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N
° 703

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 février 2013

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire,

PAR Mme Nicole AMELINE

Députée

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 374 (2011-2012), 215, 216 et T.A. 55 (2012-2013).

Assemblée nationale : 546.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE MENACE QUI NÉCESSITE UNE ACTION RÉSOLUE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE 7

A. Le terrorisme nucléaire : des risques multiformes 7

1. Le détournement d’armes nucléaires 7

2. La fabrication de dispositifs explosifs nucléaires 7

3. L’emploi de bombes radiologiques 8

4. La commission d’actes de malveillance contre des installations nucléaires ou des opérations de transport 9

B. Des initiatives nombreuses au plan international 9

1. Les résolutions 1540 et 1977 du Conseil de sécurité des Nations Unies 9

2. Le partenariat mondial du G8 (PMG8) 10

3. L’initiative globale pour combattre le terrorisme nucléaire (GICNT) 10

4. L’action de l’AIEA en matière de prévention et de détection 11

II. LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION POUR LA RÉPRESSION DES ACTES DE TERRORISME NUCLÉAIRE 13

A. Les principales obligations des Etats Parties 13

1. Le volet répressif 13

2. La coopération internationale 14

3. Le volet préventif 15

B. Le suivi de la mise en application 16

1. Les possibilités ouvertes par la convention 16

2. Les évaluations réalisées par l’AIEA 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE 1 - Etat des signatures et des ratifications au 1er décembre 2012 27

ANNEXE 2 - Liste des conventions et protocoles relatifs au terrorisme 33

ANNEXE 3 - Liste des personnes auditionnées 35

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ANNEXE - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 37

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d’autoriser la ratification de la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, qui a été adoptée à New-York le 13 avril 2005, au terme de huit années de négociations, et ouverte à la signature le 14 septembre de la même année.

Cette convention est le treizième instrument international de lutte contre le terrorisme adopté sous l’égide des Nations Unies. En l’absence d’accord sur une définition générale du terrorisme, c’est en effet une approche sectorielle qui a prévalu (1). Ce texte est notamment complémentaire de la convention de 1979 sur la protection physique des matières nucléaires (CPPMN) et de son amendement de 2005, dont l’approbation a été autorisée par la loi n° 2012-1473 du 28 décembre dernier.

Même s’il convient d’établir une distinction entre les différents types de risques selon les moyens employés, les conséquences de tout acte de terrorisme nucléaire pourraient être désastreuses pour la santé humaine et pour l’environnement. Par l’effet de panique qui pourrait en résulter, de graves perturbations sociales et économiques pourraient aussi se manifester. Enfin, les répercussions risqueraient d’être catastrophiques pour le nucléaire civil, qui constitue non seulement l’un des fleurons de notre industrie mais aussi une garantie pour la sécurité de nos approvisionnements énergétiques.

Après être revenue sur les risques d’actes de terrorisme nucléaire et sur les initiatives déjà engagées au plan international pour y faire face, votre Rapporteure présentera l’apport de la convention dont il est demandé au Parlement d’autoriser la ratification.

Votre Rapporteure, qui a pu auditionner plusieurs responsables du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ainsi que du ministère en charge de l’énergie (2), tient à remercier tout particulièrement ses interlocuteurs pour les réponses apportées à ses questions malgré la sensibilité extrême des sujets abordés.

I. UNE MENACE QUI NÉCESSITE UNE ACTION RÉSOLUE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

A. LE TERRORISME NUCLÉAIRE : DES RISQUES MULTIFORMES

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a identifié quatre formes de risques : le détournement d’armes nucléaires ; la fabrication de dispositifs explosifs nucléaires à partir de matières dérobées ; l’emploi de bombes radiologiques ; la commission d’actes de malveillance contre des installations nucléaires ou des opérations de transport.

1. Le détournement d’armes nucléaires

Comme l’a déclaré le président Obama dans un discours tenu à Prague le 5 avril 2009, l’usage d’armes nucléaires par des groupes terroristes constitue « la menace la plus immédiate et la plus extrême pour la sécurité mondiale ». Les conséquences seraient évidemment désastreuses pour la santé humaine et pour l’environnement.

Le risque de voir des groupes terroristes s’emparer de telles armes est cependant considéré comme limité compte tenu du très faible nombre d’Etats officiellement ou officieusement dotés, ainsi que des mesures de sécurisation mises en œuvre pour protéger ces armements. Il faudrait en outre que les terroristes disposent des connaissances et des technologies nécessaires pour faire fonctionner ces armes très sophistiquées.

Si réelles qu’elles soient, ces difficultés ne doivent pas conduire à négliger le risque. Les attentats du 11 septembre 2001 ont montré la nécessité d’envisager tous les scénarios et de les prendre en compte d’une manière appropriée – plus que jamais, « tout ce qui peut être imaginé est réel » (3).

2. La fabrication de dispositifs explosifs nucléaires

Le scénario selon lequel des groupes terroristes pourraient fabriquer eux-mêmes des armes nucléaires est lui aussi jugé peu probable pour plusieurs raisons. Il faudrait tout d’abord acquérir suffisamment de matières fissiles de qualité militaire, lesquelles sont très protégées. L’accès aux matières nucléaires constitue donc un premier verrou. Il faudrait ensuite disposer de connaissances physiques très poussées et de moyens technologiques aussi importants que peu discrets à mettre en œuvre – ils seraient donc assez facilement détectables.

La prolifération nucléaire étant difficilement accessible à des acteurs non étatiques, il semblerait que le risque reste encore principalement limité à des Etats désireux de se doter de l’arme nucléaire. Des interrogations ont pu voir le jour après l’effondrement de l’ex-URSS, mais les risques de dissémination des matières nucléaires, des personnels scientifiques et des connaissances seraient désormais bien identifiés et contenus, notamment grâce au « Partenariat mondial du G8 » (PMG8) sur lequel votre Rapporteure reviendra plus tard.

Là encore, toutefois, le risque ne doit pas s’apprécier en ne prenant en compte que la seule faisabilité à court terme. De telles armes de destruction massive sont probablement très « attractives » pour des groupes terroristes, notamment en raison des effets escomptés. Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a ainsi déclaré lors d’une réunion de haut niveau sur le terrorisme nucléaire qui s’est déroulée au mois de septembre 2012, en marge de la 67e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, que certains terroristes avaient déjà exprimé leur volonté de disposer d’armes nucléaires et que d’autres pourraient même y travailler clandestinement. Une vigilance extrême doit donc continuer à prévaloir.

3. L’emploi de bombes radiologiques

Le risque de voir des groupes terroristes fabriquer et utiliser des bombes « sales » de type radiologique est jugé élevé, bien qu’aucun attentat de ce type n’ait été perpétré à ce jour. Il s’agirait d’utiliser des matières radioactives ne permettant certes pas de produire une explosion nucléaire mais dangereuses en raison des rayonnements ionisants qui sont émis, en les associant à une charge explosive afin de les disséminer. Bien que les explosifs utilisés seuls restent aujourd’hui le principal outil des terroristes, ce mode d’action ne peut pas être écarté.

L’emploi de bombes « sales » n’exposerait pas à des conséquences aussi dramatiques pour la santé humaine et pour l’environnement que celui des armes nucléaires proprement dites. En revanche, l’effet psychologique, économique et social d’attentats commis de la sorte pourrait être réel, notamment s’ils avaient lieu en milieu urbain. Là aussi, la plus grande vigilance s’impose donc.

Depuis la création de la base de données ITDB (Illicit Trafficking Database) en 1995, plus de 2 200 incidents relatifs aux matières nucléaires et radioactives ont été signalés. Entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2012, 163 incidents ont été déclarés, dont 116 concernaient des activités non autorisées sans lien apparent avec des activités criminelles ; 11 cas de possession illégale ou de tentative de vente de matières nucléaires ont cependant été détectés, ainsi que 28 cas de vol ou de perte de sources radioactives.

Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi sur la protection des sources radioactives contre les actes de malveillance qui a été déposé au Parlement en février 2012, le nombre des sources radioactives susceptibles d’être détournées de leur usage en France pour des actes de malveillance est estimé à environ 4 000 sur un total de 39 000 – il s’agit des sources dites de « haute activité » présentant un risque important pour les personnes et l’environnement.

4. La commission d’actes de malveillance contre des installations nucléaires ou des opérations de transport

En ce qui concerne les installations nucléaires, outre les incursions terrestres dont des tentatives spectaculaires, mais non malveillantes, ont récemment eu lieu France comme aux Etats-Unis, plusieurs autres risques pourraient se concrétiser. Il s’agirait notamment de la chute intentionnelle d’un avion ou de cyberattaques visant à dérober des informations ou à perturber à distance le fonctionnement d’installations sensibles (4). Plusieurs virus particulièrement puissants, tels que Stuxnet et Flame, auraient récemment été utilisés contre des cibles nucléaires iraniennes. En France, des menaces de référence ont été définies dans la directive nationale de sécurité (DNS) du sous-secteur nucléaire, mais la description détaillée de ces menaces, de leurs effets potentiels et des moyens de les prévenir est couverte par des mesures de confidentialité stricte.

Le transport des matières nucléaires fait par ailleurs l’objet d’une vigilance particulière contre les risques d’actes de malveillance et de détournement. En France, une escorte est notamment prévue pour les transports de matières nucléaires les plus sensibles, à savoir les matières de catégories I et II non irradiées. Ces opérations sont classifiées au titre du secret de la défense nationale.

B. DES INITIATIVES NOMBREUSES AU PLAN INTERNATIONAL

Le communiqué final du sommet de 2012 sur la sécurité nucléaire a rappelé la responsabilité première qui incombe aux Etats pour évaluer les menaces qui leur sont propres et pour y apporter les réponses les plus adaptées. Tous les pays alors réunis à Séoul ont néanmoins tenu à réaffirmer leur engagement à continuer un travail commun en matière de sécurité nucléaire (5).

Sans prétendre à l’exhaustivité, car les initiatives se sont multipliées depuis le début des années 2000, votre Rapporteure croit utile de présenter l’architecture qui s’est progressivement mise en place au plan international dans ce domaine. Elle témoigne de l’importance accordée aux risques d’actes de terrorisme nucléaire et constitue le cadre dans lequel la convention vient s’insérer.

1. Les résolutions 1540 et 1977 du Conseil de sécurité des Nations Unies

Après avoir reconnu que la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques constitue une menace pour la paix et la sécurité au plan international, la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée à l’unanimité le 28 avril 2004, sous chapitre VII, a imposé plusieurs obligations complémentaires à tous les Etats :

– s’abstenir d’apporter quelque appui que ce soit à des acteurs non étatiques qui tenteraient de mettre au point, de se procurer, de fabriquer, de posséder, de transporter, de transférer ou d’utiliser des armes de destruction massive, notamment des armes nucléaires ;

– adopter et appliquer une législation appropriée et efficace interdisant ces activités à tout acteur non étatique et tendant à les réprimer ;

– mettre en place des dispositifs internes de contrôle destinés à prévenir la prolifération des armes nucléaires, chimiques ou biologiques.

La résolution 1977, qui a été adoptée le 20 avril 2011, a prorogé jusqu’en 2021 le mandat du Comité créé par la résolution 1540 pour faire rapport sur sa mise en œuvre. La résolution 1977 a en outre décidé que le Comité procéderait à un examen approfondi de l’application de la résolution 1540 dans un délai de cinq ans.

2. Le partenariat mondial du G8 (PMG8)

Les membres du G8 ont décidé en 2002, lors du sommet international de Kananaskis, de lancer un « Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes », pour une durée initiale de dix ans. L'objectif est d'« empêcher les terroristes et ceux qui les abritent d'acquérir ou de mettre au point des armes nucléaires, chimiques, radiologiques et biologiques, des missiles, ainsi que les matières, le matériel et la technologie qui s'y rattachent ». D’abord centrée sur la Russie, cette initiative s’est peu à peu élargie tant en ce qui concerne les pays donateurs que les bénéficiaires.

Le PMG8 s’est notamment traduit par de nombreux projets de démantèlement de sous-marins nucléaires hors service, d’élimination de matières nucléaires fissiles et de reconversion d’anciens chercheurs du secteur de l’armement, afin de réduire durablement les risques de prolifération. Le total des engagements financiers depuis 2002 a été évalué à environ 20 milliards de dollars. La France s’est en particulier illustrée dans la mise en sécurité des matières hautement radioactives (combustibles, déchets et sources), notamment issues du démantèlement des sous-marins et des installations associées – chantiers navals, anciennes bases.

3. L’initiative globale pour combattre le terrorisme nucléaire (GICNT)

L’initiative globale pour combattre le terrorisme nucléaire (Global Initiative to Combat Nuclear Terrorism), a été lancée conjointement par les Etats-Unis et la Russie en 2006 pour améliorer la culture de sécurité des Etats participants, pour partager des outils de prévention, de détection et de réponse dans le domaine de la lutte contre le terrorisme nucléaire, et plus généralement pour renforcer la coopération entre les Etats.

Des échanges d’informations, des exercices et des coopérations opérationnelles ont ainsi été organisés dans ce cadre. Les travaux se développent actuellement autour de trois thématiques prioritaires : la détection radiologique ; la criminalistique nucléaire (« Nuclear Forensics ») ; la réponse aux attaques et les moyens d’en atténuer les effets (« Response and Mitigation »).

Depuis la réunion plénière qui s’est tenue à Abu Dhabi en juin 2010, plusieurs Etats, dont les Etats-Unis, ont consacré d’importants efforts pour redynamiser la GICNT et pour renforcer son contenu. La France, qui dispose d’une expérience et de capacités techniques reconnues dans ce domaine, participe activement aux groupes de travail de la GICNT.

4. L’action de l’AIEA en matière de prévention et de détection

L’AIEA apporte elle aussi une contribution importante à la lutte contre le terrorisme nucléaire en facilitant la coopération internationale et en aidant les Etats dans leurs efforts pour assumer leurs propres responsabilités. Cette mission fait l’objet d’un « plan de sécurité nucléaire 2010-2013 ».

L’Agence a ainsi développé un ensemble documentaire qui sert de cadre de référence au plan international, bien qu’il soit dépourvu de portée obligatoire. Le Code de conduite sur la sûreté et la sécurité des sources radioactives contient ainsi des indications pour assurer le contrôle des sources radioactives et pour atténuer le plus possible les conséquences en cas d’échec des mesures de contrôle. En 2012, deux nouvelles publications, intitulées Computer Security at Nuclear Facilities et Nuclear Security Systems and Measures for Major Public Events sont venues compléter la collection « Sécurité nucléaire » de l’AIEA.

L’Agence apporte en outre un soutien aux Etats dans l’application des mesures qu’elle promeut. Comme le signale son dernier Rapport sur la sécurité nucléaire, 38 Etats avaient adopté en 2012 des Plans intégrés d’appui en matière de sécurité nucléaire (INSSP). Ces plans, de nature confidentielle, regroupent les besoins d’assistance de chaque Etat en matière de sécurité nucléaire et fournissent des cadres adaptés pour la coordination et l’exécution des activités menées dans ce domaine par les États, l’AIEA et les donateurs potentiels.

Outre la réalisation de missions d’évaluation sur lesquelles votre Rapporteure reviendra à propos de la mise en application de la convention pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, l’AIEA dispense de nombreuses formations sur une grande variété de sujets – gestion et évaluation de la menace, protection physique des matières et des installations nucléaires, comptabilité et contrôle des matières intéressant la sécurité nucléaire dans les installations, sécurité des sources radioactives, sécurité du transport, gestion des investigations sur les lieux de délits à caractère radiologique ou encore techniques de détection radiologique. L’AIEA a formé plus de 12 000 personnes dans plus de 120 pays au cours des dix dernières années.

Afin d’aider à la détection des risques, l’AIEA tient aussi à jour la Base de données sur le trafic illicite que votre Rapporteure a déjà eu l’occasion de présenter. Cet outil, qui est aujourd’hui alimenté par plus de 110 pays et qui est considéré comme la base de données faisant le plus autorité, permet notamment d’analyser l’évolution de la menace, de détecter les points faibles des systèmes nationaux de sécurité et d’élaborer ensuite des réponses appropriés.

II. LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION POUR LA RÉPRESSION DES ACTES DE TERRORISME NUCLÉAIRE

Les Etats réunis en 2012 à Séoul, à l’occasion du sommet déjà mentionné, ont salué à juste titre la contribution de la présente convention pour l’établissement d’une plus grande sécurité nucléaire et appelé à sa ratification universelle.

La convention présente en effet un triple intérêt : organiser la répression des actes de terrorisme nucléaire au plan international ; renforcer la coopération entre les parties ; favoriser l’adoption de mesures préventives.

A. LES PRINCIPALES OBLIGATIONS DES ETATS PARTIES

1. Le volet répressif

Le premier objet de la convention est d’assurer une répression efficace des actes de terrorisme nucléaire qui comporteraient une dimension internationale, en demandant aux Etats parties de disposer dans leur droit interne des normes pénales permettant de poursuivre les auteurs d’une large liste d’infractions.

Ces infractions, définies à l’article 2, couvrent les différentes formes de terrorisme nucléaire présentées par votre Rapporteure :

– la détention et l’emploi de matières radioactives dans l’intention d’entraîner la mort d’une personne, de lui causer des dommages corporels graves ou de causer des dégâts substantiels à des biens ou à l’environnement ;

– la fabrication ou la détention d’un dispositif explosif nucléaire ou d’un engin à dispersion de matières radioactives dans de mêmes intentions ;

– l’utilisation ou l’endommagement d’une installation nucléaire de façon à libérer ou à risquer de libérer des matières radioactives ;

– la menace de commettre une des précédentes infractions ou d’exiger illicitement et intentionnellement la remise de matières radioactives, d’engins radioactifs ou d’installations nucléaires en recourant à la menace ;

– la tentative de commettre une des précédentes infractions ;

– la participation à l’une des précédentes infractions.

L’article 5 demande ensuite aux Etats parties d’incriminer ces infractions dans leur législation nationale et de les réprimer par des peines tenant dûment compte de leur gravité.

Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, notre droit interne répond de manière suffisante aux exigences de la convention dans ce domaine. Aucune modification législative ne serait donc nécessaire en France.

Il faut noter que le champ d’application de la convention est plus large que celui de la convention sur la protection physique des matières nucléaires, telle qu’elle a été amendée en 2005 – le champ d’application de ce dernier texte est limité aux seules matières et installations nucléaires (6).

L’article 3 prévoit cependant l’inapplicabilité de la convention dans les cas de caractère purement national, lorsque les infractions sont commises sur le territoire d’un seul Etat partie, que l’auteur présumé et les victimes sont des nationaux de cet Etat et qu’aucun autre Etat n’a de raison d’exercer sa compétence juridictionnelle en application de l’article 9.

D’après l’étude d’impact, l’article 9 devrait conduire à insérer un article nouveau dans le code pénal pour prévoir la compétence des juridictions françaises même dans le cas où l’infraction a été commise en dehors du territoire de la République, dès lors que l’auteur présumé se trouve sur le territoire national et que la France ne l’extrade pas vers un autre Etat partie à la convention.

L’article 4 précise en outre que la convention ne concerne pas les activités des forces armées en période de conflit armé, au sens donné à ce terme en droit international humanitaire, ou dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Cette stipulation, qui a fait l’objet d’un blocage pendant plusieurs années, figure également dans la convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif. L’insertion d’autres éléments a permis d’obtenir un compromis, notamment le paragraphe 4 du même article, en vertu duquel l’exclusion des activités des forces armées ne doit pas être interprétée comme excusant ou rendant licites des actes par ailleurs illicites.

2. La coopération internationale

La convention prévoit plusieurs types de coopérations entre les Etats parties :

– des échanges d’informations, sous certaines conditions (7), afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme international définis à l’article 2 (article 7) ;

– l’obligation d’enquêter lorsqu’un Etat partie est informé qu’une infraction visée par la convention a été ou est commise sur son territoire ou que l’auteur présumé pourrait s’y trouver (article 10) ;

– l’obligation désormais classique de juger ou d’extrader l’auteur présumé d’une infraction visée par la convention (article 11) ;

– une « entraide judiciaire la plus large possible » en matière pénale (article 14) ;

– la remise temporaire de personnes détenues à des fins d’identification ou de témoignage ou en vue de concourir à l’établissement des faits dans le cadre d’une enquête ou de poursuites engagées en vertu de la convention (article 17) ;

– l’obligation de communiquer aux autres Etats parties, par l’intermédiaire du Secrétaire général des Nations Unies, le résultat définitif des poursuites engagées au plan national ;

– la restitution des matières, engins ou installations saisis une fois que l’instruction relative à une infraction est achevée (article 18).

3. Le volet préventif

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre de la convention, relative à « la répression des actes de terrorisme nucléaire », des stipulations de nature préventive sont également prévues.

L’article 7 de la convention demande ainsi aux Etats de collaborer en prenant toutes les mesures possibles « afin de prévenir ou contrarier la préparation, sur leurs territoires respectifs, des infractions visées à l’article 2 ».

L’article 8 de la convention invite plus spécifiquement les Etats parties à adopter « des mesures appropriées pour assurer la protection des matières radioactives en tenant compte des recommandations et fonctions de l’Agence internationale de l’énergie atomique applicables en la matière ».

A la différence de la convention sur la protection physique des matières nucléaires, telle qu’elle a été amendée en 2005, la présente convention n’impose pas d’obligation contraignante en matière de protection – il est simplement stipulé que les Etats s’« efforcent d’adopter des mesures ».

Outre le Code de conduite sur la sûreté et la sécurité des sources radioactives, déjà mentionné, les documents de référence visés à l’article 8 sont notamment le guide Sécurité des sources radioactives publié par l’AIEA, ainsi que ses Orientations pour l’importation et l’exportation des sources radioactives.

La réglementation sur la protection des matières nucléaires a été complétement révisée entre 2009 et 2011 en France, notamment pour mieux prendre en compte la nécessaire protection des installations contre le sabotage. Le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère en charge de l’énergie, que votre Rapporteure a pu entendre, a adressé à chaque opérateur une feuille de route visant à organiser la mise en conformité des installations à la nouvelle réglementation dans les cinq années à venir, afin de tenir compte des investissements nécessaires.

En revanche, dans l’attente de l’adoption du projet de loi susmentionné sur la protection des sources radioactives et de ses textes d’application, il n’existe pas aujourd’hui en France d’exigences législatives ou réglementaires explicitement relatives à la protection des matières radioactives. Certaines dispositions du code de la santé publique concernant les activités mettant en œuvre des rayonnements ionisants contribuent cependant à la sécurité des sources. La convention invite utilement à parachever le travail engagé en France.

B. LE SUIVI DE LA MISE EN APPLICATION

1. Les possibilités ouvertes par la convention

La convention ne prévoit pas de mécanisme d’examen périodique des mesures prises au niveau national pour son application. Cela impliquerait en effet un droit de regard sur les mesures adoptées par chaque Etat partie pour protéger les installations nucléaires de toute nature dont il disposerait – centrales, réacteurs de recherche ou accélérateurs – et pour sécuriser les matières nucléaires ou radioactives sur son territoire. Comme l’a rappelé le communiqué adopté en 2012 à Séoul à l’issue du deuxième sommet sur la sécurité nucléaire, c’est aux Etats eux-mêmes qu’il revient de prendre les mesures nécessaires, dans le respect de leur souveraineté nationale.

Plusieurs stipulations ont cependant été adoptées pour favoriser une bonne application de la convention :

– en vertu du troisième paragraphe de l’article 9, chaque Etat informe le Secrétaire général des Nations Unies de la compétence qu’il a établie en vertu de sa législation nationale à l’égard des infractions visées par la convention et l’informe immédiatement en cas de modification ;

– d’une manière générale, l’article 20 demande aux Etats parties de se consulter directement ou par l’intermédiaire du Secrétaire général des Nations Unies, au besoin avec l’assistance d’organisations internationales, telles que l’AIEA, pour assurer la bonne application de la convention ;

– les différends concernant l’interprétation ou l’application de la convention doivent être soumis à un arbitrage à la demande de l’un des Etats concernés si ces différends ne peuvent être réglés par voie de négociation dans un délai raisonnable, la Cour internationale de Justice pouvant ensuite être saisie à l’expiration d’un délai de six mois après la demande d’arbitrage (article 23).

2. Les évaluations réalisées par l’AIEA

Bien que l’AIEA ne soit pas investie d’une fonction de contrôle par la convention, elle peut être appelée à fournir un appui à ses membres pour les aider à assumer les responsabilités résultant des instruments existants, lesquels sont tantôt non-contraignants, comme les recommandations de l’AIEA, tantôt contraignants, à l’image de la présente convention. L’Agence a un rôle central à jouer dans la coordination des efforts de la communauté internationale.

Tout d’abord, l’AIEA peut fournir une aide aux Etats pour la définition d’une menace de référence, afin de concevoir et d’évaluer les mesures de sécurité nécessaires. Au 30 juin 2012, l’Agence avait organisé 49 ateliers nationaux sur la définition, l’application et la tenue à jour d’une menace de référence, dont 5 entre juillet 2011 et juin 2012.

Sur la base du volontariat, l’AIEA propose également des examens par des pairs et des services consultatifs prenant la forme de missions d’experts internationaux.

– Le service consultatif international sur la sécurité nucléaire (INSServ) permet ainsi d’évaluer l’efficacité des systèmes nationaux dans différents domaines – dispositions législatives et réglementaires relatives à la sécurité nucléaire ; protection physique des matières nucléaires et radioactives ; détection et action contre le trafic illicite de matières nucléaires et radioactives ; développement des ressources humaines. Pendant la période couverte par le dernier rapport de l’AIEA sur la sécurité nucléaire – de juin 2011 à juillet 2012 –, trois demandes officielles ont été reçues à ce titre, en provenance de la Biélorussie, du Kenya et de la Roumanie.

– L’Agence offre aussi aux Etats un Service consultatif international sur la protection physique (IPPAS) destiné à les aider dans le renforcement de leur régime national au regard des instruments internationaux en vigueur et des bonnes pratiques quant à la protection des matières nucléaires et radioactives et des installations associées. Au 30 juin 2012, l’AIEA avait effectué un total de 55 missions IPPAS dans 37 Etats membres. La première mission de ce type qui a été réalisée en France, à la fin du mois de novembre 2011, a souligné la robustesse du cadre réglementaire français et porté une appréciation positive sur l’organisation de la sécurité nucléaire sur le site de Gravelines.

CONCLUSION

La convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire permet de renforcer le cadre multilatéral de lutte contre des risques qui sont bien identifiés et qui font déjà l’objet d’initiatives nombreuses, même si la menace potentielle ne s’est pas encore concrétisée sous la forme d’attentats. Les efforts d’adaptation et d’anticipation doivent impérativement se poursuivre.

Cette convention y participe grâce à sa valeur ajoutée par rapport aux instruments existants, notamment la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité des Nations Unies, relative à la lutte contre la prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques. La présente convention vise toutes les matières radioactives, contrairement à la résolution 1540, et couvre un plus large spectre de comportements incriminés sous l’angle de l’intention terroriste.

Bien que le volet préventif soit moins développé que les mesures relatives à l’action répressive et à la coopération internationale, la convention comporte une incitation utile à adopter des mesures appropriées pour assurer la protection des matières radioactives, au-delà des seules matières nucléaires. Ce texte est donc complémentaire de la convention sur la protection physique des matières nucléaires et de son amendement de 2005, dont le champ d’application est plus restreint. C’est une des principales novations de ce texte qui appelle notamment à parachever une démarche déjà engagée dans notre pays.

S’il manque à la convention un dispositif permettant de garantir sa bonne application, sa ratification devrait enclencher un processus vertueux qu’il convient de saluer : en la ratifiant, un Etat s’inscrit dans une sorte de club et se trouve naturellement porté à modifier sa législation en vue de se mettre en conformité avec ses obligations internationales.

Votre Rapporteure tient enfin à saluer le caractère multilatéral de la démarche qui sous-tend cette convention. C’est en effet une réponse globale qu’il convient d’apporter à une menace qui l’est tout autant. L’internationalisation des efforts de lutte contre le terrorisme nucléaire constitue un gage important de sécurité. La France se doit de donner l’exemple en ratifiant sans plus tarder une convention signée dès 2005.

Il conviendrait certainement de poursuivre et d’approfondir cette démarche au plan européen en travaillant sur des coopérations utiles et intelligentes dans les domaines visés par la convention, que ce soit en matière de savoir-faire et d’innovations technologiques, gages d’une réelle indépendance européenne, ou d’échanges d’informations.

Pour toutes ces raisons, votre Rapporteure recommande d’autoriser la ratification de la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, sur le rapport de Mme Nicole Ameline, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (n°°546).

Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Bacquet. Je trouve d’abord très surprenant que l’on signe une convention qui réprime des actes de terrorisme et qu’en introduction on indique qu’il n’y a toujours pas de définition de cette notion.

Ensuite, le dispositif est affaibli par le fait que l’on s’appuie sur un certain nombre de dispositions établies par l’AIEA sans qu’elles soient obligatoires.

Enfin, il me semble qu’il y a une contradiction entre l’article 3 qui prévoit l’inapplicabilité de la convention dans les cas de caractère purement national, la nécessité – signalée par l’étude d’impact – d’insérer un article nouveau dans le code pénal pour prévoir la compétence des juridictions françaises même dans le cas où l’infraction a été commise en dehors du territoire de la République, dès lors que l’auteur présumé se trouve sur le territoire national et que la France ne l’extrade pas vers un autre Etat partie à la convention, et l’article 11 qui prévoit l’obligation de juger ou d’extrader l’auteur présumé d’une infraction visée par la convention.

M. Noël Mamère. Au risque que vous considériez encore que mes propos s’éloignent du sujet qui nous est soumis, je veux rappeler que récemment, après la catastrophe de Fukushima, une enquête sur la sécurité nucléaire a été déclenchée par l’Autorité de sûreté nucléaire et des « stress test » réalisés. Nous étions alors plusieurs à regretter que la question d’éventuels actes de terrorisme contre les centrales nucléaires n’ait pas été abordée.

Nous nous trouvons pourtant dans une situation de vulnérabilité. Un site comme celui de la Hague, où l’on trouve des petits bidons de plutonium de 2,5 kilos, représente l’équivalent de 70 fois Tchernobyl. Des avions arrivant de l’Est peuvent l’atteindre avant d’être interceptés par des chasseurs français. Nous nous souvenons d’ailleurs que des batteries antiaériennes avaient été disposées autour des centrales nucléaires après plusieurs incidents, afin de rassurer la population. Mais les spécialistes militaires s’accordaient à dire que cela ne servait à rien et ne protégeait personne.

Que l’on signe une convention sur la répression du terrorisme nucléaire est une chose, mais que l’on multiplie les centrales au niveau international et que l’on ne fasse rien contre la dissémination depuis la fin du rideau de fer et l’éclatement de l’ex-Union soviétique en est une autre. Et il est probable qu’il n’est pas très difficile aujourd’hui pour des apprentis terroristes établis au nord Mali ou ailleurs de s’en prendre ainsi aux populations. La première menace qui pèse sur ces populations est d’ailleurs en France, pays le plus nucléarisé par rapport au nombre d’habitants, où il n’existe pas une centrale qui ne soit à moins de 80 km d’une grande ville. Les risques sont donc considérables.

A cet égard, on ne peut pas comparer les actions de Greenpeace avec du terrorisme : cette organisation n’a fait que démontrer la vulnérabilité de nos centrales nucléaires. Et les moyens utilisés par Greenpeace sont très sommaires – que l’on se souvienne de la jeune femme entrée dans l’hémicycle avec des talons hauts. Ce dernier épisode m’a d’ailleurs valu, pour un bras d’honneur à des personnes qui me traitaient de voyou, que l’on supprime un tiers de mon indemnité. Je n’avais pourtant pas fait un doigt d’honneur contre la repentance à l’égard de l’Algérie, comme un collègue du Sénat.

Greenpeace avait seulement pour but de démontrer les risques que des personnes mieux équipées et animées par de mauvaises intentions pourraient faire peser. Ce ne sont pas des terroristes et il faut cesser les amalgames. Nous avons déjà un Président qui confond les Touaregs avec des terroristes et des preneurs d’otages. Le terrorisme a un sens précis et, comme l’a rappelé Jean-Paul Bacquet, il conviendrait d’en donner une définition.

Je voterai ce projet de loi, bien sûr, mais je déplore que l’on ne prenne pas réellement les mesures de protection nécessaires contre un risque aussi majeur. Voilà les observations que je voulais faire et je vous remercie de m’en avoir donné la possibilité.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je n’ai pas entendu d’amalgame entre le terrorisme et Greenpeace dans les propos qui ont été tenus, et il va de soi qu’un tel amalgame ne doit pas être fait.

M. Noël Mamère. Je voudrais aussi vous faire part d’une décision de justice intéressante dans le contexte de notre débat. Alors qu’EdF était accusée d’actes d’espionnage avérés à l’encontre d’un député européen, membre de notre parti, qui dirigeait également Greenpeace-France, cette entreprise vient d’être relaxée pour ces faits par la cour d’appel de Paris !

M. Jean-Pierre Dufau. Le groupe SRC votera le projet de loi. J’ai seulement une question : la convention étant ouverte à la signature de tous les Etats, qui l’a signée ?

M. Jacques Myard. L’idée que des bombes nucléaires pourraient être fabriquées ou volées par des terroristes relève du fantasme. Par ailleurs, il y a certainement encore beaucoup à faire pour la sécurité des centrales nucléaires, mais le vrai danger n’est pas là. Il serait plutôt dans la fabrication de « bombes sales » à partir de TNT et de cobalt, que l’on peut trouver dans tous les hôpitaux de France. Une zone pourrait ainsi être totalement irradiée. Cette question est bien plus urgente à traiter que ne le sont les fantasmes remués par Greenpeace. Nous attendons d’ailleurs toujours de connaître la comptabilité de cette organisation qui a des comptes aux Bahamas !

M. Serge Janquin. Je félicite la rapporteure non seulement pour la précision et la qualité de son travail mais aussi et surtout pour son honnêteté : elle n’a rien caché.

Pour ma part, ce qui me fait beaucoup hésiter est l’absence de définition internationale du terrorisme. Sans cette base juridique, tout le reste est défaillant. On sait bien que des groupes terroristes peuvent entretenir des liens très étroits avec des Etats, en particulier au Liban et dans la bande du Sahel. Ne pourrait-on pas imaginer par ailleurs qu’Israël agresse Gaza ou l’Iran en invoquant des intérêts supérieurs de sécurité, avec un mélange d’armes conventionnelles et nucléaires ? Il manque donc une clarification suffisante du concept de terrorisme. Dans quelle mesure les Etats pourraient-ils être considérés comme partenaires de groupes terroristes ou comme terroristes eux-mêmes ?

M. François Rochebloine. L’article 24 de la convention l’ouvrait à la signature jusqu’au 31 décembre 2006. Cela signifie-t-il que l’on ne peut plus dès lors y adhérer ? Par ailleurs, comment fonctionne le mécanisme d’amendement prévu à l’article 26 ?

M. François Loncle. Cette convention remonte à 2005. Je suis toujours étonné que nous examinions des conventions si longtemps après leur signature. Au demeurant, sept ans ne représentent pas un record. Quelles sont les causes de cette situation ?

Je voudrais aussi revenir sur l’intervention de Noël Mamère. Je partage ce qu’il a dit sur la sécurité nucléaire. En revanche, je ne peux pas laisser dire, comme il l’a fait, que le Président de la République a fait un amalgame général des populations touareg ! Bien au contraire, une différence très claire a été faite entre ceux qui appartiennent incontestablement à Ansar-Dine ou au Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO) et ceux avec lesquels il convient de négocier urgemment pour l’apaisement du Mali.

M. Pouria Amirshahi. La lutte contre le terrorisme peut amener les Etats à prendre des mesures de restriction des droits et des libertés. C’est le cas des Etats non-démocratiques mais aussi parfois des démocraties. Quelles sont donc les garanties apportées par la convention ? Est-il précisé en particulier que l’on ne vise que des actes avérés et non de simples intentions prêtées à des individus ? J’observe par ailleurs que la déclaration universelle des droits de l’homme est absente des textes, pourtant nombreux, auxquels le préambule fait référence.

Mme Nicole Ameline, rapporteure. Greenpeace n’est effectivement pas un groupe terroriste au sens de cette convention. Il n’y a pas eu d’intention malveillante de sa part.

La directive nationale de sécurité prend en compte les risques évoqués par M. Mamère, mais tous ces éléments sont classifiés. Une feuille de route sur cinq ans, comprenant toute une série de renforcements en matière de sécurité, a été adressée aux opérateurs.

La question de la définition du terrorisme s’est posée, ainsi que celle d’un instrument complet. C’est un sujet que j’ai bien sûr évoqué ce sujet avec les différents interlocuteurs que j’ai rencontrés. Ils m’ont dit à quel point il était difficile d’établir une définition générale, et que ce texte comportait, en revanche, des définitions concrètes et aisées à appliquer.

La convention précise qu’un pays doit juger ou extrader, sans qu’un motif politique puisse être opposé. Afin d’être en mesure de juger, chaque Etat doit établir sa compétence en ce qui concerne les infractions visées par la convention. Il n’y a pas de contradiction entre l’article 3 et l’article 11.

La question des sources radioactives se pose en effet. Sur les 40 000 sources identifiées en France, on estime à 4 000 les plus sensibles d’entre elles. Il convient aussi de prêter une grande attention aux sources dites « orphelines », qui ne sont plus contrôlées et pourraient être détournées.

Plus de 80 pays ont à ce jour ratifié la convention, qui est entrée en vigueur après le dépôt du 22e instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion. Nous consacrons malheureusement plus d’énergie en France à élaborer des conventions qu’à les ratifier rapidement et à les appliquer. Il n’est pas dans notre intérêt d’attendre aussi longtemps que nous l’avons fait.

Les activités des forces armées sont clairement exclues de l’application de ce dispositif, Monsieur Janquin. Si un Etat était responsable d’un acte de terrorisme nucléaire, nous serions dans un tout autre cadre juridique.

J’ajoute que ce texte s’inscrit dans un continuum. La procédure d’amendement est décrite très précisément et d’autres conventions pourront venir compléter le dispositif par la suite. De nombreux acteurs continuent en effet à travailler sur ce sujet dans divers cadres, notamment le G8, l’AIEA et les Nations Unies.

Il est vrai que l’on peut relever plusieurs paradoxes. D’une part, la convention porte sur un domaine très régalien, mais elle favorise une coopération internationale ; d’autre part, malgré la confidentialité des informations dans ce secteur, des échanges sont prévus. S’agissant de l’AIEA, le texte a été conçu de manière à prendre en compte son rôle tout en respectant pleinement celui des Etats.

Le plus important dans cette convention, outre une prise de conscience collective qui est nécessaire, est la valeur ajoutée du droit pénal dans la réponse au terrorisme international. La France étant déjà à un haut niveau d’exigence dans tous les domaines couverts par la convention, c’est surtout l’action engagée par les autres parties, avec notre soutien, qui sera le plus utile.

Je rappelle enfin que la convention a été négociée sous l’égide des Nations Unies et qu’elle s’inscrit donc dans le cadre de ses objectifs de paix, de sécurité et de respect de la démocratie.

La question de l’intention est appréhendée sous un angle pénal : l’article 2 vise la détention de matériaux radioactifs ou nucléaires dans l’intention de commettre un acte malveillant, avec des conséquences humaines ou environnementales.

Ensuite, des précautions ont été prises pour qu’un Etat ne puisse pas instrumentaliser la convention pour porter atteinte aux libertés et aux droits de l’homme. L’article 16 est clair : « Aucune disposition de la présente Convention ne doit être interprétée comme impliquant une obligation d’extradition ou d’entraide judiciaire si l’Etat Partie requis a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition pour les infractions visées à l’article 2 ou la demande d’entraide concernant de telles infractions a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité, d'origine ethnique ».

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Il me reste à vous remercier pour la qualité de votre rapport et de vos réponses.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 546).

ANNEXE 1

ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS

AU 1ER DECEMBRE 2012

Participant

Signature, Succession à la signature(d)

Approbation(AA), Acceptation(A), Adhésion(a), Ratification

Afghanistan

29 déc 2005

 

Afrique du Sud

14 sept 2005

9 mai 2007

Albanie

23 nov 2005

 

Algérie

 

3 mars 2011 a

Allemagne

15 sept 2005

8 févr 2008

Andorre

11 mai 2006

 

Antigua-et-Barbuda

 

1 déc 2009 a

Arabie saoudite

26 déc 2006

7 déc 2007

Argentine

14 sept 2005

 

Arménie

15 sept 2005

22 sept 2010

Australie

14 sept 2005

16 mars 2012

Autriche

15 sept 2005

14 sept 2006

Azerbaïdjan

15 sept 2005

28 janv 2009

Bahreïn

 

4 mai 2010 a

Bangladesh

 

7 juin 2007 a

Bélarus

15 sept 2005

13 mars 2007

Belgique

14 sept 2005

2 oct 2009

Bénin

15 sept 2005

 

Bosnie-Herzégovine

7 déc 2005

 

Brésil

16 sept 2005

25 sept 2009

Bulgarie

14 sept 2005

 

Burkina Faso

21 sept 2005

 

Burundi

29 mars 2006

24 sept 2008

Cambodge

7 déc 2006

 

Canada

14 sept 2005

 

Chili

22 sept 2005

27 sept 2010

Chine 1

14 sept 2005

8 nov 2010

Chypre

15 sept 2005

28 janv 2008

Colombie

1 nov 2006

 

Comores

 

12 mars 2007 a

Costa Rica

15 sept 2005

 

Côte d'Ivoire

 

12 mars 2012 a

Croatie

16 sept 2005

30 mai 2007

Cuba

 

17 juin 2009 a

Danemark 2

14 sept 2005

20 mars 2007

Djibouti

14 juin 2006

 

Égypte

20 sept 2005

 

El Salvador

16 sept 2005

27 nov 2006

Émirats arabes unis

 

10 janv 2008 a

Équateur

15 sept 2005

 

Espagne

14 sept 2005

22 févr 2007

Estonie

14 sept 2005

 

États-Unis d'Amérique

14 sept 2005

 

Ex-République yougoslave de Macédoine

16 sept 2005

19 mars 2007

Fédération de Russie

14 sept 2005

29 janv 2007

Fidji

 

15 mai 2008 a

Finlande

14 sept 2005

13 janv 2009 A

France

14 sept 2005

 

Gabon

15 sept 2005

1 oct 2007

Géorgie

 

23 avr 2010 a

Ghana

6 nov 2006

 

Grèce

15 sept 2005

 

Guatemala

20 sept 2005

 

Guinée

16 sept 2005

 

Guinée-Bissau

 

6 août 2008 a

Guyana

15 sept 2005

 

Hongrie

14 sept 2005

12 avr 2007

Îles Salomon

 

24 sept 2009 a

Inde

24 juil 2006

1 déc 2006

Irlande

15 sept 2005

 

Islande

16 sept 2005

 

Israël

27 déc 2006

 

Italie

14 sept 2005

 

Jamaïque

5 déc 2006

 

Japon

15 sept 2005

3 août 2007 A

Jordanie

16 nov 2005

 

Kazakhstan

16 sept 2005

31 juil 2008

Kenya

15 sept 2005

13 avr 2006

Kirghizistan

5 mai 2006

2 oct 2007

Kiribati

15 sept 2005

26 sept 2008

Koweït

16 sept 2005

 

Lesotho

16 sept 2005

22 sept 2010

Lettonie

16 sept 2005

25 juil 2006

Liban

23 sept 2005

13 nov 2006

Libéria

16 sept 2005

 

Libye

16 sept 2005

22 déc 2008

Liechtenstein

16 sept 2005

25 sept 2009

Lituanie

16 sept 2005

19 juil 2007

Luxembourg

15 sept 2005

2 oct 2008

Madagascar

15 sept 2005

 

Malaisie

16 sept 2005

 

Malawi

 

7 oct 2009 a

Mali

 

5 nov 2009 a

Malte

15 sept 2005

26 sept 2012

Maroc

19 avr 2006

31 mars 2010

Maurice

14 sept 2005

 

Mauritanie

 

28 avr 2008 a

Mexique

12 janv 2006

27 juin 2006

Monaco

14 sept 2005

 

Mongolie

3 nov 2005

6 oct 2006

Monténégro 3

23 oct 2006 d

 

Mozambique

1 mai 2006

 

Nauru

 

24 août 2010 a

Nicaragua

15 sept 2005

25 févr 2009

Niger

 

2 juil 2008 a

Nigéria

 

25 sept 2012 a

Norvège

16 sept 2005

 

Nouvelle-Zélande

14 sept 2005

 

Ouzbékistan

 

29 avr 2008 a

Palaos

15 sept 2005

 

Panama

21 févr 2006

21 juin 2007

Paraguay

16 sept 2005

29 janv 2009

Pays-Bas

16 sept 2005

30 juin 2010 A

Pérou

14 sept 2005

29 mai 2009

Philippines

15 sept 2005

 

Pologne

14 sept 2005

8 avr 2010

Portugal

21 sept 2005

 

Qatar

16 févr 2006

 

République arabe syrienne

14 sept 2005

 

République centrafricaine

 

19 févr 2008 a

République de Corée

16 sept 2005

 

République démocratique du Congo

 

23 sept 2010 a

République de Moldova

16 sept 2005

18 avr 2008

République dominicaine

 

11 juin 2008 a

République tchèque

15 sept 2005

25 juil 2006

Roumanie

14 sept 2005

24 janv 2007

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

14 sept 2005

24 sept 2009

Rwanda

6 mars 2006

 

Sainte-Lucie

 

12 nov 2012 a

Saint-Vincent-et-les Grenadines

 

8 juil 2010 a

Sao Tomé-et-Principe

19 déc 2005

 

Sénégal

21 sept 2005

 

Serbie

15 sept 2005

26 sept 2006

Seychelles

7 oct 2005

 

Sierra Leone

14 sept 2005

 

Singapour

1 déc 2006

 

Slovaquie

15 sept 2005

23 mars 2006

Slovénie

14 sept 2005

17 déc 2009

Sri Lanka

14 sept 2005

27 sept 2007

Suède

14 sept 2005

 

Suisse

14 sept 2005

15 oct 2008

Swaziland

15 sept 2005

 

Tadjikistan

14 sept 2005

 

Thaïlande

14 sept 2005

 

Timor-Leste

16 sept 2005

 

Togo

15 sept 2005

 

Tunisie

 

28 sept 2010 a

Turkménistan

 

28 mars 2008 a

Turquie

14 sept 2005

24 sept 2012

Ukraine

14 sept 2005

25 sept 2007

Uruguay

16 sept 2005

 

ANNEXE 2

LISTE DES CONVENTIONS ET PROTOCOLES RELATIFS AU TERRORISME

A. Conventions

1. Convention de 1963 relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs (dite « Convention de Tokyo » sur la sûreté de l’aviation) : 185 Etats Parties au 10/12/2012 ;

2. Convention de 1970 pour la répression de la capture illicite d’aéronefs (dite « Convention de La Haye » sur les détournements d’aéronefs) : 85 Etats Parties au 10/12/2012 ;

3. Convention de 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (dite « Convention de Montréal ») : 188 Etats Parties au 10/12/2012 ;

4. Convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale : 176 Etats Parties au 10/12/2012 ;

5. Convention internationale de 1979 contre la prise d’otages : 170 Etats Parties au 10/12/2012 ;

6. Convention de 1980 sur la protection physique des matières nucléaires : 148 Etats Parties au 10/12/2012 ;

7. Convention de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime : 165 Etats Parties au 10/12/2012 ;

8. Convention de 1991 sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection : 147 Etats Parties au 10/12/2012 ;

9. Convention internationale de 1997 pour la répression des attentats terroristes à l’explosif : 165 Etats Parties au 10/12/2012 ;

10. Convention internationale de 1999 pour la répression du financement du terrorisme : 181 Etats Parties au 10/12/2012 ;

11. Convention internationale de 2005 pour la répression des actes de terrorisme nucléaire : 83 Etats Parties au 10/12/2012 ;

12. Convention de 2010 sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale : 1 Etat Partie au 10/12/2012.

B. Protocoles

1. Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale (1988) : 172 Etats Parties au 10/12/2012 ;

2. Protocole pour la Convention de 1988 sur la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (2005) : 23 Etats Parties au 10/12/2012,

3. Protocole au Protocole de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental (2005) : 19 Etats Parties au 10/12/2012.

ANNEXE 3

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES

1. Le vendredi 25 janvier 2013

– M. Marc Abensour, directeur des Affaires internationales, stratégiques et technologiques au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ;

– Lieutenant-colonel Berthe, chargé de mission « nucléaire » au SGDSN.

2. Le mardi 29 janvier 2013

– M. Vincent Mazauric, secrétaire général et haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;

– M. Benoît Piguet, conseiller du Secrétaire général ;

– M. Christophe Quintin, adjoint au chef de service de défense et de sécurité ;

– Colonel Christian Riac, chef du département de sécurité nucléaire.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, signée à New York le 14 septembre 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

________________________________

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 546).

© Assemblée nationale

1 () La liste des conventions et des protocoles relatifs au terrorisme figure à l’annexe 2 de ce rapport.

2 () Les personnes auditionnées sont présentées à l’annexe 3.

3 () Pablo Picasso.

4 () Source : rapport 2011 du Haut Comité Français pour la Défense Civile.

5 () La sécurité nucléaire consiste à protéger les installations et les matières nucléaires contre les actes de malveillance, quand la sûreté nucléaire consiste à prévenir les accidents dans les installations et à réduire leurs conséquences potentielles.

6 () La liste des matières nucléaires, plus restrictive que celle des matières radioactives, est définie à l’article 1er.

7 () Il s’agit notamment de préserver la confidentialité d’informations transmises par d’autres Etats, de garantir le respect de la législation nationale et de ne pas mettre en péril la sécurité de l’Etat ou la protection physique de matières nucléaires.