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N° 4077

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 1879)
du 10 avril 2014 sur l’évaluation de la politique d’accueil
des demandeurs d’asile

ET PRÉSENTÉ PAR

MME Jeanine DUBIÉ et M. Arnaud RICHARD

Députés

——

SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 23

I. L’IMPACT DE LA CRISE MIGRATOIRE INTERNATIONALE SUR LA DEMANDE D’ASILE EN FRANCE 26

A. LA FORTE PROGRESSION DES PREMIÈRES DEMANDES DEPUIS 2015 26

1. En 2015, une forte progression des premières demandes, la part des réexamens étant plus modeste 26

2. En 2016, une pression plus forte, une hausse inquiétante des demandes de réexamen et un début d’évolution de la provenance des demandeurs d’asile 29

3. La demande d’asile à la frontière en baisse 31

4. Une demande d’asile outre-mer préoccupante 32

B. L’ÉVOLUTION DE LA PROVENANCE DES PERSONNES ADMISES SOUS PROTECTION 32

C. LES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE : LA RELOCALISATION ET LA RÉINSTALLATION DE DEMANDEURS D’ASILE 33

1. La relocalisation des demandeurs d’asile intervient progressivement 34

2. La réinstallation de réfugiés concernera environ 10 000 personnes 35

D. LES CONSÉQUENCES DES MOUVEMENTS DE MIGRATION SECONDAIRE DANS L’UNION EUROPÉENNE 35

II. UN ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE D’ASILE SIMPLIFIÉ, MAIS SOUMIS À DE FORTES TENSIONS DANS CERTAINES PRÉFECTURES 37

A. LE DEMANDEUR D’ASILE EST REÇU DANS UN LIEU UNIQUE ET PAR UN NOMBRE D’INTERLOCUTEURS RÉDUIT 37

1. Les guichets uniques d’accueil ont l’obligation légale d’enregistrer la demande d’asile en trois jours 37

a. Le double rôle des plateformes de pré-accueil 38

b. Un objectif d’enregistrement quasi immédiat de la demande d’asile s’impose aux préfectures 39

c. Le droit au maintien sur le territoire : une simplification partielle des formalités d’autorisation de séjour, dont les règles permettent encore des abus 40

d. L’interrogation de la base Eurodac par le guichet unique est devenue immédiate, mais se heurte aux difficultés de mise en œuvre du règlement « Dublin » 41

e. La réforme nécessaire du règlement « Dublin » 43

2. La détection de la vulnérabilité est mise en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, mais les moyens de cette nouvelle mission ne sont pas encore alloués 45

a. Un premier bilan de mise en œuvre 46

b. La nécessité de donner à l’OFII des moyens de contrôler la vulnérabilité 47

B. LES PISTES D’AMÉLIORATION DU DISPOSITIF POUR MIEUX FAIRE FACE À LA PRESSION DU NOMBRE DES DEMANDES 48

1. Remédier à la forte mise en tension de l’accueil et du pré-accueil dans les départements les plus sollicités 49

2. Les missions des plateformes plus larges que prévu 51

3. L’administration doit améliorer ses échanges administratifs et financiers avec les associations gestionnaires du pré-accueil 52

C. L’ALLOCATION POUR DEMANDEUR D’ASILE : UNE ALLOCATION PLUS JUSTE MAIS UN CADRE JURIDIQUE À PRÉCISER 53

1. L’allocation pour demandeur d’asile est « familialisée », et versée au crédit d’une carte sécurisée 53

2. Des conditions d’accès et de renouvellement plus sévères si le demandeur d’asile se soustrait à ses obligations légales 55

3. Un flou juridique entoure le versement de l’allocation en cas de demande de réexamen 56

III. UNE PROCÉDURE RÉFORMÉE POUR UNE MEILLEURE GARANTIE DES DROITS ET DES DÉLAIS DE TRAITEMENT RACCOURCIS 58

A. L’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES BÉNÉFICIE DE MOYENS ACCRUS MAIS EST DE NOUVEAU FORTEMENT SOLLICITÉ 58

1. Une procédure revue dans le sens d’une plus grande efficacité et des droits confortés pour le demandeur d’asile 58

a. Un renforcement des droits du demandeur d’asile 58

b. Une plus grande efficacité dans le traitement des demandes d’asile 60

2. Un renforcement nécessaire des effectifs pour faire face au flux de demandes et traiter les dossiers en attente 61

B. LA COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE EST RENFORCÉE MAIS DOIT FAIRE FACE À UN TAUX D’APPEL INÉDIT 64

1. Un nouveau droit pour les requérants : le recours suspensif élargi 64

2. La professionnalisation de la Cour et la réforme des procédures contentieuses 65

3. Des délais de jugement impératifs et un renforcement des effectifs de la Cour 66

IV. DES CAPACITÉS D’HÉBERGEMENT ACCRUES ET MIEUX RÉPARTIES SUR LE TERRITOIRE, MAIS SATURÉES PAR L’AMPLEUR DE LA DEMANDE 68

A. LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS D’HÉBERGEMENT EST RÉEL MAIS NE PARVIENT PAS ENCORE À RÉPONDRE AUX BESOINS 68

B. L’ORIENTATION DIRECTIVE POUR L’HÉBERGEMENT CONNAÎT UNE MISE EN ŒUVRE DIFFICILE 71

C. DES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES 74

V. LE SUIVI DE LA SITUATION DES DEMANDEURS D’ASILE ET LEUR SORTIE DU DISPOSITIF, GAGES DE L’EFFICACITÉ DES PROCÉDURES 77

A. L’ÉVOLUTION EN COURS DES OUTILS DE SUIVI DE LA SITUATION DES DEMANDEURS D’ASILE 77

B. L’ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS : GÉNÉRALISER LES ACTIONS INNOVANTES QUI ONT FAIT LEURS PREUVES 78

C. LA SITUATION DES DÉBOUTÉS DU DROIT D’ASILE 80

1. Insuffisamment utilisée, l’aide au retour fait l’objet d’une expérimentation aux résultats jugés positifs 80

2. La reconduite à la frontière : une procédure peu efficace se heurtant à de nombreux obstacles 82

EXAMEN PAR LE COMITÉ 83

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 101

SYNTHÈSE DU RAPPORT

INTRODUCTION

Le rapport d’information sur la politique d’accueil des demandeurs d’asile (n° 1879), présenté devant le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) le 10 avril 2014, avançait vingt propositions visant à remédier aux dysfonctionnements d’un « système en crise ». Ces propositions renforçaient aussi à certains égards les droits des demandeurs d’asile, en lien avec la transposition prévue en droit interne de deux directives européennes relatives à l’asile, adoptées en 2013.

L’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’« à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en œuvre de ses conclusions ». Cette démarche se justifie d’autant plus que le paysage législatif et réglementaire a changé avec la promulgation, le 29 juillet 2015, de la loi réformant le droit d’asile.

Le présent rapport analysera, en fonction des axes d’amélioration explorés par les rapporteurs, les changements survenus avec l’entrée en vigueur de la loi, dont les décrets et arrêtés d’application ont été publiés au second semestre 2015.

Cependant, la mise en œuvre de cette importante réforme s’effectue dans un contexte de crise migratoire, la plus importante survenue depuis la Seconde Guerre mondiale selon les données de l’Organisation internationale pour les migrants (OIM) et l’ONU. Plus d’un million de migrants sont arrivés en 2015 en Europe, empruntant les voies maritimes de la Méditerranée (1). Une personne sur deux – un demi-million de personnes – était un Syrien fuyant la guerre dans son pays, selon le HCR et l’OIM. Les Afghans ont représenté 21 % des arrivées et les Irakiens 9 %. Les données de l’agence européenne Frontex indiquent plus de 280 000 passages frontaliers irréguliers détectés par les États membres de l’Union européenne en 2014 et 1 800 000 en 2015 (2).

Les données sur l’arrivée de personnes en 2016 ne permettent guère d’espérer un ralentissement des migrations : si l’entrée en vigueur de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, signé le 18 mars dernier, a contribué à diminuer le nombre de migrants empruntant la voie des Balkans, la majeure partie du flux de personnes passe désormais par la Méditerranée centrale : 112 000 personnes sont arrivées par cette voie sur les côtes italiennes depuis janvier 2016, ce qui représente déjà un flux comparable à celui qui avait été observé au cours de la totalité de l’année 2015, ainsi que l’a souligné le ministre de l’intérieur (3).

Bien que l’impact de ces mouvements migratoires soit moins fort sur notre pays que sur d’autres pays européens, nos services administratifs et nos structures d’accueil en subissent cependant pleinement les conséquences, qui affectent aussi le déroulement des procédures d’examen de la demande d’asile. Ceci d’autant plus qu’à côté des flux en provenance de régions en guerre, les flux habituels de demandeurs d’asile en provenance de pays qui ne sont pas en conflit ne se sont pas taris, et qu’apparaissent de nouveaux demandeurs d’asile en provenance de Haïti ou du Sahara occidental, par exemple.

Notre système de l’asile, qui avait été redimensionné pour faire face aux besoins constatés en 2013 et 2014, et raccourcir le délai de traitement de la demande d’asile, est donc à nouveau « engorgé » sous l’afflux des situations à prendre en compte.

Le présent rapport dressera donc un tableau de la situation actuelle de la demande d’asile, et de la manière dont les services et les structures y font face. Les auditions et visites sur le terrain effectuées par les rapporteurs leur ont permis de constater des dysfonctionnements, auxquels les acteurs de l’asile s’efforcent de remédier. Les rapporteurs ont constaté de nettes améliorations, liées à l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, et au renforcement des moyens humains qui a été apporté tant aux services des préfectures qu’à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Ils soulignent que la mise en œuvre de la loi est un processus bien enclenché et que des améliorations au dispositif d’accueil sont régulièrement apportées.

Selon eux, la loi ne nécessite pas actuellement de mesures complémentaires, mais ses dispositions doivent être mises en œuvre totalement et avec rigueur, si l’on veut atteindre l’objectif d’une procédure de l’asile plus efficace et plus rapide, plus protectrice des personnes ayant un besoin réel de protection et aussi plus dissuasive pour les personnes qui l’instrumentalisent aux fins d’immigration. Les observations des rapporteurs porteront donc davantage sur des améliorations d’organisation et de répartition des efforts pour l’accueil des demandeurs d’asile sur le territoire national, et sur les moyens à consentir pour atteindre les objectifs fixés par la réforme.

Les réformes d’ampleur que l’on peut estimer nécessaires sont plutôt à adopter au plan européen. Les problèmes liés à l’application du droit européen ne seront abordés que brièvement dans le présent rapport, car ils sont analysés de manière approfondie par la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale tendant à évaluer l’efficacité des mécanismes européens pour prendre en charge des flux migratoires exceptionnels. Les rapporteurs n’entendaient pas doubler le travail de cette mission, dont le rapport devrait être présenté prochainement. Néanmoins, quelques observations seront faites à propos du mécanisme « Dublin », qui fonctionne très mal depuis son origine et appelle une réforme.

I. L’IMPACT DE LA CRISE MIGRATOIRE INTERNATIONALE SUR LA DEMANDE D’ASILE EN FRANCE

La crise migratoire internationale se traduit par la progression des arrivées des demandeurs d’asile sur le territoire national, et soumet notre système de l’asile à de fortes exigences.

En 2014, l’OFPRA avait reçu 64 811 demandes d’asile, mineurs inclus, et avait rendu 69 255 décisions. Le nombre des personnes protégées était de 193 500 en 2014. En 2015, 80 075 demandes d’asile (mineurs inclus) ont été présentées, soit une hausse annuelle de 23,6 %, mais une hausse de 57 % au quatrième trimestre 2015 par rapport au quatrième trimestre 2014. Le nombre de décisions rendues en 2015 s’est élevé à 80 014, en progression de 16 %. Le nombre estimé des personnes placées sous protection de l’OFPRA s’élevait à 206 172 au 31 décembre, dont 42 % de femmes.

La hausse des demandes continue en 2016, avec 54 481 demandes présentées de janvier à août, soit une hausse de 19,3 % par rapport à la même période en 2015.

A. LA FORTE PROGRESSION DES PREMIÈRES DEMANDES DEPUIS 2015

La forte progression constatée en 2015 et pendant les premiers mois de 2016 traduit la crise de l’asile que connaît l’Europe depuis la mi-2015. Elle reflète aussi la démarche volontariste en faveur de l’asile menée auprès des migrants regroupés dans les campements de Calais.

1. En 2015, une forte progression des premières demandes, la part des réexamens étant plus modeste

L’analyse des composantes de la demande d’asile en 2015 montre que les premières demandes ont fortement augmenté (30,5 %), tandis que les demandes de réexamen connaissent une hausse modérée de 2 %. La part des réexamens dans la demande globale se limite à 7 % en 2015, et ces demandes émanaient principalement des Bangladais, des Russes et des Sri-Lankais. Près de 90 % de ces demandes de réexamen étaient placées en procédure prioritaire.

Le nombre de demandes d’asile présentées dans l’Union européenne s’est élevé à 1,3 million, soit une progression de 123 % par rapport à 2014 (selon les données Eurostat). Six pays ont été responsables de l’examen de plus de 80 % des premières demandes d’asile : l’Allemagne (35 %), la Hongrie (14 %), la Suède (12 %), l’Autriche (7 %), l’Italie (7 %) et la France (6 %).

L’augmentation des demandes d’asile en France est donc élevée, mais encore limitée si l’on compare avec la progression en pourcentage enregistrée par d’autres pays européens. Ainsi par exemple la Finlande a connu une hausse de 800 % de la demande d’asile, la Hongrie de 300 %, l’Autriche de 230 %, la Belgique de 180 %, l’Espagne de 167 %. De même l’Allemagne a connu une hausse de 175 %, la Suède de 100 %.

Peut être constatée en 2015 une hausse de plus de 6 points du taux de protection accordée, qui s’est élevé à 22,9 % en 2015, ce qui traduit un début de recentrement de la demande d’asile sur des besoins manifestes de protection, alors que le constat fait en 2014 par les rapporteurs était que la provenance des demandeurs d’asile ne reflétait pas la carte des évolutions géopolitiques ou des conflits les plus aigus (le taux d’admission n’était alors que de 16,9 %).

Le pic de nouvelles demandes présentées en 2015 apparaît clairement dans le graphique suivant :

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE 1ÈRES DEMANDES ANNUELLES DEPUIS 2007
(HORS MINEURS ACCOMPAGNANTS)

Source : OFPRA, 2016.

La part respective des pays de provenance des primo-demandeurs d’asile a fortement évolué par rapport à la situation étudiée lors du rapport initial du CEC.

PREMIÈRES DEMANDES D’ASILE PAR NATIONALITÉ EN 2015 :
NOMBRE, RANG ET PART DU TOTAL

(Données hors apatrides et mineurs accompagnants)

Source : OFPRA, 2016.

En 2015, les primo-demandeurs d’asile les plus nombreux proviennent du Soudan, de Syrie, du Kosovo, du Bangladesh et d’Haïti. Les demandes en provenance d’Irak, d’Afghanistan et d’Érythrée ont augmenté : ces nationalités ne figuraient pas parmi les demandeurs les plus nombreux les années précédentes, lesquels provenaient du Congo (RDC), de Chine, du Kosovo, d’Albanie et de Russie. La demande kosovare, qui avait beaucoup diminué en 2014 du fait du classement du pays sur la liste des pays d’origine sûrs, est de nouveau en forte augmentation, avec des cas relevant de problèmes à caractère sociétal (violences domestiques, traite, conflits d’ordre privé, pression en vue d’enrôlement forcé en vue de combattre en Syrie…).

Des flux historiques de demandeurs sont en baisse, comme ceux provenant du Sri Lanka, de Russie, et la demande émanant du Congo qui enregistre une baisse pour la première fois.

L’Office accueille par ailleurs des demandes d’origine nouvelle, comme celles alléguant appartenir à la communauté des Rohingyas de Birmanie ou des Sahraouis résidant dans les camps de Tindouf en Algérie. Ces personnes demandent souvent un statut d’apatridie.

Le graphique suivant montre les cinq principaux pays de provenance.

LES 5 PRINCIPAUX PAYS DE PROVENANCE EN 2015

Source : OFPRA.

Au plan européen, les trois pays principaux de provenance des primo-demandeurs d’asile ne sont pas les mêmes : il s’agit de la Syrie (29 %), de l’Afghanistan (14 %) puis de l’Irak (10 %).

La répartition régionale de la demande d’asile a peu évolué par rapport aux années précédentes : l’Île-de-France a enregistré 41 % des demandes en 2015, puis Rhône-Alpes (8 %).

2. En 2016, une pression plus forte, une hausse inquiétante des demandes de réexamen et un début d’évolution de la provenance des demandeurs d’asile

La hausse des demandes d’asile s’est poursuivie en 2016, avec 54 481 demandes présentées de janvier à août, ce qui traduit une hausse de 19,3 % par rapport à la même période en 2015.

Cette demande se décompose en une baisse de 15 % des mineurs accompagnants et d’une hausse de 26 % des adultes formulant une première demande. Cette évolution de la composition familiale a des répercussions sur le type d’hébergement à mobiliser dans un premier temps – hébergements individuels, actuellement en nombre insuffisant ; cependant l’on peut penser qu’une partie de ces primo-demandeurs fera par la suite venir sa famille, restée dans les hotspots ou dans un camp d’hébergement du Moyen-Orient.

Des demandes d’asile sont notamment présentées par les migrants du campement de Calais, dans lequel près de 7 000 personnes étaient décomptées en août dernier. En effet, les autorités ont encouragé ces personnes, par l’intermédiaire des associations, à présenter une demande d’asile en France face à l’impossibilité de gagner le Royaume-Uni. Depuis novembre 2015, 5 528 personnes ont été prises en charge avec cet objectif, accueillies dans les logements « en dur » des centres d’accueil et d’orientation (CAO) et prises en charge par des associations qualifiées : 80 % d’entre elles ont déposé une demande d’asile en France, accroissant la tâche des services de l’OFPRA.

Le tableau suivant montre l’évolution de la demande pour les huit premiers mois de 2016.

OFPRA - ACTIVITÉ ET DEMANDES DE PROTECTION INTERNATIONALE DEPOSÉES EN 2016 (*)
SELON LES PRINCIPAUX PAYS DE PROVENANCE

Évolution de la demande

(*) Données provisoires au 6 septembre.

Source : OFPRA.

Le tableau fait apparaître une hausse inquiétante des demandes de réexamen, pour lesquelles la loi du 29 juillet 2015 voulait limiter les éléments incitatifs. Les demandes de réexamen s’élèvent à 5 420, dont un cinquième se concentre en Seine-Saint-Denis (1 069 demandes enregistrées pour les sept premiers mois de l’année, alors qu’elles se limitaient à 282 pour la même période en 2014).

Pour cette période, les principaux pays d’origine des demandeurs d’asile ont été l’Afghanistan (3 669 demandes hors mineurs accompagnants), Haïti (3 451) et le Soudan (3 372 personnes).

Le graphique ci-après présente les pays de provenance des premières demandes de protection internationale.

1ÈRES DEMANDES DE PROTECTION INTERNATIONALE
SELON LES PRINCIPAUX PAYS DE PROVENANCE – 8 MOIS 2016 (*)

(*) Données provisoires au 6 septembre.

Source : OFPRA.

Les nationalités les plus représentées ensuite sont l’Albanie, la Syrie et la République démocratique du Congo, ainsi que le montre le tableau suivant.

Premières demandes hors mineurs accompagnants et hors réexamens.

(*) Données provisoires au 6 septembre.

Source : OFPRA.

3. La demande d’asile à la frontière en baisse

La demande d’asile à la frontière est par contre beaucoup moins forte qu’elle ne l’a été dans les années 2004 à 2012. En 2015, seules 232 personnes ont été admises à déposer leur demande. La faculté de se présenter à l’entretien de l’OFPRA accompagné d’un tiers, introduite par la loi du 29 juillet 2015, a conduit à aménager les convocations adressées aux demandeurs pour que le tiers contacté puisse se rendre disponible. Lorsqu’est détectée une vulnérabilité chez le demandeur d’asile, nécessitant des garanties procédurales particulières non compatibles avec le maintien en zone d’attente, la division de l’asile aux frontières met fin au placement de cette personne en zone d’attente.

4. Une demande d’asile outre-mer préoccupante

Après une période de stabilité, la demande de protection a fortement augmenté en 2015 dans les départements français d’Amérique où 3 700 dossiers ont été enregistrés (+ 66 %). La demande d’asile est très forte en Guyane, en provenance d’Haïti en grande majorité, comme en Guadeloupe et en Martinique. L’OFPRA a répondu par l’envoi de missions sur place et le renforcement de l’antenne de Basse-Terre d’un officier de protection supplémentaire. Le représentant de la Croix-Rouge, entendu par les rapporteurs, a décrit une situation catastrophique en Guyane, en lien avec la situation haïtienne, et à Mayotte, avec des structures très insuffisantes. Il a souligné que les flux sont imprévisibles, avec par exemple des familles syriennes arrivant en Guyane via le Brésil.

Le flux de demandeurs d’asile en provenance des Comores et de la région des grands lacs (République démocratique du Congo, Rwanda, Burundi) s’est quelque peu réduit à Mayotte. Les délais d’instruction ont pu être réduits à Mayotte avec un traitement mutualisé plus efficace, et une mission a été envoyée sur place pour faire face à la situation.

B. L’ÉVOLUTION DE LA PROVENANCE DES PERSONNES ADMISES SOUS PROTECTION

L’OFPRA a pris 80 014 décisions en 2015, ce qui traduit une progression de l’activité de 16 %. Le taux de protection a augmenté pour atteindre 22,9 % (contre 16,9 % en 2014). Les demandes examinées dans le cadre de la procédure prioritaire ont été admises avec un taux de 13,8 % (contre 6 % en 2014). Pour les demandes de réexamen, le taux d’admission est resté très bas, de 3 %. C’est l’OFPRA qui reconnaît aujourd’hui les trois quarts des statuts de protection.

En 2015, les pays de provenance des réfugiés étaient l’Irak (12 %), puis la Syrie (11 %), le Soudan (8 %) et la Guinée (6,3 %). Parmi les bénéficiaires de la protection subsidiaire, les principales nationalités sont la Syrie (17 %), l’Albanie (11,4 %), la Centrafrique (9,7 %) et l’Afghanistan (9 %).

PRINCIPALES NATIONALITÉS ADMISES AU STATUT DE RÉFUGIÉ EN 2015

PRINCIPALES NATIONALITÉS ADMISES À LA PROTECTION SUBSIDIAIRE EN 2015

Source : OFPRA, rapport d’activité 2015.

Les plus forts taux de protection portaient sur l’Irak (98 %), la Syrie (97 %), le Yémen (81 %) et l’Afghanistan (80 %) Le Centrafrique figure aussi parmi les pays à fort taux de protection (88 %).

Au cours des huit premiers mois de l’année 2016, le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié a augmenté à nouveau pour atteindre 36,7 % des dossiers, en prenant en compte les décisions de l’OFPRA et celles de la Cour nationale du droit d’asile. Il s’agit d’une proportion inédite de demandeurs d’asile ayant un besoin de protection manifeste au sein du total : cette évolution mérite d’être soulignée car si elle se poursuit, elle rapprocherait la France d’autres pays européens pour lesquels une grande proportion de demandeurs d’asile émane de zones de guerres ou de conflit – Irak, Afghanistan, Syrie, Érythrée, Somalie… Les rapporteurs avaient souligné, dans leur rapport initial, la différence de caractéristiques entre la demande d’asile en France, d’une part, et celle en Allemagne, Autriche, Belgique, Pays-Bas, Suède, d’autre part, c’est-à-dire des pays dans lesquels le taux de reconnaissance en première instance est beaucoup plus élevé, montrant en fin de compte une instrumentalisation moins fréquente de la procédure d’asile aux fins d’immigration.

C. LES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE : LA RELOCALISATION ET LA RÉINSTALLATION DE DEMANDEURS D’ASILE

Prenant en considération les difficultés rencontrées par l’Italie, la Grèce et la Hongrie qui, en vertu du règlement « Dublin III », sont les États membres compétents pour l’examen des demandes d’asile des personnes arrivées en provenance du Moyen Orient, le Conseil de l’Union européenne a adopté, les 14 et 23 septembre 2015, un mécanisme de « relocalisation » de 160 000 demandeurs d’asile afin que leur demande soit traitée par d’autres États, par dérogation au règlement précité.

C’est à ce titre que la France doit accueillir, sur deux ans, 30 750 demandeurs d’asile.

En outre, l’accord signé entre l’Union européenne et la Turquie conduira à la réinstallation d’environ 10 000 personnes dont la qualité de réfugié a été reconnue en Turquie, au Liban, en Jordanie ou en Égypte.

1. La relocalisation des demandeurs d’asile intervient progressivement

La relocalisation entre les différents pays de l’Union européenne a été effectuée selon une clé de répartition fondée sur des critères objectifs et quantifiables : taille de la population de l’État prise en compte pour 40 %, PIB pour 40 %, nombre moyen de demandes d’asile antérieures pour 10 % et taux de chômage pour 10 %.

La relocalisation concerne les migrants arrivés sur le territoire de l’Italie et de la Grèce entre le 24 mars 2014 et le 26 septembre 2017, ayant introduit leur demande d’asile dans ces deux pays, et possédant une nationalité pour laquelle le taux de reconnaissance d’une protection internationale moyen à l’échelle de l’Union européenne atteint au moins 75 %. Cette dernière condition n’est actuellement remplie que par les ressortissants syriens, érythréens et irakiens. Par dérogation au principe du consentement du demandeur, les demandeurs qui se sont engagés dans la procédure ne peuvent s’y dérober une fois connu le pays de relocalisation.

Pour chaque personne faisant l’objet d’une relocalisation, l’État de destination reçoit une somme forfaitaire de 6 000 euros. Ce soutien financier est accordé par le fonds européen « Asile, migration et intégration ».

Le mécanisme de relocalisation des migrants arrivés en Italie et en Grèce n’a vraiment été mis en œuvre qu’à partir de la fermeture du passage qu’empruntaient les personnes migrantes par la Macédoine.

Une mission de trente officiers de protection de l’OFPRA a été dédiée, en Grèce, à cette procédure et se montre particulièrement vigilante sur les profils « à risques » : l’OFPRA instruit le dossier sur place, puis un entretien est conduit par les services du ministère de l’intérieur pour évaluer les risques éventuels pour la sécurité nationale, enfin le demandeur est transféré en France. Les représentants de l’Office ont souligné que, si le profil du demandeur présentait un risque, celui-ci restait en Grèce. Lors de leur arrivée en France, les personnes déposent leur demande auprès du guichet unique, demande à laquelle l’OFPRA répond favorablement sans nouvel examen.

Les personnels mis à disposition du programme en Grèce comptent aussi dix agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et une dizaine d’interprètes.

Par ailleurs, ce sont des réfugiés d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique centrale qui parviennent en Italie ; leurs demandes sont examinées par des missions de l’OFPRA sur leur lieu d’hébergement en France – Nantes et Besançon prochainement – après un enregistrement par le guichet unique.

La mise en place de la procédure a été longue mais les représentants de l’Office constatent son bon fonctionnement aujourd’hui. L’OFPRA a entendu à ce titre, depuis l’adoption du plan, plus de 3 800 personnes arrivées en Grèce et en Italie, et le rythme des entretiens s’est accru avec 450 personnes entendues par mois en Grèce sur la période récente. Au 1er septembre 2016, 1 650 demandeurs d’asile ont bénéficié du dispositif en France, et le ministre de l’intérieur a récemment annoncé que 700 personnes seront à nouveau accueillies en octobre. Ce nombre de personnes aujourd’hui relocalisées, bien que paraissant faible par rapport au nombre de personnes à accueillir à terme, fait cependant de la France le premier contributeur au programme de relocalisation.

De plus, la France avait accueilli 550 réfugiés en septembre 2015, dans une opération spécifique conduite par l’OFPRA à Munich, visant à soulager les structures de l’asile allemandes en convaincant des personnes originaires de Syrie ou d’Irak à déposer leur demande d’asile en France.

2. La réinstallation de réfugiés concernera environ 10 000 personnes

L’accord entre l’Union européenne et la Turquie sur la question migratoire est entré en vigueur le 20 mars 2016. Il autorise le renvoi vers la Turquie des migrants arrivés sur le sol grec, en contrepartie d’un engagement de l’Europe à venir chercher des réfugiés syriens en Turquie afin de les répartir entre les États membres dans le cadre d’une réinstallation.

En application de cet accord, 6 000 personnes, enregistrées avant le 20 mars 2016, pourront être réinstallées en France depuis la Turquie d’ici 2017. D’ores et déjà, 3 000 personnes vulnérables ont été accueillies en provenance du Liban, et 1 000 de Jordanie et d’Égypte. L’OFPRA envoie des officiers de protection en mission à Ankara pour instruire les dossiers de demande d’asile sur place.

D. LES CONSÉQUENCES DES MOUVEMENTS DE MIGRATION SECONDAIRE DANS L’UNION EUROPÉENNE

Un phénomène d’augmentation des mouvements de migration secondaire a été observé ces derniers mois, avec l’arrivée en France de personnes déboutées du droit d’asile dans d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie. Ainsi, ce sont 240 000 personnes qui ont été déboutées du droit d’asile en Allemagne depuis 2015, dont un certain nombre viennent déposer une nouvelle demande en France. De plus 500 000 personnes n’ont pu être admises à enregistrer leur demande d’asile en Allemagne, les capacités d’accueil et d’enregistrement étant totalement saturées pour une longue période.

Le durcissement de la politique du gouvernement allemand sur la question des migrations se traduit de deux manières. La première est la réduction à l’avenir du nombre de migrants qui seront admis sur le territoire allemand alors que d’ici à 2020, 3,6 millions devraient arriver en Europe, selon les évaluations faites outre-Rhin. La seconde est la décision d’accroître les renvois des personnes déboutées dans leur pays d’origine, dès lors que ce retour est possible. Le gouvernement allemand a ainsi pris des mesures pour tenter d’accélérer les décisions de rejet de la demande d’asile et le retour des demandeurs de certaines nationalités présentant un taux de reconnaissance du statut de réfugié très bas.

Dans les six premiers mois de l’année 2015, 40 % des demandes étaient déposées par des ressortissants de pays des Balkans – Serbie, Kosovo et Albanie –, alors que la plupart des pays des Balkans sont maintenant considérés comme sûrs par l’Allemagne. Les demandeurs d’asile de ces pays peuvent donc maintenant faire l’objet d’un traitement accéléré de leur requête et être expulsés plus rapidement. Le gouvernement allemand a récemment ajouté la Tunisie, le Maroc et l’Algérie à sa liste de pays sûrs. Pour les ressortissants de ces trois pays, un accord a été signé en mars dernier par le ministre allemand de l’intérieur, M. Thomas de Maizière.

L’Allemagne met depuis lors en œuvre une nouvelle procédure « pilote » de rapatriement « plus efficiente et plus rapide », faisant recours aux données biométriques pour l’identification des ressortissants, procédure qui nécessite la collaboration entre les services des trois pays cités. Les renvois programmés concernent plus de cinq mille personnes enregistrées jusqu’en décembre 2015, au terme d’une augmentation inhabituelle de demandeurs d’asile en provenance du Maghreb.

Depuis mi-2015, la majorité des demandeurs d’asile arrivant en Allemagne et ailleurs en Europe viennent de pays en guerre comme la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan. L’Allemagne a indiqué rejeter les demandes de personnes venues d’Afghanistan, car considérées comme des migrants économiques, néanmoins le renvoi de ces déboutés vers leur pays par les autorités allemandes sera certainement difficile à mettre en œuvre. Cette divergence entre la position prise par le gouvernement allemand et celle de la France entraîne des conséquences importantes quant à l’accueil par notre pays de nombre d’Afghans sous le régime de protection subsidiaire, et pose de façon aigüe la question de l’harmonisation européenne de la politique de l’asile.

II. UN ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE D’ASILE SIMPLIFIÉ, MAIS SOUMIS À DE FORTES TENSIONS DANS CERTAINES PRÉFECTURES

La loi du 29 juillet 2015 a réformé les différents aspects du traitement de la demande d’asile, allant du pré-accueil au recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Logiquement, le présent rapport examinera tout d’abord les améliorations apportées à la phase de pré-accueil et d’enregistrement de la demande d’asile. Plusieurs caractéristiques de cette première phase de la procédure s’inscrivent bien dans les analyses et préconisations du rapport du CEC de 2014.

A. LE DEMANDEUR D’ASILE EST REÇU DANS UN LIEU UNIQUE ET PAR UN NOMBRE D’INTERLOCUTEURS RÉDUIT

La réforme a simplifié l’enregistrement des demandes d’asile par la réunion en un même lieu, le guichet unique, des personnels dédiés à l’enregistrement des primo-demandeurs d’asile (par les agents des services de l’asile des préfectures), d’une part, et à l’orientation et leur prise en charge (par les agents de l’OFII), d’autre part. C’est au guichet unique qu’ont lieu, outre l’enregistrement de la demande d’asile et la détermination de la procédure applicable, l’évaluation de la vulnérabilité du demandeur, la formulation de l’offre de prise en charge et, le cas échéant, l’ouverture des droits à l’allocation pour demandeur d’asile et l’orientation vers un hébergement.

1. Les guichets uniques d’accueil ont l’obligation légale d’enregistrer la demande d’asile en trois jours

Le schéma territorial des guichets uniques a été établi sur la base des sites d’enregistrement existants équipés d’une borne Eurodac active, soit 34 guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile (GUDA) en métropole et 1 en Guadeloupe. Le déploiement des guichets s’est effectué en trois phases, de septembre à décembre 2015. Ils ont pris place dans une préfecture, sauf pour trois d’entre eux qui ont été installés dans les locaux d’une direction territoriale de l’OFII.

La carte des guichets uniques s’est appuyée sur la régionalisation antérieure (au sens des anciennes régions), les guichets ayant pris place au sein des préfectures de région précédemment compétentes pour l’admission au séjour des demandeurs d’asile. Ainsi la nouvelle région Occitanie a deux guichets uniques, l’un à Toulouse, dans lequel les rapporteurs se sont rendus, et l’autre à Montpellier. Ce principe admet des exceptions : un guichet unique par département en Île-de-France, deux guichets uniques dans l’ancienne région Alsace, de même en Rhône-Alpes, en Bourgogne, en PACA, dans le Nord-Pas-de-Calais et dans les Pays-de-la-Loire ; aucun guichet unique en Corse.

a. Le double rôle des plateformes de pré-accueil

Avant le passage du demandeur d’asile en guichet unique, l’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit à présent un premier accueil confié à des opérateurs privés, gérant un dispositif d’accueil défini par un cahier des charges. Les opérateurs gèrent les plateformes d’accueil des demandeurs d’asile (PADA), après une sélection effectuée dans le cadre d’une procédure de marché public – marché national avec lots régionaux passé par l’OFII.

Les associations en charge de l’aide et du soutien aux demandeurs d’asile assurent deux types de mission.

En amont, les PADA apportent l’aide à l’enregistrement de la demande d’asile, et sont chargées de renseigner en ligne le formulaire de demande pour le compte du demandeur d’asile, de vérifier la complétude du dossier, de fournir des photos et de prendre rendez-vous avec le guichet unique pour le demandeur et enfin de lui remettre une convocation.

En aval, les PADA effectuent l’accompagnement des demandeurs d’asile lorsqu’ils ne sont pas hébergés par les structures du dispositif national d’accueil. Ce second rôle comprend alors la domiciliation, l’accompagnement social et administratif des demandeurs.

À la suite du marché public passé début 2016, les opérateurs sélectionnés sont généralement ceux historiquement spécialisés dans l’aide aux demandeurs d’asile : France Terre d’Asile, Forum Réfugiés, Coallia, la Croix-Rouge française, Groupement solidaire… Néanmoins, des entreprises non spécialisées dans ce domaine ont pu remporter le marché, comme Facem en région parisienne, opérant habituellement dans le secteur de la formation.

Une préfecture de région n’a pu s’appuyer sur des prestataires externes pour le pré-accueil et l’accompagnement des demandeurs d’asile, faute de candidatures au marché public. En région Occitanie en effet, une convention a pu être signée avec la Croix-Rouge française pour le département de la Haute-Garonne, mais non pour les sept autres départements, l’opérateur ayant considéré les moyens alloués comme insuffisants pour remplir les missions prévues, ceci dans un contexte où peu d’associations ont une assisse suffisante pour prendre en charge ces missions. Dans ces sept départements, ce sont donc les services préfectoraux qui reçoivent le demandeur d’asile et lui fixent un second rendez-vous pour la remise du formulaire de demande d’asile. C’est alors l’OFII qui prend en charge l’accompagnement des demandeurs après la demande d’asile, en sus des tâches relatives au guichet unique. La préfecture a cependant indiqué, que les prestations de pré-accueil et d’accompagnement devraient toutefois être externalisées vers un ou plusieurs partenaires en 2017.

b. Un objectif d’enregistrement quasi immédiat de la demande d’asile s’impose aux préfectures

Le rapport de 2014 avait formulé la proposition d’une accélération de la première phase de la demande d’asile par les préfectures (proposition n° 3), car cette première phase était constituée de trop nombreuses formalités, d’un circuit trop complexe pour le demandeur ce qui induisait des « délais cachés » : le délai de convocation du demandeur d’asile était en moyenne de 24 jours, mais, dans certains cas, pouvait aller jusqu’à sept mois, comme en Île-de-France.

La loi du 29 juillet 2015 a instauré un délai de trois jours ouvrés pour l’enregistrement de la demande par la préfecture, délai qui court à partir de la première présentation du demandeur en PADA ou en préfecture (4). Ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu’un nombre élevé́ d’étrangers demandent l’asile simultanément. Les rapporteurs n’avaient pas proposé en 2014 d’instaurer un délai impératif mais avaient souligné que l’Allemagne ou les Pays-Bas avaient institué une procédure impliquant la quasi-immédiateté de l’inscription de la personne auprès des services de police.

Lors du passage en guichet unique, l’agent préfectoral procède à l’enregistrement du demandeur, puis l’oriente vers l’agent de l’OFII. On soulignera que le troisième service interlocuteur dans l’ancien dispositif (Pôle Emploi) a été supprimé, ce que le rapport de 2014 avait préconisé (proposition n° 1).

L’agent préfectoral valide les informations portées dans le formulaire qui sont transmises automatiquement vers l’application de gestion des ressortissants étrangers (AGDREF) et vers d’outil de gestion du DN@, et effectue les contrôles automatisés de police. Le système d’information permet l’enregistrement direct de la demande par l’OFPRA.

Pour parvenir à cet enregistrement rapide du demandeur d’asile, une simplification importante a été adoptée. L’exigence d’une domiciliation, avec la production d’une attestation, préalable à la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour (articles L. et R. 742-4 du CESEDA), a été supprimée, mesure qui satisfait l’une des propositions des rapporteurs (proposition n° 2). La domiciliation constituait fréquemment un premier obstacle aux démarches, lorsque les associations d’aide aux demandeurs d’asile accréditées pour effectuer la domiciliation ne pouvaient faire face aux demandes.

La domiciliation des demandeurs d’asile dans le cadre du dépôt de la demande d’asile peut s’effectuer soit évidemment par l’hébergement qui lui a été attribué dans un centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), soit à défaut auprès d’une personne morale conventionnée à cet effet par l’OFII (L. 744-1 du CESEDA). On notera que les associations conventionnées n’ont plus l’obligation d’être agréées par le préfet de département.

Les effectifs de l’OFII dans les guichets uniques avaient dans un premier temps été « calibrés » en fonction des flux de demandeurs d’asile de 2014, et ont dû être augmentés en décembre 2015 (20 ETP), puis fin juin 2016 (16 ETP) pour faire face à la crise migratoire et à la gestion de l’allocation pour demandeur d’asile par l’Office : les effectifs de l’OFII dans les guichets uniques sont actuellement de 211 ETP, soit 75 ETP de plus qu’initialement.

Les services de l’asile des préfectures ont également été renforcés de 30 ETP supplémentaires pour atteindre 88 ETP au total, sans compter le personnel vacataire.

Les rapporteurs prennent acte de cet ajustement très positif des moyens humains, mais soulignent que pour que le délai imposé par la loi soit tenu dans tous les guichets uniques, des ajustements entre guichets seront indispensables car ceux-ci connaissent des situations très contrastées, qui seront décrites ultérieurement.

c. Le droit au maintien sur le territoire : une simplification partielle des formalités d’autorisation de séjour, dont les règles permettent encore des abus

Le droit d’asile confère au demandeur d’asile dont la demande relève de la responsabilité de la France un droit au maintien sur le territoire pendant toute la durée de la procédure, qu’il s’agisse d’une procédure normale ou d’une procédure accélérée. Ce droit est matérialisé par la délivrance de l’attestation de demande d’asile, document sécurisé qui vaut autorisation de séjour. La première attestation a une durée d’un mois et est renouvelable en préfecture jusqu’à décision définitive de l’OFPRA ou de la CNDA. La durée de renouvellement a été fixée par l’arrêté du 9 octobre 2015 à neuf mois pour une procédure normale et à six mois pour une procédure accélérée, durées qui tiennent compte des durées moyennes d’instruction par l’OFPRA et la CNDA. Ces durées sont prolongeables si la procédure s’avère plus longue, par périodes de respectivement six mois et trois mois. L’attestation n’est pas délivrée aux demandeurs sous statut Dublin.

Les rapporteurs avaient examiné cette question en 2014, concluant qu’étendre la validité du récépissé était une bonne chose, évitant quelques dizaines de milliers de passages en préfecture par an et quelque 6 600 heures de travail pour les agents des préfectures à raison d’un temps moyen de passage de dix minutes. En outre, reconnaître le droit au maintien sur le territoire limite le risque de contentieux associé aux refus de séjour, contentieux traditionnellement extrêmement important en nombre.

Pourtant les rapporteurs avaient proposé (proposition n° 3) de calquer la durée de l’autorisation de séjour sur celle de l’instruction de la demande qui peut être variable selon les cas, modalité qui peut être mise en œuvre avec une « carte de procédure » telle celle en vigueur en Autriche, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni. Une telle solution supprimerait l’obligation de renouveler l’attestation (et donc les passages en préfecture) et serait aussi plus efficace par l’enregistrement de la caducité du titre directement par l’application AGDREF dès le rejet de la demande d’asile ou de la demande de réexamen.

Le fait que la durée de séjour ne soit pas calquée sur celle de l’instruction suscite des difficultés et des actions dilatoires : ainsi une personne dont la demande de réexamen est jugée irrecevable par l’OFPRA peut disposer d’une attestation d’asile en cours de validité pour six mois. Ce droit au séjour la conduit à demander la réouverture (rendue possible par la loi) de l’allocation pour demandeur d’asile en lien avec une vulnérabilité, même non objectivement constatée, et solliciter un hébergement.

La proposition n° 3 des rapporteurs d’instaurer une carte informatisée, comportant notamment les informations sur le droit au séjour du demandeur, n’a pas été mise en œuvre ; elle demeure une option possible selon l’administration, qui nécessite d’être examinée sur les plans de sa faisabilité technique, de ses implications en termes de sécurité et de son coût. On notera que la proposition de recourir à une carte a en revanche été retenue s’agissant du versement de l’allocation pour demandeur d’asile.

d. L’interrogation de la base Eurodac par le guichet unique est devenue immédiate, mais se heurte aux difficultés de mise en œuvre du règlement « Dublin »

Le guichet unique doit procéder à la prise d’empreintes du demandeur d’asile, afin que ces empreintes soient traitées par la base informatique Eurodac, ce qui permet de déterminer si la personne est entrée sur le territoire de l’Union européenne par un autre État membre que la France, auquel cas l’examen de la demande d’asile serait de la responsabilité de cet autre État. On rappellera que ce système met en œuvre le règlement européen dit « Dublin », adopté à l’origine pour dissuader les mouvements secondaires de migration au sein de l’Union.

La réforme de l’asile a apporté en ce domaine un élément de rapidité, qui avait été demandé par les rapporteurs (proposition n° 3), avec la prise d’empreintes Eurodac effectuée par l’agent de la préfecture dès le premier passage du demandeur d’asile au guichet unique et non lors du second.

S’il est constaté que le demandeur d’asile est connu du système Eurodac ou du système d’information sur les visas (VIS), la requête auprès de l’État membre responsable du traitement de la demande d’asile est adressée dans les plus brefs délais. Les rapporteurs ont pu constater, lors de leur visite au guichet unique de la préfecture de Haute-Garonne, que l’entretien « Dublin » était en effet conduit immédiatement. Cette nouvelle organisation devrait contribuer à limiter les comportements abusifs qui étaient auparavant facilités par le report de la prise d’empreintes au second rendez-vous en préfecture, ce que les rapporteurs avaient critiqué.

Les rapporteurs ne décriront pas ici en détail les difficultés permanentes de la mise en œuvre du dispositif « Dublin », coûteux en temps et en moyens pour les préfectures, et dont l’efficacité est très faible. Ainsi en 2014, seulement 470 personnes ont été transférées par les préfectures dans le pays désigné comme responsable du traitement de leur demande d’asile. Pour les six premiers mois de 2016, les préfectures ont pu transférer 449 personnes, ce qui traduit une amélioration. Le taux de transfert sur décision favorable de l’État membre responsable s’est élevé à 6 % en 2014, et à 9 % en 2015.

Les acteurs de la procédure constatent depuis son adoption que les transferts vers l’État membre responsable de la demande d’asile ne se font pas, car, d’une part, les demandeurs d’asile mettent en œuvre différentes stratégies pour y échapper, et, d’autre part, les autres États membres dressent différents obstacles pour ne pas reprendre la personne à leur charge. On notera que la Hongrie refuse les transferts et que l’Allemagne n’en accepte que peu.

Ces difficultés conduisent à des errements et des pratiques très disparates selon les préfectures. Il est regrettable de constater que bien souvent, la réadmission « Dublin » conduit en fait à laisser le demandeur d’asile en situation irrégulière sur le territoire français, où il pourra, six mois après l’échec de la procédure, déposer une nouvelle demande d’asile.

La situation complexe et difficile vécue à Calais en particulier a amené les associations membres de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) à demander la suspension du règlement « Dublin », dénonçant une situation d’arbitraire et d’injustice, du fait du traitement différent réservé à tel ou tel demandeur d’asile relevant du statut « Dublin ». Selon la coordination, certains demandeurs d’asile attendent dans le campement les six mois au terme desquels la France devient responsable de leur demande d’asile si elle ne les a pas expulsés entre-temps vers le pays responsable ; d’autres rejoignent des « centres de répit », pour lesquels les associations ont reçu l’assurance que les personnes n’en seraient pas expulsées. Des personnes sont assignées à résidence et parfois expulsées, tandis que d’autres encore verraient leur demande d’asile placée en procédure normale sans mise en œuvre de la réadmission « Dublin ».

Le ministre de l’intérieur a annoncé un renforcement des moyens pour améliorer l’efficacité de cette procédure à Calais (5).

On soulignera toutefois que la loi du 29 juillet 2015 a inséré dans le CESEDA un chapitre relatif à la procédure « Dublin » afin d’améliorer le taux de transfert de demandeurs d’asile vers l’État responsable. Sont en particulier prévues :

– la possibilité d’assignation à résidence dès l’engagement de la procédure Dublin ;

– la possibilité d’assignation à résidence ou de placement en rétention administrative en vue de l’exécution de la décision de transfert ;

– la précision des critères permettant de déclarer la fuite : obligation de se présenter aux convocations, de répondre aux demandes d’information et de se présenter aux entretiens ;

– la remise du passeport ou de tout document justifiant de l’identité aux services des préfectures.

De plus, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France permet à présent, en cas d’obstruction volontaire de la part du demandeur d’asile sous procédure « Dublin » (non-présentation aux convocations et entretiens), de solliciter auprès du juge des libertés et de la détention l’autorisation de requérir les services de police ou les unités de gendarmerie en vue de la poursuite de la procédure, afin notamment de lui notifier la décision de transfert ainsi qu’une décision de placement en rétention (dispositif en vigueur à compter du 1er novembre 2016).

e. La réforme nécessaire du règlement « Dublin »

Le règlement « Dublin III », adopté en 2013 et en vigueur depuis le 1er janvier 2014, n’a pas réussi à éviter les mouvements secondaires dans l’Union européenne, même s’il a pu contribuer à les limiter. Ainsi en 2014, 24 % des demandes d’asile déposées dans l’Union européenne étaient des demandes multiples.

Les États membres ont ouvert une négociation en vue de la révision du règlement « Dublin III », sur la base d’une proposition législative présentée par la Commission européenne le 4 mai dernier, avec pour objectif d’adopter de nouveaux outils pour lutter contre les mouvements secondaires de demandeurs d’asile. Elle comporte des mesures plus restrictives qui peuvent en effet être dissuasives pour des personnes tentées d’abuser de la procédure.

L’article 4 de la proposition pose le principe selon lequel les demandeurs d’asile ont l’obligation de déposer leur demande dans l’État membre de première entrée ou dans l’État pour lequel ils disposent d’un titre de séjour ou d’un visa. S’ils ne respectent pas cette obligation, la procédure accélérée d’examen de la demande leur sera appliquée dans l’État membre responsable. En outre, s’ils se trouvent dans un autre État membre, ils ne pourront pas bénéficier des conditions d’accueil, à l’exception des soins médicaux d’urgence.

Par ailleurs, la clause de cessation de responsabilité des États membres, lorsque le demandeur a quitté leur territoire depuis plus de trois mois, serait supprimée. Actuellement, l’État membre à qui incombe le traitement de la demande d’asile au titre du règlement « Dublin » est déchargé de cette responsabilité lorsque la personne a quitté le territoire depuis trois mois. C’est alors le pays de destination dans lequel le migrant s’est rendu qui devient responsable de la demande d’asile. Il serait effectivement souhaitable que cette disposition soit réformée, car elle contribue aux mouvements secondaires de migration dans l’Union et n’incite probablement pas à répondre rapidement à la demande de transfert du demandeur d’asile vers le premier pays responsable.

Les délais s’appliquant aux procédures de demandes de transferts et aux transferts eux-mêmes sont raccourcis.

L’article 8 de la proposition rend obligatoire une évaluation du meilleur intérêt de l’enfant avant tout transfert d’un mineur non accompagné. Le champ du regroupement familial est élargi par la prise en compte des frères et sœurs ainsi que des familles constituées après le départ du pays d’origine (article 2).

La proposition comporte d’autres éléments dont la négociation sera difficile étant donné les intérêts divergents des États membres selon qu’ils sont ou non exposés à un grand nombre de demandes d’asile, comme le « mécanisme d’équité correcteur », qui serait automatiquement déclenché lorsqu’un État membre serait responsable d’un nombre disproportionné de demandes d’asile, évalué en fonction d’une valeur de référence. Une fois le mécanisme déclenché, tous les nouveaux demandeurs qui se présenteraient dans ce pays seraient – après vérification de la recevabilité de leur demande – relocalisés dans d’autres pays de l’Union jusqu’à ce que le nombre de demandes soit ramené en dessous de la valeur de référence.

La France ainsi que d’autres États membres (Pologne, Espagne, Royaume-Uni, Danemark, République tchèque, États baltes), moins exposés que d’autres pays aux flux de demandeurs d’asile, ont exprimé leur opposition à l’institution d’un mécanisme automatique et souhaité réserver les opérations de relocalisation aux situations de crise. Il est certain que, si un mécanisme correcteur était envisagé, il conviendrait d’affiner les critères pris en compte dans la clé de répartition afin d’apprécier les capacités de relocalisation des États de manière approfondie, ce qui peut conduire à regarder non seulement le PIB et la population, mais aussi le nombre de personnes protégées déjà accueillies ou le taux de chômage.

Les rapporteurs ne peuvent que souhaiter l’adoption d’une règle claire pour les transferts « Dublin », applicable sans solliciter excessivement les services de l’asile des préfectures pour un résultat trop faible comme c’est le cas depuis de nombreuses années.

Plus généralement, ils sont convaincus que le régime d’asile européen commun présente des faiblesses qu’il est nécessaire de corriger, alors que l’Union connait un afflux massif de migrants. Il est urgent de rapprocher les régimes d’asile nationaux pour éviter les mouvements secondaires de migration, d’établir une liste commune des pays d’origine sûrs, d’assurer une protection renforcée des frontières extérieures de l’Union et d’établir une meilleure répartition de la charge financière entre les États membres.

L’enjeu de la révision du règlement Dublin, dans le cadre du « paquet » de réformes présenté par la Commission européenne le 4 mai dernier, est donc très important et doit être suivi avec attention par la représentation nationale.

2. La détection de la vulnérabilité est mise en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, mais les moyens de cette nouvelle mission ne sont pas encore alloués

La détection de la vulnérabilité du demandeur d’asile est confiée par la loi du 29 juillet 2015 à l’OFII, ce qui satisfait la proposition n° 5 des rapporteurs.

Le demandeur d’asile peut faire état d’une vulnérabilité lors de son passage au guichet unique, mais aussi tout au long de la procédure. La détection des vulnérabilités est effectuée par des agents de l’OFII formés à cet effet. L’article L. 744-6 du CESEDA prévoit que « l’évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines ». Cette détection doit entraîner si nécessaire l’adaptation de l’accueil et l’information de l’OFPRA, afin d’aménager les modalités pratiques de l’entretien avec l’officier de protection (interprètes en langue des sourds, accès pour personne à mobilité réduite...).

L’appréciation de la vulnérabilité des demandeurs d’asile est effectuée à l’aide d’un questionnaire. Si le demandeur d’asile fait état de problèmes médicaux au guichet unique, l’auditeur de l’OFII lui remet une enveloppe « vulnérabilité de santé » avec un certificat médical à remplir par le médecin qu’il consulte habituellement. Le certificat doit ensuite être transmis sous pli confidentiel au médecin coordonnateur de l’OFII qui souligne un impérieux besoin d’hébergement, ou indique que l’état du demandeur fait obstacle à ce qu’il soit hébergé dans une autre région ou ville. Si le demandeur d’asile nécessite des soins urgents, il est directement orienté vers le service des urgences du centre hospitalier le plus proche.

En pratique, les services de l’OFII constatent que les demandeurs font état de problèmes médicaux pour obtenir un hébergement d’urgence ou pour rester dans la région parisienne ou dans une autre métropole et ne pas être dirigés dans un hébergement éloigné des centres urbains.

Les demandeurs d’asile ont accès à l’assurance maladie, dès lors qu’ils sont enregistrés au guichet unique et qu’ils sont en possession d’une attestation de demande d’asile (article L. 160-1 du code de la sécurité sociale). Les travailleurs sociaux dans les centres d’hébergement ou dans les structures d’accompagnement des demandeurs d’asile sont chargés de veiller à l’ouverture des droits à l’assurance maladie.

a. Un premier bilan de mise en œuvre

Le premier bilan dressé par l’OFII fait état de 1 555 avis émis par les médecins coordonnateurs, au 20 juin 2016. 1 118 avis établissent la nécessité, en urgence ou non, d’un hébergement adapté (proche d’un CHU, d’un centre de soins spécialisés…), soit 72 % des avis.

Type d’avis

Effectif

%

Une admission en urgence dans un hébergement

574

51 %

Un hébergement proche d’un CHU ou d’un centre de soins spécialisés

279

25 %

Un transfert d’un centre d’hébergement vers une autre structure

26

2 %

Une admission en urgence dans un hébergement proche d’un CHU

239

21 %

Le tableau suivant dresse un état des pathologies les plus constatées :

LES DIX PATHOLOGIES LES PLUS CONSTATÉES
SELON LA CLASSIFICATION INTERNATIONALE DES MALADIES (CIM 10)

 

Effectif

%

 

F00-F99  Troubles mentaux et du comportement

246

17 %

83 %

I00–I99  Maladies de l’appareil circulatoire

154

11 %

A00–B99  Certaines maladies infectieuses et parasitaires

154

11 %

E00-E90  Maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques

119

8 %

G00–G99  Maladies du système nerveux

107

8 %

M00–M99  Maladies du système ostéo-articulaire, des muscles et du tissu conjonctif

100

7 %

N00–N99  Maladies de l’appareil génito-urinaire

76

5 %

S00–T98  Lésions traumatiques, empoisonnements et certaines autres conséquences de causes externes

76

5 %

C00–D48  Tumeurs

70

5 %

K00–K93  Maladies de l’appareil digestif

69

5 %

Autres

237

17 %

 

Source : OFII.

La part importante des troubles mentaux et du comportement doit être soulignée. De même l’OFII constate une proportion importante de malades du VIH et de l’hépatite C chez les demandeurs d’asile originaires de certains pays (le Soudan et l’Égypte), prévalence qui peut paraître suspecte et attirer le soupçon d’abus.

Les principales nationalités des demandeurs d’asile concernés par les pathologies détectées sont la Guinée, l’Albanie, le Congo (RDC) pour 8 % des cas, la Russie (7 %), puis l’Afghanistan (5 %), puis le Kosovo (4 %), l’Arménie (4 %), la Géorgie (4 %) et la Syrie (4 %).

Les premiers mois de mise en œuvre appellent des observations quant aux moyens – l’OFII manque de médecins – et au manque d’outils d’évaluation de la vulnérabilité, donnant aux agents de l’OFII le sentiment de porter la responsabilité d’une mission délicate sans détenir les outils correspondants.

Confier l’évaluation de la vulnérabilité à l’OFII, pour laquelle travaillent 208 médecins, impliquait de moderniser les règles régissant les contrôles médicaux passés par les étrangers, afin de supprimer un certain nombre d’examens obligatoires dont on estime aujourd’hui qu’ils ne sont plus justifiés (les médecins de l’OFII assurent actuellement 200 000 visites médicales par an). Or cette évolution annoncée n’a pas encore eu lieu, aussi les missions se cumulent-elles.

b. La nécessité de donner à l’OFII des moyens de contrôler la vulnérabilité

La nouvelle procédure comporte en outre un élément de fragilité qui ouvre la possibilité de fraudes, lesquelles pourraient être assez nombreuses, car la reconnaissance de vulnérabilité peut déboucher sur l’obtention d’un titre de séjour d’étranger malade. En pratique, les autorités constatent que, de manière de plus en plus systématique, les personnes déboutées font une demande de titre de séjour dans le cadre de la procédure « étranger malade » de l’article L. 313-11 du CESEDA. Ces titres sont délivrés au rythme de 8 000 à 10 000 par an, le nombre de dossiers concernés étant d’environ 35 000 en incluant les renouvellements.

Cette fragilité réside dans le fait que les médecins de l’OFII n’ont pas actuellement la possibilité de contrôler l’état de santé ou les résultats des examens médicaux effectués par le demandeur d’asile, qui lui sont transmis par son médecin. Les laboratoires d’analyse ne demandant pas de pièce d’identité, il est possible à une personne de se prévaloir de résultats d’analyse (VIH positif ou hépatite C par exemple) appartenant à une autre.

On constate donc qu’en dépit de la réforme, ni le médecin de l’OFII, ni même le collège de médecins de l’OFII sur lequel repose l’avis éclairant la décision de l’Office, ne peut examiner le demandeur d’asile faisant état d’une vulnérabilité. Cette impossibilité n’est pas satisfaisante, car si les cas de vulnérabilité objective, facilement constatable, ne sont pas difficiles, constater la vulnérabilité « non objective » (la personne paraissant en bon état de santé) suscite des interrogations.

Cette sérieuse lacune (déjà constatée lorsqu’il s’agissait du médecin de l’agence régionale de santé, avant la réforme) doit être comblée.

Un projet de décret a été élaboré, pour l’application de la loi du 7 mars 2016 portant diverses dispositions relatives à l’entrée, au séjour et au travail des étrangers en France, qui comporte un renforcement des moyens de contrôle du médecin de l’Office. Celui-ci pourra solliciter le médecin du demandeur, convoquer le demandeur pour l’examiner et faire procéder aux examens jugés nécessaires. De plus, le collège de médecins de l’OFII pourrait demander tout complément d’information auprès du médecin qui suit habituellement le demandeur, et l’examiner à nouveau ou procéder à d’autres examens.

Il importe que ce décret soit publié rapidement, afin de sécuriser tant la procédure « étranger malade » que l’évaluation de la vulnérabilité des demandeurs d’asile.

B. LES PISTES D’AMÉLIORATION DU DISPOSITIF POUR MIEUX FAIRE FACE À LA PRESSION DU NOMBRE DES DEMANDES

Le délai d’accès au guichet unique est variable selon les préfectures : il peut être de 3 à 10 jours à Nanterre, 1 à 15 jours à Lyon, 10 jours à Orléans en dépit d’un flux modéré, trois mois en Seine-Saint-Denis et à Paris, selon les représentants des PADA entendus par les rapporteurs. La situation est donc améliorée dans un grand nombre de préfectures par rapport au système antérieur, mais elle est très difficile dans quelques préfectures, en région parisienne en particulier. D’après l’OFPRA, en 2015, 40,8 % des demandeurs d’asile se trouvaient en Île-de-France ; pour le premier semestre 2016, cette proportion atteignait 39,3 %.

Les auditions et visites effectuées par les rapporteurs ont en effet permis de constater que la situation des guichets uniques en ce qui concerne la charge de travail était très variable, ce que corroborent les premières statistiques d’activité. Pour les cinq premiers mois de l’année 2016, on pouvait constater que certains guichets recevaient en moyenne 2 demandes d’asile par jour (Haut-Rhin, Côte-d’Or, Limousin, Poitou-Charentes…), alors qu’à l’autre extrême, la préfecture de Paris traitait 42 demandes d’asile par jour, chiffre qui s’est ensuite élevé à 60 rendez-vous par jour. Les guichets uniques de l’Essonne, des Yvelines et de la Seine-et Marne traitent également 50 à 60 rendez-vous par jour. D’autres guichets uniques ont une activité assez importante avec 15 à 20 demandes d’asile par jour (Seine-Saint-Denis, Val de Marne, Pas-de-Calais, Isère).

Cette situation très inégale pourrait appeler l’administration à reconsidérer la carte des guichets uniques, dont certains pourraient être supprimés au profit du renforcement en personnel des autres guichets plus chargés.

D’autres pistes d’amélioration de l’efficacité de l’action des guichets uniques sont à considérer, comme l’amélioration des outils informatiques et une meilleure prise en charge des besoins d’interprétariat : il serait ainsi utile de prévoir une procédure permettant aux deux administrations présentes dans le guichet unique de mobiliser en commun les prestataires du marché de l’interprétariat. À défaut, les crédits disponibles s’avèrent insuffisants pour faire appel aux interprètes en ordre dispersé, et les interprètes eux-mêmes peuvent être indisponibles pour multiplier les déplacements vers le guichet. Une première coordination semble se mettre en place pour les entretiens « Dublin », à approfondir et à généraliser.

Enfin, les associations font au guichet unique le reproche de n’être pas encore devenu le vecteur principal d’orientation des demandeurs d’asile vers l’hébergement, ce qu’il devait être grâce au rôle accru conféré à l’OFII. Or, après le dépôt de la demande d’asile, les demandeurs sont pour un grand nombre sans solution d’hébergement, et se retournent vers les associations, lesquelles doivent pallier cette absence de réponse.

1. Remédier à la forte mise en tension de l’accueil et du pré-accueil dans les départements les plus sollicités

Les associations gestionnaires des PADA en région parisienne, dont les rapporteurs ont entendu les représentants, dénoncent les délais d’obtention d’un rendez-vous dans certains guichets uniques, en région Île-de-France notamment.

C’est ainsi que la prise de rendez-vous au guichet unique de Paris a été extrêmement difficile à plusieurs reprises depuis la réforme. En effet, si le nombre de rendez-vous ouverts par jour au guichet unique est d’environ 50, soit un millier de rendez-vous par mois, les associations doivent faire face à l’accueil de deux à trois mille personnes selon les mois. Or les demandeurs d’asile viennent en nombre – jusqu’à 400 personnes en juillet 2016 dans les locaux de la plateforme gérée par France Terre d’Asile à Paris, auxquelles s’ajoutaient 400 autres dans un campement à proximité. Ils passent la nuit devant les centres des associations pour espérer être reçus, ce qui génère des situations de tension extrême et de violence.

La PADA de Paris, située dans le 19ème arrondissement et gérée par France Terre d’Asile, enregistre ainsi une file active de 20 000 personnes et indique avoir reçu 13 000 personnes au premier semestre 2016. Celle de Seine-Saint-Denis connaît la même situation, avec un doublement de la file active qui atteint 10 000 personnes.

La plateforme de Paris a connu des épisodes de fonctionnement très difficile, les travailleurs sociaux devant faire face à des manifestations de violence et des fortes tensions générées par les files d’attentes de demandeurs d’asile. Ainsi, lorsqu’en octobre 2015 la Préfecture de police de Paris a demandé́ la suspension de la délivrance de rendez-vous pendant une quinzaine de jours, la fermeture de la PADA a eu pour conséquence l’arrivée de près de 550 personnes pour la seule journée de réouverture, pour la délivrance d’une vingtaine de rendez-vous seulement au guichet unique.

L’entreprise Facem, nouvel acteur dans le domaine, a été sélectionnée pour mettre en place la plateforme des Hauts-de-Seine, à Nanterre. Cette entreprise a fait état devant les rapporteurs des difficultés rencontrées : le procès intenté par les riverains souffrant des flux et des violences, la nécessité de déménager la plateforme, l’absence de concours de la force publique pour faire face à l’agressivité et aux violences des demandeurs d’asile, et un dimensionnement du marché insuffisant pour rémunérer l’ensemble du personnel recruté. On notera que le temps d’attente pour un rendez-vous est de 3 à 10 jours, ce qui reste bien en dessous de l’attente constatée avant la réforme, qui était de 1 à 7 mois comme les rapporteurs l’avaient critiqué en 2014.

Les associations soulignent que le guichet unique, en fixant un quota pour l’enregistrement des demandeurs d’asile, a créé́ une file d’attente invisible avec des délais de plusieurs mois avant que le demandeur d’asile puisse entamer les démarches. Il est certain qu’en région parisienne, le système a pour conséquence de voir plusieurs milliers de personnes vivre pendant plusieurs semaines en situation irrégulière, dans une grande précarité́.

La Coordination française pour le droit d’asile déplore que certaines personnes, lorsqu’elles parviennent finalement à se faire enregistrer par la plateforme d’accueil, se voient reprocher ensuite par la préfecture un dépôt tardif de la demande d’asile, soit plus de 120 jours après leur arrivée en France, alors que ce retard n’est pas de leur fait.

La situation constatée à Paris a conduit des demandeurs d’asile appuyés par les associations à saisir le tribunal administratif pour l’absence de respect du délai prévu par la loi du 29 juillet 2015 : c’est ainsi que le préfet de police de Paris a été́ condamné à 135 reprises par le tribunal administratif en moins d’un mois. En particulier, le tribunal a annulé, dans une ordonnance du 25 mai 2016, la décision du préfet de police de Paris fixant à 50 le nombre de rendez-vous pour le pré-accueil des demandeurs d’asile et enjoint de réexaminer les modalités d’organisation de l’enregistrement des demandes, afin que la loi soit respectée.

Le système d’accès est améliorable tant en PADA qu’en préfecture.

Jusqu’à présent, un demandeur d’asile peut déposer sa demande auprès de l’un des huit guichets uniques de la région Île-de-France. Des personnes tentent ainsi d’obtenir un rendez-vous plus rapidement en prenant des rendez-vous dans plusieurs PADA en même temps, ce qui occasionne une perte de temps lorsque le rendez-vous n’est pas honoré.

Le transfert d’un demandeur d’asile de Paris vers un autre département de la région parisienne a tout d’abord été impossible, ce que les associations ont critiqué. Cette possibilité a été ouverte en juillet dernier par la direction générale des étrangers en France : les PADA d’Île-de-France peuvent attribuer des convocations pour tous les guichets uniques de la région et non plus pour celui du seul département, et le demandeur d’asile peut alors privilégier la rapidité de la démarche ou le maintien dans le département où il se trouve.

2. Les missions des plateformes plus larges que prévu

Outre la question de l’accès au guichet unique, les associations dénoncent les conditions de travail difficiles résultant de l’obligation pour les plateformes de recevoir tous les demandeurs d’asile, y compris les personnes souhaitant demander un réexamen, les enfants de réfugiés atteignant leur majorité́, les demandeurs en situation de fin « Dublin » ainsi que les personnes arrivées en France dans le cadre du regroupement familial. Auparavant, la tâche des structures se limitait à accueillir les demandeurs d’asile primo-arrivants afin d’effectuer leur domiciliation si nécessaire. Cet ensemble de tâches accroît la taille de la file active de dossiers, ce qui a déjà été mentionné.

Pendant l’attente en amont du pré-accueil, les personnes en attente et leur famille dépendent en pratique de la plateforme pour leur alimentation et leur hébergement.

Étant donné que le dispositif national d’accueil ne peut héberger qu’une partie des demandeurs d’asile, ceux-ci reviennent mécontents à la plateforme après le dépôt de la demande. Les représentants des associations entendus par les rapporteurs ont donné quelques exemples de ces difficultés : ainsi à Paris, pour environ 4 700 personnes passées au guichet unique, seulement une centaine a été orientée vers un hébergement dédié. Selon les villes, en pratique, ce serait 50 à 95 % des demandeurs d’asile qui reviendraient vers la plateforme après le dépôt de la demande. Les opérateurs des plateformes d’accueil doivent en conséquence trouver une solution d’hébergement ce qui représente une très grande difficulté dans les départements saturés, où même l’hébergement d’urgence (le 115) est souvent inaccessible.

La décision gouvernementale d’arrêter le financement des nuits hôtelières, qui ne peut qu’être approuvée, a accru en pratique les difficultés des associations comme des préfectures. Les conséquences de cette décision sont encore inégales suivant les régions : le financement de nuitées hôtelières aurait été drastiquement réduit à Lyon, rendant très difficile la mise à l’abri des personnes ; de même dans la région Occitanie où il n’est plus possible de mobiliser de crédits pour l’hébergement hôtelier. Par contre, les nuits d’hôtel facturées dans la région parisienne s’élèveraient encore à 50 000 euros par jour avec des abus soulignés par les associations, faute de contrôles suffisants.

Les associations doivent en outre assurer l’accompagnement des demandeurs tout au long de la procédure s’ils ne sont pas dans le logement dédié. Le report de la charge du logement du demandeur d’asile de l’OFII vers les opérateurs est donc très mal vécu par certaines structures, trop sollicitées par l’ensemble de ces missions au regard de leur faible nombre de salariés, et qui se heurtent à l’extrême difficulté de la tâche.

3. L’administration doit améliorer ses échanges administratifs et financiers avec les associations gestionnaires du pré-accueil

Le marché de trois ans pour les prestations de premier accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile a été lancé par l’OFII à l’automne 2015, avec 34 lots dont le montant était inférieur ou égal à 134 000 euros. Le marché comme les conventions signées avec les associations sélectionnées pour gérer les PADA ont été « calibrés » sur les flux de personnes constatés en 2014 et au premier semestre 2015, lesquels ont connu en 2016 une augmentation de 43 % selon M. Leschi, directeur de l’OFII, entendu par les rapporteurs.

L’externalisation du premier accueil par signature de conventions n’a pas été possible partout, d’une part, car les opérateurs spécialisés ne sont pas présents sur tout le territoire (ainsi, par exemple, il n’y a pas d’opérateurs pour gérer une PADA dans plusieurs départements de la région Occitanie), d’autre part, car certains opérateurs spécialisés n’ont pas souhaité répondre à l’appel d’offres de l’OFII. Si la concurrence entre opérateurs peut exister dans les grandes métropoles, elle n’existe pas dans de nombreux départements.

Ce marché est assorti d’une clause de revoyure au 31 décembre 2016. Les associations attendent de l’administration un ajustement des conditions financières du marché pour prendre en compte l’accroissement important des flux de personnes à accueillir. La situation de Facem à Nanterre peut être citée pour illustrer les difficultés : l’appel d’offres était prévu pour rémunérer 8 personnes, or les salariés sont actuellement au nombre de 12 sans parvenir à tenir le délai fixé par la loi.

L’OFII a indiqué considérer les revalorisations nécessaires en fonction des demandes reçues, dans un cadre plus large de dialogue de gestion. L’Office a entrepris une réflexion avec les opérateurs pour une harmonisation des pratiques, dans le but de s’inspirer des méthodes les plus efficaces mises en œuvre par certaines plateformes pour simplifier, faciliter les prestations effectuées par les associations et si nécessaire réviser le cahier des charges en ce sens. Ainsi des associations ont pu par exemple réduire le nombre de passages à la plateforme en informant par texto les demandeurs d’asile de l’arrivée de courrier, ce qui leur évite des visites inutiles. D’autres adaptations pourraient être envisagées, comme celle de la couverture territoriale des plateformes : l’ouverture dans les départements d’antennes effectuant l’accompagnement du demandeur d’asile après le dépôt de sa demande pourrait être envisagée, pour éviter l’encombrement excessif de la plateforme de premier accueil.

Les rapporteurs considèrent qu’en effet les conditions financières des marchés doivent être réexaminées pour améliorer les moyens des plateformes les plus surchargées.

Ils soulignent aussi que l’OFII doit veiller à la rapidité de ses mandatements aux associations : au 12 juillet 2016, le règlement des prestations du premier trimestre à plusieurs opérateurs n’avait pas encore eu lieu, alors que la facturation est trimestrielle. Ce paiement a été délivré en août 2016.

Ce retard de paiement a été occasionné par l’obligation pour les associations de communiquer à l’OFII les feuilles d’émargement signées par les demandeurs d’asile après avoir été reçus. Plusieurs associations n’ont pu transmettre ces pièces à cause de la surcharge de travail ou faute d’avoir pu s’approprier cette nouvelle procédure. Ces difficultés ont conduit l’OFII à alléger les exigences administratives pour 2017, tout en assurant la transmission des certifications de service fait au comptable public.

C. L’ALLOCATION POUR DEMANDEUR D’ASILE : UNE ALLOCATION PLUS JUSTE MAIS UN CADRE JURIDIQUE À PRÉCISER

La loi du 29 juillet 2015 a prévu la création d’une nouvelle allocation, l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), qui s’est substituée, en les fusionnant, à l’allocation temporaire d’attente (ATA) et à l’allocation mensuelle de subsistance (AMS). Cette évolution réduit les inégalités résultant de la différence de régime entre les deux allocations, dont l’une prenait en compte la composition familiale et l’autre non. L’ADA devrait représenter une dépense totale de 313 millions d’euros en 2016.

La gestion de l’ADA a été confiée à l’OFII et non plus à Pôle Emploi, permettant de diminuer le nombre des administrations intervenant dans le dispositif. Le transfert de gestion vers l’OFII est intervenu le 1er novembre 2015, date à laquelle la nouvelle allocation a commencé à être servie aux bénéficiaires.

Des moyens complémentaires en personnel ont été alloués à l’OFII afin d’assurer cette nouvelle mission. Ces moyens n’ont pas été transférés depuis Pôle Emploi, qui continue par ailleurs à gérer et verser l’ATA en faveur des protégés subsidiaires et des apatrides.

Le délai de versement de l’allocation serait de 30 à 45 jours selon les associations.

1. L’allocation pour demandeur d’asile est « familialisée », et versée au crédit d’une carte sécurisée

La nouvelle allocation pour demandeur d’asile prend en considération la composition de la famille du demandeur d’asile : elle est constituée d’un montant forfaitaire dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d’enfants à charge. Cette modification répond à la préconisation émise par les rapporteurs en 2014.

Un barème définit le montant de l’allocation. Il est précisé à l’article 2 du décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015, relatif à l’allocation pour demandeur d’asile :

Composition familiale

Montant journalier

1 personne

6,80 €

2 personnes

10,20 €

3 personnes

13,60 €

4 personnes

17,00 €

5 personnes

20,40 €

6 personnes

23,80 €

7 personnes

27,20 €

8 personnes

30,60 €

9 personnes

34,00 €

10 personnes

37,40 €

Ce même article dispose qu’un montant journalier additionnel de 4,20 euros est versé à chaque demandeur d’asile adulte ayant accepté l’offre de prise en charge, auquel aucune place d’hébergement ne peut être proposée dans un des lieux mentionnés à l’article L. 744-3 du CESEDA et qui n’est pas hébergé en application des dispositions de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles.

Les rapporteurs avaient proposé en 2014 d’instituer, en commençant par une expérimentation régionale, le versement de l’allocation au demandeur en créditant une carte de retrait et de paiement utilisable dans certains commerces et grandes enseignes alimentaires (proposition n° 12).

Cette proposition a été partiellement suivie : le paiement de l’ADA s’effectue par l’Agence de services et de paiement (ASP) sur le compte bancaire du bénéficiaire. Le versement s’effectue depuis le 1er mars 2016 sur une carte à puce dite « prépayée » s’agissant des nouveaux entrants, tandis que les modalités de paiement demeurent inchangées pour les bénéficiaires de l’allocation déjà payés par RIB. À ce jour, plus de 15 000 cartes ont été mises en service. L’application informatique DN@ dédiée à l’hébergement des demandeurs d’asile a été modifiée pour calculer et mettre en paiement l’allocation chaque mois.

Il s’agit selon l’administration d’un dispositif innovant qui évite au demandeur d’asile de pâtir des délais importants parfois nécessaires pour l’ouverture d’un compte bancaire, et qui permet aussi de rationaliser le coût de gestion de l’allocation et de lutter de manière plus efficace contre la fraude.

À court terme, au gré du renouvellement de la population des demandeurs d’asile, les paiements par RIB et par lettres-chèques sont appelés à disparaître au bénéfice des seuls paiements par carte.

Le démarrage de cette nouvelle gestion a été difficile pour différentes raisons : adaptation et synchronisation des applications informatiques, augmentation de la demande d’asile, reprise de 50 000 dossiers anciens dans le nouveau cadre de l’ADA.

La base des bénéficiaires s’élevait en mai 2016 à environ 67 000 familles (soit 92 000 individus) et à un montant de dépense de 24,3 millions d’euros. L’administration a conduit, à l’occasion de ce changement, des opérations de vérification et de contrôle, notamment de la situation administrative des familles enregistrées sous le statut « Dublin ». Le plan de contrôle doit se poursuivre jusqu’à la fin 2016.

2. Des conditions d’accès et de renouvellement plus sévères si le demandeur d’asile se soustrait à ses obligations légales

Les rapporteurs avaient proposé trois mesures pour durcir les conditions de maintien de l’allocation lorsque le demandeur se soustrait à certaines obligations ou lorsque l’accès à l’allocation peut constituer un élément d’attractivité pour prolonger la procédure (proposition n° 12). Plusieurs dispositions ont été introduites en ce sens par la loi et surtout par le décret d’application du 21 octobre 2015.

L’article D. 744-35 du CESEDA prévoit à présent que le versement de l’allocation peut être suspendu dans différentes situations : lorsqu’un bénéficiaire a refusé une proposition d’hébergement dans un lieu mentionné à l’article L. 744-3 ; lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’information ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile ; lorsque, sans motif légitime, il a abandonné son lieu d’hébergement déterminé en application de l’article L. 744-7 ou s’est absenté du lieu d’hébergement sans justification valable pendant plus de cinq jours ; lorsqu’il cesse temporairement de remplir les conditions d’attribution ; lorsqu’il ne produit pas les documents nécessaires à la vérification de son droit à l’allocation.

Ces nouvelles dispositions permettent notamment d’interrompre le versement de l’ADA lorsque le demandeur se soustrait à la mesure de réadmission vers l’État membre responsable de l’examen de sa demande dans le cadre d’une procédure « Dublin », ce que les rapporteurs avaient demandé.

Les rapporteurs avaient aussi proposé d’instaurer un délai, courant dès l’entrée sur le territoire du demandeur d’asile, à partir duquel l’allocation temporaire d’attente ne pourrait plus être demandée. L’article D. 744-37 du CESEDA répond à cette préoccupation : le bénéfice de l’ADA peut être refusé par l’OFII si le demandeur, sans motif légitime, n’a pas présenté sa demande d’asile dans un délai de 120 jours. Le même article prévoit que l’allocation peut être refusée par l’OFII en cas de demande de réexamen de la demande d’asile.

Le décret précise la procédure qui doit être respectée par l’OFII : « la décision de suspension, de retrait ou de refus de l’allocation est écrite, motivée et prise après que l’allocataire a été mis en mesure de présenter à l’Office français de l’immigration et de l’intégration ses observations écrites dans le délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur » (article D. 744–38).

3. Un flou juridique entoure le versement de l’allocation en cas de demande de réexamen

La rédaction de l’article L. 744-8 du CESEDA crée une incertitude pour le cas des demandes de réexamen. Le 3° de cet article prévoit que le bénéfice des conditions matérielles d’accueil peut être « refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d’asile », la décision de refus devant prendre en compte « la vulnérabilité du demandeur ».

Ces dispositions, issues d’une interprétation par le législateur de la directive européenne « accueil », ont pour effet d’entraîner de nombreuses demandes de réouverture de l’allocation par des personnes déposant une demande de réexamen.

Elles font en pratique peser sur les agents de l’OFII la responsabilité de décider ou non de rouvrir le versement de l’allocation alors que la procédure d’examen de la demande d’asile est parvenue à son terme, et qu’en principe les conditions matérielles d’accueil ne sont plus délivrées : la poursuite du versement est alors liée à la vulnérabilité de la personne, sans que soit défini un cadre juridique précis comportant les éléments objectifs sur lesquels doit reposer la décision. L’appréciation de la vulnérabilité varie selon les acteurs impliqués.

En pratique, une personne ayant fait une déclaration de vulnérabilité lors de son passage au guichet unique, une fois déboutée, peut à nouveau demander le versement de l’ADA à la direction territoriale de l’OFII, qui doit apprécier cette vulnérabilité et décider de maintenir l’allocation ou non, de maintenir l’hébergement ou non. Il est possible en outre que le juge, s’il est saisi au sujet de la décision d’éloignement de la personne déboutée, se fonde sur la reconnaissance de la vulnérabilité par l’OFII pour remettre en question l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) adressée à cette personne.

Par ailleurs, l’article L. 744-8 (dernier alinéa) prévoit que « Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d’accueil a été suspendu, le demandeur d’asile peut en demander le rétablissement à l’Office français de l’immigration et de l’intégration. » On peut s’interroger sur les demandes multiples que peut entraîner cet alinéa, qui laisse espérer la réouverture des droits au plan national alors que la direction territoriale de l’Office a déjà constaté la fin du bénéfice de l’allocation. La double instruction, locale puis nationale, est en outre consommatrice de moyens humains et de temps. Elle n’est pas exempte d’incertitudes sur le fond, étant donné l’absence de contrôle exercé par le collège de médecins de l’OFII sur l’état de santé du demandeur, qui a déjà été soulignée par les rapporteurs.

De manière générale, le cadre juridique peut être considéré comme trop complexe lorsqu’il prévoit que la décision de rejet de la demande d’asile par l’OFPRA n’entraîne pas automatiquement le retrait de l’allocation. Il fait peser sur les agents de l’OFII la responsabilité de prolonger des droits en dehors de la procédure de l’asile. L’Office constate déjà les conséquences de ces incertitudes sur le nombre de demandes de réouverture, sur les contentieux introduits à l’encontre des décisions de refus, dans lesquels l’action des défenseurs conduit à faire primer le critère de vulnérabilité sur celui de l’irrecevabilité de la demande de réexamen.

Les rapporteurs considèrent que ce dispositif ouvre la porte à trop d’incertitudes et encadre mal la prise de décisions des agents de l’OFII, les obligeant à travailler dans un cadre juridique peu stable dans lequel les éléments objectifs sont mal définis et les possibilités de fraude avérées. Il conviendrait de veiller à ce que la mise en œuvre de l’appréciation de la vulnérabilité ne conduise pas en pratique à une troisième étape de la procédure de demande d’asile.

III. UNE PROCÉDURE RÉFORMÉE POUR UNE MEILLEURE GARANTIE DES DROITS ET DES DÉLAIS DE TRAITEMENT RACCOURCIS

Dans leur rapport initial, les rapporteurs avaient souligné combien, dans un contexte de forte pression migratoire et d’évolution du droit européen après l’adoption des directives dites « accueil » et « procédures » du 26 juin 2013, il était devenu indispensable de réformer le traitement des demandes d’asile. Ils avaient alors appelé de leurs vœux plusieurs modifications de la procédure d’examen des demandes d’asile (proposition n° 14), une réforme de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) (proposition n° 15) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) (proposition n° 17).

Ce constat était partagé par le ministre de l’intérieur le 9 décembre 2014, en ouverture de la discussion du projet de loi relatif à la réforme de l’asile : « Notre droit d’asile est aujourd’hui à bout de souffle (…) Il pénalise même les réfugiés authentiques tout en rendant possibles des dérives dont tentent de profiter les filières de l’immigration irrégulière (…). Nous connaissons toutes et tous (…) les dysfonctionnements qui nuisent au système : la lenteur et le manque d’efficacité du processus d’examen des demandes, la trop grande hétérogénéité des conditions d’accueil, l’inégalité des garanties juridiques que la France offre aux demandeurs d’asile (…) ».

La loi du 29 juillet 2015 modifie profondément une procédure d’examen des demandes d’asile devenue inefficace et inégalitaire. Elle transpose en outre, dans la législation française, les directives du « paquet asile ».

C’est donc vers plus efficacité et plus d’équité que tendent les réformes de procédure introduites par la loi du 29 juillet 2015 et les moyens supplémentaires alloués à l’OFPRA et à la CNDA pour faire face à un nombre croissant de demandes d’asile.

A. L’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES BÉNÉFICIE DE MOYENS ACCRUS MAIS EST DE NOUVEAU FORTEMENT SOLLICITÉ

1. Une procédure revue dans le sens d’une plus grande efficacité et des droits confortés pour le demandeur d’asile

La loi du 29 juillet 2015 a sensiblement modifié la procédure d’instruction des demandes d’asile ouvrant la voie à des délais réduits et à des droits confortés pour le demandeur d’asile.

a. Un renforcement des droits du demandeur d’asile

Garantie particulièrement importante pour le demandeur d’asile, l’entretien conduit lors du dépôt de la première demande est désormais la règle, sauf si l’OFPRA s’apprête à reconnaître la qualité de réfugié ou si des raisons d’ordre médical ne le permettent pas.

L’article L. 723-6 du CESEDA précise les conditions de déroulement de cet entretien pour lequel le demandeur peut désormais être accompagné d’un conseil (avocat ou association habilitée), ainsi que l’avaient suggéré les rapporteurs (proposition n° 15). D’après les informations transmises aux rapporteurs lors de la visite d’un CADA, ce droit est encore très peu utilisé, faute de moyens ou de démarches en ce sens des demandeurs d’asile.

L’entretien et les observations formulées dans ce cadre font l’objet d’une transcription versée au dossier qui peut être communiquée à l’intéressé ou à son conseil. L’entretien peut également être enregistré, transmis à la Cour nationale du droit d’asile en cas de recours et communiqué, s’il le souhaite, au demandeur d’asile pour étayer son recours (article L. 723-7-1 du code précité).

CONVOCATIONS ANNUELLES ET TAUX DE PRÉSENTATION EN ENTRETIEN DEPUIS 2001

Source : OFPRA, rapport d’activité 2015.

L’utilisation de moyens de communication audiovisuels pour réaliser l’entretien est encadrée par l’article R. 723-9 du même code issu du décret du 21 septembre 2015 afin d’en garantir la confidentialité. 80 % des entretiens réalisés par visioconférence en 2015 concernaient les départements d’outre-mer.

La procédure d’examen peut désormais être aménagée pour les demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité, l’article L. 723-3 du CESEDA permet ainsi à l’OFPRA de statuer en priorité sur des demandes de cette nature.

Si la liste des pays considérés comme sûrs – définis selon des critères strictement conformes à la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 précitée – relève toujours du conseil d’administration de l’OFPRA, la loi a élargi le collège de ce conseil et en permet la saisine par les présidents des commissions permanentes chargées des affaires étrangères et des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, une association de défense des droits de l’homme, une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile ou une association de défense des droits des femmes ou des enfants, en vue de l’inscription ou du retrait d’un pays de la liste (article L. 722-1 du CESEDA).

Le nouvel article L. 723-2 du même code prévoit également que l’Office peut requalifier en procédure normale l’examen d’une demande d’asile d’un ressortissant d’un pays d’origine sûr, en particulier lorsque celui-ci « invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d’origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande ».

La demande d’asile formulée par un étranger en rétention est également entourée de garanties : une mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution avant que l’Office ait statué, en tenant compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile. De même, il peut être mis fin à la rétention si l’Office ne peut statuer dans les délais prévus ou s’il donne une suite favorable à la demande (article L. 556-1 du CESEDA).

b. Une plus grande efficacité dans le traitement des demandes d’asile

Nécessaire pour ne pas laisser des demandes infondées et la fraude désorganiser l’accueil des demandeurs d’asile, la procédure prioritaire est maintenue conformément au souhait exprimé par les rapporteurs. Elle est toutefois remplacée par une procédure dite accélérée avec des possibilités élargies d’y recourir. Ainsi, L’OFPRA peut statuer en procédure accélérée lorsque le demandeur présente de faux documents, ne soulève que des questions sans pertinence au regard de sa demande ou fait des déclarations manifestement fausses, contradictoires ou incohérentes au regard de la situation de son pays d’origine. L’Office statue également en procédure accélérée lorsque l’autorité administrative en charge de l’enregistrement de la demande constate un refus de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales ou la présentation de faux documents, lorsqu’un demandeur d’asile, qui est entré ou s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire, n’a pas présenté sa demande dans un délai de cent vingt jours, lorsque qu’une demande d’asile n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement ou si la présence en France du demandeur d’asile constitue une menace grave pour l’ordre public (article L. 723-2 du CESEDA).

La notion de pays d’origine sûr, précisée par le texte, demeure un critère de placement en procédure accélérée. Il en est de même pour le traitement des dossiers de demandeurs d’asile en rétention.

Un examen adapté de demandes manifestement infondées a été introduit par la loi. Il concerne :

– les demandes de réexamen, qui peuvent faire l’objet d’une décision d’irrecevabilité si, à l’issue d’un examen préliminaire, aucun des faits nouveaux invoqués ne justifie un nouvel examen (article L. 723-16 du CESEDA) ;

– les demandes irrecevables, définies par l’article L. 723-11 du CESEDA, et relatives aux demandeurs d’asile bénéficiant d’une protection effective dans un autre État membre ou dans un pays tiers où ils sont effectivement réadmissibles. L’OFPRA peut alors prendre une décision d’irrecevabilité susceptible de recours non suspensif devant la CNDA ;

– la clôture d’examen d’une demande, en application des articles L. 723-13 et L. 723-14 du CESEDA, qui permet à l’Office de ne pas donner suite à des demandes déposées hors délais, pour lesquelles le demandeur d’asile ne se présente pas à l’entretien ou s’il refuse de manière caractérisée de donner des informations essentielles. Le demandeur d’asile peut toutefois, dans un délai de neuf mois suivant la clôture, demander la réouverture de son dossier.

L’impérieuse nécessité d’une accélération du délai de traitement des demandes d’asile avait été soulignée par les rapporteurs. L’article 31 de la directive du 26 juin 2013 dite « procédures », auquel renvoie le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 relatif à l’application de la réforme de l’asile, encadre désormais le traitement des demandes d’asile dans un délai maximum de six mois dont l’éventuelle prolongation est strictement encadrée. Les demandes en procédure accélérée doivent être traitées en quinze jours, celles déposées par un demandeur d’asile en rétention en quatre-vingt-seize heures. Le contrat d’objectifs et de performance entre l’État et l’OFPRA prévoit de ramener le délai moyen de procédure devant l’Office à trois mois.

2. Un renforcement nécessaire des effectifs pour faire face au flux de demandes et traiter les dossiers en attente

Dès septembre 2013, l’OFPRA a réformé son fonctionnement dans le sens d’une plus grande efficacité :

– l’instruction des demandes d’asile issues des flux les plus importants est désormais partagée entre les quatre divisions géographiques de l’Office afin de mieux répartir la charge de travail et de favoriser l’harmonisation des pratiques ;

– des mesures d’instruction spécifiques sont prévues pour rationaliser le traitement de demandes répondant à l’évidence à un besoin de protection ou de demandes a priori non fondées.

Mais les efforts réalisés pour traiter les demandes pendantes et réduire des délais déjà trop longs avant la crise migratoire, ont été mis à mal par la forte hausse des demandes d’asile intervenue en 2015, après une relative stabilisation en 2014.

FLUX ET ACTIVITÉ DE L’OFPRA EN 2014 ET 2015

 

2015

2014

Évolution 2015/2014 %

Premières demandes (1)

59 335

45 454

30,5 %

Mineurs accompagnants (2)

15 133

13 859

9,2 %

Total 1ères demandes, mineurs accompagnants inclus (1 + 2)

74 468

59 313

25,6 %

Réexamens (3)

5 607

5 498

2,0 %

Total demandes, réexamens inclus (1 + 2 + 3)

80 075

64 811

23,6 %

 

Total décisions OFPRA (hors mineurs accompagnants)

62 057

52 053

19 %

Admissions

14 119

8 763

61 %

dont protections subsidiaires (PS)

2 822

1 940

45 %

Rejets

47 597

43 066

11 %

Clôtures

341

224

52 %

Taux d’admission OFPRA %

22,9 %

16,9 %

 

Total décisions OFPRA sur mineurs accompagnants

17 957

17 202

4 %

Total décisions Ofpra mineurs inclus

80 014

69 255

16 %

Admissions suite à une annulation de la CNDA

5 331

5 749

– 7 %

dont protections subsidiaires (PS)

1 531

1 563

– 2 %

Total admissions

19 450

14 512

34 %

dont protections subsidiaires (PS)

4 353

3 503

24 %

Source : OFPRA, rapport d’activité 2015.

L’OFPRA a rendu 80 014 décisions en 2015, ce qui représente une progression de 16 % entre 2014 et 2015 et un accroissement de 113 % entre 2007 et 2015.

ADMISSIONS ANNUELLES PAR L’OFPRA ET LA CNDA DEPUIS 2004

Source : OFPRA, rapport d’activité 2015.

En 2015, 46 785 entretiens personnels ont été réalisés soit une hausse de 15,8 % par rapport à l’année précédente. Ils doivent être conduits avec une vigilance particulière en raison du contexte de risque terroriste accru.

Les personnels de l’OFPRA sont également fortement mobilisés au titre de la mise en œuvre des accords européens de relocalisation et l’afflux de réfugiés dans certaines régions se traduit par l’affectation de 20 % des officiers de protection à l’extérieur des structures de l’Office (à l’étranger ou en région).

Plus de 32 000 premières demandes, hors mineurs accompagnants, étaient en instance à la fin de l’année 2015, soit une progression de plus de 12 % par rapport à 2014, dans un contexte où un nombre croissant de procédures accélérées (plus d’un dossier sur trois) contraint l’Office à traiter une proportion importante de demandes récentes.

TOTAL 1ÈRES DEMANDES EN INSTANCE EN FIN DE MOIS DEPUIS JANVIER 2008

(hors apatrides et hors mineurs accompagnants)

ÉVOLUTION MENSUELLE DES STOCKS DE 1ÈRES DEMANDES SELON L’ANCIENNETÉ

Année 2015

Source : OFPRA, rapport d’activité 2015.

La durée moyenne de traitement des premières demandes en procédure normale était, en 2015, de 262 jours, soit plus de 8 mois (270 jours en 2013), ce qui est encore au-delà des délais prévus par la réforme de l’asile.

L’augmentation du nombre de décisions de protection a également des conséquences sur le nombre de documents d’état civil que l’OFPRA doit délivrer aux personnes protégées. Malgré la mise en place d’un service en ligne qui a permis, entre avril et décembre 2015, la délivrance de 22 000 documents dans des délais raccourcis, l’Office peine à exercer cette mission dans des délais satisfaisants.

Pour faire face à l’afflux de demandes et à la nécessité de résorber les dossiers pendants, l’OFPRA a bénéficié, au début de l’année 2015, de 55 ETP supplémentaires et, au second semestre, de 20 ETP dédiés à certaines tâches administratives telles l’enregistrement, la numérisation, la notification des décisions, au titre du plan « migrants ». La loi de finances pour 2016 a affecté 95 ETP supplémentaires à l’Office au titre de la mise en œuvre du programme européen de relocalisation décidé en septembre 2015 par le Conseil de l’Union européenne.

Les moyens humains supplémentaires alloués à l’Office, qui comptait 575 agents à la fin de l’année 2015 contre 475 en 2012, ont permis d’accompagner les efforts de productivité engagés et de faire face à l’accroissement des demandes (+ 23,6 % en 2015 par rapport à l’année précédente). Pour autant, l’évolution récente des flux migratoires ne permet pas de réduire les délais de procédure ni de résorber le nombre de dossiers « en stock » – qui avaient diminué entre 2013 et 2015 –, et a rendu nécessaire le recrutement de 100 ETP dont 66 officiers de protection, qui devrait être effectif fin 2016. La création de 40 ETP est attendue pour 2017 et devrait permettre, si l’évolution des flux de migrants est contenue, d’atteindre le délai moyen de trois mois, une fois le stock de demandes en attente résorbé.

B. LA COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE EST RENFORCÉE MAIS DOIT FAIRE FACE À UN TAUX D’APPEL INÉDIT

Alors que la progression du nombre de recours et l’évolution du droit avaient conduit, au cours des années récentes, la Cour nationale du droit d’asile à revoir son organisation et son fonctionnement, la loi du 29 juillet 2015 et le décret du 16 octobre 2015 relatif à la procédure applicable devant la Cour amplifient ce mouvement par la création d’une procédure à juge unique avec audience (les décisions rendues jusqu’alors à juge unique concernaient des ordonnances rendues sans audience) et l’instauration de délais de jugement.

1. Un nouveau droit pour les requérants : le recours suspensif élargi

Plaidant pour une meilleure utilisation des potentialités des procédures accélérées, les rapporteurs avaient suggéré la généralisation du recours suspensif devant la CNDA (proposition n° 14).

La loi du 29 juillet 2015 a retenu cette proposition : en application de l’article L. 743-1 du CESEDA, le demandeur d’asile peut désormais se maintenir sur le territoire jusqu’à la notification de la décision de la CNDA, quelle que soit la procédure dont relève sa demande (normale ou accélérée).

2. La professionnalisation de la Cour et la réforme des procédures contentieuses

Les décisions rendues après audience sont désormais prises soit en formation collégiale par trois juges de l’asile, soit à juge unique. Dans les deux cas, le rapporteur, dont le rôle est conforté, étudie le dossier sans prendre parti, donne lecture de son rapport à l’audience, assiste au délibéré sans y prendre part et prépare le projet de décision.

Certaines décisions peuvent être rendues, comme c’était déjà le cas, par ordonnance, à juge unique, en cas de désistement, d’incompétence de la Cour, de non-lieu, d’irrecevabilité manifeste, de recours hors délai, mais aussi si le recours ne présente aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l’OFPRA (article R. 733-4 du CESEDA).

NATURE DES DÉCISIONS RENDUES PAR LA CNDA AU COURS DU PREMIER SEMESTRE 2016

Sens de décision / motif de rejet

Nombre de décisions

Part dans le total des décisions rendues

Qualité de réfugié (Convention de Genève)

2 246

10,4 %

Protection subsidiaire (PS)

909

4,2 %

Total Décisions de protection (CG + PS)

3 155

14,6 %

Rejet pour incompétence ou irrecevabilité manifeste

(ordonnance art. R. 733-4, 2° et 4° CESEDA et formation collégiale)

391

1,8 %

Rejet pour absence d’éléments sérieux

(ordonnance art. R. 733-4, 5° CESEDA)

4 018

18,6 %

Rejet au fond

(formation collégiale et juge unique après audience)

13 649

63,2 %

Total Décisions de rejet

18 058

83,6 %

Annulation et renvoi à l’OFPRA

32

0,1 %

Autre décision (non-lieu, désistement, divers)

356

1,6 %

Total Décisions autres

388

1,8 %

TOTAL DES DÉCISIONS RENDUES

21 601

100 %

Source : Cour nationale du droit d’asile.

La nouvelle procédure à juge unique après audience n’a pas encore pris sa pleine mesure (395 décisions rendues entre mars et juin 2016). En outre, la gestion d’un double délai d’audiencement se révèle particulièrement délicate dans un cadre très contraint.

Lors de leurs auditions, les rapporteurs se sont faits l’écho des inquiétudes suscitées par l’introduction du juge unique, nouveauté dans le contentieux de l’asile. Les représentants de la CNDA ont répondu que la juridiction ne traitait pas plus de dossiers en formation à juge unique qu’en formation collégiale, que le dialogue mené avec tous les personnels concernés, sur ce mode de jugement très répandu en Europe, avait apaisé les inquiétudes et que les décisions rendues jusqu’à présent aboutissaient au même taux de protection, quelle que soit la procédure. Il est en outre toujours possible, en cas de difficultés, de réorienter une affaire « audiencée » à juge unique vers une formation collégiale. À la fin de l’année 2015, le taux de protection accordé par la CNDA était de 15 % (5 387 décisions).

Parallèlement aux évolutions destinées à améliorer l’efficacité de la Cour (dématérialisation des dossiers, échanges par voie numérique entre l’OFPRA et la CNDA, vidéo-audiences), celle-ci a été réorganisée en trois sections et onze chambres.

L’article L. 732-1 du CESEDA, modifié par la loi du 29 juillet 2015, prévoit également que le Président de formation de jugement est nommé parmi les magistrats permanents de la CNDA ou parmi les magistrats non permanents ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour.

Le même article a modifié le mode de désignation des assesseurs de la CNDA qui sont désormais directement nommés par le vice-président du Conseil d’État, en raison de leurs compétences dans les domaines juridiques ou géopolitiques.

Ces évolutions vont dans le sens de la professionnalisation de la Cour que les rapporteurs appelaient de leurs vœux (proposition n° 17).

3. Des délais de jugement impératifs et un renforcement des effectifs de la Cour

En application de la directive du 26 juin 2013 dite « procédures », la loi du 29 juillet 2015 a instauré des délais de jugement contraints : les décisions collégiales de la Cour doivent désormais être rendues en cinq mois, celles rendues à juge unique après audience ou par ordonnance en cinq semaines.

À la fin du premier semestre 2016, plus des trois quarts des décisions relevant de la procédure « accélérée » étaient rendues par ordonnance, sans audience.

35 979 décisions ont été rendues par la CNDA en 2015, soit une diminution de 8 % par rapport à l’année précédente, en raison de mouvements sociaux et de revendications professionnelles des avocats qui ont eu pour conséquence le renvoi de nombreux recours.

363 agents (dont 160 rapporteurs), 14 magistrats et un membre du Conseil d’État constituaient les effectifs permanents de la Cour à la fin de l’année 2015, auxquels s’ajoutent 100 présidents vacataires et 146 assesseurs. 21 emplois ont été créés en 2015 et 25 étaient prévus pour 2016.

Le dispositif de vidéo-audience constitue une alternative bienvenue aux audiences foraines et est maintenant déployé, ainsi que le suggéraient les rapporteurs, dans plusieurs collectivités d’outre-mer (Guyane depuis mars 2014, Mayotte depuis juin 2015, Guadeloupe et Martinique en 2016).

ÉVOLUTION DES RECOURS 2006-2015

Source : CNDA, rapport d’activité 2015.

Depuis 2010, le délai de traitement des dossiers a diminué de 45 % (la référence étant le délai moyen constaté qui prend en compte l’ancienneté des dossiers). Mais ce délai – un peu plus de sept mois à la fin de l’année 2015 – excède encore celui prévu par la loi. Sur les 21 601 dossiers traités au cours du 1er semestre 2016, 55 % avaient moins de six mois, 11 % plus d’un an.

ÉVOLUTION DES DÉLAIS

Source : CNDA, rapport d’activité 2015.

Il a été indiqué aux rapporteurs que les délais de jugement de cinq mois et de cinq semaines ne pourraient être atteints à l’horizon 2017, sans moyens supplémentaires, d’autant moins que l’augmentation du nombre de décisions rendues par l’OFPRA se traduit mécaniquement par une augmentation du nombre de recours.

IV. DES CAPACITÉS D’HÉBERGEMENT ACCRUES ET MIEUX RÉPARTIES SUR LE TERRITOIRE, MAIS SATURÉES PAR L’AMPLEUR DE LA DEMANDE

En 2014, les rapporteurs avaient attiré l’attention sur la saturation du dispositif d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile : l’insuffisance chronique de places dans les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) était compensée par un dispositif d’accueil d’urgence (HUDA) constitué, pour partie, de nuitées hôtelières gérées localement et par un accueil temporaire en centres d’hébergement (AT-SA) relevant du service central de l’asile qui en délègue la gestion.

Malgré l’extension significative des capacités d’hébergement dont la capacité globale s’est accrue de plus de 26 000 places entre 2005 et 2013 et la mise en place d’un dispositif national d’accueil (DN@) destiné à l’accueil et au suivi des demandeurs d’asile, engagées conformément à la directive 2003/29/9/CE du 27 janvier 2003 relative aux conditions et normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, l’engorgement des procédures et l’afflux de migrants ont désorganisé la gestion de l’hébergement des demandeurs d’asile, faisant perdurer l’inégalité entre les demandeurs d’asile bénéficiant d’un suivi dans les centres dédiés et les autres.

Dans leur rapport présenté en 2014, les rapporteurs avaient soutenu la mise en place d’une politique volontariste d’équilibrage de la demande d’asile sur le territoire, grâce à un système directif d’orientation des demandeurs d’asile. Ils avaient estimé que l’OFII pouvait remplir le rôle de réorientation du demandeur d’asile vers une autre région que celle où il se trouve (proposition n°10).

Les rapporteurs constatent que ce bouleversement de l’organisation de l’accueil et des habitudes anciennes a été acté par la loi du 29 juillet 2015, dans son article 23 (article L. 744-2 du CESEDA). Cette disposition prévoit en effet un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile fixant la répartition des places d’hébergement sur le territoire national.

A. LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS D’HÉBERGEMENT EST RÉEL MAIS NE PARVIENT PAS ENCORE À RÉPONDRE AUX BESOINS

La réforme de l’asile s’est accompagnée d’un plan triennal de création de places en CADA, structures permettant aux demandeurs d’asile de disposer d’un accompagnement durant la procédure. La création de 14 630 places en CADA (dont 5 500 issues de transformations d’hébergements d’urgence pour les demandeurs d’asile) a été ainsi programmée pour la période 2015-2017.

L’appel à projets, lancé pour l’année 2015, a permis la création de 4 000 places de CADA dont 90 % étaient effectivement ouvertes à la fin du premier semestre 2016. 8 743 places de CADA ont été validées au titre de 2016 et devraient être disponibles d’ici la fin de l’année, portant à plus de 38 000 le nombre de places en centres d’accueil.

Régions

Places de CADA validées par région
à la suite des appels à projets pour 2016

Alsace Lorraine Champagne-Ardenne

1 145

Aquitaine Limousin Poitou-Charentes

1 588

Auvergne Rhône-Alpes

918

Bourgogne Franche-Comté

556

Bretagne

317

Centre

360

Île-de-France

1 038

Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon

1 287

Nord Pas de Calais Picardie

420

Normandie

237

Pays-de-la-Loire

145

Provence-Alpes-Côte d’Azur

665

TOTAL

8 743

Source : Ministère de l’intérieur.

Cet effort, que les rapporteurs appelaient de leurs vœux (proposition n° 9), va de pair avec le remplacement progressif des hébergements d’urgence dans des hôtels par des solutions d’hébergement plus adaptées. Si cette évolution est naturellement bienvenue, l’attention des rapporteurs a été appelée sur les difficultés rencontrées du fait de la diminution des crédits dédiés aux nuitées hôtelières, dans le contexte actuel de tension que connaissent les grands centres urbains. Les efforts engagés récemment pour l’ouverture de places d’hébergement d’urgence de type « centre d’accueil et d’orientation » (CAO) ont pour objet de remédier à ces difficultés.

Pour limiter le recours à l’hébergement d’urgence de droit commun, les rapporteurs avaient proposé d’étendre les capacités d’accueil temporaire du service de l’asile (AT-SA) (proposition n° 10).

Cette décision a été prise dans le cadre du « plan migrants » dont les conditions de mise en œuvre ont été définies par la circulaire du 22 juillet 2015 et qui prévoit la création de 4 000 nouvelles places d’AT-SA entre 2015 et 2016. 2 300 places ont déjà été ouvertes à ce titre, le parc d’AT-SA comptant plus de 6 000 places à la fin du premier semestre 2016.

 

Nombre de places CADA

Nombre de places HUDA

Nombre de places AT-SA

Au 31/12/2015

28 621

11 963

5 668

Au 31/06/2016

31 869

11 829

6 033

Source : Ministère de l’intérieur.

Dans le souci de parvenir à une répartition plus équilibrée des hébergements créés, un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile fixe la répartition des places d’hébergement sur le territoire national (article L. 744-2 du CESEDA). Arrêté par le ministre chargé de l’asile et transmis au Parlement, le schéma national fixe des objectifs d’évolution des parcs régionaux pour les années à venir.

OBJECTIFS FIXÉS PAR LE SCHÉMA NATIONAL D’ACCUEIL POUR LE 31 DÉCEMBRE 2017

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Source : Arrêté du 21 décembre 2015 pris en application de l’article L. 744-2 du CESEDA.

Le schéma national est décliné en schémas régionaux élaborés par les préfets de région qui fixent les orientations en matière de création et de répartition des lieux d’hébergement sur le territoire de la région et présentent le dispositif prévu pour l’enregistrement des demandes d’asile, le suivi et l’accompagnement des demandeurs d’asile.

Ces documents permettent de visualiser, au sein d’une même région, les départements saturés, d’ouvrir la voie à une meilleure répartition de l’accueil entre les départements, de disposer d’un diagnostic de l’existant et d’identifier les places adaptées à certaines situations particulières (mobilité réduite, proximité de centres médicaux…).

Les schémas des régions dont les contours n’ont pas changé ont été publiés au début de l’été 2016, ceux des régions qui ont changé de périmètre sont attendus dans les prochaines semaines, l’harmonisation de pratiques très différentes nécessitant des ajustements.

Au-delà de leur contenu, nécessaire à une répartition plus équilibrée des hébergements, l’élaboration de ces documents favorise le dialogue entre les différentes collectivités et permet de créer une dynamique en associant tous les services concernés, qu’il serait opportun de poursuivre après la publication des schémas.

Au-delà des structures dédiées aux demandeurs d’asile ayant déposé une demande, les situations dramatiques comme celle de Calais imposent de trouver des solutions d’hébergement d’urgence pour des migrants aux profils divers. L’ouverture de 9 000 places est ainsi prévue dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO) permettant ensuite une orientation des migrants en fonction de leur situation : prise en charge et suivi de ceux qui souhaitent déposer une demande d’asile selon la procédure en vigueur, transfert vers l’État compétent pour les migrants relevant des accords de Dublin, procédures d’éloignement pour les personnes non autorisées à se maintenir sur le territoire.

Visite du CADA de Conflans-Sainte-Honorine géré par ADOMA

Avec quelque 14 000 places d’hébergement réparties sur 170 centres et 50 départements, ADOMA est devenu le premier opérateur au titre de l’accueil des demandeurs d’asile.

Le CADA de Conflans-Sainte-Honorine est implanté dans une résidence sociale de 180 places, initialement destinée à accueillir des travailleurs migrants. 60 demandeurs d’asile, pour la plupart venus du continent africain, y sont actuellement accueillis dans des chambres de 7,5 m2. Des cuisines et sanitaires communs sont installés à chaque étage composé de 20 chambres.

Le CADA accueille cinq familles monoparentales mais on constate, sur la période récente, l’arrivée d’une proportion croissante de jeunes isolés de moins de 25 ans venus du Soudan ou d’Afghanistan qui, à l’issue de la procédure, ne peuvent bénéficier d’aucune aide et doivent trouver un hébergement d’urgence de droit commun. Les travailleurs sociaux du CADA s’efforcent néanmoins de les mettre en lien avec la Mission locale pour obtenir un stage rémunéré, s’ils ont une connaissance suffisante de la langue française.

Si les personnels du CADA conjuguent leurs efforts pour proposer des cours de langue aux demandeurs d’asile, il est difficile de trouver des bénévoles susceptibles de dispenser des cours adaptés et en nombre suffisant, aux différents profils hébergés. Cette lacune est particulièrement dommageable lorsque les personnes sont reconnues réfugiées et doivent rechercher un emploi ou lorsqu’elles ont accès au travail en fin de procédure d’asile.

Autre difficulté : les demandeurs d’asile, qui pourraient bénéficier d’une autorisation de travail à l’issue d’une période de neuf mois, se heurtent aux réticences des employeurs qui préfèrent embaucher des personnels dans une situation stabilisée et moins complexe à gérer.

B. L’ORIENTATION DIRECTIVE POUR L’HÉBERGEMENT CONNAÎT UNE MISE EN ŒUVRE DIFFICILE

Dans un nouveau chapitre du CESEDA consacré aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile, la loi du 29 juillet 2015 confie à l’OFII l’attribution des conditions matérielles de l’accueil (article L. 744-1) et en particulier l’admission du demandeur d’asile dans un hébergement dédié, la décision de changement et de sortie de cet hébergement, en tenant compte de la situation du demandeur (article L. 744-3). L’Office peut, par convention, déléguer à des personnes morales certaines prestations d’accueil et d’accompagnement.

La gestion, par l’OFII, de l’accueil des demandeurs d’asile dans les hébergements dédiés est réalisée au moyen du système d’information DN@ qui inclut désormais, ainsi que le souhaitaient les rapporteurs, les places des hébergements d’urgence destinées à l’asile (HUDA). À la fin du mois d’avril 2016, le DN@ comptait près de 12 000 places en HUDA réparties sur 169 sites.

Nombre de places agréées sur le DN@
au 30 juin 2016

CADA

HUDA

AT-SA

Total

Alsace Lorraine Champagne-Ardenne

4 104

2 993

1 085

8 182

Aquitaine Limousin Poitou-Charentes

2 844

604

255

3 703

Auvergne Rhône-Alpes

4 430

3 072

863

8 365

Bourgogne Franche-Comté

2 638

707

290

3 635

Bretagne

1 502

180

260

1 942

Centre

1 686

392

390

2 468

Île-de-France

4 345

1 097

295

5 737

Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon

2 185

526

110

2 821

Nord-Pas-de-Calais-Picardie

2 056

683

777

3 516

Normandie

1 907

177

599

2 683

Pays-de-la-Loire

2 174

1 023

625

3 822

Provence-Alpes-Côte d’Azur

1 998

375

484

2 857

TOTAL

31 869

11 829

6 033

49 731

Source : Ministère de l’intérieur.

Les données relatives aux capacités des lieux d’hébergement, à leur taux d’occupation et aux demandeurs d’asile qui y sont accueillis sont intégrées dans le fichier automatisé du DN@ géré par l’OFII. Les gestionnaires des lieux d’hébergement sont également tenus d’informer l’Office des absences prolongées, injustifiées ou d’éventuels comportements violents ou manquements graves au règlement du lieu d’hébergement (article L. 744-4 du CESEDA).

Les centres d’hébergement accueillent les demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure ou jusqu’à la date de leur transfert dans un autre État membre s’ils relèvent de la procédure dite « Dublin ».

Pour remédier aux situations de tension dans certaines régions et permettre une meilleure gestion des ressources disponibles, les rapporteurs avaient plaidé pour un système d’orientation directive des demandeurs d’asile vers un hébergement et suggéré de confier à l’OFII un rôle de réorientation de ceux-ci vers une autre région dans le cadre du premier accueil (proposition n° 10).

Tel est l’objet du nouvel article L. 744-7 du CESEDA de la loi du 29 juillet 2015 qui charge l’OFII d’orienter les demandeurs d’asile vers un lieu d’hébergement. Si la proposition qui lui est faite est refusée, le demandeur d’asile perd le bénéfice des conditions matérielles de l’accueil.

Ce dispositif permet ainsi de procéder à des orientations interrégionales ou interdépartementales. 30 % des places recensées au niveau national sont réservées à ce type d’orientations. Selon les informations transmises aux rapporteurs, 46 % des demandeurs d’asile d’Île-de-France sont hébergés en dehors de cette région.

La mise en œuvre de l’orientation directive devrait être facilitée par l’ouverture prévue de places d’hébergement supplémentaires et l’efficacité accrue des procédures. En effet, l’afflux de demandeurs d’asile, la durée de traitement des demandes d’asile, la présence indue de demandeurs d’asile ayant obtenu une protection ou de déboutés dans les hébergements dédiés, ont saturé le parc d’hébergements.

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DES DEMANDEURS D’ASILE
ENTRE LES DIFFÉRENTS TYPES D’HÉBERGEMENTS RÉPERTORIÉS DANS LE DN@
À LA FIN DU 1ER SEMESTRE 2016

 

Présents en CADA

Présents en AT-SA

Présents en HUDA

Demandes d’asile en cours de procédure devant OFPRA ou CNDA

21564

3373

7 957

Nombre total de personnes présentes (déboutés, demandeurs d’asile en cours de procédure, réfugiés, etc.)

27683

4094

12 001

Source : Ministère de l’intérieur.

En outre, des places ont été « gelées » pour l’accueil de demandeurs d’asile relocalisés venus d’Italie ou de Grèce ou de réfugiés réinstallés venus de Turquie, du Liban, de Jordanie ou d’Égypte. Dans un contexte de pénurie d’hébergements, cette situation a été mal perçue car elle s’est traduite par l’immobilisation de places demeurées vacantes plusieurs mois en raison de la lente mise en œuvre des engagements de la France, et payées aux opérateurs. L’arrivée progressive des demandeurs d’asile concernés se traduit désormais par une durée d’immobilisation plus courte tandis que les réfugiés réinstallés sont orientés vers des logements pérennes.

Lors de la visite du CADA de Conflans-Sainte-Honorine, il a également été fait état aux rapporteurs de « ratés » dans la mise en œuvre de l’orientation des demandeurs d’asile depuis les plateformes où ils ont été accueillis : certains tardent à rejoindre les hébergements dédiés.

NOMBRE D’ENTRÉES ET DE SORTIES DANS LES HÉBERGEMENTS DÉDIÉS

 

Nombre total d’entrées
en CADA

Nombre total de sorties
en CADA

Nombre total d’entrées
en ATSA

Nombre total de sorties
en ATSA

Nombre total d’entrées
en HUDA

Nombre total de sorties
en HUDA

1er semestre 2015

8 480

8 387

1 018

867

5 686

2 865

2er semestre 2015

9 039

8 117

1 193

827

6 183

6 308

1er semestre 2016

11 164

8 861

2 297

1 048

4 772

4 942

Source : Ministère de l’intérieur.

Visite du centre d’hébergement d’urgence et de stabilisation « La Boulangerie », géré par ADOMA, à Paris

Ce centre dit « La Boulangerie », aménagé sur un ancien site de fabrication de pain pour les armées, comporte 386 places d’hébergement d’urgence et 50 places de stabilisation. Il accueille, chaque soir entre 18 et 23 heures, des personnes sans abri pour des séjours de très courte durée ou des séjours « diagnostic » de 30 jours, en leur offrant des prestations de première nécessité (petit déjeuner, diner, kit sanitaire et draps jetables). Quelque 400 personnes sont ainsi mises à l’abri parmi lesquelles 100 migrants. Ces derniers arrivent en groupes nombreux après l’évacuation de campements parisiens par la préfecture. Actuellement, ils sont en majorité originaires d’Afghanistan et du Soudan.

Les rapporteurs, qui ont pu mesurer l’engagement de chaque instant de la responsable et du personnel du centre, ont assisté au départ d’une quarantaine de migrants, majoritairement afghans, vers des centres d’accueil et d’orientation du centre de la France. Ces réorientations sont acceptées et se déroulent dans de bonnes conditions si les informations qui sont communiquées aux migrants, dès leur arrivée dans le centre d’urgence, leur permettent de se préparer aux étapes suivantes de leur parcours. Face à des groupes de personnes auprès desquels est parfois entretenue l’illusion d’une prise en charge plus favorable dans la capitale, il est essentiel d’expliquer (avec l’appui constant de salariés recrutés pour leur pratique de la langue parlée par les migrants) le caractère temporaire de l’accueil dans les centres d’hébergement d’urgence et les conditions dans lesquelles la demande d’asile sera traitée en province, avec les mêmes chances d’aboutir.

Un travail considérable est réalisé par les équipes pour accueillir au mieux des personnes d’origines diverses, dont le parcours, souvent émaillé de violences antérieures à leur arrivée, ne facilite pas la cohabitation. À travers les situations relatées, il peut être constaté que se pose la question du défaut d’identification réelle des personnes hébergées. Des personnes qui ont déjà refusé l’orientation vers une prise en charge ou un autre hébergement reviennent sur le site. D’autres encore, vivant dans la rue depuis plusieurs années, pourraient bénéficier d’un suivi social et médical adapté si elles étaient mieux identifiées. Par exemple, des personnes qui devraient manifestement faire l’objet d’un traitement psychiatrique reviennent vers le centre en rupture de soins, créant des situations de tension particulièrement difficiles à gérer.

C. DES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES

En dépit des efforts réalisés pour accélérer la création de places en CADA, et des crédits supplémentaires alloués pour créer des hébergements d’urgence, l’afflux de migrants et la mise en œuvre d’engagements européens successifs pèsent sur le dispositif d’hébergement et créent de fortes tensions dans plusieurs grandes villes.

L’absence de solutions d’hébergement dans certaines zones urbaines conduit à solliciter l’hébergement d’urgence de droit commun lui-même saturé. Ces difficultés sont accrues par la présence, dans les centres d’hébergement, de déboutés du droit d’asile qui se maintiennent sur le territoire et de personnes ayant obtenu une protection en attente d’une solution d’hébergement pérenne.

Le tableau suivant présente la proportion moyenne de présence indue dans les CADA. Les rapporteurs soulignent néanmoins que certains CADA parviennent à n’avoir aucune présence indue, respectant parfaitement le cadre juridique fixé.

PROPORTION DES DEMANDEURS D’ASILES DÉBOUTÉS ET DE RÉFUGIÉS
DANS LES HÉBERGEMENTS DÉDIÉS AUX DEMANDEURS D’ASILE
EN COURS DE PROCÉDURE AU 30 JUIN 2016

 

CADA

AT-SA

HUDA

Part des déboutés

10,2 %

7,3 %

16,6 %

Part des réfugiés

10    %

9    %

5,8 %

Source : Ministère de l’intérieur.

Le recours à deux programmes budgétaires différents (303 Immigration et asile relevant du ministère de l’intérieur et 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables relevant du ministère du logement) pour financer l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile manque de cohérence, ces deux programmes devant, en outre, être abondés en cours d’exercice pour faire face au manque de structures d’accueil.

Pour ces raisons, les rapporteurs avaient appelé de leurs vœux le transfert des crédits du programme 177 dévolus à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile vers le programme 303 (proposition n° 11), la mise en œuvre de cette proposition nécessitant de connaître le nombre de demandeurs d’asile orientés vers les hébergements d’urgence de droit commun. Or ces données ne sont pas connues avec précision et le principe d’inconditionnalité de l’accueil ne facilite pas le suivi des personnes hébergées dans ce type de structures.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, des crédits supplémentaires ont été votés en faveur du programme 303 dans la perspective de l’accueil de 30 784 demandeurs d’asile entre 2015 et 2017 en application des décisions du Conseil européen de septembre 2015. Le programme 177 a été abondé au titre du financement de places d’hébergement et de logement accompagné. C’est également sur ce programme que sont financés les hébergements d’urgence destinés aux migrants issus des campements de Paris et de Calais.

Le manque de places en CADA pour héberger le nombre croissant de demandeurs d’asile a aussi une incidence financière : des centres d’accueil et d’orientation (CAO) doivent parfois être équipés dans l’urgence (sécurité, installations sanitaires, personnels), pour un prix de journée allant de 25 à plus de 40 euros, supérieur à celui des HUDA et des CADA.

COÛT MOYEN COMPARÉ DES STRUCTURES DÉDIÉES AUX DEMANDEURS D’ASILE

Janvier 2016

Coût moyen journalier
par personne en CADA

Coût moyen journalier
par personne en HUDA

Coût moyen journalier
par personne en AT-SA

19,50 €

15,97 €

15,65 €

Source : Ministère de l’intérieur.

Certaines des associations entendues par les rapporteurs ont plaidé pour l’installation de centres d’accueil temporaires dans les capitales régionales qui permettraient d’accueillir et d’identifier les migrants avant leur orientation dans des centres d’hébergement adaptés. Actuellement, dans les grandes villes où se concentrent les tensions, les personnels des associations subissent le mécontentement des demandeurs d’asile qui reviennent vers les plateformes de pré-accueil, après l’enregistrement de leur demande, pour y chercher une solution d’hébergement qui n’a pu être trouvée par l’OFII au guichet unique.

On notera aussi que la demande d’asile évolue : alors qu’elle était souvent formulée par des familles, ce sont maintenant en majorité des hommes seuls (66,5 % en 2015) qui sollicitent l’asile. Cette situation n’est pas sans conséquences sur les besoins de logement.

Les rapporteurs appellent à une meilleure prévision à moyen terme des besoins en places d’accueil et d’orientation afin d’éviter à l’avenir les surcoûts liés à l’équipement en urgence de locaux non adaptés. Le coût moyen journalier des places ainsi ouvertes est de très loin supérieur à celui des hébergements dédiés, avec un suivi social inégal. Le poids de la dépense pourrait à moyen terme devenir difficilement supportable, alors que les programmes budgétaires 303 et 177 sont régulièrement sous-dotés. Les rapporteurs demandent que la création des places d’hébergement soit réalisée en concertation avec les élus locaux, selon un cahier des charges précis et en s’assurant de la capacité à déployer sur place un suivi social.

V. LE SUIVI DE LA SITUATION DES DEMANDEURS D’ASILE ET LEUR SORTIE DU DISPOSITIF, GAGES DE L’EFFICACITÉ DES PROCÉDURES

Au-delà de l’évolution des procédures et des moyens engagés, les propositions formulées en 2014 par les rapporteurs portaient également sur le suivi de la situation des demandeurs d’asile, l’accompagnement des réfugiés et la situation des déboutés du droit d’asile.

A. L’ÉVOLUTION EN COURS DES OUTILS DE SUIVI DE LA SITUATION DES DEMANDEURS D’ASILE

À l’issue de leurs visites et auditions, les rapporteurs avaient en 2014 souligné la difficulté d’échanges d’informations entre les services concernés. Ils avaient ainsi plaidé pour la mise en œuvre d’un outil intégré de suivi de la situation des demandeurs d’asile rassemblant toutes les informations utiles et permettant la consultation et l’intégration de données par les principaux acteurs de l’asile (OFII, service étrangers de la préfecture, OFPRA, CNDA) (proposition n° 13).

Dans le cadre de la réforme du droit d’asile, les données utiles et non confidentielles des différents systèmes d’information existants (AGDREF pour les préfectures, INEREC pour l’OFPRA et DN@ pour l’OFII) ont été intégrées et consolidées au sein du « système d’information (S.I.) asile ».

Si l’interconnexion entre différents systèmes d’informations a posé quelques difficultés et retardé la mise en œuvre du dispositif, les agents en charge du premier accueil et des préfectures peuvent désormais saisir et consulter les données nécessaires à l’enregistrement des demandes d’asile. Les entités responsables de la gestion des demandes bénéficient en outre de la transmission automatisée des informations qui leur sont nécessaires jusqu’au terme de la procédure.

L’interconnexion du portail « système d’information (S.I.) asile » avec le DN@ est effective depuis avril 2016 ; elle évite désormais aux agents des guichets uniques la saisie de données déjà enregistrées précédemment. Il a toutefois été fait état aux rapporteurs de difficultés tenant à la collecte de très nombreuses données issues de structures différentes, ce qui peut se traduire par des retards dans l’enregistrement des données transmises.

Au-delà des efforts accomplis, le DN@ gagnerait également à être complété : ainsi, une part encore importante d’hébergements d’urgence gérés localement n’y sont pas recensés en raison du recours ponctuel qui y est fait, ce qui ne permet pas le suivi des demandeurs d’asile qui s’y trouvent. Si l’afflux de migrants, particulièrement en Île-de-France, conduit les acteurs de l’asile à répondre prioritairement à l’urgence, un tel recensement permettrait un meilleur suivi des demandeurs d’asile.

B. L’ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS : GÉNÉRALISER LES ACTIONS INNOVANTES QUI ONT FAIT LEURS PREUVES

Qu’elles se soient vu accorder le statut de réfugié ou une protection subsidiaire, les personnes protégées par l’OFPRA bénéficient de droits administratifs et sociaux parmi lesquels l’accès à un parcours d’intégration organisé par l’OFII, à un logement, à une formation professionnelle et au marché du travail.

Les rapporteurs avaient relevé en 2014 l’insuffisance de places d’hébergement temporaire en particulier dans les centres provisoires d’hébergement (CPH) et les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) dans un contexte où la forte demande de logements sociaux rend difficile l’accès à ce type de structures. Ils avaient alors plaidé pour un renforcement des capacités d’hébergement destinés aux réfugiés selon une logique de rééquilibrage territorial (proposition n° 18).

Or, au-delà de la progression du nombre de protections accordées (+ 34 % entre 2014 et 2015), l’afflux de migrants n’est pas sans conséquences sur les logements accessibles aux personnes protégées.

La circulaire du 22 juillet 2015 relative à la mise en œuvre du plan « Répondre à la crise des migrants : respecter les droits, faire respecter le droit », présentée en Conseil des ministres du 17 juin 2015, a prévu un appel à projets pour la création de 500 places en centres provisoires d’hébergement à destination des réfugiés ou des bénéficiaires d’une protection subsidiaire vulnérables ou en difficulté d’insertion. Ce type d’hébergements comprend désormais une capacité de 2 058 places dont 1 600 places au titre des CPH. La circulaire précitée prévoit également la création de 5 000 places adaptées pour les personnes protégées.

RÉPARTITION DES CENTRES PROVISOIRES D’HÉBERGEMENT PAR RÉGIONS

N.B : La Corse et la Normandie ne comptent pas de CPH.

Source : Ministère de l’intérieur.

La réforme de l’asile consacre un chapitre du code de l’action sociale et des familles à l’accès des personnes protégées aux centres provisoires d’hébergement dont la mission est « d’assurer l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des personnes qu’ils hébergent en vue de leur intégration » (art. L. 349-2 du code précité). En application de l’article L. 349-3 du même code, c’est l’OFII qui est chargé, après consultation des directeurs de centres, de gérer les admissions et sorties des CPH.

Le déficit d’hébergements au regard du nombre croissant de personnes protégées conduit à se tourner vers des solutions d’accueil innovantes. Ainsi, nombre de citoyens se sont manifestés pour accueillir des réfugiés par l’intermédiaire d’associations ou de plateformes de mise en relation entre propriétaires et réfugiés.

Les associations entendues par les rapporteurs ont insisté sur la nécessaire contractualisation de ce type d’engagement lequel, pour être efficace, doit être limité dans le temps et encadré par des spécialistes de l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés.

Au cours de l’été 2016, la ministre du logement et de l’habitat durable a lancé un appel à projets visant à développer l’expérimentation de dispositifs d’hébergement de 1 000 réfugiés chez les particuliers. L’État s’engage ainsi à apporter un soutien financier aux associations qui accompagnent les réfugiés dans leur parcours d’intégration. Dans ce cadre, les personnes ayant obtenu le statut de réfugié seront hébergées gracieusement par des citoyens qui s’engagent, pour une durée de trois mois à un an, à participer à l’insertion des personnes accueillies.

Le parcours d’intégration prévoit que les personnes ayant obtenu le statut de réfugiés se rendent à la direction territoriale de l’OFII afin de bénéficier d’une visite médicale, d’un entretien d’accueil, au cours duquel sont évalués leurs besoins, et de signer un contrat d’intégration (110 000 contrats ont été signés en 2015 dont 15 124 par des réfugiés). La réforme de la politique d’accueil et d’intégration des étrangers issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a rénové le parcours d’intégration des étrangers primo-arrivants et notamment le contenu du nouveau contrat d’intégration républicaine.

Celui-ci prévoit une formation civique, organisée sur deux jours, dont un premier module concerne les principes et valeurs de la République, et un second les démarches d’accès aux droits, aux services publics et à l’emploi ; une formation linguistique renforcée est dispensée depuis le début de l’année 2016. La délivrance d’un titre de séjour pluriannuel est désormais subordonnée à l’assiduité de l’étranger aux formations prescrites et l’adhésion aux valeurs essentielles de la République. Celle d’une carte de résident à l’intégration républicaine et à une connaissance linguistique suffisante. L’offre de formation linguistique de niveau A2 et B1 sera déployée sur l’ensemble du territoire à compter d’octobre 2016.

Au-delà des formations prévues par le contrat d’intégration républicaine, les besoins en termes d’accompagnement des personnes protégées sont importants. Dans ce contexte, des retraités de l’éducation nationale ou des bénévoles, comme c’est le cas dans d’autres pays européens, pourraient utilement être sollicités au titre du parcours d’insertion des réfugiés.

Les résultats encourageants de la mise en œuvre du programme Accelair d’accès au logement et à l’emploi dans le département du Rhône puis dans trois régions avaient conduit les rapporteurs à plaider pour une généralisation de ce dispositif sur tout le territoire (proposition n° 18).

Si le contexte économique difficile n’a pas favorisé, jusqu’à présent, le développement de ce programme dans d’autres territoires, le dispositif a été promu auprès des services déconcentrés, dans le cadre de l’élaboration des schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile. Son extension est néanmoins subordonnée à une revalorisation des moyens disponibles au titre du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française.

Au titre des actions conduites dans ce sens, le parrainage de réfugiés est proposé par une association chargée de l’accueil des demandeurs d’asile. Dans le cadre de cette initiative, des citoyens s’engagent à consacrer un minimum de cinq heures par mois pendant six mois à un an, à un réfugié qu’ils associent par exemple à une sortie culturelle. Encadrées et limitées dans le temps, ces initiatives sont de nature à favoriser l’intégration des personnes protégées. Plusieurs projets relatifs à l’insertion sociale et professionnelle des réfugiés ont été expérimentés avec succès sur la période récente, parmi lesquels des programmes de formations ciblées à des métiers qualifiés, tel celui de développeur informatique.

C. LA SITUATION DES DÉBOUTÉS DU DROIT D’ASILE

1. Insuffisamment utilisée, l’aide au retour fait l’objet d’une expérimentation aux résultats jugés positifs

Bien que des mesures d’aide au retour efficaces soient expérimentées avec l’appui de certains consulats des pays d’origine, et l’appui des postes diplomatiques français, peu de personnes déboutées en bénéficient. Globalement, le nombre de retours aidés de ressortissants étrangers atteint 1 079 en 2015, en baisse de 26 % par rapport à 2014. Ce chiffre représente la moitié des retours aidés effectués en 2009.

Il est probable que le peu de crédibilité des projets d’accompagnement au retour s’explique en partie par le faible pourcentage de reconduites à la frontière. La pratique d’autres États membres de l’Union européenne, comme la Belgique (qui s’appuie sur des centres d’accueil spécialisés gérés par l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile) ou le Royaume-Uni, montre une corrélation entre un taux de reconduite à la frontière élevé, et une acceptation plus grande des procédures de retour volontaire.

Les rapporteurs ont constaté que l’aide au retour, qui doit en principe être proposée aux personnes déboutées par l’OFII et par les associations, ne l’est pas toujours, par exemple lorsqu’une personne se présente au guichet unique pour déposer une demande de réexamen.

Suite au rapport sur la réforme de l’asile de Mme Valérie Létard et de M. Jean-Louis Touraine, et à la demande du ministère de l’intérieur, une expérimentation avec un dispositif d’hébergement et un accompagnement des personnes déboutées du droit d’asile a été entreprise par ADOMA, dans le cadre d’une convention signée avec le représentant de l’État et l’OFII.

L’objectif visé est un hébergement transitoire pour une préparation au retour comportant la garantie d’un accompagnement adapté dans des structures distinctes du DN@.

Le premier centre qui s’y consacre est une structure ouverte au sein de laquelle les personnes déboutées avec délais de recours épuisés sont assignées à résidence et prises en charge, avec une priorité aux familles accompagnées d’enfants. La prise en charge comporte un pécule alimentaire journalier, l’accueil des enfants en milieu scolaire et l’accès aux soins. La durée du séjour est fonction de la durée d’assignation, soit 45 jours, renouvelable si nécessaire dans la limite de 90 jours, pour permettre l’organisation du départ.

L’expérimentation a débuté le 1er avril 2015 sur le site de Vitry-sur-Orne, d’une capacité de 45 places avec un périmètre d’intervention départemental. Les personnes sont convoquées en préfecture où le dispositif leur est présenté, puis elles sont assignées à résidence sur le site, sous le contrôle de la gendarmerie. L’OFII assure une permanence chaque semaine pour donner toutes les informations utiles sur les aides au retour et engager les démarches. Le financement de la structure est effectué sur les crédits de la lutte contre l’immigration irrégulière, gérés par le secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI).

Un premier bilan a été dressé pour la période du 1er avril au 31 décembre 2015.

Les nationalités des familles entrées dans le dispositif proviennent pour la totalité des Balkans : Albanie, Monténégro, Bosnie, Kosovo et Macédoine. La scolarisation a concerné les enfants au-delà de 6 ans, pris en charge en classes maternelle, primaire et collège (soit 35 enfants dont 7 en collège en 2015).

Les frais de fonctionnement se sont avérés similaires à une structure CADA/HUDA, sans coût supplémentaire.

Le bilan qualitatif est nuancé : les personnes convoquées en préfecture ont pour la quasi-totalité exprimé leur volonté de se maintenir en France. Toutefois, l’effet d’entraînement positif pour aller vers l’aide au retour se met en place progressivement. Il résulte certainement de l’action conjuguée du suivi de l’assignation à résidence, de la rencontre hebdomadaire avec l’OFII, du rôle du médiateur d’ADOMA qui assure sa mission d’accompagnateur pour sensibiliser les familles sur leur situation et les encourager à un départ volontaire.

Au 31 décembre 2015, les résultats sont plutôt positifs : sur les 82 personnes sorties du site, 73 % étaient retournées au pays dont 57 % avec l’aide au retour et 16 % dans un cadre contraint ; 5 % avaient obtenu un titre de séjour dans le cadre d’une demande de réexamen ou de l’admission aux soins, formulée après l’entrée à Vitry ; 22 % avaient quitté le site sans laisser d’informations.

Les résultats ont été jugés suffisamment positifs pour justifier l’extension de l’expérimentation à d’autres départements.

2. La reconduite à la frontière : une procédure peu efficace se heurtant à de nombreux obstacles

Le nombre d’éloignements effectués après l’extinction de toutes les voies de recours, pour les personnes n’ayant pas déposé d’autres demandes de droit au séjour, a été de 1 431 en 2014 et de 1 639 en 2015. Le taux d’exécution de la décision d’éloignement s’élèverait à 7,5 % pour les huit premiers mois de 2016.

Ces données doivent être resituées dans un contexte plus large, car beaucoup de personnes déboutées déposent une demande de droit au séjour à un autre titre lorsqu’elles sont déboutées : étranger malade, vie privée et familiale, par exemple. Ces personnes peuvent se voir opposer un nouveau refus, et seront alors comptées dans un autre ensemble statistique.

D’une manière générale, la probabilité de voir une procédure d’éloignement aboutir est actuellement très faible : en pratique c’est une reconduite qui aboutit pour 15 à 20 personnes placées en centre de rétention.

Pour les demandeurs d’asile déboutés, la durée de leur séjour sur le territoire français et les liens créés continuent à rendre, dans nombre de cas, l’éloignement très difficile. Cette réalité ne pourra évoluer que lorsque la durée totale de la procédure sera considérablement abrégée, selon les objectifs de la loi de 2015. L’éloignement est très souvent empêché, comme l’ont décrit les agents de la préfecture de Haute-Garonne aux rapporteurs, par un obstacle juridique : recours, demande de titre de séjour en qualité d’étranger malade, possession d’un titre de séjour par un membre de la famille rendant impossible l’éloignement des autres personnes.

S’ajoute le refus de plusieurs ambassades comme celles de Côte d’Ivoire, du Mali ou d’Afghanistan de délivrer des laisser-passer consulaires. Les rapporteurs soulignent la nécessité d’opérer des pressions diplomatiques plus efficaces en direction des gouvernements de ces pays.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Lors de sa séance du 5 octobre 2016, le Comité examine le présent rapport.

M. le président Claude Bartolone. Mes chers collègues, l’article 146-3 de notre Règlement prévoit que les rapporteurs du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques présentent un rapport de suivi de la mise en œuvre de leurs conclusions.

C’est sur le fondement de cet article que nous allons aujourd’hui examiner le rapport de suivi de l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile. Cette évaluation nous avait été présentée en avril 2014.

Nos deux rapporteurs sont : Jeanine Dubié, pour la majorité, et Arnaud Richard pour l’opposition. Madame et monsieur les rapporteurs, vous avez la parole.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Notre rapport de 2014 comportait vingt propositions visant à remédier aux dysfonctionnements d’un système « embolisé ». Ces propositions renforçaient également les droits des demandeurs d’asile, en lien avec la transposition en droit interne de deux directives européennes de 2013.

Conformément à l’article 146-3 du règlement de l’Assemblée nationale, nous vous présentons aujourd’hui un rapport de suivi qui dresse le bilan des changements intervenus à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015 réformant le droit d’asile.

La mise en œuvre de cette importante réforme s’est effectuée dans un contexte de crise migratoire, la plus importante survenue depuis la Seconde Guerre mondiale selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de l’Organisation des Nations Unies. Plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015. La moitié de ces migrants fuyaient la guerre en Syrie, 21 % venaient d’Afghanistan et 9 % d’Irak.

Notre système de l’asile, qui a été redimensionné pour faire face aux besoins constatés en 2013 et 2014 et pour raccourcir le délai de traitement de la demande d’asile, se trouve donc à nouveau « engorgé » sous l’afflux des personnes et des situations à prendre en compte.

Nous considérons que la mise en œuvre de la loi est un processus bien enclenché, et nous avons constaté que des améliorations sont régulièrement apportées au dispositif d’accueil. Plus généralement, il aurait été impossible de faire face au nombre de demandes actuellement constaté si la loi n’avait pas été adoptée.

À notre avis, la loi ne nécessite pas de mesures complémentaires, sous réserve d’une clarification que nous expliquerons. Toutefois, appliquer la loi et les délais d’examen qu’elle prévoit impose de porter une grande attention aux moyens humains.

Nous estimons que les réformes d’ampleur qu’il est nécessaire d’adopter se situent plutôt au niveau européen. Nous n’avons abordé ces questions que sous l’angle du mécanisme « Dublin », qui fonctionne très mal depuis son origine, et nous laissons à la mission d’information de la commission des lois le soin d’aborder l’ensemble des questions liées à l’application du droit européen.

La loi du 29 juillet 2015 a introduit plusieurs mesures renforçant l’efficacité des procédures d’introduction de la demande d’asile. Elles satisfont à de nombreuses propositions que nous avions faites en 2014.

Ainsi, l’accueil des demandeurs d’asile a été simplifié par la réunion en un même lieu, le guichet unique, des personnels chargés de l’enregistrement – les agents des services de l’asile des préfectures – et de ceux chargés de l’orientation et la prise en charge – les agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

De même, l’exigence de la domiciliation préalable du demandeur, qui était source de retards dans certaines régions, a été supprimée.

La validité de l’attestation de demande d’asile délivrée par la préfecture a été étendue jusqu’à neuf mois pour une procédure normale et six mois pour une procédure accélérée, ce qui évite au demandeur d’asile de multiplier les passages en préfecture. Rappelons que nous avions demandé que la durée de l’autorisation de séjour soit calquée sur celle de l’instruction et soit automatiquement caduque dès lors que le demandeur est débouté ou le réexamen rejeté.

L’allocation pour demandeur d’asile a été familialisée et est versée au moyen d’une carte. La détection de la vulnérabilité est confiée à l’OFII.

S’agissant des délais, nous avons noté une amélioration, mais elle est variable selon les préfectures : de trois à dix jours à Nanterre, un à quinze jours à Lyon, dix jours à Orléans, trois mois en Seine-Saint-Denis et à Paris. La situation s’est donc améliorée dans un grand nombre de préfectures par rapport au système antérieur, mais elle est très difficile dans quelques guichets uniques. En particulier, en région parisienne, comme le dénoncent les associations, le délai d’attente a été « externalisé », ce qui cause des tensions et des violences aux abords de certaines plateformes d’accueil.

Une amélioration a été apportée avec la possibilité pour les plates-formes d’accueil (PADA) d’Île-de-France d’attribuer des convocations pour tous les guichets uniques de la région et non plus pour celui du seul département où se trouve le demandeur.

La situation s’améliorera réellement avec la mise en œuvre de l’orientation directive des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire, changement considérable qui commence à s’accomplir mais qui rencontre des difficultés liées aux habitudes. Il suppose que les travailleurs sociaux ayant accès aux personnes dans les centres d’accueil et d’orientation parviennent à les convaincre que leur demande d’asile aura autant de chances d’aboutir en région qu’en Île-de-France, et que leur situation sera meilleure pendant la procédure et par la suite, s’ils sont reconnus comme réfugiés.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je souhaite revenir sur le contexte de cette crise migratoire durable, pour autant que le terme de crise soit approprié, car nous sommes au début d’un long chemin.

Le nombre de demandes d’asile présentées dans l’Union européenne s’est élevé à 1,3 million en 2015, soit une progression de 123 % par rapport à 2014. Six pays ont été responsables de l’examen de plus de 80 % des premières demandes : l’Allemagne (35 %), la Hongrie (14 %), la Suède (12 %), l’Autriche (7 %), l’Italie (7 %) et la France (6 %). L’augmentation des demandes d’asile en France est forte, mais il faut souligner que d’autres pays ont connu une progression beaucoup plus élevée. Ainsi le nombre de demandes d’asile a augmenté de 800 % en Finlande, de 300 % en Hongrie et de 230 % en Autriche.

Pour 2015, en France les premières demandes étaient en forte hausse (30,5 %), et les demandes de réexamen en hausse modérée (2 %). En 2016, l’augmentation des demandes d’asile se poursuit, avec 54 480 demandes de janvier à août, ce qui traduit une hausse de 19 % par rapport à la même période en 2015. Le nombre de premières demandes augmente de 26 %, mais surtout, un élément inquiétant est constaté : l’explosion des demandes de réexamen, avec une progression de 46 %, et plus de 5 400 demandes déjà déposées en 2016.

Autre donnée préoccupante : la demande de protection a explosé en 2015 dans les départements français d’Amérique, avec 3 700 dossiers enregistrés (+ 66 %). L’administration et les associations connaissent une situation très difficile en Guyane, avec une grande majorité de personnes en provenance d’Haïti, mais aussi de Syrie. La Guadeloupe et la Martinique sont aussi très concernées par les arrivées de personnes migrantes.

D’où viennent ces migrants ? En 2015, les primo-demandeurs d’asile les plus nombreux provenaient du Soudan, de Syrie, du Kosovo, du Bangladesh, d’Haïti et de République démocratique du Congo. Cependant, des flux historiques de demandeurs étaient en baisse, comme ceux provenant du Sri Lanka et de Russie. L’OFPRA a en revanche examiné des demandes d’origine nouvelle, comme celles de la communauté des Rohingyas de Birmanie ou des Sahraouis résidant dans les camps de Tindouf en Algérie.

En 2016, les principaux pays d’origine des demandeurs d’asile sont l’Afghanistan (3 669 demandes hors mineurs accompagnants), Haïti (3 451) et le Soudan (3 372 personnes). Les nationalités les plus représentées ensuite sont l’Albanie, la Syrie et la République démocratique du Congo.

En 2015, l’OFPRA a rendu 80 000 décisions, avec un taux de protection de 22,9 % (contre 16,9 % en 2014). Les demandes examinées en procédure prioritaire ont été admises avec un taux de 13,8 % (contre 6 % en 2014). Le taux d’admission des demandes de réexamen est resté très bas (3 %). Il faut noter une évolution très significative : le taux de protection est passé de 22,9 % en 2015 à plus de 36 % en 2016.

En 2015, les principaux pays de provenance des réfugiés étaient l’Irak, le Soudan, la Syrie, le Soudan et la Guinée, et les principales nationalités bénéficiaires de la protection subsidiaire étaient la Syrie, l’Albanie, le Centrafrique et l’Afghanistan.

En 2016, le taux de reconnaissance constaté sur les huit premiers mois est de 36,7 %. Il s’agit d’une proportion inédite de personnes ayant un besoin de protection manifeste. Cette évolution, si elle se poursuit, rapprocherait la France d’autres pays européens pour lesquels une grande proportion de demandeurs d’asile émane de zones de guerres ou de conflit : Irak, Afghanistan, Syrie, Érythrée, Somalie.

Venons-en au mécanisme de « relocalisation » adopté par l’Union européenne. Il porte sur 160 000 demandeurs d’asile, et prévoit que leur demande soit traitée par d’autres États que ceux où ils sont arrivés, par dérogation au règlement Dublin.

La France doit à ce titre accueillir, sur deux ans, 30 750 demandeurs d’asile. Le processus a été long à se mettre en place, mais les choses fonctionnent maintenant : 1 650 personnes ont déjà été accueillies, et 700 le seront en octobre. C’est un processus complexe, pour autant notre pays est à ce jour le premier contributeur au mécanisme.

L’accord entre l’Union européenne et la Turquie sur la question migratoire, entré en vigueur le 20 mars 2016, prévoit la réinstallation en France de 6 000 personnes d’ici 2017 : 3 000 personnes vulnérables ont déjà été accueillies en provenance du Liban, et 1 000 de Jordanie et d’Égypte.

Une forte augmentation des mouvements de migration secondaire a été observée ces derniers mois, avec l’arrivée en France de personnes déboutées dans d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie. 240 000 personnes ont été déboutées en Allemagne depuis 2015, dont un certain nombre vient déposer une nouvelle demande en France.

L’Allemagne rejette les demandes de protection de personnes venues d’Afghanistan, les considérant comme des migrants économiques, mais ne peut que se heurter à des difficultés pour l’éloignement de ces déboutés. La divergence entre la position prise par le gouvernement allemand et celle de la France quant au besoin de protection des Afghans pose de façon aiguë la question de l’harmonisation européenne de la politique de l’asile. La conséquence de cette divergence est l’accueil par notre pays de nombreux Afghans sous le régime de la protection subsidiaire.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Dans le cadre de notre mission de suivi, nous nous sommes également intéressés au fonctionnement de l’OFPRA et de la CNDA.

L’activité de l’OFPRA a fortement progressé sur la période récente : plus de 80 000 décisions ont été rendues en 2015, soit 16 % de plus qu’en 2014 et plus de 113 % de progression entre 2007 et 2015. L’OFPRA a conduit plus de 46 000 entretiens personnels en 2015, au titre de l’examen des demandes d’asile. Près de 20 000 décisions d’admission ont été prises en 2015 par l’OFPRA, soit une progression de 34 % par rapport à l’année précédente.

Si des dispositions ont été prises pour accélérer le traitement des demandes, les délais de procédure restent importants en raison de l’afflux des demandeurs.

Ainsi que nous l’avions demandé en 2014, la réforme du droit d’asile a apporté des modifications de procédure bienvenues, notamment pour réduire les délais de traitement.

Une procédure accélérée se substitue à l’ancienne procédure prioritaire. Elle est utilisée d’office dans le cas des demandeurs d’asile provenant d’un pays d’origine sûr ou en cas de réexamen. Elle est également utilisée en cas de constatation, au niveau des services de la préfecture, de présentation de faux documents, de refus de prises d’empreintes, de dissimulation d’information, de demande tardive, ou de menace à l’ordre public. Elle peut aussi être mise en œuvre à l’initiative de l’OFPRA, lors de l’examen des dossiers. Les décisions d’irrecevabilité et de clôture permettent en outre de statuer rapidement sur des demandes qui n’offrent pas de perspectives de protection. Plus de 40 % des dossiers traités au 1er semestre 2016 relevaient de la procédure accélérée, ce qui ne permet plus de traiter les dossiers en stock.

Les droits des demandeurs d’asile ont été renforcés. L’entretien individuel est désormais systématique, et il est transcrit et communiqué au demandeur qui le souhaite. Celui-ci peut être accompagné d’un conseil.

La liste des pays considérés comme sûrs – définis selon des critères strictement conformes à la directive du 26 juin 2013 – relève toujours du conseil d’administration de l’OFPRA, mais la loi a élargi le collège de ce conseil, et les trois personnalités qualifiées ont voix délibérative en la matière. Le conseil d’administration peut être saisi par des personnalités extérieures en vue de l’inscription ou du retrait d’un pays de la liste, notamment les présidents des commissions permanentes chargées des affaires étrangères et des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, une association de défense des droits de l’homme, une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile ou une association de défense des droits des femmes ou des enfants.

La demande d’asile formulée par un étranger en rétention est également entourée de garanties. Une mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution avant que l’Office ait statué, en tenant compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile.

Les articles L. 723-2 et L. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permettent à l’Office de requalifier en procédure normale l’examen d’une demande d’asile d’un ressortissant d’un pays d’origine sûr, en particulier lorsque celui-ci invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d’origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande, ou si la situation particulière du demandeur le nécessite.

Si l’OFPRA a bénéficié d’importants renforts en personnel, l’évolution récente des flux migratoires ne permet plus de réduire les demandes en stock et les délais de traitement. De surcroît, 20 % des officiers de protection se trouvent à l’étranger ou en région dans le cadre de la mise en œuvre des accords européens de relocalisation. Des personnels supplémentaires sont nécessaires pour atteindre l’objectif légal de traitement des demandes dans un délai moyen de trois mois.

En 2014, nous avions demandé une professionnalisation de la CNDA et la généralisation du caractère suspensif des recours. De fait, la loi du 29 juillet 2015 achève la réforme de la Cour engagée ces dernières années. L’introduction d’une nouvelle procédure à juge unique après audience, et d’un délai contraint de cinq mois, assorti d’une procédure accélérée de cinq semaines, vont dans le sens d’une efficacité accrue. Ainsi que nous le souhaitions, le recours suspensif devant la CNDA est étendu aux procédures accélérées.

Si le délai moyen de traitement des dossiers par la Cour a diminué de 45 % depuis 2010, il était encore d’un peu plus de sept mois à la fin de l’année 2015. 21 600 dossiers ont été traités au cours du 1er semestre 2016 dont 55 % avaient moins de six mois et 11 % plus d’un an. Dans un contexte de forte augmentation du nombre de recours, la réduction des délais de procédure est indispensable et passe par un renfort des moyens en personnel.

M. Arnaud Richard, rapporteur. L’OFPRA et la CNDA ont fait des efforts, mais les délais sont encore de huit mois à l’OFPRA et de sept mois à la CNDA, ce qui aboutit à un délai de quinze mois au lieu des huit mois exigés par la loi.

En 2014, nous avions relevé l’insuffisance chronique de places dans les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et le recours trop fréquent au dispositif d’accueil d’urgence (HUDA) qui ne permet pas le suivi nécessaire, surtout lorsque l’hébergement est fait à l’hôtel.

Nous avions demandé de faire des CADA le dispositif central d’hébergement des demandeurs d’asile et plaidé pour un rééquilibrage de la demande d’asile sur le territoire. Ces propositions ont été prises en compte : l’article L. 744-2 du CESEDA crée un schéma national d’accueil, et le parc de CADA comptera plus de 40 000 places en 2017, réparties sur tout le territoire métropolitain. La création de places de CAO (Centres d’accueil et d’orientation), nécessaire pour mettre à l’abri et réorienter des migrants qui campent sur certains sites, est également prévue.

Nous approuvons le principe d’une répartition équilibrée des migrants sur le territoire mais nous demandons que celle-ci soit réalisée en concertation avec les élus locaux. Il n’est plus possible que l’Île-de-France et les Hauts-de-France assument 60 % de cette politique publique.

Nous avions demandé en 2014 l’intégration des places d’HUDA dans le DN@. Celles qui sont utilisées régulièrement ont été en effet intégrées dans le DN@, mais ce n’est pas le cas des places d’hébergement d’urgence ponctuelles, environ 6 000, majoritairement constituées de nuitées hôtelières.

L’orientation directive des demandeurs d’asile vers des hébergements dédiés a été confiée à l’OFII par la loi du 29 juillet 2015. Elle permet une orientation des demandeurs d’asile vers des places vacantes sur l’ensemble du territoire. Si ceux-ci refusent la proposition qui leur est faite, ils perdent le bénéfice des conditions matérielles de l’accueil.

Le retour à Paris d’un certain nombre de demandeurs d’asile affectés en province souligne combien il est important de tenir un discours de vérité aux demandeurs d’asile. Il est important de leur indiquer que les chances de voir leur demande aboutir sont les mêmes sur tout le territoire. Le départ d’une personne pour un accueil en région suppose un travail d’explication mené dans le lieu d’hébergement provisoire, comme nous avons pu le voir à « la Boulangerie », centre d’orientation géré par Adoma à Paris.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. La réforme du droit d’asile a permis d’améliorer le dispositif, et d’absorber cet afflux de nouvelles demandes. Mais il semble aujourd’hui nécessaire de calibrer les dispositifs à la hauteur du nombre de personnes à accueillir : lors de la préparation de notre rapport, l’accueil concernait 63 000 demandeurs d’asile, aujourd’hui il en concerne près de 82 000.

La situation des guichets uniques est très variable quant à la charge de travail : les statistiques réalisées pour les cinq premiers mois de 2016 montrent que certains guichets ont reçu en moyenne deux demandes d’asile par jour, alors qu’à l’autre extrême, la préfecture de Paris a traité quarante demandes d’asile par jour, puis soixante.

Des améliorations sont à l’étude pour faire face à la charge de travail, et coordonner la prise en charge des besoins d’interprétariat entre services de la préfecture et de l’OFII, par exemple. Nous avons constaté lors de notre visite à Toulouse qu’un interprète secondait les agents de la préfecture, tandis qu’à l’OFII, l’entretien se faisait par conférence téléphonique. Les choses pourraient être mieux organisées sur ce point.

L’amélioration de la situation est bien sûr liée à la meilleure répartition des demandeurs d’asile sur le territoire national. Nous soutenons cette démarche et toutes les actions engagées à cette fin par le ministère de l’intérieur.

Le marché de trois ans passé par l’OFII pour les prestations de premier accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile avait été calibré sur les flux de personnes constatés en 2014 et début 2015, une clause de revoyure étant fixée au 31 décembre 2016. Il sera nécessaire de réexaminer les conditions financières du marché pour certaines plateformes, en fonction de la charge qu’a représentée l’accueil cette année, dans le cadre du dialogue de gestion mené par l’OFII avec les opérateurs.

Le premier bilan de l’évaluation de la vulnérabilité fait état de plus de 1 500 avis émis par les médecins coordonnateurs au 20 juin 2016. 72 % des avis ont établi la nécessité d’un hébergement adapté, proche d’un centre hospitalier ou d’un centre de soins spécialisés. Les principales maladies dont il est fait état sont les troubles mentaux et du comportement, les maladies de l’appareil circulatoire et les maladies infectieuses.

Confier l’évaluation de la vulnérabilité à l’OFII devait avoir pour corollaire la réforme des contrôles médicaux obligatoires passés par les étrangers, afin de supprimer les examens jugés aujourd’hui injustifiés et de libérer du temps pour les médecins de l’OFII chargés d’évaluer la vulnérabilité. Or cette réforme n’a pas encore été faite. En conséquence, le redéploiement des personnels d’une mission à l’autre est plus difficile.

Les médecins de l’OFII ne peuvent examiner les personnes ni contrôler leurs analyses médicales : cette lacune permet la fraude, de manière d’autant plus incitative que la reconnaissance de vulnérabilité peut influer sur l’obtention d’un titre de séjour d’étranger malade en cas de rejet de la demande d’asile. Un décret a été préparé qui confère davantage de pouvoirs à l’OFII, il est important qu’il soit publié rapidement.

La rédaction de l’article L. 744-8 du CESEDA crée une incertitude pour le cas des demandes de réexamen. Le 3° de cet article prévoit que le bénéfice des conditions matérielles d’accueil : « peut être refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d’asile », la décision de refus devant prendre en compte « la vulnérabilité du demandeur ». Ce dispositif ouvre la porte à des incertitudes et encadre mal la prise de décision de l’OFII. Il a pour conséquence de nombreuses demandes de réouverture de l’allocation par des personnes déposant une demande de réexamen, la décision étant variable selon les acteurs. Il faut souligner que la dépense d’hébergement des demandeurs d’asile et de versement de l’ADA pourrait en être fortement accrue. Il serait donc souhaitable de resserrer le dispositif, ou de refuser les conditions matérielles d’accueil en cas de réexamen, comme le droit européen le permet.

M. Arnaud Richard, rapporteur. L’orientation directive est pénalisée par le manque de places d’hébergements mais aussi par une gestion difficile des arrivées, et par la présence indue de déboutés ou de demandeurs d’asile ayant obtenu la protection, évaluée à 20 %.

Le problème des places d’hébergement vides, gelées pour des demandeurs d’asile relocalisés et réinstallés au titre de nos engagements européens, semble s’améliorer avec l’arrivée progressive des personnes concernées. Des places restent néanmoins inoccupées quelques semaines ce qui suscite des incompréhensions sur le terrain.

Le coût journalier moyen de places en CADA et en HUDA est contenu en dessous de vingt euros. Mais du fait de la situation de crise, l’équipement en urgence de CAO conduit à des coûts allant de vingt-cinq à plus de quarante euros, dans un contexte de sous dotation constante des programmes 303 et 177 dans les différentes lois de finances. Une meilleure anticipation des aménagements de sites permettrait de contenir les coûts, sachant que le phénomène migratoire ne va pas prendre fin à court terme.

Différentes initiatives ont été prises par des associations, récemment relayées par la ministre du logement, pour encourager la participation des citoyens à l’accueil des réfugiés. Ce moyen efficace d’intégrer les réfugiés doit se développer, mais pour être réussi, cet engagement doit être défini de manière contractuelle, limité dans le temps et complété par un suivi social.

La mise en œuvre du règlement « Dublin » est coûteuse en temps et en moyens pour les préfectures, et son efficacité est très faible. Ainsi en 2014, seulement 470 personnes ont été transférées par les préfectures dans le pays désigné comme responsable du traitement de leur demande d’asile. Pour les six premiers mois de 2016, les préfectures ont pu transférer 449 personnes, ce qui traduit une faible amélioration. Le taux de transfert sur décision favorable de l’État membre responsable s’est élevé à 6 % en 2014, et à 9 % en 2015, ce qui est très faible.

Heureusement, les États membres ont ouvert une négociation pour réviser le règlement « Dublin III », sur la base d’une proposition présentée par la Commission européenne le 4 mai dernier, avec pour objectif d’adopter de nouveaux outils pour lutter contre les mouvements secondaires de demandeurs d’asile. Elle comporte des mesures plus restrictives, dissuasives pour des personnes tentées d’abuser de la procédure. Elle prévoit par exemple de supprimer la clause de cessation de responsabilité des États membres lorsque le demandeur a quitté leur territoire depuis plus de trois mois. Nous ne pouvons que soutenir l’adoption d’une règle claire pour les transferts « Dublin », qui serait applicable sans solliciter excessivement les services de l’asile des préfectures pour un résultat trop faible, comme c’est le cas depuis de nombreuses années.

Plus généralement, nous sommes convaincus que le régime d’asile européen commun présente des faiblesses qu’il est nécessaire de corriger, alors que l’Union connaît un afflux massif de migrants. Il nous paraît urgent de rapprocher les régimes d’asile nationaux pour limiter davantage les mouvements secondaires de migration, et en particulier d’établir une liste commune des pays d’origine sûrs. Les objectifs proposés, visant à renforcer la protection des frontières extérieures de l’Union et à établir une meilleure répartition de la charge financière entre les États membres, doivent également être approuvés.

Nous avons essayé de traiter de ce sujet extrêmement délicat avec le regard le plus sérieux possible, loin des excès de langage qui peuvent survenir à propos de cette importante politique publique.

M. le président Claude Bartolone. Je vous remercie en effet d’avoir choisi vos termes pour traiter de ce dossier qui donne lieu à tant d’instrumentalisation et de réactions dans l’opinion publique.

M. Denys Robiliard. Merci à nos rapporteurs de revenir vers nous deux ans après la publication de leur premier rapport.

Sur le plan méthodologique, je constate que vous avez essentiellement entendu les administrations et les associations qui participent à la mise en œuvre du dispositif. C’est évidemment essentiel, mais je pense qu’il serait également important d’entendre les associations qui n’y participent pas mais qui s’intéressent à la question. Certaines peuvent accompagner les demandeurs d’asile dans certains cas, mais elles n’interviennent pas directement dans la gestion du dispositif. Des associations telles que « France Terre d’Asile » portent un regard critique sur ce qui est fait, mais trop souvent, le prisme de la gestion induit certaines réponses. Les réponses sont différentes lorsque l’on interroge Amnesty international ou la Cimade, qui ne participent pas à la gestion de cette partie du dispositif. Ces associations avaient été entendues pour votre rapport initial, je pense qu’il aurait été intéressant de les entendre à nouveau sur un dispositif modifié par la loi de 2015.

Ayant reçu le rapport sur table, ma lecture en est nécessairement cursive. La procédure européenne est inadaptée au nombre de demandeurs d’asile en 2015. Le processus de Dublin, qui confie aux pays par lesquels les demandeurs d’asile accèdent au territoire européen la mission d’examiner les demandes, concentre les problèmes dans ces pays. C’est invraisemblable. Cela reporte sur l’Italie et la Grèce l’essentiel du poids de cette crise. Nous voyons bien que la répartition est extrêmement difficile, puisque les propositions de M. Juncker ont été refusées, notamment par des pays de l’Est de l’Europe.

Nous constatons donc l’inadaptation du règlement « Dublin » sans que l’Union européenne ne puisse proposer autre chose, compte tenu des désaccords entre ses membres. Avez-vous une vision prospective dans ce domaine ? Dans quelle direction faut-il s’orienter ?

S’agissant ensuite des engagements pris par la France pour la relocalisation d’un certain nombre de réfugiés – donc de personnes identifiées comme ayant besoin d’une protection, qu’il s’agisse du statut de réfugié ou d’une protection subsidiaire – vous nous avez annoncé que la France était l’un des premiers acteurs. Dans ce cas, je suis très inquiet ! Il faut relocaliser 160 000 personnes en Europe, et nous en avons accueilli 1 650 depuis 2015, alors que nous nous sommes engagés à en recevoir 30 000. À l’évidence, nous ne sommes pas à la hauteur du problème.

Je ne prétends pas que les choses soient simples, bien qu’à ma connaissance, si des positions de principe sont brandies, il n’y a pas de difficultés concrètes dans les villes où sont accueillis les réfugiés.

Je n’aime pas la notion de « pays sûr », qui me semble porter une atteinte excessive aux dispositions de la Convention de Genève. Quoi qu’il en soit, la divergence d’appréciation sur la situation de l’Afghanistan est invraisemblable. L’Allemagne ne peut considérer que c’est uniquement de l’immigration économique. Je ne détiens pas la solution, mais un travail rapide est indispensable car les demandeurs d’asile arrivent.

Aux pages 21 et 22 de votre rapport, vous donnez une interprétation de l’article L. 744-1 du CESEDA que je ne partage pas. Vous écrivez : « Avant le passage du demandeur d’asile en guichet unique, l’article L. 744-1 (…) prévoit à présent un premier accueil. » La loi prévoit l’obligation, pour les demandeurs d’asile, de faire enregistrer la demande dans les trois jours ouvrés. Pour tenir les délais légaux, on fait jouer au pré-accueil le rôle de sas. Avant, les demandeurs d’asile passaient en préfecture et obtenaient un rendez-vous des mois plus tard, et les délais n’étaient pas tenus. Aujourd’hui, au lieu de reconnaître que les délais ne sont pas tenus, il est demandé d’aller voir une association ou une PADA pour pré-accueillir, ce qui permet de ne pas tenir le délai à la préfecture, puisqu’on y présente les demandeurs d’asile que lorsqu’il y a du temps pour les recevoir. On joue sur les mots, et il n’est pas bon que le rapport adopte la présentation de l’administration de ce point de vue.

Très concrètement, nous ne sommes pas en mesure de tenir ce délai. C’est un problème de moyens, et les moyens que nous nous donnons pour appliquer la loi sont ceux qui permettent la réduction des délais de gestion des demandes d’asile pour tenir l’objectif de neuf mois qui a été assigné. La pratique utilisée relève des délais cachés que vous pointez en page 22. L’interprétation de l’article L. 744-1 du CESEDA ne me semble pas permettre une telle pratique.

Pour terminer sur une note positive, je pense que la gestion du droit des étrangers est vraiment un domaine dans lequel nous avons intérêt à donner des moyens aux administrations, en particulier l’OFPRA, la CNDA et l’OFII, parce que c’est ce qui permet de tenir les délais et de réduire les frais. La réduction des délais de l’OFPRA en période d’augmentation de la demande, sans perte de qualité, est un très beau résultat. Toutefois, l’entretien au cours duquel l’étranger pouvait être assisté est un point important. Je note que 80 000 décisions ont été prises, tandis que 50 000 entretiens ont été réalisés. Il n’y a pas d’entretien lors des procédures accélérées, mais je voudrais être sûr que les 30 000 cas dans lesquels il n’y a pas eu d’entretien ne posent pas de problème. Cela me semble un point relativement mineur, mais qui doit être creusé, parce que l’entretien et l’entretien assisté permettent d’améliorer la qualité de l’appréciation du dossier d’un requérant, et donc de savoir s’il a besoin ou non d’une protection internationale ou d’une protection subsidiaire.

M. Jacques Myard. Personne ici ne peut faire fi de l’humanisme, c’est évident. J’ai néanmoins le sentiment à vous entendre que les droits français et européen sont décalés au vu de la situation mondiale. Nous essayons de traiter correctement des personnes qui sont dans les situations que nous connaissons avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur de ce qui est en train de se passer.

Je voudrais insister sur un point majeur : l’effet d’appel. Il y a trois jours, on nous a annoncé que 6 000 réfugiés avaient été heureusement sauvés de la noyade. Ils avaient été poussés sur des barcasses juste au-delà des limites de la Libye, puis on a téléphoné pour que quelqu’un vienne les secourir. Je comprends parfaitement que nous les secourions, je serais le premier à le faire. Il n’en demeure pas moins que ce processus est sans fin. Nous allons être dépassés par les événements. Nous ne pouvons pas éviter de poser cette question, car d’autres, avec des propositions de solutions plus radicales, les poseront tôt ou tard.

Par ailleurs, au vu des délais, est-il impensable de fusionner l’OFPRA et la CNDA pour ne plus avoir qu’une seule instance, sous autorité du juge ? Je sais que cela va choquer certains d’entre nous, mais nous pourrions accélérer les procédures.

Enfin, vous n’évoquez pas le suivi en cas de rejet des demandes d’asile. Nous savons très bien que c’est un problème majeur, car il n’y a pas vraiment de retour.

Je pense que nous sommes en décalage avec la réalité, et si nous continuons de la sorte, nous irons dans le mur.

M. Jean-Louis Touraine. Le pourcentage de décisions d’acceptation rendues par l’OFPRA et confirmées par la CNDA est en nette augmentation. C’est très bon signe, cela démontre que les moyens accordés à l’OFPRA ont eu de l’efficacité et que dès le premier niveau, la grande majorité des demandeurs d’asile légitimes sont identifiés et obtiennent le statut.

La durée de traitement des dossiers n’a pas progressé autant que nous le souhaiterions, ou autant que la loi le prévoit. Je me demande s’il ne serait pas utile d’indiquer également la durée médiane pour obtenir une décision, car la moyenne regroupe des situations très diverses. Certains font l’objet de procédures accélérées, tandis que pour un petit pourcentage, il n’y a toujours pas de décisions après un délai prolongé, et ces derniers n’entrent pas encore dans la moyenne. Des formules mathématiques permettent de prendre en compte les personnes qui n’ont pas été intégrées, mais un moyen assez simple d’obtenir une image fidèle est de calculer la médiane, qui permet de savoir au terme de combien de mois 50 % des demandeurs d’asile ont obtenu une réponse. Cela permettrait de comparer l’évolution d’une année à l’autre pour une bonne partie de ces personnes.

Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile connaissent une bonne progression, puisque nous comptons 40 000 places pour 60 000 personnes à héberger. Nous allons atteindre les deux-tiers des besoins, alors que nous n’en étions qu’à la moitié. C’est une augmentation considérable. Mais pour les 20 000 personnes restantes, quel est le mode d’hébergement ? Certains d’entre eux souhaitent-ils être logés dans des CADA, ou ont-ils d’autres types de solution ?

La répartition directive sur l’ensemble du territoire, confiée à l’OFII, a-t-elle connu des difficultés particulières en certains endroits ? Lors de vos auditions, avez-vous entendu qu’en certains endroits, les personnes concernées ont tendance à se rebeller ou être mécontentes de cette modalité, pourtant bien nécessaire pour aller le plus vite possible vers une répartition équitable sur la totalité du territoire ?

Enfin, ce sont les médecins de l’OFII qui devraient déterminer quelles sont les personnes vulnérables sur le plan médical. Ce ne semble pas tout à fait réalisé à vous entendre. Pourquoi ? Est-ce une question d’effectifs ? Comment fonctionne le système actuel, sommes-nous toujours dépendants d’une décision des médecins des agences régionales de santé, qui varient beaucoup d’une région à l’autre ? À quelle date les médecins de l’OFII pourront-ils réaliser cette mission de façon égalitaire sur tout le territoire ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Je souhaite évoquer la systématisation de la régionalisation des guichets uniques d’accueil. Dans mon département, il y avait un service social de l’OFII. Le processus de régionalisation a entraîné le transfert de ce personnel à Bordeaux. Cette régionalisation a-t-elle eu des effets sur la qualité de l’accueil et du suivi des demandeurs d’asile ?

M. Laurent Furst. Je serai très court, car ce sont des sujets compliqués et nous ne pouvons être spécialistes en tout. Parmi tous les demandeurs d’asile, quelle est la proportion de réfugiés politiques qui relèvent d’une vraie protection, et celle de personnes engagées dans une migration économique dans la volonté de trouver pour eux-mêmes ou leur famille un sort préférable ? Dans ma commune, nous avons vu des Afghans, forts sympathiques, mais qui étaient clairement des migrants économiques. Ils avaient fait un choix de vie pour eux-mêmes et pour leur famille.

Au vu des évolutions démographiques, j’ai l’impression que nous faisons face à une évolution qui va poser un problème au cours des vingt prochaines années, et que nous tentons de mettre des rustines – bienveillantes – mais à court terme. Il n’y a pas d’analyse globale, mais simplement le souhait de trouver des solutions à court-terme. Je crains que nous ne souffrions terriblement d’un « court-termisme » bien-pensant face à une évolution historique que nous ne savons pas appréhender collectivement, ni analyser.

M. le président Claude Bartolone. Monsieur Furst, les interrogations sont peut-être encore plus importantes que vous ne le dites. Entre 2025 et 2050, l’Europe n’aura jamais été aussi peu peuplée depuis 1914, tandis que la rive sud de la Méditerranée comptera 1,5 milliard d’habitants. Les trois pays-continents les plus importants seront l’Afrique, l’Inde et la Chine. Et il ne faut pas oublier l’appel des pays vieillissants pour faire fonctionner leur outil de production et s’occuper d’une partie de la population.

M. Jacques Myard. Et les robots ?

M. le président Claude Bartolone. Au Japon, nous voyons la limite de la robotisation. On peut intellectuellement imaginer qu’un robot vienne faire une série de piqûres, mais cela ne fonctionne pas, il suffit de constater les inquiétudes des responsables politiques japonais confrontés au vieillissement de leur population. Eux se demandent d’où ils peuvent faire venir des immigrés.

M. Laurent Furst. Chez nous, 6 millions de personnes sont sans emploi !

M. le président Claude Bartolone. Oui, mais je vous invite à intégrer les conséquences du vieillissement. L’Allemagne, qui est au début de ce processus, n’agit pas uniquement pour se conformer à un engagement moral, mais aussi pour répondre à ses besoins.

M. Laurent Furst. Mais en Allemagne, on vient de supprimer le regroupement familial.

M. le président Claude Bartolone. Vous raisonnez sur un temps court ! Je souhaitais apporter ces précisions car je suis sûr que lors de la prochaine législature, un certain nombre de rapports devront être faits sur cette question de la démographie, afin de prévoir les mouvements qui vont en résulter.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Je ne pourrais pas ne pas citer celui qui fut député de ma circonscription avant Pierre Cardo, Michel Rocard. Devant des militants et amis de la Cimade, il a déclaré en 1990 : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. » La fin de la phrase est rarement prononcée.

Cette phrase était lumineuse à l’époque, elle l’est toujours. Pour répondre à notre collègue Furst, 65 % des demandeurs d’asile sont déboutés. Nous ne sommes donc pas dans la situation qu’il décrit.

M. Denys Robiliard nous interroge sur la méthodologie. Nous avons pris en compte les personnes qui jouent un rôle opérationnel. Nous n’avons peut-être pas entendu tout le monde, mais nous avons recueilli et analysé plusieurs contributions écrites. Le sujet est suffisamment délicat pour ne pas reprendre exactement et dans leur totalité tous les propos qui ont été exprimés.

S’agissant des PADA, et de l’interprétation par l’administration de l’article L. 744-1 du CESEDA, beaucoup de préfectures font plutôt bien les choses. Surtout, la concentration des demandeurs d’asile en Île-de-France et dans les Hauts-de-France rend le problème très compliqué dans ces deux grandes régions.

Le processus de Dublin est évidemment un enjeu crucial pour l’Europe, mais il requiert une réponse collective. Il nous faut des normes communes qui mettent en pratique, de manière efficace, les mesures de solidarité et de partage des responsabilités. Nous espérons que les négociations sur le prochain règlement « Dublin » seront rapides.

Même si le Gouvernement a fait des efforts comme dans peu d’autres administrations ces dernières années, il faudra donner encore plus de moyens à la CNDA, à l’OFPRA et à l’OFII. Donner des moyens aux structures tout au long de la chaîne de la demande d’asile est une dépense publique pertinente.

Très certainement, la réforme adoptée par la loi de 2014, à laquelle notre rapport a contribué, n’était pas configurée pour répondre à la crise qui est survenue en 2015 et 2016. Heureusement que cette loi avait été adoptée, mais elle n’était pas en mesure de répondre à cet afflux important dû à la situation politique, en particulier dans le continent africain.

Monsieur Myard, vous dites la même chose : les moyens ne sont pas encore à la hauteur, et il faut certainement changer de paradigme pour que cette politique publique soit encore plus efficace. S’agissant de votre proposition consistant à fusionner la CNDA et l’OFPRA, nous avons besoin d’une juridiction, c’est donc délicat.

Quant au suivi en cas de rejet, nous ne sommes pas très efficaces en cette matière, mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Nous ne sommes pas moins bons qu’avant, et nous avons développé des procédures de retour au pays beaucoup plus opérationnelles.

M. Jacques Myard. L’Espagne est bien meilleure !

Mme Pascale Crozon. Et pour cause : elle a un accord avec le Maroc.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Chacun doit bien avoir conscience que même si les médias rapportent des choses qui peuvent inquiéter, la France a pris une part somme toute extrêmement faible du problème par rapport à ce que nos voisins et amis allemands ont pu choisir de faire. C’est une réalité. Les Allemands ont accueilli près d’un million de personnes en un an et demi, alors que nous avons à gérer 30 000 à 40 000 personnes de plus que les années précédentes. Ayons cela bien en tête, car dans la mesure où nous en sommes au début du chemin, les ennuis sont peut-être devant nous.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure. Je vous invite à consulter la rubrique « Les décodeurs » du site lemonde.fr. Si l’on rapporte le nombre de personnes accueillies en fonction de la population, nous nous situons à la neuvième position en Europe, derrière la Hongrie, la Suède, l’Autriche et l’Allemagne, notamment. Cela permet de relativiser les choses.

Monsieur Robiliard, nous avons effectivement soulevé les difficultés rencontrées par les associations et nous avons remarqué que les délais sont cachés, cela figure en page 32 de notre rapport. Comme les associations ont du mal à obtenir un rendez-vous au guichet unique de la préfecture des personnes peuvent rester trois ou quatre mois sans être prises en charge, et sans bénéficier de l’allocation pour demandeur d’asile.

Cela pose des problèmes de violence, car pour accéder aux guichets, il y a parfois des files de deux cents personnes. La puissance publique a donc en effet un travail à accomplir avec ces associations pour améliorer cet état de fait.

Monsieur Touraine, vous savez que l’on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres. Utiliser la médiane est en effet une idée intéressante. Nous avons rédigé ce rapport dans un délai très court, et les chiffres mériteraient probablement une analyse un peu plus approfondie.

Nous avons bien sûr constaté une augmentation significative du nombre de places en CADA – leur nombre a presque doublé, et nous ne sommes pas encore arrivés au bout du dispositif – mais comme nous souhaitons que l’hébergement en CADA et en HUDA soit le mode principal d’hébergement, car il permet un accompagnement social qui nous apparaît essentiel, il faut continuer à construire des places. Il nous faudra encore une ou deux années pour atteindre un niveau satisfaisant. D’autant que les hébergements en hôtel ne sont plus financés dans beaucoup de régions. Cela oblige à trouver des places nouvelles.

Le dispositif d’évaluation de la vulnérabilité est analysé dans notre rapport. Les missions des médecins de l’OFII n’ont pas été revues, ils sont donc toujours en partie absorbés par des tâches aujourd’hui jugées peu utiles. Ce sont bien les médecins de l’OFII, pas les médecins de l’ARS, qui doivent détecter la vulnérabilité. Ils statuent parfois sur certificat médical alors qu’un contrôle par le médecin serait parfois nécessaire. L’OFII doit se réorganiser pour libérer du temps à ses médecins, voire en recruter.

S’agissant enfin de la question du regroupement familial, soulevée par notre collègue Furst, je signale à nouveau la rubrique « Les décodeurs » du site lemonde.fr. où il est rappelé que le regroupement familial a concerné moins de 12 000 personnes en 2015, et ce chiffre est stable depuis ces dernières années. Ce sont les données de l’OFPRA.

Le mot de crise migratoire n’est pas parfaitement adapté. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation qui va s’installer. Au-delà des migrants économiques, les changements climatiques imposent des mouvements migratoires. C’est pourquoi nous insistons : tant sur la politique de l’asile que sur la politique migratoire – nous distinguons bien les deux – l’Europe doit se saisir du sujet. Nous devons avoir une approche européenne de ces deux sujets, pour traiter dignement ces personnes quand elles arrivent chez nous, et pour travailler avec l’Europe sur les moyens de développer de l’activité dans leur pays d’origine, en matière de logements, de routes, d’infrastructures, pour que ces personnes puissent vivre décemment dans leur pays d’origine. Le niveau européen est pertinent, et nous nous honorerions tous à agir en ce sens. J’espère que les années qui viennent nous permettront de connaître une avancée en la matière.

Je vous remercie de l’attention que vous avez portée à nos travaux. Monsieur le président, ces missions d’évaluation des politiques publiques sont fort intéressantes, et j’espère qu’elles seront confortées lors des prochaines législatures.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Sur le sujet délicat de l’éloignement, je précise que nous éloignons 20 000 personnes tous les ans, de manière continue, depuis une dizaine d’années. Il n’y a pas de pic en fonction des majorités.

Ne sont exercées que 7,5 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF). L’éloignement est souvent empêché par des moyens juridiques : recours ; demandes de titres de séjour en qualité d’étranger malade – d’où l’importance de confier cette procédure à l’OFII et de s’assurer de son application rigoureuse – ; impossibilité d’éloigner une personne quand un membre de sa famille obtient un titre de séjour.

Il existe évidemment des biais juridiques, mais la publication du décret dont nous venons de parler devrait accélérer les choses. Je ne suis pas certain que le ministère de la santé ait été très amène pour aider à la sortie de ce décret, ce que l’on ne peut que regretter.

Monsieur le président, je tiens à vous dire que c’est un plaisir de travailler avec mes collègues de l’opposition (sourires)… De la future opposition ! Excusez mon erreur, j’ai pensé à Danièle Hoffman-Rispal, avec qui j’ai commencé ce travail lors de la précédente législature, lorsqu’elle était dans l’opposition !

Je pense que les travaux du Comité d’évaluation et de contrôle devront être amplifiés lors de la prochaine législature, comme la fonction de contrôle et d’évaluation des politiques publiques à laquelle nous sommes très attachés. Il serait sage de cesser les gesticulations et les projets de loi qui ne sont que des écrans de fumée afin de donner du grain à moudre à l’opinion publique et aux médias, au moins lors des quelques mois suivants l’élection du président de la République.

M. le président Claude Bartolone. Je suis persuadé, et pas seulement compte tenu de la qualité du personnel de l’Assemblée qui travaille à l’évaluation des politiques publiques, que c’est le travail prioritaire de l’Assemblée du non-cumul. Aujourd’hui, nos compatriotes ne sont pas contre l’impôt, ils veulent en avoir pour leur argent. Ils ne sont pas contre la démocratie, ils veulent des preuves de ce qu’elle leur offre pour découvrir ce nouveau temps dans lequel nous sommes entrés.

Je suis persuadé qu’au cours de la prochaine législature, le CEC qui est apparu sous la présidence de Bernard Accoyer et que nous avons contribué à renforcer jouera un rôle croissant.

Il faudra également donner plus de place à l’examen de la loi de règlement. Tous se battent pour obtenir du temps de parole lors de la discussion des différentes missions budgétaires lors de l’examen du projet de loi de finances, alors qu’il serait beaucoup plus intéressant de démontrer quels objectifs ont été atteints.

Sur ce sujet des réfugiés, vous avez employé des mots choisis. Nous voyons comme il peut très vite créer des crispations. Le problème est devant nous : les réfugiés climatiques, et d’autres raisons de migrations, beaucoup plus lourdes. Alors que les médias diffusent dans le monde entier les images des nouveaux critères de bonheur, notamment en termes d’éducation et de santé, comment éviter que les citoyens qui n’y ont pas accès tentent d’y parvenir ?

Nous avons dit de la question des retraites qu’elle allait concerner plusieurs gouvernements, je suis persuadé que le sujet qui nous occupe aujourd’hui concernera beaucoup de gouvernements, d’ici aux années 2070 et 2080.

Il est évident, quelles que soient les réactions épidermiques de précampagne électorale, que nous ne pourrons pas répondre à ce problème simplement avec des barbelés et des murs. Le travail de M. Jean-Louis Borloo pour l’électrification de l’Afrique compte autant que les différents sujets dont nous avons traité aujourd’hui.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions :

– M. Jean Gaeremynck, président de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et M. Pascal Brice, directeur général (21 juin 2016)

– M. Didier Leschi, directeur général de l’Office français d’immigration et d’intégration (OFII) (28 juin 2016)

– M. Pierre-Antoine Molina, directeur général des étrangers en France, ministère de l’intérieur, et M. Raphaël Sodini, directeur de l’asile (28 juin 2016)

– Mme Michèle de Segonzac, présidente de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), accompagnée de M. Philippe Caillol, secrétaire général (5 juillet 2016)

– Mme Brigitte Frénais-Chamaillard, chargée de la mission d’appui aux préfets de région pour la définition des schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile, accompagnée de M. Jean-François Lhoste, chef du département des réfugiés et de l’accueil des demandeurs d’asile au ministère de l’intérieur (5 juillet 2016)

2. Table ronde réunissant des représentants d’associations gestionnaires de plateformes assurant le pré-accueil des demandeurs d’asile (12 juillet 2016) :

– M. Djamel Cheridi, directeur de l’hébergement et du logement accompagné de l’association Coallia ;

– M. Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile ;

– Mme Louisa Mezreb, présidente directrice générale de la Facem ;

– M. Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés, et M. Laurent Delbos, responsable Plaidoyer ;

– Mme Maryam Rafii, chargée de mission en charge des migrants au sein de la direction des métiers sanitaires, sociaux et médicosociaux de la Croix-Rouge française.

3. Déplacements :

• à Toulouse (30 juin 2016) :

– M. Pascal Mailhos, préfet de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ;

– M. Stéphane Daguin, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne ;

– Mme Sophie Pauzat, chef du service de l’immigration et de l’intégration de la préfecture de la Haute-Garonne ;

– Mme Séverine Poisson, chef de la cellule asile au sein du bureau de l’asile et du contentieux des étrangers à la préfecture de la Haute-Garonne et responsable du guichet unique de l’asile sur le périmètre de l’ex-région Midi-Pyrénées ;

– M. Pascal Chartrez, directeur territorial de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ;

– M. Yannick Aupetit, directeur régional adjoint, direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) ;

– Mme Stéphanie Maciotta, chef du pôle insertion et développement social à la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) 31 ;

– Mme Valérie Lechardoy, coordinatrice à la DRJSCS en charge du schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile.

• au centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA)
de Conflans-Sainte-Honorine
(14 septembre 2016) :

– Direction générale Adoma :

M. Jean-Paul Clément, directeur général

Mme Nathalie Chomette, directrice des relations institutionnelles

– Direction territoriale des Yvelines Adoma :

Mme Marion Mestdag, directrice territoriale

– CADA des Yvelines Adoma :

M. Romuald Likibi, directeur hébergement

Mme Nadine Girodet, directrice adjointe hébergement

M. Henri-Paul Gonzalez, directeur adjoint CADA

Mme Soria Makonda, intervenante sociale CADA

M. Jamal Ahmammouch, intervenant social CADA

Mme Valérie Lauret, intervenante sociale CADA

Mme Sokona Sanogo, intervenante sociale CADA

M. Abdelkarim Bouraoui, service civique

Mme Cathy Herbet, secrétaire CADA

• au centre d’hébergement d’urgence et de stabilisation La Boulangerie (ADOMA) à Paris (20 septembre 2016) :

– Mme Géraldine Fettig, directrice

• à la préfecture de la région Île-de-France (26 septembre 2016) :

– M. Jean-François Carenco, préfet de région

– M. Jean-Martin Delorme, directeur régional et interdépartemental de l’hébergement et du logement (DRIHL)

– Mme Marie-Françoise Lavieville, adjointe au DRIHL

– Mme Fabienne Balussou, adjointe au secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR)

1 () HCR, Global trends, forced displacements in 2015, juin 2016.

2 ()  Frontex, Risk analysis for 2016, mars 2016. À noter que ces données peuvent inclure des personnes comptabilisées deux fois, lors de franchissement à deux reprises de frontières de l’Union.

3 () Discours de Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, le 2 septembre 2016, à Calais.

4 ()  L’article L. 741-1 du CESEDA dispose que « l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l’autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation ».

5 ()  Le ministre de l’intérieur a annoncé, lors de son discours tenu à Calais le 2 septembre dernier, un renforcement de l’action visant les migrants « qui n’ont pas le droit de déposer une demande d’asile en France, parce qu’ils ont été enregistrés dans un autre pays que le nôtre. Nous devons les reconduire vers ces pays, comme le prévoit la réglementation européenne Dublin III. C’est la raison pour laquelle une deuxième borne Eurodac sera installée à Calais, qui servira à l’identification biométrique des personnes relevant de la procédure Dublin. C’est là une démonstration supplémentaire de notre détermination, et une nouvelle preuve que nous mettons les moyens nécessaires à la réalisation de nos objectifs. »


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