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N
° 993, N° 994 et N° 995

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 avril 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI n° 425, autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti,

– LE PROJET DE LOI n° 426, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire,

ET

– LE PROJET DE LOI n° 427, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal,

PAR M. Jean-Louis DESTANS

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 930, 931 et 932.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES PROBLÉMATIQUES DE LA TOILE DE FOND 9

A. L’incidence des contextes sécuritaires régionaux 9

1. La Corne de l’Afrique, enjeu stratégique majeur 9

1.1. Les voisins encombrants de Djibouti 9

1.2. La piraterie maritime au large des côtes somaliennes renforce l’intérêt géostratégique de Djibouti 10

2. L’instabilité de l’Afrique de l’ouest 12

B. Réussir la réconciliation nationale en Côte d'Ivoire 13

1. Les promesses de la reconstruction d’un pays divisé au sortir de dix années de crise 13

2. Les chantiers sécuritaires du Président Ouattara 14

II. LES ACCORDS DE DÉFENSE EN VIGUEUR 17

A. Des accords nombreux et denses 17

1. Les fondements de notre coopération de défense 17

1.1. Les accords entre la France et la Côte d'ivoire 17

1.2. Les accords franco-sénégalais 18

1.3. Les accords militaires entre la France et la République de Djibouti 18

2. Les grandes lignes de la coopération militaire définie dans ces accords 19

2.1. Les dispositions surannées de l’assistance militaire à la défense des trois pays 19

2.2. La coopération structurelle  20

a. La dimension logistique 21

b. La formation des hommes 22

c. Les conditions de stationnement des forces françaises et les questions statutaires 23

B. Un bilan actualisé des accords 24

1. Réalité de la coopération militaire française dans les trois pays 24

1.1. Les forces françaises positionnées 24

a. Licorne en Côte d'Ivoire 24

b. Les Éléments français au Sénégal, « EFS » 25

c. Les Forces françaises de Djibouti, « FFDj » 26

1.2. Les moyens engagés au titre des coopérations militaires bilatérales 26

a. Le cas particulier de la Côte d'Ivoire 26

b. Le dispositif de coopération avec les armées sénégalaises 29

c. La coopération avec les forces armées de Djibouti 30

2. Où en sont aujourd'hui les forces armées des pays bénéficiaires ? 32

2.1. La nécessaire reconstruction des forces armées ivoiriennes 32

2.2. Les forces armées sénégalaises, FAS 33

2.3. Les forces armées djiboutiennes 35

3. Les capacités de projection actuelles 36

3.1. Leurs faibles moyens n’obèrent pas une participation honorable des forces armées sénégalaises sur la scène régionale 36

3.2. Les forces djiboutiennes dans leur environnement régional 37

3.3. Les limites compréhensibles des forces ivoiriennes 38

III. DE NOUVEAUX ACCORDS QUI TRADUISENT LA VOLONTÉ DE RELATIONS PARTENARIALES 39

A. Les dispositions proposées 39

1. L’architecture standard des accords 39

2. Les principes généraux 39

2.1. L’inscription des accords dans les perspectives régionales 39

2.2. Les composantes principales des partenariats militaires 41

3. Les questions statutaires et autres dispositions finales 42

4. Le contenu des annexes 42

B. La spécificité du nouvel accord avec Djibouti 44

1. Le maintien d’une clause de défense 44

2. Les fondements de l’exception djiboutienne 44

C. Perspectives et orientations de notre coopération à la lumière des nouveaux accords 46

1. Les orientations de la coopération avec le Sénégal 46

2. Les actions de coopération des FFDj 47

3. Le cas de la Côte d'Ivoire 48

CONCLUSION 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

ANNEXE - Liste des personnalités rencontrées par le rapporteur 59

_____

ANNEXE – TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 61

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Il y a tout juste deux ans, notre Commission des affaires étrangères commençait l’examen des nouveaux accords bilatéraux instituant des partenariats de défense avec plusieurs pays africains ; en premier lieu, de ceux négociés avec le Cameroun, le Togo, la République centrafricaine et le Gabon, avec lesquels la France entretient depuis les indépendances les liens étroits que l’on sait, puis, en novembre 2011, de la convention conclue avec le gouvernement de l’Union des Comores.

Les projets de loi qui nous étaient alors présentés venaient parachever la première vague de révisions des accords alors en vigueur avec ces différents pays, processus lancé par le Président de la République trois ans plus tôt.

Lors de son discours devant le parlement sud-africain au Cap le 28 février 2008, Nicolas Sarkozy avait en effet annoncé son intention de sortir de « l’ancien modèle de relations entre la France et l’Afrique [qui] n’est plus compris par les nouvelles générations d’Africains, comme d’ailleurs par l’opinion publique française » et défendu la nécessité de tisser de nouvelles relations. Il fallait donc œuvrer à la « renaissance » des liens pour éviter la distanciation entre la France et chacun de ses partenaires en abandonnant « des rapports inégaux qui appartiennent à un passé révolu. » Ce changement passait par divers axes, dont le volet militaire, en premier lieu : le Président Sarkozy avait argué de l’obsolescence des accords en vigueur qui, entre autres choses désormais inconcevables, pouvaient entraîner la France dans des conflits internes, comme l’histoire l’avait montré à diverses reprises.

De fait, comme nos collègues l’avaient alors souligné (1), les conventions en vigueur, signées cinquante ans plus tôt au sortir des indépendances, voire même pour certaines avant, fleuraient encore leur relent colonialiste : indépendamment du fait que les forces armées des pays concernés étaient très étroitement liées sur le long terme aux forces armées françaises qui, dans les toutes premières années, avaient même l’exclusivité de leur équipement, de leurs maintenance et soutien logistique, il arrivait qu’on y trouve des dispositions habilitant l’ambassadeur de France « à prendre, à titre exceptionnel et essentiellement provisoire, toutes dispositions nécessaires au rétablissement de l’ordre et de la légalité » en cas de menace sur l’intégrité territoriale ou la sécurité intérieure empêchant le gouvernement du pays d’assurer l’exercice du pouvoir (2). D’une manière générale, la politique militaire française en Afrique, définie en parallèle - et en lien étroit - à la politique d’aide au développement, conférait aux forces de notre pays une mission globale de coopération technique et de défense, offrant des moyens d’action supplémentaires pouvant être engagés en cas de besoin, agression extérieure ou subversion interne, et parfois de manière automatique, pour les nécessités de laquelle des troupes étaient prépositionnées dans diverses bases.

Cela étant, au fil du temps, de nombreuses évolutions étaient malgré tout intervenues dans la relation militaire de la France avec l’Afrique. Elles se sont traduites en premier lieu par la diminution régulière de nos forces en présence, mouvement de décrue commencé très tôt, comme le rappelait le Livre blanc « Défense et sécurité nationale » (3), qui sont ainsi passées de 30 000 hommes au début des années 1960 à quelque 6 000 aujourd'hui.

En outre, sans remonter aux prémices inabouties des années 1960 (4), il faut aussi rappeler que notre politique militaire s’est progressivement inscrite dans un cadre sans cesse plus multilatéral, quand bien même les accords bilatéraux n’étaient pas modifiés. Pour ne parler que des quinze dernières années, la France figure, avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis, parmi les principaux promoteurs de l’émergence d’une politique africaine de défense. Au cours des années 1990, elle a ainsi conçu et proposé le programme RECAMP – « Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix » -, qu’elle a mis en œuvre avec ses deux partenaires. RECAMP vise à renforcer les capacités militaires des pays bénéficiaires afin qu’ils puissent eux-mêmes conduire, le cas échéant, des actions de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies et en coordination avec l'Union africaine, l’accent étant mis sur la prévention et la gestion des conflits en Afrique subsaharienne. Plus précisément, ce programme s’inscrit dans le cadre des processus d’intégration africaine, dans la mesure où il prétend aussi contribuer au renforcement des différentes organisations sous-régionales, - CEDEAO, IGAD, SADC, CEEAC (5) -, par des actions de coopération et d’entraînement des forces armées des pays membres. Il préfigure le concept de « Force africaine en attente » que l’Union africaine a développé dès sa création en 2002 et qui s’articule selon une logique identique, à savoir sur des brigades régionales, au nombre de cinq, disposant chacune de son état-major et de ses troupes.

La coopération de défense bilatérale avec nos différents partenaires africains se devait de prendre en compte ces évolutions majeures. Dans le prolongement du discours du Cap, la réorientation de notre outil de défense était confirmée par le Livre blanc de la défense qui considéra que « les accords de défense bilatéraux passés avec les pays africains correspondent à un moment historique, la fin de la décolonisation, qui appartient au passé »  (6), cependant que le redéploiement de notre dispositif permanent était entrepris. En d'autres termes, l’actualisation des accords de défense devenait indispensable, ne serait-ce que pour qu’ils ne soient pas totalement déconnectés des nouvelles réalités de la coopération de défense que la France entretient avec ses partenaires africains.

Les négociations des accords qui sont aujourd'hui soumis à notre examen ont été pour certaines plus délicates qu’avec les cinq premiers pays. Chacun comprend bien les raisons du retard s’agissant de la Côte d'ivoire : si des contacts initiaux avaient été pris dès le mois de mai 2008, la France avait ensuite suspendu les discussions pour éviter le risque de voir le traité instrumentalisé par le Président Gbagbo pour contourner l’embargo militaire contre son pays. Pour leur part, les négociations avec le Sénégal ont achoppé un temps du fait de la perspective du départ de nos forces stationnées à Dakar. Quoi qu’il en soit, lorsque la représentation nationale aura autorisé la ratification des trois conventions, notre appareil conventionnel en matière de défense avec les pays africains aura été entièrement révisé et la totalité des accords historiques aura disparu.

Dans le cadre de ce rapport, à l’heure de donner le coup d’envoi d’une nouvelle étape de notre coopération de défense, il sera nécessaire, s’agissant de trois pays avec lesquels nous entretenons des relations aussi fortes que différentes, de dresser le bilan de ce qui a été fait jusqu’à aujourd'hui avec chacun de ces trois pays et d’analyser le contenu des accords dans cette optique.

Cela étant, on comprendrait mal que votre Rapporteur se contente de cette approche et s’exonère d’une analyse des enjeux sécuritaires régionaux qui s’imposent aujourd'hui à ces pays : le conflit dramatique que la Côte d'Ivoire a vécu ces dix dernières années et l’évolution récente de la crise sahélienne, d’une part, comme la situation dans la Corne de l’Afrique d’autre part, justifient qu’on lise les accords qui sont proposés en les remettant dans leur contexte.

I. LES PROBLÉMATIQUES DE LA TOILE DE FOND

A. L’INCIDENCE DES CONTEXTES SÉCURITAIRES RÉGIONAUX

1. La Corne de l’Afrique, enjeu stratégique majeur

La position de Djibouti en fait une zone géostratégique majeure. Deux ou trois éléments méritent d’être rappelés.

1.1. Les voisins encombrants de Djibouti

Depuis toujours, l’environnement immédiat de Djibouti est constitué de pays dont la première des caractéristiques n’est pas la stabilité : en tenailles entre l’Érythrée à l’ouest, la Somalie sur son flanc est, et l’Éthiopie pour la plus grande part, la République de Djibouti aurait pu rêver d’un voisinage plus serein.

Indépendamment de la crispation de la situation politique interne de l’Érythrée, qui en outre a connu en début d’année une tentative de coup d’État militaire, les troubles fomentés dans la région par Asmara sont récurrents depuis des années. Le Conseil de sécurité des Nations Unies lui a imposé de nouvelles sanctions à la fin 2011, après avoir réaffirmé sa grave préoccupation sur la question du différend frontalier avec Djibouti et a souligné à cette occasion la responsabilité de l’Érythrée en « considérant que le refus de l’Érythrée de respecter pleinement les résolutions 1844 (2008), 1862 (2009) et 1907 (2009) et ses actions qui sapent l’effort de paix et de réconciliation en Somalie et dans la région de la corne de l’Afrique, ainsi que le différend opposant Djibouti et l’Érythrée, constituent une menace à la paix et à la sécurité internationales »  (7).

Ce n’est en effet pas uniquement vis-à-vis de Djibouti que l’activisme d’Asmara se révèle délétère, mais aussi de la Somalie : c’est précisément à ce titre que les premières sanctions du Conseil de sécurité auxquelles fait référence la Résolution 2023 sont intervenues en 2008 et 2009, qui avaient déjà souligné son rôle déstabilisateur.

En parallèle, il faut également rappeler que le différend entre l’Érythrée et l’Éthiopie ne s’est jamais définitivement résolu, plus de dix ans après la fin de la guerre, comme en témoignent les incidents frontaliers à répétition entre les deux pays, le dernier ayant vu l’intervention des troupes d’Addis-Abeba sur le sol érythréen il y a tout juste un an.

Enfin, même s’il n’est pas dans le voisinage immédiat de Djibouti, le Soudan peine toujours à sortir des conflits internes qui ne cessent de jalonner son histoire depuis son indépendance : la sécession du Soudan du sud en juillet 2011 est loin d’avoir apaisé les tensions entre les deux belligérants dont les différends frontaliers perdurent malgré les médiations internationales et les accords successifs.

1.2. La piraterie maritime au large des côtes somaliennes renforce l’intérêt géostratégique de Djibouti

La position unique de Djibouti lui donne, avec le Yémen, le contrôle du détroit de Bab el Mandeb, et donc de la Mer Rouge, par laquelle transite une part essentielle du trafic maritime entre l’Asie et l’Europe, représentant quelque 25 000 navires annuels. En d'autres termes, non seulement la stabilité de Djibouti est d’un intérêt majeur pour de nombreux pays, mais sa localisation l’a naturellement convertie en base de soutien pour les opérations internationales de lutte contre la piraterie maritime, qui s’est considérablement développée au cours de la dernière décennie au large des côtés somalies, au point que « avec près de 111 attaques en 2008 et 217 incidents en 2009, les deux pics de la piraterie moderne, la Corne de l'Afrique est réputée pour être actuellement la zone maritime la plus dangereuse du monde. » (8). Plus récemment (9) , un article indiquait que selon un rapport du Bureau maritime international, BMI, sur 439 attaques signalées dans le monde en 2011, 275 avaient eu lieu au large de la Somalie et dans le golfe de Guinée. Le nombre total d'incidents enregistrés était toutefois orienté à la baisse, tant en ce qui concerne les actes de piraterie que le nombre de membres d’équipage pris en otage : 802 en 2011, contre 1181 en 2010.

Comme on le sait, les mesures adoptées par la communauté internationale se sont traduites par la création par le Conseil de sécurité, de mécanismes de coopération régionale dans lesquels la Somalie est spécialement concernée et impliquée, compte tenu du fait que la piraterie infeste essentiellement ses eaux territoriales, cependant que les installations sur le territoire de Djibouti sont utilisées par les forces occidentales comme bases de stationnement et de départ pour leurs interventions en mer. Ainsi, l’aéroport sert-il de base aux avions des patrouilles maritimes (espagnols, japonais, allemands, américains). Depuis décembre 2008, la base militaire française accueille les détachements de l’opération européenne Atalante, dont un allemand et un espagnol. Cette mission concourt à la protection des navires du Programme alimentaire mondial des Nations Unies qui acheminent de l'aide aux populations déplacées de Somalie ainsi qu'à celle des navires vulnérables naviguant dans le golfe d'Aden et au large des côtes de Somalie. Elle facilite les escales des navires des pays alliés – quelque 300 navires de guerre de toute nationalités font escale chaque année dans le port de Djibouti - et fournit un soutien médical avec l’hôpital médicochirurgical Bouffard sur lequel votre Rapporteur aura l’occasion de revenir. De son côté, depuis août 2009, l’OTAN mène la mission « Ocean Field », coalition maritime internationale contre la piraterie, notamment soutenue par les Etats-Unis. 

Pour être exhaustif, on peut également préciser que le Japon, fort de la légitimité tirée de son rôle pionnier avec le succès de l’initiative ReCAAP  (10), est devenu un acteur majeur de cette lutte contre la piraterie et qu’il ambitionne de jouer un rôle de premier plan dans le Golfe d’Aden. Il y déploie d'ores et déjà près de 1000 hommes dont Djibouti est le point d’appui. Il a ouvert en octobre 2009 une ambassade et a construit une base militaire aérienne autonome d’environ 200 hommes pour deux avions de surveillance maritime. Le Japon s’est en outre engagé sur le versement de 14 millions de dollars au fonds fiduciaire mis en place par l’Organisation maritime internationale, OMI, destiné à financer la création d’un centre régional de documentation, de formation et d’entrainement au profit des acteurs de la sécurité maritime dans la Corne de l’Afrique. Il ambitionne de développer une coopération bilatérale avec la nouvelle unité de garde-côtes djiboutiens.

De son côté, l’Allemagne, entretient une présence militaire légère dans le cadre d’Atalante et l’Italie s’est entendue en février 2011 avec le gouvernement de Djibouti sur le principe d’une coopération militaire, notamment en formation, entraînement et assistance. L’installation d’une base permanente a été prévue en juillet 2012 ; elle aura vocation à soutenir les équipes de protection embarquées sur les navires dans le Golfe d’Aden et à organiser la formation des policiers somaliens. Elle pourra accueillir jusqu’à 300 personnes.

Pour autant, malgré les moyens engagés, le site web de la Délégation aux affaires stratégiques du ministère de la défense remarquait l’an dernier que « les opérations militaires maritimes ne parviennent, malgré des succès certains, qu'à limiter les nuisances causées par la piraterie  au large de la Corne de l'Afrique, sans en éradiquer les causes. Près de quatre années après le déclenchement de l'opération Atalanta, la menace exercée par la piraterie maritime dans la zone s'est étendue jusqu'en Inde et au Mozambique »  (11), et appelait en conséquence à relancer la réflexion stratégique sur le renforcement des capacités maritimes dans cette partie du globe.

Pour leur part, les États-Unis sont également de plus en plus présents depuis quelques années à Djibouti, devenue pièce maîtresse de leur dispositif de lutte contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique et dans la Péninsule arabique (12) : Le commandement de la « Combined Joint Task Force/Horn of Africa » (CJTF/HOA) y est implanté depuis mai 2003 et quelque 2 000 soldats sont installés dans l’ancien camp Lemonnier de la Légion étrangère. Des bâtiments de l’US Navy font escale dans le port en eau profonde de Djibouti et les gros-porteurs et hélicoptères de l’US Air Force empruntent l’aéroport. En janvier dernier, les Etats-Unis ont demandé pour leurs activités drones l’autorisation d’utiliser à titre temporaire le terrain de Chabellay actuellement réservé en secours à l’usage exclusif des appareils français. Ceci fait l’objet d’une négociation tripartite ; toutefois, selon les informations fournies à votre Rapporteur, si les Etats-Unis ont prouvé leur volonté de travailler en étroite concertation avec la France, il semblerait qu’ils cherchent ainsi à s’investir très rapidement dans la gestion de l’espace aérien.

2. L’instabilité de l’Afrique de l’ouest

Sans qu’il soit nécessaire de faire de très longs développements sur les nombreux facteurs qui fragilisent la région ouest-africaine, compte tenu des travaux que notre commission mène depuis longtemps maintenant sur le Sahel, quelques aspects méritent néanmoins d’être rappelés.

L’instabilité de l’Afrique de l’ouest tient en premier lieu au fait que les pays qui la composent sont parmi les plus pauvres du continent et que leurs perspectives de développement économique et social sont fréquemment affectées par des taux de croissance démographique élevés, parmi les plus hauts au monde. Il en résulte que les indices de développement sont parmi les plus faibles du monde et que les populations subissent, entre autres conséquences, des stress alimentaires fréquents, si ce n’est continus, que les périodes de sécheresse et la désertification à l’œuvre depuis plusieurs décennies aggravent.

Cela étant, cette zone géographique, et l’ensemble de l’arc sahélien, est aussi de celles dont le sous-sol regorge de richesses naturelles de toutes natures, d'ores et déjà exploitées ou en passe de l’être. Les pays producteurs de pétrole, de gaz ou d’or sont chaque année plus nombreux et, s’ils n’ont pas encore rejoints le club des producteurs ou exportateurs, les activités de prospection et l’amélioration des techniques d’exploration et d’extraction, offrent aujourd'hui des perspectives naguère encore inenvisageables, comme en témoignent les découvertes en Mauritanie ou au Niger. En d'autres termes, l’ouest africain tend à devenir une zone sans cesse plus intéressante et convoitée, attisant les appétits des grandes puissances dont les intérêts géostratégiques contradictoires et les rivalités peuvent à leur tour constituer autant de facteurs aggravants des incertitudes qui pèsent sur les pays qui le composent.

Par ailleurs, l’attention de la communauté internationale est aujourd'hui à juste titre focalisée sur la crise malienne, dont les causes premières ont été bien analysées. Chacun en connaît la dimension régionale et les origines, qu’elles soient immédiates ou plus éloignées, ayant pour certaines leurs racines dans ce qui s’est joué une décennie plus tôt de l’autre côté de l’Atlantique : les trafics de cocaïne en provenance d’Amérique latine qui se sont ajoutés au tournant du XXIe siècle aux autres, innombrables, qui œuvraient déjà à saper les structures sociales et étatiques des pays de la côte ouest-africaine. Les contrebandes d’armes, de cigarettes, de migrants, sont autant de facteurs qui ont fragilisé l’ensemble de la région.

De sorte que, aujourd'hui, des menaces sécuritaires jusqu’alors virtuelles, s’inscrivent dans le paysage de pays naguère encore considérés comme des pôles de stabilité dans lesquels désormais un certain nombre de menaces diffuses tendent à se préciser. Ainsi, le Sénégal est-il considéré comme constituant aujourd'hui une cible potentielle, sur fond de crise malienne, de risque terroriste et de voisinages compliqués et dangereux - cf. la Guinée Bissau, narco-État lui-même des plus instable -, qui ne peuvent qu’avoir des incidences sur sa situation interne.

B. RÉUSSIR LA RÉCONCILIATION NATIONALE EN CÔTE D'IVOIRE

Dans ce contexte régional particulièrement troublé, force est de faire une place à part à la Côte d'Ivoire, Partie de l’un des trois traités soumis à l’examen de notre commission, pour souligner brièvement quelques aspects importants.

1. Les promesses de la reconstruction d’un pays divisé au sortir de dix années de crise

Pour l’essentiel, les problématiques sécuritaires ivoiriennes les plus cruciales sont évidemment internes après la longue et difficile crise que le pays a traversée. Récemment encore, la Côte d'Ivoire faisait face à des tentatives récurrentes de déstabilisation, comme en témoignent les multiples épisodes intervenus au long de l’année 2012 – les attaques de type terroriste entre août et octobre près de la frontière du Libéria et dans la région d’Abidjan faisant de nombreuses victimes, ou en provenance du Ghana -, ainsi que les incidents qui continuent de se produire sur la frontière libérienne, ces dernières semaines encore.

Ce climat de déstabilisation entretenu a détourné les autorités de la tâche de reconstruction, alors même que l'appareil d'Etat était lui-même fragilisé. Dans ce contexte encore délétère, le bilan, de l’avis de nombreux observateurs, reste mitigé, et la réconciliation nationale est lente. Malgré les progrès, en matière de relance économique, notamment, des réformes de l’enseignement, et même la relative diminution de l’insécurité, des chantiers importants restent à mener à bien, notamment en ce qui concerne la justice, la réforme du secteur de la sécurité ou la lutte contre la corruption. Il ne saurait en être autrement quelques mois après plus d’une décennie de guerre civile et de marasme économique, politique et social, qui n’ont pu que laisser des traces profondes au cœur d’une population ivoirienne à la croissance démographique au demeurant extrêmement forte, qui portera le pays à 50 millions d’habitants en 2050.

Le Président Ouattara s’est donné pour priorité la relance économique avec l’objectif futur de faire entrer la Côte d’ivoire dans le club des émergents à l’horizon 2020, porté par ses richesses agricoles et minières qui lui offrent un potentiel de développement prometteur. Il entreprend notamment la libéralisation de l’économie et travaille à la recherche de l’efficacité fiscale. Le fait que la Côte d’Ivoire pourrait devenir un grand pôle minier et pétrolier, peut-être le plus important de la sous-région, avec un objectif de 300 000 barils/jour et de 17 tonnes d’or/an à très court terme peut y contribuer, d’autant que les premiers résultats sont probants : cf. la croissance de 8,6 % en 2012 qui devrait s’approcher des 10 % en 2013. L’attractivité revenue de la Côte d'Ivoire est aujourd'hui d’ailleurs indéniable, en témoigne l’afflux des investisseurs étrangers, japonais, britanniques, turcs, américains, chinois et français ; il n’est pas inutile, s’agissant de notre pays, de mentionner à ce propos que la reprise économique ivoirienne lui a en effet aussi bénéficié, puisqu’on a noté un accroissement de 37 % de ses échanges commerciaux avec la Côte d’Ivoire entre 2011 et 2012. Nos exportations ont ainsi atteint un pic inégalé depuis ces dix dernières années de 927 millions d’euros. De son côté, le Royaume-Uni est devenu le second investisseur derrière la France, notamment dans le secteur des hydrocarbures et des ressources minières, avec des échanges d’un montant total de 300 millions d’euros en 2011, qui devrait tripler d'ici 2015. 

Les défis restent toutefois nombreux et des plus difficiles : question foncière, apaisement des tensions ethniques, moralisation de la société ivoirienne, normalisation de la vie politique, marginalisation des ex-« Com’zones » - commandants de zones - et réforme des armées, pour ne citer que les plus cruciaux.

2. Les chantiers sécuritaires du Président Ouattara

Au sortir de dix ans de guerre civile, la restructuration de l’appareil sécuritaire, la réinsertion des ex-combattants, la fin de la marginalisation de la police et de la gendarmerie, et l’éloignement progressif des anciens « com’zones », sont des impératifs que le nouveau régime doit réussir s’il entend stabiliser définitivement le pays. En ce sens, la normalisation progresse aussi, encore que très lentement, beaucoup trop selon de nombreux analystes et observateurs.

Le processus de DDR – démobilisation, désarmement, réinsertion - souffre notamment d’un retard important en raison de difficultés d’organisation et de coordination, du manque de moyens et de la prise en compte tardive de ce dossier par le président Ouattara. La communauté internationale a eu l’occasion de dénoncer le rôle laissé aux anciens commandants de zone en matière de maintien de l'ordre, et a pointé du doigt les graves dérapages qui sont intervenus et les violentes atteintes aux Droits de l'Homme que leurs troupes ont causées.

Si les choses sont aujourd'hui reprises en mains par le Président ivoirien, les dernières informations disponibles faisaient néanmoins récemment état de quelque 73 000 ex-combattants encore à démobiliser, désarmer et réinsérer, selon le ministère ivoirien de la défense  (13). Sachant que près des deux tiers d’entre eux sont considérés comme difficiles à réinsérer, près de la moitié étant analphabètes, la menace potentielle reste réelle sur la stabilité du pays, si l’on combine les perspectives limitées qui leur sont offertes avec leur niveau d’armement, tant en équipement qu’en munitions : il y aurait encore à récupérer environ 10 000 fusils d’assaut, 700 armes lourdes, plus de 300 000 munitions et 18 000 explosifs. En outre, en dépit de la présence de deux conseillers français, ainsi que d’un Belge et d’un Américain, ce processus de désarmement et de démobilisation reste opaque, souffre de difficultés d’organisation et de clivages, et le Livre orange, équivalent de notre Livre blanc, se fait attendre.

Une première opération, menée entre octobre et novembre 2012, a eu pour objectif de démobiliser et convertir 1 000 ex-combattants en surveillants pénitentiaires. A l’heure actuelle, quelque 1 800 personnes en tout ont été démobilisées, dont un peu plus d’une centaine de femmes, un peu plus de 1 700 armes récupérées, dont 40 % hors service, ainsi que près de 16 000 munitions. Par ailleurs, 2 500 personnes sont en cours de réinsertion. 7 000 postes ont été ouverts par l’Etat ivoirien dans les services des Douanes (2 000), de l’Administration pénitentiaire (2 000), et du corps des Eaux et Forêts (3 000), et une étude était récemment menée pour l’insertion de plus de 11 000 ex-combattants supplémentaires, à partir de mars 2013, qui se répartiraient de nouveau dans les Douanes (2 000), les eaux et forêts (1 000) et divers secteurs économiques (8 150).

Sur ces enjeux, majeurs pour l’avenir de la Côte d'Ivoire, un récent rapport de l’International Crisis Group faisait état de ses vives inquiétudes en indiquant que « La présidence Ouattara doit aussi constituer un appareil de défense et de sécurité qui ne soit plus au service d’un pouvoir ou d’un clan mais au service de la République et de ses citoyens. Sans cette réforme cruciale, les forces armées resteront l’élément déstabilisateur qu’elles sont depuis le coup d’Etat de décembre 1999. » (14).

II. LES ACCORDS DE DÉFENSE EN VIGUEUR

A. DES ACCORDS NOMBREUX ET DENSES

Comme on le verra, les accords de défense qui seront abrogés par les nouvelles conventions forment un ensemble conséquent, la France étant actuellement liée avec chacun des trois pays concernés par plusieurs textes.

1. Les fondements de notre coopération de défense

1.1. Les accords entre la France et la Côte d'ivoire

Des accords signés dans le domaine militaire avec ces trois pays, ceux avec la Côte d'Ivoire sont les plus anciens. Le premier est une convention annexe à la convention générale du 30 juin 1959 relative à l’emploi des militaires en situation hors cadre dans les services publics de la République de Côte d’Ivoire, signée le 4 décembre 1959. Deux ans plus tard, de nouveaux accords étaient conclus. Un « Accord de défense », quadripartite, entre les gouvernements de la République française, de la République de Côte d’Ivoire, de la République du Dahomey et de la République du Niger, était signé le 24 avril 1961, dont les clauses ne s’appliquent plus aujourd'hui qu’à la seule Côte d’Ivoire après qu’il a été dénoncé par les deux autres pays ; un « accord d’assistance militaire technique », bilatéral, était conclu le même jour entre le gouvernement français et celui de chacune des parties, dont la Côte d'Ivoire, complété de ses annexes sur « le statut des membres des forces armées françaises sur le territoire de la République de Côte d'Ivoire » et « l’aide et les facilités mutuelles en matière de défense » ; figurait aussi un accord, par échanges de lettres, additionnel à l'accord de défense relatif aux matières premières et produits stratégiques entre la République de Côte d'Ivoire et la République française.

Quelques temps plus tard, on relève un protocole sur les missions et modalités d’intervention des formations des gendarmeries, des forces terrestres et aériennes de l’armée française en République de Côte d’Ivoire du 12 avril 1962, et son annexe du 21 avril 1962, l’ensemble non publié, de même qu’un protocole fixant l'organisation, le fonctionnement et les règles de correspondance du Bureau d'aide militaire à l'armée ivoirienne, signé le 12 septembre 1962. D’autres textes interviendront ensuite, dont le 8 avril 1965 une convention « fixant les règles et condition du soutien logistique des forces terrestres, des forces aériennes et de la gendarmerie de la République de Côte d'Ivoire ». Un accord de coopération en matière d’armement entre les deux parties a également été adopté le 26 janvier 1978. Votre Rapporteur a été informé de l’existence de deux autres accords, actuellement classifiés dont ni le contenu, ni l’intitulé ne peuvent être cités.

1.2. Les accords franco-sénégalais

S’agissant du Sénégal, l’essentiel de l’appareil conventionnel bilatéral est vieux de bientôt quarante ans, le texte le plus important étant l’« accord de coopération en matière de défense », daté du 29 mars 1974. En même temps que cet accord central, un ensemble de protocoles et de conventions signés le même jour portent sur « les règles et conditions du concours de la République française au soutien logistique des forces terrestres, des forces aériennes, des forces maritimes, de la gendarmerie, des unités militaires du service civique, des formations paramilitaires : garde républicaine et sapeurs-pompiers de la République du Sénégal », sur « la sécurité des vols des aéronefs militaires », sur « l’évolution de la direction des constructions et armées navales », ou encore « sur les missions et les modalités d'intervention des formations de la gendarmerie nationale française au Sénégal »(15)

Ultérieurement ont été conclus d’autres accords bilatéraux, d’ambition plus modeste, mais concernant néanmoins diverses questions militaires : sur les modalités de transfert de la direction des constructions et armes navales à l’État sénégalais, en octobre 1979 ; sur la cession, accompagnée de pièces de rechange et de sessions de formation, d’aéronefs, - avions Epsilon et hélicoptère Écureuil -, en mars 2006 ; enfin, un dernier, datant du 19 janvier 2011, sur la fourniture de matériel dans le domaine de la marine, aux termes duquel la France s’engageait à fournir au Sénégal, à titre gracieux, un « bâtiment engin de débarquement d’infanterie et de chars de la marine nationale avec son armement ».

1.3. Les accords militaires entre la France et la République de Djibouti

Les relations militaires bilatérales avec la République de Djibouti sont essentiellement régies par le « protocole provisoire fixant les conditions de stationnement des forces françaises sur le territoire de la République de Djibouti après l’indépendance et les principes de la coopération militaire », signé en même temps que le traité d’amitié et de coopération entre les deux pays, le 27 juin 1977, jour même de l’accession du pays à l’indépendance. Plusieurs accords ont par la suite été conclus : la convention « relative à la création et au fonctionnement d’un bureau postal militaire au profit des forces armées françaises stationnées à Djibouti », signée le 3 septembre 1979 et partiellement modifiée en 1985 ; le protocole « au sujet des compétences de la prévôté en matière de délit ou de fautes commis par les membres des forces armées françaises et leurs familles sur le territoire de la République de Djibouti », en date du 14 février 1980 ; l’« accord en matière de surveillance de l'espace aérien » et celui « en matière de surveillance des eaux territoriales », tous deux du 11 février 1991, ou encore l'« accord de confirmation relatif au stationnement des forces françaises stationnées à Djibouti », en date du 21 janvier 1999.

Ce dispositif a finalement été complété par la signature d’une dernière convention, le 3 août 2003, « relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la république de Djibouti », sur lequel il n’est pas nécessaire de s’attarder dans le cadre du présent rapport.

2. Les grandes lignes de la coopération militaire définie dans ces accords

L’analyse des conventions accessibles (16) permet de dégager les grands axes qui ont structuré jusqu’à aujourd'hui les relations militaires bilatérales de la France avec ses trois partenaires africains et d’en comparer le contenu avec celui des nouveaux accords.

2.1. Les dispositions surannées de l’assistance militaire à la défense des trois pays

A l’instar des autres accords précédemment révisés, ceux en vigueur avec la Côte d'Ivoire, le Sénégal et Djibouti comportent des clauses portant aide et assistance militaire mutuelles.

Ce type de disposition existe par exemple dans l’accord de défense quadripartite mentionné plus haut auquel la Côte d'Ivoire est toujours partie prenante, qui prévoit dans son article 1er que les Parties « se prêtent aide et assistance pour préparer et assurer leur défense », étant entendu que, s’il est rappelé que les partenaires de la France « ont la responsabilité de leur défense intérieure et extérieure », l’article 2 précise néanmoins qu’ils « peuvent demander à la République française une aide dans les conditions définies par des accords spéciaux. » Un conseil régional de défense auquel participent les chefs des États concernés ou leurs représentants (17), à la fois espace de concertation sur les problèmes de défense et de « collaboration efficace et régulière » (18), est chargé d’arrêter des plans de défense qui « détermineront les conditions dans lesquelles il pourra être procédé, en cas de crise ou de menace de crise, aux renforcements et mouvements nécessaires » (19). L’accord bilatéral franco-ivoirien signé le même jour, étant un accord d’assistance technique, n’a pas repris ces aspects et n’a porté que sur la mise sur pied des forces armées ivoiriennes.

Ce sont en revanche des dispositions comparables que l’on retrouve dans l’accord franco-sénégalais de 1974 : après avoir rappelé que « si la défense tant intérieure qu’extérieure du Sénégal dépend de la seule République du Sénégal, celle-ci peut faire appel au concours de la République française pour assurer sa défense extérieure », son article 1er souligne que « le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal se prêtent mutuellement assistance pour leur défense extérieure contre toute menace », un comité de défense paritaire étant également constitué pour préparer le plan de défense et de coopération dans le cadre de la défense extérieure. (20)

De son côté, le protocole franco-djiboutien de 1977 sur les conditions de stationnement des forces françaises est en fait lui aussi un véritable accord de défense. À la différence des précédents, il prend la peine de placer sous l’égide du droit international l’assistance militaire française en précisant que « à la demande du gouvernement de la République de Djibouti, dans l’exercice du droit de légitime défense reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, et en cas d’agression par une armée étrangère, le gouvernement de la République française apportera à la République de Djibouti, dans les conditions à fixer d’un commun accord, la participation des forces armées stationnées sur le territoire de celle-ci », étant précisé que celles-ci « ne peuvent participer à des opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre » (21), et que « le territoire de la République de Djibouti ne pourra être utilisé comme base ou point d’appui pour une intervention armée contre une tierce puissance, hormis le cas prévu à l’article 1er. » (22) L’accord de confirmation du 21 janvier 1999 n’ayant pas été publié, votre Rapporteur n’est pas en mesure de dire si ces dispositions ont ou non été infléchies et, le cas échéant, dans quel sens. La nouvelle convention laisse évidemment supposer qu’il n’en est rien.

2.2. La coopération structurelle (23)

Les divers volets de la coopération structurelle au bénéfice des forces armées des pays partenaires constituent le cœur des accords. On trouve ainsi dans des rédactions proches, sinon identiques, dans tous les accords, l’ensemble des dispositions relatives au concours technique de la France « nécessaire pour l’organisation, l’armement, l’équipement et la formation des cadres » militaires, qui sont systématiquement prévues. Plusieurs niveaux sont ici à distinguer.

a. La dimension logistique

L’accord d’assistance militaire technique franco-ivoirien du 24 avril 1961 est entièrement dédié à la question de l’aide nécessaire à la constitution des forces armées de Côte d'Ivoire, prévue dans la convention quadripartie déjà mentionnée. Son article 1er traite de « l’assistance de personnels militaires français pour l’organisation, l’encadrement et l’instruction des forces armées » que, à la demande de son partenaire, la République française s’engage à apporter. L’article 2 indique que la Côte d'Ivoire reçoit à titre gratuit de la part de la France « tout ou partie des équipements militaires nécessaires à la mise sur pied des forces armées ivoiriennes » et s’adresse en priorité à elle pour l’entretien et le renouvellement de ses matériels et équipements militaires, « en vue d’assurer la standardisation des armements », spécialement s’agissant de la fourniture de l’armement léger, des matériels de transmission et des véhicules de combat des unités de l’armée de terre. Ce n’est que lorsque les fournitures ne peuvent être apportées par la France que, après étude en conseil régional de défense, la Côte d'Ivoire « se réserve le droit d’accepter l’aide d’autres pays. » (24)

La convention d’avril 1965 prévoie que la Côte d'Ivoire est responsable du soutien logistique de ses unités et en assume la charge financière, la France lui apportant son concours à titre onéreux par des cessions de matériels et d’équipements aux forces armées ivoiriennes et « par l’exécution à la demande de visites et inspections, à l’exclusion de toutes autres prestations de travaux et services. » (25)

Comme dans le cas ivoirien, l’annexe de l’accord bilatéral franco-sénégalais détaille les modalités du soutien logistique auquel peut prétendre le Sénégal, évoquant « le concours technique nécessaire pour l’organisation, l’armement, l’équipement » (26) et définit entre les deux pays une relation de partenariat identique, notamment s’agissant de la priorité donnée à la France. Il en est de même de divers autres conventions et protocoles également conclus ce 29 mars 1974 (27), même si certaines dispositions, plus concrètes, portent sur la prévision des besoins, les modalités de livraisons, ou encore les règlements financiers.

Sans insister, on relèvera que les conventions bilatérales avec la République de Djibouti contiennent des dispositions analogues, tel l’article 2 du protocole de 1977 prévoyant « l’octroi d’un soutien logistique par les forces françaises stationnées sur le territoire de la République de Djibouti ; la mise à disposition du gouvernement de la République de Djibouti, pour emploi, de personnels militaires français au titre de la coopération militaire technique ; dans la mesure des possibilités, la formation dans des écoles françaises ainsi que l’instruction et le perfectionnement des cadres des forces armées de la République de Djibouti. » Au titre de la cession par la France, à titre gracieux ou onéreux, de matériels militaires, rien ne figure cependant quant à l’obligation pour Djibouti de s’approvisionner exclusivement ou prioritairement auprès de fournisseurs français. Apparaît simplement dans la convention « relative à la situation financière et fiscale des Forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti » du 3 août 2003 l’indication selon laquelle une aide de 5 millions d’euros est fournie au ministère djiboutien de la défense, « notamment destinée à l’acquisition de matériel français. » (28)

b. La formation des hommes

Il s’agit d’un élément majeur de la coopération de défense, reposant essentiellement sur deux modalités : l’accueil en formation dans les écoles militaires françaises de soldats de forces armées concernées ou la mise à disposition de militaires français chargés de mission d’instruction et de formation.

C’est par exemple le cas évoqué ci-dessus du protocole conclu avec la République de Djibouti, l’instruction et le perfectionnement des cadres dans les écoles françaises étant ainsi prévus à l’article 3.

L’accord de coopération franco-sénégalais est plus détaillé sur cette question. A l’instar de ce qui est convenu s’agissant des fournitures de matériels et équipements, son annexe prévoit tout d'abord que « la République du Sénégal s’engage à faire appel en premier lieu à la République française pour la formation de ses cadres militaires » qui, en plus du soutien logistique évoqué plus haut, lui apporte « le concours technique nécessaire pour (…) la formation des cadres et recevra des Sénégalais dans les grandes écoles et établissements militaires français. » (29) Ce n’est que si la France ne peut satisfaire ses demandes que le Sénégal peut se tourner vers d’autres pays. On relève notamment que « les nationaux sénégalais sont admis par concours dans les grandes écoles et établissements français soit dans les mêmes conditions que les nationaux français, soit dans la limite d’un contingent particulier comportant aménagement des conditions d’admission » (30), la France prenant à sa charge frais de transport et de scolarité, et pouvant aussi mettre à la disposition du Sénégal, en fonction de ses besoins, « les officiers et les sous-officiers dont le concours lui est nécessaire pour l’organisation et l’instruction des forces armées sénégalaises. » (31).

C’est globalement la même chose vis-à-vis de la Côte d'Ivoire, avec laquelle il est prévu que « la République française assure la formation et le perfectionnement des cadres des forces armées de la République de Côte d'Ivoire et s’engage à y consacrer les moyens financiers et en personnel nécessaires. » (32). Dans les mêmes conditions que les Sénégalais, les militaires ivoiriens sont admis dans les grandes écoles et établissements français, après qu’un premier contingent, « dans l’immédiat, pour assurer la formation des cadres », a été désigné d’un commun accord. De façon un peu plus large qu’au profit du Sénégal, la France met aussi à disposition de la Côte d'Ivoire en fonction des besoins qu’elle exprime « les officiers, sous-officiers et hommes de troupe français dont le concours lui est nécessaire pour l’organisation, l’instruction et l’encadrement des forces armées ivoiriennes. » (33)

c. Les conditions de stationnement des forces françaises et les questions statutaires

Dans tous les accords, enfin, des dispositions prévoient l’engagement des partenaires de la France à lui accorder les facilitations nécessaires, en échange de l’aide qui leur est apportée.

Ainsi, dans le cadre de l’accord de défense quadripartite de 1961, chacune des parties « s’engage à donner aux autres toutes facilités et toutes aides nécessaires à la défense et en particulier à la constitution, au stationnement, à la mise en condition et à l’emploi des forces de défense » (34), la République française se voyant reconnaître par ses partenaires « la libre disposition des installations militaires nécessaires aux besoins de la défense » sur leurs territoires respectifs et autres facilités (35). L’annexe II de l’accord bilatéral franco-ivoirien reprendra ces aspects en précisant que « la République de Côte d'Ivoire laissera aux forces armées françaises la libre disposition des casernements, bâtiments et terrains situés sur les localités qui seront désignés en conseil régional de défense ». « L’utilisation de ses réseaux publics postaux et de télécommunications, de ses infrastructures portuaire, maritime, fluviale, routière, ferroviaire et aérienne, le libre transport de leurs personnels, matériels et denrées, ainsi que la faculté d’installer, de faire usage sur son territoire et dans ses eaux territoriales des balisages aériens et maritimes et des moyens de transmission nécessaires à la sécurité et à l’accomplissement de leurs missions » (36), est également garantie par la Côte d'Ivoire, étant entendu, en outre, que, « à la demande des autorités françaises, le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire peut exercer son droit de réquisition au profit des forces armées françaises. » (37)

À quelques variantes minimes près, l’accord franco-sénégalais comporte des dispositions tout à fait comparables, que l’on retrouve sans surprise dans les textes franco-djiboutiens, lesquels prévoient en outre, à partir de 2003, une contribution forfaitaire annuelle de 30 millions d’euros (38), couvrant l’ensemble des emprises immobilières, l’utilisation du réseau routier et la vie courante du personnel civil et militaire français.

Le statut des personnels, tant français que ressortissant des pays partenaires, fait enfin l’objet de dispositions précises dans chacun des accords. Que ce soit pour les militaires ou les civils, elles définissent le régime de leurs droits et obligations respectifs, les régimes militaire, disciplinaire, fiscal et douanier applicables, et désignent l’autorité hiérarchique dont les uns et les autres dépendent ; elles déterminent également les règles de leur responsabilité personnelle, civile et pénale, en cas d’infractions, selon la nature et le cadre de celles-ci et, consécutivement, fixent la compétence des autorités judiciaires qui auront à en connaître. La question de la responsabilité éventuelle des États, et ses conséquences, si la faute est une faute de service, est également traitée.

L’accord franco-ivoirien est le seul qui indique expressément que les cas d’arrestation d’un militaire français par les forces ivoiriennes sont limités au flagrant délit et qui fixe la répartition des rôles entre autorités en matière de police, prévoyant la possibilité pour les forces françaises d’« utiliser une police militaire à l’extérieur des installations dans la mesure nécessaire pour maintenir l’ordre et la discipline parmi les membres desdites forces ». Les conventions avec Djibouti et le Sénégal n’appellent pas d’autre commentaire.

B. UN BILAN ACTUALISÉ DES ACCORDS

1. Réalité de la coopération militaire française dans les trois pays

1.1. Les forces françaises positionnées

a. Licorne en Côte d'Ivoire

A l’heure actuelle, 466 militaires français sont présents en République de Côte d'Ivoire au titre de l’opération Licorne, ce dispositif permettant de sécuriser les intérêts et les ressortissants français mais aussi de disposer d’une capacité immédiate d’intervention dans la sous-région ou de contribuer au soutien, le cas échéant, de l’opération de la CEDEAO au Mali. En 2012, le coût de ce dispositif a été d’un peu plus de 63 millions d’euros. A terme, l’évolution de l’opération Licorne dépendra bien sûr de la situation sécuritaire en Côte d'Ivoire, mais aussi du développement de la crise dans la bande sahélo-saharienne, en attente des travaux du Livre blanc.

La République de Côte d'Ivoire met aujourd'hui à disposition des forces françaises le camp de Port-Bouët et l’installation abritant le détachement d’intervention lagunaire à Abidjan. En outre, la partie française peut utiliser les champs de tir de Lomo-nord et de Grand Bassam, à titre temporaire et non-exclusif. La Direction de la coopération de sécurité et de défense du MAEE consacre, en 2013, un budget global de 2,1 millions d’euros à la coopération structurelle, et met en œuvre sept projets auxquels se consacrent neuf coopérants militaires techniques ; elle apporte une aide logistique directe de 220 000 €, et permet en outre l’envoi de 12 stagiaires en France et 28 en écoles nationales à vocation régionale en Afrique.

b. Les Éléments français au Sénégal, « EFS »

Le 1er août 2011, les Éléments Français au Sénégal, EFS, ont succédé aux Forces Françaises du Cap-Vert, FFCV, et sont devenus un Pôle opérationnel de coopération (POC), dont la mission principale est la coopération militaire opérationnelle régionale. Essentiellement constitués de personnel affecté sur le territoire, les EFS représentent aujourd'hui un effectif de 365 militaires, qui seront progressivement réduits pour atteindre un plafond de 300 hommes en 2014. 40 fonctionnaires civils et ouvriers d’État et 166 employés sénégalais en font également partie.

Le commandement des EFS relève directement du chef d’état-major des armées pour ce qui concerne la coopération opérationnelle, et du commandant des forces françaises au Gabon dans le cadre de la chaine de commandement opérationnel permanente. Le poste de commandement des EFS a sous son autorité le groupement de coopération opérationnelle qui comprend notamment l’unité de coopération opérationnelle en charge de planifier et conduire les activités de coopération avec les partenaires africains, la station navale, le pôle aéronautique (ATL2, escale/transit, GTO), le détachement de pompiers, ainsi que le groupement d’intervention qui détient la compétence NEDEX - neutralisation, enlèvement et destruction d’engins explosifs -, pour l’Afrique de l’ouest.

Implantés sur deux emprises majeures, le quartier Colonel F. Geille (anciennement BA 160), et le Quartier Contre-amiral Protet (Arsenal), les EFS disposent également d’une escale aéronautique à Senghor militaire, d’une station navale à l’arsenal, d’une emprise au parc de Hann (RECAMP) et d’une emprise à Rufisque (station d’émission DIRISI (39)). Ils disposent de moyens aériens - un Atlantique 2 de la marine et une escale aéronautique -, de moyens maritimes avec notamment une station navale en mesure d’accueillir les navires en escale -, et de moyens terrestres composés d’une unité de coopération régionale (UCR) constituée de 99 militaires, d’un parc matériel GUEPARD permettant d’armer un état-major tactique et deux compagnies (matériel mobilité, armement collectif, transmission et munitions), d’un parc matériel RECAMP permettant d’armer un état-major tactique, deux compagnies et un train de combat de type 2 allégé (matériel mobilité, armement collectif et individuel, transmissions et munitions). S’ajoutent à ces dispositifs divers organismes de soutien spécialisés, tels que la direction de l’infrastructure de défense, le centre médical interarmées, la brigade prévôtale, le détachement du service des essences des armées ou le poste de protection et de sécurité de la défense.

c. Les Forces françaises de Djibouti, « FFDj »

Comme votre Rapporteur l’a rappelé, Djibouti est d’une importance stratégique majeure ; le Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité l’avait souligné en 2008 et la restructuration des forces de présence l'a confirmé en en faisant une des deux bases opérationnelles avancées de la France en Afrique.

Le général commandant les Forces françaises stationnées à Djibouti dispose d'un état-major interarmées. Il commande quelque 1 900 militaires, dont 1 400 permanents, appartenant à des unités prépositionnées et tournantes qui constituent les forces de présence. Pour l’essentiel, il s'agit pour les unités de l'armée de Terre, du 5e régiment interarmes outre-mer et d'un détachement de l'aviation légère de l’armée de Terre, disposant de quatre Puma et de deux Gazelle ; pour celles de l'armée de l'Air, de la base aérienne 188, qui comporte sept Mirage 2000, un C160 et deux hélicoptères Puma. De son côté, la marine nationale a deux chalands de transport de matériel et les FFDj disposent également de l’hôpital médico-chirurgical Bouffard (Rôle 3). La Base des Forces Françaises de Djibouti assurent le soutien des FFDj qui arment le centre d’entraînement au combat et d’aguerrissement de Djibouti (CECAD), lequel accueille les unités permanentes ou en mission de courte durée des FFDj, les unités ou écoles de métropole, les forces djiboutiennes et étrangères.

Djibouti est en outre un point d’appui majeur pour nos forces navales, pour ce qui est de l’entraînement interarmées, des facilités de relâche - il s’agit du dernier port avant d’aborder l’Océan Indien. Une soixantaine de bâtiments de notre marine y font escale tous les ans, y compris ceux à propulsion nucléaire, 4 SNA par an.

1.2. Les moyens engagés au titre des coopérations militaires bilatérales

C’est sur la base de ces accords que la France a mené sa politique de coopération depuis les indépendances.

a. Le cas particulier de la Côte d'Ivoire

La situation ivoirienne a évidemment eu un impact majeur sur la situation des forces armées du pays. La coopération franco-ivoirienne s’est poursuivie néanmoins et se consacre aujourd'hui à l’appui à leur reconstruction. De nombreux aspects sont à considérer.

Dès la fin de la crise, la France a mené des actions de coopération opérationnelle d’urgence, en s’appuyant sur les EFS (audit des forces de défense et de sécurité, actions de formation), tout en menant en parallèle, des actions de formation d’opportunité par la force LICORNE et les bâtiments de la mission CORYMBE (embarquement de marins), ainsi que des actions de dépollution (destruction de munitions par Licorne). Il s’agissait de mettre les forces armées ivoiriennes au travail et à l’instruction (encasernement, relance des formations, etc.) pour éviter toute dérive. Ciblée sur le volet de la formation des cadres, pour pallier les déficiences consécutives aux dix années de crise, la coopération opérationnelle est principalement réalisée sous forme de détachements d’instruction opérationnelle ou technique (« DIO » ou « DIT ») au profit des forces armées ivoiriennes, avec un impératif de mixité ex FANCI et ex FAFN des unités et stagiaires concernés, qui contribue au processus de réconciliation nécessaire à cette reconstruction ; en conséquence, les stagiaires appartiennent aux deux composantes ex FAFN et ex FANCI.

De même, dès la sortie de la crise postélectorale, au printemps 2011, notre dispositif de coopération structurelle a repris sa montée en puissance avec la mise en place de plusieurs conseillers qui jouent un rôle majeur tant au niveau de la réflexion qu’à celui de la mise en œuvre des réformes. Ils sont aujourd’hui au nombre de neuf : deux conseillers RSS interviennent au niveau politico-stratégique et apportent une contribution directe aux travaux et à la réflexion stratégique ; deux conseillers, dont un spécialiste des ressources humaines sont positionnés au niveau de l’état-major des armées. L’appui français comporte en outre un conseiller « action de l’Etat en mer », un conseiller « formation initiale des officiers des armées », un conseiller chargé d’envisager la mise en place d’un service civique d’aide au développement ; il est complété par deux coopérants en charge du soutien de ce dispositif, un dernier conseiller devant être mis à disposition à l’été 2013.

Les bases françaises en Afrique (40)

Au titre de l’année 2013, dans la perspective de la mise en œuvre du volet Défense de la stratégie nationale en matière de réforme du secteur de la sécurité et pour parvenir à une armée professionnelle, bien équipée et bien entrainée, dix actions majeures, avec des recommandations associées, ont été identifiées : le renforcement du cadre juridique et institutionnel et la réorganisation des Forces armées ; le développement du système de formation ; le renforcement des capacités opérationnelles ; l’amélioration de l’environnement sécuritaire et de la promotion de l’esprit de défense ; la maîtrise des effectifs ; la promotion de la cohésion au sein de l’armée et de la réconciliation nationale ; la contribution à la paix et la stabilité régionale et internationale ; enfin, la promotion de la bonne gouvernance.

b. Le dispositif de coopération avec les armées sénégalaises

La coopération militaire structurelle de la France est présente auprès des Forces armées sénégalaises depuis l’indépendance. Comme partout, elle a évolué d’une coopération de substitution, où les coopérants français occupaient des postes de responsabilité et étaient directement insérés au sein des Forces sénégalaises, vers une appropriation progressive, dans laquelle ils assument des fonctions de conseiller auprès des autorités militaires nationales. Consécutivement, tant le nombre de coopérants que le budget ont diminué : les coopérants militaires techniques sont aujourd'hui 13, contre un effectif de 34 en 1983, et le budget a baissé de plus de 50 %, passant de 7 à 3,2 millions d’euros de 2002 à 2013.

S’agissant du dispositif de coopération structurelle, l'aide apportée par la DCSD du ministère des affaires étrangères s’élève à près de 3,24 M€ et se décline entre la mise à disposition des 13 coopérants militaires, l’envoi programmé de sept missions de renfort temporaire pour un montant de plus de 25 000 €, l’attribution d'une aide logistique directe de 356 000 €, la formation programmée de 62 stagiaires, à raison de 18 en France et de 44 dans les ENVR en Afrique pour un montant de près de 580 000 €. Ce dispositif ne devrait pas évoluer sensiblement à moyen terme, mise à part l’aide directe qui devrait baisser progressivement dans les années à venir.

Pour leur part, la mission des EFS est de conduire des actions de coopération opérationnelle bilatérale et régionale dans le cadre de l’appui à l’Architecture africaine de paix et de sécurité, - soit, s’agissant de la CEDEAO, la FAC -, et de soutien aux missions de maintien de la paix, de satisfaire au nouvel accord de partenariat et, en cas de crise, d’être en mesure de participer à l’autoprotection de nos emprises au Sénégal. En ce sens, au-delà de la relation bilatérale avec le Sénégal, leurs priorités géographiques portent sur les pays sahéliens, la Côte d’Ivoire, dans le cadre de la RSS, et la formation des contingents de la Force en Attente de la CEDEAO (FAC). A ces titres, ils réalisent de nombreuses actions de coopération militaire au profit du Sénégal, à partir de détachements d’instruction opérationnelle (DIO), de détachements d’instruction technique (DIT) et d’exercices menés en fonction des contraintes des deux Parties.

Selon les indications qui ont été données à votre Rapporteur, cette coopération est appelée à s’accroître, du fait de la crise en cours au Sahel, avec le déploiement d’un contingent MISMA.

c. La coopération avec les forces armées de Djibouti

En application des accords en vigueur, les FFDj participent tout d'abord à la défense de l’espace aérien et des approches maritimes de Djibouti. Elles sont susceptibles de venir appuyer les forces armées djiboutiennes, FAD, en cas de menaces contre le territoire de Djibouti. En d'autres termes, le volet opérationnel de notre coopération militaire est sans doute plus prononcé que dans aucun des deux autres pays.

Selon les précisions fournies, cette coopération qui répond à la demande des autorités djiboutiennes, s’est même intensifiée depuis 2008 (soutien à l’Académie militaire interarmées, AMIA, au GIGN et à la Garde républicaine). En 2012, au titre de leur plan de coopération, les FFDj ont consacré 8 % de leur enveloppe budgétaire au profit de Djibouti et formé 970 militaires (21 % des effectifs formés par les FFDj). Des exercices conjoints, « Amitié Djibouti », qui prévoient la mise en œuvre les accords de défense avec une forte participation des FFDj et un volume de forces djiboutiennes variable, sont organisés annuellement. Lors de la session de 2012, leur participation a été augmentée (une compagnie ; bâtiment la Dague, vendu l’été dernier après formation de l’équipage ; Garde républicaine).

En matière de soutien médical et sanitaire, l’Hôpital médico-chirurgical (HMC) Bouffard, dont la rétrocession au gouvernement de Djibouti est prévue en 2015, soigne les militaires des FAD et leurs ayants-droit, mais aussi d’autres malades non ayants-droit à titre payant ou même gratuit, ce dernier cas représentant 20 % de l’activité de l’HMC. Les prestations de l’hôpital au profit des Djiboutiens représentent 11,7 M€, hors convention de 30 M€. En outre, de manière ponctuelle, les FFDj apportent leur concours au ministère de la santé, pour la formation ou la fourniture de moyens. En parallèle, les FFDj apportent un soutien au Service national adapté (SNA) en accueillant chaque année environ 30 Djiboutiens pour des stages de qualification technique de plusieurs semaines ; ce volet est toutefois en sommeil depuis 2008, aucun stagiaire n’ayant été proposé aux FFDj par Djibouti.

S’agissant de la coopération structurelle, la DCSD consacre, en 2013, un budget global de quelque 3 M€ pour la seule coopération de défense. Elle met en œuvre en 2013 six projets auxquels sont affectés 14 coopérants militaires techniques. Elle apporte une aide logistique directe de près de 300 000 € et permet l’envoi de 12 stagiaires en France et de 16 en écoles nationales à vocation régionale, ENVR. Selon les indications fournies, ce dispositif devrait rester stable dans les années à venir avec, cependant, une poursuite de la baisse de l’aide logistique directe.

A l’instar de celles des EFS, les missions principales des FFDj sont à la fois locales et régionales. S’agissant du niveau local, elles sont toutefois différentes des missions confiées aux EFS puisqu’elles prévoient la défense de Djibouti et de la région en s'appuyant sur l’accord de défense, de renforcer les capacités de connaissance des FFDj, de soutenir la montée en puissance d'un système de sécurité et de défense des pays de la zone de responsabilité permanente, ZRP, d’adapter la préparation opérationnelle et enfin d’être un point d'appui, de soutien et de préparation opérationnelle pour des forces extérieures.

Trois coopérants « Marine », - un officier supérieur et deux officiers mariniers - conseillent le commandement de la Marine nationale djiboutienne pour son organisation générale et son emploi opérationnel ; ils ont notamment participé à la construction et à la mise en réseau des trois sémaphores de Djibouti. Ils accompagnent par ailleurs la montée en puissance du centre de formation et de documentation de Djibouti (porté par l’OMI et l’UE) en lui apportant des expertises si nécessaire. Ils ont également facilité la mise en place de la mission EUCAP Nestor contre la piraterie, à son arrivée à Djibouti, à l’été 2012.

Enfin, quelque 200 000 euros sont engagés annuellement par l’Etat-major des Armées pour les actions civilo-militaires des FFDj, dont l’objectif premier est la bonne intégration des forces auprès de la population. Définies sur la base d’une liste de principe actualisée annuellement établie en relation avec le ministère des affaires étrangères djiboutien, ces actions se traduisent par l’exécution de projets répondant aux sollicitations des ministères, préfectures, mairies, associations, etc. Ces trois dernières années les efforts des FFDj se sont portés sur la réfection d’écoles (Dorra, As Eyla, Balbala, Arta…), sur les travaux d’aménagement du centre de protection de l’enfant ainsi que l’amélioration des infrastructures et des équipements de l’association des femmes de Balbala. Au bilan, ces actions au profit de la population djiboutienne ont ciblé la jeunesse et la formation/éducation. Il est prévu que cette ligne soit maintenue en 2013.

Le bilan de la coopération opérationnelle de défense (41)

2. Où en sont aujourd'hui les forces armées des pays bénéficiaires ?

2.1. La nécessaire reconstruction des forces armées ivoiriennes

Déjà fragilisées par de longues années de pénurie budgétaire, les forces armées ivoiriennes sont sorties exsangues de neuf années de guerre civile et sont aujourd'hui à rebâtir intégralement, usées par l'isolement diplomatique et militaire lié à l'embargo. Le peu de matériel tactique roulant encore disponible a été détruit par les derniers combats d'avril 2011 et les infrastructures, déjà vétustes il y a une décennie, ont continué à se dégrader. Selon les estimations, il faudra probablement une décennie pour reconstruire et réunifier les armées ivoiriennes, sous réserve d'un appui immédiat, durable et de bon niveau, de l'engagement sincère de tous les acteurs, sous réserve aussi que les autorités ivoiriennes consentent à une réforme en profondeur de leur outil de défense.

En l’état actuel, plusieurs problèmes se posent en ce qui concerne les forces armées ivoiriennes. L’armée de terre n’est pas opérationnelle et l’armée de l’air et la Marine sont sinistrées. Tout est à reconstruire. La question de la chaîne de commandement est un enjeu majeur, dans la mesure où, pendant toute la crise, deux armées ont cohabité, les Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire (FDSCI) au Sud, et les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN) au Nord, celles-ci ayant été transformées en mars 2011 en Forces républicaines de Côte d’Ivoire, FRCI, par le Président Alassane Ouattara, par agrégation des FAFN et des militaires quittant les FDSCI.

En outre, la question du désarmement, que votre Rapporteur a évoquée, est particulièrement délicate : si le Président de la République avait initialement un objectif de format d’armée ramené à 31 000 hommes, dont 15 000 gendarmes, compatible avec les ressources financières de la Côte d'Ivoire, pour éviter des troubles liés à une déflation brutale des effectifs, il a dû conserver la quasi-totalité du personnel, soit quelque 41 000 hommes fin 2011. L’ensemble des forces de sécurité, y compris 18 000 policiers, devrait représenter à terme un effectif total de 59 000 hommes, mais le format définitif n’est toujours pas précisé, la préparation du Livre orange, équivalent de notre Livre blanc, étant à ce jour très loin d’être achevée. S’y ajoute le brassage au sein d’une même organisation de membres de forces armées qui se sont naguère combattues.

Le ministère de la défense est rattaché au président Ouattara depuis la démission en mars 2012 du premier ministre Guillaume Soro, qui assumait aussi les fonctions de ministre de la défense. Un important et très délicat travail de fusion est à opérer et à réussir, supposant à la fois le désarmement et la reconversion de combattants dont tous ne pourront être intégrés dans la nouvelle architecture militaire que le pays peut se permettre, en fonction de ses besoins et de ses possibilités.

En termes financiers, l’effort de défense de la Côte d'Ivoire représente aujourd'hui quelque 7 % du budget de l'Etat, soit l’équivalent de 415 millions d’euros en 2013 dont plus des deux-tiers, consacrés à l’investissement, en forte augmentation sur 2012, où il était de 287 millions. Une loi de programmation devrait être adoptée une fois que le Livre orange rédigé.

2.2. Les forces armées sénégalaises, FAS

Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, à ce jour, les FAS ont atteint un niveau opérationnel jugé satisfaisant au regard de leur moyens et de leurs ressources. Elles ont acquis leur autonomie dans la programmation et la conduite de la formation initiale de leurs officiers à l’Ecole nationale des officiers d’active (ENOA) de Thiès. Les Forces sénégalaises ont désormais la capacité de développer seules des projets structurants comme l’Ecole de l’armée de l’Air à Thiès.

Les FAS comptent environ 18 200 hommes. Elles représentent, à l’aune des standards africains, l’une des meilleures forces du continent. L’armée de terre est la plus importante, avec 12 300 hommes. Elle dispose de dix bataillons répartis dans les sept zones militaires régionales du pays, de quatre bataillons de soutien (intendance, transmissions, matériel et génie) et de cinq unités de réserve générale (URG) sous le commandement direct du CEMGA (bataillon d’artillerie, blindés, parachutistes, commandos et du train). Essentiellement motorisée, l’armée sénégalaise est dotée de pièces d’artillerie (155BF50 et 105M101 et récemment de 8 canons 155 mm TRF1). Elle dispose comme matériels majeurs de 47 Eland NK7 achetés en 2005 à l’Afrique du Sud en remplacement des AML 90. Récemment, elle a fait l’acquisition de blindés transport de troupe EE11 URUTU (Brésil) pour la MINUAD. En novembre 2011, elle a signé un contrat auprès de THALES pour 40 lunettes de vision nocturne et deux systèmes de surveillance Margot 3000.

L’armée de l’air représente un millier d’hommes affectés sur deux bases, « Senghor militaire » près de l’aéroport international, et celle de Thiès ; elle effectue des missions de transport, de surveillance maritime et d’appui feu. Si elle reste l’une des moins sinistrée de la sous-région, avec du personnel volant entraîné et motivé, elle s’appuie cependant sur une flotte vieillissante, avec quatre appareils pour la chasse et l’appui, quatre avions dont le Boeing 727 présidentiel, pour le transport et 12 hélicoptères de différents types, à la disponibilité aléatoire.

La marine compte 900 hommes répartis en trois groupements opérationnels sur deux bases navales (Dakar et Elinkine en Casamance) : le Groupement naval opérationnel, GNO, le Groupement de soutien de la Marine GSM, intégrant le Groupement de fusiliers marins commandos, GROUFUMACO, et le Groupement de surveillance fluviale et maritime, GSFM, qui gère la base navale secondaire en Casamance. La marine assure la surveillance des eaux territoriales (trafics, immigration clandestine) et le transport logistique au profit des forces en Casamance. En fait, les missions non militaires représentent plus de 70 % de ses activités. La marine sénégalaise dispose d’une dizaine de bâtiments, pour la plupart d’origine française, mais à faible disponibilité opérationnelle (notamment deux patrouilleurs de haute mer, deux patrouilleurs de surveillance côtière et deux EDIC). Elle a acquis deux patrouilleurs (30 et 45 mètres) auprès de RAIDCO et un contrat signé pour quatre patrouilleurs de 32 mètres, signé avec OCEA, n’est pas encore entré en vigueur. De plus, le Brésil aurait accordé en 2013 une ligne de crédit sur 20 ans pour l’acquisition de bâtiments de haute mer.

Au total, on considère que le Sénégal dispose de forces armées démocratiques, correctement équipées, au comportement exemplaire et à la très bonne réputation à l’extérieur des frontières notamment dans les Opérations de maintien de la paix (OMP), mais qui peinent néanmoins à s’imposer en Casamance.

A cet égard, il faut relever qu’une remise à plat de l’outil de défense sénégalais est à l’étude, avec pour objectif la redéfinition des missions des armées en fonction des nouvelles menaces, celle des moyens à mettre en place (armement et instruction) et la recherche des financements nécessaires à leur acquisition. La réflexion n’en est qu’à ses débuts et aucun délai n’a été encore défini. Une loi-programme devrait être proposée car la rénovation et l’acquisition de matériels ne sont plus assurées aujourd’hui, même si le budget de la défense, qui représente aujourd'hui environ 7 % du budget de l’État, est en augmentation régulière ces dernières années (42). Si des achats ont été effectués récemment, le Sénégal compte encore sur ses coopérations avec la France et les Etats-Unis.

2.3. Les forces armées djiboutiennes

L’armée djiboutienne a été conçue et organisée depuis l’indépendance pour assurer la défense de l’intégrité territoriale contre une menace terrestre. Dans cette optique, la participation de la coopération française a été cruciale, en témoigne la diminution progressive de la présence de cadres français dans les unités djiboutiennes qui ont laissé la place à des officiers djiboutiens, inexistants en 1977.

L’armée de terre est composée d’un régiment blindé, de trois régiments interarmes, de trois régiments d’action rapide, auxquels s’ajoutent un régiment d’artillerie, un régiment de quartier général et des services de soutien (génie, transmissions et maintenance). Les 4 800 hommes des forces terrestres sont répartis entre cinq régions militaires. Une augmentation de 4 100 hommes sur cinq ans a été décidée fin 2011. Une garde républicaine forte de 600 hommes est chargée d’assurer la protection du chef de l’Etat. Une gendarmerie nationale de 700 hommes est calquée sur le modèle français, tant en matière d’organisation que de missions. L’armée de l’air, composée de 140 hommes, dispose d’une base unique, à Djibouti Ambouli. Elle possède une quinzaine d’aéronefs dont deux Mi-35 aptes à l’emport d’armement. C’est donc sur la France que compte Djibouti pour la protection de son espace aérien, conformément aux dispositions de notre accord de défense. Enfin, la marine djiboutienne, d’un effectif de 290 hommes, est implantée à Obock et Djibouti, et dispose d’une vingtaine d’unités dont deux patrouilleurs et sept vedettes rapides. La surveillance des approches de Djibouti est assurée par le sémaphore et les deux stations radars ; elle est coordonnée par le centre des opérations de la marine. Un corps des garde-côtes a été créé en 2003, soutenu par les Etats-Unis et le Japon, qui tend à reprendre des missions autrefois dévolues à la marine.

Aujourd'hui, cette armée, de taille modeste, n’est capable de faire face qu’à une menace faible, la France venant en soutien en cas de menace grave de l’intégrité territoriale. Si elle a évoluée, la situation des forces armées reste loin d’être idéale, les contextes intérieur et régional ayant pesé. Ainsi, la rébellion armée du nord du pays dans les années 1990 a été perturbant, qui s’est traduite par l’intégration de rebelles en application des accords de paix. Des réformes attendues devront permettre de dépasser les habitudes népotiques, et claniques de l’institution.

Les moyens de l’armée sont en outre faibles : le budget 2011 représentait par exemple 11,3 % du budget de l’État, soit seulement 43,65 millions €, insuffisant pour une politique d’investissement et d’achat de matériels, comme en témoigne l’échec en 2003 de la politique de rééquipement des unités. Le parc de matériel est vétuste et souvent mal entretenu et pour compenser ses difficultés, Djibouti tente de trouver une compensation dans des contributions extérieures. La loi de programmation militaire adoptée en 2012 pour cinq ans, qui propose un modèle d’armée fondé sur une croissance des effectifs et des équipements, n’est pas appliquée, compte tenu des faibles ressources de l’Etat djiboutien et de ses priorités.

3. Les capacités de projection actuelles

Au vu de ces données, il n’est pas inintéressant de se livrer à un essai de bilan de notre coopération de défense depuis les origines. Malgré peut-être quelques insuccès, elle n’est pas négative, comme en témoignent les capacités de projection hors de leurs frontières dont font d'ores et déjà preuve certains pays. Ce volet semble d’autant plus important que la dimension régionale est un axe central - tant des coopérations, la nôtre comme celles que mettent en œuvre nombre d’autres intervenants, notamment l’Union européenne, que des organisations régionales africaines. En ce sens, les capacités de projection des outils militaires sénégalais, djiboutiens et ivoiriens sur les différents théâtres régionaux dans le cadre des OPEX et OMP aujourd'hui conduites est un indice intéressant.

3.1. Leurs faibles moyens n’obèrent pas une participation honorable des forces armées sénégalaises sur la scène régionale

Alors même qu’elles sont mobilisées depuis longtemps en Casamance, les forces armées sénégalaises ont néanmoins pu participer ces dernières années à diverses opérations de maintien de la paix en Afrique et au-delà, jusques et y compris à la MISMA, au point que le Sénégal apparaît comme un acteur très important à ce titre, puisqu’il s’agit du pays africain francophone le plus engagé dans les OMP et le 4e contributeur du continent africain après le Nigeria, le Ghana et le Rwanda.

Depuis son indépendance, le Sénégal a en effet déployé ses troupes dans le cadre de l’OUA, de la CEDEAO, des Nations Unies ou d’accords de défense bilatéraux (Zaïre puis RDC ; Egypte ; Liban ; Gambie ; Tchad ; Koweït ; Libéria ; Rwanda ; Centrafrique ; Guinée-Bissau ; Côte d'Ivoire). Depuis 1960, ce sont des missions dans une vingtaine de pays qui ont été envoyées dans lesquelles ont été engagés quelque 25 000 hommes au total. En 2013, le Sénégal déploie environ 1 500 militaires et 700 gendarmes dans ce cadre. Ses forces armées sont aujourd'hui présentes dans quatre OMP au titre de l’ONU et deux de la Cédéao : la MINUAD, au Soudan où 1 118 hommes sont présents, dont 825 militaires ; la MONUSCO au Congo, avec 280 gendarmes ; l’ONUCI, en Côte d’Ivoire, avec 530 militaires ; la MINUSTAH, en Haïti, avec 159 gendarmes.

Dans le cadre de la Cédéao, le Sénégal participe tout d'abord à l’ECOMIB en Guinée Bissau, avec un effectif de 200 personnes dont 180 militaires. S’agissant de la MISMA, la participation sénégalaise était de 450 hommes à la mi-février, l’objectif étant de fournir 642 hommes au total. Les FAS déploieront un bataillon composé notamment d’une compagnie de combat, une compagnie du génie (déminage) et une batterie d’artillerie de quatre canons de 155 TRF1.

En d'autres termes, alors même que ses forces armées sont limitées par les opérations en Casamance, qui les contraignent fortement, le Sénégal réussit à conserver son rang sur la scène régionale en assumant ses responsabilités au sein des opérations de maintien de la paix en cours et en jouant un rôle actif dans la montée en puissance de la Force africaine en attente, dont il est le leader s’agissant du bataillon Ouest sous l’égide de la Cédéao : il a pris une grande part à la mise sur pied, à l’entraînement et à la certification, et il fournit aussi le commandement du bataillon, une compagnie d’infanterie, une compagnie de gendarmerie et un hôpital de niveau 2. La modernisation de son outil de défense est un impératif pour qu’il continue, comme il le souhaite, à remplir ses engagements auprès de la communauté internationale et régionale.

3.2. Les forces djiboutiennes dans leur environnement régional

De leur côté, les forces djiboutiennes contribuent à la Brigade est de la Force africaine en attente, Djibouti s’étant engagée à fournir un bataillon d’infanterie et une compagnie du génie. Elles participent également, dans une mesure plus modeste que les forces sénégalaises, à quelques opérations de maintien de la paix (OMP). Malgré des difficultés initiales à se déployer, et en réponse à la volonté de l'Union africaine de sectoriser la Somalie entre les nations participant à l’AMISOM, à la fin de l’année dernière, Djibouti a finalement réussi le déploiement d’un bataillon renforcé, soit 1 000 hommes, pour relever l’Ethiopie à Beledweyne. Les Ethiopiens, qui ont aidé au déploiement, sont encore sur place. Djibouti devrait incessamment prendre le commandement du secteur. Le contingent djiboutien a déjà essuyé son baptême du feu, lors de cette première opération extérieure depuis l’indépendance.

Ce sont les FFDj qui ont assuré la formation du bataillon prévu pour la Somalie dans le cadre de l’AMISOM, au niveau opérationnel inégal. On peut signaler en outre que quelques gendarmes, policiers et militaires djiboutiens sont également déployés dans la MINURSO, au Sahara occidental, et au sein de l’ONUCI en Côte d'Ivoire. Enfin, une compagnie de police, 140 hommes, doit prochainement intégrer la MINUAD au Darfour.

Sur le territoire national, l’armée djiboutienne maintient un contingent de 700 hommes dans le Nord à cause du différend frontalier du Ras Doumeira avec l’Erythrée, suite à l’occupation par Asmara d’un ilot et de la crête frontalière en 2008. L’Erythrée a évacué les zones contestées en 2010, mais les Djiboutiens maintiennent leur dispositif en attendant la résolution définitive du différend, la médiation qatari n’ayant pas encore donné les satisfactions attendues concernant le tracé des frontières et la libération des 19 soldats djiboutiens disparus depuis 2008.

Pour limités qu’ils soient, ces engagements régionaux, notamment celui d’un bataillon djiboutien dans l’AMISOM, sont utiles dans la mesure où ils permettent au commandement djiboutien de prendre la mesure des besoins réels en matière de sécurité dans la zone. Dans les années qui viennent, celui-ci pourrait revenir sur un modèle qui prenne mieux en compte la sécurité maritime et se doter d’une capacité d’intervention au sein de coalitions internationales plus adaptée à sa position dans la corne de l’Afrique.

3.3. Les limites compréhensibles des forces ivoiriennes

Compte tenu de leur situation au sortir de la crise, initialement, aucune contribution à la Force en attente de la CEDEAO (FAC) n’était prévue et la Côte d'Ivoire ne participait à aucune opération régionale ou continentale.

Cela étant, le Président Ouattara s’est engagé à fournir à la MISMA l’Etat-Major d’un bataillon logistique ainsi que des unités de transport et de ravitaillement, représentant au total 430 hommes, l’équipement étant globalement à la charge des Etats-Unis et la formation partagée entre la France et les Etats-Unis.

A terme, l’objectif pour la Côte d’Ivoire est de pouvoir disposer des capacités à déployer un bataillon à 850 hommes dans le cadre des OMP des Nations Unies.

III. DE NOUVEAUX ACCORDS QUI TRADUISENT LA VOLONTÉ DE RELATIONS PARTENARIALES

A. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES

1. L’architecture standard des accords

Les trois accords ont été signés entre décembre 2011, pour le premier, avec Djibouti, et avril 2012 pour le dernier, avec le Sénégal. L’accord avec la Côte d'Ivoire a pour sa part été conclu en janvier 2012.

Ils sont tous les trois bâtis sur une même architecture, qui reprend le modèle que la France a proposé à ses partenaires africains dans le cadre des négociations entamées ces dernières années ; en ce sens, ces textes-ci ne diffèrent pas fondamentalement de ceux sur lesquels notre commission a eu l’occasion de se prononcer à la fin de la législature précédente.

Après un préambule rappelant le contexte régional dans lequel s’inscrit la coopération bilatérale militaire, les traités se composent de l’accord proprement dit, complété, selon les cas, par une, dans le cas de la Côte d'Ivoire, ou trois annexes, dans le cas du Sénégal et de Djibouti.

Classiquement, les textes des accords posent en premier lieu un certain nombre de définitions et établissent les principes généraux des partenariats qui sont institués. Ces aspects font l’objet de la première section de chacun des accords. La deuxième section traite de l’ensemble des questions statutaires relatives aux personnels engagés dans les activités de coopération de défense. Les dispositions finales sont traitées dans une troisième section (43).

Comme indiqué, chaque accord comporte ensuite une ou trois annexes, qui détaillent notamment les diverses facilités accordées aux forces françaises et à leurs membres pour leurs activités.

2. Les principes généraux

2.1. L’inscription des accords dans les perspectives régionales

Il est tout d'abord important de souligner la référence explicite qui est faite dans les préambules des accords au Partenariat stratégique Afrique – Union européenne de Lisbonne, « dans le but de construire une paix et une sécurité durables en Afrique et en Europe ». C’est dans ce contexte et dans cette perspective que les trois accords s’inscrivent, celui conclu avec Djibouti parlant de stabilité régionale et internationale et précisant en outre la contribution à la réalisation du développement économique et social durable et partagé.

De même les préambules font expressément mention des mécanismes africains de sécurité collective en devenir. Il est ainsi précisé que les Parties signataires sont « déterminées (…) à rendre opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite de l’Union africaine et à soutenir les mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale » (44). En d'autres termes, comme le rappellent les exposés des motifs, le trait commun à toutes les révisions des anciens accords de défense proposées par la France à ses partenaires et aux nouveaux traités consiste à aider l’Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective.

Après un article premier posant les définitions des termes utilisés dans le corps des conventions, qui n’appelle pas de commentaire particulier, les principes généraux de la section I de chaque accord mettent l’accent sur cette dimension.

C’est l’objet des articles 2 des accords. En premier lieu, il est précisé que « (…) dans le respect de leurs engagements internationaux, les Parties s’engagent dans un partenariat de défense afin de concourir à une paix et une sécurité durables sur leur territoire ainsi que dans leur environnement régional respectif. » Cette formulation, qui est celle de la convention avec la Côte d'Ivoire se retrouve à peu de choses près dans l’accord franco-sénégalais, qui parle de « partenariat en matière de coopération militaire ».

Dans le texte signé avec Djibouti, il n’est pas fait pas mention à ce stade de l’environnement régional, mais dès le deuxième alinéa la question de la Force africaine en attente est abordée en précisant que « Dans la perspective de la constitution de la force africaine en attente, les Parties peuvent, sous réserve de l’accord préalable de l’Etat d’accueil, décider d’un commun accord d’associer les contingents nationaux d’autres Etats africains à certaines activités initiées dans le cadre du présent Traité, en concertation avec les organisations régionales ou les mécanismes de coordination concernés agréés par l’Union africaine. » Formulation qui se retrouve dans les deux autres textes, sauf la mention des mécanismes de coordination agréées par l'Union africaine.

La dimension régionale est enfin reprise aux troisièmes alinéas de l’article 2 des accords qui font référence, à quelques variantes près, à l’invitation que les Parties signataires, d’un commun accord, peuvent faire, notamment à l’UE et à ses Etats membres, de s’associer aux activités prévues par les traités. Si cette possibilité est ainsi circonscrite dans le cas des accords avec Djibouti et avec la Côte d'Ivoire, elle est en revanche ouverte à « l'Union africaine, la Cédéao, leurs Etats membres ainsi que tout autre Etat » aux termes de l’accord franco-sénégalais.

Ces dispositions, dans leur ensemble, confirment le fait que, bien que bilatéraux, ces accords entendent contribuer à aider l’Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective notamment s’agissant de la Force africaine en attente, projet initié dans le cadre de l’Union Africaine, et que, se faisant, les autres acteurs qui participent aussi à cet effort sont associés. La logique de la coopération militaire actuelle de la France en Afrique se voit ainsi consolidée par l’apport de contributions externes aux parties signataires, et l’implication des organisations régionales africaines les plus actives sur ces thématiques.

2.2. Les composantes principales des partenariats militaires

Après avoir rappelé que « Les forces et les membres du personnel de l’Etat d’origine respectent les lois et règlements de l’Etat d’accueil et s’abstiennent de tout comportement incompatible avec les objectifs du présent Traité » (45), les conventions définissent ensuite les domaines et formes du partenariat de défense.

Si quelques variantes au niveau rédactionnel sont à relever, les constantes dominent, de sorte que la coopération bilatérale mise en œuvre prend essentiellement les formes suivantes, étant entendu qu’il est précisé que ces énumérations ne sont pas exhaustives et peuvent être complétées d’un commun accord par d’autres activités :

• Echanges de vues, d’informations et de renseignements « relatifs aux vulnérabilités, risques et menaces à la sécurité nationale et régionale » ;

• Organisation, équipement et entraînement des forces, le cas échéant par un soutien logistique et des exercices conjoints ;

• Formation des personnels des forces armées nationales par leur accueil ou leur admission en qualité de stagiaires ou d’élèves dans les écoles de formation militaires françaises ou soutenues par la France.

En outre, certains des accords comportent d’autres dispositions qui élargissent un peu le champ de la coopération ainsi définie. C’est le cas de l’accord franco-djiboutien qui envisage l’« acquisition et [la] cession de matériels français dans le cadre des accords en vigueur entre les Parties » ; des accords avec le Sénégal et avec la Côte d'Ivoire, qui prévoient comme autre activité possible l’« organisation et [le] conseil aux forces mettant en œuvre des actions de formation, de soutien technique et la mise à disposition de coopérants militaires techniques français », dans le cadre de la restructuration de l’outil de défense et de sécurité, s’agissant de la Côte d'Ivoire, question dont votre Rapporteur a montré plus haut la particulière acuité dans le contexte de sortie de crise actuel.

Au titre des principes généraux, tous les accords prévoient les facilités opérationnelles et de soutien logistique pour l’accomplissement du partenariat de défense (46), ainsi que l’établissement d’un comité de suivi (47), réuni au moins une fois par an, afin de donner « cohérence aux activités prévues ».

3. Les questions statutaires et autres dispositions finales

Pour le reste, l’essentiel du dispositif des accords porte sur le statut des membres du personnel engagés dans les activités de coopération.

Sont ainsi successivement traitées, sans que cela justifie de longs développements de la part de votre Rapporteur, les questions relatives aux conditions d’entrée et de séjour des membres du personnel dans les pays concernés, au port de l’uniforme, au permis de conduire des véhicules et engins militaires, au port et à l’utilisation d’armes, à la discipline, à la santé des personnels et des membres de leurs familles – exemption de cotisations dans l’Etat d’accueil et service de soin, au décès d’un membre du personnel, aux dispositions fiscales. La question des infractions commises par un membre du personnel ou un membre de sa famille à charge fait l’objet de longs développements et détermine les juridictions compétentes selon les cas et pose en principe l’assistance mutuelle des Parties et leur diligence tant pour la conduite des enquêtes que pour les conséquences, poursuites, jugements et exécution des peines.

Chacun des accords comporte ensuite un certain nombre de dispositions finales qui, classiquement, prévoient les modalités de règlement des différends entre les Parties, ainsi que les conditions d’entrée en vigueur des accords, d’amendement et d’abrogation, étant précisé qu’ils sont conclus pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction. Dans chaque accord, un article traite du règlement des dommages que les membres des forces armées d’une Partie pourraient causer aux biens ou personnes de l’autre. Les modalités sont spécifiées selon les circonstances du dommage et les réparations à prévoir. Un autre article porte enfin sur les modalités d’échange d’informations et de matériels classifiés, protégés et transmis le cas échéant par voie officielle.

4. Le contenu des annexes

Les annexes font partie intégrante des accords. Elles ont plusieurs finalités.

En premier lieu, elles précisent les facilités accordées pour les activités des forces françaises stationnées ou en transit sur le territoire des pays partenaires, à savoir les conditions d’importation, de transport et d’entreposage de leurs matériels et approvisionnements, de déplacement et de circulation terrestres, maritimes et aériens des troupes, ainsi que de mise en œuvre des moyens de communication et des services postaux et financiers nécessaires. En outre, les annexes prévoient le statut et les conditions d’utilisation des installations mises à disposition des forces armées françaises sur le territoire des pays hôtes, qui sont précisément désignées et localisées, qu’il s’agisse de camps militaires, de logements de troupes ou d’emprises diverses. Des articles prévoient également que la partie française pourra procéder aux aménagements nécessaires à la sécurisation de ces installations, qui sont inviolables.

Si l’accord franco-ivoirien ne comporte qu’une annexe, les deux autres sont plus exigeants.

Ainsi l’accord entre la France et le Sénégal en comporte-t-il deux autres qui, pour la première, définit les exceptions à l’admission en franchise de droits et taxes des matériels, équipements et approvisionnements destinés aux forces françaises, et pour la seconde, précise les facilités accordées par la France aux membres des forces armées sénégalaises en matière de formation, d’entraînement, d’équipement et d’escales maritimes et aériennes. En ce sens, cette dernière annexe vient compléter l’article 4 de l’accord.

S’agissant de l’accord franco-djiboutien, une annexe spécifique est consacrée au soutien médical de la partie française aux forces armées djiboutiennes. Elle précise que l’emprise de l’hôpital médicochirurgical Bouffard sera rétrocédée à Djibouti en 2015 et que, en attendant, la France continue d’apporter un soutien médical et médicochirurgical aux forces armées djiboutiennes. Aux termes de la troisième annexe qui porte dispositions financières, la France s’engage à verser une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d’euros, au titre de la présence de ses forces armées stationnées sur le territoire de la République de Djibouti, cette présence recouvrant « l’occupation par les forces françaises stationnées des installations mises à leur disposition (…), l’utilisation des complexes de tirs et champs de tirs (…), l’utilisation des facilités accordées pour les activités des forces françaises stationnées (…) ainsi que la vie courante des membres des forces stationnées » Ce montant est équivalent à celui que la France acquittait au titre des accords antérieurs depuis quelques années. (48)

B. LA SPÉCIFICITÉ DU NOUVEL ACCORD AVEC DJIBOUTI

1. Le maintien d’une clause de défense

A la différence de tous les autres accords de défense conclus ces dernières années, et en quelque sorte, en contradiction avec ce que le Président Sarkozy avait indiqué dans son discours du Cap, l’accord signé avec la République de Djibouti conserve explicitement une disposition comparable à celles en vigueur antérieurement, à savoir une clause de défense.

Le texte de l’article 4 de l’accord précise en effet que « par le présent Traité, la République française s’engage à contribuer à la défense de l’intégrité territoriale de la République de Djibouti. »

Comme les deux autres accords, il prévoit que « les Parties procèdent à des échanges réguliers de vues, de renseignements et d’informations relatifs aux risques et menaces pouvant peser sur la République de Djibouti », mais ne se limite pas à ceci. En effet, si les accords avec le Sénégal et la Côte d'Ivoire ne vont pas au-delà, il est ici prévu tout d’abord que « En cas de menace visant la République de Djibouti, et à la demande de la Partie djiboutienne, les Parties procèdent à l’évaluation de cette menace et définissent les mesures diplomatiques et militaires qu’elles jugent appropriées pour prévenir et dissuader ladite menace ». En outre, « dans le cas où la République de Djibouti fait l’objet d’une agression armée au sens des dispositions de l’article 51 de la charte des Nations unies, les Parties se consultent immédiatement en vue de définir les moyens appropriés à mettre en œuvre conjointement pour la défense de la République de Djibouti. »

Les alinéas 2 et 3 de l’article 4 précisent également que « La Partie française participe avec la Partie djiboutienne à la police de l’espace aérien djiboutien (…) » ainsi qu’« à la surveillance des eaux territoriales de la Partie djiboutienne », selon des modalités précisées par voie d’accords ou d’arrangements particuliers.

2. Les fondements de l’exception djiboutienne

Comme on l’a vu, par ce traité qui fixe les facilités opérationnelles accordées aux forces françaises stationnées, lesquelles constituent aujourd'hui notre plus importante base militaire à l’étranger, la France réaffirme son attachement à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de la République de Djibouti. La prise en compte des menaces régionales est clairement exprimée et le traité rappelle que, dans cette optique, la présence des forces françaises sur le territoire djiboutien répond à la volonté commune des deux Parties.

Si elles contribuent à leur niveau à l’amélioration des capacités des forces armées djiboutiennes, les FFDj participent aussi à la montée en puissance des forces régionales.

Cela étant, comme votre Rapporteur l’a également rappelé, Djibouti se situe dans un environnement géostratégique aujourd'hui sensible. La présence de bases étrangères de plus en plus nombreuses et d’origines diverses le confirme amplement. C’est dans ce contexte que la partie djiboutienne a souhaité le maintien de la clause de sécurité en vigueur et, au moment précis où le pays voit converger des forces militaires venues défendre leurs intérêts et contribuer à la paix et la stabilité dans cette région cruciale, il aurait été paradoxal que la France se désengage, alors même que, présente sur le territoire depuis la fin du XIXe siècle, elle bénéficie d’une antériorité historique et privilégiée unique, qui ne s’est pas démentie depuis l’indépendance.

Avec sa base opérationnelle avancée, elle est, plus que tout autre acteur, la mieux à même d'apporter le soutien nécessaire aux opérations des différentes forces déployées dans la région. Loin d'être en concurrence avec elles, on a vu que les forces françaises développent précisément divers partenariats afin de mener des actions coordonnées dans des domaines aussi variés que la coopération militaire, la préparation opérationnelle, la gestion de l'espace aérien, etc. En ce sens, les forces françaises sont aujourd'hui un acteur militaire majeur pour les forces militaires qui viennent opérer dans la région, notamment dans le cadre des opérations de lutte anti-piraterie, par le soutien qu'elles apportent grâce à leurs implantations, et en premier lieu, la base aérienne et l'hôpital Bouffard, et par la confiance dont elles jouissent de la part des autorités djiboutiennes.

A l'indépendance, les autorités djiboutiennes se sont tournées naturellement vers la France pour qu’elle continue à contribuer à sa sécurité, en échange d'un accord permanent de stationnement des forces. C'est donc le protocole provisoire de stationnement des forces françaises, signé le jour de l'indépendance, qui fixe le cadre de ce que l'on appelle communément l'accord de défense entre la France et Djibouti. Il fixe à la fois les devoirs de la France vis-à-vis de Djibouti en termes de sécurité et de défense et les droits des forces françaises stationnées. Ce texte fonde la mission première des forces françaises : surveillance et défense de l'espace aérien, participation à la surveillance des approches maritimes et posture opérationnelle pour être en mesure d'intervenir auprès des forces armées djiboutiennes en cas d'agression par un pays tiers.

C’est la raison pour laquelle le nouvel accord de défense, qui s'inscrit dans une volonté des présidents français et djiboutien d'un partenariat rénové, précise que tout en continuant à assurer les missions de défense et de sécurité actuelles, la France s'engagera à contribuer à la montée en puissance des forces armées djiboutiennes en cohérence avec le rôle que la République de Djibouti entend jouer au plan régional. Au-delà de l'acquisition de matériel, la France participera, par des actions de formation et d'entraînement, à accroître les capacités des forces armées djiboutiennes. Cette coopération incombera, pour une large part, aux forces françaises stationnées à Djibouti qui, dans certains cas, devront passer d'une logique de substitution à une logique d'accompagnement des forces armées djiboutiennes dans l'acquisition de savoir-faire et de compétences. Cette nouvelle donne doit consolider et renforcer les relations existantes entre les FFDj et les autorités militaires et civiles de la République de Djibouti.

C. PERSPECTIVES ET ORIENTATIONS DE NOTRE COOPÉRATION À LA LUMIÈRE DES NOUVEAUX ACCORDS

Les activités de coopération militaire ou de défense que prévoit la France en direction de ces trois pays pour l’avenir s’inscrivent d'ores et déjà dans le cadre des nouveaux accords, bien qu’ils ne soient pas encore ratifiés. A cet égard, on peut relever que, selon les indications fournies par les études d’impact, confirmées par celles données à votre Rapporteur, aucun des trois pays n’a encore engagé de procédure de ratification.

1. Les orientations de la coopération avec le Sénégal

Quoi qu’il en soit, s’agissant des actions de coopération, pour cette année 2013, sont programmées pour les Forces armées sénégalaises 34 actions de coopération, visant à la formation de 2 300 hommes, notamment tournée vers leur mise en condition opérationnelle dans le cadre de leur participation aux opérations internationales au Darfour, au sein de l’ONUCI et de la MISMA, une concentration de l’effort étant notamment prévu de la part des EFS à la formation des contingents participant à la MISMA, prioritaire, les Etats-Unis intervenant de leur côté sur les besoins en équipements, hors armement et munitions, conjointement avec les contributions annoncées lors de la conférence des donateurs du 29 janvier dernier à Addis Abeba.

De même, des formations spécifiques (mortier, déminage, blindés, etc.), et des exercices conjoints sont-ils prévus, les EFS intervenant également dans le domaine maritime (soutien technique, secours maritime, missions SURPECHE au profit de la direction sénégalaise de la protection et surveillance des pêches par l’ATL 2, séances de formation au profit de l’Ecole nationale de formation maritime et du Centre d’instruction navale sénégalais). Enfin, les nombreuses escales permettent de réaliser des périodes d’instruction opérationnelle et des exercices communs au profit de la marine sénégalaise.

Ce sont encore des actions de formation qui sont privilégiées dans le cadre de la coopération structurelle, les projets en cours portant sur l’école d’application de l’infanterie (EAI) de Thiès, qui a statut d’école nationale à vocation régionale, ENVR, en partenariat avec la France, et assure la formation d’application des jeunes officiers de la sous-région et du continent de 27 nationalités différentes ; sur l’Ecole nationale des officiers d’active (ENOA) pour laquelle la coopération apporte une aide financière et du conseil dans le domaine de la pédagogie ; sur l’enseignement militaire supérieur, le projet ayant pour vocation de former et de sélectionner les officiers supérieurs aux différents concours ; sur l’appui au commandement et à l’organisation des armées, notamment dans son volet « Gestion des ressources humaines » ; sur l’appui au commandement et à l’organisation de la Marine qui va désormais accompagner la montée en puissance, dans un cadre interministériel et multilatéral, de la haute autorité chargée de la surveillance et de la sécurité maritime (action de l’Etat en mer) ; sur l’amélioration de l’environnement des vols, projet principalement orienté vers la formation des équipages d’hélicoptères et le soutien à l’Ecole de l’Air de Thiès, l’appui à la chaîne logistique et de maintenance, notamment dans le domaine de la modernisation de cette fonction, ainsi qu’à l’appui au service de santé des armées, en particulier dans le domaine de la formation initiale et de spécialité des médecins et dans celui de la médecine d’urgence. Cette coopération devrait à l’avenir évoluer vers davantage de formation, sans pour autant baisser en nombre de projets.

2. Les actions de coopération des FFDj

Les forces de sécurité djiboutiennes disposent toujours aujourd'hui d’une capacité militaire opérationnelle limitée qui leur a néanmoins permis, depuis l’indépendance, de garantir la paix et la souveraineté de leur pays dans une région de l’Afrique en perpétuelle crise. En ce sens, la coopération militaire n’aura pas été négative et la signature du traité de défense, le 21 décembre 2011 à Paris, permet d’espérer relancer et moderniser cette coopération.

Selon les indications données à votre Rapporteur, des discussions sur l’évolution des projets de coopération structurelle afin d’améliorer leur efficacité sont en cours depuis plusieurs mois. Il y a toujours une forte divergence entre les attentes du haut commandement djiboutien (aide directe et techniciens en substitution) et la vision française (conseil, partenariat, formation).

En ce qui concerne la coopération avec les forces armées djiboutiennes, sont particulièrement recherchés la coordination des efforts des FFDj et des forces armées djiboutiennes dans la mise en œuvre de la clause de sécurité de l’accord. Il est prévu que cette coopération, d'ores et déjà très forte dans le cadre de la surveillance des approches maritimes, se renforce dans celui de la mission de police du ciel en y associant progressivement les forces aériennes, notamment dans leur participation à la surveillance de l'espace aérien. La coopération visera aussi à renforcer les capacités des forces armées djiboutiennes, de la garde républicaine et de la gendarmerie par ces actions de formation, de conseil ainsi que des exercices ou missions en commun.

Comme votre Rapporteur a eu l’occasion de le souligner, la dimension régionale de la coopération française est forte. C’est l’occasion de relever que les FFDj ont fourni un effort important pour la formation d’un bataillon djiboutien déployé en Somalie en décembre 2011, opération qui pourrait être renouvelé pour un second bataillon, ainsi que pour la formation des bataillons ougandais et burundais avant leur déploiement sous AMISOM, la proximité de Djibouti avec le théâtre somalien rendant plus efficace les formations délivrées par les FFDj à ces contingents.

Au plan maritime, le France poursuit la formation de l’équipage de la Dague, avec des personnels français affectés à cet effet auprès de la base navale. Cette formation devrait être achevée durant l’été 2013.

En parallèle à cette coopération opérationnelle, les actions que mène la DCSD en 2013 sont mises en œuvre moyennant six projets qui mobilisent 14 coopérants militaires techniques. Sont concernées l’AMIA, école de formation initiale des officiers, soutenue conjointement par la France et le Maroc, l’école de formation des sous-officiers et des militaires du rang de Hol Hol, le Centre d’instruction tactique et technique d’Ambouli qui accueille les jeunes volontaires du Service national adapté et reçoit un appui financier. La Marine nationale (chaîne sémaphorique et soutien aux unités de surface djiboutiennes), les systèmes d’information et de commandement et le service d’infrastructure du génie reçoivent un appui. Un effort particulier est entrepris quant à la mise en place progressive mais difficile d’une véritable politique de gestion des ressources humaines avec un conseiller dédié à cette question auprès de l’état-major des armées. Quoi qu’il en soit, on considère que le nouvel accord de partenariat de défense doit permettre pour les années futures de redéployer notre dispositif de coopération afin de répondre aux nouvelles ambitions djiboutiennes, le Président Guelleh ayant en effet appelé de ses vœux au renforcement et la professionnalisation de l’outil de défense djiboutien.

3. Le cas de la Côte d'Ivoire

L’appui de la France s’inscrit dans une double dynamique autour d'une réflexion stratégique qui conduira à l'élaboration d'un « Livre Orange » et des actions concrètes adaptées aux besoins immédiats.

En ce qui concerne le court terme, depuis l’investiture du président Ouattara, la coopération militaire française s’est attachée à mener des actions dites « immédiates » afin d’accompagner la normalisation sécuritaire en Côte d'Ivoire et réaliser un début de valorisation de l’image des forces armées auprès de la population. A moyen terme, l’objectif est d’aider la Côte d'Ivoire à mettre sur pied un contingent dans le cadre d’une Opération de soutien à la paix en appliquant l’effort sur la montée en puissance d’un bataillon « pilote ». Enfin, à plus longue échéance, il s’agit de mener des actions de fond dont les résultats seront visibles dans la durée. C’est le cas de la mise en œuvre des opérations de « Désarmement, Démobilisation, Réinsertion », DDR et de la réconciliation au sein des forces de sécurité. C’est aussi la définition du nouvel outil de défense (vision structurante avec la rédaction du Livre Orange équivalent du livre blanc français ; définition des formats avec des décrets d’organisation ; politique d’équipement avec des LPM).

Du point de vue de la coopération française, il s’agit de travailler à la définition d’une vision stratégique ivoirienne, d’organiser l’outil de défense, de mener des efforts particuliers sur les volets « opérations » « renseignement » et « ressources humaines », d’équiper, former, entraîner et engager l’outil de défense et de reconstruire les infrastructures.

Pour mener à bien cette tâche de grande envergure l’attaché de défense français travaille en étroite concertation avec les autorités ivoiriennes afin notamment de recueillir, orienter et suivre l’expression des besoins en matière de coopération des forces armées ivoiriennes en cohérence avec les évolutions capacitaires cadrées par le chantier en cours de la RSS, et de coordonner et orienter localement l’action des différents acteurs de coopération opérationnelle de la Défense (EFS, Licorne, Corymbe, etc.) et structurelle (DCSD) du MAE et leur mise en œuvre au profit des forces armées ivoiriennes en application des directives de l’Etat-Major et de la DCSD. Cette répartition des tâches tire le meilleur parti des atouts et des compétences détenues des différents acteurs au niveau régional.

C’est le commandement des EFS qui met en œuvre le plan de coopération en qualité de contrôleur opérationnel dans la zone, les EFS disposant d’une ingénierie de formation et bénéficiant d’un capital d’expérience et d’une vision régionale de long terme. A ce titre, ils constituent un pôle d’expertise unique capable de suivre et d’évaluer dans la durée les progrès de la Côte d'Ivoire. De son côté, le dispositif LICORNE présente l’avantage de la proximité et de la continuité lui permettant de conduire des actions régulières et de contrôler leurs résultats sur le terrain ; enfin, si l’apport de CORYMBE est plus ponctuelle, elle apporte néanmoins une plus-value certaine dans le cadre de la sécurité maritime, de par son expérience accumulée depuis plus de vingt ans.

Mi-novembre 2012, le premier exercice interarmes (AKWABA) depuis 1997 a pu être organisé avec les forces armées ivoiriennes, Licorne et les Forces françaises du Gabon. Pour 2013, l’effort continuera de porter sur la restructuration de l’outil de défense et des forces armées ivoiriennes, à partir de 13 DIO très ciblés et spécialisés, prévus pour 250 militaires et de 2 DIT pour 30 militaires.

Dans ce dispositif, Licorne, déployée en Côte d’Ivoire depuis septembre 2002, joue un rôle particulier. Elle participe de façon croissante, depuis la fin de la crise de 2011, à la reconstruction des capacités des forces armées ivoiriennes. Cette action est matérialisée à travers un partenariat avec quatre bataillons de combat et un bataillon de soutien à Abidjan (DIO instruction au combat, actions de formation ou d’assistance technique, des actions civilo-militaires et de soutien logistique), et un soutien à la montée en puissance du bataillon logistique de la MISMA par la formation de l’état-major et d’une partie des personnels. Dans le cadre de la préparation des contingents ivoiriens destinés à rejoindre la MISMA, Licorne participe à la formation d’un bataillon logistique, pour environ 180 hommes. Des formations spécifiques ont d'ores et déjà été dispensées au profit de l’Etat-Major, de l’unité de transport et de la section de protection, et la mise en condition opérationnelle sera réalisée pour le bataillon.

En d'autres termes, les relations avec les forces armées ivoiriennes sont fortes, comme elles le sont sur les autres volets de la relation bilatérale. Les actions de coopération militaires d'ores et déjà nombreuses et l’effort de coopération initié (action des EFS et de Licorne) contribue à la remontée en puissance des forces ivoiriennes à travers des résultats concrets.

La France, acteur important de la sortie de crise en Côte d’Ivoire, s’est logiquement engagée à rester un acteur central de l’appui à la stabilisation du pays, en particulier dans le domaine sécurité et défense et notre intérêt consiste à accompagner la stabilisation de la Côte d'Ivoire et à asseoir notre influence dans ce pays incontournable de la région. Il s’agit aujourd'hui d’aider l’armée ivoirienne à devenir une force républicaine, au service de sa population, assumant à terme son rôle de nation cadre de la force en attente de la CEDEAO et de contributeur aux OMP sur le continent africain. Et consécutivement, de participer à la reconstruction d’un outil de sécurité ivoirien global crédible, adapté au contexte et aux besoins sécuritaires de la RCI et compatible avec les réalités budgétaires locales.

La coopération militaire française repose sur le triptyque formation, équipement et conseil et s’applique à toutes les forces armées, gendarmerie comprise, ainsi qu’aux forces de sécurité intérieure.

Pour les forces terrestres, il s’agit de viser à la réorganisation de la chaine organique et opérationnelle, aujourd'hui inexistante, de renforcer l’aptitude à l’exercice du commandement des cadres ainsi que les savoir-faire opérationnels de la troupe. Le rétablissement de la confiance de la population civile envers des bataillons capables d’assurer la sécurité intérieure dans les différentes provinces du pays est essentiel.

Sur ces questions, la demande des autorités ivoiriennes est forte et la rapidité avec laquelle le nouveau traité de partenariat de défense a été signé montre que la relation bilatérale de défense peut repartir sur de bonnes bases et être efficace pour contribuer à la réduction des fractures internes.

CONCLUSION

Au terme de cette analyse, on aura compris que plusieurs éléments plaident pour l’approbation des projets de loi qui sont soumis à l’examen de notre commission, dont le moindre n’est pas que ces traités contribueront à la stabilité des pays concernés et, au-delà, à celle de l’Afrique.

En outre, ces nouveaux accords ont surtout le grand mérite de rénover les relations de notre pays avec ses anciennes colonies africaines et de lui permettre de se défaire d’un héritage aujourd'hui aussi encombrant qu’obsolète qu’il serait inopportun de maintenir.

Avec ces accords, notre coopération de défense confirme qu’elle s’inscrit résolument dans une perspective de partenariat tant bilatérale que régionale et répond à la demande des parties prenantes et de leur environnement. Ces conventions adoptées, la totalité de notre dispositif conventionnel, qui datait des indépendances, aura été révisé et modernisé dans un sens plus en conformité avec les exigences contemporaines.

Ces textes nous permettent enfin de conserver un lien étroit avec nos partenaires historiques, d’autant plus nécessaire aujourd'hui, aux yeux de votre Rapporteur, que, comme il l’a montré, leur évolution, leur positionnement, les perspectives qui sont les leurs, attirent une concurrence nouvelle qu’il s’agit pour notre pays de savoir contenir pour la sauvegarde de ses intérêts régionaux. Il est plus que jamais important de préserver intacts nos positions et outils d’influence pour que notre pays puisse conserver sa place de choix dans cette région.

A leur mesure, ces traités y contribueront et votre Rapporteur vous invite naturellement à approuver les projets de loi qui nous sont soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Louis Destans, le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (n° 425), le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire (n° 426), et le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (n° 427), au cours de sa séance du mercredi 24 avril à 9 heures 30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je remercie notre rapporteur pour sa présentation détaillée.

M. Jean-Paul Dupré. L’Afrique s’est donné pour objectif de mettre sur pied son propre système de sécurité collective. Avec ces conventions, la France entend y contribuer. Que savons-nous de la situation des forces armées des pays de la région, de leur fiabilité, de leurs capacités d’intervention ?

M. Jean-Louis Christ. L’Union africaine a pour ambition d’établir une architecture de paix et de défense, avec notamment le concept de « Force africaine en attente » ; le Sénégal en particulier s’investit dans cette démarche. Quelle est l’implication française à cet égard ?

M. François Loncle. Je félicite le rapporteur pour son travail. Juste un point d’ordre : allons-nous voter en bloc sur le rapport ou sur chacun des accords ? Je préférerais cette seconde option, car les contextes de ces accords sont très différents.

M. Jacques Myard. Ces trois accords viennent à point nommé pour afficher une coopération entre la France et l’Afrique sur laquelle il est nécessaire d’insister. Il y a pire qu’un Etat totalitaire, c’est un Etat inexistant ; il faut donc que nous aidions à la construction des Etats et cela passe en particulier par celle des armées.

L’article 4 de l’accord avec Djibouti, par lequel la France s’engage à contribuer à la défense de l’intégrité de ce pays, est quasiment superfétatoire puisque, comme on l’a vu avec le cas du Mali, des interventions peuvent plus généralement être justifiées par l’article 51 de la charte des Nations unies. L’équivalent de cet article 4 ne figure pas dans les deux autres accords qui nous sont soumis, mais de fait, ils comportent une sorte de garantie implicite.

M. Philippe Baumel. Je remercie également le rapporteur pour sa présentation. Je suis circonspect sur l’absence de clause de défense dans deux des accords, car la présence de ce type d’engagement de la France dans les accords plus anciens a permis d’établir avec les pays concernés des liens particuliers, voire des liens personnels avec les chefs d’Etat. Et, comme l’a montrée la récente libération des otages français au Cameroun, de tels liens sont utiles. Par ailleurs, en renonçant à ce type de clause, la France accepte en quelque sorte d’être mise en concurrence avec les autres puissances qui souhaiteraient s’implanter, y compris militairement, en Afrique.

M. Jean-Claude Guibal. Quels sont les risques de conflits qui justifient la passation de ces accords ?

M. Noël Mamère. La plupart des accords de défense du passé ont surtout servi à maintenir en place des régimes peu démocratiques et à préserver notre pré carré africain en obtenant la mise à disposition de bases. M’étant rendu avec Michel Zumkeller au Kenya et en Afrique du sud, j’ai pu constater les effets politiques dévastateurs de l’intervention sud-africaine en Centrafrique. Il faut changer de pratiques. Il vaut mieux soutenir la démocratisation que d’aider au maintien de quarterons de putschistes ou de dirigeants qui spolient leurs propres peuples. Au demeurant, nous allons bien voir comment les choses évoluent au Mali et peut-être que dans trois ans nous nous poserons des questions sur le sens de notre intervention dans ce pays. Il faut donc vraiment revoir les accords de défense, afin d’en extirper tout ce qui a contribué à la Françafrique.

M. Jean-Pierre Dufau. Ces trois accords importants témoignent de la volonté de la France de rester présente en Afrique. Ceux avec le Sénégal et Djibouti ne posent pas de difficultés. Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, l’appréciation est plus complexe. Je vois que les négociations ont été commencées avec l’ancien président Laurent Gbagbo, puis interrompues, puis reprises et conclues avec son successeur Alassane Ouattara. La situation sécuritaire est-elle maintenant bien claire en Côte d’Ivoire ? La position mérite d’être posée. En tout état de cause, je voterai les trois accords.

M. le rapporteur. Tout d’abord, il y aura bien trois votes de la commission, un sur chacun des accords.

Les observations de Jacques Myard sur la portée de l’article 4 de l’accord avec Djibouti sont pertinentes. Toutefois, la présence de cette stipulation est en soi significative de l’importance que nous attachons à cet accord. Par ailleurs, cet article 4 prévoit notamment une procédure de consultation. Il apporte donc un plus par rapport à la seule référence à l’article 51 de la charte des Nations unies.

Philippe Baumel et Noël Mamère ont évoqué l’évolution de nos relations avec l’Afrique. Je crois qu’on ne peut pas vouloir faire évoluer ces relations et refuser une certaine forme de mise en concurrence avec d’autres puissances. Nous avons à élaborer un nouveau rapport avec les pays africains. S’agissant du Mali qui a été évoqué, la stratégie du Gouvernement est claire ; il y a un accord de coopération solide et les élections présidentielles vont se tenir cet été.

M. Noël Mamère. Avec 300 000 déplacés, cela va être compliqué.

M. le rapporteur. Si la situation n’était pas compliquée, nous ne serions pas intervenus au Mali. La question de la capacité africaine en matière de sécurité a été posée. Mais elle progresse avec une double architecture, d’une part dans le cadre de l’Union africaine avec la « Force africaine en attente », d’autre part avec la mise en place de composantes régionales, ce qui est assez nouveau. La France apporte son concours à l’Union africaine par le biais de l’Union européenne et elle soutient le développement de capacités régionales comme on le voit avec la CEDAO et la MISMA.

S’agissant des risques de conflits, évoqués par Jean-Claude Guibal, il est clair qu’ils sont élevés dans un continent qui est soumis à de fortes pressions – djihadisme, narcotrafic, conflits frontaliers – et connaît une instabilité générale.

Mon rapport comprend des éléments précis sur la Côte d’Ivoire, abordée par Jean-Pierre Dufau. Le président Alassane Ouattara fait face à une situation compliquée : certes, il y a une bonne reprise économique, mais la situation militaire n’est pas stabilisée – avec plus de 70 000 hommes à démobiliser – et le Président doit exercer lui-même l’autorité militaire.

M. Serge Janquin. Après mûre réflexion, je m’abstiendrai sur l’ensemble de ces conventions.

Tout d’abord, on mélange un peu tout. Au Mali, l’intervention française est fondée sur la Charte des Nations Unies, qui est sans rapport avec des conventions de ce type.

Ensuite, on se plaint que l’Union européenne n’ait pas de politique étrangère et de défense commune et pourtant on ne l’associe pas le moins du monde à ces accords de défense, non plus d’ailleurs que l’Union africaine. S’agissant de cette dernière, on constate avec regret qu’elle n’est pas en mesure d’agir, et l’on ne fait rien pour l’aider.

C’est la démarche retenue qui me pose problème : nous réglons les difficultés au fil de l’eau, en l’absence de toute réflexion de fond sur les coopérations possibles pour que les problèmes puissent être traités par les pays africains eux-mêmes, en collaboration avec l’Union européenne. Cette absence de dimension multilatérale nous condamne à en rester à de l’évènementiel. Il faudrait associer davantage les pays concernés à leurs propres responsabilités.

M. François Asensi. Je m’abstiendrai aussi sur ces trois textes.

M. Jacques Myard. Il y a un monde qui sépare l’utopie et la réalité, mes chers collègues. L’affaire malienne, comme d’autres auparavant, a bien montré que cette Europe collective n’existe pas. Dans ce domaine, l’Europe n’est que la somme des volontés nationales. Un ministre de la défense me confiait ainsi, il y a quelques années, n’avoir pas réussi à obtenir de l’Allemagne les hélicoptères qu’il avait demandés pour le Tchad.

De plus, les Britanniques jouent leurs cartes de manière bilatérale, avec d’autres aussi. Ils ont des stratégies de défense qui leur sont propres. Ne rêvons pas un monde qui n’existe pas ! Jacques Delors lui-même nous a dit à plusieurs reprises qu’il ne croyait ni à l’Europe « puissance », ni à une politique étrangère et de défense en Europe. Je me félicite pour ma part que le Gouvernement actuel reprenne des textes reflétant une réalité qui s’impose à nous.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Une remarque, tout de même : Jacques Delors croit à l’euro !

M. Jacques Myard. Mais ce n’est plus le cas de M. Bolkenstein !

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Et ce n’est pas parce que la réalité de l’Europe de la défense est aujourd’hui affligeante qu’il faut s’y résigner. Le très intéressant rapport sur la Serbie et le Kosovo que Jean-Paul Bacquet présentera tout à l’heure montre qu’il y a, malgré tout, quelques résultats.

M. Noël Mamère. Je fais miens vos propos sur l’Europe, Madame la présidente, ainsi que les observations faites par Serge Janquin. Avec Danielle Auroi, nous nous abstiendrons.

M. Guy-Michel Chauveau. Nous n’avons pas être présents là où l’Etat de droit n’existe pas – nous l’affirmons depuis longtemps –, mais l’on observe des évolutions en Afrique depuis les années 1990, même si nous les trouvons pas toujours assez rapides. La première élection au suffrage universel a ainsi eu lieu au Bénin en 1991 et d’autres ont suivi. Il faut être conscient que nous ne pouvons pas demander aux autres de faire en quelques années ce qui a pris deux siècles en France. En tout état de cause, sans nos forces prépositionnées, la situation de l’Afrique subsaharienne serait absolument terrible.

M. François Loncle. Il faut prendre en considération l’histoire et la situation politique des pays concernés. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec les recommandations d’Amnesty International, je conseille la lecture de son dernier rapport sur la Côte-d’Ivoire : il n’y a aucune perspective de réconciliation, malgré les demandes unanimes de la communauté internationale. Par esprit de responsabilité, je ne voterai pas contre le projet de loi relatif à ce pays, mais je m’abstiendrai.

M. Jean-Louis Destans, rapporteur. Fallait-il réviser les accords de coopération nous liant avec ces pays ? Je crois que nous nous accordons tous sur ce point.

Fallait-il en signer de nouveaux ? C’était la demande de nos partenaires et je ne vois pas en quoi nous aurions dû nous la rejeter.

Quant à l’Union européenne, l’article 2 des conventions y fait clairement référence dans son alinéa 3: « L’Union européenne et ses Etats membres peuvent être invités par les Parties à s’associer aux activités prévues par le présent Traité, sous réserve de l’accord préalable et de la signature d’un accord de statut des forces avec l’Etat d’accueil ». Tout est ouvert à l’Union européenne, pour peu que la politique étrangère et de sécurité commune existe réellement.

Quant au traité de coopération en matière de défense qui est maintenu avec Djibouti, il est placé dans le cadre de l’article 51 de la Charte des Nations unies. On ne se trouve donc plus dans un simple face à face.

J’ajoute que les accords font référence à l’Union africaine et aux organisations régionales : ils se situent dans cette perspective.

Je comprends donc mal les absentions annoncées par certains de nos collègues.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Il me semble que notre Commission devrait travailler sur des propositions en vue du Conseil européen de décembre prochain sur l’Europe de la défense. Nous ne pouvons pas rester à l’écart de cette importante réflexion. La commission des affaires européennes vient au demeurant de publier un très intéressant rapport d’information de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur la relance de l’Europe de la défense.

Si la France n’imprime pas d’impulsion au mois de décembre, rien ne se passera. Or il y a des approches nouvelles que nous pouvons promouvoir, notamment sur l’évaluation et le partage des capacités communes ou l’aide aux industries européennes de défense. Chacun sait qu’il risque de ne plus y en avoir du tout en Europe si elles ne se regroupent pas comme il le faudrait. Ce sont des sujets absolument majeurs, y compris pour l’emploi et la croissance.

Il convient aussi de partager avec nos partenaires une analyse commune des menaces et des priorités stratégiques, sans aller toutefois jusqu’à se lancer dans des projets qui risquent de se perdre dans les sables, à l’image d’un Livre blanc européen. Au Mali, nous avons agi pour la sécurité des biens et des personnes, ainsi que des intérêts de l’ensemble des Européens. Même s’il faut ensuite trouver des solutions politiques qui ne vont pas de soi, c’est évidemment une source de fierté, comme l’a montré le vote unanime à l’Assemblée.

J’approuve tout à fait la signature d’accords bilatéraux, car il n’y a pas de contradiction entre eux et une politique menée au sein de l’Union européenne. Mais il est vrai que nous avons besoin de faire partager nos préoccupations à nos partenaires.

Je me rendrai demain à Bruxelles pour faire le point avec nos spécialistes français sur ce sujet, et je vous ferai certainement des propositions pour orienter notre réflexion avant l’interruption estivale des travaux. Nous pourrions notamment organiser des auditions afin que notre commission puisse formuler des propositions utiles en vue du Conseil européen.

M. Alain Marsaud. Certains de nos collègues entendent s’abstenir, voire voter contre, et on peut les comprendre. Dans cette même salle de commission, il y a deux mois, nous avons pourtant voté à l’unanimité, moins ma propre voix, un accord à peu près identique avec un Gouvernement encore beaucoup moins présentable : celui de l’Afghanistan. Quand on voit la déliquescence de ce pays, la corruption, la violence et les actes de torture qui y règnent, on peut trouver que vous avez fait preuve d’une grande hardiesse ce jour-là !

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n°s 425, 426 et 427).

ANNEXE

Liste des personnalités rencontrées par le rapporteur

– Colonel Luc de Revel, sous-directeur Afrique à direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) au sein de la direction générale des affaires politiques et de sécurité du ministère des affaires étrangères.

– Colonel Marc Conruyt, conseiller Afrique du chef d’Etat-major des armées, chef du bureau Afrique de l’EMA, accompagné du lieutenant-colonel Pierre Marcel.

– M. Jean-Christophe Belliard, directeur d'Afrique et de l'océan Indien au ministère des affaires étrangères, accompagné de M. Camille Grousselas, chargé de mission.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (ensemble trois annexes), signé à Paris le 21 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire (ensemble une annexe) signé à Paris, le 26 janvier 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (ensemble trois annexes), signé à Paris le 18 avril 2012 et dont le texte est annexé à la présente loi.

_________________

NB : Le texte des traités figure respectivement en annexe aux projets de loi (n°s 425, 426 et 427).

© Assemblée nationale

1 () Voir le rapport n° 3286 du 30 mars 2011, de M. Robert Lecou, sur le traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise ; le rapport n° 3308, 3309 et 3310 du 5 avril 2011, de M. Michel Terrot, sur les traités instituant des partenariats de défense avec la République du Cameroun, la République togolaise et la République centrafricaine, et celui de M. Renaud Muselier, sur le traité instituant un partenariat de défense avec l’Union des Comores (rapport n° 3959 du 16 novembre 2011).

2 () Ainsi que le prévoyait par exemple l’article 4 de l’accord avec le Togo ; voir le rapport de M. Michel Terrot, page 11.

3 () Livre blanc « Défense et sécurité nationale », 2008 ; page 156.

4 () Rapport de M. Michel Terrot, page 24.

5 () Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest ; Autorité intergouvernementale pour le développement ; Communauté de développement d’Afrique australe ; Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale.

6 () Livre blanc « Défense et sécurité nationale », page 154.

7 () Résolution 2023 du 5 décembre 2011.

8 () Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, « La piraterie maritime dans le Golfe d’Aden - état des lieux », Maud Hubert, note d’analyse, 20 septembre 2010.

9 () Edouard Pfimlin, « Piraterie maritime : l’Afrique concentre attaques et ripostes », Le Monde, http://www.lemonde.fr/international/article/2012/01/27/piraterie-maritime-l-afrique-concentre-attaques-et-ripostes_1634974_3210.html; 27 janvier 2012.

10 () Regional Cooperation Agreement on Combating Piracy and Armed Robbery against Ships in Asia.

11 () http://www.defense.gouv.fr/das/la-delegation/evenements/renforcement-des-capacites-maritimes-dans-la-corne-de-l-afrique-vers-une-architecture-innovante-au-service-de-l-approche-globale-16-juillet-2012

12 () Voir notamment Christophe Boisbouvier, « Du bon usage des bases », Jeune Afrique, 18 mai 2010 ; http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2574p024-030-bis.xml1/france-usa-piraterie-terrorismedu-bon-usage-des-bases.html

13 () Le 31ème rapport du Secrétariat général des Nations Unies évoquait le chiffre de 100 000.

14 () « Côte d’ivoire : faire baisser la pression », Rapport Afrique, n° 193 – 26 novembre 2012, ICG.

15 () Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, un protocole additionnel, non publié, à l’accord de coopération en matière de défense de 1974 a également été signé entre les deux pays le 14 juin 1989.

16 () Ainsi que votre Rapporteur l’a évoqué, certains des accords militaires que la France a signés avec ses partenaires sont classifiés et indisponibles.

17 () Première annexe de l’accord ; l’annexe 2 concerne la coopération dans le domaine des matières premières et produits stratégiques et l’échange d’informations en ce qui concerne les politiques suivies en la matière, compte tenu des besoins de la défense, de l’évolution des ressources et de la situation du marché mondial.

18 () Article 7.

19 () Article 5.

20 () Il existe également une convention bilatérale « sur les missions et les modalités d'intervention des formations de la gendarmerie nationale française au Sénégal » en date du 29 mars 1974, non disponible.

21 () Protocole provisoire, article 1er.

22 () Article 10.

23 () La coopération opérationnelle relève du ministère de la défense et « se fixe sur la gestion de crise qu’elle accompagne dans sa résolution » ; la coopération structurelle dépend du MAEE et « vise à aider à bâtir les outils de sécurité et de défense en amont des crises, dans le temps de la prévention, mais aussi en aval des crises, durant la phase de sortie de crise », Général Bruno Clément-Bollée, directeur de la coopération de sécurité et de défense du MAEE, Doctrine tactique, n° 23, décembre 2011, page 8.

24 () Article 3.

25 () Article 2.

26 () Article 3.

27 () Voir par exemple l’article 2 de la convention fixant « les règles et conditions du concours de la République française au soutien logistique des forces terrestres, des forces aériennes, des forces maritimes, de la gendarmerie, des unités militaires du service civique, des formations paramilitaires : garde républicaine et sapeurs-pompiers de la République du Sénégal » qui rappelle que le Sénégal est responsable du soutien logistique de ses unités et en assume la charge financière et que la France lui « apporte son concours à titre onéreux par des cessions de matériels, d’équipement, éventuellement de certaines denrées (…) à l’exclusion de toutes autres prestations de travaux et services ».

28 () Article 4.

29 () Annexe concernant le concours militaire technique apporté par la République française à la République du Sénégal, article 3.

30 () Ibid., article 3.

31 () Ibid., article 5.

32 () Article 8.

33 () Article 9.

34 () Article 3.

35 () Article 4.

36 () Article 4.

37 () Article 6.

38 () Article 1er.

39 () Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et de systèmes d’information.

40 () Source : Etat-major des armées.

41 () Source : Etat-major des armées.

42 () Il était de 154 millions € en 2012 et devrait être de 178 millions € en 2013 (+ 11 ,7 %).

43 () L’accord avec le Sénégal comporte, assez inutilement, quatre sections, le contenu de la troisième section des deux autres accords étant réparti en deux groupes.

44 () Préambule de l’accord franco-ivoirien du 26 janvier 2012.

45 () Articles 3 des accords, celui avec la Côte d'Ivoire précisant en outre que « Aucune disposition du présent Traité ne déroge aux droits et obligations qui seraient reconnus à une force ou à un membre du personnel de l’une des Parties à raison de sa participation à une opération de maintien de la paix sous mandat des Nations unies. »

46 () Article 5 des accords avec la Côte d'Ivoire et la Sénégal ; article 6 de l’accord franc-djiboutien.

47 () Article 5 de l’accord avec le Sénégal ; article 6 de l’accord avec la Côte d'Ivoire et article 7 de l’accord avec Djibouti.

48 () Le loyer payé par les Etats-Unis serait inférieur, 30 millions de $, mais pour des troupes stationnées plus restreintes ; en revanche, celui du Japon serait nettement plus élevé : 40 millions de dollars pour seulement 150 hommes. Selon Christophe Boisbouvier, en 2004, l’impact économique de la seule base française était estimé par Paris à 150 millions d’euros (loyer compris), soit les deux tiers du budget et le quart du PIB djiboutien… Voir Jeune Afrique, op.cit.