N° 3316
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2015.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et
de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale
sur la gestion du régime de l’assurance maladie
obligatoire par certaines mutuelles,
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Jean-Pierre DOOR,
Député.
——
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UNE GESTION SPÉCIFIQUE DU RÉGIME OBLIGATOIRE DE L’ASSURANCE MALADIE 7
A. UN RÉGIME JURIDIQUE PARTICULIER 7
1. Une délégation de gestion du régime obligatoire 7
2. Des conditions complexes de rémunération 8
3. Le développement d’une offre de couverture complémentaire 11
B. UN RÉGIME CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS 12
1. Un paysage éclaté 12
2. Des coûts de gestion importants 14
3. Une qualité de service discutable 16
a. Les mutuelles étudiantes : un service souvent très dégradé 16
b. Les mutuelles de fonctionnaires : un constat plus nuancé 17
c. Une fiabilité insuffisante de la liquidation 18
4. Des difficultés propres au régime étudiant 18
a. L’hétérogénéité des modalités d’affiliation 18
b. La mutation inter-régime 20
5. De nouveaux défis 21
a. L’évolution du nombre des affiliés 21
b. La généralisation des contrats complémentaires santé 21
II. UNE RATIONALISATION NÉCESSAIRE DE CETTE GESTION 23
A. UNE ÉVOLUTION DU RÉGIME QUI S'IMPOSE 23
1. Une restructuration en cours du paysage 23
2. Une rationalisation programmée des coûts de gestion 24
3. La mise en place de nouveaux partenariats 29
4. Le cas particulier de la Mutuelle des étudiants (LMDE) 31
B. UN NOUVEAU CADRE JURIDIQUE 32
1. La remise en cause du monopole de gestion 32
2. De nouvelles règles d’affiliation 34
TRAVAUX DE LA COMMISSION 37
ANNEXES 51
ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 51
ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 53
ANNEXE 3 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 55
Bien avant la création de la Sécurité sociale, les agents de l’État bénéficiaient d’un système particulier d’assurances sociales (1) qui leur permettait de se voir servir des prestations santé par des mutuelles. En 1946, lorsque le système d’assurance maladie a été étendu à l’ensemble des travailleurs salariés, il a été décidé de permettre aux agents de l’État de continuer à bénéficier d’un régime spécifique. La loi du 9 avril 1947 (2) a ainsi confié la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie des fonctionnaires de l’État à des mutuelles selon le principe de la délégation de gestion.
S’agissant des étudiants, la volonté qui a présidé, à l’origine, à la création d’un régime d’assurance maladie qui leur soit propre résultait de l’article 2 de la charte de l’UNEF (3) qui énonçait en 1946 : « le droit à une prévoyance particulière, dans les domaines physiques, intellectuel et moral » pour le travailleur intellectuel et demandait « de permettre aux étudiants de prendre en main leur destin et de déterminer leurs propres aides sociales ». Ainsi, le principe d’une gestion propre reposait sur la volonté de consolider l’autonomie des étudiants et de les faire bénéficier de droits sociaux. C’est dans cette perspective que la loi du 23 septembre 1948 (4) a étendu aux étudiants le régime d’assurance maladie applicable aux travailleurs salariés et en a confié la gestion à une mutuelle dans le cadre d’une délégation de service public (5).
En 2014, le régime obligatoire de l’assurance maladie de 6,3 millions d’agents de la fonction publique de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière était géré par des mutuelles délégataires qui ont remboursé à ce titre 7 milliards d’euros de prestations maladie. Quant aux mutuelles étudiantes, elles géraient la même année 1,8 million d’étudiants et avaient remboursé 792 millions d’euros de dépenses de soins.
Issues de ce contexte historique particulier, certaines mutuelles délégataires de l’assurance maladie ont été confrontées ces dernières années à des difficultés. Une réflexion menée parallèlement par la Cour des comptes (6), ainsi que par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) (7) a souligné leurs coûts de gestion supérieurs à ceux de la CNAMTS et la dégradation de la qualité de leurs services. Dans un contexte de recherche d’économies budgétaires, ces rapports suggèrent de faire évoluer ce modèle hérité de l’après-guerre.
La MECSS a décidé d’inscrire cette thématique dans son programme de travail prévisionnel arrêté en octobre 2012. À partir de juin 2015, elle a procédé à l’audition de responsables de l’assurance maladie, de responsables de l’administration, de représentants des mutuelles étudiantes et de fonctionnaires et du Défenseur des droits. La Cour a apporté son expertise qui, comme toujours, nous est précieuse.
Entre-temps, le Gouvernement a proposé la mise en œuvre d’un nouveau cadre juridique pour le régime obligatoire de l’assurance maladie des fonctionnaires et des étudiants dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 (8), qui formalise les nombreux partenariats déjà conclus entre ces mutuelles et la CNAMTS.
La MECSS a pris acte de cette modification législative alors même qu’elle menait encore ses travaux. Le Rapporteur déplore ce manque de concertation et ne peut que regretter que le Gouvernement n’ait pas attendu les conclusions de la mission.
En conséquence, le présent rapport présente essentiellement une synthèse des auditions organisées par la mission, sans formuler de préconisations, contrairement à l’habitude.
I. UNE GESTION SPÉCIFIQUE DU RÉGIME OBLIGATOIRE DE L’ASSURANCE MALADIE
A. UN RÉGIME JURIDIQUE PARTICULIER
1. Une délégation de gestion du régime obligatoire
Par dérogation, la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie pour les fonctionnaires et les étudiants est déléguée à des mutuelles.
Trois régimes coexistent :
– les mutuelles de fonctionnaires de l’État mentionnées à l’article L. 712-6 et suivants du code de la sécurité sociale ;
– les mutuelles de fonctionnaires territoriaux et hospitaliers régies par l’article L. 221-4 et suivants du code précité ;
– les mutuelles étudiantes régies par les dispositions codifiées à l’article L. 381-3 et suivants du même code.
● La CNAMTS est tenue de déléguer aux mutuelles des fonctionnaires de l’État et aux mutuelles étudiantes, la gestion et la liquidation des prestations en nature du régime obligatoire de l’assurance maladie. Cette habilitation est obligatoire et exclusive.
● Pour les mutuelles relevant de l’article L. 221-4 du code de la sécurité sociale, la CNAMTS dispose d’une marge d’appréciation pour les habiliter à gérer le régime obligatoire. Les caisses primaires peuvent alors passer des conventions avec ces mutuelles.
La gestion déléguée couvre les prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité. En revanche, elle ne comprend pas la liquidation de prestations en espèces, la gestion des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Les mutuelles ne possèdent pas de service médical et ne participent pas aux relations conventionnelles avec les professionnels de santé.
Elles participent à la gestion du risque en menant des actions de prévention comme les campagnes de vaccination contre la grippe ou les dépistages du cancer. La Cour des comptes a souligné la gestion en faux-semblant de ces activités dans l’ensemble de leurs opérations. Dans son rapport précité (9), elle considère que les objectifs assignés notamment en matière de consommation médicale sont en décalage avec leurs possibilités car elles ne disposent pas de service médical. De leur côté, la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) et la Mutualité Fonction publique (MFP) ont rappelé (10) que ces actions de prévention ne bénéficiaient pas d’un financement spécifique de type Fonds national de prévention, d’éducation, d’information sanitaire (FNPEIS) et devaient donc être financées sur leurs frais de fonctionnement via les remises de gestion.
2. Des conditions complexes de rémunération
En échange de cette gestion, la CNAMTS verse aux mutuelles des remises de gestion correspondant aux frais de gestion administrative liés au service qu’elles assurent.
Les montants ne sont pas négligeables ; S’agissant des mutuelles de fonctionnaires, elles se sont élevées à 262,7 millions d’euros en 2013 (11).Quant aux mutuelles étudiantes, elles ont perçu 89,1 millions d’euros en 2014.
Les objectifs assignés et la rémunération des délégataires sont fixés dans des contrats pluriannuels de gestion négociés entre les mutuelles et la CNAMTS ou les caisses primaires (12) sur une durée de quatre ans. Il convient de relever qu’il ne s’agit pas de conventions d’objectifs et de gestion qui sont plus incitatives.
Ils comprennent néanmoins des indicateurs de performance qui conditionne des majorations ou des pénalités.
INDICATEURS DES MUTUELLES DE FONCTIONNAIRES
Indicateurs |
Source |
Nombre de points |
Objectif 2015 |
Objectif 2016 |
Objectif 2017 |
Taux de satisfaction des assurés |
CNAMTS |
20 |
85 % |
85 % |
85 % |
Taux d’assurés très satisfait |
CNAMTS |
10 |
23 % |
23 % |
23 % |
Taux d’adhérents au compte assuré |
Mutuelle déclaratif |
10 |
+13 % |
+11,76 % |
+10,52 % |
Délai de délivrance de la carte Vitale (en jours) |
Mutuelle déclaratif |
20 |
20 jours |
20 jours |
20 jours |
Délai de remboursement des feuilles de soins électroniques (FSE) |
Mutuelle déclaratif |
5 |
90 % en 7 jours |
90 % en 7 jours |
90 % en 7 jours |
Délai de traitement des feuilles de soins papier (FSP) |
Mutuelle déclaratif |
5 |
90 % en 20 jours |
90 % en 20 jours |
90 % en 20 jours |
Taux de télétransmission |
Mutuelle déclaratif |
5 |
94 % |
94,50 % |
95 % |
Taux de décroché plateforme de service téléphonique |
Mutuelle déclaratif |
5 |
90 % |
90 % |
90 % |
Délai de réponse aux courriels en moins de 2 jours ouvrés |
Mutuelle déclaratif |
5 |
80 % en 2 jours |
80 % en 2 jours |
80 % en 2 jours |
Taux de réponses aux réclamations par courrier en moins de 21 jours calendaires |
Mutuelle déclaratif |
5 |
90 % |
90 % |
90 % |
Taux de médicaments génériques |
CNAMTS (DSES) (13) |
10 |
85 % |
85 % |
85 % |
Taux de participation aux dépistages du cancer colorectal |
CNAMTS (DSES) |
10 |
32,80 % |
33,80 % |
34,80 % |
Taux de participation aux dépistages du cancer du sein |
CNAMTS (DSES) |
10 |
64 % |
65 % |
66 % |
Taux de participation au dépistage du cancer du col de l’utérus |
CNAMTS (DSES) |
10 |
61 % |
62 % |
63 % |
Taux de vaccination antigrippale des personnes éligibles |
CNAMTS (DSES) |
10 |
52 % |
54 % |
56 % |
Fiabilité de la liquidation des prestations en nature |
CNAMTS (DDFC) (14) |
20 |
montant : < 0,5 % |
montant : < 0,5 % |
montant : < 0,5 % |
Pourcentage de régularisation des rejets |
CNAMTS (DDFC) |
20 |
0 % |
0 % |
0 % |
Taux de mise en conformité – accessibilité des accueils aux personnes handicapées |
Mutuelle déclaratif |
10 |
30 % |
50 % |
75 % |
Taux de recouvrement amiable des indus sur prestations |
Mutuelle déclaratif |
10 |
80 % |
80 % |
80 % |
Source : CNAMTS.
Les contrats signés entre la CNAMTS et les mutuelles étudiantes ne prévoient aucune limitation de durée. Cependant, en cas de modification substantielle des conditions d’exécution, ils pourraient être modifiés par avenant.
La Cour des comptes, lors de son audition (15), a relevé que les indicateurs n’étaient pas centrés sur le cœur de l’activité des mutuelles et étaient auto-justifiés par celles-ci sans contrôle approfondi.
Un avenant (16) a intégré quatre indicateurs de qualité de service et de gestion : taux d’appels téléphoniques traités, taux de remboursement dématérialisé, délai de remboursement des feuilles de soins papier et taux de couverture en carte Vitale.
Le mode de calcul de ces remises de gestion est complexe.
S’agissant des mutuelles de la fonction publique, l’article L. 712-7 du code de la sécurité sociale prévoit que : « Les mutuelles ou sections de mutuelles ou unions de ces organismes prévues à l’article L. 712-6 reçoivent, des caisses d’assurance maladie, les fonds nécessaires au service des prestations et justifient auxdites caisses de l’emploi des fonds reçus. »
Un montant annuel est fixé dans le contrat pluriannuel de gestion. Il est calculé en fonction de cinq éléments (17) :
– le nombre de bénéficiaires actifs des mutuelles, que l’on définit comme un assuré ou un ayant droit ayant reçu au moins une fois dans l’année des prestations d’assurance maladie ou maternité ;
– le coût du bénéficiaire actif moyen (BAM) ou le coût de gestion moyen constaté dans les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et les centres de traitement informatique rapporté au nombre de bénéficiaires géré par la CNAMTS ;
– un coefficient de réalisation qui tient compte de la différence entre les charges de travail d’une mutuelle de fonctionnaires pour la gestion du régime obligatoire et celles d’une caisse primaire pour l’ensemble de ses activités. En effet, les mutuelles de fonctionnaires ne règlent pas d’indemnités journalières ou n’instruisent pas de demande de couverture maladie universelle. Ce taux a été uniformisé pour les mutuelles de fonctionnaires de l’État à 59,834 % mais varie pour les mutuelles des agents territoriaux et hospitaliers ; à titre d’exemple, il est de 49,51 % pour la Mutuelle de la Ville de Paris et de 52,35 % pour la Mutuelle nationale des hospitaliers et des professionnels de la santé (MNH) ;
– un système d’intéressement sous forme de majorations si les objectifs fixés par le contrat pluriannuel de gestion sont atteints ou de pénalités dans le cas contraire. Cet intéressement ne peut excéder 5 % du montant de la remise de base ; dans le futur contrat pluriannuel qui sera signé entre les mutuelles et la CNAMTS pour la période 2014-2017, les pénalités seraient de -1 % et les majorations de +2 % ;
– une rémunération supplémentaire pour le traitement des prestations en espèces des agents non titulaires.
S’agissant des mutuelles étudiantes, ce montant est calculé en fonction (18) :
– de l’évolution des dépenses de fonctionnement des CPAM et des centres de traitement électronique dans la limite d’un plafond constitué par le coût moyen de gestion constaté dans les 50 caisses les plus performantes ;
– du nombre d’assurés sociaux actifs des mutuelles pondéré par le nombre de cellules actes (19) ;
– du taux d’évolution des effectifs de chaque mutuelle pondéré par l’effort de productivité des CPAM ;
– du coefficient de réalisation. Ce dernier est resté fixé à 77,26 %.
3. Le développement d’une offre de couverture complémentaire
Les mutuelles peuvent, en outre, assurer des prestations du régime complémentaire. Si l’affiliation des agents publics et des étudiants est obligatoire s’agissant du régime obligatoire de l’assurance maladie, elle reste facultative pour le régime complémentaire.
Jusqu’en 2007, le régime complémentaire des agents de la fonction publique de l’État assuré par les mutuelles de fonctionnaires bénéficiait via les ministères de rattachement (20) de subventions de fonctionnement de la part de l’État pour un montant ne dépassant pas 25 % du produit total des cotisations. À la suite de la remise en cause de cette procédure par la Commission européenne qui l’a jugée contraire au principe de libre concurrence et d’égalité et qui l’a qualifiée d’aide d’État, de nouvelles dispositions législatives ont dû être adoptées.
L’article 39 de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique (21) a donc mis en place un système de référencement. Chaque ministère, qui souhaite faire bénéficier ses agents d’une protection sociale complémentaire, doit passer un appel d’offres au niveau européen ouvert à tous les organismes d’assurance de santé complémentaire et de prévoyance sociale afin de retenir le mieux disant.
Une convention est alors passée avec l’organisme retenu pour une durée de sept ans.
La Cour des comptes a déploré dans un référé du 21 février 2012 que la mise en œuvre de cette procédure n’ait pas rétabli l’égalité de traitement entre les organismes. Toutes les mutuelles retenues ont été en effet des mutuelles de fonctionnaires.
Elle a souligné notamment que le couplage obligatoire des risques santé et prévoyance avait favorisé les mutuelles de fonctionnaires. Par ailleurs, l’élaboration des cahiers des charges a été calquée sur les pratiques des mutuelles sortantes.
S’agissant des mutuelles étudiantes, M. Jacques Toubon, Défenseur des droits (22), a relevé que ces dernières profitaient de leur situation et laissaient parfois entendre aux étudiants que la souscription d’une couverture complémentaire était obligatoire. Les étudiants ayant répondu à son appel à témoignage considéraient les pratiques commerciales de ces mutuelles comme agressives.
Par ailleurs, la Mutuelle des étudiants (LMDE), avait instauré un dispositif d’intéressement pour ses salariés afin de les inciter à vendre sa couverture complémentaire aux étudiants. La Cour des comptes s’est montrée très critique, lors de son audition (23), car, alors que cette mutuelle affichait un résultat net négatif de -3,8 millions d’euros sur la période 2007-2011, elle a versé 2,2 millions d’euros d’intéressement, soit 700 euros par an et par personne.
B. UN RÉGIME CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS
En 2005, on recensait une dizaine de mutuelles pour les fonctionnaires de l’État et une dizaine pour les agents territoriaux et hospitaliers. Néanmoins, deux mutuelles dominent le secteur, la Mutuelle fonction publique et la Mutuelle générale de l’Éducation nationale. Cette dernière gère 3,8 millions de bénéficiaires et a versé 4,8 milliards d’euros de prestations en 2014 (24).
ÉVOLUTION SUR DIX ANS DE LA RÉPARTITION
DES MUTUELLES DÉLÉGATAIRES DU RÉGIME OBLIGATOIRE
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
Mutuelles de fonctionnaires de l’État |
9 |
9 |
9 |
9 |
7 |
7 |
7 |
7 |
7 |
7 |
7 |
MGEN |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MFPS |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
LMG |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MGP |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MAGE |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MNAM |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Intériale |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x | ||||
MPN Alsace |
x |
x |
x |
x |
fusion Intériale | ||||||
SMPPN |
x |
x |
x |
x |
fusion Intériale | ||||||
MMI |
x |
x |
x |
x |
fusion Intériale | ||||||
Mutuelles d’étudiants |
11 |
11 |
11 |
11 |
11 |
11 |
11 |
11 |
11 |
11 |
11 |
LMDE |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
SMEREP |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
SMERAG |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MEP |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
VITTAVI |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MGEL |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
SMECO |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
SMENO |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
SMEBA |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
SMERRA |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
SMEREB |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Mutuelles de types L. 211-4 |
17 |
17 |
17 |
17 |
17 |
17 |
16 |
16 |
12 |
10 |
9 |
Hospitalier |
3 |
3 |
3 |
3 |
3 |
3 |
3 |
3 |
3 |
2 |
2 |
MNH |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
HCL |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
||
MHV |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Territoriaux |
8 |
8 |
8 |
8 |
8 |
8 |
8 |
8 |
6 |
6 |
5 |
Mutuelle Est Bas-Rhin |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Mutuelle Est Haut-Rhin |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
|
MNFCT |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
|||
Municipaux de Grenoble |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Municipaux de Marseille |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MCVPAP |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MUTAME |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
|||
MNT |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Professionnelles |
6 |
6 |
6 |
6 |
6 |
6 |
5 |
5 |
3 |
2 |
2 |
CAMIEG |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
COVUMIT |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
MBTPSE |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
|||
UMIGA |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
||
KEOLIS |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
|||||
Mutuelle Boissière du bâtiment |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Source : CNAMTS.
Par ailleurs, la législation (25) permet la constitution d’une section locale mutualiste à partir de 1 000 adhérents appartenant soit à un même établissement situé dans le même département, soit à une même administration ou à un même service dans la circonscription comprise dans un même département.
Le régime obligatoire d’assurance maladie des fonctionnaires de l’État peut être géré par :
1) des sections locales ministérielles comme pour :
– la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) ;
– la Mutuelle autonome générale de l’Éducation (MAGE) ;
– la Mutuelle générale (LMG) ;
– Harmonie fonction publique (HFP) ;
– la Mutuelle générale de la police (MGP) ;
– la Mutuelle du ministère de l’Intérieur (INTERIALE) ;
2) ou par des sections locales interministérielles dont l’opérateur unique est la Mutuelle fonction publique services (MFPS), union mutualiste qui gère les activités liées au régime obligatoire et complémentaire pour le compte des mutuelles adhérentes.
S’agissant des mutuelles de fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers, l’article L. 211-4 du code de la sécurité sociale permet à tout groupement mutualiste d’au moins 100 adhérents de jouer le rôle de section locale.
Quant aux mutuelles étudiantes, deux organismes étaient en concurrence bien que les prestations soient identiques, le réseau emeVia qui coordonne 11 mutuelles régionales (26) et la Mutuelle des étudiants (LMDE).
2. Des coûts de gestion importants
Le rapport commun de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales relevait en 2011 des coûts de gestion des mutuelles de la fonction publique de l’État supérieurs à ceux la CNAMTS (27) ; ainsi le coût de gestion par bénéficiaire était de 51,10 euros pour la MGEN et de 63,79 euros pour la MFP alors qu’il s’élevait à 43,67 euros pour la CNAMTS.
Plusieurs facteurs contribuent à expliquer cette différence.
Les activités de gestion des prestations dans les mutuelles délégataires sont prépondérantes, d’où la difficulté à effectuer des comparaisons avec la CNAMTS. C’est pourquoi, M. Thierry Beaudet, président de la MGEN, a contesté les chiffres du rapport précité lors de son audition (28) en arguant du fait que les périmètres concernés et les modalités de calcul différaient.
M. Thomas Fatome (29), directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, a relevé également que les missions et les prestations de ces mutuelles délégataires n’étaient pas strictement comparables à celles de la CNAMTS.
Cependant, d’autres déterminants sont à prendre en compte.
La productivité de ces mutuelles apparaît inférieure à celle des caisses primaires. Selon la Cour des comptes, en 2011, tandis qu’un agent d’une caisse primaire de la CNAMTS gérait 2 254 bénéficiaires, un agent de la MGEN en traitait 1 269. S’agissant des mutuelles étudiantes, le réseau emeVia gère en moyenne 1 500 étudiants. Quant aux activités de remboursement, une caisse primaire procède à 30 410 remboursements par salarié en 2011 tandis que la LMDE en effectue 20 040 et la SMEREP 27 552.
Par ailleurs, les processus de dématérialisation ont été retardés. Même si le taux de télétransmission progresse à la MGEN, passant de 75,1 % en 2005 à 85,7 % en 2011, il reste inférieur au taux de 91 % de la CNAMTS. S’agissant du régime étudiant, le retard pour obtenir une carte Vitale, qui concernerait 20 % des assurés au sein de la LMDE en 2013, entraîne une liquidation des prestations par des formulaires papiers, ce qui renchérit le coût de gestion.
Enfin, les dépenses liées à des investissements informatiques sont conséquentes alors que la mutualisation des systèmes d’information est source d’économie. Mme Virginie Cayré, inspectrice des affaires sociales, lors de son audition (30), a souligné que ces systèmes d’information étaient redondants.
Les mutuelles font appel à plusieurs prestataires différents.
La CNAMTS propose un système d’information dénommé Infogérance. M. Philippe Rouet, responsable de la mission d’accompagnement des régimes partenaires d’assurance maladie obligatoire, a décrit la mise en œuvre de ce dispositif (31). Le système d’information proposé est le même que celui des caisses primaires, seule l’interface étant personnalisée. Lorsque l’adhérent se connecte, le logo, l’adresse, le numéro de téléphone seront ceux de sa mutuelle. La facturation, qui ne comprend pas le coût de l’investissement projet, est de 2,10 euros par assuré.
On trouve aussi des solutions informatiques mises en place par Cegedim assurances. M. Philippe Simon, président de Cegedim assurances (32), a estimé le coût de la gestion informatique pour son client APRIA à 2,20 euros par assuré. Ce coût comprend l’activité liée au régime obligatoire, à sa maintenance et à son exploitation.
Lors de leur audition (33), la MFP et la MGEN ont justifié le choix d’un système d’information autonome et différent de celui de la CNAMTS par leur modèle intégré de régime obligatoire et de régime complémentaire. M. Thierry Beaudet, président de la MGEN, a insisté sur l’investissement de sa mutuelle dans un modèle robuste et moderne, MGEN Technologies. Lors de son audition (34), M. Christian Chaboud, directeur général de MGEN Technologies, a mis l’accent sur la volonté de la MGEN de disposer d’un système sur mesure ; c’est la raison pour laquelle elle a développé à partir d’une souche logicielle Starweb, un système adapté à ses besoins. Le coût annuel en 2014 était de 108 millions d’euros répartis en 70 millions d’euros en coût de fonctionnement (exploitation et maintenance) et de 38 millions d’euros en coût de projets. Sur un coût de gestion de 51,10 euros par bénéficiaire actif, la part revenant au système d’information est de 11 euros.
La Cour des comptes a également souligné les limites d’une comptabilité analytique qui tend à faire porter les charges sur la gestion du régime obligatoire et marginalement sur la gestion de la couverture complémentaire, ce qui déforme la structure des coûts. « On constate une sous-évaluation des coûts de gestion des complémentaires et une surévaluation des coûts du régime obligatoire
– surévaluation utilisée par l’ensemble des mutuelles comme levier de négociation vis-à-vis de la CNAMTS pour négocier leurs remises de gestion. (35) » Ce constat est partagé par l’IGAS et l’IGF qui soulignent que le postulat selon lequel le régime complémentaire était accessoire a contribué à valoriser ces activités à un coût marginal par rapport à la gestion du régime obligatoire.
3. Une qualité de service discutable
a. Les mutuelles étudiantes : un service souvent très dégradé
La qualité du service est quasi inexistante pour les mutuelles étudiantes. Plusieurs enquêtes menées par la Cour des comptes, UFC Que choisir et le Défenseur des droits ont pointé de nombreux dysfonctionnements : retards dans l’affiliation et dans l’obtention d’une carte Vitale, délais de remboursements pouvant aller jusqu’à une année, absence de réponse téléphonique aux réclamations.
S’agissant de l’accès aux droits, lors de son audition (36), M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, a indiqué que les mutuelles étudiantes n’étaient pas en mesure d’affilier l’ensemble des étudiants à leur sécurité sociale au 1er octobre. 26 % des étudiants ayant participé à son appel à témoignage ont indiqué avoir rencontré un problème en lien avec l’affiliation. Selon la Cour des comptes, un quart des adhérents obtiennent leur carte au bout d’un mois. 10 % n’en sont toujours pas dotés après 9 mois. La LMDE, la SMEREP et VITTAVI sont celles où les dysfonctionnements sont les plus importants.
Ce point est particulièrement grave, car comme l’a souligné le Défenseur des droits, un étudiant non affilié se trouve en rupture de droits à la sécurité sociale. Il ne pourra obtenir ni remboursement de ses dépenses de santé, ni bénéficier du tiers payant, ni même obtenir une attestation de droits, document exigé pour la participation à des stages. Ainsi, 23 % des étudiants ayant participé à l’appel à témoignage du Défenseur des droits ont confirmé avoir été contraints de faire l’avance de leurs frais de santé.
Quant à la gestion de ces droits, elle est également défaillante. Les délais de remboursement des soins sont particulièrement élevés. La LMDE rembourse jusqu’avec un an de retard. 57 % des étudiants ayant participé à l’appel à témoignage du Défenseur des droits ont rencontré ce type de difficulté. La prise en compte d’une affection de longue durée (ALD) est souvent omise et l’affiliation à la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C) est rendue difficile.
Lors de son audition, M. Benjamin Chkroun, délégué général d’emeVia (37), a de son côté indiqué que son réseau détenait un taux de réponse aux appels téléphoniques de 92 % et assurait 88 % de ses remboursements en 48 heures.
Lors de leur audition (38), la Cour des comptes a livré également un constat sans appel sur les mutuelles étudiantes, les qualifiant « de système à bout de souffle ». Lors de sa mission menée entre fin 2012 début 2013, il est apparu que, s’agissant de la LMDE, un appel sur quatorze avait une chance d’aboutir et que le stock de courriers non ouverts était impressionnant, s’élevant à 300 000 en mars, 200 000 en juin et 80 000 en novembre. En outre, les plateformes pour répondre à des courriers électroniques n’étaient pas suffisamment développées.
Sur un autre registre, la Cour des comptes a relevé que les étudiants dont les parents étaient affiliés à la MGEN étaient prioritaires (39) dans le traitement de leurs dossiers, pratique contraire à l’égalité des droits.
b. Les mutuelles de fonctionnaires : un constat plus nuancé
Le constat sur la qualité du service des mutuelles de fonctionnaires est plus nuancé. En particulier, un des avantages relevé également par l’IGAS et l’IGF dans leur rapport précité (40) est qu’elles permettent aux agents publics d’être gérés par un même organisme pour le régime obligatoire et complémentaire, ce qui leur permet de bénéficier d’un seul interlocuteur et de recevoir un décompte unique de remboursement de leurs dépenses de santé.
La MGEN a présenté pour sa part des résultats satisfaisants lors de son audition (41) ; le délai moyen de remboursement des prestations s’élèverait à moins de 3 jours, le taux d’appels décrochés serait de 85 % à 90 % et 90 % des réclamations seraient traitées sous 12 jours.
Néanmoins, la qualité du service reste hétérogène selon les mutuelles. La Cour des comptes (42) a particulièrement relevé l’exemple de la mutuelle de la Ville de Paris, soulignant un accueil des usagers limité ainsi qu’un traitement très long des dossiers des assurés. Le taux global d’appels décrochés ne s’élevait qu’à 32 % en 2012 pour un taux de 85 % au sein du réseau de la CNAMTS.
c. Une fiabilité insuffisante de la liquidation
En outre, la Cour des comptes (43) a déploré la mauvaise qualité de la liquidation de ces mutuelles, ce qui a conduit à maintenir une réserve lors de la certification des comptes du régime général de la Sécurité sociale pour 2014. « Les dispositifs visant à sécuriser la liquidation des prestations en nature par les mutuelles gestionnaires du régime obligatoire (7,9 milliards d’euros) ne permettent pas de disposer d’une assurance raisonnable sur l’efficacité du contrôle interne mis en œuvre par les mutuelles. Les résultats des tests réalisés sur deux systèmes d’information distincts de celui de la CNAMTS, couvrant près de 70 % des bénéficiaires, font apparaître une fréquence d’anomalies significatives qui crée une incertitude sur la fiabilité de la liquidation des prestations en nature. »
4. Des difficultés propres au régime étudiant
Les modalités spécifiques d’affiliation et la mutation inter régime des étudiants, particularités de leur régime social, sont sources de difficultés.
a. L’hétérogénéité des modalités d’affiliation
Selon son âge, la profession de ses parents ou son statut d’ayant droit autonome ou d’ayant droit salarié, l’étudiant doit respecter des modalités d’affiliation différentes.
Est considéré comme étudiant, tout élève des établissements d’enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et classes du second degré préparatoire à ces écoles âgé de plus de 16 ans et de moins de 28 ans.
Néanmoins, il existe des dérogations à ces limites d’âge pour être affilié. Ainsi, elle est repoussée pour les enfants des assurés sociaux du Régime social des indépendants (RSI) et des régimes spéciaux.
RÈGLES D’AFFILIATION AU RÉGIME ÉTUDIANT
SELON LA PROFESSION DU PARENT DONT DÉPEND L’ÉTUDIANT
Profession du parent dont dépend l’étudiant |
16/19 ans au cours de l’année universitaire |
20 ans au cours de l’année universitaire |
21/28 ans au cours de l’année universitaire |
Salarié et assimilé : - Salarié du secteur privé - Fonctionnaire de l’État - Fonctionnaire territorial ou hospitalier - Artiste auteur - Praticien ou auxiliaire médical conventionné (sauf option profession libérale) - Exploitant ou salarié agricole |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et gratuite |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (gratuite pour les étudiants boursiers) |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (gratuite pour les étudiants boursiers) |
Travailleur non salarié : - Artisan - Commerçant - Profession libérale |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (gratuite pour les étudiants boursiers) |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (gratuite pour les étudiants boursiers) |
Régimes spécifiques : - Clercs ou employés de notaires - Cultes - EDF-GDF - Militaires - Mines - RATP - Sénat |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (gratuite pour les étudiants boursiers) |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (gratuite pour les étudiants boursiers) |
Autres régimes spécifiques : - Assemblée nationale - Marine marchande - Port autonome de Bordeaux |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (gratuite pour les étudiants boursiers) |
Fonctionnaire international |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (à défaut d’attestation de l’organisme international) |
Sécurité sociale étudiante obligatoire et payante (à défaut d’attestation de l’organisme international) |
Agent de la SNCF |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Couvert par la sécurité sociale des parents |
Source : CNAMTS.
Par ailleurs, parmi la population étudiante, on distingue les ayants droit autonomes et les ayants droit salariés.
Jusqu’à l’âge de 20 ans, les étudiants sont les ayants droit de leurs parents et dépendent de leur régime d’assurance maladie. Pour ceux qui relèvent du régime général, ils sont affiliés aux mutuelles étudiantes dès qu’ils acquièrent le statut d’étudiant, mais en contrepartie, ne paient pas leurs cotisations.
S’agissant des étudiants salariés, l’article R. 313-2 du code de la sécurité sociale dispose que l’assuré a droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité du régime général pendant l’année suivant la fin de la période de référence, s’il justifie d’une activité minimale. Ces étudiants doivent attester d’au moins 60 heures de travail par mois ou de 120 heures par trimestre. Le contrat de travail doit couvrir l’ensemble de l’année universitaire du 1er octobre de l’année au 30 septembre de l’année suivante.
Ce système entraîne deux difficultés :
– une double affiliation au régime général et étudiant ;
– une sous-affiliation volontaire. La Cour des comptes a estimé en 2011 que, au niveau national, 40 000 étudiants au niveau national ne s’affiliaient pas volontairement à la sécurité sociale étudiante. Selon emeVia, en 2011, 10 % des effectifs étudiants soit 170 000 personnes n’étaient pas affiliées alors qu’elles auraient dû l’être.
Enfin, un point est particulièrement délicat : la mutation inter régime pour les étudiants.
Le passage du régime de sécurité sociale d’origine de l’étudiant vers le régime spécifique entraîne de nombreux dysfonctionnements.
Cette mutation s’effectue à la demande de l’établissement d’enseignement supérieur lors de l’inscription de l’étudiant et du choix de sa mutuelle. Une fois les informations obtenues, les mutuelles doivent faire certifier l’identification des assurés et leur numéro de sécurité sociale par le registre d’immatriculation de l’assurance maladie à partir du 1er octobre pour les nouveaux affiliés. La caisse cédante envoie à la mutuelle une fiche de données qui comporte notamment l’identité du médecin traitant. Une fois cette fiche reçue, la carte Vitale sera transmise ou sera créée.
Ce processus ne peut intervenir qu’à partir du 1er octobre, date de rentrée de nombreux étudiants, ce qui implique automatiquement que les affiliés ne peuvent disposer de droits à la sécurité sociale à cette date. Le transfert d’information est souvent incomplet, parfois sous format papier.
M. Benjamin Chkroun (44), délégué général d’emeVia, a souligné que les règles administratives du régime général n’étaient pas adaptées à la vie d’un étudiant, c’est pourquoi, leur réseau a expérimenté l’instruction des dossiers de ses adhérents à partir du 1er juillet afin de diagnostiquer les difficultés en amont.
Lors de son audition (45), M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, a signalé que cette procédure entraînait, en outre, des ruptures du parcours de soins coordonnés. 20 % des étudiants ayant répondu à son appel à témoignage ont rencontré ce type de difficulté. Soit la mutuelle ne prend pas en compte au moment de la mutation la déclaration de médecin traitant déjà effectué auprès de sa précédente caisse de sécurité sociale, soit elle l’égare. Dans ce cas, l’étudiant subira des conséquences dommageables.
a. L’évolution du nombre des affiliés
Le nombre d’étudiants affiliés a augmenté de 11,4 % entre 2001 et 2011, notamment suite à l’extension du périmètre des étudiants ayants droit autonomes. En 2012, les étudiants de moins de 20 ans représentaient 18 % des affiliés.
Le nombre de bénéficiaires actifs dans les mutuelles de fonctionnaires décroît à la fois en raison de la baisse du recrutement et des modifications de statut des agents publics. Entre 2005 et 2011, la Cour des comptes relève qu’il a baissé de 2 % pour les mutuelles de fonctionnaires de l’État et de 35 % pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
b. La généralisation des contrats complémentaires santé
La mise en place d’une protection sociale complémentaire obligatoire pour les salariés (46) prévue par l’article premier de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi pourrait entraîner une démutualisation des agents publics et des étudiants vis-à-vis du régime complémentaire de ces mutuelles. La Cour des comptes (47) a observé cette tendance depuis 2011. À la MGEN, si en 2008 20 % des assurés bénéficiaient du seul régime obligatoire, en 2011 ce pourcentage s’est élevé à 22,6 %. Au sein de la MFP ces chiffres étaient respectivement de 42,8 % en 2008 et de 45 % en 2011. Cette désaffection pour la couverture complémentaire est encore plus marquée pour la MNH, la part des assurés couverts au titre du seul régime obligatoire ayant augmenté de 35 % en 2008 à 41 % en 2011. S’agissant des mutuelles étudiantes, en 2013, seuls 26,6 % des étudiants avaient fait le choix d’adhérer à une couverture complémentaire proposée par ces dernières.
Ce phénomène risque de s’accentuer avec la mise en place du nouveau régime complémentaire obligatoire pour tous les salariés. Des fonctionnaires pourront être tentés de s’affilier auprès des organismes de santé et de prévoyance de leur conjoint tandis que ces derniers seraient automatiquement assurés par les contrats collectifs obligatoires de leurs entreprises.
II. UNE RATIONALISATION NÉCESSAIRE DE CETTE GESTION
A. UNE ÉVOLUTION DU RÉGIME QUI S’IMPOSE
1. Une restructuration en cours du paysage
Le paysage éclaté des mutuelles se concentre afin de faire face à l’ajustement des remises de gestion. Ainsi, les mutuelles des fonctionnaires de l’État sont passées de 9 à 7 entre 2005 et 2015, les mutuelles de la fonction publique territoriale de 8 à 5 et celles des fonctionnaires hospitaliers de 3 à 2.
Par ailleurs, les mutuelles restructurent leur réseau, notamment les deux plus importantes d’entre elles.
En 2005, la MFP a évolué d’un réseau multifilière à un réseau spécialisé, en fermant 34 sections sur les 94 que comptait son réseau et en supprimant 289 postes.
Son réseau compte aujourd’hui 61 agences (48), soit :
– 53 centres de gestion qui assurent la gestion des prestations et l’accueil physique pour une région ;
– 6 centres de contact (accueil téléphonique et gestion du courrier électronique) ;
– un centre de relation client ;
– un point d’accueil local.
La MGEN, de son côté, a réorganisé sa production en la confiant à 5 grands centres de traitement, tout en maintenant un réseau d’agences qui se compose de :
– 101 sections départementales (une section par département) qui s’occupent de l’accueil physique des assurés ;
– 9 centres de traitement ;
– 4 centres d’appel.
2. Une rationalisation programmée des coûts de gestion
Comme l’a rappelé M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (49), les mutuelles délégataires doivent participer aux économies demandées à l’assurance maladie. Le rapport précité de l’IGF et de l’IGAS préconisait une révision du mode de calcul des remises de gestion et l’amélioration de la productivité de ces mutuelles afin de diminuer leurs coûts.
En premier lieu, afin de rationaliser les coûts de gestion, le partage des dépenses liées aux systèmes d’information est encouragé. La CNAMTS a ainsi initié un mouvement d’Infogérance, décrit ci-dessus, défini par M. Thomas Fatome comme une réinternalisation au sein de la CNAMTS d’une partie des dépenses informatiques, facturées aux mutuelles au coût marginal.
La Cour des comptes est réservée sur ce point (50) : « Le dispositif d’Infogérance est, pour nous, une question très problématique – car il semble que tout change pour que rien ne change… En réalité, la CNAMTS va continuer de payer des remises de gestion à une mutuelle qui va sous-traiter le traitement de ses prestations à une caisse primaire d’assurance maladie, laquelle va lui tarifer ce service à un coût marginal ». Dans cette analyse, la mutuelle resterait en effet fortement bénéficiaire.
En deuxième lieu, les remises de gestion diminueront de 15 % sur la période 2014-2017.
Depuis 2005, la rémunération accordée aux mutuelles en contrepartie de la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie a commencé à décroître.
De 2005 à 2011, les remises de gestion accordées aux mutuelles de la fonction publique de l’État ont baissé de 11,6 %, passant de 274,5 millions d’euros à 242,5 millions d’euros. S’agissant de la MGEN, la remise de gestion unitaire a diminué entre 2011 et 2014, passant de 46 euros à 41 euros.
Celles accordées aux mutuelles de la fonction publique territoriale et hospitalière ont, quant à elles, subi une réduction de 33,5 %, passant de 43,6 millions d’euros à 29 millions d’euros (51).
C’est pourquoi le projet de contrat pluriannuel de gestion entre la CNAMTS et les mutuelles de fonctionnaires de l’État sur la période 2014-2017 prévoit une diminution des remises de gestion unitaires qui passeraient de 44 euros en 2014 à 37 euros en 2017.
ÉVOLUTION DES REMISES DE GESTION GLOBALES
POUR LES MUTUELLES DE FONCTIONNAIRES DE L’ÉTAT
De 2009 à 2013
(En euros)
Remises versées au titre de : |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
INTERIALE |
5 254 582 |
5 041 635 |
5 170 029 |
4 873 550 |
3 617 383 |
MAGE |
224 281 |
245 257 |
240 331 |
263 736 |
263 283 |
MFPS |
74 108 533 |
69 584 889 |
67 544 374 |
64 891 229 |
62 093 095 |
MG |
34 145 287 |
31 134 253 |
29 214 983 |
28 497 719 |
27 694 206 |
MGEN |
131 453 019 |
128 581 834 |
131 701 732 |
132 220 621 |
132 026 467 |
MGP |
7 869 959 |
6 511 855 |
5 163 961 |
4 090 060 |
2 974 300 |
MNAM |
4 069 679 |
3 682 314 |
3 448 621 |
3 445 654 |
3 334 590 |
Total |
257 125 340 |
244 782 037 |
242 484 031 |
238 282 569 |
232 003 324 |
Évolution en montant |
ns |
-12 343 303 |
-2 298 006 |
-4 201 462 |
-6 279 245 |
Évolution en % |
ns |
-4,80 % |
-0,94 % |
-1,73 % |
-2,64 % |
Source : CNAMTS.
ÉVOLUTION DES REMISES DE GESTION UNITAIRES POUR LES MUTUELLES DE FONCTIONNAIRES DE L’ÉTAT
De 2009 à 2013
(En euros)
Remise unitaire |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
INTERIALE |
44,21 |
43,60 |
45,11 |
44,87 |
35,35 |
MAGE |
37,94 |
39,22 |
41,49 |
42,99 |
42,11 |
MFPS |
51,21 |
48,68 |
47,73 |
46,35 |
44,53 |
MG |
48,99 |
46,24 |
45,00 |
45,21 |
44,62 |
MGEN |
47,30 |
46,06 |
46,11 |
45,84 |
44,97 |
MGP |
49,46 |
41,46 |
32,67 |
25,77 |
18,74 |
MNAM |
51,12 |
47,03 |
44,38 |
44,92 |
44,39 |
Total |
48,64 |
46,61 |
45,95 |
45,26 |
43,83 |
Évolution en montant |
ns |
-2,02 |
-0,66 |
-0,70 |
-1,43 |
Évolution en % |
ns |
-4,16 % |
-1,41 % |
-1,52 % |
-3,16 % |
Source : CNAMTS.
ÉVOLUTION DES REMISES DE GESTION GLOBALES POUR LES MUTUELLES
DE L’ARTICLE L. 211-4 (HOSPITALIERS, TERRITORIAUX, MUNICIPAUX ET AUTRES)
De 2010 à 2013
(En euros)
Remises versées au titre de : |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
CAMIEG |
7 645 053 |
7 811 661 |
6 153 933 |
6 250 521 |
MNH |
14 218 020 |
13 995 130 |
13 329 884 |
12 620 239 |
MNT |
4 935 758 |
4 714 284 |
4 296 708 |
4 204 532 |
Autres L. 211-4 |
11 845 240 |
10 310 836 |
10 108 004 |
7 643 426 |
Mut’Est Bas Rhin |
1 209 700 |
1 058 218 |
923 718 |
760 435 |
MNFCT |
948 221 |
772 678 |
707 562 |
AD* |
Mut’Est Haut Rhin |
188 920 |
178 137 |
161 087 |
132 562 |
Municipaux de Grenoble |
286 770 |
300 056 |
293 588 |
272 952 |
Municipaux de Marseille |
797 250 |
776 407 |
746 187 |
737 670 |
MCVPAP |
3 550 620 |
3 345 876 |
3 241 690 |
2 890 000 |
COVIMUT |
173 604 |
171 771 |
171 238 |
165 556 |
MHV |
175 684 |
173 867 |
166 361 |
160 366 |
KEOLIS |
297 214 |
AD (38 815) |
AD |
AD |
HCL |
1 316 317 |
1 198 786 |
1 130 627 |
1 072 692 |
MBTPSE |
379 927 |
295 784 |
311 577 |
– 7 049 |
UMIGA |
2 027 671 |
1 568 976 |
1 585 669 |
1 410 958 |
Boissière du Bâtiment |
302 598 |
265 879 |
415 439 |
AD (39 573) |
MUTAME |
190 744 |
165 586 |
253 261 |
AD (7 710) |
Total |
38 644 071 |
36 831 911 |
33 888 529 |
30 718 718 |
Évolution en montant |
ns |
-1 812 160,31 |
-2 943 382,11 |
-3 169 811,26 |
Évolution en % |
ns |
-4,69 % |
-7,99 % |
-9,35 % |
(*) AD : Abandon de délégation.
Source : CNAMTS.
ÉVOLUTION DES REMISES DE GESTION UNITAIRES POUR LES MUTUELLES
DE L’ARTICLE L. 211-4 (HOSPITALIERS, TERRITORIAUX, MUNICIPAUX ET AUTRES)
De 2010 à 2013
(En euros)
Remise unitaire |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
CAMIEG |
20,26 |
20,17 |
15,08 |
15,05 |
MNH |
40,01 |
39,49 |
37,85 |
35,99 |
MNT |
45,21 |
43,37 |
40,18 |
39,81 |
Autres L. 211-4 |
36,64 |
38,09 |
38,76 |
50,02 |
Mut’Est Bas Rhin |
ND |
44,37 |
39,75 |
37,62 |
MNFCT |
ND |
44,88 |
42,14 |
AD* |
Mut’Est Haut Rhin |
ND |
42,86 |
39,21 |
37,81 |
Municipaux de Grenoble |
ND |
38,63 |
38,91 |
38,82 |
Municipaux de Marseille |
ND |
49,48 |
48,62 |
48,07 |
MCVPAP |
ND |
35,84 |
36,60 |
33,83 |
COVIMUT |
ND |
29,25 |
29,19 |
29,14 |
MHV |
ND |
29,44 |
29,20 |
28,85 |
KEOLIS |
ND |
AD |
AD |
AD |
HCL |
ND |
35,91 |
33,90 |
AD |
MBTPSE |
ND |
34,55 |
38,23 |
AD |
UMIGA |
ND |
35,90 |
38,27 |
AD |
Boissière du Bâtiment |
ND |
40,54 |
67,38 |
AD |
MUTAME |
ND |
35,18 |
55,90 |
AD |
Total |
33,17 |
32,85 |
30,04 |
29,99 |
Évolution en montant |
ns |
-0,31 |
-2,81 |
-0,06 |
Évolution en % |
ns |
-0,95 % |
-8,55 % |
-0,19 % |
(*) AD : Abandon de délégation.
Source : CNAMTS.
Ce mouvement vertueux n’a pas concerné les mutuelles étudiantes qui ont vu au contraire leurs remises de gestion augmenter de 12 %, passant de 82,8 millions d’euros en 2005 à 92,6 millions d’euros en 2011. La hausse du nombre d’étudiants et donc d’affiliés explique en partie cette hausse. Néanmoins, les mutuelles étudiantes devront également participer à des efforts de rationalisation et réduire leurs coûts de gestion. L’avenant signé le 1er décembre 2011 avec le réseau emeVia (52) impose une réduction des remises de gestion unitaires qui passeront de 50 euros en 2014 à 46 euros en 2017.
ÉVOLUTION DES REMISES DE GESTION GLOBALES POUR LES MUTUELLES ÉTUDIANTES
De 2010 à 2014
(En euros)
Remises versées au titre de : |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
LMDE |
45 273 676 |
49 443 508 |
50 504 644 |
48 340 396 |
46 085 000 |
MEP |
3 965 855 |
4 262 420 |
4 299 236 |
4 243 356 |
4 331 700 |
MGEL |
5 080 444 |
5 403 882 |
5 361 762 |
5 121 428 |
5 012 300 |
SMEBA |
4 537 038 |
4 877 597 |
4 943 065 |
4 981 756 |
5 151 250 |
SMECO |
1 687 320 |
1 811 846 |
1 859 851 |
1 726 036 |
1 817 800 |
SMENO |
6 190 282 |
6 621 967 |
6 647 759 |
6 490 432 |
6 539 150 |
SMERAG |
258 150 |
242 795 |
196 775 |
144 820 |
106 350 |
SMEREB |
1 335 875 |
1 394 444 |
1 403 960 |
1 358 552 |
1 379 400 |
SMEREP |
9 133 192 |
9 492 682 |
9 622 838 |
9 074 520 |
9 154 700 |
SMERRA |
5 250 978 |
5 655 386 |
5 783 826 |
5 480 956 |
5 567 500 |
VITTAVI |
3 623 961 |
3 702 342 |
3 759 594 |
3 816 592 |
3 981 200 |
Total |
86 336 771 |
92 908 869 |
94 383 310 |
90 778 844 |
89 126 350 |
Évolution en montant |
ns |
6 572 098 |
1 474 440 |
-3 604 466 |
-1 652 494 |
Évolution en % |
ns |
7,61 % |
1,59 % |
-3,82 % |
-1,82 % |
Source : CNAMTS.
ÉVOLUTION DES REMISES DE GESTION UNITAIRES POUR LES MUTUELLES ÉTUDIANTES
De 2010 à 2014
(En euros)
Remise unitaire |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
LMDE |
51,63 |
54,77 |
54,71 |
52,00 |
50,00 |
MEP |
51,63 |
54,77 |
54,75 |
52,00 |
50,00 |
MGEL |
51,63 |
54,77 |
54,79 |
52,00 |
50,00 |
SMEBA |
51,63 |
54,77 |
54,73 |
52,00 |
50,00 |
SMECO |
51,63 |
54,77 |
54,70 |
52,00 |
50,00 |
SMENO |
51,63 |
54,77 |
54,76 |
52,00 |
50,00 |
SMERAG |
52,93 |
54,77 |
55,46 |
52,00 |
50,00 |
SMEREB |
51,63 |
54,77 |
54,75 |
52,00 |
50,00 |
SMEREP |
51,63 |
54,77 |
54,73 |
52,00 |
50,00 |
SMERRA |
51,63 |
54,77 |
54,71 |
52,00 |
50,00 |
VITTAVI |
51,63 |
54,77 |
54,73 |
52,00 |
50,00 |
Total |
51,63 |
54,77 |
54,72 |
52,00 |
50,00 |
Évolution en montant |
ns |
3,14 |
-0,05 |
-2,72 |
-2,00 |
Évolution en % |
ns |
6,07 % |
-0,08 % |
-4,98 % |
-3,85 % |
3. La mise en place de nouveaux partenariats
La CNAMTS propose aux mutuelles plusieurs types de partenariats qui vont de l’intégration complète au sein du régime général au simple partage de son système d’information.
Lors de son audition (53), M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, a décrit la rationalisation opérée ces dernières années entre l’assurance maladie et les mutuelles délégataires. Dans ce cadre, l’assurance maladie mutualise les opérations de gestion comme la liquidation des prestations et les mutuelles délégataires conservent leurs activités d’affiliation et d’accueil.
Certaines mutuelles ont fermé et leurs assurés ont été intégrés au sein du régime général et sont gérés par les caisses primaires dont ils dépendent.
D’autres mutuelles ont fait le choix d’une gestion partagée. Les mutuelles conservent l’affiliation et l’accueil tandis que la liquidation des prestations est assurée par la caisse primaire. La Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG) est gérée par la CPAM des Hauts-de-Seine, la MGP Police par la CPAM des Yvelines et Intériale par la CPAM de Roubaix Tourcoing.
Enfin, les mutuelles peuvent recourir au système d’information de la CNAMTS. Ce procédé dit Infogérance, décrit ci-dessus, est utilisé par 8 mutuelles dont, depuis avril, la MFP et Harmonie Fonction publique (HFP).
PARTENARIATS MIS EN PLACE PAR LA CNAMTS
Type de partenariat |
Partenaires (nombre de bénéficiaires) | |
Intégration |
Il s’agit de l’intégration des assurés du régime ou de la mutuelle dans les CPAM. Par exemple la CCIP a été fermée par décret et les assurés ont été repris dans les différentes CPAM. Au final, les assurés deviennent des assurés du régime général. |
BDF (40 000), CCIP (8 000) |
KEOLIS (5 000), MUTAME Rouen (5 000), MBB (5 000), MBTPSE (8 000) MNFCT (17 000), HCL (33 000), UMIGA (41 000), Mut Est Mulhouse (4 000), Fraternelle de Grenoble (7 000) | ||
Mandat de Gestion |
Le régime ou la mutuelle subsiste et confie toute la gestion du régime obligatoire à la CNAMTS. Plusieurs CPAM se partagent les processus (54) Toute la gestion relation client reste aux couleurs du partenaire (logo, téléphone, etc.). (CANSSM, LMDE) |
LMDE (900 000) – CPAM Val de Marne, Poitiers, Lille-Douai et Rennes |
CANSSM (140 000) – CPAM Artois et Moselle | ||
Gestion partagée |
La gestion partagée du régime obligatoire : les PMS (55) sont répartis entre le partenaire et une ou plusieurs CPAM. En général le partenaire conserve les PMS gestion des bénéficiaires, accueil téléphonique, accueil physique et la CPAM prend en charge la gestion des prestations en espèces, la gestion des prestations en nature, etc. L’exploitation des données est réalisée par un CTI (56) du régime général au sein d’un couloir étanche (une seule BDO, une seule production), les éditions du partenaire sont réalisées par Esope. |
CAMIEG (500 000) RO et RC – CPAM Hauts-de-Seine |
MGP Police – CPAM des Yvelines (174 000) | ||
INTÉRIALE (1/01/2014) – CPAM Roubaix Tourcoing (120 000) | ||
Infogérance |
Le partenaire utilise l’ensemble des outils de l’assurance maladie pour réaliser la gestion du régime obligatoire (Progrès, etc.) et l’exploitation des données est réalisée par un CTI du régime général au sein d’un couloir étanche (une seule BDO (57), une seule production), les éditions du partenaire sont réalisées par Esope. En bref le partenaire fonctionne comme une CPAM. |
ENIM (122 000) |
CAVIMAC Culte (46 000) | ||
CRPCEN Clerc de notaire (114 000) | ||
MNH Hospitaliers (350 000) | ||
MFPS et HFP (1 160 000) | ||
LMG Poste et télécoms (650 000) | ||
Partage du SI |
Mise à disposition du partenaire des logiciels de l’assurance maladie, le partenaire exploite ces logiciels sur ses propres machines, il joue le rôle d’un CTI. Le partenaire utilise l’ensemble des outils de l’assurance maladie pour réaliser la gestion du régime obligatoire (Progrès, etc.). |
CNMSS Militaires – Soins médicaux gratuits (900 000) |
Source : CNAMTS.
4. Le cas particulier de la Mutuelle des étudiants (LMDE)
La Mutuelle des étudiants, placée en février 2015 sous sauvegarde judiciaire, a conclu un partenariat avec la CNAMTS (58) pour la gestion du régime obligatoire de ses assurés.
À compter du 1er octobre 2015, la LMDE a délégué à la CNAMTS les opérations suivantes :
– la gestion des relations avec ses assurés (accueil téléphonique, courriers) ;
– la gestion de leurs droits et dossiers (prise en compte du médecin traitant, déclaration d’une affection de longue durée) ;
– la gestion des prestations en nature (liquidation et paiement) ;
– la gestion de la relation avec les professionnels de santé et les établissements de santé.
La LMDE continuera à s’occuper de l’affiliation des étudiants lors des inscriptions universitaires et de mener des actions de prévention. À ce titre, elle continuera à recevoir une remise de gestion de 7 millions en 2016, ramenée à 5 millions en 2017 et à 4 millions en 2018.
De manière pratique, quatre CPAM (59) sont chargées de gérer les nouveaux assurés qui ont été intégrés dans le système d’information de la CNAMTS. Un numéro de téléphone dédié et une boîte postale unique ont été créés pour faciliter l’accueil. Les étudiants peuvent, de plus, accéder aux caisses de la CNAMTS.
La charge de travail supplémentaire a été évaluée à 395 équivalents temps plein (ETP). Lors de son audition (60), M. Romain Boix, président de la LMDE, a indiqué que 436 ETP avaient été transférés au sein de la CNAMTS.
Lors de son audition (61), M. Nicolas Revel, directeur général de la CNAMTS, s’est félicité de la réussite de cette transition informatique dans un calendrier court. Son système d’information a en effet dû intégrer les dossiers de 1,4 million d’étudiants.
L’économie globale de cette reprise, en comptant la remise de gestion toujours accordée à la LMDE pour ses opérations d’affiliation et le coût de la masse salariale des agents repris par la CNAMTS, est estimée entre 10 et 14 millions d’euros.
La Cour des comptes avait de son côté évalué en 2013 l’économie à 70 millions d’euros si la CNAMTS gérait elle-même le régime obligatoire de tous les étudiants.
1. La remise en cause du monopole de gestion
Le monopole de gestion dont bénéficient les mutuelles délégataires peut causer deux types de difficultés :
– d’une part, les mutuelles ne peuvent se décharger d’aucune activité liée à la gestion d’un régime obligatoire, quand bien même la réalisation de cette activité est coûteuse et peu efficiente ;
– d’autre part, en cas de défaillance d’un organisme gestionnaire, il n’existe aucun moyen pour le régime général d’assurer temporairement ou durablement la gestion des personnes rattachées à cet organisme, ce qui peut entraîner un défaut de service des prestations.
La Cour des comptes, lors de son audition (62), a pour sa part rappelé qu’elle était favorable à la gestion des étudiants et des fonctionnaires par l’assurance maladie, la principale question étant le devenir des agents travaillant dans ces mutuelles. Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale (63) pour 2013, elle recommandait expressément de reconsidérer le maintien de la gestion déléguée à des mutuelles de l’assurance maladie pour les agents publics et les étudiants.
Mme Virginie Cayré, inspectrice des affaires sociales, lors de son audition (64), a indiqué que l’économie induite par la reprise de la gestion du régime obligatoire des fonctionnaires par la CNAMTS avait été estimée à 142 millions d’euros par an.
L’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 (65) revient sur le monopole de gestion accordé aux mutuelles de fonctionnaires régies par l’article L. 712-6 du code de la sécurité sociale et aux mutuelles étudiantes sous le régime du L. 381-3 du même code.
La rédaction initiale du projet de loi pour l’article L. 160-17 du code de la sécurité sociale modifiait le périmètre de ces délégations de gestion. Le périmètre des activités déléguées et les modalités d’organisation et de mise en œuvre de ces délégations, notamment en termes de performances attendues du délégataire étaient renvoyés à un décret.
L’exposé des motifs du projet de loi précisait cependant que « s’agissant de la fonction publique, l’intention du Gouvernement est de préserver le cadre actuel qui délègue la gestion du régime obligatoire aux mutuelles de la fonction publique, tout en rendant possibles les conventions conclues ».
M. Nicolas Revel, directeur général de la CNAMTS, lors de son audition (66), a résumé ainsi cette évolution : « La rédaction proposée pour l’article 39 du PLFSS pour 2016 se contente, me semble-t-il, de fixer un cadre juridique permettant, demain, d’accompagner ce type de démarches sur mesure qui procèdent toujours d’un dialogue et d’une volonté partagée des uns et des autres de faire évoluer les modalités de gestion. »
Lors de l’examen de cet article en séance publique en première lecture à l’Assemblée nationale (67), la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, a déclaré : « L’objectif n’est pas de changer les règles mais de permettre une meilleure gestion et de clarifier les situations opaques ou les situations dans lesquelles il n’est plus possible de poursuivre, dans de bonnes conditions, la gestion de certains régimes de sécurité sociale. »
Par ailleurs, pour pallier l’absence d’outils à la disposition de l’assurance maladie en cas de défaillance d’un organisme gestionnaire auquel elle a délégué la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, le dernier alinéa de l’article L. 160-17 précité renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions dans lesquelles il peut être mis fin à un organisme défaillant.
Les mutuelles de fonctionnaires ont fait part de leur inquiétude et de leurs réserves sur ce projet. Elles ont déploré le manque de concertation.
Lors de son audition (68), M. Serge Brichet, président de la MFP, a pointé notamment le risque que toutes les mutuelles et non plus seulement les mutuelles de l’article L 712-6 du code de la sécurité sociale puissent gérer le régime obligatoire de l’assurance maladie des agents publics.
Plusieurs amendements adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale ont apporté des clarifications à ce dispositif.
À l’initiative du Gouvernement, il a été précisé que les mutuelles ne seront plus délégataires mais seront habilitées à gérer la prise en charge des frais de santé des assurés.
À l’initiative des rapporteurs du projet de loi, le principe des remises de gestion reçues en contrepartie des opérations de gestion a été maintenu et il a été prévu qu’il ne peut être mis fin aux délégations de gestion qu’en cas de défaillance rendant impossible la gestion des régimes obligatoires dans des conditions normales.
Lors de l’examen en première lecture au Sénat, un amendement présenté par M. Yves Daudigny et plusieurs de ses collègues a été adopté visant à préciser qu’en complément de leurs opérations de gestion pour la prise en charge des frais de santé, les mutuelles ou groupements de mutuelles régis par le code de la mutualité sont également habilités à réaliser des opérations « de gestion du risque et d’accès aux droits des assurés ». Cet amendement, a été sous-amendé par le Gouvernement, et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités d’organisation, de mise en œuvre et de financement de ces opérations de gestion, notamment dans le cadre de conventions, ainsi que les modalités d’évaluation de leurs résultats.
2. De nouvelles règles d’affiliation
L’article 39 du PLFSS pour 2016 (69) introduit également une réforme des conditions d’accès à l’assurance maladie afin de réaliser une véritable universalisation de la prise en charge des frais de santé.
Il prévoit que toute personne ne peut avoir droit à la prise en charge des frais de santé que si elle remplit l’une des deux conditions suivantes : l’exercice d’une activité professionnelle ou la résidence stable et régulière en France.
En conséquence, il est proposé que chaque assuré majeur dispose désormais d’une affiliation personnelle à la sécurité sociale, lui permettant de percevoir son propre décompte de remboursements : l’article 39 organise ainsi la disparition progressive de la notion d’ayant droit pour les personnes âgées de plus de 18 ans.
L’affiliation d’un étudiant à l’assurance maladie ne reposera donc plus sur son statut mais sur le simple fait qu’il réside en France. La mention de l’affiliation obligatoire des étudiants à l’assurance maladie sera supprimée ainsi que la possibilité pour un étudiant d’être assuré à un autre régime en tant qu’ayant droit. Ainsi, tout étudiant sera obligatoirement affilié à l’assurance maladie à titre propre dès la rentrée universitaire de l’année de ses 18 ans, voire même dès l’âge de 16 ans s’il intègre un établissement d’enseignement supérieur à partir de cet âge.
Ces nouvelles règles d’affiliation concerneront également les ayants droit sans activité professionnelle qui étaient gérés auparavant par les mutuelles délégataires et qui relèveront de l’assurance maladie.
Lors de leur audition (70), la MFP et la MGEN ont fait part de leur inquiétude. La MGEN a estimé que 150 000 personnes pourraient être concernées par cette migration.
C’est pourquoi elles seraient favorables au maintien de ces ayants droit dans l’organisme d’origine, sauf avis contraire de leur part.
*
* *
Il est d’usage qu’à l’issue de ses travaux, la MECSS formule des préconisations. L’adoption de l’article 39 (71) précité du PLFSS pour 2016 étant intervenu entre-temps, il n’a plus eu lieu pour la MECSS de proposer des recommandations. Le Rapporteur déplore à nouveau ce manque de concertation. La MECSS sera néanmoins attentive au contenu des décrets qui seront pris en application de cet article et procédera à une nouvelle audition sur ce sujet le moment venu.
La mission souhaiterait également que soit mis en place pour l’ensemble des mutuelles concernées une grille référentielle permettant de comparer leurs coûts de gestion (masse salariale, coût des systèmes d’information, patrimoine immobilier et valorisation de celui-ci…).
*
* *
La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a adopté le présent rapport lors de sa réunion du mardi 8 décembre 2015.
La Commission des affaires sociales examine le rapport d’information de M. Jean-Pierre Door en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles lors de sa première séance du mercredi 9 décembre 2015.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous allons examiner ce matin le rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles. La MECSS a inscrit ce sujet dans son programme de travail arrêté en octobre 2012, et elle s’est appuyée sur le rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2013, dont deux chapitres sont consacrés, d’une part, aux mutuelles des étudiants et, d’autre part, aux mutuelles de fonctionnaires. La MECSS s’est réunie sur ce thème entre juin et novembre. Entre-temps, l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 a traité en partie de la question et est devenu l’article 59 du texte adopté définitivement.
Je suis la première à déplorer que le Gouvernement ait avancé sur le sujet sans attendre les conclusions de la MECSS. Monsieur le rapporteur, j’exprime de vifs regrets du fait de ce calendrier au regard du travail fourni par les parlementaires dans cette enceinte.
Hier, la MECSS a adopté à l’unanimité le projet de rapport qui vient de vous être distribué. Ce document dresse un état des lieux, mais, contrairement à l’habitude, sans faire de préconisations pour la raison que je viens d’expliquer.
M. Denis Jacquat. Madame la présidente, je vous félicite de cette prise de position. Je pense la même chose que vous, comme certainement beaucoup de mes collègues dans cette salle. Cette situation est extrêmement désagréable au regard de notre travail.
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Madame la présidente, mes chers collègues, depuis 1947 et la loi Morice, les fonctionnaires de l’État, territoriaux et hospitaliers bénéficient d’un régime particulier pour leur régime obligatoire d’assurance maladie. En 1948, ce fut au tour des étudiants de disposer d’un régime autonome.
La gestion des prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité est déléguée à des mutuelles. Cette habilitation est obligatoire et exclusive s’agissant des mutuelles de fonctionnaires de l’État et des étudiants. En échange de cette gestion, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) leur verse des remises de gestion qui correspondent à leurs frais de gestion administrative.
Au total, ce sont 8 millions d’assurés qui sont concernés par cette gestion pour des remboursements qui s’élèvent à presque 8 milliards d’euros. Quant aux remises de gestion versées par la CNAMTS, leurs montants sont loin d’être négligeables : presque 268 millions d’euros pour les mutuelles de fonctionnaires et 90 millions d’euros pour les mutuelles étudiantes, soit un total de 358 millions d’euros.
Ces régimes spécifiques, créés après-guerre, présentent des dysfonctionnements : le coût de gestion des prestations servies par ces mutuelles est important et a été longtemps supérieur à ceux de la CNAMTS ; la qualité de leur service s’est dégradée pour certaines d’entre elles ; et s’agissant du régime propre aux étudiants, les règles sont inadaptées à leur parcours. Un autre défi attend les mutuelles : la généralisation des contrats de complémentaire santé, prévue par la loi du 14 juin 2013, qui risque d’entraîner une démutualisation de leurs assurés.
C’est pourquoi la Cour des comptes, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) se sont alarmées de cette situation. Leurs travaux concluaient à la nécessité de faire évoluer ces régimes et de les rationaliser. C’est dans ce contexte que la MECSS a choisi de traiter cette question.
En premier lieu, les mutuelles affichent des coûts de gestion conséquents. En 2011, le rapport de l’IGAS et de l’IGF sur les coûts de gestion de l’assurance maladie soulignait que les mutuelles de la fonction publique de l’État présentaient des coûts supérieurs à ceux de la CNAMTS. À titre d’exemple, le coût de gestion par bénéficiaire était de 51,10 euros pour la MGEN, de 63,79 euros pour la MFP, alors qu’il était de 43,67 euros pour la CNAMTS.
Même si les comparaisons avec la CNAMTS sont difficiles en raison de périmètres différents, la productivité de ces mutuelles a longtemps été moindre. En 2011, la Cour des comptes estimait qu’un agent de la CNAMTS gérait 2 254 bénéficiaires, tandis qu’un agent de la MGEN en traitait 1 269. Le taux de dématérialisation, même s’il progresse, est inférieur à celui de la CNAMTS, qui s’élève à 91 %.
La part des dépenses liées à des investissements informatiques pèse. S’agissant de la MGEN, sur les 51,10 euros de coût de gestion, la part correspondant au système d’information est de 11 euros.
Par ailleurs, jusqu’à ces dernières années, peu de mutuelles avaient fait le choix de la mutualisation de leurs systèmes d’information.
En deuxième lieu, la qualité du service s’est dégradée.
Le régime étudiant concentre toutes les critiques et particulièrement La mutuelle des étudiants, la LMDE. Le Défenseur des droits s’est ému de cette situation et, après avoir lancé un appel à témoignages, il a dénoncé devant la mission un risque de rupture de l’accès aux droits sociaux pour les étudiants.
En effet, l’affiliation des étudiants est tardive, pouvant atteindre presque une année, ce qui entraîne des difficultés pour délivrer une carte Vitale. Les étudiants doivent alors faire l’avance de leurs dépenses de santé. S’agissant de la gestion des prestations, le délai de remboursement est très long, pouvant aller jusqu’à un an. Quant à l’accueil, il est désastreux. S’agissant de la LMDE, en 2013, un appel téléphonique sur quatorze avait une chance de recevoir une réponse, et le stock de courriers non traités était impressionnant – 300 000 lettres étaient en souffrance en mars de la même année.
Confrontées à ces difficultés, les mutuelles ont commencé à évoluer.
Tout d’abord, un mouvement de concentration a commencé à s’opérer. Les mutuelles importantes restructurent leur réseau. Entre 2005 et 2015, deux mutuelles de fonctionnaires de l’État ont fusionné, trois mutuelles de fonctionnaires territoriaux ont fermé et leurs assurés ont été intégrés au régime général.
La LMDE, en grande difficulté financière, a confié à la CNAMTS la gestion des droits et des prestations en nature de ses assurés, conservant l’affiliation des étudiants et sa mission de prévention.
Ensuite, dans un contexte budgétaire contraint, ces mutuelles sont appelées à participer aux efforts de redressement des comptes de la Sécurité sociale. La CNAMTS a ajusté leurs remises de gestion. Pour les mutuelles de fonctionnaires, les remises de gestion diminueront de 15 %. Les remises de gestion unitaire passeront ainsi de 44 euros en 2014 à 37 euros en 2017. Il en est de même pour les mutuelles étudiantes, dont les remises de gestion unitaires passeront de 50 euros en 2014 à 46 euros en 2017.
Cependant, il est primordial que les mutuelles améliorent encore leurs coûts de gestion.
C’est pourquoi, dans cette logique de rationalisation, la CNAMTS propose de nouer des partenariats avec ces mutuelles, qui vont de l’intégration complète à l’utilisation de son système d’information.
De petites mutuelles ont fermé et les assurés ont été repris par le régime général. D’autres ont fait le choix d’une gestion partagée : les mutuelles conservent alors l’affiliation et l’accueil, tandis que la liquidation des prestations est assurée par la CNAMTS, via des caisses primaires.
Enfin, les mutuelles peuvent utiliser Infogérance, le système d’information de la CNAMTS. La mutuelle sous Infogérance bénéficie alors du système d’information de la CNAMTS, seule l’interface étant adaptée à ladite mutuelle. Comme le relève la Cour des comptes, ce système reste néanmoins onéreux pour la CNAMTS, puisqu’il n’est facturé qu’au coût marginal, soit 2,10 euros, alors que les mutuelles continuent à bénéficier de remises de gestion.
Alors que la MECSS menait ses travaux, le Gouvernement a proposé un nouveau cadre juridique pour ces mutuelles dans le cadre du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour 2016.
L’article 39, dans sa version initiale, modifiait le périmètre des délégations de gestion des mutuelles et supprimait les remises de gestion. Pris sans concertation, ce dispositif risquait de nuire au monde mutualiste. Le Gouvernement a donc clarifié la rédaction de cet article en précisant que les mutuelles seraient habilitées à gérer la prise en charge des frais de santé des assurés. Plusieurs amendements parlementaires ont permis de réaffirmer le principe de versement de remises de gestion en échange de ces prestations.
À la suite de l’adoption de cet article, il n’y a plus eu lieu pour la MECSS de formuler des recommandations. Je déplore ce manque de concertation. La MECSS sera néanmoins attentive au contenu des décrets qui seront pris en application de l’article précité, devenu article 59, et procédera à une nouvelle audition sur ce sujet le moment venu.
La mission souhaite également que soit mise en place, pour l’ensemble des mutuelles gérant le régime d’assurance maladie obligatoire, une grille référentielle, qui permettra de comparer leurs coûts de gestion grâce à plusieurs indicateurs : masse salariale, coût des systèmes d’information, patrimoine immobilier et valorisation de ce dernier, etc.
Mme la présidente. Je tiens à préciser que l’article 39 ne porte pas uniquement sur les mutuelles. Il concerne également la protection universelle maladie (PUMA), qui permettra aux assurés du régime général de signaler « en un clic » leur changement de situation sur le site internet Ameli de l’assurance maladie.
Mme Gisèle Biémouret, coprésidente de la MECSS. Je tiens à remercier notre collègue Jean-Pierre Door pour son rapport d’information.
Ce rapport sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles est très intéressant à plusieurs égards. Il corrobore les critiques émises par le rapport de la Cour des comptes, relatif à la gestion par des mutuelles de l’assurance maladie des agents publics et des étudiants, sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2013. Parmi les dysfonctionnements décrits par ce rapport, on retrouve un mode de gestion complexe, voire peu encadré pour le régime de sécurité sociale des étudiants, des frais de gestion évitables, une qualité de service très hétérogène avec l’objectif affiché de satisfaction des affiliés fixé à un taux très bas, à 70 %, un système de prise en charge ne permettant pas le développement d’actions de prévention du fait de l’absence de relations directes avec les professionnels médicaux.
Les évolutions récentes de la démographie des structures mutualistes et les conséquences de l’accord national interprofessionnel de 2013 doivent nous amener à penser aux modifications à apporter aux régimes d’assurance maladie gérés par des mutuelles délégataires. La démographie de ces régimes connaît des évolutions contrastées : elle est croissante chez les étudiants du fait de l’augmentation de leur nombre ; elle est décroissante chez les agents publics en raison de la baisse des recrutements et des modifications de leur statut. Parallèlement, le nombre de mutuelles des trois fonctions publiques et des étudiants a tendance à diminuer du fait des regroupements.
Dans le même temps, la rédaction initiale de l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, tirant les conséquences de la création de la protection maladie universelle, revenait sur le monopole de gestion accordé aux mutuelles de fonctionnaires et aux mutuelles étudiantes. Cet article devait permettre une simplification du régime obligatoire, ainsi que des économies induites par la reprise de la gestion du régime obligatoire des fonctionnaires par la CNAMTS, estimées à 142 millions d’euros par an. Nous devons néanmoins, comme le précise le rapporteur et comme l’ont affirmé les personnes auditionnées, être vigilants sur la situation du personnel qui gère ces mutuelles.
M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS. À mon tour, je tiens à saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur.
Sur la forme, la MECSS a été unanime à regretter le manque de concertation entre le Gouvernement et le Parlement, ce qui témoigne d’un manque de respect à l’égard de la représentation nationale. Je vous remercie, madame la présidente, de vous être associée à ce constat.
Sur le fond, tous les rapports – de l’IGF, de l’IGAS et de la Cour des comptes – sont unanimes sur un double constat.
Le premier est l’existence de coûts de gestion de ces mutuelles totalement excessifs – en moyenne trois fois supérieurs à ceux de l’assurance maladie – et d’une qualité de service extrêmement dégradée, au détriment des assurés étudiants, mais aussi des affiliés de certaines mutuelles de fonctionnaires de l’État, territoriaux ou hospitaliers.
La reprise de gestion par l’assurance maladie de ces régimes laissait espérer une économie de 70 millions d’euros pour le secteur étudiant, or cette économie ne dépasserait pas les 10 à 15 millions d’euros, et de 142 millions d’euros pour la fonction publique. M. Jean-Pierre Door a fort justement rappelé la nécessité d’une clause de revoyure, afin de mettre en place une grille référentielle commune à toutes ces mutuelles permettant de connaître et de comparer la réalité de leurs coûts de gestion, dont l’opacité est certaine.
J’ajoute que la globalisation de l’ensemble des coûts de gestion du secteur mutualiste permettrait de dégager des marges de manœuvre qui pourraient être utilement mises au service de nos concitoyens afin de leur assurer une meilleure prise en charge assurantielle, notamment dans l’optique, les soins dentaires et la dépendance. Cela irait donc dans le sens de ce que souhaitent le Gouvernement et l’ensemble des représentants, à savoir un meilleur accès aux soins pour tous.
Enfin, deuxième constat, les dispositions de l’article 39 du PLFSS 2016 doivent faire l’objet de décrets d’application, dont l’écriture est encore dans les limbes. Il est donc nécessaire que la représentation nationale soit informée suffisamment en amont, afin que l’esprit du législateur soit respecté dans ces décrets.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ce rapport, qui a le mérite de rappeler certains chiffres et ainsi d’éviter aux uns et aux autres de dire des contrevérités. J’y ai découvert, par exemple, que la limite d’âge des enfants des assurés du régime social des indépendants (RSI) pour bénéficier du régime étudiant est repoussée, comme pour les régimes spéciaux, ce qui leur permet donc d’être affiliés au régime étudiant plus longtemps que les enfants de la plupart des autres assurés.
Il serait intéressant de connaître le nombre d’étudiants qui ne déclarent pas de médecin traitant. Un médecin de Nanterre m’a en effet indiqué que ses patients étudiants ne déclarent pas de médecin traitant, si bien qu’ils sont beaucoup moins remboursés, et que les mutuelles étudiantes ne font pas suffisamment de rappels sur l’intérêt de déclarer son médecin traitant.
La parole est aux représentants des groupes.
M. Denys Robiliard. Je me joins aux félicitations adressées à M. Jean-Pierre Door, dont le rapport est très instructif – je ne connaissais pas non plus la particularité dont bénéficient les enfants d’affiliés au RSI.
Sur le manque de concertation, reconnaissez tout de même que le Gouvernement a attendu avant d’intervenir. En effet, le programme de travail de la MECSS a été arrêté en octobre 2012 et, trois ans plus tard, le Gouvernement a souhaité solidifier les bases lui permettant d’intervenir en cas de défaillance de la gestion d’un régime obligatoire confié à une mutuelle. Même si des solutions juridiques ont pu être trouvées pour la LMDE, qui était sous sauvegarde de justice, il était important de modifier la loi afin de sécuriser les mutuelles, en prévoyant une reprise de gestion uniquement en cas de défaillance avérée.
Monsieur le rapporteur, vous avez parlé d’opacité des coûts de gestion. Je crois plutôt que les choses ne sont pas très claires parce que les périmètres ne sont pas identiques, ce qui rend difficile les comparaisons sur les coûts de gestion entre la CNAMTS et les différentes mutuelles que vous avez citées. Pour construire leurs systèmes d’information, les mutuelles qui gèrent un régime obligatoire doivent par exemple tenir compte du fait qu’elles vont également gérer le régime complémentaire.
Votre rapport indique que 170 000 étudiants, c’est-à-dire 10 % d’entre eux, ne seraient pas affiliés à la sécurité sociale étudiante. La Cour des comptes indiquait, quant à elle, un volume de 40 000 étudiants pour l’année 2011, ce qui est déjà très important.
Vous citez des chiffres pour illustrer la qualité de service des mutuelles. Si celle-ci est très dégradée pour la LMDE, celle de la MGEN semble tout à fait satisfaisante par comparaison avec celle de la CNAMTS.
Malgré toutes les difficultés que vous énumérez, les tableaux figurant dans votre rapport pages 25 à 28 montrent une baisse constante des remises de gestion. Il est ainsi démontré que la gestion par des mutuelles du régime obligatoire de sécurité sociale s’inscrit dans l’effort global de réduction des dépenses de l’assurance maladie.
Enfin, le bouleversement du contexte résulte en partie de décisions que nous prenons. La protection universelle maladie, en modifiant considérablement le système d’affiliation, va impacter les mutuelles. L’Accord national interprofessionnel de janvier 2013, repris dans la loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013, peut avoir des conséquences lourdes sur les mutuelles. La concentration de l’ensemble du secteur mutualiste qui gère des régimes obligatoires, puisque les mutuelles de la fonction publique d’État passent de neuf à sept opérateurs, celles de la fonction publique territoriale de huit à cinq organismes, et celles de la fonction publique hospitalière de trois à deux opérateurs, ne sera pas non plus sans conséquence. Face à un système en pleine réorganisation, la clause de revoyure souhaitée par le rapporteur est parfaitement justifiée aux yeux du groupe Socialiste, républicain et citoyen.
M. Dominique Dord. Alors que le constat général est partagé par tous
– une gestion coûteuse et un service dégradé de certaines mutuelles –, je suis très déçu de constater qu’aucune recommandation n’est formulée dans ce rapport. Pourquoi ne pas proposer la solution radicale consistant à fusionner ces mutuelles avec le régime général ? Pourquoi continuer à argumenter pour défendre un système moribond ? Dans ces conditions, comment s’étonner que le Front national vienne sur nos plates-bandes pour critiquer un vieux système qui protège tout le monde ? Je tenais à vous faire part de ma déception au nom du groupe Les Républicains.
Mme la présidente. Monsieur Dominique Dord, le problème de la LMDE existe depuis des années, mais votre majorité n’a rien fait pendant les dix ans où elle a été au pouvoir. Si un Gouvernement a pris le problème en main, c’est bien le Gouvernement actuel !
Quant à la fusion des régimes, les régimes spéciaux sont restés en l’état à la demande des bénéficiaires, y compris ceux du RSI. Sachez que les affiliés au RSI cotisent moins que ceux du régime général. Le jour où tout le monde sera intégré au régime général, certains vont « tomber de leur chaise » en se retrouvant avec un taux de cotisations sensiblement plus élevé !
Mme Dominique Orliac. À mon tour, monsieur le rapporteur, je vous félicite pour votre rapport qui traite de la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles.
Je partage votre avis, notamment en ce qui concerne le fonctionnement des mutuelles étudiantes.
En dehors du fait que les organismes chargés de l’assurance maladie des étudiants laissent penser à ces derniers que l’affiliation à leur complémentaire santé est obligatoire, la qualité du service offert est dans, certaines situations, fort discutable. Non seulement les étudiants sont confrontés à des retards pour leur affiliation, mais les remboursements sont extrêmement longs, avec des délais qui peuvent aller jusqu’à un an. À l’heure où l’on parle d’un accès facilité aux soins avec la loi de santé, ce constat est très alarmant.
Votre rapport pointe également les retards pour l’obtention d’une carte Vitale par les étudiants. Heureusement, grâce au PLFSS 2016 que nous venons de voter, l’assurance maladie délivrera à l’avenir à l’assuré une carte Vitale à vie et celle-ci devra être proposée dès l’âge de douze ans, ce qui constitue de grandes avancées.
Avec le nouvel article 59 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, l’affiliation d’un étudiant à l’assurance maladie ne reposera plus sur son statut, mais sur le simple fait qu’il réside en France. Il faudra donc que nous soyons attentifs à la mise en application de cette disposition, notamment en ce qui concerne les étudiants étrangers. La France constitue un pôle de recherche et d’étude très prisé par un grand nombre d’étudiants venant d’États non-membres de l’Union européenne ou détenteurs d’une carte européenne d’assurance maladie. Ils viennent dans notre pays suivre ou poursuivre leurs études en vue d’obtenir un diplôme et, pour certains d’entre eux, leur résidence risque de ne pas être considérée comme stable et régulière. Il conviendra d’être vigilant quant à la définition qui sera donnée par décret en Conseil d’État.
Vous notez que des efforts de rationalisation des dépenses de sécurité sociale doivent être entrepris par l’ensemble des acteurs concernés. La rationalisation des coûts de gestion doit ainsi se poursuivre par la diminution des remises de gestion, tout en garantissant la qualité des prestations rendues. La mise en place de nouveaux partenariats avec la CNAMTS, qui consistent à offrir une intégration complète au sein du régime général ou le simple partage du système d’information de la CNAMTS dénommé Infogérance, s’inscrit dans cet effort. Vous mentionnez dans le rapport que le système d’Infogérance est utilisé par huit mutuelles, dont la MFP et Harmonie Fonction publique depuis le mois d’avril. D’autres mutuelles ont-elles prévu d’utiliser ce système partagé dans un avenir proche ?
S’agissant encore de l’article 59 précité, je salue l’avancée réalisée en cas de défaillance d’une de ces mutuelles. Avant l’adoption de cette disposition, du fait du monopole de gestion, aucun moyen n’était prévu pour que le régime général se substitue à l’organisme défaillant, ce qui induisait un risque de défaut de service pour nombre d’affiliés. Cet article permet de mettre fin aux missions d’un organisme défaillant sous certaines conditions qui seront définies par un décret en Conseil d’État.
En conclusion, étant donné que des décrets d’application sont une fois de plus prévus, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste estime qu’il nous faudra être extrêmement vigilants sur le contenu de ces décrets, comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur.
M. Arnaud Richard. Je salue la qualité de votre travail, monsieur le rapporteur. Malheureusement, ce rapport est un peu particulier puisque, contrairement à l’usage de la MECSS, il ne formule aucune préconisation.
En effet, l’article 39 du PLFSS 2016, que l’Assemblée a adopté le 30 novembre dernier, prévoit la mise en œuvre d’un cadre juridique nouveau pour le régime obligatoire de l’assurance maladie des fonctionnaires et des étudiants, et formalise les nombreux partenariats qui existaient déjà entre ces mutuelles et la CNAMTS. L’adoption de cet article a coupé l’herbe sous le pied aux travaux de la MECSS sur les délégations de gestion. On peut déplorer cette absence de coordination entre le Parlement et le Gouvernement.
Votre rapport fait état de nombreuses difficultés, tant techniques que financières, que connaissent certaines mutuelles délégataires. Ce constat rejoint celui d’autres rapports, de la Cour des comptes, de l’IGAS et du Défenseur des droits, sur la gestion des mutuelles étudiantes.
Attachés que nous sommes à la saine gestion de l’argent public, nous ne pouvons que déplorer les coûts de gestion importants de certaines mutuelles. Nous pourrions nous réjouir que le Gouvernement ait pris acte de ces difficultés, mais, encore une fois, comment ne pas regretter le manque de concertation et la non prise en compte des travaux du Parlement, de la MECSS en particulier, comme vous l’avez souligné, madame la présidente ? Les travaux en commission puis en séance publique n’ont fait que souligner le flou qui se dégage du dispositif prévu, sans compter que l’étude d’impact, censée éclairer le législateur, était pour le moins réduite.
En dissociant la protection sociale de toute cotisation, l’article 39 du PLFSS pour 2016 a changé la nature même du régime de sécurité sociale. On peut légitimement se demander si le Parlement mesure bien la portée de cette disposition. Sur le principe d’une protection universelle maladie, le groupe Union des démocrates et indépendants est toujours à l’écoute des propositions du Gouvernement, mais nous restons sur notre position, nous étonnant que cette mesure se trouve dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors qu’elle aurait mérité un débat de fond permettant de travailler sur l’évolution de la sécurité sociale.
Monsieur le rapporteur, nous serons très attentifs aux décrets d’application de l’article 39. Malgré l’absence de préconisations, votre rapport évoque un certain nombre de moyens pour rationaliser les coûts de gestion, je pense notamment au partage des dépenses liées aux systèmes d’information. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce point ? Quelles auraient pu être vos préconisations pour rationaliser la gestion de l’assurance maladie obligatoire par ces mutuelles ?
Mme la présidente. Nous passons aux questions des commissaires.
M. Bernard Perrut. L’histoire a voulu que la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie pour les fonctionnaires et les étudiants soit déléguée à des mutuelles. Or ce régime est aujourd’hui confronté à de graves difficultés, avec toutefois des nuances selon les mutuelles.
Le rapport souligne des coûts de gestion importants, une productivité des mutuelles inférieure à celle des caisses primaires, un processus de dématérialisation retardé, des dépenses liées à des investissements informatiques conséquents, une qualité de service discutable. Bref, le bilan est lourd.
Concernant plus spécialement les mutuelles étudiantes, ce rapport évoque un service souvent dégradé et reprend l’expression de la Cour des comptes d’un « système à bout de souffle ». Les difficultés sont importantes, avec une hétérogénéité des modalités d’affiliation des étudiants, selon l’âge, la profession des parents, le statut d’ayant droit autonome ou d’ayant droit salarié.
Le Défenseur des droits a publié un rapport au titre évocateur : « Accès des étudiants aux soins : leur protection sociale est-elle à la hauteur des enjeux ? » La réponse à cette question est bien évidemment : non. Les étudiants ont été amenés à donner leur point de vue, dont certains déclarent même : « Je n’ai pas intérêt à tomber malade cette année ». Comment peut-on accepter une telle situation ?
L’objectif, que nous pouvons tous partager, est de permettre une meilleure gestion et de clarifier les situations dans lesquelles il n’est plus possible de poursuivre dans de bonnes conditions la gestion de certains régimes de sécurité sociale. Monsieur le rapporteur, vous suggérez la mise en place d’une grille référentielle permettant de comparer les coûts de gestion de ces mutuelles. Serait-il possible d’aller plus loin, en prévoyant que cette grille intègre tous les points positifs et négatifs ?
M. Gérard Bapt. Les périmètres de comparaison des coûts de gestion sont-ils identiques ? Par exemple, les coûts de recouvrement des cotisations maladie par l’ACOSS sont-ils pris en compte ?
Monsieur le rapporteur, la page 14 de votre rapport indique que les coûts de gestion des mutuelles de la fonction publique de l’État sont supérieurs à ceux de la CNAMTS, et que le coût de gestion par bénéficiaire était de 51,10 euros pour la MGEN et de 63,79 pour la MFP. Par contre, les chiffres sont différents à la page 25.
M. Dominique Tian. Hier, devant les artisans, M. Emmanuel Macron a déclaré que le RSI était une catastrophe.
J’apprécie beaucoup le travail de Jean-Pierre Door et surtout sa conclusion, qui résume excellemment la situation, en indiquant que la MECSS « souhaiterait également que soit mise en place pour l’ensemble des mutuelles une grille référentielle permettant de comparer leurs coûts de gestion – masse salariale, coût des systèmes d’information, patrimoine immobilier et valorisation de celui-ci… »
En comparant les coûts de gestion des mutuelles, de 18 % à 20 %, à ceux de la sécurité sociale, de 4,5 %, qualifiée de modèle de bonne gestion, on s’aperçoit du chemin qui reste à parcourir. Sans doute aurait-il fallu y penser avant de promulguer la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi qui rend obligatoire les mutuelles d’entreprise pour tous les salariés, ce qui entraînera un surcoût important pour les entreprises de notre pays.
Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur, merci de ce travail.
M. Dominique Dord a posé une bonne question. Quand les systèmes sont à bout de souffle, il faut réformer, voire partir d’une page blanche. L’article 39 du PLFSS pour 2016 ne va pas tout résoudre, il donne un nouveau cadre législatif.
Je déplore que le Gouvernement vous ait freiné dans votre travail, en n’attendant pas la remise de votre rapport. Je ne fais pas totalement confiance au ministère pour rédiger des décrets. J’imagine que vous aviez commencé à rédiger des préconisations, sur la base des propositions de toutes les personnes que vous avez auditionnées.
Un rapport inachevé, des préconisations qui auraient été très utiles, un ministère qui continue à avancer, un système à bout de souffle. Que va-t-il se passer maintenant ? Si nous voulons faire un travail utile et efficace et ne pas désespérer nos concitoyens, il faut faire en sorte que les choses changent vraiment !
M. Arnaud Viala. Pour avoir été responsable d’un centre universitaire pendant dix ans, j’ai vu des étudiants dans la détresse à cause des délais de remboursement trop longs, alors qu’ils étaient dans l’impossibilité de faire l’avance de leurs frais de santé. Lorsque des jeunes rencontrent autant de difficultés pour se soigner, c’est toute leur vie ultérieure qui risque d’être impactée. Il faut donc prendre en compte les conclusions de ce rapport et ne pas s’arrêter à des blocages administratifs ou juridiques.
Mme la présidente. Monsieur Arnaud Viala, j’en conclus que vous approuvez le tiers payant généralisé, au moins pour les étudiants, qui pourront ainsi ne plus faire l’avance de leurs frais de santé, quel que soit le professionnel de santé. Régler le problème de l’adossement des mutuelles au régime obligatoire facilitera le remboursement des professionnels de santé, pris au sens large
– laboratoires, radiologues, pharmaciens, médecins. Quand on monte un édifice, il faut prévoir une base solide.
Chers collègues de l’opposition, j’ai entendu vos critiques. Lorsque vous étiez dans la majorité, vous n’avez rien fait, alors que nous, dans l’opposition, nous vous avions alertés dans le cadre du PLFSS pour 2012 sur le régime étudiant, ce à quoi vous nous aviez répondu : « Qu’est-ce que vous allez faire si vous gagnez les élections ? » Vous reconnaissiez donc votre inaction !
Bouleverser le paysage des mutuelles et des régimes obligatoires n’est pas simple. Certes, le calendrier actuel n’est pas forcément respectueux du travail parlementaire, mais tout est rattrapable, d’autant que M. Jean-Pierre Door s’est engagé à être très vigilant sur les décrets d’application de l’article 39. Par conséquent, je n’accepte pas d’entendre que la majorité actuelle ne fait rien !
M. Rémi Delatte. Madame la présidente, je trouve dommage cette posture politique, alors que le climat était apaisé jusqu’à maintenant. Ce rapport d’information touche à la santé et donc à l’humain. Je rappelle qu’un étudiant diabétique est décédé il y a quelques mois car il n’avait pas de carte Vitale et n’a donc pas pu bénéficier de son traitement.
Mme la présidente. Monsieur Remi Delatte, pour avoir passé vingt-cinq ans sur le terrain dans le secteur de la santé et rencontré des populations très défavorisées, je ne pense pas que l’on puisse me taxer d’inhumanité. J’ai rappelé que des personnes en responsabilité prennent des décisions compliquées dans un système figé depuis 1945 – je regrette que la proposition du Conseil national de la résistance (CNR) en 1944 d’un seul régime n’ait pas été suivie d’effet.
M. Arnaud Viala. À chaque fois que l’opposition défend ses idées, la majorité lui répond : « Qu’avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ? » C’est insupportable ! Le débat politique ne peut pas avancer si la majorité reste campée sur sa position en pensant qu’elle est la seule à vouloir faire quelque chose !
Ce matin dans l’émission de M. Jean-Jacques Bourdin, le Premier ministre a déclaré que le RSI doit être réformé. Alors pourquoi avoir voté, la semaine dernière dans l’hémicycle, la motion de rejet préalable sur la proposition de loi de M. Julien Aubert et M. Bruno Le Maire portant réforme du régime social des indépendants, ce qui a eu pour conséquence le rejet de ce texte ?
M. Arnaud Robinet. Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, que nos concitoyens se tournent vers d’autres partis politiques !
Madame la présidente, nous connaissons votre côté humain – M. Rémi Delatte n’a pas voulu dire le contraire.
L’accès aux soins des étudiants est un vrai problème. Les mutuelles ne remplissent plus leur rôle, car elles mobilisent trop de moyens dans l’investissement immobilier, en s’associant soit avec des bailleurs sociaux, soit avec des promoteurs privés, pour la construction de logements étudiants avec des avantages fiscaux très attractifs. Il convient donc de demander à ces mutuelles de se recentrer sur leur mission première, l’accompagnement des étudiants pour les soins.
M. le rapporteur. Ce rapport a pointé des coûts de gestion excessifs et une qualité de service discutable. Depuis des années, le service de certaines mutuelles est remis en cause, en particulier en ce qui concerne la délivrance de la carte Vitale et les réponses apportées aux étudiants. Le Défenseur des droits parle d’une rupture dans l’accès aux soins, 19 % des étudiants – soit un sur cinq – ayant rencontré des difficultés simplement pour déclarer un médecin traitant.
Des différences majeures existent toutefois entre la LMDE et emeVia. Pour la première, plus de 57 % des étudiants ont rencontré des difficultés, certains attendent jusqu’à un an pour obtenir une réponse, d’autres n’en obtiennent jamais. Pour la seconde, le taux de réponse aux appels téléphoniques est de 92 % et les remboursements sont assurés à 88 % dans les 48 heures.
Monsieur Gérard Bapt, la page 14 de mon rapport traite des coûts de gestion, alors que la page 25 comporte des tableaux sur les remises de gestion. Les remises de gestion, versées par la CNAMTS aux mutuelles, correspondent aux frais de gestion administrative liés au service assuré par ces dernières, ce sont donc deux choses bien distinctes.
Monsieur Denys Robiliard, il y a effectivement des points positifs. Année après année, les remises de gestion baissent, grâce à une prise de conscience partagée entre les organismes mutualistes et la CNAMTS. Une grille référentielle prenant en compte tous les aspects de ces coûts permettrait de faire les comparaisons que nous appelons de nos vœux.
Certes, l’herbe nous a été coupée sous le pied. La MECSS a même été à deux doigts de cesser son travail ! Mais unanimement, nous avons décidé de poursuivre, d’autant que nous avons mené un nombre significatif d’auditions. Ce rapport ne formule pas de préconisations, mais nous serons attentifs aux décrets d’application de l’article 39 du PLFSS pour 2016.
Monsieur Arnaud Robinet, la grille d’évaluation des coûts de gestion devra tenir compte des investissements immobiliers des mutuelles. Ces dernières devront nous indiquer la valorisation de leur patrimoine immobilier. Elles devront également nous indiquer leur masse salariale.
Par contre, il faudra également savoir ce que deviendront les personnels des mutuelles qui seront reprises par la CNAMTS. Pour l’instant, nous ne le savons pas.
Monsieur Arnaud Richard, chaque mutuelle a son propre système d’information – Infogérance pour la CNAMTS, MGEN Technologies pour la MGEN, celui de Cegedim assurances pour d’autres, etc. La question se pose donc d’une mutualisation accrue des services d’information, ce qui permettrait de réduire encore plus les coûts de gestion.
Monsieur Dominique Dord, si l’on évolue vers l’assurance maladie universelle, quid du système mutualiste ?
Mme la présidente. Merci, monsieur le rapporteur. Nous avons noté que vous ne manquerez pas de nous alerter sur les décrets d’application s’ils s’avèrent ne pas être conformes aux conclusions de la MECSS, dont je remercie les deux coprésidents, M. Pierre Morange et Mme Gisèle Biémouret, pour leur travail de qualité.
Merci, mes chers collègues, de vous être exprimés sur ce sujet important pour tous nos concitoyens.
*
* *
La Commission des affaires sociales décide à l’unanimité, en application de l’article 145 du Règlement, d’autoriser la publication du rapport d’information sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles.
ANNEXE 1 :
COMPOSITION DE LA MISSION
Coprésidents
Mme Gisèle Biémouret (Socialiste, républicain et citoyen)
M. Pierre Morange (Les Républicains)
Membres
Socialiste, républicain et citoyen
Mme Martine Carrillon-Couvreur
Mme Joëlle Huillier
Mme Bernadette Laclais
Les Républicains
M. Jean-Pierre Door
Mme Isabelle Le Callennec
Mme Bérengère Poletti
M. Dominique Tian
Union des démocrates et indépendants
M. Hervé Morin
M. Francis Vercamer
Écologiste
M. Jean-Louis Roumegas
Radical, républicain, démocrate et progressiste
Mme Dominique Orliac
Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Philippe Nilor
ANNEXE 2 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Pages
– M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Pascal Samaran, conseiller maître, et Mme Delphine Champetier de Ribes, conseillère référendaire 55
– M. François Auvigne, inspecteur général des finances, Mme Virginie Cayré, inspectrice des affaires sociales, et M. Xavier Chastel, conseiller général des établissements de santé, coauteurs du rapport IGF-IGAS : « Les coûts de gestion de l’assurance maladie » 64
– M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Virginie Cayré, adjointe au sous-directeur de la gestion et des systèmes d’information, et Mme Agathe Denéchère, sous-directrice des retraites et des institutions de la protection complémentaire 72
– M. Jacques Toubon, Défenseur des droits (*), Mme Christine Jouhannaud, directrice du département Protection sociale, travail et emploi, M. Adrien Cagniard, chargé de mission au pôle Protection sociale et solidarité, et Mme France de Saint Martin, chargée des relations avec les élus 83
– M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Clélia Pienne, conseillère auprès du directeur général, Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique, et M. Éric Le Boulaire, directeur de la direction déléguée aux opérations ; M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) (*), et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires ; M. Gérard Quevillon, président du Régime social des indépendants (RSI), M. Stéphane Seiller, directeur général, et M. Olivier Maillebuau, attaché de direction en charge des relations parlementaires 92
– M. Serge Brichet, président de la Mutualité fonction publique (MFP), et Mme Laurence Tribillac, directrice déléguée à la coordination institutionnelle et aux relations extérieures ; M. Thierry Beaudet, président de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN), et M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques 101
– M. Benjamin Chkroun, délégué général d’emeVia (*), et M. Pierre-Édouard Magnan, trésorier ; M. Romain Boix, président de La mutuelle des étudiants (LMDE) 110
– M. Philippe Rouet, responsable de la mission accompagnement des régimes partenaires d’assurance maladie obligatoire au sein de la direction déléguée aux opérations (DDO) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Système d’information et Infogérance, Mme Cécile Alomar, directrice des maîtrises d’ouvrage métier, et Mme Catherine Gary, consultante projet ; M. Philippe Simon, président de Cegedim Assurances ; M. Christian Chaboud, directeur général de MGEN Technologies, et M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques 118
(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ANNEXE 3 :
COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
Audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Pascal Samaran, conseiller maître, et Mme Delphine Champetier de Ribes, conseillère référendaire
M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS aborde une nouvelle thématique : la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie par certaines mutuelles, laquelle fait l’objet des chapitres XVII et XVIII du rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2013. Nous avons le plaisir d’accueillir à nouveau M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, accompagné de M. Pascal Samaran, conseiller maître, et Mme Delphine Champetier de Ribes, conseillère référendaire.
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Comme l’indique votre rapport de 2013, monsieur le président, les coûts de gestion de l’assurance maladie obligatoire par les mutuelles étudiantes sont très supérieurs à ceux qui seraient supportés dans le cas d’une gestion directe par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Quelles économies potentielles apporterait une réforme de ce système ? En cas de maintien de celui-ci, quelles évolutions seraient alors nécessaires ? Pouvez-vous nous indiquer les raisons qui sous-tendent vos recommandations ?
M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. M. Pascal Samaran, conseiller maître, a été rapporteur de l’enquête sur les mutuelles étudiantes, et Mme Delphine Champetier de Ribes, conseillère référendaire, rapporteure de l’enquête sur les mutuelles de fonctionnaires, toutes deux publiées en 2013. M. Pascal Samaran a par ailleurs réalisé une enquête sur le dispositif de référencement lié à la protection sociale complémentaire au bénéfice des agents de l’État, laquelle a donné lieu en 2012 à l’envoi d’un référé du Premier Président de la Cour aux autorités ministérielles concernées.
S’agissant des mutuelles étudiantes, notre constat est sans appel : le système est à bout de souffle.
Il l’est, en premier lieu, au regard du service rendu. Si nous avons pointé les difficultés récurrentes de La mutuelle des étudiants (LMDE), nous avons constaté que les onze mutuelles étudiantes régionales connaissaient, à des degrés variables, les mêmes difficultés. De manière systématique, la qualité du service rendu au bénéfice des étudiants est notablement inférieure à la qualité du service rendu par les caisses primaires d’assurance maladie.
Nous avons documenté de plusieurs manières ces difficultés, d’abord, en termes de délai d’affiliation qui se matérialise par l’envoi tardif d’une carte Vitale à l’assuré. Grâce à un sondage réalisé par Internet, nous avons en effet pu constater l’acuité de ce problème, à savoir des délais d’affiliation considérables, inadmissibles, se traduisant pour un certain nombre d’étudiants par des renoncements aux soins qui peuvent être graves. De son côté, le Défenseur des droits a mis en lumière, dans un rapport de mai 2015, la situation très dégradée de ce qu’on appelle, à tort, le régime étudiant – il s’agit en réalité d’une dévolution de gestion du régime général de l’assurance maladie à des mutuelles étudiantes.
Au demeurant, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) n’est pas assez exigeante sur la qualité du service. Les contrats pluri-annuels de gestion liant la CNAMTS aux mutuelles étudiantes prévoient des indicateurs, mais dont les champs ne sont pas centrés sur le cœur de l’activité et sont, en quelque sorte, auto-justifiés par les mutuelles sans contrôle approfondi de la part des auditeurs des CPAM.
Ensuite, en termes de réponse aux questions posées par les étudiants, la Cour des comptes a également noté des insuffisances. Ce point était particulièrement marqué à la LMDE lors de notre contrôle : non seulement le service n’est pas rendu, mais aucune explication n’est apportée et aucun moyen n’existe pour obtenir une réponse à des questions légitimes.
C’est donc un service très insatisfaisant, profondément dégradé, que nous avons constaté à la LMDE, mais aussi au sein du réseau emeVia, avec une qualité de service des différentes mutuelles dites « régionales » extrêmement hétérogène.
M. le coprésident Pierre Morange. Votre constat est parfaitement lucide : une qualité de service dégradée, nullement à la hauteur des attentes légitimes des étudiants, avec comme conséquence un renoncement à certains soins. Ce renoncement aux soins pourrait impliquer une responsabilité de ces mutuelles, tant au civil qu’au pénal. Des actions en justice ont-elles été intentées ?
M. Antoine Durrleman. Nous n’avons pas documenté ce point. Néanmoins, à la suite de la publication de notre rapport, certaines familles ont fait état, notamment sur les réseaux sociaux, de l’impossibilité d’assurer des soins particulièrement coûteux pour des pathologies graves, ce qui a conduit, au moins dans un cas, à un décès – il s’agissait d’un jeune homme. Nous n’avons pas contrôlé cette information, cela n’entre pas dans nos compétences. D’autres familles ont pointé des retards de remboursement parfois considérables, à l’origine d’un renoncement aux soins, tout comme la délivrance très tardive de la carte Vitale, qui est un frein à l’accès aux soins.
Nous avons documenté le plus objectivement possible ces dysfonctionnements, cette discontinuité, ainsi que l’absence de réponses que ce soit par les plateformes téléphoniques ou par courrier. Au surplus, le système de guichets s’est lui-même recroquevillé, compte tenu des difficultés économiques récurrentes de la LMDE, sans compter qu’il ne correspond pas forcément aux zones de densité des étudiants – certains guichets sont ouverts dans des lieux où la présence étudiante est moindre.
M. le coprésident Pierre Morange. Les exemples cités dans votre rapport à propos de la LMDE donnent le vertige : un appel téléphonique sur quatorze a une chance d’aboutir, 200 000 courriers ne sont pas ouverts. Derrière les chiffres, il y a des tragédies humaines, des tragédies sanitaires.
M. Pascal Samaran, conseiller maître. À partir des données communiquées à la Cour par les mutuelles, nous avons envoyé un mail à 80 000 affiliés et obtenu 3 000 réponses. En plus des réponses aux questions proprement dites, un certain nombre de personnes ont éprouvé le besoin de nous expliquer les difficultés auxquelles elles étaient confrontées, notamment le temps perdu. Le pronostic vital n’est heureusement pas toujours engagé, mais ces témoignages ont montré que les gens perdaient un temps incroyable pour essayer d’obtenir une couverture sociale, en étant amenés à se déplacer dans des lieux éloignés de leur domicile.
Lors de notre contrôle, un affilié sur quatorze avait une chance de pouvoir joindre la LMDE par téléphone, ce qui dit tout de la situation : téléphoner sans que jamais personne ne décroche peut être terriblement exaspérant. Sur la qualité de service, la LMDE était donc particulièrement concernée, même si les autres mutuelles étudiantes de manière générale n’avaient pas un bon taux de décroché.
M. le rapporteur. Vous évoquez dans votre rapport le stock de courriers non ouverts à la LMDE : 300 000 en mars, 200 000 en juin, 80 000 en novembre. Comment expliquer de tels volumes ? Y a-t-il un manque de personnels ?
M. Pascal Samaran. Si les étudiants ne parviennent pas à joindre un opérateur au téléphone, n’obtiennent aucune réponse à leurs courriels ou sont obligés de faire la queue pendant trois heures dans le froid pour rencontrer un guichetier, les gens écrivent – et ils écrivent même deux fois puisqu’ils n’obtiennent pas de réponse à leur premier courrier. Pour traiter tous ces courriers, la LMDE a été obligée de faire travailler ses salariés plusieurs week-ends de suite, mais nous n’avons pas eu la garantie que tous ont été traités, notamment les plus anciens dont nous ne savons pas s’ils ont été traités ou détruits.
M. Antoine Durrleman. Ce qui nous a semblé extrêmement choquant dans cette désorganisation générale, ce sont les coupe-file dont bénéficiaient les étudiants de parents affiliés à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) – laquelle garantissait financièrement la LMDE à l’époque – et qui leur permettaient d’obtenir des réponses plus rapides, par courrier ou par téléphone, au détriment de tous les autres étudiants. Ces pratiques sont totalement contraires aux principes du service public applicables dans le cadre de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, qui excluent tout passe-droit.
M. le coprésident Pierre Morange. Quelque 1,8 million d’étudiants sont pris en charge, pour 800 millions d’euros de remboursement et des coûts de gestion quatre à cinq fois supérieurs à ceux de l’assurance maladie. Cela pose question au regard des valeurs de solidarité et d’équité de traitement, sachant qu’une partie des bénéfices a été redistribuée sous forme d’intéressement, votre rapport évoquant une somme de 2 millions d’euros.
M. Antoine Durrleman. Je ne crois pas que nous ayons évoqué des redistributions de sommes. Notre contrôle s’est étroitement circonscrit au champ de nos compétences, en l’occurrence la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie. Nous n’avons pas examiné la gestion des régimes complémentaires qui ne sont pas obligatoires, que ces mutuelles assurent par ailleurs, même si nous avons constaté les limites d’une comptabilité analytique qui tend à faire porter les charges, d’abord, sur la gestion du régime obligatoire et, très marginalement, sur la gestion de la couverture complémentaire, ce qui déforme naturellement la structure des coûts.
En termes de relations avec les usagers, nous avons constaté le très insuffisant développement des plateformes pour répondre aux courriers électroniques. Tous les régimes obligatoires de sécurité sociale sont aujourd’hui dotés de capacités de réponses très opérationnelles aux courriels envoyés par les assurés. Les mutuelles étudiantes, au moment de notre enquête fin 2012 début 2013, n’avaient pas du tout atteint le même niveau de maturité en matière de dématérialisation, puisque nous avons constaté des pratiques quasiment préhistoriques et un réel retard de modernisation, la part du papier restant très importante dans le traitement des remboursements, le mode de communication avec l’assuré restant très traditionnel et nullement adapté aux difficultés rencontrées par cette population.
M. le coprésident Pierre Morange. Je me permets de revenir sur ma dernière remarque. Dans un autre ouvrage, il est indiqué que, selon la Cour des comptes, 2,2 millions d’euros d’intéressement ont été versés aux salariés entre 2007 et 2011, alors que la LMDE perdait dans le même temps 3,8 millions d’euros.
M. Antoine Durrleman. Cela est tout à fait exact : ces chiffres figurent dans notre rapport. Ce dispositif d’intéressement mis en place par la LMDE était fondé sur la vente des contrats complémentaires, alors que cette logique d’intéressement ne comportait aucun critère lié à la qualité de la gestion de l’assurance maladie obligatoire. Cela nous a semblé totalement anormal : une logique d’intéressement pour des salariés dont la mission première est la gestion du régime obligatoire implique que le critère prioritaire soit lié à la gestion de ce régime obligatoire, et non à la progression des ventes de contrats complémentaires.
M. le rapporteur. Vous notez que seuls 26 % des étudiants ont acquis une complémentaire, cette garantie étant financièrement peu intéressante.
M. Pascal Samaran. Malgré les efforts des mutuelles étudiantes pour proposer ces produits, une minorité d’étudiants souscrit une garantie complémentaire. Heureusement, la plupart des étudiants ne sont pas malades, si bien qu’ils n’ont pas forcément le réflexe de souscrire une couverture complémentaire. Ainsi, les produits des mutuelles sont peu commercialisés et, contrairement à ce que les mutuelles prétendent, ils ne sont pas particulièrement bon marché.
Les difficultés rencontrées par la LMDE ont entraîné une détérioration de ses résultats. Pour éviter une baisse de l’intéressement due à cette détérioration, la formule d’intéressement a été changée pour maintenir la motivation des salariés.
M. le coprésident Pierre Morange. Cela est totalement paradoxal. Les problématiques de comptabilité analytique ont, semble-t-il, par ailleurs abouti à une mauvaise lisibilité en la matière. Sans l’entrée en vigueur de la directive européenne dite « solvabilité II », la transparence en matière d’informations financières aurait pu être renvoyée à plus tard. Quel est votre sentiment sur le sujet ?
M. Antoine Durrleman. C’est le deuxième point de notre constat, à savoir des coûts de gestion excessifs, car largement supérieurs à ceux des caisses primaires d’assurance maladie.
La comptabilité analytique des mutuelles étudiantes tend à faire porter sur la gestion des régimes obligatoires l’essentiel des coûts de gestion. Au fond, les mutuelles considèrent l’activité des complémentaires comme leur cœur de métier et l’activité de gestion du régime général comme une activité en plus, si bien qu’elles font porter sur cette dernière l’essentiel des coûts, jugeant les coûts spécifiques à l’activité des complémentaires marginaux. En réalité, les mutuelles étudiantes sont de fausses mutuelles : elles ont été créées uniquement pour gérer le régime obligatoire au bénéfice des étudiants – leur offre de complémentaires, au demeurant de qualité moyenne, est intervenue assez tardivement et constitue ainsi une activité supplémentaire. Dans ce contexte, on constate à une sous-évaluation des coûts de gestion des complémentaires et une surévaluation des coûts du régime obligatoire
– surévaluation utilisée par l’ensemble des mutuelles comme levier de négociation vis-à-vis de la CNAMTS pour négocier leurs remises de gestion.
Ainsi, nous avons constaté que la rémunération versée aux mutuelles ces dernières années était avantageuse au regard du coût unitaire de gestion des CPAM, d’autant plus avantageuse qu’une série d’abattements sur les coûts de gestion des mutuelles fausse la comparaison entre coûts de gestion des CPAM et coûts de gestion des mutuelles étudiantes.
M. le coprésident Pierre Morange. Un rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) de 2011 indique que les mutuelles disposent en actif dans leur bilan de 25 milliards d’euros de placements – composé aux trois-quarts d’obligations, et le reste d’actions et d’actifs immobiliers –, soit 208 % de la valeur de leurs provisions, bien au-delà de ce que la réglementation impose en matière prudentielle. À titre de comparaison, les instituts de prévoyance ont un taux de placement de 121 % de leurs provisions et les sociétés d’assurance de l’ordre de 110 %.
Ainsi, des bénéfices tout à fait considérables sont dégagés du fait de l’importance des masses financières placées. Avez-vous pu vérifier ce point ?
M. Antoine Durrleman. Nous n’avons pas contrôlé organiquement toutes ces mutuelles. S’agissant de la LMDE, la question des réserves ne se posait pas : elle n’avait que des dettes, ce qui a amené l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à la mettre sous tutelle en juillet 2014, malgré la garantie apportée par la MGEN.
M. le coprésident Pierre Morange. Une estimation patrimoniale des biens des mutuelles a-t-elle été réalisée ?
M. Antoine Durrleman. Nous n’avons pas documenté ce point.
M. le rapporteur. La page 525 de votre rapport montre un tableau présentant les coûts de gestion unitaires de l’assurance maladie obligatoire par catégories d’organisme. De quoi s’agit-il exactement ?
M. Antoine Durrleman. Il s’agit du coût de gestion annuel par assuré social, en euros.
M. le rapporteur. Quel est le coût moyen d’un dossier d’assurance maladie ?
Mme Delphine Champetier de Ribes, conseillère référendaire. À l’époque où nous avons réalisé le contrôle, le coût moyen d’un dossier d’assurance maladie de la CNAMTS s’élevait à 43,07 euros. Pour les mutuelles des fonctionnaires, ce coût était de 51 euros pour la MGEN, de 63 euros pour la MFP (Mutuelle fonction publique) Services, et de 54 euros pour la MNH (Mutuelle nationale des hospitaliers). Je ne dispose pas des données équivalentes pour les mutuelles étudiantes.
M. le rapporteur. S’agissant des mutuelles étudiantes, le coût était cependant beaucoup plus élevé.
M. Antoine Durrleman. Nous avons effectivement noté un coût beaucoup plus élevé : la remise de gestion, c’est-à-dire les frais de gestion que la CNAMTS accepte d’acquitter pour la gestion effectuée par ces mutuelles, était beaucoup plus élevée qu’elle n’aurait dû l’être. Dans une logique de sous-traitance, la CNAMTS devrait acheter le service au prix de son propre fonctionnement, ce qui n’est pas du tout le cas avec les mutuelles où elle paie beaucoup plus cher que si elle gérait elle-même.
M. le rapporteur. Cela représente donc un coût pour l’assurance maladie.
M. Antoine Durrleman. Le coût est réel pour l’assurance maladie. Nous l’avons chiffré à 70 millions d’euros.
M. le coprésident Pierre Morange. Votre rapport indique effectivement que la CNAMTS estime à 69 millions d’euros l’économie qui résulterait pour l’assurance maladie, si elle gérait elle-même le régime obligatoire étudiant, soit les deux tiers des remises de gestion actuelles.
M. Antoine Durrleman. Depuis, ce dossier a évolué à deux titres. La première évolution est liée à la renégociation du montant de la remise de gestion. Cette remise de gestion était beaucoup trop élevée, d’autant plus qu’avait été rajoutée au tarif fixé à 52 euros par assuré une participation complémentaire de l’assurance maladie de 2,77 euros par assuré pendant deux ans. En 2011-2012, ce bonus de frais de gestion donnait donc une somme de 54,77 euros. À la suite de notre rapport, la CNAMTS a renégocié cette remise de gestion des mutuelles étudiantes afin de la ramener, par palier jusqu’en 2017, à 46 euros par dossier. Néanmoins, de notre point de vue, compte tenu des progrès de productivité réalisés dans le même temps par les caisses primaires d’assurance maladie, même à 46 euros, cette remise de gestion laisse perdurer un coût pour l’assurance maladie.
M. le coprésident Pierre Morange. Dans le cadre d’un effort de rationalisation de ses dépenses, la LMDE a décidé une contraction de sa masse salariale à raison de 150 personnes. Ces dernières ont bénéficié, au titre des indemnités de sortie, de gratifications importantes correspondant au double des prévisions. Or j’ai cru comprendre que les 150 personnes ont été quelques mois plus tard remplacées. Finalement, cette opération équivaut à une double pénalité.
M. Pascal Samaran. Dans le cadre d’un effort de réorganisation, la LMDE a engagé un cabinet de conseil qui a monté une opération de restructuration afin de lui permettre de se séparer d’un certain nombre de salariés, notamment de tous ceux qui refusaient de travailler dans les nouvelles conditions instaurées. In fine, la LMDE a payé des indemnités de licenciement relativement élevées, tout en gardant le même nombre de salariés qu’auparavant. Effectivement, c’est une opération perdante.
M. Antoine Durrleman. La LMDE n’est pas la seule mutuelle étudiante à avoir été confrontée à de graves difficultés de gestion. La mutuelle régionale VITTAVI a connu également une situation financière très compromise dans les années 2008-2012 : elle s’est retrouvée en cessation de paiement, ce qui a conduit à la nomination d’un administrateur provisoire et à la nécessité d’une restructuration. Les autres mutuelles étudiantes sont également dans une situation fragile, même si certaines le sont moins que d’autres.
M. le coprésident Pierre Morange. Votre argumentaire est particulièrement sévère s’agissant des mutuelles étudiantes. Qu’en est-il des mutuelles de fonctionnaires, qui représentent quelque 7 milliards d’euros de dépenses de santé pour 6 millions de bénéficiaires ?
M. Antoine Durrleman. Les mutuelles de la fonction publique – d’État, territoriale ou hospitalière – posent des questions à la fois semblables et différentes.
Ces mutuelles sont plus puissantes. Historiquement, elles représentent un réseau antérieur à la création de la sécurité sociale – les mutuelles étudiantes ont été créées seulement après en 1948, afin de gérer le régime étudiant. Le compromis de 1945, qui a présidé à la création de la sécurité sociale, a permis aux mutuelles de la fonction publique de gérer le régime obligatoire de l’assurance maladie et, dans le même temps, de développer une offre de couverture complémentaire, ce qui présentait l’intérêt pour les fonctionnaires de s’adresser à une seule caisse et de recevoir un seul décompte de remboursement. Pour autant, ces dispositifs connaissent aujourd’hui des difficultés.
Ces difficultés sont, pour partie, du même ordre que celles des mutuelles étudiantes. D’abord, la qualité de service est très inégale, certaines mutuelles fonctionnant bien, d’autres beaucoup moins.
Mme Delphine Champetier de Ribes. Lors du contrôle de la Cour, certaines mutuelles présentaient une qualité de gestion satisfaisante à l’inverse d’autres. Parmi celles dont la qualité de gestion et de service était beaucoup moins satisfaisante, l’exemple le plus marquant était la mutuelle de la Ville de Paris, avec un accueil des usagers très limité, des délais de traitement des dossiers particulièrement longs par rapport aux autres mutuelles et au réseau de la CNAMTS notamment en raison d’une gestion artisanale, qui privilégie le format papier et présente peu de réactivité dans la réponse aux usagers.
M. Antoine Durrleman. Nous avons également noté une mauvaise qualité de la liquidation, c’est-à-dire du traitement des prestations d’assurance maladie obligatoire par les mutuelles. Dans le cadre de la certification des comptes du régime général de sécurité sociale, nous sommes amenés à maintenir une réserve sur la qualité de la gestion de ces mutuelles. Pour l’exercice 2014, le rapport de la Cour, qui vient d’être remis au Parlement, indique que « les dispositifs visant à sécuriser la liquidation des prestations en nature par les mutuelles gestionnaires du régime obligatoire (7,9 milliards d’euros) ne permettent pas de disposer d’une assurance raisonnable sur l’efficacité du contrôle interne mis en œuvre par les mutuelles. Les résultats des tests réalisés sur deux systèmes d’information distincts de celui de la CNAMTS, couvrant près de 70 % des bénéficiaires, font apparaître une fréquence d’anomalies significative qui crée une incertitude sur la fiabilité de la liquidation des prestations en nature. » Ainsi, cette fiabilité insuffisante engendre des risques financiers, des risques d’erreurs et d’anomalies, possiblement de fraude, lesquels ne sont absolument pas maîtrisés par les mutuelles. Nous soulignons cet élément d’année en année, pour faire pression à la fois sur la CNAMTS et sur les mutuelles, car nous considérons que la CNAMTS ne contrôle pas suffisamment la qualité de traitement des prestations par ses délégataires. Voilà pourquoi nous maintenons systématiquement un élément de réserve sur les comptes de la branche maladie depuis l’exercice 2012.
Pour autant, la situation n’est pas aussi dégradée que celle que nous avons observée pour les mutuelles étudiantes, même si certaines petites mutuelles de fonctionnaires rencontrent de vraies difficultés à assurer convenablement leur mission.
Deuxième constat similaire avec les mutuelles étudiantes : les remises de gestion des mutuelles des agents publics restent avantageuses. Certes, elles ont baissé, et beaucoup plus nettement que celles des mutuelles étudiantes. Néanmoins, il existe une course-poursuite entre les progrès de productivité des mutuelles des agents publics et les progrès de productivité considérables de la branche maladie de la CNAMTS. Par conséquent, en quelque sorte, plus l’horizon semble se rapprocher, plus en réalité il s’éloigne… Or un grand nombre de ces mutuelles étant de très petite taille, il leur est de plus en plus difficile de poursuivre cette course à la productivité. En particulier, les coûts de leurs systèmes d’information deviennent asphyxiants, les traitements informatiques devant non seulement être extrêmement puissants, mais aussi évoluer en permanence du fait des modifications permanentes de la réglementation.
M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous pu examiner en détail les coûts informatiques des mutuelles ?
Mme Delphine Champetier de Ribes. Leur situation incite certaines mutuelles de fonctionnaires à utiliser le dispositif d’Infogérance de la CNAMTS, moyennant une évaluation différente de leur coût de remise de gestion. Pour elles, c’est le seul moyen de maîtriser un peu mieux leurs coûts de gestion.
Les coûts informatiques les conduisent à réfléchir à une mutualisation de leurs moyens, en particulier à la création éventuelle d’un niveau supplémentaire de coordination. Des systèmes d’information couvrant davantage de bénéficiaires devraient leur permettre de limiter leur coût global.
M. le rapporteur. La Cour est-il favorable à ce regroupement des mutuelles de fonctionnaires ?
M. Antoine Durrleman. Il ne nous appartient pas de dire aux mutuelles ce qu’elles doivent faire. Nous constatons que dans la mesure où elles sont dans une situation financière extrêmement fragile, la plupart d’entre elles ne pourront pas rester autonomes, n’ayant plus les moyens de financer les développements informatiques nécessaires aux évolutions qui s’imposent à elles. Par conséquent, soit elles se regrouperont, soit elles disparaîtront.
Le dispositif d’Infogérance est, pour nous, une question très problématique – car il semble que tout change pour que rien ne change… En réalité, la CNAMTS va continuer de payer des remises de gestion à une mutuelle qui va sous-traiter le traitement de ses prestations à une caisse primaire d’assurance maladie, laquelle va lui tarifer ce service à un coût marginal. En effet, une caisse primaire est tout à fait capable, grâce à ses gains constants de productivité, d’absorber cette tâche complémentaire avec un surcoût marginal. À titre d’exemple, la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) a transféré à une CPAM la gestion des prestations en nature de ses assurés. Elle reçoit une remise de gestion et est ainsi fortement bénéficiaire. C’est du maquillage de façade, si vous me permettez cette expression !
M. le coprésident Pierre Morange. L’assurance maladie a-t-elle la capacité d’assurer la prestation de cette Infogérance pour l’ensemble du paysage mutualiste ?
M. Antoine Durrleman. Elle le fait pour certaines mutuelles et elle va l’assurer pour la LMDE. En effet, dans quelques semaines, elle reprendra la gestion du régime obligatoire des 900 000 étudiants de la LMDE, en concentrant les dossiers sur trois caisses primaires, ce qui lui permettra de rétablir l’émission de cartes Vitale dans des délais serrés, d’assurer les remboursements avec la même célérité que pour les autres assurés, et de faire bénéficier les étudiants d’une ligne téléphonique dédiée. Bref, elle va rétablir un service tel qu’il aurait dû exister. En contrepartie, elle va intégrer dans ses effectifs 480 salariés de la LMDE, qui vont conserver leur statut, et dont en réalité elle n’a pas besoin.
En termes de capacité de traitement, la CNAMTS serait capable d’intégrer, éventuellement par paliers, les 6 millions de personnes couvertes par les mutuelles de fonctionnaires. En revanche, se pose la question du devenir des agents qui gèrent actuellement ce régime d’assurance maladie obligatoire au sein de ces mutuelles. En effet, 480 salariés par rapport aux quelque 80 000 agents de l’assurance maladie régime général, c’est l’ « épaisseur du trait », mais si l’on prend en compte la totalité des agents affectés au traitement des prestations des fonctionnaires, c’est différent ! Mais cela est possible dans le temps.
M. le coprésident Pierre Morange. À combien s’élèverait le nombre total des agents de l’ensemble des mutuelles à réintégrer, en tenant compte de la pyramide des âges ?
M. Antoine Durrleman. Nous n’avons pas fait ce calcul. Notre recommandation est d’aller dans cette direction, sans doute par paliers. Nous pensons que le nombre d’agents serait de 5 000 ou 6 000, mais ce point mérite d’être étudié.
Dans le cadre de sa convention d’objectifs et de gestion 2014-2017, la CNAMTS s’est engagée à rendre de nouveau des emplois. Elle le fait depuis plusieurs années. De cet organisme, au sein de la sécurité sociale, elle est plutôt le bon élève de la classe.
M. le coprésident Pierre Morange. Il y a dix ans, plus de 100 000 personnes travaillaient à l’assurance maladie. En tant que président du conseil de surveillance de la CNAMTS, j’avais demandé le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux du fait de la télétransmission.
M. Antoine Durrleman. Il reste des marges qui sont progressivement dégagées.
En termes de simplification de gestion, la diminution des coûts de gestion globaux de l’assurance maladie nous semble importante. En effet, malgré des efforts indéniables, les coûts de gestion globaux sont encore élevés, en raison notamment de la multiplicité des régimes d’assurance maladie. On ajoute des coûts à des coûts, alors que les capacités de traitement actuelles permettent de comprimer fortement ces coûts de gestion.
Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. Les mutuelles gèrent aussi une protection sociale complémentaire. Les remboursements se font-ils en temps voulu ? J’ai entendu dire que des établissements de santé publics refusaient certaines complémentaires sachant qu’ils seront remboursés dans des délais excessifs. J’ignore si les mutuelles dont nous parlons aujourd’hui ont ce problème, mais en tout cas, cela peut pénaliser l’usager.
M. Antoine Durrleman. Il existe une trentaine de mutuelles de la fonction publique – une vingtaine pour les fonctionnaires d’État, une dizaine pour les agents hospitaliers et territoriaux. Les situations sont assez différentes.
Du fait de l’évolution des systèmes d’information, le couplage du remboursement des dépenses du régime obligatoire et du régime complémentaire, qui était l’un des avantages du système des mutuelles de fonctionnaires, tend à disparaître. En effet, l’assurance maladie a développé une logique un peu autonome, dont se plaignent les mutuelles, logique nouvelle à l’origine de cette tendance à la dissociation de ces deux remboursements. En principe, un système de normes permet de faire le lien entre part obligatoire et part complémentaire. Néanmoins, un certain nombre de dysfonctionnements ont, en effet, été constatés.
M. le rapporteur. S’agissant des mutuelles étudiantes, vous avez formulé dans votre rapport quatre recommandations.
La première est de reconsidérer la situation. Nous avons compris, au travers de votre propos, que cela devrait être réglé dans les semaines à venir.
Dans la deuxième, vous hésitez entre le maintien du rattachement des étudiants au régime de leurs parents et l’affiliation à la sécurité sociale étudiante. Votre argumentaire signifie-t-il qu’il faudrait opter pour la première solution ?
M. Antoine Durrleman. Non, la recommandation prioritaire de la Cour est la reprise de la gestion du régime d’assurance maladie obligatoire des populations concernées
– étudiants comme fonctionnaires – par l’assurance maladie. C’est seulement si l’on pense que c’est trop violent, que nous proposons la version intermédiaire que vous venez d’indiquer.
M. le coprésident Pierre Morange. Nous aurons l’occasion de vous entendre prochainement sur l’open data médical, mais aussi la sécurité informatique des systèmes des mutuelles, sujet sur lequel nous souhaiterions avoir une contribution écrite de votre part.
M. Antoine Durrleman. Je vous ferai savoir si nous sommes en mesure de répondre sur ce dernier point, car cela dépendra des audits informatiques que nous faisons réaliser dans le cadre de la certification des comptes de la sécurité sociale qui se met progressivement en place.
Audition de M. François Auvigne, inspecteur général des finances ; Mme Virginie Cayré, inspectrice des affaires sociales, et M. Xavier Chastel, conseiller général des établissements de santé, coauteurs du rapport IGF-IGAS : « Les coûts de gestion de l’assurance maladie »
M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. François Auvigne, inspecteur général des finances, Mme Virginie Cayré, inspectrice des affaires sociales, et M. Xavier Chastel, conseiller général des établissements de santé, coauteurs d’un rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, intitulées « Les coûts de gestion de l’assurance maladie ». Je souhaiterais rappeler à cet égard qu’il s’agissait du premier thème abordé par la MECSS en 2004, année de sa création.
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Madame, messieurs, votre rapport, publié en septembre 2013, est très exhaustif. Pouvez-vous nous en faire un résumé ? Quel regard portez-vous sur les mutuelles étudiantes et celles de fonctionnaires ? Quelles économies proposez-vous ? En cas de maintien du système, quelles évolutions préconisez-vous ?
M. François Auvigne, inspecteur général des finances. Publié en septembre 2013, notre rapport sur « les coûts de gestion de l’assurance maladie » visait à analyser la gestion de l’assurance maladie obligatoire et complémentaire, dont le coût avait été estimé par la mission à 12,5 milliards d’euros pour l’année 2011. Dans le cadre de la politique de modernisation de l’action publique, les ministres de la santé et du budget avaient demandé à nos inspections générales de proposer des moyens permettant d’améliorer l’efficience de gestion de l’assurance maladie obligatoire et complémentaire.
Dans le cadre de cet exercice, la mission a noté la complexité de la structuration de l’assurance maladie obligatoire et complémentaire, malgré quelques exceptions anciennes, comme le régime d’Alsace-Moselle.
Nous avons également souligné la variété des opérateurs au nombre de 86 gérant 14 régimes d’assurance maladie obligatoires, les trois principaux étant la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI), auxquels s’ajoutent onze régimes spéciaux et les organismes délégataires du régime général.
Face à ce constat d’éclatement, nous avons souhaité procéder à l’analyse des processus métiers, partant du constat que l’assurance maladie était caractérisée par un nombre réduit de processus très structurants et par un traitement de masse des opérations. Il s’agit de la gestion des bénéficiaires, c’est-à-dire l’affiliation au régime – processus complexe mobilisant beaucoup d’effectifs –, des mutations, de la mise à jour des informations concernant l’assuré, de la liquidation des prestations en nature, c’est-à-dire le remboursement des soins médicaux, et de la liquidation des prestations en espèces, notamment le versement des indemnités journalières, et enfin de la fonction d’accueil des bénéficiaires. À titre d’illustration, tous ces processus représentent les deux tiers des effectifs des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM).
La mission a d’abord cherché à analyser les coûts de gestion des acteurs de l’assurance maladie obligatoire et de ceux de l’assurance maladie complémentaire, afin d’identifier les leviers, spécifiques à chacun, permettant d’arriver à des évolutions. S’agissant de l’assurance maladie obligatoire, nous avons constaté l’existence de gains d’efficience importants dans la période récente, à la faveur d’une dématérialisation croissante des feuilles de soins – évolution importante qui doit être poursuivie –, rendue elle-même possible par la diffusion des cartes Vitale. Néanmoins, nous avons noté une grande variabilité des niveaux d’efficience parmi les gestionnaires, d’où un écart très significatif entre les coûts moyens de gestion par bénéficiaire, qui varient selon les organismes dans un rapport de 1 à 5.
Sur le fondement de cette analyse, nous avons mis en exergue trois orientations principales.
La première est la poursuite des gains d’efficience grâce à l’achèvement de la dématérialisation du traitement des prestations en nature, d’une part, et à une forte amélioration de la dématérialisation des prestations en espèces, d’autre part.
La deuxième orientation est la réduction des écarts de performance au sein de chacun des grands réseaux de caisses – CNAMTS, MSA, RSI –, mais aussi la poursuite de la convergence des niveaux de performance entre les trois grands réseaux, considérant que des gains très significatifs pouvaient en être attendus.
Enfin, dans la perspective d’investissements lourds, notamment s’agissant des systèmes d’information, nous avons considéré important de réfléchir à de nouveaux rapprochements entre les opérateurs du régime obligatoire. Nous avons alors défini une cible d’organisation à terme de la gestion de l’assurance maladie obligatoire qui pourrait reposer sur deux grands pôles, l’un autour de la CNAMTS, l’autre – à définir – autour de la MSA notamment. Telle est la troisième orientation de ce rapport 2013.
M. le rapporteur. Si j’ai bien compris, vous préconisez un rapprochement des opérateurs en deux pôles, l’un autour de la CNAMTS, l’autre autour de la MSA et du RSI.
Mme Virginie Cayré, inspectrice des affaires sociales. Nous n’avons pas cherché à analyser la performance des différents organismes gérant le régime de l’assurance maladie obligatoire au regard de leur coût moyen. Nous nous sommes appliqués à déterminer le coût marginal que représenterait une reprise en gestion d’autres organismes par certains régimes obligatoires, afin de définir une cible autour des organismes les plus efficients et de calculer les économies générées par cette reprise en gestion. L’idée était de comparer les coûts des processus de gestion de la CNAMTS – qui s’avérait être l’organisme de gestion du régime obligatoire le plus efficient – avec les coûts des processus de gestion des autres organismes, afin de déterminer les processus impactés par une éventuelle reprise en gestion et le coût marginal de celle-ci.
Cette démarche nous a conduits à préconiser l’organisation à terme d’un système autour de deux cibles, dont l’une autour de la CNAMTS. En l’occurrence, nous avons chiffré la reprise en gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie des fonctionnaires par la CNAMTS à un coût marginal de 29 euros par bénéficiaire actif. Nous avons fait ce même travail pour les bénéficiaires du RSI, les étudiants et les bénéficiaires de la MSA.
La question s’est posée pour nous de savoir si la cible ultime devait comporter un seul régime, c’est-à-dire un seul gestionnaire de l’assurance maladie dont la vocation serait de reprendre l’ensemble. Cette orientation ne nous a pas semblé optimale, notamment en raison des traitements particuliers réservés aux travailleurs indépendants en matière d’indemnités journalières, ces prestations en espèces justifiant probablement la présence d’un opérateur capable de prendre en gestion ces spécificités, ce que l’assurance maladie des travailleurs salariés ne faisait pas, en tout cas n’allait pas faire à court terme. D’où notre préconisation d’une cible à deux gestionnaires, l’un pour les salariés et l’autre pour les indépendants qui pourrait être la MSA. Nous n’avons toutefois pas complètement étudié les modalités pratiques de cette suggestion.
M. le rapporteur. Comment expliquez-vous les différences de coût de gestion entre les différents organismes ?
Mme Virginie Cayré. La première raison, évoquée par François Auvigne dans son propos liminaire, est l’éclatement du système. Une réponse consiste justement à fixer une cible avec un nombre de gestionnaires réduit à terme.
Deuxièmement, il existe des surcoûts très élevés, liés au choix de systèmes d’information par les opérateurs actuels, notamment par les mutuelles de la fonction publique autour de deux grands opérateurs de gestion, d’une part, Mutualité Fonction publique (MFP Services), qui regroupe des mutuelles avec un système d’information propre, et d’autre part, la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) et d’autres mutuelles qui ont acquis des systèmes d’information dans la sphère commerciale.
M. le coprésident Pierre Morange. Vous êtes-vous intéressés aux différents systèmes d’information ? Il a été démontré que les coûts de gestion des systèmes d’information des années 70 et 80, du type « mainframe », utilisés notamment pour la branche famille, étaient extrêmement élevés – au moins 35 millions d’euros par an. Les systèmes issus de la technologie actuelle permettent, eux, de dégager des économies d’au moins 15 millions à 20 millions d’euros.
Mme Virginie Cayré. La mission a reçu l’appui du Secrétariat général à la modernisation de l’action publique pour dresser un bilan des systèmes d’information, car ce sujet nous a semblé très important non seulement en termes de structuration de l’ensemble du système, mais aussi en termes de coût, les coûts des investissements informatiques étant tels qu’ils apparaissaient déterminants dans l’évolution à moyen terme de la gestion du régime obligatoire.
En pratique, les situations varient en fonction des opérateurs. Certains systèmes d’information sont relativement récents, comme ceux de la MGEN et d’une partie des mutuelles de la fonction publique dans le cadre du GIE Chorégie, logiciel de liquidation des prestations plus récent que celui de l’assurance maladie.
En fait, notre analyse était moins axée sur l’existence de systèmes d’information récents, performants et coûteux, que sur la présence de systèmes d’information redondants. En effet, le système liquide quasiment de façon identique pour tous : les prestations en nature de l’assurance maladie sont uniformisées, d’où des développements parallèles de systèmes d’information nécessairement redondants.
M. le coprésident Pierre Morange. Vous soulignez dans votre rapport que la pyramide des âges laisse prévoir des départs en retraite massifs d’ici à 2020 pour la CNAMTS. Avez-vous eu une réflexion similaire concernant les mutuelles ? Selon la Cour des comptes, que nous avons auditionnée la semaine dernière, la reprise par la CNAMTS de la gestion des mutuelles étudiantes impliquerait le transfert de 490 salariés et de 5 000 à 6 000 salariés pour les mutuelles de fonctionnaires. Des départs massifs à la retraite permettraient-ils cette reprise d’effectifs de façon lissée, grâce par exemple au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ou trois ?
M. Xavier Chastel, conseiller général des établissements de santé. S’agissant des départs à la retraite, nous n’avons pas de données précises pour les mutuelles, mais nous en avons pour l’Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), ce qui nous a permis de constater que les départs à la retraite à la CNAMTS étaient suffisants pour permettre la reprise des effectifs des mutuelles.
Concernant les systèmes d’information, nous suggérons le maintien de deux régimes pour deux raisons. La première est l’existence de stratégies informatiques différentes entre la MSA et la CNAMTS. Le système d’information de la CNAMTS est un empilement d’outils successifs, au point qu’il est devenu extrêmement complexe et difficilement lisible, car il a été développé essentiellement en interne. De son côté, la MSA achète plutôt des logiciels « sur étagère » et est, de ce point de vue, beaucoup plus souple. Jusqu’à présent, personne n’a voulu initier le chantier de modification du système d’information de la CNAMTS pour le rendre plus productif.
La deuxième raison est l’existence d’un régime interbranche et d’un régime de pure assurance maladie. Nous n’avons donc pas tranché le fait de savoir s’il était plus productif de maintenir l’un plutôt que l’autre.
Par ailleurs, nous notons une dérive extrêmement forte de tous les projets de système d’information, que ce soit au niveau des mutuelles ou des organismes d’assurance maladie obligatoire. À cet égard, nous avons relevé un pilotage insuffisant au niveau du ministère – en raison d’un manque de compétence interne à l’État –, ce qui ne laisse pas espérer un dialogue avec la CNAMTS qui permette à l’État d’imposer ses propres vues.
Enfin, la MSA nous a semblé beaucoup plus réceptive et souple pour faire des offres de reprise en Infogérance.
M. le coprésident Pierre Morange. En matière de rationalisation des moyens, nous avions mis en avant l’option d’un régime interbranche, dont la souplesse nous avait semblé exemplaire.
M. le rapporteur. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les organismes privés qui proposent des services informatiques ?
M. Xavier Chastel. Il y a la société CEGEDIM notamment. Les organismes privés commercialisent des logiciels ou proposent l’infogérance, essentiellement pour le régime complémentaire.
M. le rapporteur. Connaît-on les coûts de gestion afférents ?
M. Xavier Chastel. En fait, il s’agit plutôt d’achats de logiciels « sur étagères ».
M. le rapporteur. La gestion mise en place début avril entre la CNAMTS et la MFP Services constitue-t-elle une piste intéressante ?
Mme Virginie Cayré. C’est une des pistes que nous avions identifiées. La CNAMTS propose plusieurs solutions d’infogérance, c’est-à-dire de gestion pour le compte des mutuelles de fonctionnaires, avec différents degrés d’intégration : certaines mutuelles font appel à elle pour utiliser ses systèmes d’information, d’autres adoptent la gestion partagée, d’autres encore ont choisi une intégration extrêmement poussée. À titre d’exemple, MFP Services a fait le choix récemment de se faire infogérer par la CNAMTS, ce qui va dans le sens de nos préconisations, à savoir une cible avec l’ensemble des salariés gérés par l’assurance maladie. Nous allions même au-delà en chiffrant les économies générées par la reprise complète de la gestion, c’est-à-dire la reprise des personnels, étape qui nous paraît effectivement judicieuse.
M. le coprésident M. Pierre Morange. Il est clair que des méthodologies de travail standardisées permettent de réduire les coûts. Mais au-delà, avez-vous mené une réflexion sur l’optimisation des ressources humaines ? On pourrait imaginer le développement de métiers à même d’augmenter la rentabilité du système ; je songe, en particulier, aux fonctions de contrôle pour la récupération de prestations indûment versées. La lutte contre la fraude sociale et fiscale trouverait là tout son sens.
M. François Auvigne. À l’issue d’une réunion récente du Comité national de lutte contre les fraudes, des actions majeures ont été évoquées pour l’ensemble des régimes sociaux. Toutes les caisses nationales se positionnent dans cette perspective. La CNAMTS a consenti un important effort méthodologique pour améliorer ses techniques de contrôle, en utilisant des compétences tant administratives que médicales, en vue d’identifier les gisements de fraude et de développer des outils de contrôle. Les évolutions très significatives notées en matière de dématérialisation, d’amélioration des processus et de standardisation, laissent entrevoir pour la CNAMTS et les autres caisses d’assurance maladie des redéploiements d’effectifs vers des missions tournées vers l’analyse du risque et l’échange d’informations avec d’autres administrations, notamment de la sphère fiscale. Il s’agit là d’un axe de progrès important.
M. le rapporteur. Que pensez-vous de l’intégration des mutuelles étudiantes au sein de la CNAMTS, au regard de leurs difficultés actuelles ?
Mme Virginie Cayré. Il s’agirait de la reprise de la gestion et des personnels par la CNAMTS, ce qui correspond à l’une des recommandations de notre rapport et qui va même au-delà, en traitant les étudiants dans leur ensemble, alors que le sujet est pour l’instant circonscrit à La Mutuelle des étudiants (LMDE). En l’occurrence, nous préconisons une cible autour de la CNAMTS regroupant l’ensemble des salariés et des étudiants.
M. le rapporteur. Quelles économies seraient générées par cette intégration ?
Mme Virginie Cayré. Notre rapport mentionne des économies potentielles de diverses natures. Nous avons chiffré les économies liées à la poursuite des gains d’efficience pour l’ensemble des régimes, grâce notamment à une dématérialisation accrue. Nous avons également chiffré la reprise en gestion par la CNAMTS, d’une part, et la MSA, d’autre part, des autres régimes au coût marginal. Pour les fonctionnaires, l’économie induite se situe autour de 142 millions d’euros par an ; vous trouverez dans notre rapport les chiffres pour les étudiants et les autres régimes.
M. le coprésident Pierre Morange. Votre rapport souligne des coûts de gestion qui varient de un à cinq. Un coût de gestion intègre toute une série de paramètres, de la masse salariale à la gouvernance, en passant par le patrimoine, la dette, voire les valorisations financières. Selon certains experts, ces valorisations représentent le double de ce qu’elles devraient être sur un plan strictement assurantiel. Avez-vous mené une réflexion à ce sujet, ainsi que sur la gestion patrimoniale de ces mutuelles ?
M. François Auvigne. Nous ne nous sommes pas intéressés à l’équilibre d’ensemble du système. Nous avons eu une approche en termes de coûts de gestion : notre rapport se fonde sur l’analyse comparée des processus de l’assurance maladie.
En revanche, les inspections générales mènent actuellement des travaux sur le patrimoine immobilier des caisses de sécurité sociale.
M. le coprésident Pierre Morange. Une réflexion en matière de comptabilité analytique ne serait pas illégitime, dans la mesure où chaque mutualiste participe à la constitution de ce patrimoine…
M. le rapporteur. Étant donné le nombre de mutuelles – environ 600 –, ne pensez-vous pas qu’il faudra un jour ou l’autre s’orienter vers un regroupement ? Certaines mutuelles sont très petites, mais cela ne les empêche pas, au contraire même, d’entraîner des coûts de gestion importants. En Allemagne, le système fonctionne efficacement avec peu de mutuelles.
M. le coprésident Pierre Morange. Comme le propose notre collègue Jacqueline Fraysse, l’assurance maladie obligatoire pourrait-elle développer elle-même une offre d’assurance maladie complémentaire ? Cette mesure avait été évoquée lors de la création de la couverture maladie universelle (CMU) dans les années 2000, mais avait fait l’objet de réserves dans la mesure où elle s’attaquerait à une situation de monopole. Le Gouvernement souhaite faciliter l’accès des patients à des mutuelles moins chères, Mme la ministre Marisol Touraine ayant évoqué trois types de prestation avec différents niveaux de prises en charge et des baisses de prix allant jusqu’à 45 %. Ainsi, il ne serait pas absurde que la CNAMTS développe une offre d’assurance complémentaire de santé et devienne à ce titre un aiguillon par rapport à l’offre concurrente, non seulement pour générer des économies, mais aussi pour améliorer la prise en charge assurantielle de l’optique, ou des soins dentaires. D’autant que le renoncement aux soins peut se révéler très problématique dans certains cas, comme l’a encore souligné la Cour des comptes la semaine dernière.
M. Xavier Chastel. Une des préconisations de notre rapport suggère que la CNAMTS développe une offre de complémentaire santé. En effet, les mutuelles devraient être les plus productives du système – la liquidation simultanée des prestations obligatoires et complémentaires est théoriquement le système le plus performant. Or, dans la pratique, les mutuelles ne sont pas forcément les plus efficientes.
Il faut faire attention lorsque l’on évoque les mutuelles en termes d’efficience. En réalité, c’est le secteur privé qui est le plus cher, c’est-à-dire les assureurs, en raison des dépenses de marketing, les moins coûteux étant les institutions de prévoyance. Ainsi, la logique du privé pour l’assurance complémentaire santé n’est pas forcément celle qui engendre les coûts de gestion les plus faibles.
M. le coprésident Pierre Morange. Le coût du marketing de certaines mutuelles n’est pas négligeable. Nous avons tous entendu des messages publicitaires, particulièrement généreux en termes de solidarité, décliner des prestations en fonction de facteurs de risque ou de tranches d’âge, assorties de tarifs variables ! Or les coûts publicitaires sont intégrés dans la cotisation que doit verser l’assuré à sa mutuelle.
M. Xavier Chastel. Généralement, les assureurs privés sont chers en matière d’offre d’assurance complémentaire santé.
S’agissant du regroupement des mutuelles que vous évoquez, il faut distinguer le régime obligatoire et l’assurance complémentaire. En ce qui concerne le régime obligatoire, le sujet est plutôt la reprise, au moins pour les tâches informatiques et de « back-office », de l’activité des mutuelles par la CNAMTS.
Les 142 millions d’euros d’économies potentielles citées dans le rapport intègrent la reprise de l’affiliation des assurés et le volet prévention. Nous avons recommandé en revanche de laisser l’affiliation aux mutuelles étudiantes. Pour les mutuelles de fonctionnaires, un tel schéma pourrait être acceptable dans la mesure où elles craignent de tout perdre au profit de la CNAMTS, c’est-à-dire de ne pas pouvoir vendre leur complémentaire en même temps que l’assurance obligatoire. Ainsi, le schéma LMDE semble être le plus raisonnable pour une majeure partie des mutuelles, à l’exception de la MGEN qui devra amortir les coûts de son système d’information qu’elle avait développé avec d’autres.
À mon avis, le regroupement doit s’effectuer sur la partie complémentaire. Un vaste mouvement est déjà engagé en ce sens et doit se poursuivre pour aboutir à des prestations compétitives, dans l’optique par exemple.
Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. S’il est nécessaire d’augmenter l’efficience du système, il faut aussi penser aux bénéficiaires qui rencontrent des difficultés à trouver un interlocuteur, a fortiori s’ils sont en situation d’exclusion. Or le manque de lien entre les organismes et les services sociaux est réel. Que pensez-vous de la possibilité de prévoir un ou deux référents dans chaque département, aptes à fournir des renseignements aux services sociaux ?
M. Xavier Chastel. En l’occurrence, laisser l’accueil de la population spécifique aux mutuelles peut être une voie de sortie. Mais il faudrait relever le seuil du nombre d’adhérents à partir duquel une mutuelle peut créer une section locale mutualiste – ce seuil étant de 1 000 adhérents actuellement. Maintenir l’accueil mutualiste et prévoir, comme vous le suggérez, des référents dans les départements impliquerait de pousser les mutuelles à organiser un accueil unique.
M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant des mutuelles étudiantes, la Cour des comptes a mis en lumière, dans le cadre de son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2013, une dégradation de la qualité du service, une gouvernance illisible, une accessibilité médiocre, avec comme conséquences des renoncements aux soins et des situations médicales inadmissibles. Pour prendre l’exemple de la LMDE, un appel sur quatorze avait une chance d’être réceptionné au standard, 200 000 à 300 000 courriers de bénéficiaires n’étaient pas ouverts… On se demande comment un regroupement pourrait pallier un tel niveau de dégradation du service rendu.
Parallèlement à la piste de reprise de gestion par la CNAMTS, afin de fournir une réponse professionnelle aux étudiants, est évoquée l’alternative du maintien des étudiants au sein du régime d’assurance maladie des parents auxquels ils seraient rattachés. Quel est votre avis sur le sujet ?
Mme Virginie Cayré. S’agissant des fonctionnaires, nous avions proposé de revenir sur un des principes de la loi Morice du 9 avril 1947 en laissant aux mutuelles la possibilité de continuer à gérer des fonctionnaires et à ces derniers le choix d’être gérés en caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). En pratique, les fonctionnaires entrants pourraient choisir de rester rattachés à la CPAM dont ils relevaient avant de travailler dans la fonction publique – mais on peut imaginer une gestion différenciée du flux et du stock. De leur côté, certaines mutuelles pourraient renoncer à la délégation de gestion de l’assurance maladie obligatoire des fonctionnaires, sachant qu’elles se trouvent parfois dans des situations complexes au regard des remises de gestion qui leur sont versées et qui ne leur permettent pas de continuer à gérer le remboursement des prestations obligatoires. Ainsi, l’idée serait de donner aux assurés la liberté de choisir leur organisme gestionnaire.
M. le coprésident Pierre Morange. D’un côté, la liberté de choix est un principe noble. De l’autre, les coûts de gestion des mutuelles sont problématiques, tandis que l’assurance maladie offre le meilleur rapport coût/efficacité grâce à la standardisation de ses processus. La généralisation des complémentaires santé par tous les salariés, voulue par le Gouvernement, ne doit-elle pas intégrer cette dimension ? Certes, il faut distinguer régime obligatoire et couverture complémentaire. Mais que doit privilégier le politique pour l’option de rattachement : la liberté ou l’efficience ?
Mme Virginie Cayré. La mission a tranché puisqu’elle a conclu à l’intérêt d’un système avec deux gestionnaires. Les pistes pour arriver à cette cible sont nombreuses, elles peuvent être plus ou moins longues. L’un des moyens d’atteindre cette cible réside dans la liberté de choix, option possible pour gérer un flux, voire un stock.
Nous avons touché du doigt la question que vous évoquez sur les complémentaires. Nous nous étions interrogés au sujet de l’impact de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la recomposition du secteur et en particulier sur la complémentaire santé des fonctionnaires, avec potentiellement une démutualisation liée à des mutuelles familiales obligatoires pour l’un des deux conjoints. Mais nous n’avons pu approfondir la réflexion dans la mesure où nous ne connaissions pas, à l’époque de la rédaction de notre rapport, le devenir du secteur mutualiste.
M. le coprésident Pierre Morange. Une généralisation des complémentaires santé implique d’en définir le champ, le rendement et le coût.
Audition de M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Virginie Cayré, adjointe au sous-directeur de la gestion et des systèmes d’information, et Mme Agathe Denéchère, sous-directrice des retraites et des institutions de la protection complémentaire
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Merci d’avoir répondu à l’invitation de la MECSS sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles.
Mes premières questions seront plutôt générales, et constitueront une entrée en matière. En premier lieu, quel est le rôle la direction de la sécurité sociale dans le contrôle et dans le suivi des relations qu’entretient la Caisse nationale d’assurance maladie et les mutuelles qui gèrent un régime d’assurance maladie obligatoire ? Quelles seraient les évolutions nécessaires, si le système actuel des mutuelles qui gèrent l’assurance maladie obligatoire était maintenu ?
M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la direction de la sécurité sociale intervient de deux – ou trois – façons.
Elle le fait d’abord au travers de la Convention d’objectifs et de gestion (COG) que nous signons avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et où sont fixés à la fois les moyens dont disposent la CNAMTS et ses délégataires pour assurer la gestion du régime obligatoire, et les objectifs assignés à cette gestion. C’est principalement ainsi que nous pouvons encadrer les montants, notamment ceux des remises de gestion qui figurent dans le Fonds national de gestion administrative de la CNAMTS, qui est le cadre financier dans lequel cette délégation intervient.
Dans ce cadre, notre rôle est double : signer la COG et superviser la qualité de service rendu par ces mutuelles. En effet, de même que pour l’ensemble des organismes gestionnaires d’un régime obligatoire de sécurité sociale, nous sommes très attentifs aux conditions de gestion, à la qualité du service rendu par ces mutuelles comme par les autres gestionnaires de la sécurité sociale, que ce soit la maladie ou les autres branches. Nous vérifions donc régulièrement, au travers des bilans annuels de la COG, que les indicateurs de gestion fixés par cette convention sont bien atteints.
Ces dernières années, la contrainte économique s’est renforcée. La COG actuelle et les deux précédentes ont été marquées par une diminution importante des coûts de gestion de l’assurance maladie et par un nombre significatif de suppressions d’emplois. Une contrainte plus forte s’est exercée sur les remises de gestion qui, dans la COG actuelle, baissent de l’ordre de 15 % sur la période 2014-2017.
Ensuite, dans le cadre de notre rôle de préparation des textes législatifs et réglementaires, nous sommes à même d’être sollicités si des évolutions étaient envisagées dans les textes, et donc dans les conditions de cette délégation. Ce vecteur n’a pas été utilisé dans la période récente. Il l’a malgré tout été dans le cadre du régime agricole. En effet, dans la loi de financement pour 2014, nous avons légèrement fait évoluer les conditions de gestion du côté de la MSA – mais pas du côté du régime général.
Enfin, nous intervenons à la frontière entre le régime obligatoire et le régime complémentaire, à travers le dialogue que nous entretenons avec l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, notamment sur des sujets d’actualité comme celui des mutuelles étudiantes. Ainsi, nous nous intéressons au rôle de la LMDE (La mutuelle des étudiants) en tant qu’organisme complémentaire, et à la supervision qu’exerce sur elle l’ACPR à ce titre.
Voilà comment on peut résumer très rapidement le rôle de la direction de la sécurité sociale. J’ajoute que nous sommes également en responsabilité sur tout ce qui tourne autour de la régulation des complémentaires santé, et donc sur la mise en œuvre de l’accord national interprofessionnel (ANI) et ses éventuelles conséquences sur la couverture complémentaire des fonctionnaires. Bien évidemment, nous intervenons sur ces dossiers avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).
M. le rapporteur. Nous pouvons maintenant entrer dans le vif du sujet. Comment peut-on rationaliser le système ? Quelles pistes pourriez-vous proposer pour diminuer les coûts de gestion des mutuelles ? Comment améliorer la productivité de ces dernières ? Cela nous amène au sujet difficile des mutuelles étudiantes et, notamment, de la LMDE.
M. Thomas Fatome. Au moment de la négociation de la COG, nous sommes partis de cette idée simple : si l’assurance maladie doit faire des économies de gestion, les mutuelles délégataires doivent supporter une part de cet effort, et donc une diminution des remises de gestion. Toute la question porte alors sur les conditions dans lesquelles les mutuelles peuvent absorber cette diminution des remises de gestion, et notamment les conditions dans lesquelles les coûts peuvent être partagés entre l’assurance maladie et ces mutuelles délégataires. On voit bien que lorsque les efforts de maîtrise des coûts de gestion ne sont pas faits, la contrainte qui s’exerce sur les remises rend la situation difficile. C’est ce qui peut, en partie, expliquer les difficultés rencontrées par la LMDE.
C’est dans ce cadre que nous travaillons. De mon point de vue, les choses vont plutôt dans le bon sens. Nous faisons les économies de gestion que nous devons faire. Les remises de gestion diminueront de 15 % sur la période 2014-2017. Par ailleurs, les coûts seront mieux partagés entre les différents acteurs dans la mesure où le mouvement d’infogérance, et donc de partage des coûts de systèmes d’information, s’accélère de façon assez importante. Pour nous, c’est une ces clés du succès. En effet, le coût des systèmes d’information est très important, et il convient d’éviter que les différentes mutuelles ne développent et ne gèrent plusieurs systèmes d’information différents.
M. Jean-Pierre Door. Comment fonctionne le système de l’infogérance ?
M. Thomas Fatome. Le principe en est que l’assurance maladie « ré-internalise » une partie de ses coûts informatiques et les facture aux mutuelles – pour rentabiliser, sur une base plus large, ses coûts de gestion informatique – au lieu d’avoir recours à des plateformes informatiques mises en place à côté ou en dehors d’elle.
Aujourd’hui, du côté des fonctionnaires, deux principaux pôles se sont développés : un pôle infogéré avec l’assurance maladie, et le pôle « Chorégie » de la MGEN, celle-ci conservant un système d’information autonome.
Cela dit, nous pouvons constater que sur les cinq ou six dernières années, la rationalisation fait son chemin. D’une certaine manière, c’est un accord gagnant-gagnant, dans le sens où nous diminuons les coûts de gestion, nous mutualisons le back office, et nous maintenons un front office avec les mutuelles délégataires – front office auquel elles sont évidemment très attachées.
Telle est la ligne de conduite que nous nous sommes fixée, et qui va continuer à se déployer sur toute la période de la COG actuelle.
M. le coprésident Pierre Morange. Est-ce que vous confirmez les chiffres qui ont été cités lors de précédentes auditions, selon lesquels un demi-millier de salariés seraient repris par l’assurance maladie dans le cadre de ses délégations de gestion ?
Il avait été dit que le back office pourrait être géré par l’assurance maladie et que les services « vitrine » pourraient être conservés par les mutuelles, étudiantes ou fonctionnaires. Les personnels affectés à la gestion des mutuelles avaient été évalués à 400 ou 500 salariés dans les mutuelles étudiantes. Cela correspondait, pour les mutuelles de fonctionnaires – si l’on appliquait le principe du parallélisme des formes – à 4 000 ou 5 000 salariés.
Pouvez-vous nous en donner confirmation ? Quelle en serait l’incidence financière ? Comment serait envisagée cette internalisation de nouvelles ressources humaines, étant donné que celle-ci doit s’accompagner d’une évolution de leur propre métier, afin d’améliorer les prestations de l’ensemble du régime ?
M. Thomas Fatome. S’agissant de la LMDE, je confirme vos chiffres. Les conditions précises de l’adossement à la CNAMTS sont en cours de définition avec les organisations concernées.
L’objectif est évidemment de reprendre les personnels concernés dans les ratios que vous avez indiqués, ce qui permettra à la fois d’éviter toute casse sociale et de faire des économies. En effet, le différentiel entre ces remises de gestion et les coûts de personnels concernés est substantiel. J’ajoute que tout cela s’intègre à la trajectoire d’effectifs de l’assurance maladie sur la période de la COG.
S’agissant des mutuelles de fonctionnaires, nous ne sommes pas dans la même orientation d’action. Il n’est pas prévu de reprendre ces fonctionnaires au sein du régime général. Ces mutuelles s’intègrent au mouvement d’absorption des remises de gestion qui les pousse à la fois à se regrouper et à partager leurs coûts avec la CNAMTS en matière d’infogérance.
M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur le directeur, si je ne m’abuse, les coûts de gestion de ces mutuelles de fonctionnaires peuvent aller du simple au double.
M. Thomas Fatome. Il y a en effet une dispersion non négligeable.
Ces mutuelles doivent s’inscrire dans un cadre qui fait l’objet de discussions avec la CNAMTS en vue de la déclinaison du cadre fixé par la COGE. La contrainte qui s’impose à elle consiste à savoir comment elles vont absorber la diminution des remises de gestion, laquelle est programmée de façon pluriannuelle : en se regroupant ou en partageant des coûts de production ? Mais nous ne sommes pas dans la même logique de reprise d’activité.
M. coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous préciser l’objectif et le délai qui leur ont été fixés ?
M. Thomas Fatome. Le cadre général qui a été fixé est celui que j’ai déjà évoqué : moins 15 %. Cette évolution du coût des remises de gestion est assez proche de celle qui est fixée dans le cadre des contrats pluriannuels de gestion passés avec l’ensemble des opérateurs publics, du côté de l’État ou de la sécurité sociale.
Ensuite, ce cadre général se décline dans des négociations qui ont lieu entre la CNAMTS et les mutuelles concernées. Ce n’est donc pas de la responsabilité de la sécurité sociale, mais de la CNAMTS. Cette dernière a un mandat, un budget global et il lui est demandé de négocier avec les mutuelles concernées des évolutions qui sont compatibles avec ce cadre général. C’est ce qu’elle est en train de faire depuis la signature de la COG, il y a un peu moins d’un an.
M. le rapporteur. Que pensez-vous du regroupement proposé au sein des mutuelles, et de ce projet d’union des mutuelles de fonctionnaires ? Vous avez dit qu’il fallait réduire les coûts de gestion. Mais ce regroupement est-il indispensable ? Compte tenu de la diversité de ces mutuelles, est-ce que cela constituerait un progrès ?
M. Thomas Fatome. J’ai cru comprendre de ce projet qu’il avait deux finalités.
La première est de pouvoir négocier les conditions de la négociation entre la CNAMTS et les mutuelles de fonctionnaires en ayant un interlocuteur unique. De ce point de vue, et même si nous sommes extérieurs à cette négociation directe, cela va dans le bon sens. Mais je ne suis pas totalement certain que cela puisse aboutir dans des délais compatibles avec la négociation qui est en cours.
La deuxième finalité pourrait viser à étendre le champ de la délégation de gestion à d’autres publics, y compris des contractuels de la fonction publique. Du côté de la direction de la sécurité sociale, nous avons indiqué aux promoteurs de cette union que cela ne nous semblait pas pertinent et que l’heure n’était pas à l’extension du champ, mais au contraire à sa rationalisation. J’ai eu le sentiment d’avoir été écouté, mais je n’ai pas d’éléments récents sur la mise en place de cette union.
Tout ce qui peut simplifier la discussion et rationaliser les coûts, oui. Tout ce qui tendrait à une extension de la délégation de gestion ne va pas dans le sens de la rationalisation des coûts que nous évoquions en introduction.
M. le coprésident Morange. Dans la convention en cours de discussion, il est question de réduire de 15 % les coûts de gestion. J’observe tout de même que si on prend en compte les coûts moyens de gestion du secteur mutualiste, si une réduction de 15 % constitue une amélioration notable, elle serait cependant insuffisante au regard de l’objectif de rationalisation poursuivi par l’exécutif. Cela resterait loin du coût moyen de gestion de l’assurance maladie.
M. Thomas Fatome. Malgré les efforts déjà engagés au titre de la précédente COG, le niveau des remises de gestion unitaires continue à différer entre les mutuelles étudiantes et les mutuelles de fonctionnaires. Cet objectif de 15 % est un cadre global, qui se décline ensuite au niveau de l’assurance maladie. L’adossement de la LMDE au régime général, par les économies qu’il permettra de réaliser, devrait nettement contribuer à cet objectif.
Nous devons tenir compte de la réalité des organisations actuelles et de leur capacité à absorber, dans des délais relativement serrés, des baisses substantielles de leurs recettes ; il ne faut pas les déstabiliser complètement. Nous restons attentifs à la qualité de la gestion et du service rendu aux assurés. Voilà pourquoi nous ne serons pas forcément, à la fin de la COG, à un niveau comparable à celui du coût de gestion des CPAM. D’ailleurs il faut veiller à comparer des éléments comparables. Ni les missions, ni les prestations versées ne sont strictement comparables.
M. le coprésident Morange. Qu’entendez-vous par « ne sont pas strictement comparables » ? Quant à la qualité de la prestation, elle a été l’objet de critiques assez sévères de la part des magistrats de la Cour des comptes.
M. Thomas Fatome. Je confirme que nous allons nous rapprocher d’un coût moyen.
M. le coprésident Morange. Pouvez-vous nous donner un chiffre ?
M. Thomas Fatome. Je ne l’ai pas ici, mais nous devons pouvoir vous le communiquer.
Comme vous le savez, les CPAM versent des prestations en espèces que ne versent pas les mutuelles délégataires. Par ailleurs, il faudrait étudier l’imputation des systèmes d’information. Cela dit, on doit pouvoir procéder à un rapprochement entre le coût pondéré par bénéficiaire, et le coût de la remise de gestion.
M. le rapporteur. En procédant à cette procédure de mutualisation inter régimes, allez-vous améliorer les conditions d’affiliation des étudiants ? Que deviendront ceux-ci, dès l’instant où l’on aura rapproché leur mutuelle d’une caisse d’assurance maladie ?
M. Thomas Fatome. Nous accompagnons les discussions entre la CNAMTS, les mutuelles étudiantes et les universités.
D’abord, il s’agit d’assurer la reprise en gestion, à la fois des fichiers et des conditions de gestion par la CNAMTS des actuels bénéficiaires assurés de la LMDE. Ce travail a déjà commencé depuis plusieurs semaines. Je ne doute pas que cette reprise en gestion se fasse dans de très bonnes conditions.
Ensuite, en lien avec les universités, nous travaillons à la mise en place, d’ici à la rentrée 2016, d’un télé-service d’inscription des étudiants à la sécurité sociale qui pourra être intégré aux outils d’inscription à l’université. Cela permettra de simplifier la vie des étudiants et des universités dans la gestion de ce processus d’affiliation.
Cela s’inscrit dans un travail que nous avons engagé ces dernières semaines avec l’assurance maladie, dans la continuité des annonces que la ministre chargée de la santé, Mme Marisol Touraine, avait faites, au moment du soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale, en faveur d’une plus grande continuité des droits à l’assurance maladie de base. Il convient en effet d’éviter des ruptures dans la gestion des assurés lorsqu’ils changent d’activité professionnelle ou de lieu d’activité. En vue du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous travaillons d’ailleurs à des mesures permettant de simplifier l’impact du changement de vie des assurés dans leur rattachement aux caisses d’assurance maladie.
M. le rapporteur. Monsieur le directeur, vous avez lu les rapports de la Cour des comptes et de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) sur les mutuelles étudiantes. Ceux-ci montraient que des dossiers traînaient sur les tables pendant des mois, pendant que les étudiants attendaient que l’on réponde à leur problème médical ou qu’on les rembourse. Peut-on leur certifier que la situation s’améliorera, peut-être dès la prochaine rentrée universitaire ? À un moment ou à un autre, il faudra bien que ces étudiants, dans le cadre de l’assurance maladie à travers leurs parents ou dans le cadre de ces mutuelles, soient pris en charge avec une bonne qualité de service rendu. C’est ce qu’ils attendent, et c’est ce que l’on attend.
M. Thomas Fatome. À partir du moment où les assurés de la LMDE seront repris en gestion par la CNAMTS, il n’y a aucune raison que le service qui leur sera rendu soit de moindre qualité que celui qui est rendu aujourd’hui à n’importe quel bénéficiaire d’une CPAM. J’ai donc de bonnes raisons de penser que l’accueil téléphonique, la délivrance de la carte Vitale et les délais de remboursement se trouveront nettement améliorés.
Je souligne tout de même que l’existence même du régime étudiant implique la mise en œuvre de processus de mutation. Quelle que soit la qualité intrinsèque de la gestion qui sera propre demain à la LMDE, ces processus de mutation devront être améliorés. Les services d’inscription des étudiants, que j’évoquais à l’instant, doivent en effet répondre aux attentes des étudiants. Quoi qu’il en soit, le service de base de la vie d’un étudiant assuré au régime étudiant, devrait pouvoir s’améliorer à la rentrée 2015. C’est bien notre objectif.
M. le coprésident Morange. Une autre hypothèse de travail, différente de celle que vous nous avez présentée, consisterait à rattacher les étudiants au régime de protection maladie leurs parents. Qu’en pense la sécurité sociale ?
M. Thomas Fatome. Je ne pense pas que la solution soit de maintenir les étudiants en tant qu’ayants droit de leurs parents. Notre objectif est d’assurer aux étudiants une qualité de gestion qui est celle de n’importe quel assuré du régime général. En outre, il convient de privilégier ce qui va dans le sens de la responsabilisation et de l’autonomisation des étudiants. Ceux-ci ont tout de même plus de dix-huit ans, et ne vont pas rester ayants droit de leurs parents jusqu’à vingt-deux ou vingt-cinq ans.
M. le coprésident Morange. Si l’on s’en tient à la qualité de la prestation du service assurantiel, il n’est pas illogique d’imaginer que les étudiants continuent à être rattachés à la sécurité sociale de leurs parents. Ce n’est pas une démonstration de perte d’autonomie, et ce n’est pas contradictoire avec le fait que l’étudiant doit être invité à prendre son indépendance.
M. Thomas Fatome. Aujourd’hui, l’étudiant salarié est bien géré par une CPAM, et il s’en porte bien. Ce n’est pas parce que certaines mutuelles étudiantes ont connu des difficultés de gestion qu’il faut répondre à ces difficultés en maintenant les étudiants en ayants droit de leurs parents.
M. le coprésident Morange. Laissons de côté le débat philosophique. A-t-on fait le bilan des avantages et des inconvénients de ces deux formules, sur un plan purement comptable et financier ? Dispose-t-on d’un comparatif ?
M. Thomas Fatome. Un comparatif strict, non.
M. le coprésident Morange. Mon propos n’est pas de « condamner à mort » les mutuelles étudiantes, mais il est clair qu’à partir du moment où des étudiants restent sur le régime de leurs parents, la situation de ces mutuelles se trouve fragilisée. Après, c’est une question de convictions. Celles des uns et des autres sont tout à fait estimables. Reste que le souci de la MECSS a toujours été de s’en tenir à un strict rapport coût/efficacité, en dehors même de ces convictions.
M. Thomas Fatome. Je pourrais vous répondre que le Gouvernement a rappelé son attachement au régime étudiant, et qu’il souhaite en améliorer les conditions de gestion. Mais surtout, je considère que ce serait une certaine forme de retour en arrière de considérer que les étudiants doivent rester ayants droit de leurs parents.
J’ajoute que sur toute une série de sujets touchant, par exemple, à la contraception des mineurs, nous sommes appelés à mettre en œuvre des dispositifs qui garantissent la confidentialité du remboursement de ce type de prise en charge. Plus nous maintiendrions une logique d’ayants droit dans la vie des étudiants et des étudiantes, plus cette confidentialité serait difficile à préserver. Nous avons tendance à considérer qu’à compter de dix-huit ans, les assurés de la sécurité sociale ont vocation à être des ouvrants droits autonomes, gérant leurs remboursements, leur santé, leur prise en charge – même dans un environnement familial, comme c’est le cas de nombreux étudiants.
Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le directeur général, je souhaite vous interroger sur quatre points.
Premièrement, toutes les mutuelles étudiantes n’ont pas rencontré les mêmes difficultés de gestion. On parle de la LMDE, mais il me semble que d’autres mutuelles étaient probablement mieux gérées. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir en quoi celles-ci étaient mieux gérées.
Comment peut-on donc mieux soigner les étudiants, à un coût acceptable, avec une qualité de service qui soit digne d’un grand pays comme le nôtre ? En effet, si j’ai bien compris, la santé des jeunes est plutôt en train de se dégrader – et je ne parle même pas de l’augmentation de la consommation de tabac chez nos jeunes.
Deuxièmement, j’imagine que la diminution des coûts de gestion et des remises de gestion aura des conséquences sur les mutuelles, notamment en matière d’emploi. Vous nous avez dit ce qui allait se passer pour les salariés des mutuelles étudiantes. Est-ce que ce sera à emplois constants ? Envisage-t-on, pour faire baisser les coûts, des suppressions d’emploi, voire des non-remplacements de départs à la retraite ? Est-ce que la question a été soulevée ?
Troisièmement, la complémentaire santé sera généralisée dans quasiment six mois. Comment cela se passe-t-il ? Nous en avons discuté au moment de la mise en œuvre du dispositif. Les petites mutuelles étaient très inquiètes de leur devenir, considérant que seules les grandes mutuelles allaient pouvoir continuer à exercer. En outre, elles estimaient que les personnes les plus démunies et les plus en difficulté ne bénéficieraient plus du même service qu’elles-mêmes sont en mesure d’apporter aujourd’hui à ces publics.
Quatrièmement, vous avez dit dans votre propos préliminaire que vous étiez sollicités à propos des évolutions législatives ou réglementaires. Avez-vous été entendus sur la généralisation du tiers payant ?
M. Thomas Fatome. En effet, les performances des mutuelles étudiantes étaient hétérogènes. C’est la conjonction de ces difficultés en matière de qualité de service et de ces difficultés financières qui ont amené d’abord à la mise sous administration provisoire de la LMDE, puis à son rapprochement avec la CNAMTS. Maintenant, tout l’enjeu pour cette entité – qui va demeurer tout en étant adossée à la CNAMTS – et pour les autres mutuelles étudiantes est d’absorber ces baisses de remises de gestion en maintenant, pour certaines, et en améliorant, pour d’autres, la qualité du service rendu. D’où la problématique de partage des systèmes d’information que j’évoquais tout à l’heure.
Toutes ces mutuelles partageaient les mêmes niveaux de remises de gestion. D’où la nécessité commune, pour elles, d’absorber la baisse des remises.
S’agissant de l’emploi dans les mutuelles délégataires, il faut d’abord souligner que les mutuelles de fonctionnaires s’étaient d’ores et déjà engagées dans des plans d’économie importants – notamment MFP Services. Des restructurations lourdes, ayant eu des impacts forts en termes d’emplois, ont déjà été réalisées.
Maintenant, je n’ai pas de visibilité sur l’impact qu’aura sur l’emploi la baisse globale de 15 % que j’évoquais tout à l’heure. Cela relève de la responsabilité des gestionnaires. Mais plus les coûts – notamment les coûts informatiques – seront partagés, moins la contrainte sur les effectifs sera forte. Celle-ci s’inscrit actuellement, comme pour les CPAM, dans une trajectoire de non-renouvellement d’une partie des départs à la retraite. Mais c’est ce qui se passe dans l’ensemble des champs de l’assurance maladie obligatoire, quels que soient les modes de gestion et les régimes.
M. le coprésident Pierre Morange. Connaissez-vous la typologie des systèmes informatiques des mutuelles ?
M. Thomas Fatome. Comme je l’ai dit tout à l’heure, on s’oriente vers deux plateformes : Chorégie, du côté de la MGEN et des mutuelles qui vont vouloir rejoindre ce pôle de gestion ; infogérance, avec les outils de la CNAMTS. C’est cette concentration qui est en train de s’opérer, d’ailleurs assez rapidement.
M. le coprésident Pierre Morange. Les mutuelles n’étaient-elles pas prisonnières de vieux systèmes informatiques, du type Mainframe, comme ce fut le cas la branche famille ? Je rappelle que sur les demandes instantes de la MECSS, la branche famille a fini par économiser 20 millions d’euros par an sur cette ligne de dépenses.
M. Thomas Fatome. Ainsi que je vous l’ai indiqué, la convergence est en train de s’opérer, et des économies de gestion vont se réaliser. Je n’ai pas la même visibilité sur les outils de chacune des mutuelles. Mais c’est bien autour des deux pôles précités que les regroupements vont se faire.
Ensuite, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a modifié l’accord national interprofessionnel (ANI) et institué, entre autres, la généralisation des mutuelles complémentaires santé, qui est le troisième point que vous avez abordé, Mme Le Callennec.
Il est clair que le marché de la protection complémentaire va se déplacer de l’individuel vers le collectif. Un certain nombre de personnes couvertes au titre de l’individuel vont le devenir au titre du collectif, et le mouvement de concentration du secteur mutualiste va se poursuivre. Il suffit d’observer les mouvements en cours, par exemple entre Harmonie Mutuelle et la MGEN.
C’est précisément l’impact sur ces contrats individuels qui nous a amenés à faire évoluer le dispositif de l’aide à la complémentaire santé pour en améliorer l’efficacité et le rapport coût/garantie. C’est le sens des annonces que le Président de la République a faites lors du congrès de la Mutualité française de Nantes. Il est certain que l’impact de l’accord interprofessionnel va se faire ressentir dans les prochaines années et implique un accompagnement des populations qui bénéficient de contrats individuels, notamment les retraités.
M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant de cet accompagnement, pouvez-vous être un peu plus précis ?
La généralisation des complémentaires santé, dont le coût est supérieur à celui de l’assurance maladie, n’entraînera-t-elle pas une majoration qui devra être supportée par la collectivité – soit au titre de l’employeur, soit au titre de la participation du salarié, soit par une participation complémentaire ? J’observe d’ailleurs que Mme la ministre a évoqué des tarifs particuliers en faveur des populations socialement défavorisées, avec des remises non négligeables – 40 %, dit-on.
Comment faire face à cette majoration ? Par une contractualisation, une aide financière de la part de l’État ou de l’assurance maladie ? Par une vertueuse incitation à une amélioration des coûts de gestion ? Ce ne serait pas absurde, quand on connaît les efforts que, de son côté, l’assurance maladie a su faire.
M. Thomas Fatome. La comparaison entre les coûts de gestion des organismes obligatoires et des organismes complémentaires doit être bien mesurée et nuancée. En effet, le marché complémentaire étant concurrentiel, les acteurs supportent un certain nombre de coûts.
M. le coprésident Pierre Morange. Fondamentalement, ceux qui les supportent sont les assurés, c’est-à-dire ceux qui paient leur cotisation de mutuelle en tant qu’employeurs, que salariés ou que retraités.
M. Thomas Fatome. Ce que je veux dire, c’est qu’à partir du moment où il y a monopole, il n’y a pas de coût d’administration, ni de marketing ni de promotion. Ces coûts existent dans le domaine complémentaire. Il faut tenir compte du fait qu’au regard du marché, la situation n’est pas la même.
Ensuite, nous souhaitons accompagner les populations qui pourraient se voir privées de couverture complémentaire et pour lesquelles l’accès à cette couverture complémentaire est très important. C’est le sens de la mise en concurrence que nous avons réalisée sur l’aide à la complémentaire santé, qui a permis de faire baisser le coût des contrats entre 15 % et 30 % selon le type de contrat. Nous travaillons à la mise en œuvre des engagements présentés par le Président de la République au Congrès de la Mutualité française notamment, sur la sortie du contrat Évin ou sur d’autres pistes autour du contrat responsable.
Nous avons également mis en œuvre les dispositifs de transparence des coûts de gestion. Depuis 2014 en effet, les organismes complémentaires doivent faire figurer sur leurs contrats ou leurs avis d’échéance les coûts de gestion que les assurés ou les cocontractants supportent.
C’est dans ce sens-là que nous travaillons. Nous sommes très satisfaits des résultats, s’agissant de l’aide à la complémentaire santé. Mais il est certain que nous ne sommes qu’au début d’une transformation assez puissante du marché, qu’il conviendra d’apprécier dans les années à venir.
Le dernier point abordé par Mme Le Callennec était celui de la généralisation du tiers payant, inscrite à l’article 18 du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Nous avons instruit les différentes étapes du dispositif. Celles-ci vont permettre d’assurer une montée en charge du tiers payant qui soit compatible avec les attentes des professionnels de santé et l’exigence de simplicité du mode de gestion.
L’assurance maladie a d’ores et déjà commencé à travailler avec les organismes complémentaires, et un rapport devrait vous être présenté le 31 octobre prochain – date qui a été fixée par le Parlement.
M. le coprésident Pierre Morange. Pour les forfaits, boîtes de médicaments et autres consultations…
M. François Fatome. L’article 18 prévoit un mécanisme de prélèvement sur compte bancaire, pour assurer la récupération des franchises ou participations forfaitaires.
M. le rapporteur. Pour le salarié qui part à la retraite, comment se passera le transfert de sa complémentaire santé ? On ne sait pas s’il gardera la même complémentaire ou s’il sera obligé de rentrer dans un système individuel.
Mme Joëlle Huillier. Selon la loi, les mutuelles qui faisaient partie de l’ANI, dans le cadre d’une mutuelle globalisée et collective, doivent proposer aux retraités de poursuivre leur contrat… mais sans doute pas au même tarif.
M. Thomas Fatome. Je confirme vos propos. Depuis la loi Évin, les organismes qui couvrent de façon collective les salariés sont obligés de proposer au retraité un contrat dont l’augmentation ne doit pas dépasser 50 % du coût du contrat global. Mais il faut savoir que celui-ci doit également prendre en charge la partie employeur qui était auparavant à la charge de son entreprise.
Un peu plus de 40 % des retraités qui le peuvent font ce choix. Un certain nombre décident de changer, soit d’assureur, soit de contrat. Il faut reconnaître que les contrats qui sont proposés à titre collectif en entreprise ne correspondent pas forcément à ce que les retraités recherchent.
Enfin, le Président de la République, au congrès de la Mutualité française de Nantes, s’est exprimé sur la nécessité d’améliorer l’attractivité de l’offre de contrats de sortie pour les retraités. Nous sommes en train de travailler pour rendre cette offre plus attractive et augmenter la part des retraités qui utilisent cette disposition.
M. le rapporteur. C’est un sujet difficile. Avant l’ANI, de nombreuses personnes en longue maladie – ALD (affections de longue durée) – ne prenaient plus de mutuelle complémentaire puisqu’ils étaient remboursés à 100 %. Mais un jour ou l’autre, s’ils doivent sortir du système des ALD, ils vont se retrouver sans mutuelle !
Par ailleurs, les salariés retraités seront obligés d’assurer le paiement de la part de l’employeur. L’augmentation de tarif les dissuadera peut-être de continuer à prendre une complémentaire santé. Cela m’inquiète.
M. le coprésident Pierre Morange. Où en est-on de la déclaration sociale nominative, ou DSN ? Est-ce que sa mise en place avance ? Quand serez-vous opérationnels ? Allez-vous respecter l’agenda qui avait été prédéfini ?
Ensuite, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) teste la valorisation foncière des systèmes assurantiels, notamment complémentaires. Or un certain nombre de rapports évoquent le fait que le patrimoine sur lequel ils sont assis – en valeurs diverses et variées, en placements financiers – pour assumer leur fonction assurantielle serait le double de ce qui est nécessaire. Le confirmez-vous ? Si oui, cela s’applique-t-il à l’ensemble du secteur mutualiste, mais aussi, de façon plus concrète et précise, au secteur étudiant ou au secteur des fonctionnaires ?
Enfin, a-t-on une connaissance plus fine du bilan patrimonial du secteur mutualiste ?
Mme Joëlle Huillier. Je remarque que l’ANI n’a rien à voir avec l’ALD. Et remarque surtout que ce n’est pas parce que l’on a l’ALD qu’il ne faut pas prendre de mutuelle. Si vous en bénéficiez en raison d’une insuffisance respiratoire, vous n’êtes pris en charge à 100 % que pour cette insuffisance respiratoire, mais pas pour d’autres problèmes de santé – par exemple, si vous vous cassez une jambe.
M. le rapporteur. Je faisais seulement un parallèle, pour mettre en avant le fait que de nombreuses personnes, qui pensent être à 100 %, ne prennent plus de mutuelle.
Mme Joëlle Huillier. Il faut vraiment les en dissuader.
M. le coprésident Pierre Morange. En effet, de nombreux patients en ALD estiment à tort qu’ils sont couverts à 100 % pour toutes les affections, et qu’ils n’ont plus de reste à charge à payer.
M. Thomas Fatome. S’agissant de la déclaration sociale nominative, je vous confirme que cela avance bien. Je n’ai pas les derniers chiffres, mais plusieurs dizaines de milliers d’entreprises se sont engagées dans l’étape 2…
M. le coprésident Pierre Morange. En pratique, quand le système sera-t-il opérationnel ?
M. Thomas Fatome. Le dispositif monte en charge, et la prochaine étape démarrera le 1er janvier 2016. Nous menons à bien, pas à pas, ce projet avec la maîtrise d’ouvrage et le GIP (groupement d’intérêt public) – MDS (modernisation des déclarations sociales).
M. le coprésident Pierre Morange. Vous pensez que ce sera prêt pour la fin 2016 ?
M. Thomas Fatome. C’est notre objectif. Mais nous sommes attentifs à ce que chacune des étapes de « go-no go », comme disent les informaticiens, soit respectée. Nous avons réalisé différents audits de sécurisation avec la direction des systèmes d’information de l’État.
M. le coprésident Pierre Morange. Si je posais la question, c’est que dans le texte sur les retraites, les disposions relatives au compte pénibilité impliquent que la déclaration sociale nominative soit opérationnelle.
À propos du compte pénibilité, j’ai constaté avec satisfaction qu’à la suite de mes observations, le texte avait été quelque peu modifié. Il faut dire qu’il n’était pas raisonnable de faire gérer ce compte pénibilité par la Caisse des dépôts et consignations, et qu’il fallait le rapatrier vers l’assurance vieillesse, qui est la seule à disposer, et du fichier, et du savoir-faire.
Donc, le système serait opérationnel à la fin de 2016 ?
M. Thomas Fatome. Dans tous les cas, nous avançons étape par étape.
M. le coprésident Pierre Morange. Mieux vaut avancer lentement, mais de façon efficace et méthodique.
M. Thomas Fatome. S’agissant de l’ACPR et du patrimoine foncier des mutuelles, je n’ai pas d’information spécifique. Tout ce que je peux répondre, c’est que ces mutuelles, comme les autres organismes complémentaires, sont soumises aux exigences prudentielles dites de « Solvabilité II », qui a justifié récemment un important travail de transposition en droit français.
M. le coprésident Pierre Morange. Justement, nous savons que la réforme « Solvabilité II », issue de « Bâle II », définit un certain nombre de critères. Pourriez-vous faire quelques recherches sur le sujet, afin de confirmer ou infirmer les chiffres qui nous ont été cités ? Est-ce que le secteur assurantiel – et donc mutualiste – possède effectivement un patrimoine double du nécessaire, ou n’est-ce qu’une légende qu’il importe de dénoncer ?
M. Thomas Fatome. Nous allons le vérifier.
M. le coprésident Pierre Morange. Je vous remercie.
Audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, Mme Christine Jouhannaud, directrice du département Protection sociale, travail et emploi, M. Adrien Cagniard, chargé de mission au pôle Protection sociale et solidarité, et Mme France de Saint Martin, chargée des relations avec les élus
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Monsieur le Défenseur des droits, je vous remercie d’avoir répondu favorablement à notre invitation. La MECSS mène une mission d’information sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles, parmi lesquels les mutuelles étudiantes, mais également celles de la fonction publique.
M. le coprésident Pierre Morange. Le sujet a défrayé la chronique et suscité nombre de rapports. La Cour des comptes s’est notamment penchée sur la question. Je vous remercie, monsieur le Défenseur des droits, d’avoir bien voulu vous prêter à cette audition et vous prie d’excuser la coprésidente de la MECSS, Mme Gisèle Biémouret, qui n’a pu être présente.
En mai 2015, vous avez rendu un rapport intitulé « Accès des étudiants aux soins : leur protection sociale est-elle à la hauteur des enjeux ? » dans lequel vous analysez plus d’un millier de témoignages et formulez plusieurs préconisations. Nous souhaiterions en avoir une présentation synthétique.
M. le rapporteur. Dès les premières phrases du résumé de ce rapport récent, vous indiquez avoir reçu des « réclamations » de la part des étudiants ou de leurs familles et constaté l’existence de « sérieuses défaillances » dans ce système. Vous poursuivez en pointant les « ruptures de droits » à la sécurité sociale qui « ne sont pas anodines » et qui « aboutissent à des situations de renoncement aux soins de la part des étudiants ». Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les mutuelles étudiantes et à quels dysfonctionnements donnent-elles lieu ? Que préconisez-vous pour y remédier ?
M. Jacques Toubon, Défenseur des droits. Je suis très sensible au fait que vous ayez pris en considération le travail effectué par le Défenseur des droits. Après avoir reçu de nombreuses réclamations, nous avons lancé un appel à témoignages, nous inspirant de ce que nous avions fait il y a quelques années sur la question de l’accès aux cantines scolaires. La synthèse des témoignages recueillis entre fin 2014 et février 2015 a donné lieu à un travail qui traduit ce qui nous a été communiqué.
Les principales difficultés – et les principales recommandations, car les deux sont liées – sont de deux types : il faut d’une part s’interroger sur l’effectivité de l’accès des étudiants aux droits sociaux, et de l’autre, se demander, si du fait de la gestion particulière de leurs mutuelles, les étudiants bénéficient de moins de droits que les autres assurés sociaux.
En matière d’effectivité de l’accès aux droits, les difficultés renvoient d’abord au processus d’affiliation – l’entrée dans le système de la protection sociale –, marquée par des délais trop longs, des ruptures du parcours de soins coordonnés qui aboutissent à des sanctions injustifiées pour les étudiants et à la situation préoccupante des étudiants atteints d’affections de longue durée (ALD). Ensuite, il existe des défaillances dans la gestion de ces mutuelles : production de cartes Vitale inutilisables, retards de remboursements et risques particuliers pour les étudiants étrangers ou les étudiants français à l’étranger. L’effectivité des soins n’est donc pas toujours assurée dans la mesure où le processus d’affiliation des étudiants à leur sécurité sociale propre est émaillé de ruptures de droits totales ou partielles.
Je recommande tout d’abord aux mutuelles étudiantes de mettre en œuvre toute solution permettant d’améliorer les délais d’affiliation des étudiants à la sécurité sociale. L’affiliation court normalement du 1er octobre d’une année au 30 septembre de l’année suivante et doit être renouvelée chaque année. Il ressort de l’examen des réclamations et de l’appel à témoignages que nous avons lancé que les mutuelles étudiantes ne sont pas en mesure d’affilier l’ensemble des étudiants à leur sécurité sociale au 1er octobre. Certains étudiants attendent même parfois plusieurs mois avant d’obtenir leur affiliation. Or un étudiant non affilié se trouve en rupture de droits à la sécurité sociale : il ne pourra pas obtenir le remboursement de ses dépenses de santé, ni se servir de sa carte Vitale, ni bénéficier du tiers payant, ni obtenir la délivrance d’une attestation de droits à la sécurité sociale – document qui lui sera demandé lorsqu’il fera des stages dans le cadre de son cursus universitaire. Il s’agit donc d’un défaut majeur et il faut parvenir à faire respecter la date du 1er octobre.
Le non-respect du parcours de soins coordonnés conduit également les étudiants à être injustement sanctionnés. Nous recommandons donc d’assurer l’effectivité de la transmission des informations relatives à l’étudiant au moment du transfert de son dossier, notamment en matière de déclaration de médecin traitant et surtout en cas d’ALD. Le parcours de soins coordonnés impose de déclarer son médecin traitant ; or selon une circulaire de la direction de la sécurité sociale (DSS), si l’étudiant l’avait déjà fait auprès du régime de sécurité sociale dont il dépendait avant le début de ses études, il appartient à la mutuelle – qu’on appelle « caisse prenante » – d’aller chercher elle-même cette information auprès de la « caisse cédante », sans solliciter l’intervention de l’assuré. L’appel à témoignages a révélé qu’à peu près 20 % des étudiants avaient éprouvé des difficultés à déclarer leur médecin traitant auprès de leur mutuelle – fait que confirment les dossiers de réclamation dont nous disposons. Soit la mutuelle ne prend pas en compte, au moment de la mutation entre les régimes, la déclaration de médecin traitant déjà effectuée par l’étudiant auprès de sa précédente caisse de sécurité sociale, en méconnaissance de la circulaire, soit elle égare ou ne prend pas en compte la déclaration que lui communique l’étudiant. Celui-ci n’est alors plus considéré comme respectant le parcours de soins coordonnés et subit donc des sanctions telles que la minoration du montant de ses remboursements.
La situation des étudiants atteints d’ALD est particulièrement préoccupante. Ces étudiants bénéficient évidemment, comme tout autre assuré dans ce cas, de la prise en charge à 100 % et du tiers payant – dispositifs indispensables. Mais pour faire valoir leurs droits, ils doivent être affiliés sans retard à leur sécurité sociale. Or d’une part, ces étudiants pâtissent des retards d’affiliation déjà mentionnés et s’ils ne sont pas affiliés en temps utile, ils se trouvent privés de tout droit à la sécurité sociale, ce qui est dramatique lorsqu’on est atteint d’une ALD. Ils doivent soit payer eux-mêmes pour leurs soins, soit renoncer à se soigner. D’autre part, ils se voient souvent délivrer par erreur une attestation de droits à la sécurité sociale classique et non une attestation spécifique ALD ; ils se retrouvent alors en rupture partielle de droits. Ainsi, ils ne bénéficient pas du tiers payant et doivent demander le remboursement de leurs frais par un formulaire papier.
En matière de gestion de l’assurance maladie et maternité des étudiants, les défaillances sont également persistantes. Il a été beaucoup question dans la presse des cartes Vitale inutilisables. À seize ans, tout assuré social se voit délivrer une carte Vitale qui a vocation à être conservée tout au long de l’affiliation à la sécurité sociale, même en cas de changement de régime. Les assurés qui entrent dans le régime étudiant devraient normalement effectuer une simple mise à jour de leur carte – des machines sont disponibles à cet effet dans les pharmacies – de manière à être pris en charge à partir du 1er octobre. En réalité, les mutuelles étudiantes peinent à exploiter les cartes Vitale dont disposent les étudiants et invitent ceux-ci à s’en faire établir de nouvelles. Les 1 500 réponses recueillies au travers de l’appel à témoignages – un échantillon conséquent même si non statistiquement représentatif – révèlent que 36 % des personnes ayant répondu ont éprouvé des difficultés pour obtenir une carte Vitale opérationnelle, et les réclamations individuelles confirment ce constat. Cela conduit à une inflation des démarches administratives : l’étudiant doit transmettre un formulaire, une photographie, une copie de sa pièce d’identité, etc. Dans l’attente de sa nouvelle carte, il doit demander le remboursement de ses soins de santé à l’aide de formulaires papier, avec toutes les difficultés que cela implique ; il ne peut pas bénéficier du tiers payant, ce qui constitue une circonstance aggravante lorsqu’il souffre d’une ALD ou bien lorsqu’il est bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C).
Les retards de remboursement, pénalisants pour les étudiants et les professionnels de santé, représentent un autre point préoccupant. Ainsi, 57 % des étudiants qui ont répondu à l’appel à témoignages avaient souffert de difficultés dans ce domaine. La carte Vitale permet d’être remboursé dans un délai de cinq jours ; en son absence, les étudiants sont obligés d’utiliser des formulaires papier et les délais s’allongent. Les réclamations individuelles portent bien souvent sur l’absence de remboursement à la suite de la transmission de ces formulaires. En effet, le caractère automatique des remboursements via la carte Vitale est un système plus efficace. Les étudiants sont donc pénalisés, s’agissant du remboursement de leurs dépenses, à la fois par le retard de leur affiliation et – lorsqu’ils sont affiliés – par celui de la possibilité d’utiliser une carte Vitale. Cela touche également les professionnels de santé qui doivent faire, à la demande des étudiants, de la paperasse supplémentaire, alors que leur relation avec les patients devrait porter sur des questions médicales. En effet, l’étudiant sera obligé de les solliciter pour obtenir des duplicatas de prescriptions ou de feuilles de soins égarées par la mutuelle. Certains professionnels de santé refusent d’accorder le bénéfice du tiers payant aux étudiants, compte tenu des difficultés qu’ils éprouvent à obtenir le paiement de leurs prestations de la part des mutuelles. Ce problème est, là encore, particulièrement aigu pour les étudiants atteints d’ALD et les bénéficiaires de la CMU-C.
Enfin, la gestion de ces mutuelles présente des risques particuliers pour les étudiants étrangers ou en formation à l’étranger. Nous recommandons d’assurer le traitement rapide des demandes de cartes européennes d’assurance maladie (CEAM) et, dans l’attente, de délivrer sans délai une attestation provisoire de droits. Nous préconisons également de mettre en œuvre un dispositif spécifique d’information à l’intention des étudiants étrangers hors Union européenne qui souhaitent s’affilier à la sécurité sociale, compte tenu de la complexité et du coût des démarches qu’ils doivent réaliser à cette fin. Les étudiants français qui partent à l’étranger se heurtent à des difficultés pour obtenir la CEAM ; quant aux étudiants étrangers qui viennent étudier en France, ils doivent se faire immatriculer – c’est-à-dire se faire délivrer un numéro de sécurité sociale – avant de pouvoir s’affilier à la sécurité sociale étudiante. Pour y parvenir, ils doivent traduire des documents, apostiller ou légaliser leur pièce d’état civil ; ces procédures sont longues et complexes, et l’immatriculation de l’étudiant étranger se produit parfois alors qu’il a déjà quitté l’établissement français où il a étudié ! Pendant toute cette période, ces étudiants sont bien entendu en rupture de droits à la sécurité sociale, ce qui est inadmissible.
Ces difficultés en matière d’affiliation et de gestion de ces mutuelles montrent que l’effectivité des droits est loin d’être toujours assurée. Reste à se demander si, en tant qu’usager du service public de la sécurité sociale, l’étudiant affilié à une mutuelle étudiante bénéficie de moins de droits que les autres assurés sociaux. D’abord, contacter sa mutuelle représente une opération pleine d’embûches : les réponses sont insuffisantes et le contrôle des décisions, mal assuré ; les étudiants ignorent de quelles voies de recours ils disposent. Ensuite, l’information des étudiants sur leurs droits à la sécurité sociale n’est pas satisfaisante : l’information institutionnelle est variable et lacunaire ; de plus, on ne peut que s’interroger sur la compatibilité entre la mission de service public confiée à ces mutuelles et les activités marchandes qu’elles sont par ailleurs autorisées à réaliser.
Tout d’abord, les réponses apportées par les mutuelles ne sont pas à la hauteur des attentes des étudiants, tant sur le plan quantitatif – leurs démarches restent trop souvent sans réponse ou non suivies d’effet, l’étudiant ne recevant qu’une réponse automatique – que sur le plan qualitatif. Le constat reste le même quels que soient les moyens de communication utilisés par l’étudiant : appel téléphonique, visite à une agence, courriel ou courrier postal. De nombreux étudiants nous indiquent que leurs interlocuteurs au téléphone disposent d’un accès très limité à leur dossier et ne sont donc pas en mesure de les renseigner. Les échanges de pièces qui s’effectuent entre les étudiants et les mutuelles concernent régulièrement des documents originaux : prescriptions, feuilles de soins, déclaration de médecin traitant. Or lorsque ces derniers sont égarés, il est particulièrement difficile à l’étudiant de prouver leur envoi ; dès lors, il doit s’en procurer de nouveaux, en sollicitant le professionnel de santé. Ainsi, une des mutuelles concernées envoie systématiquement ce courriel aux étudiants qui se manifestent après qu’une première demande de remboursement est restée sans réponse : « Nous vous invitons à bien vouloir patienter pendant un délai de quinze jours. Au-delà de ce délai, si vous ne constatez aucun remboursement de notre part, nous vous invitons à nous faire parvenir un duplicata de vos feuilles de soins, à réclamer auprès du professionnel de santé ayant émis l’original. » Kafka n’est pas loin ! La mutuelle ne remplit pas ses obligations et demande à l’étudiant de faire son travail à sa place. C’est pourquoi nous préconisons, dans notre recommandation n° 7, d’engager une réflexion sur la possibilité de remettre aux étudiants un récépissé sous forme papier ou électronique, attestant des démarches accomplies par téléphone ou par une visite en agence. Il serait souhaitable d’étendre ce récépissé aux envois de demandes de remboursement de soins. Notre recommandation n° 8 – renforcer la formation du personnel des mutuelles étudiantes pour améliorer significativement la qualité des réponses apportées – devrait répondre à cette même difficulté.
Le contrôle hiérarchique ou juridictionnel des décisions prises par les mutuelles représente un autre sujet important. L’information en matière de voies de recours s’avère insuffisante et doit être développée. Dans les régimes de sécurité sociale classiques, tels que le régime général, le régime social des indépendants (RSI) ou la mutualité sociale agricole (MSA), les assurés peuvent saisir une commission de recours amiable au niveau de la caisse, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS). Parmi les étudiants qui ont répondu à l’appel à témoignages, 84 % indiquent qu’aucune information ne leur a été délivrée en matière de voies et délais de recours pour contester une décision de rejet prise par la mutuelle, dont ils auraient fait l’objet. Par ailleurs, il semblerait que les mutuelles étudiantes ne gèrent pas elles-mêmes leurs contentieux, mais les délèguent aux caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) de leur ressort. Il ne s’agit pas de judiciariser tous les conflits qui peuvent survenir, mais d’informer sur les voies de recours et de créer un dispositif efficace qui permettrait aux étudiants, lorsqu’aucune réponse ne leur est apportée ou lorsque celle-ci n’est pas suivie d’effet ou qu’elle est négative, d’engager une action auprès d’un tiers afin d’obtenir rapidement le traitement de leur dossier. Il faudrait trouver un moyen d’instaurer une médiation.
De même, l’information des étudiants sur leurs droits à la sécurité sociale est particulièrement lacunaire, et quelquefois inexistante. Cela concerne en particulier les nombreux étudiants qui exercent une activité professionnelle parallèlement à leurs études et ceux qui se trouvent en fin de cursus universitaire. La gestion du dossier d’un étudiant à la sécurité sociale étudiante implique plusieurs intervenants : l’université, au moment de leur inscription, les mutuelles, au moment de leur affiliation, les CPAM, tout au long de la période de couverture, et les Urssaf qui sont compétentes pour les remboursements de cotisations de sécurité sociale étudiante. Les difficultés en matière d’information ont principalement été relevées au moment de l’affiliation, en sortie de régime – à la fin des études – et pour les étudiants qui exercent une activité professionnelle.
Tout d’abord, les étudiants éligibles aux aides sociales – telles que la CMU-C ou l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) – ne bénéficient pas d’une information suffisante. Ils doivent adresser leur demande de CMU-C à une CPAM qui n’est pas leur interlocuteur habituel ; de plus, compte tenu de la complexité de ces dispositifs, ni les services d’inscription universitaires ni les mutuelles étudiantes ne semblent en mesure d’assurer une information de qualité en la matière. Cette absence d’interlocuteur identifié et compétent représente un facteur aggravant du taux de non-recours à la CMU-C et à l’ACS. Le non-accès et le non-recours aux droits constituent un des chevaux de bataille du Défenseur des droits ; nous essayons de mesurer et de corriger, par une action de promotion, l’écart qui existe entre les droits, le recours aux droits et l’effectivité des droits. Vous rencontrez certainement cette difficulté dans vos circonscriptions.
M. le coprésident Pierre Morange. En effet, M. le Premier président de la Cour des comptes a rappelé ce matin que l’écart entre la population éligible à ces aides et celle qui en est bénéficiaire se chiffre en centaines de milliers, voire en millions.
Ce cahier de doléances que vous avez établi peut potentiellement donner lieu à des recours par la voie procédurale ; avez-vous des données statistiques sur le nombre de saisines des TASS ?
Vos observations sur les mutuelles étudiantes rejoignent celles de la Cour des comptes qui pointe une qualité de service dégradée et des coûts de gestion disproportionnés. Les étudiants – notamment atteints d’ALD – vivent des situations dramatiques, marquées par le retard de soins et l’absence de prise en charge thérapeutique. Cette perte de chances de traitement médical nécessaire a-t-elle abouti à des contestations plus lourdes que les saisines des TASS ? En effet, la situation semble explosive !
M. Jacques Toubon. La Haute Autorité de santé (HAS) dispose peut-être d’éléments statistiques sur ces recours ; quant à nous, nous n’avons pas eu connaissance de procédures juridictionnelles, au civil ou au pénal, engagées antérieurement ou postérieurement à la réalisation d’un dommage. Toutefois, je considère à titre personnel que s’il y a une époque de la vie où l’on doit prendre soin de sa santé, c’est bien l’adolescence et la jeunesse. En effet, même si les plus grands consommateurs de soins et de médicaments sont les personnes âgées, c’est entre quinze et vingt-cinq ans que l’on constitue le socle de sa santé pour le reste de sa vie. Laisser, du fait de ces difficultés, des filles et des garçons sans soins ou sans prévention, c’est prendre un risque pour leur santé future. Notre réflexion, qui porte sur les droits, renvoie donc à une question de santé publique qui aura un jour des conséquences sur les comptes de la sécurité sociale.
Pour revenir à mon propos, à la sortie du régime étudiant, les difficultés sont les mêmes qu’à l’affiliation : le 30 septembre, les étudiants ne reçoivent aucune information sur le fait qu’ils quittent un régime particulier et doivent s’affilier au régime correspondant à leur activité professionnelle nouvelle ou à une CPAM de leur ressort si leur activité professionnelle est insuffisante ou s’ils sont au chômage. Après avoir connu une situation de rupture de droits à cause du retard de leur affiliation, ces étudiants se trouvent à nouveau en rupture de droits parce qu’à la sortie du régime étudiant, ils ne s’affilient pas à un autre régime. Notre recommandation n° 10 consiste donc à réclamer une information complète dans ce domaine.
Les étudiants qui exercent une activité professionnelle en parallèle sont en principe exonérés de la cotisation de sécurité sociale étudiante lorsqu’ils sont pris en charge par le régime correspondant à leur emploi. Mais cette exonération n’est possible que si l’étudiant est en contrat à durée indéterminée ou s’il bénéficie d’un contrat courant exactement du 1er octobre au 30 septembre – la période de couverture de la sécurité sociale étudiante. Dans tous les autres cas – un contrat à durée déterminée inférieure à la durée de la couverture étudiante –, ils doivent faire l’avance de leur cotisation d’assurance maladie, puis en demander le remboursement à l’issue de l’année universitaire. Pour cela, ils doivent fournir divers documents à leur mutuelle qui leur délivre alors une attestation de radiation. L’étudiant doit ensuite transmettre ce document à l’Urssaf qui procède au remboursement de la cotisation. Or, s’il existe une information à destination des étudiants salariés – qui relèvent du régime général – sur la procédure à suivre pour demander ce remboursement, aucune information n’est mise à disposition de ceux qui ne relèvent pas du régime général, à l’instar des assistants d’éducation, affiliés à la MGEN, ou des étudiants relevant du RSI (régime social des indépendants). Cette situation est naturellement source de difficultés.
La dernière question est celle de la double activité des mutuelles étudiantes : investies d’une mission de service public – gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie pour les étudiants –, elles proposent également des produits complémentaires qui relèvent d’activités marchandes. Nous recommandons évidemment de garantir que l’exercice de ce type d’activités n’altère pas la qualité des informations délivrées aux étudiants sur leurs droits à la sécurité sociale, notamment lorsqu’ils bénéficient déjà d’une assurance santé complémentaire en qualité d’ayants droit ou lorsqu’ils sont éligibles à la CMU-C.
Les mutuelles proposent des assurances santé complémentaires facultatives, mais aussi des assurances habitation, des assurances pour les voitures ou pour les scooters. D’après l’appel à témoignages, 55 % des étudiants se seraient vu proposer un contrat d’assurance santé complémentaire par une mutuelle. Beaucoup d’entre eux considèrent les pratiques commerciales des mutuelles comme agressives. La DSS (direction de la sécurité sociale) a d’ailleurs rappelé aux établissements d’enseignement supérieur de veiller « à ce que la pluralité des mutuelles ne conduise pas à des pratiques contraires aux intérêts des étudiants, notamment à l’exercice simple et rapide de leurs droits », preuve du caractère réel du problème.
Deuxième préoccupation : les mutuelles étudiantes pourraient abuser de leur position d’organisme chargé de la gestion d’un régime obligatoire d’assurance maladie afin de commercialiser leurs contrats d’assurance santé complémentaires facultatifs en laissant entendre aux étudiants que leur souscription serait obligatoire.
Enfin, il apparaît légitime de s’interroger sur la qualité des informations délivrées aux étudiants dans la mesure où durant la période des inscriptions universitaires – juillet, septembre et octobre –, les mutuelles recrutent des salariés en contrat temporaire, dont les compétences en matière de sécurité sociale peuvent être limitées. La volonté de ces employés de commercialiser un maximum de contrats d’assurance santé complémentaire pourrait les conduire à négliger l’information des étudiants sur le régime de base, à faire souscrire des contrats inutiles à ceux qui bénéficieraient déjà d’une assurance santé complémentaire ou encore à négliger l’information des étudiants les plus fragilisés, qui pourraient éventuellement bénéficier de la CMU-C.
À la suite de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, puis de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, la couverture en matière d’assurance maladie complémentaire devrait être étendue. Dans cette perspective, les étudiants deviendraient alors les ayants droit de leurs parents. La souscription d’une assurance complémentaire auprès d’une mutuelle étudiante deviendrait alors inutile.
Comment expliquer ces défaillances ? D’après nos informations, la réglementation n’est pas en cause. Les difficultés relèvent des retards – d’affiliation ou de délivrance de cartes Vitale –, mais les règles relatives à la sécurité sociale des étudiants, si elles sont appliquées correctement et en temps opportun, ne paraissent pas en elles-mêmes fautives. C’est leur mise en œuvre qui doit retenir notre attention. La priorité absolue doit être donnée au processus d’affiliation et à la mise à jour des cartes Vitale. Si l’affiliation se fait au 1er octobre et que les cartes sont délivrées ou mises à jour dans les délais, la plus grande partie des difficultés disparaîtra.
Enfin – question plus politique –, quelles seraient les évolutions nécessaires si le système particulier en place pour le régime de la sécurité sociale étudiante était maintenu ? Il ne m’appartient pas de prendre parti dans ce débat ; nos préconisations peuvent orienter les solutions, mais c’est au Gouvernement et au Parlement, à la suite de votre mission, de décider s’il convient de les rattacher au régime général, ou au système de sécurité sociale de leurs parents. Cette dernière solution posera toutefois la question du droit à la confidentialité – domaine où nous avons récemment obtenu des progrès pour les adolescents atteints du VIH.
Vous m’avez également demandé ma position sur la reprise de la gestion de la LMDE par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). La question excède le champ de mes compétences, mais je me demande pourquoi, dans ce cas, la CNAMTS n’a pas repris toutes les activités de la LMDE, et en particulier la mission d’affiliation des étudiants – un point pourtant particulièrement problématique ? La mission d’information devrait y réfléchir.
S’agissant de l’information des étudiants sur le système de sécurité sociale, la création du portail de la vie étudiante (PVE) dans le cadre du Plan national de vie étudiante apparaît comme une mesure positive. Elle permettra de délivrer aux étudiants une information centralisée, coordonnée et indépendante des mutuelles.
Comment homogénéiser sur l’ensemble du territoire la procédure d’affiliation des étudiants ? Cette procédure utilise des données collectées par les services d’inscription des établissements d’enseignement supérieur, soit sous forme papier, par l’intermédiaire du formulaire Cerfa « Déclaration en vue de l’affiliation à la sécurité sociale des étudiants », soit sous forme dématérialisée, les établissements rassemblant des informations relatives à leurs étudiants dans des fichiers informatiques qui sont ensuite transmis aux mutuelles. Celles-ci ne font donc qu’une partie du travail, l’établissement vérifiant notamment que l’étudiant est inscrit à la sécurité sociale étudiante. Confier cette gestion aux mutuelles pour décharger les services des inscriptions des universités de cette partie du processus d’affiliation reviendrait à dissocier inscription et affiliation à la sécurité sociale, augmentant le risque de voir certains étudiants privés de couverture. En effet, l’inscription représente une sorte de verrou qui sauterait si l’on dissociait les deux opérations, remettant aux mutuelles la totalité du processus d’affiliation. Mais ce n’est naturellement pas à moi de me prononcer sur l’option à privilégier. Pour citer Stendhal, ce sont de « petits faits vrais », mais je ne saurais dépasser ma mission.
L’existence, l’égalité et l’effectivité des droits représentent une priorité fondamentale pour le Défenseur des droits : tout un chacun doit être affilié à la sécurité sociale et bénéficier de ses prestations, en particulier en cas de maladie. La distance entre le droit et la réalité est cependant source d’une grande préoccupation dont je ferai prochainement état dans un rapport sur la situation des droits des étrangers en France, notamment par rapport à l’accès aux soins.
M. le rapporteur. Votre analyse, fondée sur les 1 500 témoignages que vous avez reçus, est claire et concrète. Vous avez répondu à toutes les questions et en tant que rapporteur, je reprendrai certaines de vos recommandations dans notre rapport.
Seule petite question pratique : votre recommandation n° 7 concerne le problème du récépissé. Lorsqu’on reçoit la carte Vitale, elle est accompagnée d’un document qui reprend des informations sur l’assuré. Les étudiants ne le recevaient-ils pas ?
M. Adrien Cagniard, chargé de mission au pôle Protection sociale et solidarité. L’attestation d’affiliation, document qui acte l’ouverture des droits à la sécurité sociale de l’étudiant, est à distinguer de la carte Vitale qui permet les échanges dématérialisés. Quant au récépissé, il devrait être délivré aux étudiants à l’occasion de leurs démarches, en particulier de réclamation. Cela permettrait que leurs lettres ne soient pas perdues et qu’ils reçoivent une réponse rapide – une nécessité compte tenu de l’urgence de l’accès aux soins.
M. Jacques Toubon. L’idée est d’éviter à tout prix les ruptures de droits. Lorsque je perds ma carte d’identité et que j’en demande une autre, on me donne un récépissé pour que je puisse, en cas de contrôle, attester de cette démarche. L’étudiant devrait toujours disposer d’un justificatif lui permettant de ne pas connaître de ruptures dans la prise en charge de ses soins.
M. Christophe Premat. Je me permets d’intervenir alors que je ne fais pas partie de la MECSS. La question des étudiants étrangers a été abordée lors de l’examen du projet de loi relatif au droit des étrangers ; victimes de précarité administrative, ceux-ci doivent bénéficier d’une information à un stade précoce de leur parcours. Vos propositions sur la dissociation entre affiliation et inscription, et en amont, la mobilisation des opérateurs tels que Campus France permettraient de simplifier les choses.
Cet été, Mme Hélène Conway-Mouret a remis au Premier ministre un rapport sur le retour en France de Français ayant résidé à l’étranger. La plupart d’entre eux ont du mal à retrouver rapidement leurs droits à la sécurité sociale puisqu’ils perdent leur carte Vitale lorsqu’ils partent à l’étranger, et quand ils reviennent, ils se voient imposer un délai de trois mois pour bénéficier à nouveau de l’assurance maladie. Je suis souvent sollicité dans ma permanence à ce sujet. Est-il possible de recommander de créer une dérogation afin de réduire ce délai ? Ce rapport pointe la rupture des droits et la précarisation – même courte – qui en résulte. En effet, l’affiliation à la sécurité sociale conditionne la réinscription à l’université pour les étudiants qui ont résidé à l’étranger et qui reviennent pour finir leur parcours universitaire.
M. Jacques Toubon. Merci, j’en prends note !
M. le coprésident Pierre Morange. Nous aurons certainement le plaisir, monsieur le Défenseur des droits, de vous inviter à vous exprimer sur d’autres thèmes devant cette mission.
M. Jacques Toubon. Je suis à votre disposition dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Chaque année, nous formulons des recommandations ; en effet, 40 % des 73 000 dossiers que j’ai instruits en 2014 portent sur la protection sociale. Seul écueil : on me répond systématiquement que mes propositions sont onéreuses, alors que les lois de financement de la sécurité sociale recherchent des économies…
M. le coprésident Pierre Morange. Après cette mission, la MECSS se penchera sur le sujet de l’hospitalisation à domicile. Au deuxième trimestre 2016, une mission dont je serai le président rapporteur portera sur l’open data, un milliard et demi de données de santé contenues dans les fichiers de l’assurance maladie, qui seront multipliées par cinquante au travers des objets connectés – une véritable bombe à retardement. La démarche commerciale des mutuelles, que vous évoquez, s’inscrit aussi dans cette logique.
M. Jacques Toubon. Ayant travaillé avec M. Thierry Mandon lorsqu’il était secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification, je conclurai en rappelant que nous pouvons vous apporter des éléments en matière de médiation avec les services publics.
Audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Clélia Pienne, conseillère auprès du directeur général, Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique, et M. Éric Le Boulaire, directeur de la direction déléguée aux opérations ; M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires ; M. Gérard Quevillon, président du Régime social des indépendants (RSI), M. Stéphane Seiller, directeur général, et M. Olivier Maillebuau, attaché de direction en charge des relations parlementaires
M. Jean-Pierre Door, président, rapporteur. Mesdames, messieurs, nous vous avons invités il y a déjà quelques semaines, après que les difficultés de gestion de certaines mutuelles, en particulier des mutuelles étudiantes, nous eurent incités à prendre l’initiative de cette mission d’information. Or l’Assemblée nationale débat en ce moment en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 et nous avons découvert, à l’article 39, que le Gouvernement modifiait les conditions de la délégation de gestion des mutuelles. Nous nous demandons donc s’il est bien utile de poursuivre nos travaux, puisque le dispositif devrait être adopté dans les semaines qui viennent.
Monsieur Nicolas Revel, quel regard portez-vous sur les régimes spécifiques de l’assurance maladie obligatoire, qu’il s’agisse des mutuelles de fonctionnaires ou des mutuelles étudiantes ? Quelles réformes peut-on imaginer ? Quelles économies potentielles peuvent être envisagées ? Enfin, que pensez-vous de l’article 39 du PLFSS ?
M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). La Caisse d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) est un établissement public administratif de l’État. À ce titre, elle n’a pas vocation à faire des propositions pour reconfigurer le paysage, et a fortiori des propositions d’ordre législatif. Je vous demande par avance de nous pardonner si nous limitons notre propos à des observations qui se situent dans notre périmètre de gestion tel que défini par la loi. Il me semble qu’il appartient au Gouvernement et au législateur de se saisir des sujets plus fondamentaux concernant l’évolution du cadre législatif.
Les régimes spécifiques – fonctionnaires et étudiants – concernent 8 millions d’assurés, pour un total de 8,5 milliards de prestations en nature et un coût de gestion d’un peu plus de 350 millions d’euros. Ces trois chiffres ne sauraient masquer les situations différentes des mutuelles étudiantes, d’une part, et des mutuelles de fonctionnaires, d’autre part.
Entre les mutuelles étudiantes elles-mêmes, les modalités de gestion sont très différentes. Alors que les sociétés mutualistes étudiantes régionales (SMER) du réseau national emeVia – SMEREP, SMERAG, etc. – continuent de gérer leurs assurés selon les schémas qui prévalaient jusqu’à présent, la Mutuelle des étudiants (LMDE), qui compte 900 000 affiliés, s’inscrit, depuis le 1er octobre dernier, dans le cadre d’un partenariat avec l’assurance maladie, à laquelle a été confiée une partie importante de la gestion du régime obligatoire. Ainsi, la gestion de la LMDE a été réintégrée au régime général.
Le régime des fonctionnaires offre un paysage bien différent, avec des modalités de gestion elles-mêmes très variées, selon qu’on est en section locale mutualiste ministérielle (SLM), en section locale mutualiste interministérielle (SLI) ou qu’il s’agit de mutuelles relevant de l’article L. 211-4 du code de la sécurité sociale et qui représentent 1 million d’assurés. En outre, depuis le 1er avril dernier, certaines SLI regroupées autour de MFP Services se sont adossées au régime général pour lui confier une prestation d’infogérance, tandis qu’un opérateur important, la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN), continue de gérer globalement ses affiliés.
On le voit, les modes d’organisation et de gestion sont donc très différents : les niveaux de partenariat ou de rapprochement dans la gestion du régime obligatoire entre ces opérateurs et le régime général connaissent des variations allant de l’absence de tout partenariat jusqu’à une intégration très forte.
En ce qui concerne les marges d’amélioration, il faut se poser deux questions. D’une part, les modalités de gestion du régime obligatoire assurent-elles aujourd’hui une bonne qualité de service aux assurés ? Les ratios de coûts de gestion des régimes sont-ils aussi serrés que possible ?
Pour ce qui est de la qualité de gestion, ma réponse sera forcément nuancée. Du côté des régimes étudiants, un opérateur important, la LMDE, a rencontré des difficultés objectives qui se sont traduites par une dégradation de sa qualité de service, reconnue par la mutuelle elle-même, qui a souhaité s’adosser au régime général. Je ne dispose pas d’éléments me permettant d’évaluer la qualité de service des autres mutuelles étudiantes. Vous aurez probablement l’occasion d’approfondir vous-mêmes cette question avec elles. Il est à noter que, dans le cadre de ces régimes, les changements de situation des assurés (mutations inter-régime) peuvent entraîner une suspension provisoire des droits des étudiants.
Nous avons donc repris la gestion de la LMDE depuis le 1er octobre. Nous travaillons à retrouver une qualité de service tant pour le traitement des prestations que pour les réponses aux questions des assurés dans le cadre de nos accueils et de nos plateformes téléphoniques. La CNAMTS, fortement mobilisée, est en passe d’atteindre les objectifs de critères de qualité sur lesquels elle s’est engagée.
En ce qui concerne les mutuelles de fonctionnaires, le modèle de gestion intégrée présente un double intérêt pour les assurés, auxquels il offre une prestation complète permettant de gérer leurs remboursements tant au titre du régime obligatoire que du régime complémentaire.
Comme tous les gestionnaires du régime obligatoire, les mutuelles, confrontées aux exigences de qualité et à la mobilisation des gains d’efficience, connaissent une évolution des frais de gestion, qui se traduit par un ajustement ou une évolution des remises de gestion qui leur sont versées dans le cadre des contrats de quatre ans que nous signons avec elles. Nous les incitons ainsi à réduire leurs dépenses de fonctionnement, ce qui met forcément sous tension certaines fonctions, telle la fonction informatique. Quelques mutuelles se sont d’ailleurs dirigées vers une solution d’infogérance permettant de s’adosser au système d’information du régime général : ainsi, elles font l’économie de divers investissements ou coûts de maintenance.
M. le coprésident Pierre Morange. L’intervention de M. le directeur général a bien posé le débat et ne remet aucunement en cause la poursuite de nos travaux. Ceux-ci nous permettront d’affiner, dans le cadre général défini par l’article 39 du PLFSS, un double questionnement exposé par la Cour des comptes, les rapports de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et de l’IGF (Inspection générale des finances) qui soulignaient à la fois la médiocre qualité du service fourni par certaines mutuelles et des coûts de gestion excessifs.
Dans vos réponses au questionnaire que nous vous avons adressé, vous écrivez que « la charge de travail supplémentaire pour reprendre la gestion des 900 000 affiliés LMDE a été évaluée à 395 ETP » (équivalents temps plein). À quelle somme cela correspond-il en termes de masse salariale annuelle ? On doit approcher les 17 millions d’euros.
M. Nicolas Revel. Ce sont plutôt 20 millions de masse salariale chargée.
M. le coprésident Pierre Morange. Sur ces 20 millions d’euros, quelles économies comptez-vous faire avec la reprise des mandats de gestion ? Si vous prenez en charge la masse salariale correspondante, il vous faudra dégager une économie, faute de quoi on aboutira à un simple doublon de la disposition initiale.
Le rapport de l’IGAS sur les mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants avait évoqué l’opportunité historique de la pyramide des âges des salariés dans le cadre du régime obligatoire de l’assurance maladie. Le départ à la retraite de quelque 20 000 salariés dans les années à venir constitue une occasion pour améliorer les coûts de gestion, même si la complexité accrue de nos systèmes peut aboutir à créer des charges supplémentaires. Au regard de ces départs à la retraite, que peut-on faire, en termes de gestion des ressources humaines, pour rationaliser les effectifs ?
Enfin, quelle est la capacité de congruence entre les différents systèmes d’information ? La MECSS a abordé ce sujet à de nombreuses reprises, mettant en évidence le fait que plutôt qu’à des systèmes informatiques lourds, les mainframes, il pourrait être plus avantageux de recourir à des systèmes ouverts. Nous en avons fait la démonstration au niveau de la branche famille, en dégageant une économie de quelque 20 millions d’euros, compte tenu du coût très élevé de la licence et de la maintenance des logiciels. La question serait à poser pour l’assurance maladie, avec la reprise des compétences des régimes de mutuelles : y avons-nous des situations similaires en termes de systèmes informatiques et de capacités d’urbanisation ou d’interface ?
M. Nicolas Revel. En ce qui concerne la LMDE, les 395 ETP ne correspondent pas au nombre de salariés de la LMDE que nous avons repris.
M. le coprésident Pierre Morange. Ceux-là s’élèveraient à 456, si je ne m’abuse, selon les éléments fournis.
M. Nicolas Revel. La LMDE nous avait annoncé en avril dernier qu’elle comptabilisait dans ses effectifs entre 470 et 480 agents en CDI ou en CDD affectés principalement aux missions du régime obligatoire et ayant donc vocation à être transférés dans le cadre de la reprise. Au fil des mois, ces effectifs sont tombés à 430, un certain nombre d’agents – notamment de personnes en CDD – ayant quitté la mutuelle. Le chiffre de 395 ETP que vous avez mentionné est issu d’une étude que nous avons menée avec la tutelle du ministère – la direction de la sécurité sociale – et qui visait à évaluer la charge de travail induite par la reprise de gestion de ces 900 000 étudiants.
Les 20 millions d’euros de masse salariale correspondent à la reprise des 430 agents que je viens d’évoquer. Mais le coût de gestion ne se limite pas à la masse salariale : nous reprenons aussi les coûts immobiliers, puisque nous devons loger ces agents dans des bureaux. Enfin, même s’ils ne sont pas très importants, d’autres coûts de gestion s’ajoutent à cela.
La remise de gestion que nous versions à la LMDE s’élevait en 2013 à 46 millions d’euros. Il faut déduire de ce montant tout ce que nous allons prendre à notre charge et ce que nous allons continuer à verser à la LMDE, celle-ci maintenant un certain nombre de missions au titre du régime obligatoire. Nous calculons nos remises de gestion à partir du coût par étudiant. En nous fondant sur une hypothèse de 900 000 étudiants, nous verserons une remise de gestion de 7 millions d’euros en 2016, 5 millions en 2017 et 4 millions en 2018.
À cela, il faut ajouter le coût de gestion, ce que va nous coûter la reprise, soit 20 millions d’euros, plus des coûts de gestion, plus ce que nous versons encore en remise de gestion. Nous sommes en train de faire les comptes, mais le coût global sera d’une grosse dizaine de millions d’euros.
M. le coprésident Pierre Morange. Quatorze millions d’euros ?
M. Nicolas Revel. Je ne peux pas donner un chiffre aussi précis, parce que nous sommes aujourd’hui en train d’objectiver tout ce qui vient s’ajouter à la masse salariale. C’est une différence que l’assurance maladie ne conservera pas pour elle-même, mais qui fera l’objet d’un ajustement sur notre fonds national de gestion, qui viendra en réduction globale des coûts de gestion de la branche au sens large. Cette opération conduit à une économie nette que l’on peut situer entre 10 et 14 millions d’euros, mais ce montant doit être affiné.
On peut se demander d’où vient cette économie. Hier, la LMDE n’avait pas son propre système d’information (SI) et payait chaque année 8 millions d’euros à un prestataire extérieur qui lui facturait le coût annuel d’un SI développé par ailleurs. Comme nous reprenons la LMDE dans le cadre de notre propre SI, les 900 000 étudiants qui arrivent dans le régime général s’intègrent totalement dans nos chaînes de traitement, dans nos bases informatiques, et représentent, de ce point de vue, un coût marginal quasi nul.
M. le rapporteur. Avez-vous, sur le plan informatique, la capacité d’absorber les 900 000 nouveaux dossiers ?
M. Nicolas Revel. Nous les avons absorbés au 1er octobre. Nous avons opéré la transition dans le cadre d’un calendrier relativement serré : nous n’avons eu que quelques mois, entre avril et octobre, pour la préparer. Les équipes de la CNAMTS ont su relever le défi et ont assuré la reprise informatique des données issues des systèmes d’information de la LMDE, autrement dit la bascule du stock des assurés de la LMDE qui représente quelque 1,4 million d’étudiants – car, outre ses 900 000 affiliés, la LMDE doit conserver dans ses dossiers les assurés des deux années précédentes, même s’ils ne sont plus étudiants, puisqu’il est possible de se faire rembourser ses soins pendant deux ans. Depuis le 1er octobre, nous liquidons sans difficulté les prestations en nature des assurés de la LMDE.
M. le coprésident Pierre Morange. L’assurance maladie s’était-elle assurée qu’il y avait eu une procédure de mise en concurrence pour le choix du SI, laquelle eût été pertinente, compte tenu du rapport coût-efficacité fourni par le prestataire ?
M. Nicolas Revel. Le Groupement d’intérêt économique (GIE) Chorégie de la MGEN, intitulé aujourd’hui MGEN Technologies, a développé un SI commun pour toute une série de mutuelles. La LMDE y est venue, ainsi que d’autres mutuelles. Certaines sont parties depuis, puisque le réseau MFP Services est pour sa part passé en infogérance auprès du régime général. Le coût de développement de ce système n’appelle pas d’observations de notre part, pas plus que ce qui a pu être facturé à la LMDE.
M. le coprésident Pierre Morange. Vous êtes amenés à prendre en charge les locaux d’accueil des 435 salariés de la LMDE. L’immobilier de cette même mutuelle devient donc vacant. Demandez-vous une équivalence par rapport au patrimoine immobilisé, que l’assurance maladie a quelque peu contribué à financer ?
M. Nicolas Revel. La LMDE était le plus souvent locataire.
M. le coprésident Pierre Morange. Cela peut-il aboutir à une diminution des loyers ?
M. Nicolas Revel. Elle était locataire à la fois de sites de production, où elle gérait du back-office, et d’une cinquantaine de points d’accueil sur le territoire. Dans le cadre de la transition, la CNAMTS a repris les baux correspondant aux sites de production situés à Lille, Rennes, Poitiers et en Île-de-France. Là où nous avons besoin de locaux, nous avons repris les baux. En revanche, là où nous n’avions pas le souhait de pérenniser les accueils, puisque nous allons permettre aux étudiants, outre l’ouverture d’un compte AMELI et d’une plateforme téléphonique spécifique, de venir dans les accueils des caisses primaires, nous avons indiqué à la LMDE qu’elle pouvait résilier les baux correspondant à ces points d’accueil.
M. le coprésident Pierre Morange. Je suppose qu’il s’agit d’immobilier locatif et qu’il n’y a pas d’immobilisation au titre du foncier.
M. Nicolas Revel. Il y a très peu de foncier.
M. le rapporteur. Et ils sont transférés dans les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) de leur région.
M. Nicolas Revel. Les agents qui étaient sur des sites de production y restent, sauf exception. Les autres ont été transférés aux CPAM.
M. le coprésident Pierre Morange. Vous n’avez pas complètement répondu à la question concernant la pyramide des âges.
M. Nicolas Revel. Tous les régimes, y compris l’assurance maladie, contractent avec le ministère chargé de la santé des conventions d’objectifs et de gestion (COG) qui prévoient une réduction des effectifs en se fondant sur une hypothèse de taux de recrutement par rapport au nombre de départs à la retraite. Pour ce qui est de la COG signée en 2014 pour quatre ans, l’hypothèse est celle d’un départ à la retraite sur deux remplacé, soit 4 500 non-remplacements fondés sur une hypothèse de 9 000 départs à la retraite pendant ces quatre ans. Pour arriver à 20 000, l’échéance sera plus longue.
M. le coprésident Pierre Morange. L’IGAS indique la date de 2025.
M. Nicolas Revel. Il s’agit peut-être de toutes les branches, pas seulement de la branche maladie. En l’occurrence, je parle uniquement du régime général au sein de la branche maladie. Pour ce qui est du régime général, je le répète, il y aura, à la fin de la COG, 4 500 agents de moins qu’en 2014.
M. le coprésident Pierre Morange. Ce qui fait en gros 200 millions, la masse salariale annuelle chargée étant de 45 000 ou 50 000 euros.
M. Nicolas Revel. En effet.
M. le rapporteur. Je me tourne désormais, avec les mêmes questions, vers le représentant de la Mutualité sociale agricole (MSA). Que pensez-vous des régimes spécifiques que sont les mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants ? Comment réformer ce dispositif ? Comment réagissez-vous à l’article 39 ?
M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Je partirai du rapport de l’IGAS et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la gestion de l’assurance maladie, rédigé en septembre 2013, dont les préconisations ont été reprises par le Gouvernement. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 – que vous avez votée – confie ainsi au régime agricole le monopole de la gestion des branches maladie et accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP) des non-salariés agricoles, dont une partie – quelque 400 000 assurés, 40 % au titre de la maladie et 60 % au titre des accidents du travail – était gérée par Apria. Ce transfert de gestion s’est déroulé sur le premier semestre 2014 : les cotisations dès janvier, les prestations au 30 juin.
Le rapport IGAS-IGF dresse un bilan nuancé de la gestion assurée par ces partenaires. Certains éléments sont très positifs : le travail mené en commun par MSA et Apria pendant cette courte période a toujours suivi la logique du service aux assurés. Le fait que la réintégration au sein de la MSA de 400 000 assurés n’ait provoqué aucun débat montre bien que les deux partenaires ont réussi la transition. Mais la reprise nous a également permis de constater que la gestion d’Apria était marquée par des retards ; l’organisme négligeait de prélever les franchises et les participations forfaitaires, comme de mettre à jour les pensions d’invalidité et d’intégrer dans ses systèmes d’information les majorations prévues par les avenants 8 et 9 de la convention médicale.
Certains éléments peuvent vous intéresser du point de vue financier. Dans le cadre de cette reprise, nous avons réintégré 220 salariés d’Apria, allant au-delà de la convention d’objectifs et de gestion qui prévoyait la suppression de 1 250 ETP (équivalent temps plein) sur la période 2011-2015. La prise en charge des coûts de gestion associés, aussi bien en frais de fonctionnement qu’en hébergement, permet aux pouvoirs publics de réaliser une économie d’un peu plus de 20 millions d’euros. Cet exemple peut utilement éclairer vos travaux.
M. le président Pierre Morange. À combien de bénéficiaires correspondent ces 20 millions d’euros d’économie ?
M. Franck Duclos. À 400 000.
M. le président Pierre Morange. Si l’on fait le parallèle avec l’assurance maladie obligatoire, on n’est pas dans les mêmes abaques !
M. Franck Duclos. Cette économie correspond à l’intégralité des frais de gestion accordés à Apria ; on ne pouvait pas faire davantage !
M. Nicolas Revel. Ce point est à porter à votre crédit !
M. le président Pierre Morange. En effet, il faut souligner la qualité du travail effectué par la MSA comme le poids des contraintes de l’assurance maladie obligatoire.
M. Nicolas Revel. Nous étions tenus de reprendre le personnel.
M. Franck Duclos. Nous étions dans la même situation ! Mais, si l’économie réalisée correspond à ce qui était versé à Apria au titre des frais de gestion, les 220 ETP que nous avons repris nous coûtent moins que ces 20 millions d’euros.
M. le président Pierre Morange. La MECSS devrait comparer les coûts que vous versiez à Apria à ceux qui étaient versés par l’assurance maladie aux mutuelles, afin d’en tirer des conclusions pertinentes.
M. Franck Duclos. Je voudrais également évoquer la gestion pour compte de tiers, élément spécifique à la MSA. Elle concerne à peu près 1,8 million d’assurés. Les mutuelles de fonctionnaires offrent aux assurés le service de la gestion du régime obligatoire et complémentaire à la fois. La MSA fait le contraire : en plus du régime obligatoire, elle gère aussi, par délégation de certains organismes complémentaires – Mutualia, Agrica et Groupama –, le régime complémentaire pour quelque 1,8 million de personnes. La gestion pour compte de tiers évoluera avec l’arrivée du tiers payant intégral, mais on a encore du mal à bien évaluer l’impact de la mesure et les modalités du changement.
Je voulais également revenir sur les mutuelles étudiantes. Voir ses assurés partir à dix-huit ans à l’entrée dans les études ne réjouit pas la MSA. D’abord, on peut s’interroger sur la qualité de gestion de ces mutuelles, mais également sur leur capacité à assurer une prise en charge globale des assurés, notamment en matière de prévention, là où la MSA offre précisément un service particulièrement intéressant. Les assurés qui partent vers les mutuelles étudiantes limitent par exemple les actions bucco-dentaires, en particulier les rendez-vous de prévention dits « M’T dents ». Je souhaite donc, en cohérence avec l’article 39 du PLFSS pour 2016, que nous puissions conserver nos assurés au sein du régime agricole, même lorsqu’ils deviennent étudiants ; ce serait bénéfique pour eux.
Enfin, nous collaborons avec certains régimes, tels que ceux de la RATP ou de la SNCF. Le premier travaille avec la MSA en infogérance ; le second s’est doté de l’outil informatique de la MSA et s’apprête à passer en infogérance à partir du 1er janvier prochain. A contrario, dans cette logique de coopération interrégime, nos partenaires de la RATP et de la SNCF participent aux instances de pilotage de nos systèmes d’information, intervenant dans leurs choix d’évolution.
M. Gérard Quevillon, président du Régime social des indépendants (RSI). Je ferai une réponse courte et politique, au nom des élus du RSI, laissant à mon directeur général le soin de vous donner les éléments chiffrés. Comme mon collègue de la MSA, je suis surpris que les étudiants, pourtant ayants droit de leurs parents, quittent le régime RSI pour une autre mutuelle. En effet, on pourrait très bien continuer à gérer leur dossier pour les faire bénéficier d’un suivi médical global.
En tant que citoyen et gestionnaire d’un régime de protection sociale, je ne peux que regretter qu’à chaque grande réforme de la sécurité sociale, l’on se limite à réformer le régime général, la MSA et le RSI, sans toucher aux régimes spéciaux.
Les élus du RSI s’interrogent également sur une autre anomalie : la MSA gérant 90 % de salariés et 10 % d’indépendants, pourquoi garder deux régimes de salariés sur notre territoire ? Je ne souhaite pas ouvrir une polémique, mais faire un constat : il faut mener une véritable réforme de fond et aller jusqu’au bout. Pour ma part, j’ai mené et je continue à mener des réformes au sein du RSI, malgré les difficultés, car notre souci est d’être au plus près de nos assurés, de les servir et de leur éviter tout problème.
Je laisse M. Stéphane Seiller vous expliquer quelle incidence l’article 39 peut avoir sur le RSI.
M. Stéphane Seiller, directeur général du RSI. Un mot pour rappeler l’organisation spécifique de l’assurance maladie du RSI. Nous utilisons des délégations de gestion, l’ensemble des prestations de l’assurance maladie – les prestations maladie en espèces, les prestations en nature et les indemnités journalières servies aux artisans et commerçants au titre des arrêts maladie – étant versées par des organismes que nous conventionnons. Alors que ces organismes conventionnés étaient au nombre de soixante-trois en 2008, ils ne sont plus actuellement que vingt : un groupement d’assurances, la RAM, qui dépend d’Apria, et dix-neuf mutualistes. Comme tous les régimes, nous avons des progrès à faire, mais ce système fonctionne de manière satisfaisante. L’IGAS vient, dans le cadre de la préparation de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion du RSI, de procéder à un audit approfondi de ces questions, et, si son rapport n’est pas encore public, le projet de rapport semble laisser entendre qu’il faut conserver cette organisation.
Le système est également efficace du point de vue économique. Les coûts de gestion, tels que l’IGAS les a évalués – comprenant le coût de fonctionnement des organismes conventionnés, mais également les charges que nous conservons dans nos caisses régionales ou à la caisse nationale RSI –, apparaissent plutôt limités par rapport à ceux des régimes obligatoires, par exemple le régime général ou la MSA. A priori, selon les calculs de l’IGAS, nous sommes à 85 euros par personne protégée ; la MSA salarié serait à 183 euros, la MSA exploitant, à 191 euros, et les CPAM, à 94 euros. Dans le calcul des coûts de gestion, l’IGAS ne prend pas en compte l’ensemble des populations effectivement protégées par le RSI et ses organismes conventionnés, car nous faisons l’erreur, pour des raisons historiques, de ne pas intégrer dans nos statistiques les personnes en maintien de droits
– éventuellement prolongés au-delà de un an. Or celles-ci sont nombreuses puisque plus d’un demi-million d’assurés n’ayant plus d’activité professionnelle ne font pas la démarche de rattachement au régime des résidents. On ne va pas se battre sur les chiffres, mais ces éléments montrent que notre système n’est pas plus coûteux que d’autres, tant s’en faut.
M. le président Pierre Morange. Vous avez cité un chiffre de 85 euros par bénéficiaire…
M. Stéphane Seiller. Par personne protégée, ouvrant droit et ayant droit ; mais nous ne tenons pas compte dans nos statistiques des personnes en maintien de droits. Cela vient de l’époque où l’on rémunérait les organismes conventionnés en fonction du nombre de personnes protégées : pour éviter de payer trop de remises de gestion aux délégataires, la caisse nationale du RSI ne mentionnait dans ses statistiques officielles que les personnes effectivement protégées pour la période d’affiliation au titre de l’activité professionnelle.
M. le président Pierre Morange. C’est donc 85 euros par personne protégée, quels que soient leur statut et leur tranche d’âge…
M. Stéphane Seiller. C’est l’ensemble de la population, actifs ou retraités.
M. le président Pierre Morange. Mais on n’y intègre pas les étudiants ?
M. Stéphane Seiller. Non. Le président Gérard Quevillon a exprimé un avis de citoyen sur les délégataires de gestion du régime général – mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants ; je ne me permettrai pas d’en faire autant, mais je saisis l’occasion pour déplorer que les délégations de gestion du RSI aux organismes conventionnés soient périodiquement remises en cause. L’IGAS, qui vient d’étudier la question d’une manière approfondie, estime qu’il s’agit d’un système performant, même si, comme tout régime, nous avons des progrès à faire en qualité de service ou en matière d’efficacité. J’ajoute que les prestations servies par nos délégataires de gestion – l’indemnisation des arrêts de travail pour les artisans et commerçants et les prestations d’invalidité – sont gérées à l’équilibre financier, les versements étant couverts par les cotisations des actifs indépendants.
M. le président Pierre Morange. Vous citez le chiffre de 85 euros par bénéficiaire. Selon la même grille de lecture, quels sont les coûts de gestion de la MSA ?
M. Franck Duclos. Permettez-moi de revenir sur différents points. Les chiffres cités par le RSI à propos du régime agricole ne me paraissent pas cohérents avec les informations dont je dispose. Le président Gérard Quevillon parlait de 90 % de salariés agricoles et de 10 % de non-salariés agricoles. Or les chiffres de la commission des comptes de la sécurité sociale montrent que, sur les 3,3 millions d’assurés MSA, 1,6 million sont salariés agricoles et 1,7 million, non-salariés ; les deux catégories sont donc pratiquement à égalité.
Quant aux chiffres cités par le directeur général du RSI, nous n’avons pas d’informations sur ce rapport non publié de l’IGAS, mais les données du rapport IGAS-IGF de 2013 sur les coûts de gestion, datant de seulement deux ans, montrent que les coûts sont assez proches entre le régime général et la MSA, mais supérieurs pour le RSI.
M. Nicolas Revel. La difficulté de ces chiffres, c’est que les différents régimes recourent à des indicateurs différents. Nous utilisons la notion de bénéficiaire actif, qui n’est pas forcément la même que celle que manient le RSI ou la MSA. La définition des frais de gestion est également variable, le périmètre des dépenses n’étant pas toujours le même. Tel que nous le définissons, le coût par bénéficiaire actif lié au versement des prestations au régime général – qui comprend l’ensemble des tâches de gestion assurées par les CPAM – s’élève à 60 euros. Tous ces chiffres se répondent les uns aux autres, chacun cherchant à prouver qu’il est le moins cher – un exercice délicat. Mais il faut comparer des choses comparables, sur des périmètres identiques.
M. le président Pierre Morange. Monsieur le directeur général, si un jour vous en avez assez de l’assurance maladie, vous pouvez entrer directement au quai d’Orsay !
M. Gérard Bapt. Y compris pour les délégations aux mutuelles de fonctionnaires, c’est donc un souci d’économie qui a guidé le Gouvernement dans son PLFSS pour 2016 ?
M. Nicolas Revel. Il serait préférable d’interroger le Gouvernement à ce sujet !
M. le rapporteur. Il est d’autant plus difficile de répondre à cette question que les mutuelles de fonctionnaires couvrent une population importante – fonctionnaires territoriaux, hospitaliers… – aux statuts différents.
M. Nicolas Revel. S’agissant de la relation entre le régime général et les mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants, la bonne démarche – pratiquée depuis plusieurs années – consiste à mener avec chacune d’elles un dialogue permettant d’identifier ses besoins. Toutes ne sont pas dans la même situation : certaines considèrent que les remises de gestion qui leur sont versées leur permettent de prendre en charge l’ensemble des tâches relevant du régime d’assurance maladie obligatoire ; d’autres souhaitent faire l’économie des lourdes dépenses de développement informatique ou de maintenance. Elles peuvent alors s’adosser, par le biais de l’infogérance, au système informatique du régime général. D’autres encore peuvent choisir une modalité d’intégration plus poussée en s’appuyant complètement sur le back-office de la CNAMTS, avec parfois des transferts de personnel. Toutes ces modalités sont possibles et ouvertes aux mutuelles. La rédaction proposée pour l’article 39 du PLFSS pour 2016 se contente, me semble-t-il, de fixer un cadre juridique permettant, demain, d’accompagner ce type de démarches sur mesure qui procèdent toujours d’un dialogue et d’une volonté partagée des uns et des autres de faire évoluer les modalités de gestion.
M. le rapporteur. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Le sujet d’investigation de la MECSS et le débat sur le PLFSS se croisent manifestement. Nous verrons donc comment évoluera notre mission d’information.
M. le président Pierre Morange. Je vous remercie également. Espérons qu’une proposition relevant d’une philosophie de restauration assurantielle à la demande s’inscrira dans une logique obligatoire n’ayant pour seule grille de lecture que la recherche du meilleur rapport coût-efficacité, pour préserver et défendre les intérêts de nos concitoyens.
Audition de M. Serge Brichet, président de la Mutualité fonction publique (MFP), et Mme Laurence Tribillac, directrice déléguée à la coordination institutionnelle et aux relations extérieures ; M. Thierry Beaudet, président de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN), et M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques
M. le coprésident Pierre Morange. Je vous remercie, madame, messieurs, d’avoir répondu favorablement à notre invitation.
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Je vous souhaite à mon tour la bienvenue. Vous avez demandé par lettre à être auditionnés dans le cadre de nos travaux. Compte tenu de l’actualité, nous avons étudié en priorité les mutuelles étudiantes, mais toutes les autres mutuelles, notamment celles de la fonction publique, entrent dans le champ de notre réflexion.
Nous sommes au cœur de l’actualité : l’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016. Je salue d’ailleurs la présence de notre collègue Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général de ce PLFSS. Je commence par une question générale : quelles seront les conséquences pour vos mutuelles de l’application de l’article 39 de ce projet de loi ? Nous avons vu les réactions qu’il a suscitées au sein de la Mutualité française, dont vos organisations sont membres.
Dès lors que l’article 39 sera définitivement adopté – tout laisse à penser qu’il le sera à l’issue de la navette parlementaire –, le champ de nos travaux se réduira comme une peau de chagrin.
M. le coprésident Pierre Morange. Certes, le sujet a été quelque peu défloré par l’article 39, mais nos travaux gardent leur pertinence : en l’absence d’étude d’impact, nous avons besoin d’informations plus fournies, qui vont au-delà des échanges que nous avons pu avoir au sein de la commission des Affaires sociales. D’autre part, il nous revient de procéder à une analyse coût-efficacité des mesures prévues à l’article 39 – telle est la raison d’être même de la MECSS. Nous pourrons aussi le cas échéant, au titre de notre « droit de suite », nous assurer de leur bien-fondé au regard tant de la qualité de la prestation que de son coût. C’est en se fondant sur ces deux critères que la Cour des comptes, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) ont émis des critiques à l’encontre du système actuel dans leurs rapports respectifs.
M. Serge Brichet, président de la Mutualité fonction publique. Le débat parlementaire n’étant pas achevé, nous avons encore des messages à faire passer : nous espérons que le texte sera adapté sur un certain nombre de points.
Nous avons noté les améliorations qui ont été apportées au texte par voie d’amendements, sous la pression d’un certain nombre de parlementaires. Pour autant, la Mutualité fonction publique (MFP) – qui est non pas un organisme gestionnaire, mais une union à caractère politique – considère que, en l’état, le texte n’apporte pas de sécurité juridique suffisante quant à la poursuite des missions de gestion que les mutuelles de fonctionnaires exercent depuis des décennies.
D’abord, à ce stade de l’examen du texte, d’autres mutuelles que les mutuelles de fonctionnaires elles-mêmes pourraient être autorisées à gérer le régime obligatoire de l’assurance maladie des fonctionnaires. Nous demandons que seules les mutuelles de fonctionnaires puissent assurer la gestion de ce régime à leur profit, que la loi Morice d’avril 1947 leur a confiée.
Ensuite, il est prévu que la délégation de gestion du régime obligatoire puisse être retirée aux mutuelles de fonctionnaires dites « défaillantes ». Or aucune précision n’est donnée sur les critères qui caractériseraient cette défaillance. Si cette disposition était maintenue, il nous semblerait important que les mutuelles susceptibles de se voir retirer la délégation de gestion soient auditionnées par une structure ad hoc avant cet éventuel retrait.
Enfin, dans la rédaction actuelle du texte, il semble que seule une partie des missions de gestion actuellement assurées par les mutuelles de fonctionnaires leur serait confiée. Actuellement, ces missions vont bien au-delà de la seule gestion des prestations : elles comprennent, entre autres, la prévention.
M. Thierry Beaudet, président de la Mutuelle générale de l’éducation nationale. Je rejoins l’analyse de Serge Brichet concernant l’article 39 : nous avons découvert un article imparfaitement rédigé, avec des zones de flou ou des manques pouvant donner lieu à interprétation.
Grâce au travail parlementaire, le texte a connu des évolutions positives : l’habilitation par la loi à gérer le régime obligatoire et les remises de gestions pour assurer cette gestion ont été rétablies. Aujourd’hui, nous demandons cependant encore une évolution majeure : qu’il n’y ait pas de migration obligée des ex-ayants droit vers la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Pourquoi obliger une personne sans emploi gérée par le même organisme que son conjoint ou sa conjointe à renoncer à cette facilité et à cette simplicité ? Cela n’aurait de sens ni du point de vue du gestionnaire, ni de celui de la personne elle-même, à moins qu’elle n’en décide ainsi. Nous demandons que les ayants droit aient le choix de leur organisme gestionnaire. S’ils sont couverts dans le cadre familial, avec leur conjoint ou leur conjointe, et que ce système leur convient, qu’on laisse celui-ci perdurer. Par contre, s’ils ne sont pas satisfaits de la qualité de la gestion qui leur est proposée, qu’ils puissent effectivement faire valoir un « droit à migration ».
M. le rapporteur. Combien de personnes seraient concernées par cette migration obligée à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) ?
M. Thierry Beaudet. Si le texte n’évoluait pas sur ce point, dans le cadre de la protection universelle maladie (PUMA), près de 150 000 ayants droit majeurs actuellement gérés par la MGEN deviendraient des assurés et seraient donc amenés à migrer obligatoirement vers la CNAMTS. Cela aurait, vous l’imaginez bien, un impact sur l’emploi à la MGEN, mais c’est un autre sujet.
M. le coprésident Pierre Morange. Ce n’est pas un autre sujet : tout est dans tout, surtout en matière de prise en charge assurantielle ! Avez-vous calculé l’incidence financière d’une telle migration obligatoire ? Car c’est mathématique : plus le périmètre des bénéficiaires se restreint, plus le coût de gestion par bénéficiaire augmente de façon relative. D’autre part, une migration sur la base du volontariat telle que vous la proposez ne poserait-elle pas un problème de fragmentation du public des bénéficiaires, tant du point de vue des mutuelles que de celui de la CNAMTS ? On en revient toujours aux réflexions formulées par la Cour des comptes, l’IGAS et l’IGF sur le coût de gestion par bénéficiaire.
M. Thierry Beaudet. Comme d’autres mutuelles, la MGEN mesure le taux de satisfaction de ses assurés. D’après un sondage TNS Sofres commandé par la MGEN et la CNAMTS, le taux de satisfaction de nos assurés a augmenté et est désormais supérieur à 92 %. Donc, si nous laissons à nos assurés le choix de leur gestionnaire, je suis convaincu qu’ils resteront chez nous.
M. le coprésident Pierre Morange. C’est, en quelque sorte, un pari pascalien !
M. Thierry Beaudet. Je ne vois pas pourquoi les ayants droit renonceraient à la facilité et à la simplicité d’une gestion des prestations pour toute la cellule familiale par un même organisme, dès lors que celui-ci est performant.
Par ailleurs, pour être efficient en matière de gestion, il faut investir dans la formation du personnel, dans l’évolution de l’organisation et dans les systèmes d’information. Et, pour pouvoir investir, tout opérateur, quel que soit son secteur d’activité, a besoin d’une certaine stabilité, afin d’avoir le temps de bénéficier du « retour sur investissement ». Or, aujourd’hui, nous souffrons plus que tout de l’instabilité constante des règles qui s’appliquent à notre secteur. Certes, nous nous adapterons aux règles, mais il serait préférable qu’elles soient fixées une fois pour toutes et que l’on dispose ainsi de la visibilité nécessaire pour agir.
M. le coprésident Pierre Morange. Nous pourrions faire le même constat pour beaucoup d’autres secteurs dans notre pays. Et mon propos n’est pas polémique : il vaut pour tous les responsables politiques, toutes tendances confondues.
M. Thierry Beaudet. Je vous assure que c’est un véritable problème.
M. le coprésident Pierre Morange. Vous prêchez des convaincus !
M. Thierry Beaudet. Quant aux coûts de gestion qui sont affichés pour tel ou tel régime, ils sont, de mon point de vue, critiquables. Ainsi, je conteste un certain nombre d’affirmations contenues dans le rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF, car les périmètres retenus pour calculer les coûts de gestion en question diffèrent d’un organisme à l’autre. Je note d’ailleurs que, au cours de son audition par votre mission, M. Nicolas Revel, directeur général de la CNAMTS, a évoqué un coût de gestion par bénéficiaire actif de 60 euros à la CNAMTS, alors que le rapport avance le chiffre de 44 euros environ.
M. le coprésident Pierre Morange. Nous avions en effet noté cet écart.
M. Thierry Beaudet. Je m’interroge : à quoi correspondent les 51,10 euros évoqués dans ce rapport s’agissant de la MGEN ? Les mutuelles de la fonction publique ont un modèle particulier : elles gèrent à la fois le régime obligatoire et un régime complémentaire. C’est pourquoi elles ont mis au point, conjointement avec la CNAMTS, une méthode consistant à isoler les coûts rattachés à l’habilitation de gestion du régime obligatoire. Si on l’applique, on constate que la MGEN a réduit ses coûts de gestion de 26,5 millions d’euros entre 2009 et 2014.
M. le coprésident Pierre Morange et M. le rapporteur. Sur un total de combien ?
M. Thierry Beaudet. Le coût de gestion par bénéficiaire actif est passé de 65,20 euros en 2009 à 51,80 euros en 2014.
M. le coprésident Pierre Morange. À critères constants ?
M. Thierry Beaudet. Oui.
Selon nos calculs, en appliquant là encore la méthode élaborée avec la CNAMTS, un agent de la MGEN a géré en moyenne 2 248 bénéficiaires actifs en 2014, chiffre à rapprocher des 2 254 bénéficiaires actifs gérés par un agent de la CNAMTS. Les coûts de gestion sont donc de même niveau à la CNAMTS et à la MGEN, qui ont fait, l’une et l’autre, des efforts. Nous contestons l’a priori selon lequel les coûts de gestion seraient supérieurs à la MGEN.
Nous pouvons faire mieux, mais cela suppose notamment que nous puissions développer des collaborations étroites et sincères avec la CNAMTS au-delà de celles qui existent déjà. Par exemple, la CNAMTS a développé un portail internet performant, net-entreprises.fr, sur lequel les employeurs peuvent déclarer en ligne les arrêts de travail de leurs salariés et qui leur permet notamment de calculer simplement et efficacement le montant des indemnités journalières. La MGEN réclame, en vain, un accès à ce dispositif pour l’employeur public, à savoir l’Éducation nationale. Aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne nous facilite pas les choses ! J’y insiste : on ne peut pas opposer des fins de non-recevoir aux mutuelles de fonctionnaires, en l’occurrence à la MGEN, lorsqu’elles demandent l’accès à des dispositifs qui leur permettraient d’améliorer leurs coûts de gestion, et leur reprocher ensuite une diminution insuffisante de ces coûts !
M. le rapporteur. Quelles sont, selon vous, les motivations de la CNAMTS ?
M. Thierry Beaudet. Les mutuelles de fonctionnaires, notamment la MGEN, ont le sentiment de subir en permanence des accusations à charge. Une confusion s’instaure actuellement dans les esprits entre l’universalité de la protection sociale et l’unicité de caisse, comme si le caractère universel des droits impliquait nécessairement qu’ils soient gérés en un seul endroit ou, pour le dire trivialement, que tout passe par un seul et même tuyau ! Selon nous, on sème un certain nombre d’embûches sur notre chemin pour accréditer cette idée.
J’ai des échanges réguliers avec M. Nicolas Revel, qui est sensible à ces questions. Nous sommes convenus d’aller au-delà de ce que nous faisons ensemble actuellement.
M. le coprésident Pierre Morange. Je rappelle que la MECSS a remis un rapport sur les arrêts de travail, assorti d’un certain nombre de recommandations. Je ne relancerai pas le débat sur le jour de carence dans la fonction publique, les positions des uns et des autres étant connues. Pourtant, personne ne peut contester que ce dispositif ait fait la démonstration de son efficacité lorsqu’il a été appliqué, certes de manière très temporaire. La Cour des comptes l’a reconnu publiquement au cours d’une audition par notre mission.
Le portail internet que vous avez évoqué renvoie à la question de la déclaration sociale nominative. Nous avions constaté avec stupéfaction que les entreprises, quelle que soit leur taille, n’étaient pas en mesure d’évaluer leur participation financière au titre des indemnités journalières complémentaires, alors que celles-ci représenteraient globalement 30 % des 6 milliards d’euros dépensés pour couvrir les arrêts de travail !
Le partage de l’information entre le secteur mutualiste et la CNAMTS est un problème ancien, que la MECSS abordera l’année prochaine lors de ses travaux sur la gestion des bases de données, en particulier le SNIIRAM et le PMSI. Nous nous intéresserons notamment à la qualité du « coffre-fort informatique » et du partage des données au service d’une politique sanitaire nationale. Quant au dossier médical personnel ou partagé (DMP), sa matérialisation reste dans les limbes. C’est un grand échec de la dernière décennie. Or il faudra bien avancer sur le sujet si l’on veut vraiment non seulement diminuer les coûts de gestion, mais aussi améliorer la santé de nos concitoyens.
M. Serge Brichet. Pour évaluer les conséquences financières à l’échelle de l’ensemble des mutuelles de fonctionnaires, il faut multiplier par deux les chiffres que Thierry Beaudet a évoqués pour la MGEN.
Il faut parler, selon moi, de la qualité qui va de pair avec la gestion mutualiste du régime obligatoire. Je rappelle le chiffre cité dans le rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF : 86 % des fonctionnaires sont satisfaits de la gestion par les mutuelles de fonctionnaires et, dans la même proportion, ils ne souhaitent pas que cette gestion soit remise en cause.
Parlons aussi d’efficacité. S’agissant des plans de maîtrise socle (PMS), les notes globales attribuées aux mutuelles de fonctionnaires gérant le régime obligatoire sont tout à fait respectables : elles se situent entre 83 % et 97 %. En matière de prévention, les chiffres donnés dans le rapport de l’IGAS et de l’IGF pour les mutuelles de fonctionnaires sont parfois supérieurs de sept points à ceux qui sont enregistrés par les caisses primaires d’assurance maladie. Par ailleurs, on observe que les fonctionnaires et les agents publics utilisent beaucoup les téléservices.
Enfin, il me paraît important de rappeler que les fonctionnaires qui gèrent ces organismes mutualistes sont viscéralement attachés à la bonne gestion des deniers publics. Ainsi que Thierry Beaudet l’a évoqué, nous recherchons toujours l’efficacité et l’amélioration des processus, malgré des budgets parfois contraints. Dès lors, pourquoi remettre en cause un dispositif qui fait la preuve de ses qualités et de son efficience sur bien des aspects ?
M. le rapporteur. Seriez-vous capables de gérer le tiers payant généralisé au titre du régime obligatoire s’il était voté ? Nous avons des échos très divers à ce sujet.
Quelles seraient les conséquences pour vos mutuelles de la généralisation de la couverture complémentaire santé ?
M. Serge Brichet. Le mouvement mutualiste est largement favorable à la généralisation du tiers payant. Les mutuelles de la fonction publique sont tout à fait capables de gérer le tiers payant généralisé, en utilisant le cas échéant les solutions applicatives de la CNAMTS pour celles qui ont recours à l’infogérance.
M. Thierry Beaudet. S’agissant de la gestion du tiers payant généralisé, la réponse est positive, sans ambiguïté et dans toutes les situations. En tant que gestionnaire du régime obligatoire, la MGEN a déjà une longue expérience de gestion du tiers payant « classique » avec divers professionnels de santé, notamment les pharmaciens. En tant que guichet unique pour le régime obligatoire et le régime complémentaire, ce qui est la particularité de notre mutuelle, nous savons aussi gérer un tiers payant coordonné.
Je mets un instant ma casquette de responsable d’un régime complémentaire. Vous connaissez la position des mutualistes et, au-delà, de l’ensemble des organismes complémentaires : il faut que les choses soient simples pour le professionnel de santé. Aujourd’hui, les solutions techniques existent pour réconcilier le flux de paiement du régime obligatoire et celui du régime complémentaire, et pour faire apparaître ces deux flux sur le poste de travail du professionnel de santé. En consultant son poste, celui-ci doit avoir instantanément une vision claire des parts apportées par les deux payeurs, car la réalité, c’est qu’il y a bien deux payeurs. À cet égard, un flux unique de paiement ou un flux de paiement unique, ce n’est pas la même chose ! Les organismes complémentaires n’entendent pas que l’on se serve de la généralisation du tiers payant pour que la part qu’ils versent disparaisse derrière celle de l’assurance maladie obligatoire. Ils n’imaginent pas que la CNAMTS puisse régler l’ensemble du dispositif et se retourner ensuite vers eux : ils seraient alors réduits au rang de simples caisses dans lesquelles on viendrait ponctionner la part qu’il leur revient de verser.
M. le rapporteur. En d’autres termes, vous craignez de rester un payeur aveugle.
M. Thierry Beaudet. Exactement : non seulement aveugle, mais invisible !
M. le coprésident Pierre Morange. Votre souci de traçabilité financière et de lisibilité est compréhensible.
La généralisation du tiers payant ouvrira la possibilité de prélever automatiquement sur le compte bancaire de l’assuré les franchises sur les consultations ou les boîtes de médicaments, ainsi que le prévoit un amendement du Gouvernement au projet de loi relatif à la santé. Ce prélèvement sera soumis à l’autorisation de l’assuré. Quelle est votre analyse à ce sujet ? Comment voyez-vous le dispositif ? Quel serait le modus operandi ? Qui, dans votre esprit, serait chargé de faire ce prélèvement ? La CNAMTS ou bien vos mutuelles, dans l’hypothèse où vous continueriez à gérer à la fois le régime obligatoire et le régime complémentaire pour vos bénéficiaires ? Quelles seraient les conséquences pour vous ? C’est un sujet très important, notamment du point de vue juridique, voire éthique. Je suis conscient de son caractère sensible.
M. Thierry Beaudet. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, monsieur le président.
M. le coprésident Pierre Morange. Le sujet n’est donc pas complètement mûr.
M. Serge Brichet. Pour répondre à votre deuxième question, monsieur le rapporteur, les mutuelles de fonctionnaires expriment leurs plus vives inquiétudes quant à la généralisation de la couverture complémentaire santé pour l’ensemble des salariés. Nous craignons un « siphonnage » d’une partie de nos assurés, y compris d’actifs que nous protégeons au titre de certaines garanties et qui pourraient rejoindre le contrat collectif de leur conjoint. Cela affecterait très sensiblement les démarches de mutualisation des risques entre actifs et retraités que nous réalisons au sein de nos mutuelles complémentaires. C’est un risque majeur. J’en profite pour dire tout le mal que nous pensons de l’article 21 du PLFSS pour 2016, qui prévoit des offres de complémentaire santé spécifiques pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
D’autre part, du point de vue du mouvement mutualiste, ce n’est qu’une pseudo-généralisation, puisqu’elle laisse de côté un certain nombre de nos concitoyens. En outre, à peine 1 % des 5 milliards d’euros d’aides publiques à l’acquisition d’une complémentaire santé bénéficie aux fonctionnaires. Autant vous dire que nous attendons avec une certaine impatience les conclusions de la mission qui a été confiée à l’IGAS sur ce sujet il y a quelques semaines – enfin !
M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous fournir des informations plus précises sur l’impact de la généralisation de la couverture complémentaire santé ? Peut-être ce sujet n’est-il pas, lui non plus, complètement mûr ?
M. Serge Brichet. Non, en effet.
M. le rapporteur. Nous notons en tout cas votre inquiétude sur ce point. En outre, après l’article 39, vous avez évoqué l’article 21 du PLFSS POUR 2016. N’y a-t-il donc eu aucune concertation, aucun travail du Gouvernement en amont avec vous sur ces articles ? Nous avons entendu les prises de position du président de la Mutualité française et des assureurs. Plutôt que d’avancer aussi loin, ne faudrait-il pas revoir ces sujets en relation avec les partenaires concernés ? À moins qu’on ne veuille instaurer une assurance maladie universelle et, partant, supprimer toutes les mutuelles. Mais, dans ce cas, la question doit être posée franchement.
M. le coprésident Pierre Morange. D’un point de vue strictement sémantique, une couverture complémentaire santé obligatoire, cela s’appelle l’assurance maladie ! Nous voyons bien que le secteur mutualiste est particulièrement inquiet à ce sujet : il pourrait y avoir une tentation, à terme, de siphonner tout le savoir-faire mutualiste au profit de l’assurance maladie. Au demeurant, c’est une politique qui pourrait se concevoir.
Au-delà de l’absence d’étude d’impact, un certain nombre de mesures
– généralisation du tiers payant, prélèvement automatique des franchises, mise en place du DMP, généralisation de la couverture complémentaire santé – n’ont pas vraiment fait l’objet d’un travail abouti, c’est le moins qu’on puisse dire, et semblent fragiles tant du point de vue juridique que financier. Face à cette situation, le secteur mutualiste pourrait-il envisager des recours contentieux ?
M. Serge Brichet. Les réponses que je serais susceptible de vous apporter sont contenues dans votre question, monsieur le rapporteur : inquiétude de notre part, impréparation du texte, absence de concertation, auxquelles s’ajoute l’absence d’étude d’impact que vient de rappeler M. le président. De toute évidence, le texte n’a pas été préparé avec les acteurs concernés.
Les mutuelles de fonctionnaires bénéficient de dispositifs particuliers dans leur relation avec l’employeur public s’agissant de la couverture complémentaire : le référencement et la labellisation. Or ces dispositifs seront touchés de plein fouet par l’article 21 du PLFSS pour 2016. De plus, si des offres spécifiques sont proposées aux personnes de plus de 65 ans, les organismes mutualistes ne pourront plus procéder à la mutualisation entre actifs et retraités, alors que celle-ci joue actuellement à plein dans les mutuelles de fonctionnaires : à 65 ans, l’assuré voit sa cotisation décroître bien que les risques augmentent – c’est assez remarquable dans le paysage assurantiel. Le Gouvernement n’a pas pris la mesure des conséquences collatérales de l’article 21. Il s’agit d’une segmentation supplémentaire, qui constitue, de notre point de vue, la négation des mécanismes de mutualisation.
En outre, je le répète : les aides publiques à l’acquisition d’une complémentaire santé laissent de côté des catégories entières de la population.
Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. Si nous souhaitons la généralisation du tiers payant, c’est pour venir en aide à une population qui ne se soigne pas parce qu’elle n’en a pas les moyens. Je comprends vos remarques sur les aspects techniques, mais je rappelle que la généralisation du tiers payant se fera progressivement.
Vos mutuelles prennent en charge des personnes qui ont accès, ne serait-ce que par leur fonction, aux outils informatiques et à l’information, et qui sont à même d’assimiler cette information et de s’en servir. Or tel n’est pas le cas pour tout un pan de notre société, ne l’oublions pas. Je ne veux pas opposer les populations, bien au contraire, mais je pense avant tout à ces personnes qui, pour de multiples raisons, n’ont pas accès aux soins. Les mesures que nous prenons vont dans le bon sens pour elles.
M. le coprésident Pierre Morange. Tout cela ne fait que souligner la nécessité de l’étude d’impact que nous avons demandée.
M. Thierry Beaudet. Madame la présidente, je comprends l’intention et, à titre personnel, la partage. Mais les voies choisies vont dans le sens exactement inverse de celui que vous avez indiqué. Au moment où l’on célèbre le soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale, où tout le monde loue, dans un grand unanimisme, les liens de solidarité que cette construction a créés entre les personnes, je suis frappé de constater que, pour permettre aux populations d’accéder aux soins, on les segmente, en définissant des catégories qui viennent s’ajouter les unes aux autres. C’est, pour moi, profondément incompréhensible.
Selon moi, l’erreur initiale réside dans la généralisation de la couverture complémentaire santé pour les salariés telle qu’elle a été mise en œuvre dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Car ce dispositif laisse notamment de côté les retraités, les demandeurs d’emploi depuis plus de un an et les jeunes avant leur entrée sur le marché du travail – excusez du peu ! Il ne permet plus d’organiser les solidarités entre les générations ni entre les différents niveaux de revenus. Et, maintenant que l’on a créé cette situation, pour y répondre, on met en place des dispositifs catégoriels pour les gens que l’on a laissés de côté. Nous pensons profondément que ce dispositif n’est pas bon, car il sépare.
J’en viens à certains aspects financiers ayant trait aux mutuelles. On accrédite l’idée que la solution, c’est toujours le moins cher, comme si les mutuelles avaient des « matelas » ou des « réserves » – je reprends des expressions que nous avons entendues. Il faut que nos concitoyens, notamment les plus fragiles, puissent accéder à un médecin, à un dentiste et à un opticien. Mais l’amélioration de l’accès aux soins ne passe pas uniquement par la définition de paniers de garanties au prix le plus bas. La manière dont le système de santé est organisé au-delà du dispositif de protection sociale lui-même ou encore le rôle que l’on permettra aux organismes complémentaires de jouer en complément de l’assurance maladie sont des facteurs au moins aussi importants.
Parlons des « réserves indues » dont disposeraient les mutuelles. Il y a un sujet très difficile pour nous : au regard des règles européennes, nous sommes considérés comme des assureurs. Peu importe notre qualité d’organismes mutualistes : ce qui compte, c’est l’activité d’assurance santé que nous exerçons. En d’autres termes, que cette activité soit exercée par une mutuelle, une compagnie d’assurances ou un bancassureur, c’est la même chose du point de vue du droit européen. En tant qu’assureurs, nous serons soumis, à partir du 1er janvier 2016, à la directive « solvabilité II », laquelle va nous obliger à ajouter des couches de prudence aux couches de prudence, à détenir toujours plus de fonds propres afin de pouvoir faire face à nos engagements vis-à-vis de nos adhérents dans la durée. Au regard de la directive « solvabilité II » et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui nous contrôle, les qualités premières d’un assureur sont la solidité, la robustesse, la solvabilité et, j’oserais même dire, la rentabilité.
Or nous avons parfois le sentiment que, du point de vue des responsables politiques, ces qualités sont des défauts, voire seraient équivalent à une forme de prédation que nous exercerions sur nos assurés. Je regrette de devoir vous dire que ces deux manières de penser, ces deux « logiciels », sont absolument incompatibles ! On ne peut pas, quand cela arrange, nous classer dans la catégorie des assureurs qui doivent répondre à toute une série d’exigences, notamment en matière de solvabilité, et, immédiatement après, nous reprocher le niveau de nos fonds propres et nous accuser de pratiquer des tarifs trop élevés !
Il existe une grande différence entre, d’une part, les mutuelles et, d’autre part, les bancassureurs et les compagnies d’assurances. Pour ces derniers et dernières, l’assurance santé est le plus souvent un élément de diversification ou une porte d’entrée afin de proposer d’autres prestations, notamment des produits d’épargne – c’est non pas un reproche que je leur adresse, mais un simple constat. Les mutuelles de santé, pour leur part, ne sont présentes que dans le domaine de la santé – peut-être est-ce d’ailleurs leur faiblesse dans le monde qui est le nôtre. Dès lors, pour elles, l’élément de diversification, c’est l’offre de soins : elles ont développé 2 500 services de soins et d’accompagnement mutualistes dans notre pays. Or, si l’on continue à exercer en permanence une pression à la baisse sur les prix et sur les marges des mutuelles, cela aura des conséquences visibles sur leurs offres de soins, qui sont ouvertes à toute la population, sur l’ensemble du territoire, dans vos circonscriptions. Je le dis avec force : si nous n’arrivons pas à faire entendre ce message, vous allez mettre le modèle mutualiste en grand danger.
M. le coprésident Pierre Morange. Rassurez-vous, nous connaissons bien ces dispositifs : « solvabilité II », « Bâle III », la composition des paniers d’actifs financiers, dont certains sont liés à la dette publique – on peut d’ailleurs se demander si c’est pertinent, tant la dette enfle, à l’image de la grenouille de la fable de La Fontaine ! De surcroît, les assureurs privés assument souvent des coûts de gestion liés au pourcentage – de l’ordre de 7 à 8 % – demandé par les agents généraux d’assurances.
Vous avez évoqué le procès d’intention qui vous est fait, notamment à propos du volume d’actifs financiers que vous devez immobiliser pour exercer votre métier d’assureur. Pouvez-vous nous préciser, le cas échéant après cette audition, le montant de vos actifs financiers immobilisés au titre de la directive « solvabilité II » ? Certains estiment qu’il est le double de ce qui serait nécessaire. Or j’aimerais, une fois pour toutes, purger la réflexion de ce sujet. Tant que l’on pourra penser que le niveau de vos immobilisations financières est excessif, on vous fera ce procès d’intention. En revanche, si vous démontrez que vous ne faites qu’appliquer les règles, nous pourrons laisser de côté ces débats idéologiques et nous concentrer sur l’analyse coût-efficacité, conformément au rôle de la MECSS.
M. Serge Brichet. Nous avons bien noté votre demande, monsieur le président, et y ferons suite.
En mettant en regard l’article 39 et l’article 21 du PLFSS pour 2016, nous constatons un véritable paradoxe : d’un côté, en matière d’assurance maladie obligatoire, on cherche à aller vers une unicité de régime ; de l’autre, en matière de couverture complémentaire santé, on souhaite « stimuler la concurrence » – ce sont des termes qui m’ont été opposés.
En ce qui concerne l’article 21, les dangers potentiels vont au-delà de la démutualisation des risques et des populations. En effet, il faut prendre en compte le fait que les retraités que nous protégeons bénéficient non seulement d’une couverture santé, mais aussi d’une couverture contre les risques longs – dépendance, handicap, décès, etc. –, laquelle risque de disparaître si le dispositif prévu par l’article 21 est mis en place. Je tenais à signaler ce point très important.
M. le rapporteur. Merci, madame, messieurs. Nous avons pu mesurer la force de vos convictions.
Audition de M. Benjamin Chkroun, délégué général d’emeVia, et M. Pierre-Édouard Magnan, trésorier ; M. Romain Boix, président de La mutuelle des étudiants (LMDE)
M. le coprésident Pierre Morange. Dans le cadre de nos travaux sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles, nous accueillons aujourd’hui des représentants du réseau de mutuelles étudiantes emeVia et de La Mutuelle des étudiants (LMDE).
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Messieurs, que pensez-vous des recommandations émises par le Défenseur des droits dans son rapport sur l’accès des étudiants aux soins ? Quelles réformes envisagez-vous ?
Par ailleurs, l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, actuellement en discussion, tend à réformer les conditions de délégation de la gestion des prestations d’assurance maladie obligatoire ; entre autres choses, il renvoie à un décret le soin de définir les conditions de ces délégations. Quelles seront pour vous les conséquences de ce changement législatif ?
Plus généralement, comment améliorer l’information des étudiants sur leur système de sécurité sociale ?
La reprise d’une partie des activités de la LMDE par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ne fausse-t-elle pas la concurrence ?
M. Benjamin Chkroun, délégué général d’emeVia. S’agissant du rapport du Défenseur des droits et des réformes que nous envisageons, nous avons travaillé avec le Défenseur et formulé des propositions.
Le régime de sécurité sociale étudiant applique les règles administratives du régime général, qui sont mal adaptées à la vie d’un étudiant. Ainsi, les droits sociaux d’un étudiant commencent aujourd’hui au 1er octobre : avant cette date, nous ne pouvons ni créer de carte Vitale, ni récupérer des données, par exemple. Or c’est un régime dont le tiers des adhérents change chaque année : 400 000 à 500 000 jeunes s’inscrivent en même temps à la rentrée de l’automne, ce qui crée un goulet d’étranglement.
Nous avons donc proposé de commencer à travailler dès l’inscription de l’étudiant à l’université, afin de pouvoir aller très vite à partir du 1er octobre. Il y a deux ans, nous avons ainsi expérimenté l’instruction des dossiers des étudiants à partir du 1er juillet ; cela nous a permis de fluidifier le système, en repérant plus vite les problèmes posés, par exemple, par la transmission de données entre les régimes des parents et le régime étudiant – ce processus peut en effet être complexe, par exemple pour la mutualité sociale agricole (MSA) ou le régime social des indépendants (RSI). Cette expérience a amélioré la qualité de notre service, ce qui est notre but.
Nombre de recommandations du Défenseur des droits vont dans le sens de nos demandes. Nous lui avons écrit pour formuler d’autres propositions mais nous n’avons pas encore de réponse. La population étudiante diffère de la population générale : il est donc souhaitable d’adapter la réglementation.
M. le rapporteur. Pouvez-vous nous présenter les grandes caractéristiques d’emeVia ?
M. Benjamin Chkroun. EmeVia est une fédération de mutuelles. Nous gérons 952 000 étudiants pour le régime obligatoire d’assurance maladie, et un peu moins de 250 000 étudiants pour le régime complémentaire. Nous réalisons chaque année 1 200 actions de prévention, qui touchent 420 000 jeunes – pas uniquement des étudiants, mais aussi des lycéens, car les addictions ne surviennent pas brutalement au lendemain du baccalauréat.
Nous employons aujourd’hui 461 équivalents temps plein (ETP) pour le régime obligatoire, un ETP gérant donc en moyenne un peu moins de 1 500 étudiants. En trois ans, nous avons augmenté notre productivité de 18 %.
M. le rapporteur. Quel système d’information (SI) utilisez-vous ?
M. Benjamin Chkroun. Nous sommes une fédération ; nos adhérents utilisent différents systèmes. Plusieurs de nos mutuelles utilisent le système fourni par CIMUT, opérateur breton. D’autres ont formé un groupement d’intérêt économique (GIE) pour développer un système propre. Une autre de nos mutuelles utilise un système qui lui appartient.
M. Romain Boix, président de La Mutuelle des étudiants (LMDE). Je commencerai par présenter La mutuelle des étudiants.
Celle-ci se trouve en effet aujourd’hui dans une situation très particulière : elle sort d’une période de restructuration importante, et le chantier n’est pas terminé.
Elle gère aujourd’hui le régime obligatoire et le régime complémentaire de ses adhérents étudiants ; mais le régime obligatoire est, depuis le 1er octobre 2015, une mission partagée, par convention, avec la CNAMTS.
Les difficultés de gestion du régime obligatoire par la LMDE étaient en effet importantes, comme différents rapports l’ont montré. Au cours de la période d’administration provisoire, il y a d’abord eu un rapprochement avec la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN). Mais, au cours de l’hiver dernier, cette dernière a manifesté son désir de mettre fin à ce partenariat ; à ce moment, et à vrai dire un peu en amont, la LMDE a souhaité se rapprocher de la CNAMTS.
La LMDE n’est plus depuis le 31 octobre sous administration provisoire, comme elle l’a été pendant un an et quatre mois à la suite de la décision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Une dernière opération importante demeure en attente : nous espérons que le tribunal de grande instance de Créteil validera notre plan de sauvegarde au mois de janvier prochain.
La LMDE employait entre 500 et 600 ETP ; la cible est aujourd’hui d’une centaine de personnes, pour la gestion du régime complémentaire et de la partie résiduelle du régime obligatoire. Elle continue de gérer 800 000 à 900 000 personnes au titre du régime obligatoire d’assurance maladie, et environ 150 000 à 180 000 adhérents au titre du régime complémentaire.
M. le rapporteur. Quel est votre système d’information ?
M. Romain Boix. Nous étions membres du GIE Chorégie, que nous avons quitté pour rejoindre pour la partie du régime obligatoire le système d’information de la CNAMTS.
M. le coprésident Pierre Morange. Lors d’une précédente audition, le directeur général de la CNAMTS nous a indiqué que quelque 400 ETP pourraient être repris par cet organisme. À quelle masse salariale cela correspond-il ?
M. Romain Boix. Je n’ai pas l’information sur l’évaluation de la masse salariale.
M. le coprésident Pierre Morange. C’est une question pourtant essentielle ! La MECSS contrôle la bonne utilisation de l’argent public. Nous sommes en permanence préoccupés par l’efficience de la dépense publique ! Or la démonstration a été largement faite que ni la qualité de service, ni les coûts de gestion n’étaient à la hauteur des attentes légitimes de la population estudiantine, pour le dire courtoisement.
J’insiste sur la nécessité pour nous de disposer d’éléments chiffrés sur les coûts de l’opération de transfert, qui devront être assumés par l’Assurance maladie. La migration vers la CNAMTS doit permettre d’apporter aux étudiants une meilleure qualité de service – je rappelle les milliers de dossiers à l’abandon, l’absence de réponse au téléphone dans onze ou douze cas sur treize. Elle doit aussi être pertinente en termes de coût de gestion.
M. Romain Boix. Le nombre d’ETP transférés est de 436. Je n’ai pas ici l’information sur la masse salariale mais je vous la transmettrai.
S’agissant des coûts de gestion et de l’efficience de la gestion du régime d’assurance maladie, une diminution progressive de la remise de gestion pour la partie résiduelle du régime obligatoire a été proposée par l’Assurance maladie.
La LMDE a été pendant seize mois sous administration provisoire, ce qui n’est pas anodin. Différents rapports ont fait des propositions, que la LMDE ne regarde pas forcément d’ailleurs d’un mauvais œil – je pense notamment au rapport des sénateurs Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon.
La recherche de la solution à ces difficultés importantes de gestion dont souffrait la LMDE – notamment en ce qui concerne le taux de réponse au téléphone et le traitement des courriers – est précisément l’objet même du transfert à la CNAMTS. L’administratrice provisoire de la LMDE, qui a été suivie par l’assemblée générale unanime de la LMDE, a considéré que la mutuelle ne pouvait plus remplir ces missions de façon efficiente ; c’est pourquoi nous nous sommes tournés vers la CNAMTS, qui peut, elle, assurer cette gestion.
M. le coprésident Pierre Morange. Je n’aurai pas la cruauté de souligner qu’il eût été possible d’agir plus tôt. Il faut maintenant examiner les conséquences de ce transfert, sur le système d’information par exemple.
M. le rapporteur. Monsieur Romain Boix, comment la LMDE en est-elle arrivée là ? Cette mutuelle est ancienne, et les rapports ont été nombreux au fil des années – celui du Défenseur des droits est particulièrement éclairant. Où sont les défaillances ? Pourquoi n’agir que maintenant ?
M. Romain Boix. Les premières causes de ces difficultés sont à chercher du côté des conditions de création de la mutuelle, qui ont pesé sur sa capacité à dégager des excédents et à équilibrer ses comptes. La LMDE a en effet été créée à la suite de la disparition de la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF), sans disposer des fonds propres nécessaires à la création d’une mutuelle, grâce à un dispositif de solidarité entre deux mutuelles : la MGEN remplissait les obligations de solvabilité de la LMDE, sur la base d’une convention de substitution.
La LMDE a aussi, lors de sa création, émis des titres participatifs, principalement détenus par la Matmut et la MGEN. Mais elle n’a pas dégagé suffisamment d’excédents pour rembourser cette dette initiale, et l’endettement a pesé sur les comptes.
Par la suite, lorsqu’il a été constaté que le modèle économique de la LMDE ne lui permettait plus d’assurer correctement ses missions, des décisions ont été prises. Malheureusement, la transformation qui a eu lieu entre 2011 et 2012, au lieu d’améliorer la situation, l’a dégradée, en particulier parce que le périmètre d’emploi n’a pas été réduit, malgré un plan social. Les coûts ont en réalité augmenté, ce qui n’a pas permis de dégager de nouveaux excédents.
Au cours de sa première dizaine d’années d’activité, la LMDE n’a donc pas pu relever la tête, en raison de cet endettement initial – aujourd’hui traité par le plan de sauvegarde et la procédure collective – mais aussi de l’échec de ce plan de transformation.
Par la suite, la gouvernance étudiante a décidé de se rapprocher de la MGEN et de mutualiser la gestion, afin d’améliorer l’efficience et la qualité de service, notamment en transférant une partie de l’activité de gestion et de fonction support à la MGEN. Ainsi, ces activités ne pesaient pas sur les comptes de la LMDE.
Cette transformation n’est pas, je vous l’ai dit, allée jusqu’à son terme ; la CNAMTS a donc été sollicitée pour prendre en charge le régime obligatoire des étudiants.
M. le rapporteur. Vous souffrez donc surtout de l’héritage néfaste de la MNEF ?
M. Romain Boix. La MNEF a été liquidée. Ce n’est donc pas son héritage qui a engendré les dysfonctionnements de la LMDE, mais les conditions de création de celle-ci.
M. le coprésident Pierre Morange. Ces explications ne justifient en rien l’extrême médiocrité de la qualité des prestations. Les coûts de gestion sont de plus très élevés. La LMDE n’a réglé ni l’un ni l’autre de ces dysfonctionnements.
Qu’en est-il maintenant de l’assurance complémentaire, dont vous conservez la compétence ? Les coûts de gestion, considérés comme excessifs par les différents rapports, vont-ils diminuer ? Envisagez-vous une rationalisation, une optimisation de la dépense ?
M. Romain Boix. Le régime obligatoire est en effet désormais traité par la CNAMTS, moyennant la diminution de la remise de gestion déjà évoquée, à raison de : 7,80 euros par bénéficiaire en 2016, 5,60 euros par bénéficiaire en 2017, 4,40 euros par bénéficiaire en 2018.
M. le coprésident Pierre Morange. Globalement, à combien arrive-t-on ?
M. Romain Boix. Environ 7 millions d’euros en 2016, 5 millions d’euros en 2017 et 4 millions d’euros en 2018.
M. le coprésident Pierre Morange. On pourrait considérer que ce ne sont pas là des économies très conséquentes.
M. Romain Boix. Nous partions de 52 euros par bénéficiaire. L’économie est donc importante.
M. le coprésident Pierre Morange. Cela restera à démontrer – car finalement, l’essentiel du travail est confié à la CNAMTS.
Qu’en est-il des coûts de gestion de l’assurance complémentaire ? Avez-vous tiré les leçons de la situation et décidé de rationaliser vos effectifs ?
M. Romain Boix. Nous avons choisi d’établir un partenariat avec le groupe Intériale, avec une direction générale commune. Dans ce cadre, la LMDE entend se concentrer sur son cœur de métier, la gestion du régime complémentaire étant déléguée au prestataire Almerys.
Notre cible en termes d’effectifs est d’environ 100 ETP, soit cinq fois moins qu’auparavant.
La LMDE pourra ainsi se concentrer sur son développement et son activité commerciale auprès des étudiants : affiliation au régime obligatoire, adhésion au régime complémentaire, prévention et accompagnement des étudiants dans leurs démarches.
Nous arrivons ainsi à un rapport de sinistralité, pour le régime complémentaire, d’environ 70 %.
M. le coprésident Pierre Morange. Quel sera alors le coût par bénéficiaire ?
M. Romain Boix. En ce qui concerne le régime complémentaire, notre argumentation devant l’ACPR reposait sur le ratio de sinistralité. Quant au régime obligatoire, les remises de gestion ont vocation à couvrir les coûts de l’activité résiduelle de la LMDE.
M. le coprésident Pierre Morange. Nous aimerions néanmoins connaître ces chiffres.
M. le rapporteur. Je me tourne maintenant vers les deux représentants d’emeVia.
Comment répondez-vous aux critiques formulées par les différents rapports
– dysfonctionnements, retards de remboursement, pertes de documents –, ainsi qu’aux recommandations du Défenseur des droits ?
Pourrez-vous gérer le tiers payant généralisé, qui figure dans le projet de loi relatif à la santé en cours de discussion ?
M. Benjamin Chkroun. Je commence par revenir quelques instants sur l’article 39 du PLFSS pour 2016. Nous regrettons fortement le vote de ce texte long et illisible
– beaucoup de parlementaires l’ont affirmé –, établi sans concertation, sans consultation, sans étude d’impact, alors que cette réforme modifie de fond en comble les conditions de délégation de service public pour les mutuelles. Heureusement, les amendements votés par l’Assemblée nationale ont amélioré le projet de loi.
Nous regrettons aussi que les modalités futures de la gestion mutualiste soient renvoyées à un décret : les parlementaires se voient ainsi retirer la prérogative de statuer sur ces sujets. Nous venons d’ailleurs de recevoir une partie du projet de décret : si vous trouviez l’article 39 du PLFSS pour 2016 incompréhensible, ce projet de décret est bien pire… Cette expérimentation – car nous pensons que c’en est une – est malheureuse.
D’ores et déjà, la mise en place de la protection universelle maladie s’annonce extrêmement complexe : nous sommes un peu interloqués par la teneur de nos échanges avec l’administration. Le 9 octobre, lors d’une réunion à la CNAMTS, nos interlocuteurs avouaient leur ignorance sur les conditions de sa mise en place. Le 5 novembre, nous avions rendez-vous avec M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale ; à cette occasion, il nous a annoncé la création d’un groupe de travail sur les conséquences de la prestation universelle maladie sur les régimes délégués et l’Assurance maladie.
Aujourd’hui, nos interlocuteurs nous certifient que la mise en place de cette prestation universelle n’aura aucune incidence sur les conditions d’affiliation des étudiants, mais nous sommes quelque peu sceptiques.
Il y a pour nous deux enjeux principaux. D’une part, le Gouvernement entend faire disparaître progressivement la notion d’ayant droit majeur. Je n’entre pas ici dans les détails techniques, mais je donnerai tout de même quelques exemples. Un étudiant de moins de vingt ans dont les parents sont travailleurs non salariés était jusqu’à présent ayant droit de ses parents, et ne pouvait pas être affilié lui-même à leur régime. Demain, ce même étudiant devra être affilié de plein droit : mais le sera-t-il au RSI ou au régime étudiant ? La direction de la sécurité sociale (DSS) ne sait pas nous répondre. Quant aux étudiants salariés, la règle de la quotité minimale de travail déterminant leur statut d’étudiants ou de salariés a été supprimée. Mais que deviennent-ils ? C’est très flou, et « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ».
Enfin, nous regrettons la suppression de l’article L. 381-8 du code de la sécurité sociale, issu d’un combat que nous avions mené il y a vingt ans. Il assurait l’égalité des remises de gestion entre les opérateurs des régimes délégués étudiants. En entendant le président de la LMDE, nous comprenons les raisons de cette suppression ; mais cette situation risque de créer des approximations malheureuses.
M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous préciser quels sont vos coûts de gestion pour l’assurance complémentaire, y compris les coûts de stratégie commerciale ? C’est un débat récurrent : beaucoup d’affiliés ont du mal à comprendre que leur cotisation à une mutuelle comprenne des frais de publicité, de promotion commerciale… Cela peut être légitime dans un cadre économique concurrentiel, bien sûr, mais cela peut aussi paraître entrer en contradiction avec la prétention à porter un message humaniste.
M. Benjamin Chkroun. Nous représentons ici un réseau de mutuelles. Nous gérons en bon père de famille, ce qui nous a permis de préserver notre équilibre économique : notre gestion est à l’équilibre pour le régime obligatoire et nous dégageons des excédents sur le régime complémentaire – ce qui nous permet de nous développer, mais aussi de ne pas augmenter les cotisations de nos adhérents. Nous n’avons pas grand-chose à voir avec les grands groupes auxquels vous songez : vous ne verrez jamais l’une de nos publicités avant le journal de vingt heures de TF1, ne serait-ce que parce que nous n’avons pas l’argent pour cela !
Il est désormais obligatoire de publier nos coûts de gestion pour la partie régime complémentaire : je vous les transmettrai.
Pour les mutuelles étudiantes, la complémentaire santé est une activité accessoire : le régime obligatoire d’assurance maladie constitue 88 % de notre activité. Notre but premier est donc la gestion efficace, avec une bonne qualité de service, du régime obligatoire. Aujourd’hui, notre taux de réponse au téléphone est de 92 %, parce que nous avons investi dans ce domaine – ce taux est d’ailleurs meilleur que celui de la CNAMTS. De même, 88 % de nos remboursements sont faits en quarante-huit heures, et les 12 % restant en moins de six jours, grâce à nos investissements dans nos systèmes d’information mais aussi grâce à un taux très élevé d’équipement en cartes Vitale.
Notre plus-value, c’est l’adaptation à une population particulière, souvent précaire, souvent à court d’argent, et qui est habituée à des réponses immédiates à ses questions.
M. le coprésident Pierre Morange. Il serait d’ailleurs intéressant que vous nous présentiez votre modèle économique, afin que nous soyons en mesure d’établir des comparaisons entre les différentes mutuelles mais aussi avec l’Assurance maladie. Les chiffres que vous nous donnez impliquent une forte rationalisation.
M. Benjamin Chkroun. Small is beautiful, c’est ce que nous nous disons souvent.
M. le rapporteur. Vous n’avez pas répondu sur la gestion du tiers payant.
M. Benjamin Chkroun. Nous avons été les premiers à mettre en place la carte Vitale. Nous mettrons aussi en place le tiers payant : cela ne pose pas de problème, ni sur le plan technique ni sur le plan opérationnel. Nous avons l’habitude d’essuyer les plâtres des réformes de l’assurance maladie.
M. le rapporteur. Quid de vos coûts de gestion ? Comment fonctionne ce réseau de mutuelles ?
M. Benjamin Chkroun. Pour vous répondre sur les coûts de gestion, je reviens sur le calcul de la remise de gestion. L’Assurance maladie dispose de deux indicateurs, le BAM 102 – coût du bénéficiaire actif moyen dans les 102 caisses primaires d’assurance maladie – et le BAM 50 – coût dans les cinquante caisses primaires les moins chères. Le calcul de notre remise de gestion se fait sur la base du BAM 50. Dans la mesure où nous ne réalisons pas toutes les activités d’une caisse primaire – nous ne versons pas d’indemnités journalières, par exemple –, un coefficient de réalisation est appliqué. Il est, depuis une dizaine d’années, de 77,26 %.
Le BAM 50 est de 65,37 euros ; notre remise de gestion devrait donc être de 50,50 euros. Parce que nous sommes des gens responsables, nous avons accepté de nous en tenir à 50 euros – multipliée par un million d’assurés sociaux, cette différence de 50 centimes n’est pas négligeable. Nous avons accepté de descendre, en 2017, à 46 euros. Cela revient à une diminution, en quatre ans, de 15 % – pour une qualité de service aussi bonne, voire meilleure. Nous nous heurtons maintenant à des problèmes réglementaires ; l’adaptation de la réglementation nous permettrait de réaliser de nouveaux gains de productivité.
M. Pierre-Édouard Magnan, trésorier d’emeVia. Vous nous interrogez également sur le fonctionnement du réseau de mutuelles. Il est simple. Les mutuelles, qui sont régies par le livre II du code de la mutualité, adhèrent à la fédération, selon un mécanisme tout à fait classique, comparable à celui d’une fédération d’associations. La fédération est leur porte-voix ; c’est un outil de coordination nationale, l’interlocuteur du ministère de la santé, du ministère de l’Éducation nationale…
Vous nous avez transmis des questions par écrit avant cette audition ; l’une d’entre elles porte sur nos « coûts de gestion supérieurs à ceux de la CNAMTS ». Nous avons été très malmenés ces dernières années, pour de bonnes et de mauvaises raisons – nul n’est exempt de reproches, même si certains en ont mérité plus que d’autres. En l’occurrence, nos coûts de gestion ne sont pas supérieurs à ceux de la CNAMTS, mais le mode de calcul de la remise de gestion l’empêcherait de toute façon !
Certes, l’un des deux acteurs du régime étudiant a connu des problèmes sérieux, qui ont pesé sur son activité. Mais le système mis en place est globalement très bon, puisqu’il garantit que nous sommes au moins aussi peu chers que la moins chère de toutes les CPAM. Quand nous avons lu certaines mises en cause, dans des journaux importants, nos cheveux, je ne vous le cache pas, se sont dressés sur nos têtes !
Nous rationalisons nos coûts, à commencer par nos coûts de personnel. Nous travaillons aussi beaucoup sur la dématérialisation : nous avons la chance d’avoir un public jeune, rompu aux nouvelles technologies.
Vous nous demandez aussi pourquoi nous avons recours à des systèmes d’information différents de ceux de la CNAMTS. C’est tout simple : cela fait très peu de temps que celle-ci peut mettre à disposition des autres acteurs un système d’information qui leur permette de gérer le régime délégué. Bien sûr, aujourd’hui, le monde de la mutualité mène des réflexions sur ces questions ; nous voyons bien quel est le sens de l’histoire, et que la CNAMTS est maintenant capable de faire ce qui ne lui était pas possible il y a quelques années. Sans doute les systèmes d’information constituent-ils une piste intéressante de rationalisation des dépenses. Nous ne sommes pas des magiciens : il va falloir faire fonctionner nos mutuelles avec une remise de gestion de 46 euros. Or nous sommes aujourd’hui à peu près à l’équilibre. Il faudra donc de nouvelles pistes d’optimisation.
Mais, je le répète, nous n’avons pas choisi de ne pas utiliser le système d’information de la CNAMTS. La question ne se posait pas. Elle se pose désormais, et nous réfléchissons aux réponses à lui apporter.
Sur le plan technique comme sur le plan financier, le régime étudiant de sécurité sociale, quand il fonctionne de façon saine, est particulièrement intéressant pour les finances publiques.
De plus, l’idée qu’un régime soit géré pour partie par ses usagers a une signification politique. Nos missions de prévention, notamment à destination des publics jeunes, sont essentielles ; elles le sont aussi du point de vue financier, à moyen et long terme. Nous y travaillons énormément, même si les violentes mises en cause auxquelles nous avons dû faire face ont beaucoup compliqué notre présence dans les lycées, par exemple.
Notre système fonctionne. Il a connu des difficultés, mais lequel n’en connaît pas ? L’architecture est bonne, et les chiffres donnés par Benjamin Chkroun montrent qu’il est possible de gérer ce régime de manière efficace pour l’étudiant, de manière responsable pour les finances publiques, et surtout de manière utile pour la santé publique.
M. le rapporteur. Combien de mutuelles regroupez-vous ?
M. Benjamin Chkroun. Nous fédérons onze mutuelles étudiantes régionales.
S’agissant des systèmes d’information, je précise que jamais la CNAMTS ne nous a fait de proposition – ni technique, ni financière – pour son Infogérance. Nous sommes des entreprises certes d’économie sociale et solidaire, mais des entreprises : nous investissons, et nous devons voir à long terme. L’Assurance maladie nous expose, de façon un peu péremptoire, son système d’information ; mais nous ne savons ni comment il fonctionne, ni s’il est performant, ni s’il est adapté à notre fonctionnement et à notre public, ni combien il coûte… Nous pouvons tout entendre, et nous avions bien sûr envie de croire M. Frédéric van Roekeghem, ancien directeur général de la CNAMTS, quand il nous vantait un système efficace et peu cher. Mais nous devons agir de façon raisonnée.
M. le coprésident Pierre Morange. Le nouveau directeur général saura peut-être vous convaincre.
Nous ne pouvons que constater, avec les mutuelles, l’absence d’étude d’impact sur l’article 39 du PLFSS pour 2016.
Les grandes mutuelles de fonctionnaires nous ont, quant à elles, fait part de leur perplexité sur l’application du tiers payant généralisé.
Enfin, sans vouloir parler pour le Gouvernement, je crois que la disparition de la notion d’ayant droit majeur est pour l’exécutif une façon de faire de chaque personne majeure un assuré social autonome.
M. le rapporteur. Merci, messieurs. Nous attendons les compléments d’information que vous voudrez bien nous fournir. Ils nous seront utiles pour notre rapport.
M. Romain Boix. Ce sera fait.
M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous demanderons également une évaluation de vos avoirs, qui doivent être à la hauteur définie par les règles prudentielles.
M. Romain Boix. La solvabilité de la LMDE est essentiellement assurée par sa mutuelle substituante. Les marges de solvabilité sont inexistantes aujourd’hui…
M. le coprésident Pierre Morange. J’ai bien compris. Je parlais évidemment de la structure à laquelle vous êtes adossés.
*
* *
Audition de M. Philippe Rouet, responsable de la mission accompagnement des régimes partenaires d’assurance maladie obligatoire au sein de la direction déléguée aux opérations (DDO) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Système d’information et Infogérance, Mme Cécile Alomar, directrice des maîtrises d’ouvrage métier, et Mme Catherine Gary, consultante projet ; M. Philippe Simon, président de Cegedim Assurances ; M. Christian Chaboud, directeur général de MGEN Technologies, et M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques
M. le coprésident Pierre Morange. Mesdames, messieurs, au nom des membres de la MECSS, je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Dans le cadre de nos travaux sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles, il nous fallait impérativement rencontrer les responsables des systèmes d’information, lesquels sont évoqués à chaque audition par les mutuelles et les différents partenaires. Voilà pourquoi nous avons souhaité entendre les représentants du système d’information de la CNAMTS, mais aussi de Cegedim, compagnie privée chargée de l’informatisation, et de MGEN Technologies dont les services et les systèmes ont été évoqués au cours des précédentes auditions.
Pouvez-vous nous présenter vos systèmes d’information respectifs ? Quelles en sont les particularités ? Quelles mutuelles les utilisent ? Comment chaque système a-t-il été choisi, puis développé ? Pourquoi celles et ceux qui ne dépendent pas de l’Infogérance de la CNAMTS ont-ils choisi un autre système d’information ? Quels sont les coûts associés ?
J’ajoute immédiatement une information qui concerne spécifiquement Infogérance : les représentants de l’une des mutuelles étudiantes que nous venons de recevoir nous ont dit vous avoir interrogés sur votre système et ses coûts mais n’avoir jamais reçu de réponse. Je vous indiquerai de laquelle il s’agit afin que vous puissiez résoudre le problème.
M. Philippe Rouet, responsable de la mission accompagnement des régimes partenaires d’assurance maladie obligatoire au sein de la direction déléguée aux opérations (DDO) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Système d’information et Infogérance. L’identité des mutuelles qui utilisent Infogérance est déclinée à la fin du tableau récapitulatif qui vous a été fourni lors de l’audition du directeur général de la CNAMTS. J’en rappelle la liste pour mémoire : dans l’ordre chronologique, nous avons repris la gestion de la MGP (Mutuelle générale de la police), de la mutuelle de la CAMIEG (Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières), de la MNH (Mutuelle nationale des hospitaliers), puis d’Intériale, une mutuelle de policiers, de LMG (La Mutuelle générale), qui est la mutuelle de La Poste ; de MFP (Mutuelle de la fonction publique) Services et de HFP (Harmonie Fonction publique), dont une partie des assurés a migré vers notre système ; la dernière mutuelle reprise est la LMDE (La Mutuelle des étudiants), pour laquelle nous détenons un mandat de gestion.
Par ailleurs – mais ce n’est peut-être pas tout à fait le sujet –, nous avons repris au sein du régime général de petites mutuelles qui, au titre de l’article L. 211-4 du code de la sécurité sociale, bénéficiaient d’une délégation de gestion de la part des caisses primaires et qui ont annoncé à celles-ci ou à la CNAMTS qu’elles cessaient de gérer le régime obligatoire. Les personnes qu’elles assuraient sont ainsi devenues des assurés du régime général au sein des CPAM.
M. le coprésident Pierre Morange. Dans ces différents cas, y a-t-il eu des difficultés liées aux interfaces entre votre système d’information et ceux, souvent « propriétaires », qui ont été construits avec les structures assurantielles, notamment mutualistes ? Si je vous interroge sur ce point, c’est que l’ « urbanisation » des systèmes informatiques n’est pas une mince affaire. Nous nous en préoccupons depuis la naissance de la MECSS, en 2004, et nous apprécions régulièrement la réponse des responsables successifs de l’assurance maladie à propos de l’avancement méthodique de la valorisation du système, dont la finalisation est toujours repoussée à l’année suivante… Êtes-vous en mesure de nous annoncer qu’en 2015 le système est totalement urbanisé et fonctionne suffisamment bien pour que les autres systèmes soient compatibles avec lui ?
M. Philippe Rouet. Cette question relève entièrement de la direction des systèmes d’information : elle nous dépasse quelque peu.
M. le coprésident Pierre Morange. Mais elle est essentielle. Car sans maîtrise de l’information grâce à la coordination et à l’échange entre les différentes structures, le rendement ne peut être optimal. Or l’objectif de la MECSS est la recherche obsessionnelle du meilleur rapport coût-efficacité. N’oublions pas que les dépenses d’assurance maladie s’élèvent à quelque 180 milliards d’euros par an, pour ne rien dire des autres branches assurantielles.
M. Philippe Rouet. Le système d’information proposé par le régime général aux mutuelles en infogérance est le même que celui des CPAM. Plus précisément, le cœur du dispositif est exactement identique : nous proposons aux mutuelles les mêmes outils qu’aux gestionnaires des caisses. La seule différence résulte du « coût projet », c’est-à-dire du coût de migration des données de l’ancien système d’information vers le nôtre. Ce dispositif fonctionne, il est robuste, et il est éprouvé maintenant que nous avons repris les partenaires que j’ai cités.
M. le coprésident Pierre Morange. Que représentent les mutuelles qui n’utilisent pas votre système ?
M. Philippe Rouet. C’est à mes confrères ici présents qu’il faudrait poser la question.
Pour en revenir au système d’information, les seules adaptations dont il fait l’objet en vue d’accueillir le partenaire visent à proposer au client, c’est-à-dire à l’assuré ou à l’adhérent de la mutuelle, un logo, une adresse et, éventuellement, un numéro de plate-forme téléphonique qui identifient la mutuelle. Il s’agit de personnaliser l’interface à l’intention de l’assuré. De même, le compte assuré sur le site internet ameli.fr est assorti du logo du partenaire : par exemple, lorsque les assurés MNH se connectent, c’est un logo MNH qui s’affiche ; lorsqu’il leur est proposé de contacter leur caisse, c’est vers la MNH qu’ils sont orientés.
En somme, notre offre de service est standardisée : nous ne procédons pas à des développements considérables pour accueillir un partenaire. En effet, l’infogérance n’est pas notre métier : notre métier, c’est l’assurance maladie, c’est-à-dire le remboursement des assurés et leur gestion optimale au coût le plus bas possible. Notre offre de service s’inscrit dans ce cadre : son coût est marginal. Nous reprenons le système d’information tel qu’il existe, assorti des interfaces qui fonctionnent – avec l’assurance vieillesse pour le suivi des carrières, avec les impôts pour la déclaration des indemnités journalières, etc.
M. le coprésident Pierre Morange. C’est un sujet que la MECSS connaît bien pour s’être penchée sur le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS).
M. Philippe Rouet. Nous sommes justement en train de procéder au « peuplement » du RNCPS, qui se fera en deux phases. Ce week-end, ce sont quatre de nos partenaires qui sont concernés dont la MGP, LMG et la MNH.
M. le coprésident Pierre Morange. Il ne serait pas inintéressant que nous puissions disposer d’une vision d’ensemble de l’arborescence du système, pour nous assurer que l’interconnexion des fichiers est opérationnelle, au moins théoriquement.
M. Philippe Simon, président de Cegedim Assurances. Par rapport aux autres structures auditionnées cet après-midi, Cegedim Assurances a la particularité d’appartenir à un groupe industriel spécialisé dans le marché de la santé.
Nous fournissons des solutions informatiques à nos clients chargés de l’assurance maladie complémentaire, et d’autres solutions à ceux qui ont reçu une délégation pour gérer l’assurance maladie obligatoire. Ce qui concerne plus de 22 millions de personnes protégées au titre du régime complémentaire, et 3,5 millions pour le régime obligatoire.
Nous sommes également fournisseurs de services de tiers payant, pour plus de 20 millions de personnes protégées.
Enfin, nous équipons des caisses nationales d’assurance maladie à l’étranger, ainsi que des organismes publics, notamment en Afrique. Cela intéresse plus de 16 millions de personnes.
Pour décrire notre système, je me concentrerai sur notre activité en France, en commençant par retracer l’histoire de nos équipements.
À l’origine, nous équipions les mutuelles interprofessionnelles et une association, Apria, qui regroupe les principales compagnies d’assurance et gère les portefeuilles des travailleurs indépendants et les professions libérales, mais aussi des mutuelles de fonctionnaires, des régimes spéciaux, dont ceux de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que des mutuelles étudiantes.
Nous avons décidé en 2008 de réinvestir dans un logiciel moderne, appelé ACTIV’RO. À l’époque, nos logiciels étaient d’architecture très ancienne et il apparaissait nécessaire d’ouvrir de plus en plus les systèmes et de les faire communiquer.
M. le coprésident Pierre Morange. S’agissait-il de systèmes fermés dits, en anglais, mainframe ?
M. Philippe Simon. C’étaient des systèmes propriétaires anciens, reposant sur de vieilles techniques ; non pas des mainframe, mais des architectures de type AS400, Bull, etc.
M. le coprésident Pierre Morange. Dont les loyers annuels devaient être très coûteux ?
M. Philippe Simon. En effet, les coûts de licence et de maintenance étaient très élevés. Surtout, les capacités d’échange en temps réel avec le reste du monde avaient montré leurs limites.
En 2008, notre ambition était donc de créer une plateforme multi-régimes pour remplacer nos différentes solutions par une seule. À cette fin, nous avons investi dans le système que j’ai cité ainsi que dans des spécifications concernant le régime général. Nous avions à l’époque un client pilote, La Mutuelle générale, qui a finalement opté pour le système de la CNAMTS – au terme d’un appel d’offres auquel nous avions répondu, ainsi que nos confrères de la MGEN, mais lors duquel la compétition était un peu particulière puisque la CNAMTS fournissait un système sans facturer le projet et que les coûts étaient difficiles à comparer. Ce faisant, La Mutuelle générale, qui était notre plus gros client s’agissant du régime général, a progressivement entraîné avec elle la plupart de nos clients.
Aujourd’hui, notre système est utilisé par la majorité des organismes conventionnés gestionnaires, pour le régime social des indépendants (RSI), des prestations destinées aux artisans et aux professions libérales. Cela représente quelque 3,1 millions de personnes protégées, soit environ 80 % des affiliés au RSI, gérés sur une seule et même plateforme infogérée dans un data center agréé pour héberger les données de santé et doté des meilleures technologies.
M. Christian Chaboud, directeur général de MGEN Technologies. MGEN Technologies est un groupement d’intérêt économique (GIE) qui prend la suite de Chorégie, lequel n’existera plus au 31 décembre 2015. En effet, Chorégie réunissait le groupe MGEN et MFP Services, qui le quitte au 31 décembre. Le 1er janvier, il ne restera donc plus que MGEN Technologies, qui est la direction des systèmes d’information du groupe MGEN dont il réunit trois mutuelles : MGEN, MGEN Action sanitaire et sociale et MGEN Centre de santé. Et lorsque la LMDE aura quitté le GIE, au 31 décembre, celui-ci sera circonscrit au groupe MGEN.
Le système d’information du groupe est destiné à supporter les métiers qui le composent et il est, de ce fait, fortement structuré par eux. Ces métiers sont au nombre de trois : la gestion du régime obligatoire santé, celle du régime complémentaire santé et prévoyance, enfin la gestion d’une offre de soins à travers 33 établissements sanitaires et sociaux. En ce qui concerne le secteur de la santé, l’organisation du système est déterminée par notre choix stratégique d’une gestion intégrée du régime obligatoire et du régime complémentaire, qui permet de proposer à l’adhérent un guichet et un décompte uniques. Si bien que nous pouvons gérer avec les mêmes outils des affiliés au seul régime obligatoire, des adhérents au régime obligatoire et au régime complémentaire et des adhérents au seul régime complémentaire.
De plus, le système d’information est taillé pour faire face au volume traité par la MGEN, que l’on peut caractériser en quelques chiffres : 3,8 millions de personnes protégées ; 4,8 milliards d’euros de prestations versées au titre des régimes obligatoire et complémentaire ; 1,8 milliard d’euros de cotisations perçues ; 74 millions de feuilles de soins électroniques et 10 millions de feuilles de soins papier traitées chaque année ; 2,3 millions de cartes Vitale.
Il ne s’agit pas d’une application, mais d’un système d’information d’entreprise qui se compose, pour la seule partie dédiée aux métiers de la santé et de la prévoyance, de six ensembles d’applications, fortement intégrées et étroitement liées les unes aux autres. En voici le détail : un ensemble de référentiels – les bases de données personnes, offres et contrats ; un système de gestion de la relation avec l’adhérent ; un système de gestion des cotisations santé, pour la partie complémentaire ; un système de gestion des prestations santé, pour le régime obligatoire et le régime complémentaire ; un système de gestion de la prévoyance et de l’action sociale ; enfin, un système décisionnel couvrant toutes les activités de pilotage opérationnel et stratégique.
Qui utilise notre système ? Dans le cadre de Chorégie, nous – MGEN et MFP Services – avions décidé en 2008 d’engager la refonte des applications de gestion des prestations santé. Le système a été développé depuis et son utilisation a été mutualisée. Il s’agit du programme Orion, dont vous avez peut-être entendu parler et qui a été utilisé jusqu’à la fin 2014 par les mutuelles de la « filière intégrée » de MFP Services – celles qui avaient choisi cette gestion intégrée – et par la MGEN. À la suite du changement de stratégie opéré par certaines de ces mutuelles en 2014, cette application ne sera plus utilisée en 2016 que par la MGEN et, pour la partie régime obligatoire, par la MCVPAP (Mutuelle complémentaire de la ville de Paris et de l’Assistance publique). Par ailleurs, la MGEN procède au 1er janvier à une fusion-absorption de la MGET (Mutuelle générale environnement et territoires), laquelle faisait partie de la filière intégrée, ainsi que de la MAEE (Mutuelle des affaires étrangères et européennes) L’ensemble des autres applications du système d’information ont toujours été exclusivement utilisées par la MGEN.
Comment ce système a-t-il été choisi ? En réalité, il a été construit sur mesure, pour partie par des développements spécifiques et pour partie par l’intégration de progiciels du marché. Bâti de manière progressive, il a été adapté au fil du temps de manière à toujours mieux répondre, à la fois qualitativement et quantitativement, aux besoins des métiers du groupe.
Lorsque nous avons décidé en 2008 de refondre nos applications de gestion des prestations, celles-ci étaient vieillissantes et possédaient toutes les caractéristiques que vous avez évoquées, monsieur le président – propriétaires, mainframe, exagérément coûteuses…
M. le coprésident Pierre Morange. À quel montant s’élevaient ces coûts ?
M. Christian Chaboud. Je n’ai pas le chiffre en tête, il faudra que je le recherche pour vous le communiquer.
À l’époque, donc, la MGEN et MFP Services ont constaté ensemble qu’il n’existait pas sur le marché de solution toute prête permettant d’assurer la gestion intégrée du régime obligatoire et du régime complémentaire et de supporter les volumes en jeu. Nous avons donc choisi d’acquérir une souche logicielle, appelée Starweb, que nous pourrions faire évoluer pour construire notre propre système, adapté à nos besoins. Ainsi est né le programme Orion. Ce choix correspondait à la volonté, affirmée en permanence par nos adhérents, de conserver une maîtrise totale de notre cœur de métier : la gestion de l’assurance, obligatoire et complémentaire. Avec Orion, nous disposons aujourd’hui d’une solution moderne, performante, à l’état de l’art technologique et garantissant une sécurité optimale.
M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous une comptabilité analytique ?
M. Christian Chaboud. Oui.
M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous, sur cette base, comparer les coûts d’utilisation et de fonctionnement de votre système informatique avec ceux du système de la CNAMTS ?
M. le rapporteur. J’ajoute une question qui s’adresse à chacun de vous : quel est le coût de votre système pour les mutuelles partenaires ?
M. Christian Chaboud. Je vais vous donner les coûts que je connais : ceux du système d’information du groupe MGEN. Mais, je le répète, ce système traite l’ensemble des activités métiers du groupe et les dépenses qui en découlent ne font l’objet d’aucun financement public : les coûts sont exclusivement supportés par les fonds propres et par les cotisations des adhérents du groupe. Le contrat pluriannuel de gestion entre la MGEN et la CNAMTS pour la période 2014-2017 ne prévoit aucun financement de l’investissement ou de l’amortissement des systèmes d’information du groupe MGEN.
M. le coprésident Pierre Morange. En recevant – légitimement – des cotisations de la part des adhérents, vous percevez une fraction de ce qui aboutira à un financement public par un autre intermédiaire.
M. Christian Chaboud. Tout à fait. Simplement, nous agissons sur un marché concurrentiel en ce qui concerne l’assurance complémentaire, et nos adhérents sont très attentifs aux cotisations.
J’en viens aux chiffres. Le coût annuel total du système d’information était en 2014 de 108 millions d’euros, dont 70 millions de coût de fonctionnement – ce que nous appelons le run : exploitation et maintenance corrective – et 38 millions de coût de projet
– développements nouveaux ou maintenance évolutive. Ce budget correspond à un peu plus de 4 % du revenu total du groupe. Cette proportion nous situe dans la moyenne du secteur de l’assurance, où le rapport entre le coût du système d’information et le chiffre d’affaires, auquel on a coutume de se référer en entreprise, est de 3 % à 5 %.
M. le coprésident Pierre Morange. Et si l’on rapporte le coût au nombre de bénéficiaires ? Il s’agit toujours pour nous d’établir des comparaisons, ce qui suppose de disposer des mêmes indicateurs pour tous les organismes.
M. Christian Chaboud. Pour vous répondre, je m’appuierai sur les chiffres cités par notre président, M. Thierry Beaudet, lors de son audition. Il a parlé de 51,10 euros de coût de gestion par bénéficiaire actif du régime obligatoire géré par la MGEN. Sur ce montant, on considère que 11 euros sont imputables au système d’information.
M. Philippe Simon. Je conçois qu’il soit difficile, bien que souhaitable, d’établir des bases de comparaison, tant les périmètres peuvent différer. Je vous donnerai pour ma part un chiffre que nous avons estimé et qui concerne un de nos clients, Apria : pour celui-ci, le coût total de la gestion informatique, correspondant à l’activité liée à ACTIV’RO – maintenance, améliorations techniques, exploitation, réseaux, etc. – que nous facturons est inférieur à 2,20 euros par personne protégée. À cela s’ajoutent des charges propres à Apria concernant, par exemple, l’éditique, la bureautique, le CRM ou le décisionnel.
M. Philippe Rouet. Les mutuelles sont rémunérées par la CNAMTS pour la délégation de gestion dont elles bénéficient s’agissant du régime obligatoire. À ce titre, elles perçoivent des remises de gestion, qui leur sont signifiées par un contrat pluriannuel de gestion.
Lorsqu’une mutuelle nous rejoint et n’utilise que notre système d’information, le coût afférent est directement déduit de ses remises de gestion. À ce jour, à condition que la mutuelle respecte les mêmes « abaques » que les CPAM, ce coût est de 2,10 euros. C’est un coût marginal : nous ne faisons aucun investissement lorsque nous reprenons un partenaire, en dehors de l’investissement projet qui ne lui est pas facturé. Ce coût équivaut au coût informatique d’un assuré CPAM.
M. le coprésident Pierre Morange. Vous l’avez compris, nous aimerions que l’outil de la comptabilité analytique permette de justifier des coûts qui s’échelonnent de 2 à 11 euros pour des prestations qui sont globalisées pour les uns, calculées au coût marginal ou imputées sur d’autres lignes budgétaires pour d’autres. Cela clarifierait l’analyse, au bénéfice de la représentation nationale et des citoyens.
M. Philippe Rouet. Permettez-moi de rappeler que la CNAMTS ne gère que le régime obligatoire.
M. le rapporteur. Qu’en est-il des autres structures ?
M. Christian Chaboud. Pour parvenir au montant de 11 euros, nous nous sommes efforcés de distinguer ce qui ne concerne que le régime obligatoire. Mais la gestion intégrée propre à la MGEN ne permet pas de faire facilement la part des choses.
M. le coprésident Pierre Morange. Même avec la comptabilité analytique ?
M. Christian Chaboud. Nous formulons des hypothèses, fondées sur des clés de répartition que l’on peut toujours critiquer. Il faudrait pouvoir comparer ces hypothèses pour être en mesure de comparer les chiffres.
M. Philippe Simon. Chez nous, la comptabilité analytique est particulièrement pointue, de sorte que les 5 euros dont j’ai parlé correspondent précisément à l’activité régime obligatoire, projet inclus. Mes confrères de la CNAMTS font valoir que le projet n’est pas facturé au client ; mais il faut bien qu’il soit payé d’une manière ou d’une autre. Vous avez raison, monsieur le président : c’est la comptabilité analytique qui permet de comparer les coûts. Je ne vois pas comment on peut accorder du crédit à un chiffre lorsque 50 % des coûts ne sont pas affectés de manière analytique.
M. le coprésident Pierre Morange. C’est tout le problème de notre pays, qui s’enivre de chiffres que ne sous-tend aucune analyse exhaustive des coûts. Cela conduit à s’interroger sur la pertinence de nos choix stratégiques, en termes d’investissement comme de fonctionnement, dans tous les secteurs de l’activité humaine, en particulier dans sa dimension publique, censée incarner l’intérêt national.
M. le rapporteur. J’en viens au fameux article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui permet de confier directement aux caisses d’assurance maladie la gestion du régime obligatoire jusqu’alors déléguée aux mutuelles. Les délégations de gestion seraient réformées par le biais d’un décret. Qu’en pensez-vous ?
M. Philippe Rouet. Si la tutelle demande à la CNAMTS de reprendre les assurés de telle ou telle mutuelle, nous le ferons – mais pas du jour au lendemain, naturellement. Il en va de même lorsque le transfert résulte de l’abandon par une mutuelle de la gestion du régime obligatoire : nous fonctionnons alors par projet et faisons en sorte que la migration des assurés vers le régime général s’opère sans aléas, de manière transparente pour l’assuré, qui n’a rien demandé. Nous avons une certaine expérience de telles reprises s’agissant de mutuelles de 35 000 à 40 000 assurés, par exemple HCL (Hospices civils de Lyon) et UMIGA (Union des mutuelles interprofessionnelles du groupe APICL) pour la CPAM de Lyon.
M. le coprésident Pierre Morange. Mais, ici, c’est de près d’un million de personnes qu’il s’agit. Très concrètement, pour les quelque 900 000 bénéficiaires du régime étudiant, quel est le délai nécessaire à la mise en œuvre opérationnelle de la migration ? Celle-ci doit être neutre.
Par ailleurs, abstraction faite des remises de gestion – qui seront en théorie réduites à due proportion du coût de la reprise du régime obligatoire –, le coût de la migration proprement dite a-t-il été évalué ?
M. Philippe Rouet. Je ne peux me prononcer sur un événement qui ne s’est pas encore produit.
M. le coprésident Pierre Morange. On aurait pu imaginer qu’il fasse l’objet d’une étude d’impact minimale !
M. Philippe Rouet. À ce jour, cela n’a pas été fait.
M. le coprésident Pierre Morange. C’est ce que nous avons cru comprendre lors de certaines auditions.
M. Philippe Rouet. Une migration comme celle de la LMDE, avec ses 900 000 assurés, suppose un an de travail.
M. le coprésident Pierre Morange. Voilà qui apporte une réponse très concrète aux interrogations des étudiants.
M. Philippe Rouet. Ces étudiants sont gérés par notre système d’information depuis le 1er octobre. La migration suppose le partenariat avec l’infogérant qui héberge actuellement la solution technique – en l’espèce, MGEN Technologies avec lequel nous avons étroitement collaboré.
M. Christian Chaboud. Sur l’article 39, il ne m’appartient pas de répondre à titre personnel. Je vous renvoie aux propos que mon président, M. Thierry Beaudet, a tenus devant vous. Je me garderai de les paraphraser pour ne pas les trahir.
M. le coprésident Pierre Morange. Il était assez clair sur ce point.
Écartons-nous un instant du sujet qui nous occupe principalement. Comment voyez-vous, du point de vue opérationnel, l’application du tiers payant généralisé ? Les auditions témoignent de la perplexité de ceux qui vont devoir mettre en œuvre la mesure. Ils regrettent d’abord, assez classiquement, l’absence d’étude d’impact. Au demeurant, la complémentaire obligatoire, qui se rapproche du concept de l’assurance maladie obligatoire issu du Conseil national de la Résistance, inspire aussi quelques inquiétudes au secteur mutualiste qui craint d’être absorbé dans le cadre d’une stratégie du type du cheval de Troie.
Pour en revenir à la généralisation du tiers payant, quelle est votre appréciation technique de la mesure, vous qui êtes à la manœuvre ? Qu’en est-il de l’articulation entre les régimes obligatoire et complémentaire dans le cadre du prélèvement automatique des franchises que permet, moyennant l’accord de l’assuré, un amendement gouvernemental déposé au cours de la navette parlementaire ? Nous avons cru comprendre que le dispositif était assez complexe.
M. le rapporteur. Nous aimerions également savoir dans quel délai, selon vous, le tiers payant généralisé pourra être instauré, car nous entendons bien des choses à ce sujet, et dans quel délai vous pourrez vous-mêmes rémunérer les professionnels de santé : moins de sept jours ? Ce délai peut-il être certifié ?
M. Philippe Simon. Cegedim est déjà un opérateur du tiers payant pour 20 millions de personnes, de sorte que sa généralisation ne nous paraît poser aucun problème technique. Nous disposons de tous les outils technologiques permettant de garantir l’efficacité du remboursement et des taux de rejet très faibles, et nous les maîtrisons parfaitement.
L’évolution nécessaire des logiciels, notamment ceux des médecins, pour rapprocher les paiements au titre du régime obligatoire de ceux qui relèvent du régime complémentaire est elle aussi tout à fait à notre portée. Ce point a déjà été étudié.
M. le coprésident Pierre Morange. Dans quel délai peut-on l’envisager ?
M. Philippe Simon. Un délai très bref. Nous allons procéder à une opération pilote au cours des mois qui viennent.
Il serait simpliste de prétendre que, pour proposer aux médecins une solution simple, il faut un opérateur unique. Ce terrain est celui du débat politique. Du point de vue technique, je le répète, les solutions existent et elles sont simples. Nous les avons étudiées ; c’est notre travail.
Quant aux délais de règlement, ils sont aujourd’hui de deux à quatre jours s’agissant du régime complémentaire, mais le dispositif SEPA, par exemple, permet dès à présent de rembourser en temps réel ou à J+1. Le schéma d’utilisation et de remboursement conjugué du régime obligatoire et du régime complémentaire est plus politique que technique.
M. le coprésident Pierre Morange. Et la franchise ? Il faut croire que le sujet n’avait pas été suffisamment étudié puisqu’un amendement gouvernemental a été nécessaire au cours de la navette du texte. Nous ne sommes pas une chambre d’inquisition, mais nous voulons comprendre le fonctionnement du dispositif, dont nous avons bien saisi le principe. Je doute d’ailleurs qu’avant d’opter pour cette mesure, le tour des moyens d’améliorer l’accès aux soins et de réduire les inégalités liées à des obstacles financiers ait été effectué : il serait plus pertinent, à mon sens, de rationaliser la dépense publique pour une meilleure prise en charge, notamment des soins d’optique et dentaires. Mais ne rouvrons pas le débat.
Que pensez-vous donc du prélèvement automatique des franchises, de sa faisabilité ? Est-il lui aussi facile à envisager du point de vue technique ? En outre, le dispositif sera soumis à un plafond défini par décret, ce qui pose un problème juridique eu égard au droit de la consommation : le niveau de prélèvement dépendra d’un texte qui, comme toujours en pareil cas, ne le définit pas précisément.
M. Christian Chaboud. En ce qui concerne le tiers payant, je suis entièrement d’accord avec M. Philippe Simon : la convergence des flux de paiement du régime obligatoire et du régime complémentaire sur le poste de travail du prestataire de santé pose de véritables problèmes politiques, mais non techniques. Les technologies existent, nous faisons déjà du tiers payant et nous saurons le généraliser, quelle que soit la solution politique qui sera retenue.
Quant à la question plus précise que vous venez de poser, franchement, je ne suis pas en mesure d’y répondre aujourd’hui. Je dirais, de même, que nous en sommes capables. Des problèmes juridiques se posent, ainsi, sans doute, que des problèmes politiques, mais le traitement technique par le système d’information ne soulèvera aucune difficulté.
M. le coprésident Pierre Morange. Voilà pourquoi je m’en suis tenu à la question de l’efficience juridique, sur un fondement quelque peu instable puisque la rédaction gouvernementale donnait matière à réflexion – pour parler par euphémisme.
M. Christian Chaboud. Je resterai dans mon rôle de technicien des systèmes d’information et me garderai de me prononcer sur les autres aspects.
M. Philippe Rouet. Comme technicien, je ne suis pas du tout spécialiste du tiers payant. Je suis chargé de piloter l’infogérance et de suivre les partenaires qui sont en infogérance au sein de la CNAMTS, puisque nous sommes le point d’entrée pour les régimes et mutuelles qui utilisent notre système d’information. Je n’ai donc – j’en suis désolé – aucune opinion sur le sujet.
M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques de la MGEN. En ce qui concerne la pertinence du guichet unique, comme nous l’avons rappelé lors de notre précédente audition, son coût de gestion est moins élevé que si régime obligatoire et régime complémentaire étaient séparés. Cela mérite d’être précisé, notamment en vue des comparaisons que vous souhaitiez établir entre la gestion du régime obligatoire seul, la gestion à la fois du régime obligatoire et du régime complémentaire, enfin, la gestion du régime complémentaire seul.
M. le coprésident Pierre Morange. Lors de l’audition dont vous parlez, les responsables de mutuelles nous ont dit en substance qu’ils étaient perplexes quant à la mise en œuvre et leurs propos ne se caractérisaient pas par une grande aménité quant à la philosophie du projet. Mais ne rouvrons pas le débat.
M. le rapporteur. Merci d’être venus, mesdames, messieurs. Il n’est pas fréquent que nous entendions des représentants des systèmes d’information, mais il était intéressant que nous vous recevions dans le cadre de nos travaux.
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1 () Lois organiques du 14 avril 1924 et du 21 mars 1928.
2 () Loi n° 47-649 du 9 avril 1947, portant ratification du décret n° 46-2971 du 31 décembre 1946, relatif à l’institution du régime de sécurité sociale des fonctionnaires.
3 () Congrès de Grenoble d’avril 1946.
4 () Loi n° 48-1473 du 23 septembre 1948 étendant aux étudiants certaines dispositions de l’ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles.
5 () Article L. 381-9 du code de la sécurité sociale.
6 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics et La sécurité sociale des étudiants, septembre 2013.
7 () MM. Boris Ravignon, Arnaud Laurenty et François Auvigne, Mmes Virginie Cayré et Caroline Gardette, M. Xavier Chastel, Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, Les coûts de gestion de l’assurance maladie, septembre 2013.
8 () Article 39 du projet de loi.
9 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics, septembre 2013.
10 () Audition du 4 novembre 2015.
11 () Soit 232 millions d’euros pour l’État et 30,7 millions d’euros pour les mutuelles de l’article L. 211-4.
12 () Les mutuelles de fonctionnaires territoriaux et hospitaliers négocient avec les caisses primaires référentes.
13 () Direction de la stratégie, des études et de la statistique.
14 () Direction des finances et de la comptabilité.
15 () Audition du 24 juin 2015.
16 () Avenant du 1er décembre 2011.
17 () Arrêté en date du 18 décembre 2007.
18 () Arrêté en date du 31 mars 1992.
19 () Décomptes.
20 () Arrêté interministériel du 19 septembre 1962 dit Chazelle.
21 () Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.
22 () Audition du 16 septembre 2015.
23 () Audition du 24 juin 2015.
24 () Au titre du régime obligatoire et complémentaire.
25 () Article D. 712-31 du code de la sécurité sociale.
26 () À l’exception de la SMEREP pour la région parisienne.
27 () Boris Ravignon, Arnaud Laurenty, François Auvigne, Virginie Cayré, Caroline Gardette, Xavier Chastel, Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, Les coûts de gestion de l’assurance maladie, septembre 2013.
28 () Audition du 4 novembre 2015.
29 () Audition du 15 juillet 2015.
30 () Audition du 1er juillet 2015.
31 () Audition du 18 novembre 2015.
32 () Audition du 18 novembre 2015.
33 () Audition du 4 novembre 2015.
34 () Audition du 18 novembre 2015.
35 () Audition du 24 juin 2015.
36 () Audition du 16 septembre 2015.
37 () Audition du 18 novembre 2015.
38 () Audition du 24 juin 2015.
39 () La MGEN garantissait financièrement la LMDE.
40 () Boris Ravignon, Arnaud Laurenty, François Auvigne, Virginie Cayré, Caroline Gardette, Xavier Chastel Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, Les coûts de gestion de l’assurance maladie, septembre 2013.
41 () Audition du 4 novembre 2015.
42 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics, septembre 2013.
43 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics, septembre 2013.
44 () Audition du 18 novembre 2015.
45 () Audition du 16 septembre 2015.
46 () Article L. 911-7 du code de la sécurité sociale.
47 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics et La sécurité sociale des étudiants, septembre 2013.
48 () Données de 2012.
49 () Audition du 15 juillet 2015.
50 () Audition du 24 juin 2015.
51 () Boris Ravignon, Arnaud Laurenty, François Auvigne, Virginie Cayré, Caroline Gardette, Xavier Chastel Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, Les coûts de gestion de l’assurance maladie, septembre 2013
52 () Cet avenant ne concerne pas la SMEREP et la SMERAG (Antilles Guyane).
53 () Audition du 15 juillet 2015.
54 () Prestations en nature, en espèces, accidents du travail.
55 () Plans de maîtrise socle.
56 () Centre de traitement informatique.
57 () Base de données opérante.
58 () 16 septembre 2015.
59 () Rennes, Poitiers, Créteil et Lille.
60 () Audition du 18 novembre 2015.
61 () Audition du 20 octobre 2015.
62 () Audition du 24 juin 2015.
63 () Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2013, La gestion par des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics et La sécurité sociale des étudiants, septembre 2013.
64 () Audition du 1er juillet 2015.
65 () Devenu article 59 dans le texte définitif.
66 () Audition du 20 octobre 2015.
67 () Séance du 22 octobre 2015.
68 () Audition du 4 novembre 2015.
69 () Devenu article 59 dans le texte définitif.
70 () Audition du 4 novembre 2015.
71 () Devenu article 59 dans le texte définitif.