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N
° 88

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 9, autorisant la ratification de l’accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres,

par M. Jean-Louis CHRIST

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – UN ACCORD QUI S’INSCRIT DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE D’OUVERTURE DES TRANSPORTS AÉRIENS 7

A – L’ÉMERGENCE D’UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LE DOMAINE DE L’AVIATION CIVILE 7

B – UN LONG PROCESSUS DE NÉGOCIATIONS D’ACCORDS AÉRIENS CIBLÉS 8

1) Les accords de transport aériens déjà conclus 8

2) Un impact difficile à évaluer 8

II – UN ACCORD QUI VA PERMETTRE UNE OUVERTURE TOTALE ET MAÎTRISEE DES DROITS COMMERCIAUX 11

A – DES INTÉRÊTS CONVERGENTS 11

1) Un marché aérien développé et prometteur 11

2) Une approche commune 12

B – UN ACCORD AMBITIEUX 12

1) Dispositions relatives aux dessertes et aux questions d’investissement et de contrôle des compagnies aériennes. 12

2) Autres dispositions significatives 15

a) Sûreté, sécurité et respect des lois de l’autre Partie 15

b) Fiscalité 15

c) Protection des consommateurs 16

d) Loyauté de la concurrence et cadre commercial équitable 16

e) Protection de l’environnement 16

f) Questions d’emploi 17

g) Mécanismes de concertation 17

3) Articulation avec les accords bilatéraux déjà existants 17

C – UN ACCORD EFFICACE ? 18

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE : LES LIBERTÉS DE L’AIR 23

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

Mesdames, Messieurs,

Le 17 décembre 2009, l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, ont conclu un accord aérien global couvrant de nombreux domaines tels que l’accès au marché, la libéralisation de l’investissement, les règles de concurrence et d’aides publiques, l’harmonisation des normes de sûreté et de sécurité ou encore l’environnement.

A terme, ce texte permettra la création d’un véritable espace aérien commun entre l’Europe et le Canada, leurs transporteurs ayant alors une totale liberté pour desservir des liaisons de part et d’autre de l’Atlantique, pour fournir des services à l’intérieur du territoire des Parties mais aussi pour proposer des vols au-delà de cet espace commun.

S’inscrivant pleinement dans le cadre de la politique européenne d’ouverture des transports aériens développée après 2002, cet accord fait preuve d’ambition et répond parfaitement aux aspirations convergentes de l’Europe et du Canada.

I – UN ACCORD QUI S’INSCRIT DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE D’OUVERTURE DES TRANSPORTS AÉRIENS

A – L’émergence d’une politique extérieure de l’Union européenne dans le domaine de l’aviation civile

La convention de Chicago de 1944 (1) confère aux Etats « la souveraineté complète et exclusive de l’espace aérien au-dessus de [leur] territoire » et prévoit, par conséquent, « qu’aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus ou à l'intérieur du territoire d'un Etat contractant, sauf permission spéciale ou toute autre autorisation dudit Etat conformément aux conditions de cette permission ou autorisation »(2).

Cette consécration, par le droit international, de la souveraineté des Etats sur leur espace aérien constitue assurément un obstacle au développement du trafic aérien international. Aussi a-t-elle conduit à la conclusion de nombreux accords internationaux bilatéraux permettant d’accorder des droits d'atterrissage à des compagnies aériennes dans un pays étranger et comportant généralement des dispositions relatives aux destinations desservies, à la fréquence des vols et aux volumes de trafic. Ainsi, s’agissant de la France et du Canada, les relations aériennes entre ces deux pays sont régies par une convention de 1976. Le Canada a également conclu de tels accords avec de nombreux Etats membres de l’Union européenne à l’exception de huit d’entre eux(3).

Toutefois, ce modèle d’accord bilatéral est remis en cause, en Europe, depuis une dizaine d’années. En effet, la multiplication, dans les années 90, d’accords bilatéraux dits de « ciel ouvert » – car élargissant considérablement les possibilités de desserte – entre les Etats-Unis et plusieurs Etats de l’Union européenne a conduit la Commission européenne à saisir la Cour de justice des Communautés européenne(4). La Commission voyait dans ces accords une atteinte aux règles du marché unique car les compagnies aériennes des pays n’ayant pas signé de traité bilatéral souffraient, selon elle, d’un désavantage commercial certain. Par plusieurs arrêts du 5 novembre 2002, la Cour donna raison à la Commission. Elle estima qu'en application du droit communautaire, les compagnies européennes devaient bénéficier d'une égalité de traitement quant à leurs possibilités d'exploiter des liaisons transatlantiques. Dès lors, en indiquant que seule la conclusion d’un accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis permettrait de garantir le respect de la législation communautaire, ces arrêts, favorisèrent l’émergence d’une politique extérieure européenne dans le domaine de l’aviation.

B – Un long processus de négociations d’accords aériens ciblés

1) Les accords de transport aériens déjà conclus

A la suite des arrêts de la Cour de justice, le Conseil de l’Union européenne, dès juin 2003, autorisa la Commission à négocier des accords aériens ciblés, tant avec des Etats de la « politique de voisinage » qu’avec des partenaires clefs comme les Etats-Unis ou le Canada.

Ainsi, outre l’accord objet du présent rapport, ont été signés, depuis 2006, des traités multilatéraux avec les pays des Balkans occidentaux (9 juin 2006), le Maroc (12 décembre 2006), les Etats-Unis (30 avril 2007), la Géorgie (2 décembre 2010), la Jordanie (15 décembre 2010) et, plus récemment, la Moldavie (26 juin 2012).

Il convient de relever que ces accords sont « mixtes », c'est-à-dire qu’ils ne sont pas seulement conclus entre l’Union européenne et des Etats tiers mais qu’ils incluent également les Etats membres. Car les arrêts de la Cour de justice de 2002 n’ont pas reconnu à la Communauté une compétence exclusive en matière de transport aérien international. Certaines matières telles que l’exemption de taxes ou les modalités d’accès et de séjour sur le territoire national demeurent de la compétence exclusive des Etats. En revanche d’autres domaines comme les dispositions tarifaires relatives aux vols intracommunautaires ou les systèmes informatisés de réservation relèvent de la compétence de la Communauté. Dès lors, la jurisprudence de la Cour de justice n'interdit pas aux Etats membres de négocier des accords bilatéraux de transport aérien mais leur portée est grandement restreinte compte tenu de ces compétences communautaires exclusives reconnues dans certains domaines mais aussi de la nécessité d'assurer une égalité de traitement entre les compagnies de tous les Etats européens.

2) Un impact difficile à évaluer

L’impact des accords déjà conclus par l’Union européenne et ses Etats membres avec des pays tiers est difficile à évaluer car aucun de ces textes n’est encore entré en vigueur et, parmi eux, seul l’accord avec les Etats-Unis d'Amérique fait l'objet d'une application provisoire depuis le 30 mars 2008.

L’étude de l’effet de cette application provisoire est d’ailleurs assez décevante. Si les experts s'accordaient sur les effets bénéfiques prévisibles de la libéralisation du ciel transatlantique, notamment en termes d'offres, de prix et de passagers transportés, force est de constater que la progression du trafic sur les liaisons transatlantiques ne s'est pas concrétisée.

Evolution du trafic de passagers entre l'Union européenne et les Etats-Unis

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Passagers

48 119 000

49 108 000

52 131 000

52 705 000

48 440 503

48 526 097

Croissance annuelle

-

2 %

6 %

1 %

– 8 %

0 %

(source : Eurostat)

Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer la stagnation du trafic transatlantique sur la période 2005-2010, voire sa régression depuis l'application provisoire de l'accord de transport aérien avec les Etats-Unis. La raison principale est imputable à la crise économique de 2008-2009 qui a frappé plus particulièrement les économies occidentales, restreignant la demande et encourageant les transporteurs à rationaliser leur offre. En outre, la mise en ligne d'appareils long-courriers plus performants a permis le développement de dessertes directes entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Asie, réduisant de fait l'offre de sièges via l'Europe et le marché potentiel pour les vols en correspondance assurés sur les plates-formes européennes.

Toutefois, l'accord de transport aérien avec les Etats-Unis n'étant provisoirement appliqué que depuis mars 2008, il est encore trop tôt pour conclure sur ses effets à terme et, par analogie, anticiper sur la portée qu’aura l’accord signé avec le Canada, lequel fait preuve de beaucoup plus d’ambition.

II – UN ACCORD QUI VA PERMETTRE UNE OUVERTURE TOTALE ET MAÎTRISEE DES DROITS COMMERCIAUX

A – Des intérêts convergents

1) Un marché aérien développé et prometteur

Le marché aérien entre l’Union européenne et le Canada est relativement développé.

Globalement, le trafic aérien de passagers et le transport de fret et de courrier entre les territoires européen et canadien sont en progression depuis la moitié des années 2000 même si la crise économique a eu des effets significatifs comme, d’ailleurs, sur l’ensemble du transport aérien mondial.

Trafic de passagers entre l'Union européenne et le Canada

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Trafic passagers

8 613 000

8 793 000

9 336 000

9 373 000

8 828 000

9 290 000

Croissance annuelle

-

2 %

6 %

0 %

– 6 %

5 %

(source : Eurostat)

Volume de fret et courrier entre l’UE et le Canada (en tonnes) 

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Volume fret et courrier

244 000

250 000

257 000

242 000

213 000

254 000

Croissance annuelle

-

2 %

3 %

– 6%

– 12 %

19 %

(source : Eurostat)

En outre, signe de la vitalité du trafic entre l’Europe et le Canada, votre Rapporteur a relevé l’existence de plus de 120 liaisons aériennes entre ces deux ensembles. Les Etat membres ayant les flux de passagers les plus importants avec le Canada sont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Toutefois, il convient de relever que si le Royaume-Uni représente à lui seul environ 40 % du trafic entre l’Union européenne et le Canada, la France représente le véritable moteur de la croissance du flux de passagers avec une augmentation de 31 % entre 2005 et 2010, les liens affinitaires entre notre pays et le Québec n’étant sans doute pas étrangers à cet excellent résultat. Sur la même période, les flux entre le Canada et le Royaume-Uni ont quant à eux baissé de 14 %.

Enfin, la ligne Paris (Charles de Gaulle) - Montréal est aujourd’hui la principale liaison entre l’Europe et le Canada. Elle offrait 1 276 244 sièges en 2011 (5). Viennent ensuite Londres (Heathrow) - Toronto (1 089 659 sièges offerts), Francfort - Toronto (661 249 sièges offerts), Londres (Heathrow) - Vancouver (549 382 sièges offerts), Paris (Charles de Gaulle) - Toronto (504 159 sièges offerts) et Amsterdam - Toronto (401 117 sièges offerts).

2) Une approche commune

La négociation de l’accord de transport aérien avec le Canada a été relativement aisée. A la suite d’une communication de la Commission sur ce thème, le 9 janvier 2007, le Conseil « transport, télécommunication et énergie » des 1er et 2 octobre 2007 autorisa l’ouverture de négociations, lesquelles commencèrent un mois après et aboutirent à la signature de l’accord le 17 décembre 2009, à Bruxelles.

Les approches similaires de l’Union européenne et du Canada expliquent grandement l’issue rapide et positive des négociations. Comme les autorités communautaires, le gouvernement canadien a adopté, en 2006, une nouvelle politique internationale sur les transports aériens. Intitulée « ciel bleu », celle-ci vise à négocier des accords plus ouverts en matière de transport aérien régulier international sur le modèle des accords de type « ciel ouvert » qui prévoient la suppression de toutes restrictions relatives au nombre de transporteurs autorisés, aux fréquences de services ou aux types d'aéronefs utilisés, aux opérations en partages de codes ou à la tarification.

Le Canada a ainsi été conduit à négocier de nombreux accords dans le cadre de cette politique « ciel bleu » mais celui conclu avec l'Union européenne et ses Etats membres est unique tant par la libéralisation totale de l'accès au marché que par ses dispositions relatives à l'environnement ou à l'emploi, inédites dans un accord de transport aérien.

B – Un accord ambitieux

1) Dispositions relatives aux dessertes et aux questions d’investissement et de contrôle des compagnies aériennes.

L’accord sur le transport aérien entre le Canada et l’Union européenne organise la libéralisation progressive du marché en fonction du degré d’ouverture de la législation canadienne quant à la détention et au contrôle des transporteurs canadiens par des intérêts étrangers.

Concrètement, l’accord prévoit, par l’effet combiné de ses articles 2 et 4 et de ses annexes 1 et 2, une ouverture totale des droits commerciaux y compris les droits de cabotage et de 7ème liberté pour les passagers(6). C’est là une avancée majeure que l'accord avec les Etats-Unis d'Amérique, par exemple, ne prévoit pas. Toutefois, cette ouverture totale ne va pas être appliquée dès l’entrée en vigueur de l’accord mais progressivement, en quatre phases, au fur et à mesure de l’évolution du droit canadien. Aujourd’hui, ce dernier limite la détention et le contrôle des transporteurs canadiens par des intérêts étrangers à 25 % des actions avec droit de vote(7). Tant qu’il en sera ainsi, la mise en œuvre de l’accord restera dans sa première phase et sera limitée à l’octroi de droits de 3ème et 4ème libertés pour le transport de passagers et à des droits de 5ème libertés pour les services cargo. La quatrième phase sera atteinte lorsque les compagnies aériennes canadiennes et européennes pourront être détenues et contrôlées par des intérêts des deux Parties. Elle correspondra à l’ouverture complète des marchés.

L’intérêt d’une telle approche est de permettre de couvrir l’ensemble des droits commerciaux sans devoir recourir à des amendements successifs de l’accord initial. C’est là une différence majeure avec l’accord conclu par l’Europe avec les Etats-Unis en avril 2007, lequel renvoie l’approfondissement de la question de la libéralisation de l’investissement à la négociation d’un deuxième texte.

Disponibilité progressive des droits de trafic (tableau récapitulatif)

Phases de l’application de l’accord

Taux d’ouverture de la propriété économique des entreprises canadiennes de transport aérien

Droits associés

1ère phase

25 % maximum

Transports de passagers : 3ème et 4ème libertés (les transporteurs des deux Parties pourront proposer librement des services entre tous points du Canada et tous points de l’UE et réciproquement sans limitation de fréquence ou de capacité).

Cargo : 5ème liberté (possibilité de vols via des points intermédiaires dans des pays tiers ou en continuation vers des pays tiers).

2ème phase

49 % maximum

Transport de passagers : 5ème liberté limités aux points intermédiaires. C'est-à-dire droit de transporter des passagers entre l'UE et le Canada via des points intermédiaires. Les transporteurs canadiens pourront également exercer des droits de 5ème liberté en continuation vers un autre État membre de l’UE et vers l’Islande, la Norvège, la Suisse, les pays des Balkans et le Maroc, avec lesquels l’UE a signé divers accords de transport aérien.

Cargo : 7ème liberté (possibilité de proposer des services au départ du territoire de l’autre Partie vers des pays tiers.

3ème phase

49 % maximum + possibilité d’établir un transporteur sur le territoire de l’autre Partie

Levée des dernières restrictions pesant sur les droits de 5ème liberté pour le transport de passagers.

4ème phase

100 %

Extension des droits de 7ème liberté et de cabotage au transport de passagers. Une compagnie aérienne canadienne, par exemple, pourra proposer des services entre deux villes européennes, à l'intérieur d'un même Etat membre dans le cadre du cabotage, ou entre deux Etats membres dans le cadre de la 7ème liberté, sans lien avec le territoire canadien.

En ce qui concerne l’avancement du processus d’ouverture de la propriété économique des entreprises canadiennes de transport aérien, il apparaît que la « loi sur les transports au Canada » a été modifiée en 2009 afin d'autoriser leur contrôle à hauteur de 49 %, ce qui rendrait possible l’ « activation » de la phase 2 dès l’entrée en vigueur de l’accord. Toutefois, ces nouvelles limitations ne sont pas encore applicables car le décret nécessaire à leur mise en œuvre n’a pas encore été pris.

2) Autres dispositions significatives

a) Sûreté, sécurité et respect des lois de l’autre Partie

Conformément aux dispositions traditionnelles contenues dans ce genre d’accord, l’article 5 énonce le principe de l’applicabilité des dispositions législatives et réglementaires de l’une des Parties aux aéronefs, passagers, membres d’équipage et marchandises, y compris le courrier, de l’autre Partie lorsqu’ils entrent, séjournent ou quittent le territoire de la première.

L’article 6 organise, quant à lui, la coopération entre les Parties dans le domaine de la sécurité. Il prévoit notamment des consultations au sujet des normes et exigences en vigueur de part et d’autre. Ces consultations peuvent déboucher sur des demandes de mesures correctives et si ces dernières ne sont pas mises en œuvre dans un délai de quinze jours, les autorités compétentes qui ont fait la demande de consultation peuvent refuser, révoquer ou limiter l’autorisation d’exploitation ou l’agrément technique des transporteurs de l’autre Partie.

En matière de sûreté, l’article 7 fait référence à différentes conventions existantes que les Parties s’engagent à respecter et pose le principe de coopération, d’échanges et d’assistance dans un domaine essentiel au fonctionnement du marché aérien.

L’article 15 invite les Parties à coopérer dans le domaine de la gestion du trafic aérien en vue de réduire les coûts mais aussi d’améliorer la sécurité et la capacité des systèmes existants.

b) Fiscalité

L'article 8 de l’accord est relatif aux droits de douane, taxes et redevances. Il reprend les dispositions des accords bilatéraux modernes ou des accords européens déjà signés et prévoit des exemptions que s’accordent mutuellement les Parties.

Quant à l’article 12, qui concerne les « redevances imposées pour l’usage des aéroports, des infrastructures et des services aéronautiques », il établit les critères auxquels doivent satisfaire les redevances d’usage, notamment qu’elles soient « justes, raisonnables, non injustement discriminatoires et équitablement réparties entre les catégories d’utilisateurs ».

c) Protection des consommateurs

L’importance de la protection des consommateurs est affirmée par l’article 10, lequel ouvre la possibilité de réunions du comité mixte (8) sur ce thème.

d) Loyauté de la concurrence et cadre commercial équitable

L’accord accorde une place importante au respect d’un cadre concurrentiel équitable.

L’article 13 définit le régime applicable aux activités commerciales des transporteurs aériens. Il leur accorde la liberté de définir la fréquence et la capacité des services aériens qu’ils proposent. Il affirme également le principe de la liberté de la fixation des prix.

L’objectif de l’article 14 est de mettre en place un environnement de concurrence loyale pour l’exploitation des services aériens, en prohibant notamment les subventions publiques non justifiées. Cet article organise également la concertation pour résoudre d’éventuels conflits liés aux conditions de concurrence et prévoit in fine la possibilité de prendre des mesures appropriées.

e) Protection de l’environnement

L’article 18 de l’accord reconnaît l’importance de protéger l’environnement dans le cadre de l’élaboration de la politique aéronautique internationale et de sa mise en œuvre afin de limiter les nuisances du développement du transport aérien sur l’environnement. Il prévoit explicitement le droit de prendre et d'appliquer, dans son ressort territorial, les mesures appropriées pour agir sur les incidences environnementales du transport aérien « à condition que ces mesures soient appliquées sans distinction de nationalité ». Cela autoriserait l’application de la directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil qui intègre les activités aériennes dans le système communautaire d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi autorisant la ratification de l’accord, « l’intégration d’une telle disposition dans ce type d’accord marque une avancée certaine de la politique de l’Union européenne qui fait figure de précurseur en la matière ».

f) Questions d’emploi

Autre innovation, l’article 19 reconnaît l'importance d'examiner les effets de l'accord sur la main-d'œuvre, l'emploi et les conditions de travail. Il est prévu de pouvoir demander une réunion du comité mixte pour discuter des questions liées à cette problématique.

g) Mécanismes de concertation

L’article 17 de l’accord établit un comité mixte, composé de représentants des Parties, qui se réunit au moins une fois par an. Ce comité est chargé de développer la coopération entre les Parties, d’examiner la mise en œuvre de l’accord et, le cas échéant, de tenter de résoudre des questions liées à son interprétation ou son application. Le dernier paragraphe de l’article 17 précise que « le comité mixte fonctionne sur la base du consensus ». Les débats de cette instance étant de nature technique, les représentants de la Commission et des Etats membres seront le plus souvent les experts qui ont participé aux négociations de l'accord comme le montrent les nombreux comités mixtes qui se sont déjà déroulés dans le cadre de l'accord de transport aérien avec les Etats-Unis d'Amérique.

L’accord établit enfin une procédure d’arbitrage qui peut être mise en œuvre pour résoudre un différend qui n’a pas pu être résolu par le comité mixte (article 21). L’arbitrage est rendu par un tribunal composé de trois arbitres qui, désignés par chacune des Parties, désignent à leur tour le troisième arbitre « qui assume les fonctions de président du tribunal et détermine le lieu où l’arbitrage aura lieu ». Une fois constitué, ce tribunal définit l’étendue de sa juridiction et fixe ses règles de procédure. Si, lors de l’examen du cas qui lui est soumis, le tribunal estime qu’il y a eu violation de l’accord et que la Partie responsable n’y remédie pas, l’autre Partie peut suspendre l’application d’avantages comparables découlant de l’accord.

3) Articulation avec les accords bilatéraux déjà existants

L’accord conclu avec le Canada énumère les traités bilatéraux existants qui ont vocation à être abrogés lors de son entrée en vigueur (section 1 de l’annexe 3). Dans le cas de la France, il s’agit de l’accord de 1976 que votre Rapporteur a déjà mentionné précédemment. Toutefois, l'accord de transport aérien avec le Canada concernant uniquement les parties du territoire français auxquelles les dispositions des traités européens sont applicables, l’accord bilatéral de 1976 continuera à s’appliquer à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’accord énumère également les droits plus favorables des accords bilatéraux qui continueront de s’appliquer durant les différentes phases conduisant à une ouverture totale du marché aérien entre l’Europe et le Canada (sections 2
et 3 de l’annexe 3).

C – Un accord efficace ?

L’accord de transport aérien entre l’Union européenne et le Canada n’est pas encore entré en vigueur. A la date du 13 juillet 2012, seuls douze Etats membres ont notifié au Secrétariat général du Conseil l’achèvement de leurs procédures internes permettant l’entrée en vigueur de l’accord(9). Du côté canadien, le processus de ratification serait très avancé, son achèvement étant suspendu à des questions de traduction.

S’il est donc encore trop tôt pour juger de l’effet qu’aura la mise en œuvre de cet accord sur le trafic aérien entre l’Union européenne et le Canada, il convient de noter que la Commission en attend beaucoup. Selon elle, l’ouverture des marchés devrait s’accompagner de l’accroissement de l’offre, d’une concurrence accrue rendue possible par la fin des restrictions limitant le nombre de compagnies aériennes autorisées à opérer et, en conséquence, d’une baisse des tarifs se traduisant par une augmentation du nombre de passagers. La Commission estime même à 9 millions le nombre de passagers supplémentaires dans les cinq ans suivant l’ouverture des marchés. Elle envisage également une baisse des tarifs qui devrait permettre de faire économiser au moins 72 millions d’euros aux consommateurs. En outre, l’augmentation du trafic entre l’Union européenne et le Canada devrait permettre la création de 3700 emplois au terme de la première année.

Votre Rapporteur entend demeurer prudent face à ces chiffres énoncés dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi de ratification. La mise en œuvre provisoire de l’accord avec les Etats-Unis a montré que l’efficacité de tels dispositifs dépend grandement de la conjoncture mondiale du transport aérien.

CONCLUSION

L’accord entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres s’inscrit pleinement dans le cadre de la politique européenne d’ouverture des transports aériens.

Certainement le plus ambitieux accord de transport aérien conclu par l'Union européenne, il offre les conditions favorables au renforcement des liaisons entre les marchés canadiens et européens mais aussi au resserrement des liens entre les personnes et à la création de nouvelles possibilités pour le secteur aérien.

C’est donc au bénéfice de ces observations que votre Rapporteur vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 18 juillet 2012 à 9h45.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

Mme Odile Saugues. Nous devons nous féliciter que le Canada entre dans la démarche européenne concernant les quotas d’émission. Le Canada va-t-il également adhérer à Eurocontrol, organisme intergouvernemental qui regroupe 38 nations, ainsi qu’à l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) ?

Par ailleurs, dans la mesure où l’accord aborde aux articles 11 et 12 la question des aéroports, savons-nous quelle est la position canadienne sur les infrastructures dédiées au low cost ? Nous avons en effet financé de nouvelles aérogares qui parfois posent de réels problèmes – je pense en particulier à la situation de Marseille, où Air France a engagé une procédure judiciaire.

M. Axel Poniatowski. Comme le rapporteur, je pense qu’il faut distinguer les fluctuations conjoncturelles du transport aérien des effets de moyen terme qu’un accord de ce type peut avoir sur le développement du trafic.

Il y a quatre ans j’ai participé à une mission à Bruxelles au cours de laquelle nous avions rencontré M. Jacques Barrot, alors commissaire européen aux transports. Il nous avait soutenu que le fait de transférer au niveau communautaire la compétence de négocier sur le transport aérien donnerait plus de force à la position des pays européens, par rapport à la négociation d’accords bilatéraux. Monsieur le rapporteur, quels sont les avantages effectifs de cet accord par rapport aux accords bilatéraux antérieurs ?

M. Jacques Myard. Aucun !

M. François Rochebloine. Que faut-il comprendre de l’article 19 de l’accord, relatif aux questions d’emploi – je le cite : « les parties reconnaissent qu’il importe d’examiner les effets du présent accord sur la main d’œuvre, l’emploi et les conditions de travail » ?

Mme Danièle Auroi. Qu’en est-il, dans cet accord, du principe de la taxation du kérosène, que prévoit une directive européenne ? Nous avons cru comprendre que le Canada n’était pas favorable à cette taxation…

M. le rapporteur. Pour ce qui est d’Eurocontrol, je sais qu’un rapprochement existe. Je rechercherai des informations complémentaires. Il en est de même pour la question des infrastructures dédiées au low cost, dont l’accord ne traite pas en tant que tel.

Quels sont les avantages comparatifs de cet accord par rapport aux accords bilatéraux antérieurs ? Je pense que nous avons des gains en matière de transparence et l’affirmation d’une volonté de travail en commun. Des avantages plus concrets sont attendus, notamment grâce à un développement des liaisons que rend possible l’accord.

M. Jacques Myard. Dans le cadre des accords bilatéraux, nous avions déjà les « cinq libertés » du transport aérien. Avec le présent accord, c’est la même chose. On pourrait à la limite imaginer qu’une organisation mondiale se charge de faire appliquer ces libertés. Mais là n’est pas la question. La vraie question est de savoir quelles seront les compagnies aériennes assez puissantes pour tirer leur épingle du jeu.

M. le rapporteur. Avec cet accord, nous allons aussi vers la « 7ème liberté » et le cabotage.

M. Jacques Myard. Bref, la concurrence totale !

Mme Odile Saugues. Nous avons l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) pour assurer la régulation.

M. Jacques Myard. L’OACI renvoie tout aux États.

M. le rapporteur. Sur la question de l’emploi, l’article 19 est une nouveauté et il reviendra aux parties de le mettre en oeuvre. Enfin, s’agissant de la taxation du kérosène, il n’y a pas de stipulation la concernant dans l’accord.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 9).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

LES LIBERTÉS DE L’AIR

Première liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un ou plusieurs autres États, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de survoler son territoire sans y atterrir.

Deuxième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un ou plusieurs autres États, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, d'atterrir sur son territoire pour des raisons non commerciales.

Troisième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de débarquer, dans le territoire du premier État, du trafic en provenance de l'État dont le transporteur a la nationalité.

Quatrième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, d'embarquer, dans le territoire du premier État, du trafic à destination de l'État dont le transporteur a la nationalité.

Cinquième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de débarquer et d'embarquer, dans le territoire du premier État, du trafic en provenance ou à destination d'un État tiers.

Sixième liberté de l'air - droit ou privilège, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de transporter, en passant par l'État dont le transporteur a la nationalité, du trafic entre deux autres États.

Septième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de transporter du trafic entre le territoire de l'État qui accorde ce droit ou privilège et un troisième État quelconque sans obligation d'inclure dans cette opération un point du territoire de l'État bénéficiaire, ce qui signifie qu'il n'est pas nécessaire que le service soit en correspondance avec un service ou soit un prolongement d'un service à destination ou en provenance de l'État dont le transporteur a la nationalité.

Cabotage - droit ou privilège de transporter du trafic de cabotage entre deux points situés à l'intérieur du territoire de l'État qui accorde le droit ou privilège.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres (ensemble trois annexes et deux déclarations), signé à Bruxelles le 17 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 9).

© Assemblée nationale

1 () Convention relative à l’aviation civile internationale du 7 décembre 1944.

2 () Articles 1er et 6 de la convention.

3 () Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Slovaquie et la Slovénie.

4 () La Commission assigna, devant la CJCE, le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, le Luxembourg, l’Autriche et l’Allemagne.

5 () Source : Official Airlines Guide.

6 () Voir la liste des « libertés de l’air » en annexe du présent rapport.

7 () L’ouverture du capital des entreprises européennes aux intérêts de pays tiers est, elle, d’ores et déjà permise par la législation communautaire à la condition qu’un accord international la prévoit et sous réserve de réciprocité (Règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté).

8 () Le comité mixte est créé par l’article 17 de l’accord. Voir infra.

9 () Le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Hongrie, l'Italie, la Lettonie, les Pays-Bas, le Portugal, la Pologne, le Royaume-Uni, la Suède et la Slovénie.