Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif
Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 412

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 novembre 2012

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés du gaz naturel (n° 285),

PAR M. Franck REYNIER,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 285.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

A.— UNE SITUATION HÉRITÉE DU PASSÉ MAIS QUI N’A PAS DE RAISONS DE SE PERPÉTUER 7

1.— La prédominance des contrats de long terme dans l’approvisionnement du fournisseur historique 7

2.— L’indexation des prix des contrats de long terme sur les prix des produits pÉtroliers 8

B.— POURTANT, IL Y A TOUTES LES RAISONS DE PENSER QU’ELLE PERDURERA 9

C.— LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI VISE À METTRE FIN À CETTE SITUATION INCOMPRÉHENSIBLE POUR LES CITOYENS ET À LEUR PERMETTRE DE BÉNÉFICIER, ENFIN, DE LA BAISSE DES PRIX DU GAZ SUR LES MARCHÉS 10

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 11

II.— EXAMEN DES ARTICLES 23

Article unique (article L. 445-3 du code de l’énergie) : Fin de l’indexation des tarifs réglementés de vente du gaz naturel sur les prix des produits pétroliers. 23

TABLEAU COMPARATIF 25

MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis plusieurs années, les prix du gaz sont historiquement bas sur les marchés. De l’ordre de 35 euros par mégawattheure (€/MWh) début 2006, ils chutaient à moins de 10 €/MWh en 2009. Ils sont actuellement à un niveau de l’ordre de 24 €/MWh qui, même s’il s’est redressé par rapport au point bas que constituait l’année 2009, demeure 20 % moins chers que le prix du gaz acheté dans le cadre de contrats de long terme. À tel point que les analystes parlent d’une « bulle gazière » pour caractériser une situation dans laquelle les producteurs de gaz ont du mal à écouler leur production. Parallèlement, le tarif réglementé de vente proposé aux consommateurs domestiques a augmenté de 35 %. Alors que l’on connaît les difficultés rencontrées par les fournisseurs alternatifs d’électricité pour concurrencer l’opérateur historique, dans le secteur du gaz, ils proposent des offres jusqu’à 17 % moins cher !

Les Français sont attachés à GDF Suez et aux tarifs réglementés. Mais cet attachement ne rend que plus urgente la nécessité de leur apporter des explications. Le groupe UDI a souhaité porter ce problème devant la représentation nationale ; la présente proposition de loi apporte des solutions concrètes qui permettraient enfin aux Français de bénéficier de la baisse des prix du gaz sur le marché – on parle de prix spot –, qu’ils ont jusque-là observé de loin sans pouvoir en profiter.

A.— UNE SITUATION HÉRITÉE DU PASSÉ MAIS QUI N’A PAS DE RAISONS DE SE PERPÉTUER

La décorrélation entre les prix spot du gaz et les tarifs réglementés de vente s’explique par deux éléments : la prédominance des contrats de long terme dans l’approvisionnement du fournisseur historique et l’indexation des prix de ces contrats de long terme sur les prix des produits pétroliers.

1.— La prédominance des contrats de long terme dans l’approvisionnement du fournisseur historique

Le marché spot joue encore un rôle marginal en Europe : 80 à 90 % du gaz y sont importés dans le cadre de contrats de long terme. Ces derniers ont longtemps été nécessaires lorsqu’il fallait construire un important réseau européen de gazoducs, dont le financement reposait sur une solidarité de fait entre l’exportateur et l’importateur. Les contrats à long terme ont permis la réalisation d’un vaste réseau maillé qui fait aujourd’hui de l’ensemble de l’Europe occidentale une zone interconnectée.

Si les tarifs applicables aux consommateurs demeurent élevés, c’est en raison de cette prédominance des contrats de long terme dans l’approvisionnement de GDF Suez. Depuis 2009, les marchés gaziers européens sont caractérisés par une divergence des prix des contrats de long terme indexés et des prix spot, aujourd’hui sensiblement inférieurs. Cette situation nouvelle s’explique notamment par la crise économique et la « bulle gazière » qui s’en est suivie, phénomène accentué par le développement mal anticipé des gaz non conventionnels aux États-Unis, qui a libéré des cargaisons de GNL (gaz naturel liquéfié) pour les marchés européens, conduisant à un excès d’offre. Les prix sur ces marchés sont actuellement de l’ordre de 24 €/MWh, contre plus de 30 €/MWh pour le gaz acheté dans le cadre des contrats de long terme.

C’est de ce système dont le consommateur français est aujourd’hui l’otage. Le contrat de service public conclu le 23 décembre 2009 entre l’État et GDF Suez oblige l’entreprise, pour fournir les clients au tarif réglementé de vente, à s’approvisionner exclusivement sur le marché. Or, les contrats de long terme empêchent le développement d’un véritable marché spot, sur lequel la concurrence pourrait véritablement se développer. Le prix du gaz des consommateurs français dépend essentiellement du résultat d’une négociation entre l’opérateur historique, GDF Suez, et les producteurs de gaz, norvégiens, hollandais, russes ou algériens. Mais aucun mécanisme ne permet de faire pression à la baisse sur le prix des contrats. Les producteurs, comme les opérateurs, ont tout intérêt à conserver ce mécanisme des contrats de long terme, qui leur permet de minimiser leurs risques. Ils sont liés pour de nombreuses années, s’empêchant mutuellement de réviser leur portefeuille d’approvisionnement ou de clients et ne se servant ainsi du marché que pour revendre le gaz excédentaire ou, au contraire, acheter les volumes de gaz manquants.

2.— L’indexation des prix des contrats de long terme sur les prix des produits pétroliers

Il s’agit du second facteur de hausse injustifiée des prix du gaz. Les contrats que les fournisseurs concluent avec les producteurs contiennent des clauses d’indexation des prix du gaz livré. Dans la très grande majorité des cas, cette indexation s’effectue en référence à un indice construit comme un panier de produits pétroliers.

Historiquement, l’indexation des prix du gaz négociés dans le cadre des contrats de long terme résulte du fait que les produits pétroliers étaient les substituts directs du gaz naturel. S’engageant sur de longues durées – la durée moyenne des contrats de long terme est de vingt ans –, les opérateurs avaient la certitude que le gaz qu’ils achetaient via les contrats de long terme demeurait compétitif par rapport aux produits pétroliers, comme le fioul domestique, et qu’ils pourraient écouler leur production. Mais cette situation est révolue : la consommation de gaz naturel n’est plus en concurrence avec les produits pétroliers, mais avec le charbon, pour la production d’électricité, et avec l’électricité pour les usages de chaleur. Le système d’indexation sur les produits pétroliers empêche de valoriser le gaz en fonction de son véritable prix de revient.

Les clauses d’indexation favorisent le renchérissement du prix des deux énergies et empêchent le développement d’un véritable marché du gaz. Il n’y a plus aucune raison de lier le prix du gaz à ceux du pétrole, qui seront tirés à la hausse par un épuisement plus rapide des ressources : le ratio réserves sur production est de l’ordre de 45 ans pour le pétrole, contre plus de 60 ans pour le gaz naturel. Lorsque le prix du pétrole s’élève, celui du gaz naturel aussi, sans que cela ne corresponde à aucune réalité économique. Par exemple, le prix du pétrole étant très sensible aux aléas politiques, le prix du gaz devient, lui aussi, dépendant de facteurs politiques qui, pourtant, ne concernent pas les zones de production du gaz.

Lorsque l’on compare le niveau des prix du gaz pour les ménages dans les différents pays européens, autant la suppression des tarifs réglementés de vente produit des effets variables, autant les bénéfices d’une désindexation des tarifs réglementés de vente sur le prix des produits pétroliers sont clairs.

PRIX HORS-TAXES DU GAZ NATUREL DANS DIFFÉRENTS PAYS EUROPÉENS

 

Pays

Prix HT (en €/GJ)

Pays sans TRV

Suède

17,4

Belgique

13,3

Irlande

12,1

Pays-Bas

11,5

Royaume-Uni

11,1

Pays avec TRV indexation produits pétroliers

Italie
(indexation 100 % produits pétroliers)

13,8

France
(indexation 30 % marché)

13,4

Espagne
(indexation 35 % produits pétroliers/50 % marché)

12,7

Pays avec TRV indexation marché 100 %

Irlande

12,1

Source : d’après CRE, Rapport sur les coûts d’approvisionnement de GDF Suez, septembre 2011.

Ainsi que le montre le tableau précédent, le prix du gaz proposé aux consommateurs via les tarifs réglementés de vente diminue avec le taux d’indexation des produits pétroliers et l’augmentation parallèle de l’indexation sur les prix de marché.

B.— POURTANT, IL Y A TOUTES LES RAISONS DE PENSER QU’ELLE PERDURERA

D’un côté, les prix proposés à partir des contrats de long terme ne diminueront pas. Certes, GDF Suez s’engage dans un processus de renégociation de ses contrats avec ses cinq principaux fournisseurs depuis un an. Des accords ont été conclus avec Gazprom, ENI, GasTerra et la Sonatrach au dernier trimestre 2011. Ce sont ces renégociations qui ont mené à l’évolution de la formule tarifaire, qui prend désormais en compte une part d’indexation marché de 25,9 % (contre 9,5 % auparavant). Mais ces évolutions ne sont pas suffisantes : les tarifs réglementés de vente proposés par GDF Suez au consommateur sont encore bien supérieurs aux tarifs du marché et cette situation ne risque pas de s’inverser en raison de la hausse probable des prix des produits pétroliers.

Parallèlement, les prix du gaz sur le marché s’inscrivent durablement à la baisse ou, du moins, devraient demeurer stables à un niveau bas. Ainsi que l’indique l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans l’executive summary de son World energy outlook, paru en novembre 2012, « l’Europe nécessite pour sa part près de dix ans pour recouvrer son niveau de demande en gaz de 2010 ». La crise économique affecte durement et durablement le marché. Les pays producteurs l’anticipent : le Qatar, premier exportateur mondial de GNL a, par exemple, décidé de mettre en maintenance prolongée certaines unités de production. Surtout, l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis constitue une véritable révolution : le gaz américain, surabondant sur le marché, a atteint un prix plancher cinq fois inférieur au prix du gaz européen.

Ainsi que le note l’AIE, « […] à l’avenir, les interrelations de prix entre marchés gaziers régionaux seront amenées à se renforcer, avec la flexibilisation du commerce de gaz naturel liquéfié et l’évolution des conditions contractuelles. Les changements ressentis dans une partie du monde se répercuteront alors plus rapidement ailleurs ». Compte tenu de l’ouverture croissante des marchés, ces baisses de prix se répercuteront sur le prix spot du gaz européen. Mais les consommateurs français, prisonniers des contrats de long terme, n’en profiteront toujours pas…

C.— LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI VISE À METTRE FIN À CETTE SITUATION INCOMPRÉHENSIBLE POUR LES CITOYENS ET À LEUR PERMETTRE DE BÉNÉFICIER, ENFIN, DE LA BAISSE DES PRIX DU GAZ SUR LES MARCHÉS

La présente proposition de loi vise à mettre fin à cette situation inacceptable grâce à deux mesures :

– les coûts d’approvisionnement de GDF Suez pour la fourniture des tarifs réglementés ne seront plus compensés s’ils sont fonction des produits pétroliers ; les fournisseurs auront donc intérêt, désormais, à obtenir de leurs fournisseurs une indexation des prix des contrats de long terme sur d’autres indices ;

– les fournisseurs de gaz naturel français devront renégocier leurs contrats d’approvisionnement pour que les prix de ces derniers ne soient pas indexés sur les produits pétroliers.

D’aucuns opposeront que les fournisseurs ne sont qu’une des deux parties du contrat, et qu’il est nécessaire que l’autre partie soit d’accord pour qu’il y ait renégociation. S’il était retenu, un tel argument aurait pour effet de ralentir un changement décisif pour le consommateur. Grâce à la désindexation des tarifs réglementés de vente sur les prix du pétrole et au développement d’un marché du gaz au niveau européen, le consommateur pourra enfin se chauffer avec un gaz qu’il paie à son vrai prix.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 14 novembre 2012, la commission a examiné la proposition de loi de M. Jean-Louis Borloo visant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés du gaz naturel (n° 285) sur le rapport de M. Franck Reynier.

M. Franck Reynier, rapporteur. Alors que les prix du gaz ont atteint des niveaux historiquement bas, les tarifs n’ont cessé d’augmenter pour les consommateurs français. Les prix spot gaziers ont été marqués ces dernières années par un effondrement : de 35 euros le mégawattheure (MWh) début 2006, ils ont chuté à moins de 10 euros en 2009, au point que les analystes du secteur parlent d’une « bulle gazière ». Parallèlement, le tarif réglementé de vente aux consommateurs domestiques a augmenté de 35 % entre 2008 et aujourd’hui. On connaît les difficultés rencontrées par les fournisseurs alternatifs d’électricité pour concurrencer l’opérateur historique – nous avons eu l’occasion d’en débattre dans notre Commission. Dans le secteur du gaz, les opérateurs alternatifs proposent aujourd’hui des offres allant jusqu’à 14 % moins cher, alors qu’ils s’approvisionnent sur le marché !

Les Français sont attachés à GDF Suez et aux tarifs réglementés de vente. Le groupe UDI l’est tout autant. Mais cet attachement ne rend que plus urgente la nécessité de leur apporter des explications et des réponses concrètes : les consommateurs vont-ils enfin pouvoir bénéficier de la baisse des prix du gaz sur le marché ? Notre groupe a souhaité porter ce problème devant la représentation nationale, en inscrivant à l’ordre du jour une proposition de loi qui vise à remédier à cette situation incompréhensible pour nos concitoyens.

Les explications avancées par l’opérateur historique sont au nombre de deux. La première est que le contrat de service public qui lie GDF Suez à l’État l’oblige à approvisionner ses clients au tarif réglementé de vente, via des contrats à long terme, dont les prix sont plus élevés que ceux du marché – la différence s’établissait à 30 % en 2011. L’argument invoqué est le suivant : les contrats à long terme assurent la sécurité d’approvisionnement du consommateur. Les deux parties au contrat sont tenues pour de nombreuses années, s’empêchant mutuellement de réviser leur portefeuille d’approvisionnement ou de clients. Le prix du gaz pour les consommateurs français dépend essentiellement du résultat d’une négociation entre l’opérateur historique et les producteurs de gaz norvégiens, hollandais, russes ou algériens.

Le marché du gaz n’est ainsi utilisé que pour revendre le gaz excédentaire ou, au contraire, acheter les volumes manquants. Par conséquent, les contrats à long terme empêchent le développement d’un véritable marché spot, sur lequel la concurrence pourrait vraiment se développer.

La seconde explication est que les contrats à long terme sont indexés sur les produits pétroliers. Les contrats que les fournisseurs concluent avec les producteurs contiennent des clauses d’indexation des prix du gaz livré. Dans la très grande majorité des cas, cette indexation s’effectue sur un indice construit à partir d’un panier de produits pétroliers.

Historiquement, cette indexation a un sens : les prix négociés dans le cadre des contrats à long terme résultaient du fait que les produits pétroliers étaient des substituts directs du gaz naturel. S’engageant sur de longues durées – la durée moyenne des contrats de long terme est de vingt ans –, les opérateurs avaient la certitude que le gaz qu’ils achetaient via les contrats à long terme demeurerait compétitif par rapport aux produits pétroliers comme le fioul domestique, et qu’ils pourraient écouler leur production.

Cette situation est aujourd’hui révolue. La consommation de gaz naturel n’est plus en concurrence avec celle des produits pétroliers. Le système d’indexation sur les produits pétroliers empêche donc de valoriser le gaz en fonction de son véritable coût de revient.

Là encore, les clauses d’indexation freinent le développement d’un véritable marché du gaz. Il n’y a plus aucune raison de lier le prix du gaz à l’épuisement plus rapide des ressources pétrolières que celui des ressources gazières : le ratio des réserves sur la production est de l’ordre de quarante-cinq ans pour le pétrole, contre plus de soixante ans pour le gaz naturel. Lorsque le prix du pétrole s’élève, celui du gaz naturel s’élève aussi, sans que cela corresponde à aucune réalité économique. Par exemple, le prix du pétrole étant très sensible aux aléas politiques, le prix du gaz devient lui aussi dépendant de facteurs politiques qui, pourtant, ne concernent pas les zones de production de gaz. Les deux explications avancées par l’opérateur historique sont donc insuffisantes.

Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’il y a toutes les raisons de penser qu’elle perdurera, compte tenu de l’augmentation probable des prix des contrats de long terme – du fait de leur indexation sur les produits pétroliers – et du maintien annoncé des prix du gaz à un bas niveau.

En effet, les prix proposés sur les contrats à long terme ne diminueront pas, puisque ceux-ci sont déjà conclus. GDF Suez s’est pourtant engagé, il y a un an, dans un processus de renégociation de ses contrats avec ses cinq principaux fournisseurs. Les accords conclus avec ces derniers ont conduit à l’évolution de la formule tarifaire, qui prend désormais en compte une part d’indexation plus importante sur le gaz venant du marché spot – plus de 25 % contre 9,5 % auparavant. Mais ces évolutions ne sont pas suffisantes : les tarifs réglementés de vente au consommateur sont encore bien supérieurs aux prix du marché, et cette situation ne risque pas de s’inverser, compte tenu de la probable hausse des prix des produits pétroliers.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Europe a près de dix ans pour recouvrer son niveau de demande de gaz de 2010. La crise économique affecte durement et durablement le marché. Il n’est que de regarder les décisions prises par les pays producteurs ces derniers temps. Le Qatar, premier exportateur mondial de gaz, a décidé de mettre en maintenance prolongée une grande partie de ses unités de production. Surtout, l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis constitue une véritable révolution : le gaz américain, surabondant sur le marché, a atteint un prix plancher cinq fois inférieur au prix du gaz européen. L’AIE anticipe donc un « âge d’or du gaz » dont la seule inconnue réside « dans le nombre de carats »...

À l’avenir, toujours selon l’AIE, les interactions de prix entre marchés gaziers régionaux seront amenées à se renforcer, avec la flexibilisation du commerce de gaz naturel liquéfié et l’évolution des conditions tarifaires. Les baisses de prix aux États-Unis se répercuteront sur les prix spot du gaz européen. Mais les consommateurs français, prisonniers des contrats à long terme indexés sur les prix des produits pétroliers, n’en profiteront pas.

Ce texte vise à mettre fin à cette situation grâce à deux axes principaux. Il prévoit d’abord que les coûts d’approvisionnement de GDF Suez pour la fourniture des tarifs réglementés ne pourront plus être compensés s’ils sont fonction de produits pétroliers. Nous proposons une déconnection complète du marché du gaz et de la formule de calcul basée sur les produits pétroliers. Pour prendre une image, la situation actuelle revient à adosser le prix de la tomate sur celui de l’ananas. Or les modes de production, les règles et les secteurs géographiques diffèrent. Il n’y a désormais plus aucune logique à l’adossement des prix du gaz sur ceux du pétrole.

Notre proposition prévoit également que les fournisseurs de gaz naturel français devront renégocier leurs contrats d’approvisionnement à long terme, pour que les prix de ces derniers ne soient plus adossés à ceux des produits pétroliers.

D’aucuns m’opposeront que les fournisseurs ne sont qu’une des deux parties du contrat, et qu’il faut que l’autre partie soit d’accord pour pouvoir renégocier. Je leur répondrai qu’il faut bien prendre le problème par un bout, et que le passé a démontré que si nous ne contraignons pas suffisamment les fournisseurs, ils risquent fort de se satisfaire de la situation.

Ce texte ne constitue peut-être qu’une première étape. Il importe néanmoins que nous nous saisissions de ce dossier, car les consommateurs ne sauraient admettre que la fixation du prix du gaz dépende de celui du pétrole, que leur facture continue à être aussi élevée, voire à augmenter, alors que le prix du gaz baisse régulièrement – près de 30% ces deux dernières années. Cette proposition tend donc aussi à redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

M. Daniel Fasquelle. Voilà enfin une bonne nouvelle sur le front des prix de l’énergie. Nos concitoyens éprouvent en effet les plus grandes difficultés à régler leurs factures, dont le montant a augmenté. C’est pour moi l’occasion de rappeler à quel point nous avons besoin des autres formes d’énergie, et notamment de l’énergie nucléaire. Je regrette d’ailleurs que nous nous montrions aussi frileux en ce qui concerne les gaz de schiste : nous pourrions au moins mener des recherches pour expérimenter des méthodes non nuisibles à l’environnement, afin de pouvoir exploiter cette ressource. C’est aussi le prix de l’énergie pour les Français qui est en jeu.

Le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi qui apporte une réponse concrète au problème du pouvoir d’achat et à la question du prix de l’énergie. Celle-ci s’inscrit également dans la continuité de la précédente législature, puisque l’arrêté du 22 décembre 2011, qui détermine la formule tarifaire, a permis de mieux prendre en compte les prix du marché du gaz naturel, actuellement inférieurs à ceux des contrats à long terme – la part d’indexation sur le marché est passée de 9,5% à 26%. Par ailleurs, les contrats d’approvisionnement européens, jusque-là exclus du périmètre de calcul de la formule, sont désormais pris en compte. Je rappelle enfin que nous avons mis en place, en 2008, le tarif social du gaz, qui a été revalorisé de 20% au 1er avril 2011 et de 10% au 1er janvier 2012. C’est une autre réponse aux difficultés de nos concitoyens.

Permettez-moi néanmoins, monsieur le rapporteur, de vous poser quelques questions. Savez-vous comment les choses se passent à l’étranger ? Y a-t-il ou non déconnection du prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs ? Si oui, depuis quand, et avec quel profit pour les consommateurs ?

N’existe-t-il pas, par ailleurs, des risques de manipulation du prix de gros sur le marché du gaz ? Des experts ont récemment dénoncé, en Grande-Bretagne, ce type de manipulations.

Enfin, si le prix du pétrole est soumis à des aléas politiques, c’est aussi le cas de celui du gaz. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

M. Antoine Herth. La vigilance s’impose tout particulièrement sur quelques sujets. D’abord, il faut relativiser l’impact du prix d’achat du gaz, qui ne pèse que pour 45% dans le prix final. Il convient donc d’étendre la réflexion aux autres composantes du prix, notamment la distribution.

Quel serait ensuite l’impact sur la transition énergétique voulue par le Gouvernement d’une forte baisse des prix du gaz, et donc d’un attrait subitement plus important pour une énergie qui n’en reste pas moins une énergie fossile ?

À plus long terme, le postulat de départ de la déconnection du prix du gaz de celui du pétrole est que le second va rester élevé. Mais en sommes-nous si sûrs ? Je lis que les États-Unis veulent se lancer dans un développement massif de leurs explorations pétrolières, pour devenir le premier producteur mondial et garantir à terme leur autonomie, afin de ne plus dépendre du pétrole du bassin arabique. Sur le plan géostratégique, ils auront donc moins intérêt à maintenir une présence permanente de la cinquième flotte près des champs pétroliers. Or l’Europe n’a les moyens ni de se substituer aux États-Unis sur le plan militaire, ni de faire face à une forte concurrence – en particulier celle de la Chine – pour l’accès à l’énergie. Le contrat à long terme est aussi un partenariat avec nos fournisseurs, et donc une garantie d’approvisionnement. Bref, il faut considérer le sujet sous tous les angles.

Dans la conjoncture présente, il est cependant important d’adresser un signal à nos concitoyens sur le prix de cette énergie si importante.

M. Yves Blein. Si faire baisser le prix du gaz était aussi simple que voter un article de loi, cela se saurait ! Nous considérons malheureusement que c’est un peu plus compliqué. M. Borloo ne l’ignorait pas lorsqu’il a rédigé l’article unique de cette proposition de loi, lui qui a eu la charge, entre autres, du développement durable et de l’énergie. S’il avait suffi de désindexer le prix du gaz par rapport à celui du pétrole, il n’aurait pas manqué de le faire. Car les prix ne suivent pas des courbes parallèles. Le prix de revient du gaz diminue, ce qui est loin d’être le cas de son prix de vente.

Bref, le sujet n’est pas si simple. Nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi pour plusieurs raisons.

D’abord, pour une question de forme. Une disposition législative en la matière n’est pas nécessaire. Nous nous exposons même à une censure du Conseil constitutionnel, car la renégociation entre opérateurs et approvisionneurs relève du contrat. Elle est d’ailleurs prévue dans la totalité des contrats existants : les achats se faisant sur le long terme, ils s’accompagnent de clauses de révision et de rendez-vous.

Ensuite, parce qu’une telle désindexation exige un accord des parties, acheteurs comme vendeurs. Pour signer un contrat, il faut être deux. Aujourd’hui, les pays producteurs de gaz s’opposent à une indexation à 100 % sur les marchés spot. Un des principaux fournisseurs de la France, l’Algérie, est figé sur ce point. Un autre gros fournisseur, la Russie, a accepté une indexation spot partielle, mais se refuse à aller au-delà. On le voit, la désindexation nécessiterait d’engager un mouvement d’ampleur à l’échelle européenne. Une loi franco-française ne peut redéfinir la stratégie communautaire en matière de tarifs d’achat du gaz.

Enfin, la disposition risque de mettre nos opérateurs en difficulté. Une désindexation les mettrait en situation d’hyperdépendance à l’égard non seulement de la Russie et de l’Algérie, nos deux fournisseurs historiques, mais aussi des producteurs de gaz de schiste. De plus, la proposition de loi prévoit que les composantes des coûts d’approvisionnement indexés sur les prix des produits pétroliers sortent de la formule tarifaire dès la promulgation de la loi, ce qui rendrait difficile toute renégociation. Qu’en serait-il, par exemple, des contrats déjà signés prévoyant des dispositions de sortie anticipée ? Le coût souvent considérable de ces dispositions ne manquerait pas d’être répercuté sur les prix à la consommation, si bien que le texte aurait un effet inverse de celui souhaité.

Même s’il est probable que de gros fournisseurs comme GDF Suez continueraient de peser d’un poids important, la désindexation fragiliserait les plus petits comme Poweo ou Direct Energy qui, compte tenu des volumes restreints qu’ils négocient, sont moins en situation de discuter.

Une telle disposition fragiliserait également notre sécurité d’approvisionnement. En cas de grand froid, les fournisseurs se tourneront vers les marchés spot, où l’on risque d’assister à une flambée des prix, voire à des ruptures d’approvisionnement.

En conclusion, cette proposition de loi ne contribuera pas à atteindre l’objectif, que nous pouvons partager, d’une réduction des tarifs du gaz. Nous préférons à cette approche ponctuelle une réflexion sur l’ensemble de la politique énergétique, de manière à construire la transition que nous appelons de nos vœux.

M. Thierry Benoit. J’en déduis que le groupe majoritaire ne votera pas la proposition de loi.

Si l’on a établi, il y a cinquante ans, un lien entre le prix du gaz et le prix de ce que l’on appelait alors le mazout, au moment où le gaz naturel arrivait en Europe, c’est que l’on connaissait encore mal cette énergie nouvelle, les quantités qu’elle pouvait représenter et les fluctuations que connaîtraient ses tarifs. Ce lien avait surtout pour but de rassurer le consommateur. La proposition de loi propose de le rompre. En effet, le baril de pétrole ne cesse d’augmenter alors que différents progrès permettent au gaz naturel de continuer de baisser tout en étant une énergie relativement « propre ».

Le gaz naturel reste néanmoins une énergie fossile, ce qui rend légitime l’interrogation d’Antoine Herth : un prix très attractif du gaz ne risque-t-il pas de perturber la transition énergétique que nous souhaitons ? Il me semble que, dès lors que nous gardons la possibilité d’actionner des leviers tels que le coût d’approvisionnement, l’acheminement, la renégociation des contrats de long terme, nous devons rompre le lien avec le prix du pétrole de manière à ce que nos concitoyens bénéficient de tarifs moins élevés.

C’est un fait : sur les marchés européens et nationaux, les prix du gaz devraient rester à un niveau relativement bas et stable, notamment en répercussion de la baisse des prix aux États-Unis ; en France, en revanche, la facture présentée aux consommateurs continuera d’être élevée si l’on ne prend pas de disposition spécifique. Il est donc déterminant de réduire drastiquement, voire totalement, la part des produits pétroliers dans la fixation des tarifs réglementés. Cette part est passée de 90 % en 2011 à 74 % aujourd’hui. La proposition de loi vise à amplifier la tendance.

En tout état de cause, si le fait majoritaire venait à s’exprimer ce soir et lors de la discussion du texte en séance publique, il serait de la responsabilité du Gouvernement de formuler une proposition alternative pour faire baisser le prix du gaz en France.

Le groupe UDI, pour sa part, soutient cette proposition de loi.

M. le président François Brottes. S’il appartenait à la loi française de changer les index, nous aurions tort de nous en priver. Je crains, hélas, que ce ne soit pas le cas !

Mme Michèle Bonneton. Au premier abord, la mesure proposée peut paraître favorable aux consommateurs en les incitant à choisir le gaz naturel au détriment des produits issus du pétrole qui se raréfie plus vite.

Mais, outre la difficulté déjà évoquée pour faire réellement baisser le prix de cette ressource, on est en droit de s’interroger sur l’objectif recherché et sur les conséquences d’une telle mesure. Cette approche de court terme reposant sur le prix unitaire de consommation n’est pas satisfaisante aux yeux du groupe Écologiste. Notre objectif premier est de faire baisser la facture d’énergie et non le coût unitaire. Une baisse du coût est une incitation implicite à consommer plus d’énergie alors que les ressources fossiles se font rares, que leur combustion produit des gaz à effet de serre dont l’incidence sur la détérioration du climat est prouvée, et que nos sociétés en sont déjà trop dépendantes. Une telle baisse ne serait souhaitable que si elle provoquait une diminution de la consommation globale d’énergie. Or c’est l’effet inverse qui sera obtenu.

Par ailleurs, l’argument selon lequel le prix facturé du gaz est tiré vers le haut par son indexation sur le pétrole sous-entend qu’il y a création d’une rente entre le prix du gaz naturel tel qu’il est coté sur les marchés européens et le prix facturé aux consommateurs en application de la formule du tarif réglementé. L’éco-fiscalité étant une priorité de la feuille de route fixée par la conférence environnementale, il serait à notre sens plus efficace d’étudier les possibilités et modalités de la création d’une taxe sur cette rente, qui permettrait de financer des sources d’économies d’énergies : aides à l’amélioration de la performance thermique des bâtiments, actions en faveur des technologies faiblement consommatrices d’énergies, du développement des énergies renouvelables, etc.

En termes de méthode et de calendrier, adopter de façon isolée et prématurée la mesure de la proposition de loi reviendrait, pour reprendre l’intitulé du texte, à se « déconnecter » de la réflexion qui s’engage autour de la transition énergétique. C’est ce débat qui devra fixer les orientations et choix stratégiques de la France en matière énergétique. La tarification des différentes sources d’énergie en sera un volet incontournable.

Qu’il s’agisse de gaz ou de pétrole, les ressources en hydrocarbures sont vouées à s’amenuiser à long terme. Ce n’est pas en prenant des mesures isolées et de court terme, agissant comme des pansements momentanés, que nous apporterons une réponse au problème essentiel de notre consommation d’énergie.

C’est pourquoi nous ne voterons pas ce texte. Nous préférons miser sur une participation active et très large au débat national sur la transition énergétique. Pour nous, le « négawatt » est préférable au mégawatt, même moins cher. Nous continuerons de défendre les trois piliers que sont la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, car c’est la seule solution au problème du prix de l’énergie.

M. le président François Brottes. Peut-être entendrez-vous dire dans l’hémicycle, monsieur le rapporteur, que cette proposition de loi a des airs de repentir. La facture du gaz s’est considérablement alourdie sous le précédent mandat. À son arrivée, le nouveau gouvernement l’a retrouvée sous le paillasson, si vous me passez l’expression. Mais je n’ose imaginer que l’on puisse relever cet aspect des choses !

M. le rapporteur. Si tel était le cas, nous aurions l’occasion d’en débattre, monsieur le président !

Oui, monsieur Fasquelle, nous devons réfléchir à l’avenir de notre mix énergétique. Du reste, les engagements du Grenelle de l’environnement sur les évolutions nécessaires ne diffèrent pas de ceux qu’a rappelés la représentante du groupe Écologiste : sobriété, efficacité, développement des énergies renouvelables. Cette proposition de loi n’a pas vocation à remettre en cause ces principes.

Toutes les questions sont bonnes à poser. La place du nucléaire dans notre pays est un sujet important dont nous aurons l’occasion de débattre prochainement. S’agissant des gaz de schistes, je ne peux que souscrire à la position réaffirmée tout récemment par le Président de la République : en l’état actuel des connaissances sur la fracturation hydraulique, il n’est pas question d’explorer et d’exploiter cette ressource. Mais on peut imaginer que d’autres procédés seraient acceptables pour peu qu’ils soient respectueux de l’environnement.

À l’étranger, la palette des pratiques en matière de prix du gaz est très large. En Italie, l’indexation sur le prix du pétrole est totale ; en Irlande, la seule référence est le marché du gaz ; en Espagne, le dispositif est mixte. Chaque pays a ses particularités. Je rappelle que nous avons un opérateur historique dont les prix sont réglementés.

M. le président François Brottes. Ayant été privatisé et fusionné avec un autre groupe, cet opérateur n’a plus grand-chose d’historique. On peut parler d’« opérateur historique » lorsque l’entreprise conserve peu ou prou la même configuration, comme dans le cas d’EDF.

M. le rapporteur. On parle couramment de l’opérateur historique des télécommunications. En quoi France Télécom est-elle différente de GDF Suez ?

Le Gouvernement est contraint de définir par décret les prix de vente. L’objet de cette proposition de loi est de lui permettre de modifier les règles de calcul concernant un opérateur dont il est difficile d’affirmer qu’il n’est pas historique.

M. le président François Brottes. Suez n’a jamais été un opérateur historique. Cela dit, cela ne change rien au fond.

M. le rapporteur. Le risque de manipulation sur le prix du gaz, monsieur Fasquelle, existe quels que soient les modes de calcul du prix. Le vrai problème est de savoir pourquoi la baisse de 30 % constatée ces deux dernières années n’est pas répercutée sur la facture de l’usager comme on est en droit de l’attendre. Certains intervenants ont laissé entendre que les opérateurs trouvent un intérêt à maintenir un prix de vente constant quand les prix de marché chutent et qu’une marge doit bien se dégager quelque part. C’est aussi mon opinion !

À l’évidence, le prix du gaz est lui aussi soumis aux aléas politiques. Le paradoxe actuel est qu’il peut subir des aléas qui ne concernent pas les pays producteurs. Des tensions dans le golfe Persique, par exemple, provoqueront une flambée des prix du pétrole qui augmentera le prix du gaz que nous achetons en Algérie. C’est une démonstration supplémentaire que l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole est inutile. Peut-on imaginer d’indexer le prix d’un billet de train sur celui d’un billet d’avion, le prix de la tomate sur celui de l’ananas ? Les règles sont différentes, les contraintes sont différentes, les exploitations sont différentes.

Antoine Herth me demande si un prix du gaz plus attractif ne constitue pas une menace pour la transition énergétique. Je le répète, ce texte ne remet nullement en cause les objectifs du Grenelle. Son objet est de rétablir un juste prix du gaz et non de répartir les flux par un jeu tarifaire. Aujourd’hui, les consommateurs trouvent incompréhensible de payer leur gaz plus cher que le prix auquel il est négocié.

Comme je l’ai dit, il ressort des prévisions de réserves – quarante-cinq ans pour le pétrole, soixante ans pour le gaz – que la pression restera moindre sur le gaz. A priori, il n’y a pas de risque particulier que les courbes s’inversent.

Les partenariats de long terme passé par les distributeurs avec les producteurs sont bien entendu importants pour sécuriser les approvisionnements. Cette proposition de loi ne vise nullement à remettre en cause ces modes d’approvisionnement. Nous demandons simplement que le prix du gaz ne soit plus calculé en fonction du prix du pétrole.

Le cas de l’Algérie a été évoqué. Je rappelle qu’un contrat engage deux parties et que les ressources en gaz sont aujourd’hui abondantes. Je doute que certains pays puissent soutenir de nouveau les exigences qu’ils avaient à une époque donnée. Il appartient à la négociation de desserrer des brides telles que celles-là.

Jean-Louis Borloo avait-il la possibilité de prendre cette mesure lorsqu’il était au Gouvernement, monsieur Blein ? Il n’y a pas lieu de refaire le débat, mais je suis sûr qu’il vous apportera avec plaisir des éléments de réponse lors de la discussion en séance publique.

Vous estimez que les contrats sont suffisants en matière de prix et qu’une disposition législative est superflue. Je vous rappelle que notre pays est attaché à la régulation des prix de l’énergie. Si le groupe socialiste ne défend plus cette position, il faudra qu’il le dise clairement. Mais je crois que la régulation et l’engagement de l’État dans ce domaine font consensus entre nous. Laisser la fixation du prix aux contrats reviendrait à une libéralisation complète. Le groupe UDI ne s’inscrit pas dans cette démarche et je suis surpris que le groupe socialiste laisse entendre qu’il puisse la faire sienne.

Les accords avec l’Algérie, j’y reviens, sont conclus entre deux parties. En tant que consommateurs, nous avons le droit de nous exprimer à ce sujet.

La mesure proposée risque-t-elle de fragiliser les opérateurs ? Les relations sont de nature contractuelle et laissent la place à la négociation, donc elles peuvent évoluer. Ce n’est pas parce que certains contrats ne sont pas renégociables qu’il ne faut rien faire. Il est important d’ouvrir la possibilité d’une nouvelle logique au moins pour les nouveaux contrats signés et pour la renégociation de ceux qui sont aménageables. Quant à ceux pour lesquels le coût de sortie serait supérieur à l’avantage escompté, il conviendra bien entendu de continuer à les honorer.

Les petits fournisseurs ne risquent pas de disparaître, bien au contraire. Aujourd’hui, du fait de leur accès au marché spot, les prix que proposent certains d’entre eux sont inférieurs de 14 % à ceux de l’opérateur historique. Ils ne sont pas concernés par les contraintes fixées par le législateur.

Je remercie Thierry Benoit et le groupe UDI pour leur soutien.

Si je peux partager votre analyse, madame Bonneton, je ne peux partager vos conclusions. Il est réducteur d’affirmer que la mesure procède d’une vue à court terme et que la baisse du coût constitue une incitation à consommer. Beaucoup de ménages à faibles revenus sont concernés. À côté du tarif social du gaz que nous avons mis en place, la baisse de la facture énergétique constituerait une aide bienvenue pour les plus fragiles. Pour autant, les engagements du Grenelle ne sont pas modifiés et le groupe UDI veillera à la poursuite des efforts engagés par la précédente majorité.

La formule actuelle engendre-t-elle une rente pour les opérateurs ? Je vous laisse la responsabilité de cette analyse !

Pour ce qui est de la transition énergétique, je ne puis que vous réaffirmer notre attachement aux engagements du Grenelle.

Une dernière précision : cette proposition de loi reprend un amendement que nous avions défendu dans le cadre de la discussion de la proposition de loi dite « Brottes ». La ministre Delphine Batho nous avait alors répondu que la question pourrait être traitée par le biais du contrat de service public qui lie GDF Suez à l’État. Et elle ajoutait : « C’est la raison pour laquelle, si je peux comprendre l’intention de cet amendement et en retenir l’idée, je ne saurais en accepter la formulation. » Sachant que vous êtes favorable à l’idée, monsieur le président, j’ose espérer que vous nous suivrez sur cette nouvelle formulation.

M. le président François Brottes. Le problème posé est lourd et compliqué. Nous cherchons tous à connaître la vérité sur la manière dont on impose aux Français un prix d’approvisionnement. Il faudra un jour dissiper cette opacité. C’est pourquoi, quelle que soit l’issue du vote sur le texte, je propose que notre Commission auditionne les acteurs de la filière du gaz, qu’ils soient fournisseurs, distributeurs ou transporteurs. Nous devons parvenir à une meilleure compréhension des sujets liés au gaz de schiste, à l’avènement du gaz naturel liquéfié, au marché spot, aux marchés à long terme, aux évolutions en Algérie, en Norvège et en Russie, ou encore aux conséquences de la libéralisation du marché en Europe. Le débat reste devant nous, et il est à craindre que ce soit encore pour quelque temps.

La reprise des « jeudis de l’énergie » après la discussion budgétaire nous permettra, je l’espère, de poursuivre les auditions et les réflexions à ce sujet.

M. Daniel Fasquelle. Il sera souhaitable de recueillir également l’avis d’experts indépendants regardant le système de l’extérieur, car le point de vue des acteurs de la filière risque d’être biaisé.

M. le président François Brottes. J’accepte volontiers toutes les propositions.

II.— EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

(article L. 445-3 du code de l’énergie)

Fin de l’indexation des tarifs réglementés de vente du gaz naturel sur les prix des produits pétroliers.

L’article L. 445-3 du code de l’énergie dispose que « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l’ensemble de ces coûts (…) ».

C’est sur ce fondement que repose le décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, dont l’article 4 précise que, « pour chaque fournisseur, une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d’approvisionnement en gaz naturel et des coûts hors approvisionnement et permet de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci, en fonction des modalités de desserte des clients concernés ».

Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont déterminés en fonction d’une formule tarifaire, dont l’un des termes représente les coûts d’approvisionnement en gaz naturel supportés par l’opérateur historique. L’article 2 de l’arrêté du 22 décembre 2011 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez contient la formule d’évolution du terme représentant les coûts d’approvisionnement en gaz naturel :

« m » = FOD€t*0,01079 + FOL€t*0,01568

+ BRENT€/bl*0,06077 + TTF€/MWh*0,25887

+ EURUSD*1,90944

où :

– « m » représente l’évolution du terme des coûts d’approvisionnement en gaz naturel ;

– FOD€/t représente l’évolution de la cotation du fioul domestique à 0,1 % en € par tonne ;

– FOL€/t représente l’évolution de la cotation du fioul lourd basse teneur en soufre en € par tonne ;

– BRENT€/bl représente l’évolution de la cotation du baril de pétrole en € par baril ;

– TTF€/MWh représente l’évolution de la cotation des contrats futurs trimestriels de gaz naturel en € par MWh ;

– EURUSD représente l’évolution du taux de change euro contre dollar US.

Cette formule fait apparaître que l’évolution des prix du gaz naturel distribué par GDF Suez dans le cadre des tarifs réglementés de vente est indexée sur trois types de produits pétroliers : le fioul domestique, le fioul lourd basse teneur en soufre et le baril du pétrole.

L’article unique de la présente proposition de loi a pour objet d’exclure les produits pétroliers de cette formule : les tarifs réglementés de vente ne pourraient être indexés que sur les prix spot du gaz ou sur d’autres indicateurs (prix du charbon, taux d’inflation, etc.). Une indexation sur les prix spot pourrait prendre en compte un panier d’indices représentatif des prix sur les trois grandes plaques d’échanges de gaz dans le monde : NBP (indice de prix britannique), Henry Hub (indice américain), LNG (indice asiatique).

Par ailleurs, cet article demande aux fournisseurs de gaz naturel de renégocier leurs contrats d’approvisionnement en gaz naturel pour que ces derniers ne contiennent plus de clauses d’indexation sur le prix des produits pétroliers.

*

* *

La Commission rejette l’article unique.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

*

* *

La Commission rejette l’article unique, ce qui vaut rejet de la proposition de loi n° 285. En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Article unique

Article unique

Code de l'énergie

Partie législative

Livre IV : Les dispositions

relatives au gaz

Titre IV : la commercialisation

Chapitre V : Les tarifs

Section 1 : Les tarifs réglementés de vente

 

(Rejeté)

Art.  L. 445-3. - Les tarifs régle-mentés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l'article L. 441-1. Ils sont harmonisés dans les zones de desserte respectives des différents gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l'article L. 111-53. Les différences de tarifs n'excèdent pas les différences relatives aux coûts de raccordement des distributions au réseau de transport de gaz naturel à haute pression.

L’article L. 445-3 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « à l’exception des coûts d’approvisionnement, pour la part de ceux-ci qui sont fonction des prix de produits pétroliers ».

 
 

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

 
 

« Les fournisseurs renégocient leurs contrats d’approvisionnement en gaz naturel afin que ceux-ci ne soient pas fonction des prix de produits pétroliers.

 
 

« Dès la promulgation de la loi n°     du            visant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés du gaz naturel, la formule tarifaire permettant d’estimer les coûts d’approvisionnement à prendre en compte dans les tarifs réglementés de vente de gaz naturel ne tient pas compte des prix de produits pétroliers. »

 
© Assemblée nationale