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N
° 93

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 6, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques,

par Mme Odile SAUGUES

Députée

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – DES LIENS DÉJÀ NOMBREUX ENTRE LA FRANCE ET LE KAZAKHSTAN 7

A – LE KAZAKHSTAN, PAYS ÉCONOMIQUEMENT LE PLUS PUISSANT DE L’ASIE CENTRALE 7

B – UN PAYS QUI REVENDIQUE UN RÔLE INTERNATIONAL 8

C – LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS BILATÉRALES 8

II – L’ESPACE, ENJEU ESSENTIEL DE LA COOPÉRATION AVEC LE KAZAKHSTAN 11

A – LA RECHERCHE PAR LE KAZAKHSTAN D’UNE DIVERSIFICATION DE SES PARTENARIATS DANS LE DOMAINE SPATIAL 11

B – UN PARTENARIAT DONT LES RÉALISATIONS SONT D’ABORD INDUSTRIELLES 11

C – LA VOLONTÉ COMMUNE DE LA FRANCE ET DU KAZAKHSTAN DE DONNER UN CADRE À LEURS RELATIONS DANS LE DOMAINE SPATIAL ET DE DÉVELOPPER LEUR VOLET INSTITUTIONNEL 12

III – UN ACCORD DESTINÉ À FOURNIR UN CADRE À DIVERSES FORMES DE COOPÉRATION 13

A – LE CHAMP ET LA FORME DE LA COOPÉRATION 13

B – LA MISE EN œUVRE DE LA COOPÉRATION 14

C – LE CADRE JURIDIQUE DE LA COOPÉRATION 15

1) Les mouvements de personnel 15

2) La propriété intellectuelle et la protection des informations et des technologies 15

3) La responsabilité 17

4) Le régime douanier applicable 17

5) Les stipulations finales 18

EXAMEN EN COMMISSION 19

_____

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 21

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet la ratification d’un accord entre la France et le Kazakhstan, signé le 6 octobre 2009 et consacré à la « coopération (…) dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques ».

Le Kazakhstan est, du point de vue économique, la plus dynamique des républiques ex-soviétiques d’Asie centrale. C’est aussi un pays qui a hérité de son passé soviétique une tradition d’industrie spatiale, avec la possession du site de lancement de Baïkonour, mais aussi une sorte de partenariat forcé dans ce domaine avec la Russie, qui a loué ce site jusqu’en 2050.

Il est donc compréhensible que le Kazakhstan, qui dispose de moyens financiers, qui veut diversifier son économie et souhaite s’affirmer sur la scène internationale, cherche de nouveaux partenaires pour développer ses compétences dans le domaine de l’espace. La France, puissance spatiale majeure, a naturellement vocation à en être un.

Ce nouveau partenariat s’est jusqu’à présent concrétisé par des contrats commerciaux, qui représentent des opportunités pour les grandes entreprises françaises (ou plutôt européennes) actives dans le domaine de l’espace. Le présent accord, même s’il mentionne les coopérations menées dans le domaine industriel, vise plutôt à donner un cadre à une coopération dite « institutionnelle » et scientifique concernant au premier chef les agences spatiales des deux pays, coopération qui reste embryonnaire à ce jour. Bien que de rédaction assez générale, cet accord comporte des stipulations significatives sur des points sensibles auxquels notre pays est attaché, tels que la protection de la propriété intellectuelle et le non-détournement des technologies transférées à des fins militaires.

I – DES LIENS DÉJÀ NOMBREUX ENTRE LA FRANCE ET LE KAZAKHSTAN

Les relations diplomatiques et politiques entre la France et le Kazakhstan remontent à 1992, juste après l’indépendance de ce dernier, proclamée le 16 décembre 1991. Leur développement rend compte de l’attractivité économique du Kazakhstan et du statut international qu’il a atteint.

A – Le Kazakhstan, pays économiquement le plus puissant de l’Asie centrale

Grand comme cinq fois la France, avec une population de 16 millions d’habitants (dont 63 % de Kazakhs et près de 24 % de Russes, qui peuvent être de nationalité kazakhe), le Kazakhstan est économiquement le pays le plus important d’Asie centrale : premier partenaire commercial de la France et de l’Union européenne dans la région, il représente plus des deux tiers du PIB régional.

La croissance de l’économie a été rapide, avec depuis le début des années 2000 des taux de croissance annuels généralement proches de 10 %, même si la crise financière a entraîné un ralentissement (la croissance du PIB est tombée à 3,2 % en 2008, 1,2 % en 2009, pour revenir à 7 % en 2010). Des indicateurs tels que le PIB par habitant – 8 700 dollars (en parité de pouvoir d’achat) en 2009 – et l’espérance de vie à la naissance – proche de 70 ans– classent le pays parmi les nations intermédiaires en termes de développement.

La prospérité du Kazakhstan est d’abord fondée sur ses richesses naturelles et en particulier sur la rente pétrolière et gazière : les hydrocarbures représentent plus de la moitié des exportations et contribuent plus ou moins dans la même proportion au budget de l’État. Selon certaines estimations, le Kazakhstan détiendrait 75 % des réserves d’hydrocarbures de la mer Caspienne, soit 3 % des réserves mondiales de pétrole et 1,7 % de celles de gaz, et pourrait devenir d’ici 2020 le septième producteur mondial de pétrole. Le Kazakhstan vient par ailleurs au deuxième rang mondial pour les réserves d’uranium, dont il est le premier producteur : il représenterait un sixième de ces réserves et un tiers de la production mondiale. Le pays regroupe également un tiers des ressources mondiales en chrome, se place au second rang mondial pour les réserves de manganèse, au huitième pour celles de fer, etc. Cette abondance de ressources naturelles lui permet de dégager une balance commerciale fortement excédentaire : en 2010, les exportations, valorisées à 59 milliards de dollars, ont représenté près du double des importations (30 milliards).

Le Kazakhstan cherche également à diversifier son économie et a adopté un certain nombre de mesures, notamment en matière de fiscalité ou de protection des investissements, qui lui valent l’approbation d’institutions telles que la Banque mondiale. Il a apparemment su surmonter la crise financière par des mesures de soutien budgétaire et une restructuration de ses banques.

B – Un pays qui revendique un rôle international

Par rapport à ses voisins d’Asie centrale, le Kazakhstan apparaît jusqu’à présent comme un pays très stable : le président Noursoultan Nazarbaïev est constamment réélu depuis l’indépendance (et même plus longtemps, puisqu’il dirigeait déjà la république soviétique du Kazakhstan et la branche locale du Parti communiste soviétique dans les années 1980), avec des scores « soviétiques ». Cependant, cette réputation de stabilité a quelque peu été remise en cause en 2011, année au cours de laquelle le pays a été confronté à des attentats terroristes, ainsi qu’à une forte agitation sociale : une grève dans l’industrie pétrolière, sanctionnée par le licenciement de nombreux grévistes, a débouché sur des manifestations dont la répression violente, aurait fait au moins seize morts dans la ville de Janaozen.

Sur le plan international, le Kazakhstan aspire à jouer un rôle dans les enceintes multilatérales. Il a exercé en 2010 la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et a accueilli à Astana, sa capitale, un sommet de l’organisation, les 1er et 2 décembre 2010. En 2011, il a assuré la présidence de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) et de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Le Kazakhstan, qui avait « hérité » de l’Union soviétique du site d’essais nucléaires de Semipalatinsk, ainsi que d’armes nucléaires, et s’est rapidement dénucléarisé après son indépendance, s’est également fait connaître dans les instances internationales par son action en faveur de l’arrêt des essais et du désarmement nucléaire.

C – Le développement des relations bilatérales

Un nombre significatif d’accords a été conclu entre les deux pays depuis vingt ans. C’est ainsi qu’ont notamment été conclus :

– en 1992, un traité d’amitié, d’entente et de coopération, ainsi qu’un accord sur l’encouragement et la protection des investissements ;

– en 1993, un accord de coopération dans les domaines de la culture et des arts ;

– en 1998, une convention fiscale (évitement des doubles impositions et lutte contre l’évasion et la fraude), ainsi qu’un nouvel accord de protection des investissements ;

– en 2008, un accord de coopération dans le domaine du tourisme et surtout un traité de partenariat stratégique, auquel fait référence le préambule de l’accord qui est l’objet du présent rapport ;

– en 2009, outre cet accord, un accord de coopération militaire, un accord sur la lutte contre la corruption et un accord sur le transit de matériel militaire et de personnel vers l’Afghanistan ;

– en 2011, un protocole pour la promotion des relations aéronautiques entres les deux pays.

Au-delà de ces textes, les relations bilatérales se sont nettement intensifiées depuis quelques années : le précédent Président de la République a effectué le 6 octobre 2009 une visite d’État au Kazakhstan (la première visite d’un Président de la République depuis 1993), puis le président du Kazakhstan s’est rendu en France les 27 et 28 octobre 2010 et le 19 septembre 2011 ; une commission présidentielle franco-kazakhe a été établie en 2010 ; des partenariats industriels ont été conclus (industrie aéronautique, spatiale et ferroviaire, secteur des hydrocarbures et de l’énergie nucléaire).

Pour le Kazakhstan, la France était en 2009 le quatrième marché d’exportation (avec près de 8 % des exportations), mais seulement le dixième fournisseur (avec 1,6 % des importations kazakhes).

II – L’ESPACE, ENJEU ESSENTIEL DE LA COOPÉRATION AVEC LE KAZAKHSTAN

Doté d’une économie dynamique, le Kazakhstan a aussi une tradition spatiale qui le conduit à chercher à développer ses compétences dans le domaine de l’espace.

A – La recherche par le Kazakhstan d’une diversification de ses partenariats dans le domaine spatial

Le Kazakhstan a hérité de la période soviétique une tradition spatiale, avec la base de Baïkonour, mais entretient aussi, pour les mêmes raisons historiques, une relation difficile avec la Russie dans ce domaine.

En effet, la Russie a loué le site de Baïkonour jusqu’à 2050 pour un montant de 116 millions de dollars par an. Toutefois, l’exploitation de cette base est source de frictions entre les deux pays, le Kazakhstan critiquant les dommages écologiques provoqués par la retombée sur son territoire des premiers étages des fusées et cherchant à renégocier ses accords avec la Russie. De son côté, celle-ci s’est engagée dans le déploiement d’une nouvelle base de lancement sur son propre territoire (en extrême-orient russe à Vostochniy).

Il n’est donc pas surprenant que le Kazakhstan, doté d’importants moyens financiers comme on l’a vu, cherche à développer sa propre industrie spatiale avec des partenaires autres que la Russie. À cet égard, la France, en raison du niveau de son industrie, de son statut de première puissance spatiale européenne et de son expérience dans ce domaine, constitue un partenaire de choix pour le Kazakhstan.

B – Un partenariat dont les réalisations sont d’abord industrielles

Le Kazakhstan s’est inscrit dans une logique de montée en puissance industrielle, en visant la création d’infrastructures qui lui permettraient d’être capable, à terme, de fabriquer ses propres satellites, notamment grâce à la mise en place d’un centre d’assemblage, d’intégration et de test de satellites (AIT). Pour ce faire, l’agence gouvernementale Kazkosmos, qui assume la responsabilité de l’ensemble des activités du secteur spatial, tant institutionnel qu’industriel, a recherché un partenaire pour la réalisation de deux satellites d’observation de la Terre et d’un centre AIT. C’est l’entreprise EADS Astrium qui a été choisie.

Un contrat a donc été signé le 6 octobre 2009 entre EADS-Astrium et la société d’État JSC-Kazakhstan Gharysh Sapary. Il prévoit la fourniture de deux satellites d’observation pour un montant évalué à 220 millions d’euros. Les deux partenaires ont également paraphé un accord prévoyant la construction, dans la banlieue d’Astana, du centre AIT susmentionné. Le premier satellite livré par EADS-Astrium, d’une résolution de 7 mètres, doit être lancé depuis Baïkonour, mais le second, de résolution métrique, le sera du centre spatial européen de Kourou, en Guyane française. Un contrat portant sur ce lancement par le lanceur européen Vega, exploité par la société française Arianespace, a été annoncé le 20 juin 2012, pour la mi-2014. Par ailleurs, la société Thales Alenia Space, concurrent d’Astrium, a remporté en 2011 un appel d’offres kazakh portant sur la fourniture d’un satellite de télécommunications (Kazsat-3). Ces contrats représentent donc un enjeu économique important pour l’industrie spatiale européenne – et française en particulier – et pour l’activité du centre de Kourou.

C – La volonté commune de la France et du Kazakhstan de donner un cadre à leurs relations dans le domaine spatial et de développer leur volet institutionnel

Le domaine spatial restant au Kazakhstan étroitement contrôlé par l’État, il était naturel que les relations qui s’établissaient dans ce domaine entre les deux pays, y compris au niveau d’entreprises, s’inscrivent dans un cadre intergouvernemental.

Les autorités kazakhes auraient souhaité un accord unique, qui aurait couvert les deux volets (« institutionnel » et « industriel ») de la coopération. Au cours des négociations qui se sont déroulées durant l’année 2009, la partie française a fait valoir que la situation est différente dans les deux pays : alors que l’agence publique Kazkosmos contrôle l’ensemble des activités spatiales au Kazakhstan, il n’existe pas de lien organique entre l’organisme public français chargé de l’espace, le Centre national d’études spatiales (CNES), et les entreprises telles qu’EADS. En conséquence, ce sont deux accords intergouvernementaux distincts qui ont été signés le 6 octobre 2009 :

– l’accord « relatif aux conditions de création et d’emploi d’un système spatial d’observation à distance de la Terre et d’un complexe de test et d’assemblage d’appareils spatiaux », destiné à encadrer le contrat décroché par Astrium dont il a été fait mention plus haut ;

– le présent accord, à vocation « institutionnelle » plutôt qu’« industrielle » – mais dont la rédaction « asymétrique » (certaines stipulations n’étant pas identiques pour la France et le Kazakhstan) rend compte de la différence fondamentale d’organisation des activités liées à l’espace dans les deux pays.

III – UN ACCORD DESTINÉ À FOURNIR UN CADRE À DIVERSES FORMES DE COOPÉRATION

Visant à fournir un cadre général dans lequel pourront s’inscrire différentes formes de coopération, le texte du présent accord comprend d’abord des clauses qui définissent cette coopération, puis des clauses qui la dotent d’un cadre organisationnel, enfin des clauses destinées à faciliter cette coopération en s’efforçant de régler certains problèmes de droit qu’elle pourrait poser.

A – Le champ et la forme de la coopération

L’article 1er du présent accord fixe l’objectif poursuivi : développer et renforcer la coopération scientifique et technique entre la France et le Kazakhstan « dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques », ce « sur une base d’équité et de réciprocité ». Cette formulation exclut une coopération à objet militaire dans le cadre de l’accord.

L’article 3 énumère, dans son paragraphe 1, les domaines dans lesquels une coopération que l’on appellera « institutionnelle » peut être développée :

– « la recherche scientifique appliquée au domaine spatial » ;

– « les applications spatiales et services requérant des capacités spatiales, notamment la télémédecine, l’enseignement à distance, la gestion des ressources naturelles, l’aménagement du territoire, la protection de l’environnement, la prévention et la réduction des risques naturels, la météorologie » ;

– « la formation de personnel dans le domaine des activités spatiales » ;

– « l’étude de questions juridiques liées à l’utilisation de l’espace extra atmosphérique ».

En outre, le paragraphe 2 du même article 3 pose un cadre général pour la coopération industrielle dans le domaine de l’espace – qui fait, par ailleurs, comme on l’a dit, l’objet d’un accord intergouvernemental spécifique et de contrats commerciaux. On notera que la liste ci-dessus d’activités de coopération « institutionnelle » inscrite au paragraphe 1 se garde de mentionner des activités industrielles telles que la construction et le lancement de fusées et de satellites.

La mention de la coopération industrielle au paragraphe 2 établit un chaînage avec la coopération institutionnelle et est l’occasion de rappeler formellement quelques principes, en particulier l’obligation pour les entreprises de respecter les règles nationales relatives au contrôle des exportations.

L’article 4 est relatif aux formes sous lesquelles la coopération dite institutionnelle peut être mise en œuvre :

– « échanges d’informations et de données » ;

– « échanges d’experts techniques et scientifiques ainsi que de personnels de recherche » ;

– « organisation conjointe de séminaires, de colloques et d’expositions » ;

– « élaboration et réalisation de projets conjoints ».

B – La mise en œuvre de la coopération

Viennent ensuite des stipulations portant sur les conditions de mise en œuvre de la coopération prévue.

L’article 5 du présent accord désigne les organismes compétents pour cette mise en oeuvre, à savoir respectivement le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’Agence spatiale de la République du Kazakhstan (Kazkosmos). La compétence du CNES est restreinte à la seule coopération « institutionnelle », à la différence de celle de Kazkosmos, compte tenu de l’organisation différente des deux pays que l’on a vue supra (l’exercice d’un contrôle direct de l’État sur toute l’industrie spatiale au Kazakhstan, lequel n’existe pas en France).

Larticle 6 institue un comité mixte, composé des représentants des ministères et organismes intéressés, dont le CNES et Kazkosmos. Ce comité mixte aura pour mission d’arrêter les grandes orientations de la coopération, d’examiner le bilan des activités menées et d’étudier toute question résultant de l’application du présent accord. Des groupes de travail pourront être créés sur des points particuliers. Dans le cadre de ces orientations, des « arrangements » entre les organismes compétents (le CNES et Kazkosmos) ou d’autres organismes habilités par eux détermineront les activités de coopération.

D’après les éléments recueillis après du ministère des affaires étrangères, on en serait, pour la mise en œuvre de la coopération institutionnelle, au stade de la finalisation du règlement portant création du comité mixte. Sur ce dossier, la partie française a fait valoir que la composition de ce comité ne devrait pas inclure de représentants de l’industrie, ce comité étant chargé de la coordination des seules activités de coopération institutionnelle. De manière générale, les comités mixtes créés dans le cadre d’accords de coopération spatiale sont composés de représentants des agences spatiales nationales – des représentants de laboratoires, d’organismes scientifiques ou universitaires pouvant être invités – et se réunissent une fois par an.

L’article 7 pose le principe d’une prise en charge par chacune des parties des coûts résultant de la mise en oeuvre des actions de coopération qui la concernent. S’agissant de la coopération institutionnelle, en l’absence donc des programmes industriels, les enjeux budgétaires devraient être limités.

C – Le cadre juridique de la coopération

Le présent accord pose enfin le cadre juridique de la coopération prévue, ce dans des termes là-aussi généraux et assez classiques.

Il est tout d’abord stipulé, à l’article 2, que la coopération est menée conformément à la législation et à la réglementation en vigueur dans chacun des États, au droit international et à leurs engagements internationaux.

Des dispositions plus spécifiques, à la portée plus ou moins grande, visent ensuite à faciliter la coopération prévue en réglant des problèmes de droit qui pourraient se poser.

1) Les mouvements de personnel

L’article 8 du présent accord dispose que, dans le respect de sa législation nationale, chacune des parties facilite l’entrée, le séjour et la sortie des ressortissants de l’autre qui participeront aux activités de coopération. S’agissant de l’entrée en France, dans la mesure où existent déjà un visa et une carte de séjour « scientifiques », une simple circulaire devrait suffire à faciliter la mobilité de scientifiques kazakhs dans le cadre du présent accord.

2) La propriété intellectuelle et la protection des informations et des technologies

Régissant la coopération dans une matière « sensible », le présent accord comporte des stipulations détaillées sur la propriété intellectuelle et la protection des données et des technologies. Notamment en raison de la présence importante de spécialistes russes sur le site de Baïkonour, le Kazakhstan doit en effet faire l’objet d’une certaine vigilance.

Si l’article 10 stipule que les parties signataires « encouragent l’échange d’informations et de données scientifiques et techniques pertinentes » – c’est l’objet de toute coopération scientifique… –, il précise aussi que cet échange s’effectue dans le respect de règles de confidentialité et sans que lesdites informations puissent être transmises à des tiers sans le consentement mutuel des parties.

L’article 10, ainsi que l’article 9, relatif à la « propriété intellectuelle », renvoient à une annexe, qui est partie intégrante du présent accord selon ledit article 9 et fait d’ailleurs suite au texte de l’accord lui-même.

Les dispositions de cette annexe en matière de propriété intellectuelle sont similaires à celles figurant dans l’annexe des accords intergouvernementaux de coopération spatiale en vigueur avec des pays tels que la Russie, la Chine, le Brésil, l’Algérie et l’Inde. Les grands principes en sont le respect des législations nationales et des engagements internationaux, le respect du droit d’auteur et l’élaboration commune préalable de plans de valorisation des éventuels résultats obtenus en commun.

Plus précisément :

– en matière de publications, le texte s’inspire de la conception française du droit d’auteur dans le domaine scientifique ; les documents pourront être traduits et diffusés gratuitement (sous réserve de règles de confidentialité), mais devront mentionner le nom de leur auteur ;

– en matière de résultats de recherche, dès lors qu’il s’agit de recherches « conjointes », il est disposé que les parties et organismes concernés doivent « s’efforcer » d’élaborer un plan de valorisation conjoint destiné à en tirer des avantages financiers, en prenant en compte leurs contributions respectives ;

– en cas d’échanges de personnels, ceux-ci seront soumis au régime en vigueur au sein de l’organisme d’accueil en matière de propriété intellectuelle, à l’exclusion des éventuelles primes ou redevances prévues ;

– les logiciels appartiendront à l’organisme qui les a développés, en application de sa législation nationale ; en cas de logiciels développés en commun ou cofinancés, leur régime de valorisation devra faire l’objet d’accords spécifiques.

Par ailleurs, le paragraphe 1 de l’article 12 du présent accord dispose que tous les transferts de biens, technologies et informations dans le cadre de l’accord devront s’opérer dans le respect des lois nationales applicables au contrôle à l’exportation et des engagements internationaux en la matière.

Du point de vue français, on rappellera que le régime national de contrôle des exportations d’armement (1) s’étend potentiellement à certains biens liés aux activités spatiales. Il en est ainsi, par exemple, pour les satellites d’observation ayant un certain niveau de résolution ou des technologies utilisées pour les lanceurs civils, analogues ou proches de celles utilisées dans le domaine balistique. Au demeurant, d’après les informations recueillies auprès du ministère des affaires étrangères, des discussions se poursuivent avec les autorités kazakhes quant à des restrictions à la diffusion à des tiers de certaines images qui seront issues du satellite d’observation à très haute résolution inscrit dans le contrat de 2009 avec Astrium dont il a été fait mention supra. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre le paragraphe 2 du présent article 12, selon lequel la protection des biens et technologies mis en œuvre dans le cadre de la coopération dite industrielle pourra faire l’objet d’accords distincts.

Quant aux engagements internationaux en la matière, il s’agit d’instruments non contraignants auxquels la France est partie, tels que le Régime de contrôle de la technologie des missiles, dit MTCR, créé en 1987, le Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques, dit HCOC (2002), ou encore l’Arrangement de Wassenaar sur le contrôle des exportations d’armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage (1996). Le préambule du présent accord y fait également référence en rappelant les engagements respectifs des parties « en matière de non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, ainsi que de contrôle des exportations ».

3) La responsabilité

L’article 11 du présent accord pose le principe de la renonciation mutuelle des parties (les États) et des organismes compétents (CNES et Kazkosmos) à exercer des recours en responsabilité entre eux pour tout dommage occasionné à leur personnel ou leurs biens.

Cette clause de renonciation comporte cependant d’importantes exceptions, motivées par la gravité de certains faits (atteintes aux personnes physiques, faute intentionnelle ou « lourde », « négligence grave ») ou la sensibilité de certaines matières – la propriété intellectuelle est ainsi exclue de l’exemption de responsabilité. Plus généralement, cette renonciation aux recours ne saurait concerner que les deux États et leurs organismes sous contrôle ; des tiers (personnes, entreprises…) ne peuvent être engagés.

Enfin, l’article 11 prévoit, en cas de cessation d’effet du présent accord, le maintien des droits et obligations nés des programmes et projets en cours entrepris dans son cadre.

4) Le régime douanier applicable

L’article 13 du présent accord stipule que, dans le respect de leur législation respective, les parties prennent des mesures pour exempter de droits de douane et taxes les biens et services indispensables à la mise en oeuvre de leur coopération. Pour ce qui est de la France, cet engagement ne porte que sur la coopération institutionnelle, alors que, pour ce qui est du Kazakhstan, il couvre aussi la coopération industrielle et devrait donc également bénéficier, notamment, aux importations effectuées dans le cadre du contrat (voir supra) avec Astrium – on retrouve là l’asymétrie des clauses qui caractérise le présent accord.

Ces mesures douanières doivent être prises dans le cadre des législations nationales selon l’accord. Bien que, concernant la France, l’essentiel des règles douanières soit du niveau communautaire, l’exemption de droits prévue devrait pouvoir être mise en œuvre, car le droit national et le droit communautaire comportent déjà des dispositions applicables aux cas de cette nature : d’une part, des régimes suspensifs (admission temporaire, perfectionnement actif, exportation temporaire...) principalement en cas d’importation temporaire ; d’autre part, en application du d) de l’article 128 du règlement communautaire n°1186/2009 du 16 novembre 2009, une reconnaissance générale des « franchises relevant des privilèges et immunités d’usage accordés dans le cadre d’accords de coopération culturelle, scientifique ou technique conclus avec des pays tiers ».

5) Les stipulations finales

Le présent accord comporte enfin deux dispositions finales classiques :

– l’article 14, relatif au règlement des différends éventuels, ne désigne pas d’instance d’arbitrage, mais prévoit simplement que ces différends devront être réglés à l’amiable, ou par voie de consultations ou de négociations bilatérales ;

– l’article 15 stipule que l’accord entre en vigueur, pour une durée de cinq années tacitement reconductible, à partir du premier jour du mois suivant la date de réception de la dernière notification de l’accomplissement des procédures internes de ratification par chacun des deux États. Il est à noter que les autorités françaises ont accusé réception de la notification par le Kazakhstan de l’accomplissement de ses procédures internes le 20 juillet 2010. La ratification de l’accord par le Parlement français permettra donc son entrée en vigueur.

Il est enfin précisé qu’en cas de dénonciation de l’accord par l’une des parties, celle-ci prend effet au terme d’un préavis de six mois.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 18 juillet 2012 à 16 heures 15.

Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.

M. Jean-Pierre Dufau. L’intérêt de cet accord n’échappe à personne, tant en ce qui concerne la recherche que ses aspects techniques ou commerciaux. Le Kazakhstan développe une politique d’ouverture, notamment avec l’OSCE et avec les pays développés, pour sortir de sa spécificité originelle sur Baïkonour. D’autres accords identiques sont-ils signés avec d’autres pays et si oui, lesquels ? L’accord se limite-t-il à la base de Baïkonour ou va-t-il plus loin, comme avec les bases françaises que nous avons sur d’autres territoires ?

M. Jean-Paul Dupré. Nous avons conscience de l’importance du Kazakhstan compte tenu de son positionnement géographique et de sa superficie. Quel est son degré de fiabilité, quant aux questions de gouvernance intérieure ? Est-il politiquement stable et quel est l’espoir de voir appliqué cet accord ?

M. Jean-Claude Guibal. Une question sur les aspects budgétaires et financiers pour savoir quelles sont les conséquences budgétaires de l’accord et les volumes financiers.

Mme Odile Saugues, rapporteure. M. Jean-Paul Dufau a parlé de politique d’ouverture ; il y a d’autres accords, effectivement, avec la Chine, le Brésil, l’Inde et la Russie. L’accord ne détermine pas d’autres bases pour la France. Quant à la question de la stabilité politique soulevée par M. Jean-Paul Dupré, je renvoie simplement au fait que le Président Nazarbaiev est au pouvoir depuis très longtemps… La question de l’incidence budgétaire ne se pose pas, il s’agit d’un accord institutionnel et les industriels ne dépendent pas de l’Etat en France, même si c’est sans doute différent au Kazakhstan.

M. Jean-Paul Dupré. Ma question portait sur la fiabilité démocratique…

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Si l’on devait restreindre nos conventions internationales aux seuls pays démocratiques, nous n’en conclurions pas beaucoup…

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 6).

*

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (ensemble une annexe), signé à Astana, le 6 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 6).

© Assemblée nationale

1 () Issu d’un décret-loi du 18 avril 1939, ce régime prohibe les exportations d’armement, sauf autorisation administrative préalable.