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N
° 299

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse,

PAR M. Jacques MYARD

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 421, 644, 645 et T.A. 129 (2011-2012).

Assemblée nationale : 105.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 3

I. « CIEL UNIQUE »: UN NOUVEL AVATAR D’UNE CONCEPTION EXTENSIVE DES COMPÉTENCES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE ET, PAR CONSTRUCTION, DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE 3

A. Avant « ciel unique », deux niveaux de coopération : l’OACI et Eurocontrol 3

1. L’OACI 3

2. Eurocontrol 3

B. « Ciel unique » : l’insertion sous couvert de l’efficacité, d’un échelon intermédiaire et communautaire entre les Etats membres et Eurocontrol 3

1. L’origine : des difficultés réelles, des marges de progression notamment par rapport aux Etats-Unis et la nécessité de faire face à l’augmentation du trafic aérien, mais une méthode caractéristique des ambitions et de la volonté de pouvoir de la Commission européenne 3

2. Deux approches complémentaires pour une plus grande fluidité du transport aérien : l’approche technique par la compatibilité des systèmes informatiques et des transferts de données ; l’approche institutionnelle par la suppression des effets de frontières 3

3. Deux paquets législatifs européens organisant le décloisonnement des espaces nationaux et prévoyant des harmonisations techniques en vue d’une interopérabilité accrue 3

4. Le pilier technique et industriel : le programme de recherche sur la gestion du trafic aérien pour « ciel unique » (SESAR) 3

5. Le décloisonnement, partiel, du ciel européen : neufs blocs d’espace aérien fonctionnels dans l’Union européenne pour simplifier les routes 3

6. Un aspect très contestable : le contrôle des plans de performance par la Commission européenne 3

II. LE TRAITÉ ÉTABLISSANT LE BLOC D’ESPACE AÉRIEN FONCTIONNEL « EUROPE CENTRAL » : UN INSTRUMENT DE COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTAL UTILE, EN DÉPIT DE CERTAINES IMPERFECTIONS FORMELLES, DÈS LORS QUE CERTAINES IMPASSES SERONT ÉVITÉES 3

A. Un champ géographique étendu 3

1. Le plus importants des blocs d’espaces aériens fonctionnels en Europe 3

2. Sept prestataires de contrôle aux statuts très divers dans les pays concernés 3

3. Les objectifs de performance 3

B. Un traité utile et acceptable en ce qu’il permet de développer, au-delà de ce qui est déjà en place, une coopération indispensable 3

1. Une coopération entre Etats 3

2. Une gouvernance légère respectueuse de l’unanimité des pays membres et sans création d’une organisation internationale 3

3. Un traitement adapté de la question militaire 3

4. Les dispositions sur la redevance avec l’objectif d’un taux unitaire unique à terme 3

5. La mise en place d’un système de performance 3

C. Un apport juridique indépendant de la création du FABEC mais essentiel avec la clarification du régime transfrontalier de responsabilité 3

D. trois imperfections formelles à relever 3

1. Le formalisme vraisemblablement inutile d’un traité voire d’une autorisation parlementaire ? 3

2. Une méconnaissance de la nature des traités 3

3. La signature par l’autorité militaire : une atteinte au principe de l’unité de l’Etat 3

E. Trois enjeux essentiels à ne pas méconnaître 3

1. Eviter l’illusion du prestataire unique intégré, alors qu’une coopération entre plusieurs prestataires est plus conforme à l’esprit de l’accord et offre l’avantage d’un cadre souple et évolutif 3

2. Ne pas jouer la réduction du niveau de la redevance contre les besoins de modernisation des équipements 3

3. Préserver la compétence et le niveau technologique de l’industrie française 3

F. Une ratification très attendue par les instances européennes 3

EXAMEN EN COMMISSION 3

ANNEXES 3

Liste des personnes rencontrées par le rapporteur 3

Table des sigles 3

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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 3

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La navigation aérienne n’est pas une activité banale. Le respect de la souveraineté des Etats survolés, leurs impératifs de défense, la sécurité du trafic, qui impose d’éviter les collisions en vol, le rôle essentiel de la météorologie, la nécessité de prévoir des secours en cas d’accident, également, exigent des mécanismes permanents de contrôle, de suivi et d’information.

Dès ses débuts, les autorités publiques ont donc souhaité savoir quels aéronefs, pour quelles destinations, selon quelles routes, pour quels motifs et dans quelles conditions météorologiques empruntent l’espace aérien. Elles ont imposé des règles tant pour le partage du ciel entre ses usages, civils et militaires, que pour le bon déroulement de la circulation aérienne.

En même temps, les besoins de la circulation transfrontière ont très tôt exigé une coopération internationale sur des bases communes et d’application territoriale aussi large que possible.

Ainsi la partie commerciale du transport a-t-elle fait l’objet d’un premier instrument multilatéral avec, en 1929, la Convention de Varsovie. Celle-ci a fixé des règles précises sur le transport de passagers, de bagages et de marchandises (fret), afin d’assurer sans difficulté le passage d’un pays à l’autre. Elle a également harmonisé les billets et la responsabilité du transporteur.

Ensuite, l’organisation proprement dite du trafic aérien sur une base internationale est intervenue avec la convention de Chicago de 1944 sur l’organisation de l’aviation civile internationale. L’OACI a été créée. Des obligations ont été mises en place pour les Etats tant pour les procédures que pour les installations de contrôle et aéroportuaires.

S’agissant de l’Europe, une coordination a été opérée dès les années 1960 dans le cadre d’Eurocontrol, qui regroupe actuellement 39 pays, mais l’organisation des services de navigation aérienne, du contrôle aérien pour l’essentiel, est restée sur une base étatique.

A la fin des années 1990, la Commission européenne a estimé que la construction du marché intérieur et la libre circulation des personnes dans le cadre de l’espace Schengen mettaient cette construction en porte à faux, notamment avec la perspective de la poursuite de la croissance du trafic aérien et avec l’accumulation d’importants retards notamment dans certains pays.

Elle a pu s’appuyer sur l’Acte unique qui a fait passer la politique des transports du champ de l’unanimité à celui de la majorité qualifiée. La compétence est actuellement prévue à l’article 100 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Initié par la commissaire alors chargée des transports, Mme Loyola de Palacio, le projet « ciel unique » a été l’instrument de cette intervention de la Communauté européenne qui s’est intercalée entre les Etats membres et Eurocontrol.

Deux « paquets » législatifs européens - « ciel unique I » en 2004 et « ciel unique II » en 2009 – ont été adoptés avec l’objectif affiché de fluidifier le trafic aérien.

Ils ont été articulés autour de deux éléments : l’un technique, et pour simplifier « informatique », pour assurer l’interopérabilité accrue des procédures, règles et équipements et faciliter ainsi la communication entre les opérateurs nationaux de contrôle ; l’autre fonctionnel, fondé sur une reconfiguration sur une base élargie des limites des espaces aériens, en incitant les Etats membres à se regrouper entre pays voisins, membres de l’Union européenne de même que, le cas échéant, avec des pays tiers, pour coopérer étroitement sur une dimension géographique intermédiaire entre celle, peu étendue, des pays, et celle d’Eurocontrol.

Ces regroupements sont appelés blocs d’espaces aériens fonctionnels (FAB selon le sigle anglais).

Dans cette perspective, la France a fait le choix de se grouper d’abord avec la Suisse, et ensuite, sur une base plus large, avec ses quatre partenaires du Nord : l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.

Ce bloc est appelé « Europe Central », en infraction d’ailleurs, pour ce qui concerne la version française, avec les règles de la grammaire, sauf si l’on considère que c’est le bloc qui est central… Il est couramment désigné par le sigle anglais FABEC. Il faut d’ailleurs déplorer le recours systématique à l’anglais dans le domaine concerné, au détriment de la langue française.

Il fait l’objet d’un traité formel entre les six pays. Le projet de loi qu’il est demandé à l’Assemblée nationale d’adopter, après le Sénat, vise à autoriser la ratification de ce traité.

Cette autorisation ne soulève aucune difficulté dirimante. Le texte est sur le fond tout à fait acceptable dès lors qu’il poussera les Etats à coopérer entre eux. Néanmoins, certaines conditions propres à sa réussite devront être remplies. Elles sont d’autant plus ou d’autant moins exigeantes, selon le point de vue de chacun, qu’il s’agit uniquement de contrer certaines arrière- pensées infondées et purement idéologiques de la Commission européenne qui veut imposer des solutions qui n’ont aucune autre justification que d’avoir été conçues par elle.

I. « CIEL UNIQUE »: UN NOUVEL AVATAR D’UNE CONCEPTION EXTENSIVE DES COMPÉTENCES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE ET, PAR CONSTRUCTION, DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

A. AVANT « CIEL UNIQUE », DEUX NIVEAUX DE COOPÉRATION : L’OACI ET EUROCONTROL

Les services de navigation aérienne ne se limitent pas au contrôle aérien, qui vise à prévenir les collisions et à organiser l’écoulement rapide, fluide et ordonné du trafic aérien. Ils désignent, en effet, l’ensemble des services de la circulation aérienne, les services de communication, de navigation et de surveillance, les services météorologiques, ainsi que les services d'information aéronautique.

Pour des raisons de souveraineté, de sécurité et de défense, le trafic aérien et les services qui lui sont liés ont été originellement organisés et contrôlés par les Etats, sur une base nationale.

Une coopération internationale a toutefois été très tôt organisée eu égard aux impératifs de continuité et de sécurité qui s’imposent à la circulation aérienne.

1. L’OACI

La convention de Chicago de 1944 organisant l’aviation civile internationale et créant l’OACI, institution spécialisée des Nations Unies dont le siège est à Montréal, a reconnu dans son article premier que « chaque Etat a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire », mais a également imposé certaines obligations. Tel est notamment le cas en matière de zones interdites, de règles de l’air et de redevances d’usage d’aéroports ou de droits similaires. De même, la convention a imposé aux Etats d’établir un minimum d’installations et de services sur leur territoire, de respecter les normes, standards et procédures recommandés, ainsi que de collaborer à l’établissement et à la publication de cartes et plans aéronautiques.

L’OACI comprend actuellement 190 Etats membres et joue un rôle essentiel.

Elle contribue à l’élaboration des règles et normes qui permettent la normalisation du transport aéronautique international. De manière plus précise, son conseil adopte des normes et recommandations (SARP), dont le détail est fixé par des procédures pour les services de navigation aérienne (PANS), ainsi que les règles sur le partage des fréquences radio, les brevets du personnel d'aviation et les règles de la circulation aérienne. Les règles et protocoles à suivre en cas d’accident sont également fixés par lui.

L’OACI fixe également des codes pour les aéroports, les compagnies aériennes et les aéronefs. (Il existe également des codes fixés par l’organisation internationale des transporteurs aériens – ou codes IATA).

Les recommandations de l’OACI figurent aux 18 annexes de la convention de Chicago et portent sur les domaines suivants : licences du personnel ; règles de l'air ; assistance météorologique à la navigation aérienne internationale ; cartes aéronautiques ; unités de mesure à utiliser dans l'exploitation en vol et au sol ; exploitation technique des aéronefs ; marques de nationalité et d'immatriculation des aéronefs ; navigabilité des aéronefs ; facilitation ; télécommunications aéronautiques ; services de la circulation aérienne ; recherches et sauvetage ; enquêtes sur les accidents et incidents d'aviation ; aérodromes ; services d'information aéronautique ; protection de l'environnement ; protection de l'aviation civile internationale contre les actes d'intervention illicite ; sécurité du transport aérien des marchandises dangereuses.

L’OACI a également structuré l’espace aérien en deux types de zones.

Il s’agit d’abord des régions d’information de vol (FIR en anglais) à l’intérieur duquel le service d’information de vol (avis et informations donnés à l’équipage pour assurer la sécurité du vol) et le service d’alerte (nécessaire en cas de besoin d’aide ou de sauvetage) sont assurés.

La FIR englobe la totalité de l’espace aérien au-dessus de ses limites latérales, sauf si elle est limitée au-dessus d’une certaine altitude par une région supérieure d’information de vol (UIR en anglais).

Les UIR constituent le deuxième type de zone. Dans les UIR, les procédures peuvent différer de celles des FIR sous-jacentes, car adaptées au trafic en haute altitude dont elles font l’objet.

La limite entre les FIR et les UIR dépend de chaque pays.

En France, il n’y a qu’une seule UIR, au-delà de 19 500 pieds d’altitude (5800 mètres) et plusieurs FIR de la surface à cette altitude. Chaque FIR est gérée par un centre de contrôle. Il y a un centre en route de la navigation aérienne (CRNA) par FIR.

Les Etats désignent les autorités compétentes pour la circulation aérienne, que les textes communautaires désignent comme prestataires de services de la navigation aérienne.

2. Eurocontrol

Pour ce qui concerne l’Europe, la nécessité d’une coopération entre Etats national en Europe en raison de l’exiguïté des territoires et de la croissance des flux est apparue en même temps que la construction européenne.

C’est en effet le 13 décembre 1960 qu’est intervenue la signature par six Etats (l’Allemagne fédérale, le Royaume-Uni, les trois pays du Benelux et la France) de la convention internationale de coopération pour la sécurité aérienne et la mise en place en 1963, lors de son entrée en vigueur, d’Eurocontrol, organisation intergouvernementale dont le siège est à Bruxelles, et dont les instances dirigeantes et d’exécution comprennent notamment la commission permanente, instance délibérante, ainsi que l’Agence des services de la navigation aérienne, organisme gestionnaire dirigée par un directeur général.

Eurocontrol se définit comme une organisation civile et militaire de soutien à la gestion de la navigation aérienne.

Elle regroupe actuellement 39 Etats, dont l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne, sauf l’Estonie, et les Etats voisins ou enclavés, notamment la Suisse, la Norvège, la Turquie, l’Ukraine et la Moldavie, mais ni la Russie ni la Biélorussie. L’Union européenne en est également membre en application d’un protocole additionnel de 2002. Au 1er janvier 2013, avec l’adhésion de la Géorgie, Eurocontrol regroupera 40 Etats.

Eurocontrol s’est vue à l’origine confier des compétences techniques dont le contrôle de l’espace aérien supérieur et le droit corrélatif de lever des redevances.

Son développement a été cependant limité, en raison de la volonté de certains Etats de conserver leur souveraineté, notamment sur les questions militaires. Ainsi la France et le Royaume-Uni n’ont-ils pas souhaité une délégation de la gestion de leur espace aérien supérieur, invoquant la force majeure et l’indivisibilité de l’espace aérien.

La fonction de contrôle aérien a par conséquent été considérablement réduite avec, dès 1963, des accords bilatéraux réservant aux Etats la gestion de l’espace aérien supérieur. En 1966, il a été admis que la convention puisse être appliquée différemment selon les régions.

La convention a ensuite fait l’objet en 1981 d’un protocole l’amendant, lequel a considérablement recentré ses missions sur l’étude, la promotion d’une politique commune en matière d’aides, de radio-communication et d’équipements de bord et de formation du personnel.

En effet, ce protocole a définitivement rendu facultatif le contrôle aérien par Eurocontrol. On a alors parlé d’un « Eurocontrol à la carte », car laissé à la libre appréciation de chaque Etat membre.

Ce texte a également précisé le cadre de fixation des redevances de routes, fixé par les Etats, le schéma initial d’une redevance unique ayant dû être abandonné.

Eurocontrol est donc articlé autour d’un double rôle.

D’une part, il est, même si c’est de manière limitée, prestataire de services de navigation aérienne puisque son centre de Maastricht (MUAC) exerce la gestion de l’espace aérien supérieur, au-delà de 7 500 mètres, sur le Benelux et le Nord-Ouest de l’Allemagne. Il s’agit d’un service en route sur un secteur géographique très étendu.

D’autre part, Eurocontrol assure des tâches de coopération et de coordination, notamment d’harmonisation et d’unification de la gestion aérienne, en particulier pour les usages civils et les utilisations militaires du ciel. Il remplit ainsi diverses fonctions de gestion du réseau de trafic, coordonne les projets des Etats sur les routes aériennes, et structure l’espace aérien. Il planifie et mesure les performances.

Deux services doivent faire l’objet d’une mention particulière. L’unité de gestion des flux aériens (CFMU en anglais) centralise la gestion des flux de trafic, consolidant les plans de routes aériennes. Opérationnel depuis 1996, il a été créé à la suite de la crise des capacités des années 1980 qui s’est traduite par des retards importants. Son but est d’éviter la congestion de l’espace aérien et d’optimiser la gestion des flux. Pour sa part, le service central de redevances de route (SCRR) assure pour le compte des Etats membres la collecte de la redevance servant au financement des systèmes de gestion de la navigation aérienne dans les Etats membres. Ces redevances de route sont distinctes des redevances pour services terminaux, qui concernent les services de contrôle et d’information comme de circulation à l’approche et au départ des aéroports et aérodromes.

Ces dernières années, Eurocontrol est devenu acteur de la mise en œuvre du projet « ciel unique » conçu par la Commission européenne dans un domaine où la compétence communautaire n’était certainement pas indispensable.

B. « CIEL UNIQUE » : L’INSERTION SOUS COUVERT DE L’EFFICACITÉ, D’UN ÉCHELON INTERMÉDIAIRE ET COMMUNAUTAIRE ENTRE LES ETATS MEMBRES ET EUROCONTROL

1. L’origine : des difficultés réelles, des marges de progression notamment par rapport aux Etats-Unis et la nécessité de faire face à l’augmentation du trafic aérien, mais une méthode caractéristique des ambitions et de la volonté de pouvoir de la Commission européenne

Sur la politique des transports, le traité  de Rome a initialement prévu l’unanimité des Etats membres, compte tenu des réticences des Etats membres à envisager une politique commune.

C’est l’Acte unique qui a créé les conditions d’une intervention communautaire en la matière, en lui substituant la règle de la majorité qualifiée.

Il est vrai qu’en 1985, la Cour de Justice, saisie par le Parlement européen, a condamné le Conseil pour son inaction en matière de transport (arrêt du 22 mai 1985 –affaire 13/83), par la voie d’un recours en carence.

S’agissant du transport aérien, le cas a été un peu plus complexe, avec au préalable une décision à l’unanimité du Conseil permettant la prise de décision à la majorité qualifiée, dans le cadre d’une clause dite « passerelle ».

Sur le fond, le Conseil a adopté au cours des années 1990 plusieurs résolutions, s’inquiétant des retards récurrents du trafic aérien.

C’est néanmoins en 1999 que sont intervenues deux initiatives clefs.

D’une part, la résolution du Conseil du 19 juillet, faisant suite aux conclusions du 17 juin précédent, s’est inquiétée des retards et a demandé à la Commission d’évaluer les conséquences sur des mesures prises pour les réduire.

D’autre part, interprétant très largement le cadre de la résolution, sous l’impulsion de la Commissaire aux transports, Mme Loyola de Palacio, la Commission européenne a proposé dans une communicationhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Ciel_unique_europ%C3%A9en - cite_note-0 du 1er décembre « la création du « ciel unique » européen » de faire évoluer l'organisation de l'espace aérien européen afin de construire un véritable ciel unique sur le modèle du marché unique, et selon les mêmes principes et schémas intellectuels.

Le diagnostic, qui n’était pas totalement inexact, était que les retards étaient dus à des questions non seulement d’infrastructure et de climat, et d’interopérabilité des équipements et de l’informatique, mais également d’organisation de l’espace aérien : fragmentation et cloisonnement ; absence d’optimisation de l’utilisation de l’espace aérien entre ses usages militaires et civils.

La période était en outre marquée par les incidences de l’intervention aérienne au Kosovo qui a conduit à dérouter les lignes qui passaient au-dessus des Balkans.

La Commission européenne ajoutait qu’Eurocontrol n’avait pas de plan d’action pour les nouvelles méthodes et procédures de gestion du trafic aérien, même s’il lui incombait de prendre les mesures de court terme.

En outre, la Commission européenne s’est fondée sur les perspectives d’une augmentation du trafic aérien, qui est effectivement intervenue jusqu’à ce que la crise financière à partir de 2008 entraîne une stagnation. Cette stagnation ne concerne d’ailleurs maintenant que la seule Europe, puisque l’évolution globale a été de +6% l’an dernier dans le reste du monde.

En conséquence, la Commission européenne considérait qu’elle devait assumer la tâche de prendre les initiatives nécessaires et proposait sur le fond de procéder comme pour le marché intérieur au sol, à l’élimination des frontières et la création d’un ciel unique articulé autour de six axes :

– la gestion commune de l'espace aérien ;

– la création d'autorités de surveillance nationales indépendantes ;

– l'intégration progressive de la gestion civile et de la gestion militaire ;

– la « définition d'une synergie institutionnelle entre l'Union européenne et Eurocontrol », ce qui était un tant soit peu un aveu de doublon ;

– la mise en place d'un équipement technique adapté et rénové ;

– une meilleure coordination de la politique de ressources humaines dans le secteur du contrôle aérien ;

– ainsi, en complément, qu’un découpage des secteurs et une définition des routes indépendante des frontières nationales.

Ultérieurement, le règlement n° 1592/2002 du 15 juillet 2002 a institué l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), dont le siège est à Cologne comme agence exécutive de l’Union européenne. Celle-ci assiste notamment la Commission européenne dans ses activités législatives en matière de transport aérien.

A l’arrière-plan de la démarche européenne, il y a également eu la comparaison avec les Etats-Unis.

Selon les statistiques publiées en 2012, par Eurocontrol et la Commission européenne, les marges de progression vers davantage d’efficacité en Europe, déjà décelables il y a plus d’une décennie, n’ont pas été comblées.

Pour une surface de 10% inférieures (10,5 millions de kilomètres carrés contre 11,5 millions), les Etats-Unis ont 13% de contrôleurs 38% des personnels en moins par rapport à l’Europe, alors qu’ils assument 67% de vols en plus (15,9 millions contre 9,5 millions), 70% d’heures de vols en plus (23,4 millions contre 13,8 millions). Il est vrai que le nombre de centres en route y est de 20 contre 63 en Europe.

La densité relative, à savoir le rapport du nombre d’heures de vol par kilomètre carré, est du double aux Etats-Unis : 2,2 contre 1,2.

2. Deux approches complémentaires pour une plus grande fluidité du transport aérien : l’approche technique par la compatibilité des systèmes informatiques et des transferts de données ; l’approche institutionnelle par la suppression des effets de frontières

L’optimisation du transport aérien, qui est demandée par les compagnies aériennes, car permettant de réduire leurs coûts, est affaire de transmission transfrontalière d’informations entre centres de contrôle ayant des systèmes et équipements différents, et dont l’interopérabilité est plus ou moins étendue, affaire de gestion en commun des capacités ainsi que des systèmes de sécurité ainsi qu’affaire de reconfiguration des routes à proximité notamment des espaces frontaliers, et aussi, plus largement, en fonction de la place et de la souplesse que l’on réserve aux activités militaires.

C’est à la frontière des pays que les améliorations peuvent être les plus sensibles, avec la capacité de définir des tracés qui n’en tiennent pas compte.

Ce n’est pas une question totalement technique, car à l’arrière-plan de la question du tracé des routes, il y a également celle de la perception des redevances de route.

Les redevances dites en route, qui sont acquittées par tous les aéronefs qui survolent un espace aérien, sont en effet différentes d’un pays à l’autre, ce qui implique en cas de changement d’un tracé tel que la distance parcourue au-dessus de deux Etats varie. Par conséquent, le niveau de la redevance acquittée n’est pas non plus le même et le montant perçu par chaque pays varie également.

Ces enjeux financiers n’engendrent pas de difficulté insoluble, mais il convient cependant de ne pas en ignorer l’existence.

3. Deux paquets législatifs européens organisant le décloisonnement des espaces nationaux et prévoyant des harmonisations techniques en vue d’une interopérabilité accrue

La mise en œuvre de « ciel unique » a commencé avec l’adoption en 2004 d’un premier paquet législatif européen avec le règlement (CE) n° 549/2004 du 10 mars 2004 fixant le cadre pour la réalisation du ciel unique européen («règlement-cadre») – Déclaration des États membres sur les questions militaires liées au ciel unique européen, et de trois règlements d’application.

Le règlement cadre a d’abord prévu la désignation d’autorités nationales de surveillance indépendantes des prestataires de services de la navigation aérienne, ce qui s’est traduit en France par la restructuration de la DGAC en trois pôles : un pôle de souveraineté, avec la direction du transport aérien (DTA); un pôle de contrôle, avec la direction de la sécurité de l’aviation civile (DSAC) et un pôle prestation de services, avec la direction des services de navigation aérienne (DSNA).

Il a aussi établi le comité du ciel unique européen, pour assister la Commission européenne dans la gestion du ciel unique et veiller à ce qu’il soit tenu dûment compte des intérêts de toutes les catégories d’usagers de l’espace aérien. Celui-ci est composé de deux représentants de chaque pays de l’Union européenne et présidé par un représentant de la Commission. A été aussi créé un organisme consultatif de branche pour conseiller la Commission européenne sur la mise en œuvre du ciel unique européen, constitué de représentants des prestataires de services de navigation aérienne, des associations d’usagers de l’espace aérien, d’exploitants d’aéroports, de l’industrie aéronautique et d’organisations professionnelles de représentation du personnel.

S’agissant des questions militaires, les Etats membres ont adopté une déclaration générale s’engageant dans la voie d’un renforcement de la coopération entre militaires et civils, dans la mesure où tous les pays concernés le jugent nécessaire.

Pour ce qui concerne les mesures d’exécution, Eurocontrol est associé à l’élaboration de celles qui relèvent de son champ de compétence, sur la base de mandats définis par le comité du ciel unique. Eurocontrol a ainsi été associé par la Commission européenne à la supervision et à la gestion de la mise en œuvre de « ciel unique » et se présente sur son site Internet, comme une pièce essentiel du projet, notamment pour la performance.

Deux éléments qui se sont révélés par la suite essentiels ont également été prévus par le règlement de 2004 :

- l’extension de « ciel unique » aux pays tiers voisins de l’Union européenne ;

- un « examen des performances » de la navigation aérienne par la Commission européenne.

Les trois règlements d’application de 2004 ont eu un objet plus limité, plus technique.

La création de blocs d’espace aérien fonctionnels regroupant plusieurs espaces aériens nationaux, non seulement entre Etats membres, mais également, le cas échéant, avec les pays tiers, a été organisée par le règlement sur l’espace aérien (CE) n° 551/2004 relatif à l’organisation et à l’utilisation de l’espace aérien dans le ciel unique européen avec l’ambition d’une plus grande fluidité et ainsi que d’une optimisation sur une base élargie le réseau des routes et d’une intégration des services.

Plusieurs objectifs précis ont été affichés, conformément à ce qui a déjà été évoqué sur la philosophie de « ciel unique » : augmenter la capacité du contrôle aérien ; renforcer la sécurité par une homogénéité des systèmes et des procédures utilisés pour garantir le niveau de sécurité ou de la surveillance ; réduire la disparité des règles et de l’organisation ; améliorer l’intégration des militaires dans l’organisation du contrôle aérien ; faciliter l’introduction de nouvelles technologies.

Le règlement a également mis en place une région unique européenne supérieure d’information de vol (RESIV) dans l’espace aérien supérieur, permettant par conséquent de reconfigurer cet espace en zones de contrôle, délimitées sans tenir compte des frontières nationales, ainsi que, notamment d’harmoniser les informations aéronautiques avec une publication unique.

Pour sa part, le règlement « fourniture de services » (CE) n° 550/2004 relatif à la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen a fixé les exigences communes pour garantir la sécurité, l’efficacité, la continuité et l’interopérabilité de ces services de navigation aérienne, avec notamment un système harmonisé de certification, des règles et procédures pour la certification et la désignation des prestataires de services et des obligations des autorités de surveillance nationale.

Enfin, le règlement (CE) no 552/2004 concernant l’interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien, définit des exigences communes pour garantir cette interopérabilité entre les différents systèmes utilisés pour la gestion du trafic aérien et a également établi un système harmonisé de certification de ses composants et systèmes.

Le second paquet, « ciel unique II », a été adopté en 2009 et a modifié les textes de 2004 avec une nouvelle fois l’objectif affiché d’améliorer les performances de l’aviation civile, d’adapter la législation aux changements intervenus entre temps et de parvenir à la création d'un espace aérien unifié, à un ciel réellement unique.

Il a notamment organisé l’élargissement des compétences de l'Agence européenne de sécurité aérienne, avec l’attribution de compétences relatives à la gestion du trafic aérien et à l’activité aéroportuaire, pour aborder la sécurité selon les critères de réseau intégral et de porte à porte.

Il a également considérablement renforcé, dans un sens contestable, les pouvoirs de la Commission européenne en matière de performance. La démarche s’est aussi traduite par l’adoption par la Commission européenne en février 2011 des objectifs de performance européens 2012-2014 en matière de sécurité, de capacité, d’environnement et d’efficacité économique.

Des plans doivent ensuite être adoptés par les Etats membres. Il s’agit soit de plans nationaux, soit de plans au niveau des blocs d’espace aérien fonctionnels.

En pratique, ces règlements ont transformé les services nationaux de la navigation aérienne et de la gestion du trafic aérien en Europe, avec notamment :

– la création d’autorités nationales de surveillance, séparées au moins fonctionnellement des prestataires de services de navigation aérienne ;

– la certification de ces prestataires selon des critères de sécurité ;

– la performance et la tarification des services de navigation aérienne ;

– la gestion de l’espace aérien et des courants de trafic ;

– la coordination du réseau de routes aériennes et de la gestion des ressources rares telles les codes de transpondeurs radar et des radiofréquences ;

– l’interopérabilité des systèmes utilisés pour la gestion du trafic aérien au sol, et des équipements de bord.

4. Le pilier technique et industriel : le programme de recherche sur la gestion du trafic aérien pour « ciel unique » (SESAR)

« Ciel unique » repose aussi sur un pilier technologique, le projet de recherche sur la gestion du trafic aérien pour « ciel unique » (en anglais, SESAR pour Single European Sky ATM Research – ATM signifiant gestion du trafic aérien ou Air Traffic Management), décidé en 2004 après plusieurs années de travaux préparatoires.

Le Conseil européen l’a reconnu comme projet d’intérêt commun. Il vise à créer le système de contrôle aérien du futur. Il s’agit concrètement de mettre en œuvre un ou plusieurs systèmes ATM européens plus performants interopérables et intégrés aux systèmes bord. Une coordination est prévue avec le projet homologue NextGen aux Etats-Unis pour s’assurer de l’interopérabilité.

Le but est de développer l’interopérabilité et les équipements futurs un système de gestion du trafic aérien sûr et performant, moins coûteux et respectant les conditions d’un développement durable.

Les objectifs opérationnels sont les suivants :

– structurer l’espace aérien en mettant fin à sa fragmentation afin d’augmenter la capacité et d’améliorer l’efficacité globale du système de gestion du trafic aérien ;

– accroître le niveau de sécurité d’un facteur 10 dans un contexte de doublement du trafic d’ici 20 ans ;

– diminuer l’impact sur l’environnement de l’activité aérienne en réduisant les temps d’attente et en optimisant les trajets ;

– développer l’efficacité économique du système d’ensemble.

Concrètement, un ensemble de systèmes « intelligents » doit permettre aux acteurs du transport aérien de disposer sans délai, en temps réel, de toutes les informations nécessaires à la décision, aux contrôleurs, et d’être déchargés de tâches « mécaniques » pour se consacrer à une gestion plus fine et sécurisée des vols, aux pilotes, de réduire la dépendance vis-à-vis des communications auditives et aux appareils, de suivre des routes selon un tracé optimal et un calendrier précis, car définis à partir d’un ensemble de données recueillies et traitées en continu.

Il débouche sur le concept de « route libre », avec un itinéraire plus souple qu’actuellement, mais tout autant contrôlé.

D’un point de vue technique, le programme de recherche sur la gestion du trafic aérien repose sur les éléments suivants :

– la mise en œuvre de nouvelles technologies pour un partage d’informations entre tous les acteurs (opérateurs aériens, aéroports, prestataires de service de navigation aérienne). Il s’agit d’avoir une gestion plus intégrée des vols dans leurs différentes phases, du départ à l’arrivée, pour réduire les temps d’attente au sol ou en vol qui engendrent une consommation accrue de carburant et davantage de pollution ;

– une intégration plus poussée entre les systèmes sol (« contrôle aérien ») et bord permettant notamment de développer de nouveaux concepts opérationnels pour des trajectoires plus efficaces, le règlement automatique des conflits de trajectoire et les délégations de responsabilité sol-bord ;

– l’emploi généralisé des systèmes de navigation par satellite (EGNOS et GALILEO) pour des procédures plus précises avec moins de paliers, moins de bruit et moins de carburant, telles que des approches et des montées continues et la réduction des survols à basse altitude des zones à forte densité de population.

On estime concrètement que ce programme de recherche devrait permettre de réduire de 10% les émissions de gaz carbonique (CO2) du secteur.

Le coût total du projet est de l’ordre de 30 milliards d’euros. Il est partiellement financé par l’Union européenne.

Après la phase de définition, lancée en 2006 et qui a abouti à un plan directeur du système européen de gestion du trafic aérien, approuvé par le Conseil de l’Union Européenne, une entreprise commune SESAR JU (SESAR Joint Undertaking) a été créée, au niveau européen, par le règlement n°219/2007 du Conseil, sur la base de l’article 171 du traité de Rome, dans la numérotation d’alors, pour piloter le projet pour la phase de développement, actuellement en cours pour la période 2008-2014. L’objectif est de définir et valider des standards, des procédures opérationnelles, les nouvelles technologies et les composants préindustriels pour le futur système de gestion du trafic aérien.

Le coût de la phase de développement est de 2,1 milliards d’euros, dont un tiers pour l’Union européenne, un tiers pour Eurocontrol et un tiers pour l’industrie.

L’entreprise commune SESAR JU est un « partenariat » entre l’Union européenne, Eurocontrol et les principaux industriels et opérateurs du secteur, à savoir :

– les prestataires de service de navigation aérienne : DSNA (France), DFS (Allemagne), ENAV (Italie), NORACON (Europe du Nord et Autriche), AENA (Espagne) et NATS (Royaume-Uni) ;

– les aéroports : SEAC (consortium formé par six grands aéroports Européens dont Aéroports de Paris), AENA et NORACON ;

– les fournisseurs d’équipements sols : Frequentis, Indra, Natmig, SELEX Sistemi Integrati et Thales ;

– les fabricants d’avions : Airbus et Alenia Aeronautica ;

– les fabricants d’équipements embarqués : Honeywell et Thales.

Ultérieurement, la phase de déploiement, prévue pour s’échelonner de 2015 à 2025, doit se traduire par la production et la mise en service progressive et à grande échelle des éléments issus des travaux de la phase de développement : une nouvelle infrastructure sol pour la gestion du trafic aérien ; de nouveaux équipements à bord des avions.

5. Le décloisonnement, partiel, du ciel européen : neufs blocs d’espace aérien fonctionnels dans l’Union européenne pour simplifier les routes

Les blocs d’espace aérien fonctionnels ont été définis par le règlement cadre (CE) n° 549/2004 précité, comme un « bloc d'espace aérien fondé sur des besoins opérationnels, traduisant la nécessité d'assurer une gestion plus intégrée de l'espace aérien, indépendamment des frontières existantes ».

C’est le règlement d’application précité « espace aérien » n° 551/2004 qui a fixé leur régime, à son article 5, en en posant le principe, ainsi que les modalités de son organisation. On rappellera que l’objectif affiché est celui du développement de la capacité et de l’efficacité maximales du réseau de gestion du trafic aérien dans le ciel européen et du maintien d’un niveau élevé de sécurité en assurant un transfert fluide et souple de la responsabilité du contrôle de la circulation aérienne entre les unités des services de la circulation aérienne et la compatibilité entre les configurations des espaces aériens supérieur et inférieur.

Sur le plan de la procédure, la création des blocs d’espace aérien fonctionnels ne repose pas sur un mode autoritaire.

Un bloc d'espace aérien fonctionnel n'est en effet créé que par accord mutuel entre les États membres. Il s’agit d’une démarche volontaire et pragmatique du bas vers le haut. Ultérieurement, en 2009, le règlement (CE) n° 1070/2009 a introduit un élément contraignant avec l’obligation de respecter une date butoir, celle du 4 décembre 2012.

Il a également redéfini de manière plus précise les blocs d’espace aérien fonctionnel comme « un bloc d’espace aérien fondé sur des besoins opérationnels et défini indépendamment des frontières nationales, où la fourniture des services de navigation aérienne et des fonctions connexes est fondée sur la performance et optimisée en vue de la mise en place, au niveau de chaque bloc d’espace aérien fonctionnel, d’une coopération renforcée entre les prestataires de services de navigation aérienne ou, le cas échéant, d’un fournisseur intégré ».

L’objectif est que « les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre de blocs d’espace aérien fonctionnels afin d’atteindre la capacité et l’efficacité nécessaires du réseau de gestion du trafic aérien dans le ciel unique européen, de maintenir un niveau élevé de sécurité et de contribuer aux performances globales du système de transport aérien et à la réduction de l’impact sur l’environnement. »

Enfin, les espaces aériens fonctionnels ne sont pas limités à l’espace aérien des Etats membres. Ils peuvent également associer des pays tiers.

Au total, la démarche européenne a conduit à la création de 9 blocs d’espace aériens fonctionnels couvrant l’ensemble du territoire de l’Union européenne et au-delà.

Celui auquel la France est rattachée, le FABEC ou bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » regroupe en outre l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, ainsi que la Suisse.

Le découpage géographique des huit autres espaces en est le suivant :

1) Royaume-Uni - Irlande

2) Nordique ou NUAC – (Danemark – Suède)

3) Baltique - (Lituanie, Pologne)

4) Blue Med - (Chypre, Grèce, Italie, Malte, Albanie, Egypte, Tunisie)

5) Danube - (Bulgarie, Roumanie)

6) Europe Centrale ou FAB CE- (Autriche, Bosnie Herzégovine, Croatie, République Tchèque, Hongrie, République de Slovaquie, Slovénie)

7) Europe du Nord ou NEFAB - (Estonie, Finlande, Lettonie, et Norvège)

8) Sud-Ouest ou SW - (Portugal, Espagne).

La carte se présente donc ainsi :

Source : DGAC

Le décloisonnement du ciel européen est réel, mais il est également partiel, car la question des frontières internes à l’espace européen est reportée aux limites de chaque bloc d’espace aérien fonctionnel, ce qui exige alors une coopération, d’ailleurs organisée, entre blocs fonctionnels.

6. Un aspect très contestable : le contrôle des plans de performance par la Commission européenne

Le contrôle des plans de performance par la Commission européenne, prévu par le règlement précité de 2009, avec l’expertise d’Eurocontrol, porte clairement atteinte au statut des Etats membres.

Celle-ci se reconnaît le droit de distribuer bons et mauvais points.

La dépêche de Mme Isabelle Smets, d’Europolitique, datée du 19 juillet dernier, permet d’en juger.

« Pourtant, si les versions révisées [des plans] permettent, collectivement, de se rapprocher des objectifs européens, plusieurs Etats ont à peine - ou même pas du tout - révisé les objectifs qui avaient été initialement recalés. La Commission reconnaît d’ailleurs que la contribution des Etats aux objectifs communs « varie substantiellement ». Pour ce qui est de l’objectif coût-efficacité, elle souligne que l’Espagne et le Portugal ont fait « un effort important ». Mais elle pointe le Royaume-Uni, l’Autriche, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Roumanie et la Suède pour leurs efforts peu significatifs («minor») et indique qu’elle attend de ces Etats une plus grande contribution aux efforts collectifs pour la période 2015-2019.

« La France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne, la Grèce et la Pologne sont aussi montrées du doigt pour leur manque d’ambition en matière d’amélioration des capacités aériennes. Leurs plans nationaux ne permettraient pas de rencontrer les objectifs européens.

« Pour rappel, en mai dernier, les compagnies aériennes européennes avaient exprimé leur colère par rapport aux libertés que les Etats se permettent de prendre avec les objectifs de performance européens (Europolitique n°4431). Eurocontrol, l’organisme mandaté pour superviser le processus, venait alors de suggérer à la Commission d’accepter les plans de nationaux révisés, malgré les faiblesses mises en avant. »

II. LE TRAITÉ ÉTABLISSANT LE BLOC D’ESPACE AÉRIEN FONCTIONNEL « EUROPE CENTRAL » : UN INSTRUMENT DE COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTAL UTILE, EN DÉPIT DE CERTAINES IMPERFECTIONS FORMELLES, DÈS LORS QUE CERTAINES IMPASSES SERONT ÉVITÉES

A. UN CHAMP GÉOGRAPHIQUE ÉTENDU

Le bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Central » a fait l’objet d’importants travaux préparatoires associant tous les acteurs, notamment les compagnies aériennes, ainsi que les armées de l’air des pays concernés, dès le stade de l’étude de faisabilité. Pour la France, un accord cadre Défense-Aviation civile a notamment été conclu.

1. Le plus importants des blocs d’espaces aériens fonctionnels en Europe

Le regroupement de la France avec ses partenaires ne s’imposait pas de lui-même.

La carte ci-jointe des routes aériennes, présentée par la DGAC dans un document présentant les avantages du bloc « Europe central », montre que la seule logique des flux de trafic laissait à notre pays un choix assez ouvert.

Source : DGAC

Pour des raisons techniques, un rapprochement avec l’Italie, aurait pu être très logiquement envisagé. En effet, en 2008, la DSNA a lancé en le développement d’un système de gestion du trafic aérien de nouvelle génération, dénommé « 4-FLIGHT », en coopération avec son homologue italien, l’ENAV.

L’importance du trafic aurait également pu le justifier.

La première hypothèse prise en considération par la France a été celle d’un simple rapprochement avec la Suisse. Elle a ensuite été abandonnée en raison de l’option pour un cadre plus large.

Pour les pays déjà couverts par le centre Eurocontrol de Maastricht, à savoir l’Allemagne et ceux du Benelux, la constitution d’un bloc a été également envisagée.

C’est en 2006 que la fusion des deux projets s’est esquissée et, après une étude de faisabilité, elle a été officiellement formalisée au sommet européen de l’aviation civile à Bordeaux, en novembre 2008. Un protocole d’accord a été signé.

La zone couverte par les Etats membres du bloc d’espace aérien « Europe central » (Allemagne, Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse) couvre 1 713 442 km2, soit trois fois la France. Elle est l’une des plus denses au monde et d’une grande complexité.

Elle ne s’étend pas à l’outre-mer français, ni même néerlandais. L’article 3 prévoit que ne sont concernés que les départements européens de la France et la partie européenne des Pays-Bas.

Quatre des principales plates-formes aéroportuaires européennes y sont incluses (Paris, Francfort et Amsterdam et Münich). Londres est à proximité.

Les trafics civils et militaires y sont étroitement imbriqués.

Dans l’ensemble, le bloc représente 58% du trafic aérien européen, et 15% du trafic mondial. 5,5 millions d’avions empruntent son espace chaque année.

Le site Internet FABEC indique également que le bloc d’espaces aériens comprend 400 espaces militaires ou à usage spéciaux, 370 secteurs de contrôle, 14 centres de contrôle régional (Bruxelles, Bordeaux, Brest, Marseille, Paris, Reims, Brème, Münich, Karlsruhe, Langen, Maastricht, Amsterdam, Genève et Zürich).

Même si ces proportions devraient décroître dans les années futures, les ordres de grandeur devraient cependant rester les mêmes, selon les projections communiquées.

Le tableau suivant récapitule ces éléments.

Part du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » dans le trafic aérien

Année

2012

2020

2030

FABEC / Europe (en % de vols IFR)

58

56

55

Europe / monde (en % PKT)

26

-

23

FABEC / monde (en % de PKT)

15

-

12

PKT : passager par kilomètre transporté payant – IFR : région d’information de vol

Source : DGAC

Dans ce contexte, le FABEC restera donc à l’horizon 2030 une des zones de trafic les plus denses du monde, représentant la majeure partie des vols européens.

La coordination avec le trafic transatlantique et celui de la principale place aéroportuaire à proximité, celle de Londres, a été assurée. Les autorités britanniques de l’aviation civile et le prestataire national NATS ont été associés aux travaux du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » dès l’origine.

Les redevances perçues représentent 2,54 milliards d’euros, soit 37% du total européen et une moindre proportion que celle du trafic, ce qui signifie en l’état que le niveau des redevances n’y est pas déraisonnable.

2. Sept prestataires de contrôle aux statuts très divers dans les pays concernés

Actuellement, les services de contrôle aérien sont exercés dans les pays membres du bloc d’espace aérien fonctionnel Europe Central par sept prestataires au statut soit public soit privé, mais sous contrôle de l’Etat :

– la DSNA de la DGAC en France, qui est un service de l’Etat ;

– DFS (Deutsche Flugsicherung GmbH) en Allemagne, qui est une entreprise détenue par l’Etat, mais avec un statut de droit privé ;

– Skyguide en Suisse, entreprise nationale, mais dont le personnel est sous statut privé régi par convention collective ;

– ANA pour Administration de la navigation aérienne, service de l’Etat, au Luxembourg ;

– Belgocontrol, entreprise d’Etat avec également un personnel de droit privé régi par convention collective ;

– LVNL (Luchtverkeersleiding Nederland), qui est comme en France et au Luxembourg, une administration, aux Pays-Bas ;

– le MUAC de Maastricht, dont les personnels ont un statut international dérogatoire.

Ces sept prestataires emploient 17 000 salariés dont 5 400 contrôleurs, aux statuts, horaires, rémunérations et carrières qui ne sont pas harmonisés.

3. Les objectifs de performance

La déclaration d’intention de Bordeaux de 2008 a prévu pour le bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » les objectifs suivants, comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de loi :

– un maintien de l’actuel haut niveau de sécurité avec une croissance prévue de 50% du trafic aérien dans les quinze prochaines années ;

– une réduction de la longueur des routes de 17 kilomètres en moyenne, soit 100 millions de kilomètres parcourus en moins pour 6 millions de vols par an, ce qui réduit la consommation de carburant et les émissions de CO2 d’autant ;

– un même avantage au titre de l’optimisation des trajectoires et des niveaux de vols ;

– un maintien de la ponctualité des vols, avec un objectif moyen de retard imputables à la navigation inférieur à 1 minute par vol ;

– une diminution du coût unitaire des redevances pour les services en route, avec un objectif de réduction de 20% d’ici à 2025.

Sur le plan général, les compagnies aériennes sont intéressées par les améliorations prévues, notamment la réduction des redevances de route, qui sont un élément de leur coût, de même qu’à la réduction des consommations de carburant, de même qu’à celle du temps de vol.

La perspective du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » a ainsi permis de raccourcir 115 routes aériennes de nuit, soit 1,48 millions de kilomètres en moins pour les avions.

La consommation de 4 800 tonnes de carburant et le rejet de 16 000 tonnes de CO2 ont ainsi été indiqués comme ayant été évités.

B. UN TRAITÉ UTILE ET ACCEPTABLE EN CE QU’IL PERMET DE DÉVELOPPER, AU-DELÀ DE CE QUI EST DÉJÀ EN PLACE, UNE COOPÉRATION INDISPENSABLE

1. Une coopération entre Etats

Bien qu’il s’agisse de la mise en œuvre, comme on l’a vu, de la législation européenne et plus précisément du règlement (CE) n° 550/2004 et du règlement (CE) n° 1070/2009, le traité visant à instaurer le FABEC est un traité intergouvernemental classique prévoyant une coopération entre Etats.

L’espace aérien est en effet un élément sur lequel s’exerce la souveraineté des Etats. Il n’est heureusement pas communautarisé.

L’article 4, intitulé « souveraineté », dispose d’ailleurs que lorsqu’une région d’information de vol (FIR selon l’acronyme anglais) ou une région supérieure de vol (UIR selon le sigle anglais) s’étend à l’intérieur de l’espace aérien au-dessus d’un autre Etat contractant, la souveraineté de cet Etat en relation avec cette portion d’espace aérien n’est pas affectée.

Il a été précisé que les FIR et les UIR ne sont pas non plus affectées par le Traité.

La teneur de la coopération prévue est mentionnée à l’article 4 :

– une politique commune en matière d’espace aérien ;

– une structure de l’espace aérien propice au décloisonnement, avec la défragmentation et la sectorisation dynamique ;

– l’établissement coordonné de zones transfrontalières, ce pourquoi l’apport du traité devrait être le plus préhensible ;

– la coordination avec Eurocontrol ;

– la consultation, conjointement si nécessaire, des usagers de l’espace aérien.

De manière concrète, les obligations de coopération des Etats membres concernent les éléments suivants :

– la gestion de l’espace aérien, avec l’application du concept de « gestion souple », prévue à l’article 9 du traité. Le concept de gestion souple, repris par le règlement précité n° 551/2009 a été défini par l’OACI et développé par Eurocontrol pour une utilisation plus flexible, avec notamment la coordination entre les usages militaires et civils du ciel ;

– l’harmonisation des règles et des procédures, prévue à l’article 10, avec notamment une procédure de consultation mutuelle ;

– la fourniture de services de navigation aérienne, selon l’article 11 (services de circulation aérienne, services de communication, de navigation et de surveillance, services d’information aéronautique et services météorologiques) ;

– la désignation des prestataires de services de la circulation aérienne selon les procédures de désignation conjointe prévues à l’article 12 ;

– une coordination, en vue si possible de systèmes techniques communs et d’une infrastructure commune pour les services de communication, surveillance et navigation par les prestataires civils (article 13) ;

– la surveillance des prestataires de services de navigation aérienne (article 19).

Les Etats membres doivent également, selon des dispositions dont on verra ultérieurement qu’elles sont peu conformes aux critères formels de la rédaction des traités et accords internationaux, veiller à la coopération entre les différents prestataires de services notamment par l’établissement d’accords et de procédures communs entre les prestataires civils et militaires de la navigation aérienne (article 16). De même, cet article prévoit la conclusion d’accords écrits ou arrangements juridiques équivalents entre les prestataires de services. Ces derniers restent de la compétence des Etats membres mais le Conseil du FABEC doit être consulté. Ils doivent également lui être communiqués une fois approuvés.

Il en est de même pour les accords transfrontaliers, relatifs à la délivrance de services hors de l’espace aérien concernés, qui doivent être communiqués au Conseil du FABEC.

Les coopérations techniques sont essentielles pour les prestataires. Elles ont d’ailleurs d’ores et déjà été lancées notamment dans la formation des personnels. De même, pour l’acquisition des systèmes, c’est le principe, du partenariat qui est prévu.

On observera qu’en conformité avec les règlements « ciel unique », des prestataires sous-traitent déjà la fourniture de services à un autre prestataire certifié établi dans un autre Etat membre ou dans un Etat appliquant les mêmes règles comme la Norvège et la Suisse. Tel est le cas entre la DSNA et Skyguide, entre la France et la Suisse, pour la zone contigüe.

En définitive, les obligations prévues par le traité ne sont pas incompatibles avec les autres engagements internationaux de la France en la matière. Comme l’indique le Gouvernement dans l’exposé des motifs, le Traité, qui est d’application du droit communautaire, est compatible avec tant la convention précitée de Chicago du 7 décembre 1944 que la convention précitée Eurocontrol, ainsi que l’accord multilatéral relatif aux redevances de route de 1981.

Il ne s’agit d’ailleurs que de développer et de systématiser une coopération qui existe déjà sous des formes diverses, notamment en zone frontalière.

2. Une gouvernance légère respectueuse de l’unanimité des pays membres et sans création d’une organisation internationale

Sur le plan institutionnel, la structure prévue pour la gouvernance du FABEC est assez légère, avec le Conseil du FABEC, prévu à l’article 2. Il n’y a en effet pas, comme l’indique ce même article, création d’une organisation internationale.

La composition du Conseil est précisée à l’article 21. Il s’agit des représentants de chacun des six Etats, à savoir un représentant de l’autorité responsable de l’aviation civile et un représentant de l’autorité responsable de l’aviation militaire. D’autres participants peuvent assister en qualité d’observateur aux réunions du Conseil.

Les décisions sont prises à l’unanimité, conformément à l’article 22, et la présidence du Conseil est assurée à tour de rôle par les Etats contractants. Comme l’explicite l’exposé des motifs du projet de loi, il y a donc faculté de veto pour chaque Etat membre.

En outre, lorsque la matière ressortit à la compétence du législateur national, les décisions ne peuvent être mises en œuvre sans son accord.

Le Conseil adopte son règlement intérieur, lequel doit notamment fixer les modalités de convocation des réunions, la diffusion préalable de l’ordre du jour, la désignation et la durée du mandat du président, et la procédure de scrutin, y compris la faculté de prendre des décisions par correspondance.

Pour ce qui concerne les travaux concrets du Conseil, l’article 24 prévoit la possibilité de créer des comités et des groupes de travaux, mais mentionne d’ores et déjà quatre comités :

– le comité de l’espace aérien, dont l’article 25 précise qu’il assiste le Conseil dans la mise en œuvre de l’organisation et de la gestion de l’espace aérien ;

– le comité consultatif et d’harmonisation, dont l’article 26 fixe le rôle d’assistance du Conseil dans l’harmonisation des règlementations, règles matérielles et des procédures, ainsi que pour ce qui concerne les services de la circulation aérienne ;

– le comité des finances et de la performance, pour ce qui concerne les questions relatives à la politique des redevances et le plan de performance, conformément à l’article 27.

– et, enfin, le comité des autorités de surveillance nationales, pour ce qui concerne la surveillance des prestataires de services de navigation aérienne et, également, les questions de performance, conformément à l’article 28.

En outre, la consultation des professionnels, prestataires de services de la navigation aérienne, est prévue avec la Commission consultative des services de navigation aérienne.

Ces structures de gouvernance, Conseil et comités ont déjà été mis en place, selon les éléments communiqués.

Dès l’automne 2011, une nouvelle organisation des structures de travail a été mise en œuvre par les Etats, préfigurant celles prévues par le Traité et fondées sur l’expérience de la structure des groupes de travail mis en œuvre pour la création du bloc. Ainsi, un Conseil provisoire du FABEC réunit les directeurs généraux de l’aviation civile concernés et leurs homologues militaires. Sous ses auspices, quatre comités ont été installés, et ont commencé leurs travaux ou poursuivi des travaux entamés de plus longue date.

Ces comités ont déjà eu une activité : pour le comité espace aérien, un document de politique d’espace aérien ; pour le comité performance et finances, la rédaction d’un plan de performance 2012-2014 conjoint « FABEC », dans le cadre du régime de performance du ciel unique, processus suivi conjoint ; pour le comité harmonisation et conseil, l’étude d’un accord-cadre entre les prestataires de services concernant les services transfrontaliers ; s’agissant enfin du comité des autorités de surveillance, un accord de coopération contenant divers principes harmonisés, ainsi que des indicateurs de sécurité.

3. Un traitement adapté de la question militaire

Trois articles du traité concernent la question militaire :

- l’article 8 qui prévoit que l’élaboration d’une politique commune de l’espace aérien se fait en étroite coopération entre les autorités civiles et les autorités militaires ;

- l’article 9 qui prévoit des accords et procédures communs entre prestataires civils et militaires de service de la circulation aérienne, c’est-à-dire de contrôle aérien ;

- l’article 17 qui prévoit les conditions d’exercice des activités militaires.

Celle-ci se pose différemment selon les pays, comme l’a indiqué Gilles Savary dans le cadre de son rapport intitulé « Mission de médiation FABEC », rapport au ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et au secrétaire d'État chargé des transports, 6 septembre 2010.

L’Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas ont opté pour la fusion des contrôles civils et militaires.

Le Luxembourg n’a pas d’armée de l’air.

La France et la Belgique sont restées sur le schéma de prestataires distincts.

Sur le fond, c’est l’article 9 qui prévoit les dispositions les plus importantes, avec des accords et procédures communs entre prestataires civils et militaires de services de circulation aérienne, c'est-à-dire de contrôle aérien, une coordination de la gestion de l’espace aérien entre les autorités civiles et militaires au niveau stratégique, l’établissement d’une fonction commune au niveau pré-tactique et une coordination entre les unités civiles du service de circulation aérienne et les unités de contrôle militaires au niveau tactique.

4. Les dispositions sur la redevance avec l’objectif d’un taux unitaire unique à terme

Le traité a en matière de redevance des obligations spécifiques avec l’objectif d’une zone tarifaire commune avec en perspective l’application d’un taux tarifaire unique.

La rédaction du texte n’est pas très contraignante puisqu’il est affirmé que les Etats n’ont que l’intention d’appliquer un taux unitaire unique pour les redevances de route et s’efforcent d’établir une zone tarifaire commune.

Deux phases sont prévues. La première est une phase de coordination, au niveau du Conseil du FABEC. Ensuite, la mise en place d’un taux unitaire unique est soumise à une décision du Conseil, à l’unanimité comme on l’a vu, et soumission de celle-ci à l’organe compétent d’Eurocontrol.

Actuellement, le niveau des redevances au sein du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » varie sensiblement d’un pays à l’autre, la France ayant le niveau le plus faible pour la base de calcul de la redevance de route, comme l’indique le graphique suivant.

Niveau de taux unitaire de la redevance de route
dans les pays membres du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central »

Source : DGAC

5. La mise en place d’un système de performance

L’article 20 du traité prévoit la mise en place de deux éléments au titre de la performance : d’une part, un système de performance ; d’autre part, un plan de performance établi pour le bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » et que les Etats membres ont l’obligation d’appliquer.

Il s’agit de la mise en œuvre des dispositions précitées du règlement n° 1070/2009.

Le plan de performance fixe des objectifs dans les domaines qui correspondent à la raison d’être de la création des blocs d’espace aériens :

– la sécurité ;

– l’environnement ;

– la capacité ;

– l’efficacité économique ;

– l’efficacité des missions militaires.

Il doit comprendre des indicateurs clés de performance et des mécanismes incitatifs pour le Conseil du FABEC.

Le Conseil assure par ailleurs la coordination des plans de performance des Etats membres.

C. UN APPORT JURIDIQUE INDÉPENDANT DE LA CRÉATION DU FABEC MAIS ESSENTIEL AVEC LA CLARIFICATION DU RÉGIME TRANSFRONTALIER DE RESPONSABILITÉ

L’article 30 du traité (chapitre XI) prévoit des dispositions importantes dont l’objectif affiché de clarifier le régime de responsabilité en cas de dommage causé par un prestataire dans l’espace aérien d’un autre Etat que celui dont il relève.

C’est l’accident d’Überlingen survenu dans l’espace aérien allemand en raison de la faute commise par un prestataire suisse, Skyguide, chargé du contrôle aérien, en l’occurrence, qui a montré les conséquences de l’absence de texte écrit en la matière. Un Tupolev Tu-154 de la compagnie russe Bashkirian Airlines est entré en collision avec un Boeing 757 cargo de DHL non loin d'Überlingen, sur le lac de Constance, tuant 71 personnes dont une cinquantaine d'enfants. De nombreuses procédures civiles sont intervenues, particulièrement complexes.

Il est ainsi proposé de fixer par écrit, et donc de manière jugée plus claire, un régime de responsabilité délictuelle essentiellement assis sur les principes existant qui garantisse, aux victimes ou à leurs ayant cause, un recours complémentaire, et subsidiaire, par rapport aux actions qu’ils peuvent engager dans le cadre des voies de recours normales contre le prestataire de contrôle aérien ou les compagnies aériennes. Il s’agit, selon les éléments communiqués, dans le cadre d’un deuxième niveau ou d’un « deuxième étage », d’une procédure de réparation pour les dommages qui n’auraient pas été par ailleurs indemnisés ou l’auraient été insuffisamment (paragraphe 4). Ce régime ne concernera que les seuls accidents transfrontaliers, dans le cadre desquels un prestataire de services de navigation aérienne exerce dans un Etat autre que celui où il exerce à titre principal. Il est inspiré de celui de l’OTAN en cas de dommage causé par des forces militaires dans un pays étranger (conventions SOFA OTAN).

Il est donc précisé qu’il s’agit des dommages qui n’ont pas déjà été indemnisé, que les voies de recours normales contre l’exploitant aérien ou le prestataire de services doivent avoir été épuisées et que l’accident doit être transfrontalier. En outre, un délai de deux ans pour introduire l’action est prévu à compter de la dernière décision de justice devenue définitive (paragraphe 3).

Les principes de base de ce recours n’appellent pas d’observation : l’Etat du recours, et donc le juge éventuellement compétent, est celui de l’occurrence de l’accident, à savoir celui du territoire où s’est produit l’accident (compétence ratione loci), et il est appelé Etat concerné dans le dispositif (paragraphe 1); la responsabilité de la faute et l’indemnisation incombent bien au prestataire effectif du service de navigation aérienne. Néanmoins, c’est à l’Etat concerné, celui dans l’espace aérien duquel est intervenu l’accident, que s’adressent les victimes ou leurs ayant cause (paragraphe 5), et ceux-ci ne peuvent en contrepartie engager d’action directement contre le prestataire effectif (le paragraphe 2, qui le prévoit, restreint ainsi les possibilités de recours). Ensuite, le prestataire effectif des services rembourse cet Etat, lequel dispose ainsi d’une action récursoire (paragraphe 6). En cas de défaillance de la part du prestataire effectif, c’est le pays d’origine, celui qui a accrédité ce même prestataire effectif, qui se substitue à lui (deuxième phrase du paragraphe 6).

Les différends entre les deux Etats concernés, celui de l’accident et celui du prestataire effectif, peuvent être soumis à l’arbitrage de la Cour permanente d’arbitrage (paragraphe 7). Les deux Etats peuvent convenir entre eux d’un partage des coûts (paragraphe 8).

Chaque Etat et le prestataire effectif disposent, le cas échéant, d’un recours contre toute autre personne physique ou morale, à savoir contre le responsable effective du dommage (paragraphe 9).

En outre, le texte du traité oblige les prestataires de services à disposer d’une couverture appropriée (paragraphe 11).

Ce nouveau dispositif ne fait en outre obstacle ni à l’application des accords internationaux sur les dommages causés par les forces armées d’un Etat sur le territoire d’un Etat étranger (il s’agit des conventions de type SOFA OTAN, déjà évoquées), conformément au paragraphe 11. Les dispositions du traité prévalent, en revanche, sur les dispositions relatives à la responsabilité des éventuels accords bilatéraux conclus en la matière (paragraphe 13).

Sur le plan du droit, tant la convention de Chicago de 1944 relative à l’aviation civile internationale et fondant l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) que la nature régalienne des services de navigation aérienne justifient une telle solution spécifique, selon les éléments communiqués.

D’une manière générale, ce texte de compromis est peu clair et sera d’une mise en œuvre difficile. De nombreuses dispositions sont sujettes à interprétation, leur articulation est complexe et elles peuvent ainsi être sources de difficultés d’application.

D. TROIS IMPERFECTIONS FORMELLES À RELEVER

1. Le formalisme vraisemblablement inutile d’un traité voire d’une autorisation parlementaire ?

La question d’un traité formel, de la forme solennelle, n’appelle pas nécessairement une réponse positive.

La plupart des dispositions du Traité relève, en effet, davantage de l’arrangement administratif que d’un traité.

Selon les éléments communiqués, le bloc d’espace aérien constitué entre le Royaume-Uni et la République d’Irlande n’a pas fait l’objet d’un tel dispositif, aussi formel.

Le même scepticisme ne peut qu’être évoqué pour ce qui concerne la demande de l’autorisation parlementaire pour la ratification.

Les dispositions relatives au bloc d’espace aérien ne relèvent pas de toute évidence de la catégorie des traités de paix, des traités de commerce, des traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, de ceux qui engagent les finances de l'Etat, de ceux qui modifient des dispositions de nature législative, de ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ou de ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, dont l’article 53 de la Constitution impose la ratification avec autorisation parlementaire.

L’article 30 relatif à la responsabilité ne contient à priori aucune innovation juridique majeure impliquant la modification de dispositions de nature législative ou jurisprudentielle. Mais, il est comme on l’a vu d’une interprétation difficile. Aussi est-il préférable pour éviter le maximum de difficultés de le faire approuver par le Parlement.

2. Une méconnaissance de la nature des traités

Le traité prévoit dans certaines de ses dispositions que les Etats membres veillent à ce que des organes ou des personnes placées sous leur juridiction agissent en conformité avec lui.

L’article 19 le fait ainsi pour ce qui concerne les autorités de surveillance nationale des services de navigation aérienne, qui doivent coopérer entre elles.

Même si elle reprend un type de rédaction couramment utilisé dans les textes communautaires, une telle formulation constitue clairement une impropriété juridique en regard de la nature d’un traité. Un traité ou un accord international engage les Etats, seuls sujets de droit international, ou leurs subdivisions.

Pour ce qui concerne en outre des entités de surveillance des prestataires de la navigation aérienne, il s’agit en France, avec la DSAC comme on l’a vu, d’un service de l’Etat, d’une direction de la DGAC. Il y a une atteinte claire au principe de l’unité de l’Etat.

3. La signature par l’autorité militaire : une atteinte au principe de l’unité de l’Etat

Le traité relatif l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » aurait dû n’être signé que par l’autorité compétente à savoir, en France, lorsqu’il ne s’agit pas du ministre des affaires étrangères, le ministre principalement concerné, qui lui demande alors des pouvoirs.

En l’espèce, il est tout à fait justifié que ce texte ait été signé par le secrétaire d’Etat chargé des transports, Monsieur Thierry Mariani, qui détenait les pouvoirs du ministre des affaires étrangères.

En revanche, il est surprenant que l’autorité militaire, le général de division aérienne Bruno Clermont, Directeur de la sécurité aéronautique d’Etat, en l’occurrence, l’ait signé.

C’est une atteinte claire au principe de l’unité de l’Etat.

Le fait que les autorités militaires des différents Etats (sauf pour le Luxembourg), « du fait de leur implication dans la mise en œuvre du traité », aient « symboliquement apposé leur signature » n’atténue en rien cette atteinte à un principe aussi essentiel.

E. TROIS ENJEUX ESSENTIELS À NE PAS MÉCONNAÎTRE

1. Eviter l’illusion du prestataire unique intégré, alors qu’une coopération entre plusieurs prestataires est plus conforme à l’esprit de l’accord et offre l’avantage d’un cadre souple et évolutif

Aucune initiative communautaire n’étant exempte d’arrière-pensée idéologique, la construction des blocs d’espace aérien fonctionnel repose implicitement sur l’idée de l’intégration des prestataires et in fine sur l’idée du prestataire unique : un prestataire par bloc.

C’est clairement la préférence de la Commission européenne comme d’ailleurs des compagnies aériennes : la plus grande intégration possible doit garantir des économies d’échelles et donc des tarifs moins élevés. L’ambiguïté est consubstantielle au principe du bloc d’espace aérien : il crée les conditions d’un prestataire unique, même si ce n’est pas la seule solution possible. Le règlement de 2009 précise d’ailleurs, comme on l’a vu, que le bloc est optimisé « en vue de la mise en place, au niveau de chaque bloc d’espace aérien fonctionnel, d’une coopération renforcée entre les prestataires de services de navigation aérienne ou, le cas échéant, d’un fournisseur intégré ». 

En France, la question a pris une ampleur particulière.

En effet, le 11 janvier 2010, le secrétaire d’Etat aux transports, M. Dominique Bussereau, a évoqué lors de la réunion du cycle national de négociation du protocole social de la DGCA l’ambition française de promouvoir une organisation intégrée des services de navigation aérienne au sein du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central », sur la base d’un service public non concurrentiel et non privatisable.

Les réactions des organisations syndicales ont été, pour une large part, négatives. La question est d’autant plus sensible que, comme on l’a vu, les modes d’organisation diffèrent entre les pays.

Elles n’ont porté que sur une question d’organisation, car il y a diagnostic partagé sur les objectifs d’amélioration de services de navigation aérienne.

Une mission de médiation a été confiée à M. Gilles Savary, qui a remis le 6 septembre au Gouvernement suivant un rapport de médiation sur le FABEC. Des propositions ont été présentées, notamment pour améliorer le dialogue social au sein du bloc.

Comme l’a remarqué M. Savary, il n’y a pas unanimité syndicale sur la question.

L’USAC-CGT, le principal syndicat à la DGAC, souhaite un modèle coopératif, la plate-forme CO-OP de la coalition syndicale européenne EFT, favorable comme l’a noté le médiateur, à une intégration politique du bloc, mais hostile à une fusion.

L’UNSA-ICNA et l’UNSA-IESSA sont favorables à un projet Concordia également coopératif.

Comme le rapporteur a pu le constater lors des auditions, l’UTCAC partage cette orientation.

En revanche, c’est le projet MOSAIC de la coordination européenne MARC qui plaide pour la fusion des prestataires de services, qui a les faveurs du SNCTA, faisant valoir la perspective d’une amélioration du statut, avec en perspective, en contrepartie d’un alignement des horaires de travail, l’alignement salarial sur le régime international éminemment favorable du MUAC de Maastricht.

La question est complexe puisque le SNCTA, qui est le premier chez les contrôleurs, ne l’est pas dans la DGAC, où la CGT et l’UTCAC sont les deux premiers.

Sur le fond, l’idée du prestataire intégré n’est pas acceptable pour trois raisons.

La première tient aux impératifs de sécurité et de défense. Un prestataire unique intégré de statut international ne peut par définition répondre aux injonctions d’un seul Etat uniquement, dans les délais les plus brefs.

La deuxième tient au droit de réquisition. Les mêmes mécanismes sont de nature à faire obstacle à la capacité de réquisition pour un Etat membre vis-à-vis des personnels d’un organisme qui, par définition, échappent à sa juridiction.

Le troisième tient à la perturbation profonde qu’une telle évolution entraînerait sur les actuels équilibres du transport aérien en France.

D’abord, le prestataire intégré laisserait entière la question du contrôle aérien outre-mer et de son financement, puisque comme on l’a vu, pour la France et les Pays-Bas, seuls les territoires européens sont concernés par le Traité et seraient donc concernés par le prestataire intégré.

Ensuite, les équilibres actuels de la DGAC, dont les missions de service public reposent notamment sur pluralité des corps, les compétences métiers, la carrière et la polyvalence, avec une grande complémentarité des activités, seraient anéantis.

Le prestataire unique intégré ne concernerait en effet que le contrôle aérien, ce qui mettrait en cause la fonction de sécurité, pourtant essentielle, mais qui ne donne pas lieu, contrairement à la fonction de contrôle, à rémunération contre service rendu. Les moyens auraient donc vraisemblablement et inéluctablement tendance à se réduire, ce qui pourrait nuire à terme à la sécurité du trafic aérien.

A l’opposé, les formules de coopération entre prestataires, qui permettraient d’aller au-delà des formules actuelles, selon des formules souples et évolutives répondant aux besoins réels, ne présentent pas à l’évidence les mêmes risques ni désavantages.

Cette question de l’intégration du prestataire ne doit pas être confondue avec celle du projet de création d'une entité de soutien aux travaux des prestataires de services de navigation aérienne.

Selon les éléments communiqués, les travaux conjoints des sept prestataires de services de circulation aérienne en route du bloc s'appuient actuellement sur une équipe de personnels dédiés, émanant des prestataires eux-mêmes, ou pour certains sous statut de contractuel avec l'un ou l'autre prestataire de service de navigation aérienne. Cette petite équipe sert principalement à animer les réunions de travail entre prestataires et à en tenir le secrétariat, à tenir le programme de travail et le suivi de son avancement, à assurer des contacts avec les partenaires externes, enfin à produire divers documents selon besoins - par exemple en matière de performance.

Les uns travaillent à Bruxelles dans des locaux prêtés par Belgocontrol, d'autres sont basés dans les locaux de leur employeur et se déplacent en fonction des réunions.

Les prestataires de services de navigation aérienne se sont accordés au mois de juillet dernier sur l'idée de créer une entité juridique dédiée, dans laquelle chacun prendrait une participation, pour d'une part, faciliter la gestion de l'équipe permanente de travail - qui se stabiliserait à une vingtaine de personnes - d'autre part assurer, le cas échéant, des fonctions communes ou des services communs aux prestataires.

Il s'agit encore d'une étude, qui se poursuit sous l'angle des statuts, du financement et de la gouvernance.

Au titre de leur contrôle sur leur prestataire national respectif (ou sur le centre de Maastricht), les Etats devront donner leur accord à la création d'une entité le moment venu.

2. Ne pas jouer la réduction du niveau de la redevance contre les besoins de modernisation des équipements

La mise en place de ciel unique a profondément transformé le mode de recouvrement de la redevance de route.

La redevance de route est calculée par application d’une base unitaire au poids de l’appareil au décollage et à la distance parcourue dans l’espace aérien considéré.

Le mode traditionnel était celui dit du recouvrement complet des coûts : la redevance était prélevée sur la base d’un niveau prévisionnel des coûts à couvrir, et avec un décalage de deux ans, un mécanisme correcteur permettait de réguler les cas d’insuffisance comme d’excès de recouvrement.

Ce dispositif qui correspond à la philosophie coopérative des premiers temps de la mise en place du transport aérien a été condamné par les dispositions de ciel unique, sans d’ailleurs que l’on en perçoive la nécessité.

L’argument invoqué a été celui de la performance, mais la redevance de route n’est pas un prix sur un marché concurrentiel, mais une redevance pour service rendu.

Le règlement (CE) n° 1070/2009 a ainsi prévu les nouveaux principes applicables à la redevance. Les mesures d’application se traduisent par le fait que les pertes ou bénéfices dues aux erreurs de prévision restent à la charge ou au bénéfice du prestataire dans la fourchette de + ou – 2%, et qu’au-delà, 30% des pertes restent à la charge du prestataire, selon les informations communiquées.

La France a décidé d’appliquer cette disposition avec deux ans d’avance, en 2010, ce nouveau régime dit d’incitation à la performance.

Il repose en effet sur un plan de performance qui doit être validé par la Commission européenne.

Le plan validé pour 2012 a ainsi prévu une baisse du taux unitaire de 3,6% de la redevance de route, avec une progression des unités de service (unités tarifiées) de 3,6% également.

Contrairement à l’Allemagne, la baisse n’a pas été comme on l’a vu précédée en France d’une remise à niveau du taux unitaire, alors qu’il était l’un des plus bas du FABEC.

Ce choix a des conséquences graves pour le Budget annexe Contrôle et exploitation aériens, sachant que les autres redevances qui financent ce budget annexe, à savoir la redevance océanique, pour la navigation outre-mer, et les redevances de certification ne couvrent qu’une partie du service rendu.

Par conséquent, comme l’a remarqué l’an dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, le rapporteur spécial, M. Charles de Courson (rapport n° 3775, annexe n° 15), la dette du BACEA s’est encore accrue. Elle devrait atteindre 1,21 milliard d’euros en fin d’année 2012, pour un niveau de recettes de l’ordre de 2 milliards d’euros par an.

Cette situation menace clairement l’investissement et donc le niveau technologique du contrôle aérien en France, ainsi que par contrecoup la capacité industrielle des entreprises françaises fournisseurs.

Elle peut être corrigée de deux manières : soit comme le demandait l’an dernier le rapporteur spécial, par affectation de l’intégralité du produit de la taxe de l’aviation civile (TAC) au BACEA, mais cela entraîne un problème de compensation de recettes ; soit en revenant sur une règle « bruxelloise » dont les effets sont manifestement aussi nocifs.

Certains syndicats dénoncent le maintien à un bas niveau de la redevance comme élément d’une politique favorable à Air France, mais on ne peut être que perplexe sur la rationalité du raisonnement qui pourrait conduire à valider un tel instrument d’intervention économique, dès lors qu’Air France ne verse qu’une part réduite de la redevance totale, autour de 15% selon les éléments communiqués, et que la question de la compétitivité de la compagnie ne saurait être réellement ainsi réglée.

3. Préserver la compétence et le niveau technologique de l’industrie française

Comme dans tout rapprochement européen ou international, l’enjeu technologique est toujours essentiel.

En matière de contrôle aérien, ce constat à la mesure de la place, essentielle, qu’y tient la technologie, comme on l’a déjà vu à propos du programme de recherche pour la gestion du trafic aérien.

Il convient à veiller que dans sa mise en œuvre, la coopération prévue au niveau du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central » se traduise dans les pays concernés, notamment en France, par un maintien, au moins, et un accroissement, surtout, de la compétence en matière de recherche et de développement, de manière à rester à niveau, dans un domaine aussi essentiel et dont les applications et les retombées, qu’elles soient civiles ou militaires, débordent largement le cadre du seul contrôle aérien.

F. UNE RATIFICATION TRÈS ATTENDUE PAR LES INSTANCES EUROPÉENNES

Le traité a d’abord été ratifié par le Luxembourg en décembre 2011 puis par la Suisse en mars 2012.

Il est maintenant ratifié par tous les Etats parties, sauf la France et la Belgique, qui est dans l’attente de l'avis des Régions. Celui-ci est prévu pour intervenir à temps pour permettre une ratification fin octobre, mais, selon les éléments communiqués, il y a un élément d’incertitude.

Le traité entrant en vigueur le 1er jour du deuxième mois suivant le dépôt du dernier instrument de ratification, il est indispensable que celui-ci intervienne fin octobre au plus tard pour que l’échéance communautaire, avec la date butoir du 4 décembre 2012, soit respectée.

« Ciel unique » est un dossier sur lequel la Commission européenne n’a cessé de faire part de l’importance de ses attentes, en raison de l’insuffisance des performances par rapport aux objectifs retenus pour 2012-2014, notamment en termes de retard et de prix des services de la navigation aérienne.

Par ailleurs, dans le cadre d’un rapport d’initiative du 10 juillet dernier, Mme Jacqueline Foster (ECR, Royaume-Uni) étant rapporteure, la commission des transports du Parlement européen a appelé la Commission européenne à la fermeté, à envisager des sanctions et à proposer une stratégie visant à accélérer la mise en œuvre des blocs d’espace aérien fonctionnels, considérant que l’échéance de décembre prochain risquait de n’être pas respectée. Cette mise en garde d’un parlementaire britannique ne manque pas de sel lorsque l’on connaît les positions traditionnelles du Royaume-Uni.

Les conséquences de l’éruption du volcan islandais Eyjafjallajokull en avril 2010 ont montré les conséquences du défaut de coordination dans la gestion des espaces aériens en Europe.

« Ciel unique » est par ailleurs avec les RTE l’une des deux priorités de l’actuelle présidence chypriote en matière de transport.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 17 octobre 2012.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Dupré. En ce qui concerne le traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe central », je souhaiterais formuler quelques demandes de précisions sur l’article 10, qui porte sur l’harmonisation des règles et des procédures. Quel est l’échéancier pour la mise en application ?

Par ailleurs l’article 34 m’interpelle. Le point 4 dit que « l’Etat contractant qui dénonce le présent traité supporte en principe les coûts engendrés par cette dénonciation ». Le terme « en principe » m’inquiète. Pouvez-vous donner des précisions ?

M. Jacques Myard, rapporteur. La mise en œuvre est prévue pour décembre, mais dans les faits elle a déjà commencé. La coordination se fait déjà. Après, il faut aussi des échanges d’information entre blocs. En revanche, la coordination en ce qui concerne les matériels est plus complexe car cela touche à la concurrence. M. Siemens ne fera pas de cadeaux à M. Thales ! En Europe, nous sommes des concurrents. La concurrence, âpre et dure, est la seule vraie limite pour la coopération sur les systèmes de navigation en route.

La dénonciation d’un accord a toujours un coût. C’est ce qui est évoqué.

Tous les blocs d’espace aérien fonctionnels doivent être créés avant le 4 décembre prochain. Sur le plan pratique, la coopération entre services a déjà commencé. J’insisterai sur les enjeux techniques et industriels. Nos entreprises sont concurrentes. C’est l’éternel hiatus de la construction européenne avec la primauté du principe de concurrence.

Il n’y aura pas de débat en séance publique puisque le gouvernement a choisi la procédure d’examen simplifiée.

Mme Françoise Imbert. J’ai été saisie des problèmes de coopération entre civils et militaire pour la gestion de l’espace aérien. Pouvez-vous nous dire si ces problèmes sont réglés ?

M. Jacques Myard, rapporteur. La coordination entre le civil et le militaire est réglée par le traité. C’est une question trop complexe. Contrairement à d’autres Etat, la France dispose d’un contrôle aérien militaire séparé du civil pour des raisons historiques et ce qui est nécessaire en cas de crise. Dans d’autres schémas, notamment celui d’un opérateur international intégré, on bute sur la question du droit de réquisition.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 105).

*

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXES

Liste des personnes rencontrées par le rapporteur

– M. Gilles Mantoux, chef de la Mission du Ciel unique européen à la Direction du transport aérien, et Mme Naima Cobo, chef de programme "FABEC" à la Direction des Services de la Navigation Aérienne, à la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) (13 septembre 2012)

– Mme Domitille Costes, premier contrôleur à l’aéroport de Limoges-Bellegarde, secrétaire nationale du SNCTA, et M. Jean-Denis Larrère, premier contrôleur au CRNA Est de Reims, représentant du SNCTA (20 septembre 2012)

– M. Michael Breton, secrétaire général de l’UNSA-ICNA – CRNA Ouest, M. Christophe Merlin, UNSA-ICNA – CRNA Sud-Est, et M. William Fiacre, UNSA–IESSA (20 septembre 2012)

– M. Jean-Pierre Le Brun et M. Jean-Baptiste Djebbari, du syndicat UTCAC (20 septembre 2012)

– M. Olivier Joffrin et M. Norbert Bolis, de l’USAC-CGT (20 septembre 2012)

Table des sigles

ATC : Air Traffic Control

CFMU : Unité de gestion centralisée des flux aériens (Central Flow Management Unit)

DGCA : Direction générale de l’aviation civile

DSAC : Direction de la sécurité de l’aviation civile

DSNA : Direction des services de la navigation aérienne

ENAV : Ente nazionale per l’aviazione civile

FIR : région d’information de vol (Flight Information Region)

IATA : International Air Transport Association

MUAC : Centre de contrôle de la région supérieure d’information de vol de Maastricht (Masstricht Upper Area Control Centre)

OACI : Organisation internationale de l’aviation civile

PANS : Procedures for Air Navigation Services

PKT : passager par kilomètre transporté

SARP : Standards and Recommanded Practices

SESAR : recherche sur la gestion du trafic aérien pour le ciel unique (Single European Sky ATM Research – ATM signifiant Air Traffic Management).

SNCTA : Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien

SOFA : Convention sur le statut des forces (Status of Forces Agreement)

UIR : région supérieure d’information de vol (Upper Information Region)

UNSA-ICNA : Union Nationale des Syndicats Autonomes - Ingénieurs du Contrôle de la Navigation Aérienne

UNSA-IESSA : Union Nationale des Syndicats Autonomes - Ingénieurs Electroniciens de Systèmes de la Sécurité Aérienne

USAC-CGT : Union syndicale de l’aviation civile – Confédération générale du travail

UTCAC : Unsa Techniciens supérieurs et Cadres de l’Aviation Civile

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse, signé à Bruxelles le 2 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

__________________________________________

NB : Le texte du traité figure en annexe au projet de loi (n° 105).

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