No 1658
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 décembre 2013
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (no 1616) DE
MM. JEAN-JACQUES URVOAS, GUY GEOFFROY ET MME MARIETTA KARAMANLI
sur la proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen (COM[2013] 534 final)
PAR MME MARIETTA KARAMANLI
Députée
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• La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.
La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.
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Pages
INTRODUCTION 5
I. QUELLES COMPÉTENCES POUR LE PARQUET EUROPÉEN ? 7
A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 7
1. La protection des intérêts financiers de l’Union 7
a) Le rôle de l’OLAF 9
b) La proposition de directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal 12
2. Le parquet européen serait compétent en matière d’atteintes aux intérêts financiers de l’Union 14
B. L’EXTENSION DES COMPÉTENCES A LA CRIMINALITÉ GRAVE TRANSNATIONALE 14
C. LA COMPÉTENCE EXCLUSIVE DU PARQUET EUROPÉEN 17
II. QUELLE STRUCTURE POUR LE PARQUET EUROPÉEN ? 18
A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE, AVEC UN PROCUREUR EUROPÉEN DOTÉ DE POUVOIRS EXCESSIFS, A DRESSÉ CONTRE ELLE LA PLUPART DES ETATS MEMBRES 18
B. LES POSITIONS DES ÉTATS MEMBRES 20
1. Les autorités françaises soutiennent le principe de la création du parquet européen mais sont très réservées sur les modalités retenues 20
2. La proposition de la Commission européenne recueille peu de soutiens sans réserves 23
C. LA MISE EN CAUSE DU RESPECT DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ 24
III. LES RÈGLES RELATIVES AUX ENQUÊTES, AUX POURSUITES ET AUX PROCÈS 27
A. L’OUVERTURE D’UNE ENQUÊTE 27
B. LE RENVOI DEVANT LA JURIDICTION NATIONALE COMPÉTENTE 29
C. L’ADMISSIBILITÉ DES PREUVES 32
D. LES GARANTIES PROCÉDURALES 33
E. LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL 34
F. QUELLE PLACE POUR EUROJUST ? 36
IV. VERS UNE COOPÉRATION RENFORCÉE ? 39
CONCLUSION 43
TRAVAUX DE LA COMMISSION 45
ANNEXE 1 : PROPOSITION DE RÉSOLUTION 51
ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 53
Mesdames, Messieurs,
Le présent rapport examine la proposition de résolution européenne déposée par M. Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois, M. Guy Geoffroy et votre rapporteure afin de prendre position sur la proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen (COM[2013]534), déposée par la Commission européenne le 17 juillet 2013.
La proposition de règlement est apparue décevante sur plusieurs points aux personnes auditionnées ainsi qu’à votre rapporteure. Les attentes étaient grandes mais la proposition de règlement a laissé en suspens un certain nombre de questions essentielles et s’est parfois bornée à réglementer sommairement certains aspects clés.
Les personnes auditionnées ont notamment toutes souligné l’impossibilité d’adhérer à la structure proposée, reposant sur un procureur unique aux pouvoirs étendus, secondé par des adjoints et des procureurs délégués.
Le champ de compétences proposé, limité, pour des motifs pragmatiques, à la seule protection des intérêts financiers de l’Union soulève également des interrogations.
À titre liminaire, il convient donc de souligner que la proposition de la Commission européenne est éloignée des positions défendues depuis plus de dix ans par l’Assemblée nationale au travers de deux résolutions adoptées, la première le 22 mai 2003 (texte adopté no 139), et la seconde le 14 août 2011(texte adopté no 726) à l’initiative de M. Guy Geoffroy et de votre rapporteure.
En outre, dès 2010, le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, avait, sur la suggestion de M. Pierre Lequiller, président de la Commission des affaires européennes, saisi le Premier ministre d’une demande d’étude du Conseil d’État sur la question essentielle de l’institution d’un parquet européen. Cette étude de grande qualité, « Réflexions sur l’institution d’un parquet européen », a été adoptée par le Conseil d’État le 24 février 2011.
Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui avait ouvert la possibilité de créer un parquet européen, une proposition se trouve sur la table des négociations et il convient donc d’adopter une démarche qui, bien que critique, doit demeurer constructive et réaffirmer le soutien de principe à la création d’un parquet européen. L’institution d’un parquet européen constituera un pas en avant considérable, faisant passer l’Union de la coopération judiciaire pénale à un niveau plus élevé d’intégration européenne, car l’action publique serait dans certains cas enclenchée au niveau européen par un organe européen.
La proposition de résolution européenne examinée et adoptée par la Commission des affaires européennes rappelle en son point 1 le soutien constant apporté par l’Assemblée nationale à la création d’un parquet européen, indispensable pour renforcer la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière et la délinquance financière au détriment de l’Union européenne. Le point 2 accueille favorablement la présentation par la Commission européenne d’une proposition de règlement visant à créer un parquet européen mais l’Assemblée nationale estimerait, en point 3, que certaines des modalités retenues par la Commission européenne devraient être revues afin d’assurer l’efficacité et l’indépendance du parquet européen.
L’idée d’un procureur européen a été formulée dès 1996 par M. Klaus Hänsch, Président du Parlement européen. L’élaboration du Corpus Juris en 1997, puis le Livre vert de la Commission européenne sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d’un procureur européen en 2001, ont lancé un débat articulé autour de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne.
Cependant, dès sa résolution européenne du 22 mai 2003 (texte adopté no 139), l’Assemblée nationale a promu l’idée d’instituer un parquet européen créé à partir d’Eurojust et compétent en matière de criminalité grave transnationale. Elle a maintenu sa position dans la résolution européenne du 14 août 2011 (texte adopté no 726).
Le traité de Lisbonne a ensuite réalisé une avancée majeure, malheureusement assortie de contraintes très fortes, puisqu’il permet, en application de son article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la création d’un parquet européen, à partir d’Eurojust, pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Le Conseil devrait statuer à l’unanimité après approbation du Parlement européen. « Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement, le cas échéant en liaison avec Europol, les auteurs et complices d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union […]. Il exerce devant les juridictions compétentes des États membres l'action publique relative à ces infractions », dispose le 2 de l’article 86 TFUE.
Une extension des compétences du parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière est possible mais très encadrée. En effet, le 4 de l’article 86 TFUE renvoie une telle décision au niveau du Conseil européen statuant à l’unanimité et implique une modification de l’article 86 TFUE. Il dispose : « le Conseil européen peut, simultanément ou ultérieurement, adopter une décision modifiant le paragraphe 1 afin d'étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière […]. Le Conseil européen statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission. »
La défense des intérêts financiers de l’Union est un objectif légitime qui doit être soutenu.
Dans son rapport relatif à la protection des intérêts financiers de l’Union et à la lutte contre la fraude pour l’année 2012 (COM(2013) 548 du 24 juillet 2013), la Commission européenne notait la stabilité des irrégularités signalées comme frauduleuses (1 231 cas pour 392 millions d’euros) mais la hausse des cas d’irrégularités non frauduleuses (12.205 cas (+ 11 %) pour un total de 2,9 milliards d’euros (+ 107 %)), qui reflète notamment la hausse des irrégularités systémiques signalées à la clôture des programmes 2000-2006. Les États membres gèrent 80 % des dépenses de l’Union et perçoivent les ressources propres traditionnelles. Ils se trouvent donc en première ligne dans la lutte contre la fraude au budget de l’Union. Une étroite coopération entre la Commission européenne et les États membres est donc indispensable.
Le nombre des irrégularités frauduleuses et leur impact financier sont restés aux mêmes niveaux que l’année précédente, mais des différences importantes ont été enregistrées entre les secteurs de dépenses (+ 273 % en montant pour les dépenses de pré-adhésion, du fait de deux cas d’un montant exceptionnel de 38,5 millions d’euros signalés par la Roumanie). La forte hausse du nombre de cas en matière de ressources naturelles résulte de la communication de 56 cas liés à la même enquête par le Danemark. En matière de politique de cohésion, les irrégularités frauduleuses signalées représentent près de 200 millions d’euros, sur un total de 314,8 millions d’euros pour l’ensemble des catégories de dépenses. En matière de recettes, le nombre de cas de fraude signalés en 2012 (682) ainsi que le montant total constaté (77,6 millions d’euros) est inférieur d’environ 20 % à la moyenne des années 2008-2012.
Les États membres ayant détecté le plus d’irrégularités frauduleuses, en termes de montants, sont l’Italie, la Roumanie et la République tchèque (entre 54 et 119 millions d’euros). Sur les irrégularités frauduleuses déclarées, il convient de souligner qu’il a été établi sur les cinq dernières années que 5 % des cas relèvent de la fraude. Il convient de noter que la France signale très peu d’irrégularités frauduleuses (trois cas pour tous les secteurs de dépenses) et, comme plusieurs États membres déclarant peu de cas de fraude, est invitée à intensifier ses efforts pour détecter la fraude. Un nouveau point de contact national en matière de protection des intérêts financiers de l’Union a été désigné en application du règlement relatif à l’OLAF révisé (no 883/2013 du 11 septembre 2013) (délégation nationale à la lutte contre la fraude). En France, la très grande majorité de la fraude aux intérêts financiers relève d’infractions douanières, pour des montants la plupart du temps inférieurs au seuil au-delà duquel les États membres sont tenus de les déclarer au niveau européen (10 000 euros).
La Commission européenne relève que la moitié des irrégularités frauduleuses ont été détectées par les organismes antifraude ou au cours d’enquêtes pénales ou d’autres contrôles externes. L’autre moitié a été détectée par les systèmes de contrôle administratif prévus dans les règlementations sectorielles. Les contrôles externes occupent donc une place majeure dans la lutte antifraude. La Commission européenne note également que les autorités nationales ont détecté davantage de cas simples d’irrégularités frauduleuses que les années précédentes, relevant de bénéficiaires qui, en dehors du contexte de crise économique, n’auraient peut-être pas commis d’infractions.
En 2012, la Commission européenne a pris 187 décisions d’interruption de paiement (pour 5 milliards d’euros) en matière de politique de cohésion. Des corrections financières de plus de 3,7 milliards d’euros (en relation pour l’essentiel avec la clôture de la programmation 2000-2006) ont été effectuées et des ordres de recouvrement concernant 615 millions d’euros ont été émis.
Dans ses conclusions, la Commission européenne note que les approches des États membres à l’égard de la fraude sont encore très diversifiées. Elle établit un groupe de six pays en tête en termes de capacités de détection (Allemagne, Danemark, Italie, Pologne, Roumanie et République tchèque) en matière de dépenses et un groupe de cinq pays (Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce et Italie) ouvrant la voie en matière de recettes. Elle juge les résultats très hétérogènes en matière de dépenses, estimant que « les pays qui sont des bénéficiaires importants de ressources de l’UE, tels que la Grèce, la France et l’Espagne, présentent une capacité très limitée à détecter la fraude. »
La Commission européenne souligne que les niveaux très divers de sanctions applicables et de délais de prescription constituent un frein majeur à la lutte contre la fraude. C’est la raison pour laquelle elle a présenté une proposition de directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal. La mise en œuvre du parquet européen permettra ensuite de lutter efficacement contre la fraude au budget de l’Union.
Par sa décision du 28 avril 1999 instituant l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), la Commission européenne 1 a créé l’OLAF, qui exerce les compétences de la Commission en matière d’enquêtes administratives externes en vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, ainsi qu’aux fins de la lutte antifraude concernant tout autre fait ou activité d’opérateurs en violation de dispositions communautaires. L’OLAF est également chargé des enquêtes administratives internes destinées à lutter contre la fraude et la corruption et à rechercher les faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et agents des Communautés ou un manquement aux obligations analogues des membres des institutions et organes de l’Union.
Bien qu’ayant un statut d’indépendance pour la fonction d’enquête, l’office fait partie de la Commission européenne et est placé sous la compétence du commissaire en charge de la fiscalité et de l’union douanière, de l’audit et de la lutte antifraude, M. Algirdas Šemeta. L’office est dirigé par M. Giovanni Kessler depuis le 14 février 2011. Le budget de l’office pour 2012 était de 57,4 millions d’euros. Il emploie 435 personnes.
Dans son rapport annuel 2012, l’office indique avoir reçu 1 264 éléments d’information présentant un intérêt potentiel dans le cadre d’enquêtes, soit 21 % de plus qu’en 2011. « Sur 718 dossiers ouverts en 2012, 431 ont été ouverts en tant que dossiers d’enquête et 287 en tant que dossiers dans lesquels l’OLAF joue un rôle de coordination. En outre, pendant l’année, l’OLAF a clôturé 465 dossiers. » La durée moyenne des enquêtes a été écourtée de près de 6 mois et ramenée à 22,6 mois. 100 enquêtes ont été assorties de recommandations. 54 recommandations de poursuites judiciaires ont été adressées aux autorités nationales et il a été recommandé de procéder au recouvrement de 284 millions d’euros (166 millions d’euros au titre des recettes et 118 au titre des dépenses). L’OLAF indique qu’un montant de 94,5 millions d’euros a été recouvré au cours de l’année 2012 à la suite de ses enquêtes. Le rapport souligne également les lacunes actuelles dans la lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l’Union et souligne qu’il convient de corriger les insuffisances des enquêtes et des poursuites judiciaires en cas de fraude, dont l’OLAF estime pâtir dans sa coopération avec les autorités judiciaires nationales.
Dans son rapport annuel du 17 avril 2013, le comité de surveillance de l’OLAF, qui contrôle l’OLAF dans ses fonctions d’enquête et est composé de cinq personnalités extérieures aux institutions européennes, indépendantes et particulièrement qualifiées en matière de lutte contre la fraude, a présenté des critiques importantes sur l’année 2012. Il a analysé le projet de réforme de l’OLAF alors encore en négociation au regard de points problématiques portant sur les mesures d’investigation prises, la nécessité d’un meilleur respect des droits fondamentaux et des garanties procédurales, la notion de suspicions suffisantes, la participation du directeur général aux activités d’enquête, le suivi des plaintes émises par les personnes concernées par les enquêtes et émis des recommandations au directeur général de l’OLAF.
Le règlement OLAF a été dernièrement révisé par le règlement no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes conduites par l’OLAF, qui a consolidé les droits procéduraux et renforcé la gouvernance de l’OLAF. Le texte résulte de longues négociations menées sur plusieurs années. Le Parlement européen a formellement adopté le texte le 3 juillet 2013. Il est entré en vigueur le 1er octobre 2013.
Le parquet européen modifiera profondément le rôle de l’OLAF. Dans sa communication du 17 juillet 20132 relative à l’OLAF et la création du parquet européen, la Commission européenne indique que, pour chaque soupçon de comportement délictueux relevant du parquet européen, l’instruction sera dirigée par le parquet, instance juridictionnelle, ce qui renforcera considérablement les garanties procédurales des personnes concernées. La future création du parquet impliquera de limiter le rôle de l’OLAF aux comportements délictueux pouvant survenir en interne (institutions, organes et organismes de l’Union), l’OLAF ne devant fournir qu’une évaluation préliminaire des allégations qui lui sont communiquées. L’Office ne mènera plus d’enquêtes mais pourra prêter assistance au parquet européen à la demande de celui-ci. Il sera en effet nécessaire d’éviter les chevauchements entre une enquête administrative et une instruction pénale. Votre rapporteure note que l’OLAF dépend de la Commission européenne et ne devrait donc pas pouvoir être associé aux enquêtes du parquet européen indépendant.
Un contrôleur des garanties procédurales serait chargé du contrôle juridictionnel des mesures d’enquête de l’office (respect des garanties procédurales et de la promptitude des enquêtes). Il serait rattaché administrativement à la Commission européenne mais en serait totalement indépendant, tout comme de l’OLAF. Ses conclusions ne seraient pas contraignantes pour le directeur général de l’OLAF. Des garanties procédurales renforcées seraient prévues pour les mesures d’enquête les plus intrusives que l’OLAF est habilité à prendre (perquisitions dans les bureaux par exemple). Pour pouvoir faire de telles perquisitions et photocopier des documents s’agissant d’une enquête visant un membre d’une institution européenne (et non son personnel), l’OLAF devrait obtenir une autorisation quasi juridictionnelle. En l’état actuel des débats, ces propositions demeurent imprécises et il conviendra d’être attentif à leur évolution.
Pour la mise en œuvre du parquet européen, la Commission européenne prévoit une réduction des dépenses de personnel de l’OLAF de 23,4 millions d’euros au total pour la période 2017-2020, correspondant à une réduction progressive des effectifs de l’OLAF. Cette réduction atteindrait, en 2023, 235 personnes, qui seraient transférées au parquet européen. Au cours de la période de mise en route du parquet européen, toute augmentation de ressources en personnel ou en crédits en faveur du parquet européen serait compensée par une diminution équivalente des ressources de l’OLAF en crédits ou en personnel. Le total des crédits pour le parquet européen serait, pour l’année 2020, de 16 millions d’euros, dont 11 millions au titre des dépenses de personnel. Pour la période 2017-2020, le total des crédits pour le parquet européen atteindrait 36,11 millions d’euros, dont 23,47 millions au titre des dépenses de personnel. Un besoin de financement de 7,02 millions d’euros devrait être couvert par des réductions de dépenses dans d’autres agences. Par ailleurs, Eurojust assurerait le soutien administratif du parquet européen. Le coût estimé du parquet européen en 2023 serait de 35 millions d’euros. L’État membre du siège offrirait un bâtiment et la première fourniture de tous les équipements de bureau, informatiques et de sécurité.
Il convient de relever que de tels transferts de personnels vers le parquet européen soulèvent une vraie question quant à l’indépendance réelle du parquet européen. En effet, l’OLAF est placé sous la responsabilité de la Commission européenne, qui est la victime en matière d’atteinte aux intérêts financiers de l’Union, et assurerait le recrutement de la quasi-totalité des collaborateurs du parquet européen, en charge des poursuites en matière d’atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Il conviendra d’être très attentif à cette question.
Par ailleurs, le fait que l’OLAF puisse effectuer des enquêtes sur le parquet européen sur d’éventuelles irrégularités en liaison avec des dépenses financées par le parquet européen n’apparaît pas possible, contrairement à ce que prévoit l’article 66 de la proposition de règlement.
b) La proposition de directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal
La Commission européenne a déposé, le 11 juillet 2012, une proposition de directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal. Le rapprochement des législations européennes en matière de protection des intérêts financiers de l’Union est conçu comme le préalable nécessaire à la mise en œuvre d’un parquet européen.
Les textes encadrant la protection des intérêts financiers de l’Union sont principalement la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, dite « convention PIF » du 26 juillet 1996 (définissant la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union), puis le règlement du 18 décembre 1995 (règlement no 2988/95 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes) et les protocoles du 27 septembre 1996 (relatif à la corruption active et passive) et du 19 juin 1997 (relatif au blanchiment de capitaux liés au produit de la fraude et à la corruption).
La proposition de directive précitée vise à harmoniser les incriminations et les niveaux de peines encourues au sein de l’Union. Les infractions existantes sont incomplètes et les niveaux de sanction sont très disparates au sein de l’Union (s’agissant de la fraude, la Commission européenne a relevé des sanctions allant de l’amende à des peines de prison de douze ans) et souvent très indulgents. En outre, nombre d’affaires souffrent de délais de prescription trop courts et doivent être abandonnées. La directive devra donc permettre le rapprochement des législations en matière de prescription.
Les autorités françaises sont très attachées à la lutte contre la fraude, tout particulièrement en période de crise économique. Elles souhaitent que le texte permette une approche ambitieuse de la question.
La proposition de directive a fait l’objet d’une communication de votre rapporteure devant la Commission des affaires européennes le 4 décembre 2012 et, dans ses conclusions, la Commission des affaires européennes a approuvé les orientations générales de la proposition de directive, estimé cependant indispensable de ne pas fixer des délais de prescription trop longs, qui porteraient atteinte aux droits des justiciables, s’est déclarée favorable, en vertu des principes d’individualisation et de nécessité des peines, à la suppression des seuils minimaux de six mois d’emprisonnement prévus à l’article 8 et a rappelé son attachement à la création d’un parquet européen afin de passer, en matière pénale, d’une logique de coopération à une logique d’intégration.
Les négociations ont avancé au sein du Conseil et une orientation générale du Conseil a été adoptée le 6 juin 2013. Aucune date n’est encore fixée pour un débat en séance au Parlement européen.
À l’heure actuelle, le texte négocié au Conseil :
- ne fait plus état de fourchettes de peines et se limite à prévoir une peine maximale d’emprisonnement qui doit être au moins égale à 4 ans pour les infractions graves (il convient de noter que la définition des infractions graves relèvera des États membres, qui devront notamment apprécier la gravité du préjudice en termes monétaire ou d’atteinte aux intérêts financiers de l’Union) ;
- ne module plus les peines en fonction du préjudice financier causé, ce qui est considéré comme contraire au principe d’individualisation des peines en France, mais dispose toujours que, lorsque le préjudice est inférieur à 10 000 euros, des peines autres que pénales, sauf en matière d’infractions graves, peuvent être instituées par les États membres ;
- prévoit, s’agissant des délais de prescription de la mise en œuvre de l’action publique, que les États mettent en œuvre, pour les infractions graves, des délais longs (au moins cinq ans) ou des délais plus courts dès lors que des systèmes d’interruption ou de suspension des délais existent (la France satisfaisant au second type d’alternative avec des actes interruptifs de prescription bien établis). Pour ce qui concerne l’exécution des peines, la prescription devrait être d’au moins cinq ans après le jugement définitif (pour les peines d’emprisonnement d’au moins un an et pour toutes les peines d’emprisonnement punissant des infractions graves), ce délai de cinq ans pouvant couvrir les extensions de la période de prescription liées à ses interruptions ou suspensions ;
- n’incrimine plus le délit de favoritisme dans le cadre de l’attribution de marchés public ou de subventions de l’Union ;
- précise que les actes ou omissions définis à l’article 3, relatif à la fraude affectant les intérêts financiers de l’Union, doivent être incriminés pénalement lorsqu’ils sont commis intentionnellement.
Les autorités françaises sont satisfaites des compromis trouvés mais soulignent plusieurs regrets sur ce projet de texte qui aurait pu être plus ambitieux (notamment l’exclusion expresse de la fraude à la TVA, même si une clause de rendez-vous pour réexaminer cette question a été fixée au considérant 22, et l’abandon du délit de favoritisme). Par rapport à la convention relative à la protection des intérêts financiers de l’Union et à ses protocoles actuellement en vigueur, il convient de souligner le nouveau seuil de peine maximale encourue pour les infractions graves, l’incrimination de détournement, la définition de circonstances aggravantes et l’encadrement des délais de prescription. Sur ce dernier point cependant, la proposition de directive demeure éloignée d’une réelle harmonisation, ce qui ne sera pas sans conséquences sur le projet de parquet européen.
En application de l’article 4 de la proposition de règlement, le parquet européen aurait pour mission de combattre les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Il serait compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices de ces infractions pénales. À cet égard, le parquet européen dirigerait et surveillerait les enquêtes, et effectuerait des actes de poursuite, y compris le classement sans suite de l’affaire.
Il exercerait devant les juridictions compétentes des États membres l’action publique relative aux infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, y compris le dépôt de l’acte d’accusation et la formation de tous recours jusqu’à ce que l’affaire ait été définitivement jugée.
Les infractions pénales portant atteintes aux intérêts financiers de l’Union seraient celles définies dans la proposition de directive relative à la protection des intérêts financiers de l’Union en cours de négociation.
Dès 2003, dans sa résolution du 22 mai 2003 (texte adopté no 139), reproduite dans l’encadré ci-après, l’Assemblée nationale avait rappelé la nécessité de l’institution d’un parquet européen compétent en matière de criminalité grave transnationale (point 3).
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu le Livre vert de la Commission européenne sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d’un procureur européen (COM [2001] 715 final/no E 1912),
Considérant que le développement des formes graves de criminalité transnationale, telles que le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la traite des êtres humains, portent autant atteinte à la crédibilité de l’Union européenne que la fraude aux intérêts communautaires ;
Considérant que l’intégration prochaine de dix nouveaux États membres dans l’Union européenne rend urgents un renforcement de coopération policière et judiciaire entre les membres de l’Union et l’élaboration d’une réponse pénale adaptée à la criminalité transnationale ;
Considérant que l’instauration d’un parquet européen doté de pouvoirs de déclenchement des poursuites, de direction de celles-ci et d’évocation des affaires constitue une réponse pertinente à la montée de cette criminalité ;
Considérant que ce parquet européen doit, dans un souci de pragmatisme et d’efficacité, être mis en place à partir d’une structure existante, Eurojust, afin notamment de tenir compte de l’expérience acquise au sein de cette structure et d’éviter des difficultés de coordination que pourrait susciter la création d’un nouvel organisme ;
1. Demande que le projet de traité constitutionnel qui sera adopté par la Convention sur l’avenir de l’Europe en vue de la prochaine conférence intergouvernementale prévoie la création d’un parquet européen, à partir de la transformation par étapes d’Eurojust.
2. Recommande que cette transformation par étapes d’Eurojust soit décidée par le Conseil à la majorité qualifiée, cette procédure étant la seule à même de garantir la mise en place effective d’un parquet européen.
3. Considère que les compétences de ce parquet européen devraient être strictement définies et limitées aux faits graves de criminalité transnationale, conformément au principe de subsidiarité.
4. Souhaite que les priorités d’action publique au niveau communautaire soient dès à présent définies par le Conseil des ministres de l’Union européenne, afin de donner des orientations à l’action d’Europol et d’Eurojust.
5. Considère que le renforcement de la lutte contre la criminalité transnationale nécessite également la pleine application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, le rapprochement des règles en matière de preuve ainsi qu’une harmonisation des incriminations.
Dans sa résolution du 14 août 2011 (texte adopté no 726), l’Assemblée nationale avait également souhaité la création d’un parquet européen compétent, dès l’origine, en matière de criminalité grave transnationale (point 4).
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 3 du traité sur l’Union européenne,
Vu les articles 82 à 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 26 mai 2011, sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne par le droit pénal et les enquêtes administratives (COM [2011] 293 final),
1. Juge que la lutte contre la criminalité grave transnationale appelle une réponse forte et commune de l’Union européenne qui permette de pallier les insuffisances de la coopération judiciaire pénale et le morcellement de l’espace judiciaire européen ;
2. Rappelle qu’en application de l’article 67 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres ;
3. Soutient la création d’un parquet européen, conformément aux dispositions de l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
4. Souhaite la création d’un parquet européen compétent, dès l’origine, en matière de lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière, en application du 4 de l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
5. Estime que le parquet européen devrait être de forme collégiale, comprenant en son sein un président, et devrait s’appuyer sur des délégués nationaux dans chaque État membre ;
6. Rappelle que le parquet européen serait compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer ensuite en jugement devant les juridictions nationales compétentes les auteurs et complices d'infractions relevant de son domaine de compétence, les actes de procédure qu’il serait amené à arrêter devant être soumis à un contrôle juridictionnel étendu, et souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les modalités de contrôle de ses actes au niveau européen afin d’assurer à la fois l’efficacité des procédures et du contrôle et la garantie uniforme des droits des justiciables ;
7. Recommande que des règles minimales sur l'admissibilité mutuelle des preuves entre les États membres soient rapidement adoptées et qu’une harmonisation minimale des législations pénales en matière d’incriminations et de sanctions soit dès à présent mise en œuvre.
La Commission européenne s’en est tenue à la protection des intérêts financiers de l’Union. L’unanimité au Conseil apparaît d’ores et déjà impossible à atteindre s’agissant de l’institution d’un parquet européen aux compétences limitées à la protection des intérêts financiers de l’Union.
Le passage à la criminalité grave transnationale implique l’unanimité au Conseil européen, l’approbation du Parlement européen et une modification du traité. Bien que l’unanimité apparaisse inatteignable en l’état actuel des négociations, il convient de rappeler dans la résolution la volonté de progresser rapidement vers l’objectif premier du parquet européen qui doit être la lutte contre la criminalité organisée transnationale au niveau européen. Le cœur de l’activité d’un parquet européen doit en effet être de lutter contre la criminalité grave transnationale face à laquelle les citoyens européens attendent des réponses concrètes de l’Europe. La traite des êtres humains, le trafic de drogue ou le terrorisme constituent de réelles préoccupations pour les citoyens les réponses européennes sont encore insuffisantes.
La coopération judiciaire pénale dans l’Union est fondée (article 82 TFUE) sur la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires. Dans la mesure où cela est nécessaire à la reconnaissance mutuelle ainsi qu’à la coopération judiciaire et policière dans les affaires transnationales, le Parlement européen et le Conseil peuvent établir des règles minimales qui tiennent compte des différentes traditions et systèmes juridiques des États membres (règles portant sur l’admissibilité des preuves, les droits des personnes, les droits des victimes et d’autres éléments définis à l’unanimité au Conseil). Dans les domaines de criminalité particulièrement grave de dimension transfrontière (article 83 TFUE), le Parlement européen et le Conseil peuvent établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions.
Malgré les avancées réalisées, la coopération judiciaire pénale demeure complexe pour les affaires transfrontières et la mise en œuvre du parquet européen permettrait de réaliser un saut majeur. Seul un parquet européen serait en mesure de lutter à armes égales contre les réseaux transnationaux qui organisent les trafics à l’échelle européenne. En outre, les réseaux sont le plus souvent diversifiés et ne se limitent pas à une activité illégale. La lutte en matière de fraude aux intérêts financiers de l’Union devra donc déboucher sur la lutte contre la criminalité grave transnationale.
C’est pourquoi la proposition de résolution européenne rappelle en son point 4 que l’Assemblée nationale souhaite que la compétence du parquet européen soit étendue à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière. Cet objectif ne doit pas être perdu de vue, quelles que soient les difficultés d’édification.
Le parquet européen aurait la compétence exclusive pour déclencher des enquêtes et des poursuites (article 14) relatives à une infraction pénale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, telle que la définira le règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l’Union précité (article 12), ou relatives à une infraction pénale inextricablement liée (article 13).
Le parquet européen serait compétent pour les infractions connexes lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice qu’elles fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites conjointes, à la double condition que les infractions visées à l’article 12 soient prépondérantes et que les autres infractions pénales reposent sur des faits identiques. Les autorités nationales et le parquet européen devraient se consulter sur les questions de compétence accessoire. Eurojust pourrait être associé aux échanges. En cas de désaccord (le texte ne prévoit pas les modalités d’établissement du désaccord), l’autorité nationale compétente pour statuer sur la répartition des compétences concernant les poursuites à l’échelle nationale se prononcerait sur la compétence accessoire. La détermination de la compétence ne serait ensuite pas susceptible de recours.
Il convient de souligner que la compétence du parquet européen s’agissant des infractions pénales inextricablement liées aux infractions relatives aux intérêts financiers de l’Union (compétence accessoire) ne va pas de soi car elle n’apparaît pas en tant que telle dans l’article 86 TFUE. Or, en application du principe d’attribution de l’article 5 TUE, toute compétence non attribuée à l’Union par les traités appartient aux États membres.
La compétence du parquet serait à la fois territoriale (l’infraction aurait été commise en tout ou en partie sur le territoire d’un ou de plusieurs États membres) et personnelle (elle aurait été commise par un ressortissant de l’Union, ou par des agents de l’Union ou des membres des institutions).
La compétence exclusive du parquet européen soulève des interrogations. Les autorités françaises défendent l’idée d’une compétence partagée qui soulèverait moins de difficultés s’agissant des infractions connexes et qui permettrait aux actes urgents ou conservatoires d’être pris par les autorités nationales dans le cadre d’une compétence pleine et entière. Par ailleurs, une compétence exclusive risquerait d’amener le parquet européen à traiter une très grande majorité d’affaires mineures qui ne devraient pas relever de sa compétence. Toutefois, afin de garantir l’efficacité du parquet européen, les autorités nationales devraient avoir l’obligation de l’informer de toute infraction pouvant relever de sa compétence et celui-ci aurait la faculté de se saisir des affaires, dans le cadre d’un droit général d’évocation. Tel est l’objet du point 5 de la résolution.
§ LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE, AVEC UN PROCUREUR EUROPÉEN DOTÉ DE POUVOIRS EXCESSIFS, A DRESSÉ CONTRE ELLE LA PLUPART DES ETATS MEMBRES
La principale difficulté relevée dans la proposition de la Commission européenne réside dans la figure du procureur européen tel qu’elle le propose.
En effet, dans le projet de la Commission européenne, le parquet européen est composé d’un procureur européen, de quatre procureurs adjoints et des procureurs européens délégués dans les États membres.
Le parquet européen serait un organe de l’Union doté d’une structure décentralisée. Il disposerait de la personnalité juridique.
Le procureur européen dirigerait le parquet européen et en superviserait les travaux. Les enquêtes et poursuites seraient menées par les procureurs européens délégués sous la direction et la surveillance du procureur européen et celui-ci pourrait mener lui-même l’enquête si cela apparaissait nécessaire pour l’efficacité de l’enquête ou des poursuites (article 18, paragraphe 5). En cas de conflit d’attributions entre celles relevant du parquet européen et celles relevant des attributions nationales des procureurs délégués, les procureurs européens délégués en informeraient le procureur européen qui, après consultation des autorités nationales, pourrait enjoindre à celles-ci, dans l’intérêt des enquêtes et des poursuites menées par le parquet européen, de donner la priorité aux fonctions dévolues par le parquet européen.
Le procureur européen serait nommé par le Conseil de l’Union (article 8), statuant à la majorité simple, avec approbation du Parlement européen pour un mandat de huit ans non renouvelable. La sélection serait effectuée à partir d’un appel à candidatures ouvert, la Commission européenne établissant ensuite une liste restreinte de candidats soumise au Conseil et au Parlement européen, après consultation pour avis simple d’un comité qu’elle aurait institué et qui serait composé de sept personnalités éminentes, dont l’une est proposée par le Parlement européen. Le président d’Eurojust serait observateur au sein du comité.
S’il ne remplissait plus les conditions nécessaires à l’exercice de ses fonctions ou s’il commettait une faute grave, le procureur européen pourrait être révoqué par la Cour de justice de l’Union européenne à la demande du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission européenne.
Les procureurs adjoints seconderaient le procureur européen dans toutes ses fonctions et le suppléeraient en cas d’absence ou d’empêchement et l’un des procureurs adjoints serait chargé de l’exécution du budget. Ils seraient nommés pour un mandat de huit ans non renouvelable par le Conseil statuant à la majorité simple après approbation du Parlement européen. La Commission européenne présenterait, en accord avec le procureur européen, une liste retreinte de candidats reflétant l’équilibre géographique et démographique de l’Union. Ils pourraient être révoqués par la CJUE sur initiative du procureur européen.
Chaque État membre compterait au moins un procureur européen délégué, ce qui parait permettre que les États membres aient plusieurs procureurs délégués, mais il n’est pas clairement défini à qui reviendrait le choix du nombre, ni en fonction de quels critères ce choix devrait être établi. Il semble notamment que les États fédéraux puissent avoir besoin de plusieurs procureurs délégués mais une telle hypothèse soulève de vraies difficultés d’inégalité de traitement entre États membres.
Les pouvoirs du procureur européen à l’égard des procureurs délégués seraient très étendus, allant du pouvoir de nomination et de révocation à un droit de regard poussé sur leurs fonctions nationales. Ces éléments ont été jugés disproportionnés par de nombreux États membres. L’atteinte à la souveraineté nationale apparait excessive.
Les procureurs européens délégués agiraient sous l’autorité exclusive du procureur européen et suivraient ses seules instructions, orientations et décisions lorsqu’ils mènent des enquêtes et des poursuites dans les affaires qui leur ont été confiées. Ils seraient totalement indépendants des organes nationaux de poursuite et n’auraient aucune obligation à leur égard. Les procureurs européens délégués pourraient également exercer leurs fonctions en qualité de procureurs nationaux.
Ils seraient nommés par le procureur européen à partir d’une liste de trois candidats soumise par l’État membre concerné, pour un mandat de cinq ans, renouvelable. Les procureurs européens délégués devraient réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles et possèderaient une expérience pertinente en qualité de procureur. Ils offriraient toutes garanties d’indépendance. Les États membres nommeraient le procureur européen délégué à la fonction de procureur de droit interne, s’il n’avait pas déjà ce statut.
Les procureurs européens délégués pourraient être révoqués par le procureur européen s’ils ne remplissaient plus les conditions ou les critères applicables à l’exercice de leurs fonctions, ou encore s’ils commettaient une faute grave. Les conditions de révocation seraient relativement imprécises. En outre, les procureurs européens délégués ne pourraient pas être révoqués en tant que procureurs nationaux par les autorités nationales sans le consentement du procureur européen.
Le procureur européen, ses adjoints et les procureurs délégués seraient soumis au statut des fonctionnaires de l’Union et au protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (article 54), ce qui n’est pas souhaitable.
Enfin, en application de l’article 7 de la proposition de règlement, le règlement intérieur du parquet serait adopté par une décision du procureur européen, de ses adjoints et de cinq procureurs européens délégués choisis, selon un système de rotation, par le procureur européen et reflétant l’équilibre démographique et géographique de l’Union, ce qui n’est pas acceptable.
Les choix opérés par la Commission européenne, avec notamment une mise en ligne hiérarchique très stricte entre le procureur européen et les procureurs délégués, une compétence exclusive du parquet européen, l’absence de collégialité alors même que le traité prévoit l’institution d’un parquet européen institué « à partir d’Eurojust », organe collégial de coopération et d’essence intergouvernementale ainsi que le pouvoir d’injonction du procureur européen vis-à-vis des services répressifs nationaux ont suscité l’opposition de la très grande majorité des États membres. Les atteintes à la souveraineté nationale apparaissent très fortes et des réserves constitutionnelles majeures ont été émises.
• Les autorités françaises soutiennent le principe de la création du parquet européen mais sont très réservées sur les modalités retenues
Les autorités françaises n’ont pas soutenu la proposition de la Commission européenne et ont rappelé que l’article 86 TFUE dispose qu’un parquet européen (et non un procureur européen) peut être institué à partir d’Eurojust, organe collégial. Le choix d’une structure collégiale serait donc à la fois nécessaire au plein respect du traité et de façon à ce que le parquet soit accepté au mieux au sein des États membres, et donc plus efficace.
Dans sa résolution de 2011, l’Assemblée nationale avait estimé que le parquet européen devrait être de forme collégiale, comprenant en son sein un Président et devrait s’appuyer sur des délégués nationaux dans les États membres.
Dans les débats engagés au Conseil, la France et l’Allemagne ont dès le départ proposé l’idée d’un parquet européen de forme collégiale, composé de membres nationaux et divisé en formations restreintes ou chambres qui effectueraient le travail quotidien.
Les enquêtes seraient menées sous la direction du membre national mais en majeure partie par les correspondants nationaux et l’intervention directe des membres nationaux du collège serait l’exception. Pour les affaires concernant plusieurs États membres, seraient représentés au sein de la chambre les États membres en question. Lorsqu’un seul État membre est concerné, il pourrait être supervisé par le collège.
Le consensus devrait être la règle mais, pour des motifs d’efficacité, la prise de décision à la majorité devrait être possible, aussi bien au sein des chambres restreintes qu’au sein du collège.
Le rôle d’un président ou d’un chef du parquet européen, qui serait élu en son sein, reste à déterminer. Son rôle ne devrait pas être uniquement symbolique et des pouvoirs d’arbitrage devraient lui être assurés. Dans les derniers débats menés au niveau du Conseil entre les États membres souhaitant promouvoir un système collégial, au premier rang desquels la France, le parquet européen serait composé des membres nationaux de chaque État membre (un par État), ayant un mandat long, élisant en leur sein un chef, et de procureurs européens délégués effectuant le travail quotidien.
La proposition de résolution européenne propose, en son point 7, de soutenir un parquet européen institué sous une forme collégiale, composée de membres nationaux ancrés dans leurs systèmes judiciaires respectifs et élisant en leur sein un président. Le point 8 rappelle que cette structure conférerait une plus grande légitimité au parquet européen, faciliterait son acceptation et la prise en compte de la diversité des traditions juridiques des États membres et renforcerait ainsi son efficacité. Le point 9 indique que le collège pourrait être divisé en formations restreintes ou chambres, regroupant les membres nationaux des États membres concernés par un dossier, et chargées de prendre les décisions opérationnelles courantes, seules les décisions les plus importantes étant renvoyées au collège, afin d’assurer la réactivité nécessaire à la conduite des enquêtes.
Les membres nationaux du parquet européen devraient offrir toutes les garanties d’indépendance et réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles. La proposition de résolution prévoit en son point 10 qu’une procédure de nomination et une procédure de révocation calquées sur celles applicables aux juges de la CJUE et du Tribunal en application des articles 253 à 255 TFUE et du Statut de la Cour de justice de l’Union européenne soient mises en œuvre.
Les procédures de nomination et de révocation proposées par la Commission européenne doivent être écartées.
Pour des raisons d’indépendance et de séparation des pouvoirs, les juges de la Cour de justice ou du Tribunal ne sont pas auditionnés préalablement à leur entrée en fonction. La procédure de nomination impose un commun accord des États membres après avis d’un comité composé de de sept personnalités choisies parmi d'anciens membres de la Cour de justice et du Tribunal, des membres des juridictions nationales suprêmes et des juristes possédant des compétences notoires, dont l'un est proposé par le Parlement européen. La publication des avis du comité est possible si le Conseil s’écarte de ses préconisations.
La question de la révocation des membres nationaux du parquet européen devrait également être tranchée. Les membres de la Cour, du Tribunal ou d’une juridiction spécialisée ne peuvent, en application de l’article 6 du statut de la CJUE, être relevés de leurs fonctions que si, au jugement unanime des juges et des avocats généraux de la Cour de justice, ils ont cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de leur charge. L'intéressé ne participe pas à ces délibérations. Ainsi, les autres institutions de l’Union n’interviennent pas, pour les mêmes raisons d’indépendance et de séparation des pouvoirs. S’agissant des membres nationaux du parquet, qui devront rendre des comptes tout en étant indépendants, la juste procédure de révocation demeure à trouver.
Selon la position des autorités françaises, le statut des membres nationaux du parquet relèverait des États membres. Leur éventuelle révocation pourrait relever des États membres.
Le statut des membres du parquet européen ne pourrait être celui des fonctionnaires européens (point 10 de la proposition de résolution européenne), ni celui des magistrats des juridictions européennes au nom du principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement. Ils devraient vraisemblablement bénéficier d’un statut sui generis comme le soulignait l’étude du Conseil d’État3, qui leur permettrait de conserver leur qualité de magistrat ou d’autorité assimilée dans l’ordre national, détaché auprès du parquet européen et indépendant, tant vis-à-vis des institutions européennes que des États membres.
La question de la conformité à la Constitution de la proposition de règlement doit être posée. La loi constitutionnelle no 2008-103 du 4 février2008 modifiant le titre XV de la Constitution a modifié l’article 88-1 de la Constitution, suite à la décision de Conseil constitutionnel no 2007-560 DC du 20 décembre 2007 relative au traité de Lisbonne. L’article 88-1 révisé dispose que :
« La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. »
Dans son étude sur le parquet européen4, le Conseil d’État avait conclu : « Il semble toutefois raisonnable d’estimer que les conséquences inhérentes à l’institution effective du parquet européen, pour ce qui est de l’atteinte excessive à la souveraineté nationale, ont été nécessairement acceptées par la loi constitutionnelle du 4 février 2008, toutes les virtualités comprises dans l’article 86 TFUE étant purgées de leurs éventuels vices d’inconstitutionnalité ». Cette analyse ne vaut cependant qu’en l’absence de modification de l’article 86 TFUE et que si l’ensemble des règlements d’application respectent l’ensemble des principes constitutionnels.
En l’état actuel du texte proposé par la Commission européenne, le respect, tant du traité de Lisbonne que des principes constitutionnels n’est pas assuré.
La proposition de résolution propose, en son point 16, que le gouvernement saisisse le Conseil d’État d’une demande d’avis sur la proposition de règlement, lorsque son contenu sera suffisamment stabilisé, afin que celui-ci indique si des éléments lui paraissent contraires à des principes ou règles de valeur constitutionnelle. Si des dispositions contraires à la Constitution étaient relevées, le pouvoir constituant ne se trouverait pas mis devant le fait accompli de la nécessité d’une révision constitutionnelle.
Le Danemark et le Royaume-Uni ne participeront pas au parquet européen en application de leur opt-out. L’Irlande n’a pas encore clairement pris position mais ne devrait sans doute pas y participer non plus. Un groupe d’États a clairement pris position en faveur d’un parquet européen de nature collégiale et diffusé des propositions en ce sens (France, Chypre, Malte, Pologne, Finlande et Slovénie). L’Allemagne et l’Espagne devraient aussi rejoindre une position proche.
La Roumanie, l’Estonie, la Bulgarie et, dans une moindre mesure, l’Italie soutiennent la proposition déposée par la Commission européenne.
La Belgique est également nettement favorable à une structure collégiale mais estime possible de partir de la proposition de la Commission européenne pour négocier.
En application du protocole no 2 au traité de Lisbonne sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, quatorze chambres5 (sur les quarante-et-une des vingt-huit États membres de l’Union) ont émis un avis motivé contestant le respect du principe de subsidiarité par la proposition de règlement.
L’article 5 du traité sur l’Union européenne définit le principe de subsidiarité : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union. »
L’article 6 du protocole dispose : « Tout parlement national ou toute chambre de l'un de ces parlements peut, dans un délai de huit semaines à compter de la date de transmission d'un projet d'acte législatif dans les langues officielles de l'Union, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité ».
Dans le cas où les avis motivés sur le non-respect par un projet d'acte législatif du principe de subsidiarité représentent au moins un tiers de l'ensemble des voix attribuées aux parlements nationaux (deux voix par parlement national, une voix par chambre pour les parlements bicaméraux), le projet doit être réexaminé par la Commission européenne. Ce seuil est ramené à un quart (14 voix) lorsqu'il s'agit d'un projet d'acte législatif relatif à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, comme c’est le cas pour le parquet européen.
Le seuil d’un quart des voix a bien été atteint, avec un total de 19 voix. Dans sa communication du 27 novembre 2013 (COM(2013) 851) relative au réexamen de la proposition de règlement instituant le parquet européen, la Commission européenne souligne que la chambre maltaise et le Sénat français, tout en soutenant le principe de l’institution d’un parquet européen, ont remis en cause les principales modalités proposées.
Elle rappelle que nombre d’éléments avancés par les parlements nationaux sont liés au respect du principe de proportionnalité, la proposition de la Commission européenne étant jugée comme allant trop loin et au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs (Suède, Pays-Bas, Slovénie), comme portant atteinte à la Constitution nationale et à la charte des droits fondamentaux de l’Union (Sénat tchèque, Royaume-Uni) et comme permettant des mesures d’enquête qui ne sont pas prévues par tous les États membres (Chypre).
En matière de subsidiarité, plusieurs chambres ont estimé que les justifications du respect du principe de subsidiarité par la Commission européenne étaient insuffisantes, que les enquêtes et poursuites au niveau national étaient suffisantes et que les dispositifs de coopération judiciaires existants au niveau européen l’étaient également. Plusieurs parlements nationaux ont relevé que la Commission européenne aurait dû attendre l’adoption de la directive relative à la protection des intérêts financiers également en cours de négociation. Les autres mesures de prévention de la fraude au budget de l’Union n’ont pas été examinées avec suffisamment d’attention par la Commission européenne. Par ailleurs, certains parlements ont relevé que l’action de l’Union devrait se concentrer sur les États membres dans lesquels des faiblesses en la matière apparaissent. La valeur ajoutée du parquet européen n’a pas été démontrée par la Commission européenne, qui se serait montrée trop optimiste sur les résultats attendus.
Plusieurs chambres nationales, dont le Sénat français, se sont opposées à la structure centralisée proposée avec une autorité hiérarchique forte et ont soutenu le principe d’une structure collégiale. Cette question relève davantage, pour la Commission européenne, du principe de proportionnalité (article 5 TUE : « En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités »). Le fait que le parquet européen soit, dans la proposition de la Commission européenne, compétent pour toutes les fraudes, et non seulement les fraudes transnationales, et qu’il dispose d’une compétence exclusive et d’une compétence accessoire a été remis en cause.
L’Assemblée nationale a jugé la proposition conforme au principe de subsidiarité, en application de l’article 5 du traité sur l’Union européenne, les objectifs de l’action envisagée ne pouvant pas être atteints de manière suffisante par les États membres.
Toutefois, si l’Assemblée nationale n’a pas émis de réserve sur le respect du principe de subsidiarité, la proposition de résolution porte des observations critiques sur la structure retenue, les compétences du procureur européen ou les modalités de contrôle juridictionnel. Mais c’est bien la proportionnalité et le choix de certaines mesures proposées qui devraient être remis en cause, et non le respect du principe de subsidiarité. Il convient également de rappeler que, dans sa résolution du 14 août 2011, l’Assemblée nationale avait déjà pris des positions claires sur la structure et les compétences du parquet européen, ainsi que sur la réflexion nécessaire sur les modalités de contrôle juridictionnel, avant même qu’une proposition de règlement ne soit déposée par la Commission européenne.
Dans leur communiqué de presse du 31 octobre 2013 et dans un courrier adressé à la vice-présidente de la Commission européenne en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté européenne, Mme Viviane Reding, M. Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois, Mme Danielle Auroi, présidente de la Commission des Affaires européennes, votre rapporteure et M. Guy Geoffroy, rapporteurs de la Commission des lois et de la Commission des affaires européennes sur le projet de parquet européen, ont réaffirmé leur soutien au projet de parquet européen et souhaité que ce « carton jaune » ne signe pas l’arrêt des négociations. Ce communiqué est reproduit dans l’encadré suivant.
Parquet européen : un projet à poursuivre
Nous souhaitons réaffirmer notre soutien à la création d'un parquet européen, au moment où treize chambres, sur quarante-et-une, ont adopté un avis motivé contestant, au nom du principe de subsidiarité, la proposition de règlement de la Commission européenne du 17 juillet 2013, portant création du parquet européen, ce qui conduit au réexamen de ce projet par la Commission.
L’Assemblée nationale suit avec un intérêt particulier la mise en place du projet de parquet européen, indispensable pour lutter contre la criminalité internationale pour laquelle les frontières nationales ne sont pas un obstacle, et pour renforcer la lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l'Union européenne. Une action de l’Union dans ce domaine serait plus efficace que l’action dispersée des États membres, ce qui rend le projet pleinement conforme au principe de subsidiarité.
Nous regretterions vivement que la Commission européenne soit conduite à renoncer à la création tant attendue du parquet européen, alors que la lutte contre la criminalité internationale doit être renforcée. Nous nous déclarons prêts à continuer d'échanger avec elle pour améliorer le contenu de sa proposition. Nous l'invitons, dans le cadre de son réexamen du projet de règlement, à le modifier dans un sens susceptible de recueillir le soutien du nombre le plus élevé d’États membres, notamment en ce qui concerne la structure et la compétence du parquet européen.
Maintenant son argumentation reposant sur les suites relativement décevantes données aux affaires transmises par l’OLAF aux juridictions des États membres, sur l’impossibilité pour les organismes existants d’être aussi efficaces que le parquet européen (OLAF, Eurojust, Europol) et sur l’insuffisance des seules mesures de prévention de la fraude, la Commission européenne a conclu au maintien de sa proposition initiale. Il n’est pas certain que le maintien de la proposition, compte tenu des critiques fortes déjà émises, notamment sur la structure du parquet et ses compétences, soit la meilleure stratégie pour faire aboutir le projet. De l’avis de votre rapporteure, une modification de la proposition afin de tenir compte de l’avancée des débats eût été nettement préférable. La Commission européenne doit pleinement prendre en compte les avis émis et chercher à recueillir le soutien du nombre le plus élevé d’États membres.
Toutes les autorités nationales et les institutions et organes de l’Union auraient un devoir d’informer le parquet européen de tout comportement susceptible de constituer une infraction relevant de sa compétence. Le parquet pourrait également recevoir des informations de toute personne. Les informations feraient l’objet d’un enregistrement et d’une vérification. S’il était décidé de ne pas déclencher d’enquête, l’affaire serait classée sans suite.
Le procureur européen ou les procureurs délégués devraient déclencher une enquête « s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction relevant de la compétence du parquet européen est ou a été commise » (article 16).
Dans la formule collégiale défendue par les autorités françaises, le choix d’ouvrir une enquête relèverait de la chambre du collège restreinte aux membres nationaux directement concernés par l’affaire.
Lorsqu’une action immédiate s’impose en ce qui concerne une infraction relevant de la compétence du parquet européen, les autorités nationales devraient prendre toutes les mesures urgentes nécessaires pour assurer l’efficacité de l’enquête et des poursuites. Il appartiendrait au Parquet européen de confirmer, si possible dans un délai de 48 heures à compter du déclenchement de son enquête, les mesures prises par les autorités nationales (article 17).
A tout stade de l’enquête, en cas de doutes quant à la compétence du parquet européen, ce dernier pourrait consulter les autorités nationales en charge des poursuites pour déterminer l’autorité compétente.
Une affaire suivie par le parquet européen pourrait, le cas échéant, être renvoyée aux autorités judiciaires et répressives nationales sans délai. Les autorités nationales pourraient également être amenées à renvoyer une affaire au parquet européen.
Le procureur européen délégué désigné par le procureur européen (ou le procureur européen s’il a décidé de conduire lui-même l’enquête en fonction de la gravité de l’infraction, du statut du contrevenant présumé ou de la dimension transfrontière particulière de l’enquête, en application de l’article 18) mènerait l’enquête et pourrait soit procéder aux mesures d’enquête, soit donner instruction aux autorités compétentes de l’État membre. Dans les affaires transfrontières, le procureur européen pourrait associer plusieurs procureurs délégués.
Après l’enregistrement d’une affaire, le parquet européen pourrait obtenir toutes les informations pertinentes stockées dans les bases de données nationales sur les enquêtes pénales et dans celles tenues par les services répressifs (article 20). Il obtiendrait toute information pertinente, à sa demande, de la part d’Europol et d’Eurojust.
La proposition de règlement met en œuvre un système de gestion des dossiers, des fichiers de travail temporaires et d’un index.
Aux fins de l’enquête, le territoire des États membres serait considéré comme un espace juridique unique. L’article 26 dresse la liste des mesures d’enquête que le parquet pourrait être habilité à demander ou ordonner.
Les mesures listées ne pourraient être ordonnées sans motif raisonnable ni si des moyens moins intrusifs permettent d’atteindre le même objectif. Il n’apparaît pas clairement si ce principe de proportionnalité pourra faire l’objet d’un contentieux. Les autorités françaises relèvent en outre que, parmi les mesures citées, certaines ne peuvent par exemple être ordonnées en France que dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée. La proposition de règlement dispose que ces mesures sont soumises aux dispositions du droit interne et à celles du règlement. Il n’est pas certain que cela règle la question de la disponibilité des mesures en droit interne. Une autorisation préalable de l’autorité judiciaire compétente serait nécessaire pour certaines mesures (points a) à j) du 1 de l’article 26 : perquisition, production de documents ou données, scellé et gel de données, gel des instruments et des produits du crime, interception de communications, surveillance de communications en temps réel, surveillance de transactions financières, gel de transactions). Le parquet peut en France, en l’état actuel du droit, procéder à des mesures des points a) à j) sans autorisation juridictionnelle (perquisition en flagrance, pose de scellés).
Pour les autres mesures (points k) à u)), une autorisation serait nécessaire si elle est prévue par le droit interne). L’autorisation devrait intervenir dans un délai de 48 heures.
Le parquet européen pourrait demander à l’autorité judiciaire d’arrêter un suspect ou de le placer en détention provisoire conformément au droit interne (7 de l’article 26). Le contrôle juridictionnel de la mesure serait celui applicable en droit interne.
La question devra être examinée de savoir si le contrôle juridictionnel sera source d’inégalités entre les citoyens européens si l’autorisation des actes d’enquête est confiée aux seuls juges nationaux. En effet, un contrôle juridictionnel des actes d’enquête par une juridiction spécialisée de l’Union européenne instituée en application de l’article 257 TFUE, quoique complexe, pourrait également être envisagé. Cependant, l’article 66 de la Constitution, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel, implique que les actes d’enquête portant atteinte à la liberté individuelle soient soumis à l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire. Par ailleurs, les contraintes de l’enquête pénale, qui doit permettre de pouvoir obtenir des autorisations dans des délais très brefs, de jour comme de nuit, pourraient ne pas être compatibles avec le contrôle d’une juridiction européenne. Retenir la compétence des juridictions nationales peut apparaître préférable, comme le soulignaient les rapporteurs dans leur rapport en 20116.
En application de l’article 27, le procureur européen et les procureurs européens délégués seraient investis des mêmes pouvoirs que les procureurs nationaux dans le domaine des poursuites et de la mise en état des affaires, notamment du pouvoir de présenter des démonstrations de culpabilité, de prendre part à l’obtention des moyens de preuve et d’exercer les voies de recours existantes.
S’il n’ordonnait pas le classement sans suite de l’affaire en vertu de l’article 28, le procureur européen enjoindrait au procureur européen délégué de porter l’affaire devant la juridiction nationale compétente avec un acte d’accusation, ou de la lui renvoyer pour complément d’enquête. Le procureur européen pourrait également porter lui-même l’affaire devant la juridiction nationale compétente.
Il appartiendrait au procureur européen, en étroite collaboration avec le procureur délégué qui présente l’affaire, de choisir la juridiction nationale compétente en fonction des critères suivants :
- le lieu où l’infraction ou, en cas de pluralité d’infractions, la majorité des infractions, a été commise ;
- le lieu où la personne poursuivie a sa résidence habituelle ;
- le lieu où se trouvent les éléments de preuve ;
- le lieu où les victimes directes ont leur résidence habituelle.
Il convient de relever que la possibilité de disjoindre l’affaire en plusieurs pans n’est pas prévue, ce qui constitue probablement une lacune.
Il convient de relever que la proposition de directive ne formalise pas la décision de poursuivre ni celle de renvoyer devant une juridiction nationale. Elle ne précise pas que ces décisions devraient être motivées et notifiées aux personnes intéressées, alors que ceci constitue une garantie essentielle des droits fondamentaux. L’article 29 précise seulement que « si nécessaire aux fins de recouvrement, de suivi administratif ou de contrôle, le procureur européen notifie l’acte d’accusation aux autorités nationales compétentes et aux personnes intéressées ».
Il est certain que le choix de la juridiction de jugement constituera un point de friction récurrent dans les affaires complexes, hormis les cas dans lesquels ce choix s’imposera de lui-même en considération des critères énoncés. À cet égard, une possibilité de recours des justiciables devrait être prévue au niveau européen afin d’éviter toute atteinte à l’égalité entre les justiciables. En effet, la question se pose de savoir si le parquet aura tendance à privilégier les juridictions devant lesquelles les procédures ont le plus de chances d’aboutir ou celles des États membres dans lesquels les durées de prescription sont les plus longues, ou si l’éloignement géographique de la juridiction de renvoi emportera des conséquences considérables pour le justiciable.
À cet égard, le manque évident d’harmonisation de la proposition de directive relative à la protection des intérêts financiers de l’Union (COM(2013) 363) est problématique, comme il a été indiqué ci-avant. Le risque de « forum shopping » n’est pas écarté.
Dans la vision collégiale du parquet défendue par les autorités françaises, le choix d’engager des poursuites ou non, et le choix de la juridiction de renvoi relèverait de la chambre réunissant les membres nationaux directement concernés par l’affaire. Par ailleurs, en France, une fois la juridiction saisie par l’acte de poursuites, ladite juridiction n’exerce pas de contrôle d’opportunité du choix de la juridiction. Les juridictions nationales seraient à même de vérifier si elles sont compétentes pour connaître d’une affaire renvoyée par le parquet européen.
La Commission européenne a retenu le principe de la légalité des poursuites atténué par la possibilité de classer une affaire sans suite si le délit est un délit mineur (article 28, point 2, en vertu de la législation nationale transposant la directive relative à la protection des intérêts financiers de l’Union actuellement en négociation : il appartiendrait à chaque État de déterminer la nature des infractions graves et des délits mineurs) ou en l’absence de preuves pertinentes. D’autres éléments devraient permettre le classement sans suite, tels que l’irresponsabilité pénale de l’auteur. Si la compétence du parquet européen devait demeurer exclusive et non partagée, les possibilités de classement pourraient s’avérer insuffisantes.
Ce principe de légalité des poursuites tempéré est nécessaire afin d’éviter que le parquet européen ne mette en œuvre l’action publique pour des délits mineurs, tout en permettant d’assurer la sécurité juridique, une application plus homogène du droit de l’Union ainsi qu’une meilleure transparence. Cependant, des difficultés concrètes pourraient se faire jour, notamment si le parquet européen classait sans suite des infractions connexes (article 13) que les autorités judiciaires nationales entendraient poursuivre.
Le procureur procèderait également au classement sans suite (article 28, point 1) « lorsqu’il est devenu impossible de déclencher des poursuites pour l’un des motifs suivants :
a) le décès du suspect ;
b) le comportement faisant l’objet de l’enquête ne constitue pas une infraction pénale ;
c) l’amnistie ou l’immunité accordée au suspect ;
d) l’expiration du délai national de prescription en matière de poursuites ;
e) le suspect a déjà été définitivement acquitté des mêmes faits ou condamné pour ceux-ci dans l’Union, ou bien l’affaire a été traitée par le biais d’une transaction. »
L’expiration du délai national de prescription renvoie à la problématique du « forum shopping ». La proposition de directive relative à la protection des intérêts financiers de l’Union ne parviendra pas à harmoniser les délais de prescription. Si une infraction est prescrite dans un État membre mais demeure susceptible de poursuites dans un autre également concerné par l’affaire, le règlement ne fixe pas de règle de conduite, se contentant d’indiquer que l’expiration du délai national de prescription constitue un motif de classement. Le texte ne pourra pas demeurer en l’état sur cette question.
Il convient de relever que la proposition de directive ne formalise pas la décision de classer sans suite ou de ne pas poursuivre. Elle ne précise pas qu’elle devrait être motivée et notifiée aux personnes intéressées, alors que ceci constitue une garantie essentielle des droits fondamentaux. Elle devrait également être susceptible de recours.
L’article 29 permettra en outre au parquet européen, lorsque l’affaire n’est pas classée sans suite et lorsqu’une décision en ce sens contribuerait à la bonne administration de la justice, après réparation du préjudice, de proposer au suspect de payer une amende forfaitaire qui, une fois réglée, entraine le classement définitif de l’affaire (transaction). Il conviendra d’être vigilant sur cet article et qu’il n’existe aucune confusion possible entre un classement sans suite (il n’y a alors pas de culpabilité établie) et ce que la proposition semble définir comme un « classement définitif » après établissement de la culpabilité et paiement d’une amende forfaitaire.
La proposition de règlement ne précise pas quels seront les pouvoirs du parquet européen dans la phase postérieure au jugement. Il devrait cependant disposer des mêmes prérogatives que le ministère public et ainsi pouvoir interjeter appel. S’agissant d’un pourvoi en cassation, l’étude du Conseil d’État concluait qu’il n’apparaît pas indispensable de permettre au parquet européen d’intervenir, au sens plein du terme, dans le cadre de la procédure d’examen du pourvoi en cassation, autrement que par la production d’un mémoire, compte tenu de la position du ministère public en France dans cette procédure.
Si la formation collégiale était retenue avec un membre national de l’ordre judiciaire intervenant seul dans son État membre d’origine, la même position devrait être défendue.
L’article 30 poserait le principe selon lequel « les éléments de preuve présentés par le Parquet européen à la juridiction du fond, lorsque cette dernière considère que leur admission ne porterait pas atteinte à l’équité de la procédure ni aux droits de la défense consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sont admis au procès sans validation ou processus juridique similaire même si la législation nationale de l’État membre dans lequel siège cette juridiction prévoit des règles différentes en matière de collecte ou de présentation de tels éléments de preuve. »
Les éléments recueillis dans un État membre en conformité avec son droit national seraient donc admis devant la juridiction de renvoi sans autre forme de validation.
Une réserve porte cependant sur la contestation possible au regard de l’équité de la procédure et des droits de la défense consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Une appréciation divergente des États membres n’est pas à exclure.
Ces dispositions apparaissent clairement insuffisantes. En effet, la Commission européenne se limite à prévoir l’admissibilité de toute preuve devant les juridictions nationales, avant d’ajouter qu’une fois les éléments de preuve admis, il n’est pas porté atteinte à la compétence des juridictions nationales de les apprécier librement. Il aurait cependant fallu aussi traiter la question de l’administration de la preuve devant le parquet européen, aux fins de l’engagement ou non des poursuites. L’administration de la preuve devant les juridictions nationales après le renvoi ne constitue en effet que l’aspect le moins épineux du problème.
Par ailleurs, si la France reconnaît le principe de la liberté de la preuve, ce n’est pas le cas d’autres États membres qui ont des régimes d’admissibilité très contraignants. Ces États membres auront sans doute des difficultés sérieuses avec cet article 30.
Une alternative aurait résidé dans une harmonisation du droit du recueil de la preuve au sein de l’Union. Dans leur rapport de 2011 sur le parquet européen7, les rapporteurs relevaient la variété des règles applicables au recueil de la preuve au sein des États membres et les limites de l’entraide judiciaire traditionnelle. Il ne paraissait ni réaliste ni souhaitable d’aller jusqu’à l’édification d’un code de procédure pénale européen. L’étude du Conseil d’État8 posait la question de la création d’un nouvel ensemble de règles propres au parquet européen avec une solution intermédiaire qui « consisterait à proposer la définition, uniquement pour les actes coercitifs majeurs, d’un nombre restreint de règles procédurales communes ». Un règlement entier aurait dû être consacré à cette question selon l’étude. En effet, il serait nécessaire de définir que c’est au parquet européen de rapporter la preuve des infractions qu’il poursuit, qu’il lui incombe de soumettre au contradictoire les éléments de preuve, les règles gouvernant la recevabilité ou la liberté de la preuve, les règles applicables à certaines catégories particulières de preuves (document classifié, preuve numérique, etc.) et sans doute un socle minimal de règles procédurales.
L’objectif de règles minimales communes portant sur l’admissibilité mutuelle des preuves pour faciliter la reconnaissance mutuelle et la coopération judiciaire pénale repose également sur l’article 82 TFUE, indépendamment du parquet européen.
La question de l’obtention de preuves dans un État ne participant pas au parquet européen (Royaume-Uni, Irlande, Danemark ou coopération renforcée) n’est pas réglée par la proposition de la Commission européenne.
La proposition de résolution européenne souligne en son point 14 que les dispositions relatives à l’admissibilité des preuves devraient être complétées, une harmonisation minimale apparaissant nécessaire au bon fonctionnement du parquet européen.
La proposition de résolution propose d’approuver en son point 11 les garanties procédurales prévues par la proposition de règlement, conformes à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
L’article 32 dispose en son point 1 que les activités du parquet européen sont exercées dans « dans le respect total des droits des personnes soupçonnées consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment le droit à un procès équitable et les droits de la défense. »
Puis, en son point 2, l’article 32 dispose que toute personne impliquée jouit, dès lors qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction, au minimum des droits procéduraux suivants, la plupart relevant de directives européennes en cours de transposition, tels qu’ils sont protégés par le droit national de l’État membre :
- le droit à l’interprétation et à la traduction, prévu dans la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil ;
- le droit à l’information et à l’accès aux pièces du dossier, prévu dans la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil ;
- le droit d’accès à un avocat et le droit de communiquer avec des tiers en cas de détention, prévu dans la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation ;
- le droit de garder le silence et le droit d’être présumé innocent ;
- le droit à l’aide juridictionnelle ;
- le droit de présenter des éléments de preuve, de désigner des experts et d’entendre des témoins.
Puis, dès lors que la juridiction nationale a accepté l’acte d’accusation, les droits procéduraux de la personne soupçonnée et poursuivie reposeraient sur le régime national applicable dans l’affaire en cause.
Par ailleurs, sans préjudice des droits prévus, les personnes concernées par les procédures du parquet européen jouiraient de tous les droits procéduraux que le droit national applicable leur accorde.
L’article 33 porte sur le droit de garder le silence, le droit d’être présumé innocent et le droit de ne pas s’auto-incriminer. L’article 34 porte sur le droit à une assistance juridique gratuite ou partiellement gratuite soumise à condition de ressources.
Toutefois, il convient de relever qu’en matière de droit à un recours juridictionnel effectif, le respect des droits fondamentaux apparait insuffisant (cf. infra).
L’ensemble du contrôle juridictionnel des actes d’enquête et de poursuite du parquet européen, qui serait institué sous la forme d’un organe de l’Union, relèvera des juridictions nationales, ce dernier étant considéré comme une autorité nationale aux fins du contrôle juridictionnel (article 36). Un tel organe hybride soulève nombre d’interrogations. Aucune disposition particulière ne viendrait encadrer le régime de purge des nullités, qui serait du ressort des juridictions nationales appliquant le droit national.
La Cour de Justice de l’Union européenne dispose du monopole juridictionnel s’agissant de la validité d’un acte d’un organe de l’Union en application de l’article 263 TFUE. Le Conseil d’État soulignait donc dans son étude9 qu’un contrôle exclusivement dévolu aux autorités nationales était exclu. Il convient ici de rappeler la jurisprudence constante de la CJUE relative au monopole juridictionnel de la Cour pour déclarer invalide un acte de l’Union (CJCE, Foto-Frost du 22 octobre 1987, 314/85).
La question se pose de savoir si l’article 86.3 TFUE (les règlements visés au paragraphe 1 fixent les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure du parquet européen) peut être interprété comme permettant de déroger à l’article 263 TFUE.
Le considérant 36 de la proposition de directive indique : « L’article 86, paragraphe 3, du traité permet au législateur de l’Union de fixer les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure que le Parquet européen arrête dans l’exercice de ses fonctions. Cette compétence attribuée au législateur témoigne de la nature particulière du Parquet européen, qui diffère de celle de tous les autres organes et organismes de l’Union et exige des règles spéciales en matière de contrôle juridictionnel. »
Une telle interprétation parait très incertaine.
En tout état de cause, les signataires de la proposition de résolution estiment que le contrôle juridictionnel prévu des actes d’enquête et de poursuite est insuffisant. Ils regrettent aussi le fait que, par ses considérants 38 et 39, la proposition restreigne l’obligation des juridictions nationales d’adresser à la Cour de Justice de l’Union une question préjudicielle en appréciation de validité :
38. « […] Les juridictions nationales ne devraient pas avoir la possibilité d’interroger la Cour de justice sur la validité des actes du Parquet européen, puisque ces actes ne devraient pas être considérés, aux fins du contrôle juridictionnel, comme des actes adoptés par un organe de l’Union.
(39) Il conviendrait également de préciser que les questions concernant l’interprétation des dispositions de droit interne que le présent règlement rend applicables devraient être examinées par les seules juridictions nationales. En conséquence, ces juridictions ne peuvent pas saisir la Cour de justice de questions relatives à l’interprétation du droit interne auquel renvoie le présent règlement. »
Là encore, le raisonnement, trop confus, ne parait pas assuré juridiquement, d’autant plus qu’il n’est pas repris dans le corps des articles de la directive.
Le contrôle de la décision de renvoyer en jugement devrait être prévu afin d’assurer la garantie du droit à un recours juridictionnel effectif, tout comme celui de la décision choisissant la juridiction de renvoi. En effet, ce choix emportera des conséquences importantes pour toutes les parties, compte tenu des grandes disparités existant entre les systèmes juridiques nationaux. Le choix de la juridiction à même d’effectuer ce contrôle n’est pas simple. En effet, la juridiction saisie ne serait pas la mieux placée pour examiner sa compétence. L’institution d’une juridiction spécialisée de l’Union créée en application de l’article 257 TFUE apparaît opportune, bien que complexe. La CJUE ne dispose pas d’une structure adaptée au contentieux pénal qui repose sur des exigences bien spécifiques, notamment en termes de célérité.
Le contrôle juridictionnel de la décision de classement ou de non-lieu devrait également être prévu. Ce contrôle pourrait être effectué, soit devant une juridiction spécialisée de l’Union créée en application de l’article 257 TFUE avant le renvoi de l’affaire, soit devant la juridiction nationale après le renvoi.
Il apparaît que les dispositions de la proposition sont insuffisantes et ne permettent pas d’assurer la garantie du droit à un recours juridictionnel effectif.
La proposition de résolution européenne regrette (point 12) l’insuffisance des dispositions relatives au contrôle juridictionnel des actes d’enquête et de poursuite du parquet européen, qui confient le contrôle de la légalité de l’ensemble de ces actes aux juridictions internes et restreignent l’obligation des juridictions nationales d’adresser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle en appréciation de validité.
L’Assemblée nationale s’interroge en particulier, au point 13 de la proposition de résolution européenne, sur les modalités de contrôle de la décision prise par le parquet européen de renvoyer l’affaire devant une juridiction de jugement et celle relative au choix de cette juridiction, qui auront des conséquences importantes pour la personne mise en cause, au regard du droit à un recours juridictionnel effectif.
La résolution européenne de l’Assemblée nationale adoptée en 2011, rappelait déjà en son point 6 la nécessité que les actes de procédure du parquet européen soient soumis à un contrôle juridictionnel étendu et qu’une réflexion soit engagée sur les modalités de contrôle de ses actes au niveau européen afin d’assurer à la fois l’efficacité des procédures et la garantie uniforme des droits des justiciables.
L’article 86 TFUE dispose que le parquet européen doit être institué à partir d’Eurojust, formulation très ambiguë. Fondée en 2002, Eurojust a pour mission de promouvoir et renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales dans la lutte contre la criminalité transfrontalière grave engagée dans l’Union européenne. Les représentants des États membres à Eurojust coordonnent les autorités nationales à chacune des étapes d’une enquête criminelle ou de poursuites judiciaires, et résolvent également les difficultés et problèmes pratiques générés par les divergences entre les systèmes juridiques. Eurojust a récemment été renforcée par la décision du Conseil 2009/426/JAI du 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust.
Dans sa proposition de règlement relatif à l’agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust) du 17 juillet 2013 (COM(2013) 535), déposée conjointement avec la proposition de règlement instituant le parquet européen, la Commission européenne propose de fournir un cadre légal conforme au traité de Lisbonne prévoyant qu’Eurojust soit régi par des règlements adoptés en codécision (et non par des décisions du Conseil comme c’était le cas précédemment). Eurojust deviendrait une agence de l’Union. Le nouveau cadre comprendrait les modalités d’évaluation des activités d’Eurojust par le Parlement européen et les parlements nationaux et fera l’objet d’un examen propre ultérieurement. Enfin, la proposition de directive traite de l’articulation entre Eurojust et le parquet européen. Elle apparaît en première analyse peu ambitieuse.
La compétence d’Eurojust ne comprendrait pas les infractions pour lesquelles le parquet européen est compétent. Cependant, l’ensemble des États membres ne participeront pas au parquet européen (Royaume-Uni, Irlande) donc une telle disposition ne parait pas pouvoir être maintenue.
Le procureur européen recevrait l’ordre du jour de toutes les réunions du collège et serait habilité à participer auxdites réunions, sans droit de vote, chaque fois que sont débattues des questions qu’il estime être importantes pour le fonctionnement du parquet européen.
Le système de gestion des dossiers et ses fichiers de travail temporaires seraient mis à la disposition du parquet européen.
Par ailleurs, l’article 41 de la proposition régirait les relations avec le parquet européen. Cet article disposerait qu’Eurojust établit et entretient une relation privilégiée avec le parquet européen. Une coopération étroite et le développement de liens opérationnels, administratifs et de gestion est prévu. Le procureur européen et le président d’Eurojust devraient se réunir régulièrement pour examiner les questions d’intérêt commun.
Eurojust devrait traiter toute demande d’assistance émanant du parquet dans les meilleurs délais et de la même façon que si elle émanait de la coopération judiciaire entre États membres.
Certaines dispositions demeurent imprécises. Eurojust soutiendrait le fonctionnement du parquet européen par l’intermédiaire de services fournis par son personnel. Ce soutien comprendrait en tout état de cause :
« a) un soutien technique à l’élaboration du budget annuel, du document de programmation contenant la programmation annuelle et pluriannuelle et du plan de gestion ;
b) un soutien technique au recrutement de personnel et à la gestion des carrières ;
c) des services de sécurité ;
d) des services informatiques ;
e) des services de gestion financière, de comptabilité et d’audit ;
f) tout autre service d’intérêt commun. »
L’article 57 de la proposition de règlement relative à l’institution du parquet européen dispose symétriquement que le parquet européen noue et entretient une relation privilégiée avec Eurojust, fondée sur une coopération étroite et la création de liens opérationnels, administratifs et de gestion.
Sont prévus le partage d’informations, la demande à Eurojust de participer à la coordination de mesures d’enquête précises sur des aspects qui peuvent ne pas relever de la compétence du parquet, la facilitation d’accords sur les questions de compétences accessoires, en cas de litige, la transmission de demandes d’entraide judiciaire à des États membres qui ne participeraient pas au parquet européen ou à des pays tiers.
Un mécanisme de contrôle croisé automatique des données dans le système de gestion des dossiers d’Eurojust serait mis en œuvre. Chaque fois que se produirait une concordance entre les données introduites par le parquet européen dans le système de gestion des dossiers Eurojust et celles introduites par Eurojust, ils en seraient tous deux informés.
Les mêmes services que ceux visés dans la proposition de règlement relative à Eurojust sont mentionnés comme devant être fournis par l’administration d’Eurojust.
Il conviendra de s’interroger sur ces dispositions si tous les États membres ne participent pas au parquet européen.
Le traitement des données à caractère personnel par le parquet européen serait encadré par le règlement (CE) no 45/2001 sur la protection des données traitées par les organes et institutions de l’Union, complété par les dispositions du présent règlement. Un traitement différencié serait autorisé pour les personnes soupçonnées ou condamnées, d’une part, et pour les témoins, d’autre part. Un droit d’accès (pouvant être restreint si nécessaire), de rectification, d’effacement et de limitation des traitements serait reconnu aux personnes concernées (le parquet européen pouvant refuser d’accéder à une demande). Les personnes concernées auraient le droit de présenter une réclamation au contrôleur européen de la protection des données. Un délégué à la protection des données serait nommé par le procureur européen. Il pourrait saisir le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) si le procureur européen ne remédiait pas aux problèmes qu’il aurait soulevés. Il est prévu un accès du CEPD aux données à caractère personnel traitées, aux fins de contrôle10. Il est prévu que le CEPD et les autorités nationales de protection des données coopèrent activement sur les questions exigeant une participation nationale.
Le choix du siège du parquet européen ne sera pas neutre au regard de la coopération entre Eurojust et le parquet européen et donc, in fine, au regard du respect de la lettre du traité de Lisbonne (instituer un parquet européen « à partir d’Eurojust »). Le Conseil européen du 13 décembre 2003 a fixé le siège du futur parquet européen à Luxembourg, donc à proximité de la Cour de Justice de l’Union européenne. Cela n’apparaît pas totalement pertinent au regard de la nécessaire proximité géographique entre Eurojust et le parquet européen, compte tenu des services devant être concrètement rendus par Eurojust selon les propositions de règlement relatives à Eurojust et au parquet européen, et quelles que soient les possibilités offertes par les procédures dématérialisées.
Il peut être argumenté que, par les termes mêmes du traité de Lisbonne, les États membres ont souhaité instituer un parquet européen à proximité immédiate d’Eurojust et qu’il ne serait ainsi pas nécessaire de revenir sur la décision de 2003.
La proposition de résolution européenne rappelle, en son point 6, que le parquet européen doit entretenir des liens étroits avec Eurojust, ce qui exige notamment une proximité géographique s’agissant de son siège.
Il convient enfin de souligner que l’article 85 TFUE ouvre des possibilités encore inexploitées s’agissant d’Eurojust. Cet article dispose en effet que les tâches d’Eurojust peuvent comprendre : « a) le déclenchement d'enquêtes pénales ainsi que la proposition de déclenchement de poursuites conduites par les autorités nationales compétentes, en particulier celles relatives à des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ».
En l’état actuel des travaux, la création du parquet européen, d’une ambition toute autre, demeure prioritaire.
Les interlocuteurs auditionnés ont tous souligné l’impossibilité de réunir l’unanimité sur le projet de la Commission européenne.
L’article 86 TFUE dispose que le Conseil statue à l'unanimité sur l’institution d’un parquet européen, après approbation du Parlement européen. « En l'absence d'unanimité, un groupe composé d'au moins neuf États membres peut demander que le Conseil européen soit saisi du projet de règlement. Dans ce cas, la procédure au Conseil est suspendue. Après discussion, et en cas de consensus, le Conseil européen, dans un délai de quatre mois à compter de cette suspension, renvoie le projet au Conseil pour adoption.
Dans le même délai, en cas de désaccord, et si au moins neuf États membres souhaitent instaurer une coopération renforcée sur la base du projet de règlement concerné, ils en informent le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Dans un tel cas, l'autorisation de procéder à une coopération renforcée, qui est visée à l'article 20, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne et à l'article 329, paragraphe 1, du présent traité, est réputée accordée et les dispositions sur la coopération renforcée s'appliquent. »
La coopération renforcée ne serait applicable qu’à un parquet dont le champ de compétences serait limité à la protection des intérêts financiers de l’Union. En outre, les discussions doivent pouvoir être menées un certain temps au niveau du Conseil avant de constater l’absence d’unanimité des États membres sur la proposition de règlement. Par ailleurs, les négociations doivent, avant la mise en œuvre d’une coopération renforcée, être renvoyées au niveau du Conseil d’européen (chefs d’États et de gouvernements), ce qui suspend la procédure au Conseil pendant quatre mois.
La lecture de ces dispositions est encore complexifiée par la position du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (protocoles 21 et 22 au traité de Lisbonne). Ces États membres ne participent pas à l’adoption des mesures relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice (opt-out). Il convient de noter que lorsque l’unanimité est requise, elle s’entend hors ces États membres s’ils ne participent pas à l’adoption de la mesure. Mais ils bénéficient d’une faculté de participer à l’adoption d’une mesure (opt-in). Une difficulté certaine surviendrait si ces États décidaient d’exercer leur opt-in pour ensuite opposer leur veto à la création d’un parquet européen.
La question se pose de savoir si la coopération renforcée devrait être fondée sur la proposition de règlement déposée par la Commission européenne ou sur la base d’un texte soumis des États membres. Cette question devra faire l’objet d’une analyse plus poussée mais il apparaît probable que la Commission européenne, au regard du texte de l’article 86 TFUE, indiquera que la coopération doit être envisagée à partir du texte qu’elle a déposé.
En tout état de cause, en cas de blocage des négociations et si le texte de la Commission européenne ne pouvait être amendé de manière à permettre la mise en œuvre d’une coopération renforcée, les États membres, qui disposent d’un droit d’initiative partagé en application de l’article 76 TFUE, pourraient déposer une initiative.
Bien que la coopération renforcée ne constitue pas en elle-même l’objectif premier sur un dossier d’une telle ambition, elle pourrait enclencher une dynamique qui permettrait ensuite de rallier d’autres États membres, puis de parvenir à élargir les compétences du parquet européen.
La proposition de résolution européenne, en son point 15, invite la Commission européenne à modifier sa proposition dans un sens susceptible de recueillir la participation du plus grand nombre d’États membres dans le cadre d’une éventuelle coopération renforcée, tout en maintenant un degré élevé d’ambition et d’intégration.
En conclusion, votre rapporteure souligne que, malgré les insuffisances du texte proposé, les négociations doivent se poursuivre pour permettre d’instituer un parquet européen de forme collégiale, efficace et indépendant, à la hauteur d’une ambition défendue depuis plus de dix ans par l’Assemblée nationale.
Il s’agit de passer à un nouveau palier d’intégration européenne, encore inédit en des matières touchant au cœur de la souveraineté nationale. C’est la raison pour laquelle les objectifs devront probablement être atteints en plusieurs temps, s’agissant notamment de la compétence du parquet européen dans la lutte contre les formes graves de criminalité transnationale.
La proposition de résolution européenne adoptée par la Commission des affaires européennes rappelle le soutien constant de l’Assemblée nationale à l’institution d’un parquet européen, maintient à un niveau élevé l’ambition de ce projet et accueille favorablement la présentation d’une proposition de règlement, tout en réfutant un certain nombre des modalités retenues par la Commission européenne. Les modifications à apporter au règlement proposé, s’agissant notamment des compétences du parquet européen, de sa structure, du contrôle juridictionnel ou de l’admissibilité des preuves doivent être soulignées. Enfin, les acteurs de la négociation doivent continuer à avancer pour réunir au sein du parquet européen le plus grand nombre d’États membres, si nécessaire dans le cadre d’une coopération renforcée.
La Commission s’est réunie le 18 décembre 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Madame la Présidente, mes chers collègues, le présent rapport examine la proposition de résolution européenne déposée par M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, M. Guy Geoffroy et moi-même, afin de prendre position sur la proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen (COM[2013] 534), déposée par la Commission européenne le 17 juillet 2013.
La proposition de règlement est apparue décevante sur plusieurs points aux personnes auditionnées ainsi qu’à moi-même. Les attentes étaient grandes mais la proposition de règlement a laissé en suspens certaines questions essentielles et s’est parfois bornée à réglementer sommairement certains aspects clés.
Les personnes auditionnées ont notamment toutes souligné l’impossibilité d’adhérer à la structure proposée, reposant sur un procureur unique aux pouvoirs étendus, secondé par des adjoints et des procureurs délégués. Le champ de compétences proposé, limité, pour des motifs pragmatiques, à la seule protection des intérêts financiers de l’Union soulève également des interrogations. À titre liminaire, il convient donc de souligner que la proposition de la Commission européenne est éloignée des positions défendues depuis plus de dix ans par l’Assemblée nationale au travers de deux résolutions adoptées, la première le 22 mai 2003 (texte adopté no 139), et la seconde le 14 août 2011(texte adopté no 726) à l’initiative de notre collègue Guy Geoffroy et de votre rapporteure.
Cependant, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui avait ouvert la possibilité de créer un parquet européen, une proposition se trouve sur la table des négociations et il convient donc d’adopter une démarche qui, bien que critique, doit demeurer constructive et réaffirmer le soutien de principe à la création d’un parquet européen. L’institution d’un parquet européen constituera un pas en avant considérable, faisant passer la coopération judiciaire pénale au stade de l’intégration européenne, car l’action publique serait enclenchée au niveau européen par un organe européen.
Il convient également en introduction de rappeler que la proposition a fait l’objet d’un carton jaune par quatorze chambres des parlements nationaux de l’Union. L’Assemblée nationale n’a pas jugé la proposition contraire au principe de subsidiarité, tout en ne méconnaissant bien entendu pas les difficultés, notamment en termes de proportionnalité, soulevées par ce texte. La Commission européenne a réexaminé son projet et décidé de le maintenir malgré les fortes réserves émises, ce qui n’est sans doute pas la meilleure méthode possible pour avancer sur un tel dossier.
La proposition de résolution européenne examinée rappelle en son point 1 le soutien constant apporté par l’Assemblée nationale à la création d’un parquet européen, indispensable pour renforcer la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière et la délinquance financière au détriment de l’Union européenne. Le point 2 accueille favorablement la présentation par la Commission européenne d’une proposition de règlement visant à créer un parquet européen mais l’Assemblée nationale estimerait, en point 3, que certaines des modalités retenues par la Commission européenne devraient être revues afin d’assurer l’efficacité et l’indépendance du parquet européen.
Quelles seraient les compétences du parquet européen ? La proposition de la Commission européenne tend à établir un parquet européen dont la compétence matérielle serait limitée à la protection des intérêts financiers de l’Union. Pour des motifs pragmatiques, parce que l’unanimité requise au niveau du Conseil européen semble en l’état actuel inatteignable, la Commission européenne limite l’ambition du texte et se situe en deçà des possibilités offertes par l’article 86 TFUE du traité de Lisbonne.
Il convient de relever que cette position diffère de l’ambition continuellement réaffirmée par l’Assemblée nationale de voir un parquet européen édifié, non seulement pour la protection des intérêts financiers de l’Union, mais aussi pour la criminalité grave transnationale, au sujet de laquelle les attentes de réponses européennes sont grandes de la part de nos concitoyens. La traite des êtres humains, le trafic de drogue et le terrorisme sont autant de pans de la grande criminalité qui appellent une réponse européenne intégrée.
La proposition de résolution rappelle donc (point 4) que l’Assemblée nationale souhaite que la compétence du parquet européen soit étendue à la criminalité grave ayant une dimension transnationale.
La Commission européenne propose que le parquet européen dispose d’une compétence exclusive en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et s’agissant des infractions connexes qui y sont inextricablement liées. Des problèmes juridiques et pratiques ne manqueraient pas d’apparaitre si la compétence du parquet européen devait être celle-ci. Notamment, le parquet se trouverait à traiter nombre d’infractions de faible portée pour lesquelles son implication n’est pas justifiée.
La proposition de résolution propose donc (point 5) que le parquet dispose d’une compétence partagée avec les États membres, assortie toutefois d’une obligation d’information du parquet européen de la part des autorités judiciaires nationales de toute infraction susceptible d’entrer dans son champ de compétences, et d’un droit général d’évocation qui permettrait au parquet européen de se saisir de toute affaire.
Quelle structure pour le parquet européen ? La proposition de résolution rappelle (point 6) que le parquet européen devrait être créé à partir de l’unité Eurojust, en application du TFUE. Cela emporte des conséquences sur sa structure ainsi que sur la localisation du siège du parquet, qui devrait être situé aux côtés de celui d’Eurojust.
La principale difficulté relevée dans la proposition de la Commission européenne réside dans la figure du procureur européen tel qu’elle le propose. En effet, dans le projet de la Commission européenne, le parquet européen est composé d’un procureur européen, de quatre procureurs adjoints et des procureurs européens délégués dans les États membres.
Le parquet européen serait un organe de l’Union doté d’une structure décentralisée. Il disposerait de la personnalité juridique.
Le procureur européen dirigerait le parquet européen et en superviserait les travaux. Les enquêtes et poursuites seraient menées par les procureurs européens délégués sous la direction et la surveillance du procureur européen et celui-ci pourrait mener lui-même l’enquête si cela apparaissait nécessaire pour l’efficacité de l’enquête ou des poursuites. Le procureur européen serait nommé par le Conseil de l’Union, statuant à la majorité simple, avec approbation du Parlement européen pour un mandat de huit ans non renouvelable. La sélection serait effectuée à partir d’un appel à candidatures ouvert, la Commission européenne établissant ensuite une liste restreinte de candidats, après avis d’un comité mis en place par la Commission européenne. Sans détailler plus avant les prérogatives du procureur européen, il convient de relever qu’il disposerait de pouvoirs étendus en matière de nomination et de révocation des procureurs européens délégués. Ces éléments ont été jugés disproportionnés par de nombreux États membres. L’atteinte à la souveraineté nationale apparait excessive. À cet égard, la résolution propose (point 16) que le gouvernement saisisse le Conseil d’État d’une demande d’étude sur ce projet afin qu’il indique si des dispositions lui semblent contraires à des principes ou règles constitutionnels.
Contrairement à la proposition de règlement, l’Assemblée nationale souhaite depuis 2003 un parquet de forme collégiale. La proposition de résolution précise (point 7) que le parquet serait composé de membres nationaux ancrés dans leurs systèmes judicaires respectifs et élisant en leur sein un président. Une telle structure collégiale conférerait une plus grande légitimité au parquet européen, faciliterait son acceptation et la prise en compte de la diversité des traditions juridiques. Son efficacité s’en trouverait nécessairement renforcée (point 8). Le point 9 porte sur la formation du collège en chambres restreintes regroupant les membres nationaux des États membres concernés par un dossier et chargées de prendre les décisions opérationnelles courantes, seules les décisions les plus importantes étant renvoyées au collège. Par ailleurs, la résolution propose en son point 10 que les procédures de nomination et de révocation, ainsi que le statut des membres nationaux s’inspirent de ceux prévus pour les membres de la CJUE et par le statut de la CJUE. Le rapport examine ces questions. En tout état de cause, les procédures proposées par la Commission européenne ne peuvent être maintenues.
Sans détailler ici l’ensemble des problématiques soulevées par la proposition de règlement, il convient de souligner que :
- les garanties procédurales prévues par la proposition de règlement, à travers le renvoi aux directives européennes en cours de transposition ainsi qu’au droit interne des États membres peuvent être approuvées (point 11) ;
- les insuffisances relatives au contrôle juridictionnel de la légalité des actes d’enquête et de poursuite, qui est confié en totalité aux juridictions nationales, doivent être soulignées (point 12). Par ailleurs, la proposition restreint l’obligation des juridictions nationales d’adresser à la CJUE des questions préjudicielles. Ce sont autant d’éléments qui paraissent juridiquement hasardeux ;
- la proposition de résolution s’interroge sur les modalités de contrôle de la décision prise par le parquet européen de renvoyer l’affaire devant les juridictions nationales et celle relative au choix de la juridiction de renvoi, au regard du droit à un recours effectif. Ces décisions emporteront de lourdes conséquences pour les justiciables, notamment en l’absence d’harmonisation plus avancée des droits nationaux et doivent pouvoir faire l’objet d’un recours ;
- enfin, la proposition suggère que les règles relatives à l’admissibilité des preuves et aux règles de prescription soient complétées afin d’éviter tout risque de forum shopping, une harmonisation minimale étant nécessaire au bon fonctionnement du parquet européen.
En conclusion, la proposition de résolution invite la Commission européenne à revoir son projet afin de pouvoir y rallier le plus grand nombre d’États membres, s’il le faut dans la perspective d’une coopération renforcée, qui serait la première marche vers un parquet européen auquel l’ensemble des États membres participeraient.
La Présidente Danielle Auroi. Ce sujet est très important, d’autant que cela fait une dizaine d’années que la délégation, puis la commission des affaires européennes, se sont montrées favorables à l’institution d’un parquet européen. Les derniers travaux ont été menés sous la présidence de Pierre Lequiller, que je tiens d’ailleurs à remercier aujourd’hui. Je rappelle notamment que, sous la précédente législature, le Conseil d’État a réalisé, en 2011, sur la demande de notre commission, une étude de grande qualité, suivie par l’adoption d’une résolution européenne par notre commission, sur le rapport de M. Guy Geoffroy et de Mme Marietta Karamanli. En outre, sur le plan procédural, nous avons aujourd’hui un excellent exemple de la coopération entre notre commission et la commission des lois, qui nous permet d’examiner une proposition de résolution du Président Urvoas, de Mme Karamanli et de M. Geoffroy.
Sur le fond, je partage pleinement les critiques formulées par la rapporteure à l’encontre du texte présenté par la Commission européenne, qui propose la création d’un « Procureur » européen surpuissant, qui n’est absolument pas dans la tradition européenne. C’est ce qui explique notamment l’avis motivé émis au titre de la subsidiarité par nos collègues du Sénat. Cependant, il ne faudrait pas, à l’inverse, se contenter de créer un parquet européen, en quelque sorte « intergouvernemental », composé de représentants des États, chacun étant compétent pour les affaires qui concernent son pays, sans qu’existe aucune autorité interne. Au contraire, le chef du parquet européen devrait disposer d’un pouvoir d’arbitrage réel.
Un parquet européen compétent pour lutter contre la grande criminalité internationale, comme nous le souhaitons, doit, pour être efficace, fonctionner de manière collégiale. Il apporterait ainsi une réelle plus-value par rapport à la coopération judiciaire classique entre les États membres.
Enfin, j’approuve pleinement les dispositions de la proposition de résolution prévoyant l’institution de normes élevées de procédure pénale et de garanties des droits dans le cadre de la création du parquet européen, le texte de la Commission européenne étant particulièrement lacunaire en ce domaine.
Je vous propose donc de soutenir largement cette résolution.
Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je dois dire que l’enregistrement, dans un premier temps, par des responsables de la Commission européenne, de la position du Sénat au titre de la subsidiarité comme une position émise par la France m’a réellement interrogée. L’épisode n’est pas anodin. Notre commission doit s’assurer que nos positions soient bien prises en compte par les institutions européennes.
M. William Dumas. Je ne comprends pas que nos positions soient différentes avec le Sénat sur un sujet comme celui-ci. Ce n’est pas la première fois que cela arrive, et ce manque de coordination m’interpelle.
La Présidente Danielle Auroi. Les deux assemblées sont indépendantes, mais effectivement, pour renforcer notre coordination avec le Sénat, nous nous proposons de nous rencontrer régulièrement entre les deux bureaux pour identifier les sujets prioritaires. Mais ensuite, quelle stratégie employer pour exercer une véritable influence ? Nous avons examiné le texte sur le parquet et n’avons pas jugé fondé, à la différence de nos collègues sénateurs, d’émettre un avis motivé au titre de la subsidiarité – c’est-à-dire de considérer que le principe de subsidiarité n’était pas respecté. Je rappelle que – selon les traités – considérer qu’un texte ne respecte pas le principe de subsidiarité suppose que l’on considère que l’objectif recherché par le texte serait mieux atteint par une action menée au niveau des États, plutôt qu’au niveau de l’Union. Ce n’est pas le cas en l’espèce.
Nous avons une stratégie d’examen des textes au fond. Sur ce texte, la voie de la mise en cause de la subsidiarité présentait le fort risque d’être associé aux chambres qui sont contre le principe même du parquet européen, alors même que ce n’est pas le cas du Sénat.
M. Pierre Lequiller. Oui, le Sénat a toujours été en faveur du parquet européen.
Mme Marietta Karamanli. Je crois en effet qu’il faut réfléchir en termes de stratégie, et ces stratégies ne doivent pas être les mêmes sur tous les sujets. Selon les textes, nous pouvons venir en appui d’une position de l’exécutif ou, en agissant suffisamment tôt, porter notre analyse auprès du Parlement européen.
La Commission a ensuite adopté à l’unanimité la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.
(adoptée par la Commission des affaires européennes)
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
sur la proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen (COM[2013] 534 final)
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 85 et 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE),
Vu la proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen (COM[2013] 534 final) ;
Vu les résolutions européennes de l’Assemblée nationale sur le parquet européen no 139 du 22 mai 2003 et no 726 du 14 août 2011,
1. Rappelle le soutien constant qu’elle a apporté à la création d’un parquet européen, indispensable pour renforcer la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière et la délinquance financière au détriment de l’Union européenne ;
2. Accueille favorablement la présentation par la Commission européenne d’une proposition de règlement visant à créer un parquet européen ;
3. Estime cependant que certaines des modalités retenues par la Commission européenne dans sa proposition devraient être revues, afin d’assurer l’efficacité et l’indépendance du parquet européen ;
4. Souhaite que la compétence du parquet européen soit étendue à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière, comme le permet l’article 86, paragraphe 4, TFUE ;
5. Juge que le parquet européen devrait disposer non pas d’une compétence exclusive, mais d’une compétence partagée avec les autorités judiciaires des États membres, assortie d’une obligation d’information du parquet européen par ces dernières de toute infraction susceptible d’entrer dans son champ de compétence et d’un droit général d’évocation lui permettant de se saisir de l’affaire en cause ;
6. Rappelle que le parquet européen devrait être créé, conformément à l’article 86, paragraphe 1, TFUE, à partir de l’unité Eurojust et donc entretenir des liens étroits avec cette dernière, ce qui exige notamment une proximité géographique s’agissant de son siège ;
7. Souhaite que le parquet européen soit institué sous une forme collégiale, composée de membres nationaux ancrés dans leurs systèmes judiciaires respectifs et élisant en leur sein un président, et non sous celle d’un procureur européen unique, assisté par des adjoints et des délégués auxquels il adresserait ses instructions ;
8. Estime que cette structure collégiale conférerait une plus grande légitimité au parquet européen, faciliterait son acceptation et la prise en compte de la diversité des traditions juridiques des États membres et renforcerait ainsi son efficacité ;
9. Considère que ce collège pourrait être divisé en formations restreintes ou chambres, regroupant les membres nationaux des États membres concernés par le dossier, et chargées de prendre les décisions opérationnelles courantes, seules les décisions les plus importantes étant renvoyées au collège, afin d’assurer la réactivité nécessaire à la conduite des enquêtes ;
10. Recommande que les procédures de nomination et de révocation ainsi que le statut des membres du parquet européen s’inspirent de ceux prévus pour les membres de la Cour de justice de l’Union européenne par les articles 253 à 255 TFUE et par le Statut de la Cour de justice de l’Union européenne, afin de garantir leur indépendance ;
11. Approuve les garanties procédurales prévues par la proposition de règlement, conformes à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
12. Regrette l’insuffisance des dispositions relatives au contrôle juridictionnel des actes d’enquête et de poursuite du parquet européen, qui confient le contrôle de la légalité de l’ensemble de ces actes aux juridictions internes et restreignent l’obligation des juridictions nationales d’adresser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle en appréciation de validité ;
13. S’interroge, en particulier, sur les modalités de contrôle de la décision prise par le parquet européen de renvoyer l’affaire devant une juridiction de jugement et celle relative au choix de cette juridiction, qui auront des conséquences importantes pour la personne mise en cause, au regard du droit à un recours juridictionnel effectif ;
14. Suggère que les dispositions relatives à l’admissibilité des preuves et aux règles de prescription soient complétées, une harmonisation minimale apparaissant nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du parquet européen ;
15. Invite la Commission européenne à modifier sa proposition dans un sens susceptible de recueillir la participation du plus grand nombre d’États membres dans le cadre d’une éventuelle coopération renforcée, tout en maintenant un degré élevé d’ambition et d’intégration ;
16. Suggère au gouvernement français de saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis sur la proposition de règlement avant son adoption, afin qu’il indique si ce texte lui paraît comporter des dispositions contraires à des principes ou des règles de valeur constitutionnelle.
– M. Jacques Biancarelli, conseiller d’État, délégué au droit européen, ancien président du groupe de travail du Conseil d’État sur le parquet européen ;
– M. Frédéric Baab, ministère de la justice, conseiller diplomatique de Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la justice ;
– Mme Ingrid Derveaux, ministère de la justice, chargée de mission auprès du conseiller diplomatique ;
– M. Emmanuel Barbe, ministère de l’intérieur, conseiller diplomatique de M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur ;
– Mme Geneviève Bourdin Coulbois, ministère de l’intérieur, chef du pôle cabinet européen et international à la direction générale de la police nationale ;
– M. Emmanuel Dupic, ministère de l’intérieur, conseiller juridique et judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale ;
– Mme Isabelle Jegouzo, secrétariat général des affaires européennes, secrétaire générale adjointe ;
– M. Laurent Huet, secrétariat général des affaires européennes, chef du secteur espace judiciaire européen.
© Assemblée nationale1 Décision de la Commission 1999/352/CE, CECA, Euratom, du 28 avril 1999, instituant l'Office européen de lutte antifraude (OLAF).
2 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Améliorer la gouvernance de l'OLAF et renforcer les garanties procédurales dans le cadre des enquêtes: une approche graduelle destinée à accompagner la création du Parquet européen, COM(2013) 533
3 Conseil d’État, Réflexions sur l’institution d’un parquet européen, La documentation française, 24 février 2011.
4 Conseil d’État, Réflexions sur l’institution d’un parquet européen, La documentation française, 24 février 2011.
5 Chypre, 1 chambre, 2 voix ;République tchèque, 1 chambre (Sénat), 1 voix ; Sénat français, 1 chambre, 1 voix; Hongrie, 1 chambre, 2 voix ; Irlande, 2 chambres, 2 voix ; Malte, 1 chambre, 2 voix ; Pays-Bas, 2 chambres, 2 voix ; Roumanie, 1 chambre (Chambre des représentants), 1 voix ; Suède, 1 chambre, 2 voix ; Royaume-Uni, 2 chambres, 2 voix ; Slovénie, 1 chambre, 2 voix.
6 Rapport d’information no 3608, Le parquet européen : une création de plus en plus nécessaire, Guy Geoffroy et Marietta Karamanli, juillet 2011.
7 Rapport d’information no 3608, Le parquet européen : une création de plus en plus nécessaire, Guy Geoffroy et Marietta Karamanli, juillet 2011.
8 Conseil d’État, Réflexions sur l’institution d’un parquet européen, La documentation française, 24 février 2011.
9 Conseil d’État, Réflexions sur l’institution d’un parquet européen, La documentation française, 24 février 2011.
10 En cas de conservation supérieure à 5 ans, le CEPD serait informé ; en cas de conservation au-delà des délais prévus à titre dérogatoire, le CEPD procèderait à des vérifications; le CEPD aurait accès au registre relatant toute intervention sur les données.