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Amendements  sur le projet ou la proposition

ogo2003modif

N° 1792

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 février 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LES PROPOSITIONS DE LOI tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires,

PAR Mme Chaynesse KHIROUNI,

Députée.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1701.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE DÉVELOPPEMENT DES STAGES DOIT RÉPONDRE À DES IMPÉRATIFS PÉDAGOGIQUES ET D’AIDE À L’ORIENTATION ET À L’INSERTION PROFESSIONNELLES 7

A. UNE PRATIQUE DE PLUS EN PLUS INTÉGRÉE DANS LES CURSUS 7

1. Il s’agit d’une pratique ancienne dans l’éducation nationale 7

2. Un développement particulièrement dynamique dans l’enseignement supérieur. 8

3. Une double finalité pédagogique et professionnalisante 11

B. D’IMPORTANTES AVANCÉES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES AU COURS DES ANNÉES 2000 12

C. LA PERSISTANCE D’ABUS 14

II. EN COHÉRENCE AVEC LA LOI DU 22 JUILLET 2013, LA PROPOSITION DE LOI TEND À RENFORCER L’ENCADREMENT DES STAGES ET LES CONDITIONS D’ACCUEIL DES STAGIAIRES 15

A. LES ACQUIS DE LA LOI DU 22 JUILLET 2013 RELATIVE À LA RECHERCHE ET À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 15

B. L’OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : AMÉLIORER LA QUALITÉ DES STAGES SANS TARIR LEUR OFFRE 18

C. LA PROBLÉMATIQUE DES STAGES REVÊT ÉGALEMENT UNE DIMENSION EUROPÉENNE 20

1. Une problématique commune 21

2. Une initiative de la Commission européenne au champ d’application étroit et décevant 23

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 27

II. EXAMEN DES ARTICLES 41

Article 1er (Articles L. 612-8 à L. 612-14 et articles L. 124-1 à L. 124-17 nouveaux du code de l’éducation) : Encadrement du recours aux stages : outils au service de la formation 41

Article 2 (Articles L. 1221-13 du code du travail) : Inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel 61

Article 3 (Article L. 1221-24 du code du travail) : Modification rédactionnelle 62

Article 4 (Article L. 8112-2 du code du travail) : Élargissement des capacités de contrôle de l’inspection du travail 62

Article 5 (Article L. 8223-1-1 nouveau du code du travail) : Information de l’établissement d’enseignement et des institutions représentatives en cas d’infraction relevée par l’inspection du travail 65

Article 6 (Article L. 81 bis du code général des impôts) : Exonération de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu des gratifications versées aux stagiaires 68

TABLEAU COMPARATIF 71

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 81

INTRODUCTION

Déposée le 14 janvier 2014 sur le bureau de l’Assemblée nationale, la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires a été inscrite à l’ordre du jour de la séance du 19 février 2013.

L’objet de cette initiative préparée par la rapporteure et présentée par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés, est simple : s’il faut développer les stages – car ceux-ci peuvent offrir de réelles opportunités –, ces périodes ne doivent pas être, pour autant, le paravent d’une zone de non-droit et contribuer, de ce fait, à la précarisation des stagiaires et aux difficultés d’insertion professionnelle des jeunes.

Le droit applicable, d’abord pratiquement inexistant, s’est peu à peu étoffé, mais les situations d’abus restent encore trop nombreuses, vidant de tout contenu pédagogique ce qui devrait être un outil de formation et un tremplin vers le développement d’une vocation.

Aussi avant de présenter les dispositions de la présente proposition de loi convient-il de rappeler les vertus des stages et les détournements auxquels cette pratique peut donner lieu.

I. LE DÉVELOPPEMENT DES STAGES DOIT RÉPONDRE À DES IMPÉRATIFS PÉDAGOGIQUES ET D’AIDE À L’ORIENTATION ET À L’INSERTION PROFESSIONNELLES

A. UNE PRATIQUE DE PLUS EN PLUS INTÉGRÉE DANS LES CURSUS

Contrairement à certaines idées reçues, la France se distingue en Europe par l’importance qu’elle accorde à l’ancrage professionnel de ses cursus d’enseignement, notamment universitaires.

Les stages comptent parmi les outils permettant aux jeunes de mieux connaître le monde professionnel et d’y développer certaines aptitudes, aux côtés notamment de l’apprentissage et de la formation en alternance.

Les « stages » tels que couverts par la proposition de loi sont de deux types (1) :

– Les périodes de formation en milieu professionnel prévues dans certains cursus de l’enseignement secondaire, tels que les bacs professionnels. Ces périodes peuvent s’étendre jusqu’à 22 semaines par an ;

– Les stages proprement dit, intégrés aux cursus de l’enseignement supérieur.

Il existe des caractéristiques communes à ces deux types de période. En premier lieu, elles reposent toutes deux sur une base contractuelle : ces stages sont fondés sur la signature d’une convention spécifique liant le stagiaire, son établissement d’enseignement (secondaire ou supérieur) et son organisme d’accueil (le plus souvent une entreprise, mais aussi des administrations ou encore des associations)

La formation en milieu professionnel tout comme le stage ne sont pas des emplois mais des périodes de mise en situation s’inscrivant dans un cursus et revêtant une finalité pédagogique précise (cf. ci-après).

1. Il s’agit d’une pratique ancienne dans l’éducation nationale

Le ministère de l’éducation nationale veille de longue date à permettre aux élèves d’enrichir leur scolarité de périodes de stages.

L’article L. 331-4 du code de l’éducation laisse une grande autonomie aux établissements pour les organiser. Il prévoit ainsi que « la scolarité peut comporter, à l'initiative des établissements scolaires et sous leur responsabilité, des périodes de formation dans des entreprises, des associations, des administrations ou des collectivités territoriales en France ou à l'étranger. Ces périodes sont conçues en fonction de l'enseignement organisé par l'établissement qui dispense la formation. Elles sont obligatoires dans les enseignements conduisant à un diplôme technologique ou professionnel ». Cet article a été introduit dans le code de l’éducation par la loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989. Celle-ci avait fait de l'éducation la première priorité nationale. Elle a modifié et complété la législation sur le système éducatif, en réorganisant notamment les rythmes scolaires ainsi que les cycles d'apprentissage. Depuis lors cette pratique s’est fortement développée, en conservant la souplesse initiale : les formations en milieu professionnel et stages n’ont en effet de sens qu’adaptés à un parcours scolaire.

Deux grands types de stages sont organisés par les établissements scolaires : les stages d’immersion au collège et surtout les formations en milieu professionnel, partie intégrante des cursus professionnels censés déboucher sur l’emploi.

Le ministère de l’éducation nationale, à travers ses établissements, serait ainsi partenaire de près de 24 millions de journées de stage chaque année.

2. Un développement particulièrement dynamique dans l’enseignement supérieur.

Les années 2000 ont vu le développement de la pratique des stages dans l’enseignement supérieur, à la faveur de la professionnalisation et de l’internationalisation des cursus. Les stages étant liés au cursus de formation prévu dans chaque filière, ils sont réalisés dans tous les secteurs d’activité.

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a conduit en septembre 2013 une enquête portant sur les stages réalisés en formation initiale par étudiants inscrits dans une université française sur la période 2011-2012. Il en ressort que près de 32 % des 900 000 étudiants inscrits à l’université ont effectivement suivi un stage sur la période visée.

Ces stages s’inscrivent dans des cursus de tous types : licence, master, licence professionnelle, IUT, formation d’ingénieurs, hors écoles.

Le nombre de stagiaires augmente à mesure que l’on progresse dans ces cursus : quatre stages sur dix se déroulent en master, un sur quatre en licence générale, un sur cinq en DUT et 5 % en formation d’ingénieur, ce que décrit le diagramme ci-après.

PROPORTION D’ÉTUDIANTS AYANT FAIT UN STAGE PAR NIVEAU D’ÉTUDES EN 2011-2012

Source : MESR-DGESIP/DGRI-SIES – enquête sur les stages.

À niveau d’études égal, les formations professionnelles présentent une fréquence en stage supérieure aux formations générales.

En outre, d’après les données du ministère, plus de six stages sur dix durent deux mois ou plus (63 %).

50 % des stages faisaient l’objet d’une gratification. Le graphique ci-après décrit la répartition des niveaux de gratification des stages menés par les étudiants français.

RÉPARTITION DES STAGES PAR NIVEAU DE GRATIFICATION MENSUELLE
EN 2010-2011 ET EN 2011-2012

Source : MESR-DGESIP/DGRI-SIES – enquête sur les stages.

Dans le détail, 60 % des stages ont été gratifiés pour un montant compris entre le seuil réglementaire et 600 euros. Le montant est supérieur à 600 euros pour 20 % des stages. Enfin, pour les derniers 20 %, le montant est inférieur au taux réglementaire : il s’agit de stages pour lesquels la gratification n’était pas obligatoire avant la loi du 22 juillet 2013.

D’après l’enquête sur les jeunes diplômés 2012 (échantillon de 4 500 étudiants sortis de l’université et des grandes écoles) menée par l’association pour l’emploi des cadres (APEC), 18 % des jeunes diplômés se sont vu proposer un emploi à la suite d’un stage. L’enquête relève par ailleurs que ce n’est pas tant l’accumulation des stages qui favorise l’accès des jeunes diplômés à un premier emploi, mais la réalisation de stages de qualité, en lien avec la formation suivie, encadrés par l’établissement de formation, dans lequel les missions confiées aux stagiaires sont proches de la situation d’emploi.

De leur côté, les stages à l’étranger ont connu un développement considérable et porté l’internationalisation de nos établissements d’enseignement supérieur bien au-delà de l’Union européenne. Le financement du séjour des étudiants pose cependant souvent problème et la rapporteure a relevé de nombreux témoignages attestant de situations d’inégalité des étudiants face à ces opportunités. Ces stages ne s’inscrivent généralement pas dans le cadre du droit français, n’offrant pas nécessairement de gratification. Par définition, ils supposent que l’étudiant quitte son domicile et trouve un nouveau logement.

C’est pourquoi, elle se réjouit des réflexions en cours pour remédier à cette situation. Elle soutient en particulier les tentatives d’harmonisation européennes visant par exemple à généraliser la gratification.

3. Une double finalité pédagogique et professionnalisante

Le stage se distingue de l’emploi car il fait partie d’un parcours d’enseignement et est précisément destiné à conduire à l’emploi.

Le stage est un outil de formation, intégré à un cursus. C’est ce que prévoit l’article L. 612-8 du code de l’éducation ou encore, par exemple, l’article 7 de l’arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence aux termes duquel « l'offre de formation (…) est organisée sous la forme de parcours types de formation initiale et continue formant des ensembles cohérents au regard des objectifs du diplôme. Ces parcours (…) sont conçus de manière à permettre aux étudiants d'élaborer progressivement leur projet personnel et professionnel en favorisant leur intégration, leur orientation et leur spécialisation au fur et à mesure de l'avancée dans le cursus. Ils facilitent également la mobilité, notamment à l'étranger. Chaque parcours prévoit la possibilité d'un stage obligatoire ou facultatif intégré au cursus et faisant l'objet d'une évaluation concourant à la délivrance du diplôme ».

Il s’agit d’une caractéristique fondamentale, régulièrement rappelée, y compris sur le plan réglementaire ou encore dans des documents d’accompagnement. Ainsi, la charte des stages de 2006 rappelle que « la finalité du stage s’inscrit dans un projet pédagogique et n’a de sens que par rapport à ce projet ».

La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche définit le stage comme « une période temporaire de mise en situation en milieu professionnel au cours de laquelle l'étudiant acquiert des compétences professionnelles qui mettent en œuvre les acquis de sa formation en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'une certification ».

Son article 26 a prévu que les stages effectués dans le cadre d'une formation suivie dans un établissement scolaire ou universitaire soient pleinement intégrés dans une maquette pédagogique. Le volume d’heures associées dans le cursus doit être défini par voie réglementaire et rappelé dans la convention de stage. L’objectif est de responsabiliser l’ensemble des acteurs parties prenante au déroulement du stage. Ces dispositions précisent en outre que « les stages ne peuvent pas avoir pour objet l'exécution d'une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l'entreprise ».

La professionnalisation est l’autre caractéristique fondamentale du stage, qui en fait un pont entre l’enseignement et le monde du travail.

Elle est confirmée par la plupart des textes concernant les stages. Ainsi, le législateur a rappelé que les stages participent à la mission d’aide à l’insertion professionnelle de l’enseignement supérieur, que rappelle le 3° de l’article L. 123-3 du code de l’éducation. Il doit se construire en lien avec l’institution des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle créés par la loi n°2007-1199 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU), ce que prévoit l’article L. 611-5 du même code.

Ces dispositions sont confirmées par les textes réglementaires, par exemple par l’arrêté relatif à la licence et son article 6 : « en application du 3° de l'article L. 123-3 du code de l’éducation, l’université met en place des actions concourant à l'insertion professionnelle des étudiants. À cet effet, la formation comprend des éléments de préprofessionnalisation et de professionnalisation ».

À la valorisation croissante des périodes de formation en milieu professionnel et des stages ont correspondu des améliorations progressives du cadre juridique.

B. D’IMPORTANTES AVANCÉES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES AU COURS DES ANNÉES 2000

Longtemps cantonnés aux dispositions inscrites dans les conventions, les formations en milieu professionnel et les stages ont été l’objet d’une activité législative et réglementaire conséquente depuis 2006. Ce cadre s’est progressivement mis en place en s’appuyant souvent sur le dialogue social et notamment les accords nationaux interprofessionnels (ANI).

Le dispositif juridique mis en place avec la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a consacré une première série de mesures, notamment l’obligation de signature de convention tripartite et de versement d’une gratification pour les stages d’une durée supérieure à trois mois. Un stagiaire ne saurait en outre exécuter une tâche régulière, faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, remplacer un salarié en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail ou de licenciement.

À la suite d’un processus de concertation entre les partenaires sociaux, la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a complété ce dispositif en rendant obligatoire l’inscription de tout stage dans un cursus pédagogique et en réduisant le délai de trois à deux mois concernant l’obligation de gratification (article 30).

S’agissant de la mise en œuvre réglementaire, le décret n° 2009-885 du 21 juillet 2009 relatif aux modalités d’accueil des étudiants de l’enseignement supérieur en stage dans les administrations et établissements publics de l’État ne présentant pas un caractère industriel et commercial a attribué à l’État des obligations quasiment identiques à celles des entreprises et structures privées. Cette disposition a mis fin au recrutement massif de stagiaires non rémunérés dans certaines administrations, une situation particulièrement dénoncée par exemple s’agissant du ministère des affaires étrangères. Les fonctions publiques territoriale et hospitalière sont demeurées, en revanche, exemptées de l’application des règles d’encadrement et de gratification des stages.

La loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels (faisant suite aux « ANI jeunes »), dite loi dite « Cherpion », est venue confirmer et renforcer les droits du stagiaire (2). Elle a notamment réaffirmé l’interdiction du recours au stage pour l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l'entreprise, prévu que la gratification est obligatoire pour les stages étudiants en entreprise d'une durée supérieure à deux mois consécutifs ou non, limité en principe la durée du stage à 6 mois, créé un délai de carence entre deux stages (un tiers de la durée du stage précédent) lorsque les entreprises accueillent successivement des stagiaires sur un même poste et imposé la tenue d’un registre des stages.

L’information du comité d’entreprise est désormais prévue dans le code du travail à l’article L. 2323-51 par, (article qui n’est pas modifié par la proposition de loi). En conséquence, « chaque trimestre, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, l'employeur informe le comité d'entreprise […] du nombre de stagiaires accueillis dans l'entreprise, des conditions de leur accueil et des tâches qui leur sont confiées ».

Toutefois, malgré les efforts du législateur, les associations étudiantes ont relevé la persistance de certaines faiblesses juridiques. La mise en œuvre réglementaire des dispositions législatives a été l’objet de critiques. Par exemple, au cours de ses auditions, la rapporteure a ainsi relevé de nombreuses récriminations portant par exemple sur l’absence de dispositions de mise en œuvre de l’article 27 de la loi Cherpion portant sur l’inscription des stagiaires dans le registre dédié.

Les progrès obtenus au cours des années 2000 sont considérables. Ils sont le fruit de la mobilisation du législateur, mais également des partenaires sociaux, des organisations étudiantes ainsi que des associations spécialisées sur cette question, telle que Génération Précaire. Ces progrès législatifs ont permis des améliorations notables. Toutefois, de nombreuses imperfections demeuraient : constats récurrents d’abus, persistance de failles législatives et réglementaires. C’est pourquoi le Président de la République a consacré l’un de ses engagements à l’encadrement du recours aux stages ainsi qu’à l’amélioration du statut des stagiaires.

C. LA PERSISTANCE D’ABUS

Si la très grande majorité des entreprises fournit des efforts remarquables pour accueillir des jeunes en stage, il existe encore de trop nombreuses situations d’abus où les stages sont utilisés en substitution à l’emploi. Dans certains secteurs en particulier, la tentation peut être grande de recruter un stagiaire en fin d’études, de niveau IUT ou Master, pour effectuer des tâches habituellement dévolues à des salariés (conseil, finance, marketing, etc).

Ces situations ont été dénoncées par de nombreux mouvements étudiants et associatifs, dont on peut aisément consulter les témoignages en ligne (listes noires, concours des plus mauvais stages, etc.)

En droit, le recours aux stagiaires en substitution d’emplois permanents ou temporaires constitue une infraction à la législation du travail que peuvent constater les agents de contrôle de l’administration du travail. En particulier, un certain nombre d’éléments peuvent être utilisés pour déterminer si les modalités concrètes d’accomplissement du stage de formation dans l’entreprise justifient la réalité de la qualité de stagiaire ou constituent un contournement du statut salarial. Il s’agit de travail dissimulé par dissimulation de travailleur, infraction qui entraîne la requalification du stage en emploi.

Lorsqu’il est établi que le stagiaire est en réalité employé comme un salarié, l'entreprise ou la structure d’accueil est alors considérée comme son employeur, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler, proportionnellement à la gravité des faits et à leur réitération :

– pénales (jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour la personne physique) ;

– civiles (rappel de cotisations sociales – droits du salarié en matière de rémunération minimale légale ou conventionnelle) ;

– et administratives (refus ou demande de remboursement des aides publiques à l’emploi et à la formation professionnelle, fermeture administrative temporaire d’établissement et exclusion temporaire des contrats administratifs).

Le Gouvernement, inquiet du développement des abus constatés par les services de contrôle, est attentif à cette question. Ainsi, la lutte contre les faux statuts, dont celui de faux stagiaire, constitue l’un des objectifs prioritaires du Plan national de lutte contre le travail illégal (PNLTI) pour la période 2013-2015 présenté le 27 novembre 2012 par le Premier ministre et le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social devant la Commission nationale de lutte contre le travail illégal.

Le 5 décembre 2013, cette commission a examiné le bilan et les perspectives du PNLTI 2013-2015. Les données concernant l’objectif d’intensification des contrôles et de la sanction du recours aux faux statuts, dont les faux stagiaires, ne sont pas encore disponibles. Néanmoins, l’objectif quantitatif concernant la lutte contre les abus en matière de stage (+10 % de contrôles des services de contrôle compétents dont l’Inspection du travail) a été confirmé.

II. EN COHÉRENCE AVEC LA LOI DU 22 JUILLET 2013, LA PROPOSITION DE LOI TEND À RENFORCER L’ENCADREMENT DES STAGES ET LES CONDITIONS D’ACCUEIL DES STAGIAIRES

En Europe, la France se distingue par un encadrement strict de la pratique des stages, qui doivent nécessairement s’inscrire dans des cursus de formation. Il existe encore toutefois des dérives (stages hors convention ou conventions délivrées sans réel suivi pédagogique). Certaines entreprises ont par ailleurs recours à des stagiaires sur des postes de travail (cas de travail dissimulé). Par ailleurs, le fait que la situation des stagiaires se distingue clairement de celle des salariés peut les placer à certains égards dans une situation de vide juridique quant à leurs droits au sein de l’organisme d’accueil. La proposition de loi devrait apporter des progrès considérables de ce point de vue. Il faudra toutefois se montrer vigilant afin que le cadre européen en construction ne vienne pas les contredire.

A. LES ACQUIS DE LA LOI DU 22 JUILLET 2013 RELATIVE À LA RECHERCHE ET À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Le cadre législatif en vigueur a été modifié récemment par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Elle a étendu le champ d’application des mesures relatives aux stages au-delà des seules entreprises, à tous les organismes d’accueil, a précisé la vocation pédagogique des stages et a clarifié les textes du code de l’éducation relatifs aux stages.

Le législateur a harmonisé les obligations des organismes d’accueil vis-à-vis des stagiaires. Il fallait en effet mettre fin à certaines imprécisions législatives ou réglementaires pouvant conduire à des inégalités de traitement entre stagiaires du secteur privé et stagiaires du secteur public. Le nouveau cadre s’applique ainsi à tous, y compris s’agissant de la gratification au-delà de deux mois de stage. Quelques exceptions ont néanmoins été prévues ; elles concernent notamment les stages relevant de l’article L. 4381-1 du code de la santé publique c’est-à-dire les stagiaires des formations menant à des métiers du paramédical et les stages liés à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Le législateur a souhaité améliorer la définition du stage en rappelant son inscription dans un cursus de formation et sa formalisation via une convention de stage élaborée en concertation avec l’organisme d’accueil.

Afin de contrecarrer les recours abusifs aux stages, se fondant notamment sur la délivrance trop libérale de conventions par certains établissements de l’enseignement supérieur, la loi de 2013 a affirmé l’interdiction de stages hors cursus, ou de longue durée qui, sous couvert d’une expérience professionnelle pouvaient conduire à des emplois déguisés. Cette pratique avait aussi pour conséquence de compliquer l’insertion sur le marché du travail des nombreux jeunes diplômés, entretenant parfois une forme de dévalorisation de l’offre d’emplois.

Ces avancées considérables méritent aujourd’hui d’être complétées sur certains points.

Comme on l’a vu, le cadre législatif et réglementaire s’est constitué progressivement, à la suite de grandes avancées législatives. Il en résulte une forme de « stratification » de textes. Malgré les avancées de la loi du 22 juillet 2013, il existe encore différentes dispositions régissant les stages en entreprises, en administrations, établissements publics, associations ou collectivités territoriales de niveaux différents (loi, décrets ou même circulaire non réglementaire). Elles ont des conséquences différentes pour des étudiants pouvant se trouver dans une même filière de formation.

Ce manque de lisibilité et surtout de cohérence globale s’est traduit par le passé par une inégalité de traitement des stagiaires selon l’organisme d’accueil. Il s’agit précisément d’une lacune de notre droit que la proposition de loi entend traiter.

De même, au cours de ses travaux préparatoires, la rapporteure a relevé la persistance d’un manque de lisibilité quant au positionnement du stage au sein du cursus de formation et à la validation de ses acquis.

La nouvelle législation complète la définition du stage et confirme son inscription en tant qu’unité d’enseignement au sein d’un cursus dont le volume horaire doit être défini par décret. En effet, certains établissements proposaient aux étudiants des conventions de stages en contrepartie du versement de droits d’inscription pour des formations dont le volume pédagogique proposé était très insuffisant et ne pouvait garantir une préparation de qualité au diplôme concerné. Pour mettre fin à ces abus, la loi de 2013 prévoit la définition d’un volume de formation minimum et met en cohérence le stage et le cadre national des formations. Dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure, le Gouvernement annonce que les décrets d’application fixeront le seuil minimal de formation à 200 heures.

La possibilité de déroger à une durée de stage de plus de six mois ouverte avant la loi de 2013 a eu pour conséquence une pratique d’emplois déguisés par certaines entreprises. Pour empêcher cette pratique la loi du 22 juillet 2013 a supprimé les dérogations possibles à une durée maximale de six mois de stage par année d’enseignement dans un même organisme. Les seules formations qui peuvent déroger à cette règle sont celles préparant à des métiers spécifiques dont la liste doit être précisée par voie réglementaire.

Enfin, parmi les dispositions les plus marquantes, l’article L. 612-8 alinéa 5 rappelle que « les stages ne peuvent avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise, de l’administration publique, de l’association ou de tout autre organisme d’accueil ».

Ainsi, le dispositif législatif et réglementaire en vigueur a permis d’instituer un cadre juridique clair concernant la pratique des stages et les droits des stagiaires notamment s’agissant du contenu et de la durée du stage, de son formalisme et de la gratification. Néanmoins, il ne permet pas de traiter l’ensemble des enjeux relatifs à l’accès et aux conditions de déroulement des stages. Dans ce contexte, plusieurs pistes d’amélioration peuvent être envisagées, qui doivent prendre en compte d’une part, les besoins de renforcement de l’encadrement des stages et des droits et stagiaires et du contrôle et, d’autre part, la nécessité de préserver l’offre de stages.

Pour lutter contre les recours abusifs aux stagiaires, une régulation de leur nombre, notamment par tuteur de stages, permettrait de limiter les risques tout en améliorant la qualité des stages.

En outre, pour renforcer la protection des stagiaires et compte tenu de leur faible pouvoir de négociation à l’égard de leur structure d’accueil, la définition par la loi d’un cadre uniforme relatif à leurs droits dans la structure d’accueil semble nécessaire. Il convient de rappeler que les stagiaires ne sont pas des salariés, puisque la vocation de leur période en entreprise est de compléter leur formation dans le cadre d’un parcours pédagogique. Il faut donc éviter toute assimilation avec le statut du salariat. Dans le cas contraire en effet, les risques de requalification en contrat de travail de la période de stage par le juge vers lequel se retournerait le stagiaire seraient importants.

Parallèlement, un renforcement du rôle et des moyens d’action de l’inspection du travail permettrait d’assurer un contrôle efficace de la protection des droits des stagiaires, sa compétence se limitant aujourd’hui sur ce sujet à la verbalisation au titre du travail dissimulé.

C’est pour répondre à ces enjeux que la rapporteure a souhaité déposer la présente proposition de loi afin de répondre à ces insuffisances et de stabiliser le droit encadrant le recours et la pratique des stages

B. L’OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : AMÉLIORER LA QUALITÉ DES STAGES SANS TARIR LEUR OFFRE

La présente proposition de loi est un texte de synthèse et d’équilibre. Il rappelle que le stage répond à une démarche pédagogique liant trois parties : le stagiaire, son établissement d’enseignement et un organisme d’accueil.

Dans une démarche de clarification du droit applicable, la proposition de loi procède tout d’abord à une importante recodification des dispositions applicables aux stages et formations en milieu professionnel du code de l’éducation. Un chapitre spécifique leur est ainsi dédié, rassemblant des dispositions existantes, telles qu’elles résultent notamment de la loi du 22 juillet 2013, et insérant des dispositions nouvelles. C’est l’objet, en particulier, de l’article 1er.

Cet article précise ce qui définit fondamentalement un stage, à savoir une période d’immersion professionnelle intégrée dans un cursus de l’enseignement scolaire ou universitaire. Il repose sur la conclusion d’une convention.

L’article 1er prévoit tout d’abord les missions de l’établissement d’enseignement. Il rappelle son devoir d’appuyer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche. Il lui incombe de définir le parcours pédagogique dans lequel s’insère le stage, en précisant les compétences que le jeune doit acquérir ou développer à cette occasion. Gage de la qualité de cette démarche, il doit désigner un enseignant référent chargé du suivi du stage.

Il concrétise également les engagements du Président de la République en proposant des outils de lutte contre le recours abusif aux stages. En particulier, cet article prévoit d’encadrer leur durée, en les limitant à une durée de six mois et mettant fin sur deux années aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur. Cette disposition permettra de bien distinguer les formations relevant du stage de celles s’apparentant à de l’alternance.

Il rappelle que, par définition, aucun stage ne saurait se substituer à un emploi, qu’il soit permanent ou temporaire.

Sont également instaurés d’autres outils destinés à lutter contre les abus, et notamment la définition par voie réglementaire d’une limitation du nombre de stagiaires rapportée à l’effectif global de l’organisme d’accueil. Un dispositif d’amende est prévu en cas d’infraction. Les modalités d’application de cette disposition seront définies par un décret. Celui-ci devra tenir compte de la diversité des situations et notamment de celle, spécifique, des petites entreprises, et particulièrement des PME innovantes.

La limitation du nombre de stagiaires répond à un impératif qualitatif. Celui-ci préside également à la formalisation, par la proposition de loi, de l’obligation faite à l’organisme d’accueil de désigner un nombre maximum de stagiaires pouvant être encadrés par un même tuteur. L’établissement d’enseignement, de son côté, devra désigner clairement un enseignant référent pour le suivi de la période de stage.

À la suite des engagements du Président de la République, la proposition de loi pose les contours d’un véritable statut du stagiaire, en lui conférant notamment des droits nouveaux. Ainsi, elle leur applique les dispositions du code du travail relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption et les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos.

L’article 1er introduit enfin des éléments de souplesse dans la validation du stage. Il prévoit en particulier que dans certains cas d’interruption du stage, l’établissement d’enseignement peut choisir de valider le stage ou la période de formation en milieu professionnel et cela même si le stagiaire n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus.

Afin de mettre en lumière les effectifs de stagiaires au sein d’un organisme d’accueil, l’article 2 prévoit que les stagiaires seront désormais inscrits dans le registre unique du personnel. Il s’agit d’une innovation importante qui permettra notamment aux organisations syndicales de mieux suivre la situation des stagiaires dans l’organisme d’accueil. Dans le but de bien distinguer les stages des emplois, une section du registre unique du personnel sera spécifiquement dévolue à l’inscription des stagiaires.

Cette disposition facilitera les contrôles des services de l’inspection du travail qui ont accès au registre unique du personnel. Tous les stagiaires seront immédiatement identifiables. Ils seront inscrits dans une annexe du registre afin de ne pas les intégrer au milieu de l’ensemble des salariés de l’entreprise, ceux-ci y étant inscrits par ordre d’arrivée (les stagiaires n’étant pas des salariés de l’entreprise, il est plus logique de les isoler dans une section spécifique).

L’article 3 comporte quant à lui des dispositions rédactionnelles, conséquences de la codification organisée par l’article 1er.

L’article 4 élargit les compétences de l’inspection du travail afin qu’elle dispose des moyens de contrôler le respect des dispositions décrites dans l’article 1er.

L’article 5 porte sur les suites des contrôles effectués par l’inspection du travail. En cas de constat d’une infraction, ce dernier informera l’établissement d’enseignement parti à la convention de stage, mais également les organisations représentatives du personnel de l’organisme d’accueil.

Enfin, l’article 6 prévoit l’exonération de l’impôt sur le revenu des gratifications versées aux stagiaires. Cette mesure favorisera directement les stagiaires et surtout leurs familles, lorsqu’ils relèvent du même foyer fiscal.

C. LA PROBLÉMATIQUE DES STAGES REVÊT ÉGALEMENT UNE DIMENSION EUROPÉENNE

La problématique traitée par la présente proposition de loi dépasse le cadre strictement national. En effet, ces dernières années, l’encadrement des stages est devenu un sujet d’intérêt européen – ce dont il faut se réjouir. La Commission européenne a même proposé, il y a quelques mois, des « lignes directrices » pour améliorer la qualité des stages. Cependant, même si elle ne revêt pas, comme on le verra plus loin, un caractère juridiquement contraignant, s’imposant à notre droit, l’approche qu’elle a choisie est contradictoire avec celle défendue par notre pays.

1. Une problématique commune

Dès septembre 2007 – soit un an après que la France ait fixé un cadre réglementaire en la matière –, la Commission européenne a proposé une initiative relative à une « charte européenne de la qualité des stages » (3).

Le Parlement européen, quant à lui, a adopté, le 6 juillet 2010, une résolution demandant des stages « plus nombreux et de meilleure qualité » (4).

Puis, la France ayant joué un rôle moteur en la matière, le Conseil européen a invité à plusieurs reprises, par des conclusions adoptées en décembre 2012, en février 2013 et en juin 2013, la Commission à présenter un « cadre de qualité pour les stages ».

Celle-ci a donc consulté, entre octobre 2012 et février 2013, les partenaires sociaux sur cette problématique, ce qui a permis de pointer du doigt les problèmes qui affectent la qualité des stages dans l’Union européenne, à savoir un contenu d’apprentissage insuffisant et de mauvaises conditions de travail, – notamment en ce qui concerne la rémunération de cette expérience, trop faible ou absente– , son statut juridique incertain et sa durée excessive.

De surcroît, le cadre réglementaire national applicable aux stages varie fortement, à la fois d’un type de stage à l’autre et d’un État-membre à l’autre : « À un extrême, la France réglemente tous les types de stages ; à l’autre, des pays comme la Bulgarie et le Royaume-Uni ne disposent d’aucun cadre juridique spécifique en la matière. Moins de la moitié des États membres ont des dispositions sur la durée et la rémunération des stages ou sur la protection sociale des stagiaires » (5).

Ces insuffisances ont été confirmées par l’enquête Eurobaromètre sur la qualité des stages, publiée en novembre 2013. Les points saillants de ce sondage réalisé à l’échelle de l’Union sont les suivants :

– 53 % des personnes interrogées ont effectué leur dernier stage au cours de leurs études ;

– seulement six stagiaires sur dix (62 %) ont signé une convention avec leur organisme d’accueil ;

– près de six stagiaires sur dix (59 %) n’ont perçu aucune indemnité lors de leur dernier stage. En outre, seuls 25 % des stagiaires rémunérés ont estimé que les sommes versées suffisaient à couvrir leurs frais de subsistance ;

– enfin, près d’un stage sur trois (30 %) laissait à désirer du point de vue des conditions de travail ou du contenu des apprentissages offerts. En outre, 20 % des stagiaires ont déclaré ne rien avoir appris d’utile sur le plan professionnel au cours de leur stage (6).

Au vu de ces éléments, force est de constater que le stage précaire et de « convenance », dépourvu de tout contenu réellement formateur, est une réalité partagée en Europe.

La mobilisation générale contre ces dérives devrait donc être décrétée au niveau européen, et ce d’autant plus que les entreprises elles-mêmes, notamment les PME, sont très favorables à un meilleur encadrement des stages.

Ainsi, entre mars et juin 2013, un « test PME » a été réalisé auprès de 914 entreprises afin d’analyser, du point de vue des employeurs, la qualité des stages proposés par cette catégorie d’entreprises et d’estimer le coût qu’entraînerait leur mise en conformité avec des mesures de régulation. Cet exercice a mis en exergue trois données fondamentales : en premier lieu, l’analyse économétrique des résultats de cette enquête a montré que « les personnes qui ont fait un stage ″bas de gamme″ sont beaucoup moins susceptibles de décrocher un emploi par la suite » ; en deuxième lieu, 71,9 % des sondés voient dans ce type d’expérience un moyen de sélectionner et de former de futurs salariés ; enfin, une écrasante majorité de PME (soit neuf sur dix) n’aurait aucune difficulté à accepter des éléments qualitatifs dans la définition du stage (7).

Les demandes récentes en faveur d’un cadre européen pour les stages

– Les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 17 juin 2011, intitulées « Promouvoir l’emploi des jeunes pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 », ont invité la Commission à proposer « des orientations concernant les conditions de nature à garantir la qualité élevée des stages au moyen d’un cadre de qualité pour les stages ».

– Le 14 juin 2012, dans sa résolution intitulée « Vers une reprise riche en emplois », le Parlement européen a invité la Commission à soumettre, dans les plus brefs délais, une « proposition de recommandation du Conseil sur un cadre de qualité pour les stages » et à définir des « règles minimales pour l’offre et l’accomplissement de stages de qualité ».

– Enfin, le Conseil européen, dans ses conclusions de décembre 2012, a invité la Commission « à achever sans tarder la mise au point du cadre de qualité pour les stages », avant d’indiquer, dans celles adoptées en juin 2013, que « le cadre de qualité pour les stages devrait être mis en place au début de 2014 ».

2. Une initiative de la Commission européenne au champ d’application étroit et décevant

La Commission a répondu aux invitations – pressantes – qui lui étaient faites en présentant, le 4 décembre 2014, une proposition de recommandation du Conseil relative à un cadre de qualité pour les stages, qui a pour objet d’inciter les États membres à veiller à ce que leurs législations ou pratiques nationales respectent les principes énoncés (8).

D’un point de vue juridique, le choix de l’instrument « souple » que constitue une recommandation – plutôt que celui d’une proposition de directive – doit être salué, car le recours à un texte contraignant aurait sans doute porté atteinte au principe de proportionnalité qui postule que l’activité normative de l’Union est tenue de se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs des traités européens. En outre, d’un point de vue politique, cette stratégie est tout aussi satisfaisante car viser l’harmonisation complète des différentes législations en matière de stages, c’est prendre le risque de devoir aligner notre droit sur le « moins disant » social.

En ce qui concerne le contenu de la proposition, celui-ci est de nature à encourager le développement de « bonnes pratiques » dans l’Union européenne. En particulier, la proposition recommande aux États membres :

– de veiller à ce que les conventions de stage précisent les objectifs d’apprentissage et les conditions de travail et indiquent clairement si une rémunération et/ou une indemnité de stage sont prévues et, dans l’affirmative, le montant de celles-ci ;

– de veiller aussi à ce que les stages présentent une durée raisonnable n’excédant pas, d’une manière générale, six mois, sauf dans des cas justifiés, par exemple pour les programmes de formation en entreprise à des fins de recrutement ou les stages effectués dans un autre État membre ;

– d’encourager les fournisseurs de stages à certifier, au moyen d’une attestation ou d’une lettre de référence, les connaissances, les qualifications et les compétences acquises au cours du stage.

Son champ d’application est en revanche extrêmement problématique en ce qu’il heurte « de front » notre définition légale du stage, en vertu de laquelle celui-ci doit avoir une vocation pédagogique.

Ce sont les « stages sur le marché libre » qui sont visés, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas intégrés à un cursus pédagogique et qui sont, de ce fait, incompatibles avec notre législation, laquelle interdit ces pratiques. Les considérants 28 et 29 de la proposition de recommandation sont, à cet égard, dépourvus de toute ambiguïté : « La présente recommandation devrait concerner la totalité des stages sur le marché libre, qu’ils soient rémunérés ou non [cons. 28]. Elle ne concerne pas les stages pratiques qui relèvent d’un cursus universitaire ou de l’enseignement formel ou professionnel. Les stages dont le contenu est réglementé par la législation nationale et dont l’accomplissement est obligatoire pour obtenir un diplôme universitaire ou accéder à une profession donnée (par exemple en médecine ou en architecture) ne sont pas concernés par la présente recommandation [cons. 29] ».

Le choix de cette définition a minima, réductrice, est corrélé au fait que la Commission européenne recommande que la convention de stage ne soit signée qu’entre le stagiaire et le fournisseur de stage, excluant ainsi les établissements d’enseignement de cet accord.

Or cette approche « étroite » n’est pas motivée par la Commission, ni dans l’exposé des motifs de sa proposition ni dans l’étude d’impact qui l’accompagne.

Elle ne peut que susciter une réserve de fond, dans la mesure où elle conduit à considérer le stage comme une forme précaire d’emploi, déconnectée de tout objectif pédagogique.

En outre, sur un plan pratique, ce périmètre réduit la portée de l’initiative en excluant de facto les étudiants qui constituent une population grandissante de stagiaires. Il est donc incompatible avec l’organisation même du système européen d’enseignement supérieur qui, depuis la Conférence de Bologne de juin 1999, promeut des cursus fondés sur le triptyque licence-master-doctorat, qui doivent comprendre des périodes de stage.

Enfin, ce champ d’application n’est pas conforme avec le programme européen Erasmus +, cité au considérant 15 de la proposition, qui soutient financièrement les seuls stages intégrés à un cursus pédagogique.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement défend – et ce depuis le 13 décembre 2013, la date qui a marqué le début des négociations – le principe d’une réorientation du texte, afin que les stages soient inscrits dans un parcours pédagogique.

La proposition devrait être à nouveau débattue par la Commission et les États membres les 13 et 25 février prochains, en vue d’une inscription à l’ordre du jour du Conseil de l’Union européenne du 10 mars 2014.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales examine la proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 12 février 2014.

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de M. Bruno Le Roux tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Les stages en milieu professionnel sont devenus indispensables à la validation de très nombreux cursus scolaires et universitaires. C’est un développement positif : le contact avec la réalité du travail doit faciliter l’intégration professionnelle des étudiants concernés. Toutefois, ces stages doivent avoir pour unique objectif la formation de ceux qui les suivent : ils ne doivent pas représenter pour les structures d’accueil un moyen de faire réaliser à moindre coût des tâches relevant de leur activité. Par ailleurs, les stagiaires doivent pouvoir bénéficier d’un statut, certes différent de celui des salariés, mais leur assurant un minimum de protection et de garanties.

La question de la réglementation des stages a souvent été abordée par notre commission, notamment lors du débat sur la réforme des retraites. En cohérence avec la loi du 22 juillet 2013 relative à la recherche et à l’enseignement supérieur, dite loi ESR, la présente proposition de loi vise à compléter et rationaliser le dispositif législatif en vigueur. Notre rapporteure, Mme Khirouni, suit ce dossier depuis longtemps et a beaucoup contribué à l’élaboration des mesures qui nous sont présentées. Je la remercie pour le travail remarquable qu’elle a effectué sur ce texte attendu par beaucoup de jeunes.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure. L’emploi des jeunes est, pour notre majorité, un enjeu prioritaire. Depuis le début de la crise économique, le chômage des jeunes de quinze à vingt-quatre ans a augmenté de 50 % dans l’Union européenne. Bien que la dégradation ne soit pas aussi spectaculaire dans notre pays, celui-ci n’est pas épargné : le chômage des moins de vingt-cinq ans y a continué sa progression et s’établit à 24 % en moyenne, mais à plus de 50 % – soit plus du double – dans certains territoires ruraux, dans les zones urbaines sensibles et dans les départements d’outre-mer.

Avec les dispositifs des emplois d’avenir, du contrat de génération, de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ou encore de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, nous entendons faciliter l’insertion professionnelle des jeunes qui est un enjeu majeur. Nous proposons aujourd’hui de compléter le dispositif législatif en faveur de la formation et de l’insertion professionnelle par cette proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement et l’amélioration du statut des stagiaires.

Contrairement à certaines idées reçues, la France se distingue en Europe par l’importance qu’elle accorde à l’ancrage professionnel de ses cursus d’enseignement, notamment universitaires. Avec l’apprentissage et la formation en alternance, les stages comptent parmi les outils qui permettent aux jeunes de mieux connaître le monde professionnel et d’y développer certaines aptitudes. Dans son rapport de septembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages en milieu professionnel à environ 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006. La généralisation des stages dans les cursus de l’enseignement secondaire et supérieur explique pour partie cette progression.

Les stages et périodes de formation en milieu professionnel demeurent la plupart du temps de belles occasions pour les jeunes d’acquérir des compétences, de mettre en pratique leur formation, de tester leur projet professionnel et d’affiner leurs choix d’orientation. Dans le même temps, ils permettent aux entreprises de bénéficier de compétences nouvelles pour des missions spécifiques et de se constituer un vivier de recrutement potentiel.

Cependant, de nombreux jeunes éprouvent des difficultés à trouver des stages, en l’absence de réseau personnel et familial, du fait de la méconnaissance du monde du travail ou en raison de discriminations similaires à celles qui ont été identifiées pour l’accès à l’emploi. La situation actuelle du marché du travail conduit certains jeunes ayant terminé leur formation à accepter des stages faute de trouver un premier emploi. Aujourd’hui, une grande partie des diplômés doit enchaîner des périodes de stage pendant des années, avant de décrocher un CDD et, enfin, un CDI. Ainsi, trop souvent, les périodes de stage deviennent un véritable sas d’entrée dans la vie active et conduisent à la précarisation des jeunes.

Enfin, dans certains cas, les stages peuvent être détournés de leur vocation première d’élément de la formation des étudiants et se substituer à des emplois qui devraient être occupés par de jeunes diplômés. Certaines entreprises recourent parfois aux stages de manière abusive en recrutant des stagiaires à la place de salariés ou en leur imposant des conditions d’activité défavorables par rapport à celles des salariés, notamment en termes de durée de présence. Notre proposition de loi vise à rappeler que le stage n’est pas une fin en soi, mais qu’il doit rester un outil au service d’un cursus de formation.

Le législateur a régulièrement précisé le droit encadrant le recours aux stages. En particulier, la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Cherpion, a représenté un progrès. Toutefois, des failles demeurent, certaines mesures réglementaires prévues par la loi n’ayant pas été adoptées. Plus récemment, la loi relative à la recherche et à l’enseignement supérieur du 22 juillet 2013 a profondément modifié le cadre législatif en vigueur : elle a étendu le champ d’application des mesures au-delà des seules entreprises et rappelé que le stage est une période pédagogique qui s’intègre nécessairement à un cursus.

La présente proposition de loi est un texte de synthèse et d’équilibre. Elle vise à rappeler que le stage s’inscrit dans une démarche pédagogique liant trois parties : le stagiaire, son établissement d’enseignement et un organisme d’accueil. Dans un souci de clarification du droit applicable, tant à l’attention des stagiaires que des entreprises, elle tend à recodifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux stages et aux formations en milieu professionnel. Un chapitre spécifique leur sera dédié. Il rassemblera des dispositions existantes, notamment celles qui résultent de la loi du 22 juillet 2013, et des dispositions nouvelles. Cette recodification est l’objet, en particulier, de l’article 1er, qui précise la définition du stage : il s’agit fondamentalement d’une période d’immersion professionnelle intégrée dans un cursus de l’enseignement scolaire ou universitaire, qui doit faire l’objet d’une convention.

L’article 1er fixe d’abord les missions de l’établissement d’enseignement. Celui-ci doit appuyer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de stage. Il lui incombe également de définir le parcours pédagogique dans lequel s’insère le stage, en précisant les compétences que le jeune doit acquérir ou développer à cette occasion. Enfin, il doit désigner un enseignant référent chargé du suivi du stage, ce qui constitue un gage de qualité.

L’article 1er vise ensuite à concrétiser les engagements du Président de la République, en créant des outils de lutte contre le recours abusif aux stages. En particulier, il prévoit de limiter leur durée à six mois maximum et de mettre fin, à l’issue d’une période de transition de deux ans, aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur. Cette disposition permettra de bien distinguer les formations relevant du stage de celles qui s’apparentent à l’alternance. Le texte rappelle que, par définition, aucun stage ne saurait se substituer à un emploi, qu’il soit permanent ou temporaire.

D’autres outils destinés à lutter contre les abus sont instaurés, notamment la limitation par voie réglementaire du nombre de stagiaires rapporté à l’effectif global de l’organisme d’accueil. Le décret devra tenir compte de la diversité des situations, notamment de celle des PME, en particulier des PME innovantes. Un dispositif d’amende est prévu en cas d’infraction. La limitation du nombre de stagiaires répond à un impératif de qualité : au sein de l’organisme d’accueil, un même tuteur ne pourra encadrer qu’un nombre limité de stagiaires.

À la suite des engagements du Président de la République, la proposition de loi trace les contours d’un véritable statut du stagiaire, qui lui confère notamment des droits nouveaux. Elle vise à lui appliquer les dispositions du code du travail relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos.

Afin de mettre en lumière les effectifs de stagiaires au sein d’un organisme d’accueil, l’article 2 prévoit que ceux-ci seront désormais inscrits dans le registre unique du personnel. Il s’agit d’une innovation importante qui permettra notamment aux instances représentatives du personnel de mieux suivre la situation des stagiaires dans l’organisme d’accueil. Dans le but de bien distinguer les stages des emplois, une section spécifique du registre unique du personnel sera dévolue à l’inscription des stagiaires. Cette disposition facilitera les contrôles de l’inspection du travail, qui a accès à ce registre : tous les stagiaires seront immédiatement identifiables.

L’article 3 comporte des dispositions rédactionnelles, conséquences de la recodification organisée par l’article 1er.

L’article 4 élargit les compétences de l’inspection du travail : elle disposera des moyens de contrôler le respect des dispositions prévues à l’article 1er.

L’article 5 porte sur les suites des contrôles effectués par l’inspection du travail : en cas de constat d’une infraction, celle-ci informera l’établissement d’enseignement partie à la convention de stage, mais également les organisations représentatives du personnel de l’organisme d’accueil.

Enfin, l’article 6 prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires. Cette mesure bénéficiera directement aux stagiaires et, surtout, à leurs parents, lorsqu’ils sont rattachés à leur foyer fiscal.

En conclusion, cette proposition de loi a le mérite d’apporter une clarification législative et de contenir de nouvelles dispositions qui constituent de réelles avancées pour les stagiaires, tout en préservant un équilibre : nous veillons, d’une part, à éviter toute confusion entre le statut de stagiaire et celui de salarié et, d’autre part, à ne pas tarir l’offre de stages. Ce texte apportera de la sécurité aux jeunes et replacera le stage dans un véritable parcours de formation et d’insertion professionnelle. Surtout, nous confirmons que tous les acteurs doivent se mobiliser en faveur des jeunes, et nous témoignons à ces derniers notre confiance en leurs qualités, en leurs compétences et en leur capacité d’innovation, quels que soient leur formation, leur parcours ou leurs origines.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Cette proposition de loi s’inscrit dans la stratégie du Gouvernement, dont la première priorité est l’emploi.

Mme Kheira Bouziane. Je remercie la rapporteure pour le travail qu’elle a effectué. Cette proposition de loi correspond à une promesse de François Hollande : encadrer les stages, améliorer le statut des stagiaires et mettre fin à certains abus. Elle répond en outre à un besoin : la jeune génération, durement frappée par le chômage, doute de son avenir ; son horizon paraît bouché. Il est de notre devoir de la rassurer, de répondre à ses inquiétudes et à ses attentes, de la protéger. La jeunesse est un atout pour notre pays ; nous devons faire en sorte qu’elle devienne un levier pour relever les défis de demain.

Nous devons raisonner à partir de l’objectif des stages. Cela nous permettra d’ailleurs de répondre à certaines interrogations, voire à des attentes infondées. Le stage doit rester une période de formation – d’apprentissage ou de perfectionnement – au sein d’une entreprise, d’une collectivité publique ou d’une association. Il vise à compléter la formation académique dispensée par un établissement d’enseignement – collège, lycée, université, grande école. C’est une période particulière dans la formation initiale du jeune, qui doit lui permettre de découvrir le monde du travail, de confronter ses connaissances théoriques à la réalité et à ses exigences, d’acquérir de nouvelles compétences et, parfois, d’affiner un projet professionnel et de trouver sa voie.

Je remercie toutes les entreprises qui accueillent aujourd’hui des jeunes en stage avec un tel objectif. Elles ne doivent d’ailleurs nullement se sentir stigmatisées par la proposition de loi : notre propos n’est pas de dire que toutes les entreprises recourent aux stages de manière abusive. Nous voulons inviter les chefs d’entreprise qui regrettent l’inadaptation de la formation des jeunes à la réalité économique, à jouer un rôle essentiel dans cette formation. Il leur appartient de relever ce défi avec nous : les entreprises doivent, par un accueil bienveillant, protecteur et constructif, faciliter l’insertion ultérieure des jeunes dans le monde du travail. Ceux qui soutiennent que les entreprises ne sont pas obligées d’accueillir des stagiaires doivent pourtant en être convaincus : elles ont aussi une responsabilité sociale, en plus de leur rôle économique et financier.

Les établissements sont les autres acteurs majeurs du dispositif. À l’instar des entreprises, les enseignants ont compris tout l’intérêt du stage comme période de découverte et de formation. Ainsi que l’a indiqué la rapporteure, leur rôle est essentiel dans l’accompagnement des jeunes avant, pendant et après le stage.

Le groupe SRC a déposé plusieurs amendements contribuant à l’objectif fixé par la rapporteure : développer et encadrer les stages.

M. Patrick Hetzel. Dès lors que ce texte s’inscrit dans la stratégie du Gouvernement, pourquoi ne s’agit-il pas d’un projet de loi ? Quoi qu’il en soit, il ne contribuera guère au « choc de simplification » qu’on nous annonce régulièrement ! Il aura même l’effet inverse.

En outre, il provoquera une réduction drastique du nombre de stages, alors même que le ministre du travail affirme qu’il convient de développer la professionnalisation, gage de bonne insertion dans le monde du travail. Les stages sont aujourd’hui obligatoires dans de nombreuses formations, notamment lorsqu’elles sont professionnalisantes. Que dirons-nous aux jeunes qui ne trouveront plus de stage et ne pourront pas valider leur cursus en raison des dispositifs coercitifs que vous comptez mettre en place ? Le mieux est l’ennemi du bien ! Ce texte repose sur une vision caricaturale de l’entreprise, héritée du XIXe siècle, en tout cas très éloignée de la réalité : le stage ne saurait être assimilé à un contrat de travail.

Nous ne pouvons que redouter l’impact de certaines des mesures que vous proposez. Ainsi, vous prévoyez d’introduire dans le code de l’éducation un article visant à plafonner le nombre de stagiaires accueillis au sein d’une même entreprise. Peut-être cette mesure a-t-elle un sens pour certaines grandes entreprises, et encore, mais il existe déjà des textes – vous avez notamment cité l’excellente loi Cherpion – et des dispositifs protecteurs des stagiaires. La moindre des choses aurait été de les évaluer avant de légiférer de nouveau. Or vous n’avez réalisé aucune étude d’impact.

Par ailleurs, vous n’avez pas fait référence, madame la rapporteure, à certaines auditions, notamment à celle des organisations patronales. Comment réagissent-elles à ce texte ? Quel est le point de vue de la Conférence des grandes écoles, des présidents d’universités ou encore des responsables de filières de l’enseignement professionnel ? Ils ont leur mot à dire, mais ne sont pas suffisamment écoutés.

De surcroît, vous souhaitez introduire dans le code de l’éducation un deuxième article qui imposera d’associer une offre pédagogique à toute convention de stage. Dans le cas des stages intégrés aux cursus professionnalisants, cette situation est déjà la règle. Un décret en la matière risque de n’apporter que rigidité et complexité. De plus, en l’absence de précision sur les modalités de mise en œuvre de cette mesure, nous ne pouvons que nous inquiéter de son impact éventuel sur les stages longs, notamment sur ceux qui se déroulent à l’étranger.

Enfin, rien n’est rien dit sur les années de césure en entreprise, qui sont de plus en plus fréquentes et permettent aux étudiants de rechercher la voie la mieux adaptée à leur profil. Contrairement à ce que laisse entendre l’exposé des motifs, ces stages longs ne peuvent pas êtes assimilés à des formations en alternance, en particulier lorsqu’ils se déroulent à l’étranger.

Nous appelons votre attention sur les nombreuses contraintes nouvelles que feraient peser les dispositions législatives et réglementaires que vous envisagez sur la formation professionnelle, l’innovation et la création d’entreprises. En particulier, définir un statut pour les stagiaires dans le code du travail serait une première ! Pour pouvoir protéger les stagiaires, encore faut-il qu’il y ait une offre de stages. Or, avec les mesures que vous proposez, vous allez tuer le dispositif même des stages. Vous allez à l’encontre de la politique que vous préconisez : développer la professionnalisation pour mieux insérer les jeunes sur le marché du travail. Ce texte est très dangereux. Vous n’avez absolument pas tenu compte des réalités du terrain.

Mme Véronique Massonneau. Je salue, à mon tour, le travail de la rapporteure et la remercie pour son écoute attentive. Le groupe écologiste est très favorable à une évolution législative qui renforce les droits des stagiaires et leur garantit une meilleure protection. Cette proposition de loi va dans le bon sens : elle redéfinit la notion de stage, clarifie le rôle des établissements d’enseignement, renforce la limitation de la durée des stages et trace les contours d’un statut du stagiaire basé – enfin ! – sur le code du travail. L’inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel constitue également un progrès. Le groupe écologiste avait déposé plusieurs amendements en ce sens. Nous sommes heureux que cette revendication du collectif Génération précaire ait été entendue.

Nous pourrions, néanmoins, aller plus loin : en augmentant les gratifications versées aux stagiaires ; en rendant les gratifications obligatoires dans toutes les fonctions publiques ; en instaurant un meilleur système de prise en compte des stages pour la retraite ; en interdisant les stages hors cursus.

Mme Fraysse a déposé un amendement visant à introduire une référence à l’article L. 124-7 du code du travail, afin d’étendre les prérogatives de l’inspection du travail en matière de lutte contre les emplois déguisés. J’avais moi-même envisagé un amendement analogue. Cependant, il semble que l’article 5 répond déjà à nos attentes. Pouvez-vous, madame la rapporteure, nous rassurer sur ce point ?

L’article 6 prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires. C’est une bonne mesure, mais ne craignez-vous pas les effets d’aubaine ? Entre un CDD rémunéré à hauteur de 1 700 euros et un stage assorti d’une gratification de 1 400 euros, un jeune n’aurait-il pas intérêt à choisir le stage ? Cela pourrait également inciter les entreprises à recruter des stagiaires plutôt que des salariés en CDD.

Vous envisagez d’instaurer un quota de stagiaires par organisme d’accueil, et cette mesure est en effet nécessaire. Cependant, la fixation de cette limitation est renvoyée à un décret. Pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement en la matière ? Il conviendra de tenir compte des intérêts des stagiaires recrutés par les petites structures, notamment associatives, et ceux de ces structures elles-mêmes. Un dispositif minimal est-il envisagé pour elles ?

Enfin, de nombreux stages demeurent non gratifiés dans les établissements de santé, car ceux-ci ne disposent pas de ligne budgétaire à cet effet. Certains étudiants obligés d’effectuer un stage dans un hôpital ne bénéficient d’aucun droit, alors même qu’il leur est demandé de fournir un effort important. Pouvons-nous réfléchir d’ici à la séance publique, en liaison avec la ministre des affaires sociales et de la santé, à un dispositif qui réponde à leurs attentes légitimes ?

M. Thierry Braillard. Je salue, à mon tour, l’excellent travail de la rapporteure. La loi Cherpion avait encadré le recours aux stages et limité certains excès. Puis la loi Fioraso du 22 juillet 2013 a précisé que les stages devaient être intégrés à un cursus pédagogique. Le projet de loi relatif à la formation professionnelle, que nous avons adopté en première lecture la semaine dernière, comprend un volet très important sur l’immersion des jeunes dans l’entreprise. Je suis surpris par la remarque de M. Hetzel : nous devrions, au contraire, nous réjouir que ce sujet très important fasse l’objet d’une proposition de loi visant à adapter notre cadre juridique. Pour ma part, je félicite le groupe socialiste de son initiative.

Quant au fond, il s’agit en effet d’un texte de synthèse et d’équilibre. Il définit précisément la notion de stage à l’article 1er et pose les bases d’un véritable statut du stagiaire. En outre, sans stigmatiser bien sûr les entreprises, il convient de lutter contre le recours abusif aux stages, en imposant certaines limites. À cet égard, avez-vous des indications sur le nombre maximal de stagiaires par organisme d’accueil que fixera le décret ?

Il est parfois difficile pour les PME de concevoir des stages qui n’aient pas de lien avec leur activité permanente. L’important, selon nous, c’est que les tâches confiées au stagiaire soient définies très précisément dans la convention de stage, afin d’éviter les excès. Nous avons déposé un amendement en ce sens. Par la suite, le cas échéant, rien n’empêcherait l’entreprise de transformer ces tâches en activité permanente.

Enfin, l’article 2 prévoit l’inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel, dans une partie spécifique. Or les imprimés actuels ne comprennent pas de section dédiée aux stagiaires. Les entreprises devront-elles remplir un nouveau registre ? Comment allez-vous résoudre ce problème matériel ?

M. Hervé Morin. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, le groupe UDI avait déposé plusieurs amendements visant à empêcher le recours abusif aux stages. Il convient notamment d’éviter que les stages ne deviennent une variable d’ajustement en cas de surcroît d’activité, comme cela se passe dans certaines entreprises – par exemple, chez Darty – ou administrations, entre autres à l’Assemblée nationale. Dans le même temps, il faut améliorer l’accès des jeunes aux stages car ces derniers facilitent leur entrée dans la vie active. Or trouver un stage relève parfois du chemin de croix. Je vous invite donc, madame la rapporteure, à adopter une double démarche : encadrer les stages dans une certaine mesure, mais sans nuire au développement de l’offre de stages. Car vous risquez, par un excès de réglementation, de réduire cette offre, notamment dans les PME. Tel sera notamment le cas si vous transformez le stage en une sorte de nouveau contrat de travail, soumis aux contraintes du code du travail.

M. Philip Cordery. Je m’exprime en qualité de rapporteur pour observations nommé par la commission des affaires européennes au titre de l’article 151-1-1 de notre règlement. Cette procédure, rarement utilisée, est pourtant utile, tant pour la commission des affaires européennes que pour les commissions permanentes saisies au fond : elle permet d’apporter un éclairage européen sur des problèmes nationaux.

À mon tour, je salue l’excellent travail de la rapporteure. La présente proposition de loi contient des dispositions décisives qui améliorent encore la législation française en matière de stages. Celle-ci est à la pointe du progrès au sein de l’Union européenne, les stages étant une matière peu réglementée dans la plupart des États membres.

Regrettant cet état de fait, la Commission européenne a publié, en décembre dernier, une communication intitulée « Vers un cadre de qualité pour les stages » qui vise à promouvoir sinon un droit européen des stages, du moins un encadrement des dispositifs nationaux en la matière. Il s’agit, certes, d’un premier pas timide, mais plusieurs des recommandations formulées par la Commission sont tout à fait positives : conclusion d’une convention de stage écrite ; définition des objectifs d’apprentissage ; désignation d’un tuteur pour le stagiaire ; respect des droits des stagiaires, notamment s’agissant des horaires de travail ; limitation de la durée des stages à six mois. L’objectif est de garantir une plus grande transparence sur les contenus de formation et les conditions de travail offertes aux stagiaires dans toute l’Union.

Cependant, la proposition de la Commission est très en retrait par rapport aux attentes de nombreux acteurs. L’opposition des représentants patronaux européens a eu raison d’un dispositif normatif plus contraignant, ainsi que de la mention de la rémunération, qui demeure une question essentielle en matière de stages. En outre, la Commission propose d’encadrer les seuls stages effectués par les jeunes à l’issue de leurs études et exclut donc du champ de la réglementation européenne les stages qui s’inscrivent dans un cursus universitaire ou une filière professionnelle. La définition même de la notion de stage pose donc problème au niveau européen. Dans le rapport sur l’emploi des jeunes en Europe que je présenterai devant la commission des affaires européennes, je formulerai des recommandations concernant la proposition de la Commission et ne manquerai pas de vous en informer.

La présente proposition de loi constitue une avancée incontestable, qui favorisera le développement des stages de qualité. En l’absence de réglementation européenne, elle pourrait être utilement complétée pour tenir compte de la mobilité des jeunes hors de nos frontières, notamment au sein de l’Union européenne.

Les stages à l’étranger sont l’occasion pour les étudiants d’acquérir une expérience internationale, de renforcer leurs capacités d’adaptation, d’apprendre de nouvelles méthodes de travail, de développer des qualités interculturelles et d’améliorer leurs connaissances linguistiques, si précieuses sur le marché du travail aujourd’hui. Une telle ouverture au monde représente un atout évident auprès des employeurs.

Cependant, tous les jeunes n’ont pas accès à ces stages dans les mêmes conditions, même à talent égal. Par nature, le stage à l’étranger est plus coûteux que celui qui se déroule dans la ville où l’étudiant suit son cursus, puisqu’il implique des coûts de transport et de logement supplémentaires. En outre, il est rarement rémunéré, et l’étudiant qui effectue un tel stage doit souvent renoncer aux aides sociales auxquelles il pourrait prétendre en France, en particulier à l’aide personnalisée au logement et aux bourses. En définitive, cette possibilité est généralement réservée aux étudiants les plus favorisés socialement, ce qui n’est pas conforme à notre objectif d’équité entre les jeunes.

Nous proposons donc de compléter le texte afin de favoriser l’accès aux stages à l’étranger. Il s’agit d’abord de mieux encadrer ces stages. La proposition de loi fixe des obligations aux établissements scolaires et universitaires : signature d’une convention de stage, définition des compétences à acquérir ou encore désignation d’un enseignant référent au sein de l’équipe pédagogique. Ces dispositions, qui s’appliquent dans tous les cas à des entités juridiques françaises, pourraient aisément être étendues aux stages effectués à l’étranger, notamment au sein de l’Union européenne.

En revanche, les organismes d’accueil étant des entités juridiques étrangères, les obligations fixées par la loi française ne peuvent pas s’appliquer à elles. Néanmoins, les conventions de stage pourraient inciter au respect d’un certain nombre de règles concernant les conditions de travail ou la gratification.

Il convient ensuite d’améliorer l’information des stagiaires. Comme l’a indiqué la Commission européenne dans sa communication, le manque d’information est le premier frein à la mobilité des jeunes. Les stagiaires devraient être parfaitement informés, avant leur départ, de leurs droits et de la réglementation relative aux stages en vigueur dans le pays d’accueil.

Par ailleurs, nous souhaitons développer les dispositifs d’aide à la mobilité, afin de permettre au plus grand nombre de bénéficier d’une expérience à l’étranger. Il s’agit non pas de se substituer aux entreprises, mais d’encourager la mobilité.

Telle est la teneur des observations adoptées hier par la commission des affaires européennes. Ma collègue Sandrine Doucet et moi-même déposerons deux amendements qui iront dans ce sens.

M. Gérard Cherpion. Je suis surpris par cette proposition de loi. Vous avez souligné, et je vous en remercie, madame la rapporteure, la qualité de la loi du 28 juillet 2011 en précisant que c’est son application qui avait posé problème. Il n’y a donc pas besoin d’une nouvelle loi : il suffit de modifier les décrets et de les appliquer.

Surtout, ce texte aggravera les difficultés qu’ont les jeunes à trouver des stages. Je connais une grande entreprise française qui accueille chaque année 250 étudiants de grandes écoles, notamment de l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC), pour des stages de fin d’études de quatre à six mois. Ils sont rémunérés à un niveau bien supérieur à la gratification minimale et la moitié des stagiaires concernés sont embauchés par l’entreprise à l’issue de leur stage. Le chef d’entreprise considère qu’ils représentent une richesse et un atout pour l’avenir de son entreprise. Il leur donne donc cette chance. Avec votre texte, des entreprises comme celle-là risquent de se poser des questions.

En outre, pourquoi inscrire les stagiaires dans une partie séparée du registre unique du personnel, alors que nous devrions, au contraire, chercher à les intégrer aux équipes ?

En ajoutant de la sorte des contraintes aux contraintes, vous allez à l’encontre de l’objectif recherché et vous allez entraver le développement de l’offre de stages. Pourquoi cédez-vous aux pressions d’un lobby – qui a été cité tout à l’heure –, dont les membres sont des diplômés qui n’ont plus eux-mêmes accès aux stages ?

M. Jean-Pierre Barbier. Il est important de protéger les droits des stagiaires et de dénoncer les abus, mais soyons prudents : il ne faut pas faire de quelques exceptions une généralité, ni en tirer une règle. Ce texte est profondément stigmatisant et met en place un dispositif coercitif. Or les jeunes ont du mal à trouver des stages pendant leur cursus, puis à décrocher un emploi. Parfois, les stages constituent une première expérience professionnelle qui leur permet d’accéder plus facilement à l’emploi.

Je crains que vous ne commettiez les mêmes erreurs sur les stages que sur l’apprentissage. Vous avez baissé les aides à l’apprentissage de 20 %, ce qui a eu pour résultat que le nombre d’apprentis dans notre pays n’a jamais été aussi bas qu’en 2013.

Cette proposition de loi était l’occasion d’améliorer certains aspects de la réglementation en matière de stages. Par exemple, nous aurions pu revenir sur l’interdiction pour les mineurs de manipuler des matériaux ou des outils dangereux, ce qui leur bloque l’accès à certains métiers manuels avant l’âge de dix-huit ans. Il convient en effet de réhabiliter le travail manuel dans notre pays.

Vous souhaitez créer un statut pour les stagiaires et leur donner des droits nouveaux. Après tout, pourquoi pas ! Mais vous n’évoquez jamais leurs devoirs. Or, lorsque l’on crée des droits, il faut également rappeler les devoirs de chacun. Ce principe fondamental devrait nous guider dans chacune de nos décisions.

M. Dominique Tian. Ce texte est inutile et dangereux. La rapporteure l’a d’ailleurs reconnu indirectement en rappelant que la loi Cherpion était excellente. Dès lors, pourquoi la modifier ? D’autant qu’elle était issue de l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011, texte équilibré auquel étaient parvenus les partenaires sociaux par la négociation.

Vous prenez le problème à l’envers. Nous sommes tous les jours saisis par des jeunes qui souhaitent obtenir un stage à l’Assemblée nationale ou qui nous demandent des coups de pouce pour des stages en entreprise. Cela montre bien que les étudiants ne trouvent pas de stages. Au final, seuls les enfants des familles les plus favorisées auront accès aux stages, car ils pourront les effectuer à l’étranger, où la réglementation est moins contraignante. Ce sera une régression sociale pour les jeunes !

La loi « Peillon » d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République – dont nous attendons d’ailleurs toujours les décrets d’application – prévoit que les stages dans les collectivités territoriales et dans les hôpitaux seront désormais rémunérés. Or ces structures n’ont pas, à ma connaissance, l’intention de payer. Comment vont faire les infirmières et les aides-soignantes, qui doivent obligatoirement effectuer un stage pendant leur cursus ? Vous allez tarir l’offre dans les structures tant publiques que privées, et créer une très grave pénurie de stages dans notre pays : plus aucun étudiant ne pourra en trouver !

M. Richard Ferrand. Les propos que nous venons d’entendre sont également inutiles et dangereux. Ils reviennent à dire que l’on porte atteinte à l’offre de stages et à l’emploi dès que l’on crée des droits ! Il faudrait donc organiser une régression maximale des droits pour faciliter la création de stages et d’emplois ! Nous sommes en profond désaccord avec nos collègues, pour qui toute mesure visant à encadrer les stages constitue un frein définitif à leur développement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous sommes interpellés depuis des années sur la pénurie de stages dans les régions dans le secteur médico-social. Les auxiliaires médicaux et les éducateurs spécialisés, en particulier, ont beaucoup de mal à trouver des stages. Avez-vous évoqué ce problème avec le Gouvernement, madame la rapporteure ? Pouvez-vous nous rassurer sur les travaux en cours ?

Mme la rapporteure. La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a étendu la gratification à l’ensemble des stagiaires du secteur public. Dans le cadre des auditions que j’ai menées, plusieurs acteurs m’ont fait part de difficultés à cet égard. Le ministère des affaires sociales et de la santé est mobilisé pour trouver des solutions, notamment sur la mise en place de lignes de crédit. Nous pourrons interroger à nouveau la ministre sur ce point lors de l’examen du texte en séance publique. Il n’est pas question pour moi de revenir sur les avancées de la loi du 22 juillet 2013 : nous souhaitons améliorer les conditions d’accueil de tous les stagiaires.

Je souhaite rassurer nos collègues de l’opposition : nous avons veillé à préserver un équilibre. Nous avons posé un cadre qui définit les conditions d’accueil des stagiaires et renforce le rôle des établissements en matière d’appui et d’accompagnement, afin de favoriser les stages de qualité. Mais ces dispositions ne nuiront pas au développement des stages. D’ailleurs, les changements de réglementation antérieurs, notamment l’instauration de la gratification, n’ont pas tari l’offre de stages. Je vous rappelle les chiffres que j’ai cités : en 2012, le nombre de stages en milieu professionnel était évalué à 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006. Aujourd’hui, nous proposons une clarification de la législation, car certaines dispositions n’ont pas été mises en œuvre et d’autres ne sont pas allées assez loin.

Je connais les réalités du terrain, monsieur Hetzel. D’une part, j’ai une expérience professionnelle de direction des ressources humaines, de formation, d’accueil de stagiaires et de management d’équipe ; j’ai une réelle connaissance des problématiques de terrain. D’autre part, j’ai conduit de nombreuses auditions, notamment avec des étudiants, des jeunes, des représentants des établissements d’enseignement et, bien sûr, des représentants des employeurs. Un certain consensus a émergé de ces auditions. Les dispositions de cette proposition de loi en sont inspirées : j’ai pris en compte les interventions des uns et des autres, certains souhaitant évidemment aller plus loin, d’autres étant plus prudents. Encore une fois, nous avons trouvé un équilibre.

S’agissant de la limitation du nombre de stagiaires rapporté à l’effectif global de l’organisme d’accueil, un consensus s’est fait autour d’un seuil de l’ordre de 10 %. Ce chiffre fait sens pour les grandes entreprises. J’ai préconisé de définir des seuils différenciés en fonction de la taille des entreprises, afin de ne pas tarir l’offre et de permettre aux petites entreprises de continuer à recruter des stagiaires. La ministre évoquera cette question la semaine prochaine en séance publique.

Quant aux abus, on évalue aujourd’hui à environ 100 000 le nombre de stages qui devraient être en réalité des emplois pérennes. Or notre première préoccupation, c’est l’emploi des jeunes : le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans s’établit à près de 25 %, et l’accès différé à un premier emploi après une succession de stages précarise ce public. Au-delà de nos clivages politiques, nous pouvons nous retrouver sur la nécessité de favoriser les stages de qualité et d’accélérer l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur formation. De manière classique, les entreprises font du nombre d’années d’expérience professionnelle un des premiers critères d’embauche. Les qualités et les compétences des jeunes, leur capacité à innover et à créer de la richesse ne sont pas suffisamment reconnues. Il convient de changer cette manière de voir.

Concernant le registre unique du personnel, nous avons besoin d’une annexe spécifique qui permette d’identifier les stagiaires présents dans l’entreprise et de les distinguer des salariés. D’une part, pour éviter toute confusion entre ces deux populations ; d’autre part, pour faciliter les contrôles, qui peuvent porter, par exemple, sur le respect des seuils, sur la durée de présence des stagiaires ou sur l’effectivité du tutorat.

Enfin, les stagiaires ont, bien évidemment, des devoirs : les conventions de stage définissent les droits et les devoirs de l’établissement d’enseignement, de l’organisme d’accueil et du stagiaire. Celui-ci doit, en particulier, se conformer au règlement intérieur de l’entreprise.

Je salue le travail de M. Cordery sur l’emploi des jeunes et la réglementation des stages en Europe. Les avancées que nous proposons avec le présent texte sont observées avec beaucoup d’intérêt dans les autres États membres et pourraient même inspirer les instances européennes.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle que tous les membres de la Commission sont informés des auditions conduites par les rapporteurs et qu’ils sont libres d’y assister, quels que soient les textes en discussion.

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(
Articles L. 612-8 à L. 612-14 et articles L. 124-1 à L. 124-17 nouveaux du code de l’éducation)
Encadrement du recours aux stages : outils au service de la formation

Cet article comporte les principales mesures de la proposition de loi. Il précise les missions de l’établissement d’enseignement chargé d’accompagner l’élève ou l’étudiant dans sa période de formation en milieu professionnel ou de stage, en lien avec l’organisme d’accueil.

Il renforce également la limitation de la durée des stages, qui ne peuvent excéder six mois et rappelle qu’ils ne peuvent se substituer à un emploi, permanent ou temporaire.

Afin de lutter contre les recours abusifs aux stages, cet article introduit des innovations en limitant le nombre de stagiaires rapporté aux effectifs de l’entreprise, une peine d’amende administrative étant prévue en cas d’infraction.

L’organisme accueillant un stagiaire doit désigner un tuteur, responsable du suivi pédagogique. Afin de garantir la qualité de ce suivi, un même tuteur ne pourra pas encadrer un nombre excessif de stagiaires.

L’établissement d’enseignement désignera un enseignant référent qui veillera au bon déroulement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et du respect de la convention tripartite.

Cet article pose également les contours d’un véritable statut du stagiaire. Il améliore leurs conditions d’accueil en leur appliquant les dispositions du code du travail relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos et jours fériés.

Il prévoit enfin les cas d’interruption du stage avant la fin de la durée prévue dans le cursus et dans lesquels l’établissement d’origine peut choisir néanmoins de valider le stage ou la période de formation professionnelle.

Pour ce faire, l’article 1er apporte diverses modifications au code de l’éducation.

1. Les apports de la loi du 22 juillet 2013

Le cadre législatif relatif à la pratique des stages a été récemment refondu, certaines dispositions essentielles ayant en effet été définies ou modifiées par la loi du 22 juillet 2013 n° 2013-660 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Il s’agissait de remédier à certaines faiblesses identifiées par le législateur et le Gouvernement. En premier lieu, il fallait remédier à une certaine stratification de textes différents selon que les stages étaient effectués en entreprises, administrations, établissements publics, associations ou collectivités territoriales. Il s’agissait d’harmoniser les obligations de l’organisme d’accueil.

Il existait également un manque de lisibilité quant au positionnement du stage dans le cursus de formation et vis-à-vis du processus de validation des acquis. La loi du 22 juillet 2013 a notamment pour objectif de conditionner la possibilité de conclure une convention de stage au suivi d’un minimum pédagogique d’heures de cours. Dans des cas trop nombreux, il arrivait en effet que des universités délivrent des conventions de stage avec un excessif libéralisme, à seule fin d’enregistrer des inscriptions supplémentaires.

Enfin, la possibilité de déroger à la durée de stage fixée à six mois avait pour conséquence des pratiques d’emplois déguisés par certaines entreprises. La loi du 22 juillet 2013 a supprimé ces dérogations à une durée maximum de six mois de stage par année d’enseignement dans un même organisme. Un décret en cours de préparation doit préciser la liste des exceptions, qui correspondront à des formations préparant à des métiers spécifiques.

La loi du 22 juillet 2013 a également harmonisé les obligations des organismes d’accueil vis-à-vis des stagiaires et a mieux défini les stages. Ils doivent désormais s’inscrire dans un cursus de formation (les stages hors cursus étant interdits).

La présente proposition de loi entend parachever cette dynamique vertueuse et compléter utilement le dispositif légal et réglementaire à travers plusieurs leviers :

– elle entend offrir une lisibilité accrue aux dispositions relatives à l’enseignement scolaire comme à celles relatives à l’enseignement supérieur en les regroupant dans un même chapitre au sein du Titre II du Livre Premier de la première partie du code de l’éducation ;

– elle rappelle les missions d’appui et d’accompagnement de l’établissement d’enseignement dans ce domaine ;

– elle renforce la dimension pédagogique du stage prévue par la loi du 22 juillet 2013 en définissant, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer pour favoriser son insertion professionnelle ;

– elle renforce les limitations aux dérogations à la durée des stages : les six mois concerneront toutes les formations à l’issue d’une période de transition de deux ans ;

– elle précise le contexte de réalisation du stage, par exemple en rappelant que le stage ne peut être un outil destiné à faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil.

Elle apporte surtout d’importantes avancées dans le domaine du droit du travail. En particulier, elle garantit le bénéfice de droits sociaux aux stagiaires, en cas de grossesse, de paternité, ou d’adoption. Elle permet l’insertion dans la convention de stage de dispositions relative au temps de congés. Elle rappelle que les stagiaires sont couverts par les droits fondamentaux ouverts aux salariés. Enfin, elle donne les moyens aux agents en charge du contrôle de sanctionner les manquements et infractions.

2. Les dispositions de l’article 1er

En , un nouveau chapitre est inséré au code de l’éducation, portant sur les « stages et périodes de formation en milieu professionnel », qui deviendrait le chapitre IV du titre II du livre Ier de la première partie du code de l’éducation.

• Définition des formations en milieu professionnel et des stages

Trois nouveaux articles suivent en , libellés L. 124-1, L. 124-2 et L. 124-3.

Composé de trois alinéas, l’article L. 124 –1 nouveau précise le cadre dans lequel s’effectuent respectivement les périodes de formation en milieu professionnel et les périodes de stages. Les premières s’effectuent dans le cadre des enseignements scolaires et les secondes dans le cadre universitaire. Il rappelle également le caractère obligatoire des formations professionnelles dans les cursus scolaires conduisant à un diplôme technologique ou professionnel, tel que défini à l’article L. 331-4 qui traite de la formation en alternance.

Les périodes de formation en milieu professionnel ainsi que les stages doivent faire l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement. Un décret détermine les mentions obligatoires de cette convention. Néanmoins deux cas de figures sont gouvernés par des dispositions spécifiques et sont donc soustraits à l’application de cet article :

– la formation professionnelle tout au long de la vie ;

– les stages relevant du « 2° de l’article L. 4153-1 du code du travail », c’est-à-dire les visites d’informations et périodes d’observations effectuées par les élèves de l’enseignement général au cours des deux dernières années de leur scolarité obligatoire.

Le troisième et dernier alinéa de l’article L. 124-1 nouveau définit les périodes de formation en milieu professionnel et les stages. Il s’agit de périodes clairement délimitées dans le temps, « temporaires », permettant la mise en situation en milieu professionnel. Elles visent à la fois l’acquisition de compétences professionnelles et la mise en œuvre des acquis de la formation que suit le stagiaire pour acquérir un diplôme ou une certification. Conséquence logique, la mission que se voit confier le stagiaire doit être en adéquation avec le projet pédagogique de l’établissement dont il est issu, tout autant qu’approuvée par l’organisme d’accueil, quel qu’il soit (entreprise, administration, association, etc.).

• Missions de l’établissement d’origine

Second volet du chapitre IV nouveau, l’article L. 124-2 nouveau du code de l’éducation décline les missions de l’établissement d’enseignement, en trois points.

En premier lieu (1°), il se doit d’appuyer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de formation ou de stage, dans la mesure où ceux-ci s’intègrent dans le cursus suivi par l’intéressé et correspond à ses aspirations. Ce faisant, cet article rappelle que l’établissement a aussi pour devoir de favoriser un égal accès des étudiants aux dites périodes de formation en milieu professionnels et aux stages.

En outre (2°), l’établissement scolaire ou universitaire doit, dans la rédaction de la convention, définir les compétences à acquérir ou à développer durant cette période. Cette définition doit se construire en lien avec le jeune et l’établissement d’accueil. Il revient également à l’établissement d’expliciter en quoi cette période s’inscrit dans le cursus de formation.

Enfin (3°), l’établissement scolaire ou universitaire doit désigner parmi ses équipes pédagogiques un enseignant référent. Celui-ci est plus particulièrement chargé de s’assurer du bon déroulement de la période de formation ou stage. Il veille également au respect des dispositions de la convention.

L’article L. 124-3 nouveau complète ces dispositions. Il prévoit que les stages et formations en milieu professionnel doivent nécessairement s’intégrer dans un cursus pédagogique, universitaire ou scolaire. En rappelant ce principe fondamental, la loi interdit donc explicitement les stages de complaisance, dénués de lien avec le cursus.

Les modalités de cette intégration doivent être déterminées par décret qui détermine aussi notamment :

– le volume pédagogique minimal de formation en établissement ;

– les modalités d’encadrement de cette période par l’établissement d’origine ainsi que le ou les organismes d’accueil.

Les modalités concrètes répondant à ces impératifs sont systématiquement déclinées dans la convention de stage.

Le du présent article transfère les dispositions de l’actuel article L. 612-14 vers le nouveau chapitre IV créé en 2°. Il transforme ainsi le libellé de l’article L. 612-14 qui devient l’article L. 124-4 nouveau. Dans la configuration actuelle du code de l’éducation, l’article L. 612-14 conclue le chapitre II relatif aux stages en milieu professionnel du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation relatif à l’enseignement supérieur. Il prévoit que : « tout élève ou étudiant ayant achevé son stage transmet aux services de son établissement d'enseignement chargés de l'accompagner dans son projet d'études et d'insertion professionnelle un document dans lequel il évalue la qualité de l'accueil dont il a bénéficié au sein de l'organisme. Ce document n'est pas pris en compte dans son évaluation ou dans l'obtention de son diplôme ».

Il s’agit d’une mesure de cohérence qui décrit le terme de la période de stage ou de formation en milieu professionnel pour le jeune. Cette étape constitue la dernière diligence administrative que l’établissement d’origine, et notamment le référant, et le jeune doivent prévoir ensemble.

Dans un souci de cohérence avec le libellé du chapitre, le même alinéa insère les mots « sa période de formation en milieu professionnel ou » avant « achevé », afin de poser sur un même plan les obligations d’évaluation de l’accueil dans le secondaire et l’enseignement supérieur.

Cette disposition prévoit l’obligation faite aux élèves de communiquer systématiquement une évaluation des conditions d’accueil qu’il a connues dans l’organisme dont il revient. Elle permettra de mieux suivre les formations en milieu professionnel sur un plan qualitatif, afin d’être alerté en cas de difficulté, de travailler à la pérennisation du partenariat en cas de satisfaction mais aussi de mieux tenir compte du contexte d’accueil dans l’évaluation du stagiaire.

• Lutte contre le recours abusif aux stages

Le du présent article modifie également un article présent dans le chapitre relatif aux stages dans le supérieur, à savoir l’article L. 612-9 du code de l’éducation. Cet article définit la durée maximale des stages que peuvent effectuer les étudiants : « la durée du ou des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne peut excéder six mois par année d'enseignement. Un décret fixe les formations pour lesquelles il peut être dérogé à cette durée de stage compte tenu des spécificités des professions nécessitant une durée de pratique supérieure, auxquelles préparent ces formations ».

Par cohérence, au même titre que l’article L. 612-4, cet article intègre le chapitre IV nouveau et devient l’article L. 124-5 nouveau (a). Symétriquement, sa rédaction est modifiée afin de couvrir également les formations en milieu professionnel en insérant après le mot « stages », les mots « ou périodes de formation en milieu professionnel ». Compte tenu de la diversité des stages et formations en milieu professionnel, les mots « une même entreprise » sont remplacés par les mots « un même organisme d’accueil » (b). Cette disposition pose une limite relativement théorique de six mois aux formations en milieu professionnel, ceux-ci ne durant généralement que quelques jours ou semaines.

Le c) du revoit la rédaction de la deuxième phrase de l’article L. 612-9, futur article L. 124-5, qui porte aujourd’hui sur les formations pour lesquelles il peut être dérogé à la durée maximale de six mois, dont la liste est déterminée par décret. La nouvelle rédaction proposée par le projet de loi permettra encore d’organiser par décret une liste de formation en milieu professionnel ou de stages pouvant déroger à la durée de six mois, mais cette liste constituera une mesure transitoire de deux ans à compter de la publication de la présente proposition de loi. En conséquence de quoi, à cet horizon, aucune formation en milieu professionnel ni aucun stage ne pourront déroger à la règle d’une durée maximale de six mois.

Le du présent article poursuit le rapatriement et la recodification des articles relatifs aux stages dans le nouveau chapitre dévolus aux stages et formations en milieu professionnel. À cette fin, l’article L. 612-11 devient l’article L. 124-6 nouveau. Pour mémoire, cet article prévoit le versement d’une gratification aux stagiaires effectuant une période de stage de plus de deux mois. La rédaction de cet article, qui porte spécifiquement sur les stages, ne connaît pas de modification.

Le insère quatre articles nouveaux après l’article L. 124-6, à savoir les articles L. 124-7 à L. 124-10. Ils encadrent précisément l’objet des stages afin de limiter les abus.

Ainsi l’article L. 124-7 nouveau prévoit qu’aucune convention de stage ne saurait être conclue pour :

– exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ;

– faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil ;

– occuper un emploi saisonnier ;

– remplacer un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

Concrètement, le stage doit demeurer une période d’initiation et d’apprentissage de la vie professionnelle. Il ne doit pas constituer une possibilité de recruter une main-d’œuvre bon marché pour se substituer à des emplois réguliers (CDI), temporaires (CDD, intérim) ou saisonniers. Le stage n’est pas un emploi et ne doit en rien permettre à un employeur de se dispenser des règles visant à protéger les salariés.

• Obligations de l’organisme d’accueil

L’article L. 124-8 nouveau limite le nombre de stagiaire qu’un organisme peut accueillir simultanément. Leur nombre est calculé sur une même semaine, selon des modalités qui seront déterminées par un décret pris en Conseil d’État. La rapporteure considère qu’un ratio doit être déterminé en fonction de l’effectif global de l’organisme d’accueil. Ce ratio doit être idéalement plus faible pour les organismes aux effectifs importants et plus ouvert pour les plus petits d’entre eux. Par exemple, les PME innovantes recrutent souvent un nombre important de stagiaires au cours des premiers mois d’activité et, lorsque celle-ci se développe de façon satisfaisante, sont souvent conduites à rapidement recruter les personnes qu’ils ont ainsi formées. Il s’agira donc de faire preuve de fermeté en luttant contre les abus manifestes tout en tenant compte de la grande diversité des situations pouvant se présenter et notamment pour des entreprises de moins de 20 salariés.

Les périodes de prolongations prévues à l’article L. 124-15 ne sont pas prises en compte dans le calcul de cette limite. Cet article nouveau est introduit plus loin et il porte sur des cas spécifiques tenant à la maladie, l’accident, la maternité, la paternité ou encore l’adoption.

L’article L. 124-9 nouveau prévoit la désignation par l’organisme d’accueil d’un tuteur, chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Il est le garant, du côté de cet organisme, du respect des dispositions pédagogiques de la convention de stage.

L’article L. 124-10 nouveau complète les dispositions introduites par le dévolues aux obligations de l’organisme d’accueil et visant à se prémunir d’un recours excessif aux stages. Il prévoit qu’un décret en Conseil d’État déterminera le nombre maximal de stagiaires dont peut être responsable un tuteur sur une même période. Il s’agit, là encore, d’éviter les recrutements massifs de stagiaires qui s’effectueraient au détriment de la qualité pédagogique.

Le du présent article procède au transfert de l’article L. 612-10 qui devient l’article L. 124-11 nouveau. Prévoyant que l'accueil successif de stagiaires, au titre de conventions de stage différentes, pour effectuer des stages dans un même poste n'est possible qu'à l'expiration d'un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent, il n’est l’objet d’aucune modification.

• Des droits nouveaux pour le stagiaire

Le introduit quant à lui quatre articles nouveaux, libellés L. 124-12 à L. 124-15, qui fixent des droits au profit du stagiaire.

L’article L. 124-12 nouveau rappelle que les stagiaires bénéficient des protections et droits définis aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés. Ces articles prévoient la protection des libertés fondamentales du salarié (L. 1121-1), sa protection face aux agissements de harcèlement moral (L. 1152-1) ou sexuel (L. 1153-1).

Ces droits fondamentaux sont reconnus à tous les stagiaires, y compris à ceux effectuant leur stage en dehors de l’entreprise et notamment dans une administration.

L’article L. 124-13 nouveau prévoit les cas de grossesse, de paternité et d’adoption. Les stagiaires concernés se voient reconnaître le bénéfice des congés et autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés. Ces conditions sont définies par le code du travail, aux articles L. 1225-16 à L. 1225-28 (autorisations d’absence et congé de maternité), L. 1225-35 (congé de paternité et d’accueil de l’enfant), L. 1225-37 (congé d’adoption de 18 à 22 semaines) et L. 1225-46 (droit à congé de six semaines maximum en cas d’adoption internationale). Il s’agit d’une avancée considérable pour les stagiaires et notamment pour les femmes, qui se voient enfin reconnaître des droits essentiels. Si peu de stagiaires suspendront leur formation en milieu professionnel ou leur stage pour ces raisons, la reconnaissance et l’encadrement du recours à ce droit est une mesure de sécurisation particulièrement bienvenue.

Le même article, dans son second alinéa, ouvre la possibilité d’inscrire dans la convention la possibilité reconnue au stagiaire de bénéficier de congés et d’autorisations d’absence au cours du stage ou de la période de formation en milieu professionnel, dont la durée globale est encadrée par l’article L. 124-5 nouveau.

L’article L. 124-14 nouveau porte sur les conditions de présence du stagiaire dans son organisme d’accueil. Les règles en la matière sont similaires à celles applicables aux salariés de cet organisme s’agissant des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de présence, à la présence de nuit, aux repos quotidien et hebdomadaire ainsi qu’aux jours fériés.

Pour le respect de ces dispositions, charge revient à l’organisme d’accueil « selon tous moyens » de tenir un décompte des durées de présence du stagiaire.

L’article L. 124-15 nouveau envisage le cas où le stagiaire interrompt sa période de formation en milieu professionnel ou en stage pour un motif lié « à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité ou à l’adoption » et où il n’aurait pas atteint la durée prévue dans le cursus. Possibilité est ouverte au rectorat ou à l’établissement d’enseignement supérieur dont il dépend de valider malgré tout la période de formation ou le stage. Il prévoit également une solution intermédiaire, à savoir celle du report de la fin de la période de stage ou de formation, en tout ou partie, sous réserve de l’accord des parties à la convention.

Le transfère sans les modifier les dispositions de l’article L. 616-12 dans un article L. 124-16 nouveau, qui prévoit que les stagiaires accèdent aux activités sociales et culturelles gérées par les comités d’entreprises dans les mêmes conditions que les salariés.

• Sanctions

Le 10° insère un article L. 124-17 nouveau. Comportant cinq alinéas, il précise les sanctions dont est passible l’organisme d’accueil au cas où un agent de contrôle de l’inspection du travail constate une méconnaissance des dispositions prévues à l’article L. 124-8 (dépassement du nombre de stagiaires qu’un organisme peut accueillir simultanément) et à l’article L. 124-14 (relatif aux conditions d’accueil du stagiaire).

Le deuxième alinéa de l’article autorise les agents de l’inspection du travail à infliger des amendes administratives en cas de constat d’une infraction. Le montant de cette amende s’élève au maximum à 2000 euros par stagiaire concerné par le manquement, ce plafond pouvant être doublé en cas de réitération dans un délai d’un an à compter de la notification de la première peine d’amende.

Cet article fixe en outre à deux ans le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative. Cette disposition confère au mécanisme de sanction administrative de la souplesse et, selon l’appréciation de l’agent, peut laisser le temps à l’organisme fautif de mettre fin aux causes du manquement.

L’amende est recouvrée dans les conditions propres aux créances étrangères à l’impôt et au domaine de l’État, ce qui leur confère un caractère prioritaire.

• Dispositions diverses

Le 11° porte sur l’article L. 611-5 relatif aux bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants dont il définit la mission. Il modifie la deuxième phrase de son premier alinéa, actuellement ainsi rédigée : « ce bureau a pour mission de favoriser un égal accès aux stages à tous ses étudiants », au profit de la rédaction suivante : « ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article 124-2 » qui fixe les responsabilités particulières des établissements d’enseignement en matière d’appui aux élèves et étudiants dans leur recherche de formation en milieu professionnel ou de stage et indique qu’ils doivent favoriser un égal accès des élèves et étudiants à ces stages et formations (cf. supra).

Enfin, le 12° abroge logiquement les articles L. 612-8 et L. 612-13 qui deviennent sans objet respectivement du fait des dispositions des articles 1er et 2 de la proposition de loi.

*

* *

La Commission est saisie d’un amendement AS1 de Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Les stagiaires connaissent généralement très mal leurs droits, notamment ceux concernant la rupture de la convention qui les lie à l’organisme d’accueil. C’est pourquoi je propose d’y faire figurer les motifs de résiliation du stage. Cette obligation ainsi que l’annexion à la convention de la charte des stages figurait déjà dans le décret du 29 août 2006 abrogé par la loi Cherpion.

Mme la rapporteure. Cet amendement est plus que satisfait par les dispositions de la proposition de loi. Mieux vaudrait le retirer.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS39 de Mme Hélène Geoffroy.

Mme Hélène Geoffroy. Il s’agit de préciser dans la loi que les périodes de formation en milieu professionnel et les stages non seulement visent l’obtention d’un diplôme, mais qu’elles favorisent également l’insertion professionnelle à l’issue de la formation. Je rappelle qu’un tiers des jeunes diplômés déclarent avoir reçu une proposition d’embauche après un stage, dont la moitié en contrat à durée indéterminée.

M. Gérard Cherpion. Madame la présidente, votre prédécesseur aurait parlé de « loi bavarde ». Le stage a évidemment pour vocation de favoriser l’insertion professionnelle.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS12 de M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Un certificat de compétences acquises durant le stage pourrait être remis par l’organisme d’accueil. Il permettrait d’inscrire ce moment dans l’histoire du jeune stagiaire qui pourrait ultérieurement valoriser plus facilement les acquis de son expérience.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les objectifs pédagogiques sont évidemment définis en lien avec l’organisme d’accueil, mais il revient à l’établissement d’enseignement et au professeur référent de valider le stage et d’évaluer le stagiaire. Par ailleurs, nous souhaitons éviter d’imposer une contrainte supplémentaire aux petites entreprises en termes d’évaluation et de certification.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS38 de Mme Hélène Geoffroy.

Mme Hélène Geoffroy. L’accès à l’entreprise est souvent difficile pour les étudiants, et l’absence de réseau peut constituer un frein à l’obtention d’un stage. L’établissement d’enseignement doit, en conséquence, les accompagner tout au long de leur recherche.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS51, AS49, AS52 et AS50, tous de la rapporteure.

Puis elle est saisie de l’amendement AS40 de M. Hervé Morin.

M. Arnaud Richard. Il s’agit d’inscrire clairement dans la loi l’interdiction des stages post-formation  effectués à l’issue du cursus universitaire. Ils sont, en principe, interdits puisqu’une convention de stage est toujours exigée, mais certains diplômes d’université offrent toutefois de tels stages post-formation dans un but d’insertion professionnelle. Nous souhaitons endiguer les réinscriptions fictives qui sont contre-productives pour les étudiants eux-mêmes.

Mme la rapporteure. Les arguments de M. Richard sont convaincants mais je lui suggère de retirer son amendement, car il est satisfait par l’introduction dans la loi d’un « volume pédagogique minimal de formation en établissement » permettant d’éviter les stages hors cursus. Par ailleurs, la durée des stages est limitée à six mois.

M. Arnaud Richard. La disposition que vous évoquez ne mettra pas fin aux pratiques que je dénonce. Quel que soit le nombre d’heures de formation prévues en établissement, les étudiants pourront toujours s’inscrire dans le seul but de profiter d’un stage.

M. Rémi Delatte. La précision apportée par l’amendement peut être utile.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine en discussion commune les amendements AS13 de M. Thierry Braillard, AS3 de Mme Véronique Massonneau et AS48 de M. Hervé Morin.

M. Thierry Braillard. Un amendement du Gouvernement étendant aux secteurs public et associatif l’obligation d’indemniser les stages d’une durée supérieure à deux mois a été adopté dans le cadre de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et la recherche – je crois même que cette disposition avait fait l’unanimité. Cette mesure ayant été suspendue par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, il nous appartient de réaffirmer son universalité.

Mme Véronique Massonneau. Nous proposons qu’une indemnité soit versée obligatoirement si un stage dure plus de quatre semaines.

M. Arnaud Richard. La majorité précédente avait souhaité rendre obligatoire le versement d’une gratification aux stagiaires. La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances l’a mis en place pour les stages dépassant trois mois ; celle du 24 novembre 2009 l’a étendu à ceux de plus de deux mois. Nous n’avions donc pas tout faux !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Et parce que nous ne pratiquions pas une opposition systématique, nous vous avions soutenus !

M. Arnaud Richard. Après ces avancées, réclamées à l’époque par l’association Génération Précaire, nous estimons aujourd’hui nécessaire de préciser que le versement de la gratification mensuelle doit avoir lieu dès le premier mois de stage.

Mme la rapporteure. Monsieur Braillard, je vous suggère de retirer votre amendement. Vous le constatiez, la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a déjà rendu obligatoire l’indemnisation des stages de plus de deux mois dans tous les secteurs. La ministre s’exprimera en séance pour rappeler le caractère universel de cette gratification. Le ministère travaille actuellement afin de résoudre les problèmes budgétaires auxquels il s’est trouvé confronté.

M. Gérard Cherpion. Plutôt que d’imposer des contraintes supplémentaires aux entreprises avec cette proposition de loi, vous feriez mieux de faire respecter les règles en vigueur. Nous savons tous parfaitement que le secteur public s’exonère souvent de ses obligations en matière d’indemnisation de stage.

Mme la rapporteure. Madame Massonneau, la proposition de loi veille à respecter un certain équilibre. Je suis, en conséquence, défavorable à votre amendement car en rendant la gratification obligatoire dès la quatrième semaine, vous risqueriez de tarir l’offre de stages, de pénaliser les lycées professionnels, et d’empêcher la stabilisation des dispositions votées dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et la recherche.

Monsieur Richard, l’article D. 612-54 de la partie réglementaire du code de l’éducation prévoit d’ores et déjà que « la gratification de stage est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de stage ». Cette précision pourrait être apportée dans la loi, mais je vous demande de retirer votre amendement afin que nous le réécrivions d’ici à la séance publique.

M. Patrick Hetzel. Pour verser des gratifications à des stagiaires, il faut d’abord que ces derniers trouvent des stages. Or les secteurs privé et public en proposeront de moins en moins à mesure que vous leur imposerez des contraintes de plus en plus fortes. Au final, certains jeunes auront du mal à achever leur parcours de formation professionnelle et à obtenir leur diplôme faute d’avoir pu trouver un stage. Vous ne répondez jamais à cette question de fond.

Mme la rapporteure. Et pour cause, il n’y a aucun changement.

M. Dominique Tian. Nous n’avons aucune réponse concernant la gratification des stagiaires dans les établissements hospitaliers ou les collectivités locales. Nous attendons le décret qui fait suite à la loi de refondation de l’école. Nous ne saurions admettre que les jeunes en formation qui suivent un stage obligatoire dans le secteur public ne perçoivent rien ! Dans le secteur de la santé, il ne faudrait pas qu’ils servent de variable d’ajustement économique aux budgets des hôpitaux !

Les amendements AS13, AS3 et AS48 sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement AS14 de M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Afin d’éviter que l’employeur, qui peut être de bonne foi, confie au stagiaire une mission correspondant à un poste de travail permanent, il convient d’indiquer dans la loi que « les tâches afférentes au stage doivent être expressément précisées dans la convention de stage ». Cet effort de précision permettrait d’éviter des litiges ultérieurs en requalification.

Mme la rapporteure. Cet amendement sera satisfait par un décret qui précisera que la convention de stage doit obligatoirement faire état des tâches confiées aux stagiaires.

M. Gérard Cherpion. C’est déjà le cas aujourd’hui !

M. Thierry Braillard. Mais cette précision mérite de figurer dans la loi plutôt que dans le règlement !

Mme Bérengère Poletti. Vous introduisez une rigidité supplémentaire en fixant les missions du stagiaire avant même qu’il ait commencé son activité. Dans certains métiers complexes, il peut arriver que l’on confie à un stagiaire des tâches auxquelles on n’aurait pas pensé dans un premier temps.

On nous a parlé d’un « pacte de responsabilité » et d’un « choc de simplification » ; il me semble que vous faites tout l’inverse !

Mme Kheira Bouziane. Les enseignants qui encadrent les stagiaires doivent être attentifs aux missions confiées à ces derniers. Le décret ne pourra que clarifier la situation.

Madame Poletti, le pacte de responsabilité permettra peut-être aussi aux entreprises de s’engager à accueillir des stagiaires !

M. Rémi Delatte. Nous aurions intérêt à préserver la souplesse de l’engagement entre le stagiaire et le chef d’entreprise. Faisons leur confiance ! Plus nous imposons des règles complexes, plus nous réduisons le champ des missions qui peuvent être confiées aux stagiaires. Nous empêchons, par exemple, que certains jeunes qui s’adaptent plus rapidement que d’autres se voient proposer certaines tâches.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques AS23 de M. Dominique Tian et AS28 de M. Patrick Hetzel.

M. Dominique Tian. Le recours au décret en Conseil d’État pour fixer le nombre maximal de stagiaires sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil constitue une rigidité. Nous proposons d’introduire de la souplesse en demandant aux partenaires sociaux de se mettre d’accord sur un seuil. Ils ont déjà négocié au niveau national interprofessionnel sur les stages pour aboutir à l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011, mis en œuvre par la loi Cherpion. Ils sont donc tout à fait habilités à déterminer les conditions optimales d’accueil des stagiaires.

M. Patrick Hetzel. Il est paradoxal de mettre en avant la démocratie sociale et de renvoyer, dans le même texte, à un décret en Conseil d’État à la première occasion.

Les accords de branche auraient l’avantage de prendre en compte les spécificités de chaque secteur d’activité. Le décret en Conseil d’État a, au contraire, toutes les chances d’être beaucoup trop coercitif. Songez tout simplement aux spécificités des start-up ou de certaines entreprises innovantes qui comptent autant de stagiaires que de salariés !

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les partenaires sociaux ont aujourd’hui la possibilité de se prononcer sur le sujet, mais ils ne le font pas. Le décret permettra de fixer un seuil qui tienne compte des spécificités liées au nombre des salariés des entreprises ou à leur secteur d’activité. Nous interrogerons la ministre en séance à ce sujet. Pour les grandes entreprises un plafond de 10 % semble faire consensus.

M. Gérard Cherpion. Pourquoi faire intervenir le Conseil d’État qui ne connaît pas le contexte de l’activité des entreprises ? Les branches sont les mieux à même de définir un cadre dans le respect de leur liberté et de leur responsabilité.

M. Dominique Tian. Dans certains domaines, les étudiants rêvent de faire des stages dans les start-up les plus performantes. Si l’une d’entre elles ne compte que dix salariés, faut-il la contraindre à ne choisir qu’un seul des jeunes qui se bousculent à sa porte ? Vous savez parfaitement que ces stagiaires ne sont pas exploités et que le secteur est caractérisé par une très forte mobilité. Laissez les partenaires sociaux régler une question qui n’est pas du ressort du Conseil d’État !

M. Denys Robiliard. Les amendements devraient spécifier que le seuil est fixé par accord de branche ou, à défaut, par décret, car de tels accords n’existent pas toujours.

Je rappelle aussi que nous ne traitons pas de la formation professionnelle mais de la formation initiale qui relève bien de la responsabilité de l’État. L’intervention du pouvoir réglementaire est donc parfaitement légitime. Elle n’implique pas pour autant l’éviction des partenaires sociaux, avec lesquels elle doit pouvoir trouver à s’articuler.

M. Gérard Cherpion. M. Robiliard a raison : il faut mentionner qu’à défaut d’accord de branche, le nombre de stagiaires sera fixé par décret en Conseil d’État.

M. Patrick Hetzel. Vous n’avez que le dialogue social à la bouche mais vous vous en méfiez. Dès qu’il s’agit de rédiger un texte, vous ne pensez qu’à réglementer !

Pourquoi introduire des seuils alors que les dérives sont aujourd’hui très rares ? Nous convenons qu’il faut lutter contre les abus, mais leur faible nombre justifie-t-il de rendre l’ensemble du système plus rigide ? Allez sur le terrain ! J’ai encore constaté, la semaine dernière, que la Conférence des grandes écoles était vent debout contre une mesure qui empêchera les futurs ingénieurs de trouver des stages dans des start-up et de développer des idées innovantes, alors même que le Gouvernement n’a que le mot « compétitivité » à la bouche. On marche sur la tête !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Hetzel, nous avons l’expérience du terrain, et, contrairement à ce que vous laissez entendre, dans le cadre de la formation initiale, les stagiaires n’ont pas vocation à être les têtes chercheuses d’une entreprise dans laquelle ils passent trois ou quatre mois !

M. Dominique Tian. Si l’on compte le les étudiants qui se trouvent autour du lit du patient à l’hôpital public, on doit bien atteindre 20 ou 30 % des effectifs. Si un décret en Conseil d’État met fin à cette pratique alors que les stages sont obligatoires dans ces secteurs, comment formerez-vous les personnels en nombre suffisant ?

Mme Kheira Bouziane. Monsieur Hetzel, vous n’êtes pas seul à avoir entendu les représentants de la Conférence des grandes écoles évoquer le problème des start-up : la rapporteure, qui les a reçus, leur a clairement indiqué que le futur décret tiendrait compte des cas particuliers.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS42 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. Il s’agit de limiter les abus de certains employeurs qui n’hésitent pas à embaucher successivement des stagiaires tous les deux mois, sans aucune rémunération et sans aucun délai de carence. Dans un but dissuasif, le délai de carence entre deux stagiaires est donc porté à un mois.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La proposition de loi contient plusieurs dispositions encadrant les stages, qui permettront de mettre fin aux abus que vous décrivez. Par ailleurs, l’article L. 612-10 visé prévoit d’ores et déjà que « l’accueil successif de stagiaires, au titre de conventions de stage différentes, pour effectuer des stages dans un même poste n’est possible qu’à l’expiration d’un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques AS19 de M. Dominique Tian et AS29 de M. Patrick Hetzel.

M. Dominique Tian. Vous dissuadez fortement ceux qui envisagent d’accueillir des stagiaires en donnant à ces derniers les mêmes droits qu’aux salariés en matière de congés de maternité, de paternité ou d’adoption. Cette disposition sera, par ailleurs, à l’origine d’une discrimination en faveur des hommes, moins susceptibles d’en bénéficier. Je rappelle qu’une convention de stage ne peut être assimilée au contrat de travail.

M. Patrick Hetzel. En attribuant les droits des salariés aux stagiaires, vous retirez à ces derniers le statut d’étudiant ou d’élève. Ce glissement n’est pas uniquement symbolique : il aura pour effet de réduire le nombre de stages offerts alors même que, plus que jamais, nous devons nous attacher à créer des passerelles entre la formation initiale et le monde du travail.

Mme la rapporteure nous renvoie en permanence au décret ou aux réponses du ministre dans l’hémicycle. Cette proposition de loi n’est décidément que le faux nez d’un projet de loi. Le Gouvernement n’a pas pris ses responsabilités. Je ne comprends d’ailleurs pas comment le ministre de l’éducation nationale et la ministre de l’enseignement supérieur peuvent soutenir un texte coercitif et rigide qui raréfiera le nombre de stages et rendra plus difficile l’insertion des jeunes en milieu professionnel. D’aucuns parlent en ce moment de simplification ; nous assistons plutôt à un véritable choc de complexification !

Mme la rapporteure. L’application aux stagiaires des droits des salariés en matière de grossesse, de paternité et d’adoption a reçu un accueil plutôt consensuel lors des auditions, aussi bien de la part des étudiants que des organismes d’accueil. Il s’agit, à l’évidence, de cas particuliers encadrés par le texte afin d’éviter toute confusion entre salariés et stagiaires. Un représentant des entreprises a même évoqué « une mesure de bon sens ».

La Commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements AS58 de la rapporteure et AS15 de M. Thierry Braillard, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Thierry Braillard. Il s’agit de rendre systématique, dans la convention de stage, la mention de la possibilité de bénéficier de congés et d’autorisation d’absence

Mme la rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, et je précise dans le mien que cette inscription systématique concerne les stages de plus de deux mois.

La Commission adopte successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS16 de M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. N’en déplaise à l’opposition dont la soif de « libertés » finirait par créer un no man’s land juridique, je propose que les règles applicables aux stagiaires en matière de durée de présence ou de repos soient celles retenues pour les « jeunes salariés » de moins de dix-huit ans.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il n’est pas cohérent d’appliquer à des jeunes stagiaires majeurs des dispositions relatives à des mineurs salariés.

M. Thierry Braillard. Les spécificités de ce statut me semblent pourtant particulièrement adaptées aux stagiaires.

M. Arnaud Richard. Je voterai cet amendement. Il a le mérite de proposer un statut clair.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques AS20 de M. Dominique Tian et AS30 de M. Patrick Hetzel.

M. Dominique Tian. Cet amendement renvoie la détermination des horaires de présence du stagiaire à la convention de stage qui a la souplesse d’un contrat et peut être refusée par l’une ou l’autre des parties.

M. Patrick Hetzel.  Il faut, en effet, laisser à la convention le soin de définir l’organisation du temps de travail. Or il semble qu’en la matière, vous privilégiiez la coercition plutôt que la confiance envers les acteurs.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Ces amendements proposent de supprimer des alinéas relatifs aux durées maximales de présence, à la présence de nuit, et aux repos et jours fériés, qui permettent l’exercice d’un contrôle par l’inspection du travail. Je précise que ces éléments feront en tout état de cause partie de la convention de stage.

M. Patrick Hetzel. Vous ne tenez pas compte de la réalité. Les étudiants pourront-ils aller passer leurs examens en cours de stage si cela n’a pas été préalablement prévu ?

Mme la rapporteure. Rien n’est coercitif puisque le texte dont vous demandez la suppression se contente de créer un cadre général en faisant référence à des durées maximales de présence et à des données générales. Comme cela est déjà le cas aujourd’hui, les dispositions de la convention négociée entre l’organisme d’accueil, l’établissement d’enseignement et l’étudiant s’inscriront dans ce cadre.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS17 de M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. J’avais souhaité faire un parallèle avec les jeunes salariés, car il me semblait que le droit commun – en l’espèce, une durée maximale hebdomadaire de quarante-huit heures et quotidienne de dix heures – n’était pas adapté dans le cadre d’une formation. Dans le même esprit, il convient, à mon sens, de protéger le stagiaire en limitant le nombre d’heures supplémentaires hebdomadaires qui peut lui être demandé.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Souhaitant éviter d’entretenir toute confusion entre le statut de salarié et celui de stagiaire, je reste perplexe quant à l’application de la notion d’heures supplémentaires à ce dernier.

Nous avons posé un cadre dans lequel une convention de stage tripartite doit pouvoir régler la plupart des problèmes liés aux spécificités de certaines entreprises.

Je précise que la gratification obligatoire versée au stagiaire ne peut être inférieure à 12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale, soit, pour un temps complet de trente-cinq heures hebdomadaires, 436,05 euros mensuels.

M. Gérard Cherpion. Parce que le stage doit permettre au jeune de s’insérer dans l’entreprise, il faut bien que ce dernier en connaisse les contraintes ! Monsieur Braillard, vous vous évertuez à empêcher les stagiaires de vivre la réalité du monde du travail !

M. Denys Robiliard.  Si nous adoptions l’amendement de M. Braillard relatif aux heures supplémentaires, l’élève avocat ne pourrait plus accompagner son maître de stage dans tous ses actes. Je rappelle que la journée de l’avocat d’assises peut durer vingt-quatre heures.

Le temps du stage doit bien être un temps de formation et non un temps de travail effectif – si c’est le cas, il devra être requalifié, ne serait-ce qu’au regard de la gratification au tiers du SMIC. Nous avons besoin de cette souplesse pour que le stage ait un sens.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS2 de Mme Véronique Massonneau et AS18 de M. Thierry Braillard.

Mme Véronique Massonneau. La rupture unilatérale d’une convention de stage par la structure d’accueil est susceptible de remettre en question l’obtention du diplôme de l’étudiant. Je propose que le choix de valider ou non le diplôme en cas de résiliation de la part de la structure d’accueil soit laissé à l’appréciation de l’établissement d’enseignement.

M. Thierry Braillard. Mon amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Je suis favorable sur le principe, mais la rédaction demande à être affinée. Le retrait de ces amendements permettrait de retravailler, d’ici à la séance publique, en particulier la notion de « décision unilatérale ».

Mme Kheira Bouziane. La plupart du temps, dans ce genre de situation, les établissements trouvent des solutions appropriées.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient aux amendements identiques AS21 de M. Dominique Tian et AS32 de M. Patrick Hetzel.

M. Dominique Tian. Cet amendement propose de supprimer les sanctions prévues pour non-respect des nouvelles contraintes administratives relatives aux quotas de stagiaires ou aux règles concernant la durée de présence ou les repos. Sauf à vouloir dissuader les entreprises d’accueillir des stagiaires, il serait particulièrement contre-productif de confier, comme vous le faites, le contrôle de ces règles aux inspecteurs du travail – d’autant que chacun sait combien leurs interventions sont appréciées par les chefs d’entreprises.

M. Patrick Hetzel. Croyez-vous que les alinéas 36 à 41 dont nous demandons la suppression incitent les entreprises à accueillir des stagiaires ?

Si vous persistez, je vous conseille de fixer aussi un nombre minimal obligatoire de stages par entreprise, faute de quoi l’offre sera insuffisante. Votre démarche va clairement à l’encontre de la liberté, qui figure pourtant dans la devise de la République.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS10 de M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Les stages à l’étranger doivent être mieux encadrés, et il faut informer les stagiaires des règles en vigueur dans les pays d’accueil.

Les organismes d’accueil qui relèvent d’un droit étranger ne sont évidemment pas soumis aux mêmes règles que les établissements d’enseignement de droit français. La négociation de la convention de stage peut toutefois permettre de les inciter au respect de certaines obligations.

Mme la rapporteure. Monsieur Cordery, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement afin que nous le réécrivions ensemble. Si certaines dispositions de la proposition de loi ne peuvent pas être imposées à l’étranger, il faut veiller à ce que les étudiants bénéficient partout d’une bonne qualité d’encadrement et de tutorat.

M. Dominique Tian. C’est délirant ! Comment voulez-vous appliquer le droit du travail français au Cambodge ?

M. Philip Cordery. Rien ne sera imposé aux entreprises étrangères : les obligations prévues incomberont aux établissements d’enseignement français.

M. Patrick Hetzel. Sur le terrain, l’encadrement des stagiaires ne peut pas être de même nature à l’étranger et en France. Il faut en tenir compte, et faire confiance aux établissements sans les contraindre.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques AS22 de M. Dominique Tian et AS31 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. À l’alinéa 37, qui prévoit l’intervention des agents de contrôle de l’inspection du travail, il convient de mentionner également le rôle prééminent des « autorités académiques compétentes ». Les stagiaires sont avant tout des étudiants ; il ne faut pas leur appliquer le statut des salariés.

M. Dominique Tian. Mon amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’établissement d’enseignement et l’inspection du travail doivent rester dans leurs rôles respectifs. Même s’ils encadrent les stagiaires et s’ils s’informent des conditions du stage, les professeurs référents n’ont pas à se substituer aux inspecteurs du travail. Il ne leur revient pas d’effectuer, par exemple, un contrôle de la durée de présence dans l’organisme d’accueil ou de dresser un procès-verbal.

M. Patrick Hetzel. Il est pourtant indispensable que les éléments qui relèvent de la pédagogie soient soumis au contrôle de l’autorité académique. Pourquoi se contenter de donner des pouvoirs à l’inspection du travail et ne pas prévoir un volet d’inspection pédagogique ?

Mme la rapporteure. L’alinéa 37 ne concerne pas la pédagogie. Il ne fait référence qu’au respect des articles L. 124-8 et L. 124-14 qui sont relatifs au nombre maximal de stagiaires que peut accueillir une entreprise, et à la durée de présence ou aux repos.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS53 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2
(Articles L. 1221-13 du code du travail)

Inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel

L’article 2 modifie l’article L. 1221-13 du code du travail afin de faire apparaître clairement la proportion de stagiaires dans les effectifs d’une entreprise. Il s’agit donc d’une mesure qui ne concerne pas les stagiaires en administration.

1. Le registre unique du personnel (article L. 1221-13 du code du travail), indépendant du registre des stages (article L. 612-13 du code de l’éducation)

Dans le droit actuel, l’établissement employant des salariés a l’obligation de tenir un registre unique du personnel et il doit être tenu indépendamment de ce registre un registre des conventions (article L. 612-13 du code de l’éducation).

L’article L. 1221-13 du code du travail précise en outre que ce registre contient les noms et prénoms de tous les salariés, qui sont inscrits dans l’ordre des embauches et « de façon indélébile ». Le pouvoir réglementaire a outre la faculté de préciser les indications complémentaires qu’il doit comporter.

2. La création d’une section spécifique aux stagiaires dans le registre unique du personnel

Le présent article modifie l’article L. 1221-13 du code du travail afin que les conventions de stages soient désormais inscrites dans le registre unique du personnel.

En , la mention « indépendamment du registre des conventions de stages mentionné à l’article L. 612-13 du code de l’éducation » est supprimée. Cette disposition abolit la séparation entre le référencement des salariés et la collection des informations relatives aux stages.

Le propose d’intégrer au registre unique du personnel les noms et prénoms des stagiaires accueillis dans l’organisme. Leur inscription suit l’ordre d’arrivée, et s’effectue dans une partie spécifique du registre.

Le prévoit que les indications à mentionner sur ce registre concernant les stagiaires sont précisées par voie réglementaire.

*

* *

La Commission est saisie des amendements de suppression AS24 de M. Dominique Tian et AS33 de M. Patrick Hetzel.

M. Dominique Tian. Il existe déjà un registre des conventions de stages, il est donc inutile d’en créer un nouveau.

M. Patrick Hetzel. Vous créez des contraintes supplémentaires qui pèseront sur l’offre de stages.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La création d’une section spécifique aux stagiaires dans le registre unique du personnel donne à ces derniers une visibilité et simplifie les éventuels contrôles de l’inspection du travail. Elle fait ainsi apparaître clairement la proportion de stagiaires par rapport aux effectifs.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 2 sans modification.

Article 3
(Article L. 1221-24 du code du travail)

Modification rédactionnelle

L’article 1er de la proposition de loi a réorganisé les dispositions du code de l’éducation afin de créer un chapitre spécifique dévolu aux formations en milieu professionnel et aux stages.

Cette réorganisation se traduit par l’insertion de dispositions nouvelles ainsi que le transfert d’articles existants. C’est le cas de l’article L. 612-11 du code de l’éducation qui devient l’article L. 124-6 nouveau.

Le code du travail contenant une référence à cette disposition à l’article L. 1221-24, le présent article modifie sa rédaction en conséquence.

*

* *

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4
(Article L. 8112-2 du code du travail)

Élargissement des capacités de contrôle de l’inspection du travail

L’article L. 8112-2 du code du travail recense certaines des infractions définies dans d’autres codes que les inspecteurs du travail peuvent constater. Il s’agit à titre d’illustration, d’infractions liées :

– à des faits de discrimination (code pénal, 1°) ;

– aux mesures de prévention édictées par les caisses régionales d’assurance maladie et aux dispositions relatives à la déclaration des accidents du travail (code de la sécurité sociale, 2°) ;

– à l’interdiction de fumer (code de la santé publique, 3°) ;

– aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, 4°) ;

– à la certification et à la conformité de produits autres qu’alimentaires (code de la consommation, 5°) ;

– à la domiciliation des personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés (code de commerce, 6°).

Le présent article prévoit d’inscrire un 7° à l’article L. 8112-2 renvoyant à la constatation des manquements aux dispositions du code de l’éducation contenues dans les articles nouveaux suivants :

– L. 124-8, portant sur la limitation du nombre de stagiaires accueillis simultanément ;

– L. 124-10, prévoyant un nombre maximal de stagiaires à la charge d’un même tuteur ;

– L. 124-13, relatifs aux droits des stagiaires en cas de grossesse, de paternité et d’adoption ;

– et L. 124-14 garantissant aux stagiaires des conditions d’accueil similaires à celles dont bénéficient les salariés de l’organisme.

*

* *

La Commission est saisie des amendements de suppression AS26 de M. Dominique Tian et AS34 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Lentement mais sûrement, le statut du stagiaire se rapproche de celui du salarié. De façon symptomatique, l’article 4 inscrit l’étudiant en stage dans le code du travail plutôt que dans celui de l’éducation. Ce glissement ne sert pas l’employabilité que les stages ont pourtant vocation à développer. Songeons à l’insertion professionnelle des jeunes !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Cela n’empêche pas de penser aussi à leur sécurité au sein de l’entreprise !

M. Dominique Tian. Mon amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il est logique d’élargir les capacités de contrôle de l’inspection du travail afin de garantir que diverses dispositions de la proposition de loi trouvent leur traduction sur le terrain.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques AS25 de M. Dominique Tian et AS35 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Les autorités académiques ont toute leur place dans le dispositif de l’article 4. Je déplore que la commission des affaires culturelles et de l’éducation, dont je suis membre, ne se soit pas saisie pour avis d’un texte qui traite de la formation de notre jeunesse.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Elle était libre de le faire !

M. Patrick Hetzel. Je suis intervenu la semaine auprès du président Patrick Bloche, qui m’a informé que les délais ne le permettaient plus. Cela dit, je ne vous apprends pas que mon groupe parlementaire n’est pas majoritaire au sein de cette commission. Je considère que la majorité n’a pas souhaité que ce débat ait lieu au sein de cette instance.

M. Dominique Tian. Mon amendement est défendu.

M. Denys Robiliard. Monsieur Hetzel, la rédaction même de votre amendement le vide de son sens. En effet, vous indiquez que l’intervention de l’inspection du travail se ferait « sur saisine le cas échéant » des autorités académiques. Autrement dit, l’inspection du travail pourra agir, que l’établissement d’enseignement réagisse ou pas. C’est du bavardage ! J’ajoute que, même sans cette précision, rien n’empêche l’autorité académique de saisir l’inspection du travail.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

Après l’article 4

La Commission est saisie de l’amendement AS37 de M. Denys Robiliard, portant article additionnel après l’article 4.

M. Denys Robiliard. Parce que je sais que Mme Fraysse déposera en séance des amendements moins bavards et ayant le même objet que le mien, je le retire.

L’amendement est retiré.

Article 5
(Article L. 8223-1-1 nouveau du code du travail)

Information de l’établissement d’enseignement et des institutions représentatives en cas d’infraction relevée par l’inspection du travail

Cet article insère dans le code du travail un article L. 8223-1-1 qui complète les dispositions de l’article 4 en prévoyant une nouvelle procédure d’information de l’établissement d’enseignement et des institutions représentatives en cas d’infraction.

Plusieurs cas de figure sont envisagés. En premier lieu celui où un inspecteur ou un contrôleur du travail constate qu’un stagiaire occupe un poste de travail en méconnaissance de l’article L. 124-7 nouveau du code de l’éducation, qui prévoit que les stagiaires ne sauraient accomplir une tâche correspondant à un poste de travail permanent, servant à faire face à un accroissement temporaire d’activité, occuper un emploi saisonnier ou remplacer un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail. En outre, le présent article envisage également la possibilité que l’organisme d’accueil ne respecte pas les articles L. 124-13 (grossesse, paternité et adoption) et L. 124-14 (conditions d’accueil du stagiaire).

Dans l’ensemble de ces cas, le contrôleur ou l’inspecteur du travail doit informer de son constat le stagiaire et l’établissement d’enseignement dont il relève, ainsi que les institutions représentatives du personnel de l’organisme d’accueil. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser par décret les modalités pratiques de cette information.

Il s’agit d’une mesure supplémentaire, propre aux infractions spécifiques mentionnées aux articles L. 124-7, L. 124-13 et L. 124-14 nouveau. Elle s’ajoute aux dispositions générales en vigueur dans le code du travail, explicitement rappelées par le présent article, et portant sur l’interdiction du travail dissimulé (articles L. 8221-1 à 8224-6, L. 8271-8 du code du travail) ainsi que sur celles de l’article L. 8113-7 du même code. Ce dernier prévoit que les fonctionnaires en charge du contrôle constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire. Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République, un exemplaire étant également transmis au représentant de l’État dans le département. Avant la transmission au procureur de la République, l’agent de contrôle informe la personne visée au procès-verbal des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues.

*

* *

La Commission examine les amendements de suppression AS27 de M. Dominique Tian et AS36 de M. Patrick Hetzel.

M. Dominique Tian. L’inspection du travail n’a pas vocation à effectuer le contrôle des stages. Dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, elle peut d’ores et déjà recueillir l’identité de toute personne présente dans l’entreprise. Il me paraît inutile de lui en demander plus, d’autant qu’elle a fort à faire par ailleurs – même si elle se révolte aujourd’hui contre le Gouvernement qui veut mettre un corps indépendant sous tutelle.

M. Patrick Hetzel. Vous créez, à l’égard des entreprises, un dispositif coercitif de plus. Ne vous étonnez pas si le nombre de stages offerts diminue ! Je suis d’ailleurs étonné que l’impact de la proposition de loi sur l’offre de stages n’ait pas été évalué. Vous prétendez agir en faveur de la jeunesse ; en fait, vous lui tirez une balle dans le pied !

Mme la présidente Catherine Lemorton. La rapporteure a pourtant montré dans son intervention initiale que les mesures de protection des stagiaires mises en place par votre majorité n’avaient pas tari l’offre de stages.

M. Denys Robiliard. Même si des personnels et certains syndicats de l’inspection du travail le prétendent, le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, adopté la semaine dernière par l’Assemblée nationale en première lecture, ne porte en aucun cas atteinte à l’indépendance de ce corps.

Monsieur Hetzel, les choses sont simples : nous souhaitons que les stages de formation soient toujours plus nombreux, mais nous voulons réduire le nombre de contrats de travail déguisés en conventions de stage.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. En cas de manquement à certaines des obligations introduites par la proposition de loi, l’article 5 met seulement en place une procédure d’information du stagiaire, de l’établissement d’enseignement et des institutions représentatives du personnel de l’organisme d’accueil.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS54 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement AS4 de Mme Véronique Massonneau, portant article additionnel après l’article 5.

Mme Véronique Massonneau. Une disposition de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a ouvert aux étudiants le droit de racheter des trimestres de stage en vue du calcul de leur pension de retraite. Nous proposons que le versement des cotisations afférentes soit compensé par l’augmentation de la gratification de stage.

Mme la rapporteure. Afin de préserver l’équilibre que j’ai déjà évoqué et de ne pas tarir l’offre de stages, en particulier ceux proposés par les petites entreprises, je ne suis pas favorable à cet amendement.

En tout état de cause, il serait sage, avant de réagir, de laisser à la loi du 20 janvier 2014 le temps de se mettre en œuvre.

M. Dominique Tian. Pourquoi réserver la majoration de la gratification aux stagiaires du secteur privé ?

M. Gérard Cherpion. Il s’agit d’une nouvelle discrimination entre stagiaires du privé et du public !

Mme Véronique Massonneau. Nous n’avons trouvé que ce moyen pour éviter que notre amendement crée une charge publique et tombe sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Je concède que, dans sa formulation actuelle, il aurait un caractère discriminatoire, mais nous cherchions seulement à engager un débat général sur le sujet.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle que j’applique l’article 40 de façon stricte en réponse à une demande de l’opposition. La recevabilité financière en commission faisait l’objet d’une approche beaucoup plus souple lors de la précédente législature, sous le président Pierre Méhaignerie, ce dont personne ne se plaignait à l’époque. Cela nous permettait de débattre d’amendements qui, à l’instar de celui de Mme Massonneau, n’avaient pas toujours vocation à être appelés en séance.

M. Patrick Hetzel. Je note avec intérêt que l’article 40 empêche, tout à fait légitimement, les parlementaires d’aggraver les charges publiques mais les laisse libres d’augmenter les dépenses du secteur privé. Les mesures que nous votons ont un coût pour les entreprises dont vous ne semblez pas vouloir tenir compte. Je rappelle qu’en accueillant des stagiaires, les entreprises contribuent à la formation de notre jeunesse.

Mme Kheira Bouziane. L’intention de Mme Massonneau n’était nullement de surcharger les entreprises du secteur privé par rapport aux établissements publics. C’était un biais pour que son amendement puisse être simplement discuté.

M. Gérard Cherpion. Tout amendement déposé a vocation à être adopté.

L’amendement est retiré.

Article 6
(Article L. 81 bis du code général des impôts)

Exonération de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu
des gratifications versées aux stagiaires

Cet article modifie l’article 81 bis du code général des impôts afin d’exonérer les gratifications de stages de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu (I) et prévoit la compensation de la perte de recettes pour l’État (II).

Le I modifie l’article 81 bis du code général des impôts qui prévoit que les « salaires versés aux apprentis munis d'un contrat répondant aux conditions posées par le code du travail sont exonérés de l'impôt sur le revenu dans la limite du montant annuel du salaire minimum de croissance. Cette disposition s'applique à l'apprenti personnellement imposable ou au contribuable qui l'a à sa charge ».

Le du présent article insère les mots « ainsi que les gratifications visées à l’article L. 124-6 du code de l’éducation versées aux stagiaires lors d’un stage ou d’une période de formation en milieu professionnel ». En conséquence, le insère les mots « ou au stagiaire » après le mot « apprenti ».

Concrètement, cette disposition bénéficiera surtout aux familles de jeunes effectuant un stage ou en formation en milieu professionnel. Les gratifications dépassent en effet rarement des montants supérieurs à la première tranche de l’impôt sur le revenu. L’impact budgétaire de la mesure sera limité.

En effet, les gratifications perçues par les étudiants et élèves qui effectuent des stages en entreprise sont déjà exonérées d’impôt sur le revenu lorsque les trois conditions suivantes sont simultanément remplies :

– les stages doivent faire partie intégrante du programme de l’école ou des études,

– ils doivent présenter pour l’élève ou l’étudiant un caractère obligatoire,

– leur durée ne doit pas excéder trois mois.

Au final, le ministère du budget estime le coût de cette mesure à 35 millions d’euros.

Afin de compenser la perte de recettes pour l’État, une taxe additionnelle pourra être prélevée sur les tabacs (articles 575 et 575 A du code général des impôts) (II).

*

* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS55 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Elle adopte enfin l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires

Proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires

Code de l’éducation

Article 1er

Article 1er

Première partie

Dispositions générales et communes

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

 

Livre Ier

   

Principes généraux de l’éducation

Titre II

Objectifs et missions du service public de l’enseignement

1° Le titre II du livre Ier de la première partie est complété par un chapitre IV intitulé : « Chapitre IV : Stages et périodes de formation en milieu professionnel » ;

 
     
 

2° Après l’article L. 123-9, sont insérés trois articles L. 124-1 à L. 124-3 ainsi rédigés :

 
     
 

« Art. L. 124-1. – Les enseigne-ments scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. Les périodes de formation en milieu professionnel sont obligatoires dans les conditions prévues à l’article L. 331-4.

 
     
 

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant pas du 2° de l’article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, telle que définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établis-sement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

 
     
 

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes tempo-raires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établis-sement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil.

« Les …

… certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire …

… accueil.

Amendement AS39

     
 

« Art. L. 124-2. – L’établisse-ment d’enseignement est chargé :

 
     
 

« 1° D’appuyer les élèves ou étudiants dans leur recherche de périodes de formation en milieu professionnel ou de stages correspondant à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès des élèves et des étudiants, respectivement aux périodes de formation en milieu professionnel et aux stages ;

« 1° D’appuyer et d’accompa-gner les élèves …

… stages ;

Amendement AS38

     
 

« 2° De définir dans la convention, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou développer au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et la manière dont ce temps s’inscrit dans le cursus de formation ;

 
     
 

« 3° De désigner un enseignant référent parmi les équipes pédagogiques de l’établissement qui s’assure du bon déroulé de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et du respect des dispositions de la convention.

« 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes …

… convention mentionnées à l’article L. 124-1 du présent code.

Amendements AS51 et AS49

     
 

« Art. L. 124-3. – Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages sont intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation en établissement, ainsi que les modalités d’encadrement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage par l’établissement d’origine et le ou les organismes d’accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage. » ;

« Art. L. 124-3. – …

… l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil …

… stage ;

Amendements AS50 et AS52

     

Art. L. 612-14. – Tout élève ou étudiant ayant achevé son stage transmet aux services de son établissement d'enseignement chargés de l'accom-pagner dans son projet d'études et d'insertion professionnelle un document dans lequel il évalue la qualité de l'accueil dont il a bénéficié au sein de l'organisme. Ce document n'est pas pris en compte dans son évaluation ou dans l'obtention de son diplôme.

3° L’article L. 612-14 devient l’article L. 124-4 et à la première phrase de cet article, après le mot : « achevé », sont insérés les mots : « sa période de formation en milieu professionnel ou » ;

 
     
 

4° L’article L. 612-9 est ainsi modifié :

 
     
 

a) Il devient l’article L. 124-5 ;

 
     

Art. L. 612-14. – La durée du ou des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne peut excéder six mois par année d'enseignement. Un décret fixe les formations pour lesquelles il peut être dérogé à cette durée de stage compte tenu des spécificités des professions nécessitant une durée de pratique supérieure, auxquelles préparent ces formations.

b) À la première phrase, après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou périodes de formation en milieu professionnel » et les mots : « une même entreprise » sont remplacés par les mots : « un même organisme d’accueil » ;

c) La deuxième phrase est ainsi rédigée :

 
     
 

« Un décret fixe les formations pour lesquelles il peut être dérogé à cette durée de stage pour une période de transition de deux ans à compter de la publication de la loi n°         du                  tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. » ;

 
     

Art. L. 612-11. – Lorsque la durée de stage au sein d'une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre organisme d'accueil est supérieure à deux mois consécutifs ou, au cours d'une même année scolaire ou universitaire, à deux mois consécutifs ou non, le ou les stages font l'objet d'une gratification versée mensuellement dont le montant est fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret. Cette gratification n'a pas le caractère d'un salaire au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail.

Le premier alinéa s'applique sans préjudice des dispositions de l'article L. 4381-1 du code de la santé publique.

5° L’article L. 612-11 devient l’article L. 124-6 ;

 
     
 

6° Après l’article L. 124-6, sont insérés quatre articles L. 124-7 à L. 124-10 ainsi rédigés :

 
     
 

« Art. L. 124-7. – Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

 
     
 

« Art. L. 124-8. – Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. Pour l’application de cette limite, il n’est pas tenu compte des périodes de prolongation prévues à l’article L. 124-15.

 
     
 

« Art. L. 124-9. – L’organisme d’accueil désigne un tuteur chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Le tuteur est garant du respect des dispositions pédagogiques de la convention prévues au 2° de l’article L. 124-2.

 
     
 

« Art. L. 124-10. – Un tuteur de stage ne peut pas être désigné si, à la date de la conclusion de la convention, il est par ailleurs désigné en cette qualité dans un nombre de conventions prenant fin au-delà de la semaine civile en cours supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. » ;

 
     

Art. L. 612-10. – L'accueil succes-sif de stagiaires, au titre de conventions de stage différentes, pour effectuer des stages dans un même poste n'est possible qu'à l'expiration d'un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent. Cette disposition n'est pas applicable lorsque ce stage précédent a été interrompu avant son terme à l'initiative du stagiaire.

7° L’article L. 612-10 devient l’article L. 124-11 ;

 
     
 

8° Après l’article L. 124-11, sont insérés quatre articles L. 124-12 à L. 124-15 ainsi rédigés :

 
     
 

« Art. L. 124-12. – Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail dans les mêmes conditions que les salariés.

 
     
 

« Art. L. 124-13. – En cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, le stagiaire bénéficie de congés et autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés par les articles L. 1225-16 à L. 1225-28, L. 1225-35, L. 1225-37 et L. 1225-46 du code du travail.

 
     
 

« Dans la limite de la durée maximale prévue par l’article L. 124-5, la convention de stage peut prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au bénéfice du stagiaire au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage.

« Pour les stages dont la durée est supérieure à deux mois et dans la limite …

… stage doit prévoir …

… stage.

Amendements AS58 et AS15

     
 

« Art. L. 124-14. – La présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait :

 
     
 

« 1° Aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de présence ;

 
     
 

« 2° À la présence de nuit ;

 
     
 

« 3° Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

 
     
 

« Pour l’application du présent article, l’organisme d’accueil établit, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.

 
     
 

« Art. L. 124-15. – Lorsque le stagiaire interrompt sa période de formation en milieu professionnel ou son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité ou à l’adoption, le rectorat ou l’établissement d’enseignement supérieur peut choisir de valider la période de formation en milieu professionnel ou le stage, même s’il n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus. En cas d’accord des parties à la convention, un report de la fin de la période de formation en milieu professionnel ou du stage en tout ou partie est également possible. » ;

 
     

Art. L. 612-12. – Les stagiaires accèdent aux activités sociales et culturelles mentionnées à l'article L. 2323-83 du code du travail dans les mêmes conditions que les salariés.

9° L’article L. 612-12 devient l’article L. 124-16 ;

 
     
 

10° Après l’article L. 124-16, il est inséré un article L. 124-17 ainsi rédigé :

 
     
 

« Art. L. 124-17. – La mécon-naissance des dispositions prévues à l’article L. 124-8 et à l’article L. 124-14 est constatée par les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5 du code du travail.

 
     
 

« Les manquements sont passibles d’une amende administrative prononcée par l’autorité administrative.

 
     
 

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par stagiaire concerné par le manquement et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende.

 
     
 

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

 
     
 

« L’amende est recouvrée comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine de l’État. » ;

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étran-gères à l’impôt et au domaine.

Amendement AS53

     
 

11° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 611-5 est ainsi rédigée :

 
     

Art. L. 611-5. – Un bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants est créé dans chaque université par délibération du conseil d'administration après avis de la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique. Ce bureau a pour mission de favoriser un égal accès aux stages à tous ses étudiants. Il est notamment chargé de diffuser aux étudiants une offre de stages et d'emplois variée et en lien avec les formations proposées par l'université et d'assister les étudiants dans leur recherche de stages et d'un premier emploi.

« Ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article L. 124-2. » ;

 

………………………………………….

   
     

Art. L. 612-8. – Les stages en milieu professionnel ne relevant ni de l'article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, telle que définie à la sixième partie du même code, font l'objet d'une convention entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement, dont les modalités sont déterminées par décret.

12° Les articles L. 612-8 et L. 612-13 sont abrogés.

 
     

Tout étudiant souhaitant effectuer un stage se voit proposer une convention par l'établissement d'enseignement supérieur.

   
     

Les stages sont intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation ainsi que les modalités d'encadrement du stage par l'établissement d'origine et l'organisme d'accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage.

   
     

Le stage correspond à une période temporaire de mise en situation en milieu professionnel au cours de laquelle l'étudiant acquiert des compétences professionnelles qui mettent en œuvre les acquis de sa formation en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'une certification. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établis-sement d'enseignement et approuvées par l'organisme d'accueil.

   
     

Les stages ne peuvent pas avoir pour objet l'exécution d'une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l'entreprise, de l'administration publique, de l'associa-tion ou de tout autre organisme d'accueil.

   
     

Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail dans les mêmes conditions que les salariés.

   
     

Art. L. 612-13. – L'entreprise qui accueille des stagiaires tient à jour un registre des conventions de stage, indépendamment du registre unique du personnel mentionné à l'article L. 1221-13 du code du travail. Un décret détermine les modalités d'application du présent article, notamment les mentions qui figurent sur le registre susmentionné.

   
     

Code du travail

Article 2

Article 2

 

L’article L. 1221-13 du code du travail est ainsi modifié :

(Sans modification)

     

Art. L. 1221-13. – Un registre unique du personnel est tenu dans tout établissement où sont employés des salariés, indépendamment du registre des conventions de stage mentionné à l'article L. 612-13 du code de l'éducation.

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « , indépendamment du registre des conventions de stage mentionné à l’article L. 612-13 du code de l’éducation » sont supprimés ;

 
     

Les noms et prénoms de tous les salariés sont inscrits dans l'ordre des embauches. Ces mentions sont portées sur le registre au moment de l'embauche et de façon indélébile.

   
     
 

2° Après le second alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
     
 

« Les noms et prénoms des stagiaires accueillis dans l’organisme signataire de la convention sont inscrits dans l’ordre d’arrivée, dans une partie spécifique du registre unique du personnel. » ;

 
     

Les indications complémentaires à mentionner sur ce registre, soit pour l'ensemble des salariés, soit pour certaines catégories seulement, sont définies par voie réglementaire.

3° Au dernier alinéa, après le mot : « seulement, », sont insérés les mots : « soit pour les stagiaires mentionnés au troisième alinéa, ».

 
     
 

Article 3

Article 3

Art. L. 1221-24. – En cas d'em-bauche dans l'entreprise dans les trois mois suivant l'issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de ce stage est déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables. Lorsque cette embauche est effectuée dans un emploi en correspondance avec les activités qui avaient été confiées au stagiaire, la durée du stage est déduite intégralement de la période d'essai.

 

(Sans modification)

     

Lorsque le stagiaire est embauché par l'entreprise à l'issue d'un stage d'une durée supérieure à deux mois, au sens de l'article L. 612-11 du code de l'éducation, la durée de ce stage est prise en compte pour l'ouverture et le calcul des droits liés à l'ancienneté.

Au deuxième alinéa de l’article L. 1221-24 du même code, la référence : « L. 612-11 » est remplacée par la référence : « L. 124-6 ».

 
     
 

Article 4

Article 4

 

L’article L. 8112-2 du même code est complété par un 7° ainsi rédigé :

(Sans modification)

     

Art. L. 8112-2. – Les inspecteurs du travail constatent également :

   

…………………………………..………

   
     
 

« 7° Les manquements aux dispositions des articles L. 124-8, L. 124-10, L. 124-13 et L. 124-14 du code de l’éducation. »

 
     
 

Article 5

Article 5

 

Après l’article L. 8223-1 du même code, il est inséré un article L. 8223-1-1 ainsi rédigé :

 
     
 

« Art. L. 8223-1-1. – Sans préjudice des articles L. 8221-1 à L. 8224-6, L. 8271-8 et L. 8113-7, lorsque l’inspecteur ou le contrôleur du travail constate qu’un stagiaire occupe un poste de travail en méconnaissance de l’article L. 124-7 du code de l’éducation ou que l’organisme d’accueil ne respecte pas les articles L. 124-13 et L. 124-14 du même code, il en informe le stagiaire, l’établissement d’enseignement dont il relève, ainsi que les institutions représentatives du personnel de l’organisme d’accueil dans des conditions fixées par décret. »

« Art. L. 8223-1-1. – Sans préjudice du chapitre Ier du présent titre et des articles, L. 8271-8 …

… décret. »

Amendement AS54

     

Code général des impôts

Article 6

Article 6

 

I. – L’article 81 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

 
     

Art. 81 bis. – Les salaires versés aux apprentis munis d'un contrat répondant aux conditions posées par le code du travail sont exonérés de l'impôt sur le revenu dans la limite du montant annuel du salaire minimum de croissance. Cette disposition s'applique à l'apprenti personnellement imposable ou au contribuable qui l'a à sa charge.

1° À la première phrase, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « , ainsi que les gratifications visées à l’article L. 124-6 du code de l’éducation versées aux stagiaires lors d’un stage ou d’une période de formation en milieu professionnel, » ;

1° À …

… « , ainsi que la gratification mention-née à l’article …

… professionnel, » ;

Amendement AS55

     
 

2° À la deuxième phrase, après le mot : « apprenti », sont insérés les mots : « ou au stagiaire ».

 
     
 

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Union nationale des étudiants de France (UNEF) – M. William Martinet, président, et Mme  Marthe Corpet, responsable de la Commission Universitaire au bureau national

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Thiébaut Weber, secrétaire confédéral/Délégation Jeunes

Ø Direction générale de l’enseignement scolaire –Mme Maryannick Malicot, chef de bureau

Ø Génération Précaire – M. Martin Isal, Mme Clémence Poujade et M. Nicolas Tamalet

Ø Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (UNAFORIS) – M. René Boucher, vice-président, Mme Diane Bossière, directrice générale et M. Olivier Cany, membre du conseil d’administration

Ø Association La Courroie – Mme Anne Aubert, vice-présidente, et M. Marc Gimonet, membre du conseil d’administration et vice-président chargé des relations avec le monde socio-économique pour l'Université de Rennes 2

Ø Association nationale des DRH – M. Jean-Christophe Sciberras, président

Ø Conférence des grandes écoles – M. Philippe Jamet, président et M. Francis Jouanjean, délégué général

Ø Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social  – M. Jean-Marc Huart, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle

Ø Conférence des présidents d'université (CPU) – M. Gilles Roussel, président de la Commission formation et président de l'université de Marne-la-Vallée, Mme Virginie Sément, et M. Karl Stoeckel, conseiller parlementaire

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – Mme Florence Poivey, présidente de la commission éducation, formation et insertion, Mme Sandrine Javelaud, directrice de mission formation initiale, et M. Matthieu Pineda, chargé de mission à la direction des affaires publiques

Ø Confédération générale du travail (CGT) – Mme Sophie Binet, secrétaire confédérale

© Assemblée nationale

1 () Sont concernées aussi les courtes périodes d’immersion en entreprise proposées aux élèves de troisième.

2 () Rapport n° 3519 fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, par M. Gérard Cherpion, enregistré à la présidence de l’assemblée nationale le 8 juin 2011.

3 () Promouvoir la pleine participation des jeunes à l’éducation, à l’emploi et à la société, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, COM (2007) 498 final du 5 septembre 2007.

4 () Résolution du Parlement européen du 6 juillet 2010 sur la promotion de l’accès des jeunes au marché du travail, le renforcement du statut des stagiaires, du stage et de l’apprenti (PE 2009/2221).

5 () Résumé de l’analyse d’impact accompagnant la proposition de recommandation du Conseil relative à un cadre de qualité pour les stages. Document de travail des services de la Commission - SWD (2013) 496 final du 4 décembre 2013.

6 () The experience of traineeships in the EU, Flash Eurobarometer n° 378, enquête menée par le réseau TNS dans 27 États membres entre le 28 avril et le 18 mai 2013 auprès de 12 921 personnes, 26 novembre 2013.

7 () Exposé des motifs de la proposition de recommandation du Conseil relative à un cadre de qualité pour les stages, 4 décembre 2013.

8 () COM (2013) 857 final.