Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 1829

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 février 2014

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI, relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810 (n° 1797)

PAR M. Germinal PEIRO

Député

——

Voir les numéros : 1797 et 1831.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE PROPOSITION DE LOI QUI PERMET DE RÉPONDRE À L’URGENCE 7

A. LE MAÏS MON 810 7

B. LE MAÏS TC 1507 10

II. LA NÉCESSAIRE REFONTE DU PROCESSUS D’AUTORISATION DES OGM AU NIVEAU EUROPÉEN 11

A. LES PROCÉDURES D’AUTORISATION DES OGM 11

B. UNE PROCÉDURE LACUNAIRE 12

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 13

II. EXAMEN DES ARTICLES 21

Article unique : Interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié 21

Titre 23

INTRODUCTION

La présente proposition de loi, déposée par le groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés vise à interdire la mise en culture des maïs génétiquement modifiés sur le territoire national.

Ce texte ne devrait pas faire polémique. Il se situe dans la continuité de l’action menée par le précédent Gouvernement et répond à une demande exprimée par la très grande majorité de nos concitoyens : maintenir le moratoire sur la mise en culture du maïs génétiquement modifié, en l’absence d’un processus d’évaluation complet et de mesures de gestion effectives.

Ce texte, qui reprend à l’identique la proposition de loi de notre collègue sénateur M. Alain Fauconnier est la première étape d’un long processus qui doit permettre de remettre à plat la procédure d’autorisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’Union européenne.

La proposition de loi répond en effet à une situation d’urgence suite à l’annulation en 2013 par le Conseil d’État de l’arrêté de suspension pris par le précédent Gouvernement afin qu’aucun maïs génétiquement modifié ne puisse être semé. En tant que membre de la commission des affaires économiques, votre rapporteur est notamment très sensible aux impacts socio-économiques qu’aurait une telle mise en culture, en particulier sur la filière apicole, qui connaît déjà de grandes difficultés.

Il existe un engagement très clair du ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, M. Stéphane Le Foll, et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, M. Philippe Martin, de porter une proposition de réforme au niveau européen pour réviser la procédure d’autorisation afin que tout en conservant une évaluation environnementale européenne, il existe une certaine subsidiarité. Le débat doit également avoir lieu au niveau français.

Ce texte, dont le champ est volontairement très limité, n’a pas vocation à confisquer ou à clore le débat sur les OGM en général. Votre rapporteur, à titre personnel, s’interroge sur la pertinence du modèle des OGM de première génération, c'est-à-dire de ceux qui tolèrent un herbicide, facilitant ainsi son épandage car ils encouragent une forme d’agriculture intensive.

Votre rapporteur tient d’ailleurs à rappeler que la présente proposition de loi ne vise en aucun cas la recherche ou les essais, qui font l’objet de réglementations distinctes. Il faut pouvoir continuer la recherche, en particulier car les techniques de manipulation génétique pourraient conduire à mettre au point des plantes à haute valeur nutritive ou capable de résister au stress hydrique.

I. UNE PROPOSITION DE LOI QUI PERMET DE RÉPONDRE À L’URGENCE

A. LE MAÏS MON 810

La directive 2001/18/CE définit un OGM comme « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle. » Le maïs MON 810 est une variété de maïs génétiquement modifiée appartenant à la catégorie des maïs Bt, qui codent la production de la protéine Cry1Ab afin de limiter la prolifération de certains insectes nuisibles tels que la pyrale.

Le maïs MON 810 a été autorisé, pour dix ans, en 1998 sur le fondement de la directive (CE) n°90/220 qui n’avait pas les mêmes exigences environnementales que celle qui l’a remplacé depuis en 2001. Une demande de renouvellement est en cours depuis plusieurs années.

Le maïs MON 810 est le seul OGM mis en culture dans l’UE, les maïs Bt 176 et T25 et la pomme de terre Amflora ayant été abandonnés. Le seul OGM autorisé à la consommation en tant que tel est le maïs doux.

Les ingrédients dérivés d’OGM (1)

Plusieurs ingrédients dérivés d’OGM (maïs, colza, soja, coton, betterave) sont également autorisés en alimentation. Tous ces produits doivent être étiquetés pour leur caractère génétiquement modifié, sauf en cas de présence fortuite à une teneur inférieure à 0,9%, en application du règlement 1829/2003 relatif aux denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés. Des produits dérivés d’OGM sont autorisés sous la forme :

a) d’aliments :

– à base de maïs : farine et semoule de maïs, huile de maïs, chips de maïs salées, pétales de maïs pour petit déjeuner ;

– à base de soja : huile de soja, tonyu, tofu, crèmes desserts à base de soja, sauce de soja ;

– à base de colza : huile de colza ;

– à base de betterave sucrière : sucre.

b) d’ingrédients :

– farine de maïs dans le pain, les céréales pour petit-déjeuner, les biscuits apéritifs...

– flocons de maïs dans les barres de céréales...

– semoule de maïs dans les biscuits apéritifs, la chapelure, la bière, les céréales pour petit déjeuner...

– amidon de maïs et liants amylacés (fécule) dans les plats cuisinés, les sauces, la charcuterie, les crèmes desserts, les préparations pour desserts déshydratées, les potages, les petits pots pour bébés, les pâtisseries...

– dérivés de l’amidon de maïs (sirop de glucose, dextrose, maltodextrines ...) dans les sauces, les biscottes, les barres céréales, les bières, les potages, les biscuits apéritifs, les préparations de fruits sur sucre incorporés dans les yaourts et divers desserts, les glaces...

– farines de soja dans le pain, le pain de mie, les pâtisseries...

– protéines de soja dans les plats cuisinés, la charcuterie, les préparations pour nourrissons...

– matières grasses végétales (maïs, soja, colza) dans les barres céréales, le pain de mie, les biscuits apéritifs, les pâtisseries, les matières grasses à tartiner, les potages...

– huile de coton dans les fritures pour aliments...

c) d’additifs :

– issus du maïs : amidon oxydé (E 1404), phosphates d’amidon (E 1410, E 1412 à E 1414), amidons acetylés (E 1420, E 1422), amidons hydroxypropylés (E 1440, E1442), succinate d’amidon (E 1450), amidon oxydé acetylé E1451), caramels (E 150a à E 150d), sorbitol (E 420), mannitol (E421), isomalt (E 953), maltitol (E 965), lactitol (E 966), xylitol (E 967), glucono-lactone (E 575), erythorbates (E 315 et E 316) ;

– issus du soja : lécithine (E 322), huile de soja oxydée (E 479b).

d) de supports d’arômes :

– produits dérivés du maïs tels que amidons, maltodextrines, beta cyclodextrine.

L’autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), à plusieurs reprises, a estimé que la culture de ce maïs présente des impacts en termes de résistance par les insectes ravageurs et sur la mortalité d’insectes non-cibles. Elle a donc recommandé des mesures de gestion et un renforcement des mesures de surveillance.

En outre, ce type de maïs ne peut pas coexister aisément avec l’apiculture. La distance de butinage peut être très importante, et les apiculteurs devraient courir le risque d’accepter du pollen issu de plantes génétiquement modifiées dans leur miel. Or cette filière connaît déjà une situation difficile, puisque sa production a diminué de 30% en l’espace de dix ans.

En février 2008, un arrêté (2) du ministre de l’agriculture français a suspendu la mise en culture de maïs MON 810 sur le fondement du principe de précaution, inscrit à l’article 5 de la Charte de l’environnement et de la clause de sauvegarde prévue par la directive 2001/18/CE. Cette clause permet à un État membre d’interdire, de manière provisoire, sur son territoire, un OGM bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché au niveau européen.

La mise en œuvre de cette clause suppose néanmoins que plusieurs conditions soient  réunies:

– présence « d’informations nouvelles ou complémentaires, devenues disponibles après que l’autorisation a été donnée et qui affectent l’évaluation des risques pour l’environnement ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires » ;

– risque «  pour la santé humaine ou l’environnement ».

Le Conseil d’État, dans une décision du 28 novembre 2011, Monsanto SAS et autres (3) a annulé cet arrêté considérant, après avoir posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que le ministère n’avait pas apporté la preuve, que lui imposait l’interprétation de la réglementation applicable donnée par la CJUE de l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement.

Le Gouvernement a pris un nouvel arrêté en mars 2012 (4) sur le fondement des « mesures d’urgence » prévue par le règlement 1829/2003 invoquant l’avis de l’AESA de 2011 qui mettait en évidence que « la culture du maïs MON 810 est manifestement susceptible de présenter un risque grave pour l’environnement en l’absence de mise en œuvre de mesures de gestion » (5) .

Le Conseil d’État a annulé en août 2013 (6) cet arrêté au motif que le Gouvernement avait commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation pour estimer que les conditions posées par le droit communautaire à l’adoption de mesures conservatoires étaient remplies :

– L’avis du 8 décembre 2011 de l’AESA ne faisait état d’aucune urgence ;

– Le ministre de l’agriculture ne faisait pas état d’éléments nouveaux permettant de conclure à l’existence d’un risque important mettant en péril de façon manifeste l’environnement ;

– Les conditions de mises en œuvre, par les États membres des mesures conservatoires à l’égard des OGM ne méconnaissent pas le principe de précaution tel qu’il est garanti par l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’UE et l’article 5 de la charte de l’environnement.

B. LE MAÏS TC 1507

Une demande d’autorisation a été déposée par Pioneer pour la mise en culture du maïs TC 1507 en 2001. Il résiste à certains insectes ravageurs et est tolérant à un herbicide – glufosinate d’ammonium qui va être interdit en Europe …

La Cour de justice de l’Union européenne a condamné la Commission pour avoir retardé la procédure en ne soumettant pas la proposition d’autorisation au vote des États membres. C’est donc ce qu’elle a fait le 11 février 2014.

Sur vingt-huit États membres, cinq seulement se sont prononcés pour, dont certains ne peuvent même pas cultiver le maïs (Espagne, Royaume-Uni, Suède, Finlande, Estonie), dix-neuf ont voté contre et quatre se sont abstenus (dont l’Allemagne). Mais cette large opposition ne suffit pas à atteindre une majorité qualifiée de 260 voix – chaque État disposant d’un nombre de voix calculé en fonction de sa population – pour repousser la proposition.

Depuis l’entrée en application du traité de Lisbonne, la Commission européenne dispose de davantage de marges de manœuvre pour refuser d’autoriser la mise en culture d’un OGM en l’absence de majorité qualifiée pour ou contre du Conseil. Il est en effet prévu que la Commission « devrait » autoriser, alors que les précédents traités stipulent qu’elle « doit » autoriser. Mais dans le cas du maïs TC 1507, ce sont les anciennes règles de comitologie qui trouvent à s’appliquer dans la mesure où la procédure d’autorisation a débuté en 2001 et qu’un premier vote en comité permanent de la chaine alimentaire et de la santé animale a eu lieu en février 2009. La Commission devra donc consulter à nouveau le collège des commissaires et autoriser le maïs TC 1507.

En outre, il faut noter que le Parlement européen, qui n’est pas co-décisionnaire il est vrai dans ce domaine, a recommandé à une large majorité
– 385 voix contre 201, 35 députés européens s’étant abstenus – le 16 janvier 2014 de ne pas autoriser la mise en culture de ce maïs.

Votre rapporteur ne peut que souligner qu’un tel processus décisionnel paraît bien peu démocratique.

II. LA NÉCESSAIRE REFONTE DU PROCESSUS D’AUTORISATION DES OGM AU NIVEAU EUROPÉEN

A. LES PROCÉDURES D’AUTORISATION DES OGM

La mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés et de produits qui en dérivent est encadrée par un ensemble de procédures européennes, définies par la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et par le règlement (CE) 1829/2003 du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés.

DROIT EUROPÉEN APPLICABLE EN FONCTION DES UTILISATIONS DES OGM  (7)

Utilisation des OGM

Réglementation applicable

Utilisations confinées de micro-organismes génétiquement modifiés en milieu confiné (recherche en laboratoire)

Directive 90/219/CEE relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés

Disséminations expérimentales d’OGM dans l’environnement (introduction d’OGM pour des essais en champs)

Directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement (part. B)

Mise sur le marché d’OGM (culture, importation ou transformation en produits industriels)

Directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement (part. C)

Mise sur le marché d’OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale

Règlement 1829/2003/CE concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés

Mouvements non intentionnels d’OGM entre États et exportations d’OGM vers les pays tiers

Règlement 1946/2003/CE relatif aux mouvements transfrontières des organismes génétiquement modifiés

Au niveau européen, la responsabilité de l’évaluation des risques environnementaux et pour la santé publique est du ressort de l’AESA. L’évaluation des risques est effectuée, au plan national, par le Haut conseil des biotechnologies (HCB), pour les aspects environnementaux et la santé publique, et par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), pour les aspects alimentaires.

L’autorisation finale, dont la procédure d’attribution dépend de la base légale - directive de 2001 ou règlement de 2003 est valable pour une durée de dix années.

Les OGM mis sur le marché doivent faire également l’objet d’une surveillance par le détenteur de l’autorisation afin de détecter l’apparition éventuelle d’effets non intentionnels liés aux OGM. 

B. UNE PROCÉDURE LACUNAIRE

Depuis 2008, les États membres demandent une révision et un renforcement des méthodes d’évaluation des risques environnementaux des OGM. La Commission a fait une proposition en 2010 pour permettre de donner plus de liberté aux États membres quant à l’interdiction sur leur territoire des cultures transgéniques. Cette proposition ne fait néanmoins pas consensus.

Sans s’attarder ici sur la dimension institutionnelle de la procédure d’autorisation, qui représente un vrai enjeu, comme lors du vote sur le maïs TC 1507 où l’opposition de dix-neuf États n’a pu permettre de repousser la proposition de la commission, votre rapporteur estime que la procédure européenne comprend de nombreuses lacunes.

L’évaluation ne prend pas en compte la dimension socio-économique liée à l’introduction d’OGM. La Commission européenne s’appuie sur les avis de l’AESA, qui évalue les risques relatifs à la sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale. Cet avis est évidemment primordial, mais les OGM doivent également pouvoir être examinés dans un cadre plus large, être interrogés sur leur impact économique, social et éthique. Or ces aspects ne font pas partie du champ de compétence de l’AESA, au contraire du Haut conseil des biotechnologies.

En outre, l’évaluation environnementale est de trop court terme. Comme le soulignait M. Alain Fauconnier : « on ne peut que constater l’absence de tests prouvant, sur le long terme, la sécurité sanitaire des OGM pour l’alimentation des mammifères. Il serait souhaitable que des instances scientifiques indépendantes soient en mesure de réaliser des expérimentations plus approfondies. Force est de constater que certains scientifiques se plaignent d’une difficulté d’accès aux données ou aux semences qui leur permettraient de réaliser ces études, lesquelles demandent également des moyens importants. » (8)

Enfin, votre rapporteur est très surpris que des mesures de gestion du risque appropriées ne soient pas systématiquement mises en place de manière obligatoire. Il pense notamment à l’utilisation de zones-refuges pour permettre de retarder le développement d’une résistance chez les insectes cibles.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président François Brottes. Nous en venons à présent à l’examen pour avis de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810. J’avais moi-même défendu, le 20 mai 2008, une motion référendaire sur cette question, dont j’estimais, compte tenu de ses conséquences, qu’elle devait être soumise aux Français. Nombre d’entre nous ont beau batailler depuis longtemps pour interdire le maïs génétiquement modifié, nous en sommes quasiment revenus au point de départ.

M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis. Ce texte, qui nous est soumis pour avis – la commission du développement durable étant saisie au fond –, nous ramène en effet quelques années en arrière, et ce n’est pas sans émotion que je me souviens de la mission que nous avions effectuée sur le sujet avec Antoine Herth. Il s’agit d’une proposition de loi qui ne devrait pas faire polémique entre nous, dans la mesure où elle s’inscrit dans la continuité de l’action menée par les gouvernements successifs ces dernières années. Elle entend, dans une certaine urgence, prolonger le moratoire sur le maïs MON810, autorisé pour dix ans en 1998 sur la base de la directive 90/220/CEE, qui n’avait pas les mêmes exigences environnementales que celle qui l’a remplacée en 2001. Une demande de renouvellement est en cours depuis plusieurs années.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a, à plusieurs reprises, estimé que la culture de ce maïs avait un impact sur la résistance des insectes ravageurs mais également sur la mortalité d’insectes non cibles. Elle a donc recommandé des mesures de gestion et un renforcement des mesures de surveillance. Le maïs MON810 est, en effet, un maïs pesticide, qui produit lui-même le poison censé tuer les insectes ravageurs, et notamment la pyrale. Malheureusement, d’autres insectes sont touchés, en particulier les abeilles, et ce alors que la filière apicole est en grande difficulté.

Au-delà des questions environnementales, la culture de ce maïs est également contestable d’un point de vue économique, dans la mesure où elle concurrence directement des filières agricoles à forte valeur ajoutée, incompatibles avec les OGM, qu’il s’agisse de cultures biologiques ou de cultures sous label.

Je rappelle que le Conseil d’État a annulé, en août 2013, la mesure d’urgence prise par le précédent gouvernement en 2012, après avoir annulé la clause de sauvegarde prise en 2008 : on peut donc, en 2014, semer du maïs MON810 dans notre pays.

Je dirai un mot de la procédure européenne qui conduit à cette situation ubuesque. Une demande d’autorisation a été déposée par Pioneer pour la mise en culture du maïs 1507 en 2001. C’est un maïs qui résiste à certains insectes ravageurs et est tolérant à un herbicide que l’Europe va interdire.

La Cour de justice de l’Union européenne a condamné la Commission pour avoir retardé la procédure en ne soumettant pas la proposition d’autorisation au vote des États membres. La Commission s’est donc exécutée le 11 février 2014 : sur vingt-huit États membres, cinq seulement – l’Espagne, le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande et l’Estonie – se sont prononcés pour, alors même que certains d’entre eux ne peuvent même pas cultiver le maïs ; dix-neuf États membres ont voté contre, et quatre se sont abstenus, dont l’Allemagne. Cette large opposition ne suffit pourtant pas à atteindre la majorité qualifiée permettant de repousser la proposition, chaque État disposant d’un nombre de voix calculé en fonction de sa population. Nous nous trouvons donc dans une situation où cinq États membres décident pour vingt-trois ! La Commission est donc dans l’obligation d’autoriser le maïs 1507.

La procédure européenne comprend de nombreuses lacunes : absence d’évaluation coût-bénéfice, absence d’étude socio-économique, évaluation environnementale de trop court terme et absence de suivi après l’autorisation de mise sur le marché.

La présente proposition de loi n’a qu’un objectif : répondre à l’urgence. Il y a urgence, en effet, les semis de 2014 approchant, à maintenir le moratoire français sur les OGM en interdisant la mise en culture du maïs OGM.

À moyen terme, le ministre de l’agriculture et le ministre de l’écologie se sont engagés à soutenir une proposition de réforme au niveau européen pour réviser la procédure d’autorisation afin que, tout en conservant une évaluation environnementale européenne, il existe, en matière de culture des OGM, une certaine subsidiarité, c’est-à-dire que les États conservent un pouvoir de décision.

Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi.

M. Antoine Herth. L’erreur est humaine, persévérer est diabolique. Une proposition de loi identique vient d’être rejetée par le Sénat, qui n’a pas manqué d’arguments. Une telle proposition contrevient, en effet, à l’article 88-1 de la Constitution et à l’article 54 du règlement européen 178-2002. Le droit européen s’impose aux États membres, et nous ne pouvons aujourd’hui légiférer en la matière. Ce point fut d’ailleurs au cœur de nos débats lors de nos précédentes discussions sur l’interdiction du maïs génétiquement modifié. Vous étiez dans l’opposition, à l’époque, et militiez pour cette interdiction, sachant parfaitement qu’elle n’est juridiquement pas possible et qu’il nous faut agir par d’autres moyens.

La loi sur les OGM est d’ailleurs claire : elle stipule que le Haut Conseil sur les biotechnologies doit définir les conditions de mise en culture. En d’autres termes, il peut fixer des conditions propres à décourager la mise en culture. Cela nous fournit un verrou, auquel je ne comprends pas que le Gouvernement n’ait pas recours.

Tous les agriculteurs que j’ai rencontrés au salon de l’agriculture m’ont affirmé qu’ils n’avaient pas l’intention de se lancer dans la culture de maïs génétiquement modifié en 2014, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur. La plupart des filières ont mis en place aujourd’hui des procédures de traçabilité, et les professionnels n’ont aucune envie de s’en affranchir, car elles sont souvent la condition pour accéder au marché national.

Je ne comprends donc pas bien les gesticulations du Gouvernement, à moins qu’il ne s’agisse d’une manœuvre politicienne, à l’approche des municipales, pour donner des gages aux écologistes, acheter leur silence sur le nucléaire et les calmer sur Notre-Dame-des-Landes ! Avec une adoption probable du texte par l’Assemblée en avril, un passage plus compliqué par le Sénat, puis sa très probable censure par le Conseil constitutionnel, le calendrier ne devrait, en effet, pas permettre son application avant qu’aient eu lieu les semis.

Le scénario est déjà écrit, et je regrette qu’en l’ignorant vous affaiblissiez l’image du Parlement. J’attends, pour mieux comprendre, les explications du ministre, qui entend peut-être relancer les essais sur les OGM dans les instituts de recherche publics pour débloquer une situation complètement sclérosée, et ce alors que le Président de la République a annoncé sa volonté de développer les biotechnologies.

Dans ces conditions, les membres du groupe UMP s’abstiendront, voire voteront contre cette proposition de loi – ce sera mon cas.

Mme Marie-Lou Marcel. Cette proposition de loi vise à prolonger le moratoire sur le maïs génétiquement modifié mis en place par les précédents gouvernements. Elle cible deux semences : le MON810 de la société Monsanto et le TC1507 de la société Pioneer, car c’est uniquement pour ces deux variétés de maïs qu’une décision urgente doit être prise.

Pour le MON810, des arrêtés avaient été pris en 2008 et en 2012 pour suspendre l’autorisation de sa mise en culture. Ces arrêtés ont été annulés par le Conseil d’État. Pourtant, selon les avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, la mise en culture du MON810, autorisée en 1998, n’est pas exempte de risques environnementaux, comme l’apparition d’une résistance à la toxine Cry1Ab chez certaines espèces et la diminution de ces populations.

Or la décision de 1998, dont le renouvellement est toujours en cours d’examen, n’impose aucune mesure de gestion de la culture du MON810. Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, « les rapports de surveillance remis à la Commission européenne et aux États membres montrent que Monsanto refuse de mettre en œuvre les recommandations de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, car il n’existe aucune disposition contraignante les rendant obligatoires ».

Pour nous, qui avons introduit le principe de précaution dans notre Constitution, qui avons voté le Grenelle 1 et qui avons approuvé les arrêtés anti-OGM des précédents gouvernements, la mise en culture de maïs transgénique aurait des conséquences sur les autres filières conventionnelles et biologiques. Les risques pour la filière apicole, déjà fragilisée, seraient notamment catastrophiques. Il est donc urgent de prolonger l’interdiction de mise en culture du maïs MON 810, comme il est urgent d’interdire celle du maïs TC 1507, dont la Commission européenne a fait voter, au début de 2014, l’autorisation de mise en culture, alors que dix-neuf États membres sur vingt-huit y sont opposés ! Le ministre des affaires européennes, Thierry Repentin, a d’ailleurs déclaré qu’il serait « incompréhensible que l’opposition d’une majorité de pays puisse se traduire par une autorisation de planter ce maïs transgénique ». C’est pourtant ce qui va se passer. Quant à Roger Waite, porte-parole de la Commission européenne pour l’agriculture et le développement rural, il rappelle que « Selon la législation européenne, la Commission doit adopter à présent la proposition d’autorisation, il n’existe pas de possibilité pour elle de ne pas le faire ». En attendant une révision de la procédure d’autorisation des OGM par les instances européennes, révision en faveur de laquelle se sont engagés nos ministres de l’agriculture et de l’environnement, il est donc nécessaire de légiférer.

Alain Fauconnier, auteur et rapporteur de cette proposition de loi au Sénat, a rappelé que la question des OGM « pose des problèmes économiques, sociaux et éthiques qui ne sont pas suffisamment pris en compte par les règles communautaires ». La Commission européenne autorise ainsi l’usage d’OGM sans connaître leur impact sur les autres cultures et au mépris des conséquences sanitaires et environnementales qu’il emporte.

Si la France se convertissait à la culture du maïs génétiquement modifié et, plus généralement, de céréales génétiquement modifiées, notre pays, à l’instar des États-Unis ou des pays d’Amérique du Sud, deviendrait quasi-exclusivement un pays de grandes exploitations pratiquant l’agriculture intensive. Cette situation placerait nos agriculteurs en situation de dépendance économique à l’égard des firmes privées développant les OGM.

Comme nous devons défendre notre exception culturelle, nous devons défendre notre exception agricole, avec la même force et la même obstination. Ce sont nos territoires qui sont menacés, comme sont menacées la diversité de notre agriculture et du monde rural et la qualité de nos produits alimentaires et agroalimentaires traditionnels.

Cette proposition de loi est cohérente avec ce qu’a toujours été la position de la France en matière d’OGM. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC la votera.

Mme Brigitte Allain. Suite à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, le 26 septembre 2013, notre collègue Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européenne, a pris l’initiative d’un débat au sein de cette commission, le 12 février dernier. Ce débat a abouti à une déclaration rappelant que la Commission européenne n’était nullement obligée d’autoriser la mise en culture du maïs TC 1507. Il était donc important que nous réagissions, et je salue l’initiative de nos collègues socialistes.

Conscient des pressions qui s’exercent sur les producteurs de colza, de betterave ou de soja, le groupe écologiste a lui-même déposé, le 21 février dernier, une proposition de loi qui élargit l’interdiction de mise en culture à toutes les plantes génétiquement modifiées.

Les travaux du professeur Séralini, s’ils n’ont pas été validés, ont néanmoins mis en lumière le manque d’études évaluant les conséquences, à moyen et long terme, des OGM sur l’environnement et la santé.

Nous n’opposons pas aux OGM un refus total. Ce que nous combattons, ce sont les plantes génétiquement modifiées résistantes aux herbicides et qui sécrètent des insecticides. Nous refusons également la brevetabilité du vivant, qui menace la souveraineté alimentaire ; c’est dans ce sens que va la loi sur le développement et la solidarité internationale adoptée par notre assemblée, il y a quelques jours.

Il est donc urgent de revoir les procédures d’autorisation au niveau européen et de prévoir des procédures d’expertise scientifique indépendantes sur les effets à long terme des OGM. Cela passe par l’élaboration d’un nouveau règlement européen, règlement que nous attendons toujours, bien qu’il ait été demandé à l’unanimité par les États membres en 2008.

La France, alliée à l’Allemagne sur cette question, met sur la table une proposition d’autorisation nationale assortie d’une pré-autorisation au niveau européen. À l’inverse du système de dérogation proposé par John Dalli, la décision d’autorisation de mise en culture reviendrait à chaque pays.

À la veille des élections européennes, il est important de rappeler que c’est bien à l’échelle européenne qu’il faut modifier les modes de décision.

M. Daniel Fasquelle. Quelle est la position du Gouvernement et du ministre de l’agriculture sur cette proposition de loi ? La soutiennent-ils ?

En quoi le droit français n’est-il pas, en l’état, suffisant pour lutter contre les OGM ? Vous soutenez que cette proposition de loi est conforme au droit européen ; nous pensons le contraire, estimant que vous tentez de passer en force.

Quel nouvel argument scientifique apportez-vous par rapport aux décisions déjà rendues ?

N’avez-vous pas le sentiment d’instrumentaliser le Parlement européen à des fins de politique nationale, pour resserrer votre majorité à la veille des élections municipales ? Nous avons d’autres sujets à aborder qu’une proposition de loi dont on sait qu’elle est inconstitutionnelle et contraire au droit européen.

M. Kléber Mesquida. Je souhaite attirer votre attention sur des cas où l’interdiction des OGM peut aller à l’encontre de la préservation écologique et du développement de l’agriculture biologique.

Les vignobles sont actuellement touchés par une recrudescence de la flavescence dorée, et un vigneron en agriculture biologique vient d’être traduit devant les tribunaux pour avoir refusé de traiter ses ceps avec des pesticides. Dans son cas, certains professionnels s’accordent à dire que des plans de vigne génétiquement modifiés, susceptibles de résister à la flavescence dorée, auraient pu constituer une solution.

Si je suis d’accord, au vu des éléments d’information dont nous disposons, pour interdire le maïs génétiquement modifié, il ne faut cependant pas fermer la porte à l’avenir, dès lors que le principe de précaution est respecté et que toutes les précautions sanitaires ont été prises.

Mme Laure de La Raudière. Le rapporteur n’est-il pas gêné de défendre un texte contraire à la Constitution et incompatible avec un règlement européen ?

Du reste, ce texte ne paraît ni nécessaire ni urgent compte tenu de l’arsenal législatif dont nous disposons déjà pour encadrer les OGM. En revanche, il envoie un signal très négatif aux chercheurs.

Il semble ignorer, de surcroît, les avis des agences chargées de veiller sur notre sécurité sanitaire, notamment l’ANSES, sur lesquels le Conseil d’État s’est appuyé pour indiquer que le maïs génétiquement modifié MON 810 n’était pas « susceptible de soulever davantage de préoccupation pour l’environnement que le maïs conventionnel ». Si l’on crée des agences, ce n’est pas pour remettre en cause leur indépendance et leurs analyses scientifiques ! Votre déni de la science suscite chez moi les plus vives inquiétudes.

M. le rapporteur pour avis. Cette proposition de loi est conforme à la Constitution, dans la mesure où elle met en œuvre le principe constitutionnel de précaution.

L’élément nouveau sur lequel elle se fonde, c’est que l’autorisation délivrée en 1998 reposait sur une directive de 1990 qui n’avait pas été dictée par les mêmes exigences environnementales que celle qui l’a remplacée en 2001.

Quant aux agences, la demande de renouvellement de l’autorisation du MON810 a fait l’objet, de la part de l’EFSA précisément, en 2011 et 2012, d’avis concluant que la culture de ce maïs présentait des incidences en termes de résistance par les insectes ravageurs et sur la mortalité d’insectes non cibles
– abeilles ou papillons, par exemple.

En signant, en 2012, un arrêté visant à prolonger le moratoire, Bruno Lemaire avait trouvé le moyen d’interdire la culture du maïs génétiquement modifié, sachant que la situation ne sera juridiquement stabilisée que lorsqu’une solution aura été trouvée à l’échelle européenne. À cet égard, il n’est pas normal que cinq pays imposent leur loi aux vingt-huit États membres, et la proposition de Stéphane Le Foll et Philippe Martin de s’en remettre au principe de subsidiarité me paraît une exigence minimale tant que l’ensemble des pays européens ne se seront pas accordés pour interdire les OGM.

J’ajoute enfin qu’il faut tenir compte de l’avis de nos concitoyens. Or ils sont très majoritairement opposés aux OGM.

II. EXAMEN DES ARTICLES

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique
Interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié

La Commission est saisie de l’amendement CE2 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. L’objet de cet amendement – et du CE1, qui en est la conséquence – est d’étendre l’interdiction de mise en culture à toutes les plantes génétiquement modifiées pour être résistantes aux insectes ou tolérantes aux herbicides.

Croyez-vous vraiment, monsieur Herth, que les semenciers n’ont pas l’intention de mettre en culture des OGM dès cette année ? Je reviens à l’instant d’un plateau télévisé sur les semences, où j’intervenais aux côtés du président de Limagrain : en moins de cinq minutes, la discussion avait dérivé sur les OGM, sans que j’aie eu besoin d’aborder le sujet. Ils sont dans les starting-blocks pour commencer à semer ! Il y a donc vraiment urgence à légiférer.

L’autorisation de mise en culture de plantes génétiquement modifiées donnerait libre cours à des modes de production dévastateurs pour la biodiversité et les sols et s’inscrivant dans une logique agro-industrielle peu pourvoyeuse d’emplois. Cela serait en contradiction avec les orientations du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, actuellement en cours d’examen par le Parlement, ainsi qu’avec la demande de nos concitoyens.

En l’état, la proposition de loi, qui ne vise qu’à interdire la mise en culture des maïs MON810 et TC1507, nous semble trop restrictive. C’est pourquoi nous proposons de modifier et son texte, et son titre.

M. le rapporteur pour avis. Madame Allain, vous avez raison : certains agriculteurs souhaiteraient pouvoir semer rapidement du maïs génétiquement modifié. Le quotidien Sud-Ouest n’affirmait-il pas, il y a deux semaines, que l’on attendait le retour des OGM ? On a évoqué plusieurs centaines de milliers d’hectares potentiellement concernés dans la seule région du Sud-Ouest. Il faut dire que chez nous, il est très facile de s’en procurer : il suffit de franchir les Pyrénées. Je crains, monsieur Herth, que vous ne soyez mal renseigné sur ce point.

J’en profite pour dire à M. Fasquelle que, bien évidemment, le ministre Le Foll est favorable à la présente proposition de loi.

S’agissant de vos amendements, il me semble, madame Allain, qu’ils sont satisfaits, dans la mesure où la seule plante génétiquement modifiée actuellement autorisée à la culture en Europe est une variété de maïs – la pomme de terre Amflora, qui avait été elle aussi autorisée, ayant été abandonnée. Il est possible qu’une deuxième plante le soit, à la demande de la société Pioneer, mais il s’agira encore d’une variété de maïs. En l’état, la proposition de loi couvre donc le champ des possibles.

Notre commission étant saisie pour avis, je vous suggère de nous en tenir à émettre un avis favorable au texte proposé. Ne cherchons pas à en faire davantage, sous peine d’être accusés de fermer complètement la porte aux OGM. Cela ne correspondrait ni à l’intention du ministre ni à l’opinion que vous avez exprimée durant la discussion générale : à savoir, qu’il s’agit, non pas d’une opposition de principe, mais de la réponse à une urgence.

Je vous propose donc de retirer vos amendements ; à défaut, j’y émettrais un avis défavorable.

Mme Brigitte Allain. Nous ne sommes pas opposés par principe à la recherche sur les OGM, dès lors qu’ils ne sont pas conçus pour délivrer un ou des insecticides ou pour résister à un ou des herbicides – catégories d’OGM qui sont précisément visés par nos amendements.

La proposition de loi est certes déposée dans un contexte où seul le maïs est concerné, mais on ne fait pas la loi pour un an ! Je maintiens les amendements.

M. Daniel Fasquelle. Je me réjouis d’entendre dire qu’il n’y a plus d’opposition de principe aux OGM. Il s’agit là d’une avancée importante !

En revanche, je suis navré qu’à quelques semaines des élections européennes, vous vous apprêtiez à adopter un texte que vous savez pertinemment contraire au droit européen. Voilà une étrange façon d’aborder une période où l’Europe sera au centre du débat !

Il existe une réglementation européenne qui prévoit une clause de sauvegarde. La France a essayé de faire jouer celle-ci, sans succès. L’arrêté d’interdiction du maïs MON810 ayant été annulé par le Conseil d’État dans sa décision du 1er août dernier, vous essayez de contourner l’obstacle en passant par la voie législative, faisant fi à la fois du droit européen, de la Constitution française et des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. Pourtant le principe de la primauté du droit européen vaut aussi bien pour la loi que pour l’arrêté !

Il ne s’agit, en réalité, que de gesticulations politiques. Les réponses du rapporteur ne sont pas convaincantes : je lui demandais s’il existait des éléments nouveaux, non pas depuis 1998, mais depuis la décision du Conseil d’État annulant l’arrêté d’interdiction. On peut souhaiter une autre Europe ou que les positions de certains États évoluent sur le sujet, mais un tel manque de respect pour le droit européen est choquant !

M. Antoine Herth. Madame Allain, Limagrain est une entreprise française, mais c’est aussi une société internationale qui produit et commercialise des variétés de maïs génétiquement modifié dans les pays qui les autorisent. Il paraît évident que Limagrain souhaite voir reprendre les essais sur le territoire national – mais cela n’a rien à voir avec la situation d’urgence que vous décrivez.

Et puis, la France ne se réduit pas à la seule Dordogne !

Mme Brigitte Allain. C’est tout le Sud-Ouest qui est en cause !

M. Antoine Herth. En Alsace, par exemple, les coopératives et les acteurs privés fournissent des marchés qui exigent des produits garantis sans OGM. Ils n’ont pas envie que des individus isolés prennent l’initiative de cultiver des OGM : ce serait contre-productif pour l’ensemble de la filière.

Le Président de la République fait actuellement le tour de la France pour proposer aux acteurs économiques un pacte de responsabilité. Pourquoi ne pas faire de même avec les agriculteurs ? Proposez-leur un pacte de responsabilité les incitant à ne pas mettre en culture les variétés de maïs génétiquement modifié que l’Union européenne a malencontreusement autorisés, de manière que nous puissions préserver notre identité agronomique et alimentaire. Il existe d’autres façons d’aboutir au résultat souhaité, sans qu’il soit besoin de faire des entorses à la Constitution et à la procédure législative !

De toute manière, votre calendrier n’est pas bon, puisque nous examinerons le texte en séance plénière au début du mois d’avril, au moment même où les semis de maïs commenceront. Le temps que la procédure législative arrive à son terme, ce sera plié ! Je ne comprends pas la raison de votre obstination.

M. le président François Brottes. Le pacte et la loi ne sont pas incompatibles, monsieur Herth !

La Commission rejette l’amendement CE2.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption sans modification de l’article unique.

Titre

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CE1 de Mme Brigitte Allain.

——fpfp——

Elle émet enfin un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi sans modification.

© Assemblée nationale

1 () Site du ministère de l’agriculture

2 () Arrêté du 7 février 2008 suspendant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée MON 810)

3 () CE, 28 novembre 2011, Monsanto SAS et autres, N°s 312921, 313546, 313548, 313605, 313614, 313616, 313618, 313620, 313622, 313624, 313683.

4 () Arrêté du 16 mars 2012 suspendant la mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée MON 810)

5 () Ibid.

6 () CE, 1er août 2013, Association générale des producteurs de maïs (AGPM) et autres Nos 358103, 358615, 359078

7 () A. Fauconnier, rapport (n° 362) au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, 12 février 2014.

8 () Source : A. Fauconnier, rapport (n° 362) au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, 12 février 2014, p. 17-18