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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 549

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 décembre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, tendant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire,

PAR Mme Sandrine DOUCET,

Députée.

——

Voir les numéros :

Sénat : 756 (2011-2012), 56, 57 et T.A. 15 (2012-2013).

Assemblée nationale : 333.

INTRODUCTION 5

I.- L’ABSENTÉISME SCOLAIRE, UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE SUR LEQUEL LA LOI DITE « CIOTTI » A EU TRÈS PEU DE PRISE 7

A. UN PHÉNOMÈNE MULTIFACTORIEL ET REVÊTANT UNE RÉELLE AMPLEUR DANS CERTAINS ÉTABLISSEMENTS DU SECOND DEGRÉ 7

1. Des causes d’absentéisme de nature très diverse 7

2. Un taux d’absentéisme globalement faible sauf en lycée professionnel 10

B. UN DISPOSITIF INADAPTÉ, INEFFICACE ET INJUSTE : LA LOI N° 2010-1127 DU 28 SEPTEMBRE 2010 14

1. Un dispositif gradué mais « orienté » 14

2. Une absence d’impact sur le taux d’absentéisme mesuré au plan national 18

3. De sérieuses difficultés d’ordre pratique 21

II.- LA PROPOSITION DE LOI ABROGE DEUX DISPOSITIFS INOPÉRANTS ET INCITE L’ÉDUCATION NATIONALE À AMÉLIORER SES PROCESSUS DE REMÉDIATION 23

A. L’ABROGATION DU MÉCANISME DE SUSPENSION DES ALLOCATIONS FAMILIALES EN CAS D’ABSENTÉISME SCOLAIRE ET DU CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE 23

1. Un contrat de responsabilité parentale vidé de sa substance depuis la loi du 28 septembre 2010 23

2. Un retour à l’approche qui a prévalu en 2004 et qui préserve les sanctions pénales et la procédure d’avertissement existantes 25

B. UNE NOUVELLE PROCÉDURE D’ACCOMPAGNEMENT DES PARENTS 26

C. UNE POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE DES « DÉCROCHEURS » QUI DEVRA ÊTRE REPENSÉE À COURT TERME 28

1. Des actions de remédiation nombreuses 28

a) Une juxtaposition de mesures parfois efficaces mais sous-dimensionnées 28

b) Un repérage des décrocheurs amélioré en 2011 30

2. Une école qui doit être mobilisée contre le décrochage 31

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 33

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 53

III.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 65

Article unique : Abrogation des dispositifs de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire et du contrat de responsabilité parentale 65

TABLEAU COMPARATIF 73

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 79

INTRODUCTION

À l’initiative du gouvernement, qui l’a inscrite dans son ordre du jour de la séance du 16 janvier 2013, l’Assemblée nationale est appelée à examiner la proposition de loi tendant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, dite « loi Ciotti », qui a été adoptée par le Sénat le 25 octobre dernier.

Deux raisons conduisent à approuver ce texte, issu d’une initiative de notre collègue sénatrice, Mme Françoise Cartron.

D’une part, le régime de suspension des allocations familiales pour manquement à l’obligation d’assiduité scolaire mis en place par la loi du 28 septembre 2010 n’a pas eu d’impact, à la baisse, sur le taux d’absentéisme, mesuré, au plan national, par les enquêtes du ministère de l’éducation nationale. En outre, ce dispositif socialement « orienté » repose une approche univoque, réductrice, de l’absentéisme. Il est aussi inefficace que stigmatisant.

D’autre part, le texte proposé prévoit de supprimer un second instrument, le contrat de responsabilité parentale (CPR), introduit par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, dite « loi Borloo ». Resté quasiment inappliqué, celui-ci a été vidé de sa substance par la loi du 28 septembre 2010.

Au moment où le gouvernement, sans même attendre les prochaines étapes de la refondation de l’école, qu’il a engagée, mobilise pleinement le système éducatif dans une lutte réellement efficace contre le décrochage scolaire, maintenir ces deux dispositifs aurait manqué de cohérence. Il appartient donc désormais à l’Assemblée nationale de confirmer leur suppression.

I.- L’ABSENTÉISME SCOLAIRE, UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE SUR LEQUEL LA LOI DITE « CIOTTI » A EU TRÈS PEU DE PRISE

« L’absentéisme (…) est avant tout le symptôme d’une situation sociale difficile pour des familles – souvent des mères célibataires, d’ailleurs – qui peinent à suivre l’éducation de leurs enfants. L’absentéisme est également la première étape d’un chemin qui mène ensuite vers le décrochage scolaire et enfin, trop souvent, vers l’exclusion sociale » (1). C’est en ces termes que la ministre déléguée, chargée de la réussite éducative, Mme George Pau-Langevin, a évoqué le phénomène de l’absentéisme scolaire. De par sa nature, celui-ci ne peut qu’échapper aux réponses simplistes. Or, force est de constater que la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010, dite « loi Ciotti », a instauré une sanction administrative, inefficace et injuste, qui n’a eu que très peu de prise sur une réalité complexe, dans ses causes et ses manifestations.

A. UN PHÉNOMÈNE MULTIFACTORIEL ET REVÊTANT UNE RÉELLE AMPLEUR DANS CERTAINS ÉTABLISSEMENTS DU SECOND DEGRÉ

Selon l’auteure de la présente proposition de loi, Mme Françoise Cartron, le dispositif prévu par la loi du 28 septembre 2010 repose « sur une erreur fondamentale de diagnostic et propose donc une mauvaise thérapie », à savoir que l’absentéisme résulterait d’une défaillance parentale, voire d’une certaine forme de laxisme, qu’il conviendrait de sanctionner (1). En effet, pour reprendre le jugement du rapporteur du Sénat sur la proposition de loi, le mécanisme instauré par la précédente majorité apporte une réponse « univoque » à un phénomène complexe (2).

1. Des causes d’absentéisme de nature très diverse

Le phénomène de l’absentéisme revêt de multiples formes. Ainsi, d’après Mme Françoise Cartron, « l’éloignement de l’école peut être ponctuel, perlé ou durable. Ce défaut d’assiduité peut être ciblé sur une matière, une plage horaire, une période de l’année scolaire. Dans certains cas, il conduit au décrochage total, parfois définitif » (1).

La différence est donc grande entre ce que le rapporteur du Sénat a appelé l’« absentéisme de confort, proche du zapping scolaire » (1), où l’on évite un professeur particulier ou une discipline spécifique, et l’absentéisme « symptôme », traduisant, lui, un malaise scolaire ou social profond.

Sur ce dernier point, un rapport établi par cinq inspections générales notait, en 2011, que « par sa nature et ses causes, l’absentéisme scolaire, dès lors qu’il prend une dimension importante et répétitive, ne se distingue pas fondamentalement du décrochage scolaire : si des mesures correctives ne sont pas rapidement accordées, l’absentéisme risque de conduire au décrochage » (3).

Or, les causes de l’absentéisme conduisant au décrochage sont de nature très diverse.

La première est l’ennui, voire la souffrance des élèves, plus répandus qu’on ne le croit dans l’enseignement secondaire. Son approche hypothético-déductive, abstraite, des apprentissages ne convient, en effet qu’aux bons élèves, dont on dit qu’ils sont « à l’heure », car ils n’ont pas de retard dans leur scolarité. Leurs connaissances et leurs compétences étant valorisées par une école qui privilégie ces savoirs et savoir-faire, ils se démarquent aisément des adolescents qui, à l’inverse, sont « à la peine » dans les matières générales et, de ce fait, s’ennuient ou souffrent dans un collège ou un lycée qui les accueille, tout en leur faisant parfois comprendre qu’ils n’y ont pas toute leur place.

Pour ces jeunes, le caractère anxiogène de l’école française joue à plein, un phénomène mis en lumière par le sociologue François Dubet. Les travaux de ce dernier montrent en effet que les élèves de notre pays « sont stressés, beaucoup ont peur et n’ont aucune confiance en eux puisqu’ils savent qu’ils sont dans une machine chargée de les "trier" plutôt que dans une institution tenue de les éduquer » (4).

Parmi ceux-là, on retrouve les 20 % d’élèves – environ – qui, chaque année, sortent du système éducatif sans diplôme ou qualification. Il convient de citer, à ce sujet, le rapport des inspections générales, selon lequel « beaucoup d’élèves, notamment dans les zones difficiles, ont de fait accumulé de tels retards scolaires qu’ils ne sont plus en état de suivre réellement les cours, d’où des comportements d’évitement (chahut ou apathie). Ce qui, de fait, débouche sur l’absentéisme, qu’il soit volontaire ou qu’il soit induit peu à peu par des exclusions à répétition » (1).

L’orientation constitue ensuite, de toute évidence, une des causes majeures de l’absentéisme. Si l’on dit parfois que le peuple vote avec ses pieds, on peut le dire aussi de certains élèves, qui ne sont pas satisfaits du lycée ou de la section où ils ont été affectés et arrêtent de fréquenter l’école.

Clairement, dès lors qu’elle est « subie », car vécue comme un « couperet » actionné par les mauvaises notes obtenues au collège, l’orientation mal ou non acceptée peut déboucher sur l’absentéisme.

C’est d’ailleurs ce qui explique son importance dans les lycées professionnels : la Cour des comptes observe ainsi que l’orientation y est « fréquemment décidée par défaut pour les élèves les moins bien notés » (5), ce qui constitue un puissant facteur de démotivation. S’ajoute à cela le fait, relevé par le Haut conseil de l’éducation (HCE) qu’en lycée professionnel, « beaucoup de jeunes se retrouvent à la rentrée dans une spécialité de formation qui ne correspond pas à leurs vœux, car l’affectation s’effectue selon une logique de remplissage, souvent indépendante du projet de l’élève, comme si les spécialités étaient interchangeables » (6).

L’environnement, social ou familial, peut, lui aussi, « alimenter » l’absentéisme. Pour reprendre l’analyse des inspections générales, « dans les familles monoparentales ou nombreuses, les élèves filles sont parfois obligées de garder leurs petits frères ou sœurs ou d’aller les chercher en classe faute de disponibilité des parents. De même un contexte familial troublé, les relations parfois difficiles entre parents et enfants sont souvent la cause d’absences répétées. Des souffrances familiales, voire sociales, peuvent être à l’origine de blocages psychiques des capacités d’apprentissage ». Il va de soi aussi que « la précarité sociale, les situations de chômage, le niveau d’éducation des parents et la distance avec l’institution scolaire influencent l’engagement envers l’école et l’exigence d’assiduité scolaire » (7).

Sur la prise de distance et parfois la défiance de certains parents vis-à-vis de l’école, un rapport gouvernemental faisait état, en 2003, de situations « particulièrement préoccupantes ». À titre d’illustration, « plusieurs cas d’enfants, et notamment de jeunes filles, déscolarisés parfois brutalement par leurs parents, ont ainsi été évoqués (parent dépressif qui retient son enfant auprès de lui, jeunes filles retirées de l’école pour être employées à des tâches domestiques, mariage forcé…). De même, il ressort des auditions qu’un certain nombre d’enfants en âge scolaire travailleraient en toute illégalité avec l’assentiment de leurs parents et seraient ainsi empêchés de suivre une scolarité normale. Certains intervenants ont le sentiment encore diffus d’une hausse du phénomène. Au-delà de ces situations extrêmes, certains parents, souvent par crainte d’apparaître comme de “mauvais parents”, préfèrent couvrir a posteriori les absences injustifiées de leurs enfants ». Pourtant, malgré ces constats, ce rapport, comme on le verra plus loin, a plaidé en faveur de la suppression du régime de suspension des allocations familiales pour manquement à l’obligation d’assiduité scolaire (8).

Enfin, la violence ou plus précisément les « petites violences », verbales ou de l’ordre de la petite bagarre, de la petite bousculade, de la rumeur, ont aussi des conséquences sur l’assiduité scolaire. Comme l’a indiqué à la Commission des affaires culturelles et de l’éducation le délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire au ministère de l’éducation nationale, M. Éric Debarbieux, « entre 20 % et 25 % des élèves absentéistes chroniques ne se rendent plus à l’école parce qu’ils ont peur. Une telle attitude ne s’explique donc pas seulement par la défaillance des parents » (9).

Deux autres facteurs, moins « structurants », constituent des causes additionnelles d’absentéisme :

– les emplois du temps trop morcelés. Or, de ce point de vue, la réforme du lycée conduite par le précédent gouvernement, comporte, selon les inspections générales, « des conséquences fâcheuses sur la cohérence des emplois du temps des élèves du fait des besoins en locaux induits par la modularité croissante des enseignements. En effet la possibilité pour les lycéens de choisir des enseignements d’exploration – dont certains ne durent qu’une partie de l’année – multiplie les groupes interclasse de taille variable, rendant ainsi l’appel plus difficile » (10) ;

– l’insuffisance de la qualité des transports, souvent problématique en particulier en banlieue parisienne et sur la côte méditerranéenne.

2. Un taux d’absentéisme globalement faible sauf en lycée professionnel

Selon la ministre déléguée, chargée de la réussite éducative, Mme George Pau-Langevin, le nombre d’élèves absentéistes est estimé à 300 000 environ, soit 7 % du nombre total d’enfants et d’adolescents scolarisés. Ce chiffre ne prend pas en compte tous les absentéistes, les méthodes de comptage se heurtant, comme on le verra ci-dessous, à des difficultés pratiques. Cependant, les enquêtes de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale permettent de cerner l’ampleur du phénomène, qui est relativement limitée, sauf dans la voie professionnelle.

 Une méthode de mesure de l’absentéisme au niveau national présentant des limites

On rappellera, au préalable, la définition légale de l’obligation scolaire. Depuis la loi du 28 mars 1882, elle impose aux personnes ayant la responsabilité d’enfants âgés de 6 à 16 ans de les inscrire dans un établissement scolaire ou de déclarer leur faire donner une instruction dans la famille. Prévue par la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, l’obligation d’assiduité, quant à elle, s’impose aux enfants inscrits dans un établissement scolaire quel que soit leur âge : en effet, « les obligations des élèves consistent dans l’accomplissement des tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent l’assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements » (article L. 511-1 du code de l’éducation).

Sont comptabilisés comme absentéistes les élèves ayant eu dans le mois au moins quatre demi-journées d’absence non justifiées, ce seuil correspondant, pour les élèves soumis à l’obligation d’assiduité scolaire, à celui fixé par l’article 10 de la loi du 28 mars 1882 (article L. 131-8 du même code).

La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) conduit deux enquêtes sur l’absentéisme des élèves : une auprès d’un échantillon d’un millier d’établissements publics du second degré de France métropolitaine et une autre auprès des inspections académiques sur les premier et second degrés.

Ces enquêtes recueillent des informations mensuelles, mais elles présentent plusieurs faiblesses :

– elles sont purement déclaratives ;

– pour l’enquête auprès des établissements, les résultats s’appuient sur l’exploitation des données de septembre à avril seulement, pour lesquelles le taux de réponse atteint presque 60 % (11). Par ailleurs, jusqu’en 2008, elle comptabilisait les absences non régularisées, que le motif ait été jugé légitime ou non. Aujourd’hui, elle comptabilise toutes les absences que les chefs d’établissement ont considérées comme non justifiées (12;

– l’enquête auprès des inspections académiques concerne les dix mois de l’année scolaire mais ses résultats présentent également une certaine fragilité, le taux de réponse étant inégal selon les départements. Ainsi, en 2010-2011, trente-trois départements n’ont pas renseigné l’enquête, dont sept qui comptent d’importants effectifs d’élèves (Seine-Saint-Denis, Yvelines, Hauts-de-Seine, Val-d’Oise, Val-de-Marne, Pas-de-Calais et Bouches-du-Rhône) (13).

 Un absentéisme inégalement réparti et surtout significatif en lycée professionnel

Ainsi que l’a souligné la ministre déléguée, chargée de la réussite éducative, Mme George Pau-Langevin, « si l’absentéisme résultait de l’incapacité ou de la désinvolture des parents, le même phénomène serait constaté à l’école primaire. Or l’absentéisme est infinitésimal à l’école primaire. Il ne commence à être significatif qu’à la fin du collège et au début du lycée, notamment du lycée professionnel » (14).

Ø Un absentéisme très marginal dans l’enseignement primaire et privé

Le taux d’absentéisme correspond au rapport, un mois donné, du nombre d’élèves absents de façon non justifiée quatre demi-journées par mois ou plus sur l’effectif total.

Celui-ci n’est pas calculé dans l’enseignement privé ou élémentaire, mais le ministère de l’éducation nationale peut indiquer, pour ces deux secteurs, le pourcentage d’élèves signalés aux inspections académiques pour absentéisme. Ainsi, en 2010-2011 :

– dans l’enseignement élémentaire, ce pourcentage varie, selon le mois, de 0,01 % à 0,03 % dans le secteur public. Dans le privé, il atteint 0,01 %, mais uniquement en janvier 2011 ;

– dans l’enseignement secondaire privé, le pourcentage d’élèves signalés oscille entre 0,02 % et 0,03 % et atteint 0,04 % seulement en mai 2011 (15).

Ø En collège et lycée d’enseignement général et technologique (LEGT), un taux d’absentéisme relativement faible, volatile et inégalement réparti

Entre septembre 2010 et avril 2011, 2,6 % des collégiens, en moyenne, ont été absents de façon non justifiée quatre demi-journées ou plus par mois et pouvaient donc être considérés comme absentéistes. Cette proportion varie cependant sensiblement d’un mois sur l’autre : elle évolue entre 1,9 % (en septembre 2010) et 3,2 %, le point culminant atteint en janvier 2011.

Dans les LEGT, le taux d’absentéisme moyen, égal à 6,9 %, est plus élevé, mais il varie, lui aussi, de 3,3 % (en septembre 2010) à 6,3 % (en mars 2011), si l’on exclut le pic de 16,8 % en octobre 2010, lié aux mouvements de grève contre la réforme des retraites menée par le précédent gouvernement.

Par ailleurs, comme l’observe la DEPP, la proportion d’élèves absentéistes est distribuée « de manière extrêmement inégale entre les établissements », ce que reflète le tableau ci-après : entre septembre 2010 et avril 2011, « dans la moitié des établissements les moins touchés par le phénomène, le taux d’absentéisme est toujours inférieur à 1,6 %. À l’opposé, dans le dixième des établissements les plus concernés, il dépasse 10 %, excepté en septembre ».

Le mois de janvier, souvent retenu comme mois de référence pour mesurer l’absentéisme, car il est peu touché par les vacances et équivaut presque toujours à 4 semaines de classe, permet d’ailleurs de mettre en évidence la concentration du phénomène dans certains établissements : en effet, selon la DEPP, « en janvier 2011, la moitié des établissements ont moins de 1,6 % d’élèves absentéistes, alors que, dans 10 % des établissements, cette proportion atteint au moins 13,4 % » (1).

Distribution de la proportion des élèves absentéistes en 2010-2011

(en %)

 

2010-2011

 

Médiane

Dernier quartile

Dernier décile

Septembre

0,6

2,6

8,4

Octobre

1,4

6,9

30,1

Novembre

1,3

4,8

13,4

Décembre

1,5

5,2

12,1

Janvier

1,6

5,7

13,4

Février

1,4

4,3

10,1

Mars

1,6

5,9

12,0

Avril

1,6

4,9

11,6

Lecture : La médiane est le seuil qui partage le nombre des établissements par la moitié ; 75 % des établissements ont une proportion d’élèves absentéistes inférieure ou égale à celle du dernier quartile (2,6 % en septembre 2010), et pour 90 % des établissements cette proportion est inférieure ou égale à celle du dernier décile (8,4 % en septembre 2010). Champ : établissements publics du second degré, France métropolitaine.

Source : note d’information n° 12.08 du ministère de l’éducation nationale, mai 2012

Ø Un taux d’absentéisme important dans la voie professionnelle

Dans les lycées professionnels (LP), le taux moyen d’absentéisme est de 14,8 % et varie entre 10,2 % (septembre 2010) et 14,3 % (novembre 2010 et janvier 2011), en ne comptant pas, pour des raisons déjà évoquées, le mois d’octobre 2010, qui culmine à 28,8 %.

Ce taux est donc nettement plus élevé – deux fois plus élevé – que dans les LEGT, la DEPP estimant, à cet égard, qu’« une orientation plus ou moins désirée, mais aussi un temps de transport plus élevé » conduisent à un absentéisme plus accentué dans ces établissements.

Si l’on prend en compte le « mois de référence » de janvier 2011, les LP ont, en moyenne, 14,3 % d’élèves absents non justifiés quatre demi-journées ou plus, contre 6,1 % dans les LEGT et 3,2 % dans les collèges.

En outre, dans les 10 % d’établissements les plus touchés par l’absentéisme, on dénombre en LP plus de 42,2 % d’élèves absentéistes en janvier 2011, contre 14,5 % en LEGT et 8,3 % en collège (16). Autrement dit, à cette date, l’absentéisme dépassait les 40 % dans un lycée professionnel sur dix.

 Un absentéisme lourd touchant 1 % des élèves

Le taux d’absentéisme lourd est mesuré par le rapport, un mois donné, du nombre d’élèves absents de façon non justifiée plus de dix demi-journées sur l’effectif total. D’après les données de la DEPP, la proportion d’élèves qui relèvent de cet absentéisme reste limitée, s’établissant, en moyenne, autour de 1 % sur l’ensemble des établissements.

Comme on peut s’y attendre, les lycées professionnels sont les plus touchés par cet absentéisme. En 2010-2011, si le taux d’absentéisme lourd dans les collèges se situe, par mois, autour de 0,5 %, sans jamais dépasser 0,8 %, et reste, dans les LEGT, autour de 1 %, il varie de 1,6 % à 4 % dans les LP.

Cet absentéisme lourd est, lui aussi, très inégalement réparti :

– tous types d’établissements confondus et quel que soit le mois, la moitié des établissements ont moins de 0,2 % d’élèves absents de façon non justifiée plus de dix demi-journées par mois ;

– à l’inverse, dans un établissement sur dix, le taux d’absentéisme lourd dépasse toujours 1 % et même 2,2 % cinq mois sur huit. De même, cinq mois sur huit, la moitié des lycées professionnels ont un taux d’absentéisme lourd supérieur à 1 %  (17).

B. UN DISPOSITIF INADAPTÉ, INEFFICACE ET INJUSTE : LA LOI N° 2010-1127 DU 28 SEPTEMBRE 2010

Issue d’une initiative de notre collègue Éric Ciotti, la loi du 28 septembre 2010 prévoit la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme persistant, un dispositif qui, initialement, devait être intégré au projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure présenté en mai 2009. Sa visée éducative, dans son inspiration comme dans son contenu effectif, est donc très limitée. En outre, le mécanisme retenu ne traite pas de manière égale toutes les familles.

1. Un dispositif gradué mais « orienté »

● La déclinaison réglementaire du dispositif

Le décret n° 2011-89 du 21 janvier 2011 relatif aux modalités de calcul de la part des allocations familiales suspendues ou supprimées en cas d’absentéisme scolaire a été publié au Journal officiel le 23 janvier 2011.

Signée par le ministre de l’éducation nationale le 31 janvier 2011, la circulaire n° 2011-0018 « Vaincre l’absentéisme » a été publiée au Bulletin officiel de l’éducation nationale le 3 février 2011. Elle a pour objet de rappeler le rôle des inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale (IA-DSDEN) devenus, depuis janvier 2012, des directeurs académiques des services de l’éducation nationale ou DASEN dans la prévention, le suivi et le traitement de l’absentéisme et, en cas d’absentéisme persistant, les conditions de saisine de l’organisme débiteur des prestations familiales.

Enfin, la direction de la sécurité sociale a publié, le 2 février 2011, une circulaire d’application à l’attention du directeur de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et du directeur de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole. La CNAF a transmis, de son côté, des instructions aux caisses d’allocations familiales (CAF) le 16 mars 2011 pour faciliter la mise en place du dispositif.

 Un dispositif comportant trois phases

La suspension des allocations familiales ne peut intervenir qu’après qu’a été constatée, au cours de deux mois différents dans une même année scolaire, l’absence d’un élève au moins quatre demi-journées dans le mois, sans motif légitime, ni excuses valables.

Conformément à la loi du 28 mars 1882, sont réputés légitimes les motifs suivants : « maladie de l’enfant, maladie transmissible ou contagieuse d’un membre de la famille, réunion solennelle de famille, empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications, absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent », les autres motifs étant appréciés par « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation » (article L. 131-8 du code de l’éducation), à savoir l’inspecteur d’académie (DASEN).

Ces motifs – comme « les réunions solennelles de famille » – sont relativement peu précis et laissent ainsi une certaine part d’interprétation aux établissements.

En outre, la décision de suspension n’intervient qu’en dernier ressort, au bout de trois étapes, qui, selon les défenseurs du dispositif, visent à responsabiliser les parents.

Ÿ Première étape : lorsque l’absentéisme – à savoir 4 demi-journées d’absence non régularisée dans un mois – d’un élève est constaté, le chef d’établissement saisit l’inspecteur d’académie (DASEN).

Le traitement des absences des élèves est encadré par la circulaire du 31 janvier 2011 qui :

– réaffirme que chaque enseignant doit procéder à l’appel des élèves ;

– prescrit qu’un suivi des élèves doit être réalisé classe par classe et niveau par niveau ;

– décrit avec précision le système d’alerte des personnes responsables de l’enfant, en invitant à prendre rapidement contact avec elles, par téléphone, SMS ou mail.

Par ailleurs, le conseil d’école ou le conseil d’établissement doit présenter, une fois par an, un rapport sur l’absentéisme scolaire. Enfin, la circulaire dispose qu’à partir de trois demi-journées d’absence au cours d’un mois – il s’agit là d’une disposition nouvelle en termes de nombre de jours –, dans le second degré, une commission de vie scolaire ou assimilée se réunit pour discuter du cas de l’élève absentéiste afin d’y remédier.

Ÿ Deuxième étape : l’inspecteur d’académie (DASEN), après qu’il a mis les parents de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, peut leur adresser un avertissement. Dans ce cadre, il leur rappelle les sanctions applicables et les informe sur les dispositifs d’accompagnement parental auxquels ils peuvent avoir recours (notamment le contrat de responsabilité parentale).

Parallèlement, l’inspecteur d’académie (DASEN) informe le président du conseil général de l’identité des familles pour lesquelles un avertissement est intervenu et le saisit afin de mettre en place un contrat de responsabilité parentale ou toute autre mesure d’accompagnement. La transmission, chaque trimestre, aux maires concernés de la liste des élèves ayant donné lieu à signalement est aussi prévue, les maires étant invités à prendre des mesures de caractère social et familial, dès lors que des élèves soumis à l’obligation scolaire sont concernés.

Ÿ Troisième et dernière étape : si l’absentéisme perdure, c’est-à-dire en cas de nouvelle absence de l’enfant d’au moins quatre demi-journées scolaires sur un mois au cours de la même année scolaire, l’inspecteur d’académie (DASEN) saisit le directeur de la CAF en vue de la suspension des allocations familiales. La décision de suspension ne peut néanmoins être décidée « qu’après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables » (article L. 131-8 du code de l’éducation).

À ce stade, les effets de cette mesure de suspension sont réversibles. En effet, au premier mois de scolarisation durant lequel aucun absentéisme n’est constaté, le versement est effectué de façon rétroactive. Par ailleurs, la suspension éventuelle ne concerne que la part des allocations familiales due au titre de l’enfant en cause, et n’a donc aucune incidence sur les parts éventuelles des autres enfants non concernés. Enfin, la mesure de suspension est prononcée pour une durée de trois mois renouvelable dans la limite maximum de 12 mois.

En revanche, une fois que les allocations ont été suspendues, si les cas d’absentéisme – à savoir 4 demi-journées d’absence non justifiée dans le mois – se renouvellent, le versement rétroactif sera alors amputé d’autant de mensualités que de mois où l’absentéisme a été constaté. Cette diminution du montant des allocations ne peut toutefois intervenir qu’après que les parents ont été, une nouvelle fois, en mesure de présenter leurs observations auprès de l’inspecteur d’académie (DASEN).

En commentant la proposition de loi à l’origine de ce dispositif, le précédent ministre de l’éducation nationale, M. Luc Chatel, a souligné son « esprit de responsabilisation, d’un côté, d’accompagnement et de concertation de l’autre » et sa « logique de proportionnalité » (18).

Force est de constater, cependant, que ces principes s’appliquent de manière disproportionnée aux familles fragiles.

 Un dispositif stigmatisant

La sanction prévue par la loi du 28 septembre 2010 ne s’applique pas à toutes les familles d’enfants absents.

Ainsi, celles n’ayant plus qu’un enfant à charge ou avec un seul enfant – notre pays comptant par exemple plus d’un million de familles à enfant unique – ne perçoivent pas d’allocations familiales et ne sont donc pas concernées par le dispositif. En outre, les familles pour lesquelles les prestations familiales ne représentent qu’une petite partie de leurs ressources sont insensibles à leur suspension.

À l’inverse, ce sont les familles les plus nombreuses et les plus pauvres qui sont ciblées par le dispositif, comme l’a souligné, avec force, l’auteure de la présente proposition de loi, Mme Françoise Cartron : « seules les familles nombreuses, avec plusieurs enfants scolarisés, les familles les plus pauvres, en particulier les familles monoparentales, dont la subsistance matérielle nécessite la solidarité de l’État, sont susceptibles d’en subir les conséquences. Peut-on imaginer que ces familles trouveront dans cette sanction la motivation et la capacité nécessaire pour permettre à leur enfant le retour sur le chemin de l’école ? L’argent peut-il être le moteur de l’éducation parentale ? Bien sûr que non ! Seul un soutien à la parentalité, un accompagnement dans la durée constituent les réponses adéquates à ce problème » (19).

De son côté, le rapporteur du Sénat, tout en relevant l’absence de statistiques par catégorie socioprofessionnelle des parents ayant fait l’objet d’une décision de suspension, a mis en avant le caractère profondément injuste du dispositif en s’appuyant sur plusieurs témoignages. Ainsi celui du directeur académique des services académiques de l’académie de Créteil (DASEN), selon qui les familles convoquées à l’inspection afin de recevoir l’avertissement « se trouvent dans des situations socioéconomiques très difficiles ». De même, en Seine-et-Marne, la DASEN a fait réaliser une enquête sur leur profil social montrant « qu’il s’agit souvent de situations familiales dégradées avec des élèves faisant l’objet d’actions éducatives en milieu ouvert (AEMO), déjà suivis par l’aide sociale à l’enfance. On retrouve également une proportion non négligeable d’élèves placés en familles d’accueil ».

Le rapporteur du Sénat en a conclu qu’on peut « considérer que la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire frappe davantage les familles les plus défavorisées » et qu’en conséquence ce mécanisme « contribue à éloigner encore davantage de l’école des familles déjà méfiantes vis-à-vis de l’institution scolaire ». Il s’est donc révélé contreproductif et en contradiction avec l’objectif affiché de forcer les parents à restaurer leur autorité et à s’impliquer dans la scolarité de leurs enfants (20).

De telles considérations ne sont pas étrangères à l’avis défavorable que le conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) a émis, le 5 novembre 2010, sur le projet de décret relatif à la suspension et à la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, avec un total de 21 voix (soit 13 pour les syndicats de salariés, 5 pour l’Union nationale des associations familiales et 3 pour les personnes qualifiées) (21).

Auparavant, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), un organisme placé auprès du premier ministre, avait exprimé, en juin 2010 son opposition à ce dispositif, en rappelant son avis de décembre 2005 rejetant le recours aux mesures financières sanctionnant l’absentéisme scolaire. À cette occasion, le CNLE a considéré que les mesures sanctionnant financièrement les parents concernés « sont forcément stigmatisantes et ne peuvent que provoquer ou renforcer l’isolement et la fragilité de ces familles », les tensions suscitées risquant de « s’exprimer dans de nouvelles formes de transgression ou de rupture » (22).

2. Une absence d’impact sur le taux d’absentéisme mesuré au plan national

Au vu des données communiquées par le ministère de l’éducation nationale, le nombre de suspensions s’avère, au final, dérisoire par rapport au nombre d’élèves concernés, tandis que le dispositif se révèle, dans la grande majorité des cas, inefficace. En outre, son application concrète suscite plusieurs difficultés d’ordre pratique.

 Le bilan chiffré de l’application de la loi

Le ministère de l’éducation nationale a mené plusieurs enquêtes relatives au traitement des absences constatées auprès de l’ensemble des directeurs académiques des services académiques (DASEN).

Ainsi, pour la période février-juillet 2011, qui correspond aux mois d’application de la loi sur l’année scolaire 2010-2011, le bilan est le suivant :

– 51 126 premiers signalements ont été reçus par l’autorité académique ;

– 32 939 avertissements ont été adressés aux familles ;

– 12 701 élèves ont fait l’objet d’un deuxième signalement ;

– 277 demandes de suspension ont été adressées aux CAF et 78 familles ont bénéficié d’un rétablissement de leurs allocations familiales.

Au titre de l’année scolaire 2011-2012, 79 149 signalements ont été reçus par les DASEN. 75 % de ces signalements ont donné lieu à un avertissement adressé aux familles. 21 964 élèves ont fait l’objet d’un deuxième signalement suivi, pour 1 418 d’entre eux, d’une demande de suspension adressée à la CAF.

Le nombre de suspensions effectives prononcées par la CAF s’élève à 619, représentant 43,5 % des demandes faites à la CAF. 142 familles ont bénéficié par la suite d’un rétablissement de leurs allocations familiales, l’assiduité de l’élève étant redevenue effective.

Ces dernières données appellent les commentaires suivants :

– les 619 suspensions doivent être rapportées aux 12 millions d’élèves, dont, selon le ministère de l’éducation nationale, environ 300 000 seraient absentéistes ;

– dans 70 % des cas le dispositif peut être considéré comme étant inefficace puisque l’élève ne retourne pas à l’école (142 rétablissements d’allocations contre 619 suspensions). En 2010-2011, ce taux d’échec était moindre, mais tout de même égal à 55 % (78 rétablissements contre 171 suspensions) ;

– enfin, le rapport entre le nombre de suspensions effectivement prononcées par les CAF et celui des premiers signalements est minime (0,78 %), ce qui indique que le dialogue engagé avec la famille dès le premier signalement est la meilleure voie pour obtenir le retour à l’assiduité de nombreux élèves.

 Un impact nul sur le taux d’absentéisme mesuré sur le plan national

Aucune étude ne permet, aujourd’hui, d’évaluer le lien entre la suspension des allocations et l’évolution du taux d’absentéisme.

Cependant, les enquêtes de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale permettent de comparer les années scolaires 2009-2010 et 2010-2011, année de progressive mise en application du dispositif.

Proportion d’élèves absentéistes par type d’établissement en 2010-2011

(en %)

 

2010-2011

 

Collège

LEGT

LP

Ensemble

Septembre

1,9

3,3

10,2

3,2

Octobre

2,6

16,8

28,8

8,7

Novembre

2,8

5,6

14,3

4,8

Décembre

2,6

5,9

11,3

4,3

Janvier

3,2

6,1

14,3

5,2

Février

2,3

5,6

13,0

4,2

Mars

3,1

6,3

14,1

5,1

Avril

2,5

5,8

12,4

4,4

Champ : Établissements publics du second degré, France métropolitaine.

Source : « L’absentéisme des élèves dans le second degré public en 2010-2011 », note d’information n° 12.08 du ministère de l’éducation nationale, mai 2012.

Proportion d’élèves absentéistes (absences non justifiées quatre demi-journées ou plus) par établissement en 2008-2009 et 2009-2010

(en %)

 

2008-2009

2009-2010

 

Collège

LEGT

LP

Ensemble

Collège

LEGT

LP

Ensemble

Septembre

0,9

1,7

7,1

1,8

1,4

2,1

8,1

2,3

Octobre

2,1

2,9

10,3

3,2

1,8

3,2

11,9

3,2

Novembre

2,0

4,2

13,6

3,9

2,4

5,1

15,1

4,5

Décembre

2,1

9,4

19,1

6,4

2,2

5,5

12,2

4,2

Janvier

3,5

7,2

20,5

6,6

3,2

7,0

20,0

6,0

Février

2,8

3,9

12,4

4,2

2,1

4,1

10,9

3,6

Mars

3,4

7,1

16,1

5,9

3,2

7,7

21,3

6,3

Avril

2,3

5,9

12,1

4,5

2,0

4,7

14,3

4,1

Champ : Établissements publics du second degré, France métropolitaine.

Source : « L’absentéisme des élèves dans le second degré public en 2008-2009 et 2009-2010 », note d’information n° 11.22 du ministère de l’éducation nationale, décembre 2011.

Or, à elles seules, les observations qui peuvent être tirées de cet exercice comparatif ne plaident pas en faveur du maintien du dispositif :

– on constate ainsi, dans le second degré, une augmentation du taux d’absentéisme de 4,3 % à 5 % de l’année scolaire 2009-2010 à l’année scolaire 2010-2011 ;

– en ne prenant en compte que les mois où la loi du 28 septembre 2010 était en vigueur, par exemple de février à avril 2011, aucune amélioration ne se dégage. Au contraire : en collège et en lycée d’enseignement général et technologique, l’absentéisme gagne respectivement 0,5 point et 1,1 point en avril 2011 par rapport à avril 2010 ;

– enfin, les taux d’absentéisme de 2008-2009 sont comparables à ceux des années 2009-2011, ainsi que le montrent les tableaux ci-dessus.

3. De sérieuses difficultés d’ordre pratique

 Un dispositif affaibli par les failles de la méthode de comptage des absences

Le relevé des absences des élèves revêt une importance décisive pour la bonne application du dispositif.

Or, à l’exception de l’une d’entre elles, les méthodes appliquées pour l’établir ne sont pas satisfaisantes :

– le système traditionnel est celui du cahier de classe, renseigné par chaque enseignant de la classe et relevant les élèves absents. Le transport de ce document est assuré par le délégué de classe, le service de la vie scolaire de l’établissement prenant connaissance, en fin de journée ou à la mi-journée, des absences. Grâce à ce système, chaque enseignant a une connaissance des absences constatées lors des cours qui précédent le sien et peut aussi informer ses collègues faisant cours à la même classe après lui. Mais celui-ci présente deux inconvénients : le transfert du cahier comporte des risques de perte ou de pressions sur les délégués de classe et la réactivité aux absences n’est pas immédiate ;

– un autre système repose sur le cahier d’appel fourni par l’établissement à chaque enseignant pour chacune de ses classes. Le feuillet sur les absences, une fois renseigné, est placé par le professeur dans une pochette située à l’entrée de la classe, l’ensemble des feuillets étant collecté au cours de chaque heure de cours par un agent de l’établissement, ce qui permet au service de la vie scolaire de contacter, une fois les feuillets revenus, les personnes responsables de l’enfant. Le système permet donc une meilleure réactivité, mais ne permet pas à l’enseignant de savoir ce qui s’est passé dans les heures ayant précédé son cours. Il est en outre très vulnérable, les élèves de passage dans les couloirs pouvant subtiliser ou raturer les feuillets ;

– le relevé en temps réel constitue, à l’inverse, le système le plus efficace. Il est rendu possible par la présence, dans chaque classe, d’un ordinateur fixé au bureau de l’enseignant, ce dernier faisant l’appel à partir de la liste des élèves figurant sur un fichier numérisé et pouvant ainsi envoyer, de manière quasi immédiate, la liste des absents au service de la vie scolaire. Toutefois, cette formule suppose un usage généralisé de l’environnement numérique de travail, les établissements n’étant pas tous équipés de la sorte (23).

 Un dispositif inadapté à la situation des établissements connaissant un absentéisme très lourd

Le dispositif est inadapté à la situation des établissements connaissant un absentéisme très lourd, en particulier les lycées professionnels. Les emplois du temps de ces établissements, construits à partir de blocs horaires comptés en demi-heures et intégrant des périodes de stages en entreprises, sont en effet complexes. Ainsi, d’après l’un des témoignages recueillis par les inspections générales, « un proviseur de lycée polyvalent en banlieue parisienne a indiqué à la mission que s’il devait appliquer à la lettre les textes, il lui faudrait signaler la quasi-totalité des 880 élèves de son établissement, ce qui lui paraissait physiquement impossible, surtout en respectant la disposition qui requiert qu’avant le signalement à l’IA-DSDEN, soit réunie une commission de vie scolaire comprenant les personnels concernés par chaque cas individuel ».

Les corps d’inspection ajoutent qu’il est « d’ailleurs vraisemblable que, dans l’hypothèse où tous les établissements à absentéisme lourd des départements les plus sensibles appliquaient intégralement l’obligation de signalement, les services des (inspecteurs d’académie) concernés seraient totalement submergés et placés dans l’incapacité de recevoir toutes les familles concernées comme d’initier toutes les procédures correspondantes » (1).

II.- LA PROPOSITION DE LOI ABROGE DEUX DISPOSITIFS INOPÉRANTS ET INCITE L’ÉDUCATION NATIONALE
À AMÉLIORER SES PROCESSUS DE REMÉDIATION

La présente proposition de loi vise à abroger non seulement le mécanisme de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire institué par la loi du 28 septembre 2010, mais aussi le dispositif du contrat de responsabilité parentale, ce second instrument ayant été vidé de substance par le premier. En outre, loin de ne comporter que des mesures « négatives », de suppression, elle comporte une nouvelle procédure d’accompagnement des parents des élèves absentéistes, fondée sur le partenariat. Enfin, son adoption, hautement souhaitable, devrait contribuer au renforcement de la lutte contre le décrochage scolaire, les moyens mis en œuvre jusqu’à maintenant n’étant pas à la hauteur des enjeux.

A. L’ABROGATION DU MÉCANISME DE SUSPENSION DES ALLOCATIONS FAMILIALES EN CAS D’ABSENTÉISME SCOLAIRE ET DU CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE

1. Un contrat de responsabilité parentale vidé de sa substance depuis la loi du 28 septembre 2010

C’est à juste titre que la présente proposition de loi prévoit la suppression de deux dispositifs :

– d’une part, celui créé par la loi du 28 septembre 2010, dite « loi Ciotti », et qui permet la suspension et la suppression des allocations familiales ;

– d’autre part, le contrat de responsabilité parentale (CRP) introduit par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, dite « loi Borloo ».

Le dispositif du CRP et la loi du 28 septembre 2010

La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances prévoit la possibilité pour le président de conseil général de proposer aux personnes responsables de l’enfant la signature d’un contrat de responsabilité parentale (CRP).

Peuvent seuls justifier la conclusion d’un CRP entre le conseil général et les parents ou représentants légaux d’un mineur, les cas avérés d’absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement de l’établissement ou toute manifestation de carence de l’autorité parentale (article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et familiale).

Ce contrat doit rappeler les obligations des titulaires de l’autorité parentale et comporter toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation constatée. En cas de manquement aux obligations fixées dans un CRP ou d’un refus de signature sans motif légitime, le président du conseil général peut :

– demander la suspension des allocations familiales afférentes à l’enfant concerné ;

– saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;

– saisir l’autorité judiciaire en vue d’une mise sous tutelle des prestations familiales.

La loi du 28 septembre 2010 a modifié ce dispositif sur les points suivants :

– l’inspecteur d’académie est désormais tenu de saisir sans délai le président du conseil général de tous les avertissements qu’il a adressé pour défaut d’assiduité, cette saisine pouvant avoir pour objet la mise en place d’un CRP ou de toute autre mesure d'accompagnement ;

– par coordination avec le nouveau mécanisme, la possibilité pour le président de conseil général de demander la suspension des allocations en cas d’absentéisme scolaire est supprimée ;

– l’initiative de solliciter la signature d’un CRP a été également élargie aux parents et représentants légaux d’un mineur, alors que seul le président du conseil général lui-même, de son propre chef ou saisi par un tiers, pouvait auparavant le proposer.

En permettant une suppression administrative des allocations familiales, la loi du 28 septembre 2010 a dessaisi les présidents de conseils généraux, ce qui était d’ailleurs son but non avoué, ces derniers étant suspectés, par idéologie, d’être complaisants à l’égard des comportements juvéniles défiants l’autorité. Ce faisant, ainsi que l’a souligné le rapporteur du Sénat, elle a rendu caduc le CRP « qui n’a plus aucune spécificité, ni aucun contenu, ni aucun objet propre » (24).

En outre, les statistiques relatives aux CRP ne plaident guère en faveur de son maintien. En effet, selon le ministère des affaires sociales, 38 CRP seulement ont été signés entre 2006 et 2010. On peut certes objecter qu’en 2010, année de l’adoption de la « loi Ciotti », 194 contrats ont été signés, puis 174 en 2011. Cependant, l’écrasante majorité de ces documents, soit 184 en 2010 et 165 en 2011, ont été signés dans les seules Alpes-Maritimes, le département du député ayant donné son nom à ce dispositif, ce qui conduit à s’interroger sur ce particularisme local…

En outre, si une étude portant sur 88 dossiers réalisée conjointement par l’éducation nationale et le conseil général de ce département a permis de constater que le CRP avait connu une conclusion positive pour 40 d’entre eux – donc moins de la moitié des cas examinés –, la mission permanente d’évaluation de la politique de prévention de la délinquance a mis en avant, au vu de ce bilan, « la difficulté d’évaluer l’impact réel des contrats de responsabilité parentale puisqu’il n’a pas été possible, pour un grand nombre d’entre eux, de formuler une appréciation dans un sens positif ou négatif » (25).

Quant aux raisons qui conduisent à proposer la suppression du mécanisme de suspension des allocations familiales, elles ont été déjà évoquées. On en mentionnera cependant une dernière, qui sera développée ci-dessous.

2. Un retour à l’approche qui a prévalu en 2004 et qui préserve les sanctions pénales et la procédure d’avertissement existantes

 Une démarche qui n’est pas partisane : le précédent des suites données au « rapport Machard » de 2003

Il convient de rappeler qu’en 2004 M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, a pris de la décision de supprimer un mécanisme de suspension et de suppression des allocations familiales existant depuis 1966 et identique à celui qui a été restauré par la loi du 28 septembre 2010 (26).

Cette mesure, qui a été mise en œuvre par la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, faisait suite au rapport sur les manquements à l’obligation scolaire de M. Luc Machard, délégué interministériel à la famille. Ce dernier avait en effet constaté que la suspension des allocations familiales, en vigueur depuis quarante ans, était sans effet dissuasif sur les familles et contre-productive pour celles qui s’étaient vu retirer leurs prestations. Le rapport avait donc proposé l’abrogation du dispositif (27). Les principaux constats de ce rapport, qui a été remis notamment à M. Christian Jacob, alors ministre délégué à la famille, sont repris dans l’encadré ci-dessous.

Le caractère imparfait et inéquitable du dispositif de suspension des allocations familiales selon M. Luc Machard, délégué interministériel
à la famille (janvier 2003)

« L’application de cette réglementation démontre ses nombreuses imperfections et les limites de cette sanction.

(…) Cette sanction reste sans effet sur certaines familles. Ainsi les familles pour lesquelles les prestations familiales ne représentent qu’une infime partie de leurs ressources sont-elles insensibles à leur suspension comme à leur suppression. De même, certaines familles ne réagissent pas à ces mesures parce qu’elles ne souhaitent pas que leur situation soit vérifiée, en particulier mais pas toujours seulement, au regard des dispositions du code de la sécurité sociale. Par exemple, une famille nombreuse, dont l’enfant réputé “absent” est en réalité rentré au pays, ne se manifestera pas. Les familles qui exploitent leurs enfants dans une économie parallèle seront tout aussi discrètes.

Cette sanction est injuste puisqu’elle pénalise de manière inégalitaire les familles et souvent au détriment des plus démunies. (…)

De plus, cette sanction, pour s’appliquer aux seuls parents attributaires des prestations familiales, alors que tous les parents doivent répondre des mêmes obligations légales, engendre un traitement inégalitaire des familles. Celles qui bénéficient de prestations familiales peuvent subir, en effet, pour le même comportement fautif, deux sanctions de nature différente, la privation des prestations familiales d’une part, et une condamnation pénale, d’autre part.

Ce dispositif apparaît donc inégalitaire (…) dans ses effets. La suspension/ suppression des prestations familiales ne peut aller de pair avec la responsabilisation des parents nécessaire pour vaincre l’absentéisme scolaire ».

 Des sanctions pénales liées à l’obligation d’assiduité et une procédure d’alerte et de rappel de la loi maintenues

Depuis l’ordonnance du 5 janvier 1959, les manquements à l’obligation scolaire constituent une infraction pénale, une qualification qui n’est aucunement modifiée par la présente proposition de loi.

Les sanctions pénales existantes répondent à deux incriminations possibles comme contravention et comme délit :

– d’un côté, l’article R. 624-7 du code pénal punit d’une amende, pouvant aller jusqu’à 750 euros, le fait de ne pas imposer à un enfant l’obligation d’assiduité scolaire, après avertissement de l’inspecteur d’académie (DASEN) ;

– de l’autre, l’article 227-17 du même code réprime le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur. Assimilée à un abandon de famille au regard des dispositions du code civil, cette infraction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Par ailleurs, la procédure d’avertissement des parents prévue par l’article L. 138-1 du code de l’éducation sera maintenue en l’état après l’adoption de la présente proposition de loi. En effet, celle-ci laisse intacte la disposition de cet article selon laquelle, après quatre demi-journées d’absence non justifiées sur un mois, « le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’autorité de l’État compétente en matière d'éducation afin qu’elle adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant, leur rappelant les sanctions (…) applicables et les informant sur les dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours ».

B. UNE NOUVELLE PROCÉDURE D’ACCOMPAGNEMENT DES PARENTS

La présente proposition de loi ne se contente pas d’abroger deux dispositifs objectivement inopérants. Elle prévoit de refondre le processus de soutien aux parents d’élèves absentéistes selon les modalités suivantes :

– celui-ci sera centré sur l’établissement, qui est comme le relève, à juste titre, le rapporteur du Sénat, « à la fois le lieu où se déroule le trouble, où il est efficacement repéré et où peut se mesurer a posteriori l’efficacité de la mesure » (28). En conséquence, la procédure est initiée par le chef d’établissement et associe toutes les « parties prenantes ». En effet, en cas de persistance du défaut d’assiduité, le directeur de l’établissement d’enseignement réunit les membres concernés de la communauté éducative, dont on rappellera que celle-ci rassemble « tous ceux qui, dans l’établissement scolaire ou en relation avec lui, participent à l’accomplissement de ses missions » (article L. 111-3 du code de l’éducation). La référence à la communauté éducative permettra donc, selon l’auteure de la proposition de loi, Mme Françoise Cartron, de mobiliser les « partenaires appropriés sur le terrain », en faisant appel à « tous ceux qui participent à l’accomplissement des missions de l’école – personnels de direction, enseignants, conseillers principaux d’éducation, médecins scolaires, parents d’élèves et collectivités territoriales –, non dans une logique de sanction, mais avec l’objectif d’un suivi régulier et rigoureux » (29).

Cette disposition rejoint ainsi les recommandations du Conseil de l’Union européenne de 2011 concernant les politiques de réduction de l’abandon scolaire. Le cadre adopté par les ministres européens précise en effet que les politiques d’intervention au niveau de l’école doivent prévoir « la mise en réseau avec les parents et d’autres intervenants extérieurs à l’école tels que des services collectifs locaux, des organisations représentant les immigrants ou les minorités, des associations sportives et culturelles ou des employeurs et des organisations de la société civile, ce qui permet de proposer des solutions globales pour aider les élèves à risque et faciliter l’accès à une aide extérieure apportée, par exemple, par des psychologues, des travailleurs sociaux et animateurs socio-éducatifs ou des services culturels et collectifs » (30) ;

– l’accompagnement des parents sera contractualisé, puisqu’aux termes de l’alinéa 5 de la présente proposition de loi, l’activation de la procédure a pour but de proposer « une aide et un accompagnement adaptés et contractualisés » avec les personnes responsables de l’enfant. Les mesures d’aide n’apparaîtront donc pas, aux yeux des parents, comme « punitives ». Une dynamique positive, fondée sur le dialogue et la prise en compte des besoins révélés par l’analyse des situations d’absentéisme, pourra ainsi être engagée ;

– enfin, un personnel d’éducation référent sera désigné pour suivre les mesures mises en œuvre au sein de l’établissement. Cette nouvelle fonction permettra de répondre au souhait formulé par le Président de la République dans son discours de clôture de la concertation sur la refondation de l’école : « Je retiens, là encore, une proposition de la concertation : celle d’un référent présent dans les collèges et les lycées professionnels où nous connaissons un fort taux d’absentéisme » (31).

C. UNE POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE DES « DÉCROCHEURS » QUI DEVRA ÊTRE REPENSÉE À COURT TERME

Une fois les dispositifs visés par la présente proposition de loi abrogés, le gouvernement devra rebâtir, en cohérence avec les orientations européennes, une politique prenant en compte le malaise que traduit l’absentéisme et permettant de remettre les jeunes concernés sur de bons rails. En effet, l’absentéisme persistant débouchant trop souvent sur le décrochage, il faut permettre à chaque jeune, grâce à des modalités de formation innovantes, de retrouver la voie de la réussite, de l’estime de soi et du succès. Cet objectif implique de revoir les politiques actuelles de lutte contre le décrochage scolaire.

1. Des actions de remédiation nombreuses

Pour faire face aux phénomènes du décrochage et de l’absentéisme, l’éducation nationale a multiplié les actions de remédiation, consistant à employer des méthodes pédagogiques différentes traditionnelles et à conjuguer ses propres efforts avec ceux de partenaires extérieurs. De même, la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a amélioré le repérage des décrocheurs, mais ces initiatives, dans leur ensemble, n’ont pas permis jusqu’à présent d’assurer une prise en charge efficace de tous les jeunes concernés.

a) Une juxtaposition de mesures parfois efficaces mais sous-dimensionnées

Les actions de remédiation sont aujourd’hui nombreuses et obtiennent, pour la plupart d’entre elles, des résultats. On citera notamment :

– La mission générale d’insertion (MGI). Créée en 1996, elle vise à agir contre les sorties sans diplôme du système scolaire, chaque mission comportant une dizaine d’agents issus d’horizons divers (professionnels de la formation continue, éducateurs, cadres du privé, etc.).

Une circulaire du 8 mars 2012 a positionné son champ d'action dans la mise en place et l’accompagnement d'actions de prévention et d’actions de « raccrochage » dans le cadre de réseaux « nouvelle chance » (RNC).

En 2010-2011, l’action de la MGI a concerné environ 57 000 jeunes reçus en entretien, dont environ 14 000 sont retournés en scolarité, environ 7 000 se sont orientés vers l’alternance ou une formation professionnelle et près de 36 000 ont suivi une formation diplômante ou d’accès à la qualification.

– Les dispositifs relais (classes et ateliers), implantés quasi exclusivement en collège. Ils s’adressent, sous réserve de l’accord de l’élève et de celui de sa famille, à des jeunes ayant bénéficié des mesures d’aide prévues au collège et ont comme objectifs la réinsertion dans un parcours de formation, la resocialisation et le réinvestissement dans les apprentissages.

S’appuyant sur un partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse, pour les classes, ou avec des associations complémentaires de l’enseignement public et fondations reconnues d’utilité publique pour les ateliers, ainsi qu’avec les collectivités territoriales, ils étaient, au cours de l’année scolaire 2011-2012, au nombre de 458, dont 311 classes et 147 ateliers, contre 286 en 2002-2003. Le nombre total des élèves accueillis en dispositifs relais est ainsi passé de 4 344 en 2002-2003 à 9 180 en 2011-2012.

Les résultats d’une enquête nationale de suivi des élèves pour l’année scolaire 2009-2010 indiquent qu’à l’issue de leur séjour en dispositif relais, 82 % retournent en collège, 3 % au lycée professionnel, 2 % en CFA ; 2 % intègrent à part égale un établissement relevant du ministère chargé de la justice ou de la santé ; enfin, 3 % rejoignent d’autres structures d’accueil et 1 % intègrent la vie active.

– Les « micro-lycées ». Constituant une solution appropriée pour les élèves décrocheurs en mesure de reprendre des études générales, après quelques semaines ou quelques années d’interruption de scolarité, chacun de ces établissements accueille entre 80 et 100 élèves volontaires, sans solution de scolarité, à qui ils proposent des parcours de reprise d’études. Cependant, seuls 3 micro-lycées, un par département, ont été créés dans l’académie de Créteil (sur 4 sites), un autre ayant été mis en place à la rentrée 2010 dans l’académie de Nice (Lycée Pierre et Marie Curie de Menton). Par ailleurs, sans être qualifiés de « micro-lycées », une dizaine d’autres établissements, implantés dans 6 autres académies (Aix-Marseille, Caen, Grenoble, Nantes, Paris, Poitiers), s’inscrivent dans une semblable stratégie de « raccrochage ».

– Les plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs. Elles constituent un instrument de coordination renforcée entre acteurs territoriaux – centres d’information et d’orientation (CIO), missions locales, bureaux information Jeunesse (BIJ), groupements d’établissements (GRETA) et centres de formation d’apprentis (CFA) –, sous l’autorité des préfets de département. 378 plates-formes sont aujourd’hui installées et actives. Au cours de l’année 2011, elles ont contacté 165 875 jeunes ; 89 884 ont bénéficié d’un entretien, 58 524 ont trouvé une solution dont 7 115 un emploi.

– Les écoles de la deuxième chance et l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe). Ce sont des dispositifs de remédiation qui interviennent au-delà de l’obligation scolaire et s’adressent aux jeunes adultes de 18 à 25 ans sortis sans diplôme du système scolaire. Les premières comptent 11 600 places ouvertes en 2012 et leur taux de sortie positive est de 60 %. Les secondes ont vu leur taux d’insertion positive progressé de 32 % en 2008 à 39 % en 2010.

Ces dispositifs comportent des points communs qui peuvent être jugés très favorablement :

– l’objectif de redonner confiance en eux-mêmes à des jeunes qui se vivent comme des exclus et qui en souffrent ;

– la remotivation par une pédagogie du détour et du projet personnel et par l’individualisation des parcours ;

– la prise en compte et le traitement global des difficultés (santé, logement, etc.) des jeunes désocialisés ;

– des relations avec les employeurs basées sur des obligations mutuelles.

Cinq inspections générales ont néanmoins estimé que « la masse des jeunes en échec scolaire, en voie de marginalisation et de désocialisation est telle que tous les dispositifs existants sont sous-dimensionnés » (32).

b) Un repérage des décrocheurs amélioré en 2011

La loi du 24 novembre 2009 sur l’orientation et la formation tout au long de la vie a institué un repérage commun des décrocheurs, dont le principe figure à l’article L. 313-7 du code de l’éducation. Ce texte fait en effet obligation aux établissements de formation de suivre le parcours des élèves ayant quitté l’établissement durant l’année qui suit leur départ, au-delà de l’obligation scolaire.

Le système interministériel d’échange d’informations (SIEI) est le dispositif qui permet, par un croisement de fichiers informatisés, d’identifier ces « décrocheurs », c’est-à-dire les jeunes de 16 ans et plus, non scolarisés dans une structure de formation initiale et n’ayant pas eu le diplôme de fin du cycle dans lequel ils étaient inscrits.

Encadré par un décret d’application du 31 décembre 2010, il a été autorisé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le 2 décembre 2010. Quant aux données concernées, elles sont celles gérées par les établissements scolaires publics ou privés sous contrat (Sconet-SDO) et l’enseignement technique agricole (Predecagri) et sont comparées :

– d’une part, avec la base de données des centres de formation d’apprentis (INCA) ;

– d’autre part, via la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), avec la base de données des missions locales (Parcours 3).

Cette comparaison permet de savoir si les élèves « perdus de vue » par leur établissement en cours de cursus sont de vrais décrocheurs, ou s’ils se sont réorientés vers une formation gérée par les autres établissements ou centres de formation des partenaires du système.

Les données produites par le SIEI sont accessibles à des responsables locaux (458 responsables de plates-formes et 146 responsables départementaux), habilités par les préfets de département. La dernière campagne, de mars 2012, a permis d’identifier, pour le ministère chargé de l’éducation nationale, 229 877 décrocheurs, dont 72 249 sont connus (à divers degrés) d’une mission locale (33), les moins de 18 ans représentant 39,3 % de l’ensemble (90 456 jeunes).

2. Une école qui doit être mobilisée contre le décrochage

Pour infléchir réellement le décrochage, qui s’inscrit de manière durable dans notre paysage scolaire, notre pays doit changer radicalement de méthode dans son traitement.

Tel était objet de la proposition de loi présentée par notre collègue Yves Durand, examinée par notre Assemblée le 9 juin 2011 mais rejetée par l’ancienne majorité le 14 juin 2011 qui, dans ce but, prévoyait :

– d’instituer un tutorat pour les élèves en difficulté scolaire, dans le cadre de l’établissement. Le chef d’établissement aurait désigné à cet effet un tuteur, qui ne pouvait avoir la responsabilité de plus de cinq élèves en difficulté, parmi les membres volontaires de l’équipe éducative, enseignant ou autre (infirmière ou conseiller d’orientation psychologue par exemple) ;

– de créer une cellule de veille éducative pluridisciplinaire. Réunie à la demande du chef d’établissement, celle-ci aurait compris l’ensemble des intervenants de l’établissement en charge du suivi des élèves en difficulté, dont leur tuteur : infirmière, personnel de direction, professeur en charge de la classe, un responsable de la vie scolaire et tout membre dont la présence serait jugée nécessaire par le chef d’établissement (34).

Les inspections générales ont également proposé que l’éducation nationale s’adapte « en profondeur » à des publics scolaires « pour lesquels les méthodes qui fonctionnent bien pour des élèves « sans histoire » sont inopérantes », en faisant coexister en son sein des méthodes pédagogiques différentes. Il faudrait même qu’elle aille plus loin « en construisant en son sein des dispositifs « de deuxième chance », qui supposent des modes d’organisation différents de son mode de fonctionnement habituel : internats plus nombreux ; large amplitude de la présence d’adultes – enseignants et non enseignants – auprès des jeunes dans la journée ; approche par l’acquisition des compétences et flexibilité des méthodes ; recomposition périodique des groupes d’élèves ; personnalisation des parcours ; restructuration des établissements pour permettre la concertation et le travail en équipe des enseignants et des non enseignants ; liens permanents avec les employeurs potentiels ; émergence d’une équipe de direction plus collective incluant des enseignants et non plus l’opposition stérile entre « pédagogues » et « administration » ; accompagnement systématique des personnels ayant à faire face quotidiennement à des élèves difficiles » (35).

Enfin, le comité de pilotage de la concertation sur l’école de la République organisée de juillet à octobre 2012 a, lui aussi, recommandé l’adoption de mesures structurelles, reprises ci-dessous (36), qui devraient inspirer la refondation annoncée de notre système éducatif.

Recommandations de la concertation sur la refondation de l’école sur la lutte contre le décrochage

à Faire passer de 16 à 18 ans l’obligation de ne laisser un jeune sans aucune solution.

à Garantir un droit d’accès à la qualification et un « droit au retour » effectif pour tous ceux qui ont interrompu leurs études sans diplôme, en mettant en place, aux côtés des initiatives type micro-lycées, lycées autogérés, établissements de la deuxième chance, ateliers et classes relais, des dispositifs renouvelés au sein même des établissements scolaires et des centres de formation des apprentis.

à Instituer un service public régional de l’orientation pour mettre en réseau les différents dispositifs existants et répondre ainsi plus efficacement aux besoins des différents publics jeunes ou adultes au sein des territoires.

En attendant, le ministre de l’éducation nationale, M. Vincent Peillon, a annoncé, le 4 décembre 2012, le lancement d’un dispositif « Objectif formation-emploi » devant permettre à 20 000 jeunes sortis sans diplôme du système éducatif de « raccrocher », de manière effective, d’ici fin 2013.

Ce plan d’action repose, notamment, sur la désignation d’un référent en charge de la lutte contre le décrochage, dans les établissements les plus touchés par ce phénomène, des offres de service civique à temps plein ou en alternance combinées avec une formation, le développement, le cas échéant, de structures adaptées (micro-lycées, lycée nouvelle chance, collège lycée élitaire pour tous, pôle innovant lycée, etc.) et la signature, par le jeune ou ses parents, s’il est mineur, d’un contrat « Objectif formation-emploi ». Dans ce cadre, un entretien personnalisé sera proposé à chaque jeune contacté par une plate-forme de suivi et d’appui aux décrocheurs, ainsi qu’une solution de retour en formation, celle-ci devant faire l’objet, pendant toute sa durée, d’un accompagnement par un tuteur.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation auditionne Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale chargée de la réussite éducative, sur la présente proposition de loi, au cours de sa séance du mardi 18 décembre 2012.

M. le président Patrick Bloche. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative.

Notre Commission examinera demain matin le rapport de Mme Sandrine Doucet sur la proposition de loi tendant à abroger la loi du 28 septembre 2010 relative à la lutte contre l’absentéisme scolaire. Cette proposition de loi de la sénatrice Françoise Cartron a été adoptée par le Sénat le 25 octobre dernier. La Conférence des présidents de notre Assemblée a prévu que son examen en séance publique aurait lieu le 16 janvier prochain.

Je remercie Mme Sandrine Doucet d’avoir mené ses travaux dans des délais très brefs. Avant que nous n’examinions son rapport, il nous a paru indispensable de vous entendre, madame la ministre, pour connaître la position du gouvernement vis-à-vis de ce texte.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. La proposition de loi de Mme Françoise Cartron vise à créer un nouvel outil de lutte contre l’absentéisme scolaire en supprimant le dispositif mis en place après l’adoption en 2010 de la proposition de loi de M. Éric Ciotti, qui prévoit notamment des sanctions de suspension et de suppression des allocations familiales. Ce texte d’origine sénatoriale vous est présenté avant le projet de loi pour la refondation de l’école et procède de la même logique : permettre la réussite de tous et aider les élèves et les familles sans stigmatiser personne.

Si nous sommes favorables à la suppression du dispositif « Ciotti », c’est d’abord parce qu’il ne fonctionne pas. À certains égards, il est même contreproductif tant la réponse qu’il propose est inadaptée.

Pour nous, l’absentéisme est le plus souvent le symptôme d’une situation sociale difficile touchant en particulier les mères célibataires qui peinent à suivre l’éducation de leurs enfants. Il est la première étape d’un chemin qui mène au décrochage scolaire et à l’exclusion sociale.

Alors que l’égalité fait partie de la devise de notre pays et que notre système scolaire vise l’égalité entre les enfants, on constate que les résultats scolaires sont étroitement corrélés à la situation socioéconomique des parents. L’école républicaine ne parvient pas à combler ce déficit, au contraire : les écarts mesurés entre les enfants au niveau du cours préparatoire s’accroissent en cours moyen et sont encore plus élevés en classe de troisième. Au lieu de combler ou de corriger les écarts de départ, l’éducation nationale les laisse se creuser.

Le nombre d’élèves « décrocheurs » est très important : environ 150 000 par an. Ce sont les enfants des quartiers populaires qui sont frappés et il est très difficile de les ramener dans un processus d’apprentissage alors qu’ils ont eu le sentiment de ne pas avoir trouvé leur place à l’école et ne pas avoir su faire face aux exigences pour acquérir les fondamentaux.

De plus en plus d’enfants sont en souffrance à l’école et finissent par s’esquiver, par s’en aller sur la pointe des pieds. Face à cela, qu’affirme le dispositif « Ciotti » ? Que les parents sont irresponsables, qu’ils ne s’occupent pas de leurs enfants, et qu’il faut les sanctionner en menaçant de suspendre les allocations familiales s’ils ne parviennent pas à les remettre dans le droit chemin.

Cette conception repose sur une erreur d’analyse de départ. En effet, ce ne sont pas les plus jeunes, ceux que les parents doivent amener à l’école tous les jours, qui forment l’effectif principal des absentéistes et des décrocheurs : ce sont les adolescents, et même les grands adolescents de seize ans qui, étant sortis du collège, se sentent « largués ». Beaucoup sont élèves en lycée professionnel mais ne sont pas satisfaits de l’orientation qu’on leur a proposée ou qu’ils ont choisie. À seize ans, il arrive souvent que l’on ne sache pas grand-chose du métier vers lequel on se dirige !

Bref, la « loi Ciotti » est non seulement injuste, inefficace et démagogique, mais elle porte une vision de l’absentéisme sans rapport avec la réalité que les chiffres dont nous disposons font ressortir.

De plus, il laisse de côté un tiers des élèves, ceux dont les familles sont affiliées à la Mutualité sociale agricole ou ne touchent pas d’allocations familiales parce qu’elles ne comportent qu’un enfant. Dans ce dernier cas, il s’agit souvent de femmes seules élevant un enfant unique.

L’automaticité de la sanction ne permet pas non plus de faire le tri entre les familles de bonne foi et celles, extrêmement rares, où l’incurie est telle que l’on n’attache pas d’importance à l’absence et à l’échec de l’enfant à l’école.

La sanction touche des familles monoparentales, donc des femmes seules que leurs conditions de vie empêchent de surveiller et d’épauler leurs grands enfants. Au supermarché ou à l’hôpital, les mères de familles travaillent jusqu’à des heures tardives. Les familles ont dans ce cas besoin d’être aidées. Les sanctionner, a fortiori les sanctionner financièrement, n’est pas une solution !

Les chiffres de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) montrent de façon éloquente l’échec du dispositif. Sur 12 millions d’élèves, environ 300 000 sont en situation d’absentéisme. Or il n’y a eu que 619 suspensions de versement des allocations familiales sur toute l’année scolaire 2011-2012, ce qui représente une infime proportion au regard de l’ampleur du problème.

M. Éric Ciotti invoque à cet égard un effet dissuasif : la menace de suppression des allocations familiales aurait pour effet, selon lui, de pousser les parents concernés à renvoyer leurs enfants à l’école. Là encore, les chiffres lui apportent un démenti : sur les 619 suspensions, seulement 142 ont donné lieu à un reversement aux familles à la suite du retour de l’élève dans son établissement. Le taux d’échec est donc de 80 %, contre de 60 % la première année. Il est inutile d’attendre d’arriver à 95 % : on voit bien que cela ne fonctionne pas !

Nous devons néanmoins tirer les enseignements de ce qui peut fonctionner : en cas d’absentéisme, l’établissement convoque les parents et dialogue avec eux pour chercher la cause de ce comportement. Seule la discussion avec la famille et avec l’élève peut aboutir à des résultats. Ce n’est qu’en s’intéressant au jeune et à ce qu’il a voulu dire en n’allant plus à l’école que l’on arrivera à avancer.

Je remarque aussi que l’UMP s’était auparavant refusée à soutenir l’approche de la « loi Ciotti ». En 2004, M. Christian Jacob, alors ministre de la famille, avait supprimé le dispositif de suspension des allocations familiales en vigueur depuis 1959. Dans leurs circulaires de rentrée de 2009 et de 2010, MM. Xavier Darcos et Luc Chatel, alors ministres de l’éducation nationale, insistaient sur l’importance du dialogue avec l’élève et ses parents. En 2009, alors que le président Nicolas Sarkozy souhaitait intégrer la mesure de suspension dans la loi d'orientation et de programmation sur la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), les députés de la majorité de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, emmenés par leur présidente Mme Michèle Tabarot, s’y étaient opposés.

Du reste, le fait que cette mesure ait été prévue pour la LOPPSI montre que son objectif n’était pas principalement éducatif mais sécuritaire. Il fallait incriminer un comportement. C’est de mon point de vue inacceptable.

L’absentéisme est une composante du problème majeur que constitue le décrochage scolaire. Chaque année, 150 000 jeunes quittent l’école sans formation, sans diplôme et, par suite, sans emploi. C’est un échec social considérable, voire un danger pour notre pacte républicain, que de laisser tant de jeunes sans solution.

Nous mènerons une lutte résolue contre le décrochage scolaire. Le ministre de l’éducation nationale, M. Vincent Peillon, a déjà annoncé plusieurs mesures. Pour prévenir l’absentéisme, nous mettons en place différents outils tels que les classes et ateliers relais ou les micro-lycées. Il s’agit de proposer au jeune des alternatives au dispositif classique où il n’est pas heureux et n’apprend plus rien. Un accompagnement personnalisé doit leur être proposé, comme celui que met en place la Ville de Paris pour les enfants présentant des problèmes de comportement.

Il faut également être en mesure d’alerter rapidement les services sociaux lorsque l’absentéisme est avéré. Les facteurs sont divers. Les difficultés familiales nécessitent parfois des médiations. Il peut s’agir aussi de problèmes de santé qui appellent la mise en place de dispositifs pédagogiques différents. Or, on constate que les enseignants et les services sociaux hésitent aujourd'hui à « dénoncer » la famille, craignant la sanction financière pour les parents s’ils n’obtiennent pas que l’enfant retourne à l’école.

Nous souhaitons donc que la procédure qui reste prévue dans la réglementation ne soit qu’un dernier recours, après que l’on aura fait tout le nécessaire pour remettre le jeune sur de bons rails.

Enfin, en cas de conflit familial ou si les parents sont insuffisamment présents pour encadrer leurs enfants, l’internat peut constituer une solution.

Nous sommes pleinement conscients du problème de l’absentéisme mais nous considérons que la sanction financière est néfaste. En conséquence, le gouvernement soutient la proposition de loi tendant à supprimer le dispositif. Il prendra des mesures pour anticiper davantage les problèmes et pour traiter l’absentéisme comme il doit l’être, c'est-à-dire comme un symptôme qui doit amener la communauté éducative à se rassembler pour proposer des solutions adaptées à l’enfant concerné.

M. le président Patrick Bloche. Vos propos, madame la ministre, éveillent certains souvenirs. Avec plusieurs collègues de l’opposition d’alors, nous avions tout fait pour empêcher le vote de la proposition de loi sur l’absentéisme scolaire.

Mme Sandrine Doucet, rapporteure. Je vous remercie, madame la ministre, pour l’éclairage que vous venez d’apporter sur cette proposition de loi. C’est une belle démonstration de cohérence politique dans un souci de justice sociale.

Le Président François Hollande avait fait de la jeunesse la pierre angulaire de son programme, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a placé la justice sociale au cœur de son action et le ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon a fait du pacte républicain le fer de lance de sa politique. Vous venez de faire la synthèse de ces principes, en articulant la réussite scolaire autour de l’intérêt de l’élève et en garantissant ce qui est une condition première de cette réussite : le soutien à l’assiduité, qui fait souvent défaut aux plus fragiles en raison d’un cadre familial précaire et pauvre.

Le gouvernement propose également un calendrier cohérent, qui fixe des rendez-vous à la nation dans l’immense et indispensable projet de refondation de l’école : création de 1 000 postes dans le primaire ; adoption au Sénat, le 25 octobre, de la proposition de loi de Mme Françoise Cartron ; annonce, le 4 décembre, d’un plan contre le décrochage scolaire ; retour à une carte scolaire plus contrôlée ; mise en débat, dans quelques semaines, du projet de loi pour la refondation de l’école. Tous ces éléments marquent incontestablement une volonté politique.

La proposition de loi tendant à abroger la loi du 28 septembre 2010, dite « loi Ciotti », s’inscrit dans ce processus de retour à la justice sociale qui passe par l’école. Elle rompt avec une vision assimilant la jeunesse à une source de problèmes nécessitant sanction.

Lorsque M. Nicolas Sarkozy, alors en perte de vitesse, annonce en 2010 qu’il veut faire de la suppression des allocations familiales un moyen de lutte contre l’absentéisme, M. Éric Ciotti reprend à son compte cette conception répressive d’un phénomène scolaire. L’école est vue comme un creuset de la délinquance, les jeunes et leurs familles deviennent objets de proscription. L’amalgame entre absentéisme et délinquance est ainsi acté.

Comme Mme Françoise Cartron, vous avez énuméré les éléments qui disqualifient une telle loi. La sénatrice dénonce un dispositif « inadapté, injuste et inefficace » et déplore le manque d’ambition du projet scolaire du précédent gouvernement. Celui-ci n’a pas su apporter des réponses efficaces et justes aux problématiques multiples et complexes qui sont à l’origine d’un décrochage scolaire très souvent lié à un absentéisme lourd et récurrent.

Vous l’avez indiqué, 77 % des élèves dont les familles ont été frappées par la suspension des allocations ne sont pas revenus à l’école. Ces centaines d’élèves ont grossi les rangs déjà trop nombreux des 20 000 décrocheurs annuels et des 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme chaque année. Ce sont les établissements situés en zone d’éducation prioritaire, en particulier les lycées professionnels, qui sont le plus touchés par ce phénomène.

Revenir sur cette loi, c’est non seulement lutter contre l’injustice et repenser l’école en termes d’égalité, mais c’est aussi créer un cercle vertueux autour de l’élève en difficulté en concentrant autour de lui l’essentiel des efforts et des moyens, et non pas en remettant entre les mains des directeurs des caisses d’allocations familiales le devenir de son cadre familial. C’est également une façon de lutter contre la pauvreté.

Revenir sur cette loi, c’est également élargir notre horizon et penser notre avenir. Paradoxalement, au moment où la « loi Ciotti » était mise en application, l’Europe plaidait d’autres méthodes en matière d’échec scolaire. Dans sa communication au Parlement et au Conseil européens du 31 janvier 2011, la Commission européenne met en avant des mesures d’intervention centrées sur l’ensemble de l’école et visant à améliorer le climat scolaire et à créer un environnement d’apprentissage favorable à l’éducation. La Commission préconise la mise en place de systèmes d’alerte rapide, une meilleure coopération avec les familles, une meilleure orientation et un soutien financier.

On jugera à l’aune de ces principes tout à la fois le décalage du dispositif « Ciotti » et l’ambition de réussite que vous portez, madame la ministre, dans le cadre d’un projet européen fondé sur la concertation et l’innovation pédagogique.

La communication de la Commission européenne recensait les expériences menées dans de nombreux pays que l’on retrouve, comme par hasard, mieux placées que le nôtre dans les évaluations internationales. Il existe certes quelques expériences en France, mais elles ont subi ces dernières années les effets de la suppression des moyens de l’éducation.

En attendant une réflexion approfondie sur l’absentéisme et, plus généralement, sur l’école et ses missions, la présente proposition de loi vise à abroger le contrat de responsabilité parentale, qui est vidé de son sens, et les dispositions relatives à la suspension des allocations. Nous voulons nous placer à l’avant-garde du destin européen, et la République est pour nous le cadre et le garant de la justice par l’éducation.

M. Stéphane Travert. Le vote de la loi du 28 septembre 2010, dite « loi Ciotti », s’inscrit dans le contexte d’une logique purement sécuritaire et punitive. Le précédent gouvernement souhaitait faire de ce texte un marqueur politique et idéologique. Et nous considérons en effet qu’il y a une grande différence entre nos conceptions respectives de ce que doit être l’éducation et du rôle qu’elle doit jouer dans la République.

C’est pourquoi le groupe SRC soutient la proposition de loi de la sénatrice Françoise Cartron. Le dispositif « Ciotti » ne répond ni aux préoccupations des parents ni à celles des enseignants quant aux causes réelles de l’absentéisme, qui prélude souvent au décrochage scolaire et à des difficultés d’insertion dans la société et dans le monde du travail. Le texte sénatorial est en revanche juste et adapté. Il est fondé sur la confiance non sur la défiance. Le changement de politique passe par la nouvelle organisation de l’école que nous appelons de nos vœux. La refondation scolaire est une priorité du Président de la République, du gouvernement et de la majorité.

Les chiffres que vous avez cités, madame la ministre, montrent l’inefficacité du système : 12 millions d’élèves, 619 suspensions. Avec de tels résultats, il est inimaginable de maintenir ce dispositif, d’autant qu’il n’a aucun effet dissuasif et qu’il est beaucoup trop lent : il faut que le directeur de l’établissement alerte les responsables académiques, lesquels doivent informer les familles susceptibles de subir des sanctions. Même si l’absentéisme cesse, les sanctions peuvent être appliquées. Plusieurs mois s’écoulent avant la prise en compte des problèmes de l’enfant et de sa famille par les professionnels de l’aide sociale et de la communauté éducative.

Ce que nous proposons, au contraire, c’est de traiter l’absentéisme dès que le phénomène est constaté.

La « loi CIotti » traite de façon uniforme des problèmes dont les facteurs sont multiples. La suppression des allocations familiales est une sanction inéquitable pour les parents.

M. Dominique Le Mèner. Ce n’est pas une suppression mais une suspension !

M. Stéphane Travert. Oui, mais cette suspension entraîne de grandes difficultés pour les parents. Nous ne pouvons souscrire à ce choix punitif qui révèle les incohérences de l’ancienne majorité. Celle-ci a voulu entretenir la confusion entre traitement de l’absentéisme et traitement de la délinquance en essayant dans un premier temps d’introduire la mesure de suspension au sein de la LOPPSI contre l’avis de la présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

À l’inverse de ces artifices de communication politique, la présente proposition de loi est un texte de confiance envers l’école, les élèves et les partenaires éducatifs. Alors que la « loi Ciotti » s’inscrivait dans une surenchère sécuritaire, la question de l’absentéisme appelle des réponses éducatives appropriées, sans stigmatiser et déstabiliser des familles déjà fragilisées.

L’école est pour nous le creuset de la République. Chacun doit pouvoir y suivre son parcours choisi dans le dialogue et l’écoute. Le pacte républicain, c’est l’école du respect et non un système punitif dont l’inspiration relève plus du coup de menton que de la volonté de réformer et d’adapter notre système éducatif.

M. le président Patrick Bloche. Nous pouvons au moins nous mettre d’accord sur un point de sémantique : une suspension est une suppression temporaire. Lorsqu’il défendait sa proposition de loi, M. Éric Ciotti parlait certes de suspension, mais on sentait bien qu’une sanction plus ferme comme la suppression avait sa faveur.

Mme Virginie Duby-Muller. Tout en vous remerciant d’être venue faire part à notre Commission des projets du gouvernement en matière de réussite éducative, madame la ministre, je déplore que le premier acte de votre politique soit l’abrogation prématurée, sans concertation ni transparence, d’une mesure mise en place par la majorité précédente.

La proposition de loi de Mme la sénatrice Françoise Cartron, discutée et votée par le Sénat dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe socialiste, a pour seul objet la suppression du dispositif de lutte contre l’absentéisme scolaire mis en place par la loi du 28 septembre 2010. Rappelons que ce texte avait été adopté pour endiguer l’augmentation des cas d’absentéisme scolaire, qui atteignent 300 000 par an. Il créait un dispositif gradué et proportionné pour alerter, accompagner et, le cas échéant, sanctionner par le moyen de la suspension des allocations familiales les parents dont les enfants auraient été absents de l’école de manière répétée et non justifiée.

Les parents sont en effet les premiers éducateurs de leurs enfants. Leur responsabilisation et leur accompagnement devenaient, avec ce texte, un élément clé de la lutte contre l’absentéisme. La suppression des allocations familiales devait être perçue comme une mesure de dissuasion, une arme ultime destinée à leur faire prendre conscience de la gravité de la situation de leur enfant. En d’autres termes, cette sanction administrative se voulait plus dissuasive que punitive, en privilégiant à chaque étape un temps d’écoute et de dialogue avec les parents afin de les orienter vers des structures, réseaux et groupes de parole susceptibles de les aider. Une large liberté d’appréciation était laissée aux chefs d’établissement et aux inspecteurs d’académie pour faire face à la complexité des situations individuelles et éviter une application mécanique.

D’ailleurs, dans sa dernière étude intitulée « Aider les parents à être parents », le Conseil d’analyse stratégique évoque le développement de dispositifs recourant à la sanction ou à l’incitation financières. Il conclut que leur succès est proportionnel « à l’intensité et à la qualité des services d’accompagnement et à l’utilisation avec justesse et parcimonie des sanctions ». Tel est bien le cadre, gradué et réversible, offert par le dispositif « Ciotti ».

Permettez-moi d’en revenir aux chiffres. L’administration a recueilli 80 000 signalements qui ont donné lieu à 60 000 avertissements, puis à 22 000 seconds signalements, 1 400 demandes de suspension des allocations familiales, 619 suspensions effectives et 142 rétablissements des allocations. On le voit : sur 80 000 cas signalés, 79 858 jeunes ont retrouvé le chemin de l’école.

Pourquoi donc se priver d’un tel dispositif, si ce n’est par pure idéologie et parce qu’il s’agissait d’une des mesures emblématiques de la présidence de Nicolas Sarkozy ? Vous avez reconnu au Sénat qu’il n’y avait pas eu d’évaluation, madame la ministre. N’aurait-il pas été plus raisonnable d’attendre avant de tout détricoter ? Et qu’en est-il du rapport que l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) a remis en juillet au ministre et qui, fort opportunément, n’a pas été rendu public, contrairement aux dix-sept autres ? Ne concluait-il pas à l’efficacité du dispositif ? Où est la transparence à laquelle s’était engagé votre ministre de tutelle lorsqu’il déclarait en mai que les rapports de l’IGEN avaient « désormais vocation à être publiés » ? Peut-être le système est-il, pour vous, inadapté, injuste et inefficace, mais telles ne sont pas les conclusions de votre administration !

Bref, vous n’avez pas convaincu le groupe UMP. Si une évaluation chiffrée, concrète et rigoureuse du dispositif ne vous conduit pas à abandonner vos postures purement idéologiques et vos imprécisions partisanes, nous ne pourrons vous accompagner dans votre lutte – pourtant vitale pour notre jeunesse – contre l’absentéisme scolaire.

Mme Barbara Pompili. La réussite éducative pour toutes et tous est un enjeu sur lequel nous sommes tous d’accord. La lutte contre l’absentéisme est une facette de la lutte contre l’échec scolaire. Il s’agit là d’une véritable préoccupation dont nous discuterons plus précisément demain, lorsque nous examinerons le rapport de Mme Sandrine Doucet.

Même si l’absentéisme tend à s’amplifier à mesure que les enfants avancent en âge, il concerne aussi les plus petits. Dès l’école primaire, c’est un sujet de préoccupation. Le phénomène est grave car il ouvre la voie au décrochage scolaire et le nourrit. Une fois entré dans ce cercle vicieux, il est difficile d’en sortir ! Les conséquences en sont, bien souvent, de grandes difficultés d’insertion dans le monde du travail et plus généralement dans la société.

La majorité ayant fait une priorité de la lutte contre l’échec scolaire, il était logique qu’elle s’attaque à cette question et qu’elle commence par abroger la « loi Ciotti ». Loin de combattre le phénomène, ce texte l’aggrave en stigmatisant celles et ceux qui auraient au contraire besoin d’un accompagnement.

L’absentéisme, vous l’avez rappelé, a pour causes principales les difficultés d’apprentissage de certains enfants, le redoublement, une orientation imposée, le système de notation et de compétition qui stigmatise et décourage l’élève en difficulté, mais aussi des problèmes sociaux et familiaux : la précarité et le chômage qui touchent les parents, des conflits ou des ruptures au sein des familles.

Les politiques éducatives et sociales destinées à lutter contre l’absentéisme et, de façon plus générale, contre l’échec scolaire constituent donc de véritables enjeux.

Nous partageons bien sûr le changement d’approche opéré par le nouveau gouvernement dans la mesure où il vise à favoriser l’accompagnement des familles et non à mener une politique répressive.

La réduction de l’absentéisme est étroitement liée à l’amélioration de la réussite des élèves. Je souhaiterais à cet égard en savoir un peu plus sur les actions d’accompagnement éducatif que vous prévoyez de mettre en œuvre et sur les mesures permettant une prise en charge personnalisée des élèves en difficulté.

De même, pourriez-vous préciser vos intentions s’agissant de la santé à l’école ? La question est de votre compétence et elle n’est pas sans conséquences en matière d’absentéisme.

Quelles améliorations apporter à l’orientation des élèves ? Notre commission a débattu la semaine dernière des enjeux de l’orientation en fin de collège à l’occasion de la présentation du rapport que la Cour des comptes a consacré à ce sujet. Il a été souligné combien le redoublement et l’orientation imposée sont vécus comme des sanctions conduisant souvent à une perte de confiance en soi et à un rejet. De grand progrès restent à faire. Pour que l’élève puisse choisir de façon éclairée sa propre orientation, il faut améliorer l’information, changer le regard porté sur les voies professionnalisantes, renforcer le lien avec les milieux professionnels et multiplier les passerelles. Le choix d’une voie ne doit pas être bloquant : le jeune a le droit de changer d’avis et de revenir dans telle ou telle branche du système éducatif.

Je le répète, le système français s’enferme dans un cloisonnement qui n’a plus lieu d’être.

Le groupe écologiste plaide pour une plus grande implication des parents d’élèves dans la vie de l’école, qui permettrait aussi de progresser en matière de lutte contre d’absentéisme. Quelle est votre position quant à notre demande de création d’un statut de parent délégué ? Au-delà, comment envisagez-vous l’accompagnement des parents qui rencontrent de réelles difficultés avec leurs enfants ? Des mesures en ce sens constitueraient un premier pas vers le décloisonnement de l’école. Les établissements d’enseignement primaire et secondaire doivent cesser d’être des lieux fermés. Plus ils tisseront de liens avec l’extérieur, plus la lutte contre l’échec scolaire sera efficace.

Par ailleurs, les effets positifs en termes de réussite scolaire et d’insertion de la préscolarisation des enfants de moins de trois ans ne sont plus à démontrer, notamment dans les milieux défavorisés. Vous pouvez compter sur mon entier soutien à cet égard. Pourriez-vous préciser l’état d’avancement de ce dossier, y compris sous l’angle des moyens alloués, dans le cadre de la préparation de la nouvelle loi ?

La réussite éducative de tous passe aussi par l’accueil des élèves en situation de handicap. Il existe un absentéisme lié à ces questions. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Pour conclure, je souhaite vous féliciter pour votre volonté de favoriser la scolarisation des enfants roms et itinérants. Aucun enfant ne doit être exclu !

M. Patrick Hetzel. L’absentéisme scolaire est un réel problème. Il faut tout mettre en œuvre pour le faire baisser car il est l’antichambre du décrochage scolaire. C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu le dispositif de lutte proposé en son temps par M. Éric Ciotti.

Nous regrettons que ce dispositif récent – sa mise en place remonte à un an seulement – n’ait pas été davantage développé. Comme vous l’avez vous-même indiqué, madame la ministre, son objectif était de responsabiliser les parents moyennant un dialogue en amont. Sa non-application ne signifie nullement qu’il n’était pas pertinent. J’en veux pour preuve ce qui se passe dans l’enseignement supérieur, où le lien établi depuis un certain temps entre la présence attestée de l’étudiant aux cours et le maintien de sa bourse a contribué à renforcer l’assiduité. On doit considérer ce lien non comme une sanction mais comme une source possible d’effets vertueux. Tel est l’esprit dans lequel a été adoptée la « loi Ciotti ».

Aussi déplorons-nous les orientations qui se dessinent dans cette proposition de loi alors que le dispositif n’a pas pu prendre sa pleine mesure. La question éducative nécessite bien l’implication et la responsabilisation des parents. Le négliger ou l’ignorer, c’est faire fausse route.

Cette proposition de loi est empreinte d’une vision déconnectée du réel. Si l’instruction publique relève de l’État, l’éducation appartient aussi aux parents. Vous détricotez ce que la majorité précédente a réalisé sans disposer d’aucune évaluation sérieuse du dispositif. Nous nous opposerons donc à ce texte.

M. Thierry Braillard. S’il y a un sujet sur lequel il ne peut y avoir de consensus avec l’opposition, c’est bien celui-ci. La « loi Ciotti » procède d’une politique répressive. Le nombre de sanctions prononcées, qui rappelle les résultats de la loi « HADOPI », prouve que ce n’est pas la bonne solution. Plus généralement, les propos de mes collègues de l’UMP et du Rassemblement-UMP illustrent bien la différence entre l’importance qu’ils accordent à la sanction et l’importance que nous accordons à la prévention.

Si nous détricotons cette mesure, monsieur Hetzel, ce n’est pas parce que Nicolas Sarkozy en a eu l’initiative : c’est parce qu’elle ne correspond pas à notre philosophie politique. La politique répressive que vous avez menée s’est traduite par une inflation législative. Vous avez adopté tellement de loi qu’il devenait impossible de savoir laquelle s’appliquait. Vous avez institué des peines « plancher » censées réduire la délinquance : la délinquance ne s’est jamais autant accrue qu’après l’adoption de ce texte qui allait jusqu’à mettre en cause le libre arbitre du juge, c'est-à-dire le principe de l’individualisation des peines énoncé par Beccaria !

Appliquée à l’école, cette philosophie revient à taper sur les pauvres en leur infligeant une double sanction. Est-ce le rôle du législateur que de dire à un gamin qui se trouve déjà dans une situation difficile que l’on sanctionnera ses parents en suspendant les allocations familiales ? Catastrophique en termes de chiffre, le résultat l’est plus encore d’un point de vue philosophique !

Il y a là une véritable ligne de partage entre la droite et la gauche. C’est pourquoi le groupe RRDP reprend pleinement à son compte la proposition de loi sénatoriale.

Je précise que cette prise de position n’est nullement laxiste. Nous pensons que la bonne solution consiste d’abord à créer les conditions d’un dialogue parfois inexistant entre les parents et le monde enseignants. Responsabiliser les parents, c’est avant tout leur faire comprendre que l’absence de leur enfant peut le conduire à un décrochage irrémédiable.

M. Michel Ménard. La suspension des allocations familiales est une sanction d’autant plus importante que les revenus des familles sont faibles. L’absentéisme est souvent lié à l’échec scolaire et au désintérêt de l’enfant pour une école où il ne trouve plus sa place. L’enjeu est de redonner aux élèves l’envie d’apprendre et de découvrir et non de les renvoyer à des sanctions pécuniaires !

Madame la ministre, vous avez affirmé au Sénat qu’il faut aider les parents et mettre en place des dispositifs d’accompagnement, tels les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), lesquels ont été malheureusement supprimés par vos prédécesseurs Ces réseaux nous ont récemment fait part de leur inquiétude, notamment parce que le rapport issu de la concertation « Refondons l’école » ne les mentionne pas. Notre collègue Carole Delga, rapporteure spéciale de la Commission des finances sur les crédits de l’enseignement scolaire, auditionnera demain les organisations membres du collectif RASED. Quels éléments pouvez-vous nous donner pour les rassurer ?

M. Paul Salen. L’absentéisme concerne, certes, des jeunes de plus de seize ans qui auraient été mal orientés, mais il est aussi, et même surtout, le fait de collégiens. Comme les autres, le conseil général, dont je suis vice-président en charge de l’éducation, attribue des bourses aux familles en fonction de leurs ressources. Depuis dix ans, avant de verser ces bourses au début du deuxième trimestre, nous demandons l’avis des principaux sur le comportement ou l’absentéisme des enfants, dans le but non pas de sanctionner les familles, mais de les responsabiliser. Un mauvais comportement entraîne la suspension de la bourse, mais toute amélioration au cours du second trimestre peut donner lieu à son versement. Depuis maintenant plusieurs années que nous procédons ainsi, les principaux constatent une nette amélioration tant au niveau de l’absentéisme que du comportement.

Face à cela, vous proposez le dialogue. Pensez-vous qu’il n’existe pas déjà entre les enseignants, les principaux et les familles ? Instaurer un dialogue avec les parents, c’est bien, mais le problème de ces derniers, aujourd’hui, c’est surtout d’accéder aux informations et parfois de les comprendre.

Quant à l’internat que vous avez évoqué, vous en connaissez certainement le coût. Qui prendra en charge cette dépense pour les familles ?

M. Ary Chalus. Lourd dossier que celui de l’échec scolaire ! Vous aurez besoin du concours de tous pour en venir à bout, madame la ministre. Sanctionner les familles, c’était les rendre encore plus pauvres. Certaines, en outre-mer, vivent sans électricité ni confort minimum, ce qui a des conséquences sur la scolarité de leurs enfants.

Dans ma commune, qui compte 31 000 habitants, nous avons mis en place plusieurs dispositifs pour accompagner les familles : un conseil pour les droits et devoirs des familles qui ne prend pas de sanctions, l’intégration des jeunes, dès le plus jeune âge, dans la vie associative, l’organisation de challenges dans les écoles primaires et au collège comme outil de motivation. Ces dispositifs ont contribué à diminuer considérablement l’absentéisme, si bien que notre collège Maurice Satineau a affiché cette année un taux de réussite de plus de 88 %.

Je plaide pour que la nouvelle organisation des rythmes scolaires laisse une journée d’activités pour les jeunes. De nombreuses associations, qui sont créatrices d’emplois en Guadeloupe, craignent de ne plus pouvoir s’occuper des enfants comme elles le faisaient le mercredi et le samedi, et de subir ainsi un manque à gagner. En 2009, celles qui dispensent du soutien scolaire avaient déjà souffert des deux mois et demi de grève et beaucoup avaient dû déposer le bilan. Serait-il possible de trouver un moyen d’épargner ces associations qui créent des emplois ?

Mme Julie Sommaruga. Comme beaucoup de mes collègues, je suis très satisfaite que l’on puisse abroger la « loi Ciotti », loi inefficace, stigmatisante et injuste socialement. Sanctionner les parents pour l’absentéisme de leurs enfants, c’est les affaiblir, abîmer leur autorité et, finalement, les éloigner encore plus de la scolarité et accentuer les difficultés. Il faut actionner d’autres outils et travailler à la lutte contre la difficulté et le décrochage scolaires, ainsi qu’à l’aide à la parentalité.

Trop de parents ne disposent pas des moyens d’accompagner et de suivre la scolarité de leurs enfants. Des dispositifs existent déjà pour rapprocher l’école et les parents dans une dynamique de co-éducation. Comment les développer et favoriser les initiatives locales dans ce domaine ? Le travail sur la parentalité ne doit pas se faire uniquement au sein de l’école ou par rapport à celle-ci. Il doit pouvoir être développé, en lien avec l’éducation nationale, dans les quartiers populaires où les associations d’éducation populaire font un travail remarquable. Avez-vous prévu des dispositions à cet égard ?

Mme Dominique Nachury. L’absentéisme scolaire est très préoccupant et nous sommes toujours en attente de solutions concrètes, qui doivent être diversifiées, pour remédier à un problème qui est à la fois individuel et collectif.

Mieux comprendre est une nécessité, j’en conviens. Pour autant, cela ne veut pas dire admettre. Il est fondamental que les familles prennent conscience et réagissent. Bien des raisons sont à l’origine de l’absentéisme scolaire, et nous avons déjà identifié l’orientation subie. Lorsqu’il s’agit de difficultés sociales, ne conviendrait-il pas de coordonner les mesures qui pourraient être prises avec toutes les mesures d’assistance éducative et de prévention mises en œuvre dans le champ de l’aide sociale à l’enfance ? À multiplier les interventions autour d’un enfant et d’une famille, on nuit parfois plus à l’efficacité qu’on ne la sert.

M. Luc Belot. L’absentéisme révèle bien souvent des réalités scolaires, mais aussi sociales, éducatives et sociétales. Je partage les inquiétudes qui se sont exprimées s’agissant de l’amalgame parfois fait entre absentéisme et délinquance. Gardons-nous de nous référer à quelques expériences de terrain pour lier les deux situations.

La meilleure réponse à apporter à l’absentéisme est globale, et c’est certainement le projet de refondation de l’école puisqu’il implique l’ensemble des acteurs, non seulement ceux de l’éducation nationale mais, plus largement, toute la communauté éducative. Je ne doute pas que nous trouverons les réponses lorsque nous aurons réussi à mettre tous ces acteurs autour de la table et à lever les oppositions à la constitution d’équipes pluridisciplinaires qu’avaient manifestées certains intervenants lorsqu’il s’était agi de mettre en place les programmes de réussite éducative. Ce travail en équipe devra s’effectuer au service des élèves avant tout et en collaboration avec les parents.

L’enjeu de la parentalité est essentiel. Que nos collègues en soient convaincus, les parents d’élèves dont l’absentéisme est constaté ne sont pas démissionnaires, ils sont désarmés. Ce sont des parents qu’il faut accompagner dans la recherche de réponses éducatives personnelles, sans les leur dicter. Aider ces parents, ce n’est certainement pas considérer qu’ils comprendront mieux ce qui se passe si on leur supprime les allocations. La loi qu’il s’agit aujourd’hui d’abroger est la première étape d’une construction commune qui constituera une bien meilleure réponse. Sur ces questions, madame la ministre, vous trouverez, en la majorité à l'Assemblée nationale, un partenaire de travail permanent.

M. Dominique Le Mèner. Au-delà de votre volonté de stigmatiser la « loi Ciotti », j’ai du mal à comprendre le procès que vous faites d’un texte qui n’envisage pas une sanction comme une fin mais comme l’exercice d’une pression sur des parents souvent démissionnaires. Si l’on en juge par les chiffres, ça marche. Sans aller jusqu’à relier les deux phénomènes, l’assiduité en commission a subitement augmenté depuis qu’on a demandé aux députés de signer une feuille de présence le mercredi matin ! En partant de 80 000 signalements et 60 000 avertissements, tomber à 22 000 seconds avertissements et à 1 400 demandes de suspension des allocations familiales, c’est bien la preuve que le texte fonctionne, même s’il ne constitue pas l’alpha et l’oméga de la lutte contre l’absentéisme scolaire. Le but n’est pas de stigmatiser mais, au contraire, d’inciter. Toute comme la loi protège, elle sait aussi sanctionner, et il était normal de prendre des mesures pour inciter à porter une attention particulière sur l’absentéisme.

Abroger cette loi avant d’engager autre chose est une erreur. On aurait pu comprendre que vous le fassiez pour y substituer une autre forme de réponse mais pas sous le seul prétexte qu’elle n’a pas donné de résultat. D’ailleurs, pourquoi le rapport établi par l’inspection générale de l’éducation nationale et remis au ministre au mois de juillet n’a-t-il pas été publié ? Je ne prétends pas qu’avec la suspension des allocations familiales, nous avions trouvé « la » solution. Simplement, c’est un moyen qui a prouvé son efficacité, et il est faux d’y voir un élément d’une quelconque intention sécuritaire.

M. Pierre Léautey. L’évaluation de cette loi est sans appel : c’est une loi inefficace, une loi inégalitaire, injuste et stigmatisante, qui s’applique plutôt aux familles les plus en difficulté en accroissant encore leurs difficultés, et une loi inadaptée. D’ailleurs, lorsque la circulaire d’application était sortie, beaucoup s’y étaient opposés, des enseignants et chefs d’établissements aux parents d’élèves et lycéens, et même les collectivités.

Au-delà de la seule abrogation, je suis heureux que Mme la ministre ait ouvert des pistes en vue de prendre en compte les difficultés que rencontrent les familles, l’absentéisme n’étant qu’une conséquence de diverses difficultés, qu’elles soient familiales, sociales, psychologiques ou liées à l’école ou à une orientation subie. Sous quelles formes les orientations citées seront-elles mises en œuvre, qu’il s’agisse du renforcement du dialogue avec les familles et les enfants ou de la mobilisation des établissements pour installer des relais et accompagner ces enfants qui sont dans l’antichambre du décrochage ?

Mme Isabelle Attard. C’est bien une double peine, éducative et financière, qui était prononcée contre des parents qui avaient déjà le sentiment de ne pas être à la hauteur. Ce sont bien les élèves les plus fragiles qui se détournent de l’école, car ils n’y ont pas trouvé les méthodes pédagogiques qui leur ont fait aimer notre école de la République. Donnons-leur envie d’y retourner !

« Prévention » est le mot-clé qui doit nous guider et diriger la rédaction des futures lois. Jamais des élèves n’iront contraints et forcés à l’école ; ils iront parce qu’ils auront compris que c’est leur intérêt. Depuis une vingtaine d’années, la preuve a été faite qu’ils peuvent aussi intégrer les groupes pédagogiques, participer à leur propre projet éducatif. Par ailleurs, il conviendrait de revoir les sanctions prononcées en conseil de discipline : ce sont souvent des exclusions qui confortent l’absentéisme. Imposer la participation à des groupes d’accueil, des parents par exemple, serait plus constructif.

Un petit clin d’œil, pour finir. Il nous a été rapporté que cette loi serait à l’origine d’un chantage de la part de jeunes rusés qui réclament le versement d’allocations comme argent de poche, faute de quoi ils sécheront l’école.

M. Yves Durand. Que les choses soient claires : personne, ici, n’est pour l’absentéisme scolaire ; nous sommes tous contre, et tous persuadés que c’est un problème majeur du système éducatif. Toutefois, nous sommes plusieurs à considérer que la suppression des allocations n’est pas une bonne réponse. Non seulement elle est inefficace, mais elle est mauvaise, donc condamnable.

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt et rappelons l’ambiance qui régnait sur le débat sur la « loi Ciotti ». Cette loi « coup de menton » avait pour objectif premier, non pas de lutter contre l’absentéisme scolaire, mais de récupérer des voix plus à droite que l’UMP de l’époque. Elle a été adoptée bien qu’ayant été condamnée par l’ensemble des acteurs de l’école, associations de parents d’élèves, syndicats enseignants, associations d’éducation populaire. Ils y étaient opposés parce qu’aucune étude réelle n’avait été effectuée sur l’absentéisme scolaire. Celui-ci est majoritairement constaté dans les lycées professionnels, où la plupart des élèves ont été orientés de manière subie et sont issus de familles défavorisées. Comment peut-on aider des familles en commençant par leur taper dessus, en leur montrant l’école comme un endroit où l’on sanctionne et non pas comme un lieu où l’on comprend ? Cette loi n’a aucun sens puisqu’elle ne poursuit pas l’objectif qu’elle prétend rechercher. Il n’y a qu’une chose à faire, et sans tarder : l’abroger.

Quant à la remplacer, c’est dans le cadre de la loi sur la refondation de l’école qu’il faudra y réfléchir. Quelle politique d’accompagnement des parents allez-vous mettre en place, madame la ministre ?

M. Jean-Pierre Le Roch. L’absentéisme scolaire est un défi qu’il nous faut affronter dans l’intérêt des jeunes, des familles et de la société. Absentéisme et égalité des chances sont intimement liés. Une étude récente montre que, en France, 20 % des élèves ont des difficultés de lecture à l’entrée du collège, ce qui les met en situation d’échec scolaire, très souvent suivie de décrochage scolaire. La loi de refondation pour l’école et le plan de lutte contre le décrochage scolaire permettront à l’école de la République d’apporter des solutions globales.

Je signale l’expérience intéressante que peuvent constituer les maisons de la formation professionnelle mises en place en région Bretagne. Là, on se rend compte des difficultés à faire renouer des jeunes entre seize et dix-huit ans avec la lecture, l’apprentissage en général. Des solutions individuelles doivent aussi être envisagées. Un tel accompagnement, adapté et contractualisé, sera prévu.

Le rôle des parents est essentiel et l’accompagnement à la parentalité peut être sinon une solution, du moins une façon concrète et utile de lutter contre l’absentéisme. Les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale sont tout à fait aptes à mobiliser autour de cette problématique de l’aide à la parentalité. De nombreuses expériences sont menées un peu partout, par exemple en matière d’aide aux devoirs, par des bénévoles encadrés. Pourraient-ils être associés à cette lutte contre l’absentéisme scolaire ?

Mme Martine Faure. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté de soutenir la proposition de loi relative à l’abrogation de la « loi Ciotti », cette loi injuste qui contribue à stigmatiser les familles souvent les plus modestes et à précariser les plus fragiles. Ses auteurs ont tout rejeté sur les familles, sans chercher à comprendre. Nous l’avions clamé dans l’hémicycle, cette loi serait inutile : cela s’est révélé vrai.

Oui, nous voulons lutter contre l’absentéisme scolaire, mais nous ne voulons pas faire rimer cette lutte avec suppression, sanction, répression. La lutte contre l’absentéisme, quelle qu’en soit l’origine, doit passer non par des sanctions mais par des solutions. Cela implique de redonner tout son sens à l’enseignement scolaire, de mettre en œuvre tous les moyens pédagogiques et éducatifs pour favoriser l’assiduité de tous les élèves.

Je ne reposerai pas toutes les questions sur les RASED, l’école maternelle, le dialogue avec les parents, l’orientation, la formation des maîtres, mais j’écouterai les réponses que vous allez nous apporter, madame la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. J’ai entendu beaucoup d’arguments confortant l’inefficacité du dispositif « Ciotti ». À ceux qui plaident pour lui laisser le temps de faire ses preuves, je rappelle que la suspension des allocations familiales ne date pas d’hier. Déjà, en 2004, le ministre de la famille, qui était un conservateur, avait lui-même estimé que ça ne marchait pas. M. Éric Ciotti, était revenu à la charge en 2006, avec un contrat à mettre en œuvre par les conseils généraux qui n’a pas pris, les enseignants et les présidents des conseils généraux n’étant pas d’accord, sauf, comme par hasard, dans les Alpes-Maritimes et en Vendée, où de tels contrats ont été signés massivement. En 2010, c’est aux inspecteurs d’académie que l’on finit par confier la responsabilité d’engager le dispositif. Ceux-ci étant des éducateurs avant d’avoir des opinions politiques, ils ont beaucoup hésité à l’utiliser. Objectivement, depuis le temps qu’on voit les choses fonctionner, on ne peut que conclure à l’inefficacité de la méthode et à l’inutilité de continuer. Nous allons commencer par supprimer ce dispositif sans intérêt puis nous le remplacerons par un système sur lequel nous travaillons avec Mme Dominique Bertinotti, ministre de la famille, qui permettra de mieux épauler et encadrer les familles confrontées à de telles difficultés.

Certains d’entre vous souhaitent connaître la teneur du fameux rapport de l’IGEN qui n’aurait pas été communiqué. Des rapports non publiés, nous en avons trouvé plein les tiroirs en arrivant au ministère de l’éducation nationale, et nous en avons mis quelques-uns en ligne. Celui dont il est question est, en réalité, une note d’étape, le travail n’étant pas terminé. Dans cette note, les auteurs ont expliqué qu’ils avaient manqué de temps pour avoir des réponses suffisamment approfondies, indiquant néanmoins que beaucoup se gardaient de lancer la procédure sachant qu’elle conduirait à des situations qu’ils n’acceptaient pas. Les inspecteurs continuent leur travail, ils le mèneront à son terme sans a priori. Pour l’instant, les chiffres témoignent de résultats tout à fait dérisoires.

Les RASED sont des outils utiles dans l’aide aux enfants en difficulté, mais le dispositif a été amplement démantelé sous les gouvernements précédents. Cela est fort dommage au regard de leur démarche, qui consiste à détecter, dans la vie de l’enfant, où se situe le nœud du problème. Plutôt que de lui répéter encore et encore les mêmes explications, l’enseignant peut alors traiter particulièrement les difficultés identifiées. Après plusieurs années de démantèlement, le nombre des RASED est devenu très insuffisant, même si, dès son arrivée, Vincent Peillon a rétabli des postes. Dans le cadre de la concertation, une réflexion a été engagée sur la manière de remettre sur pied cette aide personnalisée. La loi sur la refondation de l’école pourrait aborder partiellement le problème, mais il faudrait reprendre le dispositif de manière plus approfondi, car, s’il a joué un rôle positif, il n’est pas évident qu’il puisse être remis en fonctionnement en l’état dans tous les établissements.

M. Ary Chalus a rappelé les problèmes particuliers de l’outre-mer, où les familles sont souvent pauvres et où, en outre, la pratique de la langue maternelle est susceptible de susciter des difficultés d’apprentissage. Je me rendrai prochainement en Guyane où se posent aussi des problèmes particuliers d’accès à l’école, notamment pour les enfants qui vivent sur le fleuve. Nous allons nous attaquer au traitement de l’illettrisme en Guyane.

M. Thierry Braillard a souligné, à juste titre, que la suppression de la « loi Ciotti » n’a rien à voir avec du laxisme. Nous voulons tous que les enfants aillent le plus longtemps possible à l’école et que chacun trouve sa voie, dans l’enseignement général, dans l’enseignement professionnel ou dans la formation continue, où l’on reprend en petits groupes des notions non acquises en formation initiale. Nous sommes en train de travailler avec les régions sur les deux dossiers non satisfaisants que sont le décrochage et l’orientation pour installer une sorte de continuum de la prise en charge des jeunes le plus longtemps possible. C’est d’ailleurs un objectif conforme à la stratégie Europe 2020. Tous ces jeunes sans formation, c’est un gâchis général auquel nous devons nous attacher à remédier. Du reste, dans la stratégie européenne, je n’ai pas vu que l’on préconise de suspendre les aides aux familles. C’est donc une voie dans laquelle l’Europe ne nous conseille pas de rester.

La parentalité est un sujet essentiel. Autrefois, l’école se considérait comme une forteresse où les enfants étaient à l’abri, les parents restant bien à l’extérieur. Aujourd’hui, on se rend compte que les enfants des classes moyennes ont des facilités d’apprentissage et d’évolution dans le système scolaire parce qu’il y a une cohérence entre les demandes qu’ils reçoivent de leurs parents et celles qu’ils reçoivent de l’école. Les parents des classes populaires, eux, sont souvent mal à l’aise à l’école parce qu’eux-mêmes ne sont pas suffisamment lettrés ou qu’ils ont mal vécu leur scolarité. Ils adhèrent d’ailleurs rarement aux associations de parents d’élèves, qui jouent un rôle très important dans les établissements. Il faut trouver un moyen de les impliquer dans l’école. Dans le cadre de la réflexion sur la refondation, nous avons été saisis de propositions extrêmement intéressantes, qui ont également été présentées au groupe de travail sur la pauvreté qui vient de rendre ses conclusions au Conseil économique, social et environnemental. Ce dernier préconisait de créer un lieu, dans l’école ou à proximité, où les parents pourraient se retrouver, de façon à les apprivoiser et à les aider à se sentir un peu moins mal à l’aise à l’école. Ainsi, dans une cité difficile du Mirail, à Toulouse, un appartement est réservé aux parents juste à l’entrée du collège. Là, ils peuvent venir discuter et trouver du soutien pour affronter les difficultés que tout parent peut éprouver dans l’éducation de ses enfants.

Certains dispositifs de réussite éducative mis en place dans le cadre de la politique de la ville comportent un axe de soutien aux parents extrêmement important. C’est là un aspect qu’il importe de développer. Nous avons entamé une démarche d’évaluation de tous les dispositifs de ce type en liaison avec le ministère de la ville. Nous cherchons toutes les bonnes pratiques permettant de régler des problèmes qui se posent à tout le monde et d’enclencher le rapprochement avec les parents, en vue de les généraliser. Par exemple, dans certains établissements scolaires du Mans, des cours de français sont dispensés aux parents pour que la langue ne fasse plus barrage à la discussion avec eux.

M. Yves Durand a souligné que l’absentéisme était particulièrement important dans les lycées professionnels. Il faut effectivement modifier le regard que nous portons, tout comme les jeunes, sur ces établissements qui sont trop souvent considérés comme des voies de garage, des filières de relégation. Pourtant, ce sont des endroits surprenants de qualité. J’ai récemment visité, dans le 19e arrondissement de Paris, le lycée Hector Guimard où l’on forme aux métiers de la pierre. Le bâtiment lui-même est d’une beauté remarquable et les jeunes qui y étudient sont des artistes ; ils sont capables d’intervenir dans la rénovation de monuments. Si l’on réussissait à faire comprendre à nos jeunes qu’ils vont acquérir des compétences professionnelles qui leur permettront de gagner leur vie, on changerait vraiment le regard qu’ils portent sur les établissements professionnels. De même, il faudrait arriver à y introduire un peu de mixité sociale, ne pas en faire des endroits réservés aux enfants des classes populaires, car ils préparent à des métiers qui permettent de gagner sa vie.

Comme le dit Vincent Peillon, tous les enseignants veulent la réussite des enfants. Pour ma part, je souhaite intervenir plus particulièrement sur les sujets expliquant les difficultés que certains enfants rencontrent à l’école. Parmi ceux-là, nous travaillons sur les problèmes de santé, de l’addiction à l’obésité, et sur toutes les questions liées au handicap. À cet égard, nous avons lancé, avec Mme Marie-Arlette Carlotti, un groupe de travail sur la professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire (AVS), ces personnes qui permettent, de manière remarquable, aux enfants de vivre et d’étudier avec les autres. Il faut parvenir à systématiser ce mode de travail, en formant les enseignants pour vaincre leurs réticences et en mettant fin à la précarité du métier d’AVS. Cherchant à impulser une politique d’innovation, je constate que, ici ou là, quantité de gens font des choses extraordinaires pour remédier à l’échec scolaire. En Gironde, j’ai visité le collège Clisthène qui perdait autrefois beaucoup d’élèves car implanté dans un quartier à population très mélangée ; aujourd’hui, il applique des méthodes pédagogiques différentes et, pour les cent places qu’il propose, les candidatures sont six fois plus nombreuses. C’est bien la preuve que, même dans des quartiers dits difficiles, on peut apporter des réponses grâce à des moyens pédagogiques différents.

La lutte contre l’illettrisme devrait être une grande cause nationale, a dit quelqu’un. Cela semble important, en effet.

L’orientation, nous y travaillons avec les régions.

Nous devons aussi revoir la scolarisation en école maternelle, que le gouvernement précédent avait mise à mal, considérant que les instituteurs n’avaient pas à changer des couches. Pour notre part, nous estimons qu’un maximum d’enfants doit fréquenter l’école maternelle, c’est pourquoi il est gênant de constater qu’y vont majoritairement les enfants issus des classes moyennes. Paradoxalement, dans les zones de pauvreté, comme la Seine-Saint-Denis, les enfants sont beaucoup moins scolarisés, en particulier entre deux et trois ans. C’est pourtant eux qui y apprendraient utilement avant d’entrer à l’école primaire.

J’ai déjà dit que nous allions dresser un bilan des initiatives en matière de réussite éducative avec le ministère de la ville. Si beaucoup est entrepris dans le cadre de ces dispositifs, l’éducation nationale n’y intervient pas suffisamment comme partenaire. Elle est impliquée au niveau local mais, au niveau national, la complémentarité n’est pas suffisamment à l’œuvre.

L’abrogation du dispositif « Ciotti » va nous conduire vers autre chose. Dire que ce dispositif ne nous convient pas est une manière non pas de renoncer à travailler sur l’échec scolaire, mais d’affirmer qu’il faut s’y prendre autrement. Tout ce qui se construit autour de la loi sur la refondation en préparation et autour des rythmes scolaires a pour but d’aider nos enfants à progresser et à se sentir mieux à l’école. Nous sommes le pays où le nombre de jours d’école est le plus bas d’Europe, où les résultats ne sont pas bons et où les enfants souffrent le plus en milieu scolaire. Cela n’est pas acceptable. La refondation doit s’attacher à développer le bien-être des enfants à l’école, afin qu’ils n’y aillent pas à reculons et acquièrent le goût d’apprendre, sans se sentir jugés ni humiliés. Leur faire prendre conscience que l’école est le moyen de réussir leur vie d’homme est la mission que nous acceptons tous de remplir, dès que nous en aurons fini avec cette mauvaise idée qu’était la « loi Ciotti ».

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la ministre, pour avoir dit clairement combien le gouvernement était déterminé à lutter contre l’absentéisme scolaire par d’autres voies.

Nous reprendrons cette discussion demain matin, en examinant le rapport de notre collègue Sandrine Doucet.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen de la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 19 décembre 2012.

M. le président Patrick Bloche. Après avoir auditionné hier Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire. La proposition de loi sera examinée en séance publique le mercredi 16 janvier 2013.

Mme Sandrine Doucet, rapporteure. En proposant de supprimer le dispositif de suspension des allocations familiales et d’abroger le contrat de responsabilité parentale (CRP) en cas d’absentéisme scolaire, le texte adopté en première lecture par le Sénat s’inscrit dans le droit fil d’un choix effectué en 2004 par la précédente majorité. En effet, la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance avait déjà supprimé une sanction administrative du même type. La décision avait été prise sur la base d’une recommandation du délégué interministériel à la famille Luc Machard, qui avait jugé la sanction imparfaite et injuste, puisqu’elle pénalisait les familles de manière inégalitaire, au détriment des plus démunies.

L’examen de la présente proposition de loi s’inscrit dans un calendrier, puisque, dans quelques semaines, nous examinerons un grand texte sur la refondation de l’école, qui proposera des outils aux équipes éducatives et pédagogiques pour prévenir deux maux de notre système éducatif souvent corrélés : l’absentéisme et le décrochage scolaire. Dans ce contexte, maintenir à tout prix la « loi Ciotti », stigmatisante et inefficace, n’aurait aucun sens.

Actuellement, la suspension des allocations familiales ne peut intervenir qu’une fois constatée, au cours de deux mois différents dans une même année scolaire, l’absence d’un élève au moins quatre demi-journées dans le mois sans motif légitime ni excuse valable. La sanction n’intervient qu’en dernier recours, à l’issue d’un processus qui permet à la famille de faire connaître ses observations.

Ce dispositif, socialement orienté, est très peu opérationnel. Le 16 octobre 2003, M. Christian Jacob, alors ministre délégué à la famille, l’avait déjà signalé au Sénat : « Le droit en vigueur se caractérise par un dispositif administratif de suspension des prestations familiales, dont l’application s’est révélée à la fois inefficace et inéquitable ». Ne sont pas concernées les familles avec un seul enfant ou qui n’ont plus qu’un enfant à charge, lesquelles ne perçoivent pas d’allocations familiales. Ne le sont guère plus les familles aisées, pour lesquelles les prestations familiales ne représentent qu’une ressource minime. Autant dire que la « loi Ciotti » cible les familles les plus nombreuses et les plus pauvres.

C’est pourquoi, en juin 2010, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, présidé par M. Étienne Pinte, s’y est opposé. Par la suite, le 5 novembre 2010, le conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales a émis sur le projet de décret d’application de la loi un avis défavorable, exprimé notamment par les représentants de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).

La ministre a pointé hier soir l’inefficacité du dispositif, que confirment les chiffres du rapport. En 2010-2011, la suspension des allocations a incité l’élève à retourner à l’école dans 78 cas sur 171 et, en 2011-2012, dans 142 cas sur 649. Autrement dit, l’an dernier, le taux d’échec de la sanction est de 70 %. En outre, au plan national, le taux d’absentéisme a progressé entre 2009-2010 et 2010-2011, année de la mise en œuvre de la « loi Ciotti ».

Celle-ci était d’emblée vouée à l’échec, car elle n’explique l’absentéisme que par une défaillance de l’autorité parentale alors que ce phénomène résulte de causes multiples. La première est l’ennui ou la souffrance d’élèves qui ne disposent pas des bases nécessaires pour maîtriser les matières générales et à qui l’on fait comprendre, au collège comme au lycée, qu’ils n’ont pas leur place dans les bonnes filières. Les autres causes sont l’orientation, la violence et le harcèlement – qui, selon M. Éric Debarbieux, que nous avons auditionné il y a quelques semaines, expliquent le comportement de 20 à 25 % des élèves absentéistes – et l’environnement social et familial. Sur ces facteurs, la loi du 28 septembre 2010 n’a qu’une faible prise.

De plus, son application se heurte à des difficultés pratiques. Le dispositif n’est pas adapté aux lycées professionnels, où le taux d’absentéisme a atteint 14,8 % en 2010-2011, contre 2,6 % dans les collèges et 6,9 % dans les lycées généraux. Dans un lycée professionnel sur dix, il a dépassé 40 % en janvier 2011. Selon les témoignages recueillis par la Mission permanente d’évaluation de la politique de prévention de la délinquance, il faudrait, pour appliquer les textes à la lettre, que les proviseurs ou leurs équipes signalent parfois aux autorités académiques l’absence de la quasi-totalité des élèves, ce qui est matériellement impossible.

La proposition de loi prévoit également de supprimer le CRP, créé par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. La loi du 28 septembre 2010 avait modifié le dispositif qui encadre le contrat en supprimant la possibilité pour les présidents de conseils généraux de demander la suspension des allocations en cas d’absentéisme scolaire. La loi « Ciotti » a rendu le CRP caduc en privant les conseils généraux de toute initiative réelle en matière d’absentéisme.

Selon le ministère des affaires sociales, seuls 38 CRP ont été signés entre 2006 et 2010, 194 en 2010 et 174 en 2011, mais l’écrasante majorité – 184 en 2010 et 165 en 2011 – l’ont été dans les Alpes-Maritimes. D’où vient ce particularisme local ? En novembre 2011, la Mission permanente d’évaluation de la politique de prévention de la délinquance, qui a examiné la situation dans ce département, a mis en avant – page 39 de son rapport – « la difficulté d’évaluer l’impact réel » des CRP, puisqu’il n’a pas été possible de formuler la moindre appréciation positive ou négative sur un grand nombre d’entre eux.

La proposition de loi, qui supprime deux dispositifs, préserve à juste titre la procédure d’avertissement et de rappel à la loi des parents d’élèves absentéistes. Le directeur administratif des services de l’éducation nationale, saisi par le chef d’établissement qui aura constaté l’absentéisme d’un élève, pourra toujours adresser un avertissement aux parents après les avoir mis en mesure de présenter leurs observations. La proposition de loi laisse également intactes les dispositions du code pénal sanctionnant les manquements à l’obligation scolaire.

En revanche, elle prévoit une nouvelle procédure d’accompagnement des parents, centrée sur l’établissement et contractualisée. Celle-ci permettra de guider les personnes responsables de l’élève, avec l’aide des membres concernés de la communauté éducative, vers le dispositif de soutien le plus approprié et de désigner un personnel d’éducation référent pour suivre les mesures mises en œuvre.

Je vous invite à adopter sans modification la proposition de loi, afin de tourner le plus rapidement possible la page des réponses univoques apportées par la « loi Ciotti » aux questions complexes que pose l’absentéisme scolaire.

M. Stéphane Travert. Le groupe SRC, qui considère l’école comme le ferment de la République, le lieu d’apprentissage du vivre-ensemble et le fondement du pacte républicain, soutient la proposition de loi.

La « loi Ciotti » ne s’attaque pas aux causes profondes de l’absentéisme, point de départ du décrochage scolaire, qui entraîne les difficultés d’insertion dans la société et le monde du travail. Poursuivant une logique sécuritaire, l’ancien gouvernement a proposé un dispositif inefficace. Celui-ci intervient trop tard, en proposant une sanction inadaptée, qui n’établit aucune distinction entre les différentes causes d’absentéisme. Ce dispositif est appliqué de manière hétérogène sur l’ensemble du territoire, ce qui n’est pas équitable, et l’amalgame qu’il propose entre absentéisme et délinquance ne débouche sur aucune solution.

L’absentéisme étant un problème tant scolaire que social, on ne peut le traiter qu’en restaurant le dialogue et la coresponsabilité des parents et des enseignants, grâce à des actions ciblées. Pour y parvenir, il faut concentrer des moyens sur l’éducation prioritaire, mettre l’accent sur l’école primaire en renforçant les apprentissages et le travail en petit groupe afin de déceler les difficultés des enfants et les décrochages précoces. Il faut surtout substituer des aides aux sanctions. Les premières doivent intervenir rapidement et les avertissements doivent être envoyés dès le premier signalement, afin d’enclencher les dispositifs d’alerte. Tous les acteurs seront ainsi mobilisés au plus tôt pour apporter leur soutien aux parents. Quant aux sanctions, elles doivent être justes.

Pour assurer l’égalité entre les enfants, le système scolaire doit combler certains déficits, en proposant plus de soutien dans les lycées professionnels et les quartiers populaires. La réussite du plus grand nombre s’obtient non par la sanction mais par le dialogue, la formation des maîtres et les réseaux d’aide, qui permettent de lutter contre l’absentéisme et de porter haut le projet personnel de chaque élève. La proposition de loi sénatoriale fait confiance à l’école, aux élèves et aux partenaires éducatifs, en évitant de stigmatiser des familles fragilisées.

L’école est le creuset de la République. Pour que chaque élève, quelle que soit son origine sociale, soit aidé et pris en charge dès les premières difficultés, le dialogue et l’écoute sont plus que jamais nécessaires. Le pacte républicain et l’école du respect sont fondés non sur un système répressif mais sur la volonté de former des citoyens. Telle est l’ambition que nous portons pour un système éducatif puissant, garant de l’égalité des chances.

Mme Virginie Duby-Muller. Faut-il rappeler les chiffres du ministère ? En 2011-2012, la « loi Ciotti » a conduit à près de 80 000 signalements, à 60 000 avertissements, à 22 000 seconds signalements, à 1 400 demandes de suspensions des allocations familiales, à 619 suspensions effectives et à 142 rétablissements des allocations. En somme, 79 858 jeunes sur 80 000 ont retrouvé le chemin de l’école. Peut-on mieux prouver la pertinence du dispositif ? L’audition de la ministre déléguée chargée de la réussite éducative ne nous ayant pas convaincus, j’ai demandé, par une question écrite à son ministre de tutelle, la publication immédiate du rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) sur l’efficacité de la « loi Ciotti ».

Celle-ci prévoit qu’on informe les parents, auxquels on présente, lors de l’inscription de leur enfant, le projet d’école et le règlement intérieur, afin que l’établissement noue avec eux une relation de confiance. Autant dire que l’amendement déposé sur la proposition de loi est satisfait.

L’absentéisme scolaire demande une prise en charge rapide et de proximité. Ce n’est pas en multipliant les acteurs ou les rapports écrits qu’on aidera les familles, qui sont déjà orientées vers les systèmes intérieurs ou extérieurs au système éducatif à même de les aider.

La majorité actuelle détricote les lois votées par la précédente. Elle s’attaque à des symboles, au lieu de mener, comme elle l’avait annoncé, des réformes d’envergure dans un esprit de concertation. Nous n’acceptons pas qu’elle abroge – pour des raisons purement idéologiques – la loi de 2010, qui visait simplement à responsabiliser les parents.

Mme Barbara Pompili. L’absentéisme, qui débute dès l’école primaire et s’amplifie avec l’âge, est souvent lié au décrochage scolaire. À l’heure où le chômage renforce la compétition entre les candidats et où la course aux diplômes reste de mise, il compromet l’entrée dans le monde du travail, voire l’insertion dans la société. Il est donc logique que la majorité souhaite le combattre.

La première étape est d’abroger une disposition qui aggrave le phénomène au lieu de le combattre. En sanctionnant la famille des jeunes en difficulté, la « loi Ciotti » pénalise les plus fragiles. Au lieu de s’attaquer aux difficultés d’apprentissage – redoublement, orientation non choisie, évaluation par la notation qui décourage les élèves en difficulté – ou aux problèmes sociaux et familiaux à l’origine du problème – chômage, rupture, violence, conflit –, elle accroît la précarité des familles en difficulté. L’ancienne majorité a fait de la lutte contre l’absentéisme un instrument de prévention de la délinquance, au lieu de l’inscrire dans une politique éducative. Je me réjouis qu’on nous propose d’abroger une loi qui s’est avérée inefficace et socialement injuste.

Reste à mettre en place une politique éducative et sociale pour lutter contre l’absentéisme et l’échec scolaire. La refondation de l’école doit être ambitieuse. S’il faut d’abord revoir les rythmes scolaires, il faut aussi repenser notre système d’évaluation et de notation, qui prône la compétition, et faire de l’élève un acteur de l’orientation. La pédagogie doit remettre l’enfant au cœur des préoccupations. L’école doit s’ouvrir sur l’extérieur, en multipliant les liens avec les acteurs associatifs locaux, les artistes, les collectivités et les parents. Ces derniers ne seront plus des observateurs extérieurs. La lutte contre l’absentéisme et l’échec scolaire passe par leur implication. Nous demandons d’ailleurs la création d’un statut de parents délégués.

Nous soutenons l’abrogation de la « loi Ciotti », ainsi que la nouvelle approche du gouvernement, globale et ambitieuse, qui doit favoriser l’accompagnement personnalisé des élèves en difficulté. Chacun doit trouver sa place à l’école, qui ne doit plus être un lieu d’exclusion.

Mme Annie Genevard. Contrairement à ce qui vient d’être dit, la « loi Ciotti » vise non à supprimer les allocations familiales mais à les suspendre pour responsabiliser les parents. Pour appuyer leur démonstration, la majorité cite une évaluation partisane. Il est vrai que les collectivités n’ont pas toujours joué le jeu : celles qui pointent l’inefficacité du dispositif ont largement contribué à sa non-application.

Nos collègues veulent impliquer davantage la communauté éducative, mais la collégialité nuira au traitement d’un problème complexe. La « loi Ciotti » prévoit la communication d’informations aux maires, interlocuteurs de premier niveau pour les questions éducatives. Quant aux chefs d’établissement, ils sont associés aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, où l’on pose la question de l’absentéisme, qui peut être une première manifestation de décrochage scolaire et social. Je regrette que la future loi exclue les maires, c’est-à-dire des élus, au profit des services des communes et les prive d’informations indispensables pour connaître la situation des établissements situés sur leur territoire. Envisage-t-on d’associer les maires, les communes et les conseillers généraux au traitement de l’absentéisme scolaire ?

M. Thierry Braillard. Je fais miens les propos de M. Stéphane Travert sur l’école de la République, qui est un des plus sûrs vecteurs de mobilité sociale. Tel est un des principaux enjeux de la loi d’orientation et de programmation que nous discuterons ultérieurement. La « loi Ciotti » s’intègre à un dispositif répressif qui traite l’écolier absent comme un délinquant. En outre, elle est discriminatoire : toutes les familles ne peuvent être sanctionnées de la même façon puisque celles qui n’ont qu’un seul enfant ne perçoivent pas d’allocations familiales. Parce que notre conception de la politique ne consiste pas à rendre les pauvres encore plus pauvres, nous souhaitons l’abrogation de cette mauvaise loi.

Mme Marie-George Buffet. Je félicite Mme Sandrine Doucet pour son rapport précis et convaincant. La « loi Ciotti », qui, fidèle à la politique menée ces dernières années, stigmatise les familles, est inefficace. L’absentéisme, dont les causes sont multiples – les unes tiennent au système scolaire, d’autres à la situation des familles –, appelle des réponses éducatives et sociales.

La réussite pour tous passe par la refondation de l’école. Il faut accueillir les enfants dès deux ans, revisiter les programmes de la maternelle, revoir et retarder l’orientation, donner une meilleure visibilité aux filières professionnelles, principalement touchées par l’absentéisme, et renforcer dans les établissements la présence des personnels adultes qualifiés, comme les infirmières ou les psychologues.

Par ailleurs, il faut améliorer la situation des familles et leur permettre un dialogue permanent avec l’équipe éducative. Quand on stigmatise les parents, je pense à ces femmes que le SAMU social place dans des hôtels de la région parisienne, et qui empruntent chaque jour les transports en commun pour emmener leurs enfants à l’école de leur ville d’origine parce qu’elles tiennent absolument à les scolariser. Leurs enfants méritent l’école de la réussite.

Tournons la page de la « loi Ciotti » pour refonder l’école sur de meilleures bases.

M. Michel Ménard. Mme Sandrine Doucet a parfaitement montré l’inefficacité de la « loi Ciotti », qui, loin de lutter contre l’absentéisme, éloigne de l’école des familles déjà méfiantes envers l’institution scolaire.

Notre but n’est pas de détricoter la législation existante, mais d’accompagner davantage les parents et d’aider les élèves en échec scolaire par le tutorat et la mise en place d’une cellule de veille éducative pluridisciplinaire. La proposition de loi n’est que le premier pas d’une amélioration globale du système éducatif.

Mme Julia Sommaruga. Je soutiens la suppression de la « loi Ciotti », à la fois injuste, puisqu’elle précarise les familles les plus fragiles, et contre-productive, puisqu’elle braque les parents dont elle sape l’autorité. En outre, elle ne peut être appliquée sans une dénonciation, ce qui pose un problème éthique.

Hier, lors de son audition, Mme la ministre a proposé des pistes concrètes pour lutter contre l’absentéisme et le décrochage scolaire, comme celle qui consiste à travailler autour de la parentalité, particulièrement dans les quartiers populaires. D’autres réponses éducatives consistent à favoriser le dialogue, l’écoute, le respect et l’anticipation des difficultés. Cette manière de s’attaquer aux racines du problème correspond parfaitement à l’esprit de la refondation de l’école conduite par le gouvernement.

M. Patrick Hetzel. Pour pouvoir légiférer sur un sujet, il faut d’abord évaluer les dispositifs existants. Le Parlement ne s’honorerait pas en abrogeant sans aucune étude d’impact un texte voté il y a à peine deux ans.

L’absentéisme, signe avant-coureur du décrochage scolaire, mérite mieux que cette proposition de loi élaborée de manière précipitée, sous une injonction politique démagogique et déconnectée du terrain, dont l’adoption ne rendra service ni aux familles ni aux enfants.

M. William Dumas. Il est temps d’améliorer notre système scolaire auquel le précédent gouvernement a porté quelques mauvais coups. La « loi Ciotti » n’était pas faite pour lutter contre l’absentéisme.

Quand des parents souffrent du comportement de leurs enfants, ce n’est pas en les sanctionnant qu’on règle leur problème. Seuls le dialogue et l’écoute sont efficaces : il faut épauler les familles au lieu de les stigmatiser. En tant que maire, je rencontre beaucoup de femmes qui élèvent seules leurs enfants : la loi actuelle les expose à une double peine, à laquelle il faut absolument mettre fin.

Mme Dominique Nachury. Quand on propose d’abroger une loi, il faut aussi annoncer des mesures positives. Quelles solutions concrètes la majorité envisage-t-elle pour l’éducation nationale et quelles politiques sociales entend-elle mener ?

Il est essentiel que les familles prennent conscience de ce qu’est l’absentéisme. Il faut en outre assurer une coordination entre les différents intervenants.

Enfin, quel est le lien entre le texte proposé et le dispositif de mise sous tutelle des prestations familiales ?

Mme Sophie Dessus. Plutôt que de développer des arguments, je vais vous raconter une fable. À l’approche de Noël, un peu d’irrationalité ne nuit pas. Il fut un temps où les commissions départementales relatives au RSA traitaient au cas par cas bien des problèmes de société, parfois liés à l’absentéisme scolaire. Un jour, la commission, que je présidais, a invité une mère à expliquer les causes des absences répétées de son fils. L’ayant entendue, nous l’avons menacée de lui supprimer les allocations familiales. Ce n’était pas brillant. Pourtant, en ces temps lointains, où la « loi Ciotti » n’était pas encore imaginée, j’étais déjà au parti socialiste. Mea culpa !

Le châtiment fut immédiat. La mère, qui faisait partie des gens du voyage, a planté son regard noir dans le mien et m’a maudite jusqu’à la septième génération. Si je n’ai pas encore observé les effets de cette imprécation – je n’en suis qu’à la seconde génération –, je me suis tout de même promis que je ne recommencerais pas !

M. Claude Sturni. Quand nos collègues socialistes répètent qu’il faut rapidement tourner la page et abroger un texte d’emblée voué à l’échec, ils ne se soucient ni des faits ni des chiffres. À quoi leur servirait une évaluation ? Leur seul but est de remettre en cause un texte qu’ils avaient combattu !

Ce n’est pas ainsi que j’imagine le travail parlementaire. À mon sens, nous devons disposer d’éléments objectifs, même si nous divergeons sur leur interprétation.

À quoi rime cette précipitation, puisque nous devons examiner dans quelques semaines un grand texte sur la refondation de l’école ?

M. Pascal Deguilhem. Que nos collègues de droite se rassurent : nous ne détricotons pas grand-chose, car ils n’étaient pas très nombreux à soutenir ce texte, lorsqu’il est passé en force, parce que l’ambiance était alors au tout-répressif ! Des réticences s’étaient élevées parmi eux à l’égard d’un dispositif inégalitaire.

On nous reproche l’absence d’étude d’impact, mais pourquoi les législateurs n’abrogeraient-ils pas un texte qui heurte leurs idéaux et leur volonté de lutter contre les inégalités ? C’est tout à leur honneur ! Dans notre système éducatif, la sanction n’existe que pour résoudre un problème. Si la suppression des allocations ne réduit pas l’absentéisme, à quoi bon s’obstiner et réclamer des chiffres ? Le ministre proposera prochainement des outils efficaces pour limiter les inégalités.

M. Guénhaël Huet. Contrairement à M. Pascal Deguilhem, je ne réduis pas le débat à une opposition entre la droite et la gauche. L’absentéisme est un fléau face auquel les parents ont démissionné. La « loi Ciotti », qui ne réglait pas tout – quel texte est parfait ? –, visait au moins à les remettre face à leurs responsabilités. L’abroger pour des raisons idéologiques ou démagogiques, avant même qu’elle ait été évaluée, ne va pas dans le bon sens.

M. Yves Durand. La droite n’a que les mots de précipitation et de responsabilité à la bouche. Mais c’est dans la précipitation qu’elle avait voté la « loi Ciotti », au lendemain d’élections où le Front national avait pris des voix à l’UMP. Ce texte visait non à régler le problème de l’absentéisme scolaire, mais à mordre sur l’électorat de l’extrême droite.

Pour ce qui est de la responsabilité, je citerai un exemple. Je connais dans ma commune une femme qui élève seule un gamin de quatorze ou quinze ans. Elle se lève à cinq heures du matin et part de chez elle avant qu’il se lève. S’il ne va pas à l’école, la pénalisera-t-on financièrement, alors qu’elle ne touche même pas le SMIC ? Comme responsabilisation, on fait mieux !

M. François de Mazières. La « loi Ciotti » a une valeur symbolique. Quand des parents n’assument plus leurs responsabilités, est-il normal qu’ils continuent à bénéficier des avantages financiers accordés par la société ? Nous pourrions tous citer certains cas ; Mme Sophie Dessus l’a fait tout à l’heure.

Vous voulez supprimer ce texte pour des raisons idéologiques à l’heure où la société peine à maintenir une certaine exigence en matière de formation. Mieux vaudrait attendre son bilan avant de le supprimer. Je rappelle qu’aux termes de la loi, le retrait des allocations n’est ni automatique ni immédiat ; il intervient à la fin d’un long processus et ne se produit pas quand les parents rencontrent de grandes difficultés matérielles. La ministre a parlé hier de 600 retraits : c’est dire que la réalité ne correspond pas à la caricature que vous présentez.

Mme Martine Martinel. Depuis le début de la législature, certains voudraient faire du terme idéologie un gros mot, alors qu’il s’agit d’un mot noble, qu’il n’y a pas lieu de bannir de nos discussions.

Par ailleurs, je trouve indécent de mettre en balance l’argent et la responsabilité. Les allocations familiales ne servent pas à rétribuer les parents qui mettent leurs enfants à l’école. La responsabilisation des parents, avant tout morale, excède la question financière. D’ailleurs, les familles dont les enfants décrochent ne sont pas toutes pauvres. Autant de clichés dont nous devons nous débarrasser. Enfin, n’oublions pas la précipitation avec laquelle M. Éric Ciotti avait élaboré son texte ni les hésitations qu’il avait suscitées dans son propre camp, qui jugeait cette loi brutale et peu sensée.

M. Michel Pouzol. Monsieur de Mazières, les politiques publiques de soutien aux familles ne sont pas des « avantages financiers accordés par la société ». Tenir de tels propos ici, à l’Assemblée nationale, est scandaleux.

Il était certes commode de stigmatiser les parents, de chercher des coupables plutôt que de trouver des solutions, ainsi que l’ancienne majorité en avait l’habitude. En réalité, l’absentéisme scolaire a des sources multiples. Le mode de vie des familles en est une : avec le travail du dimanche ou les horaires décalés, les parents sont moins présents auprès des enfants. Et pourtant, cette situation ne produit pas systématiquement l’absentéisme scolaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que la structure de notre école, l’accueil et l’orientation qu’elle offre aux enfants sont aussi en cause. Plutôt que d’y réfléchir, on a supprimé des postes d’enseignants et d’accompagnants dans les écoles et les collèges, ce qui ne favorise pas la lutte contre l’absentéisme ! Vous avez cherché des coupables, vous ne les avez pas trouvés : il est de notre devoir de supprimer une loi inefficace, inutile et injuste.

M. Vincent Feltesse. Sur ce sujet complexe, l’échec est national et collectif. Il est lié à la massification, même si la dégradation de l’éducation en France s’est encore accélérée au cours des dernières années. La « loi Ciotti » – adoptée, rappelons-le, dans des conditions bien particulières – atteste toutefois de la différence d’approche qui sépare la droite et la gauche. Nous ne sommes pas laxistes. Ces difficultés, nombre d’entre nous y ont été confrontés comme maires. Mais ce n’est ni en stigmatisant les parents ni en cherchant des boucs émissaires que l’on parviendra à les résoudre.

Alors que, des années durant, la droite nous a fait le coup de la fraude aux prestations sociales, la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté a montré la semaine dernière que des centaines de milliers de Français n’ont pas accès aux droits sociaux car ils ne sont pas assez informés ! Nous ne sommes pas naïfs, nous sommes réalistes. Le texte idéologique, c’était le vôtre. Nous, nous revenons au bon sens !

M. Ary Chalus. Lorsque j’entends dire que les parents n’assument pas leurs responsabilités, je me sens concerné. Ces enfants, ce sont aussi les nôtres. Nous avons démissionné, nous n’avons pas fait ce qu’il fallait pour que les familles continuent de se montrer responsables. Ce n’est pas par la sanction que l’on résoudra ce problème, mais en intéressant, en motivant, en encourageant, en accompagnant les familles. Ainsi, à la suite des états généraux de la jeunesse que j’ai organisés en 2009 dans ma commune et au cours desquels nous avons auditionné plus de mille jeunes, la délinquance a nettement diminué : il n’y a pas eu un seul crime de sang en trois ans. Ces mêmes jeunes accomplissent aujourd’hui un travail essentiel au sein des établissements scolaires.

N’oublions pas non plus le rôle des personnels communaux chargé de l’entretien et de l’animation dans les écoles. Dans de nombreux établissements, ils ne sont pas formés pour accompagner les enfants, ce qui peut nourrir l’absentéisme de ces derniers.

M. Patrick Hetzel.  La majorité récuse le terme d’« idéologie » au profit de celui d’« idéaux », ainsi que l’a dit M. Pascal Deguilhem. Mais qu’est-ce qu’un système idéologique sinon un système de valeurs ? Or, de toute évidence, nous nous opposons sur les valeurs. Tout en vous défendant d’être caricaturaux, vous caricaturez notre position. En réalité, comme l’a dit M. François de Mazières, dans le dispositif « Ciotti », la suppression des allocations ne devait intervenir qu’en dernier lieu, après l’échec des tentatives du principal de collège pour contacter les familles. Selon les informations dont nous disposons, elle n’est pas mise en œuvre dans les situations sociales extrêmes auxquelles vous faites référence, mais essentiellement lorsque les parents ne viennent pas rencontrer les équipes pédagogiques et le principal.

J’en appelle à nos responsabilités à tous : ne s’agit-il pas d’un problème de fond ? Je suis prêt à parier que le bilan du texte que vous proposez ne sera pas meilleur.

Il est un point au moins sur lequel j’approuve le rapport de Mme Sandrine Doucet : la situation est extrêmement complexe. Pour cette raison, la caricature, dans quelque sens qu’elle aille, ne rend pas service à nos concitoyens.

M. Yves Durand. Vous oubliez, monsieur Hetzel, que la suspension – voire la suppression – des allocations familiales pour manquement à l’obligation scolaire a existé avant la loi Ciotti. Ce qui prouve que cette loi poursuivait un tout autre but que la lutte contre l’absentéisme scolaire.

Mme la rapporteure. Est-il pertinent de supprimer la « loi Ciotti » ? Pour 80 000 élèves signalés comme absentéistes l’année dernière, la suspension effective des allocations familiales a concerné 142 jeunes, soit un rapport d’environ 0,78 % ! Cela en dit long sur les limites du système et montre que ce sont les autres moyens employés, fondés sur le dialogue entre les familles et l’institution scolaire dès le signalement, qui ont été efficaces.

Rappelons que le gouvernement Raffarin avait déjà dressé ce bilan à la suite du rapport Machard, publié en 2003. Quant au cas particulier des Alpes-Maritimes, je vous laisse le soin de l’étudier de plus près.

Par ailleurs, le règlement intérieur a toujours été présenté aux parents. Issu non de la loi, mais des décrets d’application et des circulaires, il est voté par les conseils d’administration des établissements scolaires. Il est aussi présenté aux élèves.

Dans le cadre de la politique que nous proposons, l’élève, interface entre l’école et la famille, est en effet le principal intéressé. Tel sera le sens de la loi sur la refondation de l’école. Voilà qui répond en partie à votre interrogation sur ce qui remplacera la « loi Ciotti ». À ce sujet, je vous renvoie également aux recommandations de la concertation sur la refondation de l’école pour lutter contre le décrochage : relever de 16 à 18 ans l’âge en deçà duquel aucun jeune ne doit être laissé sans solution ; garantir un droit d’accès à la qualification et un « droit au retour » effectif à ceux qui ont interrompu leurs études ; instituer un service public régional de l’orientation afin de mettre en réseau les différents dispositifs existants.

Enfin, nous souhaitons un contrat associant, autour de l’élève, sa famille et tous les partenaires éducatifs, et nous projetons d’instituer à l’école un enseignant référent qui servirait de tuteur à l’élève et ne serait pas nécessairement le professeur principal : la loi sur la refondation de l’école inclura des dispositions relatives au tutorat dans les établissements.

Je vous rappelle que les maires continueront de recevoir une information étendue sur le suivi de l’obligation scolaire, notamment à partir des données personnelles qui peuvent leur être communiquées par les organismes chargés du versement des prestations familiales. Vous pleurez sur le manque d’information des communes alors que vous n’avez pas hésité à supprimer les moyens d’action dévolus aux présidents de conseils généraux!

En ce qui concerne la mise sous tutelle des allocations familiales, elle est toujours prévue par le code civil. Le lien sera assuré par les autorités de l’éducation nationale – autour de laquelle nous recentrons le dispositif.

La suppression des allocations familiales est sans effet sur la responsabilisation des parents. Le rapport Machard le disait dès 2003. En revanche, comme leur nom l’indique, les allocations familiales, versées à partir du deuxième enfant, ne sont pas destinées aux parents mais à la famille : en les supprimant, c’est, au final, une fratrie que l’on punit. Je rappelle enfin que chaque fois que des mesures ont sanctionné les familles en touchant à leurs allocations familiales, les collectivités et les organismes ont renâclé soit à transmettre l’information, soit à appliquer la loi.

III.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique

Abrogation des dispositifs de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire et du contrat de responsabilité parentale

Cet article a un triple objet : abroger le dispositif de suspension des allocations familiales institué par la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010, ainsi que celui du contrat de responsabilité parentale mis en place par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, et créer une nouvelle procédure d’accompagnement des parents en cas d’absentéisme scolaire.

1. L’abrogation du mécanisme de suspension des allocations familiales et la nouvelle procédure d’accompagnement des parents en cas d’absentéisme scolaire

Le I modifie trois articles du code de l’éducation afin d’abroger le régime de suspension des allocations familiales des personnes responsables des élèves absentéistes et d’instituer une procédure d’accompagnement de ces mêmes personnes.

Ÿ À l’article L. 131-6 de ce code, qui permet au maire de mettre en œuvre un traitement automatisé où sont enregistrées les données relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, il prévoit de supprimer deux références à l’article L. 131-8 du même code relatives à la transmission d’informations sur les mesures prises au titre du dispositif de suspension des allocations familiales.

Cette suppression se justifie dans la mesure où la proposition de loi prévoit d’abroger, à l’article L. 131-8 du même code, ce dispositif, ainsi que la communication au maire de la liste nominative des élèves dont les parents ont reçu, dans ce cadre, un avertissement. Il s’agit donc d’une disposition de coordination.

Les maires continueront, toutefois, à bénéficier d’une information étendue sur le suivi de l’obligation scolaire. En effet, ils seront toujours autorisés à mettre en œuvre le traitement automatisé enregistrant les données relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune prévu par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Il convient de rappeler que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a jugé qu’un tel fichier était compatible avec les exigences fixées par la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 :

– d’une part, dans son avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, la CNIL a relevé que « la constitution par le maire d’un traitement automatisé de données à caractère personnel afin de recenser les enfants résidant dans sa commune soumis à l’obligation scolaire et d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire s’inscrit dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par les articles L. 131-6 et R. 131-3 du code de l’éducation ». Rappelons en effet qu’aux termes de l’article 131-6 du code, le maire est tenu, chaque année, à la rentrée scolaire, de dresser « la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire » ;

– d’autre part, ce traitement automatisé n’est pas obligatoire.

Après l’adoption de la présente proposition de loi, certaines données pourront toujours être enregistrées dans ce traitement :

– les données communiquées au maire par les organismes chargés du versement des prestations familiales, qui concernent l’identité de l’ensemble des enfants en âge scolaire résidant sur le territoire de la commune et donnent droit à l’ouverture de prestations familiales, dont le versement est conditionné à la production d’un certificat de scolarité. En effet, cette information est donnée dans le cadre du respect de l’obligation scolaire et non pas du respect de l’assiduité ;

– les données transmises au maire par le directeur de l’école ou le chef d’établissement en cas d’exclusion temporaire ou définitive ou en cas d’abandon en cours d’année scolaire. Cette information peut en effet être considérée comme utile à la mise en œuvre, par le maire, de l’accompagnement social nécessaire à la réinsertion de l’élève ainsi exclu.

En revanche, ce traitement ne pourra plus comprendre :

– les données transmises par l’inspecteur d’académie, devenu depuis janvier 2012 directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), lorsque celui-ci prononcera un avertissement en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation, c’est-à-dire quand un élève a manqué la classe sans motif légitime plus de quatre demi-journées dans le mois ;

– les données sur les élèves absentéistes transmises par le directeur de l’école ou le chef d’établissement.

Ÿ À l’article L. 138-1 du code de l’éducation, trois modifications, dont une coordination, sont proposées.

Avant de les présenter, il convient de noter, au préalable, que les deux premiers alinéas de cet article ne seront pas modifiés par la présente proposition de loi.

Par conséquent, il sera toujours fait obligation aux personnes responsables d’un élève, lorsque ce dernier manque momentanément la classe, de faire connaître, sans délai, au directeur de l’établissement d’enseignement les motifs de cette absence, tandis que la liste des motifs réputés légitimes établie par la loi restera inchangée.

Aux termes de l’article L. 131-8 du code de l’éducation, issu de la loi du 28 mars 1882, sont réputés légitimes les motifs suivants : « maladie de l’enfant, maladie transmissible ou contagieuse d’un membre de la famille, réunion solennelle de famille, empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications, absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent », les autres motifs étant appréciés par « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation », à savoir le DASEN.

La direction des affaires juridiques du ministère de l’éducation nationale estime, pour sa part, qu’en droit, peuvent seuls justifier l’absence de l’élève des motifs médicaux, des événements imprévisibles indépendants de la volonté des parents tels qu’un accident ou un décès, ou des considérations d’intérêt général, comme la protection de la santé publique en cas de maladie contagieuse.

Quant aux modifications prévues par la présente proposition de loi, elles appellent les commentaires suivants.

1° La procédure d’avertissement des parents d’un élève absentéiste est modifiée sur un point précis et non dans son principe.

Par conséquent, lorsque, malgré l’invitation du directeur de l’établissement d’enseignement, les personnes responsables de l’enfant n’auront pas fait connaître les motifs de son absence ou qu’elles ont donné des motifs d’absence inexacts et lorsque l’enfant a manqué la classe sans motif légitime ni excuses valables au moins quatre demi-journées dans le mois, le chef d’établissement ou le directeur d’école devra toujours saisir le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) afin qu’il adresse un avertissement à ces personnes, leur rappelant les sanctions applicables et les informant sur les dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.

Ppar coordination avec l’abrogation proposée du mécanisme de suspension des allocations familiales, la présente proposition de loi prévoit de supprimer la référence aux sanctions « administratives ». L’article 138-1 du code, ainsi modifié, ne mentionnera plus que les sanctions pénales, destinées à être rappelées aux personnes responsables de l’enfant absentéiste.

Ces sanctions, qui ne sont pas modifiées par le texte soumis à l’examen de notre assemblée, correspondent :

– à une contravention réprimant le fait de ne pas imposer à un enfant l’obligation d’assiduité scolaire, après avertissement du DASEN, et punie par une amende pouvant aller jusqu’à 750 euros ;

– à un délit réprimant le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur. Cette infraction est assimilée à un abandon de famille au sens de l’article 373 du code civil ; elle est punie par deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

2° À l’article L. 131-8 du code, la présente proposition de loi prévoit de supprimer les six alinéas qui constituent le cœur du dispositif issu de la « loi Ciotti ». Seront ainsi supprimés :

– la saisine du président du conseil général par le DASEN au sujet du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale ;

– la communication au maire, par le DASEN, de la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un tel avertissement a été notifié ;

– l’enregistrement des informations sur les élèves absents communiquées au maire dans le traitement informatisé prévu à l’article L. 136-1 du code ;

– en cas de nouvelle absence d’au moins quatre demi-journées scolaires au cours d’un mois dans l’année scolaire, sans motif légitime ou excuses valables, l’obligation faite au DASEN de saisir la caisse d’allocations familiales en vue de la suspension de la part d’allocations familiales liée à l’élève absentéiste ;

– la réversibilité de la mesure de suspension décidée au premier mois de scolarisation durant lequel aucun absentéisme n’a été constaté ;

– la rétroactivité du rétablissement du versement des allocations familiales et la suppression des allocations suspendues si l’élève demeure absent sans justification pendant quatre nouvelles demi-journées.

3° Formellement, la suppression du mécanisme de suspension des allocations familiales résultera du remplacement de ces six alinéas par un alinéa prévoyant une nouvelle méthode de traitement de l’absentéisme scolaire.

Ainsi que cela a déjà été indiqué, le dispositif proposé vise, en cas de persistance du défaut d’assiduité, à permettre au directeur de l’établissement d’enseignement de réunir les membres concernés de la communauté éducative, afin de proposer aux personnes responsables de l’enfant une aide et un accompagnement adaptés et contractualisés avec celles-ci.

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 111-3 du code de l’éducation, la communauté éducative comprend « les personnels des écoles et établissements, les parents d’élèves, les collectivités territoriales ainsi que les acteurs institutionnels, économiques et sociaux, associés au service public de l’éducation ». Elle peut donc réunir les personnels de direction, les enseignants, les conseillers principaux d’éducation, les infirmières et médecins scolaires, les psychologues et assistantes sociales, les parents d’élèves, les conseils généraux compétents en matière d’orientation professionnelle et les services de la commune de résidence et des caisses d’allocations familiales.

La procédure proposée, qui ne créera pas de structure nouvelle, permettra de réunir les personnels et les partenaires de l’école ou de l’établissement les mieux placés pour « décrypter » les causes de l’absentéisme et proposer, à la famille concernée, des solutions adaptées. Ainsi, les parents pourront être « aiguillés » de la manière la plus pertinente qui soit : pour reprendre le commentaire du rapporteur du Sénat, « s’il s’agit avant tout d’un problème pédagogique ou éducatif, des solutions lui seront proposées dans l’établissement. S’il s’agit d’un problème d'orientation, notamment dans la voie professionnelle, la coordination avec le président de conseil régional et le rectorat au niveau du bassin d’éducation permettra d’envisager un accompagnement de l’élève, un transfert ou une passerelle. S’il s’agit d'un problème social et familial, les services du conseil général et les CAF interviendront pour guider la famille vers des Réseaux d’écoute, d’appui et d'accompagnement des parents (Réaap), des groupes de paroles ou de médiation familiale par exemple » (37).

En outre, un enseignant référent sera désigné pour suivre les mesures mises en œuvre au sein de l’établissement, cette disposition faisant écho à une proposition formulée par le Président de la République, en clôture de la concertation sur la refondation de l’école, pour lutter contre l’absentéisme dans les collèges et lycées professionnels.

Ÿ Enfin, à l’article L. 131-9 du code de l’éducation, il est proposé de modifier le dernier alinéa prévoyant que le DASEN saisit le procureur de la République des faits constitutifs d’infraction aux dispositions sur l’obligation scolaire afin de supprimer la précision selon laquelle cette saisine n’a pas lieu lorsque l’autorité académique a sollicité du président du conseil général la mise en œuvre d’un contrat de responsabilité parentale. Il n’y a pas lieu, en effet, de prévoir une telle exception puisqu’elle se réfère à une procédure qu’il est prévu de supprimer.

2. L’abrogation du contrat de responsabilité parentale

Le II propose de modifier le code de l’action sociale et des familles sur deux points.

Ÿ D’une part, il prévoit d’abroger l’article L. 222-4-1 qui régit les contrats de responsabilité parentale (CRP).

Issu de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances et modifié par la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, ce mécanisme est proposé par le président du conseil général aux parents ou représentants légaux d’un mineur dans les cas suivants :

– lorsque l’enfant a fait l’objet d’un avertissement de la part du DASEN pour des cas avérés d’absentéisme scolaire. Dans cette hypothèse, ce dernier saisit le président du conseil général en vue de proposer aux parents de l’enfant la signature d’un CRP ;

– en cas de trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire, de prise en charge d’un mineur de treize ans soumis à une interdiction de circuler ou de stationner sur la voie publique non accompagné entre 23 heures et 6 heures ou de toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale. Le contrat est alors proposé aux parents par le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine du DASEN, du chef d’établissement d’enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet ;

– lorsqu’un mineur a fait l’objet d’une mesure alternative aux poursuites ou d’une condamnation définitive pour une infraction signalée par le procureur de la République au président du conseil général et lorsque cette infraction révèle une carence de l’autorité parentale.

Par ailleurs, le CRP doit rappeler les obligations des titulaires de l’autorité parentale et comporter toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation constatée. En outre, lorsque le président du conseil général constate que les parents n’ont pas respecté les obligations qui leur incombent ou lorsque le contrat, sauf motif légitime, n’a pu être signé de leur fait, il peut demander au directeur de la caisse d’allocations familiales la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l’enfant, saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou saisir l’autorité judiciaire pour qu’il soit fait application des dispositions de l’article 375-9-1 du code civil. Ce dernier article permet en effet au juge pour enfant d’ordonner que tout ou partie des allocations familiales soit versées à un « délégué aux prestations familiales », chargé de prendre toutes décisions pour répondre aux besoins liés à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants.

Ÿ D’autre part, il est proposé de supprimer une disposition introduite par la loi précitée du 28 septembre 2010 à l’article L. 262-3 du même code qui prévoit que la part des allocations familiales suspendue pour cause d’absentéisme scolaire demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active (RSA).

L’objectif alors poursuivi par le législateur était d’empêcher que la hausse automatique du RSA, qui est une prestation différentielle, résultant la suspension des allocations familiales, ne compense la sanction financière prévue par le dispositif. Or ce dispositif de « réassurance » de la sanction n’aura plus lieu d’être dès lors que le mécanisme de suspension des allocations familiales sera abrogé.

Le III prévoit de procéder à des coordinations dans le code de la sécurité sociale afin de tenir compte :

– à l’article L. 552-3, qui décrit la procédure de suspension des allocations familiales à l’initiative du président du conseil général, de la suppression proposée du contrat de responsabilité parentale ;

– à l’article L. 552-3-1, qui établit la compétence liée du directeur de la caisse d’allocations familiales saisi par le DSEN, de la suppression proposée du mécanisme de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire.

*

La Commission est saisie de l’amendement 1 AC de M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Il s’agit d’une subtilité dont l’efficacité législative n’a pas besoin. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

M. le président Patrick Bloche. Votre acte héroïque, mon cher collègue, ouvre la voie à un vote conforme de la proposition de loi le 16 janvier prochain.

Mme Claudine Schmid. Pourquoi donc retirer cet excellent amendement qui associait les familles au dispositif ?

M. Thierry Braillard. Je l’ai dit : par souci d’efficacité législative.

M. Patrick Hetzel. C’est regrettable, car nous nous réjouissions de discuter de cet amendement. On imagine la frustration de ses auteurs !

M. Michel Ménard. L’éducation est si importante pour vous que vous faites passer l’espoir de bloquer cette loi avant l’intérêt général !

La Commission adopte l’article unique sans modification, la proposition de loi étant ainsi adoptée sans modification.

*

En conséquence, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte adopté par le Sénat

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Texte de la Commission

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Proposition de loi

tendant à abroger la loi n° 2010- 1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire

Proposition de loi

tendant à abroger la loi n° 2010- 1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire

Code de l’éducation

Article unique

Article unique

Art. L. 131-6. —  Chaque année, à la rentrée scolaire, le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l'obligation scolaire

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

Sans modification

………………………………….

Afin de procéder au recensement prévu au premier alinéa et d'améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire, le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel où sont enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation en application de l'article L. 131-8 et par le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement en application du même article ainsi qu'en cas d'exclusion temporaire ou définitive de l'établissement ou lorsqu'un élève inscrit dans un établissement le quitte en cours ou en fin d'année.

………………………………….

1° Au troisième alinéa de l’article L. 131-6, les mots : « en application de l’article L. 131-8 » et les mots : « en application du même article » sont supprimés ;

 

Art. L. 131-8. — Lorsqu'un enfant manque momentanément la classe, les personnes responsables doivent, sans délai, faire connaître au directeur ou à la directrice de l'établissement d'enseignement les motifs de cette absence.

………………………………….

   

Le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement saisit l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation afin qu'elle adresse un avertissement aux personnes responsables de l'enfant, leur rappelant les sanctions administratives et pénales applicables et les informant sur les dispositifs d'accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours :

………………………………….

L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation saisit sans délai le président du conseil général du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure d'accompagnement que le président du conseil général pourrait proposer aux familles en application de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles.

Elle communique au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.

Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l'article L. 131-6.

Dans le cas où, au cours d'une même année scolaire, une nouvelle absence de l'enfant mineur d'au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l'avertissement adressé par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, cette dernière, après avoir mis les personnes responsables de l'enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l'absence de motif légitime ou d'excuses valables, saisit le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l'article L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales informe l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation ainsi que le président du conseil général de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l'enfant de cette décision et des dispositifs d'accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.

Le versement des allocations familiales n'est rétabli que lorsque l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation a signalé au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales qu'aucun défaut d'assiduité sans motif légitime ni excuses valables n'a été constaté pour l'enfant en cause pendant une période d'un mois de scolarisation, éventuellement interrompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.

Le rétablissement du versement des allocations familiales est rétroactif. Si, depuis l'absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences de quatre demi-journées par mois sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées, à la demande de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation et après que les personnes responsables de l'enfant ont été mises en mesure de présenter leurs observations, aucun versement n'est dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouvelles absences sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées.

La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu'à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de reprise d'assiduité définie aux deux alinéas précédents

2° Au troisième alinéa de l’article L. 131-8, les mots : « administratives et » sont supprimés ;

3° Les sixième à dernier alinéas de l’article L. 131-8 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de persistance du défaut d’assiduité, le directeur de l’établissement d’enseignement réunit les membres concernés de la communauté éducative, au sens de l’article L. 111-3, afin de proposer aux personnes responsables de l’enfant une aide et un accompagnement adaptés et contractualisés avec celles-ci. Un personnel d’éducation référent est désigné pour suivre les mesures mises en œuvre au sein de l’établissement d’enseignement. » ;

 

Art. L. 131-9. — L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d'infraction aux dispositions du présent chapitre, sauf dans le cas où elle a sollicité du président du conseil général la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale.

4° Après la référence :

« présent chapitre », la fin de l’article

L. 131-9 est supprimée.

 

Code de l’action sociale et des familles

Art. L. 222-4-1. — Lorsque le président du conseil général est saisi par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation en cas d'absentéisme scolaire, tel que défini à l'article L. 131-8 du code de l'éducation, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d'un contrat de responsabilité parentale.

En cas de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire, de prise en charge d'un mineur au titre de l'article 43 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, du chef d'établissement d'enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale ou prend toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance adaptée à la situation. Un contrat de responsabilité parentale est également proposé aux parents d'un mineur ayant fait l'objet d'une mesure alternative aux poursuites ou d'une condamnation définitive pour une infraction signalée par le procureur de la République au président du conseil général en application du second alinéa de l'article L. 3221-9 du code général des collectivités territoriales et lorsque cette infraction révèle une carence de l'autorité parentale. Un contrat de responsabilité parentale peut également être signé à l'initiative des parents ou du représentant légal d'un mineur. Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l'autorité parentale et comporte toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation. Son contenu, sa durée et les modalités selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil général et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ce décret fixe aussi les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil général de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale et de sa mise en œuvre.

Lorsqu'il constate que les obligations incombant aux parents ou au représentant légal du mineur n'ont pas été respectées ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n'a pu être signé de leur fait, le président du conseil général peut :

1° Demander au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l'enfant, en application de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale ;

2° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;

3° Saisir l'autorité judiciaire pour qu'il soit fait application, s'il y a lieu, des dispositions de l'article 375-9-1 du code civil.

La faculté prévue au 1° ne s'applique pas aux contrats de responsabilité parentale proposés ou conclus en cas d'absentéisme scolaire, tel que défini à l'article L. 131-8 du code de l'éducation.

Lorsque le contrat n'a pu être signé du fait des parents ou du représentant légal du mineur, le président du conseil général peut également leur adresser un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l'autorité parentale et prendre toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation.

Art. L. 262-3. — La fraction des revenus professionnels des membres du foyer et le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 sont fixés par décret. Le montant est révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix à la consommation hors tabac.

L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment :

………………………………….

II. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 222-4-1 est abrogé ;

 

Art. L. 262-3. — La fraction des revenus professionnels des membres du foyer et le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 sont fixés par décret. Le montant est révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix à la consommation hors tabac.

………………………………….

La part des allocations familiales dont le versement fait l'objet d'une mesure de suspension ou de suppression en application de l'article L. 131-8 du code de l'éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active.

2° Le dernier alinéa de l’article L. 262-3 est supprimé.

 

Code de la sécurité sociale

   

Art. L. 552-3. — En application de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales suspend, pour la durée et dans la proportion décidées par le président du conseil général, le versement de la part des allocations familiales et du complément familial dus à la famille au titre de l'enfant dont le comportement a conduit à proposer la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale.

La durée de la mesure de suspension est au plus égale à trois mois. Elle peut être renouvelée, par l'autorité l'ayant prononcée, dans la limite d'une durée maximale de suspension de douze mois.

Lorsqu'au terme de la période de suspension prononcée par le président du conseil général, l'organisme débiteur des prestations familiales n'a pas été informé d'une décision de renouvellement, il rétablit le versement des prestations suspendues rétroactivement à la date de la suspension.

Dès que le président du conseil général constate que les parents ou le représentant légal du mineur se conforment aux obligations qui leur étaient imposées en application du contrat de responsabilité parentale, il en informe l'organisme débiteur des prestations familiales, afin qu'il rétablisse le versement des prestations suspendues rétroactivement à leur date de suspension.

Lorsqu'à l'issue de la période maximale de douze mois de suspension, les parents ou le représentant légal du mineur ne se conforment toujours pas à leurs obligations, les prestations sont rétablies sans effet rétroactif et le président du conseil général met en oeuvre toute mesure nécessaire pour remédier à la situation.

III. – Les articles L. 552-3 et

L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale sont abrogés.

 

Art. L. 552-3-1. — En cas de manquement à l'obligation d'assiduité scolaire, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l'enfant en cause, selon les modalités prévues à l'article

L. 131-8 du code de l'éducation. Le rétablissement des allocations familiales s'effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l'enfant en cause sont définies par décret en Conseil d'Etat.

   

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1 AC présenté par MM. Thierry Braillard et Olivier Falorni

Article unique

Compléter l’alinéa 5 par la phrase suivante :

« Il en rend compte à la fois aux membres concernés de la communauté éducative et à la famille de l’enfant par un rapport écrit tous les quinze jours. »

© Assemblée nationale

1 () Sénat, séance du 25 octobre 2012.

2 () Sénat, rapport n° 56 (2012-2013) présenté par M. David Assouline au nom de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, 17 octobre 2012.

3 () « La lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaires », mission permanente d’évaluation de la politique de prévention de la délinquance, octobre 2011 (Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l’éducation nationale, Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, Inspection générale des services judiciaires, Inspection générale de l’administration et Conseil général de l’environnement et du développement durable).

4 () « Le temps de la défiance », Le Monde, 6 avril 2012.

5 () « L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins scolaires selon les académies », enquête demandée par la Commission des finances de l’Assemblée nationale (septembre 2012).

6 () « L’enseignement professionnel », Bilan des résultats de l’école, 2009.

7 () « La lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaires », rapport précité.

8 () « Les manquements à l’obligation scolaire », rapport du délégué interministériel à la famille, remis à Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement scolaire, et Christian Jacob, ministre délégué à la famille auprès du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (janvier 2003).

9 () Audition du 10 octobre 2012.

10 () « La lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaires », rapport précité.

11 () Le taux de réponse étant inférieur de 30 % en mai et juin, les données ne peuvent être considérées comme fiables.

12 () « La lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaires », rapport précité.

13 () « L’absentéisme des élèves dans le second degré public », note d’information n° 12.08 du ministère de l’éducation nationale (mai 2012). 

14 () Sénat, séance du 25 octobre 2012.

15 () Note d’information n° 12.08 précitée.

16 () Note d’information n° 12-08 précitée.

17 () Note d’information n° 12-08 précitée.

18 () Assemblée nationale, séance du 16 juin 2010.

19 () Sénat, séance du 25 octobre 2012.

20 () Sénat, rapport n° 56 (2012-2013) précité.

21 () Ce texte a suscité par ailleurs 13 « prises d’acte » (6 MEDEF, 3 CGPME, 3 UPA et 1 Profession libérale).

22 () Communiqué du 9 juin 2010. Le CNLE était alors présidé par M. Etienne Pinte, député. On notera par ailleurs qu’une association, EUROCEF, a déposé une réclamation auprès du comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe, enregistrée le 4 avril 2012 au secrétariat de cette organisation, contre le dispositif en alléguant que la France ne respecte pas ses obligations au titre de la Charte européenne des droits sociaux de 1961, notamment son article 16 sur le droit de la famille à une protection sociale.

23 () « La lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaires », rapport précité.

24 () Sénat, rapport n° 56 (2012-2013) précité.

25 () « Trois dispositifs de responsabilisation parentale dans le cadre de la prévention de la délinquance », Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l’éducation nationale, Inspection générale des services judiciaires, Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, Inspection générale de l’administration et Conseil général de l’environnement et du développement durable (novembre 2011).

26 () Un décret du 18 février 1966 a mis en place ce mécanisme prévu par l’ordonnance du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire.

27 () « Les manquements à l’obligation scolaire », rapport précité.

28 () Sénat, rapport n° 56 (2012-2013) précité.

29 () Sénat, séance du 25 octobre 2012.

30 () Recommandations du Conseil du 28 juin 2011 concernant les politiques de réduction de l’abandon scolaire.

31 () Discours du 9 octobre 2012 prononcé à la Sorbonne.

32 () « La lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaires », rapport précité.

33 () 45 % sont des filles. 19 846 ont déjà un diplôme de niveau V.

34 () Assemblée nationale, XIIIème législature, proposition de loi n° 3218 visant à lutter contre le décrochage scolaire déposée le 9 mars 2011.

35 () « La lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaires », rapport précité .

36 () « Refondons l’École de la République », le rapport de la concertation, 5 octobre 2012.

37 () Sénat, rapport n° 56 (2012-2013) précité.