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N
° 2094

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juillet 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI DE M. JEAN-LOUIS TOURAINE (n° 2031) ET LA PROPOSITION DE LOI DE MME GILDA HOBERT (n° 2032) relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon),

PAR M. Jean-Louis TOURAINE

Député

——

SOMMAIRE

___

Pages

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX PROPOSITIONS DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS 4

INTRODUCTION 5

I. LA CRÉATION EN 1983 D’UNE ZONE D’AMÉNAGEMENT CONCERTÉ DANS LE QUARTIER CENTRAL DE GERLAND SUR DES TERRAINS PARTIELLEMENT AFFECTÉS AU DOMAINE PUBLIC 6

II. LE NON-RESPECT DES PRINCIPES RÉGISSANT LA PROCÉDURE DE SORTIE D’UN BIEN DU DOMAINE PUBLIC PAR L’ADMINISTRATION 9

A. L’ÉLÉMENT MATÉRIEL : LA DÉSAFFECTATION 9

B. L’ÉLÉMENT FORMEL : LE DÉCLASSEMENT 10

1. Le principe : un déclassement exprès par le propriétaire du bien 10

2. Quelques exceptions 10

III. LA SÉCURISATION DES CONTRATS RELATIFS AUX TERRAINS DÉSAFFECTÉS MAIS NON DÉCLASSÉS DU DOMAINE PUBLIC DE LYON JUSTIFIE UNE VALIDATION LÉGISLATIVE PRÉVENTIVE 12

A. LES CONDITIONS POSÉES PAR LES JUGES EN MATIÈRE DE VALIDATION LÉGISLATIVE 13

1. Le respect de la séparation des pouvoirs et des décisions de justice ayant force jugée 14

2. Le respect de la non-rétroactivité des peines et des sanctions 15

3. Une définition stricte de la portée de la validation 15

4. La démonstration d’un « motif impérieux d’intérêt général » 15

B. LE RESPECT DE L’ENSEMBLE DE CES CONDITIONS PAR LA PRÉSENTE VALIDATION LÉGISLATIVE 18

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE 23

Article unique : Validation des contrats autorisés et passés par la ville de Lyon et relatifs à des terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concertée du quartier central de Gerland 23

Titre 23

TABLEAU COMPARATIF 25

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
AUX PROPOSITIONS DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS

Sur proposition de son rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement purement rédactionnel réécrivant l’article unique ainsi qu’un amendement précisant le titre du texte.

Mesdames et Messieurs,

La zone d’aménagement concerté (ZAC) du quartier central de Gerland, créée par arrêté du préfet du Rhône du 16 février 1983, a eu pour objet de contribuer à la réhabilitation de ce quartier en utilisant notamment les terrains relevant du domaine public de la ville de Lyon qui avaient servi d’assiette aux abattoirs municipaux progressivement désaffectés depuis 1967.

Or, il a été constaté plusieurs années après, que ces terrains, bien que désaffectés, n’avaient jamais fait l’objet d’un déclassement formel du domaine public. Cette formalité a été sans conséquence sur le projet d’aménagement particulièrement important pour l’agglomération lyonnaise. Les deux propositions de loi présentées par MM. Jean-Louis Touraine et Pierre-Alain Muet (n° 2031) d’une part, et par Mme Gilda Hobert (n° 2032)  d’autre part (1), visent simplement à revenir sur cette formalité en validant, de manière rétroactive, l’ensemble des contrats relatifs à ces terrains, autorisés et passés par la ville de Lyon, de manière à les réputer réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

L’objectif visé par ces deux propositions de loi, quasi-similaires, est de sécuriser la situation juridique des habitants, des occupants et des propriétaires de logements – notamment à caractère social –, de bureaux et d’équipement d’intérêt général et commerciaux, construits sur la ZAC du quartier central de Gerland depuis 1983, en validant les contrats signés par le passé par la ville de Lyon. De la sorte serait prévenu le risque de contentieux tout à fait artificiels, fondés sur l’absence de déclassement formel de ces terrains, qui pourraient surgir à l’occasion de litiges relatifs à de nouvelles transactions.

La présente validation législative devrait donc permettre non seulement de pérenniser le développement économique et social dans le quartier de la ZAC de Gerland mais également en favoriser l’essor grâce à la sécurité juridique conférée à de nombreux projets en cours. Elle contribuerait ainsi à renforcer la place du pôle de compétitivité à vocation mondiale, dit « Lyonbiopôle », dans le domaine de la santé et des biotechnologies qui est installé dans ce quartier.

I. LA CRÉATION EN 1983 D’UNE ZONE D’AMÉNAGEMENT CONCERTÉ DANS LE QUARTIER CENTRAL DE GERLAND SUR DES TERRAINS PARTIELLEMENT AFFECTÉS AU DOMAINE PUBLIC

Le 21 juin 1982, le conseil municipal de la ville de Lyon a approuvé, par délibération, le projet de création-réalisation d’une zone d’aménagement concerté sur les terrains du quartier central de Gerland.

Cette délibération portait sur l’examen de la première tranche d’aménagement de la ZAC, d’une superficie de 28 hectares, entièrement propriété des collectivités publiques, répartis de la manière suivante :

– 5,3 hectares appartenant à la communauté urbaine de Lyon dont 3,3 hectares affectés au domaine public ayant servi d’assiette aux anciens abattoirs municipaux jusqu’en 1967 et non utilisés depuis ;

– 22,7 hectares appartenant à la ville de Lyon, dont 5,7 hectares étaient déjà utilisés.

Cette première tranche d’aménagement du quartier de Gerland devait conduire à l’augmentation du programme de construction de l’école normale supérieure, six hectares étant dédiés à la création de 590 logements dont 350 logements sociaux aidés, 8000 m² de bureaux et de locaux non commerciaux intégrés aux bâtiments de logement, 5000 m² de commerce aux rez-de-chaussée des immeubles, 5000 m² d’équipements publics, des équipements scolaires (maternelles et primaire) et enfin au renforcement du pôle scientifique et technique (13 000 m²).

À la suite de cet avis favorable du conseil municipal de la ville de Lyon, un arrêté préfectoral n° 82-799 en date du 13 septembre 1982 a prescrit une enquête publique préalable à la création de la ZAC de Gerland.

Cette enquête publique préalable s’est déroulée du 24 septembre 1982 au 26 novembre 1982 inclus, conjointement au siège de la communauté urbaine de Lyon et à la mairie du 7e arrondissement de Lyon.

Compte tenu de l’avis favorable formulé par le commissaire-enquêteur le 5 décembre 1982 et par le préfet de la région Rhône-Alpes, la création de la ZAC du « Quartier central de Gerland » a été autorisée par arrêté préfectoral du 16 février 1983, alors même qu’aucun acte de déclassement du domaine public portant sur les terrains préalablement affectés aux abattoirs municipaux n’avait été formellement pris, à l’exception de trois parcelles déclassées avant 1967.

Depuis 1983, la ZAC du quartier central de Gerland s’est largement développée et de nombreux projets d’intérêt général sont actuellement en cours autour du pôle de compétitivité « Lyonbiopôle » et du projet de développement de l’Université de Lyon.

Ainsi, l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 2031 fait-il état des projets suivants :

– la signature de 34 baux à construction, ayant donné lieu à 14 divisions en copropriété, dont six ont été consentis à des bailleurs sociaux ;

– le développement du pôle de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à travers l’extension du laboratoire P4 en cours et l’étude pour la création d’un nouveau centre de recherche dans le cadre du contrat de plan État-Région ;

– le projet de relocalisation sur le site du centre international de recherche et de cancérologie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ;

– l’extension engagée d’un laboratoire de l’ENS Lyon dans le cadre du plan Campus ;

– le projet de construction d’une résidence universitaire et d’un restaurant interuniversitaire ;

– la construction du nouveau siège social de Sanofi, regroupant le siège monde de la division Vaccins du groupe (Sanofi-Pasteur) et le siège monde de la division Santé animale du groupe (Merial), qui emploiera près de 700 personnes.

Or, comme le montrent les schémas ci-après, la sécurité juridique des transactions passées et à venir – et en particulier la liquidité des actifs présents et futurs – n’est pas totalement garantie, dans la mesure où une partie des terrains sur lesquels ils ont été construits n’a pas été formellement déclassée du domaine public municipal.

CARTOGRAPHIE DES PRINCIPAUX PROJETS AFFECTÉS PAR L’INSÉCURITÉ JURIDIQUE LIÉE AU NON DÉCLASSEMENT DU DOMAINE PUBLIC DE L’ANCIENNE DE LA ZONE D’AMÉNAGEMENT CONCERTÉE DE GERLAND

Source : Communauté urbaine de Lyon.

II. LE NON-RESPECT DES PRINCIPES RÉGISSANT LA PROCÉDURE DE SORTIE D’UN BIEN DU DOMAINE PUBLIC PAR L’ADMINISTRATION

L'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques pose la règle générale suivante : pour pouvoir sortir du domaine public, les biens doivent en principe être désaffectés et déclassés, ces conditions étant cumulatives.

En l’espèce, si la désaffectation des abattoirs municipaux installés sur certaines parcelles de l’ancienne ZAC du quartier central de Gerland appartenant au domaine public de la ville de Lyon a été constatée, aucun acte formel de déclassement n’a été pris.

A. L’ÉLÉMENT MATÉRIEL : LA DÉSAFFECTATION

La désaffectation d’un bien appartenant au domaine public doit se traduire dans les faits : fermeture du site, équipement public détruit…

Même si la désaffectation est un élément factuel, les actes administratifs ne sont pas absents pour autant. Ainsi, la personne publique peut prendre, en amont, une décision administrative – une délibération pour les collectivités territoriales – pour signifier son intention de désaffecter un bien ou constater la désaffectation du bien.

La preuve de la désaffectation peut être rapportée par tout moyen (plans, photos, délibérations, attestations de riverains ou toute autre pièce utile) (2).

La désaffectation doit intervenir dans un but d'intérêt général et encourt l'annulation dans le cas contraire (3). La plupart du temps, lorsque la désaffectation résulte d'une décision, c'est le propriétaire public lui-même qui est compétent pour retirer son affectation à une dépendance domaniale.

En l’espèce, la désaffectation des terrains de la ville de Lyon est caractérisée par la fermeture progressive des abattoirs municipaux entre 1967 et 1977. Les délibérations du conseil municipal ayant autorisé le maire à céder ces terrains, comme la délibération du 21 juin 1982 notamment, ont constaté cette désaffectation.

B. L’ÉLÉMENT FORMEL : LE DÉCLASSEMENT

Le déclassement est l'acte formel qui fait sortir le bien du domaine public au terme d'une procédure administrative.

1. Le principe : un déclassement exprès par le propriétaire du bien

Alors que la désaffectation doit être constatée dans les faits, le déclassement doit être exprès et formalisé dans un acte, en principe un acte administratif (décret, arrêté, délibération, décision ministérielle ad hoc…)(4), par son propriétaire.

Le déclassement ne peut donc en principe être tacite ou implicite ni résulter des circonstances ou se déduire de la désaffectation ou du simple non-usage (5).

Le déclassement doit par ailleurs être suffisamment précis pour permettre l'identification des parcelles et des immeubles concernés (6).

En l’espèce, aucun acte administratif n’a procédé au déclassement formel des parcelles du quartier central de Gerland affectées au domaine public municipal de Lyon pour l’activité des abattoirs municipaux, malgré le contrôle de légalité réalisé par le Préfet sur les délibérations de la ville de Lyon autorisant la cession de ces parcelles.

2. Quelques exceptions

Il est des cas exceptionnels dans lesquels, même en l’absence d’acte de déclassement exprès émanant du propriétaire des biens désaffectés, le déclassement est reconnu par le juge administratif ou imposé par la loi :

– le déclassement implicite : le juge administratif a admis qu'un déclassement pouvait résulter d'un acte juridique ayant un autre objet, mais présupposant nécessairement l'existence d'un déclassement (7). Dans le même esprit, il a refusé d'annuler un déclassement implicite, résultant de délibérations portant désaffectation d'une portion de domaine public routier et engagement de l'enquête publique requise pour ce type d'opérations (8) ;

– l’absence de déclassement : le juge administratif a pu admettre, à titre exceptionnel, qu'un aqueduc ayant été seulement désaffecté dans la première moitié du XIXe siècle ne faisait plus partie du domaine public et pouvait être aliéné, dans la mesure où un déclassement exprès n'était pas encore requis à cette époque (9).

Un peu plus tard, le juge administratif a également admis que le déclassement des « délaissés de la voirie routière » – c’est-à-dire les portions de route délaissées en raison de modifications du tracé ou de l'ouverture de routes nouvelles – n'était pas nécessaire pour faire sortir ces biens du domaine public (10). Il n’a cependant jamais étendu cette jurisprudence à d’autres cas de « délaissement ».

– le déclassement législatif : le législateur est intervenu plusieurs fois pour autoriser le déclassement, pour l’avenir, de certains biens du domaine public ou imposer un tel déclassement. Ce fut le cas du patrimoine de La Poste (11), des immeubles de bureaux (12), des biens immobiliers de Réseau ferré de France inutiles à ses missions de service public (13) et des biens transmis à Pôle Emploi (14).

En l’espèce, il ne fait aucun doute que les parcelles de terrains relevant du domaine public pour être affectées au service public des abattoirs jusqu’en 1967 ont été délaissées jusqu’en 1983.

De plus, en entérinant par délibération du 21 juin 1982 le projet de création de la ZAC du quartier central de Gerland pour y construire des immeubles sous le régime de bail à construction, le conseil municipal de la ville de Lyon avait nécessairement anticipé une redistribution de la propriété incompatible avec la domanialité publique. La réalisation d’une enquête publique, préalable à la création de la ZAC, prescrite par arrêté préfectoral du 13 septembre 1982, conforte à cet égard l’hypothèse d’un déclassement implicite.

Il en résulte que le juge administratif pourrait éventuellement, s’il était saisi, accepter l’argument selon lequel lesdites parcelles ont été déclassées, même en l’absence d’un acte administratif formel de déclassement.

Toutefois, compte tenu du caractère exceptionnel de la reconnaissance d’un déclassement implicite par le juge administratif et des enjeux économiques, scientifiques, sociaux et financiers attachés à l’aménagement passé et à venir de la ZAC du quartier central de Gerland, notamment autour du développement du pôle de compétitivité « Lyonbiopôle », votre rapporteur considère qu’il est, dans l’intérêt général, de sécuriser les transactions juridiques relatives aux terrains préalablement affectés au domaine public de la ville de Lyon, grâce à l’intervention du législateur.

Il lui semble néanmoins qu’un déclassement législatif n’est pas l’outil approprié en l’espèce, dans la mesure où il ne vaudrait que pour l’avenir, et ne régulariserait pas les transactions passées.

C’est la raison pour laquelle il soutient les deux présentes propositions de loi visant à valider tous les contrats portant sur les biens construits sur les terrains désaffectés mais non déclassés du domaine public de la ville de Lyon de manière rétroactive, dès lors que les conditions posées par la jurisprudence en matière de validation législative sont respectées.

III. LA SÉCURISATION DES CONTRATS RELATIFS AUX TERRAINS DÉSAFFECTÉS MAIS NON DÉCLASSÉS DU DOMAINE PUBLIC DE LYON JUSTIFIE UNE VALIDATION LÉGISLATIVE PRÉVENTIVE

Constitue une validation législative ou « loi de validation », « toute intervention du législateur qui, par un texte modifiant rétroactivement l’état du droit, résultant notamment des décisions de justice, permet de réputer réguliers des actes juridiques, nés ou à venir, dont la légalité risque d’être mise en cause devant une juridiction de l’ordre administratif ou judiciaire » (15).

Cette intervention du législateur peut avoir pour objet de régulariser non seulement des actes administratifs mais aussi des actes juridiques émanant de personnes privées dont la légalité est douteuse (16).

Lorsque le législateur intervient pour valider des actes réglementaires non annulés par le juge administratif, les conséquences, pour les justiciables, sont les suivantes :

– lorsque les requêtes sont formées après une validation législative et avant recours, elles sont irrecevables (17) ;

– si la validation intervient après qu’il y a eu recours devant le juge, celui-ci décide qu’il n’y a plus lieu à statuer, le pourvoi étant devenu sans objet (18).

Dans la mesure où une loi de validation a pour caractéristique d’avoir une portée rétroactive et, par conséquent, d’être susceptible de porter atteinte à la sécurité juridique, le Conseil constitutionnel comme la Cour européenne des droits de l’homme sont intervenues, à plusieurs reprises, pour encadrer cette pratique.

A. LES CONDITIONS POSÉES PAR LES JUGES EN MATIÈRE DE VALIDATION LÉGISLATIVE

Le Conseil constitutionnel a reconnu, pour la première fois, la conformité à la constitution d’une loi de validation, dans une décision de principe du 22 juillet 1980, dès lors que trois conditions sont réunies : le respect de la séparation des pouvoirs, le respect du principe de non-rétroactivité des peines et l’exigence d’un but d’intérêt général (19). À cette triple exigence, dont la portée a été progressivement précisée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel mais également par celle du Conseil d’État, de la Cour de cassation et surtout de la Cour européenne des droits de l’homme dans le sens d’une rigueur accrue, est venue s’ajouter un nouveau critère, celui du caractère nécessairement circonscrit de la validation.

Dernièrement, dans sa récente décision du 14 février 2014, le Conseil constitutionnel a parachevé les conditions de constitutionnalité d’une loi de validation, faisant sienne la terminologie employée par la Cour européenne des droits de l’homme, en exigeant notamment la démonstration d’un « motif impérieux d’intérêt général » et non plus d’un but ou d’un motif « d’intérêt général suffisant » : « Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; » (20).

1. Le respect de la séparation des pouvoirs et des décisions de justice ayant force jugée

Dans sa décision du 22 juillet 1980, le Conseil constitutionnel avait été saisi au motif que la loi de validation des actes administratifs en cause était contraire au principe de séparation des pouvoirs, car de nature à entraîner le rejet de litiges pendants devant le juge administratif.

Il avait toutefois considéré « qu'il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement ; qu'ainsi, il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ; 7. Mais considérant que ces principes de valeur constitutionnelle ne s'opposent pas à ce que, dans l'exercice de sa compétence et au besoin, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie les règles que le juge a mission d'appliquer ; qu'ainsi le fait que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel intervient dans une matière ayant donné lieu à des recours actuellement pendants n'est pas de nature à faire regarder cette loi comme non conforme à la Constitution ».

Depuis cette décision, les lois de validation doivent toujours réserver ou être regardées comme réservant le cas des décisions de justice passées en force de chose jugée (21) ou des personnes à l'égard desquelles une décision de justice est devenue définitive (22).

L'expression « décision de justice passée en force de chose jugée » doit s'entendre au sens de l'article 500 du nouveau code de procédure civile, c'est-à-dire d'un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ; la conséquence est qu'un jugement ou un arrêt qui, en matière administrative ou civile, n'est plus susceptible que d'un pourvoi en cassation ne peut être remis en cause par une loi de validation.

En revanche, le Conseil constitutionnel admet les validations préventives, qui interviennent avant que le juge n'ait statué. Il s'agit en définitive pour le législateur de valider, non pas l'acte dont l'annulation a été prononcée par le juge administratif, mais bien les effets de cet acte. Le législateur peut donc garantir une forme d'immunité juridictionnelle au profit d'actes administratifs dont la légalité est très douteuse. Cette immunité n'est toutefois pas absolue, dans la mesure où rien n'empêche le juge administratif de prononcer l'annulation des actes litigieux « sur d'autres fondements » (23) que ceux écartés par la validation législative.

2. Le respect de la non-rétroactivité des peines et des sanctions

Avant même que se développe sa jurisprudence sur les lois de validation, le Conseil constitutionnel avait eu l'occasion de rappeler qu'en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit » (24).

En pratique, ce principe n'a pas conduit à des annulations de validations en matière pénale, le législateur ne s'étant pas risqué à des mesures rétroactives dans ce domaine. En revanche, le Conseil constitutionnel a été conduit à développer sa jurisprudence pour étendre ce principe au cas de sanctions administratives (25).

3. Une définition stricte de la portée de la validation

Pendant longtemps, le Conseil constitutionnel a admis des validations totales ne comportant aucune précision quant au vice dont l'acte était purgé : tel était notamment le cas de la loi du 25 juillet 1980 qui a donné lieu à la décision de principe du 22 juillet 1980 (26).

Cependant, depuis sa décision n° 99-422 du 21 décembre 1999, il exige que le législateur indique le « motif précis dont il entend purger l'acte contesté ».

4. La démonstration d’un « motif impérieux d’intérêt général »

Dans sa décision de principe du 22 juillet 1980, le Conseil constitutionnel a vérifié que la loi de validation avait été adoptée pour des raisons d’intérêt général, caractérisée en l’espèce par la nécessité de préserver le fonctionnement continu du service public et le déroulement normal des carrières du personnel.

Par la suite, de nombreuses décisions sont venues confirmer ce critère soit en affirmant que les lois de validation répondaient à un but d’intérêt général, soit en précisant qu’il convenait de « pourvoir à une situation qui, quelles que soient les erreurs commises par l’administration, doit être réglée conformément aux exigences du service public et de l’intérêt général » (27).

L’objectif de préservation du fonctionnement du service public est le motif d’intérêt général le plus souvent invoqué mais d’autres objectifs d’intérêt général ont également été admis par le Conseil constitutionnel tels que :

– régulariser une illégalité purement externe, comme un vice de compétence de l’auteur de l’acte (28) ;

– mettre fin à des divergences de jurisprudence et éviter par là même le développement de contestations dont l’aboutissement aurait pu entraîner des conséquences financières préjudiciables à l’équilibre des régimes sociaux en cause (29) ;

– éviter un développement contentieux d’une ampleur telle qu’il aurait entraîné des risques considérables pour l’équilibre du système bancaire dans son ensemble, et donc de l’activité économique générale (30) ;

– éviter que la paix publique ne soit menacée par la multiplication des contestations (31) ;

– préserver l’équilibre financier de la sécurité sociale (32).

C’est seulement par sa décision n° 95-369 du 28 décembre 1995 que le Conseil constitutionnel a, pour la première fois, censuré une loi de validation en relevant que la seule considération d’un intérêt financier ne constituait pas un motif d’intérêt général « autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d’une décision de justice ». Il a par la suite exigé que le législateur valide un acte administratif « dans un but d’intérêt général suffisant » (33).

Cette décision du Conseil constitutionnel a suivi de près l’arrêt de la Cour européenne de droits de l’homme du 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c/ France (34), dans laquelle le juge européen a, pour la première fois, décidé qu’une validation législative, pourtant déclarée conforme à la Constitution (35), avait méconnu le droit au procès équitable prévu par l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales considérant que : « le principe de la prééminence du droit et de la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige ». En l’espèce, six constats lui avaient permis de censurer la validation législative française : le caractère tardif de l’engagement de la procédure de validation par rapport au déroulement des procédures juridictionnelles, la volonté de faire obstacle à des jurisprudences majoritairement favorables aux requérants, la bonne foi des requérants, le caractère non prévisible du recours à la validation, le caractère non justifié de la régularisation par la loi de divergences de jurisprudence qui auraient en tout état de cause été réduites par la Cour de cassation, et enfin le caractère insuffisant du motif financier invoqué.

La motivation de la décision de la Cour était fondée sur le fait qu’il n’était pas démontré l’existence d’un impérieux motif d’intérêt général, le Conseil constitutionnel exigeant seulement un but d’intérêt général suffisant, dont les critères sont moins rigoureux.

Cette divergence sur la nature du motif susceptible de justifier une validation législative a d’abord été contournée par la Cour de cassation et par le Conseil d’État qui ont préféré vérifier directement si la loi de validation respectait les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (36), avant d’adopter définitivement la référence au critère d’impérieux motifs d’intérêt général (37). Cette divergence entre la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel a finalement disparu, ce dernier vérifiant désormais l’existence d’impérieux motifs d’intérêt général depuis sa décision du 14 février 2014 précitée.

Il convient d’ailleurs de souligner que si le juge européen estime, par principe, qu’un motif financier, notamment l’intérêt financier de l’État « ne permet pas à lui seul de justifier » l’intervention rétroactive d’une loi (38), en particulier de validation (39), il n’exclut pas que ce motif soit recevable s’il est associé à un autre motif suffisamment légitime (40). Le juge européen a même admis une exception à ce principe lorsque l’intervention législative vise à corriger « de simples failles dues à l’inadvertance dans la législation » (41) car pareil objectif « d’assurer le respect initial de la volonté du Parlement » (42) rend prévisible l’intervention législative. Cette solution jurisprudentielle est proche de celle retenue par le Conseil constitutionnel qui admet notamment la validation législative au motif que l’illégalité couverte par le législateur est purement externe, tenant le plus souvent à un vice d’incompétence (43).

B. LE RESPECT DE L’ENSEMBLE DE CES CONDITIONS PAR LA PRÉSENTE VALIDATION LÉGISLATIVE

Votre rapporteur considère que la validation législative proposée respecte l’ensemble des conditions posées par la jurisprudence pour être déclarée conforme à la Constitution et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

En premier lieu, il ressort des investigations menées par votre rapporteur auprès de la ville et de la communauté urbaine de Lyon qu’à la date de rédaction du présent rapport, aucun recours n’a été introduit à l’encontre des contrats passés et relatifs aux terrains de la ZAC de Gerland non déclassés du domaine public. La validation législative proposée intervient donc à titre préventif. Par conséquent, elle respecterait la séparation des pouvoirs et ne devrait avoir aucune incidence sur le plan judiciaire. L’article unique des deux propositions de loi précise, néanmoins, conformément à l’usage, que ladite validation ne vaut que « sous réserve des décisions [de justice] (44) passées en force de chose jugée ».

En deuxième lieu, la validation législative proposée n’a pour objet que de couvrir de façon rétroactive et pour l’avenir l’irrégularité d’actes administratifs et de contrats publics et privés relatifs aux terrains de la ZAC de Gerland. Elle respecte donc le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. En outre, les actes administratifs et les contrats qui seraient validés ne méconnaissent aucune règle ni aucun autre principe de valeur constitutionnelle. Bien au contraire, la validation législative proposée a notamment pour but de sécuriser le droit de propriété de toutes les personnes physiques ou morales ayant acquis des terrains ou des immeubles construits sur des terrains non déclassés formellement du domaine public.

En troisième lieu, la validation législative proposée est circonscrite et strictement définie : elle vise à régulariser les contrats autorisés et passés par la ville de Lyon (cessions, locations, baux ou concessions d’usage notamment assorties de droits réels) signés depuis l’autorisation de la création, par arrêté du préfet du Rhône du 16 février 1983, de la zone d’aménagement concertée du quartier central de Gerland et relatifs à des terrains appartenant au domaine public, « en tant qu’ils seraient contestés par le motif qu’ils n’auraient pas été précédés d’un acte administratif formel, constatant qu’après leur désaffection, ces terrains avaient été déclassés du domaine public communal ».

Le législateur est d’ailleurs déjà intervenu pour couvrir une illégalité résultant de l’omission par une collectivité territoriale des formalités obligatoires en matière d’urbanisme comme le montre par exemple l’article 25 de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat qui dispose que : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les plans locaux d'urbanisme ou documents d'urbanisme en tenant lieu sont validés en tant que leur légalité serait contestée aux motifs qu'ils n'auraient pas été élaborés ou révisés et mis à l'enquête publique pour la totalité du territoire de l'établissement de coopération intercommunale, et notamment à ceux liés, directement ou indirectement, au fait que les documents mis à disposition du public pour l'enquête publique, dans chaque commune membre, n'auraient pas été ceux concernant la totalité du territoire de l'établissement public de coopération intercommunale mais seulement ceux intéressant le territoire de la commune concernée. ».

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur entend, par les présentes propositions de loi, garantir une forme d'immunité juridictionnelle au profit d'actes administratifs dont la légalité pourrait être contestée pour des motifs formels. Cependant, cette immunité n'est pas absolue, dans la mesure où rien n'empêchera le juge administratif de prononcer l'annulation des actes litigieux sur d'autres fondements.

En quatrième lieu, votre rapporteur considère que la validation législative proposée est motivée par d’impérieux motifs d’intérêt général, à savoir :

– garantir la sécurité juridique des transactions passées relatives à ces terrains, et en particulier le droit de propriété des habitants ayant acquis des logements construits sur ces terrains ainsi que le droit de propriété des entreprises et des établissements publics ayant acquis ou fait construire des logements ou des immeubles de bureaux. De la même manière, cette validation législative permettra de rassurer les occupants des nombreux logements sociaux présents dans ce quartier ;

– assurer la continuité des services publics de l’enseignement installés sur ces terrains depuis 1983 : équipements scolaires, grandes écoles (ENS Sciences), instituts de recherche (INSERM) ;

– garantir la réalisation des nombreux projets d’intérêt général autour du pôle de compétitivité à vocation mondiale qu’est « Lyonbiopôle » : comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 2031, figurent parmi ces projets d’intérêt général le développement du pôle de recherche en infectiologie de l’INSERM, la relocalisation sur le site du Centre international de recherche en cancérologie de l’OMS, l’extension d’un laboratoire de l’ENS Lyon dans le cadre du plan Campus, la construction d’une résidence universitaire et d’un restaurant interuniversitaire, l’implantation de nombreuses entreprises, à commencer par la construction du nouveau siège social de Sanofi et l’extension du laboratoire pharmaceutique indépendant Aguettant… Ces différents projets, en cours de réalisation, devraient permettre de développer l’attractivité de la France dans le domaine des sciences de la santé et des biotechnologies en dynamisant de manière offensive le site de Gerland et l’économie lyonnaise en général. Rappelons qu’il existe déjà 600 sociétés en biosanté et 130 sites industriels en santé en Rhône-Alpes, qui emploient près de 35 000 personnes. Sur le seul site de Gerland, 5 000 emplois privés en santé et biotechs et 2 750 chercheurs travaillent actuellement.

En conclusion, votre rapporteur estime que la validation législative proposée, qui vise à couvrir, de manière rétroactive, un vice de forme caractérisé par le non-déclassement explicite du domaine public des terrains désaffectés de la ZAC de Gerland par délibération de la ville de Lyon, de nature à jeter un doute sur la validité des transactions passées et à venir relatives à ces terrains, respecte les conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mercredi 2 juillet 2014, la Commission a examiné la proposition de loi de M. Jean-Louis Touraine et M. Pierre-Alain Muet (n° 2031) et la proposition de loi de Mme Gilda Hobert (n° 2032) relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’est engagée.

Mme Gilda Hobert. Je tiens tout d’abord à remercier notre cher collègue, Jean-Louis Touraine, d’être rapporteur de ces deux propositions de loi et de son exposé très éclairant. Chers collègues, nous allons absolument dans le même sens. S’il ne vous aura pas échappé que si nous discutons aujourd’hui de ma proposition de loi conjointe et similaire qui fait suite à celle déposée par M. Thierry Braillard, aujourd’hui secrétaire d’État, il n’en est pas moins que cette démarche relève, et j’insiste, d’une volonté commune et partagée de sécuriser la situation juridique du quartier au cœur de ma circonscription, la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland.

En effet, comme l’a expliqué mon collègue lyonnais, cette zone, qui correspondait anciennement aux abattoirs municipaux et qui relevaient donc du domaine public de la ville de Lyon, a connu une réhabilitation accueillant nombre d’activités très importantes pour la ville développant le dynamisme local des commerces, des logements parmi lesquels des logements sociaux, des entreprises, etc. Si nous pouvons dire aujourd’hui que la réhabilitation de ce quartier a été une vraie réussite, nous nous sommes rendus compte après des années, que ces terrains n’avaient pas fait l’objet d’un déclassement formel. Ces deux propositions de lois visent donc à régulariser cette situation en validant de manière rétroactive l’ensemble des contrats relatifs à ces terrains.

Ce développement continue, de nombreux projets sont à venir. Outre le projet de développement de l’université de Lyon au travers de l’extension engagée d’un laboratoire de l’École normale supérieure de Lyon dans le cadre du plan Campus, de la construction d’une résidence universitaire ou encore d’un restaurant interuniversitaire, cela s’est traduit également par la signature de trente-quatre baux à construction donnant lieu à quatorze divisions de copropriété dont six à des bailleurs sociaux ou encore par le projet de construction du nouveau siège social de Sanofi qui emploiera près de sept cents personnes.

Or, le manque de sécurité juridique ne doit pas freiner ce bel élan à venir. Renforcer le pôle de compétitivité, dit aussi « Lyonbiopôle », qui détient une place importante dans le domaine de la santé et des biotechnologies est aussi un élément majeur de cette proposition de loi qui participera activement à l’attractivité de notre territoire et au rayonnement de la France à l’international. Cette démarche aura un impact très important pour ce quartier lyonnais en favorisant, j’en suis certaine, l’essor économique et social. Mais c’est avant tout en faveur de l’intérêt général que nous vous demandons de vous prononcer aujourd’hui.

En effet, non seulement comme je l’ai rappelé précédemment, il s’agit de sécuriser les habitants de la zone mais il s’agit aussi d’agir en faveur du dynamisme de notre territoire, d’encourager l’emploi et la réussite de la réhabilitation de nos quartiers. Voilà, chers collègues, ce que je vous voulais vous dire au sujet de cette proposition de loi très brève avec son article unique mais éminemment importante. Je soutiendrai avec force ces deux propositions de lois.

Mme Pascale Crozon. Je voulais indiquer que certains d’entre nous avaient exprimé des inquiétudes sur la destination de ces terrains. Après avoir entendu l’exposé de notre rapporteur et de Mme Hobert, nous sommes tout à fait rassurés.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique.

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique
Validation des contrats autorisés et passés par la ville de Lyon et relatifs à des terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concertée du quartier central de Gerland

Le présent article propose de valider les contrats (cessions, locations, baux ou concessions d’usage notamment assorties de droits réels) signés depuis l’autorisation de la création, par arrêté du préfet du Rhône du 16 février 1983, de la zone d’aménagement concertée du quartier central de Gerland, et relatifs à des terrains appartenant au domaine public de la ville de Lyon, en tant qu’ils seraient contestés par le motif qu’ils n’auraient pas été précédés d’un acte administratif formel, constatant qu’après leur désaffection, ces terrains avaient été déclassés du domaine public communal, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

Comme il a été indiqué dans l’exposé général du présent rapport, cette validation répond à un motif impérieux d’intérêt général et remplit toutes les conditions imposées, en la matière, par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme.

Sous réserve d’un amendement purement rédactionnel réécrivant l’ensemble de l’article unique et d’une précision apportée au titre, votre rapporteur invite donc votre Commission à adopter ces deux propositions de loi ainsi modifiées.

*

* *

La Commission examine l’amendement rédactionnel CL1 du rapporteur réécrivant l’ensemble de l’article.

La Commission adopte l’amendement et ainsi l’article 1er modifié.

Titre

La Commission adopte l’amendement CL2 du rapporteur.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter les propositions de loi de M. Jean-Louis Touraine (n° 2031) et de Mme Gilda Hobert (n° 2032) relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland à Lyon dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte des propositions de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon) (n° 2031)

Proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland, à Lyon

amendement CL2

 

Article unique

Article unique

 

Les contrats (cessions, locations, baux ou concessions d’usage notamment assorties de droits réels) autorisés et passés par la ville de Lyon et relatifs à des terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland, créée par arrêté du préfet du Rhône du 16 février 1983, sont validés en tant qu’ils seraient contestés par le motif qu’ils n’auraient pas été précédés d’un acte administratif formel constatant qu’après leur désaffectation ces terrains avaient été déclassés du domaine public de la ville, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les contrats de cession, de location, de bail ou de concession d’usage autorisés et passés par la ville de Lyon et relatifs à des terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland, créée par arrêté du préfet du Rhône du 16 février 1983, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce qu’ils n’ont pas été précédés d’un acte administratif constatant expressément que, après leur désaffectation, ces terrains avaient été déclassés du domaine public de la ville.

amendement CL1

 

Proposition de loi relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon) (n° 2032)

 
 

Article unique

 
 

Les contrats (cessions, locations, baux ou concessions d’usage notamment assorties de droits réels) autorisés et passés par la ville de Lyon et relatifs à des terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland, créée par arrêté du préfet du Rhône du 16 février 1983, sont validés en tant qu’ils seraient contestés par le motif qu’ils n’auraient pas été précédés d’un acte administratif formel constatant qu’après leur désaffectation ces terrains avaient été déclassés du domaine public de la ville, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée.

 
© Assemblée nationale

1 () Ces deux propositions de loi s’inspirent d’une proposition de loi similaire déposée par M. Thierry Braillard avant sa nomination comme membre du Gouvernement le 9 mai 2014.

2 () Il existe toutefois une exception pour laquelle un acte administratif ou législatif est obligatoire: la désaffectation des édifices du culte construits avant 1905 ne peuvent être désaffectés que par un décret en Conseil d’Etat ou par la loi, en application des conditions posées par l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

3 () Cour administrative d’appel de Marseille, 27 févr. 2006, Commune de Sartène.

4 () Réponse ministérielle à une question écrite n° 54176, JOAN Q 9 mars 2010, p. 2761.

5 () Cour administrative d’appel de Marseille, 12 juin 2012, Ministre de l’Écologie c/ Valentin.

6 () L'acte de déclassement serait illégal s'il restait trop vague : voir, par exemple, TA Nice, 22 janv. 2002, Préfet des Alpes-Maritimes c/ Commune de Menton.

7 () CE, 18 juin 1969, Petit de Leudeville, s'agissant d'un procès-verbal de remise au service des domaines en vue d'une aliénation.

8 () CE, 27 juin 2008, Époux C.

9 () Cour administrative d’appel de Paris, 25 mars 2004, Association Montsouris environnement.

10 () CE, 20 mai 1898, Patru ; CE, 29 mars 1901, Roumy ; CE, 27 sept. 1989, Mousson.

11 () Loi n° 2001-1168, 11 déc. 2001, dite loi "Murcef", article 22 modifiant l’article 23 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 : « Les biens immobiliers de La Poste relevant de son domaine public sont déclassés. Ils peuvent être librement gérés et aliénés dans les conditions du droit commun. ».

12 () Ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004 relative au statut des immeubles à usage de bureaux et des immeubles dans lesquels est effectué le contrôle technique des véhicules et modifiant le code du domaine de l'État : « Les immeubles dans lesquels sont effectués les contrôles techniques de véhicules prévus à l'article L. 323-1 du code de la route font partie du domaine privé de la personne publique propriétaire, y compris lorsqu'ils continuent d'être utilisés pour les besoins du contrôle exercé par l'Etat. Si leur aliénation est décidée, l'acte d'aliénation comporte des clauses permettant de préserver la continuité du service public. »

13 () Loi de finances n° 2005-171 pour 2006 du 30 décembre 2005, article 63 (abrogé) : « I. - Les biens immobiliers propriété de Réseau ferré de France, inutiles à ses missions de service public ferroviaire (…) peuvent être déclassés du domaine public de Réseau ferré de France et transférés en pleine propriété à une société détenue par l’Etat chargée d’en assurer la valorisation (…) ».

14 () Article L. 5312-13 du code du travail : « Les biens immobiliers de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 relèvent en totalité de son domaine privé. Sont déclassés les biens immobiliers qui lui sont transférés, lorsqu'ils appartiennent au domaine public ».

15 () Jean Massot, « Validation législative », Répertoire de contentieux administratif, janvier 2014.

16 () Voir par exemple le I de l’article 87 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 réputant régulières des offres de prêts émanant de banques.

17 () CE 6 février 1935, Syndicat du commerce des vins de liqueur.

18 () CE 27 janvier 1956, Syndicat de défense des actionnaires de l’Auto-Sport.

19 () Conseil constitutionnel, décision n° 80-119 du 22 juillet 1980.

20 () Décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, SELARL PJA, s’agissant de la validation législative des délibérations des syndicats mixtes instituant le « versement transport ».

21 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-223 du 29 décembre 1986.

22 () Conseil constitutionnel, décision n° 93-332 du 13 janvier 1994.

23 () Conseil constitutionnel, décision n°85-192 du 24 juillet 1985.

24 () Conseil constitutionnel, décision n° 79-109 du 9 janvier 1980.

25 () Voir par exemple, Conseil constitutionnel, décision n° 82-155 du 30 décembre 1982 dans laquelle il considère qu’une loi de validation en matière fiscale « ne saurait avoir pour effet de soustraire au principe de non-rétroactivité les dispositions édictant des sanctions sans distinction entre celles dont l'application revient à une juridiction et celles dont l'application revient à l'Administration ».

26 () De la même manière, voir les décisions du Conseil constitutionnel n° 85-140 du 24 juillet 1985 et n°  95-363 DC du 11 janvier 1995.

27 () Conseil constitutionnel, décisions n° 85-192 du 24 juillet 1985 et n°87-228 du 26 juillet 1987.

28 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-29/37 QPC du 22 septembre 2010.

29 () Conseil constitutionnel, décision n° 93-332 du 13 janvier 1994.

30 () Conseil constitutionnel, décision n° 96-375 du 9 avril 1996.

31 () Conseil constitutionnel, décision n° 97-390 du 19 novembre 1997.

32 () Conseil constitutionnel, décision n° 97-393 du 18 décembre 1997.

33 () Conseil constitutionnel, décision n°99-425 du 29 décembre 1999.

34 () CEDH, Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c/ France, nos 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, § 57.

35 () Conseil constitutionnel, décision n° 93-332 du 13 janvier 1994.

36 () CE, Tête, 28 juillet 2000.

37 () Cour de cassation, chambre sociale, 24 avril 2001, Association Être enfant au Chesnay c/ Terky et CE, 23 juin 2004, SA Laboratoire Genévrier c/ Ministère de la Santé et de la protection sociale.

38 () CEDH, 23 juillet 2009, Joubert c/ France. 

39 () CEDH, 11 avril 2006, Cabourdin.

40 () CEDH, 7 juin 2001, Agrati et autres c/ Italie.

41 () CEDH, 13 octobre 1997, National and Provincial Building Society.

42 () CEDH, 27 mai 2014, Ogis Institut Stanislas, Ogec St Pie X et Blanche de Castille et autres c/ France.

43 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-29/37 QPC.

44 () Ces mots sont inscrits à l’article unique de la proposition de loi n° 2031 mais pas à celui de la proposition de loi n° 2032.