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N° 243

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LES ARTICLES 1er à 5 ; ARTICLE 7 BIS B (nouveau) ; ARTICLE 8 ; ARTICLE 9 ; ARTICLE 10 ; ARTICLE 11 ; ARTICLE 11 BIS (nouveau) ; ARTICLE 11 TER (nouveau) DU PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT (N° 233), APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer,

PAR M. Bernard LESTERLIN,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 751, 779, 780, 781 et T.A. 144 (2011-2012).

INTRODUCTION 5

I. FACE À LA VIE CHÈRE QUI FRAGILISE LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET LA COHÉSION SOCIALE DES OUTRE-MER… 5

A. DES PRIX À LA CONSOMMATION PLUS ÉLEVÉS DANS LES OUTRE-MER QU’EN MÉTROPOLE POUR UN REVENU DISPONIBLE BIEN INFÉRIEUR… 6

1. Des prix à la consommation sensiblement plus élevés outre-mer qu’en métropole… 6

2. …alors que le revenu disponible des ménages y est plus d’un tiers inférieur 8

B. … EN RAISON DU DÉFICIT STRUCTUREL DE CONCURRENCE DANS LES ÉCONOMIES ULTRA-MARINES 9

1. Des économies insulaires aux marchés étroits… 9

2. …en proie aux dérives monopolistiques et oligopolistiques 10

II. … IL FAUT RENDRE LES ÉCONOMIES ULTRAMARINES PLUS DYNAMIQUES AU BÉNÉFICE DE TOUS LES CONSOMMATEURS 12

A. RESTAURER LE JEU CONCURRENTIEL POUR FAIRE BAISSER LES PRIX 13

B. CONSOLIDER LA LÉGISLATION APPLICABLE DANS LES OUTRE-MER 14

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT 15

D. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS 17

DISCUSSION GÉNÉRALE 19

EXAMEN DES ARTICLES 21

Chapitre Ier – Dispositions relatives à la régulation économique outre-mer 21

Article 1er (art. L. 410-3 [nouveau] du code de commerce): Réglementation par décret du fonctionnement des marchés de gros dans les outre-mer 21

Article 2 (art. L. 420-2-1 [nouveau], L. 420-3 et 420-4 du code de commerce) : Interdiction, dans les outre-mer, des clauses accordant des droits exclusifs d’importation non justifiés par l’intérêt des consommateurs 24

Article 2 bis (art. L. 450-5, L. 462-3, L. 462-6, L. 464-2 et L. 464-9 du code de commerce) : Dispositions de conséquence des articles 1er et 2 26

Article 3 (art. L. 462-5 du code de commerce) : Faculté pour les collectivités territoriales ultra-marines de saisir l’Autorité de la concurrence 28

Article 4 (art. L. 430-2 du code de commerce) : Abaissement à 5 millions d’euros du seuil de notification des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer 30

Article 5 (art. L. 752-7 [nouveau] du code de commerce) : Attribution à l’Autorité de la concurrence d’un pouvoir d’injonction structurelle en cas de préoccupations de concurrence dans le secteur du commerce de détail en outre-mer 32

Article 7 bis B : Mise en place d’un comité de suivi chargé de l’évaluation de l’application du présent projet de loi 39

Chapitre II – Dispositions relatives à l’Outre-mer 41

Article 8 (art. L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales) : Suppression de l’obligation de participation financière minimale des collectivités d’outre-mer aux opérations d’investissement dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage 42

Article 9 : Habilitation du Gouvernement à modifier l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte 45

Article 9 bis (nouveau) : Habilitation du Gouvernement à étendre et adapter en Nouvelle-Calédonie plusieurs dispositions législatives en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial 51

Article 10 : Homologation des peines d’emprisonnements prévues dans la réglementation applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française 52

Article 11 : Ratification d’ordonnances relatives à l’outre-mer 55

Article 11 bis (art. L. 123-6 du code de commerce) : Transfert de la gestion du registre du commerce et des sociétés aux chambres de commerce et d’industrie dans les départements d’outre-mer 58

Article 11 ter (art. L. 123-6 du code de commerce) : Transfert de la gestion du registre du commerce et des sociétés à la chambre économique multiprofessionnelle à Saint-Barthélemy 60

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 63

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 65

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 67

Mesdames, Messieurs,

Alors que la France et plus largement l’Europe font face à l’une des crises économiques et financières les plus profondes de l’après-guerre, la situation économique et sociale de nos outre-mer est plus que jamais fragile. Depuis plusieurs années, la vie des départements et collectivités d’outre-mer est régulièrement émaillée par des mouvements sociaux de grande ampleur, qui ont tous en commun la protestation contre la vie chère. Ce fut le cas dans l’ensemble des départements d’outre-mer en 2009, puis à La Réunion en 2010 et à Mayotte en 2011.

De l’expression de ce large mécontentement, le Gouvernement a tiré la conviction qu’il est indispensable de soutenir le développement économique de nos départements et collectivités d’outre-mer. Tel est l’objet du présent projet de loi adopté en première lecture par le Sénat le 28 septembre 2012. Il a vocation à améliorer les conditions de vie de nos concitoyens outre-mer et regroupe, dans cette perspective, deux séries de dispositions : la première concernant la restauration du libre jeu concurrentiel dans les outre-mer, afin de permettre une baisse effective des prix à la consommation ; la seconde relative à la consolidation de la législation applicable outre-mer.

I. FACE À LA VIE CHÈRE QUI FRAGILISE LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET LA COHÉSION SOCIALE DES OUTRE-MER…

Comme le rappelle l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi, les données du problème auquel sont confrontés les départements et collectivités d’outre-mer peuvent être résumées ainsi : alors que les produits alimentaires sont entre 30 et 50 % plus chers outre-mer qu’en métropole, le revenu disponible des ménages y est inférieur de 35 % en moyenne (A). Cette situation s’explique notamment par l’étroitesse des marchés de ces économies insulaires (1), qui favorise les dérives monopolistiques et oligopolistiques (B).

A. DES PRIX À LA CONSOMMATION PLUS ÉLEVÉS DANS LES OUTRE-MER QU’EN MÉTROPOLE POUR UN REVENU DISPONIBLE BIEN INFÉRIEUR…

Alors que le revenu disponible des ménages dans les départements et collectivités d’outre-mer est plus d’un tiers inférieur à celui des ménages en métropole, les prix à la consommation y sont, dans le même temps, bien plus élevés.

1. Des prix à la consommation sensiblement plus élevés outre-mer qu’en métropole…

Dans les départements d’outre-mer, les prix des biens de consommation, qui ne sont pas réglementés à l’exception des carburants (cf. infra), sont bien supérieurs aux prix observés en métropole. En effet, dans son avis du 8 septembre 2009 (2), l’Autorité de la Concurrence indique qu’à partir des relevés effectués par la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes sur un échantillon de 100 produits importés de métropole dans les départements d’outre-mer – à l’exclusion de Mayotte (3) –, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassaient 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés.

L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a, pour sa part, réalisé en 2010 une étude comparative (4) confirmant que le niveau général des prix dans les départements d’outre-mer – à l’exception là encore de Mayotte – était en moyenne de 6 à 13 % supérieurs à celui observé en métropole. La majeure partie de ces différentiels de prix est imputable aux écarts de prix particulièrement marqués pour les produits alimentaires.

ÉCARTS DE PRIX ENTRE LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER
ET LA MÉTROPOLE EN MARS 2010

 

Écarts de prix moyen DOM/métropole

Écarts de prix DOM/métropole pour les produits alimentaires

Martinique

9,7 %

29 %

Guadeloupe

8,3 %

22 %

Guyane

13 %

38,5 %

La Réunion

6,2 %

24 %

Dans cette étude, l’INSEE a également mis en évidence que depuis 1985, les écarts de prix – hors loyer – sont restés stables, attestant du caractère structurel des différentiels de prix entre les départements d’outre-mer et la métropole.

À l’inverse des départements ultramarins, les collectivités d’outre-mer bénéficient aujourd’hui d’une réglementation des prix, dont les modalités varient suivant les territoires, mais qui concerne de manière générale les produits énergétiques ainsi que les biens de première nécessité ou de grande consommation. On notera ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, le décret n° 88-1048 du 17 novembre 1988 définit la liste des produits – notamment le fioul domestique ainsi que les carburants pour véhicules privés et professionnels – dont les prix sont fixés par arrêté préfectoral.

La réglementation des prix est légèrement différente à Wallis-et-Futuna, où la marge de commercialisation maximum pour les marchandises importées ne peut excéder 50 %, à l’exception d’une liste limitative d’une cinquantaine de produits de première nécessité – alimentation essentiellement – et de grande consommation. Seuls les articles de quincaillerie, de luxe, les nouveautés et pièces détachées applicables à l’automobile, aux véhicules et aux cycles restent dans le secteur libre des prix.

L’article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie attribue au gouvernement local une compétence en matière de réglementation des prix et d’organisation des marchés, sous réserve de la compétence des provinces en matière d’urbanisme commercial. Sur la base de cette compétence, certains produits, qu’ils soient locaux ou importés, ainsi que certaines prestations de services sont aujourd’hui soumis à un régime de contrôle des prix, qui peut prendre la forme soit de la fixation du prix lui-même, soit de l’imposition d’une majoration, soit de la définition d’une marge bénéficiaire maximale.

En dépit des différentes réglementations destinées à maîtriser le coût de la vie dans ces territoires, celui-ci demeure plus élevé dans les collectivités d’outre-mer qu’en métropole. En effet, comme le souligne l’étude d’impact, « la hausse des prix à la consommation dans les collectivités d’outre-mer françaises est généralement plus élevée que celle en métropole, même si l’écart est souvent modeste ». Ce sont les premiers postes de dépenses des ménages des collectivités d’outre-mer qui sont frappés par la hausse des prix, posant ainsi avec acuité la question du pouvoir d’achat dans ces territoires. Les produits énergétiques – comme l’électricité, le carburant et le fioul domestique – ainsi que l’alimentation – notamment les produits frais – sont ainsi les plus touchés, lorsque l’indice des prix à la consommation croît.

Le coût de la vie dans les collectivités d’outre-mer, qui y est plus élevé qu’en métropole, s’explique également par les fluctuations monétaires : lorsque l’euro se déprécie par rapport aux autres monnaies du Pacifique – dollars australien et néo-zélandais notamment – ou bien avec le dollar canadien, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, les îles Wallis-et-Futuna ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon doivent alors faire face à un phénomène d’inflation importée.

2. …alors que le revenu disponible des ménages y est plus d’un tiers inférieur

Aux prix structurellement plus élevés dans les outre-mer, vient s’ajouter une nouvelle inégalité avec la métropole, celle des revenus. Ces derniers sont bien inférieurs dans les départements comme les collectivités d’outre-mer à ceux observés en métropole.

S’agissant en premier lieu des départements d’outre-mer – à l’exclusion de Mayotte –, l’INSEE a mis en évidence que le revenu médian des ménages y est, en moyenne, inférieur de 38 % par rapport à celui des ménages vivant en métropole (5). Il s’établissait ainsi, en 2006, à 9 552 euros dans les départements d’outre-mer, contre 15 372 euros en métropole.

Les données recueillies par la direction générale des finances publiques montrent également que les foyers fiscaux aux revenus très faibles occupent une part plus importante dans les départements d’outre-mer qu’en métropole. Ainsi, la moitié des foyers fiscaux vivant dans les départements ultramarins déclaraient, en 2008, un revenu annuel inférieur à 9 400 euros, contre le quart des foyers fiscaux seulement en métropole.

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

DOM

Métropole

0 € à 9 000 €

51,8 %

47 %

53 %

50,5 %

50,2 %

24,2 %

Source : DGFIP, in Rapports annuels IEDOM 2010.

S’agissant en second lieu des collectivités d’outre-mer, les inégalités de revenus et de richesses y sont deux fois plus importantes qu’en métropole.

Ainsi en est-il en Nouvelle-Calédonie, où le taux de pauvreté atteint 17 % de la population – soit 53 000 personnes –, contre 13 % en métropole. Le rapport inter-décile, qui mesure l’écart entre les 10 % de foyers fiscaux les plus riches et les 10 % des foyers fiscaux les plus modestes, y est de 7,9, contre 3,6 en métropole, attestant ainsi de l’existence d’inégalités deux fois plus fortes en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole.

Saint-Martin n’échappe pas non plus à ces inégalités de revenus, dans la mesure où deux tiers des foyers fiscaux de cette collectivité touchent moins de 9 400 euros par an, contre seulement un quart des foyers fiscaux en métropole.

Sans qu’il soit nécessaire de multiplier davantage les exemples, il est indispensable d’identifier les facteurs à l’origine des inégalités de prix et de revenus constatées entre les départements et collectivités d’outre-mer, d’une part, et la métropole, d’autre part. Cette situation s’explique notamment par le déficit structurel de concurrence dans les économies ultra-marines.

B. … EN RAISON DU DÉFICIT STRUCTUREL DE CONCURRENCE DANS LES ÉCONOMIES ULTRA-MARINES

Alors que les départements et collectivités d’outre-mer doivent faire face à des difficultés d’approvisionnement liées à leur éloignement de la métropole ainsi qu’à de moindres débouchés en raison d’étroitesse de ces marchés insulaires, il n’est pas rare que, dans ces territoires, les entreprises, par leurs pratiques commerciales, ne restreignent le libre jeu de la concurrence et pénalisent in fine les consommateurs d’outre-mer.

1. Des économies insulaires aux marchés étroits…

« Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de la Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions, y compris les politiques communes. » C’est par ces termes que l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne résume les entraves structurelles au développement économique des outre-mer.

À l’éloignement géographique de la métropole, où sont par ailleurs situés les principaux partenaires commerciaux, vient s’ajouter l’insularité, laquelle rend ces territoires accessibles uniquement par voie maritime ou aérienne, impliquant par là même des coûts de transport plus importants.

La faible superficie des départements et collectivités d’outre-mer, qui se caractérisent de surcroît par des climats difficiles et des risques naturels élevés nécessitant des technologies adaptées et parfois difficiles à rentabiliser, ne permet pas davantage d’offrir une demande intérieure suffisante pour atteindre les seuils de rentabilité.

L’étroitesse de ces marchés insulaires, conséquence directe des diverses caractéristiques géographiques précitées, n’est pas sans incidence sur l’économie des départements et collectivités d’outre-mer, qui reste particulièrement fragile. En effet, le produit intérieur brut par habitant, dans les outre-mer compris au sens large, est globalement inférieur à celui de la métropole. En 2009, il s’établissait en moyenne à 16 868 euros par habitant dans les outre-mer (6), contre 29 897 euros par habitant en métropole.

En raison de l’étroitesse de leurs marchés domestiques, les outre-mer se caractérisent également par une balance commerciale largement et structurellement déficitaire. Ainsi, le taux de couverture, qui mesure le rapport entre les exportations et les importations de biens et services, y est particulièrement faible. Il n’était, en 2010, que de 2,7 % pour Mayotte, 6,6 % pour la Réunion et de 7 % pour la Guadeloupe.

En définitive, la rareté des ressources à la disposition des outre-mer ainsi que l’ensemble des caractéristiques géographiques et naturelles propres à ces territoires limitent fortement les possibilités de diversification de production et sont autant d’entraves potentielles au libre jeu de la concurrence.

2. …en proie aux dérives monopolistiques et oligopolistiques

Comme l’a indiqué l’Autorité de la concurrence dans son étude sur la concurrence outre-mer, « derrière les écarts importants des prix à la consommation par rapport à la métropole, le véritable problème des départements [et collectivités] d’outre-mer est bien lié à un déficit de concurrence » (7).

En effet, les économies insulaires des outre-mer donnent lieu à deux types d’organisation de marchés qui affectent les conditions d’une concurrence saine, à savoir des monopoles ou oligopoles liés :

—  d’une part, à l’étroitesse des marchés : l’insuffisance de la demande intérieure et la rareté du foncier commercial très onéreux se traduisent par la présence d’un nombre limité d’acteurs sur un même marché (grande distribution, transports, carburants…), ce qui facilite les concentrations dites horizontales ;

—  d’autre part, aux réseaux d’acheminement : on assiste à une très forte intégration des opérateurs économiques aux différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement (fret, grossistes et importateurs, stockage, distribution…), ce qui facilite en retour les concentrations de type vertical.

Sur la base de ces deux facteurs combinés, les dérives monopolistiques et oligopolistiques dans les départements et collectivités d’outre-mer s’observent principalement dans trois secteurs : grande distribution, carburants et télécoms.

S’agissant en premier lieu du secteur de la grande distribution, notamment alimentaire, on doit reconnaître qu’il se caractérise aujourd’hui par un niveau élevé de concentration, l’Autorité de la concurrence indiquant que « certains groupes détiennent des parts de marché en surfaces commerciales supérieures à 40 %, soit sur la totalité du département [ou de la collectivité] concerné, soit sur une ou plusieurs zones de chalandise » (8). Forts de cette concentration, les opérateurs économiques ont une faible incitation à mettre en rayon les marques de distributeurs ou à répercuter les marges arrière, c’est-à-dire les efforts commerciaux consentis par les fournisseurs, dans le prix de revente au consommateur ultra-marin.

À ces pratiques régulièrement et légitimement dénoncées par l’Autorité de la concurrence (9), vient s’ajouter l’existence fréquente d’exclusivités territoriales : « en liant les fabricants et les importateurs, elles sont susceptibles, par leur nombre et leurs modalités, d’entraver la capacité des distributeurs à choisir l’importateur-grossiste le moins cher, voire à se fournir directement en métropole auprès des industriels » (10). De telles exclusivités ne sont pas sans conséquence sur le niveau élevé des prix à la consommation dans les outre-mer (cf. supra).

S’agissant en deuxième lieu du marché des carburants, ce dernier déroge, dans les départements d’outre-mer, au principe général de la liberté des prix instauré par l’ordonnance du 1er décembre 1986 (11) et codifié à l’article L. 410-2 du code de commerce (12). La réglementation des prix de détail des carburants outre-mer repose sur la fixation par le Gouvernement de plafonds destinés à éviter que l’insuffisance de concurrence sur l’approvisionnement ne conduise à une dérive des prix à la pompe.

Or, ces prix plafond ont en réalité fonctionné comme des prix uniques imposés supprimant toute incitation aux détaillants pour pratiquer un prix inférieur. L’impossibilité pour chaque détaillant d’adapter ses prix de détail à ses contraintes économiques propres a conduit à demander périodiquement des revalorisations générales qui ont profité à tous. Ce système a ainsi créé des rentes au profit des points de vente les mieux placés et les plus rémunérateurs, une partie de ces profits étant reversée aux pétroliers propriétaires des fonds de commerce mis en gérance.

Cette réglementation des prix des carburants n’a pas empêché la dérive des prix de détail. On notera ainsi que, selon les départements concernés, les marges totales de distribution ont augmenté de 20 à 77 % entre 2001 et 2009. Si la modération fiscale des collectivités ultra-marine a permis in fine de maintenir les prix de détail du carburant à un niveau proche de celui observé en métropole, elle a nécessité de compenser les recettes manquantes par l’octroi de mer, lequel frappe les produits de grande consommation acheminés depuis la métropole ou l’étranger.

S’agissant enfin du secteur des télécoms, ce ne sont pas moins de 90 millions d’euros de sanctions pécuniaires que l’Autorité de la concurrence a infligés, depuis 2008, aux opérateurs de ce secteur, ayant abusé outre-mer de leur position dominante pour évincer leurs concurrents et ce, au détriment des consommateurs. Comme le note l’Autorité de la concurrence, « les pratiques sont variées : discriminations entre les consommateurs selon leur prestataire de téléphonie mobile, fixation de prix excessifs sur le marché de gros ou pour la location de câbles sous-marins qui se sont répercutés sur les prix de détail, fourniture de services de qualité insuffisante sans crainte que les abonnés ne s’adressent à la concurrence du fait de pratiques fidélisantes et de clauses d’exclusivité… » (13).

La concurrence, dont le déficit structurel entrave aujourd’hui le bon fonctionnement des économies ultra-marines, constitue une réelle opportunité pour le développement économique de nos outre-mer, comme l’a rappelé le ministre des Outre-mer, M. Victorin Lurel, lors de son audition par votre Commission, le 19 juillet 2012 : « La concurrence doit être libre et non faussée ; elle doit jouer davantage, sous le contrôle d’une autorité indépendante ». L’Autorité de la concurrence ne dit pas autre chose lorsqu’elle souligne que « face aux difficultés et, encore trop souvent, aux cartels et aux abus, les départements [et collectivités] d’outre-mer ont une carte à jouer : la concurrence, qui peut aider à rendre l’économie plus dynamique et plus productrice de richesses, au bénéfice de tous les consommateurs » (14).

II. … IL FAUT RENDRE LES ÉCONOMIES ULTRAMARINES PLUS DYNAMIQUES AU BÉNÉFICE DE TOUS LES CONSOMMATEURS

« Jusqu’ici, l’État s’était engagé à accroître le nombre de fonctionnaires de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et à créer des observatoires des prix afin de contrôler les marges et les prix. (…) Pour notre part, nous souhaitons plutôt engager de véritables réformes structurelles (…) [destinées] à créer de la concurrence, à faire tomber les barrières à l’entrée et à interdire certaines exclusivités ». Ces mots, prononcés par le ministre des Outre-mer, M. Victorin Lurel, devant votre Commission, le 19 juillet 2012, résument à eux seuls toute l’ambition qui anime le présent projet de loi.

Celui-ci a vocation à améliorer les conditions de vie de nos concitoyens outre-mer et regroupe, dans cette perspective, deux séries de dispositions : la première concernant la restauration du libre jeu de la concurrence outre-mer, afin de permettre une baisse effective des prix à la consommation (A) ; la seconde relative à la consolidation de la législation application outre-mer (B). Si le Sénat a d’ores et déjà enrichi et complété le présent texte à de nombreux égards (C), votre rapporteur pour avis estime cependant souhaitable que de nouvelles améliorations lui soient apportées (D).

A. RESTAURER LE JEU CONCURRENTIEL POUR FAIRE BAISSER LES PRIX

Si votre Commission a fait le choix de se saisir pour avis des seuls articles relevant de son domaine de compétences (15), votre rapporteur tient à présenter les principales mesures contenues dans le présent projet de loi.

Les dispositions du chapitre Ier du projet de loi visent à restaurer le jeu de la concurrence dans les économies ultramarines, afin d’y faire baisser les prix.

L’article 1er prévoit ainsi d’autoriser le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros en matière d’accès à ces marchés, de loyauté des transactions, de marges des opérateurs et de protection des consommateurs, dans les secteurs où le libre jeu de la concurrence est entravé. En cas de violation des règles édictées, l’Autorité de la concurrence pourra prononcer des injonctions et infliger des sanctions pécuniaires.

L’article 2 vise à interdire les clauses des contrats commerciaux qui ont pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à un opérateur, sauf lorsqu’elles sont justifiées par des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique au bénéfice des consommateurs. Il s’appliquera aux contrats et pratiques en cours (en application de l’article 12 du projet de loi initial, dont les dispositions ont été transférées par le Sénat à l’article 2).

L’article 3 du projet de loi permet aux régions d’outre-mer et aux autres collectivités d’outre-mer détenant une compétence économique, comme le département de Mayotte, de saisir l’Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles qui concernent leur territoire respectif.

L’article 4 du texte abaisse de 7,5 millions d’euros à 5 millions d’euros le seuil prévu pour le contrôle des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer, afin de contrôler la plupart des opérations portant sur des surfaces de vente supérieures à 600 mètres carrés.

L’article 5 confère à l’Autorité de la concurrence un pouvoir d’« injonction structurelle » en matière de commerce de détail, pour l’outre-mer, en cas de position dominante détenue par une entreprise ou un groupe d’entreprises soulevant des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges abusifs. Cette disposition s’inspire de l’injonction structurelle déjà prévue par l’article L. 752-26 du code de commerce.

L’article 6 prévoit de mettre à jour le code des postes et communications électroniques afin de tenir compte de l’abrogation du règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de la Communauté, auquel le règlement (UE) n° 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union s’est substitué.

L’article 7 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à étendre, avec les adaptations nécessaires, les modifications législatives intervenues au livre IV du code de commerce depuis le 18 septembre 2000.

B. CONSOLIDER LA LÉGISLATION APPLICABLE DANS LES OUTRE-MER

En second lieu, les dispositions contenues dans le chapitre II du présent projet de loi poursuivent un double objectif.

Il s’agit, en premier lieu, de poursuivre l’extension de la législation dans les départements d’outre-mer, et plus particulièrement à Mayotte, dans le cadre de la mise en place du département de Mayotte depuis le 31 mars 2011 et l’accession de celui-ci au statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne, à compter du 1er janvier 2014.

L’article 9 habilite ainsi le Gouvernement à étendre et à adapter, par voie d’ordonnance, la législation de droit commun relative à l’adoption, à l’allocation personnalisée d’autonomie et à la prestation de compensation du handicap, celle de la couverture des risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité et accidents du travail, aux prestations familiales, celle relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle et, enfin, celle relative à l’entrée et au séjour des étrangers à Mayotte. Cette dernière habilitation, relative à l’entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, est rendue nécessaire par l’accès de Mayotte au statut de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, ce changement de statut nécessitant une reprise de l’acquis communautaire en matière de droit de l’entrée et du séjour des étrangers.

Au-delà des habilitations conférées en amont au Gouvernement pour étendre la législation dans le département de Mayotte, l’article 11 procède, en aval, à la ratification de vingt-six ordonnances, donc cinq sont prises en application de l’article 74-1 de la Constitution et vingt-et-une en application de l’article 38 de la Constitution. Sur ces vingt-six ordonnances, sept relèvent de la compétence de votre Commission (cf. commentaire de l’article 11).

Il s’agit, en second lieu, de mettre en œuvre des dispositifs propres aux départements et aux collectivités d’outre-mer.

Dans cette perspective, l’article 8 exonère les départements d’outre-mer ainsi que les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de l’application des dispositions prévues par l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, lequel oblige actuellement les collectivités territoriales ou leurs groupements à financer au moins 20 % des projets d’investissement, dont ils assurent la maîtrise d’ouvrage. En effet, l’application de ce principe aux territoires ultramarins pénalise fortement leurs projets d’investissement, compte tenu de leurs difficultés budgétaires chroniques et de leurs besoins d’équipements sensiblement plus élevés qu’en métropole.

L’article 10 vise, pour sa part, à homologuer les peines d’emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française. En effet les statuts respectifs de ces deux collectivités ultramarines les autorisent à assortir la sanction des infractions instituées par elles dans leurs domaines de compétence par de telles peines d’emprisonnement, sous réserve d’une part de respecter l’échelle des peines et d’autre part de ne pas excéder les peines prévues dans le droit commun.

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

Le Sénat a apporté plusieurs modifications importantes au chapitre Ier du projet de loi.

À l’article 1er, il a ajouté, à l’initiative de sa commission des Affaires économiques, que les mesures de réglementation des marchés de gros pourront porter sur la « gestion de facilités essentielles » (c’est-à-dire des installations ou des infrastructures indispensables pour assurer la liaison avec les clients et/ou permettre à des concurrents d’exercer leurs activités et qu’il serait impossible de reproduire par des moyens raisonnables), afin de tenir compte des particularités du secteur des carburants dans les départements d’outre-mer, notamment à La Réunion.

À l’article 2, la commission des Affaires économiques du Sénat a précisé que les clauses accordant des droits exclusifs d’importation non justifiés par l’intérêt des consommateurs seront frappées de nullité. Elle a également transféré aux entreprises la charge de la preuve de l’intérêt pour les consommateurs de ces clauses et a remplacé le terme « contrats commerciaux » par « accord » afin de couvrir toutes les situations de fait résultant d’un concours de volonté de deux opérateurs économiques, même non formalisés dans un contrat commercial.

Le Sénat a également regroupé les dispositions de conséquences découlant des articles 1er et 2 dans un nouvel article 2 bis, et a modifié ou complété certaines d’entre elles.

À l’article 3, le Sénat a étendu les possibilités de saisine de l’Autorité de la concurrence par les collectivités ultra-marines aux pratiques contraires aux mesures de réglementation des marchés de gros prévues à l’article 1er du présent projet.

À l’article 5, le cadre d’intervention de l’Autorité de la concurrence au regard de son pouvoir d’injonction structurelle a été précisé, les termes « prix ou marges abusifs » ayant été remplacés par ceux de « prix abusifs ou de marges élevées, que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique, en comparaison des moyennes du secteur ». Par ailleurs, le Sénat a modifié cet article afin de permettre à l’Autorité de la concurrence d’enjoindre la cession d’« actifs » et non de « surfaces », car certains groupes ne sont pas propriétaires de leurs surfaces. Enfin, il a rendu la cour d’appel de Paris compétence pour connaître des recours contre les décisions prises par l’Autorité de la concurrence au titre de ce nouveau pouvoir d’injonction structurelle.

Le Sénat a ajouté un nouvel article 6 bis, issu d’un amendement du Gouvernement. Cette nouvelle disposition réécrit l’article 1er de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). Elle prévoit la négociation, dans chaque collectivité ultramarine et chaque année, d’un accord de modération du prix global d’une liste de produits de grande consommation. En cas d’échec de cette négociation, le préfet pourra arrêter les modalités d’encadrement du prix de ces produits.

Enfin, le Sénat a complété le chapitre Ier du présent projet de loi par un nouvel article 7 bis B qui, issu de l’adoption d’un amendement de Mme Aline Archimbaud, crée un comité de suivi chargé d’évaluer l’application du présent projet de loi, à l’issue de son adoption. Il sera composé de représentants du Gouvernement, de parlementaires, d’élus, d’associations et de syndicats locaux.

Le Sénat a également modifié le chapitre II du présent projet de loi mais ce, de manière ponctuelle et résiduelle.

À l’initiative de sa commission des Lois et de son rapporteur pour avis, M. Thani Mohamed Soilihi, le Sénat a complété le 1° de l’article 9 afin de préciser que l’habilitation conférée au Gouvernement aux fins de modifier l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte devra avoir pour objet de mettre en œuvre un nouveau visa applicable à Mayotte, plus adapté aux contraintes issues de la pression migratoire.

À l’article 10, le Sénat, toujours à l’initiative de sa commission des Lois, a adopté un amendement corrigeant quelques imprécisions et permettant l’homologation de la peine prévue en vertu de l’article 15 de la délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie n° 51/CP du 20 avril 2011 relative à la définition des aires protégées dans l’espace maritime de la Nouvelle-Calédonie et sur les îles appartenant à son domaine public, peine en attente d’homologation qui n’avait pas été prise en compte par le projet de loi initial déposé par le Gouvernement.

À l’article 11, l’adoption en séance publique d’un amendement du rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois du Sénat a entendu mettre fin, à titre conservatoire, à l’extension à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française des dispositions de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires. En effet, si la Polynésie française comme la Nouvelle-Calédonie sont toutes deux compétentes en matière de procédure civile, l’État demeurant compétent en matière d’organisation judiciaire, la question se pose de savoir si les règles relatives aux experts judiciaires relèvent de la procédure civile ou de l’organisation judiciaire.

Enfin, le Sénat a complété le chapitre II du présent projet de loi par deux nouveaux articles 11 bis et 11 ter qui, issus de l’adoption en séance publique d’amendements de MM. Michel Vergoz et Michel Magras, ont pour objet de transférer la gestion du registre du commerce et des sociétés aux chambres de commerce et d’industrie dans les départements d’outre-mer et à la chambre économique multiprofessionnelle à Saint-Barthélemy.

D. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS

Votre rapporteur pour avis se félicite du dépôt et de l’examen, en ce début de législature, du présent projet de loi. Celui-ci met en place des outils novateurs pour combattre efficacement le problème de la vie chère outre-mer. Les attentes de nos concitoyens ultramarins sont si fortes dans ce domaine qu’il est impératif, comme le propose ce projet de loi, de poursuivre sans relâche la mobilisation du Gouvernement et du Parlement sur ce sujet. Votre commission a toutefois veillé à clarifier la rédaction des articles dont elle s’est saisie pour avis.

Ainsi, à l’article 5, votre commission a adopté trois amendements rédactionnels, de clarification ou de coordination.

À l’article 9 ensuite, votre commission a souhaité préciser la portée juridique de l’habilitation du Gouvernement à modifier les dispositions de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte. Elle a ainsi adopté un amendement assignant à cette habilitation l’objectif de « définir des conditions mieux adaptées au défi migratoire », au lieu de « la mise en œuvre d’un nouveau visa applicable à Mayotte », qui était la finalité trop étroite, fixée par le Sénat.

Votre commission a en outre proposé, à l’initiative de votre rapporteur pour avis, la suppression de l’article 7 bis B, introduit au Sénat, qui crée un comité de suivi chargé d’évaluer l’application du projet de loi, à l’issue de son adoption. En effet, la mission de contrôle de l’application des lois est d’ores-et-déjà dévolue aux parlementaires, dans le cadre de leur mission d’évaluation des politiques publiques. L’article 145-7 du règlement de l’Assemblée nationale prévoit, à ce titre, que six mois après le vote de chaque loi, un rapport soit élaboré par un parlementaire de la majorité et un de l’opposition sur l’état de publication des textes réglementaires d’application. Le Sénat a pour sa part créé, en 2011, une commission pour le contrôle de l’application des lois, laquelle publie un rapport annuel sur la mise en œuvre des lois. De surcroît, la création de ce comité va à l’encontre de la démarche de modernisation de la gouvernance initiée par le président de l’Assemblée nationale, M. Claude Bartolone, lequel a appelé de ses vœux, le 25 septembre 2012, une réduction de 30 % au cours de la XIVe législature du nombre des comités.

Enfin, votre Commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement du Gouvernement introduisant dans le texte un nouvel article 9 bis et ayant pour objet d’habiliter ce dernier à étendre et à adapter en Nouvelle-Calédonie, en application de l’article 38 de la Constitution, plusieurs dispositions législatives en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial. En effet, le transfert des compétences de l’État à la Nouvelle-Calédonie dans ces différents domaines doit intervenir le 1er juillet 2013. Or, pour pouvoir être effectif à cette date, ce transfert doit être précédé, d’une part, par l’actualisation des dispositions du code civil et du code commercial applicables à la Nouvelle-Calédonie et, d’autre part, par l’extension et l’adaptation des dispositions législatives nationales non étendues à cette collectivité ou qui y sont partiellement applicables. Tel est l’objet du nouvel article 9 bis, qui garantira, à la date initialement prévue, le transfert des compétences de l’État à la Nouvelle-Calédonie en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa séance du 3 octobre 2012, la commission des Lois examine pour avis, sur le rapport de M. Bernard Lesterlin, le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (n° 233).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Jacques Bompard. Est-il cohérent de multiplier les inégalités juridiques au sein du territoire français et de procéder progressivement à ce qui me semble être une communautarisation de la loi ?

M. Daniel Gibbes. Nous saluons l’apport de ce projet de loi qui, rappelons-le, intervient après les événements survenus à La Réunion, à la Martinique et à la Guadeloupe, et les États généraux de l’outre-mer lancés par le précédent gouvernement, qui ont mis en évidence les problématiques locales. Néanmoins, ce texte aurait mérité un travail plus approfondi pour certains territoires. Ainsi, s’agissant de Saint-Martin – territoire bi-national, sans frontière –, nous avons présenté en commission des Affaires économiques des amendements au chapitre Ier, et nous aurions souhaité que l’île soit concernée par l’article sur le registre du commerce et des sociétés figurant au chapitre II.

Je tiens à rappeler que Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont, au titre de l’article 74 de la Constitution, toutes les deux des collectivités à part entière. Il ne faudrait pas qu’une loi, en apparence bénéfique pour l’ensemble des territoires, se révèle être un frein pour ces deux collectivités. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce projet de loi.

M. Philippe Gosselin. Ce texte ne porte pas atteinte à l’unité de la République, une et indivisible : il prend en compte des problématiques liées à l’insularité. Même s’il peut être amélioré, il va dans le bon sens.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Bompard, ce texte procède à des adaptations prévues par l’article 73 de la Constitution qui dispose : « Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. » Aussi, ne pouvons-nous que nous féliciter de l’attention portée par le Gouvernement aux problématiques de l’outre-mer avec ce texte présenté en début de session.

Monsieur Gibbes, nous sommes parfaitement conscients de la spécificité de Saint-Martin. Certains amendements seront évoqués cet après-midi en commission des Affaires économiques.

Monsieur Gosselin, ce texte constitue un premier pas, comme l’a rappelé hier soir le ministre, puisque d’autres textes viendront le compléter. Les crises de ces trois dernières années imposaient de commencer par traiter le problème de la cherté de la vie.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles du projet de loi dont elle s’est saisie pour avis.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la régulation économique outre-mer

Le chapitre Ier comporte un ensemble de dispositions dont l’objet est de renforcer le libre jeu de la concurrence dans les outre-mer, afin d’y faire baisser les prix. Votre Commission s’est saisie pour avis des articles 1er à 5 et 7 bis B de ce chapitre.

Article 1er

(art. L. 410-3 [nouveau] du code de commerce)


Réglementation par décret du fonctionnement des marchés de gros dans les outre-mer

Cet article autorise le Gouvernement à réglementer, par décret en Conseil d’État pris après consultation de l’Autorité de la concurrence, le fonctionnement des marchés de gros dans les outre-mer. Le non-respect par les opérateurs des obligations ainsi édictées pourra entraîner l’adoption d’injonctions et, le cas échéant, de sanctions pécuniaires par l’Autorité de la concurrence, en application de l’article 2 bis du présent projet de loi.

Il est ainsi proposé d’introduire un nouvel article L. 410-3 dans le code de commerce, qui sera inséré dans le titre I (« Dispositions générales ») du livre quatrième (« De la liberté des prix et de la concurrence ») de ce code. Cette nouvelle disposition suivra l’article L. 410-2, dont le deuxième alinéa permet au Gouvernement de réglementer les prix, par décret en Conseil d’État et après consultation de l’Autorité de la concurrence, dans les secteurs ou les zones où la concurrence est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires (16). Le troisième alinéa de l’article L. 410-2 permet au Gouvernement d’arrêter, par décret en Conseil d’État, des mesures temporaires, d’une durée de validité maximale de six mois, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, face à une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé.

Le dispositif prévu ne se limite pas, contrairement à celui figurant à l’article L. 410-2 du code de commerce, à la réglementation des prix. Plus large, il est cependant encadré par son champ d’application géographique et par les conditions auxquelles son usage est subordonné. Les matières dans lesquelles les mesures pourront être adoptées sont également précisément définies.

Géographiquement, le nouvel article L. 410-3 du code de commerce ne s’appliquera que dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution – c’est-à-dire la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion – et dans quatre collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

Sur le fond, le dispositif ne pourra être utilisé que si deux conditions sont réunies :

—  en premier lieu, il ne s’appliquera que « dans les secteurs pour lesquels les conditions d’approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence » ;

—  en second lieu, il devra être utilisé « pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros d’acheminement, de stockage et de distribution ». La précision selon laquelle les marchés de gros visés sont ceux d’acheminement (fret), de stockage et de distribution a été ajoutée par la commission des Affaires économiques du Sénat, à l’initiative de son rapporteur, M. Serge Larcher, afin d’inclure l’ensemble de la chaîne de formation des prix.

Enfin, les mesures adoptées devront l’être « en matière d’accès à ces marchés, de loyauté des transactions, de gestion des facilités essentielles, de marges des entreprises et de protection des consommateurs ». La référence à la « gestion des facilités essentielles » (17) a été ajoutée par la commission des Affaires économiques du Sénat et résulte de l’adoption d’un sous-amendement de M. Michel Vergoz. Cet ajout vise à répondre aux problématiques propres au secteur des carburants dans les départements d’outre-mer, en particulier à La Réunion. Dans son avis n° 09-A-21 du 24 juin 2009 sur la situation de la concurrence sur le marché des carburants dans les départements d’outre-mer, l’Autorité de la concurrence a en effet recommandé d’interdire à un gestionnaire de facilité essentielle d’exercer une activité de distribution aval au sein de la même structure commerciale. En ce qui concerne La Réunion, l’Autorité a appelé, compte tenu des liens établis entre Shell et Total au sein de la société réunionnaise des produits pétroliers (SRPP), à la filialisation complète des activités de stockage.

Selon les informations transmises par le Gouvernement, les mesures susceptibles d’être adoptées sur le fondement de cette nouvelle disposition pourront consister à imposer aux opérateurs concernés :

—  une obligation d’accès ;

—  une obligation de mutualisation (en matière de transport ou de stockage, par exemple) ;

—  une obligation d’offres de tarifs de référence ;

—  une obligation de non-discrimination ;

—  une obligation de fournir des informations sur les marges pratiquées ;

—  la séparation comptable de certaines activités (18).

Le texte du projet de loi initial comportait un II, dont l’objet était de compléter l’article L. 462-6 du code de commerce afin de prévoir que l’Autorité de la concurrence examinait si les pratiques contraires aux mesures prises en application du nouvel article L. 410-3 du même code étaient établies et d’enjoindre, le cas échéant, aux entreprises de s’y conformer, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 464-2 du même code.

Dans sa rédaction initiale, le présent article comportait également un III, qui modifiait l’article L. 464-3 du code de commerce afin que l’Autorité de la concurrence puisse infliger une sanction pécuniaire si les injonctions qu’elle avait prononcées n’étaient pas respectées.

Ces dispositions ont été supprimées par la commission des Affaires économiques du Sénat, qui a préféré regrouper l’ensemble des modifications de conséquence des articles 1er et 2 du présent projet de loi dans un nouvel article, l’article 2 bis. Les dispositions qui figuraient au II et au III du présent article y ont ainsi été reprises, avec des modifications et compléments. Elles prévoient notamment que l’Autorité de la concurrence pourra examiner les pratiques contraires aux mesures de réglementation des marchés de gros, prononcer des injonctions et infliger des sanctions pécuniaires, ainsi qu’accepter des engagements et veiller à leur respect, à ce titre. Le ministre de l’Économie pourra également enjoindre aux entreprises de mettre un terme à leurs pratiques contraires aux mesures de réglementation des marchés de gros.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er sans modification.

Article 2

(art. L. 420-2-1 [nouveau], L. 420-3 et 420-4 du code de commerce)


Interdiction, dans les outre-mer, des clauses accordant des droits exclusifs d’importation non justifiés par l’intérêt des consommateurs

Cet article vise à interdire et à frapper de nullité, dans les outre-mer, les clauses des accords ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou un groupe d’entreprises, sauf lorsqu’elles sont justifiées par l’intérêt des consommateurs.

Les clauses d’exclusivité sont, en principe, licites dans les contrats commerciaux, dans les conditions prévues par les articles L. 330-1 à L. 330-3 du code de commerce. L’interdiction proposée constituera une exception à cette licéité de principe.

Cette interdiction part du constat dressé par l’Autorité de la concurrence dans son avis n° 09-A-45, du 8 septembre 2009, relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. Selon l’Autorité de la concurrence, les exclusivités territoriales dont bénéficieraient, dans la plupart des cas, les importateurs-grossistes ou « agents de marque » limiteraient fortement le jeu de la concurrence dans les outre-mer (19). De nombreux importateurs-grossistes seraient, en fait ou en droit, les importateurs exclusifs de certaines marques. Les marges élevées pratiquées par ces intermédiaires incontournables contribueraient à expliquer les écarts de prix constatés entre la métropole et les départements d’outre-mer : l’Autorité souligne ainsi qu’elles oscillent entre 20 à 60 % sur un grand nombre de références et qu’elles peuvent dépasser 100 % pour certaines d’entre elles (20). Le poids de ce maillon dans la chaîne de formation du prix serait donc, pour certains produits, déterminant.

L’article 2, dans sa rédaction initiale, comportait un I introduisant un nouvel article L. 420-5-1 au sein du titre II (« Des pratiques anticoncurrentielles ») du livre quatrième du code de commerce, aux termes duquel, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, « sont prohibées les clauses des contrats commerciaux qui ont pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à un opérateur, sauf lorsqu’elles sont justifiées par des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique au service des consommateurs ».

Le II modifiait en conséquence le chapitre II du titre VI (« De l’Autorité de la concurrence ») du livre quatrième de ce même code. Son 1° ajoutait ainsi à l’article L. 462-3 du code de commerce une référence au nouvel article L. 420-5-1, afin que l’Autorité puisse être consultée par les juridictions sur les pratiques contraires à l’interdiction de ces clauses d’exclusivité. Son 2° précisait, à l’article L. 462-6 du même code, que l’Autorité pouvait examiner si les pratiques dont elle était saisie entraient dans le champ d’application du nouvel article L. 420-5-1 et prononcer, le cas échéant, des sanctions et des injonctions.

Le Sénat, à l’initiative de sa commission des Affaires économiques, a apporté plusieurs modifications substantielles à cet article.

En premier lieu, il a déplacé cette disposition au sein du code en l’insérant dans un nouvel article L. 420-2-1 (I, 1° du présent article). Cet emplacement est effectivement préférable compte tenu des autres changements opérés, afin que l’interdiction précède les articles régissant la nullité qui en découle (art. L. 420-3) et l’exemption applicable (L. 420-4).

En deuxième lieu, le Sénat a substitué le terme « accords » à ceux de « clauses des contrats commerciaux ». Cette substitution est heureuse, et était même indispensable, car les exclusivités territoriales en cause ne sont pas nécessairement formalisées dans un contrat commercial. Elles peuvent résulter d’un concours de volonté de deux opérateurs économiques. La notion d’accord, utilisée notamment en droit des ententes, permet de couvrir toutes ces situations, dès lors que la preuve du concours de volontés sera apportée.

En troisième lieu, l’exemption dont peuvent bénéficier les clauses accordant des droits exclusifs d’importation, lorsqu’elles sont justifiées par l’intérêt des consommateurs, a été insérée à l’article L. 420-4 du code de commerce, auquel un III est ajouté (I, 3° du présent article). En effet, l’article L. 420-4 est relatif aux exemptions applicables aux pratiques constitutives d’une entente prohibée ou d’un abus de position dominante, lorsqu’elles sont justifiées par l’existence d’un texte législatif ou réglementaire ou par le progrès économique. L’insertion de l’ensemble des dispositions relatives aux exemptions dans un même article est bienvenue.

En quatrième lieu, ce changement d’emplacement au sein du code s’est accompagné d’une modification de fond : alors que le projet de loi initial entendait faire reposer la charge de la preuve sur l’autorité répressive, qui devait démontrer que l’exclusivité était dénuée de justification économique (21), la rédaction adoptée par le Sénat transfère cette charge sur les auteurs des accords en cause. Cette répartition de la charge de la preuve est identique à celle appliquée pour les autres exemptions prévue par l’article L. 420-4 du code de commerce (22).

En cinquième lieu, l’article L. 420-3 du code de commerce a été complété par une référence au nouvel article L. 420-2-1. Cet ajout a pour effet de rendre nul tout engagement, convention ou clause contractuelle ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou un groupe d’entreprises. Votre rapporteur pour avis se félicite de cet ajout, qui était indispensable, car il fallait préciser les conséquences de l’interdiction posée en termes de nullité. Le régime juridique de cette nullité devrait être similaire, mutatis mutandis, à celui de la nullité prévue à l’article L. 420-3 pour les pratiques constitutives d’une entente prohibée ou d’un abus de position dominante. La nullité de la clause devrait ainsi avoir pour conséquence de la priver rétroactivement de tout effet (23), et l’action en nullité devrait appartenir à tout intéressé, qu’il ait été partie à l’acte ou non (24), par exemple.

En sixième lieu, le Sénat a transféré les dispositions de coordination de cet article au nouvel article 2 bis. Celles-ci prévoient notamment que l’Autorité de la concurrence pourra examiner les pratiques contraires à l’interdiction des accords d’exclusivité, prononcer des injonctions et infliger des sanctions pécuniaires, ainsi qu’accepter des engagements et veiller à leur respect, à ce titre. Le ministre de l’Économie pourra également enjoindre aux entreprises de mettre un terme à leurs pratiques contraires à cette interdiction.

Enfin, les dispositions relatives à l’entrée en vigueur de cet article, qui figuraient à l’article 12 du projet de loi dans sa rédaction initiale, ont été transférées dans un nouveau II. Ces dispositions prévoient que l’article L. 420-2-1 s’appliquera aux accords en cours, les parties à ces accords disposant d’un délai de quatre mois pour se mettre en conformité avec la loi.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

Article 2 bis

(art. L. 450-5, L. 462-3, L. 462-6, L. 464-2 et L. 464-9 du code de commerce)


Dispositions de conséquence des articles 1er et 2

Ce nouvel article, issu d’un amendement du rapporteur de la commission des Affaires économiques du Sénat, regroupe l’ensemble des dispositions de conséquence des articles 1er et 2 du projet de loi, notamment celles prévoyant le contrôle du respect des mesures de réglementation des marchés de gros et de l’interdiction des clauses d’exclusivité par l’Autorité de la concurrence. Il apporte également quelques modifications à ces dispositions, et les complète sur certains points.

Signalons tout d’abord que le 1° de cet article, introduit par un sous-amendement de M. Jean-Étienne Antoinette, a été supprimé, en séance, par le Sénat. Il visait à modifier l’article L. 420-6 du code de commerce, qui punit de quatre ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros le fait, pour toute personne physique, de prendre frauduleusement une part personnelle dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre d’une pratique anticoncurrentielle (entente ou abus de position dominante), afin d’étendre ces sanctions pénales au fait d’avoir ainsi pris une part personnelle dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre d’un accord d’exclusivité. Cette extension a été supprimée à la suite de l’adoption d’un amendement de M. Mohamed Soilihi au nom de la commission des Lois du Sénat, au motif qu’elle serait contestable au regard du principe constitutionnel de proportionnalité des peines, qui s’applique évidement dans la répression des infractions aux règles de la concurrence. En effet, la pratique de droits exclusifs outre-mer ne saurait présenter la même gravité que les cartels et abus de position dominante et se voir appliquer les mêmes sanctions pénales, car les atteintes aux règles de la concurrence et de l’ordre public économique sont moindres. Ces sanctions pénales ne sont d’ailleurs pas applicables dans le cas de prix abusivement bas, pratique anticoncurrentielle également interdite par le code de commerce, en son article L. 420-5.

Le 2° ajoute à l’article L. 462-3 du code de commerce une référence au nouvel article L. 420-2-1 du même code et au nouvel article L. 410-3, afin de prévoir que le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence est informé avant leur déclenchement des investigations que le ministre de l’Économie souhaite voir diligenter sur des faits susceptibles de relever de l’interdiction des accords d’exclusivité ou d’être contraires aux mesures de réglementation des marchés de gros.

Le 3° modifie l’article L. 462-3 afin de prévoir la consultation de l’Autorité de la concurrence par les juridictions sur les pratiques anticoncurrentielles mentionnées à l’article L. 420-2-1, c’est-à-dire contraires à l’interdiction des accords d’exclusivité. Il reprend ainsi la disposition qui figurait au 1° du II de l’article 2 du projet de loi initial.

Le 4° modifie l’article L. 462-6 du code de commerce afin de prévoir que l’Autorité de la concurrence examinera si les pratiques dont elle est saisie entrent dans le champ de l’interdiction des accords d’exclusivité prévue par l’article L. 420-2-1 ou sont contraires aux mesures de réglementation des marchés de gros prévues par l’article L. 410-3. Elle pourra prononcer des injonctions et infliger, le cas échéant, des sanctions pécuniaires à ce titre.

Sur ce dernier point, rappelons que les sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par l’Autorité de la concurrence sont encadrées par l’article L. 464-2 du code de commerce. Cet article prévoit que les sanctions pécuniaires peuvent être applicables soit immédiatement, soit en cas d’inexécution des injonctions, soit en cas de non-respect des engagements que l’Autorité a acceptés. Leur montant est proportionné à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de l’organisme ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées, qui constitue une circonstance aggravante. Si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximal de la sanction est de 3 millions d’euros. Pour les entreprises, le montant maximum de la sanction est de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Cet alinéa reprend ainsi la disposition qui figurait au 1° du II de l’article 2 du projet de loi initial.

Le 5° modifie la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 464-2 du code de commerce afin de prévoir que l’Autorité de la concurrence peut accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes concernés, de nature à mettre fin à des pratiques prohibées par l’article L. 420-2-1 ou contraires aux mesures prises en application de l’article L. 410-3.

Enfin, le 6° du présent article modifie l’article L. 464-9 du code de commerce afin de permettre au ministre de l’Économie d’enjoindre aux entreprises de mettre un terme aux pratiques contraires aux mesures de réglementation des marchés de gros ou à l’interdiction des accords d’exclusivité, dans les conditions prévues par cet article. Celui-ci prévoit notamment que ce pouvoir d’injonction ne peut être exercé que si les pratiques en cause affectent un marché de dimension locale, n’entrent pas dans le champ du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et que le chiffre d’affaires réalisé par chacune de ces entreprises est inférieur à 50 millions d’euros et que leurs chiffres d’affaires cumulés ne dépassent pas 100 millions d’euros.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 bis (nouveau) sans modification.

Article 3

(art. L. 462-5 du code de commerce)


Faculté pour les collectivités territoriales ultra-marines de saisir l’Autorité de la concurrence

Cet article permet principalement aux collectivités territoriales ultra-marines de saisir l’Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles concernant leurs territoires.

La saisine contentieuse de l’Autorité de la concurrence est régie par l’article L. 462-5 du code de commerce (tandis que sa saisine à titre consultatif est régie par les articles L. 462-1 à L. 462-3). Actuellement, celui-ci prévoit, outre le pouvoir d’auto-saisine exercé par son rapporteur général, prévu au III de l’article L. 462-5, que l’Autorité peut être saisie :

—  par le ministre chargé de l’économie, de toute pratique constitutive d’une entente illicite, d’un abus de position dominante ou de vente à perte, ou de faits susceptibles de constituer de telles pratiques, ou des manquements aux engagements pris dans le cadre d’une opération de concentration (I de l’article L. 462-5) ;

—  pour toutes les pratiques constitutives d’une entente illicite, d’un abus de position dominante ou de vente à perte, l’Autorité peut être saisie par les entreprises ou, « pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge », par les organismes mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 462-1 du code de commerce, c’est-à-dire par les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et syndicales, les organisations de consommateurs agréées, les chambres d’agriculture, les chambres de métiers ou les chambres de commerce et d’industrie territoriales, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droit sur internet (HADOPI) et les présidents des observatoires des prix et des revenus existant outre-mer (II de l’article L. 462-5).

Le présent article modifie l’article L. 462-5 précité afin, d’une part, de tirer les conséquences des articles 1er et 2 du présent projet, et, d’autre part, d’étendre le droit de saisine de l’Autorité de la concurrence détenu par les collectivités territoriales ultra-marines.

Son 1° modifie ainsi le I de l’article L. 462-5 afin de permettre au ministre de l’Économie de saisir l’Autorité de la concurrence de toute pratique contraire à l’interdiction des accords d’exclusivité ou aux mesures de réglementation des marchés de gros.

Son 2° étend, parallèlement, le droit de saisine prévu au II au profit des entreprises et des organismes susmentionnés afin d’y inclure ces mêmes pratiques.

Enfin, son 3° crée un nouveau IV prévoyant que l’Autorité de la concurrence peut être saisie par les régions d’outre-mer, le département de Mayotte ou les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1 (entente illicite), L. 420-2 (abus de position dominante), L. 420-2-1 (interdiction des accords d’exclusivité), L. 420-5 (vente à perte) ou contraire aux mesures de réglementation des marchés de gros prévues à l’article L. 410-3, « concernant leurs territoires respectifs ». Le droit de saisine qui leur est reconnue est plus large que celui dont ces collectivités disposent en application du II de l’article L. 462-5, car il n’est pas exigé qu’elles soient directement concernées par des pratiques anticoncurrentielles, par exemple en cas d’entente pour un marché public : il suffit que la pratique en cause concerne leurs territoires respectifs.

Concrètement, ces collectivités ne disposant ni d’une compétence d’enquête en matière de concurrence, ni d’agents chargés de contrôler les pratiques dans ce domaine, il est vraisemblable qu’elles serviront surtout d’intermédiaires entre les entreprises et l’Autorité de la concurrence. Cette nouvelle disposition pourrait ainsi permettre à de petites entreprises locales, qui n’ont pas les moyens d’affronter directement un fournisseur ou un client ou d’assumer la charge financière d’un contentieux, d’utiliser le canal de la collectivité locale compétente pour que l’Autorité de la concurrence soit saisie. Il conviendra cependant de veiller à ce qu’une certaine confidentialité de la saisine soit maintenue, car une publicité est susceptible de rendre délicate la tâche des services d’enquête de l’Autorité et d’empêcher que les preuves nécessaires pour établir la pratique alléguée soient réunies. Les règles internes aux collectivités concernées devraient pouvoir permettre de préserver cette confidentialité, en prévoyant, par exemple, une délégation de ce pouvoir au président de la collectivité ou à sa commission permanente.

Par ailleurs, il est permis de s’interroger sur la compétence du législateur ordinaire pour conférer ainsi une nouvelle compétence à plusieurs collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 4

(art. L. 430-2 du code de commerce)


Abaissement à 5 millions d’euros du seuil de notification des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer

Cet article abaisse de 7,5 millions d’euros à 5 millions d’euros le seuil de notification des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer.

Les seuils à partir desquels une opération de concentration entre entreprises doit être notifiée à l’Autorité de la concurrence sont fixés par l’article L. 430-2 du code de commerce.

Le I de cet article prévoit qu’une opération doit être notifiée lorsque le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des parties à la concentration est supérieur à 150 millions d’euros et que le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des parties est supérieur à 50 millions d’euros, sous réserve que l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, parce qu’elle serait de dimension européenne.

Le II fixe des seuils moins élevés lorsqu’au moins deux des parties à la concentration exploitent un ou plusieurs magasins de commerce de détail. Dans cette hypothèse, l’opération doit être notifiée lorsque le chiffre d’affaires total mondial des parties est supérieur à 75 millions d’euros et que le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé par dans le secteur du commerce de détail en France par au moins deux parties à la concentration est supérieur à 15 millions d’euros, toujours sous réserve que l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004, précité.

Le III fixe des seuils moins élevés lorsqu’au moins une des parties à la concentration exerce tout ou partie de son activité dans les départements d’outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy. Dans ce cas, l’opération doit être notifiée lorsque le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des parties à la concentration est supérieur à 75 millions d’euros et que le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des parties à la concentration est supérieur à 15 millions d’euros, ou à 7,5 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail, si l’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004, précité.

Le seuil de notification à l’Autorité de la concurrence des opérations de concentration dans le secteur du commerce de détail a déjà été abaissé de 15 à 7,5 millions d’euros dans les DOM par l’article 41 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. Auparavant, il n’existait en effet pas de seuil spécifique de notification aux entreprises de commerce de détail en activité dans les DOM. Dans son avis n° 09-1-45, du 8 septembre 2009, relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer, l’Autorité de la concurrence avait recommandé d’instaurer un tel seuil, qu’elle avait jugé d’autant plus nécessaire que les chiffres d’affaires réalisés dans les DOM sont en moyenne inférieurs à ceux réalisés en métropole, tandis que les surfaces commerciales qui y sont exploitées sont en moyenne de taille plus petite.

En dépit de la diminution à 7,5 millions d’euros opérée en juillet 2010, une part importante de la grande distribution échappe au contrôle des concentrations. En effet, d’après les informations transmises par l’Autorité de la concurrence, seuls 50 % des magasins d’alimentation d’une surface comprise entre 400 et 1 200 mètres carrés présentent, en Martinique, un chiffre d’affaires supérieur à 7,5 millions d’euros. Cette proportion atteint 64 % en Guadeloupe et 74 % à La Réunion.

Selon le Gouvernement, la diminution du seuil à 5 millions d’euros opérée par le présent article devrait permettre de contrôler quasiment toutes les opérations portant sur des surfaces de ventes supérieures à 600 mètres carrés, sur la base d’un chiffre d’affaires de 8 000 à 9 000 euros par mètre carré. Cet abaissement contribuera en outre à harmoniser le rapport entre le seuil de notification de droit commun et celui applicable au commerce de détail : ce ratio est de plus de 3 dans le territoire métropolitain, alors qu’il n’est que de 2 dans les outre-mer.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Article 5

(art. L. 752-7 [nouveau] du code de commerce)


Attribution à l’Autorité de la concurrence d’un pouvoir d’injonction structurelle en cas de préoccupations de concurrence dans le secteur du commerce de détail en outre-mer

Cet article confère à l’Autorité de la concurrence un pouvoir d’injonction dite « structurelle » (parce qu’elle a pour effet d’agir sur la structure des marchés et des entreprises concernées, et non sur les seuls comportements des entreprises) dans le secteur du commerce de détail dans les outre-mer, en cas d’existence d’une position dominante d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises soulevant des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés. L’Autorité de la concurrence pourra ainsi, au terme d’une procédure contradictoire, enjoindre à l’entreprise ou au groupe d’entreprises concernées de modifier, compléter ou résilier tous accord et tous actes par lesquels leur puissance économique s’est constituée, ou leur enjoindre de céder des actifs.

1. Les limites du pouvoir d’injonction structurelle de l’article L. 752-26 du code de commerce

L’Autorité de la concurrence a déjà été dotée, par la loi n° 2008-476 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, d’un pouvoir d’injonction structurelle dans le secteur du commerce de détail, qui s’applique sur l’ensemble du territoire national. Ce pouvoir figure à l’article L. 752-26 du code de commerce. Il permet à l’Autorité de la concurrence, « en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique de la part d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail », de procéder, dans un premier temps, aux injonctions et aux sanctions pécuniaires prévues à l’article L. 464-2 du même code. Dans un second temps, si les injonctions prononcées et les sanctions pécuniaires appliquées n’ont pas permis de mettre fin à l’abus de position dominante ou à l’état de dépendance économique, l’Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée prise après réception des observations de l’entreprise ou du groupe d’entreprises en cause, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la puissance économique qui a permis ces abus. Elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder à la cession de surfaces, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise considérée.

Ce pouvoir d’injonction structurelle, dont le dispositif proposé s’inspire directement, en y apportant cependant des adaptations substantielles, n’a jamais été utilisé jusqu’à présent. L’Autorité de la concurrence a expliqué, dans son avis n° 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris, que c’est parce que ce pouvoir « est subordonné à des conditions extrêmement difficiles à satisfaire : d’une part, la constatation d’un abus de position dominante ou de dépendance économique, d’autre part et surtout la persistance de l’abus malgré une décision de l’Autorité condamnant ce dernier ». Dans son rapport annuel 2010, elle a également souligné que le standard prévu par la loi, qui réserve de telles injonctions aux cas – a priori extrêmement rares – où l’opérateur poursuit son abus après une première condamnation, rend cet outil « quasiment inapplicable en pratique ».

Dans son avis du 11 janvier 2012, précité, l’Autorité a donc souhaité qu’une réforme législative assouplisse les conditions du recours à ce pouvoir d’injonction structurelle, citant à l’appui de son argumentation la circonstance que d’autres autorités nationales de concurrence, notamment au Royaume-Uni (25) et en Grèce, seraient dotées du pouvoir d’enjoindre à des entreprises de revendre des actifs à des concurrents. Cette proposition a fait l’objet d’un accueil critique par une partie de la doctrine universitaire (26).

2. Le dispositif proposé

Le présent article fait suite à cette proposition, en ce qui concerne le secteur du commerce de détail dans les outre-mer. Il vise à insérer au sein du chapitre II (« De l’autorisation commerciale ») du titre V (« De l’aménagement commercial ») du livre VII (« Des juridictions commerciales et de l’organisation du commerce ») du code de commerce une nouvelle section 4, intitulée « Du contrôle de l’Autorité de la concurrence en cas de position dominante », qui comprendra l’actuel article L. 752-26 et un nouvel article L. 752-27.

Ce nouvel article L. 752-27 prévoit que, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en cas d’existence d’une position dominante, détenue par une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs commerces de détail, qui « soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevées, que l’entreprise ou le groupe d’entreprise pratique, en comparaison des moyennes du secteur », l’Autorité de la concurrence peut, dans un premier temps, eu égard aux contraintes particulières de ces territoires découlant notamment de leurs caractéristiques géographiques et économiques, faire connaître ses préoccupations de concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause. Ces derniers peuvent alors, dans un délai de deux mois, lui proposer des engagements dans les conditions prévues par l’article L. 464-2 du même code.

Dans un deuxième temps, si l’entreprise – ou, bien que le texte ne le précise pas dans la version transmise par le Sénat, le groupe d’entreprises : votre Commission, sur l’initiative de votre rapporteur pour avis, a adopté un amendement complétant le texte sur ce point – ne propose pas d’engagements ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, l’Autorité peut, par une décision motivée prise après réception des observations de l’entreprise ou du groupe d’entreprises concernées et à l’issue d’une séance devant le collège, leur enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la puissance économique qui permet les pratiques constatées en matière de prix ou de marges. Elle peut, dans les mêmes conditions, leur enjoindre de procéder à la cession d’actifs, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective.

Dans un troisième temps, l’Autorité peut sanctionner l’inexécution de ces injonctions, dans les conditions prévues à l’article L. 464-2.

Le Sénat a procédé à trois modifications substantielles concernant cet article.

En premier lieu, s’agissant du standard d’intervention de l’Autorité, il a substitué à la notion de « prix ou de marges abusifs » qui était utilisée par le projet de loi, celle de « prix ou de marges élevés, que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique, en comparaison des moyennes du secteur ». Votre rapporteur pour avis estime que la notion de « secteur » mériterait d’être clarifiée, afin de préciser que ce terme ne doit pas être entendu dans sa dimension géographique – comme pourrait l’être le « marché pertinent » (27) – mais d’un secteur économique. Votre rapporteur pour avis se félicite qu’un amendement de la rapporteure de la commission des Affaires économiques, avec laquelle il a échangé à ce sujet, réponde à sa préoccupation, en précisant qu’il s’agit du « secteur économique concerné ».

En deuxième lieu, le Sénat a remplacé la notion de cession de « surfaces » par celle de cession d’« actifs », afin de tenir compte du fait que certaines entreprises ne sont pas directement propriétaire des surfaces concernées. Une harmonisation avec la terminologie employée à l’article L. 752-26 – qui emploie le terme « surfaces » – serait souhaitable. Votre commission, à l’initiative de votre rapporteur pour avis, a adopté un amendement en ce sens.

En troisième lieu, le Sénat a ajouté un II au présent article, dont l’objet est d’insérer à l’article L. 464-8 du code de commerce une référence au nouvel article L. 752-27, afin que les décisions de l’Autorité de la concurrence adoptées à ce titre fassent partie de celles relevant du contrôle de la Cour d’appel de Paris. Cette précision paraît utile à votre rapporteur pour avis, compte tenu du rôle du juge judiciaire en tant que garant du droit de propriété.

Le dispositif prévu s’inspire fortement de l’actuel article L. 752-26 du code de commerce : dans les deux cas, une cession forcée peut être prononcée par l’Autorité de la concurrence, à l’issue d’une procédure contradictoire devant elle. Il en diffère cependant substantiellement sur deux points. Premièrement, le standard autorisant le déclenchement du pouvoir d’injonction structurel est inférieur, puisqu’une infraction n’est pas expressément exigée : il suffit que la position dominante en cause « soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés », alors que l’article L. 752-26 requiert « l’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique ». Deuxièmement, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ou le groupe d’entreprises poursuive un abus après une première condamnation, il suffit qu’il n’ait pas proposé d’engagement ou que les engagements proposés ne paraissent pas suffisants à l’Autorité de la concurrence.

Le mécanisme proposé suscite des réserves de la part des représentants des entreprises, qui craignent une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété. Le caractère équilibré de ce qui est proposé doit pourtant être souligné. En effet, des garanties, indispensables pour ne pas porter atteinte au droit constitutionnellement protégé de la propriété (28), sont prévues :

— d’abord, l’atteinte potentielle – soulignons que la cession forcée est conçue avant tout comme une « arme de dissuasion », destinée à inciter l’entreprise concernée à prendre des engagements – à ce droit est justifiée par un motif d’intérêt général : garantir une concurrence effective sur les marchés du commerce de détail dans les outre-mer, qui connaissent de sérieux dysfonctionnements. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que la préservation de l’ordre public économique pouvait justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre (29) ;

— sur le plan procédural, ensuite, la cession forcée ne peut intervenir qu’à l’issue d’une procédure contradictoire devant l’Autorité, permettant aux entreprises concernées de faire valoir leurs arguments.

— enfin, il est expressément prévu qu’il ne peut être fait usage de cette possibilité que si la cession « constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective » : la cession présente un caractère subsidiaire, dont l’usage, placé sous le contrôle de l’autorité judiciaire, garante du droit de propriété, devra nécessairement être proportionné.

Le dispositif prévu apparaît dès lors conforme tant à l’article 17 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » qu’à l’article 34 de la Constitution, selon lequel « la loi détermine les principes fondamentaux […] du régime de la propriété ».

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 1 de M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Cet article accorde à l’Autorité de la concurrence des pouvoirs importants par des dispositions dérogatoires au droit commun. Ces pouvoirs sont assortis de la possibilité de prononcer des sanctions lourdes appliquées en cas de pratiques anticoncurrentielles, non caractérisées dans le présent article.

Cet amendement propose donc d’en faire des dispositions expérimentales. Deux ans d’application permettront d’avoir le recul nécessaire pour procéder à leur évaluation et juger de leur pertinence dans le cadre d’une étude d’impact.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Si le dispositif proposé par l’article 5 peut aller jusqu’à une cession d’actifs forcée, il prévoit néanmoins d’importantes garanties. Il est donc conforme tant à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui garantit le droit de propriété, qu’à l’article 34 de la Constitution, selon lequel la loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété. Ce nouveau pouvoir d’injonction structurelle, qui constitue l’innovation majeure de ce texte, est indispensable pour que l’Autorité de la concurrence puisse agir sur la structure des marchés ultramarins et remédier à leurs dysfonctionnements. Il a donc toute sa place dans le code du commerce, et rien ne justifie d’en faire une disposition expérimentale.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 2 de M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Compte tenu de la nécessité de garantir les droits de la défense, il est important que l’Autorité de la concurrence caractérise la notion de « préoccupations de concurrence » et démontre le caractère abusif des prix. Cet amendement propose donc de remplacer les mots « qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevées » par les termes « l’Autorité de la concurrence démontre les préoccupations de concurrence du fait de prix abusifs ».

Il propose également d’écarter la notion de « marges » qui relève de la stratégie de l’entreprise et peut être différente du prix. Elle n’impacte pas nécessairement le consommateur, contrairement parfois au prix.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Le projet de loi initial faisait référence à la notion de prix ou de marges abusifs, à laquelle le Sénat a substitué celle de « prix ou de marges élevés, en comparaison des moyennes du secteur ». Cet allégement du « standard » requis était nécessaire pour rendre le dispositif opérant et utilisable par l’Autorité de la Concurrence. En effet, depuis 1986, ni le Conseil de la concurrence, ni ensuite l’Autorité de la concurrence n’ont réussi à sanctionner une entreprise du fait de prix abusifs – à une exception près, mais de portée limitée, puisque l’entreprise n’avait pas contesté les griefs. Il en va de même au niveau européen. Si l’on veut disposer d’un outil efficace et dissuasif produisant des effets concrets sur le terrain, il faut maintenir la rédaction actuelle introduite par le Sénat.

J’ajoute que le terme « secteur » sera précisé, m’a indiqué Mme la rapporteure de la commission des Affaires économiques, par voie d’amendement dès cet après-midi : il s’agit en effet du secteur d’activité économique, et non du secteur géographique.

M. Alain Tourret. En tant que juriste, je comprends la notion d’atteinte à la concurrence, mais moins celle de « préoccupations de concurrence ».

M. Philippe Houillon. Le rapporteur n’a pas répondu sur les garanties des droits de la défense, qui constituent le cœur de l’amendement.

M. le président. J’avais cru comprendre que le cœur de l’amendement était constitué de la notion de caractère abusif.

M. Philippe Houillon.  La notion de préoccupation de concurrence est floue. Je demande que l’Autorité de la concurrence en rapporte la preuve.

M. Gilbert Collard. C’est en effet la question de la charge de la preuve qui est posée. Si l’on se rapporte à l’article 1er du code de procédure pénale, il y a contradiction. Depuis 1789, la charge de la preuve incombe à l’accusation – même si elle est difficile à rapporter – comme le rappelle le code de procédure pénale dans ses principes directeurs. Toutefois, on constate de plus en plus de glissements qui font que c’est au prévenu d’apporter la preuve qu’il n’est pas coupable.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ces dispositions ne s’inscrivent pas dans le cadre de la procédure pénale, mais dans celui de la procédure administrative qui demande que soient respectés un certain nombre de droits. Je crois qu’ils le sont ici.

Mais je pense aussi que la notion de « préoccupations » est curieuse. Il ne serait pas surprenant qu’elle vienne de termes employés par l’Autorité de la concurrence. Il n’est pas de bonne légistique que la loi reprenne de tels termes. La formulation « qui est de nature à porter atteinte aux règles de la concurrence » me semble plus appropriée. Il appartient à l’Autorité de la concurrence non d’apporter la charge de la preuve, mais d’apprécier une situation et d’indiquer en vertu de quoi elle l’apprécie.

M. Guillaume Larrivé. Nous sommes effectivement dans le domaine de la sanction administrative, mais l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un procès équitable s’applique aussi en matière administrative. Un mécanisme de sanctions administratives très intrusif fondé sur l’expression « préoccupations » me paraît fragile tant sur le plan constitutionnel que sur le plan conventionnel.

M. Gilbert Collard. On apprend en première année de droit que les principes généraux s’appliquent de manière générale ! C’est ce que le doyen Duby – un immense juriste – répétait à longueur d’année à ses étudiants.

M. le rapporteur pour avis. Pour novateur que soit le dispositif proposé, il comporte d’importantes garanties.

D’abord, l’atteinte éventuelle au droit de propriété est justifiée par un motif d’intérêt général : rétablir une concurrence effective sur les marchés de commerce de détail dans les outre-mer, lesquels connaissent de graves dysfonctionnements. Dans sa décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a déjà jugé que la préservation de l’ordre public économique pouvait justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre.

Ensuite, la cession d’actifs ne peut intervenir qu’à l’issue d’une procédure contradictoire devant l’Autorité de la concurrence, permettant aux entreprises concernées de faire valoir leurs arguments.

Enfin, il est expressément prévu que cette cession ne peut être utilisée que si elle « constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective ». La cession présente donc un caractère subsidiaire dont l’usage, placé sous le contrôle de l’autorité judiciaire garante du droit de propriété, devra nécessairement être proportionné. Elle est d’ailleurs conçue avant tout comme une « arme de dissuasion » qui a vocation, non à servir, mais à inciter les entreprises à changer leurs pratiques. Et nous savons à quel point cette nécessité s’impose outre-mer.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL 4 et CL 5 du rapporteur pour avis.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL 6 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. C’est un amendement de conséquence d’une modification opérée par le Sénat : il vise à harmoniser la rédaction des deux dispositifs d’injonction structurelle prévus par les articles L. 752-26 et L. 752-27 nouveau du code de commerce.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.

Article 7 bis B

Mise en place d’un comité de suivi
chargé de l’évaluation de l’application du présent projet de loi

Issu de l’adoption par le Sénat en séance publique d’un amendement de Mme Aline Archimbaud, sénatrice de Seine-Saint-Denis, le présent article institue un comité de suivi chargé d’évaluer l’application du présent projet de loi, à l’issue de son adoption. Ce comité sera composé de représentants du Gouvernement, de parlementaires, d’élus, d’associations et de syndicats locaux. Il devra, chaque année, transmettre au Parlement un rapport retraçant ses différents travaux. Le présent article renvoie enfin à un décret simple le soin de définir ses modalités d’application.

Il convient à ce stade de rappeler que l’article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) a d’ores et déjà institué une commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer. Composée en majorité de parlementaires des deux assemblées, le nombre de députés étant égal à celui des sénateurs, elle comprend en outre des représentants de l’État ainsi que des collectivités concernées et, le cas échéant, des personnalités qualifiées.

Le rôle que le législateur a entendu confier à cette commission est de suivre la mise en œuvre des politiques publiques de l’État outre-mer et tout particulièrement des mesures destinées à favoriser le développement économique et social des collectivités ultramarines, que ces mesures soient antérieures ou postérieures à la promulgation de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

À cette fin, cette commission doit établir tous les deux ans un rapport public d’évaluation de l’impact socio-économique de l’application de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Ce rapport rend compte, en particulier, de l’impact de l’organisation des circuits de distribution et du niveau des rémunérations publiques et privées outre-mer sur les mécanismes de formation des prix. Outre la publication de ce rapport public bisannuel, la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer remet chaque année au Parlement, avant le 1er octobre, un rapport d’activité qui présente sommairement les évaluations entreprises.

Compte tenu de l’existence et du rôle de cette commission nationale, à laquelle est dévolue une fonction générale d’évaluation de l’ensemble des politiques économiques menées par l’État outre-mer, votre rapporteur s’interroge sur l’opportunité et la pertinence de créer un nouveau comité de suivi ad hoc dédié à la seule évaluation de l’application du présent projet de loi. En effet, dans la mesure où elles concourent au développement économique et social des outre-mer, les mesures du présent projet de loi destinées à faciliter le libre jeu de la concurrence dans ces territoires (chapitre Ier) entrent effectivement dans le champ d’évaluation de la commission instituée par la loi précitée du 27 mai 2009. Le risque n’est donc pas mince de créer une nouvelle structure, dont les travaux porteront peu ou prou sur le même objet que ceux menés en parallèle par la commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer. Au caractère quelque peu redondant des travaux, viendront se superposer les coûts de fonctionnement de ces deux structures. La création de ce comité ne s’inscrit de surcroît pas dans la démarche de modernisation de la gouvernance initiée par le président de l’Assemblée nationale, M. Claude Bartolone, lequel a appelé de ses vœux, le 25 septembre 2012, une réduction de 30 % au cours de la XIVe législature du nombre de comités d’évaluation ou de contrôle.

Enfin, la mission de contrôle de l’application des lois est d’ores-et-déjà dévolue aux parlementaires, dans le cadre de leur mission d’évaluation des politiques publiques. Les règlements de l’Assemblée nationale comme du Sénat offrent à cet égard de nombreux outils pour contrôler et évaluer l’application des lois qu’ils votent. Ainsi, l’article 145-7 du règlement de l’Assemblée nationale prévoit que six mois après le vote de chaque loi, un rapport soit élaboré par un parlementaire de la majorité et un de l’opposition sur l’état de publication des textes réglementaires d’application. Le Sénat a pour sa part créé, en 2011, une commission pour le contrôle de l’application des lois, laquelle publie un rapport annuel sur la mise en œuvre des lois.

Ces préoccupations ont été partagées par notre collègue rapporteur de la commission des affaires économiques, Mme Érika Bareigts, laquelle a également proposé la suppression du comité de suivi envisagé par le présent article.

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La Commission est saisie d’un amendement CL 7 du rapporteur pour avis, visant à supprimer l’article.

M. le rapporteur pour avis. L’article 7 bis B, issu du Sénat, crée un comité de suivi chargé d’évaluer l’application du présent projet de loi. Or l’article 74 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a d’ores et déjà institué une Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, chargée de suivre la mise en œuvre des politiques publiques de l’État outre-mer, en particulier des mesures destinées à favoriser le développement économique et social des collectivités ultramarines.

Compte tenu de l’existence et du rôle de cette commission nationale, à laquelle est dévolue une fonction générale d’évaluation de l’ensemble des politiques économiques menées par l’État outre-mer, la pertinence et l’opportunité de créer un nouveau comité de suivi ad hoc, dédié à la seule évaluation de l’application du présent projet de loi, ne me semblent pas avérées.

C’est pourquoi je vous propose de supprimer cet article.

Je tiens à vous préciser que l’intention de la rapporteure de la Commission saisie au fond est identique.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 7 bis B.

Chapitre II

Dispositions relatives à l’outre-mer

Les dispositions contenues dans le chapitre II du présent projet de loi poursuivent un double objectif. Il s’agit, en premier lieu, de poursuivre l’extension de la législation dans les départements d’outre-mer, et plus particulièrement à Mayotte, dans le cadre de la mise en place de la départementalisation de cette collectivité et de l’accession de celle-ci au statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne, à compter du 1er janvier 2014. Il s’agit, en second lieu, de mettre en œuvre des dispositifs propres aux départements et aux collectivités d’outre-mer. Votre Commission s’est saisie pour avis des articles 8, 9 (I-1°), 10, 11 (I-4°, II-4°, III-3°, 5°, 8°, 9° et 14°), 11 bis et 11 ter.

Article 8

(art. L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales)


Suppression de l’obligation de participation financière minimale
des collectivités d’outre-mer aux opérations d’investissement
dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage

Le présent article exonère les départements d’outre-mer ainsi que les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de l’application des dispositions prévues par le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, lequel oblige actuellement les collectivités territoriales ou leurs groupements à financer au moins 20 % des projets d’investissement, dont ils assurent la maîtrise d’ouvrage.

Afin de limiter l’importance des divers cofinancements apportés par les collectivités territoriales à une même opération d’investissement, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a soumis, à compter du 1er janvier 2012, la part de financement apportée par la collectivité territoriale maître d’ouvrage à un « plancher » fixé à au moins 20 %, En effet, le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoit actuellement que « toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, assure une participation minimale au financement de ce projet. Sans préjudice de l’application de l’article 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, cette participation minimale du maître d’ouvrage est de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet ».

Or, l’application de ce principe aux collectivités territoriales d’outre-mer pénalise leurs projets d’investissement, en raison d’une part de leurs difficultés budgétaires chroniques et d’autre part de leurs besoins d’équipements plus élevés qu’en métropole.

S’agissant de la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales ultramarines, on doit reconnaître que celle-ci est structurellement dégradée et ce, depuis plusieurs années. Elle se caractérise notamment par une insuffisance des ressources de fonctionnement et des problèmes récurrents de trésorerie, qui réduisent d’autant la capacité d’autofinancement de ces territoires. La faiblesse du taux d’épargne brute des collectivités ultramarines – notamment des communes et à l’exception des régions – illustre parfaitement cette insuffisance, voire dans certains cas cette absence, de capacité d’autofinancement de l’investissement public outre-mer.

COMPARAISON DU TAUX D’ÉPARGNE BRUTE DES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COLLECTIVITÉS OUTRE-MER ET EN METROPOLE

 

Moyenne outre-mer

Moyenne nationale

Communes de moins de 10 000 habitants

6,5 %

21,3 %

Communes de plus de 10 000 habitants

8,4 %

14,8 %

Départements

10,51 %

12,57 %

Régions

36,06 %

24,84 %

Source : étude d’impact, p. 29.

Cette insuffisance de l’épargne publique est d’autant plus préjudiciable au développement économique, social et culturel des collectivités et des populations outre-mer que les besoins d’équipement dans ces territoires sont supérieurs à ceux des collectivités en métropole, en raison d’une part des contraintes liées à leur environnement géographique particulier – climat, météorologie, exposition aux phénomènes sismiques – et d’autre part de leur retard d’investissement, en comparaison avec les collectivités métropolitaines, dans certains secteurs majeurs pour la population – tels que la santé publique, l’environnement, le logement, l’eau potable et l’assainissement ou bien encore la gestion des déchets. À ce retard d’investissement, s’ajoute l’obligation pour les collectivités ultramarines de mettre aux normes leurs installations, afin de respecter les normes européennes ou bien encore les exigences du « Grenelle de l’environnement ».

Dans ces conditions, l’exigence – posée par le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales – d’une participation minimale des collectivités territoriales au financement des projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage peut devenir un véritable obstacle à l’investissement public outre-mer. Les contraintes particulières à ces territoires ont d’ailleurs justifié, jusqu’au 31 décembre 2011, l’existence d’un régime spécifique en faveur des collectivités ultramarines. En effet, le décret n° 2001-120 du 7 février 2001 relatif aux subventions de l’État pour les projets d’investissement dans les départements d’outre-mer et les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte permettait aux collectivités territoriales d’outre-mer de bénéficier d’une subvention de l’État pouvant représenter jusqu’à 100 % du financement de leurs projets d’investissement.

En offrant la possibilité d’un financement par l’État à hauteur de 100 % des investissements réalisés par les collectivités ultramarines, ce régime présentait un caractère dérogatoire aux règles de droit commun fixées pour la participation des collectivités territoriales au financement des projets d’investissement, dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. En effet, l’article 10 du décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’État pour des projets d’investissement a posé le principe selon lequel « le montant de la subvention de l’État ne peut avoir pour effet de porter le montant des aides publiques directes à plus de 80 % du montant prévisionnel de la dépense subventionnable engagée par le demandeur ».

L’entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 2012, de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et donc de l’exigence d’une participation minimale de 20 % des collectivités territoriales au financement des projets d’investissement, dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage (III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales), a toutefois implicitement abrogé le régime dérogatoire prévu par le décret précité du 7 février 2001 en faveur des collectivités ultramarines. Par conséquent, depuis le 1er janvier 2012, comme leurs homologues de la métropole, les collectivités territoriales ultramarines sont soumises aux nouvelles règles de participation financière minimale prévues par le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales et doivent, à ce titre, assurer une participation minimale au financement des projets d’investissement, dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage, correspondant à 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques audit projet.

Afin néanmoins de tenir compte des difficultés qui pèsent lourdement sur la capacité des collectivités ultramarines à financer leurs projets d’investissement, l’article 88 de la loi précitée du 16 décembre 2010 avait habilité le Gouvernement à adapter, par voie d’ordonnance et dans un délai de six mois, l’exigence d’une participation minimale de 20 % aux spécificités des collectivités territoriales ultramarines. Or, aucune ordonnance n’a été prise dans le délai imparti par le législateur.

Afin de remédier à cette situation, le présent article n’a pas pour objet de reconduire, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, l’habilitation du Gouvernement à adapter aux spécificités et contraintes particulières des collectivités ultramarines le principe d’une obligation minimale de financement. Il propose au législateur de réaliser lui-même cette adaptation, en excluant de facto du champ d’application du III de l’article L. 1111-10 précité, fixant à 20 % la part minimale de financement apportée par une collectivité territoriale maître d’ouvrage les collectivités territoriales et leurs groupements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces collectivités territoriales d’outre-mer ne seront ainsi plus soumises à l’obligation d’une participation minimale de 20 % aux projets dont elles assureront la maîtrise d’ouvrage.

Ce nouveau régime dérogatoire en faveur des collectivités ultramarines, destiné à tenir compte en application de l’article 73 de la Constitution « des caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités », n’est pas inédit s’inscrit dans le prolongement des trois séries de dérogations déjà prévues par le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoyant d’ores et déjà trois types de dérogation à l’exigence d’une participation minimale au financement d’un projet d’investissement par une collectivité territoriale maître d’ouvrage.

DÉROGATIONS PRÉVUES PAR LE III DE L’ARTICLE L. 1111-10 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À LA PART MINIMALE DE FINANCEMENT
APPORTÉE PAR UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE MAÎTRE D’OUVRAGE

Nature de la dérogation

Objet de la dérogation

Dérogation générale

Financement des opérations menées dans le cadre de la rénovation urbaine

Dérogation spécifique
sur décision préfectorale

1) Pour les projets d’investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine,

2) Pour les projets d’investissements destinés à réparer les dégâts causés par les calamités publiques, au vu de l’importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales.

Dérogation spécifique à la Corse

Participation minimale de 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques pour « les projets d’investissement en matière d’eau potable et d’assainissement, d’élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale qui sont réalisés par les EPCI à fiscalité propre de Corse ou par leurs communes membres lorsque les projets n’entrent pas dans le champ de compétence communautaire ».

Votre rapporteur pour avis se félicite de l’instauration, au sein de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, d’un régime dérogatoire en faveur des collectivités d’outre-mer. Ce régime garantira une meilleure prise en compte de la spécificité de la situation budgétaire de ces collectivités, sans pour autant les pénaliser dans la maîtrise d’ouvrage de leurs projets d’investissements, lesquels sont par ailleurs indispensables au développement économique et social de ces territoires.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Article 9

Habilitation du Gouvernement à modifier l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte

L’article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à rapprocher par ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, les règles législatives applicables à Mayotte dans plusieurs domaines de celles en vigueur en métropole ou dans les autres collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution. Ce rapprochement est nécessaire compte tenu, d’une part, de la départementalisation de Mayotte depuis le 31 mars 2011, et, d’autre part, de la décision 2012/419/UE du Conseil européen du 11 juillet 2012 modifiant le statut à l’égard de l’Union européenne de Mayotte. En application de cette décision, Mayotte cessera, à compter du 1er janvier 2014, d’être un pays et territoire d’outre-mer, auquel s’appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), pour devenir une région ultrapériphérique au sens de l’article 349 TFUE.

Un délai de dix-huit mois suivant la publication de la présente loi est prévu pour procéder à ces modifications. Le projet de loi de ratification de chaque ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de la publication.

L’habilitation sollicitée concerne la modification et/ou l’extension :

— des dispositions de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ;

— des dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’adoption, à l’allocation personnalisée d’autonomie et à la prestation de compensation du handicap ;

— la législation relative à la couverture des risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité et accidents du travail, aux prestations familiales ainsi qu’aux organismes compétents en la matière ;

— la législation du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

Votre commission s’est saisie pour avis de l’habilitation à modifier les dispositions de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte (article 9, I, 1°), qui est la seule à relever de ses compétences.

Les conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ne sont pas régies par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), mais par l’ordonnance du 26 avril 2000, précitée. Dans un avis du 20 mai 2010, le Conseil d’État a estimé que l’application du régime de l’identité législative, lié au statut de département d’outre-mer de Mayotte, n’exclut pas le maintien de textes spécifiques antérieurs tant qu’ils ne sont pas abrogés.

Le maintien de règles spécifiques à Mayotte dans ce domaine est justifié par la pression migratoire exceptionnelle à laquelle est soumis ce département. En effet, l’immigration illégale à Mayotte revêt une dimension dramatique, aussi bien pour les Mahorais eux-mêmes, en raison de ses effets déstabilisateurs, que pour les Comoriens qui risquent leur vie sur de frêles embarcations, les kwassas kwassas, pour traverser les quelques 70 kilomètres qui séparent l’île d’Anjouan de Mayotte. Selon les estimations, la population immigrée clandestine à Mayotte pourrait s’élever à plus du tiers de la population mahoraise. L’attractivité de Mayotte, dont le niveau de vie par habitant – bien que ne représentant qu’un cinquième de celui de la métropole – est huit fois supérieur à celui des trois autres îles de l’archipel des Comores, est particulièrement élevée. Elle constitue en effet un îlot de prospérité, malgré ses fortes inégalités internes, dans un environnement régional où les conditions de vie sont beaucoup plus difficiles.

Près de 70 millions d’euros sont consacrés, chaque année, par la France à Mayotte afin de combattre l’immigration clandestine, sans endiguer le phénomène, contre moins d’une dizaine de millions d’euros d’aide au développement des Comores et seulement 300 000 euros pour des actions de coopération régionale. L’ampleur de l’immigration clandestine rend les conditions de vie dans l’unique centre de rétention administrative (CRA) de l’île, situé à Pamandzi (Petite Terre) et surpeuplé, déplorables. Elle conduit également au phénomène tragique des « mineurs isolés », décrit par la sénatrice Isabelle Debré dans le cadre d’un rapport présenté en 2010 (30).

Votre rapporteur pour avis et deux de ses collègues, Loïc Bouvard et Daniel Goldberg, avaient dressé ce sombre constat en 2010, lors de la première mission parlementaire effectuée dans l’Union des Comores depuis son indépendance, il y a trente-cinq ans. Les sénateurs Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplans ont confirmé cette analyse, dans un récent rapport d’information de la commission des Lois de cette assemblée, présenté le 18 juillet dernier (31).

Le Sénat a complété le 1° du I de l’article 9 afin de préciser que la modification de l’ordonnance du 26 avril 2000, précitée, devra être opérée « dans la perspective de la mise en œuvre d’un nouveau visa applicable à Mayotte, plus adapté aux contraintes issues de la pression migratoire ».

Si votre rapporteur pour avis partage les motivations de l’ajout opéré par le Sénat, selon lesquelles le statu quo est impossible, il estime qu’une rédaction alternative doit être proposée. En effet, d’un point de vue technique, ce n’est pas dans le cadre de la modification de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000, qui ne comporte que quelques dispositions générales relatives aux visas (exigence d’un visa, cas de dispense et documents exigés), qu’une révision éventuelle des conditions de délivrance du visa dit « Balladur » pourrait être opérée. Cette question relève en effet du décret d’application de cette ordonnance, le décret n° 2001-635 du 17 juillet 2000, et surtout de l’arrêté du 26 juillet 2011 relatif aux documents et visas exigés pour l’entrée des étrangers sur le territoire de Mayotte et des diverses instructions ministérielles, non publiées, adressées aux services compétents. C’est pour ces motifs que votre Commission, sur l’initiative de votre rapporteur pour avis, a proposé de supprimer la référence à un « nouveau visa applicable à Mayotte » et d’y substituer l’objectif de « définir des conditions mieux adaptées au défi migratoire ».

De plus, l’ajout opéré par le Sénat limite le champ de l’habilitation à la création d’un nouveau visa applicable à Mayotte, alors que les modifications souhaitables de l’ordonnance du 26 janvier 2000, précitée, portent sur beaucoup d’autres sujets, incluant notamment l’indispensable mise en conformité de la législation applicable à Mayotte avec la directive 2003/9/CE relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres et la directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Cette restriction fait donc courir un risque juridique, en cas de recours contre l’ordonnance tant qu’elle n’est pas ratifiée.

Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Intérieur et le ministre des Outre-mer ont confié, le 30 juillet 2012, à M. Alain Christnacht, conseiller d’État, la mission de dresser un état de situation à Mayotte en termes d’immigration irrégulière et de formuler des recommandations, notamment sur le régime juridique applicable en matière d’entrée et de séjour des ressortissants étrangers dans cette collectivité. La nouvelle rédaction du 1° du I de l’article 9 proposée par votre commission, élaborée par votre rapporteur pour avis après avoir consulté ce haut fonctionnaire, tient compte de ses recommandations. Elle vise à mieux encadrer l’habilitation accordée au Gouvernement, tout en lui ménageant les marges de manœuvre indispensables pour mener les négociations avec l’Union des Comores. Cette nouvelle rédaction, après consultation de votre rapporteur pour avis, a reçu l’assentiment de nos deux collègues, députés de Mayotte, tout en préservant l’esprit de la modification introduite au Sénat.

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La Commission examine l’amendement CL 8 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Je tiens à souligner l’importance de l’alinéa 2 de l’article 9, compte tenu de l’inefficacité du dispositif actuel pour lutter contre l’immigration clandestine dans le département de Mayotte.

Il convient de donner à l’État une orientation qui le conduise à rédiger une ordonnance efficace, sans pour autant prévoir dans le présent texte ce qui relève du domaine réglementaire, à savoir les conditions d’attribution des visas.

C’est la raison pour laquelle, en concertation étroite avec les parlementaires de Mayotte et le conseiller d’État, M. Alain Christnacht, qui a été mandaté par le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Intérieur et le ministre des Outre-mer pour procéder à un examen approfondi de la situation à Mayotte, nous sommes parvenus à une rédaction qui nous paraît meilleure que celle du Sénat.

Si nous nous contentions de supprimer la disposition adoptée au Sénat, nous donnerions un blanc-seing au Gouvernement alors qu’il revient au Parlement de donner pour objectif à l’ordonnance que le Gouvernement prendra, et qui se substituera à l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000, « de définir des conditions mieux adaptées au défi migratoire » auquel est confronté le département de Mayotte.

Mme Nathalie Nieson. Cet article prend toute la mesure des migrations de l’Union des Comores vers Mayotte tout en tenant compte des difficultés de l’application du « visa Balladur ». Il convient d’instaurer un visa plus en phase avec la réalité du terrain.

M. Ibrahim Aboubacar. Je précise que je ne suis pas membre de la commission des Lois.

Les parlementaires de Mayotte sont très attachés à l’extension à l’île du droit commun, qui est l’objet de l’article 9. En effet, après sa départementalisation effective, l’année dernière, Mayotte doit franchir en 2014 une deuxième étape, tout aussi importante, qui est celle de l’européanisation des règles qui lui sont applicables. L’ordonnance qui portera sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers doit donc être réexaminée pour qu’elle tienne compte de la réglementation européenne.

Le Sénat a souhaité à cette occasion inscrire dans le projet de loi des objectifs précis en termes de moyens, visant à endiguer la pression migratoire sur l’île. C’est pourquoi il a habilité le Gouvernement à modifier par ordonnance les conditions d’entrée et de séjour des étrangers « dans la perspective de la mise en œuvre d’un nouveau visa applicable à Mayotte, plus adapté aux contraintes issues de la pression migratoire ».

Aux yeux des parlementaires de Mayotte, l’analyse du Sénat est trop restrictive car la pression migratoire est un phénomène compliqué, qui exige une révision de la politique de coopération. Des mesures doivent prises aussi bien aux Comores qu’à Mayotte. Telle est la raison pour laquelle les députés de Mayotte ont déposé des amendements sur le sujet, indiquant que l’obligation de moyens adoptée au Sénat n’est pas en adéquation avec l’obligation de résultat affichée. Il convient donc de s’en tenir à la nécessité de se rapprocher de la réglementation européenne tout en indiquant l’objectif visé. Laissons au Gouvernement, qui a demandé à un haut fonctionnaire un examen approfondi de la situation, le soin de déterminer les moyens les plus adaptés dans le cadre de la concertation engagée.

Les parlementaires de Mayotte ont déposé un amendement de suppression de la disposition adoptée au Sénat : ils le retireraient si l’amendement CL 8 était adopté.

M. Patrick Mennucci. Des lois ne suffiront pas à résoudre les graves problèmes qui prévalent entre Mayotte et les Comores. Il faudrait considérablement modifier notre approche de la coopération internationale dans la zone. Mayotte est l’endroit du monde où la France a le plus de facilité pour intervenir. Nous savons pertinemment que le flux migratoire des Comores vers Mayotte est essentiellement dû à une différence considérable de niveau de vie, d’autant que celui-ci ne cesse de régresser aux Comores par rapport à celui qui prévalait lors de la présence française.

Il faut savoir que les Comoriens installés en France, bien que disposant de revenus très faibles, en transfèrent jusqu’à 40 % en direction de leurs familles restées au pays, ce qui n’est pas sans poser des problèmes considérables à une ville comme Marseille, où vivent quelque 50 000 d’entre eux. C’est qu’en l’absence d’impôts, ce sont les villageois eux-mêmes qui doivent financer aux Comores les actions collectives telles que la construction d’une route, d’une école ou d’un dispensaire.

M. Philippe Gosselin. Les relations entre l’Union des Comores et Mayotte sont, pour des raisons historiques, particulièrement sensibles. Si la France se doit d’avoir une réglementation exemplaire et d’assumer ses responsabilités dans la région, il faut toutefois rappeler que le gouvernement comorien n’hésite pas à souffler sur les braises et à transformer la France en parfait bouc émissaire pour masquer la dégradation de la situation économique et politique des Comores.

Pour travailler en bonne intelligence, les deux partenaires doivent partager le même objectif. Or je ne suis pas certain que le gouvernement comorien ait véritablement envie de travailler dans cette optique.

M. le rapporteur pour avis. Je tiens à remercier M. Ibrahim Aboubacar de son témoignage ainsi que de son intention de participer à la recherche d’une rédaction mieux adaptée à la situation que celle adoptée au Sénat.

Monsieur Mennucci, les communautés comoriennes présentes à Marseille, à Dunkerque et en Île-de-France proviennent essentiellement de la Grande Comore – la constitution de l’Union des Comores garantit à chacune des trois îles une large autonomie. Le problème auquel est confrontée Mayotte est surtout dû à la proximité de l’île d’Anjouan. Si un petit nombre d’Anjouanais s’installent en métropole, ils sont en revanche nombreux à traverser le bras de mer, large de quelque soixante-dix kilomètres, qui les sépare de Mayotte. Il est donc nécessaire de fixer des règles précises.

J’ai eu le privilège, lors de la précédente législature, de participer avec M. Goldberg, président du groupe d’amitié France-Comores, et M. Loïc Bouvard à un voyage d’étude, au retour duquel nous avions signé ensemble une tribune dans Le Monde. Nous y rappelions que le principal problème est celui du décalage de niveau de vie entre l’Union des Comores et Mayotte, qu’aggrave un développement insuffisant de la coopération régionale.

Lors de notre mission, nous avons appris que, sur instruction du ministre des Affaires étrangères à l’ambassadeur de France aux Comores, l’antenne consulaire de Moutsamoudou, capitale d’Anjouan, délivrait aux ressortissants comoriens désireux de se rendre à Mayotte des visas courts sur critères objectifs – familiaux, sanitaires ou commerciaux –, avec l’obligation, pour leurs détenteurs, de se présenter à leur retour au consulat, afin de faire constater qu’ils ne se sont pas installés illégalement sur l’île. Nous avons pu observer l’efficacité relative de ce dispositif.

Il convient évidemment, monsieur Gosselin, d’obtenir la coopération des autorités comoriennes dans la surveillance maritime conjointe du bras de mer séparant Anjouan de Mayotte, en vue de mettre un terme à ces drames récurrents de bateaux allant se briser au petit matin sur la barrière de corail.

Des solutions concrètes doivent être trouvées. Cet amendement vise à donner une orientation générale au Gouvernement, afin de l’inciter à s’emparer du sujet.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.

Article 9 bis (nouveau)

Habilitation du Gouvernement à étendre et adapter en Nouvelle-Calédonie
plusieurs dispositions législatives en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial

Issu d’un amendement du Gouvernement, sur lequel votre Commission a émis un avis favorable à son adoption, le présent article a pour objet d’habiliter le Gouvernement à étendre et à adapter en Nouvelle-Calédonie, en application de l’article 38 de la Constitution, plusieurs dispositions législatives en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial.

En effet, la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012, prise sur le fondement des articles 21 et 26 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, a défini les compétences de l’État qui seront transférées, à compter du 1er juillet 2013, à cette collectivité en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial.

Or, pour pouvoir être effectif à cette date, ce transfert doit être précédé, d’une part, de l’actualisation des dispositions du code civil et du code commercial applicables à la Nouvelle-Calédonie et, d’autre part, de l’extension et l’adaptation des dispositions législatives nationales non étendues à cette collectivité ou qui y sont partiellement applicables. Tel est l’objet du présent article, qui garantira, à la date initialement prévue, le transfert des compétences de l’État à la Nouvelle-Calédonie en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial.

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La Commission examine l’amendement CL 3 du Gouvernement, portant article additionnel après l’article 9.

M. le rapporteur pour avis. Cet article additionnel vise à habiliter le Gouvernement à étendre et à adapter en Nouvelle-Calédonie, en application de l’article 38 de la Constitution, les dispositions législatives nationales en matière de droit civil, de règles concernant l’état-civil et de droit commercial. Le transfert de ces compétences de l’État à la Nouvelle-Calédonie est prévu pour le 1er juillet 2013.

Pour être effectif à cette date, le transfert doit être précédé, d’une part, de l’actualisation des dispositions du code civil et du code commercial applicables à la Nouvelle-Calédonie, et, d’autre part, de l’extension et de l’adaptation des législations non étendues à cette collectivité ou qui y sont partiellement applicables.

Tel est l’objet du présent amendement gouvernemental, auquel j’émets un avis favorable.

La Commission émet un avis favorable à l’amendement.

Article 10

Homologation des peines d’emprisonnements prévues dans la réglementation applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française

Afin de permettre leur entrée en vigueur, le présent article a pour objet d’homologuer les peines d’emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française, en application des statuts de ces collectivités.

En effet, l’article 87 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, comme l’article 21 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, autorisent ces deux collectivités ultramarines à assortir les infractions qu’elles créent, dans les matières relevant de leurs compétences, de peines d’emprisonnement, à la double condition que celles-ci respectent la classification des délits et n’excèdent pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République.

Pour être applicables, ces peines doivent ensuite être homologuées par le Parlement, sans quoi les infractions visées ne peuvent donner lieu au prononcé des peines d’emprisonnement par les juridictions pénales, mais seulement aux peines d’amende prévues par la réglementation locale.

Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois du Sénat, M. Thani Mohamed Soilihi, le présent article « procède à l’homologation d’un nombre de peines inédit par son ampleur, alors que, parallèlement, le législateur procède à un rythme croissant à des homologations, depuis ces dernières années » (32). En effet, on a dénombré seulement deux vagues d’homologations entre 1976 et 1991 (33), soit le même nombre qu’en 2010 et 2011 (34).

Si cette accélération des homologations traduit la montée en puissance des transferts de compétences et l’effort constant d’actualisation du droit localement applicable, votre rapporteur pour avis regrette le caractère excessif du délai observé entre l’adoption des peines d’emprisonnement dans ces deux territoires du Pacifique et leur homologation législative au niveau national. En effet, le présent article invite le Parlement à homologuer certaines peines d’emprisonnement créées il y a plus de dix ans. Or, en l’absence d’homologation de ces peines, les juridictions pénales ne peuvent les prononcer, maintenant sur ces deux territoires du Pacifique « un régime de sanctions anormalement léger » (35). Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis juge qu’il est indispensable que le Gouvernement assure un meilleur suivi de ces peines en vue de soumettre régulièrement et dans les meilleurs délais leur homologation au législateur.

Saisi d’un article d’homologation, il revient au Parlement de s’assurer que les peines d’emprisonnement édictées localement respectent pleinement les règles organiques et constitutionnelles – au nombre de trois – qui régissent leur homologation au niveau national. En premier lieu, l’adoption par l’assemblée de la Polynésie française ou le congrès de la Nouvelle-Calédonie de ces peines d’emprisonnement doit intervenir dans un domaine relevant du champ de compétences de ces territoires. En deuxième lieu, le quantum de la peine d’emprisonnement, tel qu’il a été fixé par les deux assemblées locales, ne doit pas excéder celui prévu pour une infraction de même nature dans le droit commun. Enfin, pour la seule Nouvelle-Calédonie, la classification des délits doit être respectée, une infraction ne pouvant être localement érigée en délit, dès lors qu’elle relève dans l’hexagone du champ contraventionnel.

À la lumière de ces trois exigences organiques et constitutionnelles, votre rapporteur pour avis a attentivement examiné les différentes peines d’emprisonnement, que le législateur est invité à homologuer. Il constate tout d’abord que les infractions auxquelles renvoie le présent article interviennent sans exception dans un domaine relevant du champ de compétences de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie. Il observe ensuite qu’aucune des peines auxquelles le présent article renvoie n’excède le quantum de peine prévue pour une infraction de même nature sur le reste du territoire de la République. S’agissant enfin du respect de la classification des délits pour la seule Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis remarque enfin que les peines d’emprisonnement édictées localement respectent cette condition.

Lors de l’examen en séance du présent article, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois, M. Thani Mohamed Soilihi, visant à conforter le respect de ces exigences organiques et constitutionnelles à trois égards. Cet amendement a ainsi permis de :

—  compléter l’alinéa 6 du présent article par un renvoi à l’article 127-1 de l’ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985. En effet, dans sa rédaction initiale, le présent article renvoyait uniquement à l’article 5 de la loi du pays n° 2006-110 du 22 septembre 2006 portant diverses dispositions relatives au droit du travail en Nouvelle-Calédonie, lequel a introduit une peine d’emprisonnement en créant un article 127-1 dans l’ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 relatives aux principes directeurs du droit du travail et à l’organisation et au fonctionnement de l’inspection du travail et du tribunal du travail en Nouvelle-Calédonie. Dans un souci légitime de clarté et d’intelligibilité du droit, le rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois du Sénat « a souhaité préciser cette référence en renvoyant également à la disposition contenue dans l’ordonnance précitée et qui sert désormais de base légale à l’infraction » (36) ;

—  remplacer, à l’alinéa 8 du présent article, la mention de l’article Lp. 113-1 par celle de l’article Lp. 116-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, en vue de rectifier une erreur matérielle. En effet, l’article Lp. 113-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie ne prévoit plus de peines d’emprisonnement à la suite de la promulgation de la loi du pays n° 2011-5 du 17 octobre 2011, dont l’article 1er a transféré le contenu de l’article Lp. 113-1 à l’article Lp. 116-1 du même code ;

—  homologuer la peine d’emprisonnement prévue par l’article 15 de la délibération du congrès n° 51/CP du 20 avril 2011 relative à la définition des aires protégées dans l’espace maritime de la Nouvelle-Calédonie et sur les îles appartenant à son domaine public. Cette homologation, à laquelle rien ne fait obstacle sur le fond comme sur la forme, permettra, conformément au vœu formulé par votre rapporteur pour avis (cf. supra), l’application rapide des sanctions d’emprisonnement fixées par la Nouvelle-Calédonie dans ce domaine.

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* *

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

Article 11

Ratification d’ordonnances relatives à l’outre-mer

Le présent article a pour objet de ratifier expressément vingt-six ordonnances relatives à l’outre-mer, dont sept relèvent de la compétence de votre Commission.

En premier lieu, sur ces sept ordonnances, dont votre Commission s’est saisie pour avis, une seulement a été prise en application de l’article 74-1 de la Constitution, lequel dispose que « dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnance, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure ». Il s’agit de l’ordonnance n° 2012-396 du 23 mars 2012 portant adaptation de l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna. Elle a pour objet d’étendre à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna les nouvelles conditions de rétribution des avocats désignés d’office pour l’assistance d’une personne gardée à vue issues de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Votre rapporteur pour avis constate que, dans le respect du deuxième alinéa de l’article 74-1 de la Constitution, cette ordonnance a été prise après avis des assemblées délibérantes intéressées, le congrès de la Nouvelle-Calédonie et l’assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna ayant été saisis le 17 janvier 2012.

En deuxième lieu, une des sept ordonnances, dont votre Commission s’est saisie pour avis, a été prise en application de l’article 38 de la Constitution, lequel permet au Gouvernement, pour l’exécution de son programme, de « demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi », ainsi que sur le fondement de l’article 42 de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires. Il s’agit de l’ordonnance n° 2012-1875 du 15 décembre 2011 portant extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010. Cette ordonnance permet au Gouvernement d’étendre et d’adapter les dispositions de la loi précitée du 22 décembre 2010, en particulier les dispositions législatives relatives à la profession d’avocat et aux experts judiciaires en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna. Son article 3 a plus particulièrement pour objet d’étendre les dispositions de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Or, comme l’a souligné le rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois, M. Mohamed Thani Soilihi, « l’extension de ces dispositions soulève cependant une question quant à la répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française, d’une part, et la Nouvelle-Calédonie, d’autre part » (37). En effet, si la Polynésie française comme la Nouvelle-Calédonie sont toutes deux compétentes en matière de procédure civile, l’État demeurant compétent en matière d’organisation judiciaire, la question se pose de savoir si les règles relatives aux experts judiciaires relèvent de la procédure civile – et donc de la compétence de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française – ou de l’organisation judiciaire – et donc de la compétence de l’État.

La Polynésie française s’est pour sa part estimée compétente et a adopté la délibération n° 99-56 APF du 22 avril 1999 sur ce sujet et le président de son assemblée « s’est d’ailleurs fortement ému de cette extension, considérant que l’État excédait sa compétence prévue par l’article 14 de la loi organique n° 2044-192 du 27 février 2004 et, à ce titre, d’interprétation stricte » (38). Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 décembre 2011 qui étend en Polynésie française les dispositions de la loi précitée du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, il existe donc sur ce territoire un conflit de normes entre un acte local et la loi nationale. Afin de remédier à cette situation, source d’insécurité juridique, le Sénat a adopté en séance publique un amendement du rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois qui met fin, à titre conservatoire, à l’extension à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française des dispositions de la loi précitée du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires.

Enfin, les cinq dernières ordonnances, dont votre Commission s’est saisie pour avis, ont pour leur part toutes été prises en application de l’article 38 de la Constitution et sur le fondement de l’article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative à Mayotte. Elles ont pour objet, dans le cadre du processus de départementalisation de cette collectivité, de rapprocher les règles applicables à Mayotte à celles applicables en métropole ou dans les autres collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution. Ces ordonnances soit étendent la législation intéressée dans une mesure et selon une progressivité adaptées aux caractéristiques et contraintes particulières à Mayotte, soit adaptent le contenu de cette législation à ces caractéristiques et contraintes particulières, soit procèdent aux deux opérations simultanément. Les cinq ordonnances prises dans le cadre de la départementalisation de Mayotte et dont votre Commission s’est saisie pour avis sont les suivantes :

—  l’ordonnance n° 2011-1708 du 1er décembre 2011 relative à l’application à Mayotte des deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales. Elle vise à appliquer, à compter du 1er janvier 2012, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de Mayotte les dispositions de droit commun qui n’y avaient pas été rendues applicables, tout en maintenant certaines spécificités, notamment en matière de recettes de fonctionnement et d’investissement des communes, jusqu’à l’entrée en vigueur à Mayotte du code général des impôts fixée par la loi précitée du 7 décembre 2010 au 1er janvier 2014 ;

—  l’ordonnance n° 2012-395 du 23 mars 2012 relative à l’application à Mayotte de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Elle applique à Mayotte la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et aligne le régime de l’aide juridique à Mayotte sur celui de la métropole, tout en préservant certaines spécificités. Elle renforce en outre l’autonomie de la profession d’avocat en confiant à la caisse des règlements pécuniaires des avocats de Mayotte la rétribution des missions des avocats assistant les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, cette rétribution ayant été parallèlement revalorisée par décret. Enfin, cette ordonnance permet la création d’un conseil départemental de l’accès au droit ;

—  l’ordonnance n° 2012-578 du 26 avril 2012 relative à l’application à Mayotte du code de commerce, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation. Cette ordonnance a mis fin à un nombre important de dérogations figurant dans le code de commerce, a étendu l’application des dispositions issues de la loi du 5 juillet 1985 relative à la situation des victimes d’accidents de la circulation et l’accélération des procédures d’indemnisation et a réécrit, dans le domaine du droit de la copropriété, l’article 50 de la loi du 10 juillet 1965 qui définit les conditions d’application de cette législation à Mayotte ;

—  l’ordonnance n° 2012-579 du 26 avril 2012 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans le département de Mayotte. Elle supprime les dispositions spécifiques applicables aux professions d’huissier de justice et d’avocat, dont le maintien ne paraît plus justifié au regard du principe d’identité législative qui régit désormais le département ;

—  l’ordonnance n° 2012-790 du 31 mai 2012 modifiant l’article 64-1 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte. Cette ordonnance permet aux agents intégrés ou titulaires dans l’une des trois fonctions publiques de bénéficier d’une retraite versée par le régime de base géré par la caisse de sécurité sociale de Mayotte, dans le cas où ils ne peuvent bénéficier de la pension de retraite prévue par la loi du 11 juillet 2001 lorsqu’ils quittent l’emploi correspondant. Elle prévoit aussi les modalités de versement des retraites des pensionnés de la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte.

Pour ce qui concerne chacune des sept ordonnances dont votre Commission s’est saisie pour avis, votre rapporteur observe que le délai d’habilitation, le champ de cette dernière ainsi que le délai de dépôt du projet de loi de ratification ont été respectés par le Gouvernement. Aucun élément de fond ni de forme ne fait donc obstacle à la ratification des sept ordonnances relevant du champ de compétence de votre Commission. Votre rapporteur pour avis se félicite également que de nombreuses ordonnances relatives à Mayotte soient ratifiées par le présent article, posant ainsi les conditions d’une départementalisation réussie de cette collectivité.

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* *

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.

Article 11 bis

(art. L. 123-6 du code de commerce)


Transfert de la gestion du registre du commerce et des sociétés aux chambres de commerce et d’industrie dans les départements d’outre-mer

Issu de l’adoption par le Sénat en séance publique d’un amendement de M. Michel Vergoz, sénateur de La Réunion, le présent article a pour objet de transférer la tenue du registre du commerce et des sociétés aux chambres de commerce et d’industrie dans les départements d’outre-mer – Guyane, Martinique, Guadeloupe, La Réunion et Mayotte.

Les départements et collectivités d’outre-mer sont dotés de tribunaux mixtes de commerce ou de tribunaux de première instance à compétence commerciale, qui ont les mêmes missions que les tribunaux de commerce de droit commun. Aux termes de l’article L. 732-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’article 34 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, le greffe des tribunaux mixtes de commerce, et donc la tenue du registre du commerce et des sociétés dans le ressort de ces juridictions, est assuré par un greffier de tribunal de commerce, sous la surveillance du président ou d’un juge commis à cet effet.

L’auteur de l’amendement, dont est issu le présent article, estime que cette gestion du registre du commerce et des sociétés par un greffier de tribunal de commerce n’est pas adaptée aux entreprises ultramarines, qui doivent faire face à des contraintes particulières pour l’accomplissement de leurs formalités. Dans l’exposé sommaire de son amendement, le sénateur Michel Vergoz rappelle ainsi que, dans les départements d’outre-mer, la tenue du registre du commerce et des sociétés par les greffes des tribunaux mixtes de commerce présente de nombreuses défaillances et notamment un retard considérable dans le traitement des dossiers. Le délai de délivrance de l’extrait d’immatriculation au registre s’établit, dans ces territoires, entre trois et six mois en moyenne, ce qui constitue une entrave non négligeable au développement économique des entreprises ultramarines. En confiant la tenue du registre du commerce et des sociétés aux chambres de commerce et d’industrie outre-mer, l’auteur de l’amendement, dont est issu le présent article, entend faciliter les inscriptions au registre et ainsi encourager le développement de nouvelles activités commerciales.

Votre rapporteur pour avis n’est pas hostile à ce que les tribunaux mixtes de commerce puissent confier la gestion matérielle de ce registre aux chambres de commerce et d’industrie, sous réserve cependant que soit garanti dans le même temps un contrôle efficace et rigoureux de légalité et d’authentification des actes de ce registre.

En effet, le registre du commerce et des sociétés est un registre de publicité légale, qui permet par conséquent d’assurer l’information des tiers et de leur rendre opposables les actes des entreprises. Ceci suppose de vérifier la légalité de ces actes et donc de placer le registre in fine sous le contrôle du tribunal. Il est donc fondamental que sa bonne gestion soit garantie de la même manière sur tout le territoire, sous l’autorité des tribunaux de commerce. Si les compétences des chambres consulaires et leur capacité à gérer les centres de formalités des entreprises ne sont plus à démontrer, votre rapporteur pour avis juge indispensable que des garanties soient apportées afin que l’éventuelle délégation aux chambres de commerce et d’industrie de la tenue matérielle du registre du commerce et des sociétés assure, en toutes circonstances, un contrôle rigoureux et efficace de la légalité de ces actes.

C’est d’ailleurs la même ambition qui avait animé le législateur, lors de l’examen de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques. L’article 34 de cette loi a en effet prévu que le greffe des tribunaux mixtes de commerce soit désormais assuré par des greffiers de tribunal de commerce, officiers publics et ministériels, comme c’est le cas en métropole, en remplacement des greffiers fonctionnaires des tribunaux de grande instance et ce, sans coût supplémentaire pour les entreprises, dans la mesure où les tarifs sont réglementés au niveau national. La publication du décret n° 2012-439 du 30 mars 2012 relatif au greffe des tribunaux mixtes de commerce a permis de lancer le processus d’appel à candidatures, actuellement en cours, sous réserve pour les candidats aux fonctions de greffiers auprès des tribunaux mixtes de remplir les conditions d’accès à la profession prévues par la loi.

Une fois ce processus terminé, la gestion du registre du commerce et des sociétés outre-mer devrait atteindre, dans les départements d’outre-mer, le même niveau de qualité qu’en métropole, par exemple en matière de dématérialisation des formalités accomplies auprès du registre (service en ligne Infogreffe). Ce dernier point devrait satisfaire en particulier les entrepreneurs de Saint-Barthélemy, dépendant du registre tenu au greffe du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre.

La réforme en cours n’interdit toutefois pas, comme le propose le présent article, que soient apportées de nouvelles améliorations à ce dispositif sous réserve que la gestion matérielle du registre du commerce et des sociétés par les chambres de commerce et d’industrie garantisse parallèlement un contrôle effectif de la légalité des actes sous le contrôle du tribunal mixte de commerce.

Dans cette perspective, le présent article précise que les chambres de commerce et d’industrie assurent la tenue du registre du commerce et des sociétés « sous la surveillance du président du tribunal mixte de commerce ou d’un juge commis à cet effet », lesquels seront amenés à connaître et à trancher tout litige s’élevant entre les assujettis et la chambre de commerce concernée. Si votre rapporteur pour avis se félicite de cette précision nécessaire, il s’interroge toutefois sur la possibilité d’améliorer encore la rédaction du présent article, en vue de permettre la délégation par convention aux chambres de commerce et d’industrie de la tenue matérielle du registre du commerce et des sociétés, tout en garantissant les garanties évoquées précédemment.

Les délais d’examen particulièrement contraints du présent projet de loi n’ont cependant pas permis à votre rapporteur pour avis, en lien avec la rapporteure de la commission des Affaires économiques, Mme Éricka Bareigts, de parvenir à une nouvelle rédaction plus satisfaisante au stade de l’examen en commission.

*

* *

M. le rapporteur pour avis. La commission des Affaires économiques, à laquelle je ferai part des décisions de notre Commission, se penchera cet après-midi sur une nouvelle rédaction de cet article et des articles suivants.

Dans l’attente, je suis favorable à leur adoption.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis sans modification.

Article 11 ter

(art. L. 123-6 du code de commerce)


Transfert de la gestion du registre du commerce et des sociétés à la chambre économique multiprofessionnelle à Saint-Barthélemy

Issu de l’adoption par le Sénat en séance publique d’un amendement de M. Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, le présent article a pour objet de transférer la tenue du registre du commerce et des sociétés à la chambre économique multiprofessionnelle à Saint-Barthélemy.

Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être évoquées, votre rapporteur pour avis n’est pas hostile à ce qu’à Saint-Barthélemy, le tribunal mixte de commerce puisse confier la gestion matérielle du registre du commerce et des sociétés à la chambre économique multiprofessionnelle, sous réserve cependant que soit garanti en parallèle un contrôle efficace et rigoureux de légalité et d’authentification des actes de ce registre.

Le présent article précise notamment que la chambre économique multiprofessionnelle assure, à Saint-Barthélemy, la tenue du registre du commerce et des sociétés « sous la surveillance du président du tribunal mixte de commerce ou d’un juge commis à cet effet », lesquels seront amenés à connaître et à trancher tout litige s’élevant entre les assujettis et la chambre économique. À l’instar de son analyse concernant le précédent article, votre rapporteur pour avis se félicite de cette nécessaire précision, tout en s’interrogeant sur la possibilité d’améliorer encore la rédaction du présent article, en vue de permettre la délégation par convention à la chambre économique multiprofessionnelle de la tenue matérielle du registre du commerce et des sociétés, tout en garantissant un contrôle effectif et rigoureux de la légalité des actes sous le contrôle du tribunal mixte de commerce.

Votre rapporteur pour avis regrette à cet égard que les délais d’examen particulièrement contraints du présent projet de loi ne lui aient pas permis, en lien avec la rapporteure de la commission des Affaires économiques, Mme Éricka Bareigts, de parvenir à une nouvelle rédaction plus satisfaisante au stade de l’examen en commission.

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* *

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 ter sans modification.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des articles du projet de loi sur lesquels elle était saisie, sous réserve des modifications apportées par les amendements qu’elle a adoptés.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL3 présenté par le Gouvernement (39) :

Après l’article 9

Insérer l’article suivant :

I – En vue de garantir l’effectivité au 1er juillet 2013 du transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l’Etat en matière de droit civil et de droit commercial dans les conditions prévues par la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de 6 mois suivant la publication de la présente loi, à étendre et adapter à la Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives relatives aux compétences énumérées au 4° du III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie :

1° contenues dans le code civil et le code de commerce

2° relatives à l’exonération de la garantie des vices cachés en matière de vente d’immeuble, les clauses abusives, l’indemnisation des victimes d’accidents, les sociétés d’exercice libéral et les sociétés à participations financières de professions libérales, la publicité foncière et les clauses pénales.

II - Le projet de loi de ratification de l’ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de sa publication.

Amendement CL4 présenté par M. Lesterlin, rapporteur pour avis :

Article 5

À la première phrase de l’alinéa 3, après les mots : « Si l’entreprise », insérer les mots : « ou le groupe d’entreprises ».

Amendement CL5 présenté par M. Lesterlin, rapporteur pour avis :

Article 5

À la première phrase de l’alinéa 3, substituer au mot : « elle », les mots : « l’Autorité de la concurrence ».

Amendement CL6 présenté par M. Lesterlin, rapporteur pour avis :

Article 5

Compléter cet article par un III ainsi rédigé :

« III. – À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 752-26 du même code, les mots : « de surface », sont remplacés par les mots : « d’actifs ».

Amendement CL7 présenté par M. Lesterlin, rapporteur pour avis :

Article 7 bis B

Supprimer cet article.

Amendement CL8 présenté par M. Lesterlin, rapporteur pour avis :

Article 9

À l’alinéa 2, après les mots : « des étrangers à Mayotte », rédiger ainsi la fin de la phrase : « afin de définir des conditions mieux adaptées au défi migratoire ».

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Houillon :

Article 5

I - Supprimer l’alinéa 1.

II- A l’alinéa 2, supprimer les mots « Art. L. 752-27 »

III- Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Deux ans après la promulgation de la présente loi, le gouvernement publie une étude d’impact, menée en concertation avec les parties prenantes, évaluant le fonctionnement du dispositif du présent article. »

Amendement CL2 présenté par M. Houillon :

Article 5

À l’alinéa 2, remplacer les mots « qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés, que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique, en comparaison des moyennes du secteur, l’Autorité de la concurrence peut, » par les mots : « l’Autorité de la concurrence démontre les préoccupations de concurrence du fait de prix abusifs que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique, en comparaison des moyennes du secteur, et peut  ».

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
POUR AVIS

• Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

—  Mme Cécile PENDARIES, sous-directrice au service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés,

—  M. André MARIE, chef du bureau de la politique de la concurrence.

• Institut d’Émission des Départements d’Outre-mer et Institut d’Émission d’Outre mer (IEDOM-IEOM)

—  M. Philippe LA COGNATA, directeur.

• Institut national de la statistique et des études économiques

—  M. Fabrice LENGLART, directeur des statistiques démographiques et sociales.

• Ministère des Outre-mer

—  M. Laurent CABRERA, conseiller pour les affaires juridiques et institutionnelles au cabinet du ministre des Outre-mer.

• Ministère de l’Intérieur

—  M. Bruno DELSOL, directeur général adjoint des collectivités locales.

• Autorité de la concurrence

—  Mme Virginie BEAUMEUNIER, rapporteure générale,

—  Mme Liza BELLULO, chef du service du président.

• Fédération des entreprises du commerce et de la distribution

—  Mme Nathalie NAMADE, directrice des affaires juridiques et fiscales,

—  M. Claude RISAC, responsable outre-mer.

© Assemblée nationale

1 () La notion d’insularité s’applique d’une certaine manière également à la Guyane, compte tenu de son adossement à la forêt amazonienne et à la faiblesse des communications terrestres vers le continent.

2 () Avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer.

3 () Mayotte, qui n’avait pas encore accédé au statut de département, n’a pas été inclus dans le périmètre d’étude.

4 () INSEE Première, Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010, n° 1304, juillet 2010.

5 () Source INSEE, février 2010.

6 () Source : étude d’impact ; calcul réalisé à partir des données relatives à la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion, la Martinique, Mayotte et à la Nouvelle-Calédonie.

7 () Autorité de la concurrence, Outre-mer : dynamiser la concurrence au service de tous, La Documentation française, 2011, p. 9.

8 () Autorité de la concurrence, op. cit., p. 6.

9 () Avis 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer.

10 () Autorité de la concurrence, op. cit., p. 7.

11 () Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

12 () « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. »

13 () Autorité de la concurrence, op. cit., p. 8-9.

14 () Autorité de la concurrence, op. cit., p. 4.

15 () Votre Commission s’est saisie pour avis uniquement des dispositions suivantes : articles 1er à 5 ; article 7 bis B (nouveau) ; article 8 ; article 9, I, 1° ; article 10 ; article 11, I, 4°, II, 4°, III, 3°, 5°, 8°, 9°, 14° et VI ; article 11 bis (nouveau) ; article 11 ter (nouveau).

16 () L’article 1er de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer (LEODOM), s’appuyant sur le deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce, a institué un dispositif permettant de réglementer par décret en Conseil d’État le prix de vente au détail des produits de première nécessité. L’article 6 bis du présent projet de loi – dont votre Commission ne s’est pas saisie – réforme ce dispositif, lequel n’a jamais été utilisé.

17 () Selon le glossaire des termes employés en matière de concurrence de la Commission européenne, une facilité essentielle est « une installation ou infrastructure nécessaire pour atteindre les clients et/ou pour permettre aux concurrents d’exercer leurs activités. Une facilité est essentielle lorsque sa reproduction est impossible ou extrêmement difficile en raison de contraintes physiques, géographiques, juridiques ou économiques. ». Un réseau de distribution d’électricité ou, en l’espèce, des cuves de stockage de carburant peuvent constituer, par exemple, une facilité essentielle.

18 () Étude d’impact annexée au présent projet de loi, p. 35.

19 () Voir points 98 à 105 de l’avis précité.

20 () Point 103 de l’avis précité.

21 () Étude d’impact, p. 20.

22 () Cass. com., 6 novembre 1990, Bull. civ. IV, n° 266 ; Cons. Conc. n° 07-D-08 du 12 mars 2007.

23 () Cass. com., 3 janvier 1996, RJDA 1996, n° 806.

24 () Cass. com., 22 octobre 2000, n° 98-14.382, Bull. civ. IV, n° 163.

25 () La Competition Commission peut y imposer la cession d’actifs à un nouvel entrant sur le marché ou un concurrent moins puissant, en l’absence d’abus de position dominante, en application des sections 131 et 134 de l’Enterprise Act et des points 1.6 et 11 des Competition Commission Guidelines. Il n’existe cependant pas, au Royaume-Uni, de notification préalable obligatoire des opérations de concentration en dessous des seuils européens, ce qui justifie un contrôle ex post renforcé. En Allemagne, l’autorité de la concurrence nationale, le Bundeskartellamt peut prononcer toute mesure nécessaire pour faire cesser l’infraction de manière efficace et proportionnée, mais la cession pouvant être, le cas échéant, prononcée reste subordonnée à l’existence d’une infraction (voir, sur ces deux exemples étrangers, l’article de M. Malaurie-Vignal cité note suivante, § 4 et 9).

26 () Voir D. Bosco, « Dernière étape du dirigisme concurrentiel : l’injonction structurelle », Contrats, Concurrence, Consommation, n° 3, mars 2012, repère 3, et M. Malaurie-Vignal, « Réflexions sur les liens existant entre urbanisme commercial, contrôle et protection de la concurrence », Dalloz, 2012, p. 691.

27 () Le marché pertinent est le marché à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises. Il se définit en termes de produits – qui doivent être substituables pour les consommateurs – et par sa dimension géographique.

28 () Voir, pour deux exemples d’annulation, par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité, de dispositifs de cession forcée gratuite : décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010, Société Esso ; décision n° 2011-176 QPC du 7 octobre 2011, Mme Simone S. et autres.

29 () Décision n° 2011-126 QPC, du 13 mai 2011, Système U, considérant 5.

30 () Isabelle Debré, « Les mineur isolés en France », Rapport au Premier ministre, mai 2010.

31 () Rapport d’information n° 675 de MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, fait au nom de la commission des lois du Sénat, « Mayotte, un nouveau département confronté à de lourds défis », 18 juillet 2012.

32 () Avis n° 781 (2011-2012) de M. Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, déposé le 26 septembre 2012, p. 44.

33 () Lois n° 83-1047 du 8 décembre 1983 et n° 89-469 du 10 juillet 1989.

34 () Loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

35 () Rapport n° 25 (1990-1991) de M. Bernard Laurent, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, p. 8.

36 () Avis n° 781 (2011-2012) de M. Thani Mohamed Soilihi, op. cit., p. 46.

37 () Avis n° 781 (2011-2012) de M. Thani Mohamed Soilihi, op. cit., p. 49.

38 () Ibid.

39 () Amendement pour lequel la commission des Lois a émis un avis favorable.