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N° 1270

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juillet 2013.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel,

PAR M. Jean-Marc GERMAIN,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1037 et 1283.

INTRODUCTION 5

I.- IMPOSER LA RECHERCHE ACTIVE D’UN REPRENEUR POUR LES SITES RENTABLES MENACÉS DE FERMETURE 7

A. UNE PREMIÈRE PROPOSITION DE LOI DÉPOSÉE DÈS FÉVRIER 2012 8

B. L’OBLIGATION DE RECHERCHE D’UN REPRENEUR ISSUE DE LA LOI
DU 14 JUIN 2013
9

1. Une obligation fruit de la volonté du Gouvernement et du dialogue social 9

2. Une obligation assortie de nouvelles prérogatives pour le comité d’entreprise 10

3. Une obligation inscrite dans le cadre du licenciement collectif 11

4. Une obligation prise en compte dans la convention de revitalisation 13

C. LA PROCÉDURE DE RECHERCHE DÉFINIE PAR LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI 14

1. Une procédure renforçant les droits du comité d’entreprise et les obligations de l’employeur 15

2. Une procédure sanctionnée par le tribunal de commerce 17

3. Les évolutions proposées par la commission 18

D. FACILITER LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ D’ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ PAR LEURS SALARIÉS 24

II.- FAVORISER L’ACTIONNARIAT DE LONG TERME 27

A. ABAISSER LE SEUIL DE DÉPÔT DES OFFRES PUBLIQUES D’ACQUISITION (OPA) OBLIGATOIRES 27

1. Un seuil aujourd’hui fixé à 30 % 28

2. Un seuil très variable selon les pays et débattu en France 29

3. Réduire le seuil à 25 % pour lutter contre les contrôles de fait 30

B. ACCROÎTRE LES PRÉROGATIVES DU COMITÉ D’ENTREPRISE EN CAS D’OFFRE PUBLIQUE D’ACQUISITION (OPA) 32

1. La procédure actuelle d’information du comité d’entreprise 32

2. Le nécessaire renforcement des pouvoirs du comité d’entreprise 33

C. GÉNÉRALISER LE PRINCIPE DES DROITS DE VOTE DOUBLE POUR LES SOCIÉTÉS COTÉES 36

1. La possibilité actuelle d’attribuer des droits de vote double 37

2. Les arguments en faveur d’une extension de ce mécanisme 37

3. Le dispositif de généralisation proposé 38

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 41

II. EXAMEN DES ARTICLES 55

ANNEXE LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 71

INTRODUCTION

La stratégie de redressement voulue par le Président de la République, est fondée sur la conviction que la crise que nous traversons depuis 2008 est bien plus que la simple manifestation du cycle économique. C’est la crise d’un système, celui qui a vu, à partir des années 1980, à la faveur de vagues de déréglementations aveugles et d’une internationalisation sans limite, les logiques financières et du profit immédiat s’imposer partout au détriment d’un capitalisme de projet et du long terme.

C’est la raison pour laquelle, au-delà des mesures d’urgence pour l’emploi comme les emplois d’avenir et les contrats de génération, au-delà des mesures d’urgence pour la croissance, une réforme en profondeur du capitalisme a été engagée depuis un an. Son objectif est simple : redonner des perspectives à l’économie réelle.

Redonner des perspectives à l’économie réelle, c’est remettre la finance au service de l’économie alors que celle-ci n’était plus au service que d’elle-même : c’est le sens au plan national de la loi bancaire, séparant les activités de spéculation des activités utiles à l’économie, de la banque publique d’investissement pour financer les projets des PME et des filières d’avenir, et au plan européen, de la taxe sur les transactions financières et de l’union bancaire.

Redonner des perspectives à l’économie réelle, c’est aussi repenser la nature même des entreprises en donnant plus de pouvoir aux salariés dans la gouvernance des entreprises. Ce qui fait la richesse et la réussite d’une entreprise, ce sont certes des actionnaires qui apportent leurs capitaux mais aussi des salariés et du fruit de leur travail et de leur intelligence ; le pouvoir de direction ne peut relever exclusivement des premiers. C’est cette logique qui sous-tend la loi de sécurisation de l’emploi lorsqu’elle fait entrer les salariés avec voix délibérative au conseil d’administration des grandes entreprises, lorsqu’elle crée un dialogue annuel avec les représentants des salariés sur les stratégies d’entreprise ou soumet à la négociation des choix stratégiques importants comme la formation professionnelle ou les plans de sauvegarde de l’emploi en cas de difficulté économique.

La présente proposition de loi, déposée par les groupes SRC, Ecolo et RRDP le 15 mai dernier après un travail collectif animé par le président de la Commission des affaires économiques, M. François Brottes, s’inscrit dans le droit fil de ces textes visant à remettre l’économie réelle à l’honneur dans notre pays.

Elle le fait, tout d’abord, en honorant la promesse faite en février 2012 par François Hollande pendant la campagne présidentielle de demander aux entreprises de rechercher un repreneur, lorsqu’elles envisagent la fermeture d’une usine rentable. Molex, Continental, M-Real, Pilpa : l’actualité de ces dix dernières années a malheureusement été traversée la chronique de ces usines rentables, parfois très rentables, qu’on a voulu sacrifier sur l’autel d’une course sans fin au profit. Cette folle logique financière a participé à la forte contraction de l’emploi industriel, passé de 16 % à 11 % de l’emploi total.

Si grâce à la mobilisation des représentants des salariés, des élus et de l’État, des reprises de sites ont pu intervenir, il restait encore à construire un cadre juridique ferme et précis en la matière. Jusqu’ici il était possible pour une entreprise de fermer un site sans chercher un repreneur, demain, avec les dispositions prévues par la présente proposition de loi, cela ne sera plus possible sous peine de s’exposer à de lourdes sanctions.

Les logiques financières de rentabilité et de retour immédiat sur investissement ne doivent, en effet, prévaloir ni sur l’emploi ni sur le développement industriel de la France. Car, au-delà des conséquences sociales emportées par les fermetures de sites, c’est bien la compétitivité de notre pays qui se trouve en jeu dans le recul du rôle de l’industrie dans notre économie.

Il s’agit, ensuite, de bâtir un modèle de gouvernance et d’actionnariat à la française, qui permette d’associer davantage les salariés aux décisions fondamentales de l’entreprise et confère aux dirigeants la stabilité nécessaire à la mise en œuvre d’une stratégie de long terme.

À cette fin, la présente proposition de loi tend à généraliser les droits de vote doubles, pour favoriser les actionnaires qui maintiennent leurs investissements pendant plusieurs années, et procède à des modifications profondes du droit des offres publiques d’acquisition (OPA), en abaissant le seuil de dépôt des offres obligatoires, pour lutter contre les situations de contrôle de fait, et en imposant la consultation du comité d’entreprise lors de ces opérations.

I.- IMPOSER LA RECHERCHE ACTIVE D’UN REPRENEUR
POUR LES SITES RENTABLES MENACÉS DE FERMETURE

Entre 2002 et 2012, l’industrie française a perdu 750 000 emplois et sa part dans la valeur ajoutée a fortement chuté, passant de 18 % à 12,5 %, alors qu’elle représente encore 26 % en Allemagne et 21 % en Suède (1). Pour lutter contre le phénomène de désindustrialisation, qui nuit au développement économique de notre pays, le Gouvernement a pris des mesures fortes afin d’aider et d’accompagner les entreprises, telles que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), la création de la Banque publique d’investissement (BPI), la modernisation des règles du marché du travail avec la loi du 14 juin 2013, et le déploiement du plan d’investissements d’avenir. Depuis un an, le ministère du redressement productif s’est mobilisé pour défendre l’emploi industriel : entre mai 2012 et avril 2013, il a traité quelque 487 dossiers, concernant 76 869 emplois, dont 85 % ont pu être préservés (2).

Pour autant, certaines entreprises ne jouent pas le jeu et choisissent, parfois sous la pression de leurs actionnaires, de fermer des sites rentables implantés en France, pour accroître leurs profits, en transférant des activités à l’étranger tout en capitalisant les outils de production et les savoir-faire acquis, ou pour concentrer le marché, en réduisant les volumes de production, pour provoquer une augmentation du prix des biens qu’elles vendent. Or les fermetures de sites industriels emportent des conséquences graves et durables pour les salariés et les territoires qui les subissent, et ont des répercussions qui s’étendent au-delà des emplois directement supprimés, affectant les entreprises sous-traitantes et l’économie locale de proximité.

Néanmoins, s’agissant d’établissements rentables, non soumis aux dispositions relatives aux procédures collectives, les moyens d’action des salariés, des syndicats et des représentants des pouvoirs publics demeurent limités. En pratique, les exemples de reprise de site qui ont réussi n’ont abouti que grâce à la volonté et aux interventions coordonnées de ces différents acteurs, sans que les entreprises ne facilitent toujours leurs démarches.

Face à ce constat et relayant une préoccupation présidentielle, le Gouvernement a réagi et demandé aux partenaires sociaux d’aborder la question de la reprise des sites rentables dans la négociation sur la sécurisation de l’emploi. Un accord a été trouvé pour créer une obligation de recherche d’un repreneur, qui a été inscrite dans la loi du 14 juin 2013. Toutefois, comme l’attestent les débats ayant présidé à l’adoption de cette loi, cette obligation a été conçue dès le départ comme une première étape, que la présente proposition de loi vise à compléter. Il s’agit, plus fondamentalement, de permettre la mise en place d’un modèle de gestion d’entreprise, conciliant davantage les intérêts des salariés, des territoires et des actionnaires, au bénéfice du maintien de l’emploi, de l’appareil productif et de la compétitivité de la France.

A. UNE PREMIÈRE PROPOSITION DE LOI DÉPOSÉE DÈS FÉVRIER 2012

Alors candidat à l’élection présidentielle, le Président de la République, M. François Hollande, avait retenu, parmi ces soixante engagements de campagne, celui de favoriser la production et l’emploi en France, pour lutter contre les délocalisations, et celui de renchérir le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes (3). Puis, devant les salariés de Florange, il s’était engagé à déposer à l’Assemblée nationale une proposition de loi pour encadrer les projets de fermeture de sites rentables.

Dès février 2012, avant même la clôture de la XIIIème législature, les députés membres du groupe SRC ont donc déposé la proposition de loi n° 4412 tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables notamment lorsqu’ils sont laissés à l’abandon par leur exploitant. Celle-ci visait à instaurer une procédure de recherche d’un repreneur, en cinq étapes :

– l’entreprise avait, tout d’abord, l’obligation d’informer le président du tribunal de commerce de tout projet d’arrêt d’exploitation d’un site ou d’une activité, au plus tard dans les deux jours suivant la première réunion du comité d’entreprise sur le projet de licenciement économique collectif afférent, ce dernier pouvant, à défaut, opérer lui-même cette saisine ;

– le président du tribunal de commerce devait, ensuite, procéder à la nomination d’un mandataire judiciaire, chargé de la recherche d’offres de reprise, en lien avec l’entreprise ;

– puis l’entreprise avait l’obligation d’examiner de bonne foi l’ensemble des offres de reprise présentées par le mandataire judiciaire, le comité d’entreprise pouvant recourir à un expert pour évaluer la validité de ces offres ;

– à l’issue de la période de recherche, dont le délai devait être fixé par décret, si l’entreprise n’avait donné suite à aucune des offres, le mandataire judiciaire pouvait être saisi par le comité d’entreprise ou par tout candidat à la reprise, afin de se prononcer sur la pertinence des offres au regard du maintien de l’emploi et de l’adéquation du prix proposé à la valeur du site ou de l’activité cédée, tout en tenant compte des avis du comité d’entreprise, éventuellement accompagné du rapport de l’expert retenu par celui-ci, et de l’autorité administrative ;

– enfin, lorsque le mandataire judiciaire estimait qu’au moins une offre se révélait pertinente et que l’entreprise n’en acceptait aucune, le tribunal de commerce pouvait alors prononcer la cession du site ou de l’activité selon les règles applicables aux entreprises en liquidation judiciaire.

Cette première proposition de loi a permis de susciter le débat autour du problème de la fermeture d’établissements rentables, entraînant la destruction d’emplois et d’outils de production, sans que l’entreprise ne soit tenue de rechercher une solution de reprise. Toutefois, n’ayant pas été adoptée par l’Assemblée nationale avant la clôture de la XIIIème législature, en juin 2012, elle est devenue caduque. Par ailleurs, sur le fond, la vente forcée de sites ou d’activités in bonis, c’est-à-dire ne se trouvant pas en situation de défaillance économique, pose des difficultés de nature constitutionnelle, quant à la protection du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. L’édiction d’un nouveau dispositif s’est ainsi avérée nécessaire.

B. L’OBLIGATION DE RECHERCHE D’UN REPRENEUR ISSUE DE LA LOI DU 14 JUIN 2013

Attaché à la promotion de la démocratie sociale et soucieux de fonder ses réformes sur un dialogue entre les partenaires sociaux, le Gouvernement a donc demandé à ces derniers de se saisir de cette question, à laquelle l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 (4) a apporté une première réponse, en imposant une obligation de recherche d’un repreneur, dont les principes ont été transcrits dans le code du travail par la loi du 14 juin 2013.

1. Une obligation fruit de la volonté du Gouvernement et du dialogue social

Plus précisément, dès juillet 2012, à l’issue de la Grande conférence sociale, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux à tenir une négociation sur les conditions d’une meilleure sécurisation de l’emploi, comportant un volet relatif à l’accompagnement des mutations économiques, notamment en vue d’encadrer « les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables » (5).

Le document d’orientation pour cette négociation, publié en septembre 2012, énonce ainsi que cette dernière constitue une opportunité pour trouver un nouvel équilibre permettant « d’apporter une réponse aux situations dans lesquelles une entreprise qui envisage de fermer un site refuserait de considérer favorablement l’offre valable d’un repreneur assurant la pérennité de tout ou partie des emplois ». Soulignant la volonté du Gouvernement, ce document indique également que « sur ce point le Gouvernement entend proposer une modification de la loi et, à défaut d’une intégration dans leur accord, les partenaires sociaux sont invités à faire connaître leur(s) position(s) et proposition(s), en particulier concernant l’articulation avec le reste de la procédure de licenciement économique ».

Suivant ces orientations, les partenaires sociaux signataires de l’accord du 11 janvier 2013 ont choisi de consacrer une section de l’article 12, dédié à l’information et à la consultation anticipée des institutions représentatives du personnel, à la reprise de site. Celle-ci stipule que :

« 6/ Lorsque l’entreprise envisage, indépendamment de tout projet de cession, sa fermeture, celle d’un établissement, d’un site ou d’une filiale, il convient d’envisager la recherche de repreneurs dès l’annonce du projet de fermeture.

Le comité d’entreprise est informé et consulté sur cette recherche. Il peut se faire assister par un expert-comptable de son choix pour analyser le processus de reprise, sa méthodologie et son ciblage, pour apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels et pour analyser les projets de reprise.

Lorsqu’un repreneur potentiel formalise son intention de reprise, le comité d’entreprise en est informé, dans le respect de son obligation de discrétion, par le cédant. Il peut émettre un avis sur l’offre de reprise après examen de celle-ci par l’expert qu’il a désigné le cas échéant. »

Le dispositif arrêté par les partenaires sociaux propose donc une procédure de recherche de repreneur à la mise en œuvre rapide, dès l’annonce du projet de fermeture, et sur laquelle le comité d’entreprise est informé et consulté, avec l’appui d’un expert s’il le souhaite.

2. Une obligation assortie de nouvelles prérogatives pour le comité d’entreprise

L’article 19 de la loi du 14 juin 2013 en constitue la déclinaison législative, à l’élaboration de laquelle les partenaires sociaux ont été associés. Il crée un nouvel article L. 1233-90-1 du code du travail, qui impose une obligation de recherche d’un repreneur applicable aux entreprises soumises aux dispositions relatives au congé de reclassement (6), à savoir : les entreprises et les établissements d’au moins 1 000 salariés, les entreprises appartenant à des groupes d’au moins 1 000 salariés, et les entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire d’au moins 1 000 salariés, sauf lorsque ces structures se trouvent en redressement ou liquidation judiciaire.

Aux termes de ce nouvel article, lorsqu’elles envisagent un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un établissement, ces entreprises doivent rechercher un repreneur et en informer le comité d’entreprise, dès l’ouverture de la procédure d’information et de consultation sur le projet de licenciement.

Le comité d’entreprise peut alors recourir à l’assistance de l’expert-comptable désigné sur le projet de licenciement, afin qu’il analyse le processus de recherche d’un repreneur, sa méthodologie et son champ, qu’il apprécie les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels et qu’il analyse les projets de reprise. En vertu de l’article L. 2325-37 du code du travail, l’expert a alors accès aux documents de toutes les sociétés intéressées par une reprise de l’établissement.

Au cours de la procédure de recherche, le comité d’entreprise doit être informé des offres de reprise formalisées, les informations qui lui sont communiquées à ce titre étant réputées confidentielles. Il peut ensuite émettre un avis et formuler des propositions. Il s’agit là d’un renforcement considérable des droits des représentants du personnel, dont l’information détaillée sur les offres de reprise dépendait, auparavant, de la seule bonne volonté de l’employeur.

S’il choisit de se prononcer, le comité d’entreprise doit rendre son avis dans les délais applicables à la procédure de licenciement collectif, prévus à l’article L. 1233-30 du code du travail (cf. ci-dessous).

3. Une obligation inscrite dans le cadre du licenciement collectif

L’obligation de recherche d’un repreneur, issue de la loi du 14 juin 2013, s’inscrit, en effet, dans le cadre du licenciement collectif, puisqu’elle débute à l’ouverture de la procédure d’information et de consultation sur le projet de licenciement et s’achève en même temps. S’appliquent donc les délais fixés à l’article L. 1233-30 du code du travail, à savoir : deux mois pour un projet comprenant moins de 100 licenciements, trois mois pour un projet comprenant de 100 à 249 licenciements, et quatre mois pour un projet comprenant 250 licenciements ou plus (7). Pour mémoire, aux termes de l’article L. 1233-35 du même code, l’expert doit rendre son rapport au plus tard quinze jours avant l’expiration de la procédure, afin que le comité d’entreprise puisse en prendre utilement connaissance.

Au-delà, l’imbrication des deux procédures sous-tend l’application des règles de droit commun du licenciement collectif, en particulier celles relatives à l’instance représentative du personnel qui doit être informée de la recherche de repreneur et qui peut émettre des propositions à cet égard. Ainsi, selon le dernier alinéa de l’article L. 1233-30, lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise et qu’un procès-verbal de carence a été transmis à l’inspecteur du travail, le projet de licenciement économique collectif est soumis aux délégués du personnel. L’article L. 1233-36 prévoit également que, dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, l’employeur consulte le comité central et le ou les comités d’établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d’établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Le ou les comités d’établissement doivent tenir leurs réunions après celles du comité central d’entreprise.

S’agissant des informations devant être mises à disposition, les articles L. 1233-31 et L. 1233-32 imposent à l’employeur d’adresser aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif, en particulier les raisons économiques, financières ou techniques sur lesquelles il repose, ainsi que le projet de plan de sauvegarde de l’emploi. En cours de procédure, les représentants du personnel peuvent exiger de l’employeur la transmission d’informations, si nécessaire sur injonction de l’administration, au titre de l’article L. 1233-57-5, et formuler des propositions alternatives au projet de restructuration, en vertu de l’article L. 1233-33.

L’administration bénéficie également de la transmission de nombreuses informations. Selon l’article L. 1233-46 du même code, le projet de licenciement doit lui être notifié au plus tôt le lendemain de la première réunion d’information du comité d’entreprise, ainsi que tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette réunion. Selon l’article L. 1233-50 l’administration doit être informée de la décision du comité d’entreprise de recourir à un expert et se voir communiquer le rapport de celui-ci. Enfin, selon l’article D. 1233-5, en cas de consultation du comité central d’entreprise, l’ensemble de ces informations doit être adressé à l’autorité administrative compétente pour le siège de l’entreprise.

Il faut rappeler ici que l’imbrication des deux procédures de recherche d’un repreneur et de licenciement collectif ne pose pas de difficulté en soi, puisque la mise en œuvre de la procédure de licenciement collectif ne constitue jamais un obstacle à la reprise d’un site, même si un repreneur potentiel ne se manifeste qu’en fin de procédure : tant que les licenciements économiques n’ont pas été prononcés, l’entreprise peut retirer ou modifier son projet de licenciement en fonction des caractéristiques de l’offre. Par ailleurs, si les licenciements ont été effectués avant la reprise du site, le repreneur peut toujours réembaucher les salariés licenciés qui le souhaiteraient, même s’ils ont bénéficié des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi et perçu des indemnités de licenciements.

4. Une obligation prise en compte dans la convention de revitalisation

S’agissant de l’évaluation et de la sanction des efforts de recherche, l’article L. 1233-90-1 prévoit que les actions engagées par l’employeur au titre de son obligation de recherche d’un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l’entreprise et l’autorité administrative.

L’obligation de revitalisation des bassins d’emploi
des entreprises d’au moins 1 000 salariés

Aux termes de l’article L. 1233-84 du code du travail, lorsqu’elles mettent en œuvre un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l’équilibre du bassin d’emploi dans lequel elles sont implantées, les entreprises soumises aux dispositions relatives au congé de reclassement, c’est-à-dire celles d’au moins 1 000 salariés, doivent contribuer à la création d’activités et au développement des emplois, ainsi qu’atténuer les effets du licenciement sur les autres entreprises du bassin d’emploi.

Cette obligation de revitalisation prend la forme d’une convention entre l’entreprise et l’administration, éventuellement précédée d’une étude d’impact social et territorial, qui détermine les actions de création d’activités et d’emploi envisagées, ainsi que leurs modalités de financement. Cette convention doit être conclue dans les six mois de la notification du projet de licenciement à l’administration, et prendre en considération les mesures de même nature prévues par un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou par le plan de sauvegarde de l’emploi. Sous certaines conditions et avec l’accord de l’administration, un accord collectif peut en tenir lieu. Les actions de revitalisation sont arrêtées après consultation des collectivités territoriales intéressées, des organismes consulaires et des partenaires sociaux, et leur exécution fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation sous le contrôle de l’autorité administrative.

Dans le cadre de son obligation de revitalisation, l’entreprise doit verser une contribution dont le montant ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé. L’administration peut, toutefois, fixer un montant inférieur, lorsque l’entreprise se trouve dans l’incapacité d’assumer une telle charge financière (8). En l’absence de convention, une contribution d’un montant double doit être versée par l’entreprise au Trésor public.

D’après le rapport sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi de M. Jean-Marc Germain (9), 127 conventions de revitalisation ont été conclues en 2012, principalement par des entreprises du secteur industriel, et le montant total de leurs contributions financières s’est élevé à 41,8 millions d’euros. Parmi les actions retenues par les conventions, prédominent l’aide à l’emploi et au développement de l’activité (20,3 millions d’euros), ainsi que l’appui à la reconversion de sites (5,7 millions d’euros). Près de 10 400 créations d’emploi sont attendues, pour environ 10 750 destructions. Le bilan des actions de revitalisation menées ces dernières années apparaît donc positif. Ainsi, les 133 conventions arrivées à échéance en 2012 ont permis la création de plus de 10 300 emplois depuis leur signature en 2009 et 2010. Elles ont donc rempli à 78 % leur objectif, qui se situait autour 13 200 créations d’emploi.

La prise en compte des efforts de recherche de l’employeur dans la convention de revitalisation permet donc à l’autorité administrative de moduler à la hausse ou à la baisse le montant de la contribution due par l’entreprise, afin de sanctionner ou de reconnaître les actions accomplies en la matière.

Au-delà de ce rôle d’évaluation finale, l’autorité administrative sera informée du processus de recherche, dès son commencement, du fait de l’imbrication de ce dernier avec la procédure de licenciement collectif pour laquelle elle dispose de nombreuses prérogatives, dont des pouvoirs d’injonction et de proposition en cours de procédure, et de validation ou d’homologation du projet définitif de licenciement.

Entrée en vigueur le 1er juillet dernier, l’obligation de recherche d’un repreneur instaurée par la loi du 14 juin 2013 représente une innovation majeure, car il n’existait aucune obligation légale en la matière pour les entreprises in bonis, et décline les principes posés par le 6/ de l’article 12 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Toutefois, comme le Gouvernement l’a affirmé au cours des débats parlementaires, l’adoption de ce dispositif ne constitue qu’une première étape, créant une obligation dont la portée et le régime ont vocation à être précisés.

C. LA PROCÉDURE DE RECHERCHE DÉFINIE PAR LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI

À l’initiative du président de la Commission des affaires économiques, M. François Brottes, les députés membres des groupes SRC et Écolo et RRDP ont donc déposé, le 15 mai 2013, la présente proposition de loi, afin de renforcer et compléter l’obligation de recherche prévue par le code du travail, par une procédure inscrite dans le code de commerce, visant à agir davantage en amont du projet de licenciement économique.

Cette proposition de loi a, en effet, pour objectif d’inciter les entreprises à démarrer au plus tôt le processus de recherche d’un repreneur, pour accroître les chances de maintien de l’activité et de l’emploi. L’article 1er tend ainsi à créer un nouveau titre 1er bis, intitulé « De la recherche d’un repreneur », au sein du livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, qui prévoirait une procédure offrant d’importants pouvoirs au comité d’entreprise et sanctionnée par le tribunal de commerce. Toutefois, au cours des nombreuses auditions conjointes menées par votre rapporteur pour avis, certaines évolutions sont apparues souhaitables, au-delà des ajustements nécessaires pour articuler ce dispositif avec celui issu de la loi du 14 juin 2013.

1. Une procédure renforçant les droits du comité d’entreprise et les obligations de l’employeur

La procédure proposée s’appliquerait à toute entreprise soumise aux dispositions relatives au congé de reclassement, c’est-à-dire comptant au moins 1 000 salariés, qui envisagerait la fermeture d’un établissement employant habituellement au moins 50 salariés.

 L’information des représentants des salariés (nouveaux articles L. 613-1 à L. 613-3)

Lorsqu’elle concevrait un tel projet de fermeture, l’entreprise devrait en informer le comité d’entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel, lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise et qu’un procès-verbal de carence a été transmis à l’inspecteur du travail. Elle devrait, ensuite, adresser aux représentants des salariés, avec la convocation à la réunion d’information, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l’établissement et indiquer notamment les raisons économiques, financières ou techniques de ce projet et les actions envisagées pour trouver un repreneur.

Lorsqu’elle est dotée d’un comité central d’entreprise, l’entreprise devrait le consulter ainsi que les comités d’établissement intéressés, dès lors que les mesures projetées excèdent le pouvoir des chefs d’établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, les comités d’établissement tiendraient leurs réunions après la réunion d’information du comité central d’entreprise.

 L’information de l’autorité administrative (nouvel article L. 613-4)

Dans un délai de quinze jours suivant la première réunion d’information des représentants du personnel, l’entreprise devrait notifier à l’autorité administrative son projet de fermeture et lui communiquer simultanément l’ensemble des informations transmises aux représentants du personnel, ainsi que le procès-verbal de la réunion et tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette première réunion. Lorsque le projet de fermeture donne lieu à la consultation du comité central d’entreprise, l’autorité administrative du siège de l’entreprise devrait également être informée de cette consultation.

 Les obligations à la charge de l’employeur (nouvel article L. 614-1)

Après avoir informé le comité d’entreprise de son projet de fermeture, l’employeur devrait rechercher un repreneur et :

– réaliser le bilan économique, social et environnemental mentionné à l’article L. 623-1 du code de commerce (10) pour ce qui concerne l’établissement ;

– communiquer toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l’établissement, exceptées celles dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l’ensemble de son activité ;

– examiner les offres de reprise ;

– apporter une réponse motivée à chacune d’entre elles.

Le dispositif de la présente proposition de loi tendrait donc à renforcer les obligations à la charge de l’employeur par rapport à celles issues de la loi du 14 juin 2013, ainsi que le rôle du comité d’entreprise.

 Les droits du comité d’entreprise (nouveaux articles L. 614-2 à L. 614-6)

En effet, au cours de la procédure de recherche, le comité d’entreprise devrait, tout d’abord, être informé des offres de reprise formalisées, les informations qui lui seraient communiquées à ce titre étant réputées confidentielles. Il pourrait émettre un avis et formuler des propositions sur ces offres, ainsi que recourir à l’assistance d’un expert rémunéré par l’entreprise. Sur ce point le dispositif de la présente proposition de loi et celui de la loi relative à la sécurisation de l’emploi apparaissent proches.

En revanche, la présente proposition de loi ouvrirait la possibilité au comité d’entreprise de participer à la recherche d’un repreneur, ce qui constitue une nouveauté. L’employeur devrait alors lui communiquer les informations mises à disposition des entreprises candidates, puis examiner et apporter une réponse motivée à toute offre de reprise qu’il lui transmettrait. En cas de consultation du comité central d’entreprise, les établissements concernés par le projet de fermeture pourraient aussi participer à la recherche d’un repreneur et formuler des propositions.

Autre nouveauté, le comité d’entreprise devrait être obligatoirement saisi par l’employeur de toute offre de reprise à laquelle il souhaiterait donner suite, et émettre un avis sur cette offre. Il faut rappeler ici que, conformément aux règles de droit commun, l’employeur qui ne procéderait pas à cette consultation pourrait se voir condamner pour délit d’entrave.

Enfin, à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la première réunion d’information, si aucune offre de reprise n’a été reçue ou si l’employeur n’a souhaité donner suite à aucune des offres transmises, le comité d’entreprise devrait se voir présenter un rapport indiquant :

– les mesures mises en œuvre pour rechercher un repreneur ;

– les offres de reprise reçues et leurs caractéristiques ;

– les raisons qui ont conduit l’employeur, le cas échéant, à refuser la cession de l’établissement.

Ce rapport devrait également être communiqué à l’autorité administrative.

Le dispositif de la présente proposition de loi conduirait donc à accroître les prérogatives du comité d’entreprise quant à la recherche d’un repreneur, en particulier en lui ouvrant la possibilité d’y participer et en imposant à l’employeur de le consulter pour toute offre qu’il envisagerait d’accepter. Lorsque le processus de recherche n’aurait pas abouti à une reprise, la présentation d’un rapport permettrait, au moment de sa clôture, de dresser un bilan de celui-ci.

2. Une procédure sanctionnée par le tribunal de commerce

La principale innovation de la présente proposition de loi par rapport à la loi du 14 juin 2013 réside, toutefois, dans la création d’une procédure devant le tribunal de commerce, visant à vérifier que l’employeur a rempli ses obligations et, si ce n’est pas le cas, à le sanctionner.

 Une saisine à l’initiative du comité d’entreprise (nouvel article L. 614-7)

Dans un délai de quinze jours à compter de la réunion de présentation du rapport sur le processus de recherche, le comité d’entreprise pourrait, en effet, saisir le président du tribunal de commerce, lorsqu’il estime que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations relatives à la procédure de recherche ou lorsqu’elle a refusé de donner suite à une offre à laquelle il aurait donné un avis favorable.

 La procédure de vérification devant le tribunal de commerce (nouveaux articles L. 615-1 et L. 615-2)

Une fois saisi, le tribunal de commerce devrait statuer sur l’ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil l’employeur et les représentants du comité d’entreprise. Il pourrait également entendre toute personne dont l’audition lui paraîtrait utile. Avant de statuer, il pourrait décider de commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise ainsi que sur les mesures de recherche de repreneur mises en œuvre. Ce juge, assisté de tout expert de son choix, pourrait faire application des dispositions prévues à l’article L. 623-2 du code de commerce (11).

Le tribunal examinerait ensuite la conformité de la recherche aux obligations prévues par la loi, ainsi que le caractère sérieux des offres de reprise et les motifs de refus de cession.

 Les sanctions applicables (nouvel article L. 616-1)

Lorsque le tribunal de commerce jugerait que l’employeur n’a pas respecté ses obligations ou qu’il a refusé une offre de reprise sérieuse, il pourrait lui imposer le versement d’une pénalité. Le montant de cette pénalité ne pourra pas excéder vingt fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé, et devrait tenir compte de la situation de l’entreprise et des efforts engagés pour la recherche d’un repreneur. L’employeur pourrait faire appel de la décision du tribunal de commerce dans les conditions de droit commun.

La sanction proposée comporterait donc deux volets, l’un relatif au respect de l’obligation de recherche et l’autre relatif au refus d’une offre sérieuse. Le montant maximal prévu, d’environ 30 000 euros par emploi supprimé, apparaît dissuasif au regard des coûts des plans de licenciements collectifs observés. Selon le ministère du travail, le montant moyen des indemnités de licenciement supra-légales s’établissait en 2009 autour de 27 000 euros, mais la dispersion autour de cette moyenne apparaissait élevée. Le coût d’un plan de sauvegarde de l’emploi varie, en effet, considérablement en fonction des moyens du groupe, du niveau de salaire pratiqué, de la convention collective dont dépend l’entreprise, de l’ancienneté des salariés et des mesures retenues dans le plan. Ainsi, lorsqu’un dispositif de préretraite est mis en place, le coût moyen d’un plan peut dépasser 200 000 euros par salarié, alors qu’il se situe plutôt autour de 60 000 euros par salarié, dans les entreprises qui privilégient les mesures de reclassement.

L’article 2 de la présente proposition de loi prévoit, enfin, que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport précisant les modalités d’affectation de cette pénalité aux territoires et aux filières concernées.

3. Les évolutions proposées par la commission

Les dispositifs prévus par la présente proposition de loi et par la loi du 14 juin 2013, décrits ci-dessus, présentent donc des différences, en particulier quant à leur champ d’application, leurs délais et les modalités de recours à l’expertise, qui rendent nécessaire de procéder à leur harmonisation. Au-delà, au cours des nombreuses auditions conjointes menées par votre rapporteur pour avis, plusieurs intervenants se sont prononcés en faveur d’une intégration de la procédure de recherche proposée dans le code du travail, plutôt que dans le code de commerce, une évolution qui paraît souhaitable à votre rapporteur pour avis.

 L’unification des procédures

Afin de renforcer la lisibilité de l’obligation et de la procédure de recherche d’un repreneur, il semble, en effet, opportun d’opérer la fusion des dispositifs au sein d’une nouvelle section du code du travail, insérée dans le chapitre régissant le licenciement pour motif économique, qui comporterait treize nouveaux articles numérotés L. 1233-57-9 à L. 1233-57-21. Se trouveraient donc replacées dans le code du travail, les dispositions des articles L. 613-1 à L. 614-6 du code de commerce, que la présente proposition de loi vise à créer, et celles de l’article L. 1233-90-1 du code du travail, issues de la loi du 14 juin 2013, qu’il convient dès lors de supprimer.

Il s’agit de mettre en place une procédure unifiée, conservant les apports des deux dispositifs, et d’inscrire l’ensemble des règles d’information et de consultation des représentants du personnel dans le code du travail, qui constitue leur support traditionnel. En revanche, la sanction de l’obligation de recherche par le tribunal de commerce et la procédure devant cette juridiction ont vocation à demeurer dans le code de commerce.

À l’initiative de votre rapporteur pour avis, la commission a donc adopté treize amendements de forme opérant une recodification des articles que la proposition de loi vise à créer, et abrogeant l’article L. 1233-90-1 précité (12).

 L’harmonisation des champs d’application

L’unification des procédures impose l’harmonisation des champs d’application retenus pour les deux dispositifs, qui divergent aujourd’hui :

– la procédure proposée par la présente proposition de loi concerne les projets de fermeture d’établissements employant au moins 50 salariés, que ces projets impliquent ou non des licenciements ;

– la procédure instaurée par la loi du 14 juin 2013 concerne les projets de fermeture de tous les établissements, quel que soit leur effectif, mais qui comportent un projet de licenciement collectif.

Or l’application de la procédure de recherche d’un repreneur aux projets de fermeture sans licenciement pose problème, puisque se trouveraient alors compris dans son champ les regroupements d’activités ou les transferts de site avec maintien des effectifs, le montant de la pénalité étant, de plus, calculé en fonction du nombre d’emplois supprimés. Il semble donc préférable de conserver le champ d’application défini par la loi du 14 juin 2013, impliquant un projet de licenciement collectif, sa restriction aux fermetures d’établissements employant au moins 50 salariés n’apparaissant pas, en outre, justifiée.

À l’initiative de votre rapporteur pour avis, la commission a donc adopté un amendement AS 21 procédant à cette harmonisation.

 L’articulation des délais

Les délais encadrant la procédure de recherche divergent également, à plusieurs égards, pour les deux dispositifs, et doivent donc être coordonnés.

S’agissant du point de départ du délai, aux termes de la loi du 14 juin 2013, la procédure de recherche d’un repreneur doit commencer dès l’ouverture de la procédure d’information et de consultation sur le projet de licenciement, alors que selon la présente proposition de loi, elle doit débuter lorsque l’employeur envisage la fermeture de l’établissement. Or le maintien du champ d’application de la procédure défini par la loi du 14 juin 2013, souhaité par votre rapporteur pour avis, rend nécessaire d’articuler les délais des procédures de licenciement et de recherche de repreneur. Toutefois, afin d’inciter les employeurs à démarrer au plus tôt les opérations de recherche, votre rapporteur pour avis propose de prévoir que celles-ci doivent commencer « au plus tard » à l’ouverture de procédure d’information et de consultation sur le projet de licenciement, une proposition qu’a retenu la commission en adoptant un amendement AS 24.

S’agissant de la durée de la période de recherche, la présente proposition de loi fixe un délai de trois mois, alors que la durée de la procédure issue de la loi du 14 juin 2013 varie de deux à quatre mois en fonction de la taille du projet de licenciement. Or, la même exigence de coordination que pour le point de départ du délai s’impose ici, et votre rapporteur pour avis propose de conserver le dispositif adopté dans la loi du 14 juin 2013, la durée des délais ayant constitué un point important de la négociation des partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi. De plus, un délai de trois mois pourrait conduire, dans certains cas, à clore la procédure de recherche avant l’expiration de la procédure de licenciement, ce qui ne semble pas souhaitable, la possibilité qu’intervienne une reprise devant demeurer ouverte jusqu’à la mise en œuvre des licenciements.

Par conséquent, tant le comité d’entreprise que l’employeur et l’expert devront présenter leurs avis, réponses et rapports sur les offres et la procédure de recherche d’un repreneur dans les délais applicables aux procédures de consultation et d’information sur les projets de licenciement, fixés par l’article L. 1233-30 du code du travail. Néanmoins, lorsque le comité d’entreprise serait amené à se prononcer avant l’ouverture de la procédure de consultation et d’information sur un projet de licenciement, il devrait statuer dans les délais de consultation de droit commun fixés par l’article L. 2323-3 du code du travail, à savoir par accord entre le comité d’entreprise et l’employeur ou, à défaut, par décret en Conseil d’État.

À l’initiative de votre rapporteur pour avis, la commission a donc adopté quatre amendements qui procèdent à l’articulation de l’ensemble des délais mentionnés (13).

 La création d’un nouveau cas de recours à l’expertise

Les modalités de recours à l’expertise retenues par les deux dispositifs diffèrent également, tant sur le cas de recours mis en œuvre que sur les missions de l’expert.

Dans le cadre du dispositif issu de la loi du 14 juin 2013, le comité d’entreprise peut faire appel à l’expert mandaté sur le projet de licenciement, pour qu’il analyse notamment le processus de recherche d’un repreneur et les offres de reprise, comme décrit ci-dessus. En revanche, dans le cadre du dispositif de la présente proposition de loi, le comité d’entreprise peut recourir à un expert rémunéré par l’entreprise, sans qu’il s’agisse obligatoirement de l’expert mandaté sur le projet de licenciement, et sans que ne soient précisées ses missions exactes.

Au cours des auditions, de nombreux intervenants ont souligné l’utilité de distinguer les cas de recours à l’expertise et de permettre au comité d’entreprise de bénéficier de deux experts, l’un consacré au projet de licenciement et l’autre dédié à la recherche d’un repreneur. Cette distinction apparaît d’autant plus nécessaire, si l’on souhaite que les opérations de recherche débutent avant l’ouverture de la consultation sur le plan de licenciements. Votre rapporteur pour avis propose donc de maintenir le dispositif prévu par la présente proposition de loi, et de créer un nouveau cas de recours à l’expertise rémunéré par l’employeur. Cette solution permet, de plus, d’élargir les catégories d’experts auxquels le comité d’entreprise peut recourir dans ce cadre, puisqu’il pourra s’agir non seulement d’un expert-comptable, mais aussi d’un avocat ou d’un consultant.

Les missions de ce nouvel expert doivent, dès lors, être définies. À cet égard, votre rapporteur pour avis propose de reprendre celles prévues par loi du 14 juin 2013, en y ajoutant celle « d’apporter son concours à la recherche d’un repreneur par le comité d’entreprise et à l’élaboration de projets de reprise », en particulier lorsqu’ils émanent du comité d’entreprise.

À l’initiative de votre rapporteur pour avis, la commission a donc adopté un amendement AS 41 créant ce nouveau cas de recours à l’expertise.

 Le renforcement des obligations d’information

Suite aux débats intervenus au cours des auditions, votre rapporteur pour avis propose, de plus, de renforcer les obligations d’information à la charge de l’employeur, en imposant à celui-ci :

– d’informer le comité d’entreprise des offres de reprise formalisées « au plus tard huit jours après leur réception » (amendement AS 18 adopté par la commission) ;

– de notifier « sans délai » à l’administration son projet de fermeture d’un établissement, le délai de quinze jours accordé par la proposition de loi n’apparaissant pas utile (amendement AS 28 adopté par la commission) ;

– d’informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement (amendement AS 17 adopté par la commission) ;

– de réaliser, sans délai, un document de présentation de l’établissement destiné aux repreneurs potentiels (amendement AS 17 adopté par la commission) ;

– dans le cadre du bilan environnemental, d’« établir un diagnostic précis des pollutions dues à l’activité de l’établissement et présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût » (amendement AS 17 adopté par la commission) ;

– d’indiquer au comité d’entreprise les raisons qui le conduiraient à accepter une offre qu’il lui soumet pour avis, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à assurer la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement (amendement AS 45 adopté par la commission).

À l’initiative de M. Cavard, la commission a, de plus, adopté un amendement AS 14 imposant à l’employeur d’informer les représentants des salariés, dès le début de la procédure, de leurs possibilités de déposer une offre de reprise et de recourir à un expert.

Par ailleurs, l’implication des pouvoirs publics constituant, en pratique, un facteur déterminant dans l’émergence des projets de reprise, votre rapporteur pour avis propose de prévoir que l’employeur informe le maire de la commune concernée du projet de fermeture d’un établissement, et que l’autorité administrative en informe, ensuite, l’ensemble des élus locaux. La commission a retenu cette proposition en adoptant un amendement AS 16.

 Les précisions apportées à la procédure devant le tribunal de commerce

S’agissant de la procédure devant le tribunal de commerce, votre rapporteur pour avis propose, d’une part, de simplifier la rédaction du dispositif, certaines règles figurant dans la proposition de loi réitérant le droit commun (14) et, d’autre part, de préciser davantage les éléments de fond sur lesquelles devrait statuer le juge. Le tribunal devrait, en particulier, examiner :

– le caractère sérieux des offres de reprise, que votre rapporteur pour avis propose d’évaluer « au regard notamment de la capacité de l’auteur de l’offre à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement », (amendement AS 19 adopté par la commission) ;

– et les motifs de refus de cession invoqués par l’employeur, que votre rapporteur pour avis propose de limiter à un seul cas légitime, celui de « la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de son activité » (amendement AS 19 adopté par la commission) ;

Par ailleurs, s’agissant de la saisine du tribunal, il apparaît plus approprié de prévoir que le comité d’entreprise puisse l’effectuer sur le fondement du refus de l’entreprise de donner suite à une offre « qu’il considère comme sérieuse », plutôt qu’ayant reçu « un avis favorable » de sa part. En effet, le comité d’entreprise peut estimer qu’une offre semble sérieuse, sans qu’elle ne recueille, avant négociation, son avis favorable. À l’initiative de votre rapporteur pour avis, la commission a adopté un amendement AS 56 procédant à cette modification et un amendement AS 66 visant à préciser que les délégués du personnel, à défaut de comité d’entreprise, peuvent saisir le tribunal de commerce.

De plus, au cours des auditions, plusieurs intervenants ont plaidé en faveur d’un encadrement des délais de jugement du tribunal de commerce, afin de parfaire leur articulation avec les délais régissant les procédures de licenciement, ce à quoi votre Rapporteur pour avis souscrit. Il propose donc que le tribunal de commerce, saisi au plus tard dans un délai de 7 jours, statue dans un délai de 14 jours maximum, ce que la commission a accepté en adoptant deux amendements AS 52 et AS 62. La décision de l’administration relative à l’homologation du projet de licenciement interviendrait, en outre, après celle du tribunal de commerce.

Enfin, s’agissant de la sanction prononcée par le tribunal, plusieurs évolutions apparaissent souhaitables à votre rapporteur pour avis :

– l’absence d’affectation de la pénalité dans la proposition de loi pouvant être interprétée comme une incompétence négative du législateur, il propose que les montants collectés à ce titre bénéficient aux dispositifs en faveur de la création d’activités et d’emplois sur le territoire concerné par la fermeture de l’établissement, prévus dans le cadre de la convention de revitalisation conclue par l’entreprise, ainsi qu’à des mesures de promotion et de développement de la filière industrielle à laquelle cette dernière est rattachée (amendement AS 72 adopté par la commission) ;

– le principe de légalité des délits et des peines exigeant une définition précise du quantum de la sanction, il propose de préciser que celle-ci est calculée en fonction du nombre d’emplois supprimés « dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l’établissement » (amendement AS 61 adopté par la commission) ;

– afin de durcir le dispositif de sanction, il propose de le compléter en offrant la possibilité au tribunal de commerce d’« enjoindre à l’entreprise de rembourser tout ou partie des aides financières publiques qui lui ont été versées au titre de l’établissement concerné par le projet de fermeture » (amendement AS 69 adopté par la commission) ;

– afin de maintenir le mécanisme de sanction et de « prime » aux efforts recherche d’un repreneur créé par la loi du 14 juin 2013, qui permet à l’administration de prendre en compte les actions engagées par l’employeur en la matière dans la fixation de sa contribution finale de revitalisation, il propose d’intégrer ce mécanisme au nouveau dispositif prévu par la proposition de loi (amendement AS 49 adopté par la commission).

En conséquence, une réécriture de l’article 2 s’avère nécessaire, celui-ci prévoyant un rapport du Gouvernement sur l’affectation de la pénalité. Votre rapporteur pour avis propose de demander au Gouvernement la transmission au Parlement, dans un délai d’un an, d’un rapport établissant un bilan global de la mise en œuvre de l’obligation de recherche d’un repreneur et précisant les améliorations qui peuvent être apportées au dispositif, une proposition qu’a retenu la commission en adoptant un amendement AS 71.

Au-delà, votre rapporteur pour avis estime opportun de compléter le dispositif relatif à la reprise de site prévu par la présente proposition de loi, par des mesures visant au maintien des activités industrielles sur les sites qu’elles occupent. Il s’agit d’éviter les fermetures d’établissement motivées par des opérations de spéculation immobilière, comme dans le cas de la vente de terrains au profit d’opérations de logement de standing. La commission a ainsi adopté un amendement AS 87 modifiant le code de l’urbanisme pour protéger les zones classées industrielles.

D. FACILITER LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ D’ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ PAR LEURS SALARIÉS

En complément de la procédure de recherche d’un repreneur destinée aux sites rentables menacés de fermeture, l’article 3 de la présente proposition de loi comporte un dispositif tendant à favoriser la reprise de l’activité d’entreprises en difficulté par leurs salariés.

L’article L. 631-13 du code de commerce prévoit, aujourd’hui, que dès l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les tiers sont admis à soumettre à l’administrateur des offres tendant au maintien de l’activité de l’entreprise. Si les salariés peuvent également présenter des offres de reprise, ils ne bénéficient d’aucune information particulière en la matière, ce qui n’apparaît pas satisfaisant. L’article 3 vise donc à remédier à cette situation, en complétant l’article L. 631-13 par un alinéa imposant que « l’administrateur informe les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou le représentant des salariés, de la possibilité qu’ont les salariés de soumettre une ou plusieurs offres ».

En améliorant l’information donnée aux salariés par le biais de leurs représentants, ce dispositif devrait faciliter l’émergence de projets de reprise d’entreprise, en particulier sous la forme de sociétés coopératives de production (SCOP). Il s’inscrit donc dans la politique de promotion active de ces structures menée par le Gouvernement, qui se traduira prochainement par l’examen d’un projet de loi consacré à l’économie sociale et solidaire. Alors que la crise économique perdure, les résultats des sociétés coopératives et participatives apparaissent, en effet, très positifs : entre 2008 et 2012, leur nombre et celui des salariés qu’elles emploient a crû, respectivement, de 15 % et de 7 %, leur chiffre d’affaires a progressé de 5 % en 2011, et leur taux de pérennité à trois ans s’établit à 82,5 % contre 66 % pour l’ensemble des entreprises françaises (15). Le projet de loi annoncé devrait contribuer au soutien de ces sociétés, notamment par la création d’un statut de « SCOP d’amorçage » permettant à des investisseurs tiers, en cas de reprise d’une entreprise, de détenir à titre transitoire la majorité du capital, tout en laissant la majorité des droits de vote aux salariés, par la mise en place de groupements de SCOP, et par l’ouverture de la possibilité d’opter pour le statut de société par actions simplifiée, autant de mesures qui viendront renforcer celle prévue par la présente proposition de loi.

II.- FAVORISER L’ACTIONNARIAT DE LONG TERME

Dans son rapport au Premier ministre de novembre 2012 (16), M. Louis Gallois dresse le constat « d’une perte de compétitivité globale de l’économie française », signalant que « la cote d’alerte est atteinte » et préconisant un « choc de confiance ». Le Gouvernement y a répondu à travers le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, dont de très nombreuses mesures ont déjà été mises en œuvre. Pour autant, créer les conditions d’un retour durable de la croissance implique de rénover en profondeur l’environnement et la gouvernance des entreprises, en construisant un nouveau modèle de capitalisme à la française.

Il s’agit de redonner du pouvoir aux chefs d’entreprise, face aux marchés financiers, tout en associant davantage les salariés et leurs représentants à la prise des décisions stratégiques. Car, comme l’indique M. Louis Gallois : « pour investir, les entreprises ont […] besoin de visibilité sur l’avenir ; elles ne peuvent être exclusivement soumises aux impératifs – souvent de court terme – des marchés financiers » ; ce qui le conduit à affirmer que « le poids des actionnaires dans les entreprises doit être équilibré, en privilégiant ceux qui jouent le long terme et en donnant la parole aux autres parties prenantes de l’entreprise ».

La présente proposition de loi poursuit ces objectifs, en proposant trois mesures : l’abaissement du seuil de dépôt des offres publiques d’acquisition (OPA) obligatoires (article 4), la création d’une consultation du comité d’entreprise lors des OPA (article 6), et la généralisation du principe des droits de vote doubles pour les sociétés cotées (article 5). L’adoption de ces mesures constituerait une étape décisive dans la réforme de la gouvernance des entreprises, initiée par la loi du 14 juin 2013, qui a imposé la présence de salariés aux conseils d’administration et de surveillance des grandes sociétés, et par la révision du code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, dit code « Afep (17)-Medef », qui a renforcé l’encadrement de la rémunération des dirigeants.

A. ABAISSER LE SEUIL DE DÉPÔT DES OFFRES PUBLIQUES D’ACQUISITION (OPA) OBLIGATOIRES

Assurer le bon fonctionnement de l’économie impose de garantir l’information la plus pertinente et transparente possible des acteurs, afin de préserver les intérêts des entreprises et de leur offrir la stabilité nécessaire au développement d’une stratégie de long terme, seule créatrice de richesses et d’emplois durables.

Facilitées par la sophistication croissante des techniques financières, la dispersion de l’actionnariat et les taux élevés d’abstention aux assemblées générales, les pratiques de prise de contrôle rampante et de contrôle de fait, qui déstabilisent les sociétés et faussent le jeu économique, doivent être proscrites. Le contrôle de fait, en particulier, permet à des investisseurs, en réalité non majoritaires, de peser de manière déterminante sur les décisions stratégiques des entreprises, sans en assumer la responsabilité.

Afin de remédier à cette situation dommageable, le rapport d’octobre 2008 du groupe de travail présidé par M. Bernard Field (18), dit rapport Field, avait préconisé d’abaisser le seuil de dépôt des OPA obligatoires, ce qu’a réalisé la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 en le diminuant de 33,33 % à 30 %. Il apparaît néanmoins aujourd’hui opportun de renforcer ce cadre de régulation, pour que coïncident les contrôles de droit et de fait des sociétés, en réduisant le seuil de dépôt des offres obligatoires de 30 % à 25 %, ce que prévoit l’article 4 de la présente proposition de loi.

1. Un seuil aujourd’hui fixé à 30 %

Selon l’Autorité des marchés financiers, une OPA constitue une opération par laquelle une personne annonce publiquement aux actionnaires d’une société cotée qu’elle s’engage irrévocablement à acquérir leurs titres. Afin de protéger les actionnaires minoritaires contre les prises de contrôles dissimulées, qui ne leur proposent pas de vendre leurs titres, le droit communautaire impose aux États membres de fixer un seuil à partir duquel le dépôt d’une offre devient obligatoire. L’article 5 de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition énonce ainsi que :

– « lorsqu’une personne physique ou morale détient, à la suite d’une acquisition faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société […] qui, additionnés à toutes les participations en ces titres qu’elle détient déjà et à celles des personnes agissant de concert avec elle, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de cette société, les États membres veillent à ce que cette personne soit obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société » ;

– et que « le pourcentage de droits de vote conférant le contrôle […] et son mode de calcul sont fixés par la réglementation de l’État membre dans lequel la société a son siège social ».

En France, le seuil de dépôt d’une offre obligatoire, prévu par l’article L. 433-3 du code monétaire et financier, s’élève à 30 % depuis le 1er février 2011, date d’entrée en vigueur de l’article 50 de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010. Cet article a, en effet, procédé à un abaissement du seuil de dépôt, auparavant fixé à 33,33 %, ce qui correspondait à la minorité de blocage aux assemblées générales extraordinaires (19).

L’article 92 de la même loi a organisé un système de dispositions transitoires, dites « clauses de grand-père », visant à protéger les situations acquises. Ainsi, les actionnaires qui détenaient entre 30 % et 33,33 % du capital ou des droits de vote au 1er janvier 2010, se voient appliquer, sans limitation de durée, le seuil d’offre obligatoire de 33,33 %, tant que leur participation reste comprise entre ces deux seuils. Les actionnaires qui ont porté leur participation entre 30 % et 33,33 % entre le 1er janvier 2010 et le 1er février 2011, ont bénéficié d’un délai courant jusqu’au 1er février 2012 pour ramener leur participation sous le seuil de 30 %, après quoi ils auraient été tenus de déposer un projet d’OPA. Selon les informations transmises par le ministère de l’économie et des finances, le système des « clauses de grand-père » a concerné 37 sociétés lors de sa mise en place en 2011, mais n’en concernerait plus que 14 aujourd’hui.

L’abaissement du seuil de dépôt opéré par la loi du 22 octobre 2010 répondait aux recommandations du rapport Field, selon lequel le seuil de 33,33 % apparaissait trop élevé et se trouvait désormais « peu en rapport avec les situations de fait ». D’après ce même rapport, ce seuil ne constituait plus, en effet, qu’un garde-fou théorique, au regard de trois évolutions majeures des marchés : la complexification des produits financiers, la dispersion toujours plus marquée de la structure du capital des sociétés cotées, et la persistance de quorum faibles aux assemblées générales des entreprises du CAC 40. S’il préconise une réduction du seuil, le rapport Field ne se prononce toutefois pas sur le niveau exact qui doit être retenu, mais propose ceux de 25 % ou de 30 %.

2. Un seuil très variable selon les pays et débattu en France

De fait, les seuils d’offres publiques obligatoires aujourd’hui pratiqués varient considérablement selon les pays. Si, comme le montre le graphique ci-dessous, de nombreux États européens ont choisi les seuils de 33,33 % et de 30 %, il n’existe pas de norme en la matière. Ainsi, selon les données fournies par le ministère de l’économie et des finances, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont opté pour un seuil de 20 %, Israël et la Turquie pour un seuil de 25 %, et la Corée du Sud pour un seuil de 5 %.

Source : Ministère de l’économie et des finances.

Or le seuil de 30 % retenu par la loi du 22 octobre 2010 continue de faire l’objet de controverses en France, car les constats dressés par le rapport Field restent valables. Celui-ci signale, en particulier, que : « la "puissance de vote effective" d’un actionnaire dont la participation se situe juste en deçà du seuil du tiers est suffisante pour lui permettre de prendre de fait le contrôle absolu (majorité en assemblée générale ordinaire et extraordinaire) d’une société dans pratiquement tous les cas, alors qu’elle permet déjà de nommer/révoquer à elle seule les membres du conseil d’administration ou de surveillance dans un certain nombre de cas lorsque la participation atteint simplement 25 % ».

Les termes des débats intervenus au cours des auditions conjointes menées par votre rapporteur pour avis demeurent, de plus, semblables à ceux que présente le rapport Field : « pour certains, seule l’instauration d’un seuil à 25 % […] permettrait véritablement de faire coïncider le seuil d’offre obligatoire avec la notion de contrôle de fait », alors que « pour d’autres, retenir le seuil de 30 % […] permettrait de se situer au niveau de nombre autres États européens ». Le choix entre les deux seuils dépend, au final, de la protection que l’on souhaite accorder aux actionnaires. Or comme l’indique le rapport Field : « l’instauration d’un seuil à 25 % permet de limiter au maximum le risque d’une prise de contrôle de fait en assemblée tout en étant aussi proche que possible de la réalité de l’actionnariat de ces sociétés ».

3. Réduire le seuil à 25 % pour lutter contre les contrôles de fait

C’est cette raison qui a conduit M. Louis Gallois, dans son rapport au Premier ministre de novembre 2012, à préconiser que « le seuil de détention des actions entraînant automatiquement le lancement d’une OPA [soit] abaissé de 30 à 20 ou 25 % pour lutter contre les prises de contrôle "rampantes" et déstabilisantes ». L’article 4 de la présente proposition de loi vise à mettre en œuvre cette recommandation, en réduisant à 25 % le seuil figurant à l’article L. 433-3 du code monétaire et financier. Il ne semble pas, en effet, utile de retenir un seuil de 20 %, au vu des quorums moyens relevés aux assemblées générales des entreprises du CAC 40, autour de 66 % en 2012.

Désormais, les actionnaires franchissant le seuil de détention de 25 % du capital ou des droits de vote seraient donc tenus de déposer une offre. L’abaissement du seuil affecterait cependant un autre cas d’offre obligatoire prévu par l’article L. 433-3 du code monétaire et financier. Cet article impose, en effet, à toute actionnaire qui détient entre 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote et qui augmente sa participation de plus de 2 % en moins d’un an, de procéder à une OPA. Afin d’harmoniser les seuils régissant les offres obligatoires, il conviendrait donc de réduire également à 25 % le seuil de détention minimale dans ce cas, ce qu’effectue l’article 4 de la présente proposition de loi. Il faut, enfin, mentionner ici qu’en l’absence de dépôt d’une offre, les titres détenus par l’actionnaire en cause au-delà de ces seuils seraient privés du droit de vote, à l’instar du droit actuel.

D’après les informations transmises par le ministère de l’économie et des finances, près de 20 entreprises du SBF 120 comporteraient aujourd’hui des actionnaires possédant entre 25 % et 30 % de leur capital ou des droits de vote. Leur situation se verrait donc directement affectée par la mesure d’abaissement du seuil, ce qui rend nécessaire l’organisation d’un dispositif transitoire, que ne prévoit pas, en l’état, la présente proposition de loi. À l’initiative de votre rapporteur pour avis, la commission a donc adopté un amendement AS 74, instaurant une « clause de grand-père » qui placerait hors du champ d’application de la loi, les actionnaires détenant entre 25 % et 30 % du capital d’une société cotée ou des droits de vote au 16 juillet 2013, date de dépôt de l’amendement.

Au-delà, votre rapporteur pour avis a souhaité compléter le dispositif d’abaissement du seuil proposé, par trois mesures fortes visant à encadrer davantage les OPA :

– en réduisant de 2 % à 1 % le seuil de « l’excès de vitesse », qui autorise un actionnaire détenant plus de 30% aujourd’hui, 25 % demain, du capital d’une société, à augmenter sa participation sans avoir à déposer une OPA, dès lors qu’il progresse à un rythme inférieur à ce seuil (amendement AS 75 adopté par la commission) ;

– en créant un seuil de caducité, fixé à 50 % de participation, provoquant l’échec d’une OPA dont l’auteur ne parviendrait pas à acquérir cette proportion de titres (amendement AS 76 adopté par la commission) ;

– en abandonnant le principe de neutralité et de clause de réciprocité choisi par la France, lors de la transposition de la directive européenne concernant les OPA, ce qui permettrait désormais aux organes direction de prendre « à chaud » toutes mesures de protection contre une OPA (amendement AS 86 adopté par la commission).

B. ACCROÎTRE LES PRÉROGATIVES DU COMITÉ D’ENTREPRISE EN CAS D’OFFRE PUBLIQUE D’ACQUISITION (OPA)

Poursuivant le même objectif de renforcement de la régulation des OPA, l’article 6 de la présente proposition de loi tend à accroître les prérogatives octroyées au comité d’entreprise dans le cadre de ces opérations. Celles-ci se trouvent, en effet, aujourd’hui limitées à une procédure d’information, ce qui n’apparaît pas satisfaisant au vu des conséquences, potentiellement très importantes, d’une OPA pour les salariés.

Cette amélioration des droits des représentants du personnel participerait à la politique de rééquilibrage des pouvoirs au sein des entreprises, menée par le Gouvernement, dont l’une des mesures majeures réside dans la présence désormais obligatoire de salariés dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes sociétés françaises. Il convient de poursuivre la mise en place de ce nouveau pacte social en entreprise, ce que vise l’article 6.

1. La procédure actuelle d’information du comité d’entreprise

Conformément au droit européen, le code du travail prévoit aujourd’hui une procédure d’information du comité d’entreprise des sociétés cibles d’une OPA, que cette dernière soit volontaire ou obligatoire et amicale ou hostile.

 Une obligation d’information imposée par le droit européen

L’article 6 de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition impose, ainsi, une obligation d’information immédiate des représentants du personnel de la société cible, « dès que l’offre a été rendue publique ». Il impose également que soit transmis à ces derniers le document de présentation de l’offre, qui doit indiquer les intentions de l’auteur de l’OPA « quant à la poursuite de l’activité de la société visée et, pour autant qu’elle soit affectée par l’offre, de la société offrante ainsi que quant au maintien des emplois de leur personnel et de leurs dirigeants, y compris tout changement important des conditions d’emploi, et en particulier les plans stratégiques de l’offrant pour les deux sociétés et les répercussions probables sur l’emploi et les sites d’activité des sociétés ».

 Les informations transmises au comité d’entreprise

Suivant les prescriptions de la directive, l’article L. 2323-21 du code du travail prévoit que, lors du dépôt d’une OPA, l’employeur de la société cible doit « immédiatement » réunir le comité d’entreprise pour l’en informer. Au cours de cette première réunion, le comité d’entreprise peut décider d’auditionner l’auteur de l’offre, et se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l’opération.

L’article L. 2323-22 prévoit, ensuite, que l’auteur de l’offre doit adresser la note d’information au comité d’entreprise, dans les trois jours suivant sa publication. Cette note constitue un support d’information très important pour les représentants du personnel, puisqu’elle doit exposer les intentions de l’auteur de l’offre concernant la politique industrielle et financière et ses orientations en matière d’emploi.

 L’audition possible de l’auteur de l’offre

Aux termes de l’article L. 2323-22, dans les quinze jours suivant la publication de la note d’information et avant la date de convocation de l’assemblée générale, le comité d’entreprise de la société cible doit être réuni pour procéder à l’examen de l’offre et, le cas échéant, à l’audition de son auteur.

Si c’est le cas, lors de cette réunion, l’auteur de l’offre, accompagné des personnes de son choix, présente au comité d’entreprise sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société et les répercussions de la mise en œuvre de l’offre sur l’ensemble des intérêts, l’emploi, les sites d’activité et la localisation des centres de décision de la société. Il prend connaissance des éventuelles observations du comité d’entreprise, qui peut se faire assister préalablement et lors de la réunion par l’expert de son choix, dont il assume la rémunération en application de l’article L. 2325-41.

L’auteur de l’offre est tenu de se rendre à l’audition organisée par le comité d’entreprise, faute de quoi l’article L. 2323-24 le prive de l’usage de ses droits de vote jusqu’à ce qu’il soit entendu par le comité d’entreprise au cours d’une nouvelle réunion qui doit se dérouler dans un délai de quinze jours.

2. Le nécessaire renforcement des pouvoirs du comité d’entreprise

La procédure actuelle d’information du comité d’entreprise n’apparaît pas satisfaisante à de multiples égards : les observations du comité d’entreprise ne sont pas prises en compte par le conseil d’administration ou de surveillance, aucun suivi précis des engagements de l’auteur de l’offre n’est réellement possible car ceux-ci demeurent oraux, et le contenu des éléments d’information transmis est identique que l’OPA soit hostile ou amicale.

D’ailleurs, le rapport de juin 2012 de la Commission européenne sur l’application de la directive du 21 avril 2004 constate que : « les représentants du personnel ne sont pas satisfaits de la manière dont la directive protège les intérêts des salariés. Ceux-ci mentionnent que les informations requises ne sont pas toujours communiquées à temps ou sont inappropriées, et que les offres publiques d’acquisition ont des conséquences majeures sur les conditions de travail et les licenciements. En outre, ils font valoir qu’après l’offre, il n’y a pas de contrôle sur l’offrant et sur le fait qu’il va procéder comme il l’a indiqué dans les informations publiées lors de la procédure d’offre » (20).

L’article 6 de la présente proposition de loi tend donc à renforcer les pouvoirs du comité d’entreprise en cas d’OPA, en créant, d’une part, une procédure de médiation en cas d’OPA hostile, et en imposant, d’autre part, la consultation du comité d’entreprise pour toute OPA, qu’elle soit amicale ou hostile.

 Une procédure de médiation en cas d’OPA hostile

Le 1° de l’article 6 propose, tout d’abord, la création d’un nouvel article L. 2323-22-1 du code du travail, qui permettrait au comité d’entreprise, s’il le souhaite, de recourir à une procédure de médiation lorsqu’il considère qu’une offre présente un caractère hostile.

Le comité d’entreprise pourrait alors demander à l’autorité administrative la désignation d’un médiateur, choisi sur la liste de personnalités désignées en fonction de leur autorité morale et de leur compétence économique et sociale en vertu de l’article L. 2523-2. Le comité d’entreprise devrait formuler sa demande à l’issue de l’audition de l’auteur de l’offre.

Le médiateur aurait pour mission de se prononcer sur les points en litige, soulevés par le comité d’entreprise, relatifs à la politique industrielle et financière et aux plans stratégiques que l’auteur de l’offre envisage d’appliquer à la société objet de l’offre, ainsi qu’aux répercussions de leur mise en œuvre sur l’ensemble des intérêts, l’emploi, les sites d’activité et la localisation des centres de décision de cette dernière société.

La procédure de médiation se déroulerait dans les conditions de droit commun prévues aux articles L. 2523-4 et suivants du code du travail, pour les médiations visant à régler des conflits collectifs. À compter de sa désignation, le médiateur disposerait donc d’un délai d’un mois pour présenter ses recommandations, puis les parties d’un délai de huit jours pour donner leur avis. Toutefois, les recommandations et rapports du médiateur seraient immédiatement rendus publics, contrairement au droit commun qui prévoit un délai de trois mois. Ils devraient, par ailleurs, être reproduits dans la note en réponse établie par la société cible, ou, s’il y avait lieu, dans la note d’information commune établie par l’auteur de l’offre et la société cible.

L’instauration d’une procédure de médiation permettrait, en cas d’OPA hostile, de cristalliser les engagements pris par l’auteur de l’offre, ce qui faciliterait leur suivi si l’offre aboutit. Son adoption nécessiterait, cependant, une adaptation des délais d’OPA fixés par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, pour qu’ils prennent en compte cette nouvelle procédure.

 Un avis du comité d’entreprise sur toute OPA

Le 2° de l’article 6 propose, ensuite, de créer une véritable procédure de consultation du comité d’entreprise sur toute OPA, qu’elle soit amicale ou hostile, impliquant qu’il émette un avis sur l’opération. La simple information du comité d’entreprise ne semble pas, en effet, suffisante au regard des conséquences potentielles, en termes d’emploi et de stratégie, d’une OPA.

À cette fin, l’article L. 2323-23 du code du travail serait modifié pour prévoir que le comité d’entreprise doit être consulté sur tout projet d’offre, et ce préalablement à l’avis rendu par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, pour que ce dernier puisse en tenir compte. L’avis du comité d’entreprise serait transmis à l’auteur de l’offre et reproduit dans la note en réponse. Il devrait être émis dans les conditions de délai de droit commun déterminées par l’article L. 2323-3.

Il faut signaler ici que le renforcement global des prérogatives du comité d’entreprise bénéficierait également au comité de groupe, puisque l’article L. 2332-2 prévoit que ce dernier jouit des mêmes pouvoirs que le comité d’entreprise en cas d’OPA sur l’entreprise dominante du groupe.

 Les évolutions proposées par la commission

Votre rapporteur pour avis a, cependant, souhaité aller plus loin et compléter le dispositif proposé par trois principales mesures, retenues par la commission.

La commission a, tout d’abord, adopté un amendement AS 82 imposant que le comité d’entreprise soit de nouveau consulté en cas de modification de l’avis du conseil d’administration ou de surveillance, son nouvel avis étant reproduit dans la version modifiée de la note d’information commune.

Elle a, ensuite, adopté un amendement AS 83 étendant la sanction appliquée à l’auteur de l’offre qui ne se rend pas à l’audition organisée par le comité d’entreprise, décrite ci-dessus, au cas où il ne participe pas à la médiation.

Elle a, enfin, adopté un amendement AS 84 créant une procédure de suivi des engagements pris par l’auteur de l’offre, une fois l’OPA accomplie. Pendant les trois premières années, celui-ci devrait rendre compte, une fois par an, au comité d’entreprise de la mise en œuvre de ses engagements et déclarations d’intention en matière d’emploi, de maintien des sites d’activité et de localisation des centres de décision, figurant dans la note d’information.

Si, en raison d’une dégradation significative et imprévisible des circonstances économiques, il ne pouvait pas les respecter, il devrait alors proposer des mesures de substitution cohérentes dans leur objet et leur ampleur avec les engagements et déclarations initiaux et les soumettre au comité d’entreprise. En l’absence d’une telle dégradation, l’employeur pourrait également modifier ceux-ci, à condition que le comité d’entreprise accepte les évolutions proposées.

Si, au bout de trois ans, l’auteur de l’offre ne respectait pas ses engagements et déclarations initiaux ou les mesures de substitution décrites, il disposerait d’un délai de trois mois, à compter du constat de ce manquement par le comité d’entreprise, pour se mettre en conformité. À défaut, il se trouverait privé de l’exercice des droits de vote attachés à ses titres de la société.

Au-delà, afin de renforcer la protection des entreprises contre les prises de contrôle hostiles, votre rapporteur pour avis propose d’augmenter le seuil d’attribution d’actions gratuites, pour permettre aux salariés de détenir jusqu’à 30% du capital de leur société, une proposition qu’a retenu la commission en adoptant un amendement AS 85.

C. GÉNÉRALISER LE PRINCIPE DES DROITS DE VOTE DOUBLE POUR LES SOCIÉTÉS COTÉES

« Il est urgent de déconnecter la stratégie des entreprises d’une vue excessivement court-termiste de l’intérêt de l’actionnaire, qui décourage les investissements et la R&D fondés sur le long terme. À cet effet, il pourrait être envisagé d’étendre le droit de vote double pour les actionnaires de long terme : il serait appliqué de droit sauf décision contraire de l’assemblée générale des actionnaires », tels sont les constats et préconisations de MM. Louis Schweitzer et Olivier Ferrand, dans leur rapport pour la fondation Terra Nova de juillet 2012 (21).

Ces constats et préconisations ne reflètent pas un point de vue isolé, mais apparaissent, au contraire, partagés par de nombreux acteurs économiques et politiques. Ainsi, dans son rapport au Premier ministre de novembre 2012, M. Louis Gallois retient une recommandation identique et propose que « le droit de vote double [soit] automatiquement acquis après deux ans de détention des actions, l’assemblée générale ne pouvant le remettre en cause qu’à la majorité des 2/3 ». De même, le rapport de février 2013 de la mission d’information de la Commission des lois de l’Assemblée nationale se prononce en faveur de l’octroi d’un droit de vote double aux actionnaires détenant leurs titres depuis au moins deux ans, tout en ménageant la possibilité, pour l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires, de s’y opposer par un vote à la majorité des deux tiers (22).

L’article 5 de la présente proposition de loi vise à mettre en œuvre ces préconisations, en procédant à la généralisation du principe des droits de vote doubles pour les sociétés cotées.

1. La possibilité actuelle d’attribuer des droits de vote double

L’article L. 225-123 du code de commerce offre aujourd’hui la possibilité aux sociétés qui le souhaitent, d’attribuer un droit de vote double, par les statuts ou lors d’une assemblée générale extraordinaire, aux actions entièrement libérées justifiant d’une inscription nominative, depuis au moins deux ans, au nom du même actionnaire.

En cas d’augmentation du capital par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d’émission, cet article permet également de conférer un droit de vote double, dès leur émission, aux actions nominatives attribuées gratuitement à un actionnaire à raison d’actions anciennes pour lesquelles il bénéficie de ce droit.

D’après l’Autorité des marchés financiers, près de la moitié des sociétés du CAC 40 ont mis en place, en 2012, un dispositif de droits de vote doubles. Les durées de détention requises seraient généralement de deux ans, même si certaines entreprises prévoient des durées plus longues.

2. Les arguments en faveur d’une extension de ce mécanisme

Si, en soi, le système des droits de vote double constitue une spécificité française, de nombreux pays européens connaissent des mécanismes permettant aux porteurs de certaines catégories de titres de recevoir des droits de contrôle accrus. Selon les informations transmises par le ministère de l’économie et des finances, il s’agit, entre autres, du Danemark, de la Finlande, des Pays-Bas, de la Pologne et de la Suède. La diffusion de ces dispositifs constitue un premier argument en faveur de l’extension de ce mécanisme, qui répond aux craintes d’une singularisation trop poussée du modèle français avancées au cours des auditions conjointes menées par votre rapporteur pour avis.

Le rapport d’information de juin 2007 du sénateur Christian Gaudin en identifie quatre autres, reproduits dans l’encadré ci-dessous.

Extrait du rapport d’information du Sénat sur la notion de centre de décision
économique et les conséquences qui s’attachent, en ce domaine,
à l’attractivité du territoire national (juin 2007)

« Plus précisément, quatre types d’arguments peuvent être invoqués en faveur des droits de vote multiples :

– ils permettent d’accroître l’influence des actionnaires « historiques », comme contrepoids aux dirigeants qui disposent d’un avantage structurel en termes d’information et de décision sur la gestion de la société. Ils contribuent à renforcer la capacité de ces actionnaires, au sein de l’assemblée générale ou du conseil d’administration (où ils sont généralement représentés), à valider ou à remettre en question les orientations du management :

– ils favorisent la présence d’actionnaires forts et dont l’engagement sur le long terme constitue pour l’entreprise la garantie d’un financement pérenne et d’une stratégie créatrice de valeur ;

– les droits de vote multiples ne contreviennent pas au gouvernement d’entreprise, dès lors que leurs modalités d’attribution et leur impact sur la structure de l’actionnariat sont transparents et accessibles pour l’ensemble des investisseurs. A contrario, imposer le principe « une action – une voix » constituerait une incitation à recourir davantage aux structures complexes et pyramidales, qui rendent plus opaque l’identification des titulaires réels du contrôle ;

– ils ne constituent pas forcément une « pilule empoisonnée » contre les OPA, ainsi que l’illustre le cas de la Suède, où les fusions et acquisitions (hostiles ou amicales) ne sont pas moins fréquentes que dans d’autres États de niveau de développement équivalent. Ils contribuent plutôt à accroître la probabilité d’une offre négociée, plus favorable aux actionnaires et incluant une « prime de contrôle » conforme aux principes du marché. »

3. Le dispositif de généralisation proposé

Pour ces raisons et dans l’objectif de favoriser l’actionnariat de long terme, en donnant un avantage concret aux investisseurs apportant un soutien durable aux entreprises, l’article 5 de la présente proposition de loi tend à généraliser le principe des droits de vote double pour les sociétés cotées.

À cette fin, il complète l’article L. 225-123 du code de commerce, par trois alinéas qui prévoiraient que :

– dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, sauf clause contraire des statuts, un droit de vote double de celui conféré aux autres actions, eu égard à la quotité de capital social qu’elles représentent, est attribué à toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative, depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire ;

– en cas d’augmentation du capital par augmentation de réserves, bénéfices ou prime d’émission, le droit de vote double peut être conféré, dès leur émission, aux actions nominatives attribuées gratuitement à un actionnaire à raison d’actions anciennes pour lesquelles il bénéficie de ce droit ;

– sauf clause contraire des statuts, le droit de vote double est réservé aux actionnaires de nationalité française et à ceux ressortissants de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Sur le fond, le dispositif de généralisation proposé demeure identique au droit existant, en particulier concernant les exigences d’inscription nominative et de durée de détention de deux ans. En revanche, « sauf clause contraire des statuts », le principe prévalant dans les sociétés cotées serait désormais celui de l’octroi de droits de vote double aux actionnaires conservant leurs titres plus de deux ans. Les sociétés non cotées garderaient le droit d’opter pour la mise en place de ce mécanisme, sans qu’elle ne soit obligatoire.

S’agissant de la période transitoire de mise en œuvre du dispositif, l’article 5 prévoit que la comptabilisation de la durée de l’inscription nominative débute à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

Suite aux nombreuses auditions conjointes qu’il a menées, votre rapporteur pour avis juge, toutefois, que trois évolutions doivent être apportées au dispositif, que la commission a acceptées en adoptant un amendement AS 77 proposant une nouvelle rédaction de l’article 5, qui :

– accroît la progressivité des droits de vote, en octroyant un droit de vote triple aux actionnaires qui détiennent leurs actions depuis au moins cinq ans ;

– supprime la possibilité, manifestement contraire au droit communautaire, de réserver les droits de vote doubles aux actionnaires de nationalité européenne ;

– interdit le transfert indirect des droits de vote doubles et triples, en les attachant à la personne de l’actionnaire.

Enfin votre rapporteur pour avis a souhaité que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport dressant le bilan de l’utilisation, au cours des dix dernières années, des actions spécifiques dont l’État dispose au capital des sociétés dont il est actionnaire, ainsi que des autres dispositifs contraires à la proportionnalité entre détention de capital et droit de vote. La commission a donc adopté un amendement AS 78 en ce sens.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Marc Germain, la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel (n° 1037).

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été déposée le 15 mai dernier par des députés membres des groupes SRC, RRDP et Écolo. Après son examen demain par la commission des affaires économiques, saisie au fond, elle sera discutée en séance publique à partir du 16 septembre.

Ce texte, qui s’inscrit en grande partie dans la continuité de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, tend en premier lieu à imposer aux entreprises qui décident de fermer un établissement, alors qu’elles ne souffrent pas de graves difficultés économiques, la recherche active d’un repreneur, sous peine de sanction. En second lieu, il propose un modèle de gouvernance et d’actionnariat à la française qui permette d’associer davantage les salariés aux décisions essentielles pour l’entreprise, tout en assurant aux dirigeants la stabilité nécessaire à la mise en œuvre d’une stratégie de long terme.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis. Cette proposition de loi fait suite à de nombreux textes déposés depuis le début du quinquennat en vue de refonder le capitalisme. Chacun en a fait le constat, la crise qui a éclaté en 2008 est une crise profonde, une crise systémique, qui vient de ce que la finance a pris le pas sur l’économie réelle. Le Gouvernement et la majorité se sont engagés sur plusieurs fronts pour redonner du sens au capitalisme et remettre la finance au service de l’économie : d’où, notamment, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, la création de la Banque publique d’investissement (BPI), pour aider au financement des PME et des filières d’avenir, et la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Celle-ci a donné de nouveaux droits aux salariés : représentation au conseil d’administration ou de surveillance avec voix délibérative ; information et consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise avec possibilité d’avancer des contre-propositions en bénéficiant de moyens d’expertise ; négociations obligatoires sur la formation professionnelle ou, en cas de difficultés économiques, sur le plan de sauvegarde de l’emploi.

À l’origine de ces évolutions se trouve l’idée que les entreprises ne doivent pas être soumises aux seuls actionnaires. Elles doivent prendre en compte, outre les intérêts de ceux qui apportent des capitaux, ceux des salariés qui donnent le fruit de leur travail, mais aussi ceux des territoires qui investissent pour créer un environnement favorable à l’entrepreneuriat.

La proposition de loi s’inscrit dans cette perspective, en utilisant trois leviers.

En premier lieu, honorant une promesse faite par le candidat François Hollande en février 2012, elle contraint toute entreprise qui envisage de fermer un établissement en France à rechercher un repreneur.

Ce point figurait dans la feuille de route fixée aux partenaires sociaux pour 2012-2013. Le patronat, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC en ont accepté le principe et cette obligation a donc été inscrite dans l’article 19 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui précise que le comité d’entreprise doit être tenu informé de ces recherches et peut recourir à l’expertise pour analyser les offres de reprise.

La proposition de loi va plus loin en tirant les conséquences du refus, sans motif légitime d’une offre de reprise sérieuse. Dans ce cas, le comité d’entreprise pourra saisir le tribunal de commerce et celui-ci pourra infliger une pénalité pouvant atteindre, pour chaque emploi supprimé, jusqu’à vingt fois le SMIC, soit environ 30 000 euros. L’objectif n’est bien sûr pas de pénaliser les entreprises, mais de les inciter à reconsidérer leur décision dans un sens plus favorable à l’emploi.

Afin que toutes les intelligences soient mobilisées en faveur d’une solution pour l’entreprise, le texte donne aussi aux salariés la possibilité de participer directement à la recherche d’un repreneur, voire de déposer une offre de reprise, en constituant par exemple une société coopérative et participative (SCOP), notamment dans les cas où il n’y aurait pas recherche effective d’un employeur.

Ces dispositions figurent aux articles 1er et 2.

En second lieu, la proposition de loi comporte des dispositions pour lutter contre les OPA hostiles. Actuellement, afin d’éviter les prises de contrôle rampantes, un actionnaire souhaitant augmenter sa part dans le capital doit déposer une offre publique d’acquisition (OPA) dès lors qu’il détient 30 % des actions – au lieu de 33,33 % jusqu’en 2011. Le texte propose d’abaisser ce seuil à 25 %, car le seuil actuel ne suffit pas à éviter les situations de contrôle de fait, compte tenu des taux d’abstention élevés aux assemblées générales d’actionnaires.

En troisième lieu, la proposition de loi favorise l’actionnariat de long terme. Nous souhaitons en effet encourager à investir de manière sérieuse et durable. Dans de nombreuses entreprises françaises, le principe d’une augmentation des droits de vote en fonction de la durée de détention des actions est déjà appliqué. Il est ici proposé de les doubler au bout de deux années de présence au capital.

Cette proposition de loi très importante vise donc à agir sur la structure même du capitalisme. Nous voulons favoriser les vrais entrepreneurs et protéger les entreprises des appétits des spéculateurs. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tous les investisseurs, mais de faire le tri entre ceux qui se préoccupent des intérêts de l’entreprise et du pays et ceux qui n’ont à l’esprit que leurs intérêts à court terme.

M. Christian Paul. Comme vient de le souligner notre rapporteur pour avis, ce texte répond à une urgence. Nous sommes le Parlement d’un pays dont l’industrie a perdu deux millions d’emplois en trente ans, dont 750 000 ces dix dernières années, et nous avons tous à l’esprit des exemples de fermetures de sites industriels effectuées dans des conditions indignes. Nous avons par conséquent l’obligation d’agir.

Dès le début de la législature, refusant l’impuissance collective et publique face aux fermetures de sites rentables pour lesquels des solutions alternatives existaient, nous avons affirmé la nécessité d’une législation offensive. Contrairement à ce qu’on a pu lire, il ne s’agit pas seulement de punir les patrons voyous – il faut évidemment le faire – mais, plus fondamentalement, de reconnaître la responsabilité des entreprises à l’égard des salariés et des territoires.

Nous savons tous, quelle que soit notre lecture de l’économie, que le capitalisme est polymorphe et chacun peut, sans le diaboliser, reconnaître qu’il n’est pas exempt de dérives et d’excès.

Une entreprise n’est pas seulement la propriété des actionnaires. Elle est aussi un bien social et une communauté de travail, ce qui confère aux groupes français ou internationaux qui les détiennent une responsabilité particulière. Cette responsabilité s’exerce également à l’endroit du territoire dans lequel elle est implantée – une entreprise n’est pas hors sol – et qui lui apporte souvent beaucoup grâce à ses hommes et ses femmes, à ses infrastructures et à ses outils de formation.

Face à ceux qui sont tentés par le Meccano industriel, il fallait une dissuasion musclée, sans aller jusqu’à rétablir l’autorisation préalable de licenciement. De ce point de vue, la proposition de loi nous paraît adaptée aux besoins de la période actuelle. Elle assigne aux entreprises, pour la recherche d’un repreneur, une obligation de moyens sous le contrôle de la puissance publique et, en cas de manquement, prévoit une pénalité dont le montant est particulièrement dissuasif en comparaison des coûts des plans sociaux.

Les simulacres de discussions auxquels nous avons si souvent assisté lors de la fermeture de sites industriels, l’entreprise se bornant à abandonner quelques milliers d’euros aux salariés en guise de cadeau d’adieu, nous sont autant d’injonctions d’agir. Ce texte nous en donne le moyen. C’est pourquoi le groupe SRC apporte son soutien à cette proposition de loi aussi utile qu’urgente.

Mme Isabelle Le Callennec. Voici donc la « loi Florange », traduction de l’engagement n° 35 par lequel le candidat François Hollande promettait de dissuader les licenciements boursiers « en renchérissant le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions ».

D’abord conçu en vue de la « cession obligatoire de sites rentables », ce texte a été opportunément rebaptisé « proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel ». Mais les mots ne changent malheureusement rien à la réalité : cette proposition de loi est un texte d’affichage et de circonstance, afin d’entretenir l’illusion que le Gouvernement peut empêcher les licenciements dans une économie ouverte.

Tout d’abord, alors qu’il est présenté comme le grand levier du redressement productif, ce texte ne concerne que les entreprises de plus de 1 000 salariés. Or la majorité des entreprises françaises qui connaissent des difficultés sont en deçà de ce seuil. Rien ne sera donc fait pour ces entreprises de 100, 200 ou 300 salariés qui sont les premières victimes de redressements ou de liquidations judiciaires en nombre croissant – on en attend 62 000 d’ici à la fin de l’année !

Deuxièmement, vous adressez là un bien mauvais signal aux investisseurs nationaux et internationaux. Vous faites peser sur les dirigeants d’entreprise qui souhaitent fermer un établissement de lourdes obligations : ils devront informer les salariés par le biais du comité d’entreprise et rechercher un repreneur dans un délai de trois mois, en étant tenus par une obligation de moyens. En outre, le comité d’entreprise pourra saisir le tribunal de commerce, qui devra s’assurer de la réalité de l’effort de recherche et pourra, si celui-ci n’est pas avéré, condamner l’entreprise à une pénalité. Est-il bien raisonnable de confier une telle responsabilité à un juge et de le doter d’un pouvoir exorbitant ? Et que dire du montant de la pénalité qui peut aller jusqu’à vingt fois le SMIC par emploi supprimé !

Troisièmement, vous faites fi d’une disposition de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 que nous venons de transposer dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, disposition créant justement aux entreprises d’au moins 1 000 salariés une obligation de rechercher un repreneur. Je constate avec stupéfaction que l’un des amendements du rapporteur pour avis tend à abroger l’article L. 1233-90-1 du code du travail qui en est issu, au motif qu’il est repris dans la proposition de la loi. C’est incompréhensible. Vous supprimez un article à peine voté au prétexte de votre loi d’affichage.

Enfin, en adoptant ce texte, la France se rapproche dangereusement de l’économie administrée. Vous remettez en cause la liberté d’entreprendre et le droit de propriété, protégés par la Constitution, en dessaisissant l’entrepreneur de son outil de travail – en l’occurrence les murs, mais rien n’est dit sur les moyens de production.

Le groupe UMP est résolument opposé à ce texte et vous demande de ne pas laisser croire qu’il est de nature à faire cesser les plans sociaux dans notre pays. Votre seul but est de convaincre que le président de la République respecte sa promesse, faite dans l’euphorie d’une campagne électorale, un certain 24 février 2012. Mais les ouvriers ne sont pas dupes de ce « serment de Florange » !

Nous vous laisserons discuter entre vous du seuil à fixer pour déterminer les entreprises concernées par ces nouvelles obligations, de ce que le juge devra entendre par le caractère « sérieux » ou crédible d’une offre de reprise, ou encore du seuil de déclenchement d’une OPA. En ce qui nous concerne, ce texte nous est surtout un nouveau motif de vous exhorter à créer les conditions de la compétitivité des entreprises industrielles. Vous les connaissez : ce sont la diminution du coût du travail – et donc la maîtrise des dépenses publiques, la mise en œuvre des accords compétitivité-emploi consacrés par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle, attendue avec impatience pour sécuriser les parcours professionnels des salariés, ou encore l’amélioration de l’efficacité du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. S’agissant de ce dernier, bien des interrogations, soulevées jusque dans vos rangs, restent en effet à lever – sur son coût, sur le champ de ses bénéficiaires, sur la complexité du dispositif, pour ne pas parler de son financement même, les 720 millions d’euros dégagés à ce jour n’étant manifestement pas à la mesure des enjeux.

M. Christophe Cavard. Cette proposition de loi, dont le groupe écologiste est cosignataire, s’inscrit dans la continuité du travail mené par la majorité en faveur de l’économie et de l’emploi, et tout spécialement dans la continuité de la loi relative à la sécurisation de l’emploi qui, malgré certains manques, constituait un apport indéniable au dialogue social dans l’entreprise.

Je m’inquiète de la mention par l’opposition du droit de propriété, comme pour suggérer que l’employeur serait le seul et unique acteur de l’entreprise. Je rappelle que les salariés sont aussi des acteurs indispensables de la production de richesse. Un employeur seul ne produit rien sans leur participation. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour le développement de la copropriété de l’entreprise, dans le champ de l’économie sociale notamment, mais, sans aller jusque-là, il est important de replacer les salariés au cœur de l’entreprise et de leur permettre d’être pleinement acteurs du devenir de leur outil de travail.

Les fermetures de sites ne sont pas toutes justifiées par des difficultés économiques. Certaines obéissent à une logique de spéculation financière qui réclame des bénéfices à court terme. Des actionnaires, qui s’estiment propriétaires de l’entreprise, s’amusent à vendre sans souci des salariés, qui ne peuvent que subir. La proposition de loi donne à ces salariés les moyens de réagir. Elle rétablit le dialogue social et redonne sa juste place à la puissance publique dans la mesure où elle prévoit l’intervention des tribunaux, certes, mais aussi et surtout un accompagnement important par l’administration. Elle corrige enfin un excès de flexibilité introduit par de précédents textes et qui a largement fait débat.

Ce texte apporte aux salariés des garanties qu’ils attendaient de la part de notre majorité. Je conçois que cela puisse ne pas plaire à nos collègues de l’opposition, mais cela s’inscrit dans la recherche d’un équilibre entre salariés et employeurs, ces derniers devant partager avec les premiers la définition de la stratégie de l’entreprise au lieu de pouvoir la faire et la défaire à leur gré.

Le groupe écologiste a déposé un unique amendement, pour favoriser la reprise d’entreprises par les salariés. Cette solution n’est pas toujours possible, mais de nombreux salariés ont compris que, si les conditions de viabilité économique sont réunies, ils peuvent être les meilleurs repreneurs. Les outils pour cela existent, notamment dans le champ de l’économie sociale et en premier lieu avec les SCOP. Notre amendement fait donc obligation à l’employeur d’informer les salariés des possibilités dont ils disposent en la matière.

Enfin, je souhaite la reprise de la proposition formulée par M. Louis Gallois d’un small business act – comme il en existe même dans les pays les plus libéraux comme les États-Unis – afin de faire de la puissance publique l’un des premiers partenaires des PME et des entreprises. Ce partenariat avec des entreprises dirigées honnêtement et selon d’autres critères que la seule rentabilité pourrait trouver à s’appliquer dans les marchés publics.

Mme Véronique Louwagie. Ma première réaction porte sur le titre de votre proposition de loi : que signifie « économie réelle » ? Existerait-il une économie irréelle ou virtuelle ?

Votre texte est anxiogène pour les chefs d’entreprise de notre pays : ils craignent d’être assimilés aux patrons voyous qui ne sont pourtant qu’une très faible minorité d’entre eux. Leur inquiétude est encore accrue par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire qui, au motif de préserver l’emploi, oblige les dirigeants souhaitant céder leur entreprise de moins de cinquante salariés à informer ces derniers de leur projet au moins deux mois à l’avance, afin qu’ils puissent se porter acquéreurs…

Autre interrogation terminologique : qu’est-ce qu’un site rentable ? Selon vous, madame la présidente, la proposition de loi viserait les entreprises qui ne connaissent pas de graves difficultés, mais comment savoir où placer le curseur pour évaluer ces difficultés ?

Il est erroné de croire que les entrepreneurs n’ont pas à cœur de sauver leur entreprise, de la faire vivre et de la transmettre. Les contraintes supplémentaires que vous leur imposez ici, à la fois en termes de délais et de procédures à respecter, ne vont pas leur simplifier la tâche. Vous introduisez aussi des lourdeurs inquiétantes au détriment de la confidentialité : toutes les OPA ne sont pas hostiles ; or vous exigez un avis du comité d’entreprise puis, si cet avis est défavorable, l’intervention d’un médiateur chargé d’examiner les conséquences de l’OPA sur l’emploi, sur les sites d’activité et sur la localisation des centres de décision.

Cette proposition de loi marque trop de défiance à l’égard des entrepreneurs pour leur insuffler la confiance indispensable au redressement de notre économie.

M. Michel Liebgott. En tant que député de Florange, je me réjouis du dépôt de cette proposition de loi. Si nous avions eu ces dispositions lorsque nous avons négocié avec ArcelorMittal, nous nous serions trouvés moins dépourvus de moyens de pression. Songez que, pour trouver un repreneur, il aura fallu deux rendez-vous avec le Président de la République et le délai de deux mois obtenu par le ministre Arnaud Montebourg. La loi n’aurait cependant pas pu s’appliquer complètement en raison de la configuration de l’usine car la suppression d’une partie de celle-ci était prévue depuis le début des années 2000.

L’accord négocié permet de maintenir 2 000 emplois de la filière froide, c’est-à-dire l’essentiel du site de Florange. Pendant deux mois, des repreneurs ont fait des propositions, dont une concernait l’ensemble de l’usine. La menace d’une nationalisation provisoire, qui était soutenue par tous les élus, y compris par le président UDI du conseil général de Moselle, a été efficace. L’accord intervenu entre le Gouvernement et ArcelorMittal a permis d’éviter un plan social : 180 millions d’euros d’investissements sont prévus dans la filière froide, permettant donc d’y pérenniser 2 000 emplois directs et un comité de suivi a été installé pour s’assurer de la mise en œuvre effective de cet accord.

À mes collègues de l’opposition, je signale que la production d’acier en Allemagne a dépassé cette année celle des années précédentes. C’est dû à l’action des Länder et à la présence dans les conseils d’administration de syndicats structurés. Les fermetures d’usines que nous avons connues en France n’auraient pas été possibles dans ce pays du fait d’un interventionnisme public permanent et d’une véritable cogestion. La présente proposition de loi, venant après la loi relative à la sécurisation de l’emploi, devrait à mon sens nous permettre d’arriver à une situation comparable.

M. Bernard Perrut. Cette proposition de loi se caractérise par sa logique punitive et par l’insécurité juridique qu’elle entraîne. Elle se situe aux antipodes de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, promulguée il y a un mois à peine, qui privilégie l’information du comité d’entreprise là où vous faites intervenir la justice. Elle contredit les objectifs mêmes de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Elle pose également un problème de principe, par l’atteinte évidente qu’elle porte à la liberté d’entreprendre. La loi ne peut pas déposséder le chef d’entreprise de son pouvoir d’appréciation au profit du comité d’entreprise et du tribunal de commerce. Comment admettre l’immixtion du juge dans les restructurations des entreprises, sachant que celles-ci ne sont pas toujours dictées par des difficultés économiques ? Et je ne dirai rien de la pénalité très élevée que vous prévoyez et qui, indirectement, conduit à une forme de cession forcée.

Votre proposition de loi est fondée sur une erreur de raisonnement, révélatrice d’un état d’esprit défensif et malthusien que nous ne partageons pas. Pour vous, toute décision de fermer un site est présumée suspecte de même que toute recherche de repreneur est nécessairement de mauvaise foi. Pourtant, il ne manque pas d’exemples de fermetures qui, commandées par la logique industrielle, se sont révélées des réussites.

Ce texte exercera inévitablement un effet de repoussoir auprès des investisseurs étrangers. Il contribuera à la dégradation de l’image de notre pays. Il pourrait enfin être contre-productif pour les bassins d’emploi concernés.

M. Denys Robiliard. Cette proposition de loi a réveillé en moi le souvenir de deux fermetures d’entreprise, intervenues dans mon département. À Saint-Laurent-Nouan, un grand groupe international a fermé une entreprise de quarante salariés pour la reconstruire en Pologne où les normes écologiques sont moins contraignantes. Cette délocalisation a été préparée par un transfert de technologies, opéré par les salariés français qui n’ont appris qu’ensuite leur licenciement ! À Mer, ville de 5 000 habitants, l’entreprise Epeda, qui employait 450 salariés, a été rachetée par un autre groupe qui n’a eu de cesse de faire remonter les marques au niveau de sa holding. Pourtant bénéficiaire, cette entreprise a été fermée parce que sa rentabilité n’était plus suffisante.

J’entends les arguments de l’opposition, mais la logique industrielle ne peut se confondre avec une logique financière de court terme, exigeant des taux de rendement de 8 à 15 %.

Les exemples que je viens de donner montrent amplement la nécessité de cette proposition de loi. Cela étant, un travail d’amendement s’imposait, dans le cas de fermetures de sites par des entreprises bénéficiaires, pour bien articuler droit du licenciement collectif et droit économique.

J’ajouterai simplement ceci, à l’adresse de Mme Le Callennec : si nous voulions vraiment revenir à l’économie administrée, soyez certaine que nous n’aurions pas confié la responsabilité de la sanction au tribunal de commerce !

M. Jean-Pierre Door. Cette proposition de loi est purement électoraliste et de circonstance. Après que Florange a vu défiler de nombreux candidats à l’élection présidentielle et plusieurs ministres, vous cédez ici aux injonctions d’un syndicaliste charismatique et très engagé politiquement, qui occupe les plateaux de télévision et envisage une carrière cinématographique…

« Redonner des perspectives à l’économie réelle » : le titre est quelque peu osé car vous ne prenez pas le bon chemin pour parvenir à un tel résultat. Le traitement que vous préconisez est à la fois inquiétant et inopérant. Vous devriez plutôt vous intéresser au coût du travail, aux 35 heures et aux pesanteurs administratives – je pense à une entreprise de ma circonscription dont les projets sont retardés par des fouilles archéologiques qui grèvent son budget.

Vous allez décourager les investisseurs, nationaux et étrangers, que vous inquiétez déjà. Or, mon expérience des plans de sauvegarde de l’emploi – dont il est souhaitable que les élus locaux soient partie prenante – et des plans de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) m’a appris que, contrairement à ce que vous croyez, les salariés préfèrent que des investisseurs reprennent leur entreprise plutôt que de le faire eux-mêmes.

Vous feriez donc bien d’écouter Mme Ségolène Royal qui déclarait ce matin : « Notre pays, la France, doit être le territoire des entrepreneurs où l’on a envie de persévérer, avec courage et avec confiance, pour aller de l’avant et de déployer l’esprit d’entreprise » !

M. Bernard Accoyer. L’exécutif et la majorité n’ont pas changé. Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des propos du Président de la République expliquant aux Français attristés et au monde médusé, que la croissance est revenue et que la crise est finie.

Malheureusement, la réalité n’est pas celle-là. Ce texte est éminemment dangereux pour l’industrie, pour l’économie et pour l’emploi. Il produira l’effet inverse de celui qui est recherché.

Pourtant, jamais autant d’emplois n’ont été détruits – 1 000 chaque jour –, jamais le taux de chômage n’a été aussi élevé et jamais depuis au moins trente ans le pouvoir d’achat n’a été aussi faible. Pour y remédier, tous les analystes économiques, la Commission européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) recommandent de faire l’inverse de ce que vous proposez. Ils plaident pour des mesures structurelles afin de réformer le marché du travail, de diminuer les dépenses publiques et d’alléger les charges fiscales et sociales ainsi que les contraintes administratives qui pèsent sur les entreprises.

Nous ne pouvons pas voter un texte qui propose le contraire de ce qu’il faudrait faire, qui judiciarise un peu plus l’économie française et qui constitue un moyen puissant de dissuader les investisseurs. Comment peut-on présenter une proposition de loi aussi déconnectée des réalités ? Elle témoigne du même dogmatisme que celui dont vous avez fait preuve avec les 35 heures, dont nous éprouvons aujourd’hui les effets…

Mme Kheira Bouziane. Je me réjouis de l’examen de cette proposition qui doit permettre de mettre le holà à certains comportements. Dans ma circonscription, un groupe américain souhaite fermer l’entreprise qu’il détient, bénéficiaire grâce aux efforts de ses salariés. Invité à une table ronde organisée à la préfecture, son représentant a été incapable de justifier la décision. En l’absence d’investissements depuis cinq ans et privée de machines, l’entreprise est tuée à petit feu alors que la compétence et la technicité des salariés sont reconnues, y compris par ledit représentant. Et ce groupe voudrait partir sans autre forme de procès…

Les sociétés qui ont ces comportements ont souvent bénéficié d’aides publiques : est-il dès lors acceptable qu’elles abandonnent leurs salariés à Pôle emploi pour aller investir dans des pays à bas coût – y compris d’autres pays européens soutenus par nos impôts ?

Je me réjouis de ce texte qui fera peut-être du tort à certains entrepreneurs, mais qui ne vise en aucune manière ceux qui mettent tout leur cœur à travailler pour leur entreprise.

M. Élie Aboud. Nous avons tous pour objectif de sauver les emplois, nous divergeons seulement sur la méthode. Longtemps, les responsables français de tous bords ont souhaité administrer l’économie. Aujourd’hui, vous la judiciarisez un peu plus en confiant à une juridiction le soin de donner un avis sur le projet de fermeture et de prononcer des pénalités. Mais vous ne parviendrez qu’à une chose : à décourager les chefs d’entreprise et la volonté d’entreprendre.

Nous savons d’expérience, ici, que la faute d’un seul peut jeter la suspicion sur tous. Les chefs d’entreprise et les décideurs économiques méritent-ils un tel traitement ? Adopter ce texte revient à afficher à nos frontières un panneau sur lequel serait inscrit « Ici, défense d’entreprendre ! ». Voyagez, écoutez autour de vous : vous saurez comment les décideurs étrangers nous regardent et quel diagnostic ils portent sur notre pays !

Une question, pour finir : que se passera-t-il pour une entreprise qui souhaite se restructurer sans licencier ?

M. Gilles Lurton. L’information des instances représentatives du personnel sur les raisons économiques, financières et techniques d’une restructuration d’entreprise ne constitue pas une nouveauté : le code du travail la prévoit déjà. Mais la proposition de loi ne se borne pas à cela : elle impose l’obligation de rechercher un repreneur, d’examiner toutes les offres de reprise et de justifier des raisons pour lesquelles telle ou telle n’a pas été retenue. De surcroît, elle institue une pénalité très lourde pour l’entreprise qui aurait écarté une offre de reprise sérieuse. Pouvez-vous donner une définition de cette dernière notion, monsieur le rapporteur pour avis ? Les points de vue peuvent en la matière être très divergents, comme en témoignent les exemples récents de Florange et de Petroplus.

Comment, selon vous, les investisseurs pourront-ils accepter d’engager des fonds importants pour créer ou reprendre des entreprises s’ils courent le risque de se voir piégés dans des procédures administratives et judiciaires à l’issue totalement incertaine et financièrement très coûteuses ?

M. Gérard Bapt. Cette proposition de loi n’est ni électoraliste ni opportuniste comme l’affirment certains de nos collègues de l’opposition. Et, monsieur Aboud, les entreprises qui se restructurent sans licencier ni fermer de site ne seront pas concernées par ses dispositions. Le projet de restructuration donnera simplement lieu à une discussion avec les organisations représentatives du personnel, dans le cadre du dialogue social promu par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Mais tout ne se passe pas toujours ainsi et j’ai l’expérience dans ma circonscription de l’entreprise Molex. Le groupe américain dont elle dépendait avait décidé d’organiser la perte de compétitivité du site de Villemur-sur-Tarn : l’exploitation des brevets mis au point dans cette usine a été transférée à l’étranger tandis que, faute d’investissements, les équipements devenaient obsolètes. La direction a ainsi pu faire valoir la perte de compétitivité de l’établissement pour justifier sa fermeture. Les représentants des salariés ont démontré a posteriori devant la justice que cette perte de compétitivité avait été organisée et que des éléments importants leur avaient été dissimulés. Les tribunaux leur ont accordé 22 millions d’euros, mais le site était fermé et il sera très difficile désormais de réimplanter des activités dans ce bassin, qui fut industriel.

Voilà pourquoi l’information préalable des salariés et le renforcement de leurs droits me semblent légitimes.

M. Jean-Pierre Barbier. Comment ne pas réagir à un tel texte ! Il est heureux aussi que peu de chefs d’entreprises soient témoins de nos débats : nous avons assisté à une stigmatisation en règle des employeurs de la part de notre collègue du groupe écologiste, qui les a décrits comme des rapaces avides d’argent et peu soucieux de leurs salariés. Ces propos sont sidérants dans le contexte actuel.

Nous sommes évidemment tous convaincus que la réussite d’une entreprise tient à la qualité de ses dirigeants, mais aussi de ses salariés. Personne ne défend ici les licenciements boursiers. Mais, si votre volonté est de réindustrialiser la France, vous devez changer de discours. La proposition de la loi est un nouveau mauvais coup porté à l’économie, de nature à handicaper sérieusement vos efforts de réindustrialisation.

Le temps judiciaire n’est pas celui de l’économie, qui impose des changements rapides. Les dégâts causés aux entreprises par l’intervention de la justice sont connus : le placement en redressement judiciaire aggrave souvent leur situation.

Du fait de la mondialisation, 55 % des groupes installés en France sont d’origine étrangère. Or ces groupes examinent la législation d’un pays avant de s’y implanter. Existe-t-il une loi similaire dans d’autres pays européens ? Si ce n’est pas le cas, demain les sociétés étrangères choisiront de s’installer ailleurs qu’en France. Ce n’est pas ainsi que nous parviendrons à réindustrialiser le pays !

M. Richard Ferrand. Vous êtes, chers collègues, d’accord pour sauver les emplois à condition de ne pas agir et de laisser faire. À ce compte, rien ne viendra endiguer les licenciements qui ont parfois pour seul but d’accroître une rentabilité déjà établie.

Il est inexact de dire que nous stigmatisons les chefs d’entreprise. Les patrons de PME et de PMI sont souvent au premier rang de la lutte contre les fermetures de sites car ils savent qu’ils seront les premières victimes de la dégringolade économique d’un territoire soudainement amputé d’activités. Ils savent que leur propre entreprise est mise en danger par des restructurations guidées par le seul souci de la rentabilité.

Il est tout aussi inexact d’affirmer que nous voulons faire fuir les entrepreneurs. Nous recherchons l’effet inverse. Nous voulons brider les groupes qui obéissent à la seule logique financière. Nous souhaitons que rien ne se fasse sans justification et sans dialogue avec les salariés et avec les territoires.

Dans ma circonscription bretonne, un groupe scandinave spécialisé dans le saumon a décidé de fermer deux sites, mais il a considéré que son éthique lui imposait de financer un plan social, de mettre en place un plan de formation et de solliciter des repreneurs. Ces dirigeants, pour lesquels les choix stratégiques doivent aussi obéir à une morale, pourraient être considérés comme une source d’inspiration de ce texte, quels que soient les dégâts qu’ils ont causés.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Aboud, nos approches divergent en effet, mais il me semblait que nous partagions le diagnostic. Je fus un auditeur attentif du discours dans lequel un ancien Président de la République dénonçait les patrons voyous et la finance qui avait pris le pas sur l’économie réelle. Plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur la notion d’économie réelle à laquelle fait référence le titre de la proposition de loi. Eh bien, relisez le discours de Toulon! La proposition de loi tire les conséquences de ce diagnostic, qui n’est donc pas l’apanage des représentants du Front de gauche.Tous les patrons d’entreprises industrielles que nous avons interrogés ont admis qu’ils ne dirigeaient plus leurs entreprises car les financiers leur imposent leurs conditions, interdisant tout projet à long terme au nom d’une exigence de rentabilité immédiate.

Je pense donc que nous pourrions nous accorder sur le diagnostic et sur la nécessité de mettre en avant les vrais entrepreneurs. Vous avez raison, il n’y a pas un seul entrepreneur digne de ce nom qui déciderait de licencier 500 personnes quand une reprise de l’entreprise est possible. Mais vous connaissez tous aussi des situations dans lesquelles les financiers ont organisé le pillage de l’entreprise – M. Bapt a cité le cas de Molex qui en est sans doute un des premiers exemples avec Continental. On fait partir les carnets de commandes à l’étranger, on transfère les brevets, on organise l’absence de rentabilité et on explique ensuite qu’il est nécessaire de fermer l’établissement. Dans le cas de Molex, la rentabilité était de 15 %, les salariés et les dirigeants locaux étaient très fiers de leur entreprise et, pourtant, elle a été fermée.

Refuser que de telles situations se reproduisent, c’est réhabiliter le capitalisme et rétablir la confiance, aujourd’hui très ténue, des Français et des salariés dans leurs entrepreneurs. Je souhaiterais que nous puissions nous entendre sur ces objectifs. Quant aux moyens d’y parvenir, le débat politique est légitime.

Je remercie Christian Paul et les parlementaires socialistes et écologistes qui ont fait part de leur soutien à cette proposition de loi, ainsi que ceux de nos collègues qui, comme Michel Liebgott, ont travaillé à sa rédaction. Les exemples concrets qui ont été donnés montrent combien elle est attendue.

S’agissant de l’atteinte au droit de propriété, madame Le Callennec, monsieur Perrut, nous avons sollicité l’avis du Conseil d’État sur le texte, comme l’a souhaité le président de l’Assemblée nationale pour toutes les propositions de loi désormais. Le Conseil s’est livré à une analyse précise de la conformité de ces dispositions aux principes reconnus par la Constitution – spécialement la liberté d’entreprendre et le droit de propriété. Dans son avis comme toujours soigneusement pesé, il a estimé que la pénalité envisagée, à condition qu’elle soit précisément définie, était compatible avec la Constitution. Ces conclusions vont vous être distribuées afin que vous puissiez vous faire votre propre opinion.

Madame Le Callennec, vous me reprochez de supprimer l’article 19 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, mais l’article L. 1233-90-1 qui en est issu n’est pas modifié. C’est uniquement sa place dans le code du travail qui l’est, pour plus de cohérence. Cet article fait actuellement partie des dispositions particulières relatives à la reprise de site et à la revitalisation des bassins d’emploi. Nous proposons de le placer à part, dans le chapitre relatif au licenciement économique. À cette fin est créée une section intitulée « Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement », qui rassemble l’ensemble des règles d’information et de consultation des représentants du personnel au cours de la procédure de recherche, unifiant les dispositifs prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi et par la présente proposition de loi. Nous ajoutons la possibilité pour les salariés de participer à la reprise et des dispositions dans le code du commerce tirant les conséquences d’un refus d’une offre sérieuse de reprise.

Je souhaite que cette procédure n’aboutisse pas à la judiciarisation que vous redoutez à raison. Mais le choix du tribunal de commerce, comme l’a rappelé M. Robiliard, correspond précisément à la volonté de soumettre les comportements abusifs à la justice des employeurs.

Monsieur Cavard, l’article 3 contient une disposition relative aux SCOP en cas de règlement judiciaire. Sous réserve de le sous-amender légèrement, je suis favorable à votre amendement prévoyant d’informer les salariés de la possibilité qui leur est ouverte de soumettre eux-mêmes une offre en cas de fermeture de leur usine.

Madame Louwagie, nous avons beaucoup travaillé sur la notion de site rentable. Nous savons qu’il peut être de l’intérêt de tous d’accepter une restructuration en cas de difficultés économiques. Mais la situation peut aussi être très complexe : ainsi, à Florange, les résultats du calcul de rentabilité étaient différents pour le haut fourneau et pour la filière à froid, dont une partie attirait d’ailleurs des candidats à la reprise. Les critères d’appréciation de la rentabilité d’un site étant donc difficiles à déterminer, nous avons préféré raisonner à partir d’une évaluation de l’offre de reprise présentée. Afin de préciser la façon d’apprécier le caractère sérieux ou non de l’offre, je présente un amendement qui fait référence aux perspectives de pérennité de l’activité et des emplois.

J’ai déposé un autre amendement qui précise le motif légitime de refus. L’acceptation de l’offre ne doit en effet pas être de nature à déstabiliser l’entreprise. Par exemple, il n’est pas question de demander à Michelin d’accepter que Goodyear installe une ligne de production au cœur d’une de ses usines car cette reprise aurait des conséquences dommageables pour l’ensemble de l’entreprise. En revanche, certaines unités de production de Michelin pourraient être reprises par Goodyear.

Monsieur Aboud, les cas de restructuration sans licenciements n’entrent pas dans le champ d’application de la proposition de loi. Je vous proposerai dans un amendement de reprendre le champ d’application prévu par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, à savoir les projets de fermeture d’établissement ayant pour conséquence des licenciements collectifs. Si de tels projets n’existent pas, il n’y a pas lieu de soumettre à la procédure prévue par ce texte une restructuration, qui peut être strictement commerciale.

Monsieur Barbier, la question du temps judiciaire est en effet importante. Elle a été au cœur des débats sur la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Cette loi sécurise les salariés en les protégeant contre les licenciements abusifs et en leur permettant de participer à la définition de leur avenir. Mais elle sécurise aussi les entreprises en inscrivant les procédures dans des délais préfix. J’ai déposé un amendement afin que ce principe s’applique à la procédure prévue par la proposition de loi. Les délais seront de sept jours pour saisir le tribunal de commerce, puis de quatorze jours pour que celui-ci se prononce, soit un total de vingt et un jours qui correspond au délai donné à l’administration pour homologuer un plan de sauvegarde de l’emploi. Les deux procédures seront donc enserrées dans le même délai global, ce qui répond à la préoccupation exprimée par les entreprises.

II. EXAMEN DES ARTICLES

TITRE Ier
OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR
EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT

Article 1er

La Commission examine d’abord l’amendement AS 8 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Dominique Tian. Ce texte inutile et dangereux dégradera, aux yeux des investisseurs étrangers, l’image de notre pays.

Il faut surtout souligner que vous vous livrez à une désinformation permanente, ce qui est grave : ce texte n’a rien à voir avec l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, que M. Hollande disait pourtant vouloir suivre comme fil rouge. Le contenu de votre proposition de loi n’a fait l’objet d’aucun accord des partenaires sociaux : il y a escroquerie !

M. le rapporteur pour avis. Avis évidemment défavorable. Monsieur Tian, vous pourriez éviter d’employer le terme d’escroquerie…

Sur le fond, ce point figurait explicitement dans la feuille de route des partenaires sociaux ; mais le MEDEF considère aujourd’hui que l’article 19 de la loi de sécurisation de l’emploi suffit à transposer le résultat de leurs négociations, quand les syndicats signataires considèrent que le sujet n’a été qu’à moitié traité et qu’il reste à tirer les conséquences de l’obligation d’informer et de consulter le comité d’entreprise. On peut donc considérer que les partenaires sociaux ne se sont pas mis d’accord ; or personne ne pense qu’une absence d’accord des partenaires sociaux empêche le législateur de légiférer ! L’article L. 1 du code du travail est respecté.

Je voudrais ajouter à mes réponses de tout à l’heure que la législation française – calquée sur le modèle anglais – est l’une de celles qui protègent le moins bien les entrepreneurs de leurs concurrents. Les États-Unis ou la Chine font beaucoup plus ! En Allemagne, les représentants des salariés composent la moitié du conseil d’administration et peuvent dès lors faire obstacle aux délocalisations : croyez-vous que cela constitue un frein à l’investissement ? Si le dispositif que je vous présente est spécifique à la France, chaque pays trouve des moyens pour protéger ses industries.

M. Dominique Tian. Vous écrivez dans votre rapport que l’obligation de recherche d’un repreneur est le « fruit de la volonté du Gouvernement et du dialogue social » : c’est un mensonge !

M. le rapporteur pour avis. Vous pouvez jouer sur les mots, il n’en restera pas moins que le MEDEF, sous la conduite de Mme Laurence Parisot, a approuvé le principe suivant lequel toute entreprise qui veut fermer une usine doit chercher un repreneur. Relisez l’accord national interprofessionnel (ANI).

La Commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 9 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Dans la même logique, je souligne que jamais l’ANI n’a prévu de sanctions financières ou économiques. Je propose donc de les supprimer afin de rendre ce texte un peu moins dissuasif pour les entreprises qui viendraient s’installer dans notre pays.

M. Élie Aboud. C’est un aspect que vous ne pouvez pas négliger : il est évident que ce texte va freiner les investissements ! Je pense même qu’en réalité, vous partagez nos craintes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 20 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est le premier d’une longue série qui procède, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, aux modifications formelles nécessaires pour unifier les dispositifs prévus par la loi de sécurisation de l’emploi et par cette proposition de loi. Il s’agit notamment de mieux distinguer ce que nous inscrivons dans le code du travail – règles d’information et de consultation des représentants du personnel au cours de la procédure de recherche d’un repreneur – de ce que nous inscrivons dans le code du commerce – sanction de l’obligation de recherche par le tribunal de commerce et procédure devant cette juridiction. De plus, certains des choix que nous avions faits dans la loi de sécurisation de l’emploi étaient – comment dire ? – perfectibles, et nous clarifions ici la rédaction et l’organisation du code du travail.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 21 rectifié du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Comme je l’indiquais tout à l’heure à M. Aboud, nous proposons que la procédure ne s’applique que si la fermeture de site a pour conséquence des licenciements collectifs. Cela permet également une meilleure cohérence avec l’article 19 de la loi de sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision AS 23 du rapporteur pour avis.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. La recherche d’un repreneur doit être engagée aussi vite que possible, dès avant l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ce que permet l’amendement. Celui-ci vise également à mettre en cohérence les délais de la procédure de recherche d’un repreneur avec ceux de la procédure d’information et de consultation sur les projets de licenciements collectifs tels qu’ils sont prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 15 de M. Patrice Prat.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement supprime l’obligation pour les délégués du personnel d’émettre un avis. Ils sont simplement informés, comme le comité d’entreprise dont ils tiennent ici le rôle. Il n’est pas utile en effet de prévoir une consultation à ce stade.

Mme Véronique Louwagie. Ne serait-il pas judicieux d’écrire « soumis pour information » plutôt que simplement « soumis » ? On pourrait aussi écrire « transmis ».

M. le rapporteur pour avis. Cela ne paraît pas nécessaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement AS 25 du rapporteur pour avis, corrigeant une référence.

Elle est saisie de l’amendement AS 14 de M. Christophe Cavard, faisant l’objet d’un sous-amendement AS 73 du rapporteur pour avis.

M. Christophe Cavard. Les salariés sont une composante de l’entrepreneuriat et il faut porter une attention particulière à leurs projets : cet amendement vise donc à s’assurer qu’ils sont informés de la possibilité qui leur est ouverte de reprendre eux-mêmes l’entreprise, par exemple en utilisant la formule de la société coopérative et participative (SCOP).

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement AS 73 : la loi crée un nouvel expert ad hoc, auquel il convient de faire référence plutôt qu’à celui qui est « prévu aux articles L. 2325-35 et L. 2325-38 du code du travail ».

M. Christophe Cavard. J’accepte le sous-amendement.

La Commission adopte le sous-amendement AS 73. Puis elle adopte l’amendement AS 14 ainsi sous-amendé.

Elle adopte ensuite successivement six amendements du rapporteur pour avis : l’amendement AS 26, corrigeant une référence, l’amendement de codification AS 27, les amendements de conséquence AS 28 et AS 29, et les amendements AS 30 et AS 31, corrigeant des références.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 16 de M. Christophe Léonard.

M. le rapporteur pour avis. Le texte propose, je l’ai dit, une refonte du capitalisme – presque un retour aux sources : l’entreprise doit prendre en considération les actionnaires et les salariés, mais aussi le territoire où elle s’est installée et qui investit pour créer un environnement favorable à l’activité. Cet amendement prévoit donc que le maire de la commune est informé du projet de fermeture d’un établissement. L’autorité administrative se charge quant à elle d’informer les autres collectivités – conseil général, conseil régional, communauté de communes...

M. Dominique Tian. Est-il raisonnable de demander au maire d’intervenir et de trouver des solutions ? Vous faites peser une charge énorme sur les élus locaux, alors qu’il s’agit d’un problème de droit privé !

Mme Véronique Louwagie. Ne serait-il pas judicieux de dresser une liste précise des « élus locaux concernés » ? Je m’étonne aussi que vous ne fassiez pas mention des commissaires au redressement productif, pourtant présents dans toutes les régions.

Mme Isabelle Le Callennec. Qu’appelez-vous « l’autorité administrative » ?

Cet amendement me paraît tout à fait surprenant, car ce que vous prévoyez est très flou alors que, dans un plan de sauvegarde de l’emploi, la procédure doit être suivie de façon absolument rigoureuse et la communication d’informations, en particulier, est très encadrée de manière à éviter la commission d’un délit d’entrave.

M. Jean-Pierre Barbier. Quelles sont les informations données au maire, et qu’est-il censé en faire ? Les élus locaux sont toujours très au fait de ces situations ; ils sont souvent conduits à exercer une médiation entre patrons et syndicats. Mais ici, c’est une responsabilité énorme que vous attribuez au maire – en tout cas, ce sera compris ainsi par les salariés !

M. Élie Aboud. Le maire est toujours informé : nous sommes dans une société connectée ! Je comprends cette obligation d’information s’il y a de l’argent public en jeu, mais sinon, il me semble que cela n’a pas lieu d’être.

M. le rapporteur pour avis. Madame Le Callennec, l’autorité administrative, ce sont les représentants de l’État en général : il n’est pas nécessaire de détailler. Évidemment, madame Louwagie, les commissaires au redressement productif joueront un rôle important.

Monsieur Aboud, la commune dépense toujours de l’argent pour aider les entreprises : quand elles s’installent, il faut construire des logements, ouvrir des classes, etc. C’est tout cela qui est remis en cause si elles ferment. Il me semble donc juste que le maire soit informé sans tarder. Bien sûr, le plus souvent, il l’est, mais ce n’est pas toujours le cas ! S’agissant des autres élus locaux, j’avoue que nous nous sommes posé la question, ainsi que pour le député. Une énumération ne simplifierait pas le texte…

S’agissant enfin du délit d’entrave, madame Le Callennec, il n’y a pas de crainte à avoir : lorsque le maire est informé, les salariés le sont déjà.

M. Dominique Tian. Ce qui va se passer, c’est que l’entrepreneur menacé d’une amende très élevée ira voir le maire et lui intimera l’ordre de se débrouiller pour trouver un repreneur ! Vous prenez le maire en otage, alors qu’il n’a pas à être partie prenante !

Mme Véronique Louwagie. Est-ce que ce sont les collectivités locales qui sont informées, ou bien les élus locaux ?

M. le rapporteur pour avis. Nous avons voulu laisser un peu de souplesse à l’action du préfet, mais vous pouvez proposer des précisions – sans trop alourdir le texte, car les entrepreneurs ont besoin de simplicité.

La Commission adopte l’amendement AS 16.

Elle adopte ensuite l’amendement de codification AS 32 du rapporteur pour avis.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 17 de M. Yves Blein, faisant l’objet d’un sous-amendement AS 70 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement, conformément aux recommandations du Conseil d’État, précise l’obligation d’information imposée à l’employeur à l’égard des éventuels repreneurs, compte tenu de la sanction encourue en cas de manquement. Il prévoit également la réalisation d’un document de présentation de l’établissement ainsi que d’un bilan environnemental.

Mon sous-amendement précise que le document de présentation doit être réalisé « sans délai ».

La Commission adopte le sous-amendement AS 70. Puis elle adopte l’amendement AS 17 sous-amendé.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision AS 33 du rapporteur pour avis.

Elle examine l’amendement AS 34 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à encadrer les délais dans lesquels l’employeur doit apporter une réponse motivée à toute offre reçue, en sorte que le comité d’entreprise en dispose en temps utile.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous renvoyez aux délais prévus à l’article L. 1233-30 : de quoi s’agit-il ?

M. le rapporteur pour avis. Ce sont les délais de deux à quatre mois, en fonction du nombre de licenciements, prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de codification AS 35 du rapporteur pour avis.

Elle se saisit alors de l’amendement AS 18 de M. Christophe Léonard.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à s’assurer que les offres de reprise parviennent rapidement aux représentants des salariés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 38 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement demande que le comité d’entreprise se prononce dans un délai compatible avec la durée de la procédure, telle qu’elle est prévue par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 39 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement autorise le comité d’entreprise à participer activement à la recherche d’un repreneur – ce qui est souvent le cas dans la pratique.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement rédactionnel AS 65, l’amendement AS 40 corrigeant une référence et l’amendement rédactionnel AS 51, tous trois du rapporteur pour avis.

Elle examine l’amendement AS 41 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement précise les missions de l’expert nommé par le comité d’entreprise.

Mme Isabelle Le Callennec. Qui paye cet expert ?

M. le rapporteur pour avis. L’employeur.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 42 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un « article balai » qui vise à conférer, le cas échéant, au comité d’établissement les compétences dont jouit le comité d’entreprise en matière d’accès à l’information et de recherche d’un repreneur.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 43 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement propose une meilleure rédaction de l’alinéa 35 : en cas de recours à un expert, l’employeur en informe sans délai l’autorité administrative.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement de codification AS 36 et l’amendement rédactionnel AS 44 rectifié, tous deux du rapporteur pour avis.

Elle examine l’amendement AS 45, du même auteur.

M. le rapporteur pour avis. L’employeur doit indiquer les raisons qui le conduiraient à accepter une offre de reprise formalisée.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 46 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement fixe un délai pour l’avis du comité d’entreprise.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement AS 47 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit encore d’articuler les délais des deux procédures de recherche de repreneur et de licenciement collectif.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de précision AS 48 et l’amendement de codification AS 37, du rapporteur pour avis.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 49 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prendre en compte dans la convention de revitalisation les efforts d’un employeur pour rechercher un repreneur, et donc à alléger ses obligations, conformément à la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 50 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Les modalités d’application de la nouvelle sous-section du code du travail consacrée à l’obligation de recherche d’un repreneur doivent être prévues par un décret en Conseil d’État.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit de l’amendement AS 52 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de réduire le délai de saisine du tribunal de commerce de 15 à 7 jours, afin, encore une fois, d’articuler les procédures de recherche d’un repreneur et de licenciement collectif.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement AS 53 corrigeant une référence, l’amendement de précision AS 66, les amendements rédactionnels AS 54 et AS 55, l’amendement de précision AS 56, les amendements rédactionnels AS 57 et AS 58 et enfin l’amendement de cohérence AS 59, tous du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement AS 19 de M. Yves Blein.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à mieux définir la notion d’offre de reprise « sérieuse » : ce caractère sera apprécié « au regard notamment de la capacité de [son] auteur à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement ». L’amendement reconnaît également à l’entreprise la possibilité de refuser de céder son site pour un motif légitime – il ne s’agit pas d’obliger à une cession si celle-ci devait menacer la survie du reste de l’entreprise.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 10 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Qu’est-ce qu’une offre de reprise sérieuse ? Le déterminer est extrêmement compliqué et vous venez d’ailleurs de l’admettre implicitement en ouvrant une possibilité de refus pour motif légitime. La marge d’interprétation est beaucoup trop grande et ce n’est donc pas sur ce fondement qu’on peut infliger à des chefs d’entreprise une sanction financière tout à fait considérable !

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Tian, vous pourrez lire à tête reposée les amendements que nous venons d’adopter, et vous pourrez proposer des améliorations, mais nous venons à l’instant de préciser le critère d’une offre sérieuse et d’admettre un motif légitime de la refuser. Avis défavorable.

M. Dominique Tian. Si un chef d’entreprise refuse une offre parce qu’il ne la juge pas sérieuse mais que d’autres en décident autrement, il sera puni financièrement, et lourdement ! Donc il acceptera n’importe quoi, c’est son intérêt.

La Commission rejette l’amendement AS 10.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 60 et AS 67 et les amendements de précision AS 68 et AS 61 du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement AS 72 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à affecter la pénalité prononcée par le tribunal de commerce aux mesures prévues par la convention de revitalisation, ainsi qu’à des mesures de promotion et de développement de la filière industrielle à laquelle l’entreprise est rattachée.

Mme Isabelle Le Callennec. De la filière ou de la branche ? Une filière, c’est bien vaste…

M. le rapporteur pour avis. La branche, encore plus !

M. Dominique Tian. Mais c’est un système moyenâgeux ! Ceux qui infligeront des amendes les récupéreront pour eux-mêmes. Quand on est condamné, on doit verser l’amende à l’État !

M. le rapporteur pour avis. Voilà, c’est une escroquerie moyenâgeuse… Plus sérieusement, il paraît pertinent que ces amendes servent en priorité à la revitalisation du bassin d’emploi où une usine a fermé, puis à la filière.

M. Élie Aboud. Mais cette somme est tout de même versée au Trésor public.

M. le rapporteur pour avis. Il y a plusieurs solutions : si on ne précise rien, les amendes versées peuvent être versées dans le budget de l’État ; on peut créer un compte d’affectation spéciale, ce qui se fait en loi de finances ; on peut encore imaginer, comme c’est le cas pour les conventions de revitalisation, qu’un comité local décide de soutenir telle ou telle action et que l’entreprise finance celles-ci. Nous pensons plutôt pour le moment créer un compte d’affectation spéciale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 69 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement devrait donner satisfaction à M. Aboud : il autorise le tribunal de commerce à demander à l’entreprise le remboursement de tout ou partie des aides publiques qu’elle aurait perçues.

M. Élie Aboud et M. Jean-Pierre Barbier. Nous voterons pour.

M. Dominique Tian. Mais c’est à l’administration de demander le remboursement des aides ! Ce n’est pas le rôle du tribunal de commerce, qui encore une fois sera juge et partie. Il faut que l’autorité judiciaire, qu’un vrai juge intervienne.

M. Denys Robiliard. Le tribunal de commerce est un vrai juge – ou alors il faut en prévoir une vaste réforme… Aujourd’hui, devant les prud’hommes ou devant une chambre sociale de cour d’appel, on peut demander le remboursement de six mois d’indemnités chômage en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. C’est un mécanisme tout à fait similaire.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement AS 62 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement demande que le tribunal de commerce statue dans un délai de quatorze jours : ainsi, nous ne rallongeons pas les délais prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine enfin l’amendement AS 63 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit un dispositif transitoire pour l’entrée en vigueur de l’article 1er, conformément aux recommandations du Conseil d’État.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission adopte l’amendement de cohérence AS 64, tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er.

Article 2

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 11 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, vous étiez d’habitude la première à vous insurger devant la multiplication de rapports aussi coûteux qu’inutiles…

La Commission est saisie de l’amendement AS 71 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Quitte à faire faire un rapport, autant qu’il soit vraiment utile, et qu’il comporte un bilan global de l’obligation de recherche d’un repreneur.

Mme la présidente Catherine Lemorton. D’habitude, monsieur Tian, les parlementaires se plaignent plutôt de manquer de moyens et de pouvoirs de contrôle !

La Commission adopte l’amendement, ce qui vaut avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi rédigé.

TITRE II
MESURE EN FAVEUR DE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ
PAR LES SALARIÉS

Article 3

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

TITRE III
MESURES EN FAVEUR DE L’ACTIONNARIAT
DE LONG TERME

Article 4

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 12 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 88 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Dès lors que le seuil de 30 % ne correspond plus au seuil de déclenchement d’une OPA, l’obligation de déclaration prévue à l’article L. 233-7 du code de commerce n’a plus lieu d’être.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 74 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise, suivant les recommandations du Conseil d’État, à insérer une « clause de grand-père », qui permet de ne pas remettre en cause des situations légalement acquises. Il précise de plus les modalités d’application de la loi outre-mer.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.

Après l’article 4 :

La Commission examine l’amendement AS 76 du rapporteur pour avis, portant article additionnel.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement AS 76 vise à introduire un seuil de caducité : une offre publique d’acquisition (OPA) devient caduque si elle ne débouche pas sur une détention de plus de 50 % de la société cible.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 75 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le régime dit de « l’excès de vitesse » permet à un actionnaire qui détient plus de 30 % d’une société de progresser au capital de cette société sans avoir à déposer d’OPA si cette progression se fait à un rythme inférieur à 2 % par an. L’amendement vise à ramener cette limite à 1 %, conformément à une préconisation de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

La Commission adopte l’amendement.

Article 5

La Commission examine l’amendement AS 77 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est celui qui, comme je l’ai dit, vise à favoriser les actionnaires fidèles à l’entreprise. Les droits de vote seront doublés après deux ans de détention des actions, et triplés après cinq ans, étant entendu que les assemblées générales peuvent toujours en disposer autrement. Autrement dit, les dispositions qui requièrent aujourd’hui une décision expresse deviendront demain la règle par défaut.

La Commission adopte l’amendement, ce qui vaut avis favorable à l’adoption de l’article 5 ainsi rédigé.

Après l’article 5

La Commission examine l’amendement AS 78 du rapporteur pour avis, portant article additionnel après l’article 5.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’efficacité des golden shares, c’est-à-dire des actions spécifiques détenues par l’État, et destinées à maintenir le contrôle public sur des entreprises stratégiques malgré la présence limitée de la puissance publique au capital.

La Commission adopte l’amendement.

Article 6

La Commission examine l’amendement AS 13 de M. Dominique Tian, tendant à supprimer l’article 6.

M. Dominique Tian. Vous voulez renforcer les pouvoirs du comité d’entreprise face à une OPA, mais la procédure, placée sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers, est enserrée dans des délais très précis et c’est ce calendrier que vous allez gravement perturber.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable : l’article 6 vise à permettre, en cas d’OPA, un dialogue entre le comité d’entreprise et l’auteur de l’offre, afin de préciser par exemple les engagements de celui-ci en matière d’emploi. Bien sûr, les délais demeureront serrés.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 79 et AS 80, puis les amendements de précision AS 81 et AS 89 du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement AS 82 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prendre en compte une éventuelle modification de l’avis du conseil d’administration ou du conseil de surveillance : dans une telle hypothèse, le comité d’entreprise devra être à nouveau consulté.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 83 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. C’est un amendement de conséquence : il s’agit de prévoir une sanction si l’auteur de l’offre refuse de participer à la médiation prévue.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 84 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement propose une procédure de vérification du respect des engagements pris par l’auteur de l’offre, en termes d’emplois notamment.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet alors un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Après l’article 6

La Commission est saisie de trois amendements du rapporteur pour avis portant articles additionnels après l’article 6. Elle examine d’abord l’amendement AS 85.

M. le rapporteur pour avis. Avec ces trois amendements, il s’agit encore d’améliorer la protection – aujourd’hui faible en droit français – des entreprises contre les OPA hostiles. L’amendement AS 85 tend à porter de 10 % à 30 % la proportion maximale d’actions gratuites qui peuvent être distribuées aux salariés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS 86 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement corrige la transposition de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, telle qu’elle a été opérée par la loi du 31 mars 2006 : la France avait alors fait le choix, bizarrement, de permettre à nos entreprises de se protéger seulement contre les OPA des entreprises elles-mêmes couvertes par un droit protecteur, comme les entreprises allemandes, mais non contre les entreprises relevant, comme les britanniques, d’un système libéral. En inversant cette logique, nous permettrons à nos entreprises de prendre « à chaud » certaines mesures, comme d’interdire la détention de plus de 15 % des actions ou d’émettre des actions à bas prix.

La Commission adopte l’amendement.

Enfin, elle examine l’amendement AS 87 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est lié au dispositif de l’article 1er. Il propose, pour essayer d’empêcher la fermeture d’un site, d’utiliser les outils d’urbanisme, qui sont puissants, notamment en permettant au maire de réserver le terrain concerné à une utilisation industrielle – ce qui a évidemment des conséquences sur son prix et évitera des opérations de spéculation immobilière.

M. Jean-Pierre Barbier. Je vous avoue que nous avons perdu le fil : une proposition de loi sur un sujet aussi vaste et aussi complexe, une telle avalanche d’amendements, est-ce bien raisonnable ? J’espère que ceux qui vont voter le texte ont tout compris…

M. Dominique Tian. Eh oui, nous avons voté à la va-vite un nombre considérable d’amendements d’une complexité extrême, et qui vont bouleverser le paysage économique… Vous voyez d’un côté les bons, de l’autre les prédateurs : c’est vraiment l’économie Star Wars !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les amendements sont complexes et ils ont été distribués tardivement, certes, mais nous ne débattrons de ce texte en séance publique qu’au mois de septembre, et d’ici là, vous aurez le temps de réfléchir. Ce ne serait pas la première fois que vous passeriez de deux amendements en commission à plus de 300 en séance – rappelez-vous la proposition de loi relative à la recherche sur l’embryon…

M. le rapporteur pour avis. L’examen au fond par la commission des affaires économiques vous offre demain une session de rattrapage. Cela étant, nous avons réalisé de très nombreuses auditions – de l’AMF, des grands industriels, de patrons de grandes entreprises et de PME, de syndicats… – et nous avons soumis le texte au Conseil d’État ; les amendements sont le résultat de ces consultations, ainsi que de l’examen de cas concrets.

Mme Isabelle Le Callennec. Mais comment se fait-il qu’il y ait autant d’amendements sur une proposition de loi ? Qui a tenu la plume ?

M. le rapporteur pour avis. Vous avez bien réussi à déposer plusieurs milliers d’amendements sur le projet de loi autorisant le mariage pour tous, qui se résumait à une disposition assez simple… Quelques dizaines d’amendements après plus de 300 heures d’auditions, cela ne paraît pas si surprenant.

Mme la présidente a raison, les délais sont très courts, mais nous aurons le temps d’y revenir.

M. Christophe Cavard. Je veux souligner que les amendements respectent parfaitement l’esprit du texte. J’espère, monsieur Tian, que les salariés qui sont sous l’emprise des Goldman Sachs et autres entreprises prédatrices ne vous entendent pas parler d’économie Star Wars ! Je ne suis pas sûr qu’ils seraient ravis. Ce que nous voulons, c’est aider les salariés qui subissent la dérégulation et la folie de l’économie casino.

M. Dominique Tian. Vous parlez de régime d’« excès de vitesse », je peux bien parler de Star Wars !

La Commission adopte l’amendement AS 87.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi modifié.

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre alphabétique)

Ø Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM) –Mme Colette Neuville, présidente

Ø Agence des participations de l’État – Mme Astrid Milsan, directrice des participations

Ø Agence française pour les investissements internationaux (AFII) –M. David Appia, président, M. Bertrand Buffon, chef de cabinet du président

Ø Association française des entreprises privées (AFEP) – M. François Soulmagnon, directeur général, Mme Stéphanie Robert, directrice, Mme Odile de Brosses, directrice des affaires juridiques, M. Pierre-Aimery Clarke de Dromantin, directeur des affaires sociales

Ø Autorité des marchés financiers (AMF) – M. Benoît de Juvigny, secrétaire général, Mme Martine Charbonnier, secrétaire générale adjointe de la direction des émetteurs et de la direction des affaires comptables, et M. Bertrand Durupt, directeur de la division des offres publiques à la direction des émetteurs

Ø M. Jean-Louis Beffa, président d’honneur du groupe Saint-Gobain

Ø Comité d’entreprise de Pilpa – M. Rachid Ait-Ouakli, délégué syndical CGT, M. Christophe Barbier, secrétaire du comité d’entreprise, MM. Didier Clanet et Christophe Montsarrat, salariés

Ø Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Alain Giffard, secrétaire national du secteur économie, M. Kevin Gaillardet, chargé d’études économiques

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT). – Mme Isabelle Martin, responsable du suivi des politiques industrielles, Mme Anne-Florence Quintin, secrétaire confédérale en charge des relations avec le Parlement

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Francis Orosco, président de la fédération « Chimie Mines Textile Énergie » (CMTE), et M. Pierre Rubeck, vice-président de la fédération

Ø Confédération générale du travail (CGT) – M. Mohamed Oussedik, membre du bureau confédéral, M. Nasser Mansouri Guilani, conseiller confédéral chargé des questions économiques

Ø Chambre de commerce et d’industrie Région Paris-Île de France (CCIP) – Mme Cécile André-Leruste élue, M. Vincent Malassigne, chargé d’études, Mme Véronique Etienne-Martin, conseiller parlementaire, responsable du département Affaires publiques et valorisation des études

Ø Me Christophe Clerc, avocat à la Cour, Partner, General Manager

Ø Conférence générale des juges consulaires de France – M. Jean-Bertrand Drummen, président

Ø Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) – M. Marc Sénéchal, président, M. Xavier Huertas, vice-président, M. Alexandre de Montesquiou, chargé des relations avec le Parlement

Ø Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC) – M. Jean-Gabriel Bois, vice-président, M. Yves Lelièvre, membre et président du tribunal de commerce de Nanterre, M. Jean-Claude Seugé, président de la commission de procédure et président honoraire du Tribunal de commerce de Versailles

Ø Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale, M. Pierre Ramain, sous-directeur des mutations de l’emploi et du développement de l’activité

Ø Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers – M. Vincent Guitton, chef de service, M. Michel Lejeune, sous-directeur du droit des régulations économiques

Ø Direction générale du travail (DGT) – M.  Jean-Henri Pyronnet, sous-directeur adjoint des relations individuelles et collectives de travail, et Mme Elise Texier, chef du bureau des relations individuelles du travail

Ø Direction générale du Trésor – M. Sébastien Raspiller, chef du bureau du financement et du développement des entreprises

Ø Me William Feugère, avocat, membre du Conseil national des Barreaux, président de la commission droit et entreprise, président national des avocats conseils d’entreprises (ACE)

Ø Force ouvrière (FO) – M. Pascal Pavageau, responsable dans le secteur économique, M. Philippe Guimard, assistant

Ø M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement

Ø Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC) –Me Éric Étienne-Martin, président, M. Dominique Mélès, secrétaire général, Mme Dominique Dardel, chargée des relations institutionnelles

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Michel Guilbaud, directeur général, M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques, Mme Isabelle Trémeau, directrice adjointe à la direction Droit de l’entreprise

Ø Proxinvest – M. Pierre-Henri Leroy, président

Ø M. Louis Schweitzer, président de France Initiative

Ø Syndicats de M Real – M. Éric Lardeur, délégué syndical CFE-CGC, M. Thierry Philippot, délégué syndical CGT

Ø Me Jean-Marie Valentin, avocat à la cour, cabinet Sekri Valentin Zerrouk

© Assemblée nationale

1 () Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, novembre 2012.

2 () « Un an d’actions en France », mai 2013.

3 () Engagements n° 3 et 35 du projet présidentiel de M. François Hollande.

4 () Accord national interprofessionnel pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés du 11 janvier 2013.

5 () Feuille de route de la Grande conférence sociale, juillet 2012.

6 () Selon l’article L. 1233-71 du code du travail, dans les entreprises ou les établissements d’au moins 1 000 salariés, ainsi que dans les entreprises mentionnées à l’article L. 2331-1 et celles mentionnées à l’article L. 2341-4, dès lors qu’elles emploient au total au moins 1 000 salariés, l’employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d’actions de formation et des prestations d’une cellule d’accompagnement des démarches de recherche d’emploi.

7 () Il faut, toutefois, rappeler que, en vertu de cet article, un accord collectif, de méthode ou majoritaire, peut prévoir des délais différents.

8 () Il faut rappeler que les entreprises en situation de redressement ou de liquidation judiciaire ne sont pas soumises à l’obligation de revitalisation.

9 () Rapport du 27 mars 2013 de M. Jean-Marc Germain, au nom de la Commission des affaires sociales, sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.

10 () Article L. 623-1 du code de commerce : « L’administrateur, avec le concours du débiteur et l’assistance éventuelle d’un ou plusieurs experts, est chargé de dresser dans un rapport le bilan économique et social de l’entreprise. Le bilan économique et social précise l’origine, l’importance et la nature des difficultés de l’entreprise. Dans le cas où l’entreprise exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du code de l’environnement, le bilan économique et social est complété par un bilan environnemental que l’administrateur fait réaliser dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. »

11 () Article L. 623-2 du code de commerce : « Le juge-commissaire peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication par les commissaires aux comptes, les experts-comptables, les membres et représentants du personnel, par les administrations et organismes publics, les organismes de prévoyance et de sécurité sociales, les établissements de crédit, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur ».

12 () Amendements AS 20, AS 25 AS 26, AS 27, AS 30, AS 31, AS 32, AS 35, AS 40, AS 36, AS 37, AS 53, AS 64.

13 () Amendements AS 34, AS 38, AS 46 et AS 47.

14 () La commission a ainsi adopté cinq amendements AS 54, AS 55, AS 57, AS 58 et AS 59, visant à clarifier la procédure devant le tribunal de commerce.

15 () Les sociétés coopératives et participatives regroupent les entreprises sous statut de société coopérative de production (SCOP) et de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Les données présentées sont issues des documents d’information de la Confédération générale des SCOP.

16 () « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », rapport au Premier ministre de M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, novembre 2012.

17 () Association française des entreprises privées.

18 () Rapport sur les déclarations de franchissement de seuil de participation et les déclarations d’intention, groupe de travail présidé par M. Bernard Field, membre du collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF), octobre 2008.

19 () Aux termes de l’article L. 225-96 du code de commerce, les assemblées générales extraordinaires statuent à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés.

20 () Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, sur l’application de la directive 2004/25/CE concernant les offres publiques d’acquisition, juin 2012.

21 () « Investir dans l’avenir, Une politique globale de compétitivité pour la France », rapport de MM. Louis Schweitzer et Olivier Ferrand, Fondation Terra Nova, juillet 2012.

22 () Proposition n° 5 du rapport d’information n° 737 de MM. Jean-Michel Clément et Philippe Houillon, déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises, en février 2013.