, quel que soit le statut de gestion de ces établissements, lucratif ou non lucratif, organisées par section (enfance, personnes âgées, personnes handicapées, exclusion) qui siègent à l’assemblée générale, aux côtés de deux représentants des usagers, et des représentants des financeurs, l’État et la CNSA. Ces derniers étant les deux seuls financeurs, ils ont la majorité des voix dans cette instance.

M. Didier Charlanne, directeur de l’ANESM. Je me propose de rappeler les missions de l’Agence et le calendrier particulier dans lequel nous nous inscrivons.

Les deux principales missions de l’Agence, prévues par le législateur, sont directement corrélées aux obligations faites aux établissements et aux services sociaux et médico-sociaux.

Première obligation : mettre en œuvre une évaluation interne de la qualité des prestations qu’ils délivrent, dont ils rendent compte tous les cinq ans, par un rapport qu’ils remettent à l’autorité qui les a autorisés. Ces évaluations internes sont faites au regard des recommandations de pratiques professionnelles produites par l’Agence. C’est là sa première mission : fournir des recommandations de pratiques professionnelles qui sont utilisées par les établissements pour évaluer la qualité des prestations qu’ils délivrent.

Deuxième obligation faite aux établissements et aux services : depuis 2002, la durée d’autorisation est généralement de quinze ans, en dehors de services particuliers comme les services « agréés qualité » qui ont une autorisation de cinq ans. Au bout de cette période, ils sont tenus de faire procéder à deux évaluations externes – qui apportent le regard d’un tiers sur leur système d’évaluation interne. Ces tiers sont des organismes, des opérateurs privés qui sont habilités par l’Agence. C’est là sa deuxième mission.

Je tiens tout de suite à préciser que l’habilitation est une autorisation d’exercice. Cela signifie que l’Agence exerce un double métier, à la fois de production de recommandations de pratiques professionnelles, mais aussi de régulation d’un secteur qui a été confié à des opérateurs privés. Ainsi, si elle donne une autorisation d’exercice, elle peut aussi suspendre ou retirer l’autorisation d’exercer l’évaluation externe. J’ai d’ailleurs moi-même habilité aujourd’hui plus de 1 200 organismes pour couvrir l’ensemble des besoins du territoire, et retiré plus de 120 habilitations suite à des manquements. Les obligations faites à ces opérateurs privés sont fixées par voie réglementaire : en termes de diligences à opérer, c’est l’annexe 3-10 du code de l’action sociale et des familles (CASF) ; et en termes de déontologie et d’indépendance, c’est la combinaison des articles D. 312-199 à D. 312-206 du CASF qui leur interdit, par exemple, d’avoir un intérêt dans l’établissement dont ils ont la charge d’évaluer la qualité des prestations.

Par ailleurs, si nous sommes dans un calendrier tout à fait particulier, c’est parce que les deux tiers des autorisations de fonctionnement des établissements doivent être renouvelées en 2017. La procédure de renouvellement des autorisations s’opère soit par tacite reconduction, au vu – et exclusivement au vu – des résultats de l’évaluation externe (article L. 313-1 du CASF), soit par reconduction expresse. Dans cette dernière configuration, l’autorité émet une injonction de produire un dossier de demande de renouvellement à un établissement ; celui-ci doit alors produire un rapport d’évaluation externe et l’autorité rentrera ensuite dans un processus d’examen du dossier de demande.

Les chiffres ne sont pas encore rendus publics, mais je peux vous annoncer que plus de 16 000 établissements et services auraient d’ores et déjà engagé ou réalisé l’évaluation externe – ce sont les données de rapports d’activité arrêtées au 30 septembre dernier – sur une cible qui s’élève à un peu plus de 24 000 établissements et services.

M. Pierre Morange, coprésident. Nous avons entendu des remarques dénonçant la méconnaissance des coûts de gestion de l’ensemble de ces structures. L’évaluation dont vous nous parlez est-elle adossée sur la pratique professionnelle et l’efficience thérapeutique ou sur une analyse budgétaire ?

J’ai par ailleurs bien noté que vous étiez habilités à délivrer – et à retirer – votre agrément aux établissements. Dans un autre cadre, celui du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), j’ai mené une mission sur la formation professionnelle : la complexité du système et les nombreux scandales liés à des détournements de fonds publics nous ont amenés à penser qu’il serait bon de pouvoir retirer leur accréditation à certains organismes en cas de mauvaise efficience des prestations. Or il semble que ce soit difficile à mettre en place pour des raisons juridiques. Pourriez-vous nous donner quelques informations supplémentaires sur votre façon de procéder, pour que nous puissions poursuivre notre réflexion en la matière ?

Mme la rapporteure. Travaillez-vous en collaboration avec les deux autres agences que sont l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) ?

Concernant l’échéance de 2017, pouvez-vous nous préciser à quelle date les établissements et services doivent remettre leur rapport d’évaluation externe ?

M. Didier Charlanne. La procédure de tacite reconduction suppose qu’ils aient transmis leur rapport d’évaluation externe au plus tard le 3 janvier 2015. S’ils dépassent ce délai, nous ne serons plus dans la procédure de tacite reconduction – dont il est toujours possible de sortir au demeurant – mais dans une procédure expresse. Cette dernière repose sur une injonction faite par l’autorité à l’établissement, à partir du moment où il aura été constaté que le rapport n’a pas été adressé, de transmettre un dossier de demande de renouvellement d’autorisation où doivent figurer les résultats d’une évaluation externe. L’établissement dispose de six mois pour déposer ce dossier, à compter de l’injonction par l’autorité, et l’autorité a un an pour procéder à l’injonction. Cela signifie que les établissements doivent transmettre leurs dossiers au plus tard en juin 2016, de façon à laisser à l’autorité le temps de traiter le rapport d’évaluation externe et de prendre une décision éclairée.

À ce jour, 16 000 établissements et services se sont engagés dans la procédure tacite. D’autres le feront dans les derniers mois de cette année. Les suivants feront l’objet d’injonctions. Nous ne sommes donc pas au bout de la procédure.

Je tenais à signaler que l’ANESM, à la différence d’autres agences, est directement intégrée dans une ligne de décision administrative. Elle contribue au renouvellement d’autorisation, qui est exclusivement subordonné aux diligences à opérer, parmi lesquelles ne figurent que des questions de qualité des prestations. Le législateur n’a pas prévu qu’une décision de renouvellement d’autorisation soit subordonnée à des conditions budgétaires.

En revanche, il a prévu la possibilité, pour les autorités, de subordonner le renouvellement à des conditions particulières définies dans l’intérêt des personnes accueillies (article L. 313-6 du CASF). Ce qui veut dire, par exemple, que si un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) n’a pas organisé l’accès aux soins pendant la nuit pour ses résidents et que par un défaut d’astreinte d’infirmiers diplômés de l’État (IDE), on identifie un risque de décès ou d’hospitalisation injustifiée, l’autorité pourra définir, dans ces conditions particulières, la nécessité de mettre en œuvre une mesure d’astreinte dans tel ou tel délai.

Mme Agnès Jeannet. Avant la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, les autorisations étaient accordées ad vitam aeternam – même si ces autorisations pouvaient être retirées à la suite d’une inspection pour défauts de soins, maltraitance, etc. L’idée de cette loi est d’inciter les établissements à suivre une dynamique de qualité et de revoir leur situation tous les quinze ans, en imaginant en effet que la qualité de leurs prestations se sera progressivement améliorée.

En fait, il y a deux angles d’attaque dans la politique publique menée envers les personnes en situations de fragilité sociale et médico-sociale. Le premier est le point de vue de l’usager, puisqu’il concerne la qualité des prestations et donc le service rendu ; c’est ce que gère l’ANESM – la HAS faisant la même chose pour la partie « soins ». Le second est d’ordre financier, puisqu’il vise la performance et l’efficience : la qualité pour quel prix ? C’est le rôle de la CNSA – dans la moitié du champ de compétences de l’ANESM – et de l’ANAP – qui cherchent notamment à améliorer les systèmes d’information.

Mme Gisèle Biémouret, coprésidente. Si je comprends bien, les organismes que vous labellisez contrôlent aussi les établissements publics.

M. Didier Charlanne. Absolument, et c’est la catégorie juridique des établissements qui définit le mode d’évaluation ou de contrôle.

Cela dit, je voudrais insister sur le fait que notre travail porte sur l’ensemble des personnes et des populations qui sont concernées par les établissements et services sociaux, sur des périodes de prise en charge très longues, voire sur la totalité de la vie. À partir de là, nous sommes tenus d’intégrer des notions de qualité de vie. D’où la vision, portée par le législateur, d’un projet personnalisé, « co-construit » avec les intéressés. Notre démarche ne s’apparente donc en rien à la vérification d’actes reproductibles.

Mme la rapporteure. Je voudrais revenir sur les questions liées aux coûts de gestion. Comment travaillez-vous sur ces questions ? Des moyens vous sont-ils alloués pour aller un peu plus loin ?

Lorsque des rapports d’évaluation externe vous sont transmis, au bout de quinze ans, par tacite reconduction ou non, vous pouvez renouveler – ou non – l’habilitation. Mais entre-temps, la législation a pu changer – par exemple la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est intervenue – et les établissements et services ont été amenés à évoluer et à se réorganiser. Est-ce que, à travers ce travail d’évaluation, vous mesurez les évolutions des établissements sur les territoires ?

En effet, nous avons besoin de voir comment ces établissements s’organisent, comment les associations gestionnaires pilotent et mettent en œuvre, sur les territoires, des projets innovants. Comme vous l’avez fait remarquer, nous sommes dans une autre dynamique que précédemment. Autrefois, une fois l’habilitation accordée, le temps passait – avec ou sans contrôle – et, reconnaissons-le, l’établissement ne bougeait pas beaucoup. Aujourd’hui, on ne peut plus s’en contenter.

M. Didier Charlanne. Premièrement, nous ne recevons pas les rapports d’évaluation externe. Nous sommes une toute petite agence de 29 personnes, qui travaille sur 38 000 établissements et services.

M. Pierre Morange, coprésident. Pourquoi ne recevez-vous pas ces rapports ?

M. Didier Charlanne. Parce que la décision de renouvellement est portée soit par les autorités de l’État, les agences régionales de santé (ARS), les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), soit par les conseils généraux.

M. Pierre Morange, coprésident. Le cloisonnement du système français, dans le secteur sanitaire, social et médico-social, est tragique. Quand la base d’information n’est pas commune, comment adopter une stratégie et prendre des décisions stratégiques pertinentes, tant en termes d’investissement que de fonctionnement ?

Cela nous renvoie à l’intervention de notre rapporteure, qui s’interrogeait à propos des coûts de gestion, sur lesquels plane une immense zone d’ombre.

Cela nous renvoie également à l’audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui a présenté ce matin le rapport de la Cour des comptes sur la dette des hôpitaux. À cette occasion, nous avons évoqué notre méconnaissance complète du patrimoine hospitalier public. C’est tout de même assez extraordinaire, quand on sait que n’importe quel particulier doit faire état du capital qu’il possède pour solliciter un emprunt ! Ce n’est pas parce l’hôpital est un acteur public qu’il doit pouvoir s’en dispenser. Comment avoir une stratégie d’investissement si l’on ne sait pas ce que l’on a à son actif comme patrimoine ?

Suite au rapport de la MECSS et une demande du Sénat, la Cour des comptes a fait état du patrimoine colossal de l’hôpital français, mais sans en estimer précisément la valeur patrimoniale. De votre côté, avez-vous des éléments sur la valeur patrimoniale du secteur médico-social ? Quelle est, éventuellement, l’importance de la dette qui s’y rattache ? A-t-on eu recours à des produits financiers structurés, c’est-à-dire à des prêts toxiques qui, à terme, pourraient pénaliser la stabilité budgétaire de ces établissements ?

Mme Agnès Jeannet. Il y a la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), et puis il y a le corps médical et les hôpitaux. Comme vous le savez, l’idée que la qualité des soins puisse dépendre du financeur terrorise et terrorisera toujours beaucoup de monde dans notre pays. D’où la création, en 2004, de la Haute autorité de santé (HAS), autorité dite indépendante, pour sauvegarder les intérêts des financeurs.

Personnellement, en tant que fonctionnaire, je vous rejoins. Vous avez raison d’insister et de vous interroger à propos de ce cloisonnement. Mais lorsqu’il s’agit de la qualité des soins, donc des techniques utilisées, donc du bien-être des personnes, l’idée que le financeur décide est jugée inacceptable en France. C’est acceptable en Angleterre, mais pas chez nous.

On a donc choisi des moyens un peu baroques de cloisonnement, mais aussi d’articulation, pour permettre une politique de qualité, indépendante du financeur, tout en respectant les contraintes du financement. Il y a donc la CNAM et la HAS d’un côté, la CNSA et l’ANESM de l’autre ; les deux dernières sont beaucoup plus petites, tout en étant dans le même positionnement.

Il est exact qu’à l’assemblée générale de l’ANESM, on ne parle pas de coûts de gestion…

M. Pierre Morange, coprésident. Il ne s’agit pas de refaire le débat sur la création de la HAS, mais de mettre en avant sa compétence d’analyse médico-économique. Celle-ci permet une coordination, une rationalisation et une mise en cohérence des politiques et des moyens qui leur sont affectés. Elle n’est en rien défavorable aux patients et ne mérite pas d’être diabolisée.

Mme Agnès Jeannet. Il y a un triangle coopératif entre la CNSA, responsable des études médico-économiques dans le champ médico-social, l’ANESM, gardienne de la qualité des bonnes pratiques au sens scientifique, et l’ANAP, garante des outils de gestion. Cette triangulation est absolument indispensable pour que le système fonctionne. S’il ne fonctionne pas bien, il faudra modifier les institutions. Cela dit, je reconnais que c’est source de complexité.

M. Pierre Morange, coprésident. Cette triangulation est-elle réellement fonctionnelle ?

Mme Agnès Jeannet. C’était un véritable défi de confier l’affirmation d’une politique de qualité à des acteurs qui n’en avaient pas forcément envie. Il faut reconnaître qu’entre le champ sanitaire qui est tiré par la technique, et le champ médico-social qui est tiré par les hommes, il y a tout un monde. Mais il me semble que nous sommes en bonne voie.

M. Didier Charlanne. L’articulation existe entre les trois agences. Je suis moi-même vice-président du Conseil scientifique de l’ANAP. Par ailleurs, l’ANESM alimente les travaux de l’ANAP et a participé à l’élaboration du tableau de bord partagé (TBP).

Comme je l’ai déjà souligné, la complexité du travail de l’ANESM tient à la multiplicité des caractéristiques des populations accompagnées ou accueillies, auxquelles nos pratiques doivent s’adapter. C’est ainsi que l’on ne formulera pas les mêmes recommandations sur l’autisme que sur les personnes âgées ou les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. En revanche, l’ANAP a une approche globale pour tous les établissements médico-sociaux. Voilà pourquoi, lorsque nous travaillons ensemble sur les tableaux de bord, nous introduisons une dimension qualité sur le degré de maturité du système d’évaluation interne et de la démarche engagée par l’établissement, pour pouvoir couvrir toutes les catégories d’établissements.

Nous avons ainsi trouvé une complémentarité entre les travaux de l’Agence, qui portent directement sur les pratiques liées à certaines catégories de personnes, et les travaux de l’ANAP qui concernent l’ensemble des structures médico-sociales, puisqu’il y a un tableau de bord pour l’ensemble des structures.

Ensuite, nous sommes amenés à travailler ponctuellement avec l’ATIH, notamment sur les questions de coût, dans le cadre des travaux engagés sous l’égide de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

Enfin, nous travaillons naturellement avec la HAS. Par exemple, nous faisons des recommandations communes. Nous en avons fait une sur les interventions auprès des enfants atteints de troubles du spectre autistique, et nous allons nous engager sur une recommandation commune sur la question des adultes.

Cette articulation à trois, cette triangulation existe donc.

Je voudrais par ailleurs insister sur les résultats des évaluations internes et externes.

Madame la rapporteure a parlé de l’évolution des pratiques au sein de la structure et de la capacité de faire évoluer la structure elle-même au vu des pratiques innovantes. Je lui indiquerai que nous avons une mission sur l’évaluation expérimentale des établissements, et que nous avons participé, avec la CNSA, à l’évaluation des centres de ressources pour maladies rares.

Je précise que les résultats de l’évaluation interne sont à fournir tous les cinq ans. Cela correspond au rythme de révision des projets d’établissement. Le lien est ainsi opéré entre le résultat de l’évaluation interne et la révision du projet d’établissement. De même est-il opéré par les textes, avec les conventions tripartites et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). La dimension de gestion intervient donc à ce stade.

Si elle intervient à ce stade, c’est qu’il ne faut pas oublier qu’il y a plusieurs financeurs : l’assurance-maladie, bien sûr, mais aussi les conseils généraux. Donc, les priorités qui seront fixées, au sens politique du terme, par le conseil général, vont se retrouver dans la priorisation des objectifs d’amélioration, établie au regard des moyens qui peuvent effectivement être injectés dans la structure. C’est cette transparence qu’assure l’évaluation externe, et le dialogue de gestion qui en résulte.

Mme Joëlle Huillier. Pourriez-vous m’expliquer les raisons de la création des trois structures que sont l’ANESM, l’ATIH et l’ANAP ?

Mme Agnès Jeannet. C’est M. Philippe Bas qui a pris l’initiative de créer l’ANESM. J’ai cru comprendre qu’avant d’en arriver à la création d’une agence, il avait envisagé et négocié avec les deux structures qui existaient à l’époque, à savoir la CNSA et la HAS, la prise en compte de cette nouvelle mission, justifiée par la nécessité d’avoir une politique de qualité.

Tout le monde était d’accord sur l’idée qu’il fallait lancer cette politique. Le problème ne venait donc pas de l’idée, mais des champs couverts par ces deux agences, qui étaient encore très récentes : elles avaient été créées en 2004. La CNSA s’est trouvée en porte-à-faux parce qu’elle n’intervient que sur deux champs sur quatre, dans la mesure où elle ne s’occupe ni de l’enfance ni de l’exclusion. La HAS, quant à elle, est cantonnée dans le champ sanitaire.

Après des négociations assez compliquées – mais peut-être devrait-on demander à M. Philippe Bas d’en parler – il ne lui est resté que le choix de créer une agence nouvelle. C’était un choix par défaut, ce qui explique que l’ANESM soit toute petite, qu’elle n’emploie que 29 personnes et qu’elle ne soit sans doute pas à la mesure de l’enjeu de cette politique de qualité – si l’on se réfère au nombre de personnes accueillies et de personnels concernés.

La situation s’explique donc par l’histoire. Reste que la question revient périodiquement depuis 2007. Faut-il une politique transversale de la qualité, qui couvre l’ensemble des champs ? Sans une telle politique, chaque champ recréera ses propres outils et ses propres structures.

Bien sûr, on pourrait tout découper et décider que les conseils généraux s’occuperont de la qualité de ce qui est de leur ressort, que la CNSA s’occupera des personnes âgées et du handicap, et l’État du sanitaire dans la mesure où les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) relèvent de l’État. Mais cela va multiplier les coûts par quatre.

M. Pierre Morange, coprésident. On peut s’interroger également sur les logiques de frontières générationnelles. Les différents types de prise en charge, selon les tranches d’âge, aboutissent à des interruptions de parcours. Personne n’en connaît, d’ailleurs, à terme, l’impact financier.

De la même façon, on peut s’interroger sur la territorialisation de la prise en charge médico-sociale. La question a récemment donné lieu à quelques débats, dans l’hypothèse de la disparition des départements, évoquée par M. le Premier ministre. Les départements seraient intégrés, soit dans les métropoles, soit dans la ruralité, soit dans l’espace interstitiel assumé par des représentants d’intercommunalités. Le sujet est assez complexe et mouvant.

Les structures qui ont été créées ont eu pour objet de se substituer à ce découpage territorial. Elles ont l’avantage d’être constituées d’entités de professionnels qui pourraient être réutilisées, voire rassemblées dans une structure homogène, une agence centrale chargée de faire des audits et des évaluations dans le secteur sanitaire, médico-social, etc. De toute façon, la frontière est floue entre les différents secteurs chargés d’accompagner les personnes malades, dépendantes ou handicapées.

Cela aurait du sens. Mais au moins faut-il structurer et identifier les compétences, collecter les informations. Voilà pourquoi la grande tâche qui nous incombe est de faire en sorte que ces informations circulent et que les données soient partagées afin d’être exploitées de la façon la plus pertinente par les décideurs.

M. Didier Charlanne. L’unité des secteurs sociaux et médico-sociaux est importante. Les problématiques que nous retrouvons dans le champ de l’enfance sont en partie liées à celles de repérage et de diagnostic de handicap. Aujourd’hui, certains magistrats s’interrogent sur la situation des enfants qu’ils ont en face d’eux. En effet, un certain nombre de ces enfants souffrent de troubles du comportement. 30 % d’entre eux sont même suivis dans une MDPH, dans le secteur de la protection de l’enfance.

La transversalité et l’unicité du secteur social et du secteur médico-social nous permettent de faire le lien entre les différentes structures, dans les pratiques qui sont recommandées. L’un des items de l’évaluation externe – le quinzième item spécifique de l’annexe 3-10 précitée – porte justement sur l’évaluation de l’inscription de l’établissement sur son territoire.

Le rapport de M. Denis Piveteau visait à éviter les ruptures du parcours de vie. De notre côté, nous avons recommandé que la procédure d’admission dans les centres d’action médico-sociale précoce (CAMPS) fasse l’objet d’une formalisation et qu’elle soit négociée avec les autorités dans le cadre du dispositif gradué prévu par le projet régional de santé (PRS), alors qu’aujourd’hui elle passe directement par l’orientation d’une MDPH et la décision d’un directeur de structure. Par cette recommandation, nous entendons que soient rendues plus transparentes les capacités de la structure elle-même – les personnes qui sont susceptibles d’y être accueillies – de façon à ce que la MDPH puisse valablement orienter une personne qui s’adresse à elle.

J’aimerais également insister sur un véritable changement, perceptible dans le secteur social et médico-social. Au moment de la création de l’Agence, en 2007, j’avais mesuré que l’engagement des établissements dans l’évaluation de la qualité des prestations était inférieur à 20 %. Aujourd’hui, 93 % d’entre eux se sont engagés dans l’évaluation interne. Je vous donnerai ultérieurement les chiffres de l’évaluation externe. Quoi qu’il en soit, personne, en 2007, n’aurait parié sur un tel résultat.

Mme la rapporteure. On voit bien l’importance et l’intérêt de cette approche transversale. Aujourd’hui, on ne peut que reconnaître qu’il faut poursuivre dans ce sens.

Par ailleurs, ce que vous venez de nous dire de l’engagement des établissements est positif. Mais quelles améliorations appelez-vous de vos vœux ? Sur quels sujets faudrait-il progresser ?

M. Didier Charlanne. J’observe tout d’abord que c’est le statut de GIP, où sont associées l’ensemble des parties prenantes, qui a permis d’atteindre ces résultats. Nous ne sommes pas seuls pour produire les recommandations, puisque nous avons une instance de travail, une instance de consultation et un conseil scientifique.

L’instance de consultation, le Comité d’orientation stratégique (COS), associe 70 membres : les représentants des fédérations d’établissements, des associations et fédérations de directeurs, les syndicats d’employés et d’employeurs, les autres grandes institutions du secteur – dont la HAS – ainsi que les représentants des associations d’usagers.

Les professionnels et les représentants des usagers nous alertent sur l’importance d’une question et sur la nécessité de formuler, sur cette question, des recommandations de pratiques professionnelles. Ils alimentent ainsi, en amont, notre programme de travail.

En aval, avant d’adopter un projet de recommandation, je consulte le COS qui me garantit que l’on a bien répondu à la problématique qui a été identifiée, que cette réponse est opérationnelle, c’est-à-dire qu’elle pourra être déployée dans les structures et constituer une base pour l’évaluation.

Ce n’est donc pas uniquement l’Agence en tant que telle, mais également sa structuration et son mode de fonctionnement qui ont permis d’entraîner l’ensemble du secteur.

Ensuite, l’Agence ne produit pas uniquement des recommandations. Elle produit également des études : sur les maisons d’accueil spécialisées-foyers d’accueil médicalisés (MAS-FAM), les EHPAD ou les services à domicile, etc. Je vous ai apporté un exemplaire d’une étude portant sur le degré de déploiement des pratiques concourant à l’amélioration de la qualité de vie en MAS-FAM.

Nous avons mené ces études sur l’ensemble des structures. Cela nous a permis d’apprécier, au niveau national, le degré de déploiement de chacune des pratiques que nous avions recommandées, mais aussi de comparer la situation, pour chacune des autorités, sur son territoire, aux données nationales.

Par ailleurs, nous nous sommes demandé si nos recommandations étaient valables. Pour le savoir, nous avons recherché les corrélations entre la perception de la qualité de vie dans la structure, en questionnant le président du conseil de vie sociale (CVS), et le degré de déploiement des pratiques que nous avions recommandées.

Ensuite, et pour répondre à votre question sur les évolutions qui seraient nécessaires, nous avons prévu dans notre programme de travail de l’année prochaine de conduire un bilan synthétique des résultats des évaluations externes, pour fournir à l’ensemble des autorités des données moyennes nationales et des situations nationales sur les points les plus sensibles.

Enfin, à partir des données que nous récoltons, nous renseignons les autorités qui sont en charge de la définition des politiques et de leur mise en œuvre.

M. Pierre Morange, coprésident. Vous n’avez pas répondu à ma question sur le patrimoine des hôpitaux et du secteur médico-social, sa valorisation et l’éventualité d’une dette qui pourrait être en partie composée de prêts toxiques. En avez-vous, ou non, connaissance ?

M. Didier Charlanne. Non. Sauf si je sors du champ de l’ANESM, et que je change de casquette pour prendre celle de membre du Conseil scientifique de l’ANAP.

L’ANAP a travaillé sur la question. Avec M. Christian Anastasy, son directeur, nous avons engagé des chantiers sur la valorisation et la cession des patrimoines inexploités dans le domaine hospitalier public. Il a donc été procédé à une évaluation du nombre de mètres carrés des établissements hospitaliers, et à une aide à la valorisation et à la réalisation de cessions qui subordonnent pour partie l’équilibre financier de la partie du tableau de financement et des financements d’investissement, mais aussi, pour certains de ces établissements, leur capacité de désendettement.

M. Pierre Morange, coprésident. Y a-t-il eu une démarche similaire, dans le secteur médico-social ?

M. Didier Charlanne. La DGCS, de son côté, a engagé avec l’ATIH une étude sur les coûts, notamment des EHPAD. Mais la question du patrimoine et du mode de financement du patrimoine est assez largement différente dans ce secteur.

M. Pierre Morange, coprésident. À partir du moment où la structure associative bénéficie de financements publics, il serait assez légitime que la connaissance patrimoniale s’intègre dans les demandes de subventions correspondantes.

M. Didier Charlanne. Lorsque vous avez auditionné Mme Sabine Fourcade, j’imagine que vous l’avez questionnée sur ce point.

M. Pierre Morange, coprésident. Non, mais peut-on espérer de votre part des éléments d’information et de réflexion sur le sujet ?

M. Didier Charlanne. Pas au titre de l’ANESM. Ce sujet concerne la DGCS.

Mme la rapporteure. Que pensez-vous du rôle du Conseil scientifique de la CNSA ? Comment verriez-vous évoluer les missions de la CNSA ? Au bout de dix ans, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elle joue désormais un rôle essentiel.

M. Didier Charlanne. En premier lieu, pour en avoir discuté avec sa nouvelle directrice, Mme Geneviève Gueydan, il me semble qu’il va nous falloir accroître le lien entre les études financées au titre de la section V de son budget et les travaux de l’Agence qui pourraient en être issus. Je pense en particulier aux expérimentations qui peuvent alimenter les travaux de l’Agence et aboutir à des recommandations de pratiques professionnelles, pour se retrouver ensuite dans le dispositif de réévaluation des projets d’établissements et intégrer le dialogue de gestion au niveau des autorités, ARS ou conseils généraux.

En second lieu, je vous parlerai de la mission à venir de la CNSA en matière d’information du grand public. Je suis persuadé que nous avons une étape supplémentaire à franchir dans la mise en œuvre de la loi du 2 janvier 2002 : faire en sorte que les usagers connaissent leurs droits et les pratiques recommandées. On ne peut valablement faire valoir ses droits que si on les connaît. Or cette information n’a pas été prévue jusqu’à maintenant. Il faut absolument que les associations de parents, d’usagers, connaissent les recommandations que nous formulons pour pouvoir réclamer leur application aux professionnels.

M. Pierre Morange, coprésident. On pourrait même envisager qu’elles conditionnent les attributions de dotations et de subventions.

Mme la rapporteure. Je peux vous dire, pour en avoir parlé avec sa présidente, Mme Paulette Guinchard, que la CNSA travaille en ce sens. Et je vous précise que nous allons auditionner prochainement Mme Geneviève Gueydan.

Vous avez raison d’insister, car la question est partout posée. Comment les personnes sont-elles informées de leurs droits ? Sont-elles associées à leur projet, à leur parcours ? Peuvent-elles connaître la réalité des établissements et des services qui les accompagnent ? Personnellement, je souhaiterais qu’on aille beaucoup plus loin dans cette direction, dans le prolongement des lois du 2 janvier 2002 et du 11 février 2005, qui s’inspirent elles-mêmes des conventions internationales auxquelles nous devons nous référer.

M. Didier Charlanne. Je vous ai apporté une recommandation que nous avions faite sur l’évaluation interne dans les EHPAD. Nous avons formulé des recommandations sur l’utilisation d’indicateurs sur chaque axe recommandé, au vu de problèmes d’une acuité particulière comme, par exemple, la question de l’hospitalisation.

Nous recommandons l’utilisation d’indicateurs de suivi d’un certain nombre de points au niveau de chaque établissement, pour que celui-ci puisse engager des évaluations de pratiques qui aboutissent au résultat donné sur l’indicateur.

Je voudrais néanmoins insister sur un point, qui est à mon sens important lorsque l’on utilise des indicateurs : si l’on sort du dispositif de suivi et d’évaluation, il devient très difficile de comparer les établissements. On risque d’enclencher des effets pervers et on se prive d’éléments de contexte permettant d’éclairer un résultat.

Par exemple, aux États-Unis, où l’on utilise des indicateurs, il a été décidé de suivre la contention dans toutes les structures. Mais on a vu baisser la contention, augmenter les prescriptions de psychotropes, et s’accroître le nombre de personnes en chaise roulante pour cause de chutes.

Les effets pervers, qui peuvent être générés par un dispositif qui enfermerait trop les pratiques là où nous ne sommes pas sûrs des actes, doivent être appréciés avant de vouloir comparer les établissements entre eux à partir de résultats bruts. Voilà pourquoi nous tenons à promouvoir l’évaluation des pratiques elles-mêmes, c’est-à-dire la transparence sur les pratiques qui sont mises en œuvre et la priorisation de ces pratiques et des axes d’amélioration qui doivent être négociés dans le cadre du dialogue de gestion.

Mme la rapporteure. Je vous rejoins tout à fait.

Je souhaite revenir sur les CPOM qui ont été rapidement évoqués tout à l’heure. Nous allons passer aux CPOM de deuxième génération. Les CPOM ont permis le dialogue de gestion dont vous venez de parler. Ils ont permis également aux établissements et services d’anticiper et de programmer sur des plans pluriannuels. Quelles améliorations souhaiteriez-vous leur voir apporter ?

M. Didier Charlanne. Les CPOM associent plusieurs types d’autorités. Pour ce qui concerne les autorités de l’État, je pense que le Comité de pilotage des ARS aurait vocation à jouer un rôle plus important dans la définition des critères qui doivent être pris en compte sur l’ensemble du territoire.

Il serait probablement judicieux de se poser la question de l’intérêt d’une unité de position, s’agissant d’un certain nombre de points. Je pense en particulier à l’autisme.

M. Pierre Morange, coprésident. En l’occurrence, le secteur psychiatrique et les psychanalystes avaient accaparé la gestion de l’autisme, écartant les techniques comportementales. À partir du moment où la HAS s’est positionnée de façon claire et a rappelé la pertinence et la performance des techniques comportementales, il est totalement anormal que celles-ci ne soient pas généralisées sur l’ensemble du territoire, et que les techniques de carcéralisation chimique à base de psychotropes et de neuroleptiques continuent à s’appliquer dans de nombreux instituts médico-éducatifs (IME).

Que ce soit dans le secteur hospitalier ou médico-social, l’État doit user de son pouvoir régalien pour faire en sorte que les bonnes pratiques, une fois identifiées et expérimentées, s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Il ne doit pas se contenter d’expériences réussies, mais se donner pour objectif d’en faire profiter chacun.

M. Didier Charlanne. Les autorités, en particulier les autorités de l’État, sont très actives sur cette question des recommandations de pratiques professionnelles. Simplement, au niveau national, dans certains secteurs, il serait pertinent de définir des positions identiques.

Mme Gisèle Biémouret, coprésidente. Dans ce dispositif, les ARS sont-elles efficientes ?

Je suis élue du département du Gers, et il se trouve que depuis quelques années, j’ai de nombreux soucis avec un établissement, devenu aujourd’hui un EHPAD. Je me disais que nous n’étions tout de même pas au fin fond de la France. Mais en vous écoutant, j’ai l’impression que si ! On peut en effet se demander, s’agissant de cet EHPAD, quels contrôles ont fait – ou n’ont pas fait – les ARS.

M. Didier Charlanne. Madame, vous soulevez un point important : la capacité de contrôle de l’État sur l’ensemble des structures.

Je voudrais faire état de ce qui est arrivé il y a quelques semaines dans le cadre de l’évaluation externe. Nous entretenons une relation quasi constante avec les organismes que nous habilitons au titre de l’évaluation externe. Un des évaluateurs m’a signalé des faits de maltraitance dans une structure. Vous imaginez bien que je les ai immédiatement répercutés à l’autorité concernée, même si l’évaluateur n’est pas dans une posture d’inspection et de contrôle mais d’évaluation de la qualité des prestations délivrées. L’objectif est, entre autres, de permettre à l’établissement de progresser.

En fin de compte, ce dispositif d’évaluation externe a un deuxième effet : permettre éventuellement à un tiers extérieur, lorsqu’il se rend dans certaines structures, de tirer la sonnette d’alarme en se déportant de sa mission. C’est d’ailleurs le conseil que nous lui avons donné : se déporter de sa mission d’évaluateur externe, de façon à ce que l’autorité prenne le relais en envoyant une mission d’inspection. Mais j’insiste : le rôle de l’évaluateur externe n’est pas de se substituer aux autorités, conseils généraux ou État, en matière d’inspection.

Cela nous amène à nous interroger sur le régime des autorisations et la capacité qu’a une autorité de retirer une autorisation sans mettre en cause la santé, au sens large du terme, des résidents d’une structure. On sait que lorsqu’ils sont amenés à déménager, certains résidents voient leur état se dégrader. C’est un aspect que nous avons d’ailleurs abordé avec l’ARS concernée par le signalement que j’ai opéré.

En l’état actuel des textes, lorsqu’il s’agit d’un établissement privé, nous n’avons qu’un seul recours pour éviter la fermeture : la cession de l’autorisation, prévue par l’article L. 313-1 du CASF. En effet, dans la mesure où il y a un patrimoine privé derrière la structure, il faut organiser un dispositif de cession avec celle-ci. Si vous deviez à nouveau entendre Mme Sabine Fourcade sur la question de la gestion des autorisations, vous pourriez évoquer la question avec elle.

M. Pierre Morange, coprésident. Les questions du contrôle, de l’évaluation et de l’application d’éventuelles sanctions se posent non seulement dans le secteur médico-social, mais aussi dans celui du transport de patients. Il se trouve qu’au nom de la MECSS, je suis le rapporteur d’une mission qui travaille sur le sujet. J’ai donc pu observer, au travers des différents cas qui nous sont parvenus, que les surfacturations ou les détournements de fonds publics n’entraînaient ni déconventionnements ni retraits d’agrément. Mais je suis convaincu que nous saurons y mettre bon ordre.

Madame la présidente, monsieur le directeur, je vous remercie.

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AUDITION DU 27 OCTOBRE 2014

Audition du Pr Marie-Ève Joël, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et M. Jean-Yves Barreyre, vice-président du conseil scientifique

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Les précédentes auditions ont montré la place importante prise au cours des dix dernières années par la CNSA, qui est devenue incontournable.

Madame la présidente, je vous propose de nous présenter les missions du conseil scientifique et les principaux travaux que vous avez menés ou à venir.

Mme Marie-Ève Joël, présidente du conseil scientifique de la CNSA. Le conseil scientifique assiste le conseil de la CNSA et son directeur pour préciser les orientations de la Caisse et la conduite d’un certain nombre d’actions. Il est saisi pour avis sur des questions scientifiques et techniques et intervient dans le cadre de l’élaboration du programme d’action en matière de soutien aux études, recherches et actions innovantes pour définir les priorités. Il exerce plus largement une fonction d’aide à la décision et d’appui méthodologique par une participation assez forte à l’animation du comité de la section V, qui distribue les subventions de cette section du budget de la CNSA, et d’expertise au travers de commissions spécialisées à la vie plus ou moins éphémère, telles que celles sur le projet de vie en 2013, sur l’évaluation, la structuration de la recherche, le guide pour la collecte des données au niveau local ou le système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH).

Ce conseil est composé de 22 membres, dont 11 nommés et 11 représentants des ministères ou organismes importants concernés. Il est pluridisciplinaire, puisqu’il comporte des démographes, des épidémiologistes du handicap, des gériatres, des médecins de la réadaptation, des psychiatres, des sociologues, des économistes, et tient deux séances d’une journée par an, avec une activité en croissance.

Il a rendu une série d’avis sur le programme de recherche ou sur certains chapitres prospectifs du rapport d’activité du conseil, et s’est autosaisi sur la prévention et la fragilité. Il a également répondu à des demandes extérieures : ainsi, le Dr Antoine Flahault est venu nous informer de l’urgence de développer des cours en ligne ouverts à tous (MOOCs) en vue de former les proches aidants.

Par ailleurs, le conseil scientifique participe aux comités d’appels d’offres, pour apporter son expertise sur certains appels d’offres, notamment ceux gérés par l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), comme l’appel à recherches « handicap psychique et majeurs protégés », ou ceux menés avec l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. S’agit-il bien d’appels à projets ?

Mme Marie-Ève Joël. Oui, sachant que la partie consacrée aux sciences humaines et sociales s’est développée.

Depuis 2011, la participation aux travaux de la section V, dont une partie concerne la recherche appliquée, s’est accrue. Le conseil intervient pour donner une expertise sur les projets présentés ; à l’expertise interne à la CNSA s’est d’ailleurs ajoutée une expertise externe. Depuis 2011, un membre du conseil scientifique et, depuis 2014, deux membres de ce conseil participent au comité de la section V, où les priorités sont définies de façon pragmatique et où les décisions sont prises par consensus. Il s’agit d’une aide à la décision pour objectiver au maximum l’attribution des crédits.

Une partie de ces travaux est présentée au conseil scientifique pour faire ressortir les difficultés méthodologiques et les succès constatés. Beaucoup d’acteurs de terrain ont de bonnes intuitions de recherche qui intéressent les services de la CNSA, mais il est parfois difficile de présenter un projet de recherche parfaitement cohérent et remplissant les conditions d’une méthodologie satisfaisante.

Nous avons réfléchi aux moyens d’apporter une aide méthodologique à cet effet. Nous avons notamment expérimenté des appariements entre un chercheur financé par la CNSA et une équipe de terrain ayant une bonne idée, sachant que les ressources sont limitées dans le temps en termes d’accompagnateurs.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Êtes-vous davantage sollicité dans ce domaine ? Avez-vous des recommandations précises à faire ?

Mme Marie-Ève Joël. La demande est en effet croissante en la matière. Nous avons pensé à réaliser l’équivalent des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) dans le secteur médico-social. Quant à l’appariement individuel, où la CNSA joue un rôle d’intermédiaire, il est lourd à conduire car il n’y a pas assez de chercheurs et d’équipes suffisamment étoffées sur la perte d’autonomie, même si le vieillissement au sens large attire davantage les chercheurs. Pour séduire ceux-ci, on ruse en faisant appel à de bons généralistes, que l’on incite ensuite à travailler sur la perte d’autonomie.

Nous avons un groupe travaillant sur la structuration de la recherche dans ce secteur. Il faut probablement employer d’autres voies que la simple incitation financière.

Mme la rapporteure. Comment voyez-vous les choses évoluer ? Dans combien de temps pensez-vous y voir plus clair ?

Mme Marie-Ève Joël. Nous nous sommes donné une année. Mais il faut bien voir que, pour la recherche, nous n’avons pas d’équipes pluridisciplinaires importantes sur la perte d’autonomie, comme au Personal Social Services Research Unit (PSSRU) à la London School of Economics (LSE) en Angleterre ou à l’institut Karolinska en Suède, qui disposent d’équipes d’une cinquantaine de chercheurs. Cela n’implique pas pour autant de créer des structures lourdes. Mais il faut un passage de relais entre les générations de chercheurs, ce que permettent de telles équipes. Il convient de sensibiliser le secrétariat d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche à ce problème.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous citer des exemples de travaux menés en Angleterre dont on pourrait s’inspirer ? Avez-vous des échanges avec les autres équipes européennes ?

Mme Marie-Ève Joël. En Angleterre, l’évaluation conduite par le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) joue un rôle important. Les expérimentations sont systématiquement évaluées et, lorsqu’une évaluation est concluante, elle est suivie de recommandations en matière sanitaire et médico-sociale.

M. Jean-Yves Barreyre, vice-président du conseil scientifique de la CNSA. En Angleterre et, surtout, en Suède et en Australie, les chercheurs parviennent à bénéficier de fonds internationaux ou européens – qu’ils viennent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou du Conseil de l’Europe – à côté des subventions nationales. Nous pourrions largement nous améliorer sur ce point, d’autant que cela offre au chercheur une perspective d’avenir, qui n’est pas limitée au lien avec son organisation universitaire.

Mme Marie-Ève Joël. Je participe à un groupe de recherche sur le vieillissement qui essaie de mobiliser les énergies des 140 chercheurs qui en sont membres pour participer aux appels d’offres européens, mais cela reste très laborieux et il y a peu d’équipes françaises en sciences humaines et sociales capables d’animer un projet et d’en assumer la responsabilité. Ce n’est pas que les chercheurs français soient mauvais, mais nos collègues anglais ayant une action de lobbying à Bruxelles réunissent par exemple chaque année les principaux responsables des contrats européens pour les encourager à se porter candidats.

Dans le cadre du travail mené sur la section V, s’est reposée la question de la « priorisation » des thèmes de recherche. Nous avons d’ailleurs prévu d’organiser un séminaire d’une journée pour essayer d’avancer sur ce point dans le trimestre à venir.

Nous poursuivrons aussi les travaux de la commission d’évaluation et nous allons nous interroger sur l’opportunité de recourir aux MOOCs et sur le fait de savoir s’il est du rôle de la CNSA et du conseil scientifique de s’impliquer dans ce type de démarche de formation.

Mme la rapporteure. Votre commission spécialisée a mené des travaux sur la notion de projet de vie. Vos conclusions rejoignent-elles celles de M. Denis Piveteau dans son rapport « Zéro sans solution » rendu public en août 2014 ? Comment verriez-vous le rôle de la CNSA dans l’amélioration du parcours des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes ?

M. Jean-Yves Barreyre. La question du projet de vie a été abordée depuis la création de la CNSA. Le rapport Piveteau, comme le rapport Vachey, a été réalisé par un ancien directeur de celle-ci : il y a donc nécessairement un lien entre ses propositions et celles de la Caisse.

Les recherches financées dans le cadre de la section V montrent que les personnes dépendantes voudraient être accompagnées dans ce qu’elles souhaitent faire. Cela renvoie à une mission confiée à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Mais on s’est aperçu qu’il ne fallait pas simplement accorder cette mission à cette instance et qu’un projet de vie est très évolutif, sachant que la demande porte d’abord sur ce qui est urgent. Les principaux rapports nous ont montré qu’il fallait accompagner la construction du projet de vie et que cette décision se faisait toujours en continu. D’où l’idée, que l’on trouve dans les deux rapports que j’ai cités, que l’orientation conduise à construire un projet dans tous les domaines de la vie des personnes – ce qui rejoint la position de l’OMS et certains travaux antérieurs à la création de la CNSA. Les dispositifs devraient par ailleurs être cohérents entre eux.

Avec la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et celle du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, il y a d’un côté un projet de soins et, de l’autre, un projet d’autonomie. Or la loi ne dit pas qu’il faut organiser ces deux projets de façon cohérente. La question est de savoir qui doit faire en sorte que cette révolution législative douce aboutisse à une révolution organisationnelle, de manière à proposer une réponse coordonnée. Si les réflexions de la société civile et des chercheurs convergent à cet égard, il faudra leur donner une traduction concrète, ce qui pourrait être fait par exemple dans le cadre de la future loi de santé.

Mme la rapporteure. Nous disposons d’outils sur ces sujets. Cela constituera le débat de l’année à venir et la position que vous exprimerez en la matière aura beaucoup d’importance.

M. Jean-Yves Barreyre. D’autres travaux confortent cette nécessaire cohérence. Ainsi, une des propositions était de faire correspondre la période de mise en œuvre des schémas départementaux personnes âgées-personnes handicapées avec celle des schémas du plan régional de santé (PRS), alors qu’ils sont aujourd’hui décalés. Cela permettrait, conformément à ce que suggéraient le rapport Vachey et celui du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), de faire un diagnostic territorial partagé valable pour l’ensemble de ces schémas. Sinon, les professionnels, les familles et les personnes concernées seront mobilisés sur des schémas différents alors qu’il s’agit du même territoire et souvent des mêmes personnes.

Mme la rapporteure. Quelles sont vos réflexions sur l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, dont on dit trop souvent qu’ils sont encore très cloisonnés ?

M. Jean-Yves Barreyre. Le fait d’avoir des diagnostics territoriaux partagés pour l’ensemble des schémas permet déjà une articulation relativement forte. Les travaux de recherche indiquent la façon de faire de tels diagnostics. Dans beaucoup de textes résultant des travaux de la CNSA, on retrouve notamment les propositions de l’HCAAM de faire des projets pilotes sur des territoires autour des populations relevant des deux champs que j’ai évoqués, afin d’aboutir à une véritable coopération et non, seulement, à des partenariats aléatoires et ponctuels. Les rapports estiment qu’il faut une triple expertise : celle des personnes, celles des aidants familiaux et celle de ce que l’on appelle les experts institués, c’est-à-dire les professionnels et les chercheurs. Nous sommes en train de tester cela dans le cadre du troisième plan autisme, ce qui change la manière d’évaluer les ressources du territoire. Le fait de partir des besoins des personnes permet en effet de faire émerger un autre diagnostic, qui permettra de construire de nouvelles réponses.

Mais nous sommes confrontés à certaines limites législatives et réglementaires. Si on entre dans cette nouvelle logique, il faut mettre en place des appels à projets territoriaux liés à une population, alors qu’aujourd’hui les appels à projets se font par type d’établissement. On est en effet encore dans le cadre de l’organisation de la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Il faudrait que l’on puisse faire un appel à projets dans lequel ceux qui répondent sont, non pas les spécialistes du médico-social ou du sanitaire, mais les ressources du territoire, sociales, médico-sociales et sanitaires, et qu’une enveloppe territoriale puisse financer les ressources en fonction de cette réponse. Cette autre logique renvoie à une adaptation de la réglementation et de la législation. Les acteurs de terrain sont prêts à y adhérer.

Mme la rapporteure. Comment ont été proposés les appels à projets territoriaux ? J’avais l’impression que c’était encore un peu difficile pour les organismes gestionnaires ou les associations d’entrer dans une démarche de ce type.

M. Jean-Yves Barreyre. Nous sommes toujours entre une révolution législative et une révolution organisationnelle. Sur les principes, tout le monde est d’accord, sauf qu’il faut tenir compte d’un financement au prix de journée, déterminant pour un établissement, qui s’inscrit par ailleurs dans une logique associative gérant plusieurs établissements. Et quand on en vient à l’administration du plan et à sa mise en œuvre, on retrouve des appels à projets par type d’établissement. Il y a du côté des promoteurs d’actions médico-sociales ou sanitaires, que sont les associations par exemple, et du côté des administrations et des collectivités territoriales, un manque de culture dans la manière de traduire les grands principes en modèles organisationnels, car cela ne correspond pas à ce qui existe.

Vous êtes à un moment charnière, caractérisé par la réforme territoriale, la préparation de la deuxième génération de projets régionaux de santé (PRS) et le lancement d’une réflexion sur la tarification. Il y aurait une opportunité à prévoir à partir de 2016-2017 un système nouveau en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Généralement, quand il y a une initiative locale, elle est bloquée par l’échelon départemental ou régional, et réciproquement. Une telle réforme serait facilitée par les travaux de la CNSA avec la société civile et les chercheurs. Mais il nous faut davantage communiquer sur ce que cela signifie en termes de résultats pour que chacun prenne ses responsabilités.

Mme la rapporteure. Il faut du temps pour que ce changement de culture aboutisse. Les travaux récents apportent des propositions concrètes en ce sens et devraient permettre d’aller plus loin. Ils montrent bien l’apport nouveau de la CNSA.

Mme Marie-Ève Joël. L’option retenue de financer des travaux de recherche et d’étude larges était bonne car elle a permis de souligner l’existence de toutes sortes d’innovations et de projets intéressants. Nous en sommes au stade de l’ « industrialisation », qui n’est pas le plus simple.

Mme la rapporteure. Quels échanges avez-vous avec l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) et l’Agence nationale d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) ?

Mme Marie-Ève Joël. M. Didier Charlanne, directeur de l’ANESM, participe à notre conseil scientifique. Il en fut de même avant lui.

M. Jean-Yves Barreyre. Il ne revient pas au conseil scientifique de définir les rapports entre les agences. Mais quand, d’un côté, l’Agence des systèmes d’information partagés (ASIP) travaille sur le dossier médical personnel (DMP) pendant des années et, de l’autre, la CNSA sur le guide d’évaluation multidimensionnelle (GEVA), sans se rencontrer, on peut s’interroger sur l’absence d’articulation entre les deux.

À mon sens, les rapports entre la CNSA, l’ANESM et l’ANAP devraient reposer au minimum sur un programme commun et il devrait y avoir une articulation plus forte entre elles sur les diagnostics territoriaux partagés, les systèmes d’information et ce qui doit accompagner le changement. Les agences ont chacune leur logique, dont la rationalité doit être dépassée. L’ASIP ne peut ainsi travailler que sur le DMP. Mais si une disposition législative prévoyait qu’il faut répondre par des plans personnalisés de soins et d’autonomie, les agences seraient obligées de travailler davantage ensemble.

Le fait d’avoir transformé le dossier médical personnel en dossier médical partagé constitue à cet égard une première avancée, car cela permet à des professionnels dans différents domaines de la vie des personnes d’avoir accès à des données utiles pour répondre à leurs besoins.

Mme la rapporteure. Quel bilan dressez-vous de la réalisation des objectifs mentionnés dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre la CNSA et l’État ?

Mme Marie-Ève Joël. Il n’y avait rien dans la COG sur la partie scientifique. Il n’y a donc pas vraiment de bilan à tirer. Cependant, cette partie devrait être introduite dans la prochaine COG.

Mme la rapporteure. Les directeurs des MDPH que nous avons auditionnés nous ont fait part du manque d’outils de pilotage et d’indicateurs, notamment concernant le suivi des places en établissement. Vos travaux peuvent-ils permettre de répondre à ces difficultés ?

M. Jean-Yves Barreyre. S’il y a eu depuis le début de véritables échanges entre la CNSA et les MDPH, il y a longtemps que l’on aurait dû mettre en place l’outil dont vous parlez. Je rappelle cependant que pour la mise en place de l’un des premiers outils, le GEVA, il a fallu veiller à ce que la CNSA n’impose pas aux conseils généraux, qui pilotaient les MDPH, une formalisation de ce type d’évaluation. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) disait en conséquence qu’il ne fallait pas informatiser tout de suite alors qu’existaient d’autres outils. On n’a pu donc aller au bout de l’industrialisation de l’outil pour des raisons politiques.

Par ailleurs, quand on a demandé aux conseils généraux d’inscrire le GEVA dans l’organisation générale de leur mode d’approche des populations, ils nous ont dit qu’ils attendaient la fin de la barrière des âges. Or pendant quatre ans, on a tergiversé sur la mise en œuvre de cette mesure et les conseils généraux ont déclaré qu’ils n’installeraient les outils dans leurs services et dans les MDPH que lorsque cette question serait réglée.

Quant au suivi des places vacantes, il y a longtemps que nous savons l’assurer – il y a eu déjà un dispositif en Rhône-Alpes en 2007-2008 à cet effet –, mais pour connaître ces places, il faudrait que, quand les MDPH définissent une orientation, elles soient sûres que lorsqu’une personne est accueillie, la CNSA en soit informée. Un système informatique relativement simple pourrait être mis en place pour repérer à quel moment une place est inoccupée. Ce suivi est donc techniquement réalisable et je pense que la question sera réglée courant 2015.

De même, si vous ne travaillez que sur les systèmes d’information des MDPH sans que chacun des lieux d’accueil sanitaire et médico-social ait un tronc commun renvoyant aux MDPH comme aux agences régionales de santé (ARS), cela ne marchera pas.

Autre exemple : l’enquête ES « handicap », qui n’a pas été informatisée en raison de blocages ridicules, devrait être annualisée – au lieu de fournir une information tous les quatre ans –, non pas en la différenciant des dossiers personnels, mais dans un même dossier personnel articulé avec un tronc commun avec la MDPH, avec des extractions possibles confortées en fichiers PDF réinscriptibles. Cela suppose donc une approche cohérente des systèmes d’information.

Mme la rapporteure. Tout le monde aujourd’hui est prêt à avancer sur ces sujets mais cette perte de temps a beaucoup pénalisé le secteur.

J’avais cru comprendre aussi que lorsque les MDPH ont été mises en place, elles ont eu une appréhension sur ce que serait cet accompagnement, qui pouvait être vécu comme un contrôle.

M. Jean-Yves Barreyre. Depuis, les mentalités ont évolué.

Mme la rapporteure. Tout à fait.

Mme Marie-Ève Joël. Il y a beaucoup à faire mais le problème est de savoir où l’on s’arrête et de cibler les priorités.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. Comment sont recensées les bonnes pratiques qui pourraient être dupliquées un peu partout ?

Mme Marie-Ève Joël. On voit passer beaucoup de projets : 169 ont été ainsi financés au cours des quatre dernières années. Mais si le conseil scientifique examine parfois des projets achevés, nous sommes frustrés de ne pas savoir ce qui se passe ensuite, la diffusion d’une innovation relevant des services de la CNSA ou d’une décision politique.

M. Jean-Yves Barreyre. La CNSA a aussi apporté des financements pour le logement des personnes autistes. À cette occasion, on est allé chercher dans tous les départements les expériences pertinentes, qui donnent lieu à des préconisations. En outre, on demande aux chercheurs de faire des recommandations en repérant les innovations.

Ce travail de recensement des bonnes pratiques est essentiel, même s’il est difficile.

Mme la rapporteure. Nous vous remercions.

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* *

Audition de Mme Geneviève Gueydan, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), Mme Emmanuelle Dubée, directrice adjointe, M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux et M. Étienne Deguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Mesdames, messieurs, nous vous remercions d’avoir répondu à notre invitation.

Cela fait plusieurs mois que la MECSS auditionne les différents acteurs susceptibles de l’éclairer sur la CNSA qui a pris une place très importante dans le secteur médico-social. Faire un rapport sur l’évolution de ses missions, dix ans après sa création, nous a paru important, d’autant que nos travaux législatifs et les rapports qui ont pu être réalisés ces dernières années nous montrent combien la CNSA a su contribuer à la réflexion sur certains sujets de société, comme la perte d’autonomie, le vieillissement, ou la place des établissements et des personnes en situation de handicap.

Madame Gueydan, vous avez été nommée, il y a peu, directrice de la CNSA. J’imagine que vous avez beaucoup de choses à nous dire.

Mme Geneviève Gueydan, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Madame la rapporteure, la première question que vous nous avez adressée porte sur la gouvernance et le positionnement de la CNSA et la répartition des compétences entre la CNSA et les différents acteurs avec qui elle est amenée à travailler.

La CNSA a d’abord une fonction de caisse traditionnelle, c’est-à-dire qu’elle finance la compensation individuelle et collective. Elle est chargée de l’affectation des moyens aux agences régionales de santé (ARS) dans le cadre d’un dialogue de gestion préalable aux campagnes de tarification qui permet d’affiner les besoins des ARS et d’essayer de répartir les moyens en prenant en compte la réalité des territoires. Elle verse également aux départements des concours, ce qui leur permet de financer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) sur la base de critères paramétriques s’agissant de la fixation du montant des dotations pour les conseils généraux. L’accent a été mis, dans la dernière convention d’objectifs et de gestion (COG), sur les indicateurs de coût. Par exemple, une enquête sur le coût d’une place en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est en cours.

La CNSA apporte aussi un appui technique aux acteurs de terrain. Comme elle intervient sur un champ partagé entre l’État et les conseils généraux, elle appuie aussi bien les ARS que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement lui confie de nouvelles missions d’appui aux équipes médico-sociales (EMS) et une compétence en matière de constitution de référentiels. La CNSA apporte un soutien juridique à des acteurs comme les MDPH, diffuse les « bonnes pratiques » en matière d’accueil, met à disposition des outils, des systèmes d’information, des guides méthodologiques. Ce rôle est un peu atypique puisque, tout en étant un organisme national, la CNSA travaille au plus près des acteurs de terrain pour essayer de les outiller.

Enfin, la CNSA joue un rôle d’expertise, d’appui à la recherche et à l’innovation, ce qui, là aussi, est assez atypique ; 10 millions d’euros sont consacrés à cette fonction. Elle apporte ainsi un appui significatif à des programmes de recherche dans le champ médico-social qui désormais ne bénéficient pas nécessairement de beaucoup d’autres sources de financement. Cette mission très importante mériterait d’être encore plus affirmée à l’avenir, dans la limite des moyens de la CNSA.

Ce qui fait l’originalité de la CNSA, c’est le croisement de ses missions avec sa gouvernance et ses équipes. La gouvernance, c’est ce conseil très diversifié de quarante-huit membres qui représentent tous les acteurs du champ médico-social. Lors de son audition, la présidente de la CNSA, Mme Paulette Guinchard, a insisté sur cette notion, assez originale, de démocratie médico-sociale, qui constitue une vraie richesse.

Par ailleurs, la CNSA ne dispose pas de services déconcentrés. Elle agit à travers les réseaux d’autres acteurs. Elle est associée au secrétaire général du ministère pour le pilotage des ARS sur les champs liés à ses compétences. Elle appuie également les MDPH. Bref, elle fonctionne de manière totalement différente des autres caisses, voire des autres administrations centrales. À elle de prouver que ce qu’elle apporte est pertinent.

Ce que j’apprécie beaucoup, c’est la grande diversité des équipes de la CNSA. Ses agents ont des parcours professionnels différents : ils peuvent venir de l’État, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, etc. C’est un apport en termes d’expertise mais aussi de culture.

L’une des originalités de la CNSA est d’être en lien étroit avec les acteurs de terrain. Ceux qui l’ont conçue il y a dix ans ont eu une bonne intuition par rapport à ces politiques qui, par ailleurs, sont décentralisées. Pour reprendre les termes de MM. Denis Piveteau et Alain Cordier, cela positionne la CNSA dans son rôle d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA), c’est-à-dire qu’elle n’est pas une administration centrale, qu’elle n’est pas là pour concevoir une politique, des textes, mais pour alimenter la réflexion et surtout projeter ce que seront les conditions opérationnelles de déploiement de ces politiques sur le terrain. La CNSA met en œuvre ces politiques à travers les missions de financement, d’appui technique et d’expertise que je viens d’évoquer.

Nous avons trois tutelles : la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la direction de la Sécurité sociale puisqu’une grande partie de nos ressources dépend de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), et la direction du budget.

La CNSA cosigne la circulaire de la campagne tarifaire.

Mme la rapporteure. Ce n’était pas le cas il y a encore quelque temps, et cela pouvait poser problème.

Mme Geneviève Gueydan. C’est une évolution salutaire qui date de 2013. Il est plus facile de rappeler à une ARS quelles sont les orientations quand on les a cosignées et que l’on contribue à garantir leur mise en œuvre opérationnelle.

Nous passons des conventions avec les conseils généraux, des conventions d’amélioration de la qualité de service, des conventions de la section IV sur le soutien de l’aide à domicile. Cette contractualisation se fait dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales mais sur des objectifs de politique publique partagés, à partir de financements qu’apporte le niveau national.

La CNSA fait aussi tout un travail d’animation.

Nous commençons à réfléchir à la façon dont nous pourrons appliquer la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Nous pourrons nous inspirer de nos méthodes de travail avec les MDPH, mais nous avons bien conscience que nous sommes au cœur des compétences des conseils généraux et de leur organisation propre telle qu’ils l’ont conçue depuis la mise en œuvre de l’APA avec des équipes très intégrées. Il faudra engager le dialogue avec eux pour voir comment travailler ensemble et poser un diagnostic actualisé sur l’APA, sur les disparités en matière de mise en œuvre, ce qui nous servira de point d’appui pour travailler sur la diversité des pratiques.

Mme la rapporteure. Vous répondez à l’une de nos questions sur les disparités. Le travail qui sera engagé dans le cadre de l’application de la future loi permettra de voir comment les conseils généraux pourront s’impliquer sur un sujet qui les concerne directement.

Mme Geneviève Gueydan. À la demande de l’Assemblée des départements de France (ADF), une étude est en cours sur les disparités qui existent en matière d’APA et de PCH, dont les résultats seront disponibles au premier trimestre 2015. Il s’agit d’une étude assez lourde, un premier volet ayant été traité avec la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales. Nous en sommes à la seconde étape : des questionnaires quantitatifs ont été adressés aux cent départements, et nous menons un travail beaucoup plus approfondi sur les quinze où des enquêtes de terrain sont effectuées. Nous essayons de mettre en relation les disparités qui existent en matière de montant, de taux de pénétration des aides, de taux d’acceptation, avec différents facteurs explicatifs : soit organisationnels, soit socio-économiques, soit de politique départementale. Cela permettra de mettre sur la table une sorte de diagnostic à partager en appui de la mise en œuvre des mesures de la loi.

Les quinze départements retenus pour cette étude sont différents les uns des autres. Il y a des départements urbains, des départements ruraux, des départements de taille moyenne, petite, ou plus grande. Nous souhaitions nous rapprocher de la réalité de la grande diversité des territoires.

Mme la rapporteure. Peut-on penser que cette étude complétera l’expérimentation en cours sur les maisons départementales de l’autonomie (MDA) avec les trois départements pilotes ?

M. Étienne Duguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie. Trois départements ont été retenus : la Corrèze, le Cantal et la Côte-d’Or. D’autres départements ont développé des MDA sous des modalités différentes.

Mme Geneviève Gueydan. L’étude porte sur l’APA et la PCH et sur l’organisation à mettre en place pour informer le public, l’orienter, instruire les demandes, évaluer. L’un des départements retenus a créé une MDA, mais ce n’est pas le cœur de la réflexion.

Mme la rapporteure. Cela pourrait nous permettre d’avoir une vision plus large.

La question des MDA reste d’actualité et j’aimerais avoir votre avis sur ce point. Si les MDPH doivent évoluer vers les MDA, ce que l’on peut penser, il me semble que la CNSA pourrait accompagner les départements qui expérimentent déjà cela et peut-être élargir le panel des départements qui seraient d’accord pour le faire. Cela permettrait de valider les critères qui répondraient aux besoins énoncés par le secteur des personnes âgées et celui des personnes handicapées, les inquiétudes s’exprimant peut-être un peu plus du côté des personnes handicapées. Chacun a compris, je crois, que cette évolution vers les MDA devait se faire de manière réfléchie en apportant des garanties sur les questions qui sont posées, c’est-à-dire que chaque département ne peut pas faire quelque chose seul dans son coin. La grande étude que vous menez pourrait peut-être nous permettre de bénéficier de quelques éléments supplémentaires.

Mme Geneviève Gueydan. S’agissant des MDA, on doit entendre la position des associations et des départements. Il est logique que les associations du secteur du handicap soient attachées à un mode de gouvernance qui les intègre dans des instances qui, comme la commission exécutive (COMEX) ou la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), jouent localement un rôle très important dans l’accès aux droits, dans l’orientation. C’est ce que fait la loi en maintenant le principe du groupement d’intérêt public (GIP). C’est l’une des avancées très importantes de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Cela fait plus d’une dizaine d’années que les départements gèrent l’APA. Par ailleurs, ils ont « récupéré » la tutelle des MDPH et ont engagé à cette fin des moyens conséquents. Pour rendre le meilleur service aux habitants, il est légitime qu’ils réfléchissent à la mutualisation, à la proximité des informations et à l’utilisation optimale des moyens significatifs qu’ils y consacrent. Le projet de loi, tel qu’il est rédigé, préserve la gouvernance tout en montrant la voie sur la façon de mutualiser l’information, l’accueil et l’orientation. Il offre la possibilité d’aller plus loin sur les formes de mutualisation en ce qui concerne l’évaluation. Ce qui est intéressant dans les MDA qui ont été créées sur le terrain, c’est cette dialectique entre le souci de proximité et de mutualisation, c’est-à-dire le fait de faire bénéficier les personnes âgées et les personnes handicapées de certains points positifs dans l’organisation du service. Par exemple, pour les personnes âgées, il existe souvent des structures infra départementales gérées par le département, qui donnent le premier niveau d’information, mais qui n’existent pas nécessairement dans le secteur du handicap. Faire profiter les personnes handicapées d’un premier niveau d’information de proximité va plutôt dans le bon sens. De même, il peut être intéressant de faire bénéficier les personnes âgées, dans le cadre d’évaluations complexes, de l’apport d’un ergothérapeute qui travaille d’habitude à 80 % avec les personnes handicapées.

Il faut veiller à la prise en charge de la spécificité des différents publics. En effet, le champ du handicap, qui est très complexe, a besoin, à un moment donné, d’une information de deuxième niveau très pointue. Quand on travaille sur l’orientation, on est sur un registre totalement spécifique, propre à chacun des deux publics. Il faut concilier ces trois pôles que sont la proximité, la mutualisation et la spécificité de la réponse. Il faudra travailler de façon très concertée avec les deux parties et la DGCS, afin que se dégage de cette concertation le décret qui fixera les critères de labellisation.

Vous nous interrogez sur les systèmes d’information. Ce n’est pas le point fort de la CNSA, mais tout n’est pas de sa faute.

Mme la rapporteure. Nous l’avons bien compris.

Mme Geneviève Gueydan. Pour l’avoir vécu de l’autre côté de la barrière – à l’époque, je travaillais dans une collectivité locale – je dirai que le contexte était particulier. Il avait été choisi de ne pas faire un système d’information national descendant et de laisser les acteurs de terrain, les départements, s’outiller. Cette décision pèse encore lourdement sur le système d’information des MDPH, qui est le plus embryonnaire. Ce qui fait le plus cruellement défaut, c’est la connaissance des publics et des besoins.

Ces dernières années, des progrès importants ont été réalisés s’agissant du lien avec les ARS. M. Xavier Dupont vous en avait parlé lorsqu’il était venu avec M. Luc Allaire. Il s’agit d’outils qui sont à la fois utiles pour elles et pour la CNSA. L’angle d’attaque qui a été choisi ces dernières années consiste à mettre en place des outils « gagnant-gagnant », à double usage, local et national. L’une des grandes avancées dont on commence vraiment à voir les fruits en termes de pilotage réside dans la mise à disposition de l’application « harmonisation et partage d’information » (HAPI), qui sert à la fois à la tarification des ARS et au pilotage local de leurs enveloppes de tarification et qui permet à la CNSA d’avoir des données de plus en plus fines sur l’exécution budgétaire. Le deuxième exemple, qui verra sa traduction en 2015, est un outil qui servira à la fois aux ARS et à la CNSA dans le champ de la programmation des places avec le double aspect programmation financière et ouverture de places. C’est la fusion de deux outils un peu cloisonnés qui existaient historiquement. Ce sera un outil très précieux pour améliorer le pilotage national et local. Le troisième exemple qui va changer la donne dans les deux ans à venir concerne le suivi des comptes administratifs mais aussi le dépôt des budgets. Les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) pourront déposer leur budget prévisionnel et leur compte administratif sur un système d’information qui pourra être utilisé à la fois par les ARS et par la CNSA qui disposera de données de pilotage, d’analyse des coûts.

Le grand chantier, c’est celui du système d’information des MDPH. On vous a expliqué, je crois, les options que nous devrons trancher l’année prochaine. Le contexte n’est pas simple puisque, depuis dix ans, les MDPH se sont outillées mais ne l’ont pas toujours fait très bien. Nous sommes dans un contexte de décentralisation. Il faudra donc faire les choses en bonne intelligence avec les conseils généraux, même si la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement nous donne les outils juridiques pour faire prévaloir un système d’information partagé. Il faudra concevoir un outil à la fois convaincant et rassurant pour les acteurs de terrain, afin qu’ils adhèrent à ce type de démarche. C’est un travail de très grande ampleur, puisqu’il faut faire ce qui ne l’a pas été depuis dix ans.

Mme la rapporteure. Il semble que les départements ont, dans le cadre de l’ADF, suivi ces sujets tout au long des débats qui ont précédé l’élaboration de la loi. Certes, cela ne veut pas dire qu’ils sont prêts à tout changer demain, mais ils ont dû prendre conscience qu’il était nécessaire que tout le monde se mette en ordre de marche. Je vois bien quelles difficultés cela soulève, mais j’avais eu l’impression que les discussions avaient permis de faire avancer la réflexion.

Mme Geneviève Gueydan. L’ADF a été associée au diagnostic du système d’information des MDPH. Elle avait été saisie par la ministre pour exprimer sa position sur la perspective d’un système d’information unique. Elle s’était positionnée favorablement. C’est un point d’appui précieux, essentiel pour la suite des travaux. Pour autant, l’exercice est relativement complexe.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. En tant qu’élue au conseil général du Gers, je peux vous dire que les associations qui interviennent au domicile des personnes handicapées ou âgées sont en grande difficulté. J’ai eu à connaître le cas d’une association qui a été en cessation de paiement, et qui heureusement a été reprise. Il y a des difficultés organisationnelles et financières pour mettre en place ces politiques.

Une autre difficulté concerne la tarification au niveau des EHPAD. Je suis par ailleurs présidente d’un conseil de surveillance d’un hôpital qui comprend une maison de retraite publique. Je constate que ces établissements rencontrent des difficultés quotidiennes de personnel et d’organisation.

Mme Geneviève Gueydan. Cela fait partie du contexte d’intervention de la CNSA et des politiques de compensation de la perte d’autonomie. La fragilisation du secteur de l’aide à domicile est une réalité. Des éléments de réponse ont été apportés ces dernières années. La CNSA était impliquée, notamment à travers le financement des fonds d’urgence. De ce point de vue, le texte relatif à l’adaptation de la société au vieillissement apporte une réponse un peu plus structurelle. En solvabilisant mieux les personnes âgées, on peut espérer soutenir l’activité des services d’aide à domicile et les rémunérer de façon plus adaptée.

La CNSA essaie de soutenir des démarches de modernisation du secteur à travers les conventions avec les départements. Ces démarches de modernisation que sont la télégestion, le chèque emploi service universel (CESU), l’appui au regroupement des associations et à la formation de leur personnel permettent d’offrir une prestation de qualité. Ces éléments de sécurisation doivent permettre d’orienter le choix des personnes âgées ou handicapées vers ces associations. Nous avons dressé le bilan de ces conventions pour travailler sur la nouvelle génération des conventions relatives à la section IV, sur lesquelles nous pourrons nous appuyer en 2015, notamment pour travailler plus finement en matière de diagnostic des territoires, car on voit bien que les situations sont extrêmement différentes entre le milieu rural, où il existe des problématiques très fortes de déplacement et de mobilité des aides ménagères, et le milieu urbain, où l’on se heurte à des problèmes de recrutement avec un turnover très important en raison d’un marché de l’emploi parfois plus dynamique. Les conventions montrent que les problématiques sont très diversifiées. Aussi, il nous faut peut-être aller encore plus loin en matière d’adaptation des actions que l’on finance à partir de ces diagnostics. Ce sera aussi un gage de mise en œuvre plus efficace. On voit qu’il y a des délais en ce qui concerne le démarrage et la montée en charge des actions, ce qui est normal, mais est lié parfois à un manque de travail en amont.

Mme la rapporteure. Grâce aux travaux qui ont été menés et aux rapports récents qui ont été rédigés, nous connaissons la situation du secteur des personnes âgées et celui des personnes handicapées. Chacun souhaite mettre les réponses davantage en cohérence et les adapter sur les territoires. La dimension territoriale pose encore problème car les fonctionnements sont assez cloisonnés. Tout à l’heure, M. Jean-Yves Barreyre indiquait qu’il faudrait parvenir à une révolution organisationnelle, afin d’apporter une réponse qui soit partagée par les différents acteurs, et non pas des morceaux de réponse qui conduisent finalement à des situations difficiles, voire à des situations de rupture. J’ajoute que les départements vont bientôt vivre une sorte de révolution. Peut-être faudra-t-il saisir cette occasion pour revoir toutes ces questions.

Vous nous avez dit que la CNSA allait devoir travailler avec les départements à travers la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Cela pourra peut-être permettre d’avancer sur ces sujets, de rassurer et de redonner un peu de cohérence à ces organisations. Comme le disait tout à l’heure Mme Marie-Ève Joël, cette future loi nous donne l’impression d’être à un moment particulier qui nous permettra peut-être de franchir de nouvelles étapes. Dix ans après la création de la Caisse, vous avez pu mesurer tout le chemin parcouru. Quels sont les enjeux principaux de la CNSA pour les dix prochaines années ?

Mme Geneviève Gueydan. Nous allons certainement devoir approfondir davantage les démarches entreprises ces dernières années dans la programmation et la mobilisation des réponses. On voit bien qu’il est nécessaire d’agir à différents niveaux territoriaux. Il y a des enjeux en matière d’équilibre de l’offre sur des échelles territoriales qui peuvent dépasser le département, être au niveau régional, voire supra interrégional pour des handicaps assez rares. Les expérimentations menées ces dernières années nous montrent que pour construire des réponses individualisées, il faut être sur des niveaux territoriaux assez fins. Bien sûr, ces pilotages peuvent être réalisés par les départements, par les ARS, par les acteurs qui ont une vision de l’offre et une capacité de mobilisation de l’offre qui dépasse le territoire infra départemental. C’est le sens des démarches d’intégration autour des personnes âgées telles qu’elles ont été mises en place dans le cadre des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA). Pour avoir une réponse adaptée aux personnes âgées et une continuité de la réponse, il faut faire travailler ensemble des acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux qui ont l’habitude de collaborer au quotidien. Cela se fait souvent sur un territoire infra départemental. C’est ce que met en avant le rapport « Zéro sans solution » élaboré par le premier directeur de la CNSA, M. Denis Piveteau.

La création de plusieurs milliers de places, que nous avons connue ces dernières années, a été utile. Il faudra continuer de les décliner jusqu’au bout puisqu’elles ont permis de franchir des étapes positives, mais ce n’est pas nécessairement cette voie que nous emprunterons dans les années à venir. Nous aurons certainement besoin d’offres plus flexibles. Il faudra passer de la notion de place à celle de réponse accompagnée, afin de ne pas laisser les publics les plus fragiles, ceux qui sont dans les situations les plus complexes, se débrouiller seuls. Cela doit se faire en articulant les différents niveaux territoriaux et en mobilisant les acteurs en bout de chaîne. Le rapport de M. Piveteau préconise ainsi la création de groupes opérationnels de synthèse, sorte de coopération opérationnelle autour des personnes et des situations. À l’avenir, il faudra travailler sur ces registres-là, déjà à l’œuvre dans les pratiques des acteurs de terrain, mais qui ne sont pas faciles car l’organisation repose plutôt sur des logiques cloisonnées. On se heurte aussi à des problèmes de légitimité quant au pilotage de ces modes d’organisation coopératifs conçus pour transcender les frontières d’intervention. Ce sont les chantiers majeurs du secteur médico-social pour les années à venir, et j’espère que la CNSA pourra apporter sa contribution en termes d’accompagnement des acteurs de terrain.

Mme la rapporteure. La sous-consommation de l’objectif global de dépenses « personnes âgées » avait déjà été évoquée il y a quelques années et avait fait l’objet d’un rapport de la commission. On a l’impression que les choses se sont bien améliorées. Je ne voudrais pas que vous pensiez que nous avons des doutes sur cette affaire. Nous avons bien compris pourquoi c’était compliqué. L’interprétation qui est faite de la sous-consommation n’est pas toujours très juste ; elle ferait croire que les crédits ne sont pas utilisés ou qu’ils ne servent pas au secteur alors qu’ils ont été attribués. Où en êtes-vous sur ce sujet ?

M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux. Comme vous l’avez dit, la tendance est à la réduction de la sous-consommation de l’objectif global de dépenses, notamment pour les personnes âgées, essentiellement parce que les plans de création de places portent leurs fruits. Les places qui avaient été à l’origine des reports de crédits ont été mises en place. Il a été démontré ces trois dernières années, et le conseil en est régulièrement informé, que l’on a réduit, en fin d’exercice, la sous-consommation. Et cette année encore, on s’attend à ce que l’exercice 2014 se traduise par une nouvelle réduction de la sous-consommation.

Mme la rapporteure. Les nouvelles conventions d’appui à la qualité de service, conclues avec les départements, autorisent la CNSA à suspendre le versement de ses concours aux départements en cas de non-transmission du rapport annuel de la MDPH, de son compte administratif, des états récapitulatifs de dépenses des prestations APA et PCH ou des données relatives au système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH). Existe-t-il aujourd’hui des situations de ce type ? Comment la CNSA travaille-t-elle sur ces questions ?

Mme Emmanuelle Dubée, directrice adjointe de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. De mémoire, la possibilité d’utiliser cette mesure a été évoquée une fois lors d’une discussion avec un département, mais la disposition n’a jamais été appliquée. Le fait même d’évoquer cette possibilité a immédiatement débloqué la situation. Le mieux est de ne pas avoir à mettre en œuvre ce type de mesure.

Mme la rapporteure. Nous avions compris que, en effet, cela se passait mieux.

Mme Geneviève Gueydan. Nous sommes en train de réfléchir à la nouvelle convention d’amélioration de la qualité de service, la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement élargissant le champ de la contractualisation. Les conventions devront comporter un volet sur les conférences des financeurs.

Nous aimerions aussi intégrer un volet sur le portail consacré aux personnes âgées. Il s’agit d’un élargissement du champ d’intervention de la CNSA à l’information du grand public, ce que nous n’avons jamais fait. Ce portail donnera des informations au grand public sur les droits, sur le type d’offre de service et il devra prévoir des outils opérationnels, notamment des annuaires sur l’offre. Un moteur de recherche permettra de calculer le reste à charge. Nous sommes en train de construire ce portail, afin qu’il soit opérationnel au moment de l’entrée en vigueur de la loi, voire un peu avant.

Nous voulons concevoir ce portail comme un outil de premier niveau d’information, d’orientation pour les personnes âgées et leurs aidants, qui devra les orienter vers l’information locale. L’annuaire des structures, notamment des EHPAD, sera national. Ce portail comprendra également un annuaire des centres locaux d’information et de coordination gérontologiques (CLIC), la géolocalisation permettant aux personnes de trouver le CLIC qui correspond le mieux à leur territoire. Ce portail renverra aux sites des conseils généraux où le public pourra y trouver des informations beaucoup plus fines sur les ressources locales. Nous voudrions donc intégrer dans nos conventions le principe d’une coopération des conseils généraux à notre portail. Pour ce faire, nous avons déjà saisi tous les présidents de conseil général afin qu’ils nous désignent des référents. Un certain nombre de départements participent au groupe chargé de l’élaboration du portail et nous disent ce qu’il est pertinent de mettre sur ce type de site.

De même, la loi prévoit que l’on accompagne les équipes médico-sociales des départements, dans une logique de plus grande harmonisation des pratiques et des droits réels tels qu’ils sont mis en œuvre sur le terrain pour les personnes âgées. La convention devra expliciter quelques principes autour de cette collaboration.

Mme la rapporteure. Cet outil rendra certainement beaucoup de services. Vous pourrez répondre au problème de l’accès à l’information.

Mme Geneviève Gueydan. Nous devrons jouer sur les deux registres, national et local. Il ne s’agit pas de concurrencer les sites des conseils généraux, mais de venir en complément. Beaucoup de départements ont en effet déjà développé des sites d’information qui comportent une partie sociale avec des éléments pratiques sur l’offre de service local. Ils expliquent à quelle porte frapper pour déposer une demande d’APA, parfois ils permettent même de déposer une demande en ligne. Nous fournirons une information sur les droits, la présentation des aides. Nous essaierons de faire un effort de précision mais aussi de lisibilité et de pédagogie, car il ne s’agit donc pas de citer tous les articles du code. Bref, il faut trouver le juste équilibre. Si les conseils généraux veulent utiliser les CLIC comme outils opérationnels, ils le pourront.

Mme la rapporteure. Combien y a-t-il de CLIC en France ? Je vous pose cette question car j’ai eu l’impression que, ces dernières années, ces structures retournaient plutôt dans le giron du département. Pour ma part, j’ai suivi la mise en place de deux CLIC qui rendaient d’ailleurs de grands services. Ils ont été rapatriés dans les unités territoriales des départements.

Mme Geneviève Gueydan. Nous avons une vision nationale des CLIC puisque la première version du portail qui arrivera en 2015 comportera un annuaire de tous les CLIC. J’avoue ne pas avoir en tête le résultat de ce travail, mais si vous le souhaitez nous pourrons vous faire parvenir des éléments.

On voit qu’il y a eu des politiques départementales assez contrastées, certains territoires ayant internalisé ces structures dans leurs services.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. L’État a incité à la création de CLIC, avant de se désengager quelque peu. Bien qu’une multitude d’informations soient données, on se rend compte sur le terrain que même des personnes qui sont dans le circuit n’ont pas les bonnes informations. Il y a des CLIC dans le département du Gers, mais peut-être ne sont-ils pas assez visibles. Les personnes qui ont besoin d’informations ne se tournent pas vers ces centres. Peut-être y a-t-il trop d’informations. Dans ce cas, mieux vaudrait avoir un seul site d’information qui renverrait ensuite vers les bons sites.

Mme Geneviève Gueydan. Notre site ne répondra pas à toutes les questions. Encore faudra-t-il que les gens sachent qu’il existe et qu’ils le consultent. Tout l’enjeu sera de faire connaître le site et de trouver des alliés opérationnels pour ce faire. D’où l’importance des conseils généraux, des centres communaux d’action sociale (CCAS), voire du réseau des pharmaciens, de celui des médecins, pour faire la promotion du site. Nous commençons à réfléchir sur la stratégie de communication.

Je pense que l’existence d’une réserve nationale est pertinente dès lors qu’elle est bien cadrée et qu’elle reste dans des proportions raisonnables. Elle est pertinente dans la mesure où elle peut aider des projets innovants. En ce qui concerne l’autisme, par exemple, les réserves nationales ont permis d’aider des projets qui n’entraient pas totalement « dans des cases » ou qui concernaient des territoires où les dotations étaient un peu étriquées. Mais il faut faire attention à ce que le montant de la réserve nationale soit tel, en investissement ou en fonctionnement, qu’il ne perturbe pas à l’excès le souci d’équité territoriale et de rééquilibrage de l’offre. De ce point de vue, la règle qui a été fixée dans le cadre du plan autisme selon laquelle la réserve nationale représente 5 % de l’enveloppe globale semble assez pertinente et équilibrée.

Mme la rapporteure. Il faudrait pouvoir fixer des pourcentages en fonction des besoins spécifiques.

Mme Geneviève Gueydan. Mais cela peut contribuer à perturber la répartition selon des critères plus objectifs. Cela dit, la réserve nationale peut permettre de donner un coup de pouce à des projets intéressants.

Mme la rapporteure. Je souhaite revenir sur le rôle du conseil scientifique auquel vous attachez beaucoup d’importance. Tout à l’heure, leurs représentants nous ont montré que les demandes allaient croissant, mais qu’il fallait travailler sur la définition méthodologique de l’approche de ces demandes afin de voir comment les prioriser. Le conseil scientifique est peut-être l’une des structures de la CNSA que nous connaissions le moins.

Mme Geneviève Gueydan. Il me semble que la question de la recherche et de l’appui à l’innovation englobe et dépasse le conseil scientifique. Dix millions d’euros sont réservés à la CNSA pour appuyer la recherche dans ce champ et l’innovation. Il s’agit de la section V de son budget. Il se trouve qu’un conseil scientifique, qui réunit des experts pointus, reconnus, est associé à la mise en œuvre de ce volet du champ d’intervention de la CNSA. Plutôt que de le faire avec l’appui ponctuel de tel ou tel expert, la CNSA a en son sein un organisme qui peut apporter un regard un peu différent de celui d’un organisme administratif, d’acteurs de terrain qui mettent en œuvre les politiques ou de celui du secteur associatif. C’est une grande richesse potentielle.

J’ai pu constater que des progrès ont été réalisés, ces dernières années, pour mieux articuler ce conseil scientifique avec l’activité opérationnelle de la CNSA. Il n’est pas évident de faire travailler ensemble et cohabiter un conseil scientifique composé d’experts, de chercheurs, et une structure comme la CNSA qui distribue des financements et appuie des acteurs opérationnels. Le fait d’avoir associé, ces dernières années, le conseil scientifique à la définition des appels à projets de recherche est très intéressant. Dorénavant, deux membres du conseil scientifique participent au comité d’examen des projets. Ils nous disent où concentrer les moyens pour soutenir des projets et où être associés à l’expertise des demandes de subvention sur des projets innovants. En 2015, nous aimerions travailler de façon plus approfondie avec le conseil scientifique, car nous allons devoir réfléchir au renouvellement de notre convention d’objectifs et de gestion (COG) avec l’État pour la période 2016-2019. Il serait intéressant que soit intégrée une dimension d’appui à la recherche et à l’innovation, qui n’est pas très présente dans la convention antérieure. Nous avons demandé au conseil scientifique de nous aider à réfléchir sur ce sujet et de nous faire des propositions sur la façon dont on peut être encore plus pertinent dans les projets de recherche et dans le soutien à l’innovation.

En matière de recherche, les appels à projets thématiques permettent de dire quels sont les grands thèmes sur lesquels nous sommes prêts à soutenir des recherches. Mais, la recherche étant extrêmement émiettée, il peut arriver qu’elle soit vraiment faible sur certains thèmes et plus forte sur d’autres. Il faut l’accompagner dans la durée, sinon les résultats ne sont pas intéressants. Par exemple, le suivi des cohortes est très intéressant, mais il suppose des efforts financiers sur plusieurs années, efforts que les différents financeurs ont du mal à conduire. On voit bien que les acteurs de la recherche sont extrêmement éparpillés. Il y a eu une première tentative, à travers les chaires dans le champ du handicap, pour essayer de structurer la recherche. Mais il faut certainement aller plus loin. Je sais que c’est l’un des thèmes prioritaires de réflexion de Mme Marie-Ève Joël.

S’agissant du soutien à l’innovation, l’offre médico-sociale doit évoluer pour apporter des réponses plus flexibles, car les personnes ne veulent plus nécessairement avoir une réponse pour toute la vie ou pour de longues périodes. Par exemple, elles veulent pouvoir rester à domicile et bénéficier de soins conséquents tout en étant aussi parfois accueillies de jour dans des structures. En tout cas, la demande sociale va dans ce sens. Ce n’est pas radicalement nouveau, beaucoup de choses se font déjà sur le terrain, mais il faudra accompagner ce mouvement. De ce point de vue, la section V pourrait permettre de soutenir les projets innovants qui vont dans ce sens.

De même, ces dernières années, la CNSA a participé au défrichage de thèmes que l’on retrouve maintenant dans la loi. C’est peut-être parce qu’elle a contribué à des actions sur l’aide aux aidants et la lutte contre l’isolement que ces sujets sont tombés dans le patrimoine des politiques publiques de compensation de la perte d’autonomie. Jusqu’à présent, on a beaucoup compté sur les remontées spontanées de projets. Il faut poursuivre sur ce registre, car il donne de l’oxygène aux acteurs de terrain et permet de capter des projets intéressants. Il faudrait également définir un thème annuel, sur lequel on serait plus particulièrement demandeur de projets, parallèlement à ceux qui remonteraient spontanément. Ce sera l’un de nos chantiers en 2015.

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour ces réponses, qui nous montrent bien comment le conseil scientifique pourra appréhender les nouveaux enjeux avec vous.

Vous l’avez compris, notre mission s’intéresse à la mise en œuvre des missions de la CNSA. Comme vous êtes directrice de cette Caisse depuis peu de temps, vous apportez un regard neuf. Je souhaiterais que notre rapport précise le rôle éminemment important de la CNSA au cours de ces dix dernières années et qu’il l’aide à trouver davantage de force dans son action et à la conforter dans ses missions. Peut-être pourriez-vous évoquer deux ou trois sujets sur lesquels vous aimeriez que nous insistions. Vous venez d’ailleurs d’en évoquer un en disant que la CNSA a pu, grâce au conseil scientifique, défricher un certain nombre de problèmes.

Mme Geneviève Gueydan. La CNSA doit continuer à utiliser pleinement sa spécificité, c’est-à-dire être cet acteur national proche des acteurs de terrain car le secteur médico-social sera confronté, dans les prochaines années, à des évolutions certainement importantes, à des recompositions. Grâce à sa connaissance de la mise en œuvre très concrète des politiques publiques, elle peut contribuer à apporter sa pierre à la réflexion sur l’évolution des dispositifs au moment où des réformes sont conduites. Si nous ne pilotons pas ces réformes, pour autant nous pouvons donner notre vision des choses. Ensuite, nous pouvons aider à mettre en œuvre ces politiques publiques. Par exemple, nous pouvons appuyer les MDPH dans la mise en œuvre des changements nécessaires préconisés par le rapport « Zéro sans solution » de M. Denis Piveteau.

Nous pouvons aussi aider les associations dans les évolutions qu’elles vont elles-mêmes devoir porter. Certes, les ARS sont en première ligne, mais nous pouvons leur donner des outils.

On voit que le concept d’intégration qui a été testé avec les MAIA est en train de faire des petits, d’être repris dans le contexte, plus large, des parcours. Le projet de loi de santé insiste beaucoup sur ce point. Nous pouvons contribuer à apporter l’expérience de cadres sur lesquels nous travaillons depuis quelques années, et qui sont encore en phase de déploiement et de rodage, dans le champ des personnes âgées comme dans celui du handicap.

Nous ne connaissons pas encore les contours détaillés de la future réforme territoriale. Dans un contexte qui va peut-être rebattre les cartes en matière de positionnement des acteurs de terrain qui portent ces politiques, nous devrons jouer un rôle de sécurisation, d’appui, d’accompagnement, parce qu’il n’est jamais simple de vivre une réforme organisationnelle tout en continuant de porter une politique. Je pense aux MDPH. La CNSA pourrait être un élément de continuité, d’appui, d’aide à la gestion de ces transitions pour que les savoir-faire ne se perdent pas.

Grâce au portail que nous allons créer, nous nous orientons vers une information en direction du grand public. Il s’agit pour nous d’un challenge très important. Ce sera l’un de nos chantiers majeurs. Nous avons nos propres enjeux de gestion et d’outils opérationnels à mener à bien.

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour cet échange très intéressant. Je souhaite que le rapport que nous allons rédiger à l’issue de nos auditions nous permette de faire partager le regard que nous avons sur le rôle important de la CNSA. Sachez que nous sommes tout à fait convaincus du rôle que vous jouez depuis dix ans et que vous confortez notre analyse sur un certain nombre de points.

Mme Geneviève Gueydan. C’est le fruit d’un travail collectif. Il nous faudra rester à la hauteur dans le futur.

Mme la rapporteure. J’ai tenu à entendre M. Alain Cordier, ancien président de la CNSA, et M. Denis Piveteau, qui fut le premier directeur de la CNSA, pour qu’ils nous fassent bénéficier de leur regard rétrospectif sur cette Caisse. Dix ans après la création de la CNSA, ils ont pu nous apporter leur éclairage que vous avez conforté sur un certain nombre de points.

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1 () Remplacé par Mme Gisèle Biémouret à compter du 8 octobre 2014.

2 () Modèle Destinie (modèle démographique économique et social de trajectoires individuelles simulées) constitué d’un échantillon d’environ 170 000 individus représentatif de la population de France métropolitaine en 1997. La période de projection commence en 1998 et le devenir des individus est simulé jusqu’en 2040. Chaque année, le modèle simule un grand nombre d’événements démographiques (naissances, décès, mises en couple et ruptures) qui se réalisent de façon aléatoire. L’introduction de la dépendance dans le modèle nécessite d’imputer un état de dépendance aux personnes présentes dans la base initiale, puis de simuler chaque année des transitions entre états de dépendance et de prendre en compte la surmortalité des personnes dépendantes.

3 () Données sociales – La société française, édition 2006.

4 () Rapport n° 1350 fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, 13 avril 2004.

5 () Résolution du 17 décembre 2003 adoptée par les conseils d’administration des organismes de sécurité sociale sur le projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

6 () Voir l’annexe 5 pour la composition détaillée du conseil de la CNSA.

7 () Communication à la commission des finances et à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, octobre 2013, recommandation n° 9.

8 () IGAS-IGF, « Enquête sur la consommation de crédits soumis à l’objectif global de dépense », février 2010.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/
storage/rapports-publics/104000144/0000.pdf
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9 () Circulaire n° DGCS/SD5C/DSS/CNSA/2014/94 du 28 mars 2014 relative aux orientations de l’exercice 2014 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.

10 () Source : Programme de qualité et d’efficience « Invalidité et dispositifs gérés par la CNSA » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

11 () Le solde de ces produits – 1,4 % des produits de la CNSA en 2013 – provient de ressources diverses, reversements de l’assurance vieillesse, produits de trésorerie et reprises de provisions.

12 () Assemblée nationale, Rapport d’information sur les missions et l’action de la CNSA (n° 2687), présenté par Mme Bérengère Poletti, 30 juin 2010.

13 () Le référentiel PATHOS évalue à partir des situations cliniques observées les soins nécessaires pour assumer la prise en charge de toutes les pathologies d’une population de personnes âgées, en établissement ou à domicile.

14 () Pour les acteurs locaux situés sur des territoires non couverts par une convention départementale.

15 () Le financement des établissements pour personnes âgées dépendantes et adultes handicapés. https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Le-financement-des-etablissements-pour-personnes-agees-dependantes-et-adultes-handicapes.

16 () Document de travail de la commission « organisation institutionnelle » du CNCPH, 13 janvier 2015.

17 () « Zéro sans solution : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches », Denis Piveteau, 10 juin 2014. http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Zero_sans_solution.pdf.

18 () Amendement n° 173 (rect) devenu l’article 76 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

19 () Cour des comptes, Rapport public annuel, « la situation et les perspectives financières des départements », février 2013.

20 () À l’exception de l’année 2009 pour l’écart d’équipement en dépenses, qui a correspondu à une chute exceptionnelle avant une reprise de la baisse antérieure en rythme tendanciel.

21 () Arrêté du 28 décembre 2005 modifié fixant les tarifs des éléments de la prestation de compensation mentionnés aux 2°, 3°, 4° et 5° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles.

22 () Analyse 2010 des fonds départementaux de compensation du handicap (FDCH), enquête MDPH/CNSA, 27 septembre 2011.

23 () Article 3 du projet de loi, tel qu’adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 septembre 2014.

24 () Avis n° 2264, tome 4, Projet de loi de finances pour 2015, « Solidarité, insertion et égalité des chances », « Handicap et dépendance ». http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/a2264-tIV.asp#P289_58709

25 () IGAS-IGF, « Établissements et services pour personnes handicapées, offre et besoins, modalités de financement », octobre 2012. http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_ESMS_IGAS.pdf.

26 () Document de travail de la commission « organisation institutionnelle » du CNCPH, 13 janvier 2015.

27 () Les préconisations comportant un astérisque font également partie des recommandations de la Cour des comptes dans sa communication d’octobre 2013 sur la mise en œuvre des missions de la CNSA.

28 () Le modèle PATHOS déjà évoqué dans la partie I du présent rapport permet d’évaluer, à partir des situations cliniques observées, les soins médico-techniques nécessaires à la prise en charge de l’ensemble des pathologies des personnes âgées, en établissement ou à domicile.

29 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2011.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/va
r/storage/rapports-publics/114000546/0000.pdf
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30 () Le potentiel fiscal est un indicateur de richesse fiscale, défini à l’article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales. Le potentiel fiscal d’une commune est égal à la somme que produiraient les quatre taxes directes de cette collectivité si l’on appliquait aux bases communales de ces quatre taxes le taux moyen national d’imposition de chacune de ces taxes.

31 () Rapport d’information n° 3091, déposé par la commission des affaires culturelles et sociales, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, sur le financement des établissements d’hébergement des personnes âgées, 17 mai 2006 : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i3091.asp.

32 () Séance publique du 24 octobre 2014, intervention de Mme Martine Carrillon-Couvreur à la suite de la présentation de l’amendement n° 280 de M. Pierre Morange. http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015/20150035.asp.

33 () La démarche d’urbanisation des systèmes d’information est ainsi nommée du fait des nombreuses analogies pertinentes avec l’urbanisation des villes : cartographies et « plan d’occupation des sols », découpage en quartiers, îlots…, infrastructures communes de transports, réglementation générale, etc. Adaptée aux systèmes d’information, cette démarche vise à les simplifier, à optimiser l’emploi des ressources nécessaires à leur fonctionnement et leur entretien et à les rendre plus réactifs et flexibles par rapport aux évolutions des métiers et de leurs environnements (source : http://references.modernisation.gouv.fr).

34 () IGAS, Bilan du fonctionnement et du rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), novembre 2010. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/
114000024/0000.pdf
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35 () Article 51 du projet de loi, tel qu’adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 septembre 2014.

36 () Rapport n° 1350 fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, 13 avril 2004. http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r1540.asp.

37 () Conseil économique et social, « Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap », présenté par M. Maurice Bonnet, 2004. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000701/0000.pdf.

38 () Un projet global pour la stratégie nationale de santé, 19 recommandations du comité des « sages », 21 juin 2013. http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/RAPPORT-CORDIER.pdf.

39 () Mémo de la CNSA n° 16, L’appui de la CNSA à la politique locale d’adaptation de l’offre médico-sociale aux personnes handicapées vieillissantes, juin 2014. http://www.cnsa.fr/IMG/pdf/cnsa-memo-16-2014.pdf.

40 () Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, « Assurance maladie et perte d’autonomie », 23 juin 2011.
http://www.securite-sociale.fr/IMG/p
df/hcaam_rapport_assurance_maladie_perte_autonomie.pdf
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41 () CNSA, rapport 2012, « Promouvoir la continuité des parcours de vie ».

42 () Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées et loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

43 () Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

44 () Groupe de travail animé par M. Patrick Gohet, membre de l’IGAS, « L’avancée en âge des personnes handicapées, contribution à la réflexion », octobre 2013.
htt
p://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Avancee_en_ages_des_PH_TOME_I_DEF.pdf
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45 () Rapport 2012 du CNCPH.
http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_2012_CNCPH_pHANdica.pdf
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46 () Rapport n° 2303 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, tome 3, Médico-social, Mme Martine Pinville. http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r2303-tIII.asp.

47 () Amendement n° 646 après l’article 54.

48 () Rapport de la CNSA de 2007, Construire un nouveau champ de protection sociale. http://www.cnsa.fr/IMG/pdf/CNSA-RA_2007.pdf.


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