N° 2395
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 novembre 2014.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant la ratification de la convention n° 181 de l’Organisation internationale du travail relative aux agences d’emploi privées,
PAR M. Edouard COURTIAL
Député
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 1887.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. L’ENCADREMENT DU RECOURS AUX AGENCES D’EMPLOI PRIVÉES : UNE AMBITION PORTÉE PAR L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL ET SOUTENUE PAR LA FRANCE 7
A. PRENDRE ACTE DE L’EXPENSION DU RECOURS AUX AGENCES D’EMPLOI PRIVÉES 7
1. Le recours aux agences d’emploi privées : une réponse aux mutations du marché du travail 7
2. La nécessité d’un cadre juridique protecteur pour les travailleurs : une ambition portée par la France au sein de l’OIT 8
B. LA CONVENTION N° 181 DE L’OIT RELATIVE AUX AGENCES D’EMPLOI PRIVÉES : PRINCIPES ET DISPOSITIONS 9
1. Le champ d’application de la convention 9
2. Des dispositions garantissant une protection adéquate aux travailleurs 10
3. La recommandation n° 188 sur les agences d’emploi privées 12
4. L’état d’avancement de la ratification 14
II. UNE CONVENTION QUI S’INTÈGRE PLEINEMENT À LA PRATIQUE ET AU CADRE JURIDIQUE FRANÇAIS 15
A. UN CADRE JURIDIQUE NATIONAL DESORMAIS EN CONFORMITÉ AVEC LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION N° 181 15
1. L’adoption de la convention n° 181 n’entraîne pas de conséquences juridiques en droit français 15
2. L’adoption de la convention n° 181 vaut dénonciation de la convention n° 96 de l’OIT 17
B. LE RECOURS AUX AGENCES D’EMPLOI PRIVÉES EN FRANCE : UNE « DOCTRINE » QUI S’AFFINE PEU À PEU 18
1. Le recours aux agences d’emploi privées en France : une pratique récente 18
2. La récente réorientation stratégique de Pôle emploi en matière de recours aux opérateurs privés 19
ANNEXE 1 : AUDITIONS : 23
EXAMEN EN COMMISSION 25
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 29
La Conférence générale de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a, le 19 juin 1997 à Genève, adopté la convention (n° 181) relative aux agences d’emploi privées. La ratification de cette convention est soumise à l’autorisation du Parlement par le présent projet de loi.
Il s’agit de l’aboutissement d’une réflexion menée au niveau international dès 1994, prenant acte du caractère obsolète de la convention n° 96 de 1949, qui interdisait le recours à de telles agences. En effet, l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi est devenu un axe majeur des politiques de l’emploi, notamment en Europe depuis la fin des années 1990. Le recours aux opérateurs privés, dans la mesure où il est encadré, permet un renouvellement des méthodes de suivi, offre la possibilité aux opérateurs publics de se concentrer sur les publics les plus en difficultés, et constitue un moyen efficace de mieux faire correspondre l’offre et la demande sur le marché du travail.
La France a soutenu cette initiative, qui, comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi « offre un équilibre entre le besoin de flexibilité des entreprises et les besoins des travailleurs : environnement de travail sûr et conditions de travail décentes ».
On peut donc fonder l’espoir que cette convention, selon la méthode souple et pragmatique qui caractérise les textes de l’OIT, oeuvrera à la fois à la fluidification du marché du travail et à l’amélioration tangible de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
I. L’ENCADREMENT DU RECOURS AUX AGENCES D’EMPLOI PRIVÉES : UNE AMBITION PORTÉE PAR L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL ET SOUTENUE PAR LA FRANCE
La Conférence de 1994 de l’OIT sur le rôle des agences d’emploi privées dans le fonctionnement du marché du travail a marqué le début d’une réflexion internationale conduisant à l’adoption de la Convention aujourd’hui soumise à la ratification de notre Assemblée.
Lors de ce débat, la majorité des membres de la Commission avait estimé que les principes qui sous-tendaient la convention n° 96, qui interdisait le recours aux agences d’emploi privées, ne correspondaient plus à la réalité des marchés du travail modernes, qui exigeaient de nouvelles formes d’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Comme le souligne un rapport récent de la Cour des comptes (1), depuis une quinzaine d’années, l’accompagnement des demandeurs d’emploi se situe, en Europe, au cœur des politiques actives du marché du travail.
L’accompagnement se distingue du simple suivi que le conseiller du service public met en œuvre en faisant le point avec le demandeur d’emploi, plus ou moins régulièrement, sur les démarches que celui-ci a mises en œuvre pour retrouver un emploi. Il peut comporter différentes actions : outre la réalisation d’entretiens entre le conseiller et le demandeur d’emploi pour donner des conseils relatifs à la définition du projet professionnel, à la prospection des entreprises, ou à la manière de présenter sa candidature, ou bien pour proposer des offres d’emploi, ou même encore pour soutenir la motivation d’un demandeur d’emploi de longue durée, l’accompagnement peut conduire le conseiller à prescrire, avec l’accord du demandeur d’emploi, différents types d’aide (comme une aide à la mobilité géographique), de formations (qualifiantes ou d’adaptation à un poste de travail) et de prestations.
La littérature économique (2) sur le sujet a mise en évidence les effets bénéfiques de l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi : une réduction significative de la durée de chômage, une meilleure qualité de l’emploi trouvé, et des épisodes moins fréquents de chômage.
Or, cet accompagnement est depuis quelques années de plus en plus assuré, en complément de l’action des opérateurs publics (Pôle emploi pour la France), par des opérateurs privés.
Le recours à des opérateurs privés de placement peut être motivé par différentes considérations, qui peuvent se combiner :
– la recherche d’innovation dans les méthodes d’accompagnement ;
– la couverture de zones géographiques dans lesquelles le service public de l’emploi est peu présent ;
– la mise en œuvre de prestations spécifiques ou à destination de publics spécifiques (externalisation dite « de spécialité ») pour lesquels le service public ne dispose pas ou pas suffisamment des compétences nécessaires, compte tenu, notamment, de la faiblesse relative des besoins (par exemple l’accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise) ;
– l’amélioration de l’efficience et de l’efficacité, soit directe (achats de prestations moins coûteux que la réalisation directe de la prestation pour le service public, meilleur taux de retour à l’emploi), soit indirecte (effet de stimulation due à la concurrence sur des publics et prestations équivalents) ;
– comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, l’ouverture aux opérateurs privés de l’activité de placement peut « avoir des effets positifs sur l’emploi, en créant une meilleure adéquation entre l’offre et la demande de main d’œuvre ».
– les agences d’emploi privées peuvent être un moyen d’entrer sur le marché du travail, en particulier pour les demandeurs d’emploi défavorisés, et d’accroître l’employabilité des travailleurs en leur facilitant l’accès à la formation et en leur donnant la possibilité d’acquérir une expérience professionnelle dans différents types d’entreprises.
Cependant, le recours à des opérateurs privés pour remplir la traditionnelle mission de service public qu’est l’accompagnement des demandeurs d’emploi, doit être encadré afin de prévenir les éventuels abus et garantir la protection des travailleurs concernés.
2. La nécessité d’un cadre juridique protecteur pour les travailleurs : une ambition portée par la France au sein de l’OIT
La Convention n° 181 sur les agences d’emploi privées, et la Recommandation n° 188 sur les agences d’emploi privées ont été adoptées à Genève, lors de la 85ème session de la Conférence internationale du travail après deux lectures successives.
Comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, l’objectif poursuivi par cette convention est d’instaurer un cadre clair réglementant le recours aux agences d’emploi privées. Il s’agit ainsi d’assurer la protection effective des travailleurs contre des pratiques abusives en matière de rémunération, de santé et de sécurité, de la part d’agences intérimaires ou d’entreprises utilisatrices peu scrupuleuses.
Lors des travaux préparatoires à son adoption, la délégation française avait émis trois souhaits :
– couvrir le champ du travail temporaire avec ce texte ;
– conserver toute latitude pour réglementer les activités comprises dans le champ de la convention ;
– réintégrer dans le texte de la convention certaines dispositions de la recommandation (interdiction de la mise à disposition de travailleurs pour remplacer les salariés d’une entreprise en grève).
Si les solutions adoptées répondaient aux préoccupations françaises sur les deux premiers points, en revanche, le report des dispositions souhaitées dans la convention n’a pas été obtenu.
Les employeurs français avaient pour leur part plaidé pour une adaptation de la convention n° 96 aux évolutions du marché du travail et s’étaient félicités de la reconnaissance par le BIT de l’efficacité des agences d’emploi privées, tout en appelant à une étroite coopération entre les services publics de l’emploi et les agences d’emploi privées.
Les syndicats s’étaient prononcés pour l’élaboration d’une nouvelle norme visant à réviser la convention n° 96, considérant qu’elle pourrait offrir une protection aux travailleurs intérimaires et aux travailleurs migrants, ainsi qu’une occasion de limiter la concurrence déloyale exercée par les agences de recrutement non réglementées.
La convention a été adoptée par 347 voix pour, 5 contre et 30 abstentions ; la Recommandation par 314 voix pour, 13 contre et 67 abstentions.
L’objet de la convention n° 181 de l’OIT ne se limite pas aux seules agences de placement, mais donne une définition englobante des agences d’emploi privées. Aux termes de l’article 1er de la convention, les agences d’emploi privées désignent toute personne physique ou morale, indépendante des autorités publiques, qui fournit un ou plusieurs des services suivants :
– services visant à rapprocher offres et demandes d’emploi, sans que l’agence d’emploi privée ne devienne partie aux relations de travail susceptibles d’en découler. Il s’agit ici des services de placement, au sens de la législation et de la jurisprudence française ;
– services consistant à employer des travailleurs dans le but de les mettre à la disposition de tierce personne physique ou morale qui fixe leurs tâches et en supervise l’exécution. Il s’agit là de l’activité exercée par les entreprises de travail temporaire dont le régime est aujourd’hui en droit français prévu par les articles L. 1251-1 et suivants du code du travail. Ces services ne sont pas considérés par la loi française comme une activité de placement, mais comme une activité de mise à disposition de travailleurs. Toutefois, les entreprises d’emploi temporaire, en vertu de la réglementation en vigueur, peuvent également exercer une activité de placement ;
– autres services ayant trait à la recherche d’emplois tel que la fourniture d’informations, sans pour autant viser à rapprocher une offre et une demande spécifiques. Il s’agit ici des différents services d’aides à la recherche d’emploi (y compris les services externalisés par Pôle emploi et mis en œuvre par ses prestataires) ou au recrutement qui ne font pas, en l’état du droit, l’objet d’un régime particulier.
L’article 2 définit le champ d’application de la convention ainsi que ses objectifs. Elle s’applique à toutes les agences d’emploi privées, à toutes les catégories de travailleurs et à toutes les branches d’activité économique. Elle ne s’applique pas aux gens de mer.
Son objectif est double : d’une part, permettre aux agences d’emploi privées d’opérer ; d’autre part, protéger dans le cadre de ses dispositions, les travailleurs ayant recours à ses services.
La convention n° 181 autorise la création d’agences d’emploi privées mais exige la détermination d’un cadre juridique et des conditions d’exercice de leurs activités garantissant une protection adéquate aux travailleurs faisant usage de leurs services.
L’article 3 garantit que le statut juridique des agences d’emploi privées obéit aux législations et pratiques nationales.
Les articles 4 et 5 garantissent aux travailleurs recrutés par les agences d’emploi privées leur droit à la liberté syndicale et à la négociation collective ainsi que la protection contre toute forme de discrimination.
L’article 6 précise les conditions dans lesquelles doit être effectué le traitement des données personnelles concernant les travailleurs.
L’article 7 pose le principe d’interdiction de mise à la charge des travailleurs des frais des services fournis, en prévoyant des dérogations nationales à ce principe pour des catégories de services spécifiquement identifiés et dès lors que ces dérogations sont motivées par l’intérêt des travailleurs concernés. Ainsi, il est prévu que « dans l’intérêt des travailleurs concernés, l'autorité compétente peut, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives, autoriser des dérogations pour certaines catégories de travailleurs et pour des services spécifiquement identifiés, fournis par les agences d'emploi privées ».
Votre rapporteur souhaite ici souligner le caractère particulièrement vague de la formulation de cette exception et insiste sur la nécessité d’en contrôler étroitement l’application afin d’éviter toute dérive.
L’article 8 garantit une protection adéquate pour les travailleurs migrants. Chaque État doit faire en sorte que ces personnes, recrutées ou placées sur son territoire par des agences d'emploi privées bénéficient d'une protection adéquate, et pour empêcher que des abus ne soient commis à leur encontre. Ces mesures doivent comprendre des lois ou règlements prévoyant des sanctions, y compris l'interdiction des agences d'emploi privées qui se livrent à des abus et des pratiques frauduleuses.
Lorsque des travailleurs sont recrutés dans un pays pour travailler dans un autre, les Membres intéressés doivent envisager de conclure des accords bilatéraux pour prévenir les abus et les pratiques frauduleuses en matière de recrutement, de placement et d'emploi.
L’article 9 précise que tout pays membre doit prendre des mesures pour s’assurer que le travail des enfants ne soit ni utilisé ni fourni par des agences d’emploi privées.
L’article 10 prévoit les conditions appropriées en vue d’une instruction de plainte en cas d’abus et de pratiques frauduleuses.
L’article 11 précise tous les domaines où les pays membres doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir une protection adéquate pour tous les travailleurs employés par les agences d’emploi :
(a) liberté syndicale;
(b) négociation collective;
(c) salaires minima;
(d) horaires, durée du travail et autres conditions de travail;
(e) prestations légales de sécurité sociale;
(f) accès à la formation;
(g) sécurité et santé au travail;
(h) réparation en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle;
(i) indemnisation en cas d'insolvabilité et protection des créances des travailleurs;
(j) protection et prestations de maternité, protection et prestations parentales.
L’article 12 indique que les membres doivent préciser les responsabilités respectives des agences d’emploi privées et des entreprises utilisatrices en ce qui concerne les droits des travailleurs (cf. article 11).
L’article 13 stipule que les pays membres doivent veiller de façon permanente à promouvoir la coopération entre le service public de l’emploi et les agences d’emploi privées.
Dans ce cadre, les autorités publiques conservent la compétence pour décider en dernier ressort d’une formulation d’une politique du marché du travail comme de l’utilisation et du contrôle des fonds publics destinés à cette politique.
Par ailleurs, les agences d’emploi privées fourniront de façon régulière aux autorités publiques compétentes des informations sur leurs structures et leurs activités, qui seront mises à intervalles réguliers à disposition du public.
Les articles 14 à 24 reprennent les dispositions classiques sur l’application de la convention et son contrôle, les relations avec d’autres accords internationaux, l’entrée en vigueur, le règlement des différends, la dénonciation, les possibilités de révision et les versions du texte faisant foi. Il est notamment précisé à l’article 15 que la convention n'affecte pas les dispositions plus favorables applicables en vertu d'autres conventions internationales du travail aux travailleurs recrutés, placés ou employés par les agences d'emploi privées.
La convention est assortie d’une recommandation n° 188 qui précise les modalités de sa mise en œuvre. Il est notamment prévu que des organes tripartites ou des organisations d’employeurs et de travailleurs devraient être associés, autant que possible, lors de l’élaboration et de l’application des dispositions visant à donner effet à la convention.
Le cas échéant, la législation nationale applicable aux agences d’emploi privées devrait être complétée par des normes techniques, des directives, des codes de déontologie, des procédures d’autodiscipline ou d’autres moyens conformes à la pratique nationale.
L’article 4 de la recommandation prévoit que les parties à la convention devraient adopter les mesures nécessaires et appropriées pour prévenir et pour éliminer les pratiques non conformes à la déontologie de la part des agences d’emploi privées. Ces mesures peuvent comprendre l’adoption de lois ou réglementations prévoyant des sanctions, y compris l’interdiction des agences d’emploi privées se livrant à des pratiques non conformes à la déontologie.
Parmi ces pratiques, sont explicitement visées par la recommandation, l’interdiction de :
– mettre à la disposition d’une entreprise utilisatrice des travailleurs aux fins de remplacer ceux de cette entreprise qui sont en grève ;
– se livrer à des pratiques déloyales en matière d’annonces ainsi que les annonces mensongères, y compris celles qui offrent des emplois inexistants ;
– le fait de recruter, placer ou employer des travailleurs à des emplois qui comportent des dangers et des risques inacceptables ou lorsqu’ils peuvent être victimes d’abus ou de traitements discriminatoires de toute sorte ;
Il est ainsi prévu que les agences d’emploi privées informent les travailleurs migrants, autant que possible dans leur propre langue ou dans une langue qui leur soit familière, de la nature de l’emploi offert et des conditions d’emploi qui sont applicables.
Les travailleurs employés par les agences d’emploi privées visées au paragraphe 1 b) de l’article 1 de la convention (emploi intérimaire) devraient, le cas échéant, avoir un contrat de travail écrit précisant leurs conditions d’emploi. Au minimum, ces travailleurs devraient être informés de leurs conditions d’emploi avant le début effectif de leur mission.
– formuler ou de publier des annonces de vacances de postes ou des offres d’emploi qui auraient pour résultat, direct ou indirect, une discrimination fondée sur des motifs tels que la race, la couleur, le sexe, l’âge, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale, l’origine sociale, l’origine ethnique, le handicap, le statut matrimonial ou familial, la préférence sexuelle ou l’appartenance à une organisation de travailleurs ;
– consigner, dans des fichiers ou des registres, des données personnelles qui ne soient pas nécessaires à l’évaluation de l’aptitude des candidats pour les emplois pour lesquels ils sont ou pourraient être considérés ;
– conserver les données personnelles d’un travailleur plus longtemps qu’il n’est justifié par le but précis de leur collecte, ou au-delà de la période durant laquelle le travailleur souhaite figurer sur une liste de candidats ;
– demander, conserver ou utiliser des informations sur l’état de santé d’un travailleur, ou utiliser ces informations pour décider de son aptitude à l’emploi. Des mesures devraient être prises pour garantir que les travailleurs puissent consulter toutes les données personnelles les concernant, qu’elles soient traitées automatiquement, par voie informatique ou manuellement. Ces mesures devraient comprendre le droit, pour le travailleur, d’obtenir et d’examiner une copie de toutes ces données, ainsi que celui d’exiger que les données incorrectes ou incomplètes soient supprimées ou rectifiées ;
– dans le cadre d’un travail temporaire, empêcher l’entreprise utilisatrice de recruter le salarié mis à sa disposition, limiter la mobilité professionnelle du salarié ou infliger des sanctions à un salarié qui accepte de travailler pour une autre entreprise.
Enfin, la recommandation précise le cadre des relations entre le service public de l’emploi et les agences d’emploi privées
Ainsi, la coopération entre le service public de l’emploi et les agences d’emploi privées en vue de la mise en œuvre d’une politique nationale sur l’organisation du marché du travail devrait être encouragée; à cet effet, des organes comprenant des représentants du service public de l’emploi et des agences d’emploi privées ainsi que des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives pourraient être mis en place.
Les mesures tendant à établir une coopération entre le service public de l’emploi et les agences d’emploi privées incluent :
– la mise en commun d’informations et l’utilisation d’une terminologie commune pour améliorer la transparence du fonctionnement du marché du travail ;
– des échanges d’avis de vacances de poste ;
– le lancement de projets communs, par exemple dans le domaine de la formation ;
– la conclusion de conventions entre le service public de l’emploi et les agences d’emploi privées, relatives à l’exécution de certaines activités telles que des projets pour l’insertion des chômeurs de longue durée ;
– la formation du personnel ;
– des consultations régulières visant à améliorer les pratiques professionnelles.
La convention est entrée en vigueur le 10 mai 2000 et, à ce jour, 27 pays l’ont ratifiée, parmi lesquels seulement douze États membres de l’Union européenne (ni l’Allemagne, ni la Grande-Bretagne n’ont à ce jour ratifié la convention).
L’Albanie, le Maroc, les Pays-Bas, le Panama, le Japon, la Finlande, l’Espagne, l’Éthiopie ont été les premiers à ratifier la convention n° 181, dès 1999; suivis de l’Italie, la République tchèque en 2000, la Moldavie en 2001, la Géorgie, et le Portugal en 2002, la Hongrie en 2003, la Belgique, l’Uruguay, la Lituanie en 2004, la Bulgarie en 2005, l’Algérie et le Suriname en 2006, la Pologne en 2008, la Bosnie-Herzégovine et la Slovaquie en 2010, l’Ex-République yougoslave de Macédoine, Israël en 2012 ; enfin Fidji et la Serbie en 2013.
On constate l’absence de nombre de pays émergents comme la Chine, le Brésil, l’Inde, les pays d’Asie du Sud-est ou la Turquie, mais aussi celle des États-Unis.
La France, qui est le deuxième État de l’OIT à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions et qui a milité au sein de cette organisation en faveur de cette convention, a attendu près de dix-sept ans avant de solliciter des assemblées parlementaires l’autorisation de procéder à sa ratification, ce qui est regrettable sachant que la fin du monopole du placement public a été actée dans son principe en 2005.
A. UN CADRE JURIDIQUE NATIONAL DESORMAIS EN CONFORMITÉ AVEC LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION N° 181
La France n’avait pas, jusqu’à présent, été en mesure de ratifier la convention n°181 en raison du monopole du placement détenu par l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), devenue aujourd’hui Pôle emploi.
La loi du 18 janvier 2005 (3) portant programmation pour la cohésion sociale a mis fin au monopole de placement jusque-là attribué à l’ANPE. Toutefois, le législateur avait, en 2005, restreint l’exercice à titre lucratif du placement aux seuls organismes justifiant a priori d’une connaissance suffisante du marché du travail, et assurant antérieurement une activité d’intermédiation, que ce soit par le biais du conseil en recrutement ou du conseil en insertion professionnelle.
Dans le cadre de la transposition en droit français de la « directive services » (4), l’article 29 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services ouvre l’exercice de l’activité de placement à tout organisme public ou privé, indépendamment de son ou de ses activité(s) principale(s) ou accessoire(s), sous réserve que ses statuts le lui permettent. L’obligation de déclaration préalable adressée à l’autorité administrative a, en outre, été supprimée.
Cette solution a permis de mettre en conformité la législation sur l’activité de placement avec la directive services qui interdit que les prestataires soient soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité ou qui limitent l’exercice conjoint d’activités différentes, et elle est en adéquation avec la convention n° 181.
En effet, aux termes de l’article 3 de la convention, « il appartient aux États de déterminer les conditions d’exercice par les agences privées de leurs activités, par le moyen d’un système d’attribution de licence ou d’agrément, sauf lorsque lesdites conditions sont réglées, d’une autre manière, par la législation et la pratique nationales ».
Par ailleurs, conformément à la convention n° 181, les services de placement reposent sur les principes inscrits dans la loi, à savoir :
– le principe de la gratuité à l’égard du demandeur d’emploi, selon lequel aucune rétribution, directe ou indirecte, ne peut être exigée des personnes à la recherche d’un emploi en contrepartie de la fourniture de services de placement (article L. 5321-3 du code du travail) ;
– le principe de la non-discrimination des services et offres d’emploi proposés (article L. 5321-2 du code du travail).
En outre, la collecte, l’utilisation, la conservation et la transmission des données à caractère personnel relatives aux personnes à la recherche d’un emploi doivent être réalisées dans le respect du principe de la non-discrimination et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers, et aux libertés et elles ne peuvent être conservées au-delà de six ans à compter de leur enregistrement (articles R. 5323-10 et R. 5323-11 du code du travail).
Il est important de rappeler que Pôle emploi continue de détenir les prérogatives régaliennes telles que l’inscription et la gestion de la liste de demandeurs d’emploi, le contrôle de la recherche d’emploi, l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi.
Enfin, les dispositions de la convention n° 181 sont reprises par la directive 2008/104/CE du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire, transposée en droit français aux articles L. 1251-1 à L. 1251-63 du code du travail, qui définit un cadre général applicable aux conditions de travail des travailleurs intérimaires dans l’Union européenne.
Cette directive vise à garantir un niveau minimum de protection effective aux travailleurs intérimaires. Elle établit le principe de non-discrimination quant aux conditions essentielles de travail et d’emploi entre le travailleur intérimaire et le travailleur recruté directement par l’entreprise utilisatrice à laquelle le travailleur intérimaire a été affecté.
Il est à signaler qu’un accord de coopération a été signé en décembre 2010 entre la fédération des agences d’intérim (PRISME) et Pôle emploi, en vue de renforcer la coopération nouée depuis quinze ans entre les deux organismes. L’accord vise essentiellement à améliorer l’échange d’informations, à faciliter les processus de recrutement (du chômage à l’emploi intérimaire et des contrats temporaires aux contrats permanents) ainsi que l’insertion sur le marché du travail (en particulier pour les jeunes et les autres groupes cibles, notamment en développant les compétences des demandeurs d’emploi en étroite collaboration avec les fonds sectoriels de formation).
La législation française étant conforme avec la convention n° 181 de l’OIT, il ne subsiste aujourd’hui plus aucun obstacle de nature législative à sa ratification. Cette ratification n’entrainera donc pas de modification législative en droit national.
Les parties I et II de la convention n° 96 sur les bureaux de placements payants (1949) ont été ratifiées par la France par la loi n° 52-1276 du 2 décembre 1952. Cette convention prévoit la suppression des bureaux de placement privés. N’ayant pas encore été dénoncée, cette convention lie la France. Or, les récentes dispositions législatives prises en matière de placement sont contraires aux dispositions de cette convention. Ceci implique que la France, afin de respecter le droit international et de crédibiliser sa législation nationale, dénonce la convention n° 96.
Le 1er paragraphe de l’article 23 de la convention n° 181 dispose que la ratification de ladite convention vaut dénonciation de la convention n° 96 et permettra à la France de se mettre en conformité avec le droit international.
La ratification de la convention n° 181 constitue ainsi l’occasion de prendre acte des mutations du droit du travail et de renforcer la législation nationale en matière de placement.
La question du recours au secteur privé pour des prestations d’accompagnement a émergé plus tardivement en France que dans d’autres pays européens, tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne. En prônant une plus grande personnalisation des services rendus aux demandeurs d’emploi, la Commission européenne l’a fortement encouragé dès 1998, notamment pour développer l’innovation dans les méthodes d’accompagnement des demandeurs d’emploi, pour réduire les coûts et pour stimuler les services publics de l’emploi.
Ainsi, dès la fin du monopole de placement détenu par l’ANPE en 2005, l’Unedic a expérimenté le recours à des opérateurs privés pour accélérer le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi présentant, notamment, un risque de chômage de longue durée.
Cette expérimentation, menée en collaboration avec l’ANPE, a été prolongée jusqu’à la création de Pôle emploi fin 2008 par fusion de l’ANPE et du réseau des Assédic, qui versaient les allocations de chômage (loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi).
Depuis 2008, dans un contexte de forte montée du chômage, le recours aux opérateurs de placement constitue principalement pour Pôle emploi un moyen d’adaptation de ses capacités à la conjoncture et cible en particulier des personnes rencontrant des difficultés et/ou nécessitant un suivi approfondi et personnalisé. Certaines prestations obéissent toutefois à une logique de spécialité (cadres, créateurs d’entreprise, jeunes diplômés, demandeurs d’emploi ayant des difficultés d’ordre social et professionnel).
Rappelons qu’en France, les agences d’emploi privées n’interviennent sur le marché du placement que dans le cadre des appels d’offres de l’opérateur de l’État et cela pour deux raisons :
– d’une part, les services de Pôle emploi étant gratuits pour les entreprises, celles-ci n’ont pas un intérêt économique à avoir recours directement aux agences d’emploi privées dont les services sont payants ;
– d’autre part, le marché du placement n’est pas encore très développé en raison de l’ouverture relativement récente aux agences d’emploi privées.
Les opérateurs privés de placement jouent un rôle complémentaire par rapport au service public de l’emploi. Pôle emploi peut ainsi y avoir recours en mobilisant les compétences spécialisées dont il ne dispose pas en interne (en particulier en matière d’évaluation des compétences et de formation), ou pour augmenter ses capacités d’action et confronter ses méthodes et résultats à ceux d’autres opérateurs.
Lorsqu’il est confié à des tiers, l’accompagnement des demandeurs d’emploi peut être :
– sans limitation de durée, dans le cadre d’accords de co-traitance, conclus avec le réseau des missions locales pour l’accompagnement des jeunes de moins de 26 ans rencontrant des difficultés ou avec le réseau des Cap emploi pour les demandeurs d’emploi en situation de handicap ;
– pour une prestation donnée, limitée dans le temps, dans le cadre de marchés de sous-traitance conclus par Pôle emploi avec des opérateurs privés.
Selon l’étude d’impact, il ressort des expérimentations menées conjointement par l’ANPE et l’Unédic, en 2005 sur 10 000 demandeurs d’emploi indemnisés, et en 2006 sur 46 000 allocataires, que les entreprises du secteur « travail temporaire », d’une part, et les sociétés de conseil en management/RH, d’autre part, ont été quantitativement les plus nombreuses (12 sur 17) à répondre aux appels d’offres. Il convient de souligner que les structures retenues étaient, par ailleurs, de natures juridiques très variées (sociétés de conseil en management, groupes de travail temporaire, organismes consulaires, associations).
Dans le marché de « prestation d’insertion dans l’emploi des jeunes diplômés » portant sur l’accompagnement de 10 000 jeunes, que l’État a lancé en 2007, six prestataires avaient répondu à l’appel d’offres (3 entreprises de travail temporaire, un organisme de formation, un cabinet de conseil et une association). Lors du marché relatif au contrat d’autonomie, lancé par l’État en 2008, 17 opérateurs, incluant en outre des structures à l’objet social relativement large (ingénierie de compétence, évolution ou économie sociale) et au statut diversifié (association et réseau associatif entre autre), avaient été sélectionnés.
Signés à l’été 2009 pour une durée de deux ans, l’État a confié à 34 opérateurs de placement le marché « trajectoire emploi », portant sur l’accompagnement de 170 000 demandeurs d’emploi et le marché « accompagnement des licenciés économiques » consistant à accompagner 150 000 personnes.
Le marché « atout cadres », passé avec 5 opérateurs privés, a quant à lui été lancé en mars 2010 par Pôle emploi et il vise l’accompagnement de 30 000 à 70 000 cadres.
La première convention relative au recours à des agences d’emploi privées conclue le 2 avril 2009 par l’Unedic ciblait des prestations « nécessitant des compétences spécialisées dont Pôle emploi ne dispose pas en interne ». Mais elle ajoutait également une externalisation de capacité, pour « faire réaliser des prestations similaires à celles que Pôle emploi réalise directement dans le cadre de son offre de service, afin de majorer ses capacités d’action et de confronter ses méthodes et résultats à ceux d’autres opérateurs ».
Cette convention précisait les modalités juridiques du recours à la sous-traitance pour les prestations et indiquait un volume minimum de 100 000 demandeurs d’emploi à orienter vers les sous-traitants pour des prestations d’accompagnement.
Les publics concernés étaient cependant définis de manière très large (demandeurs d’emploi relevant d’un accompagnement renforcé ou de la création d’entreprise, licenciés économiques) et, surtout, aucune cohérence n’était définie entre l’offre de services interne à faire évoluer, la co-traitance (avec les missions locales notamment) et la sous-traitance dans le cadre de la personnalisation des services aux demandeurs d’emploi.
Or, la forte augmentation du chômage depuis 2007 a conduit à ce que les opérateurs privés se concentrent de plus en plus sur l’accompagnement capacitaire pour compenser la faiblesse des moyens propres de Pôle Emploi.
Toutefois, depuis 2011, Pôle emploi a réduit son recours à des opérateurs privés pour l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi. Cela s’explique notamment par les restrictions budgétaires engagées pour assurer le retour à l’équilibre financier, après la forte hausse des dépenses induites par la fusion du réseau des Assédic et de l’ANPE, mais aussi par le fait que le recours aux opérateurs privés a fait l’objet d’un « pilotage défaillant ».
En premier lieu, la sélection des attributaires des marchés s’est faite en grande partie sur des prix fortement orientés à la baisse, dans des conditions qui n’ont pas permis de s’assurer de garanties suffisantes quant à la capacité opérationnelle et technique des opérateurs à délivrer des prestations de qualité.
L’alternative entre sous-traitance de spécialité, c’est-à-dire le recours à des opérateurs privés pour le placement de profils spécialisés, et sous-traitance de capacité, c’est-à-dire pour compenser le manque conjoncturel de moyens de Pôle emploi, n’a jamais été véritablement tranchée.
Le rapport de la Cour des comptes précité (5) plaide pour une « institutionnalisation » du recours aux opérateurs privés, c’est-à-dire pour son intégration pleine et entière dans la stratégie globale de Pôle Emploi. Cette ligne directrice semble également être celle de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et de Pôle Emploi : une délibération du Conseil d’administration de Pôle Emploi a fixé, en février 2014, des règles en matière de recours à une sous-traitance de spécialité. Au cours du second semestre 2014, une autre délibération doit avoir pour objet de fixer des règles en matière de sous-traitance de capacité.
Par la délibération de février 2014, le conseil d’administration de Pôle Emploi a adopté le principe d’un changement d’orientation stratégique majeur pour 2015 : les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail, qui constituaient les publics les plus nombreux confiés aux opérateurs privés, ne se verraient plus proposer d’accompagnement externalisé, mais un accompagnement renforcé dans le cadre interne de Pôle emploi ; en sens inverse, une nouvelle prestation serait créée dans le but de sous-traiter au secteur privé l’accompagnement des demandeurs d’emploi les plus autonomes. Cette évolution témoigne d’un renversement de la stratégie de l’opérateur : jusqu’à présent, les publics les plus difficiles étaient souvent confiés aux opérateurs privés.
Conséquence directe de ce changement d’orientation, la direction générale a proposé au conseil d’administration, lors de la délibération de février 2014, de ne pas reconduire les prestations Objectif emploi (OE) et Trajectoire vers l’emploi (TVE) à l’issue des marchés en cours. Ces prestations réservées aux publics en difficulté ne seront donc plus assurées par les prestataires privées.
Un nouveau schéma se met ainsi en place : réinternalisation de l’accompagnement de 137 000 demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion professionnelle, sous-traitance de l’accompagnement de 500 000 demandeurs d’emploi plus autonomes, redéploiement de 700 conseillers aujourd’hui affectés à la modalité interne de « suivi » vers la modalité interne d’« accompagnement renforcé ».
Néant
La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 26 novembre 2014, à 9h45.
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie pour le rapport très détaillé que vous avez présenté sur un texte très important.
M. Jean-Paul Dupré. J’aurais d’abord une question sur l’article 2 de la convention. N’étant pas un spécialiste des travailleurs de la mer, je voudrais savoir pourquoi les gens de la mer ne bénéficient pas de l’application de la convention.
Ensuite, vous avez souligné à quel point la ratification de la convention intervient tardivement et je m’associe à cette remarque. Enfin, dans les articles 8 à 12, on évoque la protection adéquate des travailleurs migrants. Je rappelle qu’il faut être très attentif à cette question sur notre territoire, car des pratiques frauduleuses sont régulièrement découvertes, notamment dans les secteurs agricoles et dans le BTP. Des travailleurs migrants sont exploités de manière scandaleuse.
M. Jacques Myard. Ce texte n’est pas une convention mais un vœu pieu. Chaque fois qu’il est écrit que les dispositions s’appliquent dans le cadre de la législation nationale on vide les dispositions de leur substance. Prenons l’exemple des articles 11 et 12 sur la liberté syndicale, si la loi du pays énonce que cette liberté s’exercice sous l’autorité du parti il n’y a pas de véritable liberté syndicale. Ce n’est pas un sujet en France où la liberté syndicale est forte, mais tel n’est pas le cas partout.
L’article 1.b me pose également problème. Il y est énoncé que les agences peuvent mettre les travailleurs « à la disposition d’une tierce personne physique ou morale (ci-après désignée comme « l’entreprise utilisatrice»), qui fixe leurs tâches et en supervise l’exécution ». Cette formule n’est-elle pas douteuse au regard de la législation française sur le délit de marchandage ?
J’approuverai la convention mais il n’y a pas de quoi s’extasier.
M. Jean-Marc Germain. Je remercie le rapporteur pour ses précisions sur le texte de la convention. Par philosophie je suis attaché à ce que le placement relève d’une mission régalienne. Comme vous l’avez expliqué cela n’est pas remis en cause par la convention. C’est important dès lors que des discussions ont été engagées dans le cadre du partenariat transatlantique qui ouvrent cette possibilité. Je rappelle aussi que certaines organisations patronales demandent aujourd'hui la remise en cause de la participation de la France aux instruments de l’Organisation internationale du travail s’agissant notamment des plans de licenciement collectif.
La convention examinée est utile. Les agences d’emploi privées apportent de l’efficacité et font preuve d’une capacité d’innovation. Sur les coûts je serai plus réservé car cela revient en fait très cher quand on regarde les publics concernés. Elles permettent de s’adapter aux fluctuations du chômage ce que Pôle emploi peut difficilement faire compte tenu du statut de ses agents. Elles permettent enfin de cibler certains publics.
M. Pierre Lequiller. Pourquoi l’Allemagne et le Royaume-Uni n’ont-ils pas ratifié la convention ?
M. Serge Janquin. J’aurais une différence d’expression avec Jacques Myard : ce texte n’est pas un vœu pieu mais un vœu impie. J’étais déjà opposé à la convention 180 de Genève et à la loi de janvier 2005. Les expressions utilisées dans le texte sont très connotées : la notion de marché ne me paraît pas appropriée, celle de placement est également connotée et rappelle le placement des jeunes filles dans les familles. Mais les choses sont installées et il est proposé aujourd’hui d’encadrer par des dispositions d’Etat les errements de telles pratiques de placement. Je laisserai donc faire, mais sans enthousiasme.
M. Jean-René Marsac. Ce texte énonce des intentions avec lesquelles on ne peut qu’être d’accord. Mais s’il est un domaine où on constate un grand écart entre le théorique, les intentions et le réel, c’est bien celui des demandeurs d’emploi. Renvoyer à une logique de négociation et de contrat entre des organismes qui ont tous pouvoirs et des personnes fragiles n’est pas réaliste. Quand on évoque la question des organisations syndicales dans ce genre de situation, on sait aussi qu’en réalité elles n’existent pas. Moi aussi je voterai ce texte sans enthousiasme.
M. le rapporteur. À Jean-Paul Dupré, je réponds que pour les travailleurs de la mer, il existe des dispositions spécifiques. S’agissant de l’article 8 et de la protection des salariés, évidemment il s’agit avec cette convention d’adopter un cadre normatif assurant un socle de droits, qui n’empêche pas les parties d’adopter des dispositions plus précises et plus protectrices. J’ajoute que même si en France, compte tenu du caractère avancé de notre législation, la ratification de cette convention n’aura pas d’effet juridique majeur, ce n’est pas le cas dans de nombreux pays. Par ailleurs, comme vous l’avez rappelé, Jean-Marc Germain, il ne s’agit pas de remettre en cause la mission régalienne de l’État et je souligne que les agences privées sont en France précisément missionnées par l’opérateur public. J’avoue ne pas savoir pour quelles raisons le Royaume-Uni et l’Allemagne n’ont pas ratifié le texte. Enfin, Serge Janquin, je conclurai sur l’intérêt de fixer un cadre juridique à la pratique des agences privée, qui est, qu’on le veuille ou non, aujourd’hui répandues. Il ne s’agit pas de nier la réalité de notre pays.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. C’est un sujet très important sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler. Nous sommes toujours face au même problème, celui de la ratification de textes internationaux inférieurs à notre législation. Cela ne remet pas en cause cette législation et en outre, dans les pays où la législation sociale est moins développée, cela permet d’encadrer le recours à ces pratiques. En conséquence, même si l’application en France est théorique, il y a un intérêt à ratifier pour les pays moins développés. C’est tout le rôle de l’OIT de rehausser le droit social. Le désir d’une flexibilité maximale en Allemagne et au Royaume-Uni explique sans doute que ces pays n’avaient pas ratifié cette convention.
M. Jacques Myard. Dans la mesure où l’on renvoie à la pratique et à la loi nationale, cela n’a de valeur opérationnelle, nulle part !
M. Jean-Pierre Dufau. L’essentiel a été dit. Les aspects régaliens ne sont pas concernés et l’on doit se réjouir de ce texte à vocation internationale, s’il rend des services à des États pour contribuer à l’amélioration de leurs législations sociales. Sans enthousiasme excessif, le groupe SRC approuvera cette convention.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1887).
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification de la convention n° 181 de l’Organisation internationale du travail relative aux agences d’emploi privées, adoptée à Genève le 19 juin 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1887)
© Assemblée nationale1 () Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur le recours par Pôle emploi aux opérateurs privés pour l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi, mai 2014.
2 () Conseil d’analyse économique, « Accompagnement des chômeurs et sanctions, leurs effets sur le retour au plein emploi », 2000.
3 () Loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 portant programmation pour la cohésion sociale.
4 () Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Cette directive vise à faciliter l'établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services à l'intérieur de l'Union européenne. En effet, l’article 25 de la directive interdit que les prestataires soient soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité ou qui limitent l’exercice conjoint d’activités différentes.
5 () Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur le recours par Pôle emploi aux opérateurs privés pour l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi, mai 2014.