Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif
Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 1832

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 février 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, (n° 1718) modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté,

PAR Mme LAURENCE DUMONT,

Députée

——

Voir les numéros :

Sénat : 210, 286, 287 et T.A. 66 (2013-2014).

SOMMAIRE

___

Pages

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS 5

INTRODUCTION 7

I. LE BILAN EXTRÊMEMENT POSITIF DU CONTRÔLE GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 11

A. DES VISITES NOMBREUSES DONT LES CONCLUSIONS ONT PERMIS D’AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 11

B. DES MARGES D’ACTION ENCORE POSSIBLES POUR FAIRE PROGRESSER L’EFFICACITÉ DU CONTRÔLE 13

1. Raccourcir les délais de présentation par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté des observations faisant suite à ses visites 13

2. Rendre plus visibles les suites données aux observations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté 15

3. Inciter les personnes pouvant accéder aux lieux de privation de liberté à saisir davantage le Contrôleur général des lieux de privation de liberté 15

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI PERMETTRA DE RENFORCER L’EFFICACITÉ DU CONTRÔLE GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 16

A. CLARIFIER ET CONFORTER LES PRATIQUES MISES EN œUVRE DANS L’EXERCICE DE LA MISSION DE CONTRÔLE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 17

B. AMÉLIORER LES MOYENS D’INFORMATION ET D’INVESTIGATIONS DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 17

C. MIEUX PROTÉGER LES INTERLOCUTEURS DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 19

D. METTRE NOTRE DROIT EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN S’AGISSANT DU CONTRÔLE DE L’EXÉCUTION DES MESURES D’ÉLOIGNEMENT FORCÉ 20

III. UNE PROPOSITION DE LOI APPROUVÉE ET CONFORTÉE PAR LA COMMISSION DES LOIS 21

AUDITION DE M. JEAN-MARIE DELARUE, CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ 25

DISCUSSION GÉNÉRALE 43

EXAMEN DES ARTICLES 47

Article 1er A (art. 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Extension du champ de compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au contrôle de l’exécution des mesures d’éloignement des étrangers 47

Article 1er B (nouveau) (art. 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Possibilité pour les députés européens élus en France de saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté 52

Article 1er (art. 6-1 [nouveau], 8 et 8-1 A [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Clarification des conditions d’exercice des enquêtes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté – Élargissement du champ des informations susceptibles d’être recueillies et des personnes pouvant être sollicitées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté 53

Article 2 (art. 8-2 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Protection des personnes communiquant avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contre toute sanction 66

Article 3 (art. 9 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Amélioration des conditions du dialogue s’instaurant, après une visite, entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les autorités compétentes 69

Article 4 (art. 10 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Publication systématique des avis, recommandations et propositions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté 73

Article 4 bis (nouveau) (art. 10-1 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Possibilité pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté de formuler des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté 75

Article 5 (art. 9-1 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Possibilité pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté de mettre en demeure les personnes concernées par le contrôle de lui répondre dans un délai qu’il détermine 76

Article 6 (art. 13-1 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007) : Création d’un délit d’entrave à l’action du Contrôleur général des lieux de privation de liberté 78

Article 7 (art. 4 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009) : Renforcement du respect du secret des correspondances entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes incarcérées 81

Article 8 : Application territoriale de la loi 84

TABLEAU COMPARATIF 87

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 95

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 101

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS

–  Sur l’initiative de MM. Sergio Coronado et Paul Molac et suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté un article 1er B étendant aux députés européens élus en France la possibilité – dont disposent les députés et les sénateurs – de saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).

– La Commission a, sur l’initiative de la rapporteure, apporté trois modifications à l’article 1er.

Tout d’abord, elle a modifié l’ordonnancement des articles de la loi du 30 octobre 2007 afin de garantir que le CGLPL aura les mêmes prérogatives dans le cadre des visites de contrôle et des enquêtes.

Ensuite, elle a élargi la rédaction de l’alinéa prévoyant la possibilité pour le CGLPL d’accéder aux procès-verbaux de déroulement de garde à vue, afin de lui permettre d’accéder également aux procès-verbaux équivalents devant être établis dans le cadre d’autres mesures privatives de liberté effectuées sous la responsabilité de la police, de la gendarmerie ou de la douane.

Enfin, elle a précisé la rédaction de l’alinéa prévoyant la possibilité pour les médecins du Contrôle général d’accéder à des données couvertes par le secret médical, afin de garantir que ces médecins rempliront l’ensemble des conditions légales requises pour exercer la médecine en France.

–  Également sur l’initiative de la rapporteure, La Commission a introduit dans la proposition de loi un article 4 bis, ayant pour objet d’ouvrir expressément au CGLPL la possibilité d’adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté.

–  Enfin, toujours sur proposition de la rapporteure, elle a adopté deux modifications à l’article 6 créant le délit d’entrave à la mission du CGLPL, en supprimant la peine d’un an d’emprisonnement que le Sénat avait prévue pour ce délit, d’une part, et en étendant le champ d’application de ce délit aux représailles, d’autre part.

Mesdames, Messieurs,

La commission des Lois est saisie d’une proposition de loi, adoptée par le Sénat le 21 janvier 2014, modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Déposée par Mme Catherine Tasca sur le bureau du Sénat le 5 décembre 2013 et reprenant des propositions formulées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans son rapport annuel pour 2012 (1), cette proposition de loi a pour objet d’améliorer le fonctionnement du Contrôle général des lieux de privation de liberté (2), à la lumière de l’expérience acquise au cours des cinq premières années d’existence de l’institution.

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, le CGLPL est une autorité indépendante chargée de « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux ». Si l’idée d’un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté a d’abord été émise, à partir de la fin des années 1990, à propos des établissements pénitentiaires (3), la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 n’a pas limité le contrôle aux prisons, mais a donné compétence au CGLPL sur tous les lieux de privation de liberté : établissements pénitentiaires, locaux de garde à vue ou de retenue douanière, « geôles » des tribunaux (4), centres de rétention administrative, zones d’attente, centre éducatifs fermés et établissements de santé accueillant des patients hospitalisés sans consentement. La durée du mandat du CGLPL, non renouvelable, est de six ans.

De l’avis unanime des personnes entendues par votre rapporteure, le Contrôle général des lieux de privation de liberté est une institution qui est parvenue, en très peu de temps, à occuper une place majeure dans l’amélioration des conditions de privation de liberté. Il joue pour les administrations en charge des lieux de privation de liberté un rôle d’aiguillon pour améliorer tant les structures que l’organisation et les pratiques professionnelles. Surtout, la personnalité, la compétence et l’éthique professionnelle du premier CGLPL, nommé le 13 juin 2008 par décret du président de la République, M. Jean-Marie Delarue, ont permis à cette institution de gagner la confiance et le respect des personnes privées de liberté et de l’ensemble des personnels travaillant dans les lieux faisant l’objet du contrôle. En particulier, le lien qu’il a toujours établi entre les conditions de vie des personnes privées de liberté et les conditions de travail des personnels, en soulignant que l’amélioration des premières permettait celle des secondes, a permis à son travail et à ses observations d’être globalement bien acceptées par les personnels. Ceci n’exclut évidemment pas, dans certaines situations, de l’incompréhension voire des réactions négatives chez certains personnels, mais cela ne saurait être considéré comme anormal, dans la mesure où le rôle du CGLPL est, parfois, de « bousculer » les pratiques professionnelles et les façons de penser.

Lors des débats sur la création du Défenseur des droits, en 2011, le Gouvernement et l’Assemblée nationale avaient souhaité que cette nouvelle institution – qui s’est vue attribuer les compétences précédemment exercées par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et la Commission nationale de déontologie de la sécurité – exerce également les compétences jusqu’alors dévolues par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 au CGLPL. Dans le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, l’intégration du CGLPL au Défenseur des droits devait intervenir à l’issue du mandat de M. Jean-Marie Delarue, en juin 2014 (5).

Fort heureusement, le Sénat s’était opposé à cette initiative, le rapporteur des projets de loi – l’un organique, l’autre non – au Sénat, M. Patrice Gélard, ayant estimé « qu’une intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au sein du Défenseur des droits ne pourrait être décidée qu’au regard du premier bilan d’activité de cette autorité » et que « [d]écider aujourd’hui une intégration qui ne prendrait effet que dans trois ans, ce serait en outre affaiblir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité qui depuis sa récente installation, en juin 2008, a seulement commencé à porter un regard indépendant, critique et informé sur des établissements qui ne connaissaient pas ce type de contrôle ». Mais, au-delà, il avait surtout fait valoir que « la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’inscrit avant tout dans une démarche de contrôle et de prévention, au moyen de nombreuses visites sur place, et se distingue fortement de celle du Défenseur des droits, que l’article 71-1 de la Constitution définit comme une autorité que peuvent saisir les personnes s’estimant lésées dans leurs droits » (6).

Alors que la fin du mandat du premier CGLPL approche, un bilan extrêmement positif peut être dressé de son action pendant les six premières années d’existence de l’institution (I). Ce bilan ne peut qu’amener à regarder comme pleinement justifié le maintien d’une autorité en charge du contrôle des lieux de privation de liberté autonome. Confirmant implicitement l’autonomie du CGLPL, la proposition de loi adoptée par le Sénat apporte à la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un certain nombre de modifications nécessaires pour conforter l’efficacité du contrôle (II). La commission des Lois a approuvé la présente proposition de loi et conforté les avancées qu’elle comporte (III).

I. LE BILAN EXTRÊMEMENT POSITIF DU CONTRÔLE GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Grâce aux nombreuses visites que le CGLPL et ses contrôleurs ont effectuées dans les lieux privatifs de liberté et aux avis et observations qui ont été émis à l’issue de ces visites, le fonctionnement de ces lieux a pu être amélioré sur un certain nombre de points (A). Pour autant, et indépendamment des modifications législatives opérées par la présente proposition de loi (7), des marges d’action existent encore pour faire progresser l’efficacité du contrôle (B).

A. DES VISITES NOMBREUSES DONT LES CONCLUSIONS ONT PERMIS D’AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

L’article 8 donne au CGLPL le droit de « visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d’une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement ».

Dès sa nomination en juin 2008 en qualité de CGLPL, M. Jean-Marie Delarue avait annoncé qu’il se fixait pour objectif de réaliser 150 visites de lieux de privation de liberté par an. Cet objectif a été totalement respecté puisque, comme l’a indiqué M. Jean-Marie Delarue lors de son audition par la commission des Lois le 12 février 2014 (8), 151 lieux privatifs de liberté ont été visités en moyenne chaque année. Avaient été visités, en quatre ans et demi entre juin 2008 et la fin de l’année 2012 (9) :

—  150 des 191 établissements pénitentiaires ;

—  237 des 4 095 locaux de garde à vue ;

—  18 des 236 locaux de rétention douanière ;

—  49 des 182 dépôts ou geôles des tribunaux ;

—  70 des 102 centres et lieux de rétention administrative ou zones d’attente ;

—  106 des 369 établissements de soins psychiatriques sans consentement ;

—  34 des 44 centres éducatifs fermés.

À la fin de l’année 2013, près de 800 lieux de privation de liberté avaient été visités par le CGLPL.

Dans un certain nombre de cas, le CGLPL a aussi effectué des « contre-visites », consistant à revenir dans un établissement déjà visité, qui permettent, comme l’a souligné Mme Catherine Tasca, rapporteure de la commission des Lois du Sénat, « de mesurer les transformations effectuées postérieurement aux recommandations du contrôle général et d’enrichir la mission de celui-ci » (10).

L’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 prévoit que « [t]oute personne physique, ainsi que toute personne morale s’étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ». Malgré le silence de la loi sur les suites que le CGLPL devait donner à ces saisines – l’article 1er de la proposition de loi venant combler cette lacune pour encadrer les suites de ces saisines –, une partie importante de l’activité du CGLPL a consisté à répondre à ces saisines en procédant, lorsque cela s’avérait nécessaire, à des enquêtes. Depuis sa création, le CGLPL a reçu un nombre croissant de saisines – 192 en 2008 (pour quatre mois d’activité), 1 272 en 2009, 3 276 en 2010, 3 788 en 2011, 4 107 en 2012 et 4 116 en 2013 (11) – auxquelles il s’est efforcé d’apporter systématiquement une réponse.

Le bilan chiffré de l’activité du CGLPL montre l’ampleur de la tâche accomplie et ce, malgré des moyens limités : le budget du CGLPL pour 2014 s’élevait à 4,3 millions d’euros et son plafond d’autorisations d’emploi était fixé à 28 équivalents temps plein (ETP), répartis, outre le Contrôleur général et le secrétaire général, entre 17 postes de contrôleurs, 5 postes de chargés d’enquête et 4 postes administratifs (12).

Cette activité a permis, selon les termes de M. Jean-Marie Delarue devant la Commission, d’accumuler « un savoir inédit sur les lieux privatifs de liberté », savoir « d’autant plus important que, par nature, ces lieux sont peu connus des Français ». Mais elle a, aussi et surtout, permis de faire progresser le fonctionnement des lieux de privation de liberté sur un certain nombre de points. Certains de ces progrès sont de nature législative. Par exemple, le premier rapport annuel du CGLPL avait dénoncé le fait que les femmes placées en garde à vue se voyaient systématiquement retirer leur soutien-gorge et que les personnes portant des lunettes n’étaient parfois pas autorisées à les conserver, au motif d’un prétendu risque de suicide ou d’agression (13). Pour faire cesser ces pratiques pouvant porter atteinte à la dignité des personnes gardées à vue, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a prévu, à l’article 63-6 du code de procédure pénale, que la personne gardée à vue devait disposer, au cours de son audition, « des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité ».

D’autres évolutions positives ont trait au fonctionnement concret des établissements. Ainsi, alors que le café était interdit en prison par une note de 1986 car il était considéré comme un produit dangereux, des observations du CGLPL adressées au directeur de l’administration pénitentiaire en juin 2012 ont permis que les personnes détenues soient autorisées à en acheter depuis janvier 2013 (14). Si cette évolution peut paraître anecdotique, elle n’en est pas moins importante car cette interdiction était ressentie avec beaucoup de frustration par les personnes détenues. Lors de son audition par la Commission, le CGLPL a souligné que les autorités responsables des sites visités étaient « sensibles » aux remarques adressées et qu’elles s’efforçaient, « dans la mesure de leurs moyens, de modifier les consignes données au personnel, d’engager des travaux de réhabilitation des locaux, de changer les pratiques : ainsi, alors que les fonctionnaires de police ne respectaient jamais le délai d’un jour franc donné aux étrangers faisant l’objet d’un refus d’entrée en France, un retour sur les lieux à Roissy en novembre dernier nous a permis de constater que 70 % des étrangers dans cette situation en bénéficiaient aujourd’hui ».

B. DES MARGES D’ACTION ENCORE POSSIBLES POUR FAIRE PROGRESSER L’EFFICACITÉ DU CONTRÔLE

Les six premières années de fonctionnement du Contrôle général des lieux de privation de liberté, bien que très positives, ont mis en évidence que certaines améliorations étaient possibles pour faire encore progresser l’efficacité du contrôle exercé. En premier lieu, il serait souhaitable que le délai dans lequel le CGLPL adresse ses observations aux ministres concernés à l’issue de ses visites puisse être raccourci (1). En deuxième lieu, les suites données aux avis et observations du CGLPL devraient faire l’objet de plus de publicité (2). Enfin, les personnes pouvant accéder aux lieux privatifs de liberté devraient davantage user de leur faculté de saisir le CGLPL (3).

1. Raccourcir les délais de présentation par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté des observations faisant suite à ses visites

L’article 10 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 prévoit qu’« [à] l’issue de chaque visite, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l’état, l’organisation ou le fonctionnement du lieu visité, ainsi que la condition des personnes privées de liberté ».

Tous les représentants des ministères entendus par votre rapporteure (15), ainsi que certains représentants des syndicats de l’administration pénitentiaire, de la police nationale, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’hospitalisation psychiatrique, ont regretté la longueur des délais dans lesquels les observations du CGLPL sont transmises aux ministres concernés. Ces délais sont, en moyenne, de deux ans entre la visite et la transmission du rapport final d’observations aux ministres concernés. Ils s’expliquent, pour une large part, par le fait que le CGLPL ait mis en place une pratique consistant, après chaque visite, à adresser aux autorités responsables de l’établissement concerné un projet de rapport de visite, afin que celles-ci puissent apporter des éléments de précision factuelle ou des réponses à certaines des observations formulées. Ce fonctionnement, guidé par la volonté de respecter le principe du contradictoire, a certes contribué à la qualité du dialogue noué entre le CGLPL et les différentes administrations concernées. Mais, conjugué aux moyens relativement limités en personnels dont dispose le CGLPL et à des temps de réponse des autorités responsables des lieux qu’il a qualifiés dans plusieurs de ses rapports annuels de « très variables », il a aussi été source de délais jugés trop longs par les ministères concernés et les autorités responsables ou les personnels des lieux visités.

Une telle durée entre la visite et le rapport final d’observations peut être source de difficultés pratiques pour les ministères concernés, auxquels le CGLPL demande de lui adresser ses observations. Il peut s’avérer dans certains cas relativement ardu, alors que les équipes ont pu changer ou que les situations décrites dans le rapport ont pu évoluer, d’adresser des réponses pertinentes dans des délais brefs. L’article 3 de la proposition prend en compte cette difficulté, en faisant obligation au CGLPL, dans ses observations aux ministres, de tenir compte de l’évolution de la situation depuis sa visite (16).

Mais ces délais trop longs posent, aussi et surtout, une difficulté au regard de l’effectivité du contrôle. L’un des objectifs de l’action du CGLPL étant d’empêcher la persistance de situations portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, il n’est pas satisfaisant que ces situations puissent perdurer plus de deux années après qu’elles ont été constatées.

La réduction de ces délais apparaît donc comme une nécessité. Pour autant, pour votre rapporteure, il ne serait pas souhaitable que la réduction des délais de transmission des rapports finaux soit recherchée au travers d’une réduction du nombre de visites effectuées. Le rythme de 150 visites annuelles défini par M. Jean-Marie Delarue au début de son mandat apparaît pertinent pour garantir que tout lieu privatif de liberté puisse faire l’objet d’une visite au moins une fois tous les cinq à dix ans. Cet objectif, atteignable pour tous les lieux de privation de liberté avec le rythme de 150 visites annuelles – hormis pour les locaux de garde à vue et les locaux de retenue douanière, dont le nombre est trop important –, ne saurait être abandonné, afin que la possibilité effective d’un contrôle du CGLPL demeure, pour les autorités responsables des lieux, un motif de vigilance permanente quant au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

Pour atteindre l’objectif de réduction des délais de transmission des observations du CGLPL, une adaptation de ses moyens – modestes, rappelons-le, puisque limités à 4,3 millions d’euros et 28 ETP en 2014 – serait certainement nécessaire.

2. Rendre plus visibles les suites données aux observations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Au-delà de la constatation des dysfonctionnements pouvant exister dans les lieux de privation de liberté, l’objectif du Contrôle général est de permettre l’évolution de ces lieux, dans un sens plus respectueux des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Or, pour l’heure, les évolutions mises en œuvre par les administrations à la suite d’observations du CGLPL, mais aussi, le cas échéant, l’absence d’évolutions, demeurent insuffisamment connues.

Afin que la portée du contrôle sur le fonctionnement des lieux privatifs de liberté puisse être mesurée, il serait nécessaire que les suites données aux observations du CGLPL reçoivent davantage de publicité.

Pour votre rapporteure, le Parlement, dans le cadre de son pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, devrait se saisir de ce suivi, soit par des débats organisés par les commissions permanentes compétentes, soit par l’organisation en séance publique, lors des semaines de contrôle, de débats au cours desquels les membres du Gouvernement concernés pourraient être entendus.

3. Inciter les personnes pouvant accéder aux lieux de privation de liberté à saisir davantage le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

L’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 prévoit que le CGLPL peut être saisi par toute personne physique, toute personne morale s’étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les membres du Parlement et le Défenseur des droits.

Depuis l’institution du Contrôle général, les saisines reçues par le CGLPL émanent à 75 % de la personne privée de liberté elle-même, à 11 % de la famille ou de proches, à 3 % d’un avocat et à 3 % d’une association. Lors de son audition par la Commission, M. Jean-Marie Delarue a indiqué avoir reçu trois lettres de parlementaires en 2013.

Il n’est pas illogique que la majorité des saisines émane des personnes directement concernées par la privation de liberté. Pour autant, les différentes personnes habilitées par la loi du 30 octobre 2007 à saisir le CGLPL, en particulier celles qui peuvent accéder aux lieux de privation de liberté, devraient davantage s’approprier cette faculté.

Tel est le cas, notamment, des avocats, qui se rendent fréquemment dans les établissements pénitentiaires et les locaux de garde à vue et qui peuvent être amenés à constater des situations susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

Tel est également le cas des parlementaires qui, depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires (17). Ils sont aussi, depuis la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, autorisés à visiter les lieux d’hospitalisation psychiatrique sans consentement (18).

Le signalement au CGLPL, par les avocats et les parlementaires, des situations pouvant justifier une intervention de sa part doit être encouragé, ce qui ne pourra que renforcer la portée du contrôle exercé sur les lieux de privation de liberté.

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI PERMETTRA DE RENFORCER L’EFFICACITÉ DU CONTRÔLE GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Tirant les leçons de l’expérience du Contrôle général des lieux de privation de liberté au cours de ses six premières années d’existence, la proposition de loi adoptée par le Sénat vise à renforcer l’efficacité de son action. Les mesures de la proposition de loi poursuivent quatre objectifs : clarifier et conforter les pratiques mises en œuvre dans l’exercice de sa mission (A), améliorer ses moyens d’information et d’investigations (B), mieux protéger les interlocuteurs du CGLPL (C) et mettre notre droit en conformité avec le droit européen s’agissant du contrôle de l’exécution des mesures d’éloignement forcé (D).

A. CLARIFIER ET CONFORTER LES PRATIQUES MISES EN œUVRE DANS L’EXERCICE DE LA MISSION DE CONTRÔLE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Plusieurs des articles de la proposition de loi ont pour objet de clarifier et conforter les pratiques mises en œuvre par le CGLPL dans l’exercice de sa mission.

Tel est le cas, en premier lieu de l’article 1er qui introduit dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 6-1 destiné à encadrer les suites que le CGLPL peut donner aux saisines individuelles qui lui sont adressées. Ce nouvel article permet expressément au CGLPL de procéder à des vérifications, éventuellement sur place. Il lui permet également, à l’issue de ces vérifications, d’adresser ses observations à l’autorité responsable du lieu concerné, alors qu’aujourd’hui seuls les ministres peuvent être destinataires des observations du CGLPL.

L’article 3 a pour objet de faire de la réponse des ministres intéressés aux observations du CGLPL une obligation, sauf dans les cas où celui-ci les en dispense. En effet, aujourd’hui, la loi prévoit que le CGLPL a la possibilité de demander aux ministres concernés de répondre à ses observations, mais, en pratique, le CGLPL demande toujours à ceux-ci de réagir. Le texte prévoit qu’il appartiendra au CGLPL de fixer un délai maximal pour la transmission de cette réponse, qui ne pourra être inférieur à un mois.

L’article 4 rend systématique la publication des avis, recommandations et propositions que formule le CGLPL. Aujourd’hui, cette publication n’est qu’une faculté, mais le CGLPL y a toujours procédé. Dans un souci de transparence, il apparaît en effet préférable de prévoir une publication systématique des travaux de portée générale du CGLPL, utile à l’information des citoyens sur la situation des lieux de privation de liberté. L’article 4 ne rend pas obligatoire, en revanche, la publication des rapports de visite, qui demeurera pour le CGLPL une simple faculté.

B. AMÉLIORER LES MOYENS D’INFORMATION ET D’INVESTIGATIONS DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Plusieurs articles de la proposition de loi ont pour objet d’améliorer les moyens d’information et d’investigations à la disposition du CGLPL.

L’article 1er procède à plusieurs modifications de l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 afin de rendre le contrôle plus efficace. Tout d’abord, alors que seules les autorités responsables du lieu sont tenues de communiquer au CGLPL les informations et pièces en leur possession, l’article étend l’obligation de transmettre au CGLPL toute information ou pièce utile à « toute personne susceptible de l’éclairer » et autorise le CGLPL à « recueillir toute information qui lui paraît utile » dans le cadre de la visite, quand bien même elle ne serait pas détenue par les autorités responsables du lieu visité. Ces modifications devraient lui permettre, notamment, d’accéder aux enregistrements de vidéosurveillance effectués dans les établissements pénitentiaires ou aux enregistrements réalisés par les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) lors de leurs interventions.

Ensuite, l’article 1er permet au CGLPL de se faire communiquer les « procès-verbaux de garde à vue, lorsqu’ils ne sont pas relatifs aux auditions des personnes ». Actuellement, l’article 8 de la loi du 30 octobre 2007 prévoit que le secret de l’enquête ou de l’instruction est opposable au CGLPL. Mais l’invocation de ce secret ne devrait pas permettre aux officiers de police judiciaire de refuser l’accès du CGLPL aux procès-verbaux de déroulement de la garde à vue, qui retracent les horaires de celle-ci, l’alimentation de la personne gardée à vue, les temps de repos dont elle a bénéficié, la mention de la notification de ses droits et les éventuelles fouilles dont elle a fait l’objet. Pourtant, des refus de transmission de ces procès-verbaux de déroulement des gardes à vue ont pu, ponctuellement, lui être opposés. L’article 1er lève toute incertitude sur la possibilité pour le CGLPL d’accéder aux procès-verbaux de déroulement de la garde à vue, ce qui lui permettra d’exercer pleinement sa mission de contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes gardées à vue.

Enfin, l’article 1er supprime l’opposabilité du secret médical au CGLPL et définit les conditions dans lesquelles les contrôleurs pourront accéder à des informations couvertes par le secret médical. S’inspirant de l’article 20 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, qui comporte une disposition similaire, l’article 1er permet l’accès à des données couvertes par le secret médical aux médecins appartenant à l’équipe du Contrôle général et avec l’accord de la personne concernée. Toutefois, en cas de suspicions de mauvais traitements, l’accès à ces données sera possible sans le consentement de la personne concernée si celle-ci est vulnérable, soit parce qu’elle est mineure, soit parce qu’elle n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

La limitation de l’accès aux données couvertes par le secret médical aux seuls médecins du Contrôle général – qui ne figurait pas dans le texte initial de la proposition de loi et a été ajoutée à l’initiative de la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca – apparaît comme une garantie pleinement justifié par le caractère sensible des informations en cause. De même, les conditions posées pour l’accès à ces informations sans le consentement de la personne, approuvées par le Conseil de l’ordre des médecins, apparaissent suffisantes pour garantir que cet accès ne pourra avoir lieu que dans des situations présentant une gravité suffisante et dans le seul intérêt du patient, conformément à la mission du CGLPL de protection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

L’article 3 prévoit une disposition destinée à améliorer l’information du CGLPL sur les suites données par les autorités judiciaires ou disciplinaires aux faits qu’il leur a signalés. Le procureur de la République – lorsqu’il aura été informé par le CGLPL de faits pouvant constituer une infraction pénale – et l’autorité disciplinaire – lorsque le CGLPL l’aura informée de faits susceptibles de justifier des poursuites disciplinaires – devront l’informer des suites données à ses démarches.

L’article 5 donne au CGLPL la faculté de mettre en demeure les personnes concernées par un contrôle de répondre à ses demandes de documents, d’informations ou d’observations dans un délai qu’il fixera. Si la coopération des responsables des lieux privatifs de liberté visités et des ministères concernés est jugée globalement très satisfaisante par le CGLPL, certaines situations ponctuelles de refus de communication d’informations ont pu se présenter, sans que le CGLPL dispose de moyens efficaces pour faire cesser les résistances injustifiées. La possibilité d’adresser une mise en demeure constituera un moyen de persuasion à la disposition du CGLPL pour obtenir les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.

Enfin, l’article 6 crée un délit d’entrave à l’action du CGLPL, destiné à dissuader les autorités responsables des lieux visités et les personnes susceptibles de détenir des informations de faire obstacle au contrôle. Inspiré de délits similaires prévus pour d’autres autorités administratives indépendantes telles que le Défenseur des droits, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou encore l’Autorité des marchés financiers (AMF), puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, ce délit permettra de dissuader et, si nécessaire, de sanctionner les comportements d’obstruction au contrôle ou d’intimidation vis-à-vis des personnes communiquant des informations au CGLPL.

C. MIEUX PROTÉGER LES INTERLOCUTEURS DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Dans les milieux clos que sont les lieux de privation de liberté, la tentation peut être grande de tenter d’empêcher le signalement par les personnes privées de liberté, mais aussi par les personnels, des dysfonctionnements qui peuvent s’y dérouler. Depuis son entrée en fonctions en qualité de Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue a dénoncé, à de nombreuses reprises, les pressions exercées sur ceux qui pourraient s’adresser à lui, afin de les en dissuader, et les représailles subies par ceux qui se sont adressés à lui.

Ces comportements, même s’ils sont minoritaires et généralement pratiqués à l’insu des autorités hiérarchiques responsables du lieu concerné, n’en sont pas moins inacceptables, car ils sont de nature à tarir la parole des interlocuteurs du CGLPL et à limiter l’effectivité du contrôle. Deux articles de la proposition de loi ont pour objet de lutter contre ces pratiques, afin de mieux protéger les interlocuteurs du CGLPL.

L’article 2 introduit dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 8-1 faisant interdiction de sanctionner ou de faire subir un préjudice à une personne du seul fait des liens qu’elle a établis avec le CGLPL ou des informations qui lui ont été données.

L’article 7, quant à lui, a pour objet de renforcer le respect du secret des correspondances échangées entre le CGLPL et les personnes incarcérées. Il exclut toute possibilité de contrôler les communications téléphoniques, les correspondances et tout autre moyen de communication entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes détenues. En outre, il rappelle expressément que la méconnaissance de cette interdiction est constitutive du délit de violation du secret des correspondances par personne dépositaire de l’autorité publique, puni par l’article 432-9 du code pénal de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

D. METTRE NOTRE DROIT EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN S’AGISSANT DU CONTRÔLE DE L’EXÉCUTION DES MESURES D’ÉLOIGNEMENT FORCÉ

La proposition de loi a été complétée, lors de son examen par la commission des Lois du Sénat, par un article 1er A qui étend la compétence du CGLPL au contrôle de l’exécution des mesures d’éloignement des étrangers, afin de mettre notre droit en conformité avec la directive dite « retour » qui fait obligation aux États membres de prévoir un « système efficace de contrôle du retour forcé » (19).

Déjà compétent pour contrôler les centres de rétention administrative et les zones d’attente, le CGLPL pourra désormais contrôler l’exécution des mesures d’éloignement forcé d’étrangers « jusqu’à leur remise aux autorités de l’État de destination ».

Bien que la directive « retour » ne soit applicable qu’aux ressortissants de pays tiers à l’Union européenne, le texte adopté par le Sénat prévoit que le contrôle qu’exercera le CGLPL sera applicable à toute mesure d’éloignement d’étrangers, y compris s’ils sont citoyens de l’Union européenne.

La mise en œuvre concrète, par le CGLPL, de cette nouvelle compétence supposera la définition de modalités pratiques d’information entre le ministère de l’Intérieur et lui-même, afin qu’il soit informé suffisamment à l’avance de l’organisation des retours d’étrangers, tout en garantissant le caractère inopiné du contrôle. Pour les mesures d’éloignement effectuées selon des procédures simplifiées et gérées de façon déconcentrée par les préfectures, les contrôles ne pourront que difficilement être anticipés, faute de planification de l’exécution de ces mesures. Cependant, lors de son audition par la commission des Lois le 12 février 2014, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a estimé que le contrôle susceptible d’être exercé sur les mesures d’éloignement réalisées par voie terrestre pourrait être opéré de façon effective par des visites dans les locaux de police dans lesquels sont retenues les personnes avant leur reconduite à la frontière.

III. UNE PROPOSITION DE LOI APPROUVÉE ET CONFORTÉE PAR LA COMMISSION DES LOIS

La commission des Lois a approuvé la proposition de loi qu’avait adoptée le Sénat, tout en confortant les avancées qu’elle comporte sur un certain nombre de points.

Sur l’initiative de MM. Sergio Coronado et Paul Molac et suivant l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a adopté un article 1er B étendant aux députés européens élus en France la possibilité de saisir le CGLPL. Aujourd’hui, l’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 permet au Premier ministre, aux membres du Gouvernement, aux membres du Parlement et au Défenseur des droits de le saisir. Or, les députés européens élus en France disposent du même droit de visite des lieux de privation de liberté que les parlementaires nationaux, prévu à l’article 719 du code de procédure pénale pour les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue, les centres de rétention et les zones d’attente, et à l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique pour les lieux d’hospitalisation sans consentement. Il est donc logique que les députés européens élus en France puissent, comme les députés et les sénateurs, saisir le CGLPL. Pour votre rapporteure, il est même souhaitable qu’ils s’emparent pleinement de ce droit, afin de diversifier les sources d’information du CGLPL et de renforcer l’effectivité du contrôle (20).

En deuxième lieu, la Commission a, sur l’initiative de votre rapporteure, apporté trois améliorations à l’article 1er. Tout d’abord, elle a modifié l’ordonnancement des articles de la loi du 30 octobre 2007 afin de garantir que le CGLPL aura les mêmes prérogatives dans le cadre des visites de contrôle et des enquêtes. Ainsi, la possibilité de réaliser des enquêtes sera prévue dans un nouvel article 6-1, la possibilité d’effectuer des visites sera inscrite à l’article 8 et l’ensemble des règles communes à ces deux procédures figurera dans un nouvel article 8-1 A.

Deuxièmement, la Commission a élargi la rédaction de l’alinéa prévoyant la possibilité pour le CGLPL d’accéder aux procès-verbaux de déroulement de garde à vue, afin de lui permettre d’accéder également aux procès-verbaux équivalents devant être établis dans le cadre d’autres mesures privatives de liberté effectuées sous la responsabilité de la police, de la gendarmerie ou de la douane (21). Plutôt que de chercher à énumérer l’ensemble de ces mesures, au risque d’en oublier certaines, le texte adopté par la Commission prévoit de permettre au CGLPL d’obtenir communication de tout procès-verbal relatif « aux conditions dans lesquelles une personne est ou a été retenue, quel qu’en soit le motif, dans des locaux de police, de gendarmerie ou de douane », hormis ceux relatifs aux auditions.

Troisièmement, la Commission a précisé la rédaction de l’alinéa prévoyant la possibilité pour les médecins du Contrôle général d’accéder à des données couvertes par le secret médical. Ceux-ci ne devront pas seulement être titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la médecine en France, comme le prévoyait le texte adopté par le Sénat, mais aussi remplir toutes les conditions prévues à l’article L. 4111-1 du code de la santé publique : être titulaire d’un diplôme, avoir une des nationalités permettant cet exercice et être inscrit à un tableau de l’ordre des médecins. L’emploi, dans le texte adopté par la Commission, des termes « contrôleurs ayant la qualité de médecin » met en évidence la nécessité que toutes ces conditions soient remplies.

La Commission a également adopté un nouvel article 4 bis, issu d’un amendement de votre rapporteure, introduisant dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 10-1 qui ouvre expressément au CGLPL la possibilité d’« adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté ». En effet, l’action du CGLPL peut mettre en évidence l’inadaptation de certains choix architecturaux ou de la taille de certains établissements de privation de liberté. Lui donner la possibilité de formuler des avis aux autorités responsables sur les projets en cours pourra permettre d’alerter ces dernières des inconvénients de certains choix qu’elles ont faits ou s’apprêtent à faire.

Enfin, également sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a apporté deux modifications à l’article 6 créant le délit d’entrave à la mission du CGLPL.

Premièrement, elle a supprimé la peine d’un an d’emprisonnement que le Sénat avait prévue pour ce délit. En effet, si l’existence d’un délit d’entrave est nécessaire pour dissuader les obstacles injustifiés susceptibles d’être opposés de façon volontaire à la mission du Contrôleur général, il apparaît disproportionné de prévoir que ce délit soit puni d’une peine d’emprisonnement.

Deuxièmement, elle a étendu le champ d’application de ce délit aux représailles. Tel qu’il avait été adopté par le Sénat, le délit créé par l’article 6 couvrait le cas de la dissuasion a priori vis-à-vis des interlocuteurs potentiels du Contrôleur général, mais ne permettait pas, en revanche, de sanctionner les représailles ayant lieu a posteriori. Pour renforcer la portée de l’article 2 de la proposition de loi qui prohibe toute sanction prononcée à l’encontre d’une personne privée de liberté ou d’une personne travaillant dans un lieu de privation de liberté au motif qu’elle s’est adressée au CGLPL, le texte adopté par la Commission complète le nouvel article 13-1 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 par un 4° qui sanctionne également le fait de prononcer « une sanction à l’encontre d’une personne du seul fait des liens qu’elle a établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations ou des pièces se rapportant à l’exercice de sa fonction que cette personne lui a données ».

AUDITION DE M. JEAN-MARIE DELARUE, CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Au cours de sa séance du mercredi 12 février 2014, la Commission procède à l’audition de M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. La Commission a souhaité entendre M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour qu’il l’éclaire sur la portée de la proposition de loi présentée au Sénat par Mme Catherine Tasca. L’objet de ce texte est d’ajuster certains éléments du régime juridique issu de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous saluons à cette occasion notre collègue Philippe Goujon, qui rapporta le texte de 2007, mais aussi la majorité qui l’avait proposé et la garde des Sceaux de l’époque, Mme Rachida Dati, qui avait eu la clairvoyance de choisir M. Delarue pour occuper cette fonction.

Monsieur le Contrôleur général, nous sommes d’autant plus heureux de vous accueillir que diverses contraintes ne nous avaient pas permis de le faire l’année dernière, après la remise de votre rapport annuel. Le groupe SRC a d’ailleurs souhaité inscrire à l’ordre du jour de la séance publique un débat en votre présence le 8 avril, dans le cadre d’une semaine de contrôle, pour discuter du nouveau rapport annuel que vous allez bientôt rendre.

Lors de la précédente législature, nous vous avons accueilli régulièrement pour que vous nous fassiez part de vos observations sur les réactions de l’administration aux suggestions que vous publiez régulièrement au Journal officiel. Votre mandat n’étant pas renouvelable, vous quitterez vos fonctions au mois de juin. Votre participation à la séance publique sera l’occasion de dresser un premier bilan de cette fonction que chacun d’entre nous s’accorde à trouver vertueuse. L’approche du monde pénitentiaire a sensiblement évolué grâce à la force que vous avez donnée à vos avis et à la finesse avec laquelle vous les avez rédigés, en choisissant des mots à la fois très précis et profondément respectueux des droits et des personnes. La République peut s’enorgueillir d’avoir enfin accueilli en son sein une autorité administrative dédiée à ce sujet.

Nous vous demandons aujourd’hui, avant l’examen de la proposition de loi par notre Commission dans une quinzaine de jours, d’éclairer notre regard sur les évolutions de cette instance.

M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté. J’ai déjà eu l’occasion de dire à votre Commission combien je suis attentif au rôle que joue le Parlement dans notre activité. L’indépendance qui nous caractérise n’est pas synonyme d’absence de contrôle. Le regard que porte le Parlement sur notre action est essentiel.

Puisque vous êtes saisis d’un texte modifiant la loi qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, je commencerai par rappeler nos missions et ce que nous avons fait de cette loi du 30 octobre 2007, avant d’expliquer pourquoi il a paru nécessaire de la faire évoluer.

Notre mandat est de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Pour l’exercer, nous avons le pouvoir d’effectuer des visites dans les lieux privatifs de liberté et nous pouvons être saisis par toute personne physique et par de nombreuses personnes morales. En retour, nous adressons aux pouvoirs publics, soit directement, soit par la voie du Journal officiel, des recommandations que nous reprenons dans notre rapport annuel.

Précisons également que nous sommes une institution de terrain, ce qui n’est pas si fréquent pour les autorités administratives indépendantes. À l’heure où je vous parle, cinq équipes effectuent des visites d’établissements en Moselle, dans le Tarn, dans le Puy-de-Dôme, en Dordogne et dans les Yvelines. Elles y resteront jusqu’à la fin de la semaine et y retourneront la semaine prochaine. Il en va ainsi quinze jours par mois. Vous le voyez, nous ne nous payons pas de mots : nous nous confrontons aux réalités quotidiennes de ceux qui vivent ou travaillent dans les lieux privatifs de liberté.

Notre action touchant à la sécurité et aux droits, elle s’inscrit au cœur du domaine régalien. Nous observons comment travaillent policiers, gendarmes, fonctionnaires pénitentiaires, etc.

Enfin, nous sommes aussi rigoureux que possible dans l’approche que nous avons de ces lieux. J’insiste beaucoup auprès des contrôleurs sur la méthode selon laquelle ils doivent recueillir l’information, sur le processus contradictoire, sur la nécessité de croiser les informations, de lire autant de documents qu’il est possible et d’être très prudents dans l’interprétation qu’ils donnent à ce qu’ils voient.

J’en viens à quelques chiffres relatifs à l’exercice de notre mandat.

Je m’étais engagé auprès des pouvoirs publics à faire 150 visites annuellement. La moyenne des cinq dernières années s’établit à 151 visites par an. Au 31 décembre dernier, nous avions visité 805 établissements de toute nature, dont environ 300 locaux de garde à vue et 185 établissements pénitentiaires. Je m’étais fixé pour objectif que la totalité des établissements pénitentiaires du pays auraient été visités à la fin de mon mandat. Cela aura été réalisé à quatre ou cinq exceptions près – nos moyens budgétaires ne nous permettant pas, par exemple, de nous rendre à l’établissement pénitentiaire de Wallis.

Nous aurons également vu la totalité des centres éducatifs fermés, que nous considérons comme particulièrement sensibles et dignes d’attention.

Le pourcentage des locaux de garde à vue visités est évidemment moindre – environ 7 % –, mais nous avons choisi des lieux où se déroulent un très grand nombre de ces procédures. Nous estimons qu’ils représentent le tiers des 380 000 gardes à vue pratiquées annuellement.

Nous avons visité des locaux dans toutes les régions et dans tous les départements de France, outre-mer compris. Je rappelle que nos premières recommandations publiques concernant des établissements précis ont visé notamment Mayotte et, pour la première fois en urgence, Nouméa.

Dès 2010, nous avons également commencé à faire des contre-visites, de manière à évaluer les changements intervenus depuis la visite précédente. Parmi les six contre-visites effectuées en 2013, on peut mentionner celles qui ont concerné le dépôt de Paris, la zone d’attente de Roissy, le commissariat de Saint-Malo et celui de Grenoble. Après échange contradictoire, les visites font l’objet d’un rapport systématiquement envoyé aux ministres concernés, lesquels nous répondent non moins systématiquement.

S’agissant des saisines, nous recevons environ 4 000 lettres par an et en envoyons 5 000. Pour la première fois en 2013, le nombre de courriers reçus n’a pas augmenté d’une année à l’autre. Je reviendrai sur cette stagnation lorsque j’aborderai la proposition de loi.

Neuf lettres sur dix ont trait à la prison. Neuf sur dix également sont envoyées par les intéressés eux-mêmes – personnes détenues ou proches. Le nombre de lettres d’intermédiaires – avocats ou associations – est insuffisant. Quant aux lettres de parlementaires, nous en avons reçu trois en 2013. Depuis le début de notre mandat en 2008, ni le Premier ministre ni les membres du Gouvernement ne nous ont saisis, contrairement à ce que prévoyait la loi.

Nous répondons à ces lettres aussi rapidement que possible pour éviter de faire naître des tensions supplémentaires dans les lieux privatifs de liberté. Cependant, le manque d’effectifs nous a conduits à mettre en place pour la première fois en 2013, bien malgré moi, un dispositif d’envoi d’accusés de réception, de manière à faire patienter ceux qui nous écrivent. J’estime que c’est une régression, mais je ne peux faire autre chose que la déplorer.

Les principaux thèmes de ces lettres sont, par ordre de fréquence, les transferts d’un établissement à un autre, les difficultés dans les relations avec le personnel et l’accès aux soins. Ce dernier sujet vient d’ailleurs de faire l’objet d’un chapitre dans le rapport public annuel de la Cour des comptes.

Le bilan qualitatif de notre action fait ressortir trois éléments.

Premièrement, il n’est pas immodeste d’affirmer que, depuis cinq ans, nous avons accumulé un savoir inédit sur les lieux privatifs de liberté.

Deuxièmement, ce savoir est d’autant plus important que, par nature, ces lieux sont peu connus des Français. Par exemple, nous avons peu de témoignages des personnes faisant l’objet d’une hospitalisation psychiatrique et des personnels qui travaillent dans ces établissements. C’est notre rôle de faire connaître ce qui s’y passe.

Troisièmement, il arrive que nos recommandations soient suivies d’effets à différents niveaux. Elles sont notamment prises en compte par le législateur, comme en témoignent la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et la loi du 27 septembre 2013, qui traite des soins psychiatriques dispensés sans consentement et dont les dispositions nous ont satisfaits. Nos recommandations sont également suivies pas les ministres, comme le montrent la circulaire du 25 mars 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes détenues ou la circulaire du 11 juillet 2013 relative à l’accès des personnes détenues aux droits sociaux. Elles sont enfin suivies par l’administration : on a, par exemple, levé la prohibition de la consommation de café dans les prisons. Les chefs d’établissement sont sensibles aux remarques que nous leur adressons et s’efforcent, dans la mesure de leurs moyens, de modifier les consignes données au personnel – je pense en particulier à la tenue des registres de garde à vue –, d’engager des travaux de réhabilitation des locaux, de changer les pratiques : ainsi, alors que les fonctionnaires de police ne respectaient jamais le délai d’un jour franc donné aux étrangers faisant l’objet d’un refus d’entrée en France, un retour sur les lieux à Roissy en novembre dernier nous a permis de constater que 70 % des étrangers dans cette situation en bénéficiaient aujourd’hui.

À côté de ces évolutions non négligeables, bien d’autres recommandations restent lettre morte. Dans le rapport qui sera rendu public au début du mois prochain, je dresserai une liste de vingt mesures peu coûteuses et n’impliquant pas de grands bouleversements, sur lesquelles je souhaiterais, à tout le moins, qu’une réflexion s’engage. Je suis parfois surpris du mauvais vouloir des administrations à s’en saisir, même si, je le sais bien, il ne s’agit que de recommandations.

L’objet de la proposition de loi qui vous a été transmise est de modifier la loi du 30 octobre 2007. La rapporteure du texte au Sénat était Mme Catherine Tasca, ancienne présidente de votre Commission, à laquelle je rends hommage.

Sans entrer dans le détail des dispositions proposées, je distinguerai quatre grands axes.

Premièrement, il s’agit de traduire dans le droit les pratiques adoptées de fait par le contrôle général des lieux des privation de liberté, soit que la loi initiale fût muette sur certains points, soit qu’il parût plus conforme à son esprit de mettre en œuvre ces pratiques.

Si la loi de 2007 prévoit que les personnes physiques et que certaines personnes morales peuvent saisir le Contrôleur général, elle ne prévoit pas le traitement que celui-ci doit réserver à ces saisines. Faute d’indications sur ce qu’il convenait de faire, nous avons pris l’habitude d’interroger les autorités responsables des personnes qui nous saisissaient et de mener des enquêtes sur pièces ou sur place. Nous demandons au législateur de consacrer cette pratique en nous autorisant à procéder à ces vérifications, en nous donnant des moyens équivalents à ceux dont nous disposons en matière de visites et en nous permettant de conclure nos enquêtes par des recommandations adressées, non pas aux ministres, mais, puisqu’il s’agit le plus souvent de cas individuels, aux chefs d’établissement.

Le texte complète aussi les dispositions relatives aux visites. En particulier, le législateur avait prévu que le secret médical nous était opposable. J’ai considéré pendant plusieurs années que cela était sage, tant est essentielle, dans un lieu privatif de liberté, la relation de confiance entre le malade et le médecin. Mon opinion ne s’est modifiée qu’assez tardivement, et sous la pression des faits que nous avons été conduits à observer. Parmi toutes les institutions européennes de même nature que la nôtre, nous sommes la seule à laquelle le secret médical peut être opposé. Face à cette exception française, nos homologues font valoir qu’en cas d’accusation de mauvais traitements, il faut pouvoir vérifier dans un dossier médical qu’un médecin a confirmé ou non les dires de la personne.

En outre, certaines pratiques médicales qui ne concernent pas les soins, mais la privation de liberté elle-même, échappent à notre contrôle. C’est le cas du recours à l’isolement ou à la contention en hôpital psychiatrique. Nous avons déploré avec constance que les hôpitaux psychiatriques ne tiennent aucun registre de ces mesures très sévères de privation de liberté à l’intérieur d’un lieu de privation de liberté. On nous objecte que celles-ci sont consignées dans le dossier médical – auquel, précisément, nous n’avons pas accès !

C’est pourquoi nous voudrions pouvoir vérifier dans le dossier médical qu’il n’y a pas eu de mesures indues de type « disciplinaire » par recours à l’isolement ou à la contention. Ces mesures sont trop graves pour que nous nous contentions d’ajouter foi aux dires des personnes concernées.

Le Sénat a donc consenti à ce que le secret médical – à la réalité duquel je tiens beaucoup – puisse être en partie levé, mais avec d’infinies précautions : il faudra l’accord du malade, et le dossier médical ne sera communiqué qu’aux contrôleurs ayant la qualité de médecin. Au fond, donc, on ne quittera pas le secret médical. Ce pouvoir qui nous sera reconnu si vous en êtes d’accord n’est en rien différent de celui qui est déjà reconnu par la loi « Kouchner » à l’inspection générale des affaires sociales. Nous ne pensons briser aucun tabou. Pour avoir approché le Conseil national de l’Ordre des médecins à ce sujet, je crois qu’il ne voit pas d’objection majeure à ce qu’il soit procédé ainsi. Le dispositif concilie les intérêts des malades et les intérêts parfaitement légitimes des médecins qui exercent dans ces lieux.

En deuxième lieu, le texte institue un délit d’entrave pour ceux qui s’opposeraient à nos visites. Dans leur grande majorité, celles-ci se déroulent comme le législateur les concevait, c’est-à-dire sans que l’on oppose d’obstacles à nos pouvoirs. Je tiens à en rendre hommage aux chefs d’établissement qui, pour la plupart, se sont prêtés de bonne grâce à l’exercice.

Certaines difficultés demeurent néanmoins. Par exemple, nous n’avons jamais eu accès aux enregistrements vidéo qui accompagnent obligatoirement les interventions des ERIS, ces équipes régionales d’intervention et de sécurité de l’administration pénitentiaire auxquelles il est fait appel en cas de troubles graves dans un lieu de détention. Plusieurs fois, après que l’on nous eut rapporté certains cas d’interventions un peu musclées, nous avons demandé le visionnage des vidéos. Nous n’avons jamais pu les obtenir, pas plus que les enregistrements vidéo issus des caméras installées désormais en nombre dans les établissements pénitentiaires.

Par ailleurs, lorsqu’il y a contradiction entre les affirmations de la personne détenue et celles de l’administration, nous rencontrons fréquemment des difficultés à obtenir de cette dernière des documents tels que la fiche pénale de la personne ou le rapport d’incident qui a donné lieu à poursuite disciplinaire.

Par manière d’aide à la réflexion à l’intention de nos interlocuteurs – car, bien entendu, nous ne nous servirons jamais de ces dispositions pénales –, il est donc proposé d’instituer d’un délit d’entrave à nos visites et à nos demandes de documentation, à l’instar des dispositions en vigueur pour toutes les autres autorités administratives indépendantes et, au-delà, pour toutes les autorités amenées à contrôler des administrations sur place.

En troisième lieu, le texte vise à protéger ceux qui font appel au Contrôleur général. C’est le point sur lequel je voudrais le plus insister ce matin. Il existe bien sûr des moyens illégaux de faire valoir ses droits, en particulier dans les lieux privatifs de liberté. L’homme qui assène un coup de poing au visage d’un surveillant doit être justement poursuivi tant sur le plan disciplinaire que sur le plan pénal : je n’ai absolument aucun état d’âme à cet égard. Mais les personnes détenues ont aussi recours, comme tout un chacun, à des moyens légaux, en saisissant le Parquet, en écrivant à une personne extérieure, à une association, au Défenseur des droits ou au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous n’avons pris la mesure du phénomène que tardivement, mais il faut savoir que, pour une personne détenue ou retenue, cette démarche est extraordinairement difficile et se voit souvent opposer des menaces ouvertes, voire des représailles. Aux trois questions essentielles – puis-je porter plainte ? ma lettre de plainte parviendra-t-elle à son destinataire ? sera-t-elle suivie d’effet ? – , les réponses sont trop souvent négatives. Je souhaite que le Parlement prenne conscience de l’ampleur des oppositions parfaitement illégales à ces moyens légaux. Dans les lieux de privation de liberté, on n’aime pas que les personnes se plaignent. Que l’on craigne que leur démarche fasse vaciller l’autorité qui doit s’attacher aux personnels, je peux le comprendre, étant moi-même très soucieux du respect de cette autorité. Mais je n’aime pas que l’on fasse obstacle à la loi. Or je suis convaincu que la stagnation du nombre des lettres que nous recevons est due à ces menaces et à ces représailles. Nous avons visité des quartiers entiers dans lesquels les personnes détenues nous ont dit qu’elles ne nous écrivaient plus parce qu’elles avaient peur de le faire. Nous savons que des lettres nous parviennent de façon irrégulière, transmises non par le vaguemestre de l’établissement, mais via le parloir : les personnes ne veulent pas prendre le risque que leur message n’arrive pas. Nous savons aussi que des plaintes n’arrivent jamais au procureur ou au Défenseur des droits. Le mois dernier, d’ailleurs, j’ai appelé l’attention de ce dernier sur cette question.

À cet état de fait que je déplore profondément, la proposition de loi apporte deux réponses. Elle rappelle d’abord le protocole des Nations unies qui est à l’origine de la loi de 2007 en disposant qu’« aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général », tout en précisant, pour préserver les intérêts des personnels, que « cette disposition ne fait pas obstacle » à d’éventuelles poursuites pour dénonciation calomnieuse. Elle indique ensuite que l’ouverture des lettres adressées au Contrôleur général est passible des peines prévues pour tout agent public qui méconnaît le secret des correspondances. Il s’agit, là aussi, d’introduire un délit pénal en la matière.

Sans résoudre entièrement le problème, ces deux dispositions donneront un signal important aux personnels qui seraient tentés de recourir à des expédients pour empêcher l’application de la loi.

Le quatrième et dernier élément de ce texte, que je n’ai pas personnellement souhaité, résulte d’un accord avec le ministère de l’intérieur.

On le sait, la directive « retour » du 16 décembre 2008 impose aux États membres d’instaurer « un système efficace de contrôle du retour forcé » des étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire, d’un arrêté de reconduite ou d’un arrêté d’expulsion. En vertu de la loi de 2007, le contrôle que nous exerçons sur cette procédure s’arrête à la porte de l’avion, alors que la directive prévoit qu’il doit pouvoir s’opérer pendant le voyage de retour, jusqu’à la remise de la personne aux autorités de son pays d’origine. En clair, il s’agit de prendre l’avion avec elle jusqu’à Conakry, Abidjan ou Bucarest.

Pour transposer cette disposition en droit français, le ministère de l’Intérieur m’a demandé que ce soit le Contrôleur général qui ait la charge de ce contrôle. Nous nous sommes donc mis d’accord sur une rédaction qui élargit en ce sens nos compétences.

Mme Laurence Dumont, rapporteure. « Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience », écrivait René Char. C’est dire tous les égards que vous méritez ! Hier encore, en audition, une personne m’a dit : « Il nous a parfois dérangés, mais il est fait pour cela. » Vous avez réussi à troubler un monde où régnait une certaine opacité et à obtenir, comme on me l’a aussi dit dans une audition, un « effet de cliquet » dans l’histoire des prisons. Il y a vingt ans, les personnels étaient embauchés, selon les termes que certains d’entre eux ont employés, « pour donner des baffes ». Ils affirment qu’aujourd’hui, grâce à votre action, ce n’est plus possible.

Vous êtes parvenu à ce résultat avec des propos positifs et attentionnés à l’égard de toutes les professions concernées. Surtout, vous avez su faire le lien entre les conditions de détention et les conditions de travail des personnels.

Vous insistez sur le fait que l’on connaît encore trop peu les lieux de privation de liberté. Il me semble que les parlementaires devraient faire amende honorable, eux qui ont depuis dix ans la possibilité de visiter ces lieux – et même, plus récemment, les hôpitaux psychiatriques, sur lesquels il conviendrait de mettre l’accent.

Même si la situation reste par endroits alarmante, votre personnalité et votre action font l’unanimité. Vous avez su notamment éviter l’écueil de la défiance qui aurait pu suivre l’adoption du texte de 2007.

Cette proposition de loi consacre le maintien du Contrôleur général des lieux de privation de liberté comme instance indépendante du Défenseur de droits, alors que certains considéraient, lors du débat de 2011, que la question se poserait à la fin du premier mandat du Contrôleur. Elle consacre aussi les pratiques que vous avez mises en place dans le silence de la loi de 2007.

Le Sénat l’ayant adoptée à l’unanimité, je ne reviendrai que sur quelques points qui pourraient encore faire débat. La confiance dans l’institution et dans votre action personnelle est très forte, mais certaines questions demeurent quant à l’avenir.

Vous évoquez dans toutes vos interventions les représailles à l’encontre des personnes détenues. Les auditions que j’ai menées montrent que les personnels peuvent aussi être la cible de représailles de la part de leur hiérarchie. Je cite les propos que l’un d’entre eux a tenus : « Quand j’ai été confronté au Contrôleur des prisons, je n’ai pas tout dit, car j’ai aussi une hiérarchie. Toute vérité n’est pas forcément bonne à dire. On peut vous en tenir rigueur. » Il nous est également apparu que, malgré le peu de saisines qui vous parviennent en la matière, vous êtes un dernier recours essentiel pour les malades placés en hôpital psychiatrique.

Toujours est-il que, si la saisine peut faire avancer une situation, elle peut aussi avoir des conséquences pour la personne dont le nom ou le dossier est porté à votre connaissance. La protection instaurée par le texte est donc tout à fait bienvenue.

S’agissant des reconduites à la frontière et des mesures d’éloignement, la France est en manquement depuis 2010. Alors que l’on n’évoquait d’abord la question que pour les reconduites hors Union européenne, le Sénat a souhaité l’élargir aux ressortissants reconduits à l’intérieur de l’Union. Ces deux cas ne sont pas différents en termes de principes, mais en termes d’organisation matérielle. Les personnes qui relèvent du règlement « Dublin II » et des réadmissions à l’intérieur de l’Union donnent lieu à 11 000 procédures par an. Les procédures prévues par le règlement « Dublin II » étant centralisées, il n’y a pas de difficulté à ce que le Contrôleur général en soit prévenu ; mais, dans le cas de la réadmission, la procédure est totalement décentralisée et dépend de chaque préfecture, ce qui rend plus difficile l’information du Contrôleur général. De plus, la réadmission intervient parfois de façon très rapide : dans le cadre des conventions bilatérales, elle peut prendre entre quelques heures et un à deux jours.

Deux hypothèses se présentent : la première serait d’exclure les réadmissions et de ne conserver dans le dispositif que les procédures relevant du règlement « Dublin II », ce qui ne serait pas très satisfaisant sur le plan des principes ; la seconde serait de conserver les réadmissions, sachant que le contrôle serait quasi inapplicable en l’état actuel des choses. Bref, la question n’est pas tout à fait résolue. Peut-être pourrait-on décider qu’il appartient finalement au Contrôleur général d’activer la demande.

Ma deuxième interrogation porte sur le secret médical. Vous-même vous êtes dit à plusieurs reprises très attaché au maintien de cette relation de confiance essentielle dans les lieux de privation de liberté. La mesure proposée implique une réflexion approfondie de la part du corps médical. Pour l’instant, toutefois, personne n’a fait état d’une opposition de principe. Nous procéderons à l’audition de l’Ordre des médecins et du ministère de la Santé la semaine prochaine. Pour mémoire, le Défenseur des droits bénéficie déjà d’un dispositif d’accès aux informations couvertes par le secret médical, selon une procédure moins encadrée que celle qui est proposée dans le texte. En outre, partout ailleurs en Europe, le secret médical n’est pas opposable en cas d’allégation de mauvais traitements.

Le Sénat a prévu le dispositif suivant : si la personne concernée donne son accord, un contrôleur ayant la qualité de médecin – il y en a aujourd’hui trois dans votre équipe – accède aux informations ; dans le cas d’allégations de privations, sévices et violences sur un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger, le secret médical peut être levé sans le consentement de la personne.

M. Philippe Goujon. Après plus de cinq ans d’application d’un texte équilibré, le bilan que vous avez rappelé, monsieur le Contrôleur général, est très positif et il faut en rendre hommage à votre personnalité, à votre travail et à celui de vos collaborateurs. Cette institution a trouvé sa place et est aujourd’hui incontestée.

La loi de 2007 est néanmoins susceptible d’améliorations. La présente proposition de loi comporte des évolutions souhaitables. Je me rappelle que la levée du secret médical avait déjà fait l’objet de débats lors de l’examen de la loi initiale. Par ailleurs, les dispositions visant à sanctionner les pressions dont peuvent être victimes les interlocuteurs du Contrôleur général se révèlent aujourd’hui, avec le recul, indispensables, de même que la consolidation de l’autorisation pour vos collaborateurs de mener leurs enquêtes en votre nom et d’avoir un accès facilité aux documents et interlocuteurs nécessaires.

J’ai néanmoins quelques réserves sur d’autres dispositions, principalement celle qui vise à élargir votre compétence en matière d’exécution des mesures d’éloignement forcé d’étrangers en situation irrégulière. La disposition proposée me semble aller plus loin que la directive européenne invoquée pour la justifier, d’autant que le Contrôleur général peut déjà contrôler les zones d’attente et les centres de rétention administrative. En outre, les personnes concernées par les procédures d’éloignement peuvent déjà bénéficier de prescriptions médicales prohibant le voyage en avion pour des raisons de santé. Enfin, étant donné le moyen de transport généralement utilisé pour reconduire les personnes, celles-ci ne passent que quelques minutes dans l’espace aérien français avant de rejoindre l’espace aérien international, ce qui pose la question de la pertinence territoriale du contrôle. Ira-t-on jusqu’à contrôler les lignes aériennes régulières, où il arrive que l’on recoure à des mesures de contention lorsque la sécurité de l’équipage est menacée par un passager ? Je pense que le débat sera utile pour clarifier le sujet.

Mes réserves portent également sur la publication systématique des avis, recommandations et propositions formulés par le Contrôleur général – le texte existant ouvre déjà de nombreuses possibilités –, ainsi que sur l’accès aux procès-verbaux de garde à vue, qui ne concernent pas les auditions des personnes. Notre système de garde à vue découle largement de recommandations internationales, émanant notamment de la Cour européenne des droits de l’homme, mais nous savons bien à quelles difficultés se heurtent les services d’enquête pour mener à bien leur difficile travail. Ouvrir l’accès aux procès-verbaux de garde à vue aggravera le formalisme au détriment de l’enquête.

Par ailleurs, l’action que le Contrôleur général souhaiterait mener dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne me semble correspondre en rien à l’objet initial de la loi. Les résidents de ces établissements sont des patients. On ne peut leur étendre le dispositif.

S’agissant enfin de la protection du secret des correspondances avec le Contrôleur général, à laquelle je suis favorable, qu’en serait-il du cas où un détenu aurait eu accès à Internet grâce à un terminal introduit dans sa cellule en violation du règlement de l’établissement, sachant que l’accès à Internet en prison peut conduire à la consultation de sites djihadistes, ainsi que l’avaient fait apparaître nos débats sur la loi antiterroriste ?

Vous le voyez, la plupart des dispositions me semblent tout à fait opportunes, mais je m’interroge encore sur certains points qui transforment sensiblement les conditions d’exercice du Contrôleur général.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les personnes et institutions que nous avons auditionnées sont unanimes quant à la qualité des relations de travail que vous avez su lier avec elles. Cette unanimité me conduit à vous interroger sur ce qui a permis, selon vous, de rendre le rôle du Contrôleur aussi essentiel aux yeux des établissements, des administrations et des agents que vous et votre équipe avez rencontrés.

J’aimerais recueillir votre opinion sur les moyens matériels et humains nécessaires au plein exercice de votre mission, mais aussi sur la question des hôpitaux psychiatriques. La représentante d’une association de parents a eu des propos très alarmants sur ce qui se passe dans ces établissements.

Enfin, s’il semble plus opportun de traiter les problèmes rencontrés dans les EHPAD dans le cadre de la future loi sur la dépendance, quels sont les éléments qui vous ont amené à envisager d’introduire une compétence du Contrôleur général dans ce domaine ?

M. Sébastien Huyghe. Dans le hall de la faculté de droit de Lille, on peut lire une pensée de Blaise Pascal dont l’établissement a fait sa devise : « Que la justice soit forte, que la force soit juste. » Cette double demande est aussi celle de nos concitoyens. Et votre rôle est précisément de faire en sorte que la force soit juste. Nous nous félicitons tous de la loi du 30 octobre 2007, qui a créé votre fonction. Je m’associe au concert des louanges de mes collègues sur votre action, qui est de nous alerter, mais aussi de nous bousculer régulièrement. Vous avez ainsi inspiré plusieurs évolutions législatives, notamment les dispositions qui figurent dans la loi pénitentiaire.

Dans un de vos rapports annuels, vous demandez une extension de votre compétence aux EHPAD. La proposition de loi sénatoriale ne donne pas suite à cette demande et les amendements allant en ce sens n’ont pas été retenus. J’ai été pour ma part surpris, car une telle extension est manifestement étrangère à l’esprit du dispositif. Si, assurément, on rencontre des problèmes de maltraitance dans les EHPAD, il ne me semble pas qu’ils relèvent de la compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. J’aimerais donc connaître les considérations qui vous ont amené à formuler cette demande.

M. Dominique Raimbourg. Je m’associe à mon tour au concert de louanges qui vous est adressé.

Lors des différentes visites que j’ai faites dans des établissements pénitentiaires, j’ai constaté que la question des téléphones portables continuait de se poser. Estimez-vous qu’une évolution est envisageable et que l’on pourrait, par exemple, en autoriser l’usage dans les centres de détention où les condamnés ne peuvent perturber une enquête en cours par leurs appels téléphoniques ?

Mme Nathalie Nieson. Quel est votre point de vue sur l’accès au droit des détenus qui, au cours de leur incarcération, deviennent victimes ?

Mme Axelle Lemaire. Considérez-vous que les moyens de communication avec l’extérieur par voie électronique sont actuellement satisfaisants dans les lieux de détention ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Vous souhaitez la création d’un délit d’entrave sans jamais avoir à l’utiliser. S’agissant du pouvoir d’injonction, vous avez affirmé à plusieurs reprises à notre Commission que vous n’étiez pas demandeur. La seule force de vos mots vous dispense sans doute de faire appel à un tel moyen, mais peut-être votre successeur se trouvera-t-il dans une situation différente. Pourquoi, dès lors, ne pas demander le pouvoir d’injonction, quitte à l’accompagner de la même précaution que le délit d’entrave ?

M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je remercie tous les intervenants de leurs appréciations positives sur notre travail, en leur rappelant que nous avons fait œuvre collective et que le mérite revient, pour l’essentiel, à mes collaborateurs. Je suis néanmoins attentif à nos lacunes : nous avons encore à progresser beaucoup !

Vous avez raison, madame Dumont : les personnels prennent eux aussi des risques en venant nous voir. C’est pourquoi, lors de nos visites, nous avons systématiquement des entretiens confidentiels avec des personnels qui n’ont pas demandé à être reçus. Même dans ce cas, il arrive que certains soient également victimes de questions un peu trop précises de leurs collègues ou de leurs supérieurs pour savoir ce qu’ils nous ont dit, de quoi ils se sont plaints, etc. Nous avons eu des retours en ce sens. Il va de soi que la protection que nous proposons à l’égard des personnes détenues couvre le cas des personnels.

Le personnel des lieux de privation de liberté ne se porte pas bien aujourd’hui – c’est un euphémisme – et il le manifeste souvent aux portes des établissements pénitentiaires. Il en va de même pour les fonctionnaires de police dans les commissariats. Je l’ai rappelé aux pouvoirs publics : il faut avoir conscience de ce profond malaise. La nature de ma fonction me conduit à en rechercher les causes, puisque les relations avec les personnes privées de liberté s’en ressentent.

Vous avez évoqué la différence entre reconduite à la frontière et réadmission. En effet, certains étrangers sont reconduits selon des modalités prévues par la loi, alors que d’autres le sont en vertu d’accords de réadmission bilatéraux ou multilatéraux. Le contrôle qui pourrait éventuellement s’exercer sur les réadmissions ne serait pas de même nature que celui que nous pourrons pratiquer sur les éloignements par moyens aériens. En effet, dans ce cas, les décisions sont déconcentrées et prises le plus souvent par téléphone. L’affaire est donc généralement réglée en quelques heures. Il est très rare d’avoir besoin de vingt-quatre heures pour reconduire en Italie, en Espagne ou en Belgique des personnes qui reconnaissent avoir quitté ces pays la veille. Rien ne fait obstacle à ce que la police aux frontières (PAF) nous prévienne des voyages aériens qu’elle organise. Néanmoins, elle ne pourra jamais nous prévenir des décisions de réadmission que le commissariat de Menton ou celui de Dunkerque prend pour réexpédier des personnes en Italie ou en Belgique. Mais nous ne serons pas pour autant démunis. Ainsi, nous avons facilement pu vérifier, à Sarreguemines, les conditions dans lesquelles se déroulait la réadmission en Allemagne des nombreuses personnes qui transitent par le local de rétention de la ville. Certes, nous ne pourrons pas prévoir les contrôles en avance, mais nous garderons la liberté de nous rendre à tout moment aux commissariats concernés afin de procéder à un contrôle sur place.

Le ministère de l’Intérieur craint que le contrôle ne se révèle impossible dans les faits, et que la saisie d’un juge des libertés et de la détention (JLD) ne conduise à l’annulation de la mesure. Pourtant, l’étranger réadmis se retrouvant immédiatement au-delà de nos frontières, il est rarissime qu’il puisse saisir le JLD. La réadmission consiste à mettre un étranger dans un véhicule qui le conduira dix kilomètres plus loin, dans un commissariat de police étranger ; les débordements sont donc très peu à craindre. Les mauvais traitements apparaissent quasiment impossibles dans ces procédures très rodées où l’on ne rencontre jamais d’opposition de la part des réadmis. En effet, il est très différent de remettre aux autorités allemandes un étranger qui vient d’arriver d’Allemagne et d’expulser à destination d’Abidjan ou de Bucarest une personne qui a vécu pendant cinq ans en France avec sa famille : ces deux procédures suscitent évidemment des réactions sans commune mesure. C’est à vous qu’appartient la décision finale, mais je ne crois pas que, en l’espèce, les craintes du ministère de l’Intérieur soient fondées.

Monsieur Goujon, vous avez exprimé des réserves dignes de considération. S’agissant de la compétence en matière d’éloignement, l’article 8, paragraphe 6, de la directive « retour » du 16 décembre 2008 indique que les États membres doivent instaurer « un système efficace de contrôle » de la reconduite des étrangers vers leur pays d’origine. D’une manière ou d’une autre, nous ne pourrons éviter de transposer dans le droit interne les dispositions de la directive. À l’instar de la Suisse, certains États – membres ou non de l’Union européenne – exercent d’ailleurs déjà ce type de contrôle sur les voyages aériens. Je n’établis pas de différence entre les lignes aériennes régulières ou les avions réquisitionnés à cette occasion, comme ceux de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex). Dès lors qu’un étranger se trouve dans l’avion, il doit pouvoir être contrôlé, et le contrôleur doit donc pouvoir voyager avec lui. Quant à la police de l’avion, elle reste évidemment entre les mains du pilote, seul maître à bord. Aucun obstacle de principe ne s’oppose par conséquent à ce contrôle dès lors qu’il est demandé par la directive européenne. Il s’agit pourtant d’un élargissement de nos compétences que seule la loi peut permettre.

Vous vous êtes également interrogé sur la publication systématique de nos avis. Je prends garde à ne pas trop montrer du doigt les établissements que nous avons visités, afin de ne pas transformer le contrôle général en une instance accusatoire. Mais nous sommes sauvés par le fait – en soi malheureux – que la remise d’un rapport au ministre et sa réponse prennent beaucoup de temps, la publication de notre avis sur notre site Internet n’intervenant qu’un an et demi à deux ans après la visite. Entre-temps, les établissements peuvent suivre ou non nos recommandations. Je ne crois donc pas que cette publication puisse les mettre en mauvaise posture.

Le code de procédure pénale distingue clairement le procès-verbal d’enquête et celui de déroulement de la garde à vue, décrit à l’article 64. Cependant les fonctionnaires de police – pour lesquels j’ai beaucoup d’estime – ne racontent pas toujours très précisément ce qui s’est passé pendant la garde à vue. Le registre prévu à cet effet est trop souvent incomplètement rempli et ne nous permet pas de savoir si la personne a été nourrie, si elle a eu accès à son avocat ou a pu prévenir ses proches, ou si, lorsqu’elle a demandé une couverture, on lui en a fourni une. Ce registre – auquel nous avons accès dans l’immense majorité des cas – reste pourtant aujourd’hui le seul moyen dont nous disposions pour vérifier la manière dont s’est déroulée la garde à vue. Pour ne pas gêner le déroulement d’enquêtes en cours, nous nous désintéressons des personnes gardées à vue au moment de notre visite, cherchant uniquement à déterminer comment les fonctionnaires de police traitent en général les gardes à vue qui se déroulent dans leurs locaux. Nous demandons donc d’habitude à contrôler un échantillon aléatoire de procès-verbaux de gardes à vue, portant sur une période antérieure à notre visite – par exemple cinq procès-verbaux sur les dix derniers mois. Étant donné nos précautions, la crainte de gêner l’enquête préliminaire – à laquelle nous sommes sensibles – ne me paraît donc pas fondée ; les fonctionnaires de police devraient pouvoir vous le confirmer.

En février 2013, j’ai en effet soulevé la question du contrôle des EHPAD, interrogeant le périmètre de compétence du contrôle général. Les milieux professionnels – partagés sur la question – m’ont alors fait deux griefs : d’une part, ils se sont étonnés de voir les EHPAD comparés à des prisons, alors qu’il s’agit de lieux de vie ; d’autre part, ils ont indiqué être déjà submergés de contrôles. Il est évidemment idiot de comparer les EHPAD à des prisons ; c’est bien parce qu’en l’état je suis incompétent pour y effectuer des contrôles que j’ai posé la question de l’élargissement de mes compétences. Seule la loi peut m’autoriser à m’y rendre, alors même que certains EHPAD sont aujourd’hui volontaires pour m’accueillir. Il n’en reste pas moins vrai que, quel que soit l’esprit de la loi qui m’a institué – qui visait clairement les lieux de privation de liberté –, nous devons être guidés par la volonté de résoudre les problèmes sociaux de notre pays. Il nous faut savoir comment les centaines de milliers de personnes – qui deviendront demain trois fois plus nombreuses qu’aujourd’hui – sont traitées au sein des EHPAD.

Nous sommes confrontés à trois questions : celle du consentement des personnes au moment de l’admission dans l’établissement et par la suite – y restent-elles toujours en y consentant ? celle de la légitimité des unités fermées dans les EHPAD, que l’on construit sans aucune procédure et où l’on installe des personnes âgées sans qu’elles aient leur mot à dire ; celle de la maltraitance. Aujourd’hui, la disproportion entre les effectifs du personnel et le nombre de personnes âgées en manque d’autonomie dont il doit se charger ne permet pas toujours un suivi attentif des pensionnaires. Dans certains établissements, les personnels font des miracles d’humanité ; dans d’autres, des personnes fatiguées, usées et débordées se résolvent à des mesures qui équivalent à de la maltraitance.

Certes, les EHPAD sont inspectés par les services départementaux et par les médecins inspecteurs des agences régionales de santé (ARS). Mais ces contrôles ne sont pas de même nature que ceux que nous pourrions envisager : là où les inspecteurs actuels vérifient si l’EHPAD remplit toujours les conditions qui lui ont permis d’obtenir l’agrément initial, nous contrôlerions – en vertu de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 – « l’état, l’organisation ou le fonctionnement » des établissements. En cas de problème, l’ARS procède à un contrôle a posteriori ; pour notre part, nous regardons les établissements vivre. À vous de voir ce qu’il convient de faire et à qui confier cette responsabilité. Je ne cherche évidemment aucunement un élargissement de mes compétences personnelles, mais une solution au problème. En tout état de cause, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les EHPAD sans contrôle ; je souhaite donc que le Parlement se saisisse au plus vite de cette question.

Enfin, vous vous inquiétiez, monsieur Goujon, des difficultés de communication et des moyens illégaux auxquels pourraient recourir les détenus pour entrer en contact avec nous. Si nous n’avons jamais été saisis illégalement par Internet, la question s’est posée pour les lettres que nous avons reçues via les parloirs. Pouvions-nous prêter la main à un procédé illégal ? À cette question difficile, nous avons répondu positivement, considérant qu’il s’agissait d’un indice de l’impossibilité, pour la personne, de nous saisir par d’autres moyens. Cependant, je ne souhaite aucunement encourager l’illégalité en détention et je pense que nous trancherions de manière différente si nous avions été contactés par Internet.

Madame Chapdelaine, nous bénéficions de 4,2 millions d’euros de budget annuel. Je m’en satisfais, même si nous avons dû restreindre nos déplacements, renonçant en 2013 aux contrôles outre-mer. J’espère que nous pourrons nous y rendre en 2014, car nous n’avons toujours pas inspecté certains établissements réunionnais. En revanche, nous faisons face à de gros problèmes de moyens humains en matière de courrier : les délais de réponse ne cessent de s’allonger, s’élevant aujourd’hui à six semaines en moyenne, alors qu’ils n’étaient au départ que de quinze jours. Répondre rapidement aux gens qui nous saisissent de problèmes vitaux permet d’éviter de créer des tensions supplémentaires et de surcharger le personnel. Comme nous n’en avons plus les moyens, j’ai demandé, dans le cadre de la loi triennale budgétaire, à bénéficier de la création de trois postes de chargés d’enquête – qui s’occupent du traitement du courrier et éventuellement des visites – dans les deux ou trois années à venir. Par ailleurs, si, à effectif de contrôleurs inchangé, notre compétence s’élargit au contrôle des voyages aériens, nous serons conduits à réduire le nombre de visites. Pour pouvoir effectuer une dizaine de voyages par an, nous avons besoin d’un contrôleur supplémentaire ; nous en avons fait la demande dans le cadre de la loi de finances pour 2015.

Monsieur Raimbourg, comme je le note dans le rapport annuel de 2011 – et comme je m’apprête à le répéter dans celui de 2013 –, j’ai souhaité qu’un groupe de réflexion de l’administration pénitentiaire se penche sur la question des téléphones portables en détention, que je souhaite voir évoluer. Nous épuisons les personnels à la recherche de téléphones portables – c’est un véritable puits sans fond. En effet, les téléphones entrent en détention soit par les parloirs, soit par les « missiles » – projectiles au-dessus de l’enceinte –, soit par corruption des fonctionnaires – sujet d’inquiétude que je ne souhaite pas aborder aujourd’hui. Ils poseraient, dit-on, des risques pour la sécurité. Mais, si un détenu veut continuer à gérer son trafic, il peut très bien le faire en recevant ses proches dans les parloirs. Les coursives sont également munies de téléphones fixes d’accès libre. Les prévenus – depuis la loi pénitentiaire de 2009 – et les condamnés peuvent téléphoner librement à qui ils veulent, dans les limites d’une liste autorisée. Ces communications sont naturellement écoutées, mais, d’une part, ces écoutes ne sauraient être exhaustives et, d’autre part, il est facile pour les détenus de parler de façon codée pour ne pas être compris. Les contrôles de téléphones fixes me paraissent donc sans portée réelle. Le jour venu, il faudra donc autoriser les téléphones portables en détention.

Il y a quelques semaines, une mutinerie grave éclatait au centre de détention d’Argentan : une coursive d’une trentaine de cellules s’est soulevée alors que, la veille, avait eu lieu une fouille générale au cours de laquelle on avait saisi une vingtaine de téléphones portables. Ce centre de détention se trouve à 10 kilomètres du centre-ville ; le taxi aller-retour coûte 20 euros. Dans ces conditions, bien des familles ne peuvent pas s’y rendre. Les personnes détenues à Argentan ne peuvent donc rompre leur isolement qu’au moyen du téléphone et je suis convaincu qu’il existe un lien direct entre la saisie des portables et la mutinerie du lendemain. Les personnels pénitentiaires interrogés estiment que, si les détenus avaient le droit de posséder un téléphone portable, cela ne changerait rien à la sécurité tout en contribuant à apaiser la situation, puisque les personnes pourraient converser librement avec leur famille.

À l’heure actuelle, les téléphones portables que l’on saisit ne font l’objet d’aucune enquête de police. Ainsi, les 900 portables saisis chaque année à la prison des Baumettes, à Marseille, finissent dans des sacs plastiques au bureau de la directrice ; au bout de quelques mois, si la police ne les réclame pas, ils sont tout simplement détruits ; on ne regarde jamais les cartes SIM pour identifier les personnes appelées. En matière de sécurité, il faut concilier les exigences et les moyens dont on dispose. Plutôt que de confisquer les portables sans disposer de moyens de les contrôler, il serait bien plus efficace de les autoriser tout en contrôlant systématiquement, à l’improviste, les appels passés. J’espère qu’un groupe de réflexion sur cette question sera constitué à bref délai, car l’apaisement que pourrait procurer cette mesure l’emporte de loin sur les risques nouveaux qu’elle pourrait entraîner.

J’ai déjà évoqué le problème de l’accès au droit des détenus en parlant de l’impossibilité de recourir à des moyens légaux de protestation sans risque de menaces ou de représailles. Cela dit, depuis vingt ans, l’accès au droit en détention a connu de grands progrès. Ainsi, grâce aux conseils départementaux d’accès au droit, chaque établissement est désormais doté d’un point d’accès au droit (PAD). Les avocats investissent les lieux de détention et interviennent auprès de quelque deux tiers des personnes déférées devant le prétoire – la commission de discipline de l’établissement. Depuis 2005, les délégués du Médiateur sont également présents. Ces avancées connaissent des limites : les PAD ne peuvent pas traiter des affaires pénales des détenus ; les avocats ne viennent que pour les affaires disciplinaires, et dans des conditions qui leur font mal connaître la détention. Si des progrès restent à faire, on ne saurait pourtant sous-estimer la principale avancée : le fait que l’on considère désormais normal qu’un détenu ait recours à un tiers pour l’aider.

Madame Lemaire, sans revenir sur le courrier et le téléphone – très surveillés –, je souhaite que les détenus puissent se servir d’Internet, même s’il est naturellement hors de question de leur permettre d’accéder à des sites qui leur donneraient les moyens de se livrer à des activités prohibées. En 2012, j’ai visité une prison de haute sécurité aux États-Unis, pays où l’on conçoit de tels lieux avec le plus grand sérieux : j’y ai vu une salle commune où se trouvait une table ronde munie de six claviers, les détenus étant libres de communiquer à volonté par messages avec leur famille. Je suis convaincu que les problèmes posés par la messagerie sont de même nature que ceux posés par le courrier. Rien n’interdit, techniquement, que le vaguemestre contrôle les échanges de messages électroniques. L’introduction de ce type de communication avec les familles constituerait un facteur d’apaisement considérable, sans aucun risque en matière de sécurité. Je souhaite donc vivement que les pouvoirs publics réagissent à bref délai à cette proposition.

Monsieur le président, à mes yeux, le délit d’entrave constitue plutôt un avantage. Comme la bombe nucléaire, il représente un instrument de dissuasion, et nous n’aurons sans doute pas besoin d’y recourir pour amener les personnes concernées – qui doivent rester raisonnables – à nous communiquer les documents auxquels la loi nous donne accès.

Pour conclure, j’aimerais que les forces de sécurité de ce pays aient un rapport simple et clair avec la loi.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le Contrôleur général, je vous remercie. La proposition de loi sera étudiée par la Commission le 26 février, et nous vous retrouverons à l’occasion de la séance de contrôle que le groupe SRC a prévue pour le 8 avril. Vous pourrez y répondre aux questions des parlementaires sur l’ensemble du travail effectué depuis 2007.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté au cours de sa séance du mercredi 26 février 2014.

Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale s’engage.

M. Sébastien Huyghe. Même si la discussion générale a déjà eu lieu, il ne me semble pas inutile, monsieur le président, de préciser à ce stade l’état de la réflexion des commissaires UMP.

« L'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics » : cette affirmation du préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 doit rester toujours présente à notre esprit.

Parce que la transparence et l'humanité sont au cœur de nos valeurs et de notre conception de la République, la précédente majorité a institué, par la loi du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante à laquelle a été confié le soin de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect des droits fondamentaux dont elles demeurent titulaires.

La République ne s'arrête pas aux portes des lieux privatifs de liberté : elle doit pouvoir rendre compte de ce qu'elle voit et de ce qu'elle fait. Elle doit, jusque dans ces lieux, s'assurer que sont respectés l’équité et les droits fondamentaux de ceux qu'elle a décidé d'isoler. Telles sont les exigences auxquelles obéissait notre texte. Il est à cet égard important de souligner que ce n'est pas un contrôle des lieux de privation de liberté que nous avons institué, mais bien un contrôleur. Conférer cette autorité à un homme – ou à une femme – contribue à l'humanisation des conditions de vie dans ces lieux d'enfermement.

En faisant entrer un regard extérieur dans un univers par nature isolé et en garantissant l'indépendance de ce regard, il s'agissait pour nous de prévenir d'éventuels abus. Oui, les lieux de privation de liberté sont, par nature, des lieux de violence, où s'exerce une coercition légitime, institutionnelle, qui doit néanmoins respecter certaines règles et le Contrôleur général a pour tâche de s'en assurer. Mais il existe aussi une violence non légitime entre les personnes privées de liberté ; c'est pourquoi il était – et demeure – impératif que soit levée la suspicion sur les conditions dans lesquelles ces personnes sont traitées. La loi de 2007 a donc permis un progrès sans précédent de l’État de droit, qui aurait tout à redouter du soupçon d'opacité auquel l'absence de contrôle exposerait le fonctionnement de ses institutions.

C'est à juste titre que nous n'avions pas souhaité limiter le champ de ce contrôle aux seuls établissements pénitentiaires, car la sanction pénale n'est pas la seule cause de privation de liberté : l’on peut également retenir quelqu'un contre sa volonté pour le protéger de lui-même et d'une fragilité qui le mettrait en danger à l'extérieur. Ainsi le législateur a étendu le champ de compétence du Contrôleur général à l'ensemble des lieux susceptibles d'accueillir des personnes privées de liberté par décision d'une autorité publique : des locaux de garde à vue jusqu'aux secteurs psychiatriques des établissements hospitaliers, en passant par les zones d'attente des aéroports et les centres de rétention administrative. Ces lieux qui n'ont pas les mêmes raisons d'être ont pourtant en commun d’être soumis à une exigence essentielle, à savoir celle d’y faire respecter la dignité humaine. Albert Camus a dit : « une société se juge à l'état de ses prisons » ; nous étions parvenus à étendre son constat éclairé à l'ensemble des lieux de privation de liberté.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous nous félicitons tous de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué cette fonction de Contrôleur général – bien que nous nous souvenions aussi des réserves émises à l’époque par le groupe SRC : celui-ci s’était abstenu lors du vote de ce texte, dans lequel il voyait un « objet juridique non identifié », source de confusion ; il avait regretté la création d'une énième autorité administrative indépendante, M. Jean-Jacques Urvoas déclarant qu’une « multiplication inconsidérée de tels démembrements de l'État [risquait] à terme de discréditer celui-ci ». L'opposition socialiste considérait alors que le Médiateur de la République pouvait parfaitement se voir confier les missions que notre projet attribuait au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Certains parlementaires de gauche, telle Mme Alima Boumediene-Thiery, allaient même jusqu'à dénoncer « un projet en trompe-l'œil », le préavis de visite revenant selon eux à « donner aux chefs d’établissement la possibilité de camoufler leurs propres carences et leurs propres négligences ».

Quoi qu'il en soit, je suis heureux de l'approbation unanime que recueille aujourd'hui cette fonction de Contrôleur général et il serait irresponsable de faire voler en éclats le consensus qui prévaut désormais sur le sujet !

Alors oui, au terme de cinq ans et demi d’application, il apparaît que la loi de 2007 peut encore être améliorée. Il convient d’abord de sanctionner les pressions dont peuvent être victimes les interlocuteurs du Contrôleur général. En effet, les représailles ne s'exercent pas seulement à l'encontre des personnes détenues : les personnels des lieux de privation de liberté peuvent eux-mêmes en être la cible de la part de leur hiérarchie. Nous sommes donc favorables aux mesures susceptibles de libérer leur parole.

De même, il apparaît nécessaire de consolider l'autorisation donnée aux collaborateurs du Contrôleur général de mener leurs enquêtes au nom de ce dernier, et de leur faciliter l’accès aux interlocuteurs comme aux documents nécessaires.

La plupart des dispositions de cette proposition de loi me semblent donc opportunes.

Cependant, plusieurs interrogations demeurent. Tout d'abord, j’estime qu’il n’est pas pertinent d’étendre le contrôle exercé par le Contrôleur général à l'exécution des mesures d'éloignement prononcées à l’encontre d'étrangers en situation irrégulière jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination. En effet, une telle disposition me semble excéder la portée de la directive européenne censée la justifier, notamment s'agissant des ressortissants de l'Union européenne et ce, d'autant que le Contrôleur général peut déjà contrôler les zones d'attente et les centres de rétention administrative. De plus, les personnes concernées par les procédures d'éloignement peuvent déjà bénéficier de prescriptions médicales prohibant le voyage en avion pour des raisons de santé. Enfin, ces mêmes personnes ne passent que quelques minutes dans l'espace aérien français avant de rejoindre l'espace aérien international, ce qui pose la question de la pertinence territoriale du contrôle comme l’a relevé Philippe Goujon. Mme la rapporteure a elle-même souligné les difficultés pratiques d'application d'un tel dispositif et le manque de moyens financiers et humains dont s’est plaint le Contrôleur général ne peut que renforcer ce diagnostic. C'est la raison pour laquelle je défendrai un amendement supprimant un dispositif dont l'effectivité ne peut raisonnablement être garantie.

Notre seconde réserve porte sur la publication obligatoire des avis, recommandations et propositions du Contrôleur général, ainsi que sur la proposition de lui donner accès aux procès-verbaux de garde à vue, à l’exception du contenu des auditions. Je partage sur ce dernier point aussi le sentiment de mon collègue Philippe Goujon : une telle disposition est de nature à aggraver le formalisme au détriment de l'enquête. S’agissant du premier point, je relève que le Contrôleur général a déjà la faculté de publier ses avis et l'utilise d'ailleurs systématiquement. Rendre cette pratique obligatoire introduirait une rigidité excessive.

J'espère que nos réserves seront entendues et que le bon sens primera sur les calculs partisans. Il va de soi que si nos amendements étaient adoptés, nous voterions ce texte.

M. Jacques Bompard. Je suis ravi de rompre, chers collègues, votre unanimité : je suis hostile à la fonction de Contrôleur général ! Elle ajoute en effet aux strates existantes alors que l’administration pénitentiaire dispose de compétences qu’il lui appartient d’exercer et qu’au surplus, le Médiateur de la République pourrait tout à fait assumer le rôle dévolu à cette énième autorité.

Je suis opposé aussi à ce que l’on confère au Contrôleur général une compétence en matière de renvoi des étrangers. Il entre beaucoup d’étrangers dans notre pays mais il en sort très peu, et l’on voudrait rendre plus difficile encore leur éloignement ? Je ne peux que déplorer une disposition qu’un référendum balaierait très certainement !

Au total, il s’agit ici d’une loi de trop.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A
(art. 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Extension du champ de compétence du Contrôleur général des lieux
de privation de liberté au contrôle de l’exécution des mesures
d’éloignement des étrangers

Issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de sa rapporteure, Mme Catherine Tasca, l’article 1er A a pour objet d’étendre la compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au contrôle de l’exécution des mesures d’éloignement des étrangers.

La compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) est définie par l’article 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté : « Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux. »

Cette définition de la compétence rationae materiae du CGLPL lui permet de visiter tous les lieux dans lesquels des personnes sont privées de liberté, à savoir les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue et de retenue douanière, les dépôts ou geôles de tribunaux, les établissements de santé accueillant des personnes hospitalisées sans leur consentement, les centres éducatifs fermés, les centres ou lieux de rétention administrative ainsi que les zones d’attente des aéroports. Elle lui permet également d’exercer son contrôle sur les conditions de « transfèrement » des personnes privées de liberté, c’est-à-dire sur les conditions dans lesquelles elles sont transportées d’un lieu de privation de liberté vers un autre, par exemple d’un établissement pénitentiaire vers un autre établissement pénitentiaire, une juridiction ou un établissement de santé, d’un service de police vers un autre service de police ou vers une juridiction, ou encore d’un établissement de soins psychiatriques vers un autre établissement de santé.

Cependant, comme l’a souligné Mme Catherine Tasca dans son rapport, le CGLPL est compétent pour contrôler le respect des droits fondamentaux des personnes placées en zones d’attente ou en centres de rétention administrative, ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont transférées du lieu où elles sont retenues vers une juridiction ou un établissement de soins, par exemple. Mais « sa compétence s’arrête aux portes de ces établissements » (22) lorsqu’une mesure d’éloignement du territoire français a été prononcée, le Contrôleur général ne pouvant pas exercer son contrôle sur les conditions dans lesquelles est exécutée cette mesure.

Or, après le vote de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, l’article 8, § 6, de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 (23), dite directive « retour », a fait obligation aux États membres de prévoir un « système efficace de contrôle du retour forcé ». Si un contrôle sur les conditions du retour forcé d’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement par les inspections générales de la police nationale ou de la gendarmerie nationale est, certes, envisageable, ce contrôle ne présente pas les mêmes garanties d’indépendance que celles que pourrait présenter celui exercé par le CGLPL.

L’article 1er A de la proposition de loi comble cette lacune de la loi du 30 octobre 2007 en complétant le premier alinéa de son article 1er par une nouvelle phrase prévoyant que le CGLPL « exerce, aux mêmes fins [de contrôle du respect de leurs droits fondamentaux], le contrôle de l’exécution par l’administration des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre d’étrangers jusqu’à leur remise aux autorités de l’État de destination ». Cette disposition permettra au CGLPL et à ses contrôleurs de s’assurer, dans les moyens de transport utilisés pour reconduire des étrangers hors de France, qu’aucune atteinte n’est portée à leurs droits fondamentaux, en particulier à leur intégrité physique et à leur dignité.

Bien que la directive « retour » ne soit applicable qu’aux ressortissants de pays tiers à l’Union européenne (24), le texte adopté par le Sénat ne limite pas le contrôle pouvant être exercé par le CGLPL à ces seuls ressortissants, mais prévoit qu’il est applicable à toute mesure d’éloignement d’étrangers, y compris s’ils sont citoyens de l’Union européenne. Lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique, la rapporteure de la commission des Lois du Sénat a justifié ce champ d’application élargi par rapport à la directive « retour » par un « souci de cohérence de notre droit » : « nous avons estimé que cette extension de compétence ne devrait pas être limitée aux éloignements vers les pays tiers à l’Union européenne, comme y aurait conduit une interprétation stricte de la directive "retour", et nous l’avons prévue pour l’ensemble des mesures d’éloignement exécutées par les autorités françaises, y compris vers des pays membres de l’Union européenne » (25).

Les représentants des syndicats de la police nationale entendus par votre rapporteure ont souligné le caractère sensible des mesures d’éloignement forcé et la difficulté qu’elles pouvaient fréquemment présenter pour les fonctionnaires en charge de leur exécution. Si le syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI) s’est inquiété d’un risque d’instrumentalisation de la présence des contrôleurs du CGLPL par les personnes faisant l’objet de la mesure d’éloignement, qui pourraient être tentées de provoquer des incidents, le syndicat Unité SGP-Police FO a, quant à lui, estimé que cette présence pourrait, au contraire, être un élément positif qui permettrait d’améliorer les procédures mises en œuvre, grâce au signalement par une autorité extérieure et indépendante des dysfonctionnements organisationnels.

Lors de son audition par votre rapporteure, M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a indiqué que la mise en œuvre concrète de cette nouvelle disposition supposait la définition de modalités pratiques d’information entre le ministère de l’Intérieur et lui-même, afin de lui permettre d’être informé suffisamment à l’avance de l’organisation des retours d’étrangers, tout en garantissant le caractère inopiné du contrôle.

Le directeur général des étrangers en France, M. Luc Derepas, a indiqué à votre rapporteure que l’extension de la compétence du CGLPL aux retours forcés d’étrangers non communautaires était nécessaire pour faire cesser la situation de manquement à la directive « retour » dans laquelle se trouve la France depuis le 24 décembre 2010, date limite de transposition de cette directive. Néanmoins, il a émis des réserves sur la possibilité que ce contrôle soit assuré pour les mesures d’éloignement forcé ayant lieu à l’intérieur de l’Union européenne, faute d’un temps suffisant permettant d’informer le CGLPL de la mise à exécution d’une mesure d’éloignement. Il a fait valoir que ces mesures d’éloignement à l’intérieur de l’Union européenne donnaient lieu à des procédures simplifiées, généralement très rapides et décidées de façon déconcentrée directement par les préfectures (26), soit dans le cadre de l’accord dit « Dublin II » (27), soit dans le cadre des accords de réadmission.

L’accord « Dublin II » a pour objet de déterminer quel État membre de l’Union européenne est responsable de l’instruction d’une demande d’asile lorsqu’un demandeur d’asile a circulé ou séjourné sur le territoire de plusieurs États membres. Il permet à un État membre sur le territoire duquel se trouve un demandeur d’asile d’obtenir la reprise en charge de cette personne par l’État membre responsable de l’instruction de la demande et de le reconduire à la frontière de cet État.

Les accords de réadmission sont, quant à eux, des conventions entre États, qui font obligation à chacun d’eux d’accepter de recevoir des personnes – qu’elles soient ou non ses ressortissants – qui viennent de franchir illégalement la frontière d’un État et font l’objet d’une décision de reconduite immédiate à la frontière de l’État de provenance.

Lorsque la reconduite à la frontière dans le cadre de l’accord « Dublin II » ou d’une réadmission a lieu avec un État limitrophe de la France et alors que la personne concernée a franchi la frontière peu de temps avant, sa reconduite est réalisée, par voie terrestre, par les services de police ou de gendarmerie qui l’ont interpellée. À la différence des mesures d’éloignement réalisées en avion, ces mesures sont réalisées sans planification préalable.

Lors de son audition par la commission des Lois le 12 février 2014, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a estimé que le contrôle susceptible d’être exercé sur les mesures d’éloignement réalisées par voie terrestre ne pourrait, certes, pas être planifié à l’avance, mais qu’il pourrait néanmoins s’exercer de façon effective par des visites dans les locaux de police dans lesquels sont retenues les personnes avant leur reconduite à la frontière.

*

* *

La Commission étudie l’amendement CL1 de M. Sébastien Huyghe. 

M. Sébastien Huyghe. Il a été défendu.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer un article nécessaire pour mettre notre droit en conformité avec la directive du 16 décembre 2008 sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Celle-ci nous impose de prévoir un « système efficace de contrôle du retour forcé » ; or il n’existe en France aucun contrôle indépendant des mesures d’éloignement. Cette directive devait être transposée au plus tard à la fin de l’année 2010 et notre pays se trouve donc exposé à un recours en manquement depuis plus de trois ans.

Monsieur Huyghe, lorsque j’évoquais, lors de l’audition de M. Delarue, des difficultés de mise en œuvre, je ne visais pas les mesures d’éloignement exécutées de façon planifiée et gérées de manière centralisée par le ministère de l’Intérieur dont le Contrôleur général pourra facilement être informé à l’avance, mais les mesures d’éloignement simplifiées, en particulier les réadmissions, décidées par les préfectures et qui sont souvent exécutées par voie terrestre – cependant, M. Delarue nous a indiqué que ces mesures pourraient faire l’objet d’un contrôle à l’occasion de visites dans des zones frontalières.

Certes, le nombre de contrôles effectués sur les lignes aériennes sera nécessairement limité, pour des raisons budgétaires, mais cela ne constitue pas une raison suffisante pour refuser d’en prévoir la possibilité. Le représentant d’un syndicat de policiers a même jugé, lors de son audition, que ces contrôles permettraient d’améliorer les procédures grâce au signalement, par une autorité extérieure et indépendante, d’éventuels dysfonctionnements.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

M. Guillaume Larrivé. Je ne suis pas convaincu que la directive sur le retour nous impose cette extension de compétence ; lorsque ce texte a été négocié par la précédente majorité, il n’a jamais été question d’imposer une forme de contrôle supplémentaire des mesures d’éloignement. D’ailleurs, le Conseil d’État n’a jamais appelé l’attention du Gouvernement, à l’occasion des divers projets de loi sur l’immigration adoptés depuis 2008, sur la nécessité de transposer en ce sens la directive et l’actuel Gouvernement n’avait pas davantage prévu un tel article, que nous devons uniquement à un amendement sénatorial.

Cet article repose sur une défiance à l’égard des fonctionnaires de la police aux frontières (PAF), notamment de l’unité spécialisée dans l’éloignement par avion des étrangers en situation irrégulière. Cette unité, respectable et déjà très contrôlée par l’inspection générale de la police nationale, applique la loi de la République dans le respect des droits des migrants. Il n’y a donc pas lieu de rajouter un contrôle qui ne pourra qu’être mal reçu par la police nationale. J’aurais d’ailleurs été heureux que le ministre de l’Intérieur s’exprimât sur cet article.

Je voterai avec enthousiasme l’amendement de M. Sébastien Huyghe. 

M. Philippe Goujon. Le Sénat est en effet allé au-delà de ce qu’exigeait la directive de 2008. En outre, comme il a été dit, le Contrôleur général peut déjà contrôler les zones d’attente et les centres de rétention administrative.

M. Delarue a reconnu que ses moyens humains et financiers l’avaient contraint, en 2013, à restreindre ses déplacements et à renoncer aux contrôles outre-mer ; dans le contexte budgétaire actuel, la création d’un nouveau contrôle ne peut qu’aggraver cette difficulté.

Inopérante en pratique, cette disposition ferait en outre peser un risque juridique sur les procédures existantes. Le Contrôleur général nous a d’ailleurs confié que le ministre de l’Intérieur craignait que le contrôle prévu ne se révèle impossible dans les faits et que la saisine d’un juge des libertés et de la détention par l’étranger concerné par la mesure d’éloignement ne conduise à l’annulation de celle-ci.

M. Éric Ciotti. La directive européenne n’impose en aucun cas un contrôle comme celui que le Sénat a souhaité introduire dans la loi. Il ne pourrait être assuré et il limiterait considérablement le nombre des éloignements du territoire, voire les interromprait, alors que ceux-ci ont atteint – hors Union européenne – un niveau historiquement bas : il n’y en a eu qu’un peu plus de 5 000 en 2013, signe du peu de détermination du Gouvernement à combattre l’immigration illégale.

Comme l’a dit Guillaume Larrivé, instituer un tel contrôle constituerait un message de grande défiance à l’égard de la police, qui remplit des missions complexes dans des conditions difficiles.

J’ajoute que les éloignements opérés par voie aérienne sont déjà soumis au contrôle du commandant de bord, qui s’y oppose souvent. Cela constitue déjà un contrôle de fait sur les conditions de ces éloignements.

Le Sénat a donc voté une disposition totalement inopportune et le bon sens commanderait par conséquent d’adopter cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er A sans modification.

Article 1er B (nouveau)
(art. 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Possibilité pour les députés européens élus en France de saisir
le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Issu de l’adoption, par la commission des Lois, avec l’avis favorable de votre rapporteure, d’un amendement de MM. Sergio Coronado et Paul Molac, l’article 1er B a pour objet de permettre aux députés européens élus en France de saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).

L’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 permet au Premier ministre, aux membres du Gouvernement, aux membres du Parlement et au Défenseur des droits de saisir le CGLPL. Pour les députés ou sénateurs, ce droit de saisine du CGLPL complète et prolonge leur droit de visite des différents lieux de privation de liberté que leur reconnaît la loi. En effet, ceux-ci sont autorisés à visiter « à tout moment » les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue, les centres de rétention et les zones d’attente depuis une loi de 2000 (28), ainsi que les établissements de soins sans consentement depuis une loi de 2013 (29). S’ils constatent, lors de leurs visites de ces lieux, des situations qui leur paraissent susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, la saisine du CGLPL est l’une des suites possibles qu’ils peuvent donner à ce constat.

Or, les députés européens élus en France disposent du même droit de visite des lieux de privation de liberté que les parlementaires nationaux, depuis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 s’agissant des établissements pénitentiaires, des locaux de garde à vue, des centres de rétention et des zones d’attente, et, pour les lieux d’hospitalisation sans consentement, depuis l’origine de l’ouverture de ce droit aux parlementaires français en 2013 (30). Dès lors que les parlementaires européens élus en France ont les mêmes droits de visite des lieux de privation de liberté que les parlementaires nationaux, il est logique qu’ils puissent également saisir le CGLPL.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL4 de M. Sergio Coronado.

M. Paul Molac. Cet amendement tire les conséquences de l’article 95 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui a modifié l’article 719 du code de procédure pénale, ainsi que de la loi du 27 septembre 2013, relative aux soins psychiatriques. En effet, les représentants au Parlement européen élus en France peuvent dorénavant visiter les lieux de privation de liberté que sont les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente, les établissements pénitentiaires et ceux qui accueillent des personnes soignées sans leur consentement. Dès lors, il paraît logique qu’ils puissent eux aussi saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Mme la rapporteure. Avis favorable : les parlementaires européens disposant des mêmes droits de visite que les parlementaires nationaux, il est normal qu’ils jouissent du même droit de saisir le Contrôleur général.

La Commission adopte l’amendement.

Article 1er
(art. 6-1 [nouveau], 8 et 8-1 A [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Clarification des conditions d’exercice des enquêtes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté – Élargissement du champ des informations susceptibles d’être recueillies et des personnes pouvant être sollicitées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

L’article 1er a un double objet. D’une part, il vise à clarifier les conditions d’exercice des enquêtes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) sur des faits précis qui lui sont signalés. D’autre part, il élargit le champ des informations susceptibles d’être recueillies et des personnes pouvant être sollicitées par le CGLPL.

1.  Clarification des conditions d’exercice des enquêtes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

L’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté donne la possibilité à cette autorité et à ses contrôleurs de « visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d’une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement ». Cet article encadre les visites de contrôle dont l’objet est, pour le CGLPL, de s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté dans l’ensemble d’un établissement.

À côté de ces visites de contrôle, le CGLPL réalise également des enquêtes, portant sur des faits particuliers dont il a pu être informé, en vertu de l’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, par « [t]oute personne physique, ainsi que toute personne morale s’étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux ». Depuis sa création, le CGLPL a reçu un nombre croissant de saisines – 192 en 2008 (pour quatre mois d’activité), 1 272 en 2009, 3 276 en 2010, 3 788 en 2011, 4 107 en 2012 et 4 116 en 2013 (31)  – auxquelles il s’est efforcé d’apporter systématiquement une réponse.

Mais, comme l’a noté la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, « la procédure applicable aux suites éventuelles données par le Contrôleur général à ces saisines ne fait pas l’objet de dispositions législatives particulières ». Or, si les enquêtes « [se] distinguent par leur objet [des visites de contrôle], les enquêtes sur place se réalisent en principe dans les mêmes conditions et en vertu des mêmes prérogatives que celles exercées dans le cadre des contrôles, conformément à l’intention du législateur de 2007, qui n’a pas entendu traiter différemment ces deux démarches ». Cependant, « [d]es difficultés pratiques ou des incertitudes ont (…) pu être soulevées et justifient une clarification du cadre juridique dans lequel se déroulent ces enquêtes » (32).

Le III de l’article 1er de la proposition de loi a pour objet d’apporter cette clarification du cadre juridique des enquêtes menées par le CGLPL, en insérant dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 6-1 qui donne une consécration législative aux pratiques développées par le Contrôleur général. Dans le texte adopté par le Sénat, ce nouvel article 6-1 définissait les pouvoirs du CGLPL dans le cadre de ces enquêtes, sans cependant prévoir exactement les mêmes prérogatives que celles dont il dispose dans le cadre des visites. Dans un souci d’harmonisation des prérogatives du CGLPL quel que soit son cadre d’intervention, la Commission a, sur l’initiative de votre rapporteure, adopté un amendement modifiant l’ordonnancement des articles de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 afin de garantir que le CGLPL ait les mêmes prérogatives dans le cadre des visites de contrôle et des enquêtes. Ainsi, dans le texte adopté par la Commission, la possibilité de réaliser des enquêtes sera prévue dans le nouvel article 6-1 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, la possibilité d’effectuer des visites figurera à son article 8 et l’ensemble des règles communes à ces deux procédures figurera dans un nouvel article 8-1 A. Cet article 8-1 A reprend le texte des quatre derniers alinéas de l’actuel article 8, en y intégrant les modifications du texte adopté par le Sénat.

Le premier alinéa du nouvel article 6-1 prévoit que la personne physique ou morale qui porte à la connaissance du CGLPL des faits ou des situations « lui indique, après avoir mentionné ses identité et adresse, les motifs pour lesquels, à ses yeux, une atteinte ou un risque d’atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté est constitué ».

Le deuxième alinéa confère expressément au CGLPL, saisi par une personne physique ou morale sur le fondement de l’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, la faculté de procéder à des enquêtes : « Lorsque les faits ou situations portés à sa connaissance relèvent de ses attributions, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut procéder à des vérifications, éventuellement sur place. » Le texte initial de cet alinéa de la proposition de loi prévoyait que le CGLPL avait la faculté de procéder à ces enquêtes lorsqu’il « estim[ait] que les faits ou situations portées à sa connaissance rel[evaient] de ses attributions ». Cette formulation a, sur une initiative de M. Jean-René Lecerf ayant reçu des avis favorables du Gouvernement et de la commission des Lois du Sénat, été remplacée par la formulation citée précédemment, afin de « supprimer la part de subjectivité que la rédaction initiale semblait laisser au Contrôleur général dans la mise en œuvre de ses missions » (33).

Dans le texte adopté par le Sénat, le troisième alinéa prévoyait que les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne pourraient s’opposer à ces vérifications sur place que pour les mêmes motifs que ceux prévus pour les visites de contrôle, tandis que le quatrième alinéa faisait obligation à toute personne sollicitée « d’apporter, dans le délai fixé par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, toute information en sa possession ». L’amendement adopté par la Commission a supprimé ces deux alinéas de l’article 6-1, les prérogatives du CGLPL – tant dans le cadre des enquêtes que dans celui des visites – étant définies au nouvel article 8-1 A (34) .

Enfin, le dernier alinéa – cinquième dans le texte adopté par le Sénat, troisième dans le texte adopté par la Commission – donne au CGLPL, à l’issue de ses vérifications et après avoir recueilli les observations de toute personne intéressée, la faculté de « formuler des recommandations relatives aux faits ou situations en cause à la personne responsable du lieu de privation de liberté ». Il permet également que ces observations et ces recommandations soient rendues publiques mais dans le respect des conditions prévues à l’article 5 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007. Ainsi, seuls pourront être publiés les éléments nécessaires à l’élaboration des recommandations, sans « qu’aucune mention permettant l’identification des personnes concernées par le contrôle ne soit faite ».

Dans le texte initial de la proposition de loi, son article 1er comportait également des paragraphes I et II, qui modifiaient les articles 4 et 5 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 afin de mentionner dans la loi les « chargés d’enquête », aux côtés des « contrôleurs » et des « collaborateurs » du CGLPL. Ces deux paragraphes ont été supprimés par la commission des Lois du Sénat, sur l’initiative conjointe de sa rapporteure, Mme Catherine Tasca, et de Mme Esther Benbassa, aux motifs que « le fait de mentionner concomitamment dans la loi l’existence de "contrôleurs" et de "chargés d’enquête" sans davantage de précisions semble indiquer que leur statut, leurs prérogatives et leurs obligations respectives pourraient être différents » et que « l’introduction d’une distinction, dans la loi, entre contrôleurs et chargés d’enquête [conduirait] à rigidifier excessivement le fonctionnement du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, alors qu’aujourd’hui, des contrôleurs peuvent se voir confier la réalisation d’enquêtes et qu’inversement des chargés d’enquête peuvent être amenés à participer à des visites dans le cadre d’un contrôle » (35).

2.  Élargissement du champ des informations susceptibles d’être recueillies et des personnes pouvant être sollicitées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Dans le texte adopté par le Sénat, le IV de l’article 1er de la proposition de loi comportait plusieurs modifications de l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 destinées à améliorer l’efficacité des contrôles qu’il mène. Dans un souci de rationalisation de l’ordonnancement des articles de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur réécrivant le IV de l’article 1er de la proposition de loi, qui désormais supprime les quatre derniers alinéas de l’article 8 de cette loi relatifs aux prérogatives du CGLPL, lesquels sont transférés dans un nouvel article 8-1 A créé par le V. Dorénavant, l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 ne comprendra plus qu’un seul alinéa – son actuel premier alinéa – permettant au CGLPL de visiter tout lieu privatif de liberté.

Le V de l’article 1er, dans le texte adopté par la Commission, crée un nouvel article 8-1 A dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 qui regroupe l’ensemble des prérogatives du CGLPL, qu’il intervienne dans le cadre d’une visite générale ou dans celui d’une enquête faisant suite à une saisine individuelle. Cet article reprend, sans en modifier le contenu autrement que pour l’adapter à la reconnaissance légale des enquêtes, le deuxième alinéa de l’actuel article 8 relatif aux motifs pouvant justifier que les autorités responsables d’un lieu de privation de liberté s’opposent à une visite ou à des vérifications sur place (36), ainsi que le cinquième alinéa de cet article qui permet au CGLPL de déléguer ses pouvoirs aux contrôleurs.

En revanche, il apporte plusieurs modifications aux prérogatives du CGLPL. Tout d’abord, il donne au CGLPL la possibilité d’entendre toute personne susceptible de l’éclairer et de recueillir toute information qui lui paraît utile (a). Il lui permet, ensuite, d’accéder aux procès-verbaux de garde à vue ou de toute retenue subie dans un local de police, de gendarmerie ou de douane, dès lors qu’ils ne portent pas sur des auditions de personnes (b). Enfin, il prévoit la possibilité, pour les contrôleurs ayant la qualité de médecin, d’accéder à des données couvertes par le secret médical (c).

a.  Possibilité pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’entendre toute personne susceptible de l’éclairer et de recueillir toute information qui lui paraît utile

Le troisième alinéa de l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 dispose que le CGLPL « obtient des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission ». Or, comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, d’autres personnes que les seules autorités responsables du lieu visité peuvent détenir des informations utiles au CGLPL dans l’exercice de sa mission, tels que les « gestionnaires privés qui, dans une cinquantaine d’établissements pénitentiaires en gestion déléguée, sont responsables des fonctions d’intendance et de logistique telles que la restauration, l’hôtellerie, la cantine, le transport, la maintenance, le nettoyage, l’accueil des familles, la restauration du personnel ainsi que les missions de travail et de formation professionnelle » (37).

De même, alors que l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 limite actuellement la possibilité d’obtenir des informations ou pièces à celles détenues par les autorités responsables du lieu visité, des informations dont disposent d’autres personnes peuvent être utiles pour éclairer le CGLPL sur la situation dans l’établissement visité, telles que des données de fichiers informatiques collectées par des prestataires extérieurs.

Le deuxième alinéa du nouvel article 8-1 A – qui reprend l’actuel troisième alinéa de l’article 8, en y intégrant les modifications qu’y apportait le 1° du IV de l’article 1er de la proposition de loi adoptée par le Sénat – remédie à ces deux lacunes. D’une part, il étend l’obligation de transmettre au CGLPL toute information ou pièce utile à « toute personne susceptible de l’éclairer ». D’autre part, il autorise le CGLPL à « recueillir toute information qui lui paraît utile » dans le cadre des visites et des vérifications sur place, quand bien même elle ne serait pas détenue par les autorités responsables du lieu visité ou concerné par les vérifications.

b.  Accès aux procès-verbaux de garde à vue ou de toute retenue dans un local de police, de gendarmerie ou de douane ne portant pas sur des auditions de personnes

Le I de l’article 64 du code de procédure pénale prévoit que, lors d’une mesure de garde à vue, un procès-verbal doit être établi pour attester des conditions de déroulement matériel de la garde à vue et de la bonne notification à la personne gardée à vue de ses droits. Doivent ainsi être retracées par ce procès-verbal :

—  les « motifs justifiant le placement en garde à vue » (1°) ;

—  la « durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions, les heures auxquelles elle a pu s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent » (2°) ;

—  « les auditions de la personne gardée à vue effectuées dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue » (3°) ;

—  les « informations données et les demandes faites en application des articles 63-2 à 63-3-1 et les suites qui leur ont été données » (4°) ; ces mentions permettent de s’assurer que la personne a bien été informée de son droit à faire prévenir un proche (article 63-2 du code de procédure pénale), de son droit à être examinée par un médecin (article 63-3) et de son droit à être assistée par un avocat (article 63-3-1) et qu’il a bien été donné suite, dans les délais prévus par la loi, à ses demandes ;

—  le déroulement éventuel d’une fouille intégrale ou d’investigations corporelles internes (5°).

Le II du même article 64 du code de procédure pénale prévoit que les « mentions et émargements prévus aux 2° et 5° du I concernant les dates et heures du début et de fin de garde à vue et la durée des auditions et des repos séparant ces auditions ainsi que le recours à des fouilles intégrales ou des investigations corporelles internes » figurent également sur un registre spécial, tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue.

Le quatrième alinéa de l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 exclut l’accès du CGLPL aux informations couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction. Dans certaines situations ponctuelles, ce secret a pu être invoqué par certains officiers de police judiciaire pour s’opposer à la consultation par le CGLPL de procès-verbaux de garde à vue relatifs au déroulement de la mesure et à la notification des droits, alors que ces procès-verbaux – à la différence de ceux concernant les auditions, mentionnés à l’article 63-4-1 du code de procédure pénale – ne contiennent pas d’informations susceptibles de porter atteinte au secret de l’enquête ou de l’instruction (38).

L’accès par le CGLPL aux informations figurant dans les procès-verbaux relatifs au déroulement de la mesure et à la notification des droits est indispensable pour lui permettre d’exercer pleinement sa mission de contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Il l’est d’autant plus que, comme le relève la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, « les registres spéciaux tenus dans les locaux de police ou de gendarmerie sont souvent incomplets » (39). Lors de l’examen du projet de loi sur la garde à vue, le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, notre collègue Philippe Gosselin, avait également souligné « le contrôle que les parquets sont en mesure d’exercer [sur le déroulement des mesures de garde à vue] est rendu difficile par une tenue des registres que le Contrôleur général qualifie de "variable selon les services" » (40). Du reste, le registre spécial ne comprend que les mentions prévues aux 2° et 5° du I de l’article 64, mais pas celles prévues au 1°, 3° et 4° de ce même I relatives, respectivement, aux motifs justifiant le placement en garde à vue (mentions permettant d’apprécier si la garde à vue a bien été ordonnée dans un cas où la loi la permet), au déroulement d’auditions dans une autre procédure (mentions nécessaires pour s’assurer que les temps de repos de la personne ont été suffisants) et à la notification des droits.

Si le secret de l’enquête pouvait être opposé au CGLPL pour l’accès à ces procès-verbaux, celui-ci ne serait pas en mesure de vérifier, par exemple, si la personne gardée à vue a été informée de son droit à être assistée par un avocat et si un avocat a bien été contacté, ce qui serait bien évidemment totalement contraire à la volonté du législateur de permettre au Contrôleur général d’exercer un contrôle effectif sur le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

Afin de lever toute incertitude sur la possibilité pour le CGLPL d’accéder aux procès-verbaux de déroulement de la garde à vue, le 3° du IV de l’article 1er de la proposition de loi, dans le texte adopté par le Sénat, complétait l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 par un alinéa prévoyant que les « procès-verbaux de garde à vue, lorsqu’ils ne sont pas relatifs aux auditions des personnes lui sont communicables ».

Sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a élargi la rédaction de cet alinéa, afin de permettre au CGLPL d’accéder non seulement aux procès-verbaux de déroulement de la garde à vue, mais aussi à tous les procès-verbaux équivalents devant être établis dans le cadre d’autres mesures privatives de liberté effectuées sous la responsabilité de la police, de la gendarmerie ou de la douane, telles que la retenue pour vérification du droit au séjour, la rétention pour vérification d’identité, la retenue des mineurs âgés de dix à treize ans ou encore la retenue douanière (41). Plutôt que de chercher à énumérer l’ensemble de ces mesures, au risque d’en oublier certaines, le texte adopté par la Commission permet au CGLPL d’obtenir communication de tout procès-verbal relatif « aux conditions dans lesquelles une personne est ou a été retenue, quel qu’en soit le motif, dans des locaux de police, de gendarmerie ou de douane », hormis ceux relatifs aux auditions, comme le prévoyait déjà le texte adopté par le Sénat.

c.  Possibilité pour les contrôleurs ayant la qualité de médecin d’accéder à des données couvertes par le secret médical

Le quatrième alinéa de l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 exclut la possibilité pour le CGLPL d’accéder à des informations couvertes par le secret médical. Les cinq années d’expérience acquises depuis la création du CGLPL ont montré que cette interdiction absolue pouvait, dans certaines situations, limiter l’effectivité du contrôle du respect des droits fondamentaux pouvant être exercé.

Dans le cadre de la discussion de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, la question du secret médical avait été soulevée, plusieurs amendements parlementaires ayant proposé de permettre au CGLPL, à certaines conditions, d’accéder à des informations couvertes par ce secret. Les deux rapporteurs du projet de loi, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, avaient souligné que l’opposabilité du secret médical pourrait limiter la portée du contrôle, notamment dans le cadre de la visite des établissements psychiatriques (42). En effet, l’expérience antérieure des visites en France du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) (43) avait déjà révélé que les difficultés parfois rencontrées par les contrôleurs de ce Comité pour accéder à des informations couvertes par le secret médical réduisaient l’effectivité du contrôle. Cependant, le Gouvernement s’était opposé aux amendements visant à permettre au CGLPL d’accéder aux informations couvertes par le secret médical, Mme Rachida Dati, alors garde des Sceaux, ayant fait valoir que ce secret était « un droit du patient » et que si « un détenu considère qu’il y a eu des maltraitances, qu’il est mal soigné ou qu’on lui a caché une pathologie, il pourra donner lui-même au Contrôleur les informations de son dossier médical, dont il est le détenteur » (44) .

Relevant, d’une part, que « la question de l’opposabilité du secret médical à l’autorité indépendante chargée de prévenir les mauvais traitements et les atteintes aux droits fondamentaux ne se pose pas dans les États européens qui se sont dotés d’une telle autorité », et que, d’autre part, la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits a prévu la possibilité pour cette autorité d’accéder, dans certaines conditions, à des données couvertes par le secret médical, la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, a estimé qu’une évolution de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 sur la question du secret médical était nécessaire (45). En outre, le secret médical ne peut être opposé aux membres du CPT, comme le confirme une réponse que lui a adressée le Gouvernement français le 16 décembre 2003 qui prévoit que, en cas d’accord de la personne concernée, toutes les informations couvertes par le secret médical sont accessibles à tous les membres du CPT, et que, en l’absence de consentement de cette personne, l’accès à ces informations a lieu par l’intermédiaire des médecins de l’Inspection générale des affaires sociales.

Le texte adopté par le Sénat prévoyait, ainsi, d’une part, de supprimer l’opposabilité du secret médical actuellement prévue par le quatrième alinéa de l’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 (2° du IV), et, d’autre part, de définir les modalités d’accès par le CGLPL à des informations couvertes par le secret médical (dernier alinéa du 3° du IV). Il prévoyait que les informations couvertes par le secret médical pourront être communiquées, « avec l’accord de la personne concernée, aux contrôleurs titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre permettant l’exercice en France de la profession de médecin ». Toutefois, les informations couvertes par le secret médical pourront être communiquées « sans le consentement de la personne concernée lorsqu’elles sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou sur une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».

Comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, cette disposition est directement inspirée de l’article 20 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, dont le troisième alinéa dispose :

« Les informations couvertes par le secret médical ou par le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client ne peuvent lui être communiquées qu’à la demande expresse de la personne concernée. Toutefois, les informations couvertes par le secret médical peuvent lui être communiquées sans le consentement de la personne concernée lorsqu’elles sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. »

Néanmoins, la rédaction du texte adopté par le Sénat se distingue, sur deux points, de l’article 20 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.

Premièrement, l’accès à des données couvertes par le secret médical n’est possible, pour le Défenseur des droits, qu’à la demande expresse de la personne concernée, alors que la proposition de loi adoptée par le Sénat subordonne cet accès, pour le CGLPL, à l’accord de la personne. Cette différence résulte d’une modification apportée par la commission des Lois du Sénat, sur l’initiative de sa rapporteure, à la proposition de loi initiale, qui utilisait ces mêmes termes de « demande expresse ». Mme Catherine Tasca a justifié cet assouplissement de la formulation en faisant valoir que « l’exigence d’une "demande expresse" de la personne présentait sans doute un risque de rigidité excessive et, dans certains lieux de privation de liberté, pourrait attirer inutilement l’attention sur les démarches entreprises par l’intéressé auprès du Contrôleur général » (46).

Deuxièmement, le texte adopté par le Sénat pour le CGLPL limite l’accès aux données couvertes par le secret médical aux contrôleurs ayant la qualité de médecin, une telle restriction n’étant pas prévue pour le Défenseur des droits. Cette limitation ne figurait pas dans le texte initial de la proposition de loi et résulte également de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de sa rapporteure, Mme Catherine Tasca. À l’appui de cette modification, celle-ci a indiqué que les professionnels de santé qu’elle avait entendus avaient « fait part de leurs réticences face à ces dispositions qui ouvriraient à des personnes n’appartenant pas au corps médical la possibilité d’accéder à certaines informations couvertes par le secret médical » et « souligné les difficultés de positionnement qui pourraient en résulter pour le Contrôleur général et les risques d’une rupture de confiance entre ses équipes et les personnels médicaux intervenant dans les lieux de privation de liberté » (47).

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, lors de son audition par votre rapporteure, a indiqué que son équipe actuelle comportait trois praticiens hospitaliers correspondant à 2,5 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et qu’il était pour lui essentiel, compte tenu de la nature des missions du CGLPL, que l’équipe comporte toujours un nombre minimal de médecins. Jugeant le texte adopté par le Sénat satisfaisant au regard de la nécessité de concilier la protection du secret médical avec l’effectivité du contrôle, il n’a pas considéré que la limitation de l’accès aux données couvertes par le secret médical aux seuls contrôleurs ayant la qualité de médecin poserait des difficultés pratiques insurmontables.

Dans un souci de précision, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure destiné à prévoir que les médecins du Contrôle général qui seront habilités à accéder à des données couvertes par le secret médical ne devront pas seulement être titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la médecine en France, mais aussi remplir toutes les conditions prévues à l’article L. 4111-1 du code de la santé publique : être titulaire d’un diplôme permettant l’exercice de la médecine en France, avoir l’une des nationalités permettant cet exercice (48) et être inscrit à un tableau de l’ordre des médecins. En employant les termes « contrôleurs ayant la qualité de médecin » ; le texte adopté par la Commission met en évidence la nécessité que toutes ces conditions soient remplies.

La définition des motifs permettant l’accès à des données couvertes par le secret médical sans le consentement de la personne concernée est identique à celle prévue par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. En cas de « privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique », la condition de consentement de la personne concernée sera écartée, ce qui sera de nature à permettre au CGLPL d’exercer un contrôle effectif sur la réalité de violences dont il aurait été informé, y compris si la victime de ces violences n’est pas en mesure de consentir elle-même à la levée du secret médical.

Ni le Conseil de l’ordre des médecins, ni le ministère des Affaires sociales et de la Santé, ni les représentants des syndicats de l’hospitalisation psychiatrique et des associations de professionnels de santé exerçant en prison, que votre rapporteure a entendus, n’ont émis d’objection au principe de l’accès à des données couvertes par le secret médical pour les besoins du Contrôle général des lieux de privation de liberté, c’est-à-dire pour s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. En revanche, certaines des personnes entendues se sont interrogées sur les modalités de cet accès, en particulier dans le cas où il aurait lieu sans le consentement de la personne, dans les cas de suspicions de mauvais traitements, en raison de son incapacité à se protéger. Les représentants de certains syndicats de l’hospitalisation psychiatrique se sont inquiétés du fait que cette appréciation puisse être faite par le médecin du Contrôle général lui-même, qui serait alors en position de décider seul de la légitimité de l’accès à des données couvertes par le secret médical sans le consentement du patient. Certains ont proposé que l’appréciation de l’incapacité de la personne à se protéger relève soit du médecin traitant, soit d’un collège de deux médecins dont l’un ne ferait pas partie de l’équipe soignante.

Pour votre rapporteure, il ne paraît pas utile d’alourdir la procédure prévue par le Sénat pour permettre l’accès des médecins du Contrôle général, avec ou sans le consentement de la personne, à des informations couvertes par le secret médical. En effet, l’encadrement prévu par le Sénat, approuvé par le Conseil de l’ordre des médecins, apparaît suffisant pour garantir que l’accès au dossier médical sans le consentement de la personne concernée ne pourra avoir lieu que dans des situations présentant une gravité suffisante et dans le seul intérêt du patient, conformément à la mission du CGLPL de protection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL16 de la rapporteure, faisant l’objet d’un sous-amendement CL17 de M. Sergio Coronado.

Mme la rapporteure. Cet amendement se décompose en deux parties distinctes. La première est de portée rédactionnelle : l’article 1er de la proposition de loi votée au Sénat vise à encadrer les suites que le Contrôleur général peut donner aux saisines individuelles qui lui sont adressées. Dans le silence de la loi de 2007, le Contrôleur général a développé une procédure applicable à ces saisines, dont le nombre n’a cessé d’augmenter pour dépasser le chiffre de 4 000 par an. L’article permet au contrôleur de procéder à des vérifications – éventuellement sur place – et d’adresser ses observations à l’autorité responsable du lieu concerné – alors qu’aujourd’hui, seuls les ministres peuvent en être destinataires. L’amendement, quant à lui, modifie l’ordonnancement des articles de la loi de 2007 en sorte que le Contrôleur ait les mêmes prérogatives pour les visites et pour les enquêtes, mais en distinguant mieux dans le texte ce qui concerne les unes et les autres, ainsi que les procédures applicables dans les deux cas.

La seconde partie de l’amendement précise les conditions d’accès aux procès-verbaux de garde à vue. Actuellement, l’article 8 de la loi de 2007 dispose que le secret de l’enquête ou de l’instruction est opposable au Contrôleur général, mais l’invocation de ce secret ne devrait pas permettre aux officiers de police judiciaire de refuser l’accès du contrôleur aux procès-verbaux de déroulement de garde à vue ; pourtant, de tels refus lui ont déjà été ponctuellement opposés. L’article prévoit donc expressément cet accès et l’amendement élargit celui-ci aux procès-verbaux équivalents établis dans le cadre d’autres mesures privatives de liberté, comme les procès-verbaux de retenue pour vérification de droit au séjour ou d’identité, ou les procès-verbaux de retenue douanière. Cependant, plutôt que de chercher à énumérer l’ensemble de ces mesures au risque d’en oublier, je propose de permettre au Contrôleur général d’obtenir communication de tout procès-verbal relatif « aux conditions dans lesquelles une personne est ou a été retenue, quel qu’en soit le motif, dans des locaux de police, de gendarmerie ou de douane », hormis ce qui a trait au contenu des auditions comme le précisait le texte adopté par le Sénat.

M. Paul Molac. Le sous-amendement CL17 de M. Sergio Coronado, reprenant d’ailleurs son amendement CL6, a trait au respect du secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client : les informations couvertes par ce secret ne pourraient être communiquées au Contrôleur général qu'à la demande expresse de la personne concernée, condition qui s’applique déjà au Défenseur des droits. Dès lors que la personne détenue ou retenue consent à la levée du secret et que ces informations peuvent être utiles au Contrôleur général, il ne doit pas y avoir d’obstacle à ce qu’il les obtienne.

Mme la rapporteure. Ce sous-amendement ne me semble pas justifié, car il ne répond à aucun besoin exprimé par le Contrôleur ; en effet, celui-ci n’a jamais fait savoir que le secret de l’enquête ou de l’instruction constituait un obstacle à son action. Si ce secret a pu parfois lui être opposé à tort, l’article 1er règle ce problème.

Il convient que le Défenseur des droits ait accès à davantage d’informations que le Contrôleur général, en tant qu’autorité constitutionnelle disposant de pouvoirs plus étendus, comme le pouvoir d’injonction ; en outre, le Défenseur se trouve chargé de résoudre des cas individuels alors que le Contrôleur général a essentiellement une mission générale de contrôle des lieux de privation de liberté. Il ne me paraît pas souhaitable de faire trop converger les régimes de l’un et de l’autre ; la précédente majorité s’était interrogée sur ce point lorsque a été institué le Défenseur des droits, mais nous estimons quant à nous qu’il y a lieu de conserver une autorité autonome chargée du contrôle des lieux de privation de liberté. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption du sous-amendement.

M. Philippe Goujon. Madame la rapporteure, nous n’avons pas d’observations particulières à émettre sur la première partie de votre amendement, mais nous regrettons que vous imposiez une nouvelle contrainte aux services d’enquête réalisant les gardes à vue. Cette extension des pouvoirs du Contrôleur général risque même de fragiliser leur travail dans le cas où le contrôle demandé par la personne placée en garde à vue viendrait disqualifier des éléments utiles à l’enquête, recueillis durant la garde à vue. Il s’agirait d’une entrave supplémentaire à cette procédure qui pâtit déjà d’un encadrement juridique très étroit.

M. Paul Molac. Je retire le sous-amendement.

Le sous-amendement CL17 est retiré.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CL5 et CL6 de M. Sergio Coronado, et CL3 de M. Philippe Goujon tombent.

La Commission en vient à l’amendement CL8 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Les dispositions relatives à la levée du secret médical ayant suscité de nombreuses réactions au cours des auditions, le sujet appelle des précisions. L’amendement dispose donc que les médecins du Contrôle général qui seront habilités à accéder à des données couvertes par ce secret ne doivent pas seulement être titulaires d'un diplôme permettant l'exercice de la médecine en France, mais aussi remplir toutes les conditions prévues à l'article L. 4111-1 du code de la santé publique, et donc avoir une des nationalités permettant cet exercice et être inscrit à un tableau de l'ordre des médecins.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2
(art. 8-2 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Protection des personnes communiquant avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contre toute sanction

L’article 2 a pour objet de garantir la protection des personnes communiquant avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) contre toute sanction.

Depuis son entrée en fonctions en qualité de Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue a constamment et vigoureusement dénoncé les pressions parfois exercées sur les personnes s’adressant à lui – qu’il s’agisse des personnes privées de liberté ou des personnels des lieux visités – pouvant aller, dans certains cas, jusqu’à des représailles. Dans son rapport annuel pour 2012, il décrivait ainsi ces pratiques :

« Dans ses précédents rapports annuels, le Contrôleur général a appelé l’attention des autorités sur les représailles qui pouvaient atteindre ceux qui auraient demandé à être entendus par les contrôleurs, ceux qui auraient été entendus par lui qu’ils l’aient ou non sollicité, ceux enfin qui pourraient correspondre avec lui, de manière régulière ou non. Il a signalé devant les commissions parlementaires compétentes l’importance du phénomène : à la fois qualitative, dès lors que, à la mesure du développement du phénomène, s’affadit le droit de saisir le contrôle, par conséquent, l’étendue des informations dont celui-ci dispose, donc sa capacité d’intervention ; mais aussi quantitative puisqu’une action de représailles non réprimée constitue un encouragement à d’autres actions de même nature, aggravant évidemment leurs effets.

« Les informations qui sont parvenues de manière souvent indirecte, mais véridique, au contrôle général ne laissent aucun doute sur la réalité de telles menées, même si elles sont minoritaires : lettres ouvertes ou prélevées au passage pour qu’elles n’arrivent pas ; menaces de déclassement ou déclassement de postes de travail ; significations de ce qui arriverait si contact était pris… Les formes sont multiples et variées : elles sont parfaitement réelles et des personnes indiquent très précisément (par des voies détournées) pourquoi elles ont fui les contrôleurs à leur venue ou pourquoi elles ont renoncé à lui écrire ou lui téléphoner. » (49)

Entendu par la commission des Lois le 12 février 2014, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a de nouveau décrit précisément et dénoncé ces pratiques. Leur existence a également été soulignée par l’ensemble des personnes entendues par votre rapporteure, qu’il s’agisse des syndicats des professions exerçant dans les différents lieux privatifs de liberté ou des associations regroupant les patients ayant fait l’objet d’hospitalisations sans consentement ou leurs familles.

Quand bien même ces comportements seraient minoritaires et pratiqués à l’insu des autorités hiérarchiques responsables du lieu concerné, il n’en demeure pas moins qu’ils sont de nature à tarir la parole des interlocuteurs du CGLPL et à limiter l’effectivité du contrôle – faute d’informations – au point, s’il n’y est mis fin, de lui faire perdre toute efficacité.

Dans son rapport annuel pour 2012, le CGLPL rappelle que la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été adoptée pour mettre notre droit en conformité avec le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2002 et ratifié par la France en juillet 2008 (50). Ce protocole, qui a pour objet « l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (article 1er), impose aux États parties de « désigne[r] ou administre[r], à l’échelon national, un ou plusieurs organes de visite chargés de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », dénommés « mécanisme national de prévention » (article 3).

Cependant, le CGLPL indique que « si le législateur de 2007 a scrupuleusement repris le contenu du protocole » (51), il a omis de transposer son article 21 qui interdit de prendre des sanctions à l’encontre des personnes communiquant des renseignements au mécanisme national de prévention : « Aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire n’ordonnera, n’appliquera, n’autorisera ou ne tolérera de sanction à l’encontre d’une personne ou d’une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux, au mécanisme national de prévention, et ladite personne ou organisation ne subira de préjudice d’aucune autre manière ». De surcroît, la France avait alors émis une réserve d’interprétation destinée à faire valoir que le droit français serait d’ores et déjà, malgré l’absence de disposition interdisant expressément de telles sanctions, en conformité avec cette règle, mais que celle-ci ne saurait exclure des poursuites pour dénonciation calomnieuse à l’encontre d’une personne ayant transmis des renseignements faux (52).

Partant du constat que des pressions ou mesures de représailles ont parfois cours en France à l’encontre des personnes entrées ou envisageant d’entrer en contact avec le CGLPL, et que le droit français ne prohibe pas expressément ces pratiques, l’article 2 de la proposition de loi introduit dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 8-1 aux termes duquel « [a]ucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations ou des pièces qui lui ont été données se rapportant à l’exercice de sa fonction ». Le nouvel article 8-1 précise que cette interdiction de sanctionner les personnes établissant des liens avec le CGLPL ou lui adressant des informations « ne fait pas obstacle à l’application éventuelle de l’article 226-10 du code pénal », c’est-à-dire à des poursuites pour dénonciation calomnieuse (53).

Ce nouvel article permettra de renforcer la confiance des interlocuteurs du CGLPL, en prohibant clairement toute sanction prise à leur encontre. Elle permettra, par exemple, à une personne détenue qui aurait été privée de la possibilité de travailler pour avoir transmis des informations au CGLPL, d’obtenir l’annulation de la mesure prise à son encontre. Sa vertu dissuasive sera, en outre, renforcée par l’institution, à l’article 6 de la proposition de loi, d’un délit d’entrave pouvant consister, notamment, en des « mesures destinées à faire obstacle, par menace ou voie de fait, aux relations que toute personne peut avoir avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté » (54).

*

* *

La Commission adopte l’amendement de précision CL13 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3
(art. 9 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Amélioration des conditions du dialogue s’instaurant, après une visite,
entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté
et les autorités compétentes

L’article 3 a pour objet d’améliorer les conditions du dialogue s’instaurant, après une visite, entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et les autorités compétentes.

Les suites pouvant ou devant être données par le CGLPL aux visites qu’il conduit sont définies à l’article 9 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Le premier alinéa de cet article prévoit qu’à l’issue de chaque visite, le CGLPL « fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l’état, l’organisation ou le fonctionnement du lieu visité, ainsi que la condition des personnes privées de liberté ». Il dispose que les ministres « formulent des observations en réponse chaque fois qu’ils le jugent utile ou lorsque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté l’a expressément demandé », ces observations en réponse étant alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

Le deuxième alinéa prévoit que s’il constate « une violation grave des droits fondamentaux d’une personne privée de liberté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté communique sans délai aux autorités compétentes ses observations, leur impartit un délai pour y répondre et, à l’issue de ce délai, constate s’il a été mis fin à la violation signalée ». Il a la faculté, s’il l’estime nécessaire, de rendre immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.

Les troisième et quatrième alinéas font obligation au CGLPL de communiquer au procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, les faits dont il a connaissance lorsqu’ils laissent présumer l’existence d’une infraction pénale, d’une part, et de porter à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, d’autre part.

Dans la mise en œuvre de ces dispositions, le CGLPL s’est efforcé de nouer des relations de qualité et constructives avec les différentes administrations responsables des lieux de privation de liberté qu’il a pour mission de contrôler. En particulier, il a mis en place une pratique consistant, après chaque visite, à adresser aux autorités responsables de l’établissement concerné un projet de rapport de visite, afin que celles-ci puissent apporter des éléments de précision factuelle ou des réponses à certaines des observations formulées. Ce fonctionnement, inspiré par un souci légitime de respecter le principe du contradictoire, a contribué à la qualité du dialogue noué entre le CGLPL et les différentes administrations concernées. Cependant, conjuguée aux moyens relativement limités en personnels dont dispose le CGLPL (55), cette procédure est source de délais parfois relativement longs – pouvant aller, dans certains cas, jusqu’à deux ans – entre la fin de la visite et la transmission au ministre concerné des observations.

Le présent article vise à apporter trois précisions aux modalités du dialogue s’instaurant, à l’issue des visites, entre le CGLPL et les autorités compétentes.

Le apporte une précision à la définition, par le premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, de l’objet des observations du CGLPL aux ministres intéressés, en prévoyant que ses observations devront tenir compte de l’évolution de la situation depuis sa visite. Cette obligation d’actualisation des constats permettra, dans les cas où le délai entre la visite et la transmission des observations aura été relativement long, que les éléments portés à la connaissance des ministres correspondent à la situation actuelle. Cela permettra également, comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, « d’apprécier la pertinence des réponses apportées par les autorités responsables du lieu de privation de liberté aux constats effectués par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté » (56).

Le fait de la réponse des ministres intéressés aux observations du CGLPL une obligation, sauf dans les cas où celui-ci les en dispense, et permet au CGLPL de fixer un délai maximal pour la transmission de cette réponse, qui ne saurait être inférieur à un mois. Si, jusqu’à présent, les ministères ont majoritairement donné suite aux observations du CGLPL et à ses demandes de réponse de façon satisfaisante, celui-ci a souligné, lors de son auditions par votre rapporteure que les réponses données pouvaient, ponctuellement, être incomplètes ou trop sommaires et être transmises dans des délais excessivement longs. Cette modification permettra de garantir que les réponses des ministres seront transmises au CGLPL dans des délais brefs, que justifient les situations d’atteinte aux droits des personnes privées de liberté susceptibles d’avoir été constatées.

Comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, « d’autres autorités dotées d’un pouvoir de contrôle de l’action de l’administration disposent également du pouvoir de demander au Gouvernement de répondre à leurs observations, le cas échéant dans un délai contraint : tel est par exemple le cas de la Cour des comptes (articles R. 143-1 et R. 143-2 du code des juridictions financières) ou de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (article L. 243-8 du code de la sécurité intérieure). De même, l’article 25 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits dispose que "les autorités ou personnes intéressées informent le Défenseur des droits, dans le délai qu’il fixe, des suites données à ses recommandations" » (57).

Lors de leur audition par votre rapporteure, les directrices de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, Mmes Isabelle Gorce et Catherine Sultan, ainsi que les représentants du ministère des Affaires sociales et de la Santé, ont fait valoir que le délai minimal d’un mois prévu par la proposition de loi était un délai extrêmement bref, susceptible d’être difficile à respecter dans le cas d’observations portant sur de nombreux points ou faisant suite à une visite ancienne.

Votre rapporteure estime, néanmoins, nécessaire de souligner que le délai d’un mois prévu par le 2° du présent article est un délai minimal. Ainsi, le CGLPL ne pourra pas fixer un délai de réponse inférieur à un mois, et il lui appartiendra de fixer ce délai de manière raisonnable et, à chaque fois que possible, proportionnée au délai qui se sera écoulé entre la visite et la transmission de ses observations.

Enfin, le de l’article 3 prévoit que le procureur de la République
– lorsqu’il aura été informé par le CGLPL de faits pouvant constituer une infraction pénale – et l’autorité disciplinaire – lorsque le CGLPL l’aura saisie de faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires – devront informer le Contrôleur général des suites données à ses démarches.

S’agissant des informations transmises au procureur de la République, le CGLPL devrait déjà, en principe, être informé des suites qui leur sont données, en application de l’article 40-2 du code de procédure pénale (58). Cependant, le Contrôleur général a signalé dans son rapport pour l’année 2012 qu’il avait informé le procureur de la République à cinq reprises de faits susceptibles de constituer des infractions pénales, mais qu’il n’avait jamais été informé, en retour, des suites données à ses saisines (59).

L’inscription dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 de l’obligation pour le procureur de la République et l’autorité disciplinaire d’informer le CGLPL des suites données à ses démarches permettra à ce dernier de mieux mesurer l’efficacité de son contrôle et la portée des réponses données par la justice et l’administration aux manquements constatés.

De façon plus générale, il ressort des auditions menées par votre rapporteure que les suites données aux avis et recommandations du CGLPL ne font pas l’objet d’un examen suffisant, ni d’une communication à l’ensemble des administrations concernées et au Parlement. Pourtant, sans informations sur les actions mises en œuvre pour améliorer les difficultés ou dysfonctionnements signalés par le CGLPL, il est difficile d’évaluer l’impact à long terme du contrôle et sa portée. Pour votre rapporteure, le Parlement, dans le cadre de son pouvoir de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, devrait se saisir de ce suivi, soit par des débats organisés par les commissions permanentes compétentes, soit par l’organisation en séance publique, lors des semaines de contrôle, de débats au cours desquels les membres du Gouvernement concernés pourraient être entendus.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL7 de M. Sergio Coronado. 

M. Paul Molac. Cet amendement vise à permettre au Contrôleur général, lorsque l’une de ses visites ou l’un de ses avis a donné lieu à l’ouverture de poursuites judiciaires, d'intervenir dans la procédure en déposant des observations écrites ou en témoignant. Actuellement, il peut seulement saisir le procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale.

Mme la rapporteure. Cet amendement s’inspire du régime du Défenseur des droits et, comme je viens de l’indiquer, ce rapprochement ne me paraît pas souhaitable, le Contrôleur général étant avant tout une institution de prévention. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision CL12 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4
(art. 10 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Publication systématique des avis, recommandations et propositions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

L’article 4 a pour objet de rendre systématique la publication des avis, recommandations et propositions que formule le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).

Le premier alinéa de l’article 10 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté prévoit que, dans son domaine de compétences, « le Contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et propose au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables ». Le second alinéa de ce même article donne au CGLPL la faculté de rendre ces avis publics : « Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités. »

En pratique, le CGLPL a publié tous ses avis, recommandations et propositions. Ceux-ci ont contribué à sensibiliser nos concitoyens aux situations particulièrement difficiles de certains lieux de privation de liberté de notre pays – notamment dans les outre-mer –, mais aussi à informer le Parlement dans le cadre de la discussion de certains projets de textes, tels que ceux ayant abouti à la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ou à la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

Le présent article modifie l’article 10 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 afin de consacrer dans la loi la pratique de publication systématique des avis, recommandations et propositions du CGLPL. Cette évolution favorisera la transparence du contrôle et la connaissance de la situation des lieux de privation de liberté par nos concitoyens.

Votre rapporteure estime nécessaire de préciser – comme l’a, du reste, fait la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique (60) – que le caractère obligatoire de la publication ne sera applicable qu’aux avis, recommandations et propositions du CGLPL, qui présentent un caractère général et ne se rapportent pas à des situations individuelles. Pour les rapports de visite, prévus à l’article 9 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, et les recommandations qui pourront être formulées à la suite d’une enquête dans les conditions prévues par le nouvel article 6-1 de cette même loi créé par l’article 1er de la proposition de loi (61), la publication demeurera une simple faculté pour le CGLPL.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL2 de M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. L’article 4 introduit dans notre droit une rigidité excessive. En effet, si le Contrôleur général a déjà la faculté de publier ses avis, il pourrait juger préférable de ne pas le faire dans certains cas. Afin de le laisser libre d’en décider par lui-même, nous proposons de supprimer cet article.

M. Philippe Goujon. Lors de son audition, le Contrôleur général a indiqué que le principal obstacle à l’application de ses recommandations résidait dans le délai séparant la remise de son rapport au ministre de la réponse de ce dernier. Ce délai peut néanmoins se révéler utile, les établissements visés s’efforçant de corriger les dysfonctionnements observés avant la publication de ce rapport afin de s’épargner l’opprobre médiatique – ce sans forcément en avoir le temps ni les moyens, ces dysfonctionnements résultant souvent de difficultés budgétaires ou techniques sur lesquelles l’administration pénitentiaire a peu de prise.

Mme la rapporteure. Nous ne parlons pas de la même chose : l’article 4 rend systématique la publication des avis et recommandations à caractère général du Contrôleur, et non celle de ses rapports de visite, qui demeure une simple faculté. Ses travaux d’ordre général constituent en effet une mine d’informations dont il serait regrettable de se priver. Or, si M. Delarue, le contrôleur actuel, les a toujours publiés, rien ne garantit que ses successeurs feront de même. Il me semble donc pertinent d’inscrire cette pratique dans la loi.

M. Philippe Goujon. Reste que toute recommandation d’ordre général résulte de l’accumulation d’observations particulières…

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

Article 4 bis (nouveau)
(art. 10-1 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Possibilité pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté
de formuler des avis sur les projets de construction, de restructuration
ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté

Issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de votre rapporteure, l’article 4 bis a pour objet de permettre au Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) d’adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté.

L’action du CGLPL depuis six ans a permis de mettre en évidence l’inadaptation de certains choix architecturaux, de la dimension ou de la localisation de certains établissements de privation de liberté. À plusieurs reprises, le CGLPL a d’ailleurs formulé des observations sur certains locaux, dont la conception même lui apparaissait susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Par exemple, dans son rapport annuel pour 2010, il avait souligné que, dans certains centre de rétention administrative, « [l]a configuration des locaux de visite présente parfois des problèmes d’intimité (taille, aménagement, ouverture, surveillance) », de même que dans de nombreux établissements pénitentiaires où « les locaux mis à la disposition des personnes détenues et de leurs familles ne permettent pas une intimité propre à garantir l’exercice du maintien des liens familiaux. Ainsi, la configuration des parloirs peut parfois constituer une entrave à l’exercice de ce droit fondamental. L’absence de séparation des cabines/boxes ou le déroulement des parloirs dans des salles communes ne permettent pas la moindre confidentialité des personnes détenues avec leurs proches (…) » (62). Dans son rapport annuel pour 2011, il avait indiqué que certains locaux de garde à vue étaient « d’évidence tout à fait inadaptés au nombre de gardes à vue effectuées » (63).

Dans son rapport annuel pour 2010, il avait également émis des réserves sur la taille des nouveaux établissements pénitentiaires, qu’il considérait comme trop importante et source de tensions, et attiré l’attention sur certaines erreurs de conception de ces établissements, par exemple en matière d’implantation des unités médicales : « Dans les établissements récents, les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) sont systématiquement placées au premier étage. Il n’y a pas d’ascenseur, dans ces établissements, mais seulement des monte-charge, inaccessibles (réglementation oblige) aux personnes. Par conséquent, les personnes qui ont des difficultés pour se mouvoir et requièrent a priori davantage de soins que les autres, doivent gravir et descendre l’escalier comme elles peuvent, avec ou sans aide. » (64)

Cependant, ces avis ont été jusqu’à présent peu suivis. L’article 4 bis de la proposition de loi introduit dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 10-1 reconnaissant expressément au CGLPL la faculté de formuler des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. La consécration expresse de cette prérogative du CGLPL permettra de donner davantage de poids aux alertes que celui-ci pourra émettre sur les inconvénients, voire les risques, de certains choix que les autorités responsables des projets immobiliers ont faits ou s’apprêtent à faire.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL15 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Suggéré dans le cadre de nos auditions, cet amendement permet au Contrôleur général de formuler des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. Le Contrôleur aura ainsi la faculté – mais non l’obligation – de mettre en évidence l’inadaptation de certains choix.

La Commission adopte l’amendement.

Article 5
(art. 9-1 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Possibilité pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté de mettre en demeure les personnes concernées par le contrôle de lui répondre dans un délai qu’il détermine

L’article 5 a pour objet de donner au Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) la faculté de mettre en demeure les personnes concernées par un contrôle de répondre à ses demandes de documents, d’informations ou d’observations dans un délai qu’il fixera.

L’article 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté confère au Contrôleur général le droit d’obtenir des autorités responsables du lieu de privation de liberté « toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission ». L’article 9 de la même loi, qui prévoit aujourd’hui que le Contrôleur général peut demander expressément aux ministres intéressés de formuler des observations en réponse à ses propres observations, est modifié par l’article 3 de la présente proposition de loi afin de rendre obligatoire les observations en réponse des ministres, sauf dans les cas où le Contrôleur général les en dispense (65). Enfin, l’article 1er de la proposition de loi introduit dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 6-1, qui permettra au Contrôleur général, dans le cadre d’une enquête portant sur des faits portés à sa connaissance, de solliciter toute personne afin qu’elle apporte, dans le délai qu’il aura fixé, « toute information en sa possession » (66).

Lors de son audition par votre rapporteure, le CGLPL, M. Jean-Marie Delarue, a souligné que la coopération des responsables des lieux privatifs de liberté visités et les ministères concernés avec ses propres équipes était globalement très satisfaisante, et que les difficultés pour accéder aux documents et informations sollicités étaient rares. Néanmoins, certaines situations de refus de communication ont pu, ponctuellement, apparaître, sans que le CGLPL dispose de moyens efficaces pour faire cesser les résistances injustifiées.

Le présent article introduit dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 un nouvel article 9-1 donnant au CGLPL la faculté de mettre en demeure les personnes concernées par le contrôle de répondre à ses demandes de documents, d’informations ou d’observations, dans un délai qu’il fixera. Cette mise en demeure constituera un moyen de persuasion d’autant plus efficace que le délit d’entrave créé par l’article 6 de la proposition de loi – dans un but essentiellement dissuasif – sera constitué en cas de refus de communiquer au CGLPL les renseignements et documents nécessaires aux enquêtes définies à l’article 6-1, aux visites de l’article 8 (67).

Votre rapporteure souligne que la faculté de mise en demeure octroyée par le présent article au CGLPL ne constitue pas un pouvoir d’injonction. En cela, la nouvelle prérogative ouverte au CGLPL est moins contraignante que celle ouverte, par exemple, au Défenseur des droits par l’article 25 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, qui permet à cette autorité, si elle estime qu’une recommandation qu’elle a formulée n’a pas été suivie d’effet, d’« enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires ».

Dans son rapport, la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, a estimé qu’il serait « sans doute peu réaliste, compte tenu de la complexité de la gestion des lieux de privation de liberté, d’octroyer au Contrôleur général des lieux de privation de liberté le pouvoir d’enjoindre à l’administration de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux difficultés mises en évidence à l’occasion d’une visite ou d’une enquête » (68). Lors de son audition par votre rapporteure, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a, quant à lui, indiqué qu’il n’estimerait pas pertinent que lui soit confié un pouvoir d’injonction, estimant que la mission de cette institution était avant tout de convaincre les autorités responsables des lieux de privation de liberté par le biais des recommandations qu’il leur adresse, et qu’un pouvoir d’injonction pourrait nuire à la qualité des relations nouées avec ces autorités.

*

* *

La Commission adopte successivement l’amendement de précision CL11 et l’amendement de coordination CL10, tous deux de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6
(art. 13-1 [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007)

Création d’un délit d’entrave à l’action du Contrôleur général
des lieux de privation de liberté

L’article 6 a pour objet de créer un délit d’entrave à l’action du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans le but de renforcer l’efficacité des contrôles en dissuadant les autorités responsables des lieux visités et les personnes susceptibles de détenir des informations de faire obstacle au contrôle.

La coopération des responsables des lieux privatifs de liberté visités et les ministères concernés avec les équipes du Contrôle général est jugée globalement très satisfaisante par le CGLPL, les difficultés rencontrées pour accéder aux documents et informations sollicités étant l’exception. En revanche, plus fréquentes et dangereuses pour l’effectivité du contrôle sont les pressions et représailles que peuvent subir les personnes privées de liberté et les personnels des lieux contrôlés, pour les dissuader de s’adresser au CGLPL ou les sanctionner de l’avoir fait (69). En outre, il arrive que l’accès à certaines informations ou pièces soit indûment refusé au CGLPL. Par exemple, lors de son audition par votre rapporteure, M. Jean-Marie Delarue a indiqué qu’il avait parfois connu des difficultés pour accéder aux enregistrements de vidéosurveillance effectués dans les établissements pénitentiaires, et que les enregistrements réalisés par les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) lors de leurs interventions dans les établissements pénitentiaires ne lui avaient jamais été communiqués.

Le présent article a pour but de dissuader tant les comportements d’obstruction au contrôle que ceux d’intimidation vis-à-vis des personnes communiquant des informations au CGLPL. Il s’inspire de plusieurs délits similaires déjà prévus par notre législation pour assurer l’effectivité des contrôles exercés par différentes autorités de contrôle : le Défenseur des droits (70), la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (71), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (72), l’Autorité des marchés financiers (73), l’inspection du travail (74) ou encore la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (75). Un délit d’entrave aux travaux d’une commission d’enquête parlementaire est également prévu par le III de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Les niveaux de peines prévus pour ces différents délits varient, comme le montre le tableau ci-dessous, entre un an et deux ans d’emprisonnement et 3 750 € et 300 000 € d’amende.

PEINES ENCOURUES POUR LES DIFFÉRENTS DÉLITS D’ENTRAVE
À DES CONTRÔLES D’UNE AUTORITÉ PUBLIQUE

Autorité concernée par le délit d’entrave

Peine d’emprisonnement encourue

Peine d’amende encourue

Commission d’enquête parlementaire

2 ans

7 500 €

Défenseur des droits

1 an

15 000 €

Haute autorité pour la transparence de la vie publique

1 an

15 000 €

Commission nationale de l’informatique et des libertés

1 an

15 000 €

Autorité des marchés financiers

2 ans

300 000 €

Inspection du travail

1 an

3 750 €

Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

2 ans

37 500 €

Comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, ces différents délits ont « une fonction essentiellement dissuasive : le nombre de condamnations prononcées chaque année pour de tels faits est modeste et les quantums de peine prononcés relativement faibles » (76).

Par parallélisme avec ces dispositions qui permettent de dissuader – mais aussi, le cas échéant, de sanctionner – les comportements d’entrave aux contrôles de ces différentes autorités, et afin de renforcer l’effectivité du contrôle effectué par le CGLPL, le présent article crée dans la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté un nouvel article 13-1 punissant « le fait de faire obstacle à la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ». Dans le texte adopté par le Sénat, ce délit était puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende et pouvait être constitué par trois types d’agissements :

« 1° Soit en s’opposant au déroulement des visites prévues à l’article 8 ;

« 2° Soit en refusant de lui communiquer les renseignements et documents nécessaires aux enquêtes définies à l’article 6-1, aux visites de l’article 8, en dissimulant ou faisant disparaître lesdits documents et renseignements, en altérant leur contenu ;

« 3° Soit en prenant des mesures destinées à faire obstacle, par menace ou voie de fait, aux relations que toute personne peut avoir avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté en vertu des articles 6 et 8 de la présente loi. »

Sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté deux modifications à l’article 6.

Premièrement, elle a supprimé la peine d’un an d’emprisonnement que le Sénat avait prévue pour ce délit. Elle a estimé que, si l’existence d’un délit d’entrave est nécessaire pour dissuader les obstacles injustifiés susceptibles d’être opposés de façon volontaire à la mission du Contrôleur général, il paraissait disproportionné de prévoir que ce délit soit puni d’une peine d’emprisonnement. L’existence même de ce délit et la peine d’amende de 15 000 € encourue apparaissent, pour votre rapporteure, des éléments de dissuasion suffisants.

Par cohérence, les peines prévues pour les autres délits d’entrave existants dans notre droit (au Défenseur des droits, à la CNIL, à l’Autorité des marchés financiers, à l’inspection du travail...) devraient également être modifiées pour supprimer la possibilité que soit prononcée une peine d’emprisonnement.

Deuxièmement, la Commission a étendu le champ d’application de ce délit aux représailles. Dans le texte adopté par le Sénat, le délit créé par l’article 6 couvrait le cas de la dissuasion a priori vis-à-vis des interlocuteurs potentiels du Contrôleur général, mais ne permettait pas, en revanche, de sanctionner les représailles ayant lieu a posteriori. Pour renforcer la portée de l’article 2 du projet de loi qui prohibe toute sanction prononcée à l’encontre d’une personne privée de liberté ou d’une personne travaillant dans un lieu de privation de liberté au motif qu’elle s’est adressée au CGLPL, le texte adopté par la Commission complète le nouvel article 13-1 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 par un 4° qui sanctionne également le fait de prononcer « une sanction à l’encontre d’une personne du seul fait des liens qu’elle a établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations ou des pièces se rapportant à l’exercice de sa fonction que cette personne lui a données ».

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL9 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Outre des modifications d’ordre rédactionnel, cet amendement a pour objet de supprimer la peine d’un an d’emprisonnement prévue pour le délit d’entrave à la mission du Contrôleur général. En effet, si l’existence de ce délit est nécessaire pour éviter qu’il soit fait obstacle de façon injustifiée mais volontaire à l’action de ce dernier, il est disproportionné de l’assortir d’une peine d’emprisonnement : une amende suffit.

Par cohérence, les peines d’emprisonnement prévues pour les autres délits d’entrave existant en droit français – qu’ils concernent l’action du Défenseur des droits, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou de l’Autorité des marchés financiers – devraient également être supprimées.

Je propose d’autre part d’étendre le champ d’application de ce délit aux représailles : nos auditions ont en effet mis en lumière la nécessité de consolider la protection des personnes ayant été en contact avec le Contrôleur, qu’il s’agisse de détenus ou de membres du personnel. Révélé par le Contrôleur général, l’exercice de représailles nous a été confirmé par les personnels œuvrant dans les lieux de privation de liberté. Or, tel que défini par le Sénat, le délit créé a pour objet de dissuader et, le cas échéant, de sanctionner les comportements visant à empêcher le Contrôleur général d’exercer sa mission, mais il ne permet pas de sanctionner les représailles exercées par définition a posteriori. Notre amendement comble cette lacune en complétant l’article 6 par un alinéa sanctionnant également le fait de faire subir des représailles à une personne du seul fait des informations qu’elle aurait communiquées au Contrôleur général. Par cohérence, le délit serait défini, non plus comme consistant à faire obstacle à la mission du Contrôleur général, mais à entraver cette mission.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Article 7
(art. 4 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009)

Renforcement du respect du secret des correspondances entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes incarcérées

Le présent article a pour objet de renforcer le respect du secret des correspondances échangées entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et les personnes incarcérées.

La loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre définit les conditions dans lesquelles les personnes détenues en établissement pénitentiaire peuvent correspondre – par écrit ou par téléphone – avec l’extérieur et encadre le contrôle de ces correspondances par l’administration pénitentiaire. Les correspondances écrites sont encadrées par l’article 40 de cette loi, dont le premier alinéa permet aux personnes condamnées et, sous réserve que l’autorité judiciaire ne s’y oppose pas, aux personnes prévenues de « correspondre par écrit avec toute personne de leur choix ». Le deuxième alinéa de ce même article prévoit que « [l]e courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut être contrôlé et retenu par l’administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité ». Cependant, son troisième alinéa exclut le contrôle des « correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur, les autorités administratives et judiciaires françaises et internationales, dont la liste est fixée par décret, et les aumôniers agréés auprès de l’établissement ».

La liste prévue par cet alinéa figure à l’article D. 262 du code de procédure pénale et comprend diverses autorités pouvant être amenées, d’une façon ou d’une autre, à exercer un contrôle sur les établissements pénitentiaires, notamment le président de la République, les membres du Gouvernement, les parlementaires, le Défenseur des droits, les magistrats de l’ordre judiciaire, les présidents de juridictions administratives, les responsables des inspections des services judiciaires, des services pénitentiaires et des affaires sociales. Le CGLPL ne figure pas dans cette liste, car l’article 4 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a donné valeur législative à la protection dont bénéficie la correspondance échangée entre le CGLPL et les personnes détenues : « La possibilité de contrôler et de retenir les correspondances prévue par l’article 40 ne s’applique pas aux correspondances échangées entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes détenues ».

Issue de l’adoption à l’unanimité par la commission des Lois de l’Assemblée nationale d’un amendement de son rapporteur, M. Jean-Paul Garraud, cette disposition a été prévue « afin d’assurer la complète information des personnes détenues sur leurs droits » (77). Elle devait également permettre de renforcer la force dissuasive de l’interdiction de contrôle des correspondances échangées entre le CGLPL et les personnes détenues. En outre, la violation de cette interdiction de contrôler les correspondances entre le CGLPL et les personnes détenues est, d’ores et déjà, constitutive du délit de violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l’autorité publique prévu à l’article 432-9 du code pénal. Défini comme le « fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l’ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances », ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

Cependant, le CGLPL fait état d’une proportion non négligeable de courriers adressés par des personnes détenues ayant, de façon visible, été ouverts. Il considère, en outre, que les représailles exercées sur les personnes détenues lui ayant adressé des courriers attestent de la réalité de ce contrôle illégal sur les correspondances. Même si, comme l’a souligné la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Catherine Tasca, ces pratiques résultent davantage « d’initiatives individuelles vraisemblablement ignorées de l’administration pénitentiaire » (78), elles n’en sont pas moins inacceptables et condamnables, car elles sont susceptibles de réduire à néant la confiance que les personnes détenues peuvent placer avoir dans la confidentialité de leurs échanges avec le CGLPL.

Les correspondances téléphoniques des personnes détenues sont, quant à elles, encadrées par l’article 39 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Le premier alinéa permet à toutes les personnes détenues – qu’elles soient prévenues ou condamnées – de téléphoner aux membres de leur famille ainsi que, sur autorisation, à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion. Le deuxième alinéa définit les cas dans lesquels l’accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré. Enfin, le troisième alinéa renvoie à l’article 727-1 du code de procédure pénale pour la définition des conditions dans lesquelles les correspondances téléphoniques peuvent être contrôlées. Cet article prévoit que toutes les communications téléphoniques des personnes détenues peuvent, à l’exception de celles avec leur avocat, être écoutées, enregistrées et interrompues « aux fins de prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé habilités à recevoir des détenus ». Ainsi, alors que la loi protège le secret des correspondances écrites entre le CGLPL et les personnes détenues, le secret des correspondances téléphoniques n’est aujourd’hui pas assuré.

L’article 7 de la proposition de loi procède à deux modifications de l’article 4 la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dans le but de renforcer le respect du secret des correspondances entre le CGLPL et les personnes détenues. D’une part, il étend l’interdiction de contrôler les correspondances aux « communications téléphoniques » et à « tout autre moyen de communication ». Comme l’a indiqué le ministère de la Justice à votre rapporteure, l’exclusion du contrôle et de l’enregistrement des communications téléphoniques est déjà mis en œuvre, depuis la fin de l’année 2013, pour les communications échangées entre les personnes détenues et le Défenseur des droits, ce qui ne soulève pas de difficulté technique (79). D’autre part, l’article a pour objet de rappeler expressément dans la loi pénitentiaire le fait que la « méconnaissance de cette disposition »
– c’est-à-dire la violation du secret des correspondances entre le CGLPL et les personnes détenues – est passible des peines prévues à l’article 432-9 du code pénal pour le délit de violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l’autorité publique.

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Article 8
Application territoriale de la loi

Issu de l’adoption par la commission des Lois du Sénat d’un amendement de sa rapporteure, Mme Catherine Tasca, l’article 8 a pour objet de permettre l’application de la proposition de loi dans les collectivités d’outre-mer soumises au principe de spécialité législative.

Les modifications apportées par les articles 1er A à 5 de la proposition de loi à la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté seront applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. En effet, l’article 6-2 de la loi organique n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie et l’article 7 de la loi organique n° 2004-192 portant statut d’autonomie de la Polynésie française prévoient que « les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives à la composition, l’organisation, le fonctionnement et les attributions [...] du Contrôleur général des lieux de privation de liberté » sont applicables de plein droit dans ces collectivités.

En revanche, à Wallis-et-Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises, régies également par le principe de spécialité, une mention expresse de l’applicabilité de la loi, prévue au premier alinéa du présent article, est nécessaire, faute de dispositions équivalentes à celles existant pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

En outre, les dispositions de droit pénal et de droit pénitentiaire prévues aux articles 6 – création d’un délit d’entrave – et 7 – interdiction de contrôler les correspondances et communications entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et les personnes détenues – de la proposition de loi ne relèvent pas de la composition, de l’organisation, du fonctionnement ou des attributions stricto sensu du CGLPL. Une mention expresse est, en conséquence, nécessaire pour permettre leur application en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Cette mention est prévue au second alinéa de l’article 8.

*

* *

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous allons à présent procéder au vote sur l’ensemble de la proposition de loi. Mais peut-être certains d’entre vous souhaitent-ils ajouter un mot ?

M. Guy Geoffroy. Nous portons sur cette proposition de loi une appréciation bienveillante dans la mesure où son orientation générale traduit selon nous une conversion, certes tardive mais que nous espérons sincère, de l’actuelle majorité à un dispositif qu’elle repoussait à l’origine. Nous regrettons cependant, chers collègues, que cette conversion ne vous ait pas conduits à anticiper certaines difficultés et que vous ayez abruptement refusé nos amendements, pourtant empreints de sagesse et d’esprit de responsabilité. Nous ne pourrons donc aller au-delà d’une position d’abstention sur ce texte qui aurait pourtant pu améliorer une loi que nous avons portée.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Au nom des commissaires du groupe SRC, je salue le travail de M. Delarue, à l’origine des suggestions d’amélioration reprises dans cette proposition de loi, ainsi que celui de la rapporteure et les contributions des personnes que nous avons auditionnées.

Mme la rapporteure. Je souhaiterais pour ma part m’exprimer sur la position d’abstention du groupe UMP et réagir aux propos liminaires de MM. Larrivé et Ciotti : ne confondons pas la défiance et le contrôle, sans quoi la légitimité même du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pourrait être mise en question ! L’article 1er A, qui instaure un contrôle de l’exécution des mesures d’éloignement, ne repose nullement sur la défiance : la directive nous imposant d’instaurer un système efficace de contrôle du retour forcé, nous avons jugé opportun de confier cette tâche au Contrôleur général. Quant au ministère de l’Intérieur, il a bien évidemment été consulté et s’est déclaré favorable à cet article.

La Commission adopte la proposition de loi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Proposition de loi modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté

 

Article 1er A (nouveau)

Article 1er A

Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté est complété par une phrase ainsi rédigée :

(Sans modification)

Art. 1er. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

« Il exerce, aux mêmes fins, le contrôle de l’exécution par l’administration des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre d’étrangers jusqu’à leur remise aux autorités de l’État de destination. »

 

Dans la limite de ses attributions, il ne reçoit instruction d'aucune autorité.

   
   

Article 1er B (nouveau)

Art. 6. – Toute personne physique, ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.

   

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les membres du Parlement et le Défenseur des droits. Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.

 

Au deuxième alinéa de l’article 6 de la même loi après le mot : « Parlement », sont insérés les mots : « , les représentants au Parlement européen élus en France ».

amendement CL4

 

Article 1er

Article 1er

 

I et II. – (Supprimés)

I et II. – (Sans modification)

 

III. – Après l’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

III. – (Alinéa sans modification)

 

« Art. 6-1. – Lorsqu’une personne physique ou morale porte à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou des situations, elle lui indique, après avoir mentionné ses identité et adresse, les motifs pour lesquels, à ses yeux, une atteinte ou un risque d’atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté est constitué.

« Art. 6-1. – (Alinéa sans modification)

 

« Lorsque les faits ou situations portés à sa connaissance relèvent de ses attributions, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut procéder à des vérifications, éventuellement sur place. Il peut déléguer à toute personne relevant de son autorité le soin de mener ces vérifications.

… place.

Art. 8. – Cf infra

« Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent s’opposer à ces vérifications sur place que pour les motifs prévus au deuxième alinéa de l’article 8.

Alinéa supprimé

Art. 8. – Cf infra

« Toute personne sollicitée est tenue d’apporter, dans le délai fixé par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, toute information en sa possession, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du même article 8.

Alinéa supprimé

amendement CL16

Art. 5. – Cf annexe

« À l’issue de ces vérifications, et après avoir recueilli les observations de toute personne intéressée, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut formuler des recommandations relatives aux faits ou situations en cause à la personne responsable du lieu de privation de liberté. Ces observations et ces recommandations peuvent être rendues publiques, sans préjudice des dispositions de l’article 5. »

(Alinéa sans modification)

Art. 8. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement visé à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique.

IV. – L’article 8 de la même loi est ainsi modifié :

Alinéa supprimé

   

« IV. – Les quatre derniers alinéas de l’article 8 sont supprimés.

Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent s'opposer à la visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans le lieu visité, sous réserve de fournir au Contrôleur général des lieux de privation de liberté les justifications de leur opposition. Elles proposent alors son report. Dès que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé, elles en informent le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

« V. – Après l’article 8, est inséré un article 8-1 ainsi rédigé :

   

« Art. 8-1. - Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent s’opposer aux vérifications sur place prévues à l'article 6-1 ou aux visites prévues à l'article 8 que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans le lieu visité, sous réserve de fournir au Contrôleur général des lieux de privation de liberté les justifications de leur opposition. Elles proposent alors leur report. Dès que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé, elles en informent le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté obtient des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.

a) À la première phrase, après les mots : « responsables du lieu de privation de liberté », sont insérés les mots : « ou de toute personne susceptible de l’éclairer » ;

« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté obtient des autorités responsables du lieu de privation de liberté ou de toute personne susceptible de l'éclairer toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission, dans les délais qu'il fixe. Lors des vérifications sur place et des visites, il peut s’entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire, et recueillir toute information qui lui paraît utile.

 

b) La seconde phrase est complétée par les mots : « et recueillir toute information qui lui paraît utile » ;

Alinéa supprimé

Le caractère secret des informations et pièces dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'Etat, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

2° Au quatrième alinéa, les mots : « , au secret médical » sont supprimés ;

Le caractère secret des informations et pièces dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’État, au secret de l’enquête et de l’instruction ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

 

3° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

Alinéa supprimé

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut déléguer aux contrôleurs les pouvoirs visés au présent article.

« Les procès-verbaux de garde à vue, lorsqu’ils ne sont pas relatifs aux auditions des personnes, lui sont communicables. 

« Les procès-verbaux relatifs aux conditions dans lesquelles une personne est ou a été retenue, quel qu'en soit le motif, dans des locaux de police, de gendarmerie ou de douane, sont communicables au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sauf lorsqu'ils sont relatifs aux auditions des personnes.

 

« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut déléguer aux contrôleurs les pouvoirs mentionnés aux premier à cinquième alinéas du présent article.

… premier à quatrième alinéas …

amendement CL16

 

« Les informations couvertes par le secret médical peuvent être communiquées, avec l’accord de la personne concernée, aux contrôleurs titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre permettant l’exercice en France de la profession de médecin. Toutefois, les informations couvertes par le secret médical peuvent leur être communiquées sans le consentement de la personne concernée lorsqu’elles sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou sur une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. »

… contrôleurs ayant la qualité de médecin …

amendement CL8

 

Article 2

Article 2

 

Après l’article 8 de la même loi, il est inséré un article 8-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. 8-1. – Aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations qui lui auront été données se rapportant à l’exercice de sa fonction. Cette disposition ne fait pas obstacle à l’application éventuelle de l’article 226-10 du code pénal. »

informations ou des pièces qui lui ont été données …

amendement CL13

 

Article 3

Article 3

 

L’article 9 de la même loi est ainsi modifié :

(Alinéa sans modification)

Art. 9. – À l'issue de chaque visite, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité, ainsi que la condition des personnes privées de liberté. Les ministres formulent des observations en réponse chaque fois qu'ils le jugent utile ou lorsque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté l'a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , en tenant compte de l’évolution de la situation depuis sa visite » ;

1° (Sans modification)

 

2° La deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

2° (Sans modification)

 

« À l’exception des cas où le Contrôleur général des lieux de privation de liberté les en dispense, les ministres formulent des observations en réponse dans le délai qu’il leur impartit et qui ne peut être inférieur à un mois. » ;

 

S'il constate une violation grave des droits fondamentaux d'une personne privée de liberté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté communique sans délai aux autorités compétentes ses observations, leur impartit un délai pour y répondre et, à l'issue de ce délai, constate s'il a été mis fin à la violation signalée. S'il l'estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.

   

Si le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale.

   

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

3° (Alinéa sans modification)

 

« Le procureur de la République et l’autorité disciplinaire informent le Contrôleur général des lieux de privation de liberté des suites données à ses démarches. »

… République et les autorités ou les personnes investies du pouvoir disciplinaire …

amendement CL12

 

Article 4

Article 4

Art. 10. – Dans son domaine de compétences, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et propose au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

   

Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.

Au second alinéa de l’article 10 de la même loi, les mots : « peut rendre » sont remplacés par le mot : « rend ».

(Sans modification)

   

Article 4 bis (nouveau)

   

Après l’article 10 de la même loi, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :

   

« Art. 10-1. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. »

amendement CL15

 

Article 5

Article 5

 

Après l’article 9 de la même loi, il est inséré un article 9-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

Art. 6-1, 8 et 8-1. – Cf supra art. 1er

Art 9. – Cf. supra art 3

« Art. 9-1. – Lorsque ses demandes de documents, d’informations ou d’observations, présentées sur le fondement des articles 6-1, 8 et 9, ne sont pas suivies d’effet, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu’il fixe. »

« Art. 9-1. – Lorsque ses demandes d’informations, de pièces ou d’observations, présentées sur le fondement des articles 6-1, 8-1 et 9, ne …

amendements CL11 et CL10

 

Article 6

Article 6

 

Après l’article 13 de la même loi, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 13-1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait de faire obstacle à la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

« Art. 13-1. – Est puni de 15 000 € d’amende le fait d’entraver la mission …

 

« 1° Soit en s’opposant au déroulement des visites prévues à l’article 8 ;

« 1° Soit en s’opposant au déroulement des vérifications sur place prévues à l’article 6-1 et des visites …

Art. 6-1 et 8. – Cf supra art. 1er

« 2° Soit en refusant de lui communiquer les renseignements et documents nécessaires aux enquêtes définies à l’article 6-1, aux visites de l’article 8, en dissimulant ou faisant disparaître lesdits documents et renseignements, en altérant leur contenu ;

« 2° Soit en refusant de lui communiquer les informations ou les pièces nécessaires aux vérifications prévues à l’article 6-1 ou aux visites prévues à l’article 8, en dissimulant ou faisant disparaître lesdites informations ou pièces ou en altérant …

 

« 3° Soit en prenant des mesures destinées à faire obstacle, par menace ou voie de fait, aux relations que toute personne peut avoir avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté en vertu des articles 6 et 8 de la présente loi. »

« 3° 

… liberté en application de la présente loi ;

   

« 4° Soit en prononçant une sanction à l’encontre d’une personne du seul fait des liens qu’elle a établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations ou des pièces se rapportant à l’exercice de sa fonction que cette personne lui a données. »

amendement CL9

Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire

Article 7

Article 7

Art. 4. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté confiées à l'administration pénitentiaire, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

Le second alinéa de l’article 4 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi rédigé :

(Sans modification)

La possibilité de contrôler et de retenir les correspondances prévue par l'article 40 ne s'applique pas aux correspondances échangées entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes détenues.

Code pénal

Art. 432-9. – Cf annexe

« La possibilité de contrôler les communications téléphoniques, les correspondances et tout autre moyen de communication ne s’applique pas aux échanges entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes détenues. La méconnaissance de cette disposition est passible des peines prévues à l’article 432-9 du code pénal. »

 
 

Article 8 (nouveau)

Article 8

 

La présente loi est applicable à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

(Sans modification)

 

Les articles 6 et 7 de la présente loi sont applicables en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code pénal 96

Art. 432-9.

Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté 96

Code pénal

Art. 432-9. – Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Est puni des mêmes peines le fait, par une personne visée à l'alinéa précédent ou un agent d'un exploitant de réseaux ouverts au public de communications électroniques ou d'un fournisseur de services de télécommunications, agissant dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l'interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu.

Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Art. 1er. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

Dans la limite de ses attributions, il ne reçoit instruction d’aucune autorité.

Art. 2. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé en raison de ses compétences et connaissances professionnelles par décret du Président de la République pour une durée de six ans. Son mandat n’est pas renouvelable.

Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions qu’il émet ou des actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions.

Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l’expiration de son mandat qu’en cas de démission ou d’empêchement.

Les fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté sont incompatibles avec tout autre emploi public, toute activité professionnelle et tout mandat électif.

Art. 3. – Dans les articles L. 194-1 et L. 230-1 et dans le cinquième alinéa de l’article L. 340 du code électoral, les mots : « et le Défenseur des enfants » sont remplacés par les mots : « , le Défenseur des enfants et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».

Art. 4. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est assisté de contrôleurs qu’il recrute en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission.

Les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l’exercice d’activités en relation avec les lieux contrôlés.

Dans l’exercice de leurs missions, les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Art. 5. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ses collaborateurs et les contrôleurs qui l’assistent sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement des rapports, recommandations et avis prévus aux articles 10 et 11.

Ils veillent à ce qu’aucune mention permettant l’identification des personnes concernées par le contrôle ne soit faite dans les documents publiés sous l’autorité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou dans ses interventions orales.

Art. 6. – Toute personne physique, ainsi que toute personne morale s’étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les membres du Parlement et le Défenseur des droits (1). Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.

Art. 7. – I. – Dans la première phrase du quatrième alinéa de l’article 4 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité, après les mots : « président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité », sont insérés les mots : « , le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».

II. – Après le deuxième alinéa de l’article 6 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Médiateur de la République peut être saisi par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. »

Art. 8. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d’une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement visé à l’article L. 3222-1 du code de la santé publique.

Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent s’opposer à la visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans le lieu visité, sous réserve de fournir au Contrôleur général des lieux de privation de liberté les justifications de leur opposition. Elles proposent alors son report. Dès que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé, elles en informent le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté obtient des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s’entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.

Le caractère secret des informations et pièces dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’État, au secret de l’enquête et de l’instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut déléguer aux contrôleurs les pouvoirs visés au présent article.

Art. 9. – À l’issue de chaque visite, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l’état, l’organisation ou le fonctionnement du lieu visité, ainsi que la condition des personnes privées de liberté. Les ministres formulent des observations en réponse chaque fois qu’ils le jugent utile ou lorsque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté l’a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

S’il constate une violation grave des droits fondamentaux d’une personne privée de liberté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté communique sans délai aux autorités compétentes ses observations, leur impartit un délai pour y répondre et, à l’issue de ce délai, constate s’il a été mis fin à la violation signalée. S’il l’estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.

Si le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l’existence d’une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Art. 10. – Dans son domaine de compétences, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et propose au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.

Art. 11. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d’activité au Président de la République et au Parlement. Ce rapport est rendu public.

Art. 12. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté coopère avec les organismes internationaux compétents.

Art. 13. – Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Ces crédits sont inscrits au programme de la mission " Direction de l’action du Gouvernement " relatif à la protection des droits et des libertés fondamentales. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

Art. 14. – Les conditions d’application de la présente loi, notamment celles dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l’article 4 sont appelés à participer à la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont précisées par décret en Conseil d’État.

Art. 15. – Dans le dernier alinéa de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « , l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente » sont remplacés par les mots : « et l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ».

Art. 16. – La présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

• Ministère de la Justice

– Mme Isabelle Gorce, directrice de l’administration pénitentiaire

– Mme Catherine Sultan, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

• Ministère de l’Intérieur

– M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France

– M. Frédéric Joram, conseiller juridique auprès du directeur général de la police nationale

– M. Emmanuel Dupic, conseiller juridique et judiciaire auprès du directeur général de la gendarmerie nationale

• Ministère des Affaires sociales et de la Santé

– M. Samuel Pratmarty, sous-directeur de la régulation de l’offre de soins

– Mme Isabelle Prade, cheffe de bureau à la direction générale de l'offre de soins

• Défenseur des droits

– Mme Françoise Mothes, adjointe du Défenseur des droits dans le domaine de la déontologie de la sécurité

• Contrôleur général des lieux de privation de liberté

– M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté

– Mme Aude Muscatelli, secrétaire générale

• Conseil de l’ordre des médecins

– Docteur André Deseur, vice-président

Table ronde des syndicats de l’administration pénitentiaire :

• Syndicat national des cadres pénitentiaires (SNCP-CGE-CGC)

– M. Dominique Orsini, membre du bureau

– M. Emmanuel Fernandes, officier élu

• SNP FO-Direction

– M. Patrick Wiart

– M. Ivan Gombert

• Syndicat national des directeurs pénitentiaires

– M. Jean Michel Dejenne, premier secrétaire national

• Union générale des syndicats pénitentiaires CGT

– M. Marc Astasie, secrétaire général

– Mme Delphine Colin, secrétaire nationale

Table ronde des syndicats de la police nationale :

• Synergie Officiers

– M. Mohammed Douhane, conseiller technique

• Syndicat des commissaires de la police nationale

– M. Emmanuel Roux, secrétaire général

• Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI)

– M. Michel-Antoine Thiers, secrétaire national

• UNITÉ SGP POLICE-FO

– M. Nicolas Comte, secrétaire général adjoint

• Alliance Police nationale

– M. Henri Bontempelli, délégué national

Table ronde d’associations de soignants en milieu pénitentiaire :

• Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP)

– Dr Fadi Meroueh, vice-président

– Dr Anne Lécu, membre du bureau

• Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)

– Dr Michel David, président

Table ronde des syndicats de l’hospitalisation psychiatrique :

• Union syndicale de la psychiatrie (USP)

– Dr Claire Gekière, membre du Conseil national de l'union syndicale de la psychiatrie

• Syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP)

– Dr Michel Triantafyllou, président

– Dr Jean Ferrandi, secrétaire général

• Coordination nationale infirmières (CNI) - collectif psychiatrie

– Mme Danièle Hengen, référente du Collectif psychiatrie

– M. Thierry Alberti, membre du bureau national

• Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP)

– Dr Gilles Vidon, trésorier

Syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse :

• CGT Protection judiciaire de la jeunesse (CGT-PJJ)

– M. Alain Dru, secrétaire général

• SNPES/PJJ FSU

– Mme Maria Inès, co-secrétaire nationale

– M. Michel Faujour, co-secrétaire national

Associations d’usagers et de familles d’usagers en psychiatrie

• Fédération nationale des Associations d'usagers en psychiatrie (FNAPSY) et Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM)

– Mme Claude Finkelstein, directrice de la FNAPSY et représentant M. Philippe Charrier, président de l’UNAFAM

Table ronde d’associations de défense des étrangers :

• CIMADE

– M. Jean-Claude Mas, secrétaire général

• GISTI

– M. Christophe Pouly, membre

Table ronde d’associations œuvrant dans le domaine pénitentiaire :

• Association nationale des visiteurs de prison

– M. Didier Baudoin, vice-président

• Observatoire international des prisons

– Mme Marie Crétenot, responsable du plaidoyer

• Dr Catherine Paulet, psychiatre, expert auprès du comité européen pour la prévention de la torture (CPT)

• M. Éric Senna, magistrat

La rapporteure a également reçu des contributions écrites :

– du syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU) ;

– du syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH).

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2012, Dalloz, pp. 291-298.

2 () La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 a institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Cette autorité administrative indépendante est à la tête d’une administration composée de 28 personnes, dont 17 contrôleurs. On qualifie communément l’ensemble de Contrôle général des lieux de privation de liberté.

3 () La mise en place d’un « contrôle extérieur » des prisons avait été proposée, pour la première fois, dans le rapport de la commission présidée par M. Guy Canivet, Amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, La Documentation française, mars 2000. Cette proposition avait également été formulée par les deux commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les prisons : rapport (n° 2521, XIe législature) de M. Jacques Floch au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises, et rapport (n° 449, session ordinaire de 1999-2000) de M. Guy-Pierre Cabanel au nom de la commission d’enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France.

4 () Les « geôles » des tribunaux sont des locaux judiciaires dans lesquels sont retenues les personnes privées de liberté dans l’attente de leur présentation à une autorité judiciaire.

5 () Voir le rapport (nos 2991 et 2992, XIIIe législature) de M. Pierre Morel-À-L’Huissier au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi organique et le projet de loi, adoptés par le Sénat, relatifs au Défenseur des droits, p. 16.

6 () Rapport (n° 258, session ordinaire de 2010-2011) de M. Patrice Gélard au nom de la commission des Lois du Sénat sur le projet de loi organique et le projet de loi, modifiés par l’Assemblée nationale, relatifs au Défenseur des droits, p. 14.

7 () Voir, infra, le II du présent exposé général.

8 () Voir infra, le compte-rendu de cette audition.

9 () Les chiffres définitifs de l’activité de l’année 2013 n’ont pas encore été rendus publics à la date de publication du présent rapport.

10 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) de Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi de Mme Catherine Tasca et plusieurs de ses collègues modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, p. 12.

11 () Données communiquées à votre rapporteure par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

12 () Les crédits du CGLPL sont inscrits au programme n° 308 « Protection des droits et libertés » qui fait partie de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

13 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2008, Dalloz, p. 113.

14 () Op. cit., p. 93.

15 () Ministère de la Justice, ministère de l’Intérieur et ministère des Affaires sociales et de la Santé.

16 () Voir infra, le commentaire de l’article 3.

17 () Article 719 du code de procédure pénale.

18 () Article L. 3222-4-1 du code de la santé publique.

19 () Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

20 () Sur ce point, voir supra, le 2 du B du I du présent exposé général.

21 () Parmi ces différentes retenues, peuvent être citées :

-  la retenue pour vérification de droit au séjour prévue à l’article L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

-   la rétention pour vérification d’identité prévue à l’article 78-3 du code de procédure pénale ;

-  la retenue des mineurs âgés de dix à treize ans suspectés d’avoir commis une infraction prévue au I de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;

-  la retenue douanière aux articles 323-1 à 323-10 du code des douanes.

22 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) de Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi de Mme Catherine Tasca et plusieurs de ses collègues modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, p. 21.

23 () Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

24 () L’article 2, § 1, de la directive 2008/115/CE précitée dispose que celle-ci « s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre » et son article 3 définit le ressortissant d’un pays tiers comme « toute personne qui n’est ni un citoyen de l’Union (…) ni une personne jouissant du droit communautaire à la libre circulation (…) ».

25 () Journal officiel débats Sénat, séance du 21 janvier 2014, p. 423.

26 () En application des articles L. 531-1 à L. 531-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

27 () Règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.

28 () Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

29 () Loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge

30 () Ce droit de visite des parlementaires dans les établissements de soins sans consentement a été ouvert par la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

31 () Données communiquées à votre rapporteure par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

32 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, pp. 27 à 29.

33 () Journal officiel Débats Sénat, séance du 21 janvier 2014, p. 435.

34 () Sur les prérogatives dont disposera le CGLPL dans le cadre des enquêtes, voir infra, le 2 du commentaire du présent article.

35 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, p. 30.

36 () Les motifs pour lesquels les autorités responsables du lieu peuvent s’opposer à une visite ou à des vérifications sur place doivent être « des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans le lieu visité », l’autorité responsable du lieu invoquant l’un de ces motifs étant tenue de « fournir au Contrôleur général des lieux de privation de liberté les justifications de leur opposition ». Les autorités responsables du lieu sont tenues d’informer le CGLPL « [d]ès que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé ».

37 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, p. 31.

38 () Voir, par exemple, le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour l’année 2010, p. 259.

39 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, p. 37.

40 () Rapport (n° 3040, XIIIe législature) de M. Philippe Gosselin au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la garde à vue, p. 19.

41 () Sur ces différentes retenues et les textes les prévoyant, voir supra, le III de l’exposé général.

42 () Voir le rapport (n° 414, session extraordinaire de 2006-2007) de M. Jean-Jacques Hyest au nom de la commission des Lois du Sénat sur le projet de loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, juillet 2007, p. 47, et le rapport (n° 163, XIIIe législature) de M. Philippe Goujon au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi, adopté par le Sénat, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, septembre 2007, p. 63.

43 () Le Comité européen pour la prévention de la torture est un organe du Conseil de l’Europe, prévu par la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants conclue à Strasbourg le 26 novembre 1987, qui a pour mission, « par le moyen de visites, [d’]examine[r] le traitement des personnes privées de liberté en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants » (article 1er de la Convention).

La dernière visite en France du CPT a eu lieu du 28 novembre 2010 au 10 décembre 2010 (voir le rapport de cette visite : http://www.cpt.coe.int/documents/fra/2012-13-inf-fra.pdf).

44 () Journal officiel Débats Assemblée nationale, 2e séance du 25 septembre 2007, p. 2376.

45 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, p. 35.

46 () Op. cit., p. 36.

47 () Op. cit., pp. 35-36

48 () Le 2° de l’article L. 4111-1 du code de la santé publique réserve la possibilité d’exercer la profession de médecin en France aux personnes qui sont « de nationalité française, de citoyenneté andorrane ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du Maroc ou de la Tunisie, sous réserve de l’application, le cas échéant, soit des règles fixées au présent chapitre, soit de celles qui découlent d’engagements internationaux ».

49 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2012, Dalloz, pp. 296-297.

50 () Loi n° 2008-739 du 28 juillet 2008 autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

51 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2012, Dalloz, p. 297.

52 () Cette réserve est ainsi rédigée :

« En application des articles 15 et 21 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire français n’ordonnera, n’appliquera, n’autorisera ou ne tolèrera de sanction à l’encontre d’une personne ou d’une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux, au sous-comité de prévention de la torture ou à ses membres ainsi qu’au mécanisme national de prévention, et ladite personne ou organisation ne subira de préjudice d’aucune autre manière, pour autant que, s’agissant des renseignements faux, la personne ou l’organisation en question n’ait pas eu connaissance du caractère fallacieux des faits au moment de leur dénonciation et, d’autre part, sans préjudice des voies de droit dont pourraient faire usage les personnes mises en cause en raison du dommage subi pour dénonciation de faits inexacts à leur encontre ».

53 () Article 226-10 du code pénal :

« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

« La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée.

« En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. »

54 () Voir infra, le commentaire de l’article 6.

55 () Pour l’année 2014, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose de 28 ETPT, dont 20 emplois de contrôleurs et 7 emplois de contractuels. Sur les moyens du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, voir le projet annuel de performances de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », programme « Protection des droits et libertés ».

56 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, p. 40.

57 () Op. cit., p. 41.

58 () Article 40-2 du code de procédure pénale :

« Le procureur de la République avise les plaignants et les victimes si elles sont identifiées, ainsi que les personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 40, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement.

« Lorsqu’il décide de classer sans suite la procédure, il les avise également de sa décision en indiquant les raisons juridiques ou d’opportunité qui la justifient. »

59 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2012, Dalloz, p. 89.

60 () Journal officiel débats Sénat, séance du 21 janvier 2014, p. 423.

61 () Voir supra, le commentaire de l’article 1er.

62 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2010, Dalloz, pp. 183 et 223.

63 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2010, Dalloz, p. 55.

64 () Rapport d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour 2010, Dalloz, pp. 29-34.

65 () Voir supra, le commentaire de l’article 3.

66 () Voir supra, le commentaire de l’article 1er.

67 () Voir infra, le commentaire de l’article 6.

68 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, pp. 43-44.

69 () Sur ce point, voir supra, le commentaire de l’article 2, ainsi que le compte rendu de l’audition du Contrôleur général des lieux de privation de liberté par la commission des Lois le 12 février 2014.

70 () Article 12 de la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.

71 () II de l’article 26 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

72 () Article 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

73 () Article L. 642-2 du code monétaire et financier.

74 () Article L. 8114-1 du code du travail.

75 () Article L. 217-10 du code de la consommation.

76 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, p. 45.

77 () Rapport (n° 1899, XIIIe législature) de M. Jean-Paul Garraud au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi pénitentiaire, adopté par le Sénat, pp. 93-94.

78 () Rapport (n° 286, session ordinaire de 2013-2014) précité, p. 47.

79 () À la demande de la direction de l’administration pénitentiaire, le numéro de téléphone du Défenseur des droits a été paramétré par le prestataire téléphonique, sur l’ensemble des sites pénitentiaires, afin que ce numéro ne soit ni écoutable, ni enregistrable, et qu’il soit gratuit, conformément à l’article 6 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. Une plaquette d’information à destination des personnes détenues, mentionnant la possibilité de saisir le Défenseur des droits et précisant que les courriers ne peuvent être ni contrôlés, ni retenus, et que les appels téléphoniques ne peuvent être ni écoutés, ni enregistrés, a été éditée et distribuée dans les établissements pénitentiaires.