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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 novembre 2014.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE DE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2182) relatif à la réforme de l’asile
PAR Mme Sandrine MAZETIER
Députée
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Voir les numéros : 2357, 2366.
SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 11
INTRODUCTION 19
I. LA CRISE DU SYSTÈME DE L’ASILE REND SA RÉFORME INDISPENSABLE 21
A. UNE HAUSSE DE LA DEMANDE D’ASILE À RELATIVISER, À LAQUELLE LA FRANCE N’A PAS SU FAIRE FACE FAUTE DE RÉFORME 21
1. La demande de protection internationale a fortement augmenté dans le monde 21
a. Le nombre de personnes ayant besoin d’une protection a dépassé le seuil des 50 millions en 2013 21
b. Les pays industrialisés n’accueillent que 14 % des réfugiés 22
2. La part de la demande de protection internationale adressée à la France est très relative 23
a. Rapportée à sa population, la France est le 9e pays de destination des demandeurs d’asile des 28 États membres de l’Union européenne 23
b. La France a déjà connu des pics de demandes comparables au cours de son histoire récente 23
B. L’URGENCE D’UNE RÉFORME COMPTE TENU DES CONDITIONS D’ACCUEIL INDIGNES DES DEMANDEURS D’ASILE 24
1. Un premier accueil au guichet des préfectures souvent difficile 24
2. Des conditions matérielles d’accueil insuffisantes pour assurer un niveau de vie digne 24
a. La saturation des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile 24
i. Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) accueillent seulement un tiers des demandeurs d’asile en France 24
ii. Le recours croissant à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) : une modalité d’accueil dégradée 25
iii. Une situation résultant principalement d’une sous-budgétisation chronique de la politique de l’asile en France 26
b. Les exigences de la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’accueil des demandeurs d’asile 28
c. Les difficultés d’intégration rencontrées par les réfugiés en France 29
3. Un constat partagé 29
a. Le rapport des trois inspections générales d’avril 2013 29
b. Le rapport de Mme Valérie Létard et de M. Jean-Louis Touraine du 28 novembre 2013 30
c. Le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale d’avril 2014 31
C. LA NÉCESSITÉ DE TRANSPOSER LE « PAQUET ASILE » AVANT LE 1ER JUILLET 2015 32
1. La directive « Qualification » 34
2. La directive « Accueil » 35
3. La directive « Procédures » 37
a. Les conditions d’accès à la procédure d’asile 37
b. Les garanties en faveur des demandeurs d’asile 38
c. La procédure d’examen en première instance 39
d. Les voies de recours offertes aux demandeurs d’asile 40
4. Le règlement « Dublin III » 40
II. LE PROJET DE LOI OPÈRE UNE REFONTE AMBITIEUSE 42
A. DES GARANTIES PROCÉDURALES RENFORCÉES ET UNE EFFICACITÉ ACCRUE À L’OFPRA 42
1. Les précisions en matière de conditions d’octroi de la protection internationale 42
2. La réforme des missions de l’OFPRA 44
3. Le nouveau régime d’examen des demandes d’asile 45
B. LA RÉFORME DES PROCÉDURES D’ASILE PARTICULIÈRES ET DES PROCÉDURES CONTENTIEUSES 47
1. La consécration de la place de l’OFPRA dans le cadre de la procédure d’asile à la frontière 47
2. La création de recours « effectifs » en faveur des demandeurs d’asile 48
a. La création d’un recours effectif devant la CNDA au bénéfice du demandeur d’asile en rétention 48
b. La création d’un recours suspensif en faveur des « dublinés » contre la décision de transfert vers un autre État membre 50
c. Le maintien d’un recours non suspensif à l’égard de certains demandeurs d’asile pour éviter les abus de procédure 51
3. La réduction volontariste des délais de jugement de la CNDA 52
a. L’obligation de former un recours dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision négative de l’OFPRA 52
b. L’obligation de statuer en cinq mois en procédure normale et en cinq semaines en procédure accélérée 53
c. La poursuite de la « professionnalisation » de la CNDA, corollaire de la réduction des délais de jugement 53
4. Une meilleure prise en compte des vulnérabilités du demandeur dans l’ensemble des procédures particulières et devant la CNDA 54
a. Dans le cadre de l’asile à la frontière 54
b. Dans le cadre de l’asile en rétention 55
c. Dans le cadre des procédures devant la CNDA 55
C. UNE SIMPLIFICATION DE L’ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE D’ASILE ASSORTI D’UN DROIT AU MAINTIEN SUR LE TERRITOIRE 56
1. La simplification de l’enregistrement de la demande d’asile en un point d’entrée unique 56
2. L’ouverture d’un droit au maintien sur le territoire pour tous les demandeurs d’asile 57
D. DES CONDITIONS D’ACCUEIL PLUS JUSTES ET ÉQUITABLES POUR LES DEMANDEURS 59
1. Un schéma national d’hébergement piloté par l’OFII 60
2. L’examen de la vulnérabilité du demandeur d’asile 60
3. L’orientation directive des demandeurs 61
4. La création de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) 61
E. FACILITER L’INTÉGRATION DES RÉFUGIÉS ET BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE 62
1. L’extension à certains membres de la famille de la délivrance de plein droit de titres de séjour et l’allongement de la durée de la carte de séjour temporaire des bénéficiaires de la protection subsidiaire lors de son renouvellement 62
2. Le contenu de la protection accordée 62
a. L’accompagnement dans l’emploi et le logement 63
b. La prise en compte de la vulnérabilité 63
c. La codification du droit à la réunification familiale 63
d. Le contrôle médical destiné à protéger les mineures auxquelles l’asile a été accordé en raison d’un risque de mutilation sexuelle 63
e. Les titres de voyage 63
III. UNE RÉFORME CONFORTÉE ET COMPLÉTÉE PAR LA COMMISSION 64
A. UN RENFORCEMENT DES GARANTIES OFFERTES AUX DEMANDEURS RELEVANT DE PROCÉDURES D’ASILE PARTICULIÈRES 64
1. Un encadrement plus strict de la procédure d’asile à la frontière 64
2. Le renforcement des droits du demandeur d’asile en rétention 65
3. La simplification du régime d’assignation à résidence des « dublinés » et le doublement du délai de recours ouvert contre une décision de transfert 66
4. L’encadrement de la perte du droit au maintien sur le territoire en cas de procédure d’extradition 66
B. LES AMÉLIORATIONS RELATIVES À L’EXERCICE D’UN RECOURS DEVANT LA COUR NATIONALE DU DROIT D’ASILE 67
1. La clarification des procédures à la CNDA 67
2. L’orientation de la professionnalisation des membres de la CNDA sur les problématiques de persécution liées au sexe 68
3. Le renforcement de l’harmonisation des décisions de la CNDA 68
4. L’encadrement de la publicité des débats à la CNDA dans l’intérêt du demandeur 68
5. Des précisions sur les modalités du débat contradictoire à la CNDA 69
C. L’ENCADREMENT DE L’ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE DANS DES DÉLAIS IMPÉRATIFS, GÉNÉRATEUR DE DROITS POUR LES DEMANDEURS D’ASILE 69
1. L’introduction d’un délai de trois jours pour procéder à l’enregistrement d'une demande d’asile 70
2. Un accompagnement renforcé des mineurs étrangers isolés dans le cadre de l’enregistrement de leur demande d’asile 70
3. La création d’un droit à la formation professionnelle à l’issu d’un délai de neuf mois suivant l’enregistrement de la demande d’asile 70
D. DES CONDITIONS D’ACCUEIL PRENANT MIEUX EN COMPTE LES BESOINS DES DEMANDEURS D’ASILE 71
1. La modification des modalités d’élaboration du schéma national d’hébergement et des schémas régionaux d’hébergement 71
2. Une meilleure prise en compte des besoins du demandeur 71
3. La consécration du premier accueil et de l’accompagnement social et juridique des demandeurs 73
4. Renforcer les garanties accordées aux demandeurs d’asile lors de l’examen de leur vulnérabilité par l’OFII 73
5. Encourager le développement de places en CADA 74
E. RENFORCER LE CONTENU DE LA PROTECTION ACCORDÉE AUX BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE 74
1. L’harmonisation et l’extension des membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire pouvant bénéficier de la réunification familiale et de la délivrance d’un titre de séjour 74
2. Le renforcement de la protection des mineures menacées de mutilation sexuelle 76
AUDITION DE M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, ET DISCUSSION GÉNÉRALE 79
EXAMEN DES ARTICLES 113
Chapitre Ier – Dispositions relatives aux conditions d’octroi de l’asile 113
Avant l’article 1er 113
Article 1er (titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Intitulé du titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) 113
Après l’article 1er 113
Article 2 (art. L. 711-2, L. 711-3 et L. 711-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Statut de réfugié 115
Article 3 (art. L. 712-1, L. 712-2 et L. 712-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Protection subsidiaire 123
Article 4 (art. L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Dispositions communes à la qualité de réfugié et à la protection subsidiaire 128
Après l’article 4 132
Chapitre II Dispositions relatives à la procédure d’examen des demandes d’asile 132
Section 1 Dispositions générales 132
Article 5 (art. L. 721-2, L. 721-3, L. 721-4 et L. 721-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Missions de l’OFPRA 132
Article 5 bis (nouveau) (art. L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Représentants de l’État au conseil d’administration de l’OFPRA 138
Article 6 (art. L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Modalités de désignation par le conseil d’administration de l’OFPRA des pays d’origine sûrs 139
Article 7 (chap. III du titre II du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Examen des demandes d’asile par l’OFPRA 149
Section 2 Dispositions relatives à l’examen des demandes d’asile à la frontière 189
Article 8 (Art. L. 213-8-1 et L. 213-8-2 [nouveaux], art. L. 213-9, L. 221-1 et L. 224-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile 189
Section 3 : Dispositions relatives à l’examen des demandes d’asile en rétention 208
Article 9 A (nouveau) : (art. L. 551-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) Droits complémentaires du demandeur d’asile en rétention 208
Article 9 (art. L. 556-1 et L. 556-2 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. L. 777-2 du code de justice administrative) : Examen des demandes d’asile en rétention 210
Avant l’article 10 221
Chapitre III Dispositions relatives à la Cour nationale du droit d’asile 222
Article 10 (art. L. 731-2, L. 732-1, L. 733-1, L. 733-1-1 et L. 733-4 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; art. L. 233-5, L. 234-3 et L.- 234-4 du code de justice administrative ; loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique) : Cour nationale du droit d’asile 222
Chapitre IV – Dispositions relatives à l’accès à la procédure d’asile et à l’accueil des demandeurs 241
Article 11 : Modification de l’intitulé du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 241
Article 12 (art. L. 741-1, L. 741-2, L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Enregistrement de la demande d’asile 241
Après l’article 12 253
Article 13 (art. L. 742-1 à L. 742-6, L. 111-7, L. 531-2, L. 551-1, L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. L. 777-3 du code de justice administrative) : Procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile 254
Article 14 (art. L. 743-1 à L. 743-5 et L. 311-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Droit au maintien sur le territoire français 269
Après l’article 14 276
Article 15 (art. L. 744-1 à L. 744-10 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile 277
Article 16 (art. L. 111-2, L. 111-3 1, L. 121-7, L. 121-13, L. 264-10, L. 312-8-1 [nouveau], L. 313-1-1, L. 313-9, L. 348-1 à L. 348-4 du code l’action sociale et des familles) : Réglementation applicable aux centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) 308
Article 16 bis (nouveau) (art. L. 302-5 du code de la construction et de l’habitat) : Prise en compte des places en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) dans le calcul du seuil minimum de logements sociaux dans les communes soumises à l’article 55 de la loi dite « SRU » 313
Article 17 (art. L. 5223-1, L. 5423-8, L. 5423-9 et L. 5423-11 du code du travail) : Coordination 315
Chapitre V – Dispositions relatives au contenu de la protection 319
Article 18 (art. L. 313-13, L. 314-11 et L. 311-8-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Droit au séjour des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des membres de leur famille 320
Article 19 (art. L. 751-1, L. 751-2, L. 752-1 à L. 752-3, L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Contenu de la protection accordée 327
Chapitre VI – Dispositions relatives aux outre-mer 356
Article 20 (art. L. 761-1, L. 762-1, L. 763-1, L. 764-1, L. 766-1, L. 766-2, L. 766-3 et L.767-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Adaptation des dispositions relatives aux outre-mer dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 356
Article 21 : Adaptation des dispositions des ordonnances relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie 358
Chapitre VII Dispositions finales 359
Article 22 (art. L. 5223-4 du code du travail) : Accès à l’emploi titulaire de certains agents contractuels de droit public de l’Office français de l’immigration et de l’intégration 359
Article 23 : Dates d’entrée en vigueur 360
TABLEAU COMPARATIF 363
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 485
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 511
PERSONNES RENCONTRÉES PAR LA RAPPORTEURE LORS DE SES DÉPLACEMENTS 519
ANNEXE RELATIVE AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE APPLICABLE OU EN COURS D’ÉLABORATION 521
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
AU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS
Sur le statut de réfugié (article 2)
— La commission des Lois a adopté un amendement de Mme Pascale Crozon exposant plus clairement le fait que l’autorité compétente en matière d’octroi de l’asile n’a, en aucun cas, à établir la réalité ou la véracité des caractéristiques qui sont à l’origine des persécutions, mais uniquement que celles-ci sont attribuées (à tort ou à raison) au demandeur par l’auteur de ces persécutions.
— La Commission a ensuite adopté un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel supprimant la mention d’une « preuve » à apporter par l’OFPRA au moment de mettre fin au statut de réfugié dans l’un des cas prévus à la section C de l’article 1er de la convention de Genève.
— La Commission a adopté un amendement de Mme Chantal Guittet précisant que le Conseil d’État, dans les cas où, après cassation, il a accordé le statut de réfugié, peut ultérieurement être saisi par l’office pour le retirer.
Sur la protection subsidiaire (article 3)
— La commission des Lois a adopté un amendement de Mme Marie-Françoise Bechtel supprimant la mention d’une « preuve » à apporter par l’OFPRA au moment où il met fin à la protection subsidiaire.
— Un autre amendement de Mme Chantal Guittet, adopté par la Commission, a précisé que le Conseil d’État, dans les cas où, après cassation, il a accordé la protection subsidiaire, peut ultérieurement être saisi par l’office pour la retirer.
Sur les dispositions communes à la qualité de réfugié et à la protection subsidiaire (article 4)
— À l’initiative de la rapporteure, la commission des Lois a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction du début de l’article L. 713-2 afin de conserver la notion de « menaces » qui, si l’on se réfère notamment à l’article 1er de la convention de Genève de 1951, peut constituer le fondement aussi bien de la reconnaissance de la qualité de réfugié que de l’octroi de la protection subsidiaire.
Sur les missions de l’OFPRA (article 5)
— La Commission est revenue sur la communication par l’autorité judiciaire à l’OFPRA et à la CNDA de toute indication de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile. De ce qui était une simple faculté prévue par le projet de loi, elle a fait une obligation, dans une optique de renforcement de l’efficacité de la lutte contre l’impunité.
— Aux termes d’un autre amendement adopté par la Commission à l’initiative de Mme Maud Olivier, le rapport d’activité annuel de l’OFPRA est remis au Parlement et doit inclure notamment des données quantitatives et qualitatives sexuées ainsi que des précisions sur les actions de formation des agents concernant les persécutions liées au sexe et la prise en compte de la vulnérabilité.
Sur les représentants de l’État au conseil d’administration de l’OFPRA (article 5 bis)
— Sur proposition de la rapporteure, la commission des Lois a adopté un amendement fixant dans la loi la liste des représentants de l’État au conseil d’administration de l’OFPRA parmi lesquels figurent de façon inédite un représentant du ministère chargé des affaires sociales et un représentant de celui chargé des droits des femmes.
Sur la désignation par le conseil d’administration de l’OFPRA des pays d’origine sûrs (article 6)
— Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement faisant obligation au conseil d’administration de l’OFPRA d’examiner régulièrement la situation dans les pays figurant sur la liste des pays d’origine sûrs.
— À l’initiative notamment de la rapporteure, la Commission a précisé que les présidents des commissions chargées des affaires étrangères et des commissions chargées des affaires européennes des deux assemblées parlementaires, les associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile et les associations de défense des droits de l’homme, des femmes ou des enfants pourraient saisir le conseil d’administration de l’OFPRA en vue de l’inscription ou de la radiation d’un État sur la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs.
— La Commission a adopté un autre amendement de Mme Maud Olivier prévoyant que les personnalités qualifiées au conseil d’administration ont voix délibérative concernant la détermination de la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs.
Sur l’examen des demandes d’asile par l’OFPRA (article 7)
— Sur proposition de la rapporteure, la Commission est revenue sur l’un des cas de placement en procédure accélérée à l’initiative de l’OFPRA, lorsque le demandeur n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence. Aux termes de l’amendement adopté, cette pertinence devra s’apprécier « au regard de la demande de protection qu’il formule ».
— S’agissant des cas de placement en procédure accélérée sur constat de l’autorité préfectorale, la Commission a adopté deux amendements présentés par la rapporteure. L’un a prévu un délai de cent-vingt jours, et non de quatre-vingt-dix, pour présenter sa demande d’asile sans encourir le placement en procédure accélérée. L’autre a simplifié la rédaction concernant le cas de la demande d’asile visant à faire échec à une mesure d’éloignement.
— À l’initiative de la rapporteure, un amendement a imposé le recours à la procédure normale pour les mineurs, sans dérogation (sauf le cas de l’asile à la frontière).
— À l’initiative de la rapporteure, la commission des Lois a adopté un amendement précisant que, dans la définition des modalités particulières d’examen, l’OFPRA pourra tenir compte des informations qui lui auront été transmises par l’OFII mais pourra également s’appuyer sur ses propres informations.
— En ce qui concerne l’entretien à l’OFPRA, la Commission a adopté un amendement de Mme Pascale Crozon prévoyant que chaque demandeur majeur était entendu individuellement hors la présence des membres de sa famille, et qu’il pouvait en aller de même d’un mineur si l’office présumait qu’il avait pu subir des persécutions ou atteintes graves ignorées de son entourage.
— Un amendement de Mme Chantal Guittet, adopté par la Commission, a précisé les dispositions relatives à la langue dans laquelle le demandeur est appelé à être interrogé.
— Un autre amendement de Mme Pascale Crozon, adopté par la Commission, a prévu la possibilité, sous certaines conditions, qu’un entretien soit conduit par un agent de même sexe et en présence d’un interprète de même sexe.
— Un amendement présenté par la rapporteure et adopté par la Commission a prévu que le demandeur pouvait se présenter à l’entretien accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, soit d’un représentant d’une association de défense des droits de l’homme, des femmes ou des enfants, soit d’un représentant d’une association de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle.
— À l’initiative du Gouvernement, la Commission a par ailleurs adopté un amendement relatif à l’hypothèse où l’entretien personnel a fait l’objet, en plus d’une transcription, d’un enregistrement sonore. Il est prévu une interdiction de diffusion et un accès dans des conditions sécurisées et uniquement après notification de la décision de rejet de l’OFPRA.
— S’agissant de l’éventuelle décision d’irrecevabilité, un amendement de M. Sergio Coronado, adopté par la Commission, a précisé qu’elle devait être écrite et motivée.
— La Commission a adopté un amendement de la rapporteure réécrivant les dispositions consacrées à la clôture d’examen. Lorsque le demandeur informe l’OFPRA du retrait de sa demande, celui-ci peut clôturer l’examen, cette clôture étant consignée au dossier. Par ailleurs, l’office peut prendre une telle décision lorsque le demandeur :
– sans justifier de raison valable, n’a pas introduit sa demande dans les délais prévus par décret et courant à compter de la remise de son attestation de demande d’asile ou ne s’est pas présenté à l’entretien ;
– refuse, de manière délibérée et caractérisée, de fournir des informations essentielles à l’examen de sa demande ;
– n’a pas informé l’office dans un délai raisonnable de son lieu de résidence ou de son adresse et ne peut être contacté aux fins d’examen de sa demande.
L’hypothèse de clôture visant le cas où le demandeur a quitté sans autorisation son lieu d’hébergement a été supprimée par la Commission.
— En matière encore de clôture, un amendement du Gouvernement, adopté par la Commission, a précisé que le dépôt par le demandeur d’une demande de réouverture de son dossier était un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux devant les juridictions administratives de droit commun, à peine d’irrecevabilité de ce dernier.
— À l’initiative de la rapporteure, la Commission a supprimé l’hypothèse de rejet du statut de réfugié visant la personne qui a introduit une demande de réexamen fondée sur des circonstances que le demandeur a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine.
Sur la procédure d’asile à la frontière (article 8)
— La Commission a tout d’abord adopté un amendement de la rapporteure et de MM. Molac et Coronado, membres du groupe Écologiste, visant à limiter la possibilité pour le ministre chargé de l’asile de refuser l’entrée sur le territoire d’un étranger dont la demande d’asile aurait été déclarée fondée par l’OFPRA, au cas où l’étranger constituerait une menace « grave » pour l’ordre public ;
— À l’initiative de la rapporteure, la Commission a ensuite adopté un amendement visant à supprimer deux cas d’irrecevabilité de la demande d’asile en zone d’attente prévus à l’article L. 723-10 du CESEDA compte tenu de la difficulté de démontrer en 96 heures que le demandeur bénéficie déjà d’une protection dans un Etat membre ou d’une protection effective dans un Etat tiers ;
— La Commission a également adopté deux amendements de la rapporteure visant à améliorer la définition du caractère « manifestement infondé » d’une demande d’asile en supprimant, à l’alinéa 7, les expressions ouvrant la porte à une appréciation au fond de la demande en zone d’attente, appréciation qui doit être portée uniquement lors de l’instruction de la demande sur le territoire ;
— Enfin, la Commission a précisé, à l’initiative de rapporteure, le type de violences graves susceptibles d’être prises en considération par l’OFPRA pour autoriser la sortie du demandeur de zone d’attente et considéré que le mineur isolé ne peut être maintenu en zone d’attente que de manière exceptionnelle et « seulement » dans les quatre cas mentionnés à l’alinéa 17 afin que cette disposition soit interprétée strictement ;
Sur la procédure d’asile en rétention (articles 9 A et 9)
— Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement créant l’article 9 A qui vise à compléter l’article L. 551-3 du CESEDA pour garantir au demandeur le droit de bénéficier d’une assistance linguistique et juridique en rétention et la possibilité de déposer une demande d’asile, postérieurement au délai de cinq jours, lorsqu’elle est motivée par des faits survenus après l’expiration de ce délai ;
— À l’article 9, outre l’adoption de quelques amendements de précision et de coordination, la Commission a adopté un amendement présenté par la rapporteure visant à supprimer l’ambiguïté des termes employés à l’alinéa 5 de manière à ce que le juge administratif ordonne toujours la sortie de rétention lorsqu’il constate que le recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) n’a pas pour seul but de contourner une mesure d’éloignement.
Sur les dispositions relatives à la Cour nationale du droit d’asile (article 10)
— La Commission a tout d’abord adopté un amendement de coordination du Gouvernement tirant les conséquences du renvoi au tribunal administratif de droit commun du contentieux des décisions de clôture prises par l’OFPRA et supprimant la compétence de la CNDA en cas de recours au titre de l’article L. 723-15 qui a été supprimé à l’article 7 ;
— La Commission a également adopté plusieurs amendements de la rapporteure destinés à préciser que l’objet et les délais de recours devant la Cour s’appliquent uniformément aux deux procédures, normale et accélérée ; que, s’agissant de la procédure normale, le principe est la collégialité assortie du délai de jugement de cinq mois ; que le juge unique peut, d’office et à tout moment de la procédure, renvoyer en formation collégiale toute affaire soulevant une difficulté sérieuse ; et que le rapporteur doit être présent à toute audience publique, collégiale ou à juge unique.
— La Commission a supprimé, à l’initiative de la rapporteure, l’aide juridictionnelle de plein droit en cas de recours manifestement irrecevable en raison de son caractère coûteux et chronophage ;
— Sur proposition de Mme Maud Olivier et après avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement visant à introduire, dans le rapport annuel de la CNDA, qui sera désormais transmis au Parlement, des données quantitatives et qualitatives sexuées ainsi que les actions de formations des agents et des magistrats, en particulier sur les persécutions liées au sexe ;
— En cohérence avec l'objectif d'harmonisation des décisions de la CNDA, la Commission a adopté deux amendements de votre rapporteure visant à introduire des critères d'expérience en formation collégiale avant de permettre aux magistrats non permanents et aux assesseurs de pouvoir être désignés juge unique et fixer un minimum de douze vacations par an pour membre de formation de jugement vacataire à la Cour ;
— La Commission a également adopté plusieurs amendements présentés soit par la rapporteure soit par le groupe Socialiste, républicain et citoyen visant à permettre au président de la Cour de déclarer le huis-clos à la demande du requérant ou d’interdire l’accès à la salle d’audience aux enfants mineurs lorsque les circonstances de l’affaire l’exigent. Toutefois, le huis-clos devient désormais de droit si le requérant le demande lorsque sa requête repose sur des faits de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles. Dans le même sens, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure tendant à permettre aux membres d’un couple d’être appelés séparément à l’audience, à la demande de l’un des membres du couple qui ne souhaiterait pas évoquer ses persécutions ou les menaces qui pèsent sur lui devant son conjoint.
— À l’initiative du Gouvernement, et suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a précisé que l’enregistrement de l’entretien à l’OFPRA ne peut être invoqué devant la CNDA à l’appui d’une contestation de la décision de l’Office que pour constater une erreur de transcription sur un point important pour l’appréciation du besoin de protection du demandeur ;
— Enfin, à l’initiative de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement précisant que l’instruction et la procédure devant la Cour sont contradictoires, sous réserve des limitations nécessaires pour garantir la sécurité du demandeur, la sécurité nationale et la sécurité des organisations ou des personnes ayant fourni des informations à l’OFPRA ou à la Cour, dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d’État.
Sur l’enregistrement de la demande d’asile (article 12)
— Suivant les propositions de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement précisant les délais d’enregistrement de la demande d’asile imposés par la directive « Procédure » et précisé clairement que l’enregistrement de cette demande n’était pas soumis à une condition préalable de domiciliation ;
— À l’initiative de la rapporteure et du groupe Socialiste, républicain et citoyen, la Commission a également adopté plusieurs amendements visant à améliorer l’accompagnement des mineurs isolés, en transposant l’ensemble des garanties offertes au mineur isolé en zone d’attente à tous les mineurs demandeurs d’asile : information immédiate du procureur de la République, obligation de désigner sans délai un administrateur ad hoc, accès immédiat aux mesures provisoires d’accueil par l’aide sociale à l’enfance prévues à l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles.
Sur la mise en œuvre des dispositions du règlement « Dublin III » (article 13)
— Sur proposition de la rapporteure, la Commission a précisé que l’assignation à résidence devra être motivée par « un risque de fuite du demandeur » ;
— La Commission a également simplifié le dispositif d’assignation à résidence en adoptant un amendement de la rapporteure fixant la durée de la première assignation à résidence à six mois, ainsi qu’un amendement de MM. Coronado et Molac limitant le renouvellement cette assignation à une fois au plus.
— Enfin, à l’initiative de la rapporteure, de Mme Dubié et de MM. Schwartzenberg et Tourret, membres du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, la Commission a doublé le délai de recours ouvert au demandeur d’asile relevant du règlement « Dublin III » (couramment appelé « dubliné ») pour contester son transfert vers un autre État membre en le portant de sept à quinze jours afin d’améliorer son effectivité.
Sur le droit au maintien sur le territoire (article 14)
— Sur proposition de MM. Coronado et Molac, membres du groupe Écologiste, et suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement visant à ce que l’attestation de demande d’asile donne accès à la formation professionnelle passé un délai de neuf mois à compter de sa date de délivrance ;
— Sur proposition de la rapporteure, la Commission a ensuite adopté un amendement de précision, à l’alinéa 10 de l’article 14, visant à ce que la perte du droit au maintien sur le territoire n’intervienne qu’après une décision définitive d’extradition vers un État autre que le pays d’origine du demandeur.
Sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile (articles 15 à 17)
— À l’article 15, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant, à l’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), que l’Office de l’immigration et de l’intégration (OFII) peut déléguer par conventions à des personnes morales la possibilité d’assurer certaines prestations d’accueil, d’information et d’accompagnement des demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur demande ;
— Au même article 15, la Commission a prévu, sur l’initiative de M. Sergio Coronado, que le schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA serait arrêté par le ministre chargé de l’asile après avis du ministre chargé du logement « et du ministre chargé des affaires sociales » et, sur celle de la rapporteure, que ce schéma serait transmis au Parlement. Sur la proposition de Mme Marie-Anne Chapdelaine, elle a également précisé que le schéma régional d’hébergement serait arrêté après avis de la conférence territoriale de l’action publique ;
— Au même article, la Commission a prévu, sur l’initiative de M. Denys Robiliard, que les décisions d’admission dans un lieu d’hébergement, de sortie de ce lieu et de changement de ce lieu mentionnées à l’article L. 744-3 du même code seront prises par l’OFII « après consultation du directeur du lieu d’hébergement ». Elle a aussi précisé, sur l’initiative de la rapporteure, que ces décisions seront prises « en tenant compte de la situation du demandeur » ;
–– À l’article 15 toujours, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement, tel que sous-amendé par la rapporteure, prévoyant à l’article L. 744-3 que les demandeurs d’asile accueillis dans les lieux d’hébergement bénéficient d’un accompagnement juridique et social ;
–– Sur la proposition de M. Sergio Coronado, la Commission a rétabli, à l’article L. 744-5 du CESEDA créé par l’article 15 du projet de loi, la condition d’urgence requise pour pouvoir saisir la juridiction administrative afin d’obtenir l’expulsion d’une personne séjournant indûment dans les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. Au même article L. 744-5, la Commission a supprimé, sur l’initiative de la rapporteure, le mécanisme d’astreinte prévu pour l’exécution de l’ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ;
–– À l’article L. 744-6 du CESEDA créé par l’article 15 du projet de loi et relatif à l’évaluation des besoins des demandeurs d’asile vulnérables, la Commission a adopté trois amendements de la rapporteure prévoyant que l’évaluation de la vulnérabilité d’un demandeur soit effectué après un entretien personnel avec ce dernier, par des agents de l’OFII ayant reçu une formation spécifique à cette fin, et que le demandeur soit informé lors de cet entretien de la possibilité de bénéficier de l’examen de santé gratuit prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale ;
–– Au même article L. 744-6, la Commission a également précisé, sur la proposition de Mme Pascale Crozon, la définition de la vulnérabilité, en reprenant la liste – non limitative – des causes de vulnérabilité figurant à l’article 21 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale. Sur l’initiative de la rapporteure, elle a indiqué que la situation spécifique des personnes vulnérables doit être prise en compte dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d’asile pendant toute la durée d’instruction de leur demande et que l’examen de la vulnérabilité par l’OFII ne préjuge pas de l’appréciation par l’OFPRA de la vulnérabilité du demandeur ou du bien-fondé de sa demande ;
–– À l’article L. 744-7 du CESEDA créé par l’article 15 du projet de loi, deux amendements de la rapporteure adoptés par la Commission ont précisé, d’une part, que l’hébergement proposé par l’OFII au demandeur doit tenir compte des besoins de ce dernier et, d’autre part, que le demandeur doit être préalablement informé, dans une langue qu’il comprend, des conséquences de l’acceptation ou du refus de l’hébergement proposé ;
– Au même article L. 744-7, sur la proposition de M. Denys Robiliard et de la rapporteure, la Commission a supprimé le régime d’autorisation administrative d’absence des lieux d’hébergement ;
–– À l’article L. 744-8 du CESEDA, il a été précisé que les conditions matérielles d’accueil ne pourraient être limitées ou suspendues lorsque le demandeur d’asile n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’information ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la demande d’asile qu’en l’absence de « motif légitime » ;
–– Sur la proposition de Mme Chaynesse Khirouni, la Commission a ajouté un article 16 bis additionnel, aux termes duquel les places d’accueil en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) seront comptabilisées pour le calcul du seuil minimum de logements sociaux dans les communes soumises à l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite « loi SRU ») ;
–– Sur la proposition de la rapporteure, la Commission a réécrit l’article 17 afin de tenir compte des modifications déjà apportées aux dispositions du code du travail relatives à l’allocation temporaire d’attente (ATA) par l’article 31 de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.
Sur le contenu de la protection internationale accordée (articles 18 et 19)
–– À l’article 18, la Commission, sur l’initiative de M. Denys Robiliard, a ajouté les partenaires liés par une union civile aux membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire se voyant délivrer un titre de séjour de plein droit en application des articles L. 313-13 et L. 314-11 du CESEDA ;
–– Au même article, la Commission a, sur la proposition de la rapporteure, supprimé l’exigence nouvelle prévue par le projet de loi que les enfants mineurs d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire soient célibataires pour pouvoir bénéficier d’un titre de séjour de plein droit en application des articles L. 313-13 et L. 314-11 du CESEDA ;
–– À l’article 18 également, la Commission a étendu la délivrance de plein droit d’un titre de séjour, en application de l’article L. 314-11 du CESEDA, au concubin d’un réfugié s’il avait, antérieurement à la date à laquelle le réfugié a déposé sa demande d’asile, une liaison suffisamment stable et continue avec lui, afin de tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’État sur l’éligibilité au statut de réfugié ;
–– Au même article 18, la Commission a adopté un amendement de M. Denys Robiliard empêchant le retrait du titre de séjour d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire ayant perdu son statut ou sa protection s’il est en situation régulière depuis cinq ans, au lieu de ne permettre ce retrait que dans les cinq années qui suivent la première délivrance du titre concerné comme le prévoyait l’article L. 311-8-1 du CESEDA ;
–– À l’article 19, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure étendant la définition des membres de la famille retenue à l’article L. 752-1 du CESEDA au concubin avec lequel le réfugié, antérieurement au dépôt de sa demande d’asile, avait une liaison suffisamment stable et continue, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, ainsi qu’au partenaire avec lequel le réfugié ou le bénéficiaire d’une protection subsidiaire est lié par une union civile ;
–– Au même article 19, la Commission a prévu, sur l’initiative de la rapporteure, que cesse à la majorité de la jeune fille le contrôle médical, prévu à l’article L. 752-3 du CESEDA, exercé à la demande de l’OFPRA pour s’assurer que les mineures auxquelles une protection au titre de l’asile a été accordée en raison du risque de mutilation sexuelle encouru dans leur pays d’origine n’ont pas subi une telle mutilation. La Commission a précisé que le constat éventuel d’une mutilation ne peut entraîner la cessation de la protection accordée à la mineure et que ces examens médicaux devront être pratiqués par certaines catégories de médecins, déterminées par décret. Sur la proposition de Mme Pascale Crozon, il a également été précisé que l’OFPRA devra observer un délai minimal de trois ans entre deux examens, sauf s’il existe des motifs réels et sérieux de penser qu’une mutilation sexuelle a effectivement été pratiquée.
Le droit d’asile est profondément inscrit dans l’histoire et les valeurs de notre pays. Dès la période révolutionnaire, l’article 120 de la Constitution du 24 juin 1793 affirme que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans ». Plus près de nous, le Préambule de la Constitution de 1946 – qui fait toujours partie du bloc de constitutionnalité – fait écho à cette proclamation, en inscrivant parmi les principes particulièrement nécessaires à notre temps que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». L’asile est au cœur de notre pacte républicain.
Le droit d’asile s’inscrit dans un cadre international, avec la Convention de Genève du 28 juillet 1951 qui en constitue l’instrument juridique de référence, mais aussi, depuis plus récemment, dans le cadre d’un régime d’asile européen commun dont la construction a été initiée en 1999. L’Union européenne a ainsi adopté, entre 2011 et 2013, une nouvelle série de textes – appelée le « paquet asile » – composée de trois directives et d’un règlement, avec lesquels il convient de mettre notre législation en conformité d’ici à juillet 2015.
La transposition de ces textes offre l’opportunité de réformer en profondeur notre système de l’asile, qui apparaît à bout de souffle.
Les principales dérives de notre système sont bien connues. L’allongement des délais de traitement des demandes d’asile est préjudiciable aux femmes et aux hommes venus demander une protection à notre pays, et qui sont en droit d’obtenir une réponse rapide à leur demande. Ces délais contribuent à la saturation de nos capacités d’hébergement. Notre système d’asile n’apparaît pas conforme au droit européen sur plusieurs points tels que l’absence de recours suspensif pour les demandeurs d’asile en procédure prioritaire, par exemple. Enfin, l’intégration des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire reste insuffisante.
Le projet de loi soumis à notre assemblée vise à réformer notre système d’asile en profondeur, pour mettre fin à ces dérives et restaurer le droit d’asile.
Il vise, en premier lieu, à raccourcir les délais d’examen des demandes, avec pour objectif de parvenir à un délai moyen de neuf mois.
Ce texte a pour objet, en deuxième lieu, de renforcer les garanties offertes aux demandeurs. L’accélération de l’examen des demandes ne doit pas se faire au détriment de la qualité des décisions rendues. La plupart des recours des demandeurs d’asile seront ainsi rendus suspensifs. Les demandeurs pourront se faire assister par un conseil lors de leur entretien à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ils bénéficieront de plein droit de l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). À tous les stades de la procédure, la vulnérabilité des demandeurs sera examinée, afin que les besoins des personnes vulnérables (mineurs, femmes victimes de violence, personnes en situation de handicap, femmes enceintes, personnes âgées, victimes de tortures, etc.) soient systématiquement pris en compte. Un hébergement adapté devra leur être proposé et la procédure suivie à l’OFPRA tenir compte de leur situation.
La réforme proposée, en troisième lieu, vise à améliorer les conditions d’accueil des demandeurs. Pour mettre fin à leur répartition inégale sur le territoire, un schéma national d’hébergement, décliné au niveau régional, est mis en place. Piloté par l’OFII, il s’accompagne d’une orientation directive des demandeurs vers les lieux d’hébergement. L’objectif est, à terme, que l’accueil en commission d'accès aux documents administratifs (CADA) devienne la norme et celui dans une structure d’hébergement d’urgence soit l’exception. L’allocation temporaire d’attente et l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) versée aux demandeurs accueillis en CADA sont par ailleurs remplacées par une nouvelle allocation spécifique, l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA).
Enfin, le projet de loi comporte plusieurs dispositions ayant pour objet de renforcer l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale, dont la réunification familiale sera notamment facilitée. La protection des mineures ayant obtenu l’asile en raison du risque de mutilation sexuelle qu’elles encourent dans leur pays d’origine sera également renforcée.
La Commission a pleinement approuvé les grandes orientations de ce projet de loi, qui assure un équilibre satisfaisant entre la recherche d’une efficacité accrue de notre système d’asile et la garantie des droits des personnes concernées. Les modifications qu’elle a apportées ont principalement eu pour objet :
– d’encadrer de façon plus stricte les cas de recours à la procédure accélérée ainsi que les hypothèses de clôture d’examen, et de renforcer les garanties offertes aux demandeurs relevant de procédures d’asile particulières, à la frontière ou en rétention ;
– d’améliorer les conditions d’exercice d’un recours des demandeurs d’asile devant la Cour nationale du droit d’asile ;
– de renforcer la prise en compte des besoins et de la situation personnelle des demandeurs d’asile lorsqu’un hébergement leur est proposé ;
– de renforcer le droit à la réunification familiale des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire.
La crise de notre système d’asile rend sa réforme indispensable (I). Le projet de loi opère une réforme ambitieuse (II), que la Commission s’est attachée à renforcer et à compléter sur certains points (III).
A. UNE HAUSSE DE LA DEMANDE D’ASILE À RELATIVISER, À LAQUELLE LA FRANCE N’A PAS SU FAIRE FACE FAUTE DE RÉFORME
Entre 2007 et 2013, la demande de protection internationale globale (mineurs accompagnants et réexamens inclus) adressée à la France a augmenté de plus de 85 %. De 35 520 demandes en 2007, elle est passée à 47 686 en 2009, puis à 57 337 en 2011, 61 468 en 2012 et 66 251 en 2013.
Cette hausse est significative. Elle doit cependant être replacée dans son contexte international et historique, ce qui conduit à la relativiser par rapport aux efforts consentis par d’autres pays ou à d’autres périodes de notre histoire récente. Cette mise en perspective démontre que les difficultés rencontrées actuellement sont davantage dues à l’incapacité de la France à réformer son système d’asile pour le rendre plus efficace qu’à la hausse de la demande d’asile.
Le dernier rapport du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) sur les tendances de l’asile indique que le nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale (ce qui inclut les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (1)) a dépassé, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le seuil de 50 millions de personnes (2). En 2013, ce nombre s’élevait ainsi à 51,2 millions de personnes dont :
– 16,7 millions de réfugiés (3) ;
– 33,3 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays ;
– 1,2 million de demandeurs d’asile.
Par rapport à 2012, le nombre de personnes déplacées de force pour fuir des persécutions, des conflits, une situation de violence généralisée ou des violations des droits fondamentaux a augmenté de 10,7 millions. En 2013, en moyenne, 32 200 personnes par jour ont dû quitter leur foyer en quête d’une protection ailleurs.
La poursuite du conflit syrien a été la première cause de cette hausse, forçant 2,5 millions de personnes à devenir réfugiés et 6,5 millions d’autres à devenir des personnes déplacées. Des déplacements massifs ont également eu lieu en République centrafricaine et au Soudan du Sud.
Si ces 51,2 millions de personnes formaient la population d’un État, celui-ci serait le 26e État le plus peuplé.
Les principaux pays d’origine des réfugiés placés sous la protection du HCR sont l’Afghanistan, la Syrie et la Somalie.
Selon le HCR, 86 % des réfugiés étaient accueillis, en 2013, par les pays en développement. Cette part est en augmentation par rapport aux années 1990, où cette part atteignait les 70 %. Paradoxalement, ce sont donc les pays dont les moyens sont plus limités qui accueillent le plus de réfugiés.
Ainsi, en 2013, les dix pays accueillant le plus de réfugiés étaient le Pakistan (1 616 500), l’Iran (857 400), le Liban (856 500), la Jordanie (641 900), la Turquie (609 900), le Kenya (534 900), le Tchad (434 500), l’Éthiopie (433 900), la Chine (301 000) et les États-Unis (263 600).
Si l’on rapporte le nombre de réfugiés accueillis à la richesse du pays, en utilisant un ratio rapportant le nombre de réfugiés à 1 dollar de produit intérieur brut par habitant (en parité de pouvoir d’achat), les dix pays qui accueillent le plus de réfugiés par rapport à leur richesse nationale étaient le Pakistan (512 réfugiés par dollar de PIB/habitant), l’Éthiopie (336), le Kenya (295), le Tchad (199), le Soudan du Sud (177), la République démocratique du Congo (153), l’Ouganda (152), la Jordanie (117), le Bengladesh (111) et le Yémen (95).
a. Rapportée à sa population, la France est le 9e pays de destination des demandeurs d’asile des 28 États membres de l’Union européenne
Selon Eurostat, en 2013, 435 000 demandeurs d’asile ont été enregistrés dans l’Union européenne (4).
En valeur absolue, la France (65 000 demandes soit 15 % de l’ensemble des demandes) était, cette même année, le deuxième État membre derrière l’Allemagne (127 000 demandes, soit 29 %), en nombre de demandes d’asile enregistrées, suivie par la Suède (54 000, soit 14 %).
Si l’on rapporte le nombre de demandes à la population, la France n’est cependant plus que le 9e pays d’accueil (avec 255 demandes par million d’habitants au 4e trimestre 2013), derrière la Suède (1 965), Malte (740), l’Autriche (565), l’Allemagne (510), Chypre (465), la Bulgarie (435), la Belgique (410) et la Hongrie (280).
La France a déjà connu un « pic de demande » comparable à celui auquel elle doit faire face aujourd’hui. En 1989, l’OFPRA enregistra ainsi 61 422 demandes, contre 18 478 en 1976. Pour face à cet afflux, l’office pris ainsi 67 000 décisions au cours des seuls neuf premiers mois de l’année 1990, contre 21 500 sur la même période en 1989 (5).
Le nombre de demandes connut ensuite une décroissance importante entre 1989 et 1996 (17 405 premières demandes), avant de repartir à la hausse à compter de 1997 et connaître un deuxième pic de la demande en 2003, avec 52 204 premières demandes, en provenance principalement des pays de l’ex Yougoslavie, de la République démocratique du Congo, de la Roumanie et du Sri Lanka.
La hausse de la demande d’asile adressée à la France doit donc être relativisée, à la fois par rapport à celle d’autres pays et au regard de notre histoire récente.
Les premiers obstacles auxquels les demandeurs d’asile se heurtent pour entrer dans la procédure apparaissent au moment d’accéder aux guichets des préfectures, condition préalable à la saisine de l’OFPRA. Or, à défaut de preuve de droit au maintien sur le territoire pendant le temps de l’instruction de leur demande, ces demandeurs risquent d’être reconduits à la frontière et, en tout état de cause, n’accèdent pas aux conditions matérielles d’accueil.
Le principal frein à cet accès au guichet résulte de l’exigence de domiciliation.
Cette domiciliation particulière, réservée aux demandeurs d’asile, produit certains effets néfastes : l’agrément des associations par les préfectures a pu, dans certaines régions, devenir un outil de régulation des flux de demandeurs d’asile (suspension des agréments pour inciter les demandeurs à solliciter une autre préfecture) et un outil de pression sur les associations (menace de non renouvellement des agréments si les associations ne se conforment pas aux règles fixées par l’administration en matière d’accueil et d’aide aux demandeurs, comme par exemple accepter d’entrer dans un dispositif de numerus clausus des demandes d’admission provisoire au séjour). À cette « pression » de la préfecture, peut s’ajouter la pression financière qui pèse sur les associations chargées des plateformes d’aide aux demandeurs d’asile qui ne leur permet pas toujours de répondre au mieux aux besoins des demandeurs d’asile.
i. Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) accueillent seulement un tiers des demandeurs d’asile en France
Les efforts de l’État pour augmenter le nombre de places en CADA, qui est passé de 5 282 places en 2001 à 24 689 places à la fin du premier semestre 2014, sont restés insuffisants pour accueillir dignement le nombre de demandeurs d’asile qui se présentent chaque année dans notre pays (66 251 demandeurs en 2013). Seul un tiers des demandeurs sont accueillis en CADA.
Ces efforts sont d’autant plus insuffisants que le taux de présence indue dans les CADA est faible et en diminution. Il s’élevait, en ce qui concerne les réfugiés, à 4 % en 2007 et à 1,6 % à la fin 2013. S’agissant des personnes déboutées de la demande d’asile, il s’élevait à 7,5 % en 2007 et à 6 % en 2013.
ii. Le recours croissant à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) : une modalité d’accueil dégradée
Compte tenu du nombre limité de places de CADA et de l’allongement des délais de traitement des demandes d’asile, il a été recouru de manière croissante à l’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile (HUDA).
Ce dispositif vient en principe simplement compléter le parc de places de CADA. Sa vocation est en effet d’héberger les demandeurs d’asile n’ayant pas le droit d’être accueillis en CADA soit parce qu’ils ont été placés en procédure prioritaire en application de l’article L. 723-1 du CESEDA, soit parce que l’examen de leur demande relève d’un autre État membre en application du règlement dit « Dublin III » (6). Ces personnes, souvent appelées « dublinés », sont dépourvues de titres de séjour mais sont amenées à demeurer, à titre provisoire, sur le territoire jusqu’à leur éventuel transfert vers un autre État membre. Les demandeurs d’asile attendant leur entrée en CADA peuvent également être hébergés dans ce cadre.
Ce dispositif est constitué à 90 % de places gérées à l’échelon déconcentré par les préfets. Cet hébergement se présente alors sous la forme d’une prise en charge de nuit d’hôtels (pour 56 %) ou d’un hébergement dans des structures collectives (pour 20 %) ou dans des appartements (pour 23 %) et s’accompagne du versement de l’allocation temporaire d’attente (ATA) d’un montant de 340,50 euros par mois. Les 10 % restants correspondent à des places gérées par la société d’économie mixte Adoma dans le cadre d’une convention passée avec le ministère de l’Intérieur.
Ayant perdu son caractère subsidiaire, ce dispositif accueille aujourd’hui de nombreux demandeurs d’asile qui auraient pourtant droit en principe à un hébergement en CADA. L’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) a par conséquent pris une forte importance : près de 22 000 places étaient financées à ce titre en 2013, contre seulement 13 000 places en 2009, soit une hausse de près de 70 % des capacités en quatre ans.
i. Le recours à l’hébergement d’urgence de droit commun : un pis-aller qui n’apporte aucune garantie de logement aux demandeurs d’asile
La saturation des structures dédiées aux demandeurs d’asile (CADA et HUDA) a conduit une partie d’entre eux à être hébergés dans les dispositifs de droit commun, et à bénéficier plus particulièrement des places d’hébergement d’urgence, dont les nuitées hôtelières.
L’accès à ces dispositifs est inconditionnel, quel que soit le statut de la personne concernée. En effet, aux termes de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles, « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».
Les demandeurs d’asile se trouvent donc traités de la même manière que les sans domicile fixe. L’impact de la demande d’asile sur le dispositif généraliste est néanmoins mal connu. Selon le rapport d’avril 2014 du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, « 25 % à 60 % de l’hébergement d’urgence [serait occupé] par des demandeurs d’asile et les personnes déboutées », auxquels on pourrait ajouter de nombreux demandeurs d’asile sous procédure Dublin (7).
Votre rapporteure en déduit que la France n’a pas su se donner les moyens d’accueillir, dans des conditions dignes, les demandeurs d’asile depuis plusieurs années. Cette situation résulte d’une mauvaise appréciation des besoins de protection internationale adressés à la France qui s’est traduite par une sous-budgétisation chronique des dépenses publiques consacrées à la politique de l’asile.
iii. Une situation résultant principalement d’une sous-budgétisation chronique de la politique de l’asile en France
L’observation de l’évolution des crédits de l’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile du programme 303, qui retrace l’essentiel des coûts directs de la politique publique, montre le caractère particulièrement chaotique de l’exécution budgétaire, caractérisée par une sous-budgétisation chronique depuis plusieurs années, quoiqu’en baisse suite aux rebasages opérés en 2012 et 2013 (voir le tableau ci-après).
Le coût de cette action est ainsi passé de 334 millions en 2008 à 566 millions en 2013, soit une progression voisine de 70 % alors que la demande annuelle d’asile adressée à la France n’a progressé que de 55 % dans la même période. L’écart entre les deux progressions s’explique essentiellement par l’allongement des délais de traitement des dossiers et la prise en charge des demandeurs en attente d’une décision (effet stock).
Si la budgétisation des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ne pose pas de problème de budgétisation car elle est normée par des paramètres bien identifiés (24 euros par jour et par place), il n’en va pas de même pour les dispositifs d’urgence, par définition moins prévisibles et activés en fonction des situations de crise constatées sur le territoire.
PROGRAMME 303 ASILE – ÉVOLUTION 2008-2014 – DE LA PRÉVISION À L’EXÉCUTION
(en milions d’euros)
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 | |||||||
LFI 2008 |
Exécution 2008 |
LFI 2009 |
Exécution 2009 |
LFI 2010 |
Exécution 2010 |
LFI 2011 |
Exécution 2011 |
LFI 2012 |
Exécution 2012 |
LFI 2013 |
Exécution 2013 |
LFI 2014 | |
Allocation temporaire d’attente |
28,0 |
47,5 |
30,0 |
68,4 |
53,0 |
105,0 |
54,0 |
145,4 |
89,7 |
164,5 |
140,0 |
177,5 |
135,0 |
CADA |
190,8 |
192,5 |
195,6 |
195,7 |
202,6 |
202,3 |
199,0 |
199,0 |
194,0 |
194,0 |
198,8 |
199,7 |
213,8 |
Hébergement d’urgence dont HU déconcentré dont HU-national |
35,3 25,6 9,7 |
53,1 44,1 9,0 |
30,0 20,2 9,8 |
72,8 62,9 9,9 |
30,0 21,1 8,9 |
112,1 100,6 11,6 |
40,0 27,0 13,0 |
135,0 122,3 12,7 |
90,9 77,9 13,0 |
135,3 124,7 10,6 |
125,0 113,7 11,3 |
149,9 138,8 11,2 |
115,4 105,4 10,00 |
OFPRA |
40,4 |
40,4 |
30,5 |
29,9 |
32,0 |
32,3 |
34,7 |
34,7 |
34,4 |
36,9 |
37,1 |
37,1 |
39,3 |
Accompagnement social |
0,5 |
0,4 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
0,4 |
0,3 |
0,3 |
0,0 |
0,2 |
0,2 |
1,7 |
0,5 |
TOTAL BOP 303 Asile |
295,0 |
333,9 |
286,5 |
367,3 |
318,1 |
452,1 |
327,8 |
514,4 |
408,9 |
530,9 |
501,1 |
565,9 |
504,0 |
Insuffisances |
38,9 |
80,8 |
134,1 |
186,7 |
122,0 |
64,8 |
Or, comme le soulignent nos collègues députés, Mme Jeanine Dubié et M. Arnaud Richard, dans le rapport publié en avril 2014 au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, : « La grande erreur des pouvoirs publics avant 2012 est d’avoir fait porter exclusivement sur ces dispositifs d’urgence l’ajustement face à l’afflux de demandes, ce qui a généré d’importants dysfonctionnements » (8).
L’écart entre la prévision et l’exécution 2011 a ainsi atteint un point maximal de presque 187 millions d’euros, et les dotations initiales de l’ATA et de l’hébergement d’urgence n’ont couvert cette année-là que respectivement 37 % et 30 % des besoins.
b. Les exigences de la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’accueil des demandeurs d’asile
La Cour de justice de l’Union européenne a récemment rappelé la Belgique à l’ordre dans un arrêt sur 27 février 2014 (9), en la condamnant pour non-respect de la directive « Accueil ».
Dans cet arrêt, la Cour considère que la directive « Accueil » impose aux États membres une obligation de résultat de garantir aux demandeurs d’asile un niveau de vie digne et, par conséquent, la possibilité d’accéder à un logement, ou à défaut, de leur verser une allocation financière suffisante pour couvrir leurs frais d’hébergement, de santé et de subsistance.
Par la même, votre rapporteure considère que cet arrêt est susceptible de remettre en cause les pratiques administratives françaises et la jurisprudence du Conseil d’État à la suite de la saturation des structures d’hébergement. Ainsi, en est-il de la jurisprudence du Conseil d’État ayant admis que l’atteinte portée aux droits des demandeurs d’asile s’apprécie en tenant compte des moyens dont disposent l’administration (10), et plus encore de celle dans laquelle le Conseil a considéré que l’administration s’était conformée à ses obligations lorsque, après avoir constaté que les capacités d’hébergement étaient épuisées, il a admis que l’administration ait pu « recourir à des modalités d’accueil différentes de celles qui sont normalement prévues (…) sous forme de tentes ou d’autres installations comparables » (11).
Comment en effet admettre que l’on accueille dignement des demandeurs d’asile lorsqu’on leur propose, même à titre temporaire, d’être hébergés sous une tente ou dans un camping ?
Au 31 décembre 2013, l’OFPRA estimait le nombre de personnes placées sous sa protection à 186 234, dont 169 990 réfugiés, 14 997 bénéficiaires de la protection subsidiaire et 1 247 apatrides.
Une étude récente du Haut-commissariat des Nations-Unies aux réfugiés a souligné les difficultés d’intégration que ces personnes rencontrent (12). Ces difficultés s’expliquent notamment par la plus grande vulnérabilité des personnes protégées, par rapport aux étrangers ayant immigré pour des raisons économiques ou familiales, compte tenu des persécutions, des mauvais traitements et des traumatismes subis dans leur pays d’origine.
Ces difficultés sont souvent accrues par les obstacles que rencontrent, en pratique, les réfugiés et les bénéficiaires d’une protection subsidiaire pour exercer leur droit à la réunification familiale. Ils sont ainsi souvent dans l’impossibilité de produire des actes d’état-civil, soit en raison des défaillances de l’administration de leur pays d’origine, soit parce que s’adresser aux autorités de leur pays d’origine pourrait présenter une menace pour leur famille restée sur place. En outre, les personnes placées sous protection ne peuvent pas se rendre dans leur pays d’origine pour préparer le départ de leur famille.
Plus d’un cinquième (22 %) des demandes de visas effectuées au titre de la réunification familiale ont ainsi été rejetés en 2013.
Les dérives de notre système d’asile, en particulier au regard des mauvaises conditions d’accueil des demandeurs d’asile, ont été maintes fois dénoncées depuis 2013, aussi bien par des services de l’administration que par des instances émanant du Parlement. Tous réclament une réforme urgente et en profondeur pour restaurer le droit d’asile en France conformément aux valeurs de notre République.
Une mission conjointe a été menée par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires sociales concernant l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile. Cette mission a remis son rapport en avril 2013 (13).
Dans son rapport, la mission dresse une série de constats sur plusieurs aspects de la politique de l’asile.
Elle relève d’une part que le délai de traitement des demandes en procédure prioritaire ou relevant d’une procédure Dublin se révèle dans les faits aussi long que le traitement en procédure normale, au détriment des demandeurs d’asile qui ont besoin d’une réponse rapide à leur demande de protection.
Elle souligne, d’autre part, que si l’allocation temporaire d’attente (ATA), couplée à l’hébergement d’urgence, était à l’origine conçue comme un dispositif subsidiaire, son coût pour les finances publiques est ensuite devenu proche de celui des CADA, alors même que son montant n’est pas suffisant pour assurer des conditions de vie digne aux demandeurs d’asile qui en bénéficie.
Elle met enfin en évidence la mauvaise gestion opérationnelle de l’allocation par l’État et Pôle emploi.
Parmi ses préconisations figure l’obligation pour la CNDA de se prononcer dans un délai de quatre mois pour un dossier examiné en procédure prioritaire devant l’OFPRA, ou encore l’instauration d’un délai de trois mois entre l’entrée sur le territoire et le dépôt de la demande au-delà duquel, sauf exceptions, la demande d’asile serait automatiquement examinée en procédure prioritaire. Elle recommande aussi de faire de la baisse du taux de renvoi des affaires à la CNDA un objectif prioritaire et de rétablir une relation « équilibrée » entre les avocats et la Cour. Elle invite également à « étudier l’opportunité » de confier le contentieux de l’asile à la juridiction administrative de droit commun. En matière d’allocation, elle propose de confier à moyen terme la gestion de l’ATA à l’OFII ou à l’OFPRA.
Une large concertation a été organisée par le ministre de l’Intérieur au cours du deuxième semestre de l’année 2013. Présidée par deux parlementaires, la sénatrice Valérie Létard et le député Jean-Louis Touraine, elle s’est déroulée du 15 juillet 2013 au 28 novembre 2013.
Elle a réuni tous les acteurs du droit d’asile en France, rassemblés au sein d’un comité de concertation : le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’OFPRA, la CNDA, les administrations compétentes, des élus ainsi que le secteur associatif. Elle s’est accompagnée de la mise en place de quatre ateliers thématiques réunissant des experts et des professionnels de terrain portant respectivement sur les procédures d’asile, sur l’accueil, l’orientation et l’accompagnement, sur l’hébergement des demandeurs d’asile et sur l’insertion des bénéficiaires d’une protection internationale. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a par ailleurs transmis ses observations concernant les enjeux de l’asile en termes d’égalité entre les sexes.
Le rapport remis le 28 novembre 2013 dégage plusieurs pistes de réforme (14).
Il suggère de supprimer l’obligation d’une domiciliation pour se présenter aux préfets de région après avoir été accueilli par les directions territoriales de l’OFII. En vue d’accélérer l’examen de la demande d’asile, il fixe comme objectif la réduction de la durée de la procédure normale de dix-huit mois à neuf mois (trois mois à l’OFPRA et six à la CNDA).
S’agissant des voies de recours, il propose que les procédures prioritaires soient examinées par un juge unique.
S’agissant des conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, il préconise tout d’abord de mettre en place un dispositif directif d’orientation des demandeurs d’asile vers leur hébergement. L’instauration d’une nouvelle allocation plus juste constitue également pour lui un impératif.
Il recommande enfin de mieux gérer les fins de procédure, à la fois pour les personnes ayant reçu un statut et pour celles qui sont déboutées de leur demande.
c. Le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale d’avril 2014
Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale a évalué, sous l’égide de Mme Jeanine Dubié et de M. Arnaud Richard, la politique d’accueil des demandeurs d’asile (15) .
Confirmant les nombreux dysfonctionnements de la procédure, aussi bien en termes de délais que de coûts, leur rapport rendu en avril 2014 a mis en avant de multiples propositions dont une très grande partie a été reprise dans le présent projet de loi.
Le rapport du CEC propose ainsi d’instaurer, au niveau des préfectures de région, un lieu unique d’accueil des demandeurs d’asile, réunissant les services préfectoraux compétents, la direction territoriale de l’OFII ainsi que les associations d’aide et de soutien présentes localement. Il recommande, pour l’admission au séjour des demandeurs d’asile, de supprimer l’exigence de domiciliation préalable.
Il prône aussi de confier la détection de la vulnérabilité éventuelle du demandeur d’asile, lors du premier accueil, aux médecins de l’OFII.
Les CADA doivent à ses yeux constituer le dispositif central de l’hébergement des demandeurs d’asile, étant précisé qu’une orientation directive des demandeurs d’asile pour leur hébergement s’impose. Il suggère par ailleurs d’améliorer et de moderniser la gestion de l’allocation temporaire d’attente (ATA).
Écarter le transfert du contentieux de l’asile aux tribunaux administratifs et conforter la professionnalisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) constituent deux autres de ses principales préconisations.
Le droit d’asile s’inscrit désormais dans un cadre européen (16) . La coopération dans ce domaine est longtemps restée intergouvernementale. Un chapitre de la convention d’application de l’accord de Schengen du 19 juin 1990 était ainsi consacré à l’asile et la convention de Dublin du 16 juin 1990 (entrée en vigueur en 1997) a posé les critères de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile. C’est le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 qui a « communautarisé » la politique d’asile (c’est-à-dire transféré de l’ancien « troisième pilier » de l’Union européenne, intergouvernemental, vers le « premier pilier », communautaire).
Sur ce fondement, le Conseil européen de Tampere (Finlande) des 15 et 16 octobre 1999 a fixé pour objectif de mettre en place un régime d’asile européen commun fondé sur l’application de la Convention de Genève de 1951. Le Conseil européen a confirmé ses objectifs dans les programmes de La Haye (2005-2009) et de Stockholm (2010-2014) ainsi que dans le Pacte européen pour l’asile et l’immigration adopté en octobre 2008.
C’est dans ce cadre qu’une première série de textes importants ont été pris par l’Union européenne, entre 2000 et 2005. Ont ainsi été adoptés :
– le règlement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin (devenue le règlement « Dublin III », voir ci-après) ;
– la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil (dite directive « Protection temporaire ») ;
– la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (dite directive « Accueil ») ;
– le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (dit règlement « Dublin II ») a remplacé la Convention de Dublin de 1990 qui avait le même objet ;
– la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relative au contenu de ces statuts (dite directive « Qualification ») ;
– la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (dite directive « Procédure ») ;
– un Fonds européen pour les réfugiés a été créé par la décision 2000/596/CE du 28 septembre 2000, et régulièrement prorogé depuis. Il soutient, par le cofinancement, les actions menées par les États membres pour accueillir des réfugiés et des personnes déplacées.
Ces textes fixaient des « normes minimales », apportant en réalité une harmonisation limitée des systèmes nationaux. C’est pour cette raison qu’une seconde phase de la construction d’un régime d’asile européen commun a été initiée à partir de décembre 2008, avec la présentation d’un « paquet asile » par la Commission européenne, c’est-à-dire la présentation d’une série de propositions législatives visant à refondre les textes adoptés lors de la première phase.
Après plusieurs années de négociations, ces propositions ont conduit à l’adoption de trois nouvelles directives, les directives « Qualification », « Accueil » et « Procédures » qui doivent être transposées en droit national avant le 1er juillet 2015, et d’une refonte du règlement « Dublin II », devenu le règlement « Dublin III » qui est entré en vigueur le 1er janvier 2014. Ces textes devraient contribuer à améliorer le régime d’asile européen commun qui apparaît aujourd’hui insuffisant pour faire face aux besoins de protection internationale adressée à l’Union européenne.
Lors de ses déplacements à Bruxelles et à Lampedusa, votre rapporteure a ainsi pu mesurer l’ampleur des défis qui attendent les États membres de l’Union européenne au cours des prochaines années.
À titre d’exemple, la déstabilisation de plusieurs États d’Afrique et des Proche et Moyen Orient a conduit à l’arrivée massive de migrants fuyant des menaces de persécutions (jusqu’à 11 000 simultanément) sur la petite île de Lampedusa (6 000 habitants), vue comme une porte d’entrée du continent européen. Les autorités italiennes ont pris un certain nombre de mesures pour recevoir ces migrants, en particulier la construction d’un centre d’accueil, actuellement en rénovation, que votre rapporteure a pu visiter. Une fois passés par ce centre d’accueil, les demandeurs d’asile ont été envoyés vers des centres de second accueil soit en Sicile, soit dans le reste de l’Italie. L’opération « Mare Nostrum » a également été mise en place, selon un certain nombre de schémas que les responsables militaires ont pu expliquer à votre rapporteure. Ces mesures n’apportent toutefois que des réponses d’assez court terme, sans pour autant mettre fin à la mise à l’eau d’embarcations toujours plus dangereuses, voire mortelles.
Cet exemple démontre à la fois le défi qui s’impose à la France, comme à l’ensemble de ses partenaires européens, de faire face à l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile, et à la nécessité d’y répondre par une coopération encore plus étroite entre les États membres, tant pour assurer la sécurité des migrants et leur accueil dans des conditions dignes que pour procéder, dans les meilleurs délais, à l’enregistrement et au traitement de leurs demandes d’asile.
La directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, dite directive « Qualification », est une refonte de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relative au contenu de ces statuts.
Elle devait être transposée avant le 21 décembre 2013. La Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France, à laquelle elle a adressé une lettre de mise en demeure le 27 janvier 2014. C’est ce qui explique que certaines des dispositions du présent projet de loi transposant cette directive aient aussi été intégrées à l’article 6 du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, adopté par le Sénat en première lecture le 5 novembre 2014.
La directive « Qualification » tend à rapprocher les droits des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire, regroupés sous l’appellation commune de « bénéficiaires de protection internationale » et à améliorer leur accès aux mesures et aux dispositifs favorisant l’intégration (formation, santé, emploi, logement). Cette harmonisation des droits accordés aux bénéficiaires de la protection subsidiaire sur ceux des réfugiés aura un impact limité sur notre droit, car tel était déjà le cas, pour l’essentiel, en France.
La durée du titre de séjour accordé aux personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire sera cependant allongée à deux ans, lors de son renouvellement, alors que le bénéfice de cette protection et la durée de validité de la carte de séjour temporaire sont actuellement d’un an renouvelable.
En matière de reconnaissance du statut, la directive précise la définition du motif de persécution constituée par « l’appartenance à un certain groupe social ».
La directive encadre également plus fortement le recours à la notion d’asile interne, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ( ). Son article 8 exige notamment que le demandeur puisse accéder « en toute sécurité et en toute légalité » vers la partie du pays concerné et s’y établir, pour que l’on puisse considérer que l’asile interne est possible. L’article L. 713-3 du CESEDA devra être adapté en conséquence. Elle exige aussi que la protection offerte par les autorités de l’État ou des organisations internationales et régionales soit « effective et non temporaire », ce que ne précise pas la rédaction actuelle de l’article L. 713-2 du même code.
Enfin, la directive propose une définition élargie des membres de la famille, en l’étendant au parent ou à l’adulte responsable d’un mineur non marié. Cette extension devra être opérée, en droit français, pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, en modifiant l’article L. 313-13. S’agissant des parents d’un réfugié mineur, une modification devra également être opérée, l’article L. 314-11 du CESEDA ne visant que les parents d’un mineur isolé ayant obtenu le statut de réfugié.
La directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte), dite directive « Accueil », est une refonte de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, qui avait le même objet.
Ce texte est issu d’une proposition initiale présentée par la Commission européenne le 9 décembre 2008, puis d’une proposition révisée le 7 juin 2011. Il doit être transposé par les États membres au plus tard le 20 juillet 2015.
Les principaux changements par rapport à la directive « Accueil » de 2003 sont les suivants :
● Le champ d’application de la directive est étendu aux personnes demandant la protection subsidiaire (article 2).
● Le placement en rétention des demandeurs fait désormais l’objet de règles plus précises (articles 8 à 11). Il n’est possible que sur la base d’une appréciation au cas par cas, qui doit démontrer que d’autres mesures moins coercitives ne pourraient être effectivement appliquées. En application de l’article 8, un tel placement n’est possible que pour les motifs suivants :
– établir ou vérifier l’identité ou la nationalité du demandeur ;
– déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande de protection internationale et qui n’auraient pu être obtenus sans son placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite ;
– statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire ;
– lorsque le demandeur est placé en rétention en liaison avec une procédure de retour, pour préparer son éloignement ou poursuivre le processus d’éloignement, si l’État membre peut justifier sur la base de critères objectifs qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a introduit sa demande à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ;
– lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige ;
– en application de l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III » (voir infra).
L’article 9 prévoit des garanties importantes pour les demandeurs d’asile placés en rétention. Celle-ci doit être la plus brève possible et l’administration doit faire preuve de diligence. Un contrôle juridictionnel de la légalité du placement en rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible. Les demandeurs sont informés immédiatement par écrit des motifs de la rétention et des procédures de recours, ainsi que de la possibilité de demander une assistance et une représentation juridiques gratuites. En règle générale, ils doivent être placés en rétention dans des structures d’accueil particulières. Un régime spécifique est également prévu pour les personnes vulnérables et les personnes ayant des besoins particuliers, telles que les mineurs ou les personnes dont l’état de santé justifie une attention particulière.
● Le délai pour accorder l’accès au marché du travail, qui est actuellement de douze mois, est ramené à un maximum de neuf mois à compter du dépôt de la demande (article 15 de la directive).
● Les dispositions en matière de soins de santé incluent explicitement le traitement essentiel des troubles mentaux graves et, si besoin est, des soins de santé mentale appropriés (article 19).
● Un cadre réglementaire plus précis en ce qui concerne l’appréciation des besoins particuliers en matière d’accueil des personnes vulnérables telles que les mineurs et les victimes d’actes de torture (articles 21 à 25). Cette appréciation ne doit pas nécessairement prendre la forme d’une « procédure administrative » et peut être intégrée aux procédures nationales en vigueur.
Les demandeurs qui sont des mineurs ou des personnes majeures à charge bénéficieront de davantage de garanties d’être logés avec les membres de leur famille. En outre, les qualifications exigées des représentants qui assistent et représentent un mineur non accompagné sont rendues plus précises.
Les États membres doivent faire en sorte que les personnes qui ont été victimes d’actes de torture, de viol ou d’autres violences graves, bénéficient du traitement nécessaire, en particulier d’un accès à des traitements ou à des soins médicaux et psychologiques adéquats. En outre, le personnel chargé de ces personnes doit avoir eu et continuer de recevoir une formation appropriée et être tenu par des règles de confidentialité.
● Des règles plus claires et plus précises sont introduites en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les demandeurs de protection internationale peuvent bénéficier de l’assistance et de la représentation juridiques gratuites dans le cadre de procédures de recours (article 26). Les États membres peuvent prévoir que l’assistance et la représentation juridiques gratuites ne sont pas accordées si le recours ne présente aucune probabilité réelle d’aboutir. Une telle analyse du bien-fondé d’un recours n’est toutefois pas possible dans le cas d’un recours contre une décision de placement en rétention.
La directive « Procédures » fixe les règles relatives aux procédures d’examen des demandes de protection internationale en première instance et en appel au sein des États membres. Elle a été adoptée le 26 juin 2013 et doit être transposée d’ici le 1er juillet 2015.
Touchant aux traditions administratives des États, la refonte de cette directive fut le point névralgique des négociations du « paquet asile » puisqu’il s’agissait de trouver un équilibre entre les nouvelles garanties accordées aux demandeurs et l’efficacité des systèmes procéduraux, autrement dit le maintien ou la réduction des coûts et des délais de traitement des demandes d’asile.
La directive « Procédures » précise tout d’abord les conditions d’accès à la procédure d’asile en imposant les délais dans lesquels l’étranger doit pouvoir faire enregistrer sa demande auprès de l’autorité compétente. Ce délai est en principe de trois jours mais peut être porté à six jours si le demandeur s’est présenté devant une autorité susceptible de recevoir sa demande mais non compétente pour l’enregistrer, voire à dix jours en cas d’afflux massif de demandeurs d’asile. La demande est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par le demandeur (article 6).
S’agissant plus particulièrement des étrangers placés en zone d’attente à la frontière ou en rétention, la directive instaure une obligation d’information, au bénéfice des personnes retenues, sur la possibilité de demander une protection internationale (article 8). Elle exclut également le placement automatique en rétention d’un étranger au seul motif qu’il aurait déposé une demande d’asile et renvoie aux conditions de placement en rétention prévues par la directive « Accueil » (article 26).
S’agissant des autres demandeurs d’asile, la directive pose le principe selon lequel tout demandeur a le droit de se maintenir sur le territoire jusqu’à ce que l’autorité compétente en première instance se soit prononcée sur sa demande. Toutefois, quelques exceptions sont envisageables lorsque la demande a fait l’objet d’une décision de clôture, ou lorsqu’il s’agit d’une demande de réexamen en vue de faire échec à une mesure d’éloignement ou encore si le demandeur est sous le coup d’une mesure d’extradition (article 9).
La directive « Procédures » apporte plusieurs modifications importantes s’agissant des garanties offertes au demandeur d’asile lors l’examen de la demande d’asile en première instance :
– la systématisation de l’entretien : la directive limite, en premier lieu, les dérogations pouvant être apportées à la règle de l’entretien personnel, afin de rendre cet entretien quasi systématique. Il ne sera ainsi plus possible de déroger à cette règle lorsque la demande apparaît manifestement infondée (article 14). En France, ce motif fait actuellement partie des exceptions à la convocation systématique à un entretien personnel prévue par l’article L. 723-3 du CESEDA ;
– la possibilité de s’entretenir avec une personne du même sexe : la directive prévoit, en deuxième lieu, que l’entretien doit être mené, dans la mesure du possible, par un agent instructeur du même sexe si le demandeur en fait la demande (article 15). Toujours dans la mesure du possible, les États membres font également en sorte que le demandeur soit assisté par un interprète du même sexe s’il en fait la demande ;
– l’assistance par un conseil lors de l’entretien : la directive prévoit, en troisième lieu, que les États membres doivent autoriser le demandeur à se présenter à l’entretien personnel accompagné d’un conseil juridique ou d’un autre conseiller reconnu ou autorisé en tant que tel en vertu du droit national (article 23). Les demandeurs peuvent avoir recours à ce conseil à leurs frais. Une assistance judiciaire gratuite n’est en effet obligatoire que dans le cadre des recours juridictionnels (en France, devant la Cour nationale du droit d’asile) ;
– l’enregistrement des entretiens et l’établissement d’un rapport : la directive prévoit, en quatrième lieu, que l’entretien doit donner lieu à l’établissement d’un rapport détaillé, et qu’il peut faire l’objet d’un enregistrement audio ou audiovisuel (article 17) ;
– la possibilité de réaliser un examen médical pour procéder à l’évaluation d’une demande de protection aux frais de l’État : sous réserve du consentement du demandeur, l’autorité responsable peut prendre les mesures nécessaires pour soumettre le demandeur à un examen médical portant sur des signes de persécution ou d’atteintes graves qu’il aurait subies dans le passé (article 18).
La directive impose aux États membres de veiller à ce que les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales soient identifiés en temps utile et à ce qu’un soutien adéquat leur soit accordé tout au long de la procédure (article 24). Elle rappelle également l’obligation pour les États membres de prévoir un dispositif d’accompagnement des mineurs isolés, notamment lorsqu’ils se trouvent à la frontière ou sur le territoire (article 25).
La directive « Procédures » impose aux États membres de veiller à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande. Ce délai peut être prolongé de neuf mois supplémentaires en présence de questions factuelles ou juridiques complexes ou en cas d’afflux massif de ressortissants étrangers simultanément ou lorsque le retard peut être clairement imputé au non-respect par le demandeur de ses obligations. Exceptionnellement, dans des circonstances dûment justifiées, ce délai peut à nouveau être prorogé de trois mois pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande.
La directive introduit par ailleurs de nouveaux types de décision susceptible d’être prise par l’autorité compétente pour examiner la demande d’asile en première instance :
– possibilité de déclarer la demande infondée s’il est établi que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre à une protection internationale. Les États membres peuvent d’ailleurs instaurer une définition légale d’une demande « manifestement infondée » (article 32) ;
– possibilité de déclarer la demande irrecevable dans cinq cas : lorsque la protection internationale a déjà été accordée par un État membre ou par un autre pays considéré comme premier pays d’asile, ou par un pays tiers sûr ; lorsque la demande est une demande ultérieure ne reposant sur aucun élément ou fait nouveau ; ou encore lorsqu’une personne à charge du demandeur introduit une demande au nom d’une autre qui n’est justifiée par aucun élément (article 33). Une décision d’irrecevabilité peut être prononcée en cas de demande d’asile à la frontière (article 43) ;
– possibilité de clore l’examen d’une demande d’asile en cas de retrait explicite ou implicite de la demande (article 28).
La directive maintient le concept de pays d’origine sûr (articles 36 à 39) ainsi que la possibilité pour les États membres de recourir à des procédures accélérées mais limite leur application (article 31, paragraphe 8) (17).
La directive « Procédures » instaure un droit de recours effectif devant une juridiction au bénéfice des demandeurs d’asile ayant fait l’objet d’une décision de rejet, d’irrecevabilité, de refus de réouverture de leur dossier, ou de retrait de la protection internationale par l’autorité compétente en première instance, y compris s’il est placé en zone d’attente à la frontière ou en rétention.
Le demandeur doit pouvoir bénéficier d’une assistance juridique et linguistique gratuite ainsi que d’un délai raisonnable pour faire valoir ses arguments (articles 20 à 23).
Le recours doit, en principe, être suspensif. Toutefois, en cas de demande manifestement infondée, un dispositif spécifique est prévu, permettant à un juge de se prononcer en urgence sur le droit au maintien pendant la procédure d’appel, lorsque la décision de refus d’asile a pour objet de mettre fin au droit de séjour de l’étranger (article 46).
Le nouveau règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit règlement « Dublin III », encadre la procédure de détermination de l’État responsable d’une demande d’asile au sein de l’Union européenne. Il a été adopté le 26 juin 2013 et est entré en vigueur le 1er janvier 2014.
Son ambition est de dépasser les limites du système européen d’asile constatées sous l’empire du règlement « Dublin II » en améliorant notamment :
– l’efficacité du processus de transfert d’un demandeur d’asile de l’État requérant vers l’État responsable : pour ce faire, le nouveau règlement instaure de nouveaux délais impératifs afin d’accélérer le traitement d’une demande d’asile. Désormais, une demande de prise en charge par l’État requérant ne doit pas être introduite plus de trois mois après l’introduction d’une demande d’asile, ou de deux mois en cas de résultat positif dans la base de données Eurodac, à compter de la réception de ce résultat positif. Ce délai est réduit à un mois si le demandeur a été placé en rétention. Le délai de réponse à une demande de prise en charge par l’État requis est, quant à lui, de deux mois, sauf si une réponse urgente a été demandée, auquel cas ce délai ne peut dépasser quinze jours (en cas de rétention ou d’asile à la frontière), étant précisé que le silence vaut acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre ou de reprendre en charge la personne, y compris l’obligation d’assurer la bonne organisation de son arrivée.
– les garanties offertes aux demandeurs d’asile : en premier lieu, l’unité familiale est mieux prise en compte, s’agissant en particulier des mineurs isolés. L’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile présentée par un mineur est ainsi celui où se trouve un membre de sa famille ou un de ses frères et sœurs, pour autant que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur. De plus, la notion de proches parents a été ajoutée et inclut désormais la tante ou l’oncle adulte du demandeur ou un de ses grands-parents. En deuxième lieu, les demandeurs se voient tous reconnaître un droit à l’information (sous forme de brochure) et doivent bénéficier d’un entretien individuel afin de faciliter la détermination de l’État membre responsable et s’assurer qu’ils ont compris correctement les informations transmises. En troisième lieu, tous les demandeurs d’asile se voient reconnaître un droit de recours, dans un délai raisonnable, contre la décision de transfert vers l’État membre qui a accepté d’être responsable de la demande ainsi qu’un accès à une assistance juridique. En dernier lieu, le règlement précise qu’un demandeur ne peut être placé en rétention au seul motif qu’il fait l’objet de la procédure prévue par le règlement « Dublin ». Il peut cependant être placé en rétention s’il existe un risque non négligeable de fuite, dans la mesure où la rétention est proportionnée et où il n’existe pas d’autres mesures alternatives moins coercitives. La durée de rétention doit être aussi brève que possible, et ne peut excéder en tout état de cause un délai de six semaines après l’acception implicite ou explicite de l’État membre responsable du traitement de la demande.
– la prévention du risque de défaillance systémique d’un État membre : le nouveau règlement introduit un mécanisme d’alerte rapide, de préparation et de gestion des crises. Ce mécanisme permettra à la Commission européenne, en collaboration avec le bureau d’appui européen d’asile, d’adresser à un État membre confronté à une pression particulière sur son régime d’asile ou dont le régime d’asile est défaillant, des recommandations et de l’inviter à mettre en place un plan d’action préventif. Un mécanisme de suivi de ce plan par la Commission et le Conseil est prévu. Si le plan d’action préventif se révèle insuffisant, un plan d’action de gestion de crise devra être présenté, dans un délai de trois mois. Une clause de sauvegarde a aussi été incluse afin de ne procéder à aucun transfert vers un État membre connaissant « des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile, qui font peser un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ».
Le présent projet de loi s’attache à assurer l’efficacité du dispositif de l’asile tout en garantissant les droits du demandeur. Il aborde pour cela toutes les étapes d’amont jusqu’en aval, c’est-à-dire des conditions d’octroi de la protection, en passant par la procédure d’examen de la demande et par les voies de recours susceptibles d’être exercées, jusqu’aux conditions d’accueil des demandeurs et aux actions d’intégration des réfugiés et des protégés subsidiaires.
Le présent projet de loi, en précisant les conditions d’octroi de la protection internationale, en réformant les missions de l’OFPRA et en instituant un nouveau régime d’examen des demandes d’asile, s’efforce de concilier un double objectif d’efficacité accrue et de renforcement des garanties procédurales au bénéfice des demandeurs.
L’article 1er modifie l’intitulé du titre Ier du livre VII du CESEDA pour assurer sa cohérence avec le contenu de ce titre relatif aux différentes formes d’asile : statut de réfugié et protection subsidiaire.
Relatif au statut de réfugié, l’article 2 précise les conditions dans lesquelles doivent être appréciés les actes et les motifs de persécution, par renvoi aux articles 9 et 10 de la directive « Qualification ». Il souligne l’existence nécessaire d’un lien entre l’un des motifs de persécution et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes. Il souligne aussi la nécessité pour l’autorité compétente, lorsqu’elle examine si le demandeur craint à juste titre d’être persécuté, de considérer de façon identique le demandeur qui possède effectivement les caractéristiques à l’origine des persécutions et celui auquel ces caractéristiques sont seulement imputées par l’auteur des persécutions.
Les « clauses d’exclusion », qui font obstacle à la reconnaissance du statut de réfugié, et les « clauses de cessation », qui y mettent fin, sont désormais citées dans de nouveaux articles du CESEDA qui opèrent des renvois aux stipulations pertinentes de la convention de Genève. La possibilité de mettre un terme au statut en cas de fraude est par ailleurs précisée. Ces dispositions consacrent ainsi la jurisprudence et la pratique en vigueur. Un nouvel article inséré dans le CESEDA prévoit que, dans les cas où le statut de réfugié a été obtenu par fraude ou en dépit d’une clause d’exclusion, la CNDA, lorsqu’elle a octroyé ce statut, peut ultérieurement être saisie par l’OFPRA en vue d’y mettre fin.
L’article 3 du projet de loi modifie la définition de la protection subsidiaire dans un sens plus large. Le bénéfice de la protection subsidiaire est désormais accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et « pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves » (et non plus des « menaces graves ») énumérées (peine de mort ou « exécution », menace grave directe ou « indirecte » pesant sur un civil en conséquence d’une violence « aveugle », etc.).
Il clarifie ensuite la notion de personnes ayant commis des crimes ou des agissements passibles d’exclusion. Les trois premiers cas d’exclusion prévus par l’article L. 712-2 doivent ainsi s’entendre des « personnes qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ces alinéas ou qui y sont personnellement impliquées ». Plus largement, toute personne dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle a commis, avant son entrée en France, un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas du champ de l’article L. 712-2, et qu’elle n’a quitté son pays d’origine que pour échapper aux sanctions encourues, peut se voir refuser la protection subsidiaire.
L’article 3 réécrit par ailleurs l’article L. 712-3 relatif aux cas de cessation de la protection subsidiaire, conformément aux articles 16 et 19 de la directive. Il introduit, en particulier, une exception à la cessation en cas de changement de circonstances dans le pays d’origine lorsque le bénéficiaire peut invoquer des « raisons impérieuses » tenant à des atteintes graves antérieures
Un nouvel article inséré dans le CESEDA prévoit enfin que, dans les cas où la protection subsidiaire a été obtenue par fraude ou en dépit d’une clause d’exclusion, la CNDA, lorsqu’elle a octroyé cette protection, peut ultérieurement être saisie par l’OFPRA en vue d’y mettre fin.
L’article 4 aborde les conditions d’ouverture d’une protection internationale. Celle-ci est ouverte en particulier lorsque les acteurs de la protection dans le pays d’origine sont défaillants. Il est précisé que ces acteurs peuvent être, outre les autorités de l’État, « des partis » ou des organisations internationales et régionales « qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci », et que la protection qu’ils offrent « doit être effective et non temporaire ». Les modalités d’appréciation de cette protection sont en outre clarifiées.
L’article 4 apporte par ailleurs des précisions quant aux conditions de mise en œuvre de l’asile interne qui permettent de mettre le droit français en conformité tant avec l’article 8 de la directive « Qualification » qu’avec les exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Il crée enfin un article L. 713-4 qui porte sur les besoins d’une protection après le départ du pays d’origine et, en particulier, sur les risques résultant d’activités exercées après ce départ, en conformité avec l’article 5 de la directive.
L’article 5 inscrit dans la loi l’absence d’instructions données à l’OFPRA dans la réalisation de ses missions : reconnaissance de la qualité de réfugié ou octroi du bénéfice de la protection subsidiaire ainsi que protection juridique et administrative des réfugiés, des apatrides et des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Une dérogation à l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est par ailleurs prévue afin de garantir l’anonymat des officiers de protection chargés de l’instruction des demandes et de les mettre à l’abri de toutes pressions.
Le même article étend la compétence de l’OFPRA en matière de délivrance de documents aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et supprime les droits de chancellerie.
Il habilite enfin l’autorité judiciaire à communiquer à l’OFPRA et à la CNDA toute indication de nature à faire présumer l’existence d’un motif d’exclusion du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire ou le caractère frauduleux d’une demande d’asile.
L’article 6 du projet de loi offre, de la notion de pays d’origine sûr, une définition beaucoup plus précise que celle qui figurait jusqu’à présent à l’article L. 741-4 et conforme à la directive « Procédures ». Un pays d’origine sûr est désormais considéré comme tel « lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne ».
S’agissant des modalités de désignation de ces pays, l’article 6 renvoie à l’article 37 et à l’annexe I de la directive « Procédures ».
Il donne par ailleurs mission à l’OFPRA de veiller à l’actualité et à la pertinence des inscriptions. L’office radiera de la liste les pays ne remplissant plus les critères requis et pourra, en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays, en suspendre l’inscription.
L’article 7 du projet de loi réaffirme le principe de l’incompétence de l’OFPRA à connaître d’une demande d’asile relevant de la responsabilité d’un autre État en application du règlement Dublin.
Il substitue à l’actuelle procédure « prioritaire » une procédure dite « accélérée », conforme aux dispositions de la directive « Procédures ». Elle peut d’abord recevoir application en vertu de la loi, soit que le demandeur provienne d’un « pays d’origine sûr », soit qu’il ait présenté une demande de réexamen jugée recevable.
Elle peut également être mise en œuvre à l’initiative de l’OFPRA lorsque le demandeur a fourni de faux documents ou de fausses informations, qu’il a soulevé à l’appui de sa demande des questions sans pertinence ou qu’il a exprimé des déclarations manifestement incohérentes.
Il peut enfin y être recouru à l’initiative de l’autorité préfectorale lorsque le demandeur refuse de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales, lorsqu’il a fourni de faux documents ou de fausses informations, lorsqu’il n’a toujours pas présenté de demande d’asile après quatre-vingt-dix jours de séjour irrégulier sur le territoire, lorsqu’il ne présente une demande d’asile qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente ou enfin lorsque sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
La procédure accélérée ne peut être utilisée à l’égard d’un mineur que s’il provient d’un pays d’origine sûr, s’il a déposé une demande de réexamen jugée recevable ou encore si sa présence constitue, aux yeux de l’autorité préfectorale, une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
Dans tous les cas, l’OFPRA conserve la faculté de reclasser en procédure normale des demandes examinées initialement en procédure accélérée.
L’article 7 prévoit, au bénéfice des demandeurs se trouvant dans une situation particulière, notamment de vulnérabilité, la possibilité pour l’office d’aménager les modalités d’examen de leur demande. Dans un même souci de renforcement de la protection, l’OFPRA peut statuer en priorité sur les demandes manifestement fondées ainsi que sur celles présentées par des personnes vulnérables, en particulier par des mineurs.
Il précise aussi, conformément à la directive « Qualification », les modalités d’instruction de la demande d’asile, en posant un principe de coopération qui implique, en particulier, l’obligation pour le demandeur d’apporter les éléments nécessaires au soutien de sa demande.
Une nouvelle disposition insérée dans le CESEDA prévoit la faculté pour l’OFPRA de demander un certificat médical pour l’examen d’une demande d’asile.
L’article 7 réglemente par ailleurs l’entretien personnel mené à l’OFPRA avec le demandeur d’asile, dans un souci de renforcement de ses droits. Il généralise largement l’obligation pour l’office de convoquer le demandeur à un entretien et clarifie les règles en ce qui concerne la langue utilisée. Il prévoit surtout la possibilité pour le demandeur d’être assisté par un avocat ou un représentant d’une association habilitée. L’entretien doit donner lieu à une transcription de l’entretien. Celle-ci est communiquée à leur demande à l’intéressé ou à son avocat ou au représentant de l’association avant qu’une décision soit prise, si l’on se situe en procédure normale. Elle est communiquée en même temps que la décision si l’on se situe en procédure accélérée.
Un nouvel article est inséré dans le CESEDA, relatif aux demandes d’asile irrecevables. Il autorise l’OFPRA à ne pas examiner au fond une demande d’asile lorsque le demandeur bénéficie de manière effective d’une protection internationale dans un État membre ou, sous certaines conditions, dans un État tiers, ainsi qu’en cas de réexamen lorsqu’il apparaît que demande ne repose sur aucun élément nouveau.
L’article 7 prévoit, d’autre part, quatre hypothèses de clôture d’examen. L’OFPRA peut prendre une telle décision lorsque le demandeur l’a informé du retrait de sa demande d’asile mais également lorsque, de manière délibérée et caractérisée, il refuse de fournir des informations essentielles au traitement de sa demande. Cette option est également ouverte à l’OFPRA lorsque le demandeur n’a pas introduit sa demande dans les délais impartis ou, sans justifier de raison valable, ne s’est pas présenté à l’entretien. La dernière hypothèse vise les cas où le demandeur a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il était hébergé ou astreint à résider, ou n’a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités, sauf s’il a informé celles-ci dans un délai raisonnable ou justifie de motifs indépendants de sa volonté. Le dossier peut alors être rouvert dans un délai de neuf mois, à la suite de quoi la décision de clôture devient définitive, toute nouvelle demande étant désormais considérée comme une demande de réexamen.
L’article 7 clarifie le régime applicable aux demandes de réexamen. L’office procède à un « examen préliminaire » des faits ou éléments nouveaux présentés par le demandeur. Il n’est pas tenu dans ce cadre de procéder à un entretien. Lorsqu’il conclut que ces faits ou éléments nouveaux n’augmentent pas significativement la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d’irrecevabilité. Dans le cas contraire, la demande de réexamen sera examinée de plein droit selon la procédure accélérée.
Enfin, l’article 7 précise que le statut de réfugié peut être refusé à une personne qui a introduit une demande de réexamen si le risque de persécutions est fondé sur des circonstances que le demandeur a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine.
L’article 8 du présent projet de loi modifie la procédure d’asile à la frontière. Il s’agit d’une procédure particulière qui ne tend pas à reconnaître le statut de réfugié en zone d’attente mais à donner l’autorisation d’entrer sur le territoire français à l’étranger pour qu’il enregistre sa demande d’asile et qu’elle puisse être examinée au fond par l’OFPRA.
Actuellement, le ministre chargé de l’immigration peut, après consultation de l’OFPRA, refuser l’entrée sur le territoire d’un étranger se présentant à la frontière dans trois cas : lorsque sa demande d’asile est considérée comme « manifestement infondée » ; ou si sa présence en France constituerait une menace pour l’ordre public ; ou encore lorsque le demandeur est sous le coup d’une mesure d’expulsion ou d’interdiction du territoire prises moins de trois ans auparavant. L’avis de l’OFPRA reste cependant consultatif de sorte que le ministre peut passer outre dans chacune de ces hypothèses, ce qui est assez rare dans les faits.
Ainsi, en 2013, 1 346 demandes d’asile ont été formulées en zone d’attente, dont 83,2 % à Roissy, 10,1 % à Orly et 7,8 % en dehors de la région parisienne et en outremer. L’OFPRA a rendu un avis positif sur 214 demandes d’asile qui ont toutes été acceptées par le ministre de l’Immigration.
La réforme proposée par le Gouvernement vise à remettre au cœur de la procédure d’asile à la frontière l’expertise de l’OFPRA, ce qui paraît d’autant plus important qu’elle propose également de définir la notion de demande « manifestement infondée » (18) et d’étendre les motifs de refus d’entrée sur le territoire à deux nouvelles hypothèses : lorsque la demande d’asile est susceptible de relever de la compétence d’un autre État membre en application du règlement « Dublin III » (19) et lorsque la demande est irrecevable en application du nouvel article L. 723-10 du CESEDA(20).
En application du nouvel article L. 213-8-1 du CESEDA prévu à l’article 8 du présent projet de loi, l’avis de l’OFPRA liera désormais la décision du ministre chargé de l’asile, sauf dans un seul cas, lorsque la présence en France du demandeur représente une menace pour l’ordre public.
La consécration de la place de l’OFPRA dans la procédure d’asile à la frontière apparaît donc comme le corollaire de l’indépendance de l’OFPRA prévue à l’alinéa 4 de l’article 5 du présent projet de loi.
Les conditions dans lesquelles un étranger en situation de rétention peut déposer une demande d’asile sont précisées par l’article L. 551-3 et par les articles R. 553-15 à R. 553-17 et R. 723-1 et R. 723-3 du CESEDA.
En 2013, sur 20 554 étrangers placés en rétention, 1 078 ont présenté une demande d’asile à l’OFPRA mais seulement 29 de ces demandes ont été acceptées et ont donné lieu à une remise en liberté.
Le droit en vigueur prévoit que la présentation d’une demande d’asile en rétention est systématiquement classée en procédure prioritaire devant l’OFPRA et examinée dans un délai de 96 heures. De plus, le seul recours suspensif dont dispose le demandeur est celui disponible devant le juge de la reconduite à la frontière, en application du III de l’article L. 512-1 du CESEDA, pour contester le placement en rétention concomitant à l’obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet. Le juge administratif est alors chargé de contrôler la légalité de ces mesures et d’en vérifier la compatibilité avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH). Le recours devant la CNDA contre une décision négative de l’OFPRA n’est, en revanche, pas suspensif. Le demandeur peut donc faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière avant l’examen de son recours par la CNDA, si bien qu’en son absence et à défaut d’avocat le représentant, la Cour prend une ordonnance de rejet.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en a déduit que la procédure d’asile en rétention en France n’était pas toujours conforme aux articles 13 (droit à un recours effectif) et 3 (prohibition des traitements inhumains ou dégradants) de la CESDH (21) et a condamné la France en conséquence.
De plus, la directive n° 2013/33 « Accueil » (22) prévoit des dispositions nouvelles et spécifiques relatives aux motifs de placement en rétention des demandeurs d’asile en interdisant toute automaticité. De même, la directive n° 2013/32 « Procédures » (23) précise que les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre une décision de rejet ou d’irrecevabilité d’une demande d’asile présentée en rétention.
La réforme proposée par l’article 9 du présent projet de loi vise donc à mettre en conformité la procédure d’asile en rétention avec le droit européen.
Il est tout d’abord prévu d’informer immédiatement le préfet en cas de demande d’asile présentée en rétention afin qu’il se prononce sur le maintien ou non en rétention du demandeur d’asile par décision écrite et motivée. Ce maintien ne peut en aucun cas être automatique.
Il est ensuite proposé de supprimer le caractère automatique du placement en procédure accélérée d’une demande d’asile en rétention. L’OFPRA aura désormais la possibilité d’accorder le statut de réfugié au demandeur d’asile en rétention ou de reclasser la demande en procédure normale dans le délai de 96 heures. Dans ces deux hypothèses, l’étranger retrouvera donc sa liberté et il sera mis fin à la rétention.
Il est enfin proposé d’instaurer un recours effectif, à double étage, contre les décisions de rejet ou d’irrecevabilité de l’OFPRA. Le demandeur d’asile a le droit de former un recours devant la CNDA dans un délai d’un mois à compter de la notification de cette décision mais ce recours n’est pas automatiquement suspensif : s’il entend se maintenir sur le territoire dans l’attente de la décision de la CNDA, le demandeur d’asile en rétention doit en faire la demande auprès du président du tribunal administratif territorialement compétent dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision négative de l’OFPRA. Le président du tribunal ou le magistrat qu’il aura désigné, dispose alors d’un délai de soixante-douze heures pour vérifier que la demande d’asile n’a pas été présentée « dans le seul but de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement ». Si ce n’est pas le cas, il « peut ordonner que l’intéressé soit autorisé à se maintenir sur le territoire français jusqu’à ce que la Cour ait statué ». Dans ce cas, il est immédiatement mis fin à la rétention et l’autorité administrative compétente délivre au demandeur une attestation de demande d’asile lui donnant droit de se maintenir sur le territoire. Toutefois, l’article L. 561-1 du CESEDA est applicable si bien que le demandeur pourrait être assigné à résidence dans les conditions prévues par cet article.
Si le juge administratif estime, au contraire, que la demande a été présentée dans le seul but de faire échec à une mesure d’éloignement, le demandeur d’asile en rétention n’a pas de droit au maintien sur le territoire bien que son recours soit toujours pendant devant la CNDA. Néanmoins, aucune mesure d’éloignement ne pourra être mise à exécution avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant la notification de la décision de rejet ou d’irrecevabilité de l’OFPRA ou, en cas de saisine du juge administratif, avant qu’il n’ait statué, sauf en cas de demandes de réexamen.
L’instauration d’un recours suspensif à double étage tel que celui prévu par le présent article est autorisée par l’article 46, paragraphe 6, de la directive « Procédures » n° 2013/32.
Ce dispositif permet de concilier le principe de la compétence de la CNDA comme juge de fond et la nécessité d’assurer un traitement rapide des recours, compatible avec les délais contraints de rétention. Rappelons que le demandeur ne peut être maintenu plus de quarante-cinq jours en rétention en droit français, délai dans lequel il faut assurer l’examen par l’OFPRA de la demande d’asile (cinq jours pour solliciter l’asile et 96 heures minimum pour l’examen par l’office), l’exercice du recours (48 heures), le jugement (72 heures), puis, le cas échéant, les formalités de départ du débouté, la récupération des laissez-passer et du billet de transport (qui ne peuvent être accomplies que postérieurement à une décision de rejet par le juge administratif).
b. La création d’un recours suspensif en faveur des « dublinés » contre la décision de transfert vers un autre État membre
Le règlement « Dublin III » (24) impose désormais aux États membres d’intégrer dans leur législation des dispositions propres à garantir un caractère suspensif contre les décisions de transfert d’un demandeur d’asile vers l’État membre ayant accepté de traiter sa demande.
Il leur laisse le choix entre :
– un recours est suspensif de plein droit contre la décision de transfert ;
– la suspension automatique du transfert pendant un délai raisonnable pendant lequel une juridiction devra statuer sur l’octroi du bénéfice du caractère suspensif du recours ;
– la suspension de la décision de transfert, sur demande de l’intéressé, durant un délai raisonnable pendant lequel une juridiction devra statuer sur l’octroi du bénéfice du caractère suspensif du recours.
Le demandeur doit disposer d’un délai raisonnable pour exercer ce droit. Les États membres doivent veiller à ce que le demandeur ait accès à une assistance juridique gratuite sauf si le recours n’a aucune chance sérieuse d’aboutir.
Le nouvel article L. 742-4 du CESEDA, prévu à l’article 13 du présent projet de loi, introduit donc un recours suspensif de plein droit contre la décision de transfert, devant le juge administratif et non devant la CNDA, mais ses modalités sont différentes selon que le demandeur est libre ou non.
Le demandeur qui fait l’objet d’une décision de transfert et qui n’est pas placé en rétention ou assigné à résidence, dispose désormais d’un délai de sept jours suivant la notification de cette décision pour en demander l’annulation devant le président du tribunal administratif. Celui-ci dispose ensuite d’un délai de quinze jours pour statuer. Ce nouveau recours est exclusif de tout autre.
En revanche, le demandeur qui est placé en rétention ou assigné à résidence doit former son recours dans un délai de 48 heures suivant la décision de transfert devant le même juge, qui dispose d’un délai de 72 heures pour statuer.
Aucune mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution pendant ces délais.
c. Le maintien d’un recours non suspensif à l’égard de certains demandeurs d’asile pour éviter les abus de procédure
L’article L. 743-2 du CESEDA modifié par l’article 14 du présent projet de loi précise les cas dans lesquels l’attestation de demande d’asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé à l’étranger.
Il s’ensuit que les demandeurs d’asile concernés peuvent former un recours devant la CNDA contre une décision négative de l’OFPRA mais celui-ci n’est pas suspensif, si bien qu’ils peuvent faire l’objet d’une mesure d’éloignement.
Sont désormais visés les cas dans lesquels :
– l’OFPRA a pris une décision d’irrecevabilité au motif que le demandeur bénéficie déjà d’une protection au titre de l’asile dans un autre État membre ou d’une protection effective dans un État tiers ou lorsque sa demande de réexamen ne repose sur aucun élément nouveau ;
– l’OFPRA a pris une décision de clôture d’examen et le demandeur n’a pas demandé la réouverture de son dossier ;
– l’étranger n’a introduit une première demande de réexamen qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée par le ministre ;
– l’étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif de la première demande de réexamen ;
– l’étranger fait l’objet d’une extradition ou, est livré à ou extradé vers, soit un autre État membre en vertu des obligations découlant d’un mandat d’arrêt européen ou pour d’autres raisons, soit un pays tiers, soit une cour ou un tribunal pénal(e) international(e).
L’objectif visé par cette disposition est d’éviter l’engagement de recours systématiques dénués de fondement pour permettre au demandeur de se maintenir sur le territoire français, qui serait de nature à engorger les capacités d’accueil offertes aux demandeurs d’asile, multiplier les audiences devant la CNDA et à rallonger, en conséquence, les délais de jugement des demandes d’asile pertinentes.
L’article L. 743-4 modifié par le présent projet de loi rappelle donc que la personne à laquelle la reconnaissance du statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé – souvent dénommée « déboutée du droit d’asile » – ainsi que celle qui ne bénéficie plus du droit au maintien sur le territoire, doit quitter le territoire. Si elle ne le fait pas volontairement, cette personne est susceptible de faire l’objet d’une mesure d’éloignement prévue au titre Ier du livre V du CESEDA (obligation de quitter le territoire français) et d’être redevable des pénalités prévues en cas d’entrée irrégulière en France au chapitre Ier du titre II du livre VI du CESEDA.
L’accélération du traitement de la demande d’asile à tous les stades de la procédure est un des piliers de la réforme proposée par le Gouvernement. Aussi, alors même qu’aucune obligation européenne ne l’impose, le présent projet de loi propose d’encadrer strictement le délai de recours auprès de la CNDA ainsi que les délais dans lesquelles la Cour doit statuer. Simultanément, il est apparu nécessaire de poursuivre la professionnalisation de la Cour entamée depuis 2009 et de lui donner les moyens de statuer dans des délais contraints.
a. L’obligation de former un recours dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision négative de l’OFPRA
L’alinéa 1er de l’article L. 731-2 du CESEDA modifié par l’article 10 du présent projet de loi prévoit qu’à peine d’irrecevabilité, les recours devant la CNDA doivent être exercés dans un délai d’un mois (25), que la procédure soit ordinaire ou accélérée.
b. L’obligation de statuer en cinq mois en procédure normale et en cinq semaines en procédure accélérée
L’alinéa 2 de l’article L. 731-2 du CESEDA modifié par l’article 10 du projet de loi impose désormais à la CNDA de statuer en formation collégiale dans un délai de cinq mois sur les recours formés contre toutes les décisions de l’OFPRA à l’exclusion des décisions de rejet prises en procédure accélérée et des décisions d’irrecevabilité, sur lesquelles elle statue en juge unique dans un délai de cinq semaines. L’article L. 733-1-1 (nouveau) précise que les débats devant la CNDA ont lieu en audience publique sauf si le président de la formation de jugement en décide autrement au regard des circonstances de l’affaire.
L’introduction d’un juge unique au sein de la CNDA est donc l’une des nouveautés majeures du projet de loi. Elle est principalement motivée par l’objectif de réduction des délais et s’inspire d’une pratique courante au sein de la juridiction administrative. Cependant, toutes les affaires ne pourront être traitées en procédure accélérée. Cette procédure est en effet réservée aux recours contre les décisions de rejet des demandes d’asiles classées en procédure accélérée devant l’OFPRA ainsi que celles déclarées irrecevables par l’office. En outre, il est précisé que le président de la CNDA ou le magistrat désigné par lui pour être juge unique peut vérifier, d’office et à tous les stades de la procédure, que la demande d’asile évoquée relève bien de l’un de ces deux cas, et à défaut, renvoyer l’affaire en formation collégiale.
L’encadrement des délais de recours à la CNDA et l’introduction d’une procédure accélérée à juge unique devraient donc contribuer à réduire le délai moyen constaté du traitement d’une demande d’asile, actuellement de 8 mois et 26 jours à moins de six mois. Il devrait également conduire à augmenter le nombre de décisions rendues par la Cour qui s’élève déjà à 38 540 en 2013.
c. La poursuite de la « professionnalisation » de la CNDA, corollaire de la réduction des délais de jugement
Simultanément, le projet de loi propose de poursuivent la « professionnalisation » des membres des formations de jugement, corollaire de la réduction de ses délais de jugement.
L’article 10 du présent projet de loi modifie donc l’article L. 732-1 du CESEDA relatif à l’organisation de la CNDA et aux conditions de nomination des membres des formations de jugement.
En premier lieu, le Gouvernement propose de réorganiser la composition de la CNDA afin de remplacer les actuelles « sections » (au nombre d’environ 80) par des « formations de jugement ». Ces formations de jugement seront elles-mêmes regroupées en « chambres » et en « sections » sur décision du président de la Cour. D’après les informations transmises à votre rapporteure par la CNDA, il y aurait trois sections, chacune d’entre elles regroupant trois ou quatre chambres, qui elles-mêmes « chapeauteraient » plusieurs formations de jugement. Tous les présidents de chambres seraient des magistrats permanents et ceux qui auront le niveau hiérarchique suffisant (président 5e échelon) seraient en même temps présidents de section. L’objectif de cette réorganisation est de permettre aux magistrats permanents de la CNDA de s’assurer de la cohérence globale des décisions prises par les différentes formations de jugement au sein de chaque chambre et de chaque section.
En second lieu, le Gouvernement propose d’instaurer des critères pour la nomination des personnalités qualifiées par le Haut-Commissariat aux réfugiés d’une part et par le vice-président du Conseil d’État d’autre part. Celles-ci, souvent dénommées assesseurs, seront désormais nommées en raison de leurs compétences « dans les domaines juridique ou géopolitique ». Cette précision semble bienvenue dès lors que le contentieux de l’asile est très particulier et suppose d’avoir une bonne connaissance de l’histoire politique des pays d’origine des demandeurs d’asile pour savoir discerner les véritables menaces de persécutions qu’ont pu subir les demandeurs d’asile de simple allégations basées sur un récit artificiellement construit.
Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit enfin d’augmenter les effectifs de la CNDA pour passer à quinze magistrats permanents contre dix actuellement.
4. Une meilleure prise en compte des vulnérabilités du demandeur dans l’ensemble des procédures particulières et devant la CNDA
L’article 8 du présent projet de loi modifie le premier alinéa de l’article L. 221-1 du CESEDA pour introduire de nouvelles garanties au bénéfice des étrangers en situation de vulnérabilité présentant une demande d’asile à la frontière.
À ce jour, seul l’article L. 221-5 du CESEDA prévoit des garanties particulières en faveur des mineurs isolés en zone d’attente. Ainsi, le procureur de la République doit être immédiatement avisé de la présence d’un mineur en zone d’attente pour lui désigner, sans délai, un administrateur ad hoc. En cas de danger pour le mineur, les articles 375 et suivants du code civil permettent au tribunal pour enfants de prendre toutes les mesures de protection qu'il estime utiles, y compris confier l'enfant à un parent, à un tiers digne de confiance ou à une institution. Une telle décision implique l'admission du mineur sur le territoire.
La réforme proposée va beaucoup plus loin.
D’une part, elle permet à l’OFPRA de proposer l’entrée sur le territoire s’il considère que le demandeur, en raison de sa minorité ou des violences graves dont il a été victime, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec le maintien en zone d’attente.
Le ministre de l’Immigration sera donc tenu d’autoriser le demandeur d’asile à sortir de la zone d’attente et il lui sera délivré un visa de régularisation de huit jours. Pendant ce délai, il devra se présenter à la préfecture qui lui délivrera une attestation de demande d’asile lui permettant d’introduire une « vraie » demande d’asile devant l’OFPRA (26).
D’autre part, elle pose le principe selon lequel un mineur non accompagné ne peut être maintenu en zone d’attente que de manière exceptionnelle dans les cas suivants :
– s’il provient d’un pays d’origine sûr ;
– s’il a déposé une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable ;
– s’il a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
– si sa présence constitue une menace « grave » pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
Le caractère exceptionnel du maintien en zone d’attente d’un mineur est donc très circonscrit et constitue un progrès notable par rapport au droit en vigueur.
Parmi les nouvelles garanties offertes au demandeur d’asile en rétention figure notamment la possibilité pour l’OFPRA de renvoyer l’examen de la demande d’asile en procédure normale, ce qui implique de facto la remise en liberté de l’étranger ayant présenté sa demande d’asile en rétention.
Une telle décision pourra notamment être prise si le demandeur fait état d’une situation de vulnérabilité telle qu’elle est incompatible avec le maintien en rétention. Rappelons en effet qu’en application du nouvel article L. 723-3 du CESEDA, l’office peut, pendant toute la durée de la procédure d’examen de la demande, définir les modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaire pour l’exercice des droits du demandeur en raison de sa situation particulière, de sa minorité ou de sa vulnérabilité.
Si l’instauration d’une procédure accélérée devant le président de la CNDA ou un magistrat désigné par lui peut apparaître moins solennelle que l’examen d’un recours en procédure normale devant une formation collégiale, il convient néanmoins de préciser qu’en principe l’audience devant le juge unique sera publique, comme en formation collégiale, ce qui garantit l’impartialité de la justice rendue.
En outre, le demandeur d’asile pourra inviter le juge unique à vérifier qu’il ne se trouve pas dans les cas prévus aux articles L. 723-2 (procédure accélérée) et L. 723-10 (irrecevabilité) du CESEDA pour obtenir le renvoi de son dossier devant la formation collégiale de la Cour.
Parmi les autres garanties procédurales nouvelles offertes aux requérants, l’on peut également mentionner le bénéfice de plein droit de l’aide juridictionnelle à tous les demandeurs d’asile. Il s’agit d’une mesure de simplification qui contribuera à accélérer les délais d’instruction devant la CNDA.
Enfin, l’amélioration des qualités requises dans le domaine juridique et géopolitique pour être assesseur en formation collégiale à la CNDA devrait garantir une meilleure approche des dossiers présentés par les demandeurs d’asile.
C. UNE SIMPLIFICATION DE L’ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE D’ASILE ASSORTI D’UN DROIT AU MAINTIEN SUR LE TERRITOIRE
De nombreux rapports (27) ont récemment mis en évidence les dérives majeures du dispositif actuel d’enregistrement de la demande d’asile qui est soumis à deux conditions préalables : la domiciliation du demandeur auprès d’une association agréée par la préfecture puis l’obtention d’une autorisation provisoire de séjour par la préfecture avant le dépôt de la demande d’asile à l’OFPRA.
Alors que le délai réglementaire d’enregistrement d’une demande d’asile est fixé à quinze jours, les délais réels sont de plusieurs mois (environ trois mois à Dijon et en région Lyonnaise) et atteignent plus de sept mois dans la capitale avant d’obtenir une autorisation provisoire de séjour. À la suite de la remise de cette autorisation, l’article R. 723-1 du CESEDA fixe un délai de 21 jours pour saisir l’OFPRA d’une demande d’asile.
L’objectif de la réforme prévue à l’article 12 du présent projet de loi est donc de simplifier le parcours du demandeur d’asile en lui permettant d’accéder beaucoup plus rapidement à la procédure devant l’OFPRA.
L’article 6 de la directive « Procédures » n° 2013/32 impose aux États membres d’enregistrer la demande d’asile d’un étranger dans les trois jours ouvrables suivants sa présentation devant l’autorité administrative compétente, lequel peut être porté à six jours si la demande est présentée à une autre autorité administrative, et enfin à dix jours ouvrables en cas d’afflux massif de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides.
L’article L. 741-1 du CESEDA modifié par l’article 12 du présent projet de loi impose à tous les demandeurs d’asile présents sur le territoire français de se présenter en personne devant l’autorité administrative compétente qui enregistre la demande et procède à la détermination de l’État responsable en application du règlement « Dublin III ».
Si les objectifs fixés par la directive s’imposent à la France, il est à noter que l’article L. 741-1 (nouveau) du CESEDA ne mentionne pas les délais précités, le Gouvernement prévoyant de les transposer par voie réglementaire. Il en est de même de la suppression de la condition préalable de domiciliation, qui étant actuellement prévue par décret, devra être abrogée dans les mêmes formes. Enfin, selon les informations transmises à votre rapporteure par le Gouvernement, l’article R. 723-1 du CESEDA, qui fixe un délai de 21 jours pour saisir l’OFPRA à la suite de l’enregistrement de la demande d’asile, devrait être maintenu.
L’autorité administrative compétente reste, à ce stade, la préfecture. Néanmoins, à terme, le Gouvernement envisage la création d’un « guichet unique » qui réunirait les services compétents de la préfecture, chargés de l’enregistrement de la demande d’asile et ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), chargés de l’accueil des demandeurs d’asile en application de l’article 15 du présent projet de loi, pour faciliter le parcours du demandeur.
Actuellement, un demandeur d’asile peut se voir refuser l’admission au séjour en France sous réserve du respect des stipulations de l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (28) dans quatre hypothèses :
– lorsque l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État membre au titre du règlement « Dublin » (29) ;
– lorsque l’étranger qui demande à bénéficier de l’asile a perdu la qualité de réfugié en application du 5 du C de l’article 1er de la convention de Genève (30) ou lorsqu’il a la nationalité d’un pays d’origine sûr ;
– lorsque la présence en France de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État ;
– et lorsque la demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente.
Dans ces quatre hypothèses, l’étranger n’est pas admis provisoirement au séjour. Il peut néanmoins déposer une demande d’asile directement auprès de l’OFPRA sauf dans l’hypothèse où sa demande est susceptible de relever d’un autre État membre au titre du règlement « Dublin » car il relève alors de la préfecture.
L’Office statue selon la procédure prioritaire, dans un délai de quinze jours suivant l’enregistrement de la demande, délai durant lequel aucune mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution. En revanche, une telle mesure d’éloignement peut être mise à exécution en cas de décision de rejet de l’OFPRA, nonobstant un recours pendant devant la CNDA puisque ce recours n’est pas suspensif en cas de procédure prioritaire actuellement.
La réforme proposée prend le contrepied du droit en vigueur. La nouvelle rédaction de l’article L. 741-1 du CESEDA dispose en effet que tout demandeur d’asile peut se rendre en préfecture pour enregistrer sa demande d’asile et se voir remettre une attestation de demande d’asile qui lui donne le droit de se maintenir sur le territoire.
Il est donc mis fin au traitement différencié des demandeurs d’asile selon qu’ils sont « admis au séjour » ou qu’ils font l’objet d’un « refus d’admission au séjour », ce qui devrait contribuer à une plus grande lisibilité du dispositif et à une réduction des contentieux liés au refus.
La réforme procède également à une déconnexion complète entre le droit au maintien sur le territoire et le classement de la demande en procédure accélérée. Cette réforme est particulièrement importante car actuellement, les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire ne sont pas « admis au séjour » : ces personnes se voient refuser le séjour mais peuvent saisir l'OFPRA qui doit statuer dans un délai très court, inférieur à quinze jours (ou à 96 heures en rétention), le recours devant la CNDA n'étant pas suspensif.
Enfin, les demandeurs d’asile relevant de la compétence d’un autre État membre sont désormais traités de la même manière que les autres demandeurs d’asile jusqu’à leur transfert effectif vers un autre État membre le cas échéant.
Seules quelques exceptions demeurent : ainsi les demandeurs d’asile à la frontière et en rétention ne pourront avoir le droit de se maintenir sur le territoire que dans les cas prévus par les deux procédures particulières précédemment décrites. De plus, afin d’éviter tout abus de procédure, les étrangers présentant une première demande de réexamen pour faire échec à une mesure d’éloignement ou une nouvelle demande de réexamen après rejet définitif d’une première demande de réexamen n’auront plus le droit de se maintenir sur le territoire. De la même manière, perdront leur droit au maintien sur le territoire, les demandeurs d’asile faisant l’objet d’une décision d’irrecevabilité de l’OFPRA en application de l’article L. 723-10 ou d’une décision de clôture en application de l’article L. 723-11. Enfin, les demandeurs d’asile faisant l’objet d’une procédure d’extradition pourront également se voir retirer leur droit au maintien sur le territoire.
L’article 15 du projet de loi crée, dans le titre IV du livre VII du CESEDA, un nouveau chapitre IV consacré aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile et comprenant les articles L. 744-1 à L. 744-9 du CESEDA.
Ce chapitre réforme en profondeur les conditions matérielles d’accueil des demandeurs, c’est-à-dire leur accès à l’hébergement et à une allocation.
Les principaux changements portent sur :
– la mise en place d’un schéma national d’hébergement incluant l’ensemble des dispositifs d’hébergement actuels, en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et dans l’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA), décliné par régions et géré par l’OFII ;
– une orientation nationale et directive des demandeurs vers ces lieux d’hébergement, avec un retrait des conditions matérielles d’accueil en cas de refus de l’hébergement proposé par les demandeurs ;
– un examen de la vulnérabilité des demandeurs d’asile, afin d’évaluer leurs besoins particuliers ;
– un retrait des conditions matérielles en cas notamment d’abandon du lieu d’hébergement, de non coopération ou de dissimulation des ressources financières par le demandeur ;
– l’allocation temporaire d’attente (ATA), qui est remplacée, s’agissant des demandeurs d’asile, par une nouvelle allocation pour demandeurs d’asile (ADA) qui tiendra compte de la situation familiale du demandeur et sera gérée par l’OFII et non plus par Pôle Emploi.
Le nouvel article L. 744-1 du CESEDA prévoit que les conditions matérielles d’accueil sont offertes au demandeur par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
L’article L. 744-2 instaure le schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile, arrêté par le ministre chargé de l’asile après avis du ministre chargé du logement, qui fixe la répartition des places d’hébergement. Ce schéma est décliné dans chaque région par un schéma régional.
L’article L. 744-3 prévoit que, sur la base du schéma national, les décisions d’admission dans un lieu d’hébergement, ainsi que celles de sortie et de changement de ce lieu sont prises par l’OFII. Il précise que les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile sont les centres d’accueil pour demandeur d’asile ou les lieux d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA).
L’article L. 744-4 charge l’OFII de la coordination des lieux d’hébergement. À cette fin, il autorise la mise en place d’un traitement automatisé de données en lien avec les personnes morales chargées de la gestion des lieux d’hébergement. Il prévoit que les gestionnaires des lieux d’hébergement sont tenus de signaler à l’OFII toute absence injustifiée et prolongée.
L’article L. 744-5 prévoit que les lieux d’hébergement accueillent le demandeur d’asile soit pendant toute la durée d’instruction de sa demande par l’OFPRA et, le cas échéant, par la CNDA, soit jusqu’à la date de son transfert dans un autre État membre de l’Union Européenne s’il s’agit d’un demandeur d’asile relevant de la procédure « Dublin ».
Cet article crée aussi une procédure juridictionnelle spécifique, permettant au préfet d’obtenir, en référé, que le président du tribunal administratif rende une ordonnance immédiatement exécutoire en cas d’occupation indue d’un lieu d’hébergement par un demandeur d’asile débouté, un réfugié ou un bénéficiaire de la protection subsidiaire, afin qu’il évacue le lieu concerné.
L’article L. 744-6 porte sur l’examen de la vulnérabilité du demandeur afin de déterminer ses besoins particuliers. Cet examen est confié à l’OFII, qui peut transmettre, avec l’accord du demandeur, les informations attestant de cette vulnérabilité à l’OFPRA.
L’article L. 744-7 prévoit que les demandeurs d’asile qui refusent le lieu d’hébergement qui leur est proposé perdent le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, c’est-à-dire de l’hébergement et de l’allocation pour demandeurs d’asile. Il indique également que ces demandeurs ne pourront bénéficier d’un hébergement d’urgence de droit commun que s’ils sont en situation de détresse, en application de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF), l’obligation d’accueil inconditionnel étant évidemment maintenue. Cet article permet aussi de mettre en place, par décret en Conseil d’État, un régime d’autorisation administrative de quitter le lieu d’hébergement.
L’article L. 744-8 définit les cas de suspension ou de limitation des conditions matérielles d’accueil, notamment en cas d’abandon du lieu d’hébergement, de non coopération ou de dissimulation de ses ressources financières par le demandeur, ainsi que les modalités de leur mise en œuvre. La décision doit être prise au cas par cas, sur le fondement de critères objectifs et après que l’intéressé ait été mis en mesure de présenter ses observations écrites. Elle doit être motivée.
L’article L. 744-9 créé une nouvelle allocation pour les demandeurs d’asile (ADA), qui remplace l’allocation temporaire d’attente pour ces derniers. À la différence de l’ATA, elle est versée par l’OFII, selon un barème qui tient compte des ressources du demandeur d’asile, de sa situation de famille et des prestations en nature qui sont éventuellement fournies sur son lieu d’hébergement.
L’article L. 744-10 étend le bénéfice de cette allocation aux bénéficiaires de la protection temporaire et aux titulaires d’une carte de séjour délivrée en application de l’article L. 316-1 du CESEDA (c’est-à-dire aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme ayant témoigné ou déposé une plainte).
L’article 16 a pour objet de mettre en conformité les dispositions du CASF relatives aux centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) avec les autres dispositions du projet de loi.
Plusieurs de ses dispositions visent à simplifier la réglementation applicable aux CADA. Il est ainsi dérogé à l’article L. 313-1-1 du CASF prévoyant l’avis préalable d’une commission de sélection d’appel à projet sociale pour la création, la transformation ou l’extension de centres d’accueil pour demandeurs d’asile, afin de simplifier et d’accélérer la transformation de structures d’hébergement. L’évaluation interne et externe des CADA est également assouplie.
Plusieurs dispositions visent aussi à ne plus considérer la prise en charge en CADA comme une « aide sociale de l’État ».
Enfin, les articles L. 348-1 et L. 348-2 du CASF sont mis en conformité avec le nouveau régime de maintien sur le territoire français.
L’article 17 est un article de coordination mettant en conformité certaines dispositions du code du travail relatives à l’ATA avec l’article 15 du projet de loi, qui crée l’ADA.
Conformément à la directive « Qualification » de 2011 et afin de faciliter l’intégration en France, les droits des personnes auxquelles a été octroyé le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire sont accrus.
1. L’extension à certains membres de la famille de la délivrance de plein droit de titres de séjour et l’allongement de la durée de la carte de séjour temporaire des bénéficiaires de la protection subsidiaire lors de son renouvellement
L’article 18 modifie l’article L. 313-13 du CESEDA en prévoyant, d’une part, de renouveler pour une durée de deux ans (contre un an actuellement) la carte de séjour temporaire délivrée de plein droit au bénéficiaire de la protection subsidiaire et aux membres de sa famille et, d’autre part, d’élargir le bénéfice de cette carte aux parents de mineurs non mariés ayant obtenu la protection subsidiaire. Il restreint aussi la délivrance d’une carte de séjour temporaire aux enfants mineurs du bénéficiaire de la protection subsidiaire en exigeant qu’ils soient non mariés.
Cet article modifie également l’article L. 314-11, en prévoyant la délivrance d’une carte de résident aux ascendants de mineurs ayant obtenu le statut de réfugié. Une restriction identique à celle introduite pour les enfants mineurs du bénéficiaire de la protection subsidiaire est introduite pour les enfants d’un réfugié, qui doivent être non mariés pour bénéficier de la délivrance d’une carte de résident.
Un nouvel article L. 311-8-1 est également créé, permettant le retrait de la carte de séjour délivrée à un bénéficiaire de la protection internationale en cas de cessation ou de renonciation à la protection. Cette disposition est encadrée par des conditions de délais.
L’article 19 modifie le titre V du livre VII du CESEDA, consacré désormais au contenu de la protection et qui comprend quatre chapitres portant notamment sur l’information et l’accès aux droits, la réunification familiale et les documents de voyage.
L’article L. 751-1 précise que les bénéficiaires du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire font l’objet d’un accompagnement dans l’emploi et le logement lorsqu’ils se sont engagés dans le parcours d’accueil mentionné à l’article L. 311-9 du CESEDA. Cette modification actualise l’article L. 711-2 du CESEDA qui ne portait que sur les réfugiés.
L’article L. 751-2 affirme que la situation de vulnérabilité, qu’elle soit liée à la minorité ou à une situation particulière, doit être prise en compte dans la mise en œuvre des droits des bénéficiaires d’une protection.
L’article L. 752-1 codifie le droit à la réunification familiale des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui existe déjà mais n’était pas mentionné dans le CESEDA. La réunification familiale obéit à un régime juridique plus favorable que le regroupement familial des étrangers de droit commun. Le bénéficiaire d’une protection internationale peut ainsi obtenir la délivrance d’un visa d’entrée pour les membres de sa famille, sans que lui soient opposées les conditions de durée de séjour préalable, de logement et de ressources, exigées pour les autres étrangers sollicitant le regroupement familial.
Cet article simplifie également les vérifications d’actes d’état civil concernant des membres de famille de réfugiés ou de bénéficiaires de la protection subsidiaire.
L’article L. 752-2 a trait à la recherche de membres de famille d’un mineur isolé bénéficiaire de la protection et vise à garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
d. Le contrôle médical destiné à protéger les mineures auxquelles l’asile a été accordé en raison d’un risque de mutilation sexuelle
L’article L. 752-3 instaure la possibilité pour l’OFPRA de demander un certificat médical lorsqu’une protection a été accordée à une mineure exposée à un risque d’excision. Le refus de transmettre le certificat permettra à l’OFPRA de saisir le procureur de la République.
Les articles L. 753-1 à L. 753-4 confèrent une base légale aux titres de voyage délivrés aux réfugiés et aux bénéficiaires d’une protection subsidiaire, en définissant leurs conditions d’attribution dans le respect de la convention de Genève et de la directive « Qualification » de 2011.
Enfin, l’article L. 754-2, qui reprend en l’actualisant l’article L. 751-2 actuel du CESEDA, renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application du livre VII.
La Commission a enrichi le projet de loi sur de nombreux points, depuis les conditions d’octroi de la protection internationale jusqu’aux conditions d’accueil des demandeurs, en passant par les modalités d’examen de la demande et la procédure contentieuse. La Commission a eu tout particulièrement à cœur, entre autres choses, l’attention portée aux demandeurs les plus vulnérables.
A. UN RENFORCEMENT DES GARANTIES OFFERTES AUX DEMANDEURS RELEVANT DE PROCÉDURES D’ASILE PARTICULIÈRES
La procédure d’asile à la frontière, modifiée par l’article 8 du présent projet de loi, doit permettre de concilier les nécessités de la politique migratoire avec les droits qui doivent être reconnus à tout demandeur d’asile.
C’est la raison pour laquelle la Commission a adopté plusieurs amendements destinés à encadrer le pouvoir du ministre chargé de l’asile pour refuser l’entrée sur le territoire d’un étranger dont la demande d’asile aurait été considérée comme fondée par l’OFPRA et à renforcer les garanties en faveur des demandeurs d’asile, en particulier lorsqu’ils se trouvent en situation de vulnérabilité.
La Commission a tout d’abord adopté un amendement de votre rapporteure et de MM. Molac et Coronado, membres du groupe Écologiste, visant à limiter la possibilité pour le ministre chargé de l’asile de refuser l’entrée sur le territoire d’un étranger dont la demande d’asile aurait été déclarée fondée par l’OFPRA, au seul cas où l’étranger constituerait une menace « grave » pour l’ordre public et non une simple menace. Cela imposera nécessairement au ministre de motiver sérieusement sa décision de refus d’entrée en respectant les critères fixés par la jurisprudence en ce domaine. Constitue ainsi une menace grave pour l’ordre public l’entrée sur le territoire d’un demandeur d’asile qui aurait par exemple commis des infractions pénales.
À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a ensuite adopté un amendement visant à supprimer deux cas d’irrecevabilité de la demande d’asile en zone d’attente prévus au a) et au b) de l’article L. 723-10 du CESEDA. Il lui est en effet apparu très difficile que l’OFPRA puisse démontrer, en quatre-vingt-seize heures, que le demandeur bénéficie déjà d’une protection dans un État membre ou d’une protection effective dans un État tiers.
La Commission a également adopté deux amendements de votre rapporteure visant à améliorer, à l’alinéa 7, la définition du caractère « manifestement infondé » d’une demande d’asile. Elle a ainsi supprimé, les mots : « notamment du fait de leur caractère incohérent, contradictoire, faux ou peu plausible » et substitué au mot « crédibilité », le mot : « vraisemblance », au motif que ces expressions ouvraient la porte à une appréciation au fond de la demande en zone d’attente, appréciation qui doit être portée uniquement lors de l’instruction de la demande sur le territoire.
La Commission a par ailleurs précisé, à l’initiative de votre rapporteure, le type de violences graves susceptibles d’être prises en considération par l’OFPRA pour autoriser la sortie du demandeur d’asile de zone d’attente. Elle a ainsi repris les termes exacts de l’article 24, paragraphe 3, de la directive « Procédures » n° 2013/32 qui mentionnent les « victimes de torture, de viol ou d’autres formes grave de violence psychologique, physique ou sexuelle ».
Enfin, alors qu’une partie de la majorité proposait de supprimer toute possibilité de maintien en zone d’attente des mineurs isolés, votre Commission a préféré renforcer le caractère exceptionnel d’un tel maintien dans la mesure où, parfois, il peut être dans l’intérêt même du mineur d’être renvoyé dans son pays d’origine ou d’être confié à un membre de sa famille présent dans un autre pays. Elle a donc adopté un amendement de votre rapporteure précisant que les mineurs isolés ne peuvent être maintenus en zone d’attente que de manière exceptionnelle et « seulement » dans les quatre cas mentionnés à l’alinéa 17 de l’article 8, de manière à ce que cette disposition soit interprétée strictement.
Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a adopté un article additionnel avant l’article 9 qui vise à compléter l’article L. 551-3 du CESEDA pour garantir au demandeur d’asile le droit de bénéficier d’une assistance linguistique et juridique en rétention et la possibilité de déposer une demande d’asile, postérieurement au délai de cinq jours, lorsqu’elle est motivée par des faits survenus après l’expiration de ce délai. Cet amendement traduit une volonté commune de l’ensemble de la majorité de tirer les conséquences de la décision du Conseil d’État du 30 juillet 2014 (31) interprétant les dispositions de l’article L. 551-3 du CESEDA en ce sens pour qu’elles soient conformes aux exigences européennes.
À l’article 9 relatif à la demande d’asile en rétention, outre quelques amendements de précision et de coordination, la Commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteure visant à supprimer l’ambiguïté des termes employés à l’alinéa 5 de manière à ce que le juge administratif ordonne toujours la sortie de rétention lorsqu’il constate que le recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) n’a pas pour seul but de contourner une mesure d’éloignement. En effet, l’utilisation des termes « peut ordonner que l’intéressé soit autorisé à se maintenir sur le territoire » pouvait laisser penser que le juge administratif disposait d’un pouvoir discrétionnaire alors que le demandeur a le droit de se maintenir sur le territoire jusqu’à la décision définitive de la CNDA quand le juge administratif constate que sa demande n’a pas pour seul but de contourner une mesure d’éloignement.
3. La simplification du régime d’assignation à résidence des « dublinés » et le doublement du délai de recours ouvert contre une décision de transfert
Afin de mieux encadrer le recours à l’assignation à résidence d’un demandeur d’asile susceptible de relever de la compétence d’un autre État membre, la Commission a précisé, sur proposition de votre rapporteure, que cette assignation devra être motivée par « un risque de fuite du demandeur ». Cette mesure attentatoire à la liberté d’aller et venir du demandeur d’asile ne pourra donc intervenir que si elle strictement justifiée et proportionnée.
La Commission a également simplifié le dispositif d’assignation à résidence en adoptant un amendement de votre rapporteure fixant la durée de la première assignation à résidence à six mois au lieu de deux, ainsi qu’un amendement de MM. Coronado et Molac limitant le renouvellement cette assignation à une fois au plus. Concrètement, un demandeur d’asile ne pourra donc plus être assigné à résidence plus de douze mois.
Enfin, à l’initiative de votre rapporteure, de Mme Dubié et de MM. Schwartzenberg et Tourret, membres du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, la Commission a souhaité allonger le délai de recours ouvert au « dubliné » libre, pour contester son transfert vers un autre État membre, en le portant de sept à quinze jours afin de lui garantir un droit à un recours effectif.
4. L’encadrement de la perte du droit au maintien sur le territoire en cas de procédure d’extradition
Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a souhaité encadrer les conditions dans lesquelles un demandeur d’asile pourrait perdre le droit au maintien sur le territoire au motif qu’il relèverait d’une procédure d’extradition, ou d’une demande de remise émanant d’un autre État membre en vertu d’un mandat européen ou d’un tribunal ou d’une cour pénale internationale(e).
Elle a donc précisé, à l’alinéa 10 de l’article 14 du présent projet de loi, que la perte du droit au maintien sur le territoire du demandeur d’asile n’est possible qu’après une décision définitive d’extradition vers un État autre que le pays d’origine du demandeur, afin de garantir sa sécurité.
La Commission a souhaité clarifier la rédaction de l’article 10 du présent projet de loi relatif aux dispositions applicables à la CNDA (1), puis compléter ces dispositions afin d’orienter la professionnalisation des membres de la CNDA sur les problématiques de persécution liées au sexe (2), renforcer la démarche d’harmonisation des décisions au sein de la Cour (3), encadrer davantage la publicité des débats au bénéfice du demandeur (4) et apporter des précisions sur l’organisation du contradictoire à la Cour (5).
La Commission a tout d’abord adopté un amendement de coordination du Gouvernement tirant les conséquences du renvoi au tribunal administratif de droit commun du contentieux des décisions de clôture prises par l’OFPRA.
La Commission a également supprimé, par coordination, la compétence de la CNDA au titre du recours exercé en application de l’article L. 723-15 du CESEDA (retrait du statut de réfugié en raison de son propre fait), puisqu’à l’initiative de votre rapporteure, ce cas de retrait du statut de réfugié a été supprimé lors de l’examen de l’article 7 du présent projet de loi.
La Commission a par ailleurs adopté plusieurs amendements de votre rapporteure destinés à clarifier la rédaction des alinéas 3 et 4 de l’article 10 du présent projet de loi, afin de souligner que :
– l’objet et les délais de recours devant la Cour s’appliquent uniformément aux deux procédures, normales et accélérées ;
– s’agissant de la procédure normale, le principe est la collégialité assortie du délai de jugement de cinq mois ;
– le juge unique peut, d’office et à tout moment de la procédure, renvoyer en formation collégiale toute affaire soulevant une difficulté sérieuse ;
– le rapporteur doit être présent à toute audience publique, collégiale ou à juge unique.
La Commission a par ailleurs supprimé, à l’initiative de votre rapporteure, l’aide juridictionnelle de plein droit en cas de recours manifestement irrecevable en raison de son caractère inutile, coûteux et chronophage dès lors qu’un tel recours fera l’objet d’une ordonnance de rejet prise par le président de la CNDA, sans convocation du requérant ni de son conseil à une quelconque audience.
2. L’orientation de la professionnalisation des membres de la CNDA sur les problématiques de persécution liées au sexe
Sur proposition de Mme Maud Olivier et après avis favorable de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement visant à introduire, dans le rapport annuel de la CNDA, qui sera désormais transmis au Parlement, des données quantitatives et qualitatives sexuées ainsi que les actions de formations des agents et des magistrats, en particulier sur les persécutions liées au sexe.
En cohérence avec l'objectif d'harmonisation des décisions de la CNDA, la Commission a adopté deux amendements de votre rapporteure visant à introduire des critères d'expérience en formation collégiale avant de permettre aux magistrats non permanents et aux assesseurs de pouvoir être désignés juge unique par le président de la CNDA. Il en résulte que pourront être nommés juge unique :
– les magistrats permanents de la CNDA, qui seront choisis parmi les magistrats administratifs les plus expérimentés pour pouvoir présider une section ou une chambre ;
– les magistrats non permanents de la CNDA, dès lors qu'ils auront une expérience d'au moins un an en formation collégiale à la Cour : il peut s'agir de magistrats administratifs, judiciaires ou issus de la Cour des comptes ;
– les personnalités qualifiées, nommées par le vice-président du Conseil d’État, vacataires, dès lors qu'ils auront une expérience d'au moins trois ans en formation collégiale à la Cour.
Dans le même sens, la Commission a fait sienne la proposition de votre rapporteure visant à ce que tous les membres des formations de jugement de la CNDA participent à au moins douze journées d’audience par an. Une certaine assiduité aux audiences de la Cour apparaît en effet comme un gage de meilleure compréhension du contexte juridique et géopolitique dans lequel s’inscrivent les recours des demandeurs d’asile.
La Commission a adopté plusieurs amendements présentés soit par votre rapporteure soit par le groupe Socialiste, républicain et citoyen pour encadrer la publicité des débats à la Cour. En effet, si la publicité des débats apparaît comme un gage d’impartialité de la justice rendue, elle peut dans certaines circonstances nuire au récit du demandeur, gêné de s'exprimer sur des faits douloureux qu’il aurait subi, voire nuire à sa sécurité (en cas de présence dans la salle d’audience de membres de sa communauté malveillants…).
Par conséquent, la Commission a adopté un amendement visant à permettre au président de la Cour de déclarer le huis-clos à la demande du requérant et d’interdire l’accès à la salle d’audience aux enfants mineurs lorsque les circonstances de l’affaire l’exigent.
De plus, le huis-clos devient désormais de droit si le requérant le demande, lorsque sa requête repose sur des faits de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles.
Enfin, la Commission a adopté un amendement tendant à permettre aux membres d’un couple d’être appelés séparément à l’audience, à la demande de l’un des membres du couple qui ne souhaiterait pas évoquer ses persécutions ou les menaces qui pèsent sur lui devant son conjoint.
À l’initiative du Gouvernement, et suivant l’avis favorable de votre rapporteure, la Commission a précisé que l’enregistrement de l’entretien à l’OFPRA ne peut être invoqué devant la CNDA à l’appui d’une contestation de la décision de l’Office que pour constater une erreur de transcription sur un point important pour l’appréciation du besoin de protection du demandeur. Cet amendement vise principalement à éviter des manœuvres dilatoires fondées sur la contestation abusive de cet enregistrement.
Enfin, à l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement précisant que l’instruction et la procédure devant la Cour sont contradictoires, sous réserve des limitations nécessaires pour garantir la sécurité du demandeur, la sécurité nationale et la sécurité des organisations ou des personnes ayant fourni des informations à l’OFPRA ou à la Cour, dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d’État. L’objectif principal de cet amendement est d’éviter de compromettre la sécurité du demandeur en interdisant par exemple à la Cour ou à l’OFRPA d’informer l’auteur présumé des persécutions ou de mauvais traitements qu’une demande de protection internationale a été présentée par une victime potentielle et ce, même si cette demande vise à vérifier les allégations du demandeur.
C. L’ENCADREMENT DE L’ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE DANS DES DÉLAIS IMPÉRATIFS, GÉNÉRATEUR DE DROITS POUR LES DEMANDEURS D’ASILE
Afin de remédier aux dérives actuelles liées à un allongement démesuré des délais d’enregistrement de la demande d’asile décrit précédemment, la Commission a adopté un amendement visant à enserrer cette démarche dans un délai de trois jours (1). Elle a également souhaité améliorer l’accompagnement des mineurs isolés qui y sont confrontés (2). Elle a enfin accepté d’introduire un nouveau droit à la formation professionnelle au bénéfice des demandeurs d’asile, passé un délai de neuf mois suivant l’obtention de leur attestation de demande d’asile auprès de la préfecture (3).
Suivant les propositions de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement précisant les délais d’enregistrement de la demande d’asile imposés par la directive « Procédures » tout en supprimant clairement la condition préalable de domiciliation actuellement en vigueur.
Il s’ensuit que la préfecture sera tenue d’enregistrer la demande d’asile dans un délai de trois jours suivant la présentation de cette demande par un étranger. Ce délai est porté à six jours si le demandeur se présente auprès d’une plateforme d’accueil des demandeurs d’asile agréée plutôt qu’à la préfecture, et à dix jours en cas d’afflux massif de demandeurs d’asile.
La préfecture ne pourra plus arguer de l’absence d’une domiciliation préalable auprès d’une association pour retarder l’enregistrement de la demande d’asile. Le demandeur devrait donc pouvoir obtenir son attestation de demande d’asile lui ouvrant droit au maintien sur le territoire dans ce délai. Il disposera ensuite d’un délai de 21 jours pour présenter sa demande d’asile devant l’OFPRA.
Ainsi, en principe, en moins d’un mois, tous les demandeurs d’asile présents sur le territoire devraient pouvoir enregistrer leur demande d’asile et saisir l’OFPRA sur le fond.
2. Un accompagnement renforcé des mineurs étrangers isolés dans le cadre de l’enregistrement de leur demande d’asile
À l’initiative de votre rapporteure et du groupe Socialiste, républicain et citoyen, la Commission a adopté plusieurs amendements visant à améliorer l’accompagnement des mineurs isolés, en transposant l’ensemble des garanties offertes au mineur isolé en zone d’attente à tous les mineurs demandeurs d’asile : information « immédiate » du procureur de la République lors du dépôt d’une demande d’asile par un mineur isolé, obligation de désigner « sans délai » un administrateur ad hoc, introduction d’un « accès immédiat aux mesures provisoires d’accueil par l’aide sociale à l’enfance prévues à l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles ».
3. La création d’un droit à la formation professionnelle à l’issu d’un délai de neuf mois suivant l’enregistrement de la demande d’asile
Sur proposition de MM. Coronado et Molac, membres du groupe Écologiste, et suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement tendant à ce que l’attestation de demande d’asile, qui ouvre déjà droit au maintien sur le territoire jusqu’à la décision définitive d’octroi ou non d’une protection, donne également accès à la formation professionnelle, passé un délai de neuf mois à compter de sa date de délivrance.
Votre rapporteure considère néanmoins que les modalités d’application de cette disposition générale devront être précisées.
La Commission a apporté plusieurs modifications significatives aux dispositions du projet de loi relatives aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Les amendements adoptés ont pour objet :
– de modifier les modalités d’élaboration du schéma national d’hébergement et des schémas régionaux d’hébergement (1) ;
– d’améliorer la prise en compte des besoins et de la situation personnelle du demandeur d’asile lorsqu’un hébergement lui est proposé par l’Office de l’immigration et de l’intégration (2) ;
– de renforcer le dispositif de premier accueil des demandeurs d’asile et leur accompagnement social et juridique (3) ;
– d’accroître les garanties accordées aux demandeurs lors de l’examen de leur vulnérabilité (4) ;
– d’encourager le développement des places disponibles en centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) (5).
1. La modification des modalités d’élaboration du schéma national d’hébergement et des schémas régionaux d’hébergement
À l’article 15, sur l’initiative de M. Sergio Coronado, la Commission a prévu que le schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA serait arrêté par le ministre chargé de l’asile après avis du ministre chargé du logement « et du ministre chargé des affaires sociales » et que ce schéma serait transmis au Parlement.
Sur la proposition de Mme Marie-Anne Chapdelaine, elle a également précisé que le schéma régional d’hébergement serait arrêté après avis de la conférence territoriale de l’action publique, afin d’associer les représentants des collectivités territoriales concernées à son élaboration.
La Commission a approuvé la mise en place d’un schéma national d’hébergement et d’une orientation directive des demandeurs vers les lieux d’hébergement, mais elle a souhaité renforcer la prise en compte des besoins des demandeurs d’asile. L’octroi des conditions matérielles d’accueil ne peut en effet être subordonné à l’acceptation par le demandeur du lieu d’hébergement proposé que si cet hébergement prend réellement en compte ses besoins et sa situation personnelle.
C’est pour ces motifs que la Commission a adopté, sur l’initiative de votre rapporteure, des amendements à l’article 15 prévoyant que :
– les décisions d’admission dans un lieu d’hébergement, de sortie de ce lieu et de changement de ce lieu mentionnées à l’article L. 744-3 du CESEDA sont prises par l’OFII « en tenant compte de la situation du demandeur » ;
– l’hébergement proposé par l’OFII au demandeur en application de l’article L. 744-7 du CESEDA doit tenir compte des besoins de ce dernier ;
– le demandeur doit être préalablement informé, dans une langue qu’il comprend, des conséquences de l’acceptation ou du refus de l’hébergement proposé.
Sur l’initiative de M. Denys Robiliard, il a également été précisé que les décisions d’admission dans un lieu d’hébergement, de sortie de ce lieu et de changement de lieu d’hébergement seront prises par l’OFII « après consultation du directeur du lieu d’hébergement », ce qui contribuera aussi à s’assurer que l’hébergement proposé correspond à la situation du demandeur.
En complément de ces modifications, la Commission, sur la proposition de M. Denys Robiliard et de votre rapporteure, a supprimé le régime d’autorisation administrative d’absence des lieux d’hébergement, qui lui a paru inutilement lourd et contraignant. L’obligation pour les gestionnaires des lieux d’hébergement de signaler à l’OFII toute absence injustifiée et prolongée lui a paru suffisante pour assurer l’efficacité de l’orientation directive.
À l’article L. 744-8 du CESEDA, il a par ailleurs été précisé que les conditions matérielles d’accueil ne pourraient être limitées ou suspendues lorsque le demandeur d’asile n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’information ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la demande d’asile qu’en l’absence de « motif légitime ».
Enfin, sur la proposition de M. Sergio Coronado, la Commission a rétabli, à l’article L. 744-5 du CESEDA créé par l’article 15 du projet de loi, la condition d’urgence requise pour pouvoir saisir la juridiction administrative afin d’obtenir l’expulsion d’une personne séjournant indûment dans les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. Au même article L. 744-5, la Commission a supprimé, sur l’initiative de votre rapporteure, le mécanisme d’astreinte prévu pour l’exécution de l’ordonnance rendue par le président du tribunal administratif.
À l’article 15, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant, à l’article L. 744-1 du CESEDA, que l’OFII peut déléguer par conventions à certaines personnes morales (des associations, par exemple) la possibilité d’assurer certaines prestations d’accueil, d’information et d’accompagnement des demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur demande. Cette disposition permettra de pérenniser, le cas échéant, le dispositif de premier accueil des demandeurs d’asile (PADA) coordonné et financé par l’OFII, qui repose actuellement sur un réseau de 34 plates-formes d’accueil, d’orientation et d’accompagnement des demandeurs d’asile.
Au même article, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement, sous-amendé par votre rapporteure, prévoyant à l’article L. 744-3 que les demandeurs d’asile accueillis dans les lieux d’hébergement bénéficient d’un accompagnement juridique et social. Cette modification vise à ce que les demandeurs d’asile accueillis dans le dispositif d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) bénéficient eux aussi, s’ils en ont besoin, d’un accompagnement juridique et social, comme les demandeurs accueillis en CADA. Elle renforcera l’égalité de traitement des demandeurs.
4. Renforcer les garanties accordées aux demandeurs d’asile lors de l’examen de leur vulnérabilité par l’OFII
La Commission a souhaité accroître les garanties accordées aux demandeurs d’asile dans le cadre de l’examen de leur vulnérabilité. Sur l’initiative de votre rapporteure, elle a ainsi précisé, à l’article 15, que :
– l’examen de la vulnérabilité d’un demandeur doit être effectué après un entretien personnel avec ce dernier ;
– le demandeur doit être informé lors de cet entretien de la possibilité de bénéficier de l’examen de santé gratuit prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale s’ils le souhaitent (ce n’est qu’une faculté, et non une obligation) ;
– l’examen de la vulnérabilité doit être opéré par des agents de l’OFII ayant reçu une formation spécifique à cette fin.
– la situation spécifique des personnes vulnérables doit être prise en compte dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d’asile pendant toute la durée d’instruction de leur demande : il ne s’agit pas seulement d’examiner la vulnérabilité du demandeur pour évaluer ses besoins particuliers, mais de tenir compte de ses besoins pendant toute la période d’instruction de la demande ;
– l’examen de la vulnérabilité par l’OFII ne préjuge pas de l’appréciation par l’OFPRA de la vulnérabilité du demandeur ou du bien-fondé de sa demande.
La Commission a également précisé, sur la proposition de Mme Pascale Crozon, la définition de la vulnérabilité, en reprenant la liste – non limitative – des causes de vulnérabilité figurant à l’article 21 de la directive « Accueil », précitée.
Sur la proposition de Mme Chaynesse Khirouni, la Commission a ajouté un article 16 bis, aux termes duquel les places d’accueil en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) seront comptabilisées pour le calcul du seuil minimum de logements sociaux dans les communes soumises à l’article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite « loi SRU »).
La Commission a modifié le chapitre V du projet de loi, comportant les dispositions relatives au contenu de la protection, afin :
– d’harmoniser et d’étendre la définition des membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire éligibles au statut de réfugié, à la réunification familiale et à la délivrance d’un titre de séjour (1) ;
– de préciser les modalités du contrôle médical exercé, à la demande de l’OFPRA, pour s’assurer que les mineures auxquelles l’asile a été octroyé en raison d’un risque de mutilation sexuelle n’ont pas subi de mutilation (2).
1. L’harmonisation et l’extension des membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire pouvant bénéficier de la réunification familiale et de la délivrance d’un titre de séjour
La Commission a souhaité harmoniser la définition des membres de la famille retenue dans trois cadres différents :
– l’éligibilité au statut de réfugié, en application de la jurisprudence du Conseil d’État ;
– la procédure de réunification familiale, codifiée par le nouvel article L. 752-1 du CESEDA créé par l’article 19 du projet de loi ;
– la délivrance de plein droit d’un titre de séjour, en application des articles L. 313-13 et L. 313-14 du même code.
Ces trois procédures sont juridiquement différentes, mais il a paru à la Commission d’une complexité inutile et excessive de prévoir, par exemple, qu’un membre de la famille d’un réfugié devrait bénéficier du statut de réfugié, sans pour autant avoir droit à la délivrance d’un visa au titre de la réunification familiale (32), ou qu’il puisse bénéficier de la procédure de réunification familiale sans avoir droit à un titre de séjour de plein droit (33).
À l’article 18, la Commission a :
– ajouté, sur l’initiative de M. Denys Robiliard, les partenaires liés par une union civile aux membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire se voyant délivrer un titre de séjour de plein droit en application des articles L. 313-13 et L. 314-11 du CESEDA ;
– supprimé, sur la proposition de votre rapporteure, l’exigence nouvelle prévue par le projet de loi que les enfants mineurs d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire soient célibataires pour pouvoir bénéficier d’un titre de séjour de plein droit en application des mêmes articles L. 313-13 et L. 314-11 du CESEDA ;
– étendu la délivrance de plein droit d’un titre de séjour, en application de l’article L. 314-11 du CESEDA, au concubin d’un réfugié s’il avait, antérieurement à la date à laquelle le réfugié a déposé sa demande d’asile, une liaison suffisamment stable et continue avec lui, afin de tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’État sur l’éligibilité au statut de réfugié ;
Par ailleurs, au même article 18, la Commission a adopté un amendement de M. Denys Robiliard empêchant le retrait du titre de séjour d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire ayant perdu son statut ou sa protection s’il est en situation régulière depuis cinq ans, au lieu de ne permettre ce retrait que dans les cinq années qui suivent la première délivrance du titre concerné comme le prévoyait l’article L. 311-8-1 du CESEDA.
À l’article 19, la Commission a ajouté à la définition figurant dans l’article L. 752-1 du projet de loi :
– le concubin avec lequel le réfugié avait, antérieurement au dépôt de sa demande d’asile, une liaison suffisamment stable et continue, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État qui lui reconnaît la qualité de réfugié en application des principes généraux du droit des réfugiés (34). Cette extension met aussi la loi en adéquation avec la pratique administrative, qui fait application de la jurisprudence du Conseil d’État ;
– le conjoint du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire lorsque le mariage a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d’une communauté de vie effective entre époux. Celui-ci, en l’état du droit, peut en effet se voir délivrer un titre de séjour mais ne peut se voir délivrer un visa au titre de la procédure de réunification familiale ;
– le partenaire avec lequel le réfugié ou le bénéficiaire est lié par une union civile, par coordination avec la modification adoptée à l'article 18 du projet de loi ajoutant ce partenaire aux membres de la famille pouvant se voir délivrer un titre de séjour en application des articles L. 313-13 et L. 314-11 du CESEDA.
La Commission a également précisé, sur la proposition de votre rapporteure, la date à laquelle l’âge des enfants doit être apprécié, à savoir celle à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite.
La dernière phrase du nouvel article L. 752-1 du CESEDA a également été réécrite par la Commission, sur l’initiative de votre rapporteure, afin de préciser que c’est le mineur réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire qui est titulaire du droit d’être rejoint par ses parents.
Enfin, sur la proposition de Mme Pascale Crozon, la Commission a précisé que peut être exclu de la réunification familiale tout membre de la famille qui serait l’auteur, le co-auteur ou le complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié la délivrance d’une protection internationale.
La Commission a pleinement approuvé l’encadrement législatif du contrôle médical exercé, sur la demande de l’OFPRA, pour s’assurer que les mineures auxquelles l’asile a été accordé en raison d’un risque de mutilation sexuelle n’ont pas subi de mutilation, prévu à l’article 19. Elle a apporté, sur l’initiative de votre rapporteure et de Mme Pascale Crozon, plusieurs améliorations au dispositif initial, afin de mieux l’encadrer et d’en préciser les limites et les modalités. Elle a ainsi précisé que :
– le contrôle médical cesse à la majorité de la jeune fille ;
– le constat éventuel d’une mutilation ne peut entraîner la cessation de la protection accordée à la mineure ;
– ces examens médicaux devront être pratiqués par certaines catégories de médecins, déterminées par décret. Il est en effet nécessaire que ces examens soient pratiqués par des médecins spécialement formés à cette fin, et ayant l’habitude des patients mineurs. Les unités médico-judiciaires (UMJ) pourraient constituer des lieux adaptés, par exemple ;
– l’OFPRA devra observer un délai minimal de trois ans entre deux examens, sauf s’il existe des motifs réels et sérieux de penser qu’une mutilation sexuelle a effectivement été pratiquée.
Il a aussi été clarifié que la transmission par l’OFPRA au procureur de la République de tout refus de se soumettre à l’examen demandé ou de tout constat de mutilation constitue une obligation légale, et non une faculté pour l’Office.
Enfin, sur la proposition de Mme Maud Olivier, il a été prévu qu’une information préventive relative aux conséquences médicales et judiciaires des mutilations sexuelles est fournie aux parents et aux tuteurs légaux de la mineure protégée.
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AUDITION DE M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, ET DISCUSSION GÉNÉRALE
Au cours de sa première séance du 25 novembre 2014, la Commission procède à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182) puis examine le projet de loi.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Nous accueillons M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, que je remercie de sa présence parmi nous, pour examiner le projet de loi sur la réforme de l’asile.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Je regrette de ne pouvoir rester pour l’examen des amendements, contrairement à ce que j’ai plaisir à faire d’habitude, en raison d’autres contraintes liées à l’actualité.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant votre Commission a pour objet de renouer avec une politique qui a contribué à donner au long de l’histoire de la force à la République. Lorsqu'on est Français, que l'on appartient à la patrie des droits de l'homme, accorder le statut de réfugié politique, ce n'est pas seulement appliquer la convention de Genève de 1951 ou transposer des directives européennes. L'asile fait partie des valeurs fondamentales de la République, de celles – telles que la laïcité, l'égalité de tous devant la loi, le droit à la sécurité ou le droit à l'éducation – que la République ne saurait à aucun moment abdiquer sans se renier elle-même.
Être républicain, c'est en effet défendre certains principes fondamentaux par-delà les contingences du moment. C'est reconnaître et affirmer l'universalité des valeurs que je viens de rappeler, qui transcendent les cultures et les époques. Elles seront toujours la boussole de la République et celle du ministère de l'Intérieur.
Voilà pourquoi, avant d'en venir aux dispositions que contient ce projet de loi, je voudrais rappeler brièvement l'histoire de l'asile en France – une histoire intimement liée à celle de la République. Bien avant la convention de Genève, la France avait en effet déjà reconnu la nécessité du droit d'asile, proposant une définition dont chacun constate encore aujourd'hui la très grande modernité. C'est la Révolution française qui en établit les fondements, puisque, comme vous le savez, la Déclaration de 1789 reconnaît, parmi les Droits de l'homme et du citoyen, la résistance à l'oppression. La Constitution de 1793 proclame quant à elle que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté, et il le refuse aux tyrans ». Plus près de nous, le Préambule de la Constitution de 1946 consacre pleinement le droit à l'asile pour tous les combattants de la liberté et lui donne sa place dans notre bloc de constitutionnalité. Depuis plus de deux siècles, l'asile représente donc une part importante de l'identité républicaine de la France. Sa consécration par le droit européen et international est une reconnaissance du message singulier que notre pays adresse au monde.
Parce que le droit d'asile est constitutif de notre identité républicaine, il faut avoir le courage d'en analyser les dysfonctionnements et d'y apporter des réponses. Tel est l'objet du projet de loi. Ces réponses doivent être guidées par un seul objectif : donner à ceux qui sont victimes de la barbarie ou de l'injustice, à ceux qui sont persécutés en raison de leurs croyances, de leurs opinions ou de leur orientation sexuelle, accueil et protection sur le territoire de la République.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, qui connaissait l'ampleur des dysfonctionnements affectant notre système, a lancé en juillet 2013 une concertation nationale sur l'asile. Celle-ci a rassemblé l'ensemble des acteurs concernés : l'État ; les collectivités locales – car, même si elles ne sont pas directement compétentes, leur expertise de terrain est indispensable à toute réforme – ; les associations, auxquelles la France – et c'est là une singularité de notre modèle qu'il faut préserver – a toujours réservé une place essentielle ; évidemment le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Je citerai aussi deux élus, dont j'entends ici saluer le travail : votre collègue Jean-Louis Touraine et la sénatrice Valérie Létard. Ces parlementaires ont démontré que l'on pouvait dépasser les querelles partisanes pour rechercher ensemble, sur un sujet aussi fondamental, des réponses efficaces, et ainsi trouver le chemin de l'apaisement.
Cette rigueur de l'analyse a également animé vos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard, qui ont rendu en juin dernier un rapport très complet, au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, sur l'accueil des demandeurs d'asile et dont le présent projet de loi reprend beaucoup des préconisations.
Dans un style un peu différent, votre collègue Éric Ciotti a également pointé les mêmes dysfonctionnements du système de l'asile en France dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2015.
Quels sont donc les constats qui résultent de tous ces diagnostics ? Les dysfonctionnements de l'asile sont au nombre de trois.
La première des carences de notre système réside dans la lenteur et le manque d'efficacité du processus d'examen des demandes d'asile, confronté à une forte hausse du nombre des demandeurs, qui a presque doublé entre 2007 et 2013. Huit mois, en moyenne, de traitement d'un dossier devant l'OFPRA, huit mois également devant la CNDA, voilà quelle était la situation lorsque Manuel Valls a lancé la concertation sur l'asile. À ces délais s'ajoutent les temps de présentation des requêtes devant chacune de ces institutions, mais aussi le temps d'enregistrement de la demande d'asile. Il faut enfin tenir compte des délais de dialogue et d'échange d'information entre l'ensemble des institutions concernées – préfecture, OFPRA, OFII, CNDA, associations. À cause du cumul de ces délais, le traitement d'une procédure normale peut facilement excéder 24 mois.
Une telle lenteur entraîne évidemment des conséquences très lourdes pour ces femmes et ces hommes venus demander l'asile en France et qui restent parfois plusieurs années sans connaître l'issue de leur demande. Je pense bien sûr aussi au personnel des préfectures, des communes, des associations, de l'OFPRA et de la CNDA, qui ne sont plus en situation d'aider efficacement les demandeurs qui s'adressent à eux. Comme Éric Ciotti l'a souligné, une telle lenteur engendre également des conséquences sur le plan budgétaire si on laisse – comme entre 2007 et 2012 – le système s'engorger sans réagir le moins du monde.
La deuxième carence est pointée par tous les rapports : notre système de l'asile est trop inégalitaire. Certains demandeurs, hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), bénéficient d'un suivi administratif, social et juridique approprié, dont tout le monde loue la qualité. D'autres, en revanche, trouvent place dans des hébergements d'urgence – certains provisoires, d'autres un peu plus pérennes – avec un suivi de moindre qualité. D'autres, enfin, survivent tant bien que mal dans des campements de fortune, où la précarité et la vulnérabilité sont grandes. Cette situation n'est pas tolérable. Elle n'est pas digne de notre République. Elle n'est pas à la hauteur de ce que nous souhaitons offrir à l'ensemble des demandeurs d'asile. Une telle situation favorise en outre les concentrations de demandeurs sur les mêmes territoires, ce qui, dans certaines villes, provoque des situations très problématiques. Enfin, pour toutes ces raisons, nos conditions d'accueil ne sont tout simplement pas conformes au droit européen.
La troisième carence constitue comme un paradoxe. Malgré tout le temps passé sur chaque demande d'asile, nous ne parvenons pas à satisfaire aux prescriptions de la législation de l'Union européenne ou de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). C'est ainsi le cas pour les demandeurs d'asile en procédure prioritaire, qui n'ont pas accès à un recours suspensif avant la mise en œuvre de l'éventuel éloignement. C'est également le cas concernant la détection précoce des vulnérabilités. C'est enfin le cas au sujet de l'assistance et du conseil dont les demandeurs peuvent bénéficier devant l'OFPRA.
Ce diagnostic est sévère, j'en ai bien conscience, mais il est malheureusement réaliste. Et je tiens à redire ici avec force qu'il serait injuste d'imputer la cause des dysfonctionnements que je viens de décrire aux demandeurs d'asile eux-mêmes, ou bien à ceux qui, à l'OFPRA, à la CNDA, à l'OFII, dans les préfectures ou les associations, ont pour mission d'instruire leurs demandes et de les accompagner. La seule et unique cause de ces dysfonctionnements, c'est de ne pas avoir pris la mesure de l'ampleur des manquements, au point d'avoir laissé notre système d'asile dériver sans prendre les mesures qui s'imposaient.
Une fois le diagnostic établi, vient le deuxième temps de la réforme. C'est le moment dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui : le temps de la loi.
Le projet de loi soumis à votre examen est ambitieux : il entend à la fois transposer dans notre législation nos obligations européennes, trois directives – la directive « Qualification », la directive « Procédure » et la directive « Accueil » –, tout en corrigeant les dysfonctionnements que j'ai évoqués. Pour réussir, nous devons concilier trois impératifs.
Le premier impératif – je l'ai dit – concerne la durée de nos procédures, que nous devons absolument réduire. Comme vous l'avez compris, l'ambition du Gouvernement est de conforter la politique de l'asile en faisant un projet de loi qui prenne toute la mesure de la situation des demandeurs d'asile. Pour améliorer celle-ci, il y a un préalable incontournable : la réduction des délais. Comme ministre de l'Intérieur, comme ministre de l'asile, je ne souhaite pas qu'un demandeur d'asile soit laissé dans l'incertitude durant vingt-quatre mois. C'est ma conception de la République.
Pour ce faire, il faut d'abord accélérer les délais d'examen devant l'OFPRA comme devant la CNDA.
L'OFPRA sera doté en 2015 de personnels supplémentaires, tandis qu'une profonde réforme interne a d'ores et déjà été engagée, qui lui a déjà permis en 2014, avant même d'avoir obtenu de nouveaux effectifs, d'accroître de 15 % le nombre de décisions rendues. Ces moyens supplémentaires doivent permettre à l'OFPRA de revenir, dans le courant de l'année 2016, à une situation de flux limitant la durée moyenne d'examen d'une demande d'asile à trois mois en moyenne.
La CNDA va, quant à elle, bénéficier d'un renfort de magistrats pour réformer et adapter ses procédures à la demande d'asile. Les demandes en procédure accélérée devront être examinées en moins de cinq semaines par un juge unique. Les demandes en procédure normale devront être examinées en moins de cinq mois par une formation collégiale. Cet effort sera possible grâce, d'une part, à l'adaptation des formations de jugement de la CNDA et, d'autre part, à la simplification de certaines règles devant la cour, notamment celles qui concernent l'aide juridictionnelle. Ces délais n'ont pas été définis au hasard, ni de façon arbitraire, mais ont été discutés avec la CNDA à partir de son fonctionnement actuel et en réfléchissant avec elle aux moyens de résoudre les difficultés.
Nous devons ensuite simplifier nos procédures. Les délais d'enregistrement des demandes d'asile sont beaucoup trop longs : ils devront être ramenés à moins d'une semaine, grâce à une réforme en profondeur du premier accueil du demandeur et à la création de guichets uniques de l'accueil du demandeur d'asile, regroupant sur un même site les agents de l'OFII et des préfectures. Cette simplification impliquera également de charger l'OFII du versement de l'allocation pour demandeurs d'asile. Cet aspect de la réforme ne trouve, certes, qu'un écho discret dans le projet de loi car il ne relève guère de dispositions législatives, mais mes services, notamment les préfectures, sont à pied d'œuvre pour mener à bien, en lien avec les partenaires associatifs de l'asile, ce vaste chantier.
Enfin, la réduction des délais repose sur la capacité de notre système à distinguer en temps réel, selon des critères objectifs, la demande qui requiert un examen approfondi et celle qui – parce que la réponse semble évidente – peut être traitée plus vite. L'OFPRA sait traiter rapidement des demandes qui sont manifestement fondées. Inutile, par exemple, de passer des mois et des mois à discuter de la situation des Syriens ou des minorités chrétiennes d'Irak : le statut de réfugié ou la protection subsidiaire doivent leur être acquis. Par ailleurs, d'autres demandes, nous devons en avoir conscience, en ce qu'elles n'ont pas de fondement sérieux, n'appellent pas davantage un examen prolongé.
C'est pour cette raison que la réforme que je propose modifie en profondeur les placements en procédure prioritaire, qui devient la procédure accélérée. Ces placements seront décidés en dernière instance par l'OFPRA et non plus par la préfecture, même si cette dernière pourra effectuer un premier tri en fonction de critères étrangers au contenu de la demande. C'est également la raison pour laquelle cette réforme permettra à l'OFPRA de déclarer certaines demandes irrecevables ou de les clôturer lorsque le demandeur ne coopère pas suffisamment avec l'office.
L'objectif est clair : réduire les délais de 24 mois à 9 mois. C'était l'objectif du candidat François Hollande à la présidence de la République ; ce projet de loi permet de l'atteindre. L'enjeu de l'examen parlementaire est de ne pas complexifier davantage la procédure, ce qui mettrait en péril la mise en œuvre de cet objectif.
Le deuxième impératif auquel nous devons répondre concerne l'accueil, que nous devons améliorer.
Nous devons d'abord développer les places en CADA. Ce gouvernement a créé 4 000 places supplémentaires en deux ans. En fonction de l'efficacité de la réforme, les projections budgétaires permettent d'envisager à budget constant l'ouverture de 5 000 places supplémentaires, par création nette ou transformation de certaines places d'hébergement d'urgence. J'entends souvent dire que le Gouvernement n'aurait pas les moyens de son ambition. Ce n'est pas vrai ! L'État finance actuellement 50 000 places d'hébergement. Il y a, en incluant les réexamens, 66 000 demandes d'asile par an. Si l'examen de la demande d'asile durait effectivement neuf mois, nos capacités d'hébergement financées par le programme 303 seraient suffisantes pour assurer un hébergement à tous les demandeurs d'asile qui le souhaitent. Bien sûr, tous les hébergements ne sont pas de même qualité. Certains hébergements d'urgence – parfois à l'hôtel – sont de piètre qualité ; les CADA sont, eux, de bien meilleure facture. Mais sait-on qu'un hébergement d'urgence coûte autant pour l'État qu'un CADA ? Là encore, à budget constant, nous avons la possibilité de développer l'hébergement en CADA au détriment de l'hébergement d'urgence. Celui-ci sera sans doute toujours nécessaire, mais, à terme, l'objectif de la réforme est bien de faire du CADA la norme et de l'hébergement d'urgence l'exception. Il n'est pas besoin pour cela de moyens budgétaires supplémentaires, mais bien d'une réforme efficace.
Nous devons ensuite en finir avec les allocations éclatées dont bénéficient les demandeurs d'asile. L'allocation temporaire d'attente (ATA) et l'allocation mensuelle de subsistance seront fondues en une allocation unique, versée par l'OFII, qui prendra en compte la situation familiale de chaque demandeur. Enfin, nous allons – et c'est un point indissociable des deux précédents – mettre en place un véritable hébergement directif. Beaucoup d'entre vous le savent : la situation de l'accueil des demandeurs d'asile peut être localement difficile à gérer lorsque trop de demandeurs convergent en même temps vers un même point du territoire. Deux régions aujourd'hui concentrent les deux tiers des demandes : ce n'est pas acceptable. Orienter l'accueil, ce n'est certainement pas assigner les demandeurs d'asile à résidence, encore moins les enfermer dans des lieux, comme j'ai pu lire ici ou là. En revanche, c'est faire en sorte, grâce à la loi, que le versement d'une allocation dépende de la sollicitation, puis de l'acceptation d'un hébergement. On demande l'asile à la République. Celle-ci doit donc avoir la liberté d’héberger les demandeurs d’asile sur l'ensemble de son territoire. Bien sûr, l'attribution des places en CADA se fera au vu des besoins des demandeurs, notamment de leur situation familiale et de leur état de santé. En outre, si un demandeur d'asile ne souhaite pas bénéficier des conditions d'accueil prévues par la République, il aura droit à un examen de sa demande d'asile dans les mêmes conditions qu'un autre demandeur. Il n'aura simplement pas droit à l'hébergement et aux allocations prévues. Chacun sera ainsi mis face à ses responsabilités.
Le dernier impératif auquel nous devons faire face concerne les droits des demandeurs, que nous devons renforcer. Ma conviction est que lorsque l'on renforce les droits de personnes persécutées, on honore et accomplit en réalité le message républicain ; on renforce la République.
On honore la République lorsqu’on permet à tous les demandeurs d'asile dont la demande est recevable d'accéder à un recours suspensif. Il faut mesurer le changement qui résulte de ce projet de loi à cet égard. Si la loi limite, et c'est heureux, les possibilités de réexamen d'une même demande, car il faut bien qu'à un moment l'examen s'achève, elle offre à tout demandeur d'asile dont la demande est recevable un accès au juge. Avant, 35 % des demandeurs, tous ceux qui n'étaient pas placés en procédure normale, pouvaient être éloignés sans que le juge de l'asile ne se soit prononcé.
On honore aussi la République lorsque l'on permet à un demandeur d'asile de bénéficier, à l'OFPRA, d'un conseil de son choix. On honore encore la République lorsqu'on accorde à tous les demandeurs qui le souhaitent le bénéfice de l'aide juridictionnelle de plein droit.
On honore toujours la République lorsqu'on permet au demandeur d'asile en situation de vulnérabilité – je pense bien sûr notamment aux mineurs – de bénéficier d'un examen et d'une prise en charge adaptés à leur situation.
On conforte aussi la République en permettant à tous les demandeurs d'asile, en procédure normale comme en procédure accélérée, de bénéficier d'un droit au maintien sur le territoire pendant l'examen de leur demande. Cette notion nouvelle de droit au maintien a déclenché des inquiétudes – et, je crois, certains amendements. Je veux ici les dissiper. Le choix de ce terme a été commandé par la nécessité de distinguer clairement entre le demandeur d'asile, dont la situation est forcément temporaire, incertaine, et le réfugié ou le protégé subsidiaire, qui a lui pleinement droit au séjour et au travail sur le territoire. Mais parler de « droit au maintien » pour les demandeurs ne diminue en rien les droits dont ils bénéficient. Au contraire, cela veut dire, par exemple, leur permettre d'accéder à la couverture maladie universelle (CMU), à un hébergement en CADA et à une protection contre les éloignements, tant que leur recours n'a pas été rejeté. C'est très différent de la situation actuelle, dans laquelle seuls les demandeurs d'asile en procédure normale bénéficient de ces protections.
Cette différence a des implications concrètes : beaucoup d'entre vous s'inquiètent de ce que la notion de pays d'origine sûre est maintenue dans le projet de loi. Mais il ne faut pas perdre de vue que le demandeur ressortissant d'un pays sûr bénéficiera des mêmes droits que le demandeur d'asile en procédure normale. Il aura accès au CADA, à l'allocation, et pourra se maintenir sur le territoire jusqu'au terme de son recours. Enfin, si sa demande est fondée, l'OFPRA pourra décider de le placer en procédure normale. Rien de commun avec la situation actuelle.
L'accélération des délais et l'augmentation des droits des demandeurs sont deux objectifs qui se renforcent mutuellement : tel est l'esprit de la réforme.
Il y aura, bien sûr, un troisième temps de la réforme : celui de la mise en œuvre. Notre réforme est globale, structurelle : il ne suffira pas de voter des dispositions, même ambitieuses, pour transformer la demande d'asile en France. Mais je peux vous l'assurer : chacune des institutions est aujourd'hui prête à sauter le pas et à mettre efficacement en œuvre cette réforme. Les préfectures bénéficient d'une mission d'appui pour moderniser l'accueil des demandeurs d'asile avec le concours du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP). L'OFPRA a déjà obtenu des résultats et va poursuivre son traitement vigilant et adapté des dossiers des demandeurs d'asile. Les missions de l'OFII sont progressivement redéfinies pour coïncider avec les exigences affirmées par la loi, dans le cadre du contrat d'objectif et de performance. Bien sûr, tout ne sera pas simple ; il y aura d'inévitables inquiétudes, comme à chaque fois que l'on change les habitudes. Le dialogue et la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, qui continueront tout au long de l'année 2015, devront nous permettre de rassurer les personnels, qui ont tous à cœur l'amélioration de notre politique d'asile.
Pour réussir l'examen parlementaire de ce projet de loi, j'ai toute confiance dans l'action de la rapporteure Sandrine Mazetier, que je veux remercier pour l’importance du travail qu’elle a accompli, et le concours de nombreux députés – je pense à Pascale Crozon, Alain Tourret, Jeanine Dubié, Sergio Coronado et Arnaud Richard. Je crois que nous pouvons nous rassembler et que sur ce projet de loi tout le monde peut descendre à l'arrêt « République ». Je sais, madame la rapporteure, que vous souhaitez que ce texte soit enrichi et clarifié pour que, notamment, les cas de clôture de la demande ne soient pas détournés de leur objet, que l'hébergement directif ne soit pas perçu comme étant équivalent à une assignation à résidence et que les droits des femmes soient pleinement reconnus. J'insiste sur ce point : lorsqu'on parle de l'asile, on parle du droit des femmes. On oublie trop souvent que la persécution frappe en particulier celles-ci. Et je suis fier d'être le ministre de l'asile qui protège 3 500 fillettes contre l'excision. Je sais que, sur ces points comme sur d'autres, la commission des Lois pourra, en suivant l'analyse précise, méticuleuse de la rapporteure, enrichir ce texte. Je souhaite que les femmes victimes dans le monde soient protégées : c'est ce que permettra plus efficacement ce projet de loi.
Je veux pour finir dire un mot d'un sujet qui préoccupe certains d'entre vous : l'apatridie. Ce n'est pas l'objet de ce texte, mais des parlementaires s’en sont saisis pour déposer des amendements sur cette question, notamment dans le cadre de la commission des Affaires étrangères saisie pour avis. Le sujet me semble toutefois très différent de la demande d'asile et relativement complexe. Les implications juridiques sont bien dissemblables. Je souhaite donc, sur ce sujet, réserver la position du Gouvernement pour aujourd'hui et vous remercie de nous laisser le temps d'examiner ce point avec le sérieux qu'il mérite lors du débat en séance publique.
Mesdames et messieurs les députés, sur un sujet aussi sérieux que l'asile, nous devons tous assumer nos responsabilités : cette réforme est indispensable pour rendre le droit d'asile fort en France, lui redonner sa vocation historique et le mettre en conformité avec les valeurs de la République. Je sais qu'un même esprit réformateur vous anime et que vous préférerez vous aussi une réforme qui marche, qui améliore concrètement le sort des demandeurs d’asile, plutôt que la posture, afin de rendre à l'asile sa véritable place : au cœur de notre pacte républicain.
Je vous remercie tous pour la contribution que vous avez déjà apportée à cette réflexion, notamment à travers les excellents rapports parlementaires présentés et je forme le vœu que la discussion sur ce texte nous permette d’aller au fond des choses et d’aborder ensemble tous les sujets.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Issu d’une concertation nationale présidée par deux de nos collègues parlementaires, la sénatrice Valérie Létard et le député Jean-Louis Touraine, et très inspiré du rapport du comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de notre assemblée – dont je salue les deux rapporteurs, Jeanine Dubié et Arnaud Richard –, ce projet de loi portant réforme de l’asile est ambitieux car il vise répondre à un double défi. D’une part, être capable de faire face à l’augmentation considérable de la demande d’asile, qui a doublé en France depuis 2007, mais touche aussi les autres pays de l’Union européenne, notamment l’Allemagne et la Suède, en raison de la dégradation du contexte international et de l’augmentation des risques de persécution dans de nombreux pays. D’autre part, améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, qui sont aujourd’hui indignes, du fait de l’allongement des délais d’enregistrement et d’examen des demandes. En transposant les directives « Accueil », « Qualification » et « Procédure » et en mettant en œuvre le règlement Dublin III, le présent projet de loi permettra à la France de se conformer à ses obligations européennes avant le 1er juillet 2015.
Deux piliers majeurs en constituent la base. D’abord, l’accélération des délais de traitement de la demande d’asile à tous les stades de la procédure, de la phase d’enregistrement de la demande d’asile jusqu’à la décision définitive accordant ou non le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Ensuite, l’hébergement directif des demandeurs d’asile afin d’améliorer leurs conditions d’accueil et leur répartition territoriale pour réduire les files d’attente devant les préfectures et mettre fin à l’engorgement des services d’accueil et d’hébergement que l’on constate un peu partout – notamment en région parisienne et en région lyonnaise, qui recueillent aujourd’hui près de 70 % de la demande, mais aussi dans des métropoles régionales qui n’avaient jamais connu cela précédemment.
Je serai donc particulièrement attentive à ce que les amendements adoptés par notre Commission ne remettent pas en cause ces deux piliers de la réforme proposée par le Gouvernement. Ces objectifs doivent être atteints pour restaurer le droit d’asile.
Je veux souligner les grandes avancées de ce projet de loi : la consécration dans la loi de l’indépendance de l’OFPRA, l’accroissement des garanties procédurales offertes à tous les demandeurs d’asile, comme le fait d’être assisté d’un tiers à l’OFPRA, la prise en compte de la vulnérabilité des demandeurs d’asile à tous les stades de la procédure, l’extension des conditions d’accueil à tous ces demandeurs, qu’ils soient en procédure accélérée, en procédure normale, ou qu’ils entrent dans le cadre de la procédure « Dublin », c’est-à-dire lorsque la demande doit être traitée par un autre pays membre de l’Union européenne.
J’ai noté une forte convergence de préoccupations dans les amendements déposés par les groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP, mais aussi par la délégation aux droits de femmes, dont je salue le travail. J’ai voulu répondre au plus grand nombre d’entre elles par des amendements ou sous-amendements visant à améliorer le dispositif, sans remettre en cause l’équilibre général de la réforme.
S’agissant de la procédure suivie à l’OFPRA, je vous inviterai à enrichir la composition du conseil d’administration de cet organisme par la présence d'un représentant du ministère chargé des affaires sociales et celle d'un représentant du ministère chargé des droits des femmes. Je vous proposerai aussi d’élargir le nombre de tiers susceptibles d’accompagner le demandeur d’asile à l’OFPRA en prévoyant, au-delà de l’éventualité de la présence d’associations de défense des droits des demandeurs d’asile, celle des associations protectrices des droits de l’homme, de la femme, des enfants, ainsi que des associations luttant contre les persécutions fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle. De même, je vous suggérerai de prévoir que le conseil d’administration de l’OFPRA révise régulièrement la situation des pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs.
Concernant la procédure d’asile à la frontière, je vous proposerai de supprimer plusieurs cas d’irrecevabilité au bénéfice du demandeur et de renforcer le caractère exceptionnel du maintien des mineurs isolés en zone d’attente.
Dans le cadre de la procédure d’asile en rétention, je vous inviterai à garantir le droit pour le demandeur d’avoir accès à une assistance juridique et linguistique lui permettant d’exercer un recours effectif.
S’agissant de la procédure devant la CNDA, plusieurs amendements visent à améliorer les garanties offertes au requérant en permettant par exemple au juge unique de renvoyer en formation collégiale l’examen de toute demande d’asile présentant une difficulté sérieuse, ou en introduisant des critères d’expérience au sein de cette cour pour devenir juge unique, auxquels s’ajouterait la garantie de présence d’un rapporteur ayant instruit le dossier, même en procédure accélérée.
Concernant la procédure d’enregistrement de la demande d’asile, je vous inviterai à inscrire dans la loi les délais prévus par la directive afin de conforter le premier pilier de la réforme relatif à l’accélération du traitement de la demande dès la première phase de la procédure, en supprimant explicitement la condition préalable de domiciliation.
S’agissant des garanties offertes aux « dublinés », je vous présenterai un amendement visant à doubler le délai de recours pour contester de façon effective la décision de transfert vers un autre État membre.
En ce qui concerne l’orientation directive vers un lieu d’hébergement, je vous invite à préciser que l’hébergement proposé par l’OFII doit tenir compte de la situation personnelle du demandeur et de ses besoins, et à supprimer le régime d’autorisation administrative de s’absenter des lieux d’hébergement.
Sur la prise en compte de la vulnérabilité, pour clarifier la portée du texte ainsi que ce qui relève de l’OFII – donc de l’adaptation des propositions d’accueil et d’hébergement – et ce qui relève de l’OFPRA – donc de l’examen au fond de la demande de protection –, je vous suggérerai de prévoir que les demandeurs sont informés de la possibilité de bénéficier d’un examen de santé gratuit. De même, je vous proposerai d’indiquer que les agents de l’OFII, qui évalueront les vulnérabilités, devront avoir reçu une formation spécifique à cette fin et de préciser que l’évaluation par l’OFII ne préjuge en rien de l’appréciation qui sera faite par l’OFPRA du bien-fondé de la demande.
Pour améliorer l’intégration des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire, je vous inviterai à permettre l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail sur autorisation, après un délai de neuf mois et non d’un an, comme le prévoit le droit actuel. Je proposerai aussi de renforcer le droit fondamental à la réunification familiale, en l’étendant, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État depuis 1997, au concubin d’un réfugié.
Enfin, je vous suggérerai de préciser les conditions applicables au contrôle médical destiné à protéger effectivement et durablement les mineures auxquelles l’asile a été accordé en raison d’un risque d’excision encouru dans leur pays d’origine.
Monsieur le ministre, le nombre d’amendements déposés, la multiplicité et la grande qualité des rapports de notre assemblée – je souhaite mentionner également celui de Mme Marietta Karamanli pour la commission des Affaires européennes ainsi que ceux pour avis de la commission des Affaires sociales, de la commission des Affaires étrangères et le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes – démontrent l’implication des députés vis-à-vis d’un sujet, l’asile, auquel notre grande nation s’identifie et est identifiée dans le monde entier depuis la Révolution française. Ils traduisent aussi une forte attente vis-à-vis de cette réforme, tout ne relevant pas de la loi et certaines dispositions n’ayant que des échos discrets dans le texte proposé. Des questions importantes demeurent donc, que nous souhaitons vous poser. Je me limiterai pour ma part à deux.
D’abord, comment les députés et, plus largement les élus, seront-ils associés à l’élaboration et à l’évolution du schéma national et des schémas régionaux d’hébergement prévus par le texte ? Deuxièmement, si l’accueil en CADA devient la référence, ce qui est un immense progrès, malgré l’effort considérable de création de places depuis deux ans, tous les demandeurs n’y seront pas accueillis : est-il bien prévu d’homogénéiser l’accompagnement juridique et social des demandeurs de protection entre les différentes solutions d’hébergement qui leur seront proposées ?
Mme Pascale Crozon. Le projet de loi relatif à la réforme de l'asile que nous examinons aujourd'hui vient parachever un grand nombre de contributions visant à apporter des réponses durables à une crise du système d'asile que tous ses acteurs, qu'ils soient institutionnels ou associatifs, reconnaissent.
Il s'agit tout à la fois de transposer les directives européennes révisées du « paquet asile » avant juillet 2015, de donner une base légale à la réforme interne de l'OFPRA – qui, depuis dix-huit mois et sous l'impulsion de Pascal Brice, produit d'ores et déjà ses premiers effets –, de tirer les enseignements de la concertation menée par Jean-Louis Touraine et Valérie Létard et de l'audit réalisé pour le CEC par Jeanine Dubié et Arnaud Richard.
Mais il s'agit avant tout de redonner tout son sens au système d'asile. À contre-courant des réformes précédentes, votre projet de loi ne regarde pas le demandeur d'asile comme un fraudeur en puissance, mais comme une personne potentiellement menacée et qui doit se voir offrir les moyens d'exprimer sa part de vérité. Notre enjeu est d'identifier les situations d'urgence pour protéger plus rapidement ceux qui en ont le plus besoin, améliorer la qualité de décision de l'OFPRA pour désengorger le contentieux devant la CNDA et, à l'issue de ces procédures équitables, permettre l'éloignement effectif des déboutés pour dissuader les filières qui dévoient le système.
La suppression des délais d'accès à la demande d'asile, ainsi que de la procédure prioritaire qui privait d'un recours suspensif et du droit à l'hébergement, la prise en compte des situations de vulnérabilité, ou bien encore la présence du tiers à l'entretien, sont autant de garanties nouvelles que nous saluons. Au cours de nos débats, le groupe socialiste proposera une transposition plus fine de certains points concernant notamment l'appréciation des pays d'origine sûrs et les conditions spécifiques qui peuvent être proposées en cas de vulnérabilité, par exemple pour les victimes de la traite et autres formes de violences sexuelles. Nous aurons par ailleurs ensemble le débat sur les mineurs isolés qui, de notre point de vue, doivent avant tout être considérés comme des mineurs en danger et bénéficier des garanties les plus protectrices prévues par le projet de loi.
L'hébergement directif, vous le savez, est le point du texte qui soulève le plus d'inquiétudes de la part des acteurs associatifs, notamment de ceux qui sont appelés à le gérer. Nous pensons que ce système représente tout à la fois une contrainte légitime, dès lors que notre ambition est de généraliser et de mieux répartir l'hébergement pérenne de type CADA, et une protection contre un certain nombre de filières et de marchands de sommeil. Nous vous proposerons toutefois de mieux prendre en compte les besoins des demandeurs, notamment en matière d'accès aux soins et de respect de la vie privée et familiale. Si nous soutenons l'idée de sanction concernant les conditions d'accueil, l'idée qu'un demandeur qui préférerait in fine résider dans sa famille puisse risquer la clôture de son dossier nous paraît disproportionnée et contraire à l'objectif de recentrer l'OFPRA sur le seul besoin de protection.
Plus largement, le groupe socialiste ne se résigne pas au constat selon lequel le mode d'hébergement est aujourd'hui un déterminant majeur de l'issue de la procédure. Il nous semble donc essentiel de prévoir dans la loi les conditions d'accès au droit de ceux qui ne bénéficieraient pas d'un hébergement en CADA. Voilà pourquoi nous proposerons d'inscrire dans un même schéma l'ensemble des éléments du dispositif d'accueil, et non simplement l'implantation des hébergements, afin d'établir clairement qui fait quoi dans chaque région et d'associer les collectivités locales.
Enfin, le groupe socialiste est favorable à l’ouverture du droit à la formation professionnelle pour les demandeurs, mais nous souhaiterions connaître les intentions du Gouvernement sur ce point et, plus largement, sur le droit au travail.
Vous l'aurez compris : si nous soutenons l'ensemble des dispositions de ce projet, qui permet de répondre plus vite sans réduire les droits procéduraux des demandeurs d'asile, nous serons attentifs à ce que la situation de chacun soit réellement prise en compte pour que la décision définitive, qu'elle soit positive ou négative, soit juste et respectée. Il en va de la crédibilité de notre système d'asile, auquel nous sommes très attachés.
Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission.
M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, vous avez rappelé l’attachement de tous les républicains au principe majeur qu’est, pour notre pays et notre démocratie, le droit d’asile.
Vous avez aussi rappelé le long parcours juridique dont il est issu, permettant l’accueil des opprimés et des réfugiés dans notre pays tout au long de notre histoire. Je partage cette approche et suis également attaché à ce principe.
Mais vous avez également rappelé les failles du système actuel, ses difficultés et la crise à laquelle il est confronté – les multiples rapports émanant de parlementaires de sensibilité différente l’attestent. Vous avez d’ailleurs cité mon rapport qui, bien que caricaturé par certains, dresse le constat d’une situation qui s’impose à tous et évoque des faits objectifs : l’augmentation constante du nombre de demandeurs d’asile – 66 000 en 2013 –, l’accroissement considérable du coût budgétaire de l’asile – 666 millions d’euros en 2013 –, la saturation des hébergements d’urgence, ainsi que divers indicateurs montrant que ce système est au bord de l’implosion et qu’il ne remplit plus sa vocation initiale, qui est d’accueillir les réfugiés et les opprimés. Aujourd’hui, ce système est devenu une procédure légale pour des filières d’immigration illégales. Il y a un dévoiement du principe fondamental de l’asile.
Actuellement, près de 80 % des demandeurs d’asile sont déboutés de leur demande et à peine 5 % des déboutés sont éloignés de notre territoire, selon l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale de l’administration (IGA). Il y a donc une perversion du système, puisqu’il n’y a quasiment plus de distinction entre les réfugiés et les déboutés du droit d’asile. De même, lorsqu’on place sur le même plan les réfugiés que l’on doit accueillir parce que leur situation le nécessite – comme les chrétiens de Syrie ou d’Irak ou d’autres minorités – et les personnes venant par la voie légale mais pervertie des filières d’immigration – dont j’ai pu constater l’ampleur lors de ma visite à l’OFPRA –, il y a un problème.
Si ce texte propose des avancées – la transcription des directives européennes, le guichet unique ou l’élargissement des critères de placement en procédure accélérée –, les réponses qu’il propose ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Vous nous invitiez à descendre à l’arrêt « République » : j’estime que vous êtes resté un peu bloqué à l’arrêt « Naïveté » et que Mme Mazetier est en chemin pour l’arrêt « Idéologie » ! En tout cas, si les amendements soutenus par la rapporteure sont adoptés par notre assemblée, les maux que vous soulignez seront gravement alourdis, s’agissant notamment des délais d’examen et des procédures, et vous allez aboutir à l’effet inverse de celui que vous prétendez obtenir.
Nous avons donc déposé, au groupe UMP, des amendements pour permettre de faire une distinction claire entre les réfugiés et ceux qui ne méritent pas ce statut noble.
J’observe en outre que pas une fois ce texte ne traite de façon concrète la question de l’éloignement des déboutés. Si vous avez rappelé l’impérieuse nécessité de raccourcir les délais d’examen – objectif auquel je souscris –, vous n’avez en aucun cas souligné la nécessité de procéder à des mesures claires de simplification pour obtenir enfin des éloignements, qui ne sont quasiment plus réalisés aujourd’hui. Tant qu’il n’y aura pas d’éloignements, le système implosera : le nombre de demandes croîtra de façon incessante, car toutes les personnes qui veulent venir en France et en Europe – la situation au Proche et au Moyen-Orient s’y prête – vont utiliser et dévoyer la procédure et nous serons toujours en retard sur les moyens pour les places en CADA ou en hébergement d’urgence. Surtout quand on sait que la plupart des centres d’hébergement d’urgence réservés aux sans-abri sont occupés par des déboutés de demande d’asile. Je rappelle par ailleurs que la Cour des comptes a relevé 18 % d’indus sur le versement de l’ATA.
Je vous invite donc à la lucidité : il faut tourner la page d’une approche trop naïve ou idéologique. Nous sommes confrontés à une carence majeure. Vous ne résoudrez rien et ce texte n’atteindra certainement pas ses objectifs : je prends le pari devant vous que nous serons contraints de revenir sur ce dispositif et de rompre avec ces pratiques. Si on ne règle pas la question de l’éloignement, on ne réglera pas les problématiques liées à l’asile et on mettra toujours en péril le système existant, que l’on doit pourtant tous ensemble défendre et maintenir, car c’est un des piliers de notre République.
M. Philippe Goujon. Il est en effet nécessaire de répondre aux difficultés d'un système à bout de souffle, ce qui montre l’urgence de réformer les modalités d'exercice du droit d’asile.
Si la création d'un guichet unique pour tous les demandeurs et le principe de l'hébergement directif sont de bons principes, qui financeront, de l’État ou des collectivités locales, le transport des demandeurs d'asile ayant accepté l'hébergement directif, entre les régions où ils arrivent massivement et les centres d'accueil où ils seront placés ? Certaines régions d'affluence comme l'Île-de-France seront très concernées par ces transferts et le poids financier de ceux-ci ne sera donc pas négligeable. Comment seront effectués ces transferts ? Cette charge va-t-elle incomber aux départements, pour autant qu’ils continueront à exister ?
Votre projet de loi prévoit également de dispenser des conditions du regroupement familial – notamment les conditions de ressources et de logement – les familles des demandeurs d'asile afin de permettre leur réunification familiale. À l'heure où de nombreux réseaux d'immigration utilisent la voie des mariages frauduleux pour parvenir à leurs fins, pourquoi ne pas inclure dans la dérogation au droit à la réunification familiale, outre le fait de ne pas respecter les principes essentiels qui régissent la vie familiale en France ou le fait de constituer une menace pour l’ordre public, celui d'avoir contracté une union à des fins principalement migratoires ?
Le fait de constituer une menace pour l’ordre public, permettant d'exclure ces personnes du dispositif très favorable de réunification familiale précédemment évoqué inclura-t-il bien les délits de mendicité agressive et d'atteinte aux biens et aux personnes ? Je rappelle que le Conseil d'État a déjà reconnu le 1er octobre que la mendicité agressive constituait une menace qui touche aux intérêts fondamentaux de la société.
Je tiens également à souligner l'impact de la transposition des directives européennes dans notre droit en termes d'alourdissement de la charge procédurale, le droit à un conseil et celui à l'interprétariat risquant, outre leur impact financier, de poser d'importantes difficultés d'organisation et par conséquent de réduire voire d'anéantir le gain de temps escompté de la réforme.
L'équilibre des droits et des devoirs serait mieux garanti si, à l'article 3, on instituait en obligation, et non en simple faculté, le fait pour l’OFPRA de mettre fin à la protection subsidiaire lorsqu'il apporte la preuve que celle-ci n'est plus nécessaire.
Il en serait de même des échanges prévus à l'article 5 entre l'autorité judiciaire et le président de l'OFPRA ou de la CNDA si on rendait la communication de ces informations obligatoire et non facultative.
En matière de lutte contre la fraude documentaire et identitaire, il serait pertinent d'inclure cet élément dans ceux donnant lieu d'office à une procédure accélérée.
Je tiens également à déplorer l'impossibilité de mettre en exécution d'office avant l'échéance d'un délai de sept jours une décision de transfert vers un autre État membre d'un demandeur qui avait initialement présenté sa demande dans celui-ci. Étant donné le taux très important de soustraction à ces transferts, il ne fait nul doute que ces personnes vont continuer à s'y soustraire et à encombrer les structures d'hébergement d'urgence de droit commun ou liées au droit d'asile, au détriment des demandeurs légitimes.
À propos des déboutés du droit d'asile, le projet de loi ne propose aucune mesure d'éviction alors qu'une grande partie des nuitées d'hébergement d'urgence est liée à ces personnes, représentant un coût important pour la solidarité nationale. Je rappelle que, selon un rapport de l'IGF, de l'IGA et de l'IGAS d'avril 2013, moins de 5 % des déboutés seraient éloignés. Dans la région parisienne, on dénombrait, en octobre 2014, 32 000 nuitées hôtelières, dont seules 4 000 étaient destinées aux demandeurs d'asile, le reste servant à héberger des déboutés. Quelles mesures entendez-vous prendre pour organiser l'éloignement effectif des déboutés ?
M. Arnaud Richard. La problématique de l’accueil des demandeurs d’asile doit s’exonérer de toute posture partisane, car elle constitue un élément fondamental de notre vivre ensemble et conditionne notre capacité à le créer.
Nous sommes tous conscients des défauts qui nuisent à la qualité de cette politique publique et je crois que nous partageons, monsieur le ministre, le diagnostic que vous avez fait, ainsi que notre rapporteure.
Notre dispositif d’accueil traverse une crise caractérisée par un allongement inquiétant des délais et des coûts budgétaires croissants. Cette situation nuit d’abord aux victimes, qui ont un réel besoin de protection, et met à rude épreuve les personnels des préfectures, les travailleurs sociaux des plateformes d’accueil, ainsi que les hommes et les femmes travaillant au sein de l’ensemble des opérateurs de l’État, notamment les responsables des structures d’hébergement d’urgence.
Face à ce constat très inquiétant, qui fait suite à un rapport que j’avais réalisé avec Danièle Hoffman-Rispal sur l’hébergement d’urgence, nous avons plaidé avec Jeanine Dubié, dans un rapport remis en avril dernier au sein du CEC, pour une réforme d’ensemble de la politique d’accueil des demandeurs d’asile, alliant respect des droits et performance de l’action publique. Je tiens d’ailleurs à saluer l’ensemble de nos collègues présents lors des nombreuses auditions menées dans ce cadre.
L’objectif de ce rapport était de fournir à l’Assemblée nationale un travail d’évaluation et de proposition en vue de la présente discussion. Aussi ne puis-je qu’approuver l’initiative de cette réforme et ses principaux axes que sont l’amélioration de la protection des personnes qui en ont réellement besoin et le fait de permettre plus facilement au dispositif d’écarter plus rapidement la demande d’asile infondée.
Un certain nombre de nos propositions se retrouve dans ce texte, notamment la « familialisation » de l’ATA ou la généralisation du caractère suspensif du recours devant la CNDA.
Je défendrai en commission l’instauration d’un lieu unique d’accueil des demandeurs d’asile, réunissant le service d’immigration et d’intégration, la direction territoriale de l’OFII ainsi que les associations d’aide et de soutien aux demandeurs d’asile présentes localement.
Par ailleurs, nous avions proposé dans le rapport d’instaurer une carte informatisée comportant l’ensemble des informations relatives à la situation du demandeur d’asile, parmi lesquelles l’actualisation de son droit au séjour sur le territoire. Cette mesure ne permettrait-elle pas d'accélérer et de moderniser le traitement des dossiers par les préfectures ?
En outre, les critères sur lesquels se fondera la notion de vulnérabilité devront être précisés dans le contexte de la protection internationale. Ne pourrait-on étudier la possibilité de mettre en place des systèmes de visioconférence pour les territoires ultra-marins ?
Enfin, j’espère que nous aurons un débat républicain sur l’interdiction faite aux demandeurs d’asile de travailler et la situation réelle du retour des déboutés.
M. Jacques Valax. Monsieur le ministre, vous avez parlé de dignité et de respect et vous avez rappelé les valeurs de la République. Sachez que je suis sensible à vos propos, qui étaient empreints d’un très grand humanisme.
Comme vous, je suis très attentif aussi aux progrès que nous devons apporter à la protection des personnes qui sollicitent l’asile. Les objectifs de ce texte sont clairs : simplifier le parcours, réduire le délai de traitement des demandes et améliorer l’accueil des demandeurs d’asile. Pour autant, je souhaite que le travail parlementaire permette des avancées substantielles.
Notre système d’asile est en crise. Ses dysfonctionnements sont connus et dénoncés depuis longtemps par les associations : peu de moyens, des délais de traitement excessifs et des places d’hébergement insuffisantes. En outre, trois directives européennes, que nous devons transposer, nous amènent à faire évoluer la situation des demandeurs d’asile dans notre pays. Plusieurs condamnations de la France ont imposé en effet certaines améliorations qui figurent dans le projet de loi : la suppression de l’obligation de domiciliation ; une meilleure définition des pays sûrs ; des délais d’enregistrement des demandes à la préfecture plus rapides ; un entretien individuel systématique, avec la possibilité d’être assisté devant l’OFPRA par une association ou un avocat ; un recours suspensif devant la CNDA ; un même accès aux conditions matérielles d’accueil pour tous les demandeurs d’asile ; le droit à la réunification familiale pour les personnes protégées.
Je souhaite, à ce stade, saluer le travail de notre rapporteure et de la responsable du groupe socialiste, qui permet au groupe de présenter des amendements importants destinés à conforter les objectifs du texte en allant plus loin ou en corrigeant des oublis, des dispositions peu claires voire disproportionnées par rapport à la situation.
Une des mesures les plus critiquées par les associations est l’hébergement directif. La réflexion des députés permettra, je l’espère, de l’assouplir par une prise en compte de la situation personnelle du demandeur via le recueil de ses observations avant la décision d’orientation et par l’inscription, dans le texte, de l’hypothèse où il n’a pas besoin d’être hébergé parce qu’il l’est déjà par la famille, par des tiers ou par ses propres soins.
J’espère également que nous supprimerons la mesure de clôture de l’examen du dossier lorsque le demandeur quitte l’hébergement sans autorisation – car elle est quelque peu disproportionnée – ainsi que l’obligation de solliciter une autorisation pour pouvoir s’absenter de l’hébergement assigné. Quant au recours suspensif contre les décisions de transfert par les demandeurs concernés par la procédure Dublin, il devrait pouvoir être formé dans les 30 jours, au lieu des 7 prévus par le texte, car la brièveté de ce délai limite la portée de cette nécessaire avancée.
Ensuite, les socialistes souhaitent inscrire dans la loi l’accès des enfants mineurs au système éducatif et l’accès des demandeurs à la formation professionnelle. Enfin, il leur a semblé important de définir l’état de vulnérabilité par une référence à l’article 21 de la directive « accueil », qui dresse une liste non exhaustive des catégories de personnes vulnérables, et de prendre en compte, dans la réunification, les couples en union civile et non mariés.
Ce texte implique donc une réforme globale du système, sans stigmatisation ni manichéisme. Je suis un peu choqué par les propos de M. Ciotti qui distingue ceux qui mériteraient le droit d’asile de ceux qui ne le mériteraient pas, à partir de critères sur lesquels je ne reviens pas. Mais sa référence aux chrétiens d’Erbil me pose incontestablement un problème, car je ne crois pas que ce soit au travers de ce prisme qu’il faille aborder la question.
Les débats, je n’en doute pas, pourront être vifs. J’espère qu’ils seront intéressants. Je souhaite en tout cas qu’ils soient frappés du sceau des valeurs de respect, de tolérance et de dignité qui sont les fondements de notre République.
M. Jacques Bompard. Le droit d’asile ne posait pas de problèmes en France tant que le nombre des bénéficiaires était limité. Mais aujourd’hui, la demande a considérablement augmenté.
Bien entendu, je ne contesterai pas le droit des réfugiés et le devoir qu’à la France envers ceux-ci. Mais je suis chagriné par le fait qu’on évoque constamment des droits, et jamais des devoirs. Or dans notre République, ce sont les devoirs qui fondent les droits et, sans devoirs, il n’y a pas de droits. Je conteste cet oubli, d’autant que la redistribution sociale est très importante en France, surtout par rapport à d’autres pays. Cela peut fausser le dossier.
Ma question porte sur les choix géopolitiques de notre pays et leur lien avec la procédure d’asile. Si j’en crois les chiffres donnés par les services FRONTEX pour 2014, le nombre des franchissements irréguliers des frontières européennes a explosé : plus 113 % depuis le Proche-Orient, plus 261 % depuis la mer Noire, plus 272 % depuis la Tunisie et la Libye.
Quelle est la nationalité la plus représentée ? Les Syriens. Qui sont les principaux mafieux qui commercent du matériau humain ? Les anciennes tribus alliées de la France en Libye. Qui a lancé un nouvel esclavage au cœur de l’Europe ? Les mafias albanaises que nous fûmes trop heureux de soutenir pour attenter à la nature la plus profonde de la civilisation européenne.
Or, à aucun moment votre rapport n’établit ce lien évident entre le délitement de notre politique extérieure et son alignement systématique sur les puissances mondialistes et l’explosion des demandes d’asile, qui mettent en péril ce qui est en effet une belle et ancienne tradition française. Alors, le commerçant d’Alep pourra remercier le Gouvernement quand il se rendra à Paris pour rebâtir la vie qu’il avait en Syrie, le chrétien irakien de Qaraqosh quand il ira dans une banlieue mal desservie alors qu’il avait un métier dans la plaine de Ninive, et la femme libyenne quand elle devra recourir aux couvertures médicales – certes gratuites – pour soigner les maux qu’elle subit de la part de ses passeurs.
Aussi ma question est-elle simple : à quand un travail conjoint du ministre de l’Intérieur et de celui des Affaires étrangères pour éviter à la France les conséquences systématiques de son alignement atlantiste, à savoir la destruction de l’image de notre pays et l’exaspération des Français ?
M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, nous sommes d’accord sur les objectifs poursuivis par ce texte. Nous aussi, nous voulons préserver la tradition d’accueil des combattants de la liberté. Il n’y a pas, d’un côté, les bons républicains, généreux, ouverts, vertueux, détenant le vrai, le bon, le juste et, de l’autre, les affreux – nous – qui serions nécessairement dans la restriction, prêts à combattre la veuve et l’orphelin. Dépassons tout cela : nous poursuivons les mêmes objectifs que vous de préservation de la tradition française du droit d’asile.
De même, nous pensons nécessaire et souhaitable d’accélérer le traitement des demandes en renforçant les moyens et les modalités d’organisation de l’OFPRA et de la CNDA. Vous vous inscrivez d’ailleurs, sur ce point, dans la continuité des efforts des six ou sept années précédentes. La création de la CNDA, en 2007, a eu en effet comme objectif de professionnaliser feue la Commission de recours des réfugiés qui était une instance aimable, composée de membres honoraires du Conseil d’État et de la Cour de cassation, qui se réunissait parfois pour traiter de ces questions, mais qui le faisait à un rythme quelque peu incertain.
Après ces deux points d’accord, il y a tout de même quelques points de désaccord, qui portent sur les modalités de cette réforme. J’en reprendrai trois.
En premier lieu, nous nous inquiétons de la généralisation des recours suspensifs, y compris en cas de procédure dite accélérée – autrefois appelée « prioritaire ». Même si tel n’est pas son objet, cette généralisation aura pour effet d’allonger les procédures.
Autrefois, dans le cadre d’une procédure prioritaire, le recours n’était pas suspensif, et l’administration avait donc la faculté – même si elle y parvenait rarement – d’éloigner le demandeur d’asile débouté. Ce ne sera plus le cas. Nous allons donc rentrer dans un cercle sans fin de rejets, de demandes en réexamen et de recours suspensifs.
En outre, et à moins que vous ne m’apportiez la preuve technique du contraire, une telle mesure videra de sa substance le principe même des pays d’origine sûrs. En effet, qu’on soit originaire d’un pays d’origine sûr, ou pas, le même régime procédural s’appliquera. La liste des pays d’origine sûrs est déjà réduite à la portion congrue, sous l’effet d’une jurisprudence assez « créative » du Conseil d’État – qui, dans sa sagesse, en a récemment retiré le Kosovo. Je ne comprends vraiment pas pourquoi la généralisation des recours suspensifs a été proposée avec autant de vigueur dans ce texte.
En deuxième lieu, l’articulation entre ce texte et la pratique administrative – d’ailleurs non définie par la loi, mais par la circulaire que le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a prise à la fin de l’année 2012 et qui est encore appliquée aujourd’hui – nous pose problème.
L’augmentation du nombre des régularisations est un fait technique : il y en avait 23 294 en 2012, ce qui était déjà conséquent ; il y en a eu 35 270 en 2013, soit une augmentation de 51,4 %. On voit bien qu’à mesure de l’augmentation du nombre de régularisations, on offre aux déboutés du droit d’asile la perspective d’entrer dans la légalité. Et comme l’a excellemment démontré tout à l’heure Éric Ciotti, on réduit de facto, voire de jure, la différence entre le réfugié et le débouté. En conséquence, s’il suffit de faire une demande d’asile pour être, in fine, via la régularisation, admis au séjour en France, on crée, même si on ne le souhaite pas ab initio, une filière d’immigration clandestine évoluant vers une filière d’immigration régularisée, et donc vers une augmentation des flux.
Notre troisième et dernier sujet de désaccord porte sur le traitement des déboutés. Je pense en effet qu’il faudrait retravailler la question afin d’écrire un jour en droit européen et en droit français que le rejet d’une demande d’asile entraîne quasiment automatiquement le retour dans le pays d’origine, et donc l’interdiction de présenter une demande de séjour d’un autre chef que celui de la demande d’asile pour laquelle une décision de rejet a été prise. C’est absolument nécessaire, si l’on veut prendre le droit d’asile au sérieux tout en continuant à lutter contre l’immigration clandestine. Si nous n’évoluons pas dans cette direction, je crains qu’en 2017, au moment où les Français décideront, ou non, de « renouveler votre bail », le chiffre des demandes d’asile ne dépasse très largement 90 000 ou 100 000 par an. Car c’est bien dans cette direction, hélas, que vous nous emmenez.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Deux offices, l’OFII et l’OFPRA, sont amenés à jouer un rôle important dans le projet de loi que vous présentez. Or ils sont actuellement en cours de réforme. Pourriez-vous donc nous expliquer, monsieur le ministre, en quoi la transformation de ces offices va rendre plus efficace votre projet de loi ?
Mme Nathalie Appéré. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l’article 19 du projet de loi, qui prévoit notamment de renvoyer à un décret en Conseil d’État les modalités d’élaboration du schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile, qui est à notre sens un pilier indispensable de la réussite de cette réforme ambitieuse, de l’efficacité de laquelle nous ne doutons pas.
Ma première question est proche de celle posée tout à l’heure par Mme la rapporteure. Êtes-vous favorable, monsieur le ministre, à ce que l’on associe les collectivités territoriales à l’élaboration de la déclinaison régionale de ce schéma, afin de mieux prendre en compte les particularités locales ? Je considère que, de ce point de vue, l’amendement qui vise à recueillir l’avis de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) sur les schémas régionaux va dans le bon sens. En effet, si les schémas régionaux ne faisaient que constater l’inégale répartition des structures d’hébergement et des structures d’accompagnement, nous serions condamnés à reproduire sur le territoire la concentration et la saturation que nous déplorons aujourd’hui. Il convient donc que les collectivités, notamment celles qui sont délégataires des aides à la pierre, soient parties prenantes dans la mise en œuvre de cette meilleure répartition de l’hébergement des demandeurs d’asile sur le territoire.
Ma deuxième question concerne les conditions et les délais d’enregistrement des demandes d’asile. Un guichet unique réunira les services préfectoraux et l’OFII, afin de simplifier la démarche et d’accélérer la procédure d’examen de la demande. On ne peut que s’en réjouir.
Monsieur le ministre, depuis la réforme de la régionalisation et les effets d’engorgement qui s’en sont suivis dans certains chefs lieu de région, seul le représentant de l’État dans la région a de fait compétence en matière d’enregistrement des demandes d’asile. Afin d’éviter la saturation de ces guichets uniques régionaux, ne pourrait-on pas mener des expérimentations en créant des guichets secondaires d’enregistrement, qui permettraient de mieux tenir compte des effectifs disponibles au regard des missions assumées dans les services déconcentrés de l’État, et de la réorganisation des services préfectoraux que vous prônez par ailleurs ? Y seriez-vous favorable ?
M. Denys Robiliard. Monsieur le ministre, je me félicite que, dans vos propos liminaires, vous ayez rappelé que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que les Constitutions de 1793 et 1946 ont établi la dimension républicaine du droit d’asile. C’est à partir de là que nous pourrons travailler ensemble sur votre projet de loi.
Je tiens d’emblée à souligner que la notion de « droit au maintien sur le territoire », certes appliqué seulement pendant le temps nécessaire à l’examen complet de la demande d’asile, n’est pas équivalente à celle de « droit au séjour ». Elle ne recouvre pas en effet la notion d’accueil.
Vous souhaitez ensuite raccourcir les délais d’examen de la demande, et nous ne pouvons qu’approuver cet objectif. Quelques goulets d’étranglement subsistent néanmoins et sont à peine évoqués dans le projet, ou renvoyés à un décret. C’est plus particulièrement le cas de la domiciliation.
La question empoisonne nos débats depuis le début de cette mandature. Plusieurs amendements la concernant ont même été déposés à l’occasion de différents textes. Ne pourrait-on pas essayer de la régler dès à présent, à l’occasion de ce projet loi ? Les associations le souhaitent.
Mme la rapporteure a par ailleurs proposé que l’on inscrive dans la loi les délais d’enregistrement prévus par la directive. Cela constituerait, sinon la création d’un droit, du moins un engagement politique fort.
Au cours de l’entretien devant l’agent de l’OFPRA, le demandeur peut être assisté par un avocat ou un représentant d’une association de défense. C’est un point important, conforme à la directive. On peut toutefois s’interroger sur le rôle de la personne qui accompagnera le demandeur. Le texte prévoit qu’elle pourra prendre des notes – ce dont on ne pouvait pas douter – mais qu’elle ne pourra faire des observations ou poser des questions qu’à la fin de l’entretien.
Comparaison n’est pas raison. Et évidemment, on n’est pas dans le cadre d’une garde à vue. Mais force est de constater que les modalités retenues relèvent davantage de l’article 63-4-3 du code de procédure pénale qui régit la garde à vue, que de son article 120 relatif à la comparution devant le juge d’instruction. En effet, devant le juge d’instruction, l’avocat peut intervenir à tout moment – bien sûr sous le contrôle du juge. Il me semble qu’on devrait essayer d’assouplir le dispositif.
Je terminerai par l’article 15. Il est légitime, pour la France, de vouloir régler les conditions dans lesquelles elle accueille les demandeurs d’asile par la mise en place d’un dispositif national d’accueil. Le terme d’ « accueil » a d’ailleurs son importance, dans la mesure où il prouve que l’on s’inscrit dans une double logique d’hébergement et d’accompagnement, et pas simplement d’hébergement.
Selon moi, l’affectation dirigée a du sens. Cela étant, encore une fois, ne faudrait-il pas introduire une certaine souplesse ? Par exemple, j’ai constaté que vous teniez à conserver un lien entre l’allocation (ATA aujourd’hui, et ADA demain) et l’hébergement proposé. Mais si une personne préfère être hébergée ailleurs par un membre de sa famille ou un ami proche, pourquoi lui ôter le bénéfice de l’allocation ? Elle peut avoir la possibilité d’être hébergée ailleurs, sans avoir pour autant les moyens de vivre.
Mme Jeanine Dubié. Merci, monsieur le président, d’avoir bien voulu m’accueillir temporairement dans votre Commission. Merci, monsieur le ministre, pour votre présentation. Merci, madame la rapporteure, pour votre investissement et pour l’oreille attentive que vous avez prêtée à notre groupe.
Le droit d’asile est un principe fondateur de notre République, et il est en effet nécessaire de le garantir. Malheureusement, notre système d’accueil est aujourd’hui à bout de souffle et ne nous permet pas d’accueillir dignement les demandeurs d’asile. C’est donc avec beaucoup de satisfaction que nous notons votre volonté de le réformer et de lui redonner du sens. Le groupe RRDP que je représente est assez satisfait du texte que vous proposez. Nous essaierons de l’améliorer encore par un certain nombre d’amendements.
Repenser le droit d’asile, c’est non seulement répondre à l’afflux des demandeurs d’asile, mais aussi s’adapter à leurs nouvelles caractéristiques. Alors qu’hier, la demande d’asile était presque toujours le fait d’un homme isolé, aujourd’hui, la proportion de demandeurs d’asile arrivant en famille avec conjoint et enfants a beaucoup augmenté. Nous sommes donc favorables à la « familialisation » de l’ATA.
Repenser le droit d’asile, c’est également rendre plus efficaces les procédures d’examen des demandes d’asile en raccourcissant les délais à chaque stade de la procédure. C’est aussi rendre la procédure d’accueil plus efficace et plus respectueuse de la dignité humaine. Nous sommes donc favorables à la généralisation, à terme, de l’accueil en CADA ou en HUDA (hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile), assorti d’un accompagnement social, juridique et administratif.
Pour aller toujours plus loin dans cette qualité d’accueil, les radicaux de gauche tiennent à ce que l’on donne aux personnes concernées la capacité de subvenir à leurs besoins, ce qui va dans le sens du respect de leur dignité. Nous souhaiterions donc que lors du débat, nous puissions examiner la possibilité, pour les demandeurs d’asile, d’accéder immédiatement au marché du travail – même si je sais les difficultés que cela peut poser.
Enfin, pour pérenniser le droit d’asile en France, nous avons la responsabilité de mettre en place une véritable politique d’accompagnement au retour. Nous devons donc nous assurer que les personnes déboutées du droit d’asile ne seront pas maintenues en situation irrégulière sur notre territoire, et que tous les dispositifs de retour dans le pays d’origine seront mis en œuvre dans les conditions prévues par la loi. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter quelques éclairages en la matière ?
Pour conclure, il est important de rappeler que la réforme du droit d’asile ne peut pas se faire sans une vision européenne. D’où ma dernière question sur la liste des pays d’origine sûrs qui, jusqu’à présent, est établie par chacun des États membres. N’est-il pas possible de travailler à une liste commune à l’ensemble des pays de l’Union européenne ?
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame la députée, vous êtes la bienvenue dans cette Commission, même en dehors de l’étude de ce texte…
Mme Maud Olivier. Je suis moi aussi « de passage », monsieur le président, et je vous remercie d’avoir bien voulu m’accepter dans cette Commission.
Monsieur le ministre, dans le sillage des travaux de ce projet de loi, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a eu la volonté constante de promouvoir une approche intégrée de l’égalité dans l’ensemble des politiques publiques. Voilà pourquoi elle a souhaité être saisie de ce projet de loi.
La réforme proposée offre en effet l’occasion de réinterroger les pratiques et les procédures actuelles sous ce prisme, à commencer par les conditions d’octroi de l’asile, compte tenu de la nécessité de protéger les femmes menacées de persécutions et de violences de genre – mutilations génitales féminines, mariages ou avortements forcés, lapidations, violences domestiques sans possibilité de recours, viol, esclavage, traite, craintes liées à l’orientation sexuelle, à des comportements transgressifs par rapport à des normes sociales, au militantisme pour les droits des femmes, etc. – et de l’existence de persécutions liées à l’orientation sexuelle ou à des politiques coercitives de planification familiale – dont peuvent d’ailleurs être également victimes les hommes.
Il en va de même de l’accueil des demandeuses, par exemple en termes d’hébergement, et de la procédure d’examen. La situation des mères et de leurs enfants, mais aussi celles des femmes isolées et vulnérables – en raison du risque d’exploitation par des réseaux de prostitution ou en raison des violences qu’elles ont subies – doit faire l’objet d’une attention particulière. Cela implique d’améliorer le système actuel sur plusieurs points.
La délégation a dès lors concentré ses travaux sur les articles du projet de loi les plus directement en lien avec les problématiques de genre. Ceux-ci concernent les actes et motifs de persécution (article 2), les pays d’origine sûrs (article 6), les modalités d’examen de la demande d’asile (article 7), les conditions d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile (article 15) ainsi que la protection des mineurs filles et garçons et des personnes vulnérables (article 19).
La délégation aux droits des femmes a fait seize recommandations qui portent sur les conditions d’octroi de l’asile, la procédure d’examen et les conditions d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile. Elle proposera donc un certain nombre d’amendements.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le ministre, je vous remercie des mots que vous avez su trouver pour saluer la tradition républicaine française en matière d’asile. C’est une tradition très vivace, y compris dans notre monde juridique et judiciaire, en raison des aléas que nous avons connus dans l’histoire, et peut-être aussi en raison de notre géographie. Je souligne par ailleurs que notre pays a été en première ligne dans la création du HCR après la Deuxième Guerre mondiale.
On trouve un écho de cette tradition très vivace dans le débat de 1993, lorsque l’on a voulu entièrement « schengenniser » l’octroi de l’asile et que le Président Mitterrand a dû rappeler fermement que la Constitution française permettait toujours de donner l’asile. La Constitution est supérieure aux traités et donc à la Convention de Genève que nous révérons tous. C’est la raison pour laquelle je crois que la notion de « combattant de la liberté » qui apparaît rapidement dans le texte ne doit pas être dénaturée.
Cela étant, la masse des demandes d’asile qui nous sont faites est traitée par l’OFPRA et la CNDA. C’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui. Alors que nous avons l’obligation de transposer dans notre droit trois directives, nous devons nous adapter à un contexte difficile. Il nous faut aiguiller les demandeurs d’asile au bon endroit, au bon moment et pour la bonne cause.
Au bon endroit : tout le système de l’hébergement est revu de manière très positive, ainsi que l’ont souligné nombre de nos collègues.
Au bon moment : je crois que nous avons bien progressé en affirmant plus clairement la différence entre les droits attachés à la demande d’asile à la frontière, et la demande d’asile de droit commun.
Pour la bonne cause – c’est le plus difficile : nous séparons la demande d’asile qui devrait avoir des chances normales de prospérer, eu égard à un certain nombre d’éléments, de la demande d’asile qui n’a pas une telle vocation – quand elle ne constitue pas un détournement de procédure. À ce propos, je tiens à signaler à notre collègue Larrivé que tous les gouvernements se sont trouvés devant des problèmes liés à l’engorgement des demandes d’asile, soit qu’ils n’aient pas traité la question de l’accueil, soit que les aléas internationaux aient provoqué une augmentation des arrivées. La vérité est que nous sommes aujourd’hui au fond de l’entonnoir, et que nous payons le prix de politiques qui n’ont peut-être pas toujours été menées aussi énergiquement qu’elles auraient pu l’être, notamment en matière d’accueil.
Par ailleurs, les directives nous invitent à poser un regard neuf sur notre droit et nos procédures. J’observe néanmoins que notre système a une valeur réelle dans un pays démocratique : l’OFPRA a prouvé qu’il savait se réformer utilement ; la CNDA est la seule juridiction française à intégrer un membre désigné par une organisation internationale (le membre du HCR) ; le Conseil d’État a depuis de longues années une jurisprudence très protectrice en matière de droits des étrangers, au point de se trouver en phase avec les directives – qu’ il a d’ailleurs parfois précédées, si ce n’est inspirées.
Pourquoi ces remarques ? Pour dire que la crise de l’asile est à la fois réelle et relative : réelle, dans la mesure où il existe bien un engorgement, quelles qu’en soient d’ailleurs les causes, multiples, diverses et variables dans le temps ; relative, dans la mesure où la France n’est pas le premier pays d’Europe à recevoir des demandeurs d’asile. De la même façon, l’Europe n’est pas le premier continent ni la première union régionale à le faire. Il faut donc relativiser les choses et garder notre sang-froid en votant un texte qui comporte toutes les dispositions législatives utiles, mais rien que les dispositions législatives utiles, en se gardant de celles qui seraient inutiles ou « proclamatoires ». Mais naturellement, nous devrons nous assurer que le dispositif matériel qui accompagnera la loi sera sécurisé et restera stable dans le temps.
M. le ministre. Mesdames et messieurs les députés, je vais essayer de répondre à toutes vos questions, au moins de façon succincte.
Madame Mazetier, vous m’avez interrogé sur les moyens d’associer les élus nationaux à l’élaboration des schémas d’hébergement d’urgence. Je peux vous préciser que le schéma sera transmis au Parlement pour examen, avant d’être adopté par ailleurs au plan local. Le préfet devra veiller à associer les élus locaux ; il recevra de ma part des directives très fortes en ce sens.
Vous m’avez également interrogé sur l’homogénéisation des conditions d’assistance en CADA et en hébergement d’urgence. Le Gouvernement a déposé un amendement, pour confirmer que les demandeurs pourraient faire l’objet d’un accompagnement social et juridique, quel que soit le statut de leur lieu d’hébergement dans le système d’asile, que ce soit en CADA ou en HUDA. Cet amendement devrait parfaitement répondre à la préoccupation que vous avez exprimée.
Madame Crozon, vous avez soulevé la question de l’hébergement directif. C’est une question sensible, à propos de laquelle M. Robiliard m’a aussi interpellé. Je voudrais apporter quelques éléments de réponse qui seront bien évidemment développés dans le cadre du débat que nous allons mener dans les semaines à venir.
Le principe est extrêmement simple. C’est à l’autorité administrative de procéder à l’hébergement directif. En l’occurrence, dans le cadre du système de guichet unique que nous mettons en place, c’est l’OFII qui dirigera le demandeur d’asile vers un centre d’hébergement « adapté à ses besoins ». J’insiste sur cette précision. En effet, il va de soi que l’office ne saurait fournir un hébergement qui ne correspondrait pas à la composition de la famille du demandeur d’asile ou à son état de vulnérabilité.
Le projet de loi offre des garanties nouvelles : un diagnostic des vulnérabilités sera effectué par l’OFII, qui devra en tenir en compte dans l’attribution de l’hébergement. Ainsi, un demandeur d’asile en situation de handicap, par exemple, devra être orienté vers un CADA à même de le recevoir. C’est normal, compte tenu de notre préoccupation d’assurer aux demandeurs d’asile un accueil de qualité. Je précise que cette orientation devra être rapide. Il s’agit d’éviter que le demandeur d’asile ne demeure de longs mois en hébergement d’urgence en attente d’une orientation.
Ces garanties pourront être explicitées pendant le débat en séance publique. Je voudrais toutefois insister sur un point : il ne faudrait pas que de trop nombreuses dérogations alourdissent le travail de l’OFII, ou que des systèmes complexes de notification finissent par allonger la procédure. Cela risquerait de nuire à l’efficacité de notre dispositif, et de vider le texte de son objet.
Vous avez ensuite abordé un autre sujet tout aussi sensible, le droit au travail des demandeurs d’asile. Ma réponse sera claire et sans ambiguïté.
La réforme que je présente vise à réduire les délais d’instruction de la demande d’asile. C’est la condition d’un traitement plus humain pour ceux qui, dans notre pays, demandent l’asile, et tous ceux qui font cette démarche ont le droit d’obtenir une réponse rapide de la République. Nous nous engageons à fournir cette réponse dans un délai de neuf mois – contre 24 aujourd’hui.
Nous nous engageons ensuite à fournir au demandeur d’asile une allocation et un hébergement, dans le cadre prévu par l’article 15 du projet de loi. Les directives applicables prévoient par ailleurs que si nous tardons trop à répondre à la demande d’asile, c’est-à-dire au bout d’un délai de neuf mois, le demandeur pourra se voir reconnaître un droit au travail. Bien évidemment, nous transposerons cette disposition. Pour autant, je ne suis pas du tout favorable à ce que l’on étende davantage ce droit au travail pour les demandeurs d’asile. En effet, cela entraînerait une confusion entre la situation des demandeurs d’asile et celle des réfugiés politiques. En outre, cela pourrait entraîner un afflux de demandeurs d’asile motivés autant par l’accès au travail que par l’accès à une protection. Notre système est déjà saturé et ne pourrait supporter une telle hausse de demandes. Si nous voulons accélérer les délais de traitement et optimiser l’accueil des demandeurs d’asile, nous devons faire en sorte de ne pas créer les conditions d’une « embolisation » supplémentaire, qui rendrait le projet de loi inopérant.
Monsieur le député Ciotti, votre intervention abordait plusieurs points qui appellent des réponses précises.
D’abord, comme l’a dit M. Larrivé il n’y a pas, d’un côté, des personnes généreuses et, de l’autre, des méchants. Mais on peut retourner le raisonnement : il n’y a pas non plus d’un côté des personnes irresponsables, et de l’autre des gens raisonnables. Pour que nul ne descende à l’arrêt « Naïveté » et afin que tout le monde descende à l’arrêt « République », il faut que nous arrivions à engager un dialogue dépassant les clivages et à faire en sorte que les vraies réponses soient apportées aux vrais problèmes.
Vous avez d’ailleurs soulevé quelques vrais problèmes, auxquels vous n’avez pas toujours été en situation d’apporter de vraies réponses lorsque vous étiez aux responsabilités. Prenons l’exemple très concret de l’immigration irrégulière, dont le développement risque de ruiner les efforts légitimes que nous souhaitons entreprendre en faveur de l’asile.
L’immigration irrégulière, et notamment celle qui se cache derrière le droit d’asile, a beaucoup augmenté entre 2007 et 2012. Mais depuis 2012, la lutte contre cette immigration irrégulière a porté ses fruits. Entre 2012 et 2013, le nombre de filières d’immigration clandestine qui ont été démantelées a augmenté de 30 %. La progression a été la même entre 2013 et 2014. Depuis le début de l’année 2014, 198 filières d’immigration irrégulière ont été démantelées en France. Je pense que vous connaissez les chiffres de la période précédente. Je suis prêt à faire avec vous la comparaison dans la plus grande transparence. Je pense que cette comparaison sera de nature à vous rassurer sur notre volonté de faire en sorte qu’il y ait plus d’asile et moins d’immigration irrégulière.
Vous soulevez par ailleurs un argument, qui mérite d’être pris en considération : l’asile n’est pas soutenable si, après que les personnes ont été déboutées, elles restent sur notre territoire. J’ajouterai qu’il est d’autant plus difficile de procéder à la reconduite à la frontière des déboutés que le temps d’examen de leur demande a été long.
Je répondrai en deux points.
Premièrement, si l’on veut qu’une politique de l’asile soit soutenable, et donc que l’asile ait un sens, il faut que le temps d’examen des dossiers soit suffisamment court pour que l’éventuelle reconduite à la frontière des personnes déboutées se passe de la façon la moins inhumaine possible. Voilà pourquoi nous avons fixé à neuf mois le délai d’instruction des dossiers, alors qu’il est aujourd’hui de 24 mois.
Deuxièmement, il y a deux textes : celui relatif à l’asile, que nous examinons aujourd’hui, et celui relatif au droit au séjour, dont nous discuterons dans la foulée. C’est dans ce second projet que les dispositions dont vous parlez seront présentées. Je suis d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il faut faire preuve d’une parfaite rigueur intellectuelle. Mais quand vous déplorez que ces mesures ne figurent pas dans ce premier texte, alors même que vous savez qu’elles figurent dans le second, je m’interroge.
En tout état de cause, vous pouvez être totalement rassuré : ces deux projets réalisent un équilibre parfait susceptible de répondre à vos préoccupations.
Enfin, je me propose de vous fournir des chiffres extrêmement précis, au moment du débat en séance publique, sur les reconduites à la frontière au cours des années. Cela nous évitera de commettre des erreurs de parallaxe, qui seraient fonction de l’endroit de l’hémicycle où l’on se trouve.
Monsieur Goujon, vous m’avez posé également des questions très importantes. Je vous répondrai d’abord que c’est l’État, via l’OFII, qui financera le transport des demandeurs d’asile, de leur lieu d’hébergement jusqu’à d’autres points du territoire.
Ensuite, vous savez que le droit à la réunification familiale est issu de la Convention de Genève. Lorsqu’une personne est reconnue comme réfugié, cela signifie que son conjoint, s’il est resté dans le pays d’origine, peut être menacé. Sur ce point, le droit doit être conforté.
Enfin, je viens d’indiquer dans quel texte serait examinée la situation des personnes déboutées, que vous avez soulevée vous aussi. Mais nous pourrons bien évidemment en discuter lors du débat sur la réforme de l’asile.
Par ailleurs, pour rendre plus efficace le transfert sous procédure Dublin, le projet de loi prévoit que dès le début de la procédure, le demandeur d’asile concerné sera assigné à résidence. Mme Mazetier souhaite que ce délai soit étendu à 6 mois renouvelables, ce qui renforcerait l’efficacité de ce dispositif. Une telle proposition a les faveurs du Gouvernement.
Monsieur Richard, vous vous êtes exprimé à propos des vulnérabilités, sujet sur lequel vous vous êtes penchés, Mme Dubié et vous-même, à l’occasion de votre rapport d’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile. J’en profite pour saluer votre travail, ainsi que celui de M. Touraine et de Mme Létard. Ce projet de loi s’en inspire grandement.
Le texte soumis à votre examen fait obligation de procéder à une détection des demandeurs d’asile vulnérables. On entend par là les femmes enceintes, les mineurs étrangers isolés, les personnes handicapées, les femmes victimes de violences ou de traite des êtres humains, etc. Pour autant, il ne précise pas quelles sont les catégories de personnes vulnérables. Celles-ci figurent dans la directive, à laquelle ce texte renvoie. On pourrait considérer que c’est une lacune qui nuit à la compréhension. Je laisse votre commission apprécier s’il est opportun d’améliorer le texte sur ce point.
Sur le fond, c’est l’OFII qui sera chargé de la détection des vulnérabilités, qui ne relève pas du contenu de la demande d’asile, mais d’un simple constat objectif : femmes enceintes, personnes à mobilité réduite, troubles physiques ou psychologiques, etc. Ainsi, l’OFII pourra proposer des hébergements adaptés aux personnes vulnérables – par exemple, un hébergement permettant aux demandeurs d’asile souffrant de certaines pathologies de bénéficier d’un suivi médical.
L’OFPRA prendra bien entendu en compte toutes ces indications. Il devra également, au moment de l’examen de la demande d’asile, jouer un rôle dans la détection des vulnérabilités : celles qui sont liées au fond de la demande et qui apparaîtront dans le récit écrit ou lors de l’entretien à l’OFPRA. Cela pourra notamment concerner les victimes de torture, de différentes traites humaines, de persécutions pour des raisons d’orientation sexuelle ou liées aux violences faites aux femmes.
Enfin, monsieur Richard, nous travaillons à la mise en place de guichets uniques associant les services de la préfecture à ceux de l’OFII, de façon à rendre plus simples et plus rapides l’enregistrement de la demande et l’ouverture des droits. Ce volet administratif de la réforme est conduit en parallèle des travaux législatifs, de façon à la mettre en œuvre de façon concertée avec les acteurs que sont les associations. Les discussions ont d’ailleurs déjà bien commencé avec les personnels concernés.
Monsieur Larrivé, vous avez abordé toute une série de questions.
Selon vous, la généralisation du recours suspensif est de nature à détourner la loi de son objet, en rallongeant les délais que nous voulons par ailleurs raccourcir. Je ne crois pas que ce soit le cas, pour plusieurs raisons. D’abord, dans le calcul des différentes étapes à passer que j’ai détaillées dans ma présentation générale, l’effet du recours suspensif sur les délais a été pris en compte. Ensuite, le recours ne sera suspensif en matière de réexamen que pour le premier examen, uniquement s’il est recevable et si le demandeur évoque des moyens nouveaux.
Selon vous, les régularisations attireront davantage de demandeurs d’asile. Cette idée ne me paraît pas résister à l’épreuve des chiffres : en 2014, la demande d’asile, alors même que la circulaire avait déjà près de deux ans, a diminué en France d’environ 4 %, tandis qu’elle augmentait partout en Europe. Le nombre de demandeurs d’asile en France est de l’ordre de 60 000 par an, dont 40 000 environ seront rejetées. Je vous précise qu’en Allemagne, la demande d’asile atteint le double.
Par ailleurs, nous ne constatons pas l’existence d’un lien mécanique, même inverse, entre la circulaire et le nombre de demandeurs d’asile. Je comprends bien que ce soit ennuyeux, parce que cela trouble un discours très rôdé, que j’ai encore entendu dimanche sur Europe 1 par le truchement de celui qui fut, dans une autre vie, votre ministre. Mais cela ne correspond pas à la réalité, comme je le lui ai d’ailleurs fait remarquer à plusieurs reprises. Reste qu’il est très déterminé à dire ce qu’il veut – ce qui est d’ailleurs bien légitime dans le cadre d’un débat.
En dernier lieu, monsieur Larrivé, il ne paraît pas possible, en l’état du droit, d’envisager un dispositif selon lequel une décision de rejet de l’OFPRA ou de la CNDA vaudrait mécaniquement OQTF (obligation de quitter le territoire français). Il y a à cela trois raisons.
D’abord, ce serait un mélange des genres entre l’appréciation du bien-fondé d’une demande d’asile, qui relève exclusivement de l’OFPRA et – le cas échéant – de la CNDA, et l’appréciation du droit au séjour, qui relève de l’autorité préfectorale. Le dispositif envisagé ferait reposer sur l’institution et la juridiction concernées, à savoir l’OFPRA et la CNDA, une sorte de pression qui serait peu compatible avec leurs missions et les conditions de sérénité dans lesquelles elles doivent les remplir.
Le rejet d’une demande d’asile vaudrait mesure d’éloignement. L’éloignement, phase ultérieure éventuelle, ne relève pas des missions de l’OFPRA, ni de la CNDA, ni de la problématique spécifique quant à un besoin de protection. Il faut donc laisser l’OFPRA et la CNDA travailler en toute sérénité, laisser entre les mains du préfet la seconde phase du dispositif après que l’OFPRA et la CNDA se sont prononcées. Sinon, nous créerons une confusion très préjudiciable au bon fonctionnement de l’OFPRA et de la CNDA.
Ensuite, même si la demande d’asile a été finalement rejetée, la situation du demandeur a pu connaître des changements tels qu’il peut prétendre à un titre de séjour pour un autre motif. Ce n’est pas parce que le séjour a été refusé au titre de l’asile qu’il ne peut pas y avoir un droit au séjour à un autre titre : professionnel, familial, de santé, etc. Quel serait alors le fondement de cette OQTF, à peine prononcée et déjà illégale ? Accepter votre proposition, monsieur Larrivé, poserait des questions de droit incommensurables, propres à passionner les plus fins juristes de la République, mais aussi à embarrasser ceux qui sont chargés de résoudre le problème de l’asile en France. J’ai moi-même beaucoup d’intérêt et de passion pour le droit, mais j’ai aussi le souci de l’efficacité de l’action que j’essaie de conduire – deux préoccupations qui ne sont pas forcément compatibles. Je vous mets donc en garde.
Enfin, la législation sur l’éloignement votée en 2011 pour transposer la directive « retour » de 2008, et les principes de notre droit, imposent, en matière d’éloignement, à la fois une appréciation de chaque cas individuel et la prise d’un certain nombre de décisions.
Vous comprendrez donc que je sois très réservé sur la proposition que vous avancez, même si je considère tout à fait légitime que vous la versiez au débat.
Madame Chapdelaine, votre question sur la transformation de l’OFPRA et de l’OFII était simple et brève. Elle mérite une réponse précise.
Depuis 2013, et sous l’impulsion de son directeur général, Pascal Brice, l’OFPRA a engagé une réforme de grande ampleur dont certains parlementaires ont pu se rendre compte en allant sur place. Cette réforme a produit des résultats très significatifs. D’une part, grâce aux modifications apportées à la gestion de l’office, le nombre de dossiers traités a augmenté de 15 % en 2014, par rapport à la même période de 2013. D’autre part, le stock du nombre de dossiers en instance, qui n’avait cessé de croître entre 2007 et 2013, a commencé à baisser en 2014. Ce mouvement, qui ne s’était pas produit au cours de la période précédente, s’accélère. Il faut bien entendu aller au-delà. C’est la raison pour laquelle l’OFPRA sera doté de moyens supplémentaires – 55 emplois équivalents temps plein supplémentaires, dont 50 d’officiers de protection. Cela contribuera à réduire les délais.
De son côté, l’OFII a vu ses missions redéfinies, ses moyens redéployés, et un plan de formation très ambitieux mis en place pour ses personnels. Ceux-ci vont bénéficier de la réforme, avec un droit d’option à l’intégration dans les cadres d’emploi du ministère de l’Intérieur. Un management ambitieux, avec un plan d’accompagnement du changement dans la transparence, devrait permettre à l’OFII d’améliorer ses conditions d’exercice. Le passage de plusieurs interlocuteurs à un seul accélérera considérablement les procédures : aujourd’hui, il y a la préfecture, l’OFII, l’OFPRA, Pôle Emploi; demain, il y aura le guichet unique, source de simplification et de gains d’efficacité. Enfin, l’OFII sera le garant de l’intégrité du parcours du demandeur d’asile pendant son séjour – offre de prise en charge, accompagnement, information et gestion de l’ADA.
Madame Appéré, nous sommes disposés à associer les élus à l’élaboration des schémas d’hébergement, comme je l’ai dit tout à l’heure. Nous le ferons par deux biais : la transmission au Parlement et la mobilisation des élus locaux, qui seront sollicités par les préfets.
Par ailleurs, ce n’est pas en multipliant les bornes EURODAC qu’on limitera les concentrations sur certaines parties du territoire. C’est plutôt en mettant en place l’hébergement directif que l’on atteindra cet objectif. J’appelle à cet égard votre attention, comme celle de M. Valax, sur le fait qu’il ne faut pas multiplier les dérogations à la directivité de l’hébergement. On risquerait en effet de rendre totalement inefficace la loi que je soumets à votre débat et à votre approbation.
Monsieur Robiliard, je pense avoir déjà répondu sur la vulnérabilité et sur l’hébergement directif. Mais je vous répondrai sur la domiciliation.
Le système de domiciliation de droit commun ne serait pas adapté aux sujets que nous traitons ici, et cela pour deux raisons. Premièrement, cela ferait reposer une lourde charge sur les CCAS des grandes villes, celles où seront implantés les guichets uniques. Or c’est précisément contre les effets de la concentration que nous essayons de lutter. Deuxièmement, la situation du demandeur d’asile nécessite un suivi spécialisé. Cette domiciliation devra être effectuée immédiatement par le guichet unique dès lors que le demandeur d’asile n’est pas dirigé vers un CADA. La domiciliation de droit commun pourrait entraîner une complexité nouvelle dans la procédure en introduisant un acteur supplémentaire. Or tout l’enjeu de la réforme est de simplifier les procédures et de raccourcir les délais. Voilà pourquoi j’exprime une certaine réserve. Mais nous aurons l’occasion d’en discuter ensemble tout au long du débat.
Ensuite, la présence des conseils – avocat ou représentant d’une association – dans les entretiens organisés par l’OFPRA constitue une avancée fondamentale. C’est aussi un gage de transparence. Cette garantie nouvelle doit être mise en œuvre dans des conditions permettant la bonne tenue de l’entretien, notamment pour les officiers de protection, et dans l’intérêt même des demandeurs. Cela dit, nous devons avoir à l’esprit que la présence de conseils – un droit important que j’ai souhaité que l’on inscrive dans la loi – ne doit pas nous éloigner de notre objectif qui est de raccourcir les délais. S’il s’avérait qu’elle ne fait qu’alourdir et ralentir les procédures, nous n’aurions pas atteint notre but.
Madame Dubié, le dispositif des pays d’origine sûrs a donné lieu à de nombreux amendements, notamment de votre part, ce qui signifie qu’il suscite encore beaucoup d’inquiétudes et d’interrogations au sein de la représentation nationale. Je tiens néanmoins à vous rassurer. Le projet de loi propose certes de maintenir la liste des pays d’origine sûrs, qui déclenchera le traitement de la demande d’asile en procédure accélérée. Mais les personnes concernées auront désormais les mêmes droits que dans la procédure normale. En outre, l’OFPRA pourra décider à tout moment, en fonction d’éléments personnels, s’il y a lieu d’examiner le dossier selon la procédure normale.
Par ailleurs, les conditions et modalités d’inscription sur la liste des pays d’origine sûrs sont mieux précisées dans le projet de loi. Les critères énoncés dans la directive sont repris, la procédure de révision est simplifiée pour permettre au conseil d’administration de l’OFPRA d’adapter rapidement la liste aux évolutions géopolitiques. Je souhaite que ce dispositif soit maintenu, car il concourt à la réduction et à la maîtrise des délais de procédure. Le projet prévoit des garanties nouvelles. Nous pourrons toujours discuter d’éventuels ajustements. Mais nous devrons absolument veiller à ne pas allonger ces délais.
En dernier lieu, Mme Olivier m’a interrogé sur l’asile et les droits des femmes. Le projet de loi transpose les directives et, notamment, la directive « qualification » qui vise explicitement les persécutions liées au genre comme pouvant ouvrir droit à la protection. Il en est d’ailleurs de même pour les persécutions qui sont liées à l’orientation sexuelle.
La transposition de cette directive, qui est intégralement assurée par l’article 1er de ce projet de loi, permet de répondre à la plupart des questions qui ont été évoquées par Mme Olivier. En outre, dans la mesure où le projet de loi permet de mieux identifier les personnes vulnérables, les personnes les plus fragiles seront mieux protégées dans notre pays. J’attends de l’OFII et de l’OFPRA qu’ils jouent un rôle déterminant en la matière, afin que la France puisse se hisser au meilleur niveau européen.
D’ores et déjà, l’OFPRA accorde une grande importance aux persécutions que risquent de subir les enfants exposés à des mutilations sexuelles. Protéger les femmes victimes de la violence, de l’obscurantisme qui sévit sur bien des points du globe, tel est l’objet de ce projet de loi. La France doit être exemplaire en ce domaine, et vous pouvez compter sur ma totale détermination et mon plein et entier engagement. Ce projet de loi, qui a vocation à entrer dans le droit français, est là pour confirmer qu’un tel engagement n’est pas que verbal.
Voilà, monsieur le président, madame la rapporteure, mes réponses aux questions qui viennent d’être posées. Je n’ai pas pu répondre de façon exhaustive, mais nous n’en sommes qu’au début de la discussion et ces sujets pourront être abondamment traités dans les semaines qui viennent, à la faveur de nos débats.
La Commission en vient à l’examen des articles.
La Commission examine les articles du projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182) lors des séances du mardi 25 novembre 2014 et du mercredi 26 novembre 2014.
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux conditions d’octroi de l’asile
La Commission est saisie de l’amendement CL214 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Le ministre a exprimé son souhait de voir réservés les amendements relatifs à l’apatridie, afin d’en permettre un examen par ses services ; or la plupart, voire la totalité, de ces amendements ne font qu’expliciter le droit sans le modifier. Cela dit, j’accepte de retirer l’amendement pour avoir, sur ce sujet, un dialogue avec le Gouvernement en séance.
L’amendement est retiré.
Article 1er
(titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Intitulé du titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)
L’article 1er a pour objet de modifier l’intitulé du titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). De « Généralités », il deviendrait désormais : « Les conditions d’octroi de l’asile ». L’intitulé serait ainsi accordé au nouveau contenu du titre Ier, résultant des articles 2 à 4 du présent projet de loi qui concernent le statut de réfugié, la protection subsidiaire et les dispositions communes à l’un et à l’autre.
*
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La Commission adopte l’article 1er sans modification.
La Commission examine l’amendement CL79 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. L’amendement vise à inclure dans les motifs justifiant l’asile les persécutions qui frappent les personnes combattant en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Une telle disposition consacrerait la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) : en 2009, celle-ci a accordé le statut de réfugiée à une ressortissante du Bangladesh qui travaillait pour une organisation non gouvernementale (ONG), et était persécutée par des membres d’un mouvement religieux extrémiste pour avoir porté secours à une femme victime de violences conjugales.
Mme la rapporteure. Je souscris bien entendu à cet objectif, partagé également par les membres de la délégation aux droits des femmes ; toutefois, l’article L. 711-1 n’a pas pour objet de rappeler les différents motifs d’octroi de l’asile, mais de rappeler les fondements – conventionnels et constitutionnels – de celui-ci. En l’occurrence, le Préambule de la Constitution de 1946 dispose, dans son alinéa 4, que toute personne persécutée « en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la République ».
En n’ajoutant à cet alinéa qu’un seul motif d’octroi de l’asile, l’action en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’amendement risquerait d’exclure tous les autres motifs possibles. Je vous en suggère donc le retrait ; faute de quoi j’y serais défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CL199 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Le sexe et l’orientation de genre doivent être considérés comme des groupes sociaux relevant de l’asile conventionnel. Actuellement, de nombreuses femmes, persécutées en raison de leur sexe, ne bénéficient pas de l’asile mais seulement de la protection subsidiaire, d’un statut plus précaire. Les décisions en la matière de l’OFPRA sont parfois contradictoires.
Depuis 2008, les femmes sont de plus en plus nombreuses à demander le statut de réfugié, notamment du fait de persécutions liées au genre. En 2012, les femmes représentaient 36 % des personnes reconnues réfugiées, mais 58 % des personnes ayant obtenu la protection subsidiaire.
Or peu de femmes se voient accorder une protection au titre de l’asile conventionnel en raison des violences spécifiques qu’elles subissent en tant que femmes. Considérées comme relevant de la sphère privée, ces violences ont longtemps été exclues du domaine d’application de la Convention de Genève. L’amendement vise à y remédier.
Mme la rapporteure. Je vous suggère le retrait de cet amendement, déjà satisfait par le droit actuel : l’article 10, paragraphe 1, de la directive « Qualification » dispose en effet qu’« il convient de prendre dûment en considération les aspects liés au genre, y compris l’identité de genre, aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe ».
L’amendement est retiré.
Article 2
(art. L. 711-2, L. 711-3 et L. 711-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Statut de réfugié
L’article 2 modifie, au sein du titre Ier du livre VII du CESEDA, le chapitre Ier consacré à « La qualité de réfugié ». Plus précisément, il remplace l’actuel article L. 711-2 par quatre nouveaux articles L. 711-2 à L. 711-5.
A. DES ACTES ET DES MOTIFS DE PERSÉCUTION APPRÉCIÉS DE FAÇON PLUS PRÉCISE
L’état du droit actuel est particulièrement elliptique sur les actes et les motifs de persécution donnant droit au statut de réfugié. L’article L. 711-1 ouvre le bénéfice de la qualité de réfugié à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté » et, pour le reste, se contente de renvoyer aux articles 6 et 7 du statut du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ainsi qu’à la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, et notamment à son article 1er.
Le nouvel article L. 711-2, créé par l’article 2 du projet de loi, prévoit que les actes et les motifs de persécution au sens de la section A de l’article 1er de la convention de Genève (35) sont appréciés « dans les conditions prévues à l’article 9, paragraphes 1 et 2, et à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection », dite directive « Qualification (36) ». Celle-ci constitue la refonte de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 (37).
Plutôt que de reprendre de manière relativement approfondie dans la loi les dispositions de la directive en la matière, le choix a donc été fait de renvoyer expressément aux articles de celle-ci. Ce qui est ainsi gagné du point de vue de la synthèse et de la sécurité juridique dans la transposition est en revanche perdu du point de vue de la clarté, notamment pour les praticiens professionnels ou associatifs du droit d’asile.
Le paragraphe 1 de l’article 9 de la directive auquel il est ainsi fait référence dispose qu’un acte de persécution se caractérise soit par une gravité suffisante ou par une répétition telle qu’il constitue une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, soit par une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière équivalente.
Le paragraphe 2 de l’article 9 donne une liste non limitative de formes que peuvent prendre ces actes de persécution :
— violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles ;
— mesures légales, administratives, de police ou judiciaires discriminatoires ;
— poursuites ou sanctions disproportionnées ou discriminatoires ;
— refus d’un recours juridictionnel se traduisant par une sanction disproportionnée ou discriminatoire ;
— poursuites ou sanctions pour refus d’effectuer le service militaire en cas de conflit lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes ou d’accomplir des actes relevant du champ d’application des motifs d’exclusion visés à l’article 12, paragraphe 2, de la directive (38) ;
— actes dirigés contre des personnes en raison de leur genre ou contre des enfants.
Quant à l’article 10, paragraphe 1, de la directive, il décrit les éléments dont doivent tenir compte les États membres dans leur évaluation des motifs de persécution. Il apporte ainsi un certain nombre d’élucidations concernant les notions de « race », de « religion », de « nationalité », de « groupe social » (cette notion incluant les caractéristiques liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre) et d’ « opinions politiques ».
Le nouvel article L. 711-2 dispose ensuite que la reconnaissance de la qualité de réfugié suppose l’existence d’un « lien » entre l’un des motifs de persécution et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes.
Il précise enfin que l’autorité compétente, lorsqu’elle examine si le demandeur craint avec raison d’être persécuté, doit considérer de façon identique le demandeur qui possède effectivement les caractéristiques à l’origine des persécutions qu’il invoque et celui auquel ces caractéristiques sont imputées par l’auteur des persécutions. C’est le paragraphe 2 de l’article 10 de la directive qui est ici transposé.
La commission des Lois a adopté un amendement modifiant la rédaction sur ce dernier point afin d’y apporter plusieurs clarifications. Il y est exposé plus clairement le fait que l’autorité compétente n’a, en aucun cas, à établir la réalité des caractéristiques en cause, mais uniquement que celles-ci sont attribuées au demandeur par l’auteur des persécutions. La notion de caractéristiques « réelles ou supposées » est introduite, par cohérence avec le droit français des discriminations.
B. LA CLARIFICATION DES CLAUSES D’EXCLUSION DU STATUT DE RÉFUGIÉ
Les « clauses d’exclusion », qui font obstacle à la reconnaissance du statut de réfugié, ne sont pas mentionnées jusqu’à présent dans le CESEDA.
Elles font leur apparition avec le nouvel article L. 711-3, créé par l’article 2 du projet de loi. Comme celle de l’article L. 711-2, sa rédaction repose sur un renvoi explicite, en l’occurrence à trois sections de l’article 1er de la convention de Genève. Il est en effet précisé que le statut de réfugié ne saurait être accordé à une personne qui relève de l’une des clauses d’exclusion prévues aux sections D, E et F.
La section D vise les « personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ». La section E concerne pour sa part toute « personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays ».
S’agissant de la section F, elle prive du bénéfice de la convention les « personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;
b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ;
c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. »
Les dispositions de l’article L. 711-3 nouvellement créé précisent que l’exclusion prévue par la section F s’applique aux personnes « qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ladite section ou qui y sont personnellement impliquées ».
C. LES PRÉCISIONS APPORTÉES SUR LES CLAUSES DE CESSATION DU STATUT DE RÉFUGIÉ
Les « clauses de cessation », qui mettent fin à l’application de la convention de Genève à certaines personnes, ne sont pas non plus citées expressément dans le CESEDA. Le nouvel article L. 711-4, créé par l’article 2 du projet de loi, remédie à cette absence.
Comme les deux articles qui le précèdent, il utilise le biais d’un renvoi explicite à la convention de Genève. Il prévoit que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) peut mettre un terme au statut de réfugié s’il « apporte la preuve » que la personne concernée relève de l’une des clauses de cessation prévues à la section C de l’article 1er de la convention. Cette section C énumère un certain nombre de cas dans lesquels la convention cesse d’être applicable. Il en va ainsi lorsque la personne :
— s’est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ;
— après avoir perdu sa nationalité, l’a volontairement recouvrée ;
— a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ;
— est retournée volontairement s’établir dans le pays qu’elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d’être persécutée ;
— les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité (39) ;
— s’agissant d’une personne qui n’a pas de nationalité, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle est en mesure de retourner dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle (40).
L’article L. 711-4 précise que, pour l’application des deux derniers cas énumérés, « le changement dans les circonstances ayant justifié l’octroi du statut de réfugié doit être suffisamment significatif et non provisoire pour que les craintes du réfugié d’être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées ». Cette précision offre une garantie supplémentaire au réfugié puisqu’elle assure qu’un simple changement ponctuel ou de faible ampleur dans les circonstances ne suffira pas à mettre fin à son statut.
Aux termes de l’article L. 711-4, l’OFPRA peut également mettre fin à tout moment au statut de réfugié qu’il a accordé s’il est constaté :
« a) que le réfugié aurait dû être exclu du statut de réfugié en vertu de l’article 1er, section D, E ou F, de la convention de Genève ;
b) que la décision d’octroi du statut de réfugié a résulté d’une fraude. »
La commission des Lois a adopté un amendement supprimant la mention d’une « preuve » à apporter par l’OFPRA pour mettre fin au statut de réfugié dans l’un des cas prévus à la section C de l’article 1er de la convention de Genève. Il appartient à l’office d’apprécier si la personne relève d’une clause de cessation ; c’est seulement lorsque sa décision est contestée qu’il doit apporter la « preuve ». Un autre amendement a précisé que l’office agit dans ce cadre « à l’initiative de l’administration ou de sa propre initiative ».
D. LA SAISINE DE LA CNDA PAR L’OFPRA EN VUE DE METTRE FIN AU STATUT DE RÉFUGIÉ
Le nouvel article L. 711-5, créé par l’article 2 du projet de loi, tend à apporter des précisions juridiques nécessitées par les nouvelles dispositions proposées. Il régit la situation où le statut de réfugié a été obtenu par fraude ou en dépit d’une clause d’exclusion, et où l’octroi du statut de réfugié résulte d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Dans un tel cas, la Cour peut être saisie par l’OFPRA en vue de mettre fin au statut de réfugié.
La commission des Lois a adopté un amendement précisant que le Conseil d’État, dans les cas où, après cassation, il a accordé le statut de réfugié, peut ultérieurement être saisi par l’office pour le retirer. Tel est bien en effet l’office du juge de plein contentieux.
La Commission a par ailleurs adopté plusieurs amendements rédactionnels, ayant notamment pour objet de recourir à l’expression de « reconnaissance » de la qualité (ou du statut) de réfugié plutôt qu’à celle d’ « octroi ».
* *
La Commission se saisit de l’amendement CL36 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Cet amendement est similaire au précédent. L’égalité entre les femmes et les hommes, madame la rapporteure, n’est pas un droit parmi d’autres, mais un droit constitutionnel. Vos arguments ne m’ont donc pas convaincue.
Mme la rapporteure. Je faisais référence à la directive citée à l’article 2, lequel satisfait donc votre amendement. Avis défavorable.
Mme Catherine Coutelle. Mme Karamanli et moi nous sommes souvent posé la question : est-il préférable de seulement viser une directive ou d’en décliner les termes dans le texte ? Sur la notion de vulnérabilité, qui fera l’objet d’autres amendements, la seconde solution me semble la meilleure.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL297 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Je propose d’insérer, après l’alinéa 2, l’alinéa suivant : « Les aspects liés au genre sont dûment pris en considération aux fins de reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe ».
La France, je le rappelle, a été pointée du doigt pour la faiblesse de son droit d’asile à l’égard des femmes et du critère de genre. Ce projet de loi doit être l’occasion de combler notre retard, en ce domaine, par rapport aux autres pays européens.
Mme la rapporteure. Même avis que pour l’amendement précédent.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL298 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Je propose d’insérer, après l’alinéa 2, l’alinéa suivant :
« Les motifs de persécution définis par la Convention de Genève font l’objet d’une interprétation sensible au genre, conformément à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. »
Les critères de l’asile, définis au sortir de la Seconde Guerre mondiale, sont en général politiques ; mais des violences domestiques justifient aussi une protection.
Mme la rapporteure. Même avis que précédemment.
La Commission rejette l’amendement.
Elle passe à l’amendement CL48 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Outre qu’il traduit mieux l’esprit de la directive, cet amendement rédactionnel est plus conforme à notre tradition législative en matière de discriminations ou de crimes et délits racistes ou homophobes.
Il s’agit de préciser que le motif de persécution est établi lorsque les caractéristiques sont prêtées par l’auteur des persécutions à celui qui s’en dit victime. En d’autres termes, l’OFPRA n’a jamais à établir qu’une personne est homosexuelle, ou pratique telle ou telle religion, ou appartient effectivement à telle ou telle ethnie. Il suffit que l’auteur ait pu le penser pour établir la réalité du motif de persécution.
Mme la rapporteure. Voilà un excellent amendement. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL58 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Cet amendement est de nature rédactionnelle. Ce n’est pas au stade de sa décision que l’OFPRA apporte une preuve : elle le fait devant le juge. Il convient donc de substituer aux mots : « lorsqu’il apporte la preuve que » le mot : « lorsque ». Plusieurs autres de mes amendements vont dans le même sens.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL325 de la rapporteure.
En conséquence, l’amendement CL59 de Mme Marie-Françoise Bechtel n’a plus d’objet.
La Commission se saisit de l’amendement CL156 de Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’amendement tend à préciser que le retrait du statut de réfugié peut se faire à l’initiative de l’OFPRA ou de l’administration.
Mme la rapporteure. Cet amendement relaie la pratique en usage. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL200 de Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Mieux vaut « établir » que « constater » un motif d’exclusion.
Mme la rapporteure. L’OFPRA n’est pas une juridiction. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CL63 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Contrairement à l’asile, qui s’octroie, la qualité de réfugié se reconnaît, sur la base de la définition qu’en donne la Convention de Genève.
Mme la rapporteure. Avis favorable à cet excellent amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte, suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement de précision CL202 de Mme Chantal Guittet.
Elle passe à l’amendement CL64 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Cet amendement a le même objet que le CL63.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CL203 de Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’alinéa 11 oublie le Conseil d’État, qui, après cassation, peut octroyer le statut de réfugié.
Mme la rapporteure. Le projet de loi institue une règle aux termes de laquelle celui qui accorde la protection est seul habilité à la retirer ; or, même si le cas est rare, il arrive en effet que le Conseil d’État accorde la protection après cassation. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Article 3
(art. L. 712-1, L. 712-2 et L. 712-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Protection subsidiaire
L’article 3 vise à modifier, au sein du titre Ier du livre VII du CESEDA, le chapitre II relatif à « La protection subsidiaire ».
La protection subsidiaire a été instituée par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 (41), anticipant la transposition de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004. Le Conseil d’État s’est montré soucieux de garantir le caractère premier du statut de réfugié par rapport à la protection dite « subsidiaire » en jugeant qu’en application de la disposition de l’article L. 712-1 « il ne peut être procédé à l’examen du droit à bénéficier de la protection subsidiaire qu’après qu’il a été établi que le demandeur ne peut se voir reconnaître la qualité de réfugié » (CE, 10 déc. 2008 (42)).
A. LA DÉFINITION PLUS PRÉCISE DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE
En l’état actuel du droit, la définition de la protection subsidiaire figure à l’article L. 712-1. Elle est prévue pour toute personne :
— qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié ;
— qui établit qu’elle est exposée dans son pays à l’une des menaces graves suivantes : peine de mort, torture ou peines ou traitements inhumains ou dégradants ou enfin menace grave, directe et individuelle pesant sur la vie ou la personne d’un civil, en raison d’une violence généralisée résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.
Le 1° de l’article 3 modifie l’article L. 712-1. Dans sa nouvelle rédaction, celui-ci maintient la première condition citée plus haut (tenant au fait de ne pas remplir les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié) mais modifie la seconde dans un sens plus large. Le bénéfice de la protection subsidiaire est désormais accordé à toute personne « pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves » (et non plus des « menaces graves ») que l’article énumère.
S’agissant des atteintes graves, le nouvel article L. 712-1 innove en précisant qu’il peut s’agir non seulement de la peine de mort (43) mais de toute « exécution (44) ». S’agissant de la menace grave pesant sur un civil, elle peut être simplement indirecte, et doit être la conséquence d’une violence qui n’est plus qualifiée de « généralisée » mais d’ « aveugle ».
Ces modifications permettent de mieux faire coïncider la définition de la protection subsidiaire avec les termes des articles 2 et 15 de la directive « Qualification ».
Selon l’article 2 de la directive, en effet, on doit considérer comme relevant de la protection subsidiaire « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15 (…) et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », à moins que l’intéressé ne relève d’un des motifs d’exclusion énoncés à l’article 17.
L’article 15 stipule, quant à lui, que « les atteintes graves sont : a) la peine de mort ou l’exécution; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
B. LA CLARIFICATION DES CLAUSES D’EXCLUSION DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE
Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l’article L. 712-2 énumère quatre hypothèses d’exclusion de la protection subsidiaire. Une personne peut se voir refuser cette protection lorsque :
— elle a commis « un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité » ;
— elle a commis « un crime grave de droit commun » ;
— elle s’est rendue « coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » ;
— son activité sur le territoire constitue « une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État ».
Le 2° de l’article 3 modifie l’article L. 712-2 afin de clarifier la notion de personnes ayant commis des crimes ou des agissements passibles d’exclusion.
Selon la nouvelle rédaction proposée, la perpétration d’un « crime grave » constitue une clause d’exclusion sans qu’il soit nécessaire que ce crime soit « de droit commun », ce qui tendait à exclure jusqu’à présent les crimes politiques ou militaires. Cette modification permet de mettre le droit français en conformité avec le paragraphe b) de l’article 17 de la directive « Qualification ».
Un nouvel alinéa précise par ailleurs que les trois premiers cas d’exclusion s’appliquent « aux personnes qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ces alinéas ou qui y sont personnellement impliquées ». Ces précisions permettent de mettre le droit français en conformité avec le paragraphe 2 de l’article 17.
Un autre alinéa, également nouveau, dispose que la protection subsidiaire peut être refusée à une personne, d’une part, s’il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle a commis, avant son entrée en France, un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas du champ d’application des cas d’exclusion expressément mentionnés à l’article L. 712-2 et qui seraient passibles d’une peine de prison s’ils avaient été commis en France et, d’autre part, qu’elle n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper à des sanctions résultant de ces crimes. Cette nouvelle disposition permet une transposition de l’article 17, paragraphe 3.
C. LES PRÉCISIONS APPORTÉES SUR LES CLAUSES DE CESSATION DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE
En l’état actuel du droit, l’article L. 712-3 prévoit que la protection subsidiaire est accordée « pour une période d’un an renouvelable », étant précisé que le renouvellement peut être refusé à chaque échéance lorsque les circonstances ayant justifié l’octroi de la protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celle-ci ne soit plus requise. Par ailleurs, il peut y être mis fin à tout moment lorsque l’une des clauses d’exclusion énumérées à l’article L. 712-2 est caractérisée.
Le 3° de l’article 3 réécrit profondément l’article L. 712-3, en conformité avec les articles 16 et 19 de la directive « Qualification ».
Aux termes de cette nouvelle rédaction, l’OFPRA peut mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire lorsqu’il établit que « les circonstances ayant justifié l’octroi de cette protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et non provisoire pour que celle-ci ne soit plus requise ». Ces termes reprennent de façon très proche les dispositions figurant aux paragraphes 1 et 2 de l’article 16 de la directive « Qualification ».
Toutefois, il ne peut être ainsi mis un terme à la protection subsidiaire, selon les nouvelles dispositions de l’article L. 712-3, « lorsque son bénéficiaire peut invoquer des raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures pour refuser de se réclamer de la protection de son pays ». Cette rédaction reproduit celle du paragraphe 3 de l’article 16 de la directive. L’exception ainsi introduite au principe de la cessation mérite d’être saluée. Elle contribue en effet à accroître le niveau de garantie des personnes en ce qui concerne l’éligibilité à la protection internationale.
Le même article L. 712-3 précise que l’OFPRA peut mettre fin à tout moment au bénéfice de la protection subsidiaire qu’il a accordée s’il apporte la preuve :
« a) que son bénéficiaire aurait dû être exclu de cette protection pour l’un des motifs prévus à l’article L. 712-2 [c’est-à-dire l’un des motifs légaux d’exclusion de la protection subsidiaire] (45) ;
b) que la décision d’octroi de cette protection a résulté d’une fraude. ».
Ces dernières dispositions transposent l’article 19 de la directive.
La commission des Lois a adopté un amendement supprimant la mention d’une « preuve » à apporter par l’OFPRA, quelle que soit la clause de cessation applicable. Un autre amendement a précisé que l’office agit ici « à l’initiative de l’administration ou de sa propre initiative ».
D. LA SAISINE DE LA CNDA PAR L’OFPRA EN VUE DE METTRE FIN À LA PROTECTION SUBSIDIAIRE
Le 4° de l’article 3 insère, après l’article L. 712-3, un nouvel article L. 712-4. Celui-ci tend à apporter des précisions juridiques nécessitées par les nouvelles dispositions proposées. Il régit la situation où la protection subsidiaire a été obtenue par fraude ou en dépit d’une clause d’exclusion, et où l’octroi de cette protection résulte d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Dans un tel cas, la Cour peut être saisie par l’OFPRA en vue d’y mettre fin.
La Commission a adopté un amendement précisant que le Conseil d’État, dans les cas où, après cassation, il a accordé la protection subsidiaire, peut ultérieurement être saisi par l’office pour la retirer.
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL66 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. L’amendement tend à résorber une contradiction entre la notion de menace individuelle et celle de violence généralisée ou aveugle.
Mme la rapporteure. Il n’y a pas de contradiction : une violence aveugle et généralisée peut entraîner des menaces pour un ou plusieurs individus. Ce sont d’ailleurs les termes de l’article 15 de la directive « Qualification ». Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CL188 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. La protection subsidiaire est refusée à une personne ayant commis un crime grave ; mais ne faut-il pas faire une exception pour les cas de légitime défense ? Je pense notamment aux femmes directement menacées, elles ou les enfants dont elles ont la garde. Il serait bon, sans doute, d’inscrire cette précision dans la loi, même si elle correspond déjà aux pratiques de l’OFPRA.
Mme la rapporteure. La longue exception que vous préconisez aurait plus d’inconvénients que d’avantages : l’état de légitime défense, dans le droit pénal français, exclut déjà la qualification criminelle. La pratique de l’OFPRA se conforme à cette règle. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL194 de M. Philippe Goujon.
M. Éric Ciotti. Il s’agit de préciser que l’OFPRA a l’obligation, et non la simple faculté, de mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances qui l’ont motivée n’existent plus, ou ont substantiellement changé.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il n’est pas pertinent d’obliger l’OFPRA à mettre un terme à la protection dans les cas visés, d’autant qu’aucune sanction ne viendrait appuyer cette obligation. Il convient de laisser à l’office une marge d’appréciation : l’automaticité n’apporte rien.
Il n’est pas souhaitable non plus d’obliger l’intéressé à justifier de « raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures ». L’appréciation doit être portée par l’OFPRA et par lui seul.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL204 de Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Il s’agit, là encore, de préciser que le statut de réfugié peut être retiré à l’initiative, non seulement de l’OFPRA, mais aussi de l’administration.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL68 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Cet amendement, ainsi que le CL72, ont le même objet que le CL58.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle adopte également, suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement CL72 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Elle adopte ensuite, suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement de précision CL205 de Mme Chantal Guittet.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
Article 4
(art. L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Dispositions communes à la qualité de réfugié et à la protection subsidiaire
L’article 4 vise à modifier, au sein titre Ier du livre VII du CESEDA, le chapitre III intitulé : « Dispositions communes ».
A. LA DÉFINITION PLUS PRÉCISE DES AUTEURS DES PERSÉCUTIONS ET DES ACTEURS DE LA PROTECTION DANS LE PAYS D’ORIGINE
En l’état actuel du droit, l’article L. 713-2 prévoit que les persécutions et les « menaces » ouvrant droit à une protection « peuvent être le fait des autorités de l’État, de partis ou d’organisations qui contrôlent l’État ou une partie substantielle du territoire de l’État, ou d’acteurs non étatiques dans les cas où les autorités [susceptibles d’offrir une protection] refusent ou ne sont pas en mesure d’offrir une protection ». Les autorités susceptibles d’offrir une protection sont celles de l’État et des organisations internationales et régionales.
L’abandon du critère de l’origine étatique des persécutions date de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003. Depuis cette loi, des persécutions peuvent justifier l’octroi de la qualité de réfugié quand bien même elles sont le fait de groupes ou de personnes privées, à la seule condition que les autorités de l’État en cause ne veuillent ou ne puissent protéger leurs ressortissants.
Le 1° de l’article 4 modifie l’article L. 713-2. Dans la nouvelle rédaction proposée, il est d’abord fait état des « atteintes » pouvant donner lieu à la protection subsidiaire, et non plus des « menaces » (par souci de cohérence avec la définition figurant désormais à l’article L. 712-1).
S’agissant des acteurs de la protection, il est précisé qu’ils peuvent être, outre les autorités de l’État, « des partis » ou des organisations internationales et régionales « qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci ». Cette modification a pour but de transposer le paragraphe 1 de l’article 7 de la directive « Qualification ». Surtout, la protection qu’ils offrent « doit être effective et non temporaire », conformément au paragraphe 2 du même article 7.
Un nouvel alinéa clarifie les modalités d’appréciation de cette protection. Elle est en principe assurée lorsque les autorités de l’État ou des organisations internationales et régionales prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, en particulier lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. Ces précisions permettent de mettre le droit français en conformité avec l’article 7, paragraphe 2, de la directive.
La commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteure proposant une nouvelle rédaction du début de l’article L. 713-2 afin de conserver la notion de « menaces » qui, si l’on se réfère notamment à l’article 1er de la convention de Genève de 1951, peut constituer le fondement aussi bien de la reconnaissance de la qualité de réfugié que de l’octroi de la protection subsidiaire.
B. L’APPRÉHENSION PLUS FINE DE LA NOTION D’ASILE INTERNE
La notion d’asile interne se réfère à la capacité d’une personne à avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine et à s’y établir. Elle résulte de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003.
L’article L. 713-3 prévoit ainsi, dans sa version actuelle, que la demande d’asile d’une personne peut être rejetée si :
— elle a accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine ;
— elle n’a aucune raison de craindre d’y être persécutée ou d’y être exposée à une atteinte grave ;
— il est raisonnable d’estimer qu’elle peut rester dans cette partie du pays.
Il doit être tenu compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l’auteur de la persécution au moment où il est statué sur la demande d’asile.
Le 2° de l’article 4 modifie l’article L. 713-3. Les deux premières conditions citées plus haut demeurent inchangées. La troisième est en revanche réécrite. Il est désormais précisé, de manière nouvelle et plus protectrice, que la personne doit pouvoir « légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle s’y établisse ».
Les précisions ainsi apportées quant aux conditions de mise en œuvre de l’asile interne permettent de mettre le droit français en conformité tant avec l’article 8 de la directive « Qualification » qu’avec les exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
L’article 8 de la directive stipule en effet que, « dans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale, les États membres peuvent déterminer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque dans une partie du pays d’origine (…) il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse ».
Quant au Conseil constitutionnel, il a estimé, dans une décision du 4 décembre 2003 (46), que l’accès à une protection dans une zone géographique du pays d’origine ne pouvait être un motif de refus de la qualité de réfugié ou de l’octroi de la protection subsidiaire que sous réserve que la zone géographique en cause constitue une partie substantielle du pays d’origine du demandeur et que celui-ci puisse y accéder, s’y établir en toute sûreté et y mener une existence normale. Le Conseil a en outre indiqué que l’OFPRA devait porter une appréciation concrète sur l’effectivité de la protection dont l’intéressé bénéficie dans cette zone, en particulier lorsque les autorités locales de protection sont des organisations internationales ou locales.
C. LA PRISE EN COMPTE D’ÉVÉNEMENTS SURVENUS APRÈS LE DÉPART DU PAYS D’ORIGINE
Le 3° de l’article 4 crée un nouvel article L. 713-4. Aux termes de celui-ci, les craintes de persécutions prises en compte dans l’octroi de la qualité de réfugié et le risque réel de subir des atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être fondées sur des événements « survenus après que le demandeur d’asile ait quitté son pays d’origine ou à raison d’activités qu’il a exercées après son départ du pays, notamment s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans son pays ».
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* *
La Commission examine l’amendement CL75 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Cet amendement a le même objet que le CL64.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Elle passe à l’amendement CL326 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à conserver la notion de « menace » qui, si l’on se réfère à l’article 1er de la Convention de Genève de 1951, peut constituer le fondement de l’octroi du statut de réfugié comme de la protection subsidiaire.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CL77 de Mme Marie-Françoise Bechtel et CL80 de M. Sergio Coronado tombent.
La Commission adopte, suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement rédactionnel CL189 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Elle en vient à l’amendement CL38 de M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Sans doute reviendrons-nous longuement, en séance, sur cet amendement d’importance, qui vise à ce que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA ou la CNDA vaille obligation de quitter le territoire français (OQTF) et ce, afin de raccourcir les procédures. Aujourd’hui, le demandeur débouté peut, après que le préfet a pris un arrêté de quitter le territoire, se pourvoir devant la cour administrative d’appel, de sorte qu’il dispose de quatre voies de recours. Les délais de reconduite à la frontière s’en trouvent allongés d’autant, ce qui nuit à l’efficacité de la décision.
Mme la rapporteure. Le ministre vous a répondu sur ce point lors de la discussion générale. Je rappelle que l’OQTF doit demeurer une décision administrative distincte, avec son régime et ses garanties propres ; elle ne saurait se confondre, ni avec une décision de l’OFPRA, ni, a fortiori, avec une décision de la CNDA. Au demeurant, l’amendement relève, non du droit de l’asile, mais du droit des étrangers. Avis défavorable.
M. Éric Ciotti. Le principe que vous avez rappelé ne m’a pas échappé, madame la rapporteure, mais je le conteste. Il s’agit là d’un débat juridique de fond. Au reste, la proposition que je défends a déjà été formulée par la mission conjointe des trois corps d’inspection, l’Inspection des finances, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires sociales. Son analyse juridique est sans doute plus complexe que la vôtre et celle du ministre.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
La Commission examine l’amendement CL213 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Comme le CL214, cet amendement concerne l’apatridie. Par cohérence, je le retire également.
L’amendement est retiré.
Chapitre II
Dispositions relatives à la procédure d’examen des demandes d’asile
Section 1
Dispositions générales
Article 5
(art. L. 721-2, L. 721-3, L. 721-4 et L. 721-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Missions de l’OFPRA
L’article 5 vise à modifier, au sein du titre II du livre VII du CESEDA (titre relatif à « L’Office français de protection des réfugiés et apatrides »), le chapitre Ier consacré aux « Missions » de l’OFPRA.
Dans la pratique actuelle, les décisions de l’OFPRA « sont prises en toute indépendance au seul regard de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et des dispositions propres à la protection subsidiaire et il ne reçoit aucune instruction », ainsi que le relève l’étude d’impact (47). Celle-ci ajoute que « ce principe dont le respect depuis la création de l’office est unanimement admis, n’est cependant pas, de manière singulière, prévu par les textes ».
Le 1° de l’article 5 insère à l’article L. 721-2 deux nouveaux alinéas dont le premier a pour objet de réparer cette omission.
Il est ainsi précisé que l’OFPRA ne reçoit aucune instruction dans l’accomplissement de ses missions de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire ainsi que de protection juridique et administrative des réfugiés, des apatrides et des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Lors de son audition par votre rapporteure, M. Pascal Brice, directeur général de l’OFPRA, s’est déclaré très attaché à cette disposition consacrant dans la loi l’indépendance fonctionnelle de son établissement. Cela correspond également à une aspiration du personnel de l’office, comme ses représentants syndicaux l’ont confirmé à votre rapporteure lors de leur audition.
Le second alinéa prévoit que l’anonymat des agents de l’office chargés de l’instruction des demandes d’asile et de l’entretien personnel mené avec les demandeurs est assuré. Il s’agit là d’une dérogation à l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Cette disposition est apparue, selon l’exposé des motifs du projet de loi (48), « nécessaire pour garantir une instruction sereine et impartiale et mettre à l’abri de toutes pressions l’officier de protection » sans remettre « nullement en cause le principe selon lequel le signataire de la décision est clairement identifié ».
Cette disposition vise plus précisément à prémunir les officiers de protection contre d’éventuelles pressions de part d’ambassades, de communautés, voire de réseaux criminels, que ce soit dans le cadre de l’entretien personnel avec le demandeur ou en dehors de celui-ci.
En l’état actuel du droit, l’OFPRA est habilité, aux termes de l’article L. 721-3, à délivrer, après enquête s’il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil. L’office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire « lorsque ceux-ci sont dans l’impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays ».
Le 2° de l’article 5 modifie l’article L. 721-3 sur deux points.
D’une part, l’OFPRA est désormais habilité à délivrer sans restriction les pièces nécessaires aux « bénéficiaires de la protection subsidiaire » sans exiger d’eux qu’ils soient dans l’impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays.
D’autre part, la nouvelle rédaction supprime l’assujettissement des pièces délivrées par l’office à des droits de chancellerie dont le produit était jusqu’à présent versé au budget général.
C. L’HABILITATION DE L’AUTORITÉ JUDICIAIRE À COMMUNIQUER CERTAINES INFORMATIONS À L’OFPRA ET À LA CNDA
Le 3° de l’article 5 crée deux articles L. 721-4 et L. 721-5.
Selon le nouvel article L. 721-4, l’autorité judiciaire peut communiquer au directeur général de l’OFPRA et au président de la CNDA toute indication qu’elle peut recueillir de nature à faire présumer qu’une personne qui demande l’asile ou le statut d’apatride ou qui a obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride, relève de l’une des clauses d’exclusion mentionnées aux articles L. 711-3 et L. 712-2 du CESEDA (49) ou à l’article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides (50), qu’il s’agisse d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu.
Aux termes du nouvel article L. 721-5, l’autorité judiciaire peut communiquer au directeur général de l’OFPRA et au président de la CNDA, sur demande ou d’office, toute indication qu’elle peut recueillir de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile.
La Commission a adopté un amendement substituant, dans ces deux nouveaux articles, le terme « communique » à l’expression « peut communiquer ». La transformation d’une simple faculté pour l’autorité judiciaire en une obligation est en effet de nature à renforcer l’efficacité de la lutte contre l’impunité.
Un autre amendement a créé un nouvel article L. 721-6, prévoyant que le rapport d’activité annuel de l’OFPRA est remis au Parlement. Ce rapport doit inclure notamment des données quantitatives et qualitatives sexuées ainsi que des précisions sur les actions de formation des agents, concernant en particulier les persécutions liées au sexe et la prise en compte de la vulnérabilité dans la procédure.
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La Commission est saisie de l’amendement CL82 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Le texte, le ministre l’a rappelé dans son exposé liminaire, consacre l’indépendance de l’OFPRA, dont l’amendement vise à élargir le conseil d’administration dans le but d’améliorer la concertation et d’y voir représentées la majorité comme l’opposition parlementaires.
Mme la rapporteure. Même si je partage la philosophie de cet amendement, je vous invite à le retirer. Outre qu’il ne me semble pas à sa juste place, il omet les députés européens. Ce ne sont donc pas quatre, mais six parlementaires qui devraient ainsi rejoindre le conseil d’administration de l’OFPRA ; or, l’État doit y rester majoritaire puisque l’OFPRA est un opérateur public.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement, afin d’en revoir la rédaction d’ici à l’examen en séance.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CL3 de la commission des Affaires étrangères.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’amendement tend à insérer dans le projet de loi ce qui est déjà consacré par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Mme la rapporteure. Je vous suggère le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Je ne suis pas en mesure de retirer un amendement adopté par la commission des Affaires étrangères.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL1 de la commission des Affaires étrangères.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Il s’agit de préciser que « l’office exerce en toute impartialité les missions mentionnées […] ».
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le projet de loi consacre déjà l’indépendance de l’OFPRA, et je ne vois pas à l’égard de quoi il faudrait garantir son « impartialité ».
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite, suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement rédactionnel CL206 de Mme Chantal Guittet.
Puis elle en vient à l’amendement CL62 de Mme Marie-Anne Chapdelaine.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Cet amendement concerne l’apatridie : je le retire.
L’amendement est retiré.
La Commission se saisit de l’amendement CL195 de M. Philippe Goujon.
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement CL327 de la rapporteure.
M. Éric Ciotti. L’amendement est défendu.
Mme la rapporteure. Le I et le III de l’amendement renforceraient utilement la lutte contre l’impunité ; en revanche, il ne me semble pas opportun que le directeur général de l’OFPRA et le président de la CNDA puissent solliciter des éléments de procédure de l’autorité judiciaire. Je vous propose donc un sous-amendement tendant à supprimer le II.
M. Éric Ciotti. J’accepte une rectification en ce sens.
Mme la rapporteure. En ce cas, je retire mon sous-amendement.
Le sous-amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Puis elle examine l’amendement CL70 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je suggère de substituer, à l’alinéa 12, aux mots : « toute indication » les mots : « tout élément », juridiquement plus attestés.
Mme la rapporteure. Je vous propose, à ce stade, de retirer votre amendement afin de me faire un avis plus précis.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CL71 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Les indications relatives à une personne mise en cause peuvent être à charge, mais aussi décharge : les unes comme les autres doivent être communiquées par l’autorité judiciaire. D’autre part, le demandeur d’asile à qui l’on oppose des éléments transmis par la justice doit pouvoir se défendre en ayant connaissance de la procédure. Toutefois certaines procédures ne sont pas communicables, soit parce qu’elles sont en cours, soit parce qu’elles visent aussi d’autres personnes, parfois nombreuses. Comment, alors, le demandeur d’asile pourrait-il critiquer la façon dont les éléments ont été réunis ? La loyauté commande, dans ce cas, que l’on ne puisse utiliser contre lui les éventuels éléments communiqués.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’alinéa 12 instaure un droit de communication, non d’une juridiction à une autre, mais de l’autorité judiciaire à l’OFPRA. La justice peut être amenée à constater qu’une personne poursuivie, par exemple, pour abus de bien social en France, s’est aussi rendue coupable de crimes contre l’humanité et a bénéficié, à tort, d’une protection.
La logique est inverse de celle de l’article 40 du code de procédure pénale : il s’agit d’habiliter l’autorité judiciaire à communiquer des éléments à l’OFPRA qui aurait indûment accordé une protection. Il n’y a donc pas, dans le cas dont nous parlons, d’élément à décharge.
M. Denys Robiliard. Je souscrirais à votre analyse, si elle se fondait sur le cas d’une personne condamnée par la justice pour un crime entrant dans les motifs d’exclusion du statut de réfugié au sens de l’article 1er de la Convention de Genève ; mais nous ne parlons que des indications. Or celles-ci peuvent être à charge comme à décharge. Je partage pleinement votre souhait de renforcer la lutte contre l’impunité mais, en l’espèce, la loyauté impose que la totalité des éléments soient communiqués par la justice.
Mme la rapporteure. Un magistrat qui détiendrait des informations contradictoires ne les transmettrait pas à l’OFPRA ; de plus, votre amendement imposerait des obligations à l’autorité judiciaire.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL216 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Si l’OFPRA a connaissance d’éléments relatifs à un crime commis par un demandeur d’asile, il doit pouvoir les communiquer à l’autorité judiciaire. On peut penser que cela relève de l’article 40 du code de procédure pénale, mais l’articulation avec le principe de confidentialité demeure problématique.
Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait par l’article 40 du code de procédure pénale comme par la pratique de l’OFPRA. Je vous suggère donc de le retirer.
M. Denys Robiliard. Le principe de confidentialité a été consacré par la Constitution et son application a conduit la cour d’appel d’Orléans, dans l’un de ses arrêts, à exclure les éléments communiqués par l’OFPRA. Il me semble donc prudent d’inscrire la précision visée dans la loi.
Mme la rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement, pour que nous puissions vérifier ce point.
L’amendement est retiré.
L’amendement CL81 de M. Sergio Coronado est retiré.
La Commission examine l’amendement CL313 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Nous souhaitons que le rapport annuel de l’OFPRA comprenne « des données quantitatives et qualitatives sexuées et les actions de formation des agents ».
Mme la rapporteure. Avis favorable, même si ledit rapport comporte déjà des données sur ces aspects qui, depuis 2012, font l’objet d’une vraie politique de formation des agents de l’OFPRA. L’amendement permettra néanmoins à cette politique de survivre à l’équipe actuelle…
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Article 5 bis (nouveau)
(art. L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Représentants de l’État au conseil d’administration de l’OFPRA
La commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteure insérant neuf alinéas après le premier alinéa de l’article L. 722-1 afin de fixer la liste des représentants de l’État au conseil d’administration de l’OFPRA.
Cette liste figure actuellement à l’article R. 722-1. L’amendement adopté l’inscrit désormais dans la loi en y apportant plusieurs modifications afin d’assurer une composition plus diversifiée du conseil, permettant une prise en compte la meilleure possible, dans le traitement de la demande d’asile, de certaines problématiques.
Le nombre de représentants du ou des ministères chargés de l’intérieur et de l’asile passe de trois à deux. Font en revanche leur arrivée au conseil un représentant du ministère chargé des affaires sociales et un représentant du ministère chargé des droits des femmes. Les autres représentants de l’État restent inchangés. Il s’agit d’une personnalité nommée par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans, du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, du directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la Justice et du directeur du budget au ministère chargé du budget.
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La Commission examine l’amendement CL328 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement, qui en relaie d’autres déposés par différents groupes, vise à diversifier la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, en y faisant notamment entrer des représentants des ministères chargés, respectivement, des affaires sociales et des droits des femmes.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pouvez-vous nous confirmer qu’il s’agit d’ajouter de nouveaux représentants au sein du conseil d’administration, et non de substituer ceux que vous avez cités à d’autres ?
Mme la rapporteure. Il y a deux ajouts : les représentants des ministères que je viens de citer. Le ministère chargé de l’asile perd en revanche l’un de ses représentants.
La Commission adopte l’amendement.
Article 6
(art. L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Modalités de désignation par le conseil d’administration de l’OFPRA des pays d’origine sûrs
L’article 6 a pour objet de modifier, au sein du titre II du livre VII du CESEDA, le chapitre II relatif à l’ « Organisation », et plus précisément l’article L. 722-1.
I. L’ÉTAT DU DROIT
L’article L. 722-1 est relatif au conseil d’administration de l’OFPRA ainsi qu’à la compétence de celui-ci pour fixer « dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d’origine sûrs ».
La notion de pays d’origine sûr provient du droit de l’Union européenne. Le protocole annexé au Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 prohibe déjà les demandes d’asile entre pays membres de l’Union. L’article 31, paragraphe 2, de la directive n° 2005/85/CE du 1er décembre 2005 (51) considère que « la demande d’asile est infondée lorsque le pays tiers est désigné comme sûr ». L’article 23, paragraphe 4, permet dans ce cas aux États membres de recourir à une procédure prioritaire. Ceci signifie que la « sûreté » du pays constitue une présomption simple qui souffre la preuve contraire. Du fait de l’absence d’accord entre les États membres, seules des listes nationales ont été établies.
La notion a été introduite en droit français par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003. Elle est aujourd’hui définie au 2° de l’article L. 741-4. Selon cet article, un pays est considéré comme un pays d’origine sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI
L’article 12 du projet de loi abroge les dispositions de l’article L. 741-4 (52).
Le 1° de l’article 6 supprime, au deuxième alinéa de l’article L. 722-1, la mention de la compétence du conseil d’administration de l’OFPRA en matière de fixation de la liste des pays d’origine sûrs. Cette compétence fait en effet l’objet d’un alinéa spécifique nouvellement créé.
Le 2° de l’article 6 ajoute, après le deuxième alinéa de l’article L. 722-1, trois nouveaux alinéas relatifs à la définition de la notion de pays d’origine sûr, aux modalités de fixation par l’OFPRA de la liste des pays d’origine sûrs, et à la responsabilité de l’OFPRA en matière d’actualisation de celle-ci.
A. LA DÉFINITION DE LA NOTION DE PAYS D’ORIGINE SÛR
Le premier alinéa ajouté par le 2° de l’article 6 fournit, s’agissant de la notion de pays d’origine sûr, une définition beaucoup plus précise que celle qui figurait jusqu’à présent à l’article L. 741-4. Un pays est désormais considéré comme tel « lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne ».
Cette définition constitue la reprise (à l’exception d’une référence) de celle figurant au premier paragraphe de l’annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dite directive « Procédures ».
Cette définition s’inscrit par ailleurs dans le cadre des exigences posées par l’article 38 de la directive. Celui-ci dispose en effet que les États membres peuvent appliquer le concept de « pays tiers sûr » uniquement lorsque les autorités compétentes ont acquis la certitude que le demandeur de protection internationale y sera traité conformément aux principes suivants :
— les demandeurs n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques ;
— il n’existe aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95/UE (53) ;
— le principe de non-refoulement est respecté conformément à la convention de Genève (54) ;
— l’interdiction, prévue par le droit international, de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y est respectée ;
— la possibilité existe de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, si ce statut est accordé, de bénéficier d’une protection conformément à la convention de Genève.
On peut relever que la définition proposée par le 2° de l’article 6 apparaît en retrait par rapport à la directive en ce qui concerne la peine de mort. En exigeant qu’il n’y ait « aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95/UE », l’article 38 de la directive « Procédures » écarte du champ des pays d’origine sûrs les pays où est appliquée la « peine de mort ». Celle-ci fait en effet partie des « atteintes graves » énumérées par l’article 15 de la directive du 13 décembre 2011. L’article L. 722-1, dans sa rédaction issue du 2° de l’article 6, n’exclut pas, quant à lui, les pays où la peine de mort est en vigueur.
B. LES MODALITÉS DE FIXATION PAR L’OFPRA DE LA LISTE DES PAYS D’ORIGINE SÛRS
Aux termes du deuxième alinéa ajouté à l’article L. 722-1 par le 2° de l’article 6, le conseil d’administration de l’OFPRA « fixe la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs dans les conditions prévues par l’article 37 et l’annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ». Le nouvel article L. 722-1 ne décrit donc pas lui-même les modalités de fixation de cette liste mais se contente de renvoyer à la directive « Procédures ».
L’article 37 de la directive, tel qu’il est cité par l’article L. 722-1, pose à cet égard quatre principes :
— les États membres peuvent désigner des pays d’origine sûrs aux fins de l’examen des demandes de protection internationale ;
— les États membres examinent régulièrement la situation dans ces pays ;
— lorsqu’ils déterminent si un pays est un pays d’origine sûr, les États membres s’appuient sur un éventail de sources d’information, pouvant émaner notamment d’autres États membres, du Bureau Européen d’Appui en matière d’Asile (BEAA) (55), du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes ;
— les États membres notifient à la Commission les pays désignés comme pays d’origine sûrs.
Quant à l’annexe I de la directive, elle dispose que l’évaluation des pays susceptibles d’être concernés doit tenir compte des éléments suivants :
— les dispositions législatives et réglementaires adoptées et appliquées en matière de protection contre la persécution et les mauvais traitements ;
— la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans le pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques et dans la convention des Nations unies du 10 décembre 1984 contre la torture ;
— la manière dont est respecté le principe de non-refoulement ;
— le fait que le pays dispose d’un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés.
Le renvoi opéré à ces articles constitue une avancée puisque la détermination de la liste des pays d’origine sûrs devra désormais être effectuée en prenant en compte un large spectre d’éléments variés, incluant des sources d’information publiques. L’article 37 de la directive s’exprime en effet de manière contraignante lorsqu’il stipule que « les États membres s’appuient sur un éventail de sources d’information ».
La notion même de « pays d’origine sûr » n’en reste pas moins très contestée non seulement par le milieu associatif, mais également par certains représentants syndicaux du personnel de l’OFPRA, en ce qu’elle s’oppose à la singularité de chaque dossier de demande d’asile.
Il convient au demeurant de souligner que, demain comme aujourd’hui, l’État, et non pas l’OFPRA en tant que tel, restera décisionnaire, s’agissant de la liste des pays d’origine sûrs. L’État est en effet majoritaire au sein du conseil d’administration. Les autres administrateurs sont deux parlementaires, désignés l’un par l’Assemblée nationale et l’autre par le Sénat, un représentant de la France au Parlement européen désigné par décret et un représentant du personnel de l’office (56). Le directeur général de l’OFPRA a indiqué à votre rapporteur avoir suggéré que la liste des pays d’origine sûrs soit fixée par le ministère de l’Intérieur, ce qui présenterait le mérite de la clarté.
La commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteure faisant obligation au conseil d’administration de l’OFPRA d’examiner régulièrement la situation dans les pays figurant sur la liste des pays d’origine sûrs, ce qui bien entendu pourra conduire à retirer certains États de la liste.
C. LA RESPONSABILITÉ DE L’OFPRA EN MATIÈRE D’ACTUALISATION DE LA LISTE DES PAYS D’ORIGINE SÛRS
Le troisième alinéa créé par le 2° de l’article 6 donne enfin mission à l’OFPRA de veiller à l’actualité et à la pertinence des inscriptions. L’office doit radier de la liste les pays ne remplissant plus les critères requis et peut, en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays, en suspendre l’inscription. L’exposé des motifs du projet de loi précise que « les dispositions règlementaires prévoiront la possibilité de délibérations électroniques en cas de situation d’urgence (57) ».
Aux termes d’un amendement adopté par la Commission à l’initiative de votre rapporteure (58), les présidents des commissions chargées des affaires étrangères et des commissions chargées des affaires européennes des deux assemblées, les associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile et les associations de défense des droits de l’homme, des femmes ou des enfants pourront saisir, dans des conditions prévues par décret, le conseil d’administration de l’OFPRA d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un État sur la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs.
La Commission a adopté un autre amendement prévoyant que les personnalités qualifiées ont voix délibérative concernant la détermination de la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d’origine sûrs.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL73 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je retire cet amendement, pour le défendre en séance.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL2 de la commission des affaires étrangères.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’amendement tend à étoffer le conseil d’administration de l’OFPRA en y faisant siéger deux députés et deux sénateurs, soit au total quatre parlementaires au lieu de deux.
Mme la rapporteure. L’objectif de parité est louable mais, là encore, l’amendement omet les députés européens. Cette erreur est assez surprenante de la part de la commission des Affaires étrangères. Avis défavorable.
M. Sergio Coronado. Ce n’est pas une erreur, me semble-t-il : l’amendement vise surtout à assurer la représentation de l’opposition au sein du conseil d’administration. Le Parlement européen ne fonctionne pas sur les mêmes règles en termes de majorité et d’opposition, et il est déjà représenté.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL217 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. La liste des pays d’origine sûrs peut poser problème : l’Albanie et le Kosovo y figuraient encore jusqu’à une période très récente, alors que la première, par exemple, est l’un des principaux pays en matière de traite des êtres humains et de prostitution. Le Mali était déclaré sûr avant 2009, mais il l’était beaucoup moins pour les femmes. Nous souhaitons donc que le pays soit inscrit sur ladite liste lorsqu’il est sûr « pour les hommes et pour les femmes ».
Mme la rapporteure. Je partage l’objectif, mais votre amendement sera satisfait par des propositions ultérieures. Au demeurant, la nouvelle définition des pays d’origine sûrs reprend celle de la directive « Procédure », beaucoup plus exigeante que la précédente : ne seront inscrits sur la liste que les pays qui respectent les droits fondamentaux et protègent contre la torture et les traitements inhumains et dégradants, d’une manière générale et uniformément, ce qui implique une sûreté aussi bien pour les femmes que pour les hommes.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CL84 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. La liste des pays d’origine sûrs est par définition insatisfaisante : tous les pays européens n’ont pas la même approche en la matière, et leur appréciation en dit davantage sur leur propre histoire, parfois coloniale, que sur les désordres réels du monde.
C’est donc logiquement que ce thème fait l’objet d’amendements parlementaires. De fait, il peut apparaître gênant que l’OFPRA décide seul de cette liste qu’il peut utiliser comme une sorte d’entonnoir. À cet égard, l’amendement de M. Robiliard permettrait un débat en séance sur les principes.
En tout état de cause, mon amendement CL84 vise à ce que la liste soit fixée par décret en Conseil d’État, lequel a d’ailleurs annulé de nombreuses décisions d’inscription. La mesure consacrerait donc une pratique déjà existante.
Mme la rapporteure. Cet amendement témoigne d’une préoccupation exprimée par tous les groupes de la majorité et de nombreuses associations ; néanmoins, il n’est pas sûr que le décret en Conseil d’État soit préférable à la décision d’un conseil d’administration qui sera diversifié, et où siègent des personnalités qualifiées, dont un représentant du Haut-Commissariat aux réfugiés. Je vous invite donc à retirer l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL89 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement prévoit que seule une majorité qualifiée, au sein du conseil d’administration, peut décider d’une inscription sur la liste des pays d’origine sûrs.
Mme la rapporteure. Là encore, je vous suggère le retrait. Cet amendement est en effet satisfait par l’amendement CL328, et par un autre, que nous examinerons ultérieurement et auquel je suis favorable, tendant à donner voix délibérative aux personnalités qualifiées.
M. Sergio Coronado. L’élargissement du conseil d’administration visé à l’amendement CL328 ne règle pas cette affaire. Je m’étonne par ailleurs que l’on intègre de plus en plus de représentants de l’État dans cette instance. Une présence parlementaire accrue permettrait un regard un peu différent. Mais nous y reviendrons en séance : à ce stade, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL74 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Il est bon que l’OFPRA précise les critères à partir desquels il fixe la liste des « pays d’origine sûrs », dès lors que cette notion reste dans la loi.
Je propose toutefois de rectifier cet amendement en substituant aux mots : « par le » les mots : « et du ».
Mme la rapporteure. L’alinéa 5 prévoit déjà que la fixation de la liste des pays d’origine sûrs s’effectuera dans les conditions définies par l’article 37 et l’annexe I de la directive « Procédure », donc, en l’occurrence, sur la base d’un éventail de sources d’informations dont plusieurs exemples sont cités. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
L’amendement est retiré.
La Commission passe à l’amendement CL329 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Je propose que le conseil d’administration de l’OFPRA soit tenu d’examiner régulièrement la situation des pays d’origine sûrs, afin d’en réviser la liste s’il y a lieu.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL218 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Les ONG et les associations de défense des droits des étrangers doivent pouvoir saisir le conseil d’administration de l’OFPRA pour demander l’examen de la radiation ou de l’ajout d’un pays de la liste.
Mme la rapporteure. Cet amendement, que je vous invite à retirer, est satisfait par un autre, dont nous débattrons ultérieurement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL219 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Le 1° de cet amendement est satisfait, me semble-t-il, par l’amendement de la rapporteure que nous venons d’adopter.
En revanche, il serait préférable de dire que l’OFPRA « doit » – et non « peut » – suspendre l’inscription sur la liste d’un pays dont la situation est devenue incertaine.
Mme la rapporteure. Je vous propose de retirer cet amendement, pour n’en présenter que le 2° en séance.
Mme Marie-Françoise Bechtel. J’en suis d’accord.
L’amendement est retiré.
La Commission se saisit de l’amendement CL34 de Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli. Il s’agit d’obliger le conseil d’administration de l’OFPRA à actualiser la liste, en se fondant sur l’examen de la situation dans les pays d’origine. Cet amendement rejoint donc celui de Mme la rapporteure.
Mme la rapporteure. C’est pourquoi je vous suggère de le retirer.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL299 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. L’actualisation des inscriptions doit à notre sens prendre en compte « la situation au regard des droits des femmes, des droits liés à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle et les persécutions de genre ».
Mme la rapporteure. Nous avons adopté un amendement qui fait entrer un représentant du ministère chargé des droits des femmes au sein du conseil d’administration de l’OFPRA, que les associations de défense des droits des femmes pourront également saisir. Je vous invite donc à retirer cet amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL330 de la rapporteure.
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement CL424 de M. Sergio Coronado.
Mme la rapporteure. L’amendement vise à autoriser les associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile et les associations de défense des droits de l’homme, des femmes ou des enfants à saisir, dans des conditions fixées par décret, le conseil d’administration d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un État sur la liste des pays d’origine sûrs.
Cet amendement en satisfait donc plusieurs autres précédemment défendus.
M. Sergio Coronado. Je souhaite ouvrir la possibilité de saisine du conseil d’administration aux présidents des commissions respectivement chargées des affaires étrangères et des affaires européennes des deux assemblées. Outre que cette disposition consacrerait le rôle de notre Parlement, elle permettrait au conseil d’administration d’être plus réactif s’agissant de l’évolution de la liste.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Ce n’est pas parce que les associations visées auront une possibilité de saisine que le conseil d’administration sera tenu d’examiner la demande. Autrement dit, l’amendement est superfétatoire ; en tout état de cause, il ne revêt aucun caractère normatif.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. La seule saisine contraignante est celle du Conseil d’État. Je ne vois donc pas l’utilité de cet amendement.
Mme la rapporteure. Je suis très favorable au sous-amendement de M. Coronado : les commissions parlementaires qui ont la meilleure connaissance des pays concernés doivent avoir la possibilité de signaler toute évolution préoccupante dans l’un d’entre eux et de demander une révision rapide de la liste.
Je m’étonne que nous ne nous fassions pas davantage confiance : si nous affirmons que le conseil d’administration de l’OFPRA ne tiendra pas compte de l’avis des commissions parlementaires, cette prédiction ne manquera pas de se réaliser. L’inscription dans la loi de la possibilité de telles saisines leur donnera davantage de visibilité.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le recours des associations ouvre un contentieux ; en revanche, préciser que les présidents des commissions parlementaires compétentes peuvent saisir le conseil d’administration est superfétatoire car c’est déjà le cas. De même, l’énumération de libellés ministériels, dans l’amendement CL328, me paraît contraire à la bonne légistique.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Rien n’empêche les associations et les présidents des commissions visées de saisir le conseil d’administration de l’OFPRA. La précision est donc inutile.
M. Sergio Coronado. Je puis partager une forme d’agacement face au bavardage législatif. Nous avions passé plus d’une heure, lors de l’examen du texte sur le harcèlement sexuel, pour savoir s’il fallait parler d’« identité de genre » ou d’« identité sexuelle ». Un compromis avait été trouvé au Sénat et à l’Assemblée, que je ne retrouve pas dans les amendements que nous examinons.
Quoi qu’il en soit, le droit dont nous parlons n’a jamais été utilisé par les commissions parlementaires visées. Nous ne cherchons qu’à favoriser la révision d’une liste insatisfaisante.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.
L’amendement CL90 de M. Sergio Coronado est retiré.
La Commission passe à l’amendement CL4 de la commission des Affaires étrangères.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Il convient de porter de trois à quatre le nombre de personnalités qualifiées siégeant au conseil d’administration.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL300 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Il s’agit de donner aux personnalités qualifiées une voix délibérative sur la détermination des listes.
Mme la rapporteure. Avis favorable : cela contribuera au rééquilibrage de la composition du conseil d’administration.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 6 modifié.
Article 7
(chap. III du titre II du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Examen des demandes d’asile par l’OFPRA
L’article 7 modifie, au sein du titre II du livre VII du CESEDA, le chapitre III consacré à l’ « Examen des demandes d’asile », actuellement composé des articles L. 723-1 à L. 723-5.
Il divise ce chapitre en un ensemble de quatre sections, composé des articles L. 723-1 à L. 723-15 :
— la première consacrée aux garanties procédurales et aux obligations du demandeur ;
— la deuxième relative aux demandes irrecevables ;
— la troisième concernant le retrait d’une demande ou la renonciation à une demande ;
— la quatrième régissant les demandes de réexamen.
Le 1° de l’article 7 crée, au sein du chapitre III, une section 1 intitulée « Garanties procédurales et obligations du demandeur », constituée des articles L. 723-1 à L. 723-9. L’un des principaux objets du présent projet de loi est en effet de transposer les garanties procédurales énoncées par la directive « Procédures ».
1. Le maintien du principe d’incompétence de l’OFPRA pour connaître d’une demande relevant du règlement Dublin
Le 2° de l’article 7 actualise la rédaction du premier alinéa de l’article L. 723-1, qui pose aujourd’hui le principe de l’incompétence de l’OFPRA pour connaître d’une demande d’asile ressortissant à la responsabilité d’un autre État membre de l’Union européenne. La rédaction actuelle se réfère indirectement, par le biais d’un renvoi au 1° de l’article L. 741-4 (59), au règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, dit « Dublin II (60) ». La rédaction proposée, tout en maintenant à l’identique le principe de l’incompétence de l’OFPRA, se réfère désormais au règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit « Dublin III (61) ».
Le 2° de l’article 7 supprime par ailleurs le deuxième alinéa de l’actuel article L. 723-1, consacré à la procédure dite « prioritaire ». Cette procédure est en effet remplacée par une nouvelle procédure dite « accélérée », qui fait l’objet du nouvel article L. 723-2.
Le 3° de l’article 7 remplace les articles L. 723-2 et L. 723-3 par six nouveaux articles L. 723-2 à L. 723-7. Le nouvel article L. 723-2 est consacrée à la procédure « accélérée », qui se substitue à la procédure « prioritaire ».
Autorisée par l’article 23 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, la procédure « prioritaire » est, en l’état actuel du droit, régie par l’article L. 723-1, alinéa 2. En application de cet alinéa, il appartient aujourd’hui à l’OFPRA de statuer en priorité sur les dossiers de demandeurs d’asile auxquels un document provisoire de séjour (62) a été refusé ou retiré pour un certain nombre de motifs limitativement énumérés (63) (changement de circonstances conduisant à ce qu’une personne ne puisse plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité (64), pays considéré comme un pays d’origine sûr, menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État, fraude délibérée, recours abusif aux procédures d’asile, demande présentée en vue de faire échec à une mesure d’éloignement) ou qui se sont vu refuser pour l’un de ces motifs le renouvellement de ce document. Comme le résume l’étude d’impact, « cette procédure, mise en œuvre à l’initiative de l’autorité préfectorale, ne peut intervenir que sur la base de critères objectifs, extérieurs à la qualité intrinsèque de la demande, dans le respect du principe selon lequel il n’appartient qu’à l’OFPRA de connaître du fond de la demande (65) ».
Lorsqu’il est saisi en application de la procédure prioritaire, l’office statue dans un délai de quinze jours (66) sur la demande d’asile (67), conformément aux dispositions de l’article R. 723-3 du CESEDA. Le demandeur d’asile ne peut alors bénéficier de l’admission provisoire au séjour. Toutefois, dans l’attente de la décision de l’OFPRA, il ne saurait être soumis à une mesure d’éloignement.
La conformité de ce dispositif à la Constitution a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans ses décisions du 13 août 1993 (68) et du 4 décembre 2003 (69). Dans cette dernière décision, en particulier, le Conseil n’a pas jugé contraires à la Constitution, eu égard aux précautions prises par le législateur, les dispositions soumettant à une procédure d’examen prioritaire par l’OFPRA les demandes d’asile présentées par des personnes ayant la nationalité de pays considérés par lui comme « pays sûrs », dès lors que cette notion est strictement définie, que la procédure suivie ne dispense pas l’office d’un examen particulier de chaque demande et que la liste des pays sûrs ne lie pas la Commission de recours des réfugiés (à laquelle a succédé la CNDA).
Au cours de l’année 2009, 13 % des premières demandes ont été examinées en procédure prioritaire (22 % en incluant les demandes de réexamen). En 2010, 24 % des demandes d’asile ont été examinées selon cette procédure. En 2012, celle-ci a concerné 14 800 demandes (soit 31,2 % de la demande globale) et 13 254 en 2013 (soit 25,6 %).
Le nouvel article L. 723-2, tel qu’il résulte du 3° de l’article 7 du présent projet de loi, modifie le régime qui vient d’être décrit. Transposant l’article 31, paragraphe 8, de la directive « Procédures », il a pour ambition de contribuer, moyennant un certain nombre de garanties renforcées pour les demandeurs, à l’accélération de l’examen des demandes d’asile. Il se situe en cela dans le prolongement du plan d’action pour la réforme de l’OFPRA, défini à l’issue d’un processus de concertation interne et mis en œuvre depuis septembre 2013 à l’initiative de son directeur général actuel. Ce plan a consisté, entre autres choses, à « mutualiser » les cinq premiers pays de provenance des demandeurs d’asile entre les quatre divisions géographiques de l’OFPRA si bien que l’ensemble des officiers de protection sont capables de traiter les dossiers de ces pays. Ceci a permis, à titre d’illustration, de réduire le délai moyen d’examen des demandes émanant du Kosovo à trois mois. Cette nouvelle organisation a contribué à l’augmentation du nombre annuel de décisions prises par l’OFPRA, pour une proportion que son directeur général évalue à un tiers (les deux tiers restant étant attribuables aux recrutements effectués (70)).
Selon le nouveau régime prévu par le projet de loi, il peut désormais être recouru à la procédure « accélérée » non seulement dans les mêmes cas que pour la procédure prioritaire, mais également dans de nouvelles hypothèses telles qu’une demande tardive ou une demande dépourvue à l’évidence de crédibilité.
Le classement en procédure « accélérée » peut soit intervenir de plein droit en application de la loi, soit être mis en œuvre par décision de l’OFPRA, soit résulter d’une décision de l’autorité administrative. Comme l’explique l’étude d’impact, il a été jugé préférable de ne pas conférer à l’OFPRA le monopole du classement en procédure accélérée. Il est en effet « apparu nécessaire de prévoir des cas automatiques, définis par la loi, ayant une vertu de message clair, et des cas à l’initiative de l’autorité administrative, fondés sur des circonstances dont elle a connaissance, mais qui sont étrangères à toute appréciation du fond de la demande (71) ».
Selon le I de l’article L. 723-2, l’OFPRA statue en procédure accélérée lorsque :
— le demandeur provient d’un pays considéré comme un « pays d’origine sûr » en application de l’article L. 722-1 ;
— le demandeur a présenté une demande de réexamen qui a été jugée recevable dans les conditions prévues au nouvel article L. 723-14 (72).
Selon le II de l’article L. 723-2, l’OFPRA peut, « de sa propre initiative », statuer en procédure accélérée lorsque :
— le demandeur a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
— le demandeur n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence « au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions d’octroi de l’asile » ;
— le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d’origine.
Ce dernier cas de figure constitue une innovation par rapport à la procédure prioritaire. Lors de son audition, le directeur général de l’OFPRA, M. Pascal Brice, a jugé le recours possible à la procédure accélérée « utile comme faculté offerte à l’OFPRA ». Il a souligné l’existence de nationalités pour lesquelles l’office constatait un besoin de protection très faible. Tel est actuellement le cas, à titre d’illustrations, de l’Albanie ou du Kosovo. Il a ajouté qu’il pourrait en être fait usage lorsque les affirmations d’un demandeur sont clairement contraires à ce que l’on sait de son pays. Il a toutefois indiqué qu’il n’envisageait pas de se servir massivement de cette possibilité.
La possibilité pour l’OFPRA de placer une personne en procédure accélérée suscite des réticences chez les représentants syndicaux du personnel de l’établissement. Ils ont indiqué, lors de leur audition, que cela ne correspondait pas au métier des agents de l’office, ceux-ci n’étant pas formés pour reconnaître des faux documents.
S’agissant du deuxième cas de placement en procédure accélérée à l’initiative de l’OFPRA, la rédaction en a été modifiée par un amendement adopté par la Commission à l’initiative de votre rapporteure. Le demandeur peut ainsi être placé en procédure accélérée s’il n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence « au regard de la demande de protection qu’il formule ». Cette rédaction plus large permettra à l’OFPRA de juger de la pertinence des questions soulevées non seulement en fonction d’un droit éventuel à l’asile, mais aussi au regard d’une éventuelle protection subsidiaire.
Selon le III de l’article L. 723-2, l’OFPRA statue en procédure accélérée lorsque l’autorité administrative en charge de l’enregistrement de la demande d’asile, c’est-à-dire la préfecture, constate que :
— le demandeur refuse de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales conformément au règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit « Eurodac » (73) (ce cas recouvre notamment les situations où le demandeur a volontairement altéré ses empreintes digitales par l’usage de colle, de lime, d’acide, etc., afin de masquer des demandes d’asile multiples) ;
— le demandeur a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
— le demandeur qui est entré ou s’est maintenu en France de manière irrégulière s’est abstenu, « sans raison valable », de présenter sa demande d’asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée sur le territoire ;
— le demandeur ne présente une demande d’asile qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente ;
— la présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
L’une de ces hypothèses, en particulier, a suscité des réactions négatives lors des auditions menées par votre rapporteure, notamment de la part du monde associatif. Il a été mis en avant que certains ressortissants étrangers, du fait du manque d’informations, des traumatismes psychologiques subis et de la crainte des autorités quelles qu’elles soient, tardaient à déposer leurs demandes d’asile, et que leur opposer le délai de quatre-vingt-dix jours dans ce cas serait injustifié. Prenant en compte ces considérations, la commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteure substituant au nombre de quatre-vingt-dix le nombre de cent vingt.
Un autre amendement adopté à l’initiative de votre rapporteure a simplifié la rédaction concernant le placement en procédure accélérée d’une demande d’asile visant à faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente. Le terme « imminente », en particulier, n’ayant pas de contenu précis, la Commission a jugé préférable de mentionner une « mesure d’éloignement », sans qualificatif particulier.
Le 3° de l’article 7 encadre de plusieurs manières le recours à la procédure accélérée.
ii. Le cas des mineurs non accompagnés
S’agissant du mineur non accompagné, le IV de l’article L. 723-2 dispose, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, que la procédure accélérée ne peut être utilisée en ce qui le concerne, sauf de manière exceptionnelle lorsque :
— le mineur provient d’un pays d’origine sûr ;
— le mineur a déposé une demande de réexamen qui a été jugée recevable ;
— la présence du mineur constitue, aux yeux de l’autorité préfectorale, une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
Ces trois exceptions constituent la reprise directe des cas prévus par l’article 25, paragraphe 6, de la directive « Procédures ».
L’encadrement du recours à la procédure accélérée pour les mineurs non accompagnés a toutefois été jugé encore trop large par la commission des Lois, eu égard à la particulière vulnérabilité des intéressés. La Commission a préféré prévoir pour les mineurs isolés présents sur le territoire une disposition plus favorable que celle de la directive. En adoptant un amendement présenté par votre rapporteur, elle a donc retenu le principe de l’examen de leur demande d’asile selon la procédure normale, sans dérogation (sauf le cas de l’asile à la frontière prévu à l’article L. 221-1).
iii. L’assurance de garanties procédurales équivalentes à celles de la procédure normale
Le V de l’article L. 723-2 prévoit que, quelle que soit l’hypothèse de recours à la procédure accélérée, l’OFPRA doit procéder à un « examen individuel de chaque demande dans le respect des garanties procédurales prévues à [la section 1 du chapitre III] ». La procédure accélérée n’est donc pas une procédure au rabais, mais uniquement une procédure plus rapide (74). Les dispositions relatives à la prise en compte de la vulnérabilité, à l’instruction de la demande, à la réalisation d’un examen médical ainsi qu’à l’organisation et à la transcription d’un entretien personnel (75) lui sont applicables tout comme à la procédure normale. Le directeur général de l’OFPRA, M. Pascal Brice, a indiqué à ce propos à votre rapporteure qu’un contrôle de qualité avait été effectué sur 250 décisions rendues par l’office soit en procédure « prioritaire », soit en procédure « ordinaire », et qu’il n’avait pas révélé de différence de qualité entre les unes et les autres.
iv. La possibilité pour l’OFPRA de recourir dans tous les cas à la procédure normale
Aux termes du V de l’article L. 723-2, l’OFPRA demeure par ailleurs libre, si un examen approprié de la demande lui paraît l’exiger, de ne pas statuer en procédure accélérée. Il en va ainsi que la demande ait été initialement classée en procédure accélérée par application de la loi ou sur l’initiative de l’autorité préfectorale.
Cette faculté de repasser en procédure normale répond à un souhait exprès non seulement des associations, mais également de l’OFPRA, comme l’a rappelé son directeur général à votre rapporteure. M. Pascal Brice a indiqué en particulier que les préfectures n’avaient pas à entrer dans le fond des demandes d’asile, et qu’il était important que l’office dispose de la possibilité de « déclasser » certains dossiers qui lui seraient transmis en procédure accélérée. Parmi les dossiers nécessitant un examen assez long, il a cité comme exemples ceux liés à la traite des êtres humains, aux violences faites aux femmes ou encore aux persécutions en raison de l’orientation sexuelle.
v. L’existence d’un recours contre les décisions de rejet rendues dans le cadre d’une procédure accélérée
En application du nouvel article L. 731-2 du CESEDA (76), un recours est ouvert contre les décisions de rejet au fond rendues par l’OFPRA dans le cadre d’une procédure accélérée. Un tel recours doit être introduit, à peine d’irrecevabilité, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision de rejet de la demande par l’OFPRA. Un circuit court est prévu pour le prononcé de la décision. Le président de la CNDA ou le président de la formation de jugement qu’il désigne à cette fin, après avoir vérifié que la demande relève de l’un des cas prévus par l’article L. 723-2, doit ainsi statuer dans un délai de cinq semaines à compter de sa saisine. Toutefois, si le président de la CNDA ou celui de la formation de jugement estime que la demande d’asile ne relève pas de la procédure accélérée, la Cour statue alors en formation collégiale dans un délai de cinq mois à compter de sa saisine.
Le VI de l’article L. 723-2 précise, à propos de la décision de l’autorité préfectorale de recourir à la procédure accélérée (visée au III de l’article L. 723-2), qu’elle ne peut faire l’objet, devant les juridictions administratives de droit commun, d’un recours distinct du recours qui peut être formé devant la CNDA à l’encontre de la décision de l’office rejetant la demande.
L’état du droit actuel ne prévoit pas de prise en compte spécifique de la vulnérabilité du demandeur, si l’on met à part la possibilité pour l’OFPRA de dispenser celui-ci d’entretien pour des raisons médicales (77).
La prise en compte de cette vulnérabilité, inspirée par la nécessité de transposer notamment l’article 31, paragraphe 7, de la directive « Procédures », constitue l’une des avancées les plus notables du présent projet de loi. Aux termes du nouvel article L. 723-3, l’OFPRA peut, à quelque stade que ce soit de la procédure, définir des « modalités particulières d’examen » pour l’exercice des droits d’un demandeur « en raison de sa situation particulière, de sa minorité ou de sa vulnérabilité ».
Par ailleurs, l’office peut statuer « par priorité » sur :
— les demandes manifestement fondées ;
— les demandes présentées par des personnes vulnérables identifiées comme nécessitant des « modalités particulières d’examen », notamment lorsqu’il s’agit de mineurs non accompagnés ;
— les demandes présentées par des personnes vulnérables identifiées comme ayant des besoins particuliers en matière d’accueil « en application de l’article L. 744-6 ».
L’article L. 744-6, créé par l’article 15 du projet de loi, prévoit en effet que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est tenu de procéder à un examen de la vulnérabilité du demandeur d’asile afin de déterminer ses éventuels besoins particuliers en matière d’accueil (78).
Cette faculté de statuer prioritairement sur certaines demandes appelées à recevoir une réponse a priori favorable ou émanant de personnes fragilisées démontre que le recours à une procédure rapide, loin d’être nécessairement négatif, peut au contraire être exercé dans l’intérêt même des demandeurs. Le directeur général de l’OFPRA, M. Pascal Brice, a indiqué à votre rapporteure que cette procédure prioritaire positive avait été utilisée par exemple pour des Coptes d’Égypte, des Syriens, des Tibétains ou encore pour des jeunes filles menacées d’excision.
Enfin, lorsque l’office considère que le demandeur d’asile, en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l’examen de sa demande en « procédure accélérée », il peut décider de ne pas statuer ainsi.
Ces différentes possibilités consacrent dans la loi une pratique en cours à l’OFPRA consistant à assurer un traitement « différencié » ou « adapté » de l’examen des demandes en fonction de leur contenu (79).
À l’initiative de votre rapporteure, la commission des Lois a adopté un amendement précisant que, dans la définition des modalités particulières d’examen, l’office « tient compte des informations sur la vulnérabilité qui lui sont transmises en application de l’article L. 744-6 et des éléments de vulnérabilité dont il peut seul avoir connaissance au vu du contenu de la demande ou des déclarations de l’intéressé ». Ainsi l’OFPRA pourra tenir compte des informations qui lui auront été transmises par l’OFII mais pourra également s’appuyer sur ses propres informations.
Le nouvel article L. 723-4 prévoit (à l’instar de l’article L. 723-2 actuellement en vigueur) que l’OFPRA se prononce, au terme d’une instruction unique, sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou sur l’octroi de la protection subsidiaire.
Il transpose ensuite fidèlement l’article 4 de la directive « Qualification ».
Selon les nouvelles dispositions proposées, le demandeur doit présenter, dans les meilleurs délais, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d’asile. Ces éléments correspondent à ses déclarations et à tous les documents dont il dispose concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays ainsi que les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire ainsi que les raisons justifiant sa demande.
Il appartient à l’OFPRA d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande.
L’office se prononce en tenant compte de la situation existant dans le pays d’origine à la date de sa décision, de la situation personnelle et des déclarations du demandeur, des éléments de preuve et d’information qu’il a présentés ainsi que, le cas échéant, des activités qu’il a exercées depuis le départ de son pays d’origine et qui seraient susceptibles de l’exposer dans ce pays à des persécutions ou des atteintes graves. L’office tient compte également, le cas échéant, du fait qu’il est raisonnable de considérer que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de « revendiquer la nationalité ».
D’après le nouvel article L. 723-4, le fait que le demandeur a déjà fait l’objet de persécutions ou d’atteintes graves (ou de menaces directes d’y être soumis) constitue un indice sérieux du caractère fondé des craintes du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, « sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas ».
Il n’est pas exigé du demandeur qu’il apporte absolument la preuve de toutes ses déclarations. Il lui appartient en revanche :
— de présenter sa demande dans les meilleurs délais (sauf motif légitime) ;
— de l’étayer en présentant tous les éléments à sa disposition ;
— d’expliquer de façon satisfaisante l’absence d’autres éléments probants.
Si ces conditions sont réunies, et dès lors que les déclarations du demandeur sont crédibles et ne sont pas contredites par les informations dont dispose l’office, il n’est pas exigé de l’intéressé d’autres éléments de justification.
La Commission a adopté un amendement rédactionnel clarifiant l’un des alinéas du nouvel article L. 723-4.
Innovant par rapport au droit actuellement en vigueur, le nouvel article L. 723-5 prévoit que l’OFPRA peut solliciter du demandeur d’asile qu’il se prête à un examen médical. Le fait que le demandeur refuse de s’y soumettre ne fait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande. La fixation des modalités d’agrément des médecins et d’établissement des certificats médicaux est renvoyée à un arrêté conjoint du ministre chargé de l’asile et du ministre chargé de la santé, pris après avis du directeur général de l’OFPRA.
En l’état du droit actuel, l’article L. 723-3 prévoit que l’OFPRA convoque le demandeur à une audition. Il peut s’en dispenser s’il apparaît que :
— l’office s’apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession ;
— le demandeur d’asile est soumis à une clause de cessation de la protection en application du 5 du C de l’article 1er de la convention de Genève ;
— les éléments fournis à l’appui de la demande sont manifestement infondés ;
— des raisons médicales interdisent de procéder à l’entretien.
Le nouvel article L. 723-6 conserve uniquement la première et la dernière de ces exceptions au principe de l’entretien. Il se conforme en cela à l’article 14, paragraphe 2, de la directive « Procédures ». L’entretien constituant une garantie particulièrement importante pour le demandeur d’asile, la directive a en effet cherché à réduire au minimum les cas où l’OFPRA peut s’en dispenser.
Le nouvel article L. 723-6 prévoit par ailleurs les modalités de cet entretien.
Le demandeur se présente à l’entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l’officier de protection. Il est entendu dans la langue de son choix, « sauf s’il existe une autre langue qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement ».
Il est loisible au demandeur, conformément à l’article 23, paragraphe 3, de la directive « Procédures », de se présenter accompagné d’un tiers (80), « avocat » ou représentant d’une « association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile ».
Sur cette question du tiers, l’article 23, paragraphe 3, de la directive se contente ici de parler, sans plus de précision, « du conseil juridique ou d’un autre conseiller reconnu en tant que tel ou autorisé à cette fin en vertu du droit national ».
On peut noter que le recours à l’aide juridictionnelle n’est pas prévu, pour cet entretien qui n’est pas au demeurant une étape de nature juridictionnelle.
La présence d’un tiers a été jugée par le directeur général de l’OFPRA, lors de son audition par votre rapporteur, comme « une garantie nouvelle et positive pour les demandeurs » qui « va consacrer la crédibilité des décisions de l’OFPRA ». Il a souligné néanmoins qu’elle devait rester compatible avec l’objectif de diminution des délais d’examen des demandes d’asile. Il a donc estimé important que cette présence soit encadrée. Deux éléments, prévus par le projet de loi, peuvent selon lui y contribuer :
— l’avocat ou le représentant de l’association peut, à sa demande, formuler des observations seulement « à la fin de l’entretien », ce qui tend à écarter le risque de transformer celui-ci en une arène judiciaire (81) ;
— l’absence d’un avocat ou d’un représentant d’une association n’empêche pas l’office de mener l’entretien.
La compétence donnée au directeur général de l’OFPRA pour définir les modalités d’organisation de l’entretien va également dans ce sens. À cet égard, l’article 19, alinéa 34, du présent projet de loi prévoit que l’habilitation des associations et l’agrément de leurs représentants sont effectués par l’OFPRA (82). Il convient de prendre garde en effet que le tiers présent ne soit pas, par exemple, un membre de la communauté d’appartenance du demandeur destiné à faire pression sur lui ou à surveiller ses propos, voire un chef de réseau ou un proxénète. Plus généralement, le directeur général de l’OFPRA souhaite conserver la police de l’entretien et pouvoir sanctionner, le cas échéant, certains comportements qui ne seraient pas acceptables.
Le directeur général de l’OFPRA estime à vingt minutes l’allongement de la durée moyenne de l’entretien personnel, consécutif à la présence d’un tiers et à la faculté pour lui de formuler des observations qu’il appartiendra à l’officier de protection de noter. L’allongement ainsi anticipé explique pour une part l’effort consenti par l’État dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, qui prévoit le recrutement de 55 agents supplémentaires (83).
L’absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué, ne fera pas obstacle à ce que l’OFPRA statue sur sa demande, étant précisé par ailleurs que l’office peut dans un tel cas prendre une décision de clôture, en application des dispositions du nouvel article L. 723-11 (84).
La commission des Lois a adopté une série d’amendements modifiant sur certains points le régime de l’entretien à l’OFPRA.
Un premier amendement a prévu que chaque demandeur majeur était entendu individuellement hors de la présence des membres de sa famille. L’office peut entendre individuellement un demandeur mineur dans les mêmes conditions s’il estime raisonnable de penser qu’il aurait pu subir des persécutions ou atteintes graves dont les membres de la famille n’auraient pas connaissance. Il peut procéder à un entretien complémentaire en présence des membres de la famille s’il l’estime nécessaire. Ces dispositions visent à répondre au cas où l’un des membres de la famille, en particulier une femme ou un enfant, a subi des atteintes spécifiques telles que des viols ou atteintes sexuelles, dont les autres membres de la famille n’ont pas nécessairement connaissance et qui ne pourraient être exprimés en leur présence.
Un deuxième amendement a remplacé l’expression de « langue qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement », jugée trop vague, par celle de « langue dont il a une connaissance suffisante ».
Aux termes d’un troisième amendement, il est prévu que, si le demandeur en fait la demande et si cette demande apparaît manifestement fondée par la difficulté pour celui-ci d’exprimer des motifs de persécution liés à des violences à caractère sexuel, l’entretien est conduit, dans la mesure du possible, par un agent de même sexe et en présence d’un interprète de même sexe. Cette disposition offre une garantie supplémentaire au demandeur d’asile tout en laissant une certaine souplesse à l’OFPRA en fonction de ses moyens (par exemple en termes de disponibilité d’interprètes femmes dans certaines langues).
En ce qui concerne l’accompagnement du demandeur par un tiers, les termes du projet de loi avaient paru restrictifs à certaines associations auditionnées par votre rapporteure en ce qu’ils pouvaient conduire à exclure soit des organisations plus généralistes, militant par exemple en faveur des droits de l’homme, soit des organismes au contraire plus ciblés sur certains publics (comme des associations de défense des droits des femmes, des droits des enfants ou encore des droits des personnes homosexuelles). Un amendement présenté par votre rapporteure a permis de remédier à cette carence. Il est désormais prévu que le demandeur peut se présenter à l’entretien accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, soit d’un représentant d’une association de défense des droits de l’homme, des femmes ou des enfants, soit d’un représentant d’une association de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle.
7. La réalisation d’une transcription de l’entretien
En l’état actuel du droit, l’article L. 723-3-1 se contente de disposer que « l’office notifie par écrit sa décision au demandeur d’asile », étant précisé que « toute décision de rejet est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours ». En cas de rejet, le demandeur peut solliciter de l’OFPRA les « observations », c’est-à-dire le raisonnement de l’officier de protection, comme le directeur général de l’office l’a confirmé à votre rapporteur.
Le projet de loi n’abroge pas cette disposition mais il prévoit, dans un nouvel article L. 723-7, transposant l’article 17 de la directive « Procédures », que l’entretien personnel mené avec le demandeur doit faire l’objet d’une « transcription » versée à son dossier. La définition plus précise des conditions de cette transcription est renvoyée à un décret en Conseil d’État.
La transcription est communiquée à leur demande à l’intéressé ou à son avocat ou au représentant de l’association avant qu’une décision soit prise sur la demande. Cette communication peut toutefois n’intervenir que lors de la notification de la décision si l’on se situe dans le cadre de la procédure accélérée, comme le permet le paragraphe 5 de l’article 17 de la directive « Procédures ».
La Commission a adopté un amendement précisant que la transcription devait rendre compte non seulement de l’entretien mais également des observations formulées par le tiers accompagnateur.
Un autre amendement a été adopté à l’initiative du Gouvernement. Il concerne l’hypothèse où l’entretien personnel a fait l’objet, en plus d’une transcription, d’un enregistrement sonore, comme le permet la directive « Procédures » et comme l’envisage l’article 19 du projet de loi. Son objet est de réglementer l’accès à ce type de document afin qu’il ne fasse pas l’objet d’utilisations malveillantes ou encore de tentatives de déstabilisation de certains officiers de protection.
L’amendement prévoit donc, dans un II du nouvel article L. 723-7, un accès à cet enregistrement sonore dans des conditions sécurisées, définies par décret en Conseil d’État, et uniquement après notification de la décision de rejet de l’OFPRA, en conformité avec l’article 17, paragraphe 5, de la directive. Cet accès peut être obtenu auprès de l’office ou, en cas de recours, auprès de la Cour nationale du droit d’asile.
Il prévoit aussi, dans un III du même article, une interdiction de diffusion, sous peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Il convient de souligner au préalable que la réorganisation du chapitre III entraîne certaines conséquences en ce qui concerne la numérotation des articles.
C’est pourquoi le 4° de l’article 7 du projet de loi énonce que l’article L. 723-3-1 (relatif à la notification par écrit et à la motivation de la décision de l’OFPRA) devient l’article L. 723-8 et que l’article L. 723-4 (relatif à la communication par l’OFPRA de documents d’état civil ou de voyage nécessaires à la mise en œuvre d’une mesure d’éloignement) devient l’article L. 723-9.
C’est également la raison pour laquelle le 5° de l’article 7 abroge l’article L. 723-5, celui-ci portant, en l’état actuel du droit, sur le renouvellement et la cessation de la protection subsidiaire.
Le 6° de l’article 7 ajoute, quant à lui, au sein du chapitre III, une section 2 intitulée « Demandes irrecevables », constituée du seul article L. 723-10, transposant l’article 33 de la directive « Procédures ».
Le nouvel article L. 723-10 innove en prévoyant que l’OFPRA peut prendre dans un certain nombre de cas une décision d’irrecevabilité, « sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies ». Les hypothèses possibles sont les suivantes :
— lorsque le demandeur bénéficie d’une protection au titre de l’asile dans un État membre de l’Union européenne ;
— lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection « effective » dans un État tiers et y est effectivement réadmissible ;
— en cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue d’un « examen préliminaire » effectué dans les conditions prévues à l’article L. 723-14 (85), il apparaît que cette demande ne repose sur aucun élément nouveau.
En ce qui concerne les deux premiers motifs d’irrecevabilité, le demandeur peut, au cours de l’entretien personnel qu’il a avec l’officier de protection, présenter des observations quant à leur application éventuelle à sa situation.
S’agissant toujours des deux premiers motifs, il convient de noter que le terme « effective » n’est pas en facteur commun. Dans le premier cas, le présupposé est que la protection est effective au sein de l’Union européenne et qu’il n’appartient pas à la France de se faire juge de cette effectivité dans tel ou tel État membre, la Cour de justice de l’Union européenne pouvant toujours être saisie si nécessaire. Dans le second, au contraire, il incombe à l’OFPRA d’apprécier, en fonction de sa connaissance du pays, l’effectivité de la protection qui y est offerte.
Le prononcé d’une décision d’irrecevabilité ne constitue qu’une simple faculté pour l’OFPRA. Celui-ci conserve la faculté d’examiner la demande présentée par un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection pour un autre motif.
Les décisions d’irrecevabilité sont susceptibles de recours, en application du nouvel article L. 731-2 du CESEDA dans sa rédaction issue de l’article 10 du projet de loi (86). Ce recours doit être introduit, à peine d’irrecevabilité, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision. Le président de la CNDA ou le président de la formation de jugement qu’il désigne à cette fin, après avoir vérifié que la demande relève de l’un des cas prévus par l’article L. 723-10, statue dans un délai de cinq semaines à compter de sa saisine. Toutefois, si le président de la CNDA ou celui de la formation de jugement estime que la demande ne relève pas de l’un des cas d’irrecevabilité, la Cour statue alors en formation collégiale dans un délai de cinq mois à compter de sa saisine.
Un amendement adopté par la Commission a précisé que la décision d’irrecevabilité prise par l’OFPRA devait être écrite et motivée, inscrivant ainsi dans la loi ce qui est déjà la pratique.
Le 6 ° de l’article 7 ajoute également, au sein du chapitre III consacré à l’ « Examen des demandes d’asile », une section 3 intitulée « Retrait d’une demande ou renonciation à une demande », constituée des articles L. 723-11 et L. 723-12, qui transposent les articles 27 et 28 de la directive « Procédures ».
Aux termes de l’article L. 723-11, l’OFPRA peut clôturer l’examen de la demande en cas de retrait explicite ou implicite de la demande ou de renonciation à celle-ci. Il s’agit là d’un instrument nouveau qui n’est pas prévu par le droit actuel.
Les hypothèses possibles sont les suivantes :
— le demandeur a informé l’OFPRA du retrait de sa demande d’asile ;
— le demandeur, de manière délibérée et caractérisée, refuse de fournir des informations essentielles au traitement de sa demande, en particulier concernant son identité ;
— le demandeur n’a pas introduit sa demande à l’OFPRA « dans les délais impartis » ou, sans justifier de raison valable, ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office ;
— le demandeur a fui ou quitté sans autorisation « le lieu où il était hébergé en application de l’article L. 744-3 ou astreint à résider », ou n’a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités, sauf s’il a informé celles-ci dans un délai raisonnable ou justifie de motifs indépendants de sa volonté.
Les « délais impartis » pour que le demandeur introduise sa demande à l’OFPRA font ici référence aux délais dont dispose le ressortissant étranger, une fois qu’il a été autorisé à séjourner ou à se maintenir sur le territoire français, pour présenter sa demande complète. En l’état du droit actuel, l’article R. 723-1 du CESEDA prévoit que l’étranger demandeur d’asile dispose, pour présenter à l’OFPRA sa demande complète, d’un délai de vingt et un jours à compter de la remise de son autorisation provisoire de séjour. Dans le cas où l’admission au séjour lui a été refusée pour l’un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l’article L. 741-4 (changement de circonstances conduisant à ce qu’une personne ne puisse plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité, pays d’origine sûr, menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État, fraude délibérée, recours abusif aux procédures d’asile, demande présentée en vue de faire échec à une mesure d’éloignement), c’est d’un délai de quinze jours dont il dispose pour présenter une demande d’asile complète au préfet de département compétent et, à Paris, au préfet de police.
Quant au lieu visé au nouvel article L. 744-3 (87), il peut consister en un centre d’accueil pour demandeurs d’asiles (CADA) ou en un lieu d’hébergement d’urgence, pour lesquels les décisions d’entrée et de sortie seront prises par l’OFII (88).
Les cas de clôture visés par le nouvel article L. 723-11 constituent la reprise de ceux énoncés à l’article 27 ainsi qu’à l’article 28, paragraphe 1, de la directive « Procédures », à l’exception de la clôture pour absence d’introduction de la demande dans les « délais impartis » qui n’y figure pas.
À l’initiative de votre rapporteure, la commission des Lois a réécrit l’article L. 723-11 et l’a complété par un article L. 723-11-1.
L’article L. 723-11 prévoit désormais que, lorsque le demandeur informe l’OFPRA du retrait de sa demande d’asile, celui-ci peut clôturer l’examen de la demande, cette clôture étant consignée dans le dossier du demandeur. Ceci permet de distinguer clairement le retrait explicite (qui n’exige pas de formalisme particulier) de la renonciation implicite.
Aux termes du nouvel article L. 723-11-1, l’office peut prendre une décision de clôture d’examen d’une demande dans les cas suivants :
— le demandeur, sans justifier de raison valable, n’a pas introduit sa demande à l’office dans les délais prévus par décret et courant à compter de la remise de son attestation de demande d’asile ou ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office ;
— le demandeur refuse, de manière délibérée et caractérisée, de fournir des informations essentielles à l’examen de sa demande en application de l’article L. 723-4, notamment en ce qui concerne son identité ou sa nationalité ;
— le demandeur n’a pas informé l’office dans un délai raisonnable de son lieu de résidence ou de son adresse et ne peut être contacté aux fins d’examen de sa demande d’asile.
La rédaction de cet article L. 723-11-1 créé par la Commission permet de préciser davantage la nature des délais que doit respecter le demandeur pour éviter une décision de clôture d’examen et de réserver le cas où une « raison valable » (par exemple des circonstances particulières, indépendantes de la volonté du demandeur) l’aurait empêché d’introduire sa demande dans les délais impartis.
Elle écarte par ailleurs le cas de clôture d’examen lorsque le demandeur a quitté sans autorisation son lieu d’hébergement. En effet, la demande d’asile constitue une problématique distincte des considérations liées à l’hébergement ou à la présentation aux autorités. Le sort réservé à la demande d’asile ne saurait donc être lié à ces considérations.
Le nouvel article L. 723-12 prévoit que si, dans un délai inférieur à neuf mois suivant la décision de clôture, le demandeur sollicite la réouverture de son dossier ou présente une nouvelle demande, l’OFPRA doit rouvrir le dossier et reprendre l’examen de la demande au stade auquel il avait été interrompu. La décision de clôture ne peut être remise en cause que par le dépôt d’une demande de réouverture du dossier.
Le dossier d’un demandeur ne peut être ainsi rouvert qu’une seule fois. Passé le délai de neuf mois, la décision de clôture est définitive et la nouvelle demande est considérée comme une demande de réexamen. Ces dispositions reproduisent les stipulations du paragraphe 2 de l’article 28 de la directive.
Un amendement du Gouvernement, adopté par la Commission, a précisé que le dépôt par le demandeur d’une demande de réouverture de son dossier était « un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux devant les juridictions administratives de droit commun, à peine d’irrecevabilité de ce dernier ».
Cet amendement apportait une précision bienvenue, s’agissant du recours contentieux envisageable à la suite d’une décision de clôture. Le régime mis en place est donc le suivant. En cas de décision de clôture (qui n’est pas une décision au fond), le demandeur peut pendant neuf mois, sans formalité particulière, s’adresser de nouveau à l’OFPRA pour faire examiner son dossier. Cette réouverture est de droit. Si l’office refuse de rouvrir son dossier, un contentieux pourra être ouvert devant le tribunal administratif contre le refus de réouverture. Ce système est conforme à l’article 46 de la directive « Procédures ».
1. L’état du droit
Il est fréquent que les demandeurs d’asile déboutés essaient une deuxième fois d’obtenir le statut de réfugiés en adressant une nouvelle demande à l’OFPRA, soit qu’ils estiment que l’office et la CNDA n’ont pas fait une juste appréciation de leur dossier, soit qu’après la décision de rejet de la CNDA ils se soient procurés des documents nouveaux ou qu’ils puissent invoquer un changement dans les circonstances affectant leur pays. Les demandes de réexamen constituent un pourcentage significatif des dossiers de l’OFPRA (89) et de la CNDA.
Aujourd’hui, l’article R. 723-3 dispose que « lorsque, à la suite d’une décision de rejet devenue définitive, la personne intéressée entend soumettre à l’office des éléments nouveaux, sa demande de réexamen doit être précédée d’une nouvelle demande d’admission au séjour et être présentée selon la procédure prévue à l’article R. 723-1 (90) ». Le délai pour présenter sa demande d’asile complète à l’OFPRA est toutefois limité à huit jours contre vingt-et-un dans le cadre d’une première demande.
2. Les propositions du projet de loi
Le 6° de l’article 7 ajoute, toujours au sein du chapitre III, une section 4 intitulée « Demandes de réexamen », composée des articles L. 723-13 à L. 723-15. Cette section a pour objet de clarifier le régime applicable aux demandes de réexamen en prenant appui sur l’article 40 de la directive « Procédures ».
Aux termes du nouvel article L. 723-13, constitue une demande de réexamen une demande d’asile présentée après qu’une décision définitive a été prise sur une demande antérieure, y compris lorsque le demandeur avait explicitement retiré sa demande antérieure, lorsque l’office a pris une décision de clôture à la suite d’une renonciation implicite à cette demande ou lorsque le demandeur a quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d’origine. Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d’asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ceux-ci sont examinés dans le cadre de cette procédure, par l’OFPRA si celui-ci n’a pas encore statué ou par la CNDA si celle-ci est saisie.
Selon l’article L. 723-14, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d’asile. L’office procède à un « examen préliminaire » des faits ou éléments nouveaux présentés par le demandeur, intervenus postérieurement à la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu’il n’a pu en avoir connaissance que postérieurement à cette décision. Le droit à l’examen des demandes des personnes justifiant d’éléments nouveaux de nature à fonder la reconnaissance d’une protection est ainsi garanti par le projet de loi. Lors de cet examen, l’office n’est pas tenu de procéder à un entretien. Le 6° de l’article 7 consacre ici dans la loi la pratique actuelle de l’OFPRA.
Lorsqu’à la suite de cet examen préliminaire, l’office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n’augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d’irrecevabilité, conformément au nouvel article L. 723-10 (91). La mise en place de cette procédure de recevabilité devant l’OFPRA a pour but d’écarter les demandes de réexamen manifestement dilatoires et formées dans le seul but de prolonger le maintien en France. Lors de son audition, M. Pascal Brice, directeur général de l’OFPRA, a fait valoir à quel point cette disposition lui paraissait importante. Il a certes reconnu que le réexamen était un « droit précieux » pour le demandeur dans la mesure où l’office peut être « passé à côté de quelque chose ». Il n’en a pas moins souligné qu’il était « souvent utilisé comme manœuvre dilatoire » et que, faute de pouvoir user d’une procédure d’irrecevabilité, l’OFPRA « risquait de crouler sous les réexamens ». Là encore, si ce risque se réalisait, les efforts en vue de réduire les délais d’examen des demandes resteraient vains.
Si la demande de réexamen est jugée recevable, elle sera examinée de plein droit selon la procédure accélérée, conformément au nouvel article L. 723-2 (92).
Le nouvel article L. 723-15 précise que le statut de réfugié peut être refusé à une personne qui a introduit une demande de réexamen si le risque de persécutions est fondé sur des circonstances que le demandeur a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine. Cette disposition vise l’hypothèse de celui qu’on qualifie de « militant d’opportunité », qui n’exerce aucune activité de contestation dans son pays mais qui, une fois arrivé en France, affiche avec ostentation mais de manière insincère un engagement dans le seul but d’obtenir l’asile.
Ce nouvel article L. 723-15 a été supprimé par la commission des Lois à l’initiative de votre rapporteure. La sincérité d’un engagement politique ou idéologique est en effet impossible à sonder. La Commission a jugé que, quelles que soient les motivations ultimes d’un demandeur d’asile, le fait d’être exposé objectivement à un risque de persécutions à son retour devait lui ouvrir une protection.
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La Commission est saisie de l’amendement CL220 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. L’amendement est défendu.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je suggère le retrait de cet amendement. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n’est pas une juridiction. Si la demande n’a pas été examinée par l’office dans le délai prévu, le demandeur ira devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL28 de Mme Chaynesse Khirouni, CL50 de M. Marc Dolez et CL76 de M. Denys Robiliard.
Mme Chaynesse Khirouni. Le présent projet de loi prévoit dix cas de procédures accélérées, ce qui pourrait avoir des conséquences sur l’examen des demandes en procédure normale. Alors que la complexité des parcours nécessite un minimum de temps d’examen, cette disposition risque de conduire à exclure d’emblée les demandes. L’amendement vise donc à limiter les cas de procédures accélérées aux seuls cas de fraude sur l’identité, aux demandes manifestement infondées telles qu’elles sont définies par le comité exécutif du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et pour les personnes qui font l’objet d’une procédure en rétention.
M. Marc Dolez. L’amendement CL50 est défendu.
M. Denys Robiliard. Mon amendement vise aussi à limiter le recours à la procédure accélérée aux cas de fraude sur l’identité, aux demandes manifestement infondées et aux personnes qui font l’objet d’une procédure en rétention.
Mme la rapporteure. La procédure accélérée doit être encadrée – j’ai moi-même déposé plusieurs amendements en ce sens, notamment pour en exclure les mineurs –, mais elle n’en est pas moins utile. Au stade de l’OFPRA, la procédure accélérée ne change rien aux conditions d’examen de la demande par l’officier de protection de l’office : l’entretien est le même, la présence d’un tiers est possible. Cette procédure n’a d’éventuelles conséquences qu’au niveau de la CNDA, qui peut d’ailleurs la reclasser en procédure normale. Je vous invite donc à retirer ces amendements.
La Commission rejette successivement les amendements CL28, CL50 et CL76.
Puis elle en vient à l’amendement CL190 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Il s’agit de revoir l’architecture de cet article pour le rendre plus lisible. Sans changer le fond du texte, l’amendement propose de classer plus clairement les cas dans lesquels l’office décide ou non de recourir à la procédure accélérée et les cas dans lesquels il est tenu de statuer selon cette procédure.
Mme la rapporteure. L’important est que, quelle que soit l’origine du classement en procédure accélérée, l’OFPRA peut décider à tout moment de revenir à une procédure normale. Je vous invite donc à retirer cet amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL221 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Cet amendement précise les conditions dans lesquelles l’OFPRA doit examiner les demandes de personnes provenant de pays d’origine sûrs. Parmi ces pays, la France compte notamment le Ghana où l’homosexualité est un crime puni de vingt-cinq ans de prison. Ce pays ne peut donc pas être considéré comme sûr pour tout le monde, et la situation des demandeurs doit être examinée au regard des motifs de persécution qui sont invoqués. Cet amendement transpose les dispositions de l’article 36 de la directive 2013/32/UE.
Mme la rapporteure. Je vous invite à retirer votre amendement, car il est satisfait. D’une part, il ne paraît pas utile d’inscrire dans la loi les catégories consacrées par la Convention de Genève, car cela nous obligerait à le faire dans nombre d’autres articles du texte. D’autre part, je l’ai dit, l’OFPRA, qui est seule à connaître du fond de la demande, pourra toujours reclasser un dossier en procédure normale.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL301 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. La procédure accélérée ne doit pas être appliquée aux personnes victimes de la traite des êtres humains même lorsqu’elles sont arrivées sous une fausse identité, comme c’est très fréquemment le cas.
Mme la rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement, qui me paraît satisfait. Il est fréquent que les demandeurs d’asile entrent sur le territoire sous une fausse identité, et l’OFPRA ne classe pas un dossier en procédure accélérée pour ce seul motif. En outre, je le répète, il a toujours la possibilité de reclasser le dossier si la procédure normale paraît adaptée au cas individuel.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL93 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement est dans le même esprit que le précédent. Il est vrai, madame la rapporteure, que l’OFPRA n’applique pas forcément la procédure accélérée aux personnes qui sont arrivées sous une fausse identité. Néanmoins, cette pratique peut évoluer dans le temps, au gré des changements de gouvernement. Je pense donc qu’il est nécessaire de préciser que la procédure accélérée ne peut être appliquée au seul motif que la personne est entrée sur le territoire avec de faux papiers : seuls les documents présentés à l’OFPRA, à l’appui de la demande d’asile, doivent être pris en compte.
Mme la rapporteure. Je vous suggère de retirer cet amendement. L’OFPRA doit pouvoir utiliser les documents produits à divers stades de la procédure et qui pourraient révéler, par exemple, des demandes d’asile multiples ou une usurpation d’identité. Les officiers de protection de l’office savent que les demandeurs d’asile doivent souvent utiliser de faux documents d’identité ou de voyage pour quitter leur pays, et ces documents ne sont pas visés par le projet de loi.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL78 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à dissiper toute équivoque : seuls les documents présentés au moment de la demande d’asile sont pris en considération, et non pas ceux qui ont été utilisés pour le voyage.
Mme la rapporteure. Cette préoccupation me paraît d’autant plus justifiée que j’ai déposé un amendement assez proche qui satisfera le vôtre. Je vous suggère donc de retirer votre amendement au profit du mien.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL94 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement de repli vise à préciser les conditions dans lesquelles une demande d’asile peut passer en procédure accélérée au motif que le demandeur a soulevé des questions sans pertinence. Le concept de « question soulevée » apparaît par ailleurs inadapté et imprécis.
Mme la rapporteure. Je vous suggère de le retirer au profit de mon amendement CL331.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL331 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement permettra de juger de la pertinence des questions soulevées par le demandeur non seulement en fonction d’un droit éventuel à l’asile, mais aussi au regard d’une éventuelle protection subsidiaire.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL95 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement propose de ne pas rendre automatique le recours à la procédure accélérée en cas de demande de l’autorité administrative. L’OFPRA doit rester seul juge de la nécessité de l’application de cette procédure. Cela paraît plus conforme à l’article 4 de la directive qui ne parle que d’une « autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes ». Ce serait en outre une mesure de simplification.
Mme la rapporteure. Cette possibilité est déjà prévue par l’alinéa 21 de l’article 7 qui permet à l’OFPRA de reclasser un dossier en procédure normale. Votre amendement me paraissant satisfait, je vous suggère de le retirer.
La Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL96 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il s’agit d’obliger l’administration à motiver une décision de classement en procédure accélérée.
Mme la rapporteure. Dans les faits, l’administration justifiera par écrit des éléments ayant conduit à la mise en œuvre de la procédure accélérée en cas de recours après un refus de protection. Il ne paraît pas opportun d’alourdir la procédure en prévoyant expressément dans la loi une décision écrite et motivée. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL222 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, l’amendement propose, à l’alinéa 16, de changer le temps du verbe « présenter » pour le mettre au présent. Il doit être clair que la décision se prendra au moment de la demande d’asile, au vu des documents qui viennent à l’appui de cette demande et non pas de ceux qui auraient pu être présentés lors du passage de la frontière.
Mme la rapporteure. Cette préoccupation est justifiée, mais, étant donné que nous sommes à l’article 7 qui concerne la demande de protection et l’instruction du dossier par l’OFPRA, je ne pense pas qu’il y ait un risque de confusion quant à la nature des documents en cause. À la lecture de l’article, il est clair que l’on se situe au niveau de l’enregistrement par l’autorité administrative et que c’est à celle-ci que le demandeur a éventuellement présenté de faux documents d’identité. Utiliser le temps présent risquerait, au contraire, de conduire à exclure de l’examen de l’OFPRA des cas d’usurpation d’identité ou de demandes d’asile multiples.
M. Guillaume Larrivé. Je ne voudrais pas paraître excessivement répressif, mais, dans l’hypothèse où un ressortissant étranger aurait présenté de faux papiers à l’autorité préfectorale ou à la police aux frontières – ce qui est plutôt un indice de fraude –, nous pourrions envisager d’en tenir compte. Le fait que le demandeur s’adresse à la République française en lui mentant ne justifie-t-il pas l’application de la procédure accélérée ?
Mme la rapporteure. Je vous suggère de passer un peu de temps dans les associations qui accompagnent les demandeurs d’asile et de rencontrer des personnes qui ont obtenu le statut de réfugié. Pour sortir de pays où elles étaient victimes de tortures et de persécutions et entrer en Europe, elles ont souvent dû utiliser des faux papiers.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL97 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Le recours à la procédure accélérée en cas d’entrée illégale sur le territoire apparaît contraire à la Convention de Genève, selon laquelle il ne peut être reproché à un demandeur de pénétrer irrégulièrement sur le territoire d’un État. L’amendement propose donc de supprimer l’alinéa 17.
Mme la rapporteure. J’ai déposé un amendement visant à allonger le délai prévu à l’alinéa 17, qui me semble trop court. En revanche, il ne me semble pas opportun de supprimer totalement ce cas de recours à la procédure accélérée, prévu par l’article 31, paragraphe 8, de la directive « Procédure ». Il n’est pas illégitime de vouloir traiter rapidement une demande d’asile présentée de façon excessivement tardive sans raison valable. Mais le caractère tardif d’une demande peut se justifier par des raisons valables : état de santé, difficultés de compréhension, etc.
L’amendement est retiré.
L’amendement CL223 de Mme Chantal Guittet est retiré.
La Commission examine l’amendement CL37 de M. Éric Ciotti.
M. Guillaume Larrivé. Le projet de loi prévoit la possibilité pour l’OFPRA de statuer en procédure accélérée lorsque l’autorité administrative chargée de l’enregistrement de la demande d’asile constate que, sans raison valable, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée dans notre pays. L’exigence d’un délai bref pour formuler une demande d’asile après l’entrée sur le territoire est légitime, mais le délai de quatre-vingt-dix jours est trop long et nous proposons de le raccourcir à soixante jours.
Mme la rapporteure. Monsieur Larrivé, je vous souhaite vraiment de ne jamais avoir à faire de démarches dans un pays dont vous ne maîtrisez pas la langue et dont l’organisation administrative ne vous est pas familière. Je pense au contraire que le délai de quatre-vingt-dix jours est trop bref. Il correspond au délai pour un court séjour, mais ne tient pas assez compte de l’état psychologique ou de santé du demandeur, ou du fait qu’il peut manquer d’informations, lesquels risquent de retarder la présentation de la demande. Quant au fait de parler de raison « impérieuse » permettant de déroger au délai, il s’agit d’une notion trop rigide qui ne laisse place qu’à peu d’appréciation. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL332 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Je propose de porter le délai de quatre-vingt-dix jours à quatre mois.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL333 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Le présent amendement vise à simplifier la rédaction concernant ce cas de placement en procédure accélérée. Le terme « imminente », en particulier, n’a pas de contenu précis. Dans ces conditions, il est préférable de mentionner une mesure d’éloignement, sans qualificatif et, à l’alinéa 18, de supprimer les mots « prononcée ou imminente ».
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements identiques CL98 de M. Sergio Coronado et CL224 de M. Denys Robiliard tombent.
La Commission en vient à l’amendement CL99 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il paraît redondant d’ajouter la notion de sécurité publique, qui est d’ailleurs une composante de l’ordre public. Cet amendement propose donc de simplifier la formulation pour l’aligner sur d’autres dispositions du texte qui ne mentionnent que l’ordre public.
Mme la rapporteure. Je vous suggère de le retirer, car ces notions sont tout à fait habituelles en droit des étrangers et correspondent à des concepts utilisés par les juridictions.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL334 de la rapporteure et CL207 de Mme Chantal Guittet.
Mme la rapporteure. Il s’agit de prévoir une disposition plus favorable pour les mineurs isolés présents sur le territoire et qui y sollicitent l’asile et, par suite, de ne pas transposer l’article 25, paragraphe 6, de la directive « Procédure ». Si cette directive permet dans trois cas seulement l’application de la procédure accélérée aux fins d’examen de leurs demandes d’asile, la situation spécifique et la particulière vulnérabilité de ces mineurs non accompagnés justifient qu’il n’y ait pas de dérogation – sauf le cas de l’asile à la frontière – au principe de l’examen de leur demande d’asile selon la procédure normale. Au besoin, l’OFPRA pourra d’ailleurs examiner prioritairement leur demande d’asile, comme cela est prévu à l’article L. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), créé par l’article 6 du projet de loi.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Je retire mon amendement CL207 au profit de celui de Mme la rapporteure.
L’amendement CL207 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL334.
En conséquence, les amendements identiques CL100 de M. Sergio Coronado et CL225 de Mme Pascale Crozon tombent.
La Commission en vient à l’amendement CL302 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Nous souhaitons que la notion de vulnérabilité et ses critères d’application soient inscrits dans le texte, plutôt que renvoyés à la directive. Le fait de les inscrire dans l’article 7 permettra leur utilisation par l’OFPRA et pas seulement au niveau de l’accueil et de l’hébergement.
Mme la rapporteure. C’est précisément pour cette raison que je demande le retrait de votre amendement qui induit une confusion. Telles que vous les définissez, les vulnérabilités sont celles qui doivent être prises en compte pour l’accueil et l’hébergement et non pas celles qui conduisent l’OFPRA à appliquer des garanties procédurales spécifiques lors de l’examen de la demande au fond.
Mme Catherine Coutelle. Comment l’OFPRA va-t-il prendre en compte la vulnérabilité à un moment où la France est mise en demeure de le faire ?
Mme la rapporteure. Nous y reviendrons lors de l’examen d’amendements sur d’autres articles. Prenons l’exemple de l’entretien avec l’officier de protection : il est obligatoire, mais un demandeur d’asile peut en être dispensé s’il est dans l’incapacité psychologique de le supporter. D’autres amendements proposent que, dans le cadre des vulnérabilités prévues par la directive concernant la torture ou les traitements inhumains et dégradants, l’entretien se tienne avec un interprète et un officier de protection du même sexe. Nous tenons compte des vulnérabilités : c’est, je crois, ce que vous recherchez.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL335 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à mieux préciser les vulnérabilités qui peuvent entrer en considération lors de l’examen de la demande et qui peuvent justifier que l’OFPRA adapte les modalités d’examen. Ainsi l’OFPRA pourra tenir compte des informations qui lui auront été transmises par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), mais il pourra également s’appuyer sur ses propres informations. Cet amendement renforce ainsi la prise en considération des vulnérabilités tout en garantissant l’indépendance de l’OFPRA et l’autonomie de la procédure d’examen.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL102 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. La dernière phrase de l’alinéa 29 prévoit que « l’office tient compte également, le cas échéant, du fait qu’il est raisonnable de considérer que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité ». En instaurant une double incertitude, on met à mal l’objectif de clarté et de prévisibilité de la loi. C’est pourquoi cet amendement propose de simplifier la phrase en supprimant les mots « qu’il est raisonnable de considérer » après l’alinéa 29.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL83 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. D’une certaine façon, cet article précise le régime de la preuve. Selon la recommandation n° 19 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur le présent texte, il y aurait lieu de supprimer toute référence à la preuve dans les dispositions du projet de loi. C’est l’intime conviction qui prime dans la pratique de l’OFPRA et de la CNDA, mais cette notion est très difficile à définir, même si l’on peut se référer au très beau serment que prêtent les jurés en cour d’assises.
Je propose de rédiger ainsi l’alinéa 30 : « L’office peut, au regard des informations dont il dispose sur le pays d’origine, reconnaître la qualité de réfugié en considérant la cohérence et la plausibilité des déclarations du demandeur. »
Ma proposition ne satisfait pas totalement à la recommandation de la CNCDH puisqu’elle n’est pas contraignante et qu’elle est très synthétique. En pratique, on peut reconnaître le caractère fondé d’une demande en analysant la cohérence et la plausibilité des déclarations du demandeur en fonction de la situation de son pays. Il est difficile et non souhaitable d’aller plus loin dans la définition de la preuve, en mettant en place le système relativement complexe prévu par l’alinéa 30 de l’article 7 du projet de loi.
Mme la rapporteure. Tout en comprenant le sens de votre amendement, je pense que vos scrupules sont un peu excessifs : dans l’alinéa 30, il est question d’« indice sérieux », et non de preuve. En outre, cet alinéa 30 est une transposition exacte de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « Qualification ». Je demande le retrait de cet amendement.
M. Denys Robiliard. Je n’ai pas en mémoire tous les articles des directives, dont certains sont obligatoires et d’autres optionnels, mais je pense que la position de la CNCDH est très fondée sur la nature de la pratique de l’OFPRA et de la CNDA. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je suis un peu surprise, mon cher collègue : votre amendement, tel que je le lis, me semble plus restrictif que le texte selon lequel le fait que le demandeur ait déjà fait l’objet de « menaces » ou « d’atteintes graves » constitue « un indice sérieux ». Il n’y a pas forcément de lien entre les informations sur le pays d’origine dont dispose l’officier qui examine le dossier et la cohérence des déclarations du demandeur. Les mailles de votre filet sont plus lâches que celles qui figurent à l’alinéa 30. Si j’avais à appliquer votre texte, je serais bien embarrassée.
M. Denys Robiliard. Je vais retirer mon amendement pour en clarifier la rédaction. Contrairement à Mme Bechtel, je pense que les mailles de mon dispositif sont moins lâches que celles prévues par le texte.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL103 de M. Sergio Coronado et CL158 de Mme Jeanine Dubié.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer l’exception de l’asile « s’il existe de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. » Le concept de « bonnes raisons » est flou et pourrait faire l’objet de multiple recours. Par ailleurs, il permet de refuser une demande d’asile fondée, sur une simple présomption.
Mme la rapporteure. La disposition que vous proposez de supprimer est une transposition exacte de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « Qualification ». Une personne a pu être victime de persécutions dans un pays qui a évolué dans l’intervalle : l’indice sérieux ne peut pas avoir un caractère permanent. Sur l’autre rive de la Méditerranée ou en Ukraine, par exemple, les situations sont mouvantes. Une victime de persécutions peut, trois ans plus tard, ne plus être du tout en danger en cas de retour dans son pays. Avis défavorable.
La Commission rejette successivement les amendements CL103 et CL158.
Puis elle examine l’amendement CL51 de M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Cet amendement vise à supprimer l’article L. 723-5 qui prévoit que l’OFPRA peut demander au demandeur d’asile de se soumettre à un examen médical pour évaluer la crédibilité de ses déclarations. Cette possibilité n’est pas suffisamment encadrée, notamment au regard du secret médical.
Mme la rapporteure. Les dispositions que vous souhaitez supprimer sont une transposition des articles 18 et 25 de la directive « Procédure ». Je souligne que le demandeur d’asile est libre de refuser l’examen médical, ce qui n’empêchera pas l’office de statuer. Par ailleurs, des dispositions réglementaires viendront préciser les garanties qui entourent le dispositif légal. Je suggère donc le retrait de cet amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL227 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Cet amendement vise à transposer dans la loi les règles européennes de l’entretien individuel qui sont essentielles pour permettre l’expression de la vérité, notamment dans les cas de violences sexuelles ou de persécutions au motif de l’orientation sexuelle. Les tiers admis à l’entretien ne doivent en aucun cas être membres de la famille. Les conjoints doivent être entendus séparément et en dehors de la présence de parents. Si l’office suspecte qu’un mineur ait pu subir des persécutions, il peut l’entendre individuellement. S’il peut procéder à un entretien collectif lorsqu’il l’estime nécessaire, cela ne peut être qu’en complément de l’entretien individuel.
Mme la rapporteure. Cet amendement très concret et très protecteur des droits des personnes, mineures ou majeures, témoigne d’une excellente connaissance de la situation. J’y suis très favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis, elle en vient à l’amendement CL6 de la commission des Affaires étrangères.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Cet amendement vise à ce que soit mieux précisée la connaissance de la langue de la personne qui est interrogée.
Mme la rapporteure. Cette rédaction offre probablement plus de garanties aux demandeurs d’asile. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL228 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Cet amendement vise à transposer une disposition européenne. Il s’agit de permettre aux personnes qui invoqueraient des persécutions ou atteintes graves de nature sexuelle de demander à être entendues par un officier de même sexe et en présence d’un interprète de même sexe. Ces discriminations fondées sur le sexe sont conformes au code pénal qui les autorise lorsqu’elles sont proportionnées à l’objectif de protection des victimes de violences sexuelles.
Mme la rapporteure. Avis très favorable.
Mme Marie-Françoise Bechtel. J’approuve cet amendement, mais je m’étonne de la restriction induite par la formule « dans la mesure du possible ».
Mme la rapporteure. C’est qu’il n’est pas toujours possible de trouver une femme interprète pour certains dialectes.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL336 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement, qui vise à élargir le cercle des associations qui peuvent accompagner le demandeur à l’entretien, m’a été inspiré par nombre d’auditions et suggéré par la quasi-totalité de mes collègues présents ce soir.
M. Patrick Mennucci. Quelle est la procédure d’agrément pour les associations ?
Mme la rapporteure. Elles sont agréées par l’OFPRA, pour éviter que des organisations, qui pourraient n’être que le faux nez de persécuteurs, n’assistent à l’entretien.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement CL5 de la commission des Affaires étrangères tombe.
L’amendement CL104 de M. Sergio Coronado est retiré.
La Commission examine l’amendement CL106 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. La qualité et la clarté du récit sont extrêmement importantes dans la prise en compte de la demande d’asile. Cet amendement vise à permettre au conseil d’intervenir pendant l’entretien, de manière très limitée, pour rectifier une erreur de traduction. Il n’y a pas nécessairement de traducteur pour chaque langue et une seule erreur de traduction peut nuire à l’ensemble d’un entretien.
Mme la rapporteure. M. Coronado a raison de souligner le caractère décisif de la préparation de l’entretien et de la compréhension de la traduction, mais il prête des talents immenses aux avocats dont je doute qu’ils puissent traduire toutes les langues. Je suis défavorable à cet amendement, même s’il soulève un problème important, celui de l’interprétariat. L’avocat n’a pas à se substituer à un interprète professionnel.
M. Sergio Coronado. Les demandeurs d’asile, notamment les Syriens et les Kurdes, sont parfois assistés de conseils qui sont issus de leur communauté, ce qu’on essaie d’éviter autant que possible. Quoi qu’il en soit, le conseil maîtrise parfois mieux la langue dans laquelle le demandeur s’exprime que l’interprète qui lui est dévolu. Son intervention viserait à rectifier une erreur de traduction, pas à se substituer à l’interprète présent.
Mme la rapporteure. Le conseil a toujours la possibilité, à la fin de l’entretien, de porter des observations. S’il a constaté une erreur manifeste de traduction, il peut non seulement le dire, mais l’écrire.
M. Patrick Mennucci. Il faut faire attention, car ces personnes, issues de la même communauté, peuvent raconter une histoire qui n’est pas celle du demandeur. Pour plus de sûreté, il vaut mieux s’en tenir à la possibilité de faire des observations sur la traduction.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL85 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Le texte prévoit que l’avocat ou le représentant d’association peut intervenir à la fin de l’entretien, alors qu’il me semble que les réflexions – ou les petites rectifications de la part de quelqu’un qui maîtriserait parfaitement la langue – sont plus utiles en cours d’entretien, sous le contrôle de l’officier de protection. La crainte de l’OFPRA est que le tiers vienne polluer l’entretien s’il n’est pas cantonné à son rôle actuel : audition, prise de notes, observations finales. Il me semble que l’on peut lui donner un rôle plus actif sans perturber l’entretien entre le demandeur et l’officier de protection.
En matière de procédure pénale, la France a mis beaucoup de temps à accepter que l’avocat joue un rôle d’abord dans le cabinet du juge d’instruction, puis dans les locaux de garde à vue. En l’occurrence, cela s’apparente au régime de la garde à vue. Dans le cabinet d’instruction, l’avocat peut poser des questions et faire des observations au cours de l’interrogatoire, sous le contrôle du juge. S’il n’est pas nécessaire de prévoir autant de formalisme, il ne faut pas que la personne qui accompagne le demandeur soit réduite au silence pendant tout l’entretien. C’est trop lourd et parfois contre-productif, y compris pour la manifestation de la vérité.
Mme la rapporteure. La procédure dont il est ici question n’a rien à voir avec la garde à vue. Il s’agit d’un entretien au cours duquel le demandeur d’asile explique ce qui lui est arrivé à un officier de protection de l’OFPRA. Pour les raisons précédemment évoquées, je suis défavorable à ce que le conseil intervienne durant l’entretien.
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement CL107 de M. Sergio Coronado est retiré.
La Commission examine l’amendement CL191 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Il me semble que la possibilité pour l’officier de protection de procéder à un entretien sans que le demandeur soit accompagné d’un avocat ou du représentant d’une association doit être articulée avec l’assurance que l’intéressé a bien été informé de son droit à être assisté. C’est prévu au stade de l’accueil, me dit-on. Je ne vois pas très bien à quel endroit, sans compter que l’accueil peut être défaillant. Il me semble qu’il appartient à l’officier de s’assurer, fût-ce d’une phrase, que le demandeur sait qu’il a la possibilité de se faire accompagner. Une telle disposition est fréquente, notamment dans les procédures disciplinaires.
Mme la rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement. Ce n’est pas à l’OFPRA de s’assurer que cette information a été donnée. Quand une personne fait sa demande d’asile, l’autorité administrative doit l’enregistrer dans les trois jours. Ensuite, le demandeur est accueilli par l’OFII : sa situation personnelle est prise en compte ; il est orienté vers un lieu d’hébergement ; il bénéficie d’un accompagnement juridique et social ; la procédure lui est expliquée et on l’aide à retracer son parcours. Au stade de l’OFPRA, nous ne devons pas introduire des dispositions qui alourdiraient la procédure et permettraient à certains de soulever des moyens liés à un défaut d’information en la matière.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne suis pas convaincue. Au stade de l’accueil, l’intéressé se verra remettre un livret où il est indiqué qu’il peut se faire accompagner d’un avocat ou d’un représentant d’association. Quand il se présente à l’OFPRA, l’officier peut procéder à l’entretien même s’il voit que l’intéressé n’est pas accompagné. Le fait de s’assurer d’une phrase qu’il a bien été informé de son droit à être accompagné n’alourdit pas la procédure. Il est même du devoir de l’officier de l’OFRA, s’il veut que la procédure soit correcte, de s’assurer qu’il en a bien été informé. Sans ce qui est une disposition très banale dans les procédures administratives, il me semble qu’il y a un chaînon manquant.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL108 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de clôture créée dans ce projet de loi, qui aura des conséquences importantes pour le demandeur d’asile puisqu’elle aboutira au non-examen de la demande. Elle pourra intervenir dans des cas très divers : lorsque le demandeur, sans raison valable, n’aura pas introduit sa demande auprès de l’office dans les délais impartis ; lorsqu’il ne se sera pas présenté à une convocation pour un entretien à l’office ; lorsqu’il aura fui ou quitté sans autorisation le lieu où il était hébergé ; lorsqu’il n’aura pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités, sauf s’il en a informé lesdites autorités dans un délai raisonnable.
Le demandeur faisant l’objet d’une décision de clôture ne pourra obtenir la réouverture de son dossier qu’une seule fois. Cette décision est une première en droit administratif français. Je souhaite pouvoir permettre le recours.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas favorable à la suppression pure et simple de la procédure de clôture qui peut se justifier dans certaines hypothèses. Je suggère d’en restreindre les cas comme le prévoit l’un de mes amendements.
M. Sergio Coronado. Je conçois parfaitement que la clôture puisse se justifier, mais pas que le demandeur n’ait aucun recours.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine l’amendement CL109 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à verser au dossier du demandeur les observations formulées à la fin de l’entretien par son avocat ou le tiers qui l’accompagne. Il est indispensable que ces observations soient contenues dans le dossier, afin de leur donner une utilité concrète.
Mme la rapporteure. Cette précision supplémentaire est très utile et permet d’éclairer les débats que nous avons eus précédemment. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CL110 de M. Sergio Coronado et CL160 de Mme Jeanine Dubié.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à permettre une transmission automatique des transcriptions aux demandeurs et à leurs conseils. Cette mesure est de simplification, l’envoi sur demande pouvant être plus chronophage qu’un envoi automatique.
Mme la rapporteure. Nous n’avons pas le même point de vue sur la simplification et les économies. L’envoi systématique, qui n’est nullement réclamé par la directive, compliquera et alourdira inutilement la tâche de l’OFPRA. Avis défavorable.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques CL111 de M. Sergio Coronado, CL161 de Mme Jeanine Dubié et CL229 de Mme Pascale Crozon.
M. Sergio Coronado. L’exception prévue à l’alinéa 45, qui porte sur la transmission tardive des transcriptions en cas d’utilisation de la procédure accélérée, ne se justifie pas. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa.
Mme Jeanine Dubié. Aucun impératif d’accélération n’impose de priver les demandeurs d’asile qui font l’objet d’une procédure accélérée d’une garantie procédurale simple, en l’espèce la remise en amont de la retranscription de l’entretien OFPRA. D’une part, cette garantie est facilement accessible. D’autre part, une privation de ce droit, à laquelle s’ajoutent des délais restreints devant la CNDA, constitue une entrave, discriminatoire au droit au recours effectif pour cette seule catégorie de demandeurs d’asile.
Mme Pascale Crozon. Mon amendement est défendu.
Mme la rapporteure. La communication de la transcription lors – et non pas en amont – de la notification de la décision de l’OFPRA, en cas d’application de la procédure accélérée, est autorisée par l’article 17 de la directive « Procédure ». Il s’agit, alors que cette procédure accélérée a été mise en œuvre et que l’OFPRA n’a pas reclassé le dossier en procédure normale, de ne pas alourdir le travail de l’office et de ne pas allonger excessivement les délais, sans néanmoins priver l’intéressé d’une garantie. La disposition en cause du projet de loi me paraît donc tout à fait acceptable.
La Commission rejette les amendements.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il faudra qu’on m’explique pourquoi, parfois, les signataires ne votent pas pour les amendements qu’ils ont déposés.
Mme la rapporteure. C’est qu’un rapporteur peut convaincre ses collègues !
La Commission examine l’amendement CL417 du Gouvernement.
Mme la rapporteure. La directive « Procédure » permet aux États membres de prévoir un enregistrement de l’entretien personnel. Cette possibilité est évoquée à l’article 19 du présent projet de loi. Il importe de réglementer l’accès à ce type de document afin qu’il ne fasse pas l’objet d’utilisations malveillantes, de tentatives de déstabilisation de certains officiers de protection, etc.
Tel est l’objet du présent amendement qui prévoit notamment un accès dans des conditions sécurisées, une interdiction de diffusion et, par ailleurs, un accès uniquement après notification de la décision de rejet de l’OFPRA, en conformité avec l’article 17, paragraphe 5, de la directive « Procédure ». J’y suis donc favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis, elle examine l’amendement CL112 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à prévoir que la décision d’irrecevabilité prise par l’OFPRA soit écrite et motivée.
Mme la rapporteure. C’est une précision utile. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient aux amendements identiques CL7 de la commission des Affaires étrangères et CL113 de M. Sergio Coronado.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. Il convient de préciser que la protection au titre de l’asile dont bénéficie le demandeur dans un autre État membre de l’Union doit être effective.
Mme la rapporteure. Depuis l’adoption du « protocole Aznar », qui accompagnait le traité d’Amsterdam, la protection accordée par les États membres de l’Union européenne est présumée effective. Cela justifie que le mot « effective » ne soit pas inséré ici. Pour autant, cela ne signifie pas un blanc-seing donné à tous les États qui peuvent être attaqués en manquement à leurs obligations. Par ailleurs, la présomption de protection peut être renversée. Enfin, la décision d’irrecevabilité reste une faculté, et non une obligation, pour l’OFPRA. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.
M. Sergio Coronado. La possibilité d’attaquer les États qui ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris ne change pas le sort qui est fait aux demandeurs : certains États européens ne sont pas en mesure d’assurer l’effectivité de la protection ; des dizaines d’articles de presse dénoncent les conditions d’accueil en Grèce et en Italie. Loin d’être superflue, la précision sur l’effectivité me semble même être obligatoire.
Mme la rapporteure. C’est à la Commission européenne – et non pas à la France – qu’il revient de faire respecter l’effectivité des droits dans l’Union. Les États membres peuvent être attaqués en manquement et la Commission peut constater une défaillance du système d’asile, comme en Grèce et en Italie. D’ailleurs, la France ne renvoie plus les réfugiés vers des États dont la défaillance a été constatée par la Commission.
M. Sergio Coronado. Certes, il ne revient pas à la France d’attaquer les États dont le système est défaillant, mais il s’agit d’en tenir compte au cours de la procédure. La France ne renvoie plus les réfugiés vers des États défaillants, mais elle l’a fait et rien ne dit qu’un changement politique ne viendra pas affecter la manière dont l’OFPRA se comporte. Je suggère que cette bonne pratique soit consacrée dans le texte de loi.
La Commission rejette les amendements.
L’amendement CL86 de M. Denys Robiliard est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL337 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. L’objet de cet amendement est multiple.
Il distingue entre retrait explicite et renonciation implicite. En effet, la directive « Procédure » distingue nettement entre le retrait explicite d’une demande d’asile – conformément à l’article 27 de la directive qui n’impose aucun formalisme particulier, la consignation d’une clôture d’examen par l’OFPRA dans le dossier du demandeur étant suffisante – et le retrait ou la renonciation implicite. L’article 28 de la directive permet à l’OFPRA de prendre formellement une décision de clôture dans certains cas « lorsqu’il existe un motif sérieux de penser qu’un demandeur a retiré implicitement sa demande ou y a renoncé implicitement ».
Il vise à préciser également davantage la nature des délais que doit respecter le demandeur pour éviter une décision de clôture d’examen.
Il propose de placer l’expression « sans justifier de raison valable » en facteur commun à deux motifs. Il est indispensable en effet de réserver le cas où des circonstances particulières, indépendantes de la volonté du demandeur, l’auraient empêché d’introduire sa demande dans les délais impartis.
Il tend à supprimer le cas de clôture d’examen lorsque le demandeur a quitté sans autorisation son lieu d’hébergement, qui peut être un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou un lieu d’hébergement d’urgence. En effet, la demande d’asile constitue une problématique distincte des considérations liées à l’hébergement ou à la présentation aux autorités. Le sort réservé à la demande d’asile ne saurait donc être lié à ces considérations d’absence ou de présence dans les lieux d’hébergement.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CL52 de M. Marc Dolez, CL8 de la commission des Affaires étrangères, CL115 et CL114 de M. Sergio Coronado, CL24 de Mme Chaynesse Khirouni, CL230 de Mme Pascale Crozon, CL9 de la commission des Affaires étrangères, CL116 et CL117 de M. Sergio Coronado tombent.
La Commission examine les amendements CL418 du Gouvernement et CL118 de M. Sergio Coronado, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.
Mme la rapporteure. L’amendement CL418 apporte une précision bienvenue concernant le recours contentieux à la suite d’une décision de clôture prise par l’OFPRA. Je rappelle qu’il ne s’agit pas d’une décision au fond et que le demandeur peut demander sans formalité, dans un délai de neuf mois, la réouverture de son dossier. Si l’office refuse, le demandeur a la possibilité d’engager un recours contentieux devant le tribunal administratif, mais il ne pourra le faire, bien évidemment, que s’il a bien déposé au préalable la demande de réouverture. Votre rapporteure est favorable à ce dispositif conforme à l’article 46 de la directive « Procédure ».
L’amendement CL118 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL418.
Elle en vient à l’amendement CL231 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Lorsqu’une demande de réexamen est recevable, c’est-à-dire lorsqu’il existe des faits nouveaux à l’appui de la demande d’asile, le texte dispose que l’OFPRA peut ne pas procéder à un entretien. Nous pensons qu’il convient de distinguer les faits nouveaux qui corroborent la première demande et les faits nouveaux qui conduisent à identifier une vulnérabilité particulière. En effet, les victimes de traite ou de violences sexuelles n’évoquent pas toujours, par honte, par pudeur, ou simplement par impossibilité de l’exprimer, la situation dans laquelle elles se trouvent. Il faut parfois un long processus de maturation pour qu’elles arrivent à intégrer ces faits à leur histoire personnelle et à accepter d’en parler. Dans ce cas – et c’est l’objet de cet amendement –, il faut que l’office procède à un nouvel entretien.
Mme la rapporteure. Le projet de loi offre de bonnes garanties concernant la détection et la prise en compte des vulnérabilités pendant toute la durée de la procédure, y compris après la décision définitive, si elles sont de nature à modifier l’appréciation précédente. Votre amendement étant satisfait, je vous suggère de le retirer.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL53 de M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Il s’agit de garantir l’entretien avec le demandeur d’asile lors de l’examen préliminaire.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Si toute demande de réexamen donne lieu à un entretien, il deviendra impossible de réduire les délais, ce qui est contraire à l’esprit de la réforme.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CL162 de Mme Jeanine Dubié, CL232 de M. Denys Robiliard, CL338 de la rapporteure et CL119 de M. Sergio Coronado.
Mme Jeanine Dubié. Il serait totalement injuste et contraire à la Convention de Genève de priver un demandeur d’asile de protection internationale, alors qu’il encourt des persécutions, au seul motif que l’élément nouveau est né de l’action du demandeur.
Cette disposition imprécise et dangereuse expose la France à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour violation du droit de mener une vie privée et familiale normale et pour discrimination. Elle peut en outre être contredite par la nouvelle rédaction de l’article L. 713-4 prévue par l’article 4 du projet de loi.
M. Denys Robiliard. L’alinéa 75 que nous proposons de supprimer est strictement contraire à la Convention de Genève. Si une personne risque effectivement d’être persécutée pour une des raisons énoncées dans la Convention, je ne vois pas comment la loi française pourrait lui refuser le statut de réfugié. Sans doute y a-t-il là une inadvertance de rédaction.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CL10 de la commission des Affaires étrangères et CL120 de M. Sergio Coronado tombent.
Puis la Commission adopte l’article 7 modifié.
Section 2
Dispositions relatives à l’examen des demandes d’asile à la frontière
Article 8
(Art. L. 213-8-1 et L. 213-8-2 [nouveaux], art. L. 213-9, L. 221-1 et L. 224-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile
Le présent article modifie la procédure d’asile à la frontière. Il s’agit d’une procédure particulière qui ne tend pas à reconnaître le statut de réfugié en zone d’attente mais à donner l’autorisation d’entrer sur le territoire français à l’étranger pour qu’il enregistre sa demande d’asile et qu’elle puisse être examinée au fond par l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Cet article introduit deux nouveaux articles dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), numérotés L. 213-8-1 et L. 213-8-2 et modifie l’article L. 221-1 du même code relatif au maintien en zone d’attente afin d’améliorer les droits des demandeurs d’asile à la frontière tout en disposant d’outils adaptés au contrôle des entrées sur le territoire.
En application des articles L. 221-1 et suivants du CESEDA, les personnes se présentant à la frontière sans les documents nécessaires à leur entrée sur le territoire français peuvent être placées en zone d’attente pendant le temps strictement nécessaire à leur départ, où elles peuvent, si elles le souhaitent, déposer une demande d’asile. Ces zones d’attente sont principalement situées dans des aéroports et des gares ferroviaires ouvertes au trafic international. Une seule zone d’attente concerne un port, celui de Marseille ; elle a accueilli 11 demandeurs en 2013.
Le placement en zone d'attente est prononcé par une décision administrative écrite et motivée pour une durée initiale qui ne peut excéder quatre jours. Sur décision du juge des libertés et de la détention, le maintien en zone d’attente peut être prolongé de huit jours, renouvelable une fois sous certaines conditions. De plus, en cas de demande d’accès au territoire au titre de l’asile formulée entre le 14e et le 20e jour, le maintien en zone d’attente peut être prolongé de six jours, et en cas de recours contre une décision de refus d’entrée sur le territoire, de quatre jours supplémentaires. Au total, le maintien en zone d’attente d’un demandeur d’asile ne peut donc excéder trente jours.
Aux termes de l’article R. 213-2 du CESEDA, l’étranger qui se présente à la frontière et demande à entrer sur le territoire au titre de l’asile doit être informé sans délai, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend, de la procédure de demande d’asile, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l’aider à présenter sa demande en zone d’attente.
L’article L. 213-1 du CESEDA prévoit trois hypothèses de refus d’entrée sur le territoire français d’un demandeur d’asile à la frontière :
– lorsque sa demande d’asile est considérée comme « manifestement infondée » ;
– ou quand sa présence en France constituerait une menace pour l’ordre public ;
– ou encore lorsque le demandeur est sous le coup d’une mesure d’expulsion ou d’interdiction du territoire prises moins de trois ans auparavant.
Un tel refus d’entrée sur le territoire obéit à une procédure particulière.
Tout d’abord, la décision relève de la compétence du ministre chargé de l’immigration et ne peut intervenir qu’après consultation de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) (93), qui procède à l’audition de l’étranger afin de vérifier si sa demande n’est pas « manifestement infondée ».
Lorsque l’audition du demandeur d’asile nécessite l’assistance d’un interprète, la rétribution de ce dernier est prise en charge par l’État. Cette audition fait l’objet d’un rapport écrit qui comprend les informations relatives à l’identité de l’étranger et celle de sa famille, les lieux et pays traversés ou dans lesquels il a séjourné, sa ou ses nationalités, le cas échéant ses pays de résidence et ses demandes d’asile antérieures, ses documents d’identité et titres de voyage ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale.
La procédure est très rapide : d’après le rapport d’activité de l’OFPRA en 2013, la durée moyenne de traitement des demandes d’accès au territoire au titre de l’asile était de 1,33 jour ; 79 % des demandes ont été instruites en moins de 48 heures et 98 % en moins de 96 heures.
Étant consultatif à ce jour, l’avis de l’OFPRA ne lie pas la décision du ministre de l’Immigration.
Aux termes de l’article R. 213-3 du CESEDA, l’étranger est informé du caractère positif ou négatif de la décision du ministre. Une copie du rapport de l’OFPRA lui est transmise en cas de refus d’entrée en même temps que la décision ou, dans un délai compatible avec l’exercice effectif de son droit au recours, dont il doit être informé.
Si l’étranger est autorisé à entrer sur le territoire au titre de l’asile, il est muni d’un visa de régularisation de huit jours. Il doit alors se présenter à la préfecture pour obtenir dans ce délai une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer sa demande d’asile devant l’OFPRA.
Le nombre de demandes d’asile aux frontières françaises a chuté drastiquement depuis dix ans passant de 7 018 en 2001 à 1 346 en 2013, dont 83,2 % ont été formulées à Roissy, 10,1 % à Orly et 7,8 % en dehors de la région parisienne et en outremer. Sur ces 1 346 demandes d’asile, l’OFPRA a rendu 1 262 avis, ce qui représente un taux d’évaporation de 6,2 % par rapport aux demandes enregistrées à la suite des libérations prononcées par le juge des libertés avant présentation à l’OFPRA. Sur les 1 262 demandes d’asile examinées par l’OFPRA, 214 ont reçu un avis positif. Le taux d’avis positif par l’OFPRA a donc atteint 16,9 % en 2013 contre 13,1 % en 2012, 10,1 % en 2011 et 25,8 % en 2010. En 2013, le ministre de l’Immigration a toujours suivi l’avis de l’OFPRA de sorte que 214 personnes ont été admises sur le territoire au titre de l’asile.
Depuis la loi du 20 novembre 2007 (94), l’article L. 213-9 du CESEDA prévoit un recours pleinement suspensif au bénéfice du demandeur en zone d’attente contre la décision ministérielle de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.
Ce recours suspensif a été introduit à la suite de la première condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) au titre de l’asile, dans l’affaire Gebremedhin c/ France, le 26 avril 2007 (95).
À l’époque, le ministre de l’Immigration pouvait, s’il jugeait la demande d’admission au séjour formulée au titre de l’asile « manifestement infondée », ordonner le réacheminement du demandeur vers son pays d’origine, ou « vers tout pays où il sera légalement admissible ». Les recours en référé (référé suspension ou référé liberté) et en annulation, ouverts pour contester cette décision ministérielle, étaient tous deux dépourvus d’effet suspensif de plein droit. Or, la CEDH a considéré qu’eu égard à l’importance qu’elle attache aux articles 3 (interdiction de la torture) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), la notion de recours effectif « requiert un examen indépendant et rigoureux de tout grief [...] aux termes duquel il existe des motifs sérieux de croire à l’existence d’un risque réel de traitements contraires à l’article 3 et, d’autre part, la possibilité de faire surseoir à l’exécution de la mesure litigieuse ». La Cour a donc jugé que, faute d’être dotés d’effet suspensif de plein droit, les recours ouverts aux personnes placées en zone d’attente dans le cadre de la procédure d’asile à la frontière n’étaient pas « effectifs » et a conclu à la violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la CESDH.
En conséquence, l’article L. 213-9 du CESEDA prévoit désormais que l’étranger qui a fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l’annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif. La décision de refus d’entrée au titre de l’asile ne peut être exécutée avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n’ait statué. Il s’ensuit que ce recours est désormais suspensif.
Le président, ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine. Aucun autre recours (96) ne peut être introduit contre la décision de refus d’entrée au titre de l’asile
L’étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut également demander qu’il lui en soit désigné un d’office.
L’audience se déroule sans conclusions du commissaire du gouvernement. Elle se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent (97). Toutefois, sauf si l’étranger dûment informé dans une langue qu’il comprend s’y oppose, celle-ci peut se tenir dans la salle d’audience de la zone d’attente et le président du tribunal ou le magistrat désigné à cette fin peut siéger dans les locaux du tribunal dont il est membre, relié à la salle d’audience en direct par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission. La salle d’audience de la zone d’attente et celle du tribunal administratif sont ouvertes au public.
Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours devant le président de la cour administrative d’appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier, mais cet appel n’est pas suspensif.
Si le refus d’entrée au titre de l’asile est annulé, il est immédiatement mis fin au maintien en zone d’attente de l’étranger, qui est autorisé à entrer en France munie d’un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, la préfecture lui délivre, à sa demande, une « autorisation provisoire de séjour » (APS) lui permettant de déposer sa demande d’asile auprès de l’OFPRA.
La décision de refus d’entrée au titre de l’asile qui n’a pas été contestée dans le délai de quarante-huit heures ou qui n’a pas fait l’objet d’une annulation par le tribunal administratif peut être exécutée d’office par l’administration.
Le présent article ne propose pas de modification substantielle de l’article L. 213-9 du CESEDA mais prévoit seulement une coordination rédactionnelle puisque « l’autorisation provisoire de séjour » permettant de déposer une demande d’asile est désormais remplacée par « l’attestation de demande d’asile » (alinéa 12) comme le prévoit l’article 12 du projet de loi.
Le nouvel article L. 213-8-1 du CESEDA introduit une définition légale du caractère « manifestement infondé » de la demande d’asile, dont l’examen est exclusivement confié à l’OFPRA. L’avis de l’OFPRA, s’il est favorable, lie désormais la décision du ministre de l’Immigration, sauf si l’accès au territoire français de l’étranger constituerait une menace pour l’ordre public.
L’alinéa 9 du présent article prévoit que désormais la décision du ministre de l’Immigration sera liée par l’avis de l’OFPRA lorsqu’il est positif, sauf si l’accès au territoire français constitue une menace pour l’ordre public.
Est ainsi pleinement reconnue l’importance de l’examen de la demande d’asile à la frontière réalisé par l’OFPRA au bénéfice du demandeur d’asile. Le projet de loi consacre dans le droit positif une pratique constante depuis 2013 puisque depuis lors le ministre a toujours suivi l’avis positif de l’OFPRA. Elle permet d’apporter une nouvelle garantie au demandeur d’asile en replaçant l’OFPRA au centre du processus décisionnel.
Le ministre peut cependant toujours opposer l’existence d’une « menace pour l’ordre public » pour ne pas suivre l’avis de l’OFPRA. Cette notion n’est pas définie par le présent projet de loi mais elle est largement utilisée en droit des étrangers, notamment pour justifier une obligation de quitter le territoire français (article L. 511-1 du CESEDA). Il appartient à l’autorité administrative d’apporter la preuve de la menace pour l’ordre public. La décision du ministre doit alors être spécialement motivée en droit et en fait et ne peut se contenter de simplement mentionner la menace pour l’ordre public (98).
Compte tenu des conséquences majeures résultant de la décision ministérielle refusant l’entrée sur le territoire d’un étranger dont la demande d’asile aurait été déclarée fondée par l’OFPRA, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure et de MM. Molac et Coronado, membres du groupe écologiste, visant à limiter cette possibilité de refus au cas où l’étranger constituerait une menace « grave » pour l’ordre public. Tel est par exemple le cas lorsque l’étranger a déjà été condamné pour des infractions pénales, même si celles-ci ont été amnistiées (99).
Votre rapporteure observe enfin que l’avis négatif de l’OFPRA ne lie pas la décision du ministre. Ce dernier pourrait donc autoriser l’entrée sur le territoire d’un étranger dont la demande d’asile aurait été déclarée irrecevable ou manifestement infondée par l’OFPRA, pour des raisons d’opportunité. Ce cas semble toutefois exceptionnel.
Lorsque le ministre autorise l’entrée sur le territoire français, l’étranger admis en France au titre de l’asile est muni sans délai d’un visa de régularisation de huit jours. Il lui appartient alors de se présenter devant l’autorité administrative compétente – à savoir la préfecture – pour qu’elle lui délivre une attestation de demande d’asile lui permettant d’introduire une « vraie » demande d’asile auprès de l’OFPRA (alinéa 10 du présent article).
Le nouvel article L. 213-8-1 du CESEDA introduit deux nouvelles hypothèses dans lesquelles le ministre chargé de l’immigration peut refuser l’entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d’asile : lorsque l’étranger relève de la compétence d’un autre État membre au titre du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 – dit « Dublin III » (100) – ou lorsque sa demande est irrecevable en application du nouvel article L. 723-10 du CESEDA.
Ces motifs s’ajoutent aux critères actuels selon lequel l’accès au territoire peut être refusé à l’étranger si sa demande d’asile est « manifestement infondée », s’il constitue une menace pour l’ordre public ou s’il est sous le coup d’une mesure d’expulsion ou d’interdiction de territoire.
Conformément à l’article 31, paragraphe 8, de la directive « Procédures », le 1° de l’article L. 213-8-1 introduit la possibilité de refuser l’entrée sur le territoire d’un étranger présentant une demande d’asile relevant de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne au titre du règlement « Dublin III » (101) (alinéa 4 du présent article).
Concrètement, cela signifie qu’un étranger ayant déjà introduit une demande de protection dans un autre État membre, par exemple, n’aura pas la possibilité d’introduire une demande d’asile à la frontière française et pourra faire l’objet d’un réacheminement vers l’État membre compétent pour qu’il examine sa demande.
Dans cette hypothèse, la décision de refus d’entrée sur le territoire est prise par le ministre chargé de l’immigration, sans consultation de l’OFPRA.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a toutefois interpellé votre rapporteure sur le fait que cette disposition n’évoque pas l’articulation entre le délai de détermination de l’État compétent, la réponse de l’État requis et le cas échéant, le délai de transfert pour traiter la demande d’asile et la durée légale maximale du maintien en zone d’attente (20 jours portés à 30 jours maximum sous certaines conditions).
Votre rapporteure rappelle toutefois que l’article 28 du règlement « Dublin III » fixe les conditions de délai dans lesquelles les États membres doivent coopérer en cas de rétention, y compris à la frontière. Ainsi, la requête auprès d’un autre État membre peut être immédiate sans pouvoir dépasser un mois à compter du placement en zone d’attente. Elle doit mentionner l’urgence de la demande de réponse. L’État requis dispose alors d’un délai de quinze jours pour accepter ou refuser la requête. S’il ne se prononce pas dans ce délai, l’acceptation est réputée acquise et le délai de transfert de l’État requérant vers l’État requis ne peut excéder six semaines.
Concrètement, cela signifie que l’irrecevabilité d’une demande d’asile au titre du règlement « Dublin III » ne pourra être opposée au demandeur en zone d’attente que si :
– la France réussit à identifier immédiatement l’État membre susceptible d’être responsable de la demande d’asile et le saisit en urgence (par exemple lorsque le demandeur dispose d’un visa Schengen indiquant qu’il s’est déjà présenté dans un autre État membre) ;
– l’État requis accepte, en moins de quinze jours, de traiter la demande car les critères fixés par le règlement lui paraissent respecter ;
– le transfert est organisé dans les quelques jours qui suivent, sans pouvoir dépasser le délai maximal de maintien en zone d’attente en France.
Le 1° de l’article 213-8-2 (alinéa 11 du présent article) précise que ce dispositif ne s’applique pas dans les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion) ainsi que dans certaines collectivités d’outre-mer (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, et Saint-Martin) dans la mesure où le règlement « Dublin III » ne s’applique que sur le territoire européen de la République.
Ce dispositif ne s’applique pas non plus dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie mais il n’est pas nécessaire de le préciser ici car le refus d’entrée sur le territoire dans ces territoires n’est pas régi par les dispositions du CESEDA mais par les ordonnances relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers applicables dans ces territoires (102).
Conformément à l’article 33 de la directive « Procédures », le 2° de l’article L. 213-8-1 autorise également le ministre chargé de l’immigration à refuser l’entrée sur le territoire d’un étranger lorsque sa demande d’asile est irrecevable en application du nouvel article L. 723-10 du CESEDA (alinéa 5 du présent article).
Cela recouvre les circonstances suivantes, qui ne sont bien évidemment pas cumulatives :
a) le demandeur bénéficie déjà d’une protection au titre de l’asile dans un État membre de l’Union européenne ;
b) le demandeur bénéficie déjà du statut de réfugié et d’une protection effective dans un État tiers et y est effectivement réadmissible ;
c) en cas de demande de réexamen, il apparaît que cette demande ne repose sur aucun élément nouveau.
Il est intéressant de relever que les exigences posées au a) et b) de l’article L. 723-10 sont singulièrement différentes.
Lorsqu’un étranger a obtenu l’asile au sein de l’Union européenne, il existe une présomption selon laquelle la protection accordée est effective. En effet, le Protocole n° 24 annexé au Traité sur l’Union Européenne (TUE) – dit protocole « Aznar ») – dispose que « Les États membres sont considérés comme des pays d’origine surs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques ou pratiques liées à l’asile ».
Cette présomption peut être renversée dans trois cas seulement : en application de l’article 15 de la CEDH (103), de l’article 7 du TUE (104) ou « si un État membre devait en décider ainsi unilatéralement en ce qui concerne la demande d’un ressortissant d’un autre État membre (…) sur la base de la présomption qu’elle est manifestement non fondée ». En conséquence, en cas de demande d’asile à la frontière, l’entrée sur le territoire français sera refusée au demandeur qui dispose déjà d’une protection dans un autre État membre sauf s’il réussit à renverser cette présomption.
À l’inverse, lorsque l’étranger bénéficie déjà d’une protection internationale dans un État tiers à l’Union européenne, la demande d’asile présentée en France ne pourra être déclarée irrecevable pour ce seul motif. Il appartiendra en effet à l’OFPRA de vérifier que ladite protection est « effective », c’est-à-dire que l’étranger ne risque pas, malgré son titre de protection, de faire l’objet de mauvais traitement dans l’État tiers considéré.
Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ainsi que plusieurs associations contestent l’extension des motifs de refus d’entrée sur le territoire aux trois cas d’irrecevabilité précités. Ils considèrent notamment que, dans les deux premiers cas, il est très difficile pour l’OFPRA de vérifier, dans le temps imparti (96 heures), si la protection accordée par un État tiers est effective ou non et de démontrer qu’elle ne le serait pas dans un État membre. Ils estiment notamment qu’une telle possibilité révèle une confusion entre les demandes d’asile à la frontière et celles présentées sur le territoire.
C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement visant à supprimer l’irrecevabilité de la demande en zone d’attente au titre du a) et du b) de l’article L. 723-10 du CESEDA.
3. Une définition légale du caractère « manifestement infondé » de la demande dont l’examen est confié exclusivement à l’OFPRA
Le 3° de l’article L. 213-8-1 maintient la possibilité de refuser l’entrée sur le territoire à un étranger dont la demande d’asile est « manifestement infondée », à l’instar de ce que prévoit l’actuel article L. 221-1 du CESEDA (alinéa 6 du présent article).
Alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne vient en préciser la portée, l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et l’association France Terre d’Asile considèrent depuis longtemps que l’autorité en charge de l’examen du caractère manifestement infondé d’une demande d’asile devrait seulement vérifier que les faits avancés ne sont manifestement pas susceptibles de se rattacher aux critères prévus par la Convention de Genève ou aux critères justifiant l’octroi de l’asile constitutionnel ou de la protection subsidiaire, sans procéder à un examen au fond de la demande. Toutefois, elles constatent qu’en pratique, l’examen s’étend à la vérification de la crédibilité du récit (récit stéréotypé, imprécis, incohérent, absence de preuves écrites…).
Dans une décision du 28 novembre 2011, le Conseil d’État a pour sa part considérée que le ministre chargé de l’immigration pouvait rejeter la demande d’asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque «ses déclarations, et les documents qu’il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l’intéressé au titre de l’article 1er A de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés » (105).
L’article 32 de la directive « Procédures » autorise désormais les États membres à définir dans leur législation nationale la notion de « demande manifestement infondée », dès lors qu’elle correspond à l’une des situations énumérées à l’article 31, paragraphe 8, de la directive relatif aux motifs d’accélération de la procédure d’examen de la demande d’asile (106).
Le deuxième alinéa du 3° de l’article L. 213-8-1 s’inscrit dans ce cadre et s’inspire de la jurisprudence du Conseil d’État en introduisant la définition suivante : « Constitue une demande d’asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l’étranger et des documents le cas échéant produits, notamment du fait de leur caractère incohérent, contradictoire, faux ou peu plausible, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions de l’octroi de l’asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécution ou d’atteinte grave » (alinéa 7 du présent article).
Comme en cas d’irrecevabilité de la demande, l’examen du caractère manifestement infondé de la demande sera réalisé par l’OFPRA, dans un délai fixé par voie réglementaire et selon les mêmes garanties qu’en cas de demande d’asile présentée par tout étranger déjà présent sur le territoire (alinéa 8 du présent article).
Suivant l’avis de votre rapporteure, la Commission a toutefois considéré que le caractère manifestement infondé de la demande devait découler du fait qu’elle était manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute vraisemblance en ce qui concerne le risque de persécution ou d'atteinte grave. Elle a donc supprimé l’expression « notamment du fait de leur caractère incohérent, contradictoire, faux ou peu plausible » et substitué au mot : « crédibilité », le mot : « vraisemblance », car ces expressions ouvraient la porte à une appréciation au fond de la demande en zone d’attente, appréciation qui devrait être portée uniquement lors de l’instruction de la demande sur le territoire.
En application de la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 221-1 du CESEDA, deux catégories de personnes arrivant en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne peuvent être maintenues en zone d’attente :
– les étrangers auxquels l’accès au territoire français est refusé. Dans ce cas, le maintien en zone d’attente n’est autorisé que pendant le temps strictement nécessaire à leur départ (qui ne peut excéder vingt jours) ;
– les étrangers qui sollicitent l’asile à la frontière, pendant une période limitée au temps strictement nécessaire à un examen de leur demande tendant à déterminer si elle n’est pas manifestement infondée (qui ne peut excéder trente jours).
Créée par la loi du 6 juillet 1992 (107), la zone d’attente s’étend « des points d’embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes ». Concrètement, cet espace correspond à la zone sous douane dont l’accès est limité dans une gare ferroviaire internationale, dans un port ou à proximité d’un lieu de débarquement ou dans un aéroport. Il peut inclure des lieux d’hébergement assurant des prestations de type hôtelier, ce qui est le cas actuellement pour la zone de l’aéroport de Roissy CDG avec la ZAPI 3 (zone d’attente pour personnes en instance). Dans d’autres zones, les étrangers peuvent être retenus dans un hôtel situé à proximité.
Le 3° de l’article L. 213-8-2 modifie le premier alinéa de l’article L. 221-1 du CESEDA pour tirer les conséquences des nouvelles dispositions figurant à l’article L. 213-8-1 afin de prévoir la possibilité de maintenir en zone d’attente un étranger dont la demande d’asile aurait été rejetée en application du Règlement Dublin III ou déclarée irrecevable (alinéas 14 et 15 du présent article).
Enfin, il introduit de nouvelles garanties au bénéfice des demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité par rapport au droit en vigueur (108).
D’une part, l’alinéa 16 du présent article précise que lorsque l’OFPRA considère que le demandeur, en raison de sa minorité ou des violences graves dont il a été victime, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec le maintien en zone d’attente, il est mis fin à ce maintien.
Dans cette hypothèse, l’examen de l’OFPRA sera donc succinct et s’en tiendra à la révélation du besoin de garanties particulières du demandeur d’asile à la frontière. Le ministre de l’Immigration sera donc tenu de l’autoriser à sortir de la zone d’attente et il lui sera délivré un visa de régularisation de huit jours. Pendant ce délai, il devra se présenter à la préfecture qui lui délivrera une attestation de demande d’asile (alinéa 18 du présent article) lui permettant d’introduire une « vraie » demande d’asile devant l’OFPRA (109).
D’autre part, l’alinéa 17 du présent article pose le principe selon lequel un mineur non accompagné ne peut être maintenu en zone d’attente que de manière exceptionnelle dans les cas suivants :
– s’il provient d’un pays d’origine sûr ;
– s’il a déposé une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable ;
– s’il a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
– si sa présence constitue une menace « grave » pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
Ces dispositions sont conformes aux dispositions de l’article 24, paragraphe 6 b), de la directive « Procédures ».
Le paragraphe 2 de l’article 43 de cette directive ajoute enfin une garantie supplémentaire au bénéfice de tous les demandeurs d’asile à la frontière en précisant que la décision d’asile à la frontière doit être prise dans un délai de quatre semaines. À défaut, le demandeur doit se voir accorder le droit d’entrer sur le territoire de l’État membre afin que sa demande soit traitée conformément aux autres dispositions du texte. En France, cette exigence n’est pas tout à fait satisfaite puisque le maintien en zone d’attente d’un demandeur d’asile peut exceptionnellement être porté de vingt-six à trente jours maximum s’il a introduit un recours suspensif le 26e jour suivant son placement en zone d’attente.
À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a précisé le type de violences graves susceptibles d’être prises en considération par l’OFPRA pour autoriser la sortie du demandeur de zone d’attente, en reprenant les termes exacts de l’article 24, paragraphe 3, de la directive « Procédures », qui mentionnent les « victime[s] de torture, de viol ou d’une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle ».
La Commission a également adopté un amendement de votre rapporteure précisant que le mineur isolé ne peut être maintenu en zone d’attente que de manière exceptionnelle et « seulement » dans les quatre cas mentionnés à l’alinéa 17 afin que cette disposition soit interprétée strictement.
Enfin, la Commission a adopté plusieurs amendements de précision.
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* *
La Commission est saisie de l’amendement CL87 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. L’alinéa 4 vise à appliquer la procédure dite « Dublin » aux demandes d’asile formulées par les personnes se présentant à la frontière. Alors que les demandeurs concernés sont forcément dans une situation précaire et inconfortable, cette procédure est complexe et peut faire l’objet de recours spécifiques. Elle ne me paraît donc pas du tout adaptée. Le fait que l’étranger demandeur puisse entrer sur le territoire français si sa demande n’est pas manifestement infondée n’empêchera pas l’examen de sa demande par l’État qui en a la compétence au sens du règlement Dublin du 26 juin 2013.
Mme la rapporteure. Le règlement Dublin III prévoit que la présentation d’une requête de prise en charge auprès d’un autre État membre intervienne immédiatement et au plus tard dans un délai d’un mois en cas de rétention, y compris à la frontière. L’État requis dispose alors d’un délai de quinze jours pour répondre. À défaut de réponse, il est réputé avoir donné son accord. Par conséquent, le refus d’entrée d’un demandeur d’asile « dublinable » est possible dans le délai maximal de maintien en zone d’attente – soit vingt jours portés à trente jours dans certains cas – si la requête, la réponse et le transfert ont lieu très vite. La procédure concernera principalement des étrangers munis d’un visa Schengen ou enregistrés dans le fichier national des étrangers comme provenant d’un autre État membre. Avis défavorable.
M. Denys Robiliard. Je sais bien qu’il existe une procédure d’urgence. Mais après le délai de quinze jours laissé à l’État requis s’ouvre un nouveau délai de recours alors que le demandeur d’asile ne peut être maintenu en zone d’attente que pendant vingt jours. Dans ces conditions, il paraît difficile, voire impossible, de suivre la procédure Dublin.
M. Guillaume Larrivé. J’aimerais que le groupe majoritaire se rende compte du caractère profondément anti-européen de cet amendement. Sans doute l’intention est-elle généreuse, mais la suppression proposée revient à considérer qu’il n’existe pas de partage des responsabilités entre les États membres en matière d’examen des demandes d’asile !
Concrètement, lorsqu’un étranger arrive à Roissy et est accueilli en zone d’attente, les autorités de la République française sont parfaitement fondées à rechercher si cette personne a déjà déposé une demande d’asile dans un État appartenant à la même communauté de droit que nous. Pourquoi la France serait-elle seule légitime à examiner les demandes d’asile, sans se soucier de ce qu’ont pu déjà faire ses partenaires ?
L’amendement doit aussi être rejeté pour ces raisons de fond.
M. Denys Robiliard. Le recours ouvert par le règlement Dublin est suspensif et le tribunal a lui-même un délai pour statuer. Je maintiens que la procédure ne peut « tenir » dans le délai de vingt jours de maintien en zone d’attente et je ne vois pas en quoi la volonté de rendre ce recours effectif serait anti-européenne. De toute façon, la procédure Dublin peut se poursuivre en dehors du cadre de la zone d’attente, où la liberté de la personne est du reste très limitée puisqu’il s’agit d’une sorte de rétention qui ne dit pas son nom. Il n’y a rien d’idéologique dans ma position : je ne fais qu’additionner les différents délais.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL339 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il est très difficile pour l’OFPRA de démontrer, dans le délai prévu de quatre-vingt-seize heures et en zone d’attente, que le demandeur bénéficie déjà d’une protection dans un État membre ou d’une protection effective dans un État tiers. Je propose donc de supprimer ces deux cas d’irrecevabilité.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de précision CL340 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement CL341 du même auteur.
Mme la rapporteure. Le caractère manifestement infondé de la demande suppose de démontrer, comme le prévoit l’alinéa 7, que la demande est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d’octroi de l’asile ou manifestement dépourvue de toute vraisemblance en ce qui concerne le risque de persécution ou d’atteinte grave. Ajouter le critère du « caractère incohérent, contradictoire, faux ou peu plausible » des déclarations du demandeur ou des documents produits ne semble guère pertinent et laisse penser que l’on procède déjà à un examen au fond de la demande d’asile.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je retire mon amendement CL193, qui arrive plus loin dans la discussion, au bénéfice de celui-ci.
La Commission adopte l’amendement.
Elle étudie ensuite l’amendement CL233 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je propose de définir la demande « manifestement infondée » par l’absence de tout lien entre les déclarations ou documents du demandeur et les motifs de protection. Ce critère, que l’on trouve ailleurs dans le texte, me paraît clair et suffisant.
Mme la rapporteure. Je suggère le retrait.
L’amendement est retiré.
Les amendements CL121 de M. Sergio Coronado et CL193 de Mme Marie-Françoise Bechtel sont également retirés.
La Commission adopte ensuite l’amendement CL342 de la rapporteure.
Elle est saisie de l’amendement CL88 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. L’exception à l’avis conforme de l’OFPRA introduite au début de l’alinéa 9 mettrait notre législation en contradiction avec l’article 33 de la Convention de Genève, qui fixe le principe de non-refoulement vers le pays d’origine. Elle se heurte également à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Mme la rapporteure. La possibilité, pour le ministère de l’Intérieur, de refuser l’accès au territoire existe depuis toujours et n’a jamais donné lieu à une condamnation de la France au titre de la Convention de Genève. Je propose néanmoins, dans l’amendement suivant, que ce refus ne soit possible qu’en cas de « menace grave » pour l’ordre public, afin d’éviter toute banalisation.
Du reste, une des avancées de ce projet de loi est que l’avis de l’OFPRA lie désormais, sauf en ce cas, le ministre chargé de l’asile.
M. Guillaume Larrivé. Je suis défavorable à l’amendement de M. Robiliard comme à celui de Mme la rapporteure. Le ministre chargé de l’immigration, qui est également le ministre chargé de la sécurité intérieure, préserve l’ordre public et la sécurité de nos compatriotes. La circonstance que l’OFPRA – qui, contrairement au pape, n’est pas infaillible – donne un avis ne doit pas nécessairement le lier. À chacun son métier ! L’office procède à une appréciation qualitative de la demande et de la qualification des faits au regard du droit d’asile ; le ministre de l’Intérieur, quant à lui, dispose d’autres informations – de notes de la direction générale de la sécurité intérieure, par exemple – et peut considérer qu’il est de sa responsabilité de refuser l’entrée en France d’un étranger. Pourquoi, dans une partie du groupe majoritaire, cette méfiance viscérale à l’endroit du pouvoir régalien et, tout particulièrement, du ministre chargé de la police ? La police, que je sache, est républicaine et son but est la protection des Français !
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite les amendements identiques CL343 de la rapporteure et CL122 de M. Sergio Coronado.
Elle en vient à l’amendement CL123 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que la menace qui justifierait un refus du ministère de l’Intérieur doit être spécialement motivée. Il répond à une recommandation du Défenseur des droits.
Mme la rapporteure. Le Conseil d’État exige déjà que la décision du ministre soit précisément motivée pour justifier du refus d’accès au territoire d’un demandeur qui aurait reçu un avis positif de l’OFPRA. Si tel n’est pas le cas, il procède à l’annulation. Le Défenseur des droits est donc satisfait.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL344 à CL348 de la rapporteure.
Elle en vient à l’amendement CL350 du même auteur.
Mme la rapporteure. Pour répondre notamment aux préoccupations exprimées par Mme Coutelle et les membres de la délégation aux droits des femmes, il est proposé de reprendre les termes de l’article 24, paragraphe 3, de la directive « Procédures » définissant les violences graves que l’OFPRA doit prendre en compte pour déterminer le caractère fondé ou manifestement infondé de la demande d’asile en zone d’attente.
Mme Catherine Coutelle. Dans son avis sur le projet de loi, la CNCDH demande que l’on intègre la vulnérabilité mieux qu’on ne le fait actuellement, non seulement en matière d’accueil, mais aussi tout au long du parcours du demandeur d’asile.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte également l’amendement rédactionnel CL349 du même auteur.
Elle étudie ensuite les amendements CL54 de M. Marc Dolez, CL124 de M. Sergio Coronado, CL234 de Mme Pascale Crozon et CL351 de la rapporteure, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.
M. Marc Dolez. Mon amendement vise à supprimer toute possibilité de maintenir les mineurs isolés demandeurs d’asile en zone d’attente.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je propose pour ma part de renforcer le caractère exceptionnel de ce maintien, sachant toutefois qu’on ne peut l’exclure tout à fait, dans l’intérêt même du mineur.
M. Sergio Coronado. Cela me paraît injustifiable dans tous les cas. Mon amendement rejoint celui de M. Dolez.
Mme Pascale Crozon. Le mien renvoie au droit commun, qui fait obligation à l’autorité administrative d’alerter le procureur de la République, lequel désigne un administrateur ad hoc dans un délai de vingt-quatre heures.
Mme la rapporteure. Je comprends les intentions de mes collègues, mais nous devons mesurer le risque qui peut exister à permettre à des mineurs de sortir d’une zone d’attente en les confiant, par exemple, à l’aide sociale à l’enfance, avant qu’ils ne disparaissent et ne soient récupérés par des réseaux de traite. Malheureusement, ce cas de figure s’est déjà présenté. Mieux vaut s’assurer que l’administrateur est bien là et comprend bien la situation, voire renvoyer l’enfant dans un autre pays où un adulte de sa famille pourra le prendre en charge. J’y insiste, il arrive que l’admission sur le territoire aille à l’encontre de la protection du mineur.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL54, CL124 et CL234.
Puis elle adopte l’amendement CL351.
Elle en vient à l’amendement CL125 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Le projet de loi n’apporte aucune précision sur les conditions de la privation de liberté. Pourtant, celles-ci sont très clairement définies par la directive européenne, spécifiquement à l’article 10-4 auquel je vous renvoie et que cet amendement vise à retranscrire.
Mme la rapporteure. Je vous suggère de le retirer et de le réserver au projet de loi relatif au droit des étrangers en France, dans la mesure où il ne vise pas spécifiquement les demandeurs d’asile.
M. Guillaume Larrivé. L’amendement est partiellement satisfait par le droit existant. Dès 2002-2003, en effet, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait pris le soin de passer une convention avec l’association Anafé pour que des intervenants d’associations de protection des droits de l’homme soient présents dans les zones d’attente. Je tiens à remercier M. Coronado pour cet hommage ! (Sourires.)
M. Sergio Coronado. L’Anafé fait état de ce dispositif, mais c’est pour constater une forme de continuité dans les politiques migratoires et d’asile…
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL163 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Reprenant les conclusions du rapport d’évaluation sur la réforme de l’asile que M. Arnaud Richard et moi-même avons publié au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), cet amendement tend à faciliter la prolongation du maintien des étrangers en zone d’attente lors de la procédure de demande d’asile à la frontière.
Mme la rapporteure. Il s’agit d’une des rares dispositions du rapport du CEC que le projet de loi ne reprend pas. Bien que l’OFPRA considère la demande d’asile comme manifestement infondée dans 80 % des cas en zone d’attente, le juge des libertés et de la détention peut, à l’issue du délai de quatre-vingt-seize heures, autoriser l’entrée sur le territoire des étrangers en raison de l’existence de garanties de représentation. Ceux-ci vont ensuite déposer une demande d’asile classique à l’OFPRA, ce qui engorge la procédure au détriment des vrais demandeurs d’asile. Mais, en supprimant la faculté pour le juge des libertés et de la détention de tenir compte uniquement des garanties de représentation de la personne pour décider de sa remise en liberté, la disposition proposée porterait atteinte à l’office du juge dans son rôle de garant de la liberté individuelle au regard de la Constitution. Ne serait-ce que pour cette raison, je ne peux être favorable à cet amendement que je vous suggère de retirer.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CL281 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à faire passer le délai de recours de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures de manière à assurer l’effectivité de ce droit. Lorsqu’une décision lui est notifiée un vendredi soir, il n’est pas simple pour une personne étrangère d’établir elle-même son recours, sachant que même l’Anafé ne peut être présente sept jours sur sept.
Mme la rapporteure. Cet amendement n’étant pas spécifique aux demandeurs d’asile, je vous suggère de le retirer et de le déposer sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France.
Par ailleurs, la France a introduit un recours suspensif au bénéfice du demandeur d’asile en zone d’attente dans la loi du 20 novembre 2007, afin de répondre aux exigences posées par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Gebremedhin contre France. Ce délai n’a jamais été considéré comme insuffisant par aucun juge depuis lors, même s’il doit être examiné le week-end.
M. Denys Robiliard. L’amendement s’inscrit bien dans le cadre de ce projet de loi puisque l’article L. 213-9 qu’il tend à modifier concerne l’asile.
Sur le fond, l’administration considère que la mesure est exécutoire une fois le recours expiré. Je me réfère dans mon exposé sommaire à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 avril 2007 que vous mentionnez, mais je sais qu’une instance engagée par l’Anafé est actuellement pendante sur cette question. Il sera jugé un jour ou l’autre que le délai de quarante-huit heures est insuffisant. Que se passe-t-il quand une décision est notifiée le Vendredi saint et que s’écoulent ensuite le samedi, le dimanche et le lundi de Pâques ?
M. Guillaume Larrivé. Je remercie la rapporteure d’avoir relevé la grande sagesse de la loi Hortefeux, qui a transcrit de manière très rapide l’arrêt du 26 d’avril 2007. L’avis du Conseil d’État a été pris et le Conseil constitutionnel, saisi par le groupe socialiste, a examiné le sujet sans rien trouver à redire. La question est tranchée. Pourquoi changer sans cesse les règles ?
Mme la rapporteure. En l’espèce, la loi du 26 novembre 2007 – dont c’est un des seuls points positifs – ne faisait que tirer les conséquences de l’arrêt auquel M. Robiliard et moi-même nous référons.
Je précise aussi que les juges assurent une permanence les week-ends.
Puisque vous évoquez l’infaillibilité pontificale, monsieur Larrivé, je rappelle que le pape actuel a réservé son premier déplacement à l’île de Lampedusa et qu’il a attiré l’attention de l’Europe entière sur la situation des demandeurs d’asile et des personnes qui recherchent protection. Puisse ce geste inspirer vos votes à l’avenir !
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL126 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il s’agit d’introduire une disposition initialement prévue dans le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes, dont nous attendons l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale depuis près d’un an. L’amendement, adopté à l’époque en commission des Lois à l’initiative de la rapporteure Marie-Anne Chapdelaine, vise à permettre aux parlementaires de visiter les zones d’attentes et les centres et locaux de rétention et les locaux de retenue mentionnés à l’article L. 611-1-1, et prévoit que ces parlementaires puissent être accompagnés par un journaliste titulaire d’une carte de presse. Il semble cohérent de l’intégrer à un article qui modifie les conditions de recours en zone d’attente.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je voterai cet amendement, tout en regrettant que le Gouvernement n’ait toujours pas inscrit le projet de loi sur la protection des sources à notre ordre du jour. Il me semble que c’est un bon texte sur lequel nous sommes parvenus à un consensus.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. J’ai écrit au Premier ministre pour lui demander cette inscription. Le président de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, M. Patrick Bloche, a d’ailleurs effectué la même démarche sans que nous soyons concertés.
M. Erwann Binet. Une disposition à peu près identique permettant la visite des journalistes dans les zones d’attente et les lieux de rétention administrative figure dans le projet de loi que nous examinerons ultérieurement. Je crains que deux dispositions similaires n’en viennent à se croiser lors de la navette !
Mme la rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec l’amendement, mais je regretterais que nous l’adoptions en commission. Je propose à M. Coronado d’attendre soit l’examen du texte rapporté par M. Binet, soit la séance publique puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel et qu’il appartient au Gouvernement d’y répondre.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De par leur fonction, les députés et les sénateurs peuvent visiter les lieux de privation de liberté. Ils n’ont pas besoin d’y être autorisés ! La disposition ne peut porter que sur la possibilité pour les journalistes de les accompagner.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement pour le présenter à nouveau en séance publique. Comme l’a souligné la rapporteure, le débat engage le Gouvernement.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l’article 8 modifié.
Section 3
Dispositions relatives à l’examen des demandes d’asile en rétention
Article 9 A (nouveau)
(art. L. 551-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Droits complémentaires du demandeur d’asile en rétention
L’article L. 551-3 du CESEDA dispose que : « À son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Il lui est notamment indiqué que sa demande d'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après cette notification ».
Dans une décision du 30 juillet 2014 (110), le Conseil d’État a interprété les dispositions de l’article L. 551-3 du CESEDA qui enserrent dans un délai de cinq jours le droit pour un étranger en rétention de présenter une demande d’asile auprès de l’OFPRA à peine d’irrecevabilité, considérant que cette irrecevabilité ne pouvait être opposée à un étranger qui « invoque, au soutien de sa demande, des faits survenus postérieurement à l’expiration de ce délai » ou lorsqu’il démontre qu’il n’a pu « bénéfici[é] d’une assistance juridique et linguistique effective ». La haute juridiction administrative en a déduit qu’ainsi interprétées, les dispositions de l’article L. 551-3 du CESEDA ne méconnaissaient pas les exigences du droit européen.
Souhaitant tirer les conséquences de cette jurisprudence importante pour les demandeurs d’asile en rétention, la Commission a adopté, sur proposition de votre rapporteure, un article additionnel avant l’article 9 qui vise à compléter l’article L. 551-3 du CESEDA pour garantir au demandeur le droit de bénéficier d’une assistance linguistique et juridique en rétention et la possibilité de déposer une demande d’asile, postérieurement au délai de cinq jours, lorsqu’elle est motivée par des faits survenus après l’expiration de ce délai.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL352 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Il s’agit de garantir à tout demandeur d’asile en rétention le droit à bénéficier d’une assistance linguistique et juridique, ainsi que la possibilité de déposer une demande d’asile, après le délai de cinq jours mentionné à l’article L. 551-3 du CESEDA, lorsqu’elle est motivée par des faits survenus postérieurement à l’expiration de ce délai.
L’amendement permet d’éviter que le délai de cinq jours soit systématiquement contourné pour des motifs d’opportunité. Il est conforme aux objectifs fixés par les directives européennes et permet également d’éviter un contentieux sur l’effectivité ou non du recours à l’interprète.
La Commission adopte l’amendement.
M. Denys Robiliard. Compte tenu de cette adoption, je retire les deux amendements suivants.
Les amendements CL235 de Mme Audrey Linkenheld et CL282 de M. Denys Robiliard sont retirés.
Article 9
(art. L. 556-1 et L. 556-2 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. L. 777-2 du code de justice administrative)
Examen des demandes d’asile en rétention
Le présent article modifie les conditions d’examen des demandes d’asile en rétention afin de de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Les conditions dans lesquelles un étranger en situation de rétention administrative peut déposer une demande d’asile sont précisées par l’article L. 551-3 et par les articles R. 553-15 à R. 553-17 et R. 723-1 et R. 723-3 du CESEDA.
L’étranger maintenu dans un centre de rétention qui souhaite demander l’asile dispose d’un délai de cinq jours à compter de la notification qui lui a été faite de ce droit pour présenter une demande d’asile. À cette fin, il remet sa demande, à tout moment, soit au chef du centre de rétention soit à son adjoint ou, le cas échéant, au responsable de la gestion des dossiers administratifs. Au-delà de ce délai, l’administration refuse de transmettre son dossier à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
La demande d’asile formulée en centre ou en local de rétention doit être rédigée en français sur un imprimé établi par l’OFPRA, être signée et accompagnée de deux photographies d’identité récentes et, le cas échéant, du document de voyage et de la copie du document de séjour en cours de validité. Les frais éventuels d’interprétariat sont à la charge du demandeur (en moyenne autour de 50 euros de l’heure selon la Cimade).
Le préfet transmet dès réception le dossier à l’OFPRA en mentionnant son caractère prioritaire. L’OFPRA dispose alors d’un délai de 96 heures pour auditionner le demandeur d’asile, soit directement soit par vidéoconférence, et rendre sa décision. Aucune mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution avant que l’office se soit prononcé.
Lorsque l’OFPRA fait droit à la demande d’asile et accorde le bénéfice d’une protection (statut de réfugié ou protection subsidiaire), il est immédiatement mis fin à la rétention et l’étranger est invité à se rendre en préfecture pour y accomplir les formalités en vue de la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de la protection internationale accordée dans un délai de huit jours.
Lorsque la demande d’asile est rejetée, le retenu peut déposer un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) mais ce recours n’est pas suspensif, ce qui signifie qu’il n’entrave pas la procédure d’éloignement.
Néanmoins, si l’étranger retenu fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), il peut en demander l’annulation au président du tribunal administratif dans les quarante-huit heures suivant sa notification, dans les conditions prévues par le III de l’article L. 512-1 du CESEDA (audience publique, droit à un interprète, droit à un avocat, droit d’accès aux pièces du dossier, absence de rapporteur public). Le président du tribunal ou un magistrat désigné par lui parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, dispose alors d’un délai de soixante-douze heures pour rendre sa décision durant lequel aucune mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution.
En 2013, sur 20 554 étrangers placés en rétention administrative, 1 078 ont présenté une demande d’asile à l’OFPRA (contre 1 963 en 2012), et 29 de ces demandes ont été acceptées et ont donné lieu à une remise en liberté.
Dans un arrêt du 30 mai 2013, Arslan (111), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’un demandeur d’asile a le droit de demeurer sur le territoire de l’État membre compétent pour examiner sa demande, à tout le moins, jusqu’à ce que celle-ci ait été rejetée en premier ressort, de sorte qu’il ne peut pas être considéré, pendant cette période, comme étant en séjour irrégulier dans cet État.
La Cour a néanmoins ajouté que le droit de l’Union européenne ne s’oppose pas à ce que le demandeur d’asile soit placé en rétention s’« il apparaît, à la suite d’une appréciation au cas par cas de l’ensemble des circonstances pertinentes, que cette demande a été introduite dans le seul but de retarder ou de compromettre l’exécution de la décision de retour et qu’il est objectivement nécessaire de maintenir la mesure de rétention pour éviter que l’intéressé se soustrait définitivement à son retour ».
Selon la Cour, le seul fait qu’un demandeur d’asile, au moment de l’introduction de sa demande, fasse l’objet d’une décision de retour et qu’il soit placé en rétention ne permet donc pas de présumer que celui-ci a introduit sa demande dans le seul but de retarder ou de compromettre l’exécution de la décision de retour. Le caractère éventuellement abusif de l’introduction de la demande d’asile doit donc être examiné au cas par cas. Les autorités nationales doivent également apprécier s’il est objectivement nécessaire et proportionné de maintenir le demandeur d’asile en rétention.
La directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale s’inscrit dans cette ligne. Elle prévoit des dispositions nouvelles et spécifiques au placement en rétention des demandeurs d’asile (articles 8 à 11) qui proscrivent toute automaticité, tout en permettant le maintien en rétention d’un ressortissant étranger en instance d’éloignement qui a présenté, postérieurement à son placement en rétention, une demande d’asile lorsqu’il existe « des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ».
À l’occasion de plusieurs arrêts concernant la France (112), la Cour européenne des droits de l’homme a examiné la compatibilité de la procédure d’examen d’une demande d’asile d’un ressortissant étranger placé en rétention administrative en vue de son éloignement avec les obligations découlant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) : son article 13 (droit à un recours effectif) combiné avec son article 3 (prohibition des traitements inhumains ou dégradants).
Si elle ne remet pas en cause l’intérêt et la légitimité de l’existence d’une procédure accélérée pour faciliter le traitement des demandes clairement abusives ou manifestement infondées, la Cour a condamné le caractère « automatique » de la mise en œuvre de la procédure prioritaire d’examen d’une demande d’asile présentée en rétention, en ce qu’elle est « lié[e] à un motif d’ordre procédural, sans relation ni avec les circonstances de l’espèce, ni avec la teneur de la demande et son fondement ».
La Cour a en effet observé que le classement en procédure prioritaire de la demande d’asile en rétention induit des conséquences substantielles quant au déroulement de la procédure. Ainsi, le délai imparti au requérant pour présenter sa demande est réduit de vingt et un à cinq jours, sous peine, en cas de non-respect, de rejet pour tardiveté. Or, elle a jugé qu’un tel délai était « particulièrement bref et contraignant », notamment en cas de première demande, alors que le requérant doit préparer une demande d’asile complète et documentée en langue française, soumise à des exigences identiques à celles prévues pour les demandes déposées hors rétention selon la procédure normale.
3. Les difficultés liées à l’appréciation du caractère « effectif » du recours suspensif contre le rejet d’une demande d’asile en rétention
À ce jour, le seul recours suspensif dont disposent les demandeurs d’asile en rétention sur le territoire français est celui disponible devant le juge de la reconduite à la frontière, en application du III de l’article L. 512-1 du CESEDA, pour contester le placement en rétention concomitant à l’obligation de quitter le territoire français dont ils font l’objet. Le juge administratif est alors chargé de contrôler la légalité de ces mesures et d’en vérifier la compatibilité avec les articles 3 et 8 de la CESDH.
Le recours devant la CNDA contre une décision négative de l’OFPRA n’est, quant à lui, pas directement suspensif lorsque la demande est soumise à la procédure prioritaire, ce qui est automatiquement le cas en rétention.
Or, dans l’arrêt I.M. contre France (113), la CEDH a jugé, quant à l’effectivité du système de droit interne pris dans son ensemble, que « si les recours exercés par le requérant étaient théoriquement disponibles, leur accessibilité en pratique avait été limitée par plusieurs facteurs, liés pour l’essentiel au classement automatique de sa demande en procédure prioritaire, à la brièveté des délais de recours à sa disposition [48 heures] et aux difficultés matérielles et procédurales d’apporter des preuves alors que le requérant se trouvait en détention ou en rétention ». La Cour a relevé en particulier « l’absence de caractère suspensif du recours formé devant la CNDA de la décision de refus par l’OFPRA de la demande d’asile, lorsque l’examen de celle-ci s’inscrit dans le cadre de la procédure prioritaire », de sorte que rien ne peut empêcher l’éloignement du requérant. La Cour a finalement conclu à la violation de l’article 13 (droit au recours effectif) combiné avec l’article 3 (interdiction de la torture) de la CESDH, après avoir constaté qu’il s’agissait, en l’espèce, d’une première demande d’asile et que le requérant, gardé à vue puis détenu, n’avait pas eu la possibilité de se rendre en personne à la préfecture pour introduire une demande d’asile comme l’exige le droit français.
Néanmoins, dans son arrêt M. E. c. France (114), la Cour a estimé que « [L]e simple fait qu’une demande d’asile soit traitée en procédure prioritaire » ne suffit pas à conclure à l’ineffectivité du recours. Elle a précisé que pour être « effectif », le recours doit permettre d’« examiner le contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention » et « offrir le redressement approprié ». Elle a ainsi rappelé qu’un recours effectif n’est pas seulement celui qui donne une « issue favorable pour le requérant » ni celui qui est formé devant une « institution judiciaire ». Elle retient en effet que l’effectivité du recours suppose un « contrôle attentif par une autorité nationale », un « examen indépendant et rigoureux de tout grief », une « célérité particulière » et que « les intéressés disposent d’un recours de plein droit suspensif ».
Or, après avoir examiné ces principes au cas d’espèce, la Cour a jugé qu’ « à la différence de l’arrêt I.M., le requérant a particulièrement tardé à former sa demande [plus de trois ans après son arrivée en France], ce qui a d’ailleurs justifié le classement en procédure prioritaire […]. La Cour n’est pas convaincue par la thèse du requérant selon laquelle ce retard serait dû à son ignorance de l’existence d’une procédure d’asile […]. La Cour souligne que lorsqu’il a fait l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, le requérant a pu former un recours suspensif devant le tribunal administratif et une demande d’asile, également suspensive, devant l’OFPRA. Ces recours sont certes enfermés dans des délais brefs de, respectivement, quarante-huit heures et cinq jours. Eu égard au caractère particulièrement tardif de la demande d’asile du requérant et, partant, à la possibilité qu’il avait de rassembler, au préalable, toute pièce utile pour documenter une telle demande, celui-ci ne peut cependant valablement soutenir que l’accessibilité des recours disponibles a été affectée par la brièveté des délais dans lesquels ceux-ci devaient être exercés et par les difficultés matérielles, notamment linguistiques, qu’il a rencontrées pour obtenir les preuves qui lui étaient nécessaires ». Ces considérations ont donc amené la Cour à conclure à l’absence de violation de l’article 13 combiné avec l’article 3, dans ce cas d’espèce.
Le I du présent article introduit un chapitre VI au sein du titre V du livre V du CESEDA intitulé « Demande d’asile en rétention » qui comprend deux nouveaux articles : l’article L. 556-1 qui précise le contenu de la réforme et l’article L. 556-2 qui prévoit que les alinéas 4 à 7 de l’article L. 556-1 ne s’appliquent pas en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
Le II crée, par coordination, un chapitre VII bis au sein du titre VII du livre VII du code de justice administrative afin de tirer les conséquences du I sur le contentieux administratif du droit au maintien sur le territoire en cas de demande d’asile en rétention.
L’article L. 556-1 du CESEDA impose désormais à l’autorité administrative de décider du maintien en rétention administrative d’une personne retenue qui présente une demande d’asile (alinéa 2).
Concrètement, le chef du centre de rétention ou, le cas échéant, le responsable du local de rétention devra systématiquement et immédiatement informer le préfet qui a pris la mesure de placement en rétention, de la présentation d’une demande d’asile.
La décision de maintien en rétention du demandeur d’asile ne pourra être prise par le préfet que, sur le fondement de critères objectifs, au motif que la demande d’asile est présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement. Ces critères sont définis à l’article 8, paragraphe 3, de la directive « Accueil ».
2. La suppression du caractère automatique du placement en procédure accélérée de la demande d’asile en rétention
Afin de tirer les conséquences de la jurisprudence de la CEDH précitée, il est mis fin au placement automatique de la demande d’asile en rétention en procédure accélérée (ex-procédure prioritaire).
L’article L. 556-1 prévoit désormais que la demande d’asile en rétention est examinée, par principe, en procédure accélérée devant l’OFPRA (alinéa 3), sauf si l’office considère qu’il ne peut assurer un examen approprié de la demande selon cette procédure (alinéa 4).
Si l’OFPRA estime que la demande doit être examinée en procédure ordinaire ou s’il accorde le statut de réfugié en procédure accélérée, il est donc mis fin à la rétention administrative (alinéa 4).
Le présent article propose également d’introduire un recours suspensif, à double étage, contre les décisions d’irrecevabilité ou de rejet de l’OFPRA, afin d’en assurer l’effectivité au sens de la CEDH (alinéas 5 et 6). Ne sont toutefois pas concernées les décisions de clôture d’examen au motif que le demandeur peut solliciter la réouverture de son dossier ou présenter une nouvelle demande dans un délai de neuf mois suivant la décision de l’office comme l’autorise l’article 28 de la directive « Procédures ».
En cas de décision d’irrecevabilité ou de rejet de l’OFPRA, le demandeur d’asile a le droit de former un recours devant la CNDA dans un délai d’un mois à compter de la notification de cette décision.
Cependant, ce recours n’est pas automatiquement suspensif : s’il entend se maintenir sur le territoire dans l’attente de la décision de la CNDA, le demandeur d’asile en rétention doit en faire la demande auprès du président du tribunal administratif territorialement compétent dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision négative de l’OFPRA.
Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il aura désigné parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, dispose alors d’un délai de 72 heures pour rendre son jugement dans les conditions prévues au III de l’article L. 512-1 du CESEDA (juge unique, possibilité de statuer publiquement dans une salle d’audience spécialement aménagée et située à proximité immédiate du lieu de rétention, absence de rapporteur public, droit à la communication du dossier, droit à l’interprétariat, droit à un avocat commis d’office).
Si le juge administratif estime que la demande d’asile n’a pas été présentée « dans le seul but de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement, [il] peut ordonner que l’intéressé soit autorisé à se maintenir sur le territoire français jusqu’à ce que la Cour ait statué ». Dans ce cas, il est immédiatement mis fin à la rétention et l’autorité administrative compétente délivre au demandeur une attestation de demande d’asile lui donnant droit de se maintenir sur le territoire dans les conditions prévues par l’article L. 743-1 (115). Le demandeur d’asile recouvre en principe sa liberté. Toutefois, l’article L. 561-1 du CESEDA est applicable si bien que le demandeur pourrait être assigné à résidence dans les conditions prévues par cet article (alinéa 8).
Si le juge administratif estime au contraire que la demande a été présentée dans le seul but de faire échec à une mesure d’éloignement, le demandeur d’asile en rétention n’a pas de droit au maintien sur le territoire bien que son recours soit toujours pendant devant la CNDA.
L’alinéa 7 précise néanmoins qu’une mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution avant l’expiration d’un délai de 48 heures suivant la notification de la décision de rejet ou d’irrecevabilité de l’OFPRA ou, en cas de saisine du juge administratif, avant qu’il n’ait statué, sauf en cas de demandes de réexamen (116).
L’instauration d’un recours suspensif à double étage tel que celui prévu par le présent article est autorisée par l’article 46, paragraphe 6, de la directive « Procédures ».
Pour autant, nombreuses sont les associations, les syndicats de magistrats administratifs et les avocats à contester ce mécanisme à double étage au motif que le juge administratif, statuant en juge unique, dans un délai de soixante-douze heures, sera conduit à examiner au fond la demande d’asile pour se prononcer sur son caractère dilatoire ou non alors même que cette compétence ne devrait relever que de la CNDA. Ils réclament donc l’introduction d’un recours automatiquement suspensif devant la CNDA.
L’automaticité du recours suspensif devant la CNDA permettrait, selon eux, d’assurer une meilleure cohérence des décisions à l’égard des demandeurs d’asile en situation de rétention. À tout le moins, ils font observer que le présent article confère au juge administratif une compétence discrétionnaire puisqu’il « peut » ordonner le maintien sur le territoire si le recours n’a pas pour seul but de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement, alors qu’il devrait toujours ordonner le maintien sur territoire dans ce cas.
Les représentants de la CNDA entendus par votre rapporteure estiment, pour leur part, que le dispositif prévu est conforme aux exigences de la jurisprudence européenne et qu’elle reste le seul juge compétent au fond, l’intervention du juge administratif se limitant à apprécier le caractère purement dilatoire ou non du recours par le biais d’un contrôle de l’évidence. En tout état de cause, ils ont indiqué que la CNDA n’avait pas les moyens, en l’état, de traiter en urgence les recours présentés par des demandeurs d’asile en rétention contre les décisions négatives de l’OFPRA, et qu’elle n’avait pas d’expérience sur ce terrain contrairement aux tribunaux administratifs.
Le Gouvernement a également justifié ce choix par le fait que le maintien en rétention d’un étranger est enserré dans un délai maximum de 45 jours, incompatible avec un recours suspensif automatique devant la CNDA, car elle devrait statuer en procédure accélérée dans un délai de 5 semaines. Si tel était le cas, il craint en outre un détournement important de la procédure d’asile par les étrangers placés en situation de rétention pour se maintenir sur le territoire, entraînant un engorgement aussi bien de l’OFPRA que de la CNDA. Il a également mis en évidence le fait que l’introduction d’une nouvelle procédure d’urgence à la CNDA aurait mécaniquement pour effet d’augmenter les délais de traitement des autres recours, compte tenu de l’effet « coupe-file » d’une telle procédure. Un recours suspensif automatique devant la CNDA risquerait enfin de poser des problèmes budgétaires et logistiques comme le souligne l’étude d’impact. Il faudrait en effet transférer les personnes retenues jusqu’à la CNDA (à Paris) ou instaurer un dispositif de vidéo audience dans les tribunaux situés à proximité des centres de rétention.
Suivant l’avis de votre rapporteure, la Commission s’est ralliée aux arguments du Gouvernement et de la Cour. Elle a néanmoins considéré que les termes employés à l’alinéa 5 selon lesquels le juge « peut ordonner que l’intéressé soit autorisé à se maintenir sur le territoire français » pouvaient laisser entendre que le juge administratif pourrait ne pas ordonner la sortie de rétention alors même que le demandeur aurait formé un recours devant la CNDA n’ayant pas pour seul but de contourner une mesure d’éloignement. La Commission a donc adopté un amendement présenté par votre rapporteure pour substituer aux mots « peut ordonner », le mot « ordonne ».
La Commission a également adopté quelques amendements de précision et de coordination supplémentaires.
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La Commission est saisie de l’amendement CL127 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Le Conseil d’État a considéré que le délai de cinq jours mentionné à l’article L. 551-3 ne courait pas notamment si les circonstances qui justifient la demande apparaissent pendant la rétention administrative ou si le demandeur n’a pas eu d’assistance juridique et linguistique effective.
Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement CL352.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement de simplification CL353 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement CL128 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il s’agit de ne maintenir en rétention que les demandeurs qui ont eu auparavant la possibilité d’accéder à la procédure d’asile. Cette précision figure dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État.
Mme la rapporteure. La directive « Procédures » ne prévoit pas une telle limitation. De plus, la CEDH n’a pas toujours sanctionné la France pour avoir maintenu en rétention un demandeur d’asile en cas de première demande : dans l’affaire M.E. contre France du 6 juin 2013, la Cour a donné raison à la France pour avoir refusé l’asile à un ressortissant égyptien, en situation irrégulière en France depuis trois ans, qui avait déposé sa première demande d’asile à l’occasion de sa rétention après avoir fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL236 de Mme Audrey Linkenheld.
Mme Pascale Crozon. La Cour de justice de l’Union européenne puis le Conseil d’État ont considéré que la rétention d’un demandeur d’asile, même si la demande a été formulée après que celui-ci a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, n’est possible que si sa demande n’est présentée que pour faire obstacle à l’éloignement et qu’il est nécessaire de maintenir l’intéressé dans un centre pour éviter qu’il ne se soustraie à la mesure. Les deux juridictions ont donc limité la rétention du demandeur d’asile à des cas exceptionnels que l’amendement vise à expliciter.
Mme la rapporteure. Cet amendement se réfère à l’arrêt Arslan, antérieur à la directive « Accueil » qui précise désormais les critères que vous évoquez. Il est donc satisfait et je suggère son retrait.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL354 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement CL355 du même auteur.
Mme la rapporteure. Il s’agit de préciser que, si le préfet ne maintient pas le demandeur en zone d’attente, ce dernier est libre et ira déposer sa demande d’asile dans les conditions de droit commun.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle étudie les amendements CL129 de M. Sergio Coronado, CL283 de M. Denys Robiliard et CL164 de Mme Jeanine Dubié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.
M. Sergio Coronado. Mon amendement vise à mettre en place une procédure de recours direct à la Cour nationale du droit d’asile. Cette saisine serait bien plus simple que la procédure actuellement prévue par le projet de loi, qui impose le passage par un tribunal administratif. Ce recours exceptionnel risque d’encombrer les tribunaux, qui ne disposent pas de l’expertise de la CNDA sur ces sujets alors même qu’ils sont contraints de prendre leurs décisions dans des délais très brefs.
M. Denys Robiliard. Mon amendement procède du même esprit. La CNDA est un juge spécialisé qui a accès à une documentation à la fois juridique et concernant la situation des droits de l’homme dans l’ensemble des pays du monde. Donner à un juge administratif le pouvoir de rendre suspensif le recours devant la CNDA paraît inadapté.
Au surplus, cet examen successif du même dossier par deux juridictions dans un bref délai ne paraît pas conforme à l’objectif actuel de simplification ! Une double saisine est inutilement complexe et coûteuse. Mieux vaut concentrer le sujet du recours, y compris son caractère suspensif, devant la seule CNDA.
Mme Jeanine Dubié. Le projet de loi prévoit la possibilité de contester devant le tribunal administratif, avec un effet suspensif, la décision initiale de maintien en rétention prise par la préfecture lorsque celle-ci estime que la demande était formulée dans le dessein de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement. Toutefois, le demandeur d’asile en rétention ne dispose pas d’une voie de recours suspensive sur le fond de sa demande, qui permettrait de contester la décision de rejet ou d’irrecevabilité prise par l’OFPRA. Des demandeurs pourraient ainsi être éloignés du territoire sans que les motifs de persécutions et les craintes en cas de retour à ce titre aient pu être examinés par une instance d’appel.
Il est donc indispensable d’instaurer en rétention un recours suspensif devant la CNDA, afin de permettre au demandeur de contester au fond la décision de rejet ou d’irrecevabilité avant la mise en œuvre d’une mesure d’éloignement.
Mme la rapporteure. Avis défavorable à ces trois amendements qui poursuivent le même objectif.
L’amendement CL129 aurait pour effet de maintenir en rétention un demandeur cinq jours de plus que le dispositif prévu par le Gouvernement. En outre, le demandeur d’asile se voit déjà accorder plusieurs chances de sortie. L’OFPRA peut en effet estimer que sa demande relève de la procédure ordinaire ou qu’il doit obtenir le statut de réfugié, auxquels cas il sort de rétention. Et, s’il est maintenu en rétention après l’examen par l’OFPRA, il peut former un recours devant le tribunal administratif pour sortir de rétention jusqu’à ce que la CNDA statue sur son recours. Le filtre du tribunal administratif paraît adapté à un contrôle de l’évidence : il s’agit de vérifier que la demande n’a pas pour seul but de contourner une mesure d’éloignement et non d’examiner la demande au fond. Le juge administratif a l’habitude de ce type de procédure d’urgence.
Enfin, l’amendement supposerait de trouver une solution budgétaire pour financer le transfert du demandeur à Montreuil afin qu’il y soit entendu par la CNDA dans les délais impartis ou pour mettre en place de la vidéo-audience dans tous les tribunaux à proximité des centres de rétention administrative, ce qui, aujourd’hui, n’est pas réaliste.
M. Guillaume Larrivé. Je ne voterai pas l’amendement de M. Robiliard, mais je trouve qu’il pose une question légitime quant à l’articulation de l’office de trois juges : le juge des libertés et de la détention – qui me semble rester, en cette matière également, le juge de la rétention –, le juge administratif et la CNDA. Le dispositif de l’article 9 est d’une très grande complexité procédurale pour les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi comme pour les demandeurs. La voie tracée par l’amendement mérite donc d’être examinée avec le Gouvernement à la lumière du contentieux administratif en ces matières.
La Commission rejette successivement les amendements CL129, CL283 et CL164.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL130 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il s’agit de remplacer le délai de quarante-huit heures, qui ne prend pas en compte l’impossibilité de demander l’asile pendant les week-ends, par un délai de trois jours ouvrés. Nous devons nous soucier de l’effectivité de l’accès au droit dans ces procédures.
M. le rapporteur. Avis défavorable pour les raisons qui ont été énoncées à propos de l’amendement CL281 de M. Robiliard. L’une des options envisagées pour unifier le contentieux et simplifier la procédure était de supprimer la CNDA, comme le proposait le rapport de M. Touraine et de Mme Létard, et de tout renvoyer aux tribunaux administratifs. Ce n’est pas l’option que souhaite votre rapporteure, ni même, je crois, celle que souhaitent les auteurs des trois amendements précédents.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement de clarification CL356 et l’amendement de correction d’une erreur matérielle CL357, de la rapporteure.
Enfin, elle adopte l’article 9 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL39 de M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Aux termes de la directive dite « Retour » du 16 décembre 2008, il doit être systématiquement proposé à un étranger en situation irrégulière soumis à une obligation de quitter le territoire français la possibilité de le faire volontairement dans un délai qui ne saurait être inférieur à sept jours. Aujourd’hui, ce délai est de trente jours, ce qui me semble excessif. Je propose d’en revenir à sept jours, conformément aux règles européennes. On accuse souvent ces règles d’être laxistes en matière d’immigration, mais, en l’occurrence, c’est plutôt le cas de la législation française !
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement n’a rien à voir avec la procédure d’asile. Il concerne le projet de loi relatif au droit des étrangers. Je précise que le délai de sept jours est le minimum prévu par la directive. C’est vous-mêmes, lorsque vous étiez dans la majorité, qui l’avez fixé à trente jours !
M. Éric Ciotti. Tout n’a pas été parfait dans cette période… (Sourires.)
La Commission rejette l’amendement.
Chapitre III
Dispositions relatives à la Cour nationale du droit d’asile
Article 10
(art. L. 731-2, L. 732-1, L. 733-1, L. 733-1-1 et L. 733-4 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; art. L. 233-5, L. 234-3 et L. 234-4 du code de justice administrative ; loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique)
Cour nationale du droit d’asile
Le projet de loi confirme la place centrale de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dans le système français de l’asile, et notamment sa compétence de plein contentieux pour statuer sur les recours formés contre toutes les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Compte tenu de l’objectif majeur de réduction des délais de procédure, le présent article modifie de façon substantielle les conditions d’examen des recours, l’organisation de la CNDA ainsi que les garanties offertes au demandeur d’asile.
Première juridiction administrative spécialisée par le nombre d’affaires jugées, la CNDA a été créée par la loi du 20 novembre 2007 (117) pour prendre la suite de la Commission des recours des réfugiés (CRR). La CRR avait elle-même été créée par la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 et avait tenu sa première séance le 30 juillet 1953. La CNDA est rattachée, pour sa gestion, au Conseil d’État depuis le 1er janvier 2009.
Jusqu’en 1979, l’activité de la CRR était relativement stable, la moyenne de décisions rendues avoisinant les 300 par an. À compter des années quatre-vingt, avec la multiplication des conflits dans le monde et le durcissement des conditions d’immigration, le nombre d’affaires enregistrées devant la CRR, puis devant la CNDA, s’est considérablement accru pour atteindre 16 515 décisions en 1989, 20 240 en 2009 et 38 540 en 2013 (+ 1 200 par rapport à 2012).
Outre l’accroissement du nombre de demandeurs d’asile, cette évolution s’explique également par le fait que la CNDA a diminué de 55,3 % ses délais prévisibles moyens de jugement depuis 2009 (passant de 15 mois et 9 jours à 6 mois et 24 jours fin 2013). L’ancienneté moyenne des dossiers jugés a, elle aussi, diminué de près de 30 % dans cette même période. Cette évolution est le résultat du renforcement des effectifs de la Cour (+ 50 emplois, dont 40 rapporteurs en 2011) et d’une profonde réorganisation de ses services depuis 2009 : création d’un service central d’enrôlement et d’un service chargé des procédures à juge unique, fusion de ses deux centres d’information (l’un à vocation juridique, l’autre à vocation géopolitique), politique de dématérialisation des procédures et création d’une plate-forme d’échanges électroniques sécurisées avec les avocats, réorganisation des débats durant les audiences pour donner davantage de temps à l’oralité et l’interprétariat…
La CNDA comporte actuellement environ 80 sections comprenant chacune :
1° Un président nommé :
– soit par le vice-président du Conseil d’État parmi les membres du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, en activité ou honoraires ;
– soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires ;
– soit par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l’ordre judiciaire ;
2° Deux personnalités qualifiées désignées par le terme d’assesseur dont :
– une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur avis conforme du vice-président du Conseil d’État. La CNDA est la seule juridiction nationale à comprendre parmi ses membres un représentant d’une organisation internationale, comme le HCR, qui participe de ce fait à l’exercice d’une mission de souveraineté nationale.
– une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d’État sur proposition de l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’office (ministre chargé de l'asile, ministre de l'Intérieur, ministre des Affaires étrangères et ministre chargé du budget).
La formation dite des « sections réunies » présidée par le chef de Cour, juge les affaires qui, en raison d’une difficulté particulière ou du besoin de fixer une ligne jurisprudentielle, lui sont renvoyées par le président de la Cour ou une « formation de jugement ». Les « sections réunies » peuvent saisir le Conseil d’État pour trancher « une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » (118).
L’activité juridictionnelle est organisée au sein de dix divisions, d’un service des ordonnances et de plusieurs services de soutien (aide à la décision pour le greffe, bureau d’aide juridictionnelle, centre de documentation juridique et géopolitique, service d’accueil des requérants et service de l’interprétariat). Le soutien administratif de cette activité est apporté par les services de gestion de la Cour.
Chacune des dix divisions est composée de rapporteurs chargés de l’instruction des recours, de secrétaires qui organisent, outre le secrétariat de la division, le déroulement des audiences sous l’autorité d’un président. Chaque division est désormais dotée d’un président (un magistrat administratif) affecté à plein-temps tandis que les autres formations de jugement sont présidées par des magistrats vacataires assistés d’assesseurs également vacataires. Depuis le 30 avril 2014, les rapporteurs n’ont plus le droit de prendre parti sur le sens de la décision en application de l’article R. 733-25 du CESEDA.
La Cour comptait au 31 décembre 2013, 337 collaborateurs, dont douze magistrats affectés à titre permanent ; dix d’entre eux sont présidents de division, tandis que les deux autres dirigent un service administratif.
À la suite du rejet de sa demande d’asile par le directeur général de l’OFPRA, le demandeur d’asile peut contester cette décision administrative. Il adresse alors un recours contre cette décision à la CNDA, dans un délai d’un mois par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Le recours est enregistré par le greffe qui adresse au requérant un reçu d’enregistrement de son recours. Il informe l’OFPRA de l’existence du recours exercé contre cette décision et lui demande de transmettre le dossier de demande d’asile du requérant, dans un délai de 15 jours.
Si des éléments essentiels de l’existence du recours sont manquants (signature, récit en langue française et non en langue étrangère), le greffe invite le requérant à régulariser son recours. Si le recours n’est pas régularisé, il pourra faire l’objet d’un rejet pour irrecevabilité par ordonnance, c’est-à-dire par une décision juridictionnelle rendue en dehors d’une audience collégiale.
Le reçu d’enregistrement du recours informe le requérant de son droit de consulter le dossier, de son droit de se faire assister par un avocat, du fait que les informations le concernant font l’objet d’un traitement automatisé, de la possibilité que son recours soit traité par ordonnance, de son droit de demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle et indique les conditions et modalités de cette demande. Le même reçu demande au requérant de communiquer à la Cour ses changements éventuels d’adresse et d’indiquer la langue dans laquelle il souhaite s’exprimer à l’audience en vue du choix de l’interprète.
En cas de tardiveté du recours, d’incompétence, de non-lieu ou de désistement du requérant, le président de la Cour ou le président de section peut rejeter le recours par ordonnance (article R. 733-4, 1° à 4°, du CESEDA). Si le recours ne contient pas d’éléments sérieux de nature à remettre en cause la décision du directeur général de l’OFPRA, il peut également être rejeté par ordonnance sans audience par le président et les présidents de section (article R. 733-4, 5°, du même code). En 2013, 21,5 % des recours ont été traités par voie d’ordonnance.
Dans le cas contraire, le recours est considéré comme relevant de la formation collégiale et le dossier est transmis à l’une des dix divisions de la Cour et mis en l’état en vue de son enrôlement à une audience (78,5 % des recours en 2013). Les parties et leur conseil sont convoqués cinq semaines avant la date de l’audience. Le dossier est confié à un rapporteur pour être instruit et analysé au fond. Le rapporteur établit un rapport qui comprend une synthèse objective des éléments du dossier ainsi qu’une analyse juridique du recours au regard du droit applicable et du contexte géopolitique.
L’audience devant la formation de jugement débute par l’appel du dossier par le secrétaire d’audience, suivi de la présentation du rapport par le rapporteur. Si le requérant est assisté par un avocat, celui-ci est invité à présenter des observations, la procédure administrative étant écrite. Les membres de la formation de jugement peuvent aussi interroger le requérant. À l’issue de ces échanges, l’affaire est mise en délibéré mais aucun délai légal n’encadre l’ensemble de la procédure jusqu’à la décision.
La décision est lue en audience publique dans un délai de quinze jours à trois semaines. Le sens de la décision (reconnaissance du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire ou rejet du recours) est alors affiché dans les locaux de la Cour. La décision est notifiée au requérant et à l’OFPRA.
Actuellement, le recours devant la CNDA est suspensif lorsque la demande d’asile est examinée selon la procédure ordinaire mais ne l’est pas si elle est examinée en procédure prioritaire en application de l’article L. 723-1 du CESEDA (119).
La décision de la CNDA peut faire l’objet d’un pourvoi – non suspensif – devant le Conseil d’État, juge de cassation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la CNDA (737 demandes de pourvoi enregistrées et 56 décisions rendues après admission en cassation en 2013). Le taux d’annulation des décisions rendues par la CNDA en 2013 s’élève à 5,3 % (contre 3,9 % en 2010).
L’article 31 de la directive « Procédures » prévoit qu’en principe la procédure d’examen de la demande d’asile en première instance doit être menée à terme dans les six mois à compter de l’introduction de la demande. Dans trois cas particuliers, ce délai peut être prorogé de neuf mois (120), auquel s’ajoute, « exceptionnellement, dans des circonstances dûment justifiées », un délai de trois mois « si cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale ».
En revanche, bien que la directive n’impose pas aux États membres de fixer un délai maximal pour l’examen du recours contre une décision négative en première instance l’article 46, paragraphe 10, les autorise à le faire.
Le Gouvernement a donc délibérément choisi de fixer des délais de procédure stricts en cas de recours devant la CNDA afin de raccourcir significativement le traitement global des demandes d’asile.
Il découle de l’article 13 de la CESDH que le demandeur d’asile doit pouvoir exercer son recours dans un « délai raisonnable », ce qui implique la définition légale d’un délai suffisant pour préparer, rédiger et déposer une requête comprenant un exposé détaillé des moyens de fait et de droit. Un délai trop bref mettrait en cause l’effectivité même du recours.
L’alinéa 1er de l’article L. 731-2 (nouveau) du CESEDA prévoit que les recours devant la CNDA sont exercés dans un délai d’un mois (121), que la procédure soit ordinaire ou accélérée. Ce délai est certes inférieur au délai de droit commun qui est de deux mois en matière de contentieux administratif mais correspond au droit en vigueur en matière d’asile. S’il n’est pas respecté, le recours devant la CNDA est déclaré irrecevable par une ordonnance prise par le président de la Cour ou le président de section (alinéa 3 du présent article).
L’alinéa 1er de l’article L. 731-2 (nouveau) du CESEDA (alinéa 3 du présent article) pose le principe selon lequel la CNDA statue dans un délai de cinq mois sur les recours formés contre les décisions de l’OFPRA qui :
– accordent, retirent ou refusent le bénéfice du statut de réfugié (articles L. 711-1 à L. 711-4 et L. 713-1 à L. 713-3 du même code) ou de la protection subsidiaire (articles L. 712-1 à L. 712-3 et L. 713-1 à L. 713-3 du même code), que l’office statue en procédure ordinaire ou en procédure accélérée (articles L. 723-1 à L. 723-9 du même code) ;
– déclarent la demande d’asile irrecevable (article L. 723-10 du même code) ;
– procèdent à la clôture de l’examen de la demande d’asile (articles L. 723-11 et L. 723-12 du même code) ;
– procèdent au réexamen de la demande d’asile sur le fondement des articles L. 723-13 et L. 723-14 du même code.
En revanche, aucun recours n’est ouvert à ce stade contre une décision de l’OFPRA refusant le statut de réfugié « à une personne qui a introduit une demande de réexamen si le risque de persécution est fondé sur des circonstances que le demandeur a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine » en application de l’article L. 723-15 (nouveau). L’hypothèse envisagée est celle dans laquelle le demandeur d’asile participerait délibérément à des manifestations en France qui seraient condamnées par les autorités de son pays d’origine et qui conduiraient à le menacer en cas de retour dans le seul but d’obtenir l’asile.
L’alinéa 2 de l’article L. 731-2 (nouveau) du CESEDA (alinéa 4 du présent article) précise que, sans préjudice de la possibilité de régler des affaires par ordonnance (en application de l’article L. 733-2 du même code), le président de la CNDA ou le président de la formation de jugement qu’il désigne à cette fin statue dans un délai de cinq semaines dans deux cas : lorsque l’OFPRA a lui-même statué en procédure accélérée ou lorsqu’il s’agit d’un recours contre une décision d’irrecevabilité. Le juge unique doit alors avoir vérifié, le cas échéant d’office, à toute étape de la procédure que la demande relève bien de l’un de ces deux cas. Sinon il peut renvoyer l’affaire à la Cour statuant en formation collégiale dans les conditions prévues au premier alinéa.
Enfin, l’alinéa 3 de l’article L. 731-2 (alinéa 5 du présent article) instaure le bénéfice de plein droit de l’aide juridictionnelle pourvu que le demandeur d’asile l’ait sollicité dans le délai de recours contentieux et au plus tard lors de l’introduction du recours.
L’ensemble de ces dispositions peut donc être résumé ainsi :
– toutes les décisions de rejet, d’irrecevabilité ou de clôture prises par l’OFPRA sont susceptibles de recours sauf celles prises sur le fondement de l’article L. 723-15 sans aucune justification ;
– la CNDA statue en formation collégiale dans un délai de cinq mois sur les recours formés contre toutes les décisions de l’OFPRA à l’exclusion des décisions de rejet prises en procédure accélérée et des décisions d’irrecevabilité, sur lesquelles elle statue en juge unique dans un délai de cinq semaines ;
– la possibilité pour le président de la CNDA ou le président de la formation de jugement de régler des affaires par ordonnance n’est pas remise en cause ;
– le bénéfice de l’aide juridictionnelle est de plein droit s’il est demandé dans les délais.
Néanmoins, il n’est pas précisé :
– si le recours devant la CNDA est automatiquement suspensif que la demande soit examinée en procédure ordinaire ou en procédure accélérée ;
– si un rapporteur est présent devant la Cour et devant le juge unique pour présenter le dossier du demandeur d’asile alors que le rapporteur est un maillon essentiel du fonctionnement de la CNDA ;
– si le juge unique statue ou non en audience publique : à cet égard, le nouvel article L. 733-1-1 manque de précision puisqu’il dispose que les débats devant la CNDA ont lieu en audience publique sauf si le président de la formation en décide autrement au regard des circonstances de l’affaire (alinéa 13 du présent article). Mais s’agit-il des débats devant la Cour (en formation collégiale) ou devant son président (en juge unique) ? D’après les représentants de la CNDA auditionnés, seuls sont ici visés les débats en formation collégiale. Or, votre rapporteure estime que toutes les audiences doivent, par principe, être publiques. Cependant, le président de la formation et le juge unique doivent pouvoir décider de statuer à huis clos lorsque les circonstances de l’affaire l’exigent ou lorsque le demandeur d’asile le sollicite. Il lui semble également que le huis-clos pourrait être de droit lorsque le demandeur a été victime de violences graves, douloureuses à raconter en présence du public.
Enfin, cet article prévoit une aide juridictionnelle de plein droit devant la CNDA (alinéa 5 du présent article) et actualise la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique pour mentionner la CNDA plutôt que son ancêtre, la Commission des recours des réfugiés (alinéas 21 à 23 du présent article). Or, votre rapporteure s’interroge sur la pertinence d’une aide juridictionnelle de plein droits lorsque le recours est manifestement irrecevable (forclusion, incompétence…). En effet, cela peut s’avérer inutile puisque la Cour n’examinera pas le dossier au fond, coûteux puisqu’il faudra quand même payer les frais d’avocat, et chronophage, puisqu’il faudra attendre la désignation de l’avocat commis d’office avant de prendre une ordonnance de rejet.
Le 2° du I du présent article propose de modifier l’article L. 732-1 relatif à l’organisation de la CNDA (alinéas 6 à 11 du présent article). Par coordination, les II et III du présent article procèdent à des modifications identiques dans le code de justice administrative (alinéas 17 à 20) ainsi qu’au sein de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (alinéa 24).
Il est tout d’abord proposé de remplacer les actuelles « sections » composant la CNDA par des « formations de jugement » (alinéa 6). Ces formations de jugement seront regroupées en « chambres » et en « sections » sur décision du président de la Cour (alinéas 10 et 11). D’après les informations transmises à votre rapporteure par la CNDA, il y aurait trois sections, chacune d’entre elles regroupant trois ou quatre chambres, qui elles-mêmes « chapeauteraient » plusieurs formations de jugement. Tous les présidents de chambres seraient des magistrats permanents et ceux qui auront le niveau hiérarchique suffisant (président 5e échelon) seraient en même temps présidents de section. L’objectif de cette réorganisation est de permettre aux magistrats permanents de la CNDA de s’assurer de la cohérence globale des décisions prises par les différentes formations de jugement au sein de chaque chambre et de chaque section.
Il est également prévu de définir les compétences requises par les personnalités qualifiées – c’est-à-dire les assesseurs – nommés par le HCR (alinéa 8) et par le vice-président du Conseil d’État (alinéa 9) en précisant qu’ils seront désormais nommés « en raison de [leurs] compétences dans les domaines juridique ou géopolitique ». Cette précision s’inscrit dans le cadre de la démarche de professionnalisation des membres des formations de jugement. En effet, une certaine expérience ou des connaissances dans les domaines juridique et géopolitique des assesseurs peut sembler indispensable compte tenu de la complexité intrinsèque du contentieux de l’asile. Votre rapporteure observe également que l’alinéa 9 laisse pleine compétence au vice-président du Conseil d’État pour nommer l’un des deux assesseurs de la formation de jugement alors que jusqu’à présent il ne pouvait le faire que sur proposition de l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’OFPRA.
Votre rapporteure se réjouit de la démarche d’harmonisation des décisions des juges de la CNDA poursuivie par le présent article. Elle estime néanmoins que plusieurs autres mesures pourraient être envisagées comme le doublement du nombre de magistrats professionnels permanents, l’introduction de critères d’expérience en formation collégiale avant d’être autorisé à statuer en juge unique, l’exigence de compétences dans d’autres domaines que le droit ou la géopolitique comme l’ethnologie, la psychologie…
Le 4° du présent article introduit un nouvel article L. 733-4 au sein du chapitre relatif à l’examen des demandes d’asile par la CNDA qui vise rappeler que cette juridiction d’appel statue en principe en qualité de juge de plein contentieux sur les circonstances de droit et de fait. Elle dispose donc des pouvoirs les plus étendus pour confirmer, réformer ou infirmer la décision de l’OFPRA (alinéa 14 du présent article).
Il propose également de limiter les cas dans lesquels la CNDA peut renvoyer l’affaire à l’OFPRA (alinéas 14 à 16).
Actuellement, le taux de renvoi des affaires devant l’OFPRA est faible (moins de 1 % des décisions de la CNDA en 2013, soit 247 affaires).
Il le sera d’autant plus après la réforme puisque le renvoi n’est possible que dans deux cas limitativement énumérés par l’article L. 733-4, et seulement si la Cour n’est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande d’asile, à savoir :
– lorsque l’OFPRA a pris une décision négative sans procéder à un examen particulier de la demande ;
– lorsque l’OFPRA s’est dispensé d’un entretien personnel avec le demandeur hors les cas prévus par la loi (raisons médicales, décisions d’irrecevabilité, demandes de réexamen ou décisions de clôture d’examen).
Concrètement, cela signifie que la CNDA ne pourra pas renvoyer une affaire examinée en procédure accélérée à l’OFPRA pour qu’elle soit examinée dans les conditions de la procédure ordinaire. À l’OFPRA, l’examen de la demande est identique quelle que soit la nature de la procédure engagée. À la CNDA, la procédure accélérée a des conséquences sur les délais de jugement (cinq semaines) et sur la composition de la formation de jugement (juge unique) mais le président de la Cour ou de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider de renvoyer l’affaire en procédure ordinaire pour l’examiner en formation collégiale dans le délai de droit commun de cinq mois.
La Commission a tout d’abord adopté un amendement du Gouvernement tirant les conséquences du renvoi au tribunal administratif de droit commun du contentieux des décisions de clôture prises par l’OFPRA et retirant la compétence de la CNDA en cas de recours au titre de l’article L. 723-15 également supprimé, par coordination avec l’amendement adopté en ce sens à l’article 7.
Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a également adopté plusieurs amendements destinés à améliorer la rédaction des alinéas 3 et 4 du présent article afin de :
– rappeler que l’objet et les délais de recours devant la Cour s’appliquent uniformément aux deux procédures, normales et accélérées ;
– préciser que, s’agissant de la procédure normale, le principe est la collégialité assortie du délai de jugement de cinq mois ;
– ajouter que le président de la CNDA ou le magistrat désigné par lui pour être juge unique peut, d’office et à tout moment de la procédure, renvoyer en formation collégiale toute affaire soulevant une difficulté sérieuse.
Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a également supprimé l’aide juridictionnelle de plein droit en cas de recours manifestement irrecevable en raison de son caractère coûteux et chronophage.
Sur proposition de Mme Maud Olivier et après avis favorable de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement visant à introduire, dans le rapport annuel de la CNDA, qui serait désormais transmis au Parlement, des données quantitatives et qualitatives sexuées ainsi que les actions de formations des agents et des magistrats, en particulier sur les persécutions liées au sexe.
Par ailleurs, en cohérence avec l'objectif d'harmonisation des décisions de la CNDA, la Commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteure proposant que les membres de la CNDA susceptibles d'être désignés juge unique par le président de la CNDA, dans le cadre de l'examen des recours en procédure accélérée, répondent à des critères d'expérience en formation collégiale. Il en résulte que pourront être nommés juge unique :
– les magistrats permanents de la CNDA, qui seront choisis parmi les magistrats administratifs les plus expérimentés pour pouvoir présider une section ou une chambre ;
– les magistrats non permanents de la CNDA, dès lors qu'ils auront une expérience d'au moins un an en formation collégiale à la Cour : il peut s'agir de magistrats administratifs, judiciaires ou issus de la Cour des comptes ;
– les personnalités qualifiées, nommées par le vice-président du Conseil d’État, vacataires, dès lors qu'ils auront une expérience d'au moins trois ans en formation collégiale à la Cour.
Dans le même sens, la Commission a fait sienne la proposition de votre rapporteure visant à ce que tous les membres des formations de jugement de la CNDA participent à au moins douze journées d’audience par an.
S’agissant de l’organisation des audiences, la Commission a adopté plusieurs amendements présentés soit par votre rapporteure soit par le groupe Socialiste, républicain et citoyen visant à permettre au président de la Cour de déclarer le huis-clos à la demande du requérant ou d’interdire l’accès à la salle d’audience aux enfants mineurs lorsque les circonstances de l’affaire l’exigent. Toutefois, le huis-clos devient désormais de droit si le requérant le demande lorsque sa requête repose sur des faits de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles. Dans le même sens, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure tendant à permettre aux membres d’un couple d’être appelés séparément à l’audience, à la demande de l’un des membres du couple qui ne souhaiterait pas évoquer ses persécutions ou les menaces qui pèsent sur lui devant son conjoint.
S’agissant du déroulement de l’audience, la Commission a fait sienne la proposition de votre rapporteure visant à conforter la présence d’un rapporteur à toute audience, devant une formation collégiale comme devant le juge unique. Elle a également adopté un amendement du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, précisant les conditions dans lesquelles l’enregistrement de l’entretien à l’OFPRA peut être invoqué devant la CNDA à l’appui d’une contestation de la décision de l’office (erreur de transcription sur un point important pour l’appréciation du besoin de protection du demandeur) ; l’objectif poursuivi étant d’éviter des contestations multiples fondées sur l’enregistrement sonore, le plus souvent dilatoires ou sans rapport avec le fond de la demande d’asile.
Enfin, sur proposition de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement précisant que l’instruction et la procédure devant la Cour sont contradictoires, sous réserve des limitations nécessaires pour garantir la sécurité du demandeur, ne pas compromettre la sécurité nationale ni la sécurité des organisations ou des personnes ayant fourni des informations à l’OFPRA ou à la Cour. Très concrètement, cela signifie que la Cour ne pourra pas informer l’auteur présumé des persécutions ou de mauvais traitement qu’une demande de protection internationale a été présentée par une victime potentielle. Cela permettra également à la Cour et à l’office de protéger certaines sources d’informations dont ils disposent lorsque la sécurité nationale ou la sécurité de ces sources sont en jeu. Néanmoins, le dispositif proposé prévoit que la Cour ne pourra fonder sa décision exclusivement sur les éléments confidentiels qui lui ont été transmis. Les modalités d’application de cette disposition seront fixées par décret en Conseil d’État.
Tirant les conséquences de l’ensemble de ce qui précède, la Commission a adopté l’article 10 ainsi modifié.
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La Commission est saisie de l’amendement CL419 du Gouvernement.
Mme la rapporteure. Cet amendement de conséquence précise que le contentieux des décisions de clôture ne relève pas de la CNDA, mais bien des tribunaux administratifs. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement CL40 de M. Éric Ciotti tombe.
La Commission examine ensuite l’amendement CL358 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à clarifier les alinéas 3 et 4 de l’article 10 en rappelant que l’objet et les délais de recours devant la CNDA sont en facteur commun aux deux procédures – ordinaire ou accélérée – et en précisant que, pour la procédure normale, le principe est la collégialité assortie du délai de jugement de cinq mois.
La Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL284 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. M. Larrivé faisait judicieusement remarquer que seul le pape est infaillible. Encore eût-il fallu préciser que cette infaillibilité ne s’exerce que lorsque celui-ci s’exprime ex cathedra. Mais un homme seul peut évidemment se tromper, ce qui plaide en faveur de la collégialité. L’examen en formation collégiale me semble particulièrement important dans le cadre de la CNDA, puisqu’un des membres de cette instance est proposé par le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés et possède de ce fait une connaissance approfondie de la situation dans les pays d’origine.
Par cet amendement, je propose que l’examen en formation collégiale soit étendu aux décisions d’irrecevabilité.
Mme la rapporteure. Avis défavorable : alors que la réforme a pour objectif de réduire les délais, vous proposez en l’espèce de porter le délai de cinq semaines à trois mois. Quant au choix entre juge unique et formation collégiale, il donnera lieu sans nul doute à de beaux débats dans l’hémicycle.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL131 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement a pour objet de rétablir la collégialité au sein de la CNDA. En effet, aucune urgence ne justifie que celle-ci statue en formation de juge unique. Cette « nouvelle formation de jugement », qui n’a jamais existé au sein de cette cour, ne permettra aucune économie budgétaire et aucun redéploiement d’effectifs, dès lors que les formations de jugement collégiales actuelles ne comportent qu’un seul juge professionnel.
En conséquence, la transformation des formations collégiales en formations de juge unique aurait pour seul but d’éliminer de la formation de jugement les rapporteurs et les représentants du HCR. Or ces assesseurs apportent une expertise technique précieuse sur ces dossiers d’asile souvent fort complexes sur les plans juridique, géopolitique et humain.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La présence d’un juge unique ne veut pas dire que les audiences seront privées. Elles demeureront publiques et tout le monde pourra y assister. Je vous proposerai d’ailleurs de préciser dans un amendement ultérieur que le fait qu’il y ait un juge unique ne signifie pas qu’il n’y ait pas de rapporteur. Qui plus est, selon les informations qui m’ont été transmises, le juge unique devrait être un magistrat professionnel, président de chambre doté d’une longue expérience de magistrat – notamment de juge unique au tribunal administratif. Enfin, je vous proposerai d’instaurer des critères d’expérience pour la désignation du juge unique au sein de la CNDA s’il n’est pas un magistrat permanent et de prévoir qu’il statue toujours après présentation du rapport par un rapporteur – ce qui n’est pas prévu par le projet de loi en l’état.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de simplification rédactionnelle CL359 de la rapporteure.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL132 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement de repli vise à prévoir une procédure de retour à la collégialité pour la CNDA, en fonction des besoins de l’affaire, comparable à la sortie de la procédure accélérée prévue pour l’OFPRA en première instance.
Mme la rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’amendement que nous venons d’adopter qui spécifie que le président de la CNDA dispose de la faculté de renvoyer toute affaire en formation collégiale dès lors qu’elle soulève une difficulté sérieuse en droit ou en fait.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission aborde les amendements CL165 et CL166 de Mme Jeanine Dubié et CL11 de la commission des Affaires étrangères, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.
Mme Jeanine Dubié. L’encadrement du délai dont dispose la CNDA pour statuer sur un recours ne doit pas se faire au détriment de la qualité du processus d’examen des dossiers ni de celle des décisions qu’elle prend. Tout en préservant l’intention du législateur de traiter plus rapidement les procédures accélérées, l’amendement CL165 vise à maintenir a minima un délai de trois mois pour l’examen des recours par la Cour, et l’amendement CL166, un délai de deux mois.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires étrangères. L’amendement CL11 est défendu.
Mme la rapporteure. Avis défavorable à ces trois amendements. Allonger ce délai ne rendrait pas forcément service à la Cour qui risque, s’ils étaient adoptés, de ne pas avoir les moyens de remplir les objectifs qui lui sont assignés par le projet de loi. Il est en effet impératif qu’elle se prononce plus rapidement sur les recours contre les décisions de l’OFPRA.
La Commission rejette successivement les amendements CL165, CL166 et CL11.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL360 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l’amendement CL29 de M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à supprimer l’octroi automatique de l’aide juridictionnelle pour interjeter appel auprès de la CNDA.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement ferait perdre beaucoup de temps et d’argent à la puissance publique. L’aide juridictionnelle est de plein droit. Or vous proposez qu’elle ne soit accordée qu’au cas par cas après examen des demandes. Cela supposerait de maintenir des demandeurs d’asile en centre d’accueil ou de maintenir l’allocation temporaire d’attente qui, une fois le projet de loi adopté, prendra le nom d’allocation de demandeur d’asile, pendant le délai d’instruction de la demande d’aide juridictionnelle.
M. Éric Ciotti. Mon raisonnement est exactement inverse : c’est le dispositif de l’aide juridictionnelle qui coûterait très cher et qui allongerait considérablement les délais d’instruction de la CDNA, ce qui va à l’encontre des objectifs supposés du projet de loi.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL361 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à ne supprimer le bénéfice de plein droit de l’aide juridictionnelle que dans le cas où un recours est manifestement irrecevable. En effet, dans cette hypothèse, la Cour n’examine pas le dossier au fond et il n’y a pas d’audience.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CL314 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Le rapport d’activité que la Cour nationale du droit d’asile remet au Parlement doit comprendre des données quantitatives et qualitatives sexuées, et décrire les actions de formation de ses agents et magistrats sur cet aspect en particulier.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL362 de la rapporteure.
Elle examine en discussion commune l’amendement CL12 de la commission des Affaires étrangères et l’amendement CL167 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères. L’amendement CL12 est défendu.
Mme Jeanine Dubié. L’intégration du rapporteur à la formation de jugement, à la place d’une personnalité qualifiée, nous semble permettre de renforcer la cohérence de la jurisprudence et de simplifier la gestion logistique des audiences. Cet amendement reprend une des conclusions de notre rapport d’information sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le rapporteur est un acteur essentiel de la procédure, car il est le seul à avoir instruit le dossier de manière approfondie. Il présente à la Cour un rapport établissant les éléments de fait et de droit relatifs à chaque demande d’asile, mais, depuis le 16 août 2013, il ne prend plus part au délibéré.
Cet amendement traduit une demande de certains rapporteurs de la CNDA à laquelle je n’adhère pas. La formation de jugement comporte un président qui est un magistrat professionnel et deux assesseurs, ce qui me paraît équilibré : l’un nommé par le HCR, l’autre par le vice-président du Conseil d’État sur proposition des ministres présents au conseil d’administration de l’OFPRA. Le projet de loi prévoit que les assesseurs seront désormais nommés en raison de leurs compétences dans le domaine juridique et politique, mesure qui me paraît positive. Le rôle du rapporteur doit donc se limiter à éclairer les membres de la formation de jugement.
L’amendement CL167 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CL12.
Elle examine ensuite l’amendement CL363 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Afin d’assurer la cohérence des décisions de la CNDA, je propose que les juges et les assesseurs vacataires aient l’obligation d’être présents au moins à douze journées d’audience par an, soit une fois par mois en moyenne.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL364 de la rapporteure.
La Commission en vient à l’amendement CL285 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à faire en sorte que, à tout moment, le président de la CDNA ou son délégataire statuant en tant que juge unique puisse décider de renvoyer une affaire devant une formation collégiale.
Mme la rapporteure. Cet amendement est partiellement satisfait par un amendement adopté précédemment, qui prévoit que, en cas de difficulté sérieuse, la Cour dispose de cette faculté.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission est saisie de l’amendement CL365 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Par cohérence avec l’objectif d’harmonisation des décisions de la Cour, cet amendement vise à introduire des critères d’expérience pour la désignation des juges uniques : un magistrat non permanent, qui n’aurait jamais eu à connaître du contentieux de l’asile au cours de sa carrière, ne pourra être désigné juge unique sans avoir au préalable participé à des audiences en formation collégiale pendant au moins un an.
L’amendement prévoit aussi qu’une personnalité qualifiée, souvent dénommée « assesseur », qui, par définition, est vacataire à la CNDA, doit également disposer d’une certaine expérience du contentieux de l’asile en formation collégiale : elle ne pourrait être nommée juge unique qu’après trois ans d’ancienneté minimum à la CNDA.
En revanche, nous proposons de laisser à la Cour la possibilité de nommer un magistrat permanent comme juge unique dans la mesure où ne pourront être nommés présidents permanents que des magistrats ayant au moins quinze ans d’expérience en juridiction administrative et qui auront déjà eu à statuer en tant que juge unique au sein de la juridiction administrative.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL367 de la rapporteure et CL133 de M. Sergio Coronado.
Mme la rapporteure. L’amendement CL367 ouvre la possibilité pour le requérant de demander le huis clos et de l’obtenir de droit s’il a subi un viol, un acte de torture ou des actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles. En effet, les faits relatés lors d’une audience peuvent être douloureux.
M. Sergio Coronado. L’amendement CL133 ne limite pas l’obtention de droit du huis clos aux seuls cas énumérés par la rapporteure dans son amendement.
La Commission adopte l’amendement CL367.
En conséquence, l’amendement CL133 tombe.
La Commission en vient à l’amendement CL237 de Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Cet amendement vise à mettre en cohérence les dispositions applicables aux audiences de la CDNA avec le code de procédure pénale, dont l’article 306 permet au président de séance d’interdire l’accès de la salle d’audience aux mineurs, afin de les préserver lorsqu’un récit pourrait les choquer.
Mme Catherine Coutelle. Lorsque nous nous sommes rendus à l’OFPRA et à la CNDA, a été soulevé le problème de l’accueil des mineurs pendant que leurs parents sont en entretien. L’OFPRA s’est ainsi fait l’écho de l’absence de structures d’accueil, ce qui est également le cas à la CNDA, alors que les récits des parents sont parfois insupportables pour leurs enfants.
Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL303 de Mme Maud Olivier.
Mme Catherine Coutelle. Nous proposons de préciser que, pour les victimes de proxénétisme ou de traite des êtres humains, le huis clos est prononcé de droit si le demandeur le sollicite.
Mme la rapporteure. L’amendement est partiellement satisfait par celui que nous avons adopté précédemment.
La Commission rejette l’amendement.
Ensuite, elle aborde l’amendement CL238 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Dans un souci de simplification, je propose que le huis clos soit de droit sur simple demande du demandeur d’asile. Cela évitera la casuistique, d’autant plus que les cas énumérés dans l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure ne correspondent qu’à des faits allégués, jusqu’à ce qu’ils soient établis par la décision de la Cour, si les juges estiment que ces faits correspondent à la définition de la Convention de Genève ou qu’ils satisfont aux conditions de la protection subsidiaire.
Il s’agit d’une mesure strictement procédurale, certaines personnes ayant besoin d’une certaine sérénité pour s’exprimer. C’est notamment le cas des demandeurs d’asile qui craignent que des représentants de leur gouvernement ne soient présents en salle d’audience.
S’il est bon que la justice soit publique, je ne vois pas ce qui pourrait s’opposer à ce principe fondamental protecteur des demandeurs d’asile, qui ne doivent y renoncer que d’eux-mêmes.
Mme la rapporteure. J’ai pour ma part proposé dans l’amendement que nous avons adopté de restreindre le huis clos de droit aux faits de viol et de torture, et aux actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles. Dans les autres cas, je propose que le requérant ait la faculté de demander le huis clos, mais qu’il revienne au juge de décider lui-même s’il accède à cette demande.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous nous trouvons ici face à une contradiction entre la volonté de protéger les requérants de certaines circonstances et le principe de publicité des débats – qui, lui aussi, vise à protéger le requérant. Si l’on peut prévoir certains cas où le huis clos est de plein droit, dans les autres, il convient de laisser aux magistrats une marge d’appréciation.
M. Sergio Coronado. Je comprends que deux exigences s’opposent. Cela étant, selon les associations qui ont été auditionnées par la rapporteure, il n’est pas souhaitable d’énumérer dans la loi les cas dans lesquels un demandeur d’asile se trouve dans une situation de vulnérabilité, comme vous le proposez dans l’amendement que nous avons adopté. Car, non seulement les situations particulières sont complexes à exprimer, mais, en outre, une telle énumération pourrait aller jusqu’à constituer une prime à la torture. Enfin, les demandeurs d’asile ne souhaitent pas forcément devoir énoncer publiquement les actes dont ils ont été victimes pour pouvoir bénéficier du huis clos. Il serait donc préférable de prévoir qu’un demandeur peut bénéficier du huis clos s’il le souhaite et le juge nécessaire, sans restreindre cette possibilité à certains cas.
Mme Catherine Coutelle. La CNDA nous a décrit des cas dans lesquels ce sont les proxénètes et les mafieux eux-mêmes qui forcent les prostituées à demander l’asile afin qu’elles obtiennent des papiers. Or, lorsqu’un juge ne s’aperçoit pas de la présence de ces proxénètes dans la salle d’audience, et que, par conséquent, il ne demande pas le huis clos, la parole des prostituées se libère difficilement.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je ne me prononcerai pas sur le fond. Néanmoins, il me paraît impossible que la Commission adopte l’amendement CL238 après avoir adopté tout à l’heure l’amendement CL367 et ce, pour des raisons de cohérence.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL366 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de prévoir la présence du rapporteur à l’audience, que le recours soit examiné par une formation collégiale ou par un juge unique.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL368 du même auteur.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à permettre à l’un des membres d’un couple de demander à la Cour que son affaire soit appelée à l’audience séparément de celle de son conjoint.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CL286 de M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Puisque nous venons d’adopter le système des clôtures, que nous avons maintenu des irrecevabilités et qu’il sera désormais possible que des recours soient traités par un juge unique, il ne me paraît plus nécessaire de maintenir le mécanisme des ordonnances – qui permet le rejet d’un recours sans qu’un demandeur d’asile ait pu s’expliquer dans le cadre d’une audience. Une ordonnance constitue certes une décision judiciaire, mais qui ne satisfait pas aux règles minimales de procédure. Lorsque l’on juge sur dossier, on va effectivement beaucoup plus vite, mais ce n’est plus de la justice. Pour ces raisons, je propose la suppression de l’article L. 733-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Retirer cette possibilité à la Cour reviendrait à rallonger ses délais de jugement pour des affaires qui ne le méritent pas.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL369 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rappeler la nature contradictoire du contentieux devant la Cour, sauf lorsque cela peut compromettre la sécurité du demandeur, la sécurité nationale ou la sécurité des sources d’information.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL421 du Gouvernement.
Mme la rapporteure. Cet amendement, auquel je suis favorable, tend à encadrer les conditions dans lesquelles l’enregistrement sonore d’un entretien devant l’OFPRA peut être invoqué à l’appui d’une contestation devant la CNDA.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de coordination CL370 de la rapporteure.
Enfin, elle adopte l’article 10 modifié.
Chapitre IV
Dispositions relatives à l’accès à la procédure d’asile et à l’accueil des demandeurs
Article 11
Modification de l’intitulé du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Le présent article propose de remplacer l’intitulé du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Droit au séjour des demandeurs d’asile », par l’intitulé suivant : « Accès à la procédure et conditions d’accueil des demandeurs d’asile ».
Ce nouveau titre IV comprend désormais quatre chapitres relatifs aux modalités d’enregistrement de la demande d’asile (article 12), à la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile (article 13), au droit au maintien sur le territoire (article 14) et aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile (article 15).
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La Commission adopte l’article 11 sans modification.
Article 12
(art. L. 741-1, L. 741-2, L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Enregistrement de la demande d’asile
Le nouveau chapitre Ier du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) présente les règles communes d’enregistrement de la demande d’asile de la part de tout étranger.
A. LE PRINCIPE : L’ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE D’ASILE À LA SUITE D’UNE ADMISSION PROVISOIRE AU SÉJOUR
Les modalités d’enregistrement d’une demande d’asile en France dépendent de la situation dans laquelle se trouve l’étranger qui sollicite le droit d’asile :
– soit l’étranger est en situation régulière en France et souhaite bénéficier de la reconnaissance de la qualité de réfugié. Dans ce cas, il n’a pas à solliciter l’admission au séjour et doit seulement se présenter en préfecture pour y faire enregistrer sa demande d’asile ;
– soit l’étranger se présente en France pour solliciter l’asile, c’est-à-dire en étant démuni des documents normalement exigés pour pénétrer régulièrement sur le territoire. Compte tenu de l’assimilation entre les notions d’asile et de réfugié, il est fait application aux demandeurs d’asile du principe de non-refoulement prévu par la convention de Genève de 1951, ce qui est heureux puisque, par hypothèse, l’intéressé a quitté un pays où il craignait pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité. Celui-ci doit par conséquent demander à la préfecture une autorisation provisoire de séjour avant de pouvoir déposer une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
L’enregistrement de la demande d’asile est soumis à deux conditions préalables :
– la domiciliation du demandeur : en application du 4° de l’article R. 741-2 du CESEDA, l’étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l’asile, doit communiquer une « adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de la validité de l’autorisation provisoire au séjour ». L’adresse peut être celle d’un parent, d’un tiers accueillant ou hébergeant le demandeur, ou celle d’une association agréée. Cette possibilité de s’adresser à une association agréée est une réponse aux difficultés que peuvent rencontrer des demandeurs d’asile pour justifier d’une adresse stable et effective où ils peuvent recevoir leurs correspondances. L’agrément imposé vise à garantir la qualité du service rendu aux intéressés.
– la délivrance par le préfet d’une autorisation provisoire de séjour (APS) qui permet de considérer son titulaire comme étant en situation régulière sur le territoire français (malgré son entrée irrégulière).
Le préfet est dans l’obligation de se prononcer sur une demande d’admission provisoire au séjour au titre de l’asile, même formulée par un étranger à l’occasion de son interpellation pour entrée irrégulière et ne peut immédiatement recourir à une mesure d’éloignement, sauf dans l’un des quatre cas visés à l’article L. 741-4 du CESEDA, qui seuls justifient un refus d’admission provisoire au séjour (voir ci-après).
La compétence administrative du préfet est justifiée par la nécessité de procéder à l’identification du demandeur d’asile (fixation de l’identité déclarée), par l’obligation d’enregistrer ses empreintes digitales dans la base de données européenne des demandeurs d’asile (Eurodac), et par la nécessité de déterminer si s’applique le « règlement Dublin » établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (122) .
Le délai théorique de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour « en vue de démarches auprès de l'OFPRA » est fixé à quinze jours par l’article R. 742-1 du CESEDA.
Dans les faits, il est très supérieur. La mission conjointe de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale des affaires sociales consacrée à l’hébergement et à la prise en charge financière des demandeurs d’asile a ainsi constaté que la situation est très contrastée sur le territoire (123). Elle a notamment mis en évidence les chiffres préoccupants de la région parisienne, avec un délai moyen de sept mois et demi pour les familles arrivant dans la capitale avant d’être enregistrées en vue des démarches auprès de l’OFPRA. Dans les autres régions confrontées à un afflux important de demandeurs en 2012, elle a également observé que les délais sont proches des trois mois (Dijon, Lyon).
Comme l’ont déjà souligné nos collègues députés, Mme Jeanine Dubié et M. Arnaud Richard, « cette situation est d’autant plus regrettable que, dans cette phase préalable, les candidats à l’asile sont placés dans une situation irrégulière au regard de la réglementation applicable au séjour puisqu’ils ne disposent d’aucun document pour attester de leur statut ni de dispositif de prise en charge spécifique, notre pays contrevenant ainsi doublement à la convention de Genève et à la directive accueil du 27 janvier 2003 » (124) .
Néanmoins, un important effort a été réalisé pour améliorer tant les délais de délivrance de l’autorisation provisoire de séjour que la qualité de la domiciliation. Une association de domiciliation agréée est désormais financée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) dans chaque département accueillant plus de dix demandeurs d’asile par mois de sorte que les délais de domiciliation se sont très largement améliorés en 2013. À titre d’exemple, dans la région Franche-Comté, les délais de domiciliation sont passés de 2,5 mois au premier trimestre 2013 à cinq jours au troisième trimestre 2013 dans un contexte de hausse des flux des primo-arrivants. Enfin, la plupart des régions ont mis en place des outils de communication permettant soit aux plateformes d’accueil des demandeurs d’asile (PADA) soit aux associations de solliciter les services préfectoraux pour planifier le premier rendez-vous auprès de l’autorité administrative dans le but de réduire les délais.
2. La saisine de l’OFPRA dans un délai de 21 jours suivant la remise de l’autorisation provisoire de séjour
À la suite de la remise de l’autorisation provisoire de séjour en préfecture, l’article R. 723-1 du CESEDA fixe un délai de 21 jours pour saisir l’OFPRA d’une demande d’asile.
Si le demandeur n’a pas saisi l’OFPRA dans ce délai, il n’est pas en droit de se voir délivrer une nouvelle autorisation provisoire de séjour et un refus peut ainsi lui être opposé. L’intérêt qui s’attache au règlement rapide de la situation des demandeurs d’asile est de nature à justifier que ce délai soit bref, dans des proportions qui ne font pas obstacle au respect des garanties qui s’attachent à la mise en œuvre du droit d’asile. Or, le Conseil d’État a considéré que le délai de 21 jours était suffisant (125).
À la suite de la saisine de l’OFPRA, le demandeur d’asile se voit remettre un récépissé portant la mention « Récépissé constatant le dépôt d’une demande d’asile ». Ce récépissé, d’une durée de validité de trois mois, autorise le maintien sur le territoire du demandeur d’asile. Il est renouvelable jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA, ou en cas de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), jusqu’à la notification de la décision de la CNDA.
L’article L. 742-3 du CESEDA prévoit en effet que l’étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s’y maintenir jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA ou, si un recours a été formé, jusqu’à la notification de la décision de la CNDA.
B. L’EXCEPTION : L’ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE D’ASILE PAR L’OFPRA EN CAS DE REFUS D’ADMISSION PROVISOIRE AU SÉJOUR
L’article L. 741-4 du CESEDA prévoit quatre hypothèses dans lesquelles un demandeur d’asile peut se voir refuser l’admission au séjour en France sous réserve du respect des stipulations de l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (126) :
– lorsque l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État membre au titre du règlement « Dublin » (127) ;
– lorsque l’étranger qui demande à bénéficier de l’asile a perdu la qualité de réfugié en application du 5 du C de l’article 1er de la convention de Genève (128) ou lorsqu’il a la nationalité d’un pays d’origine sûr ;
– lorsque la présence en France de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État ;
– lorsque la demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d’asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d’admission au séjour au titre de l’asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d’asile la demande d’asile présentée dans une collectivité d’outre-mer s’il apparaît qu’une même demande est en cours d’instruction dans un autre État membre de l’Union européenne. Constitue enfin une demande d’asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités.
En outre, s’il apparaît, après délivrance de l’autorisation provisoire de séjour, que l’étranger entre dans l’un de ces cas, l’autorité administrative procédera au retrait ou au refus de renouvellement du récépissé autorisant le maintien sur le territoire (article L. 742-2 du CESEDA).
Ces hypothèses ne font pas obstacle au droit souverain de l’État d’accorder l’asile à toute personne. Le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions en rejetant le moyen tiré de la violation du principe d’égalité dès lors que rien ne s’oppose à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes (129).
Dans le premier cas de refus (« procédure Dublin »), le demandeur n’est pas en mesure de saisir directement l’OFPRA et fera, en principe, l’objet d’une procédure de réadmission vers l’État membre de l’Union européenne responsable de sa demande (130).
Dans les trois autres cas prévus par l’article L. 741-4 du CESEDA, le refus d’admission au séjour n’interdit pas au demandeur d’introduire directement sa demande d’asile auprès de l’OFPRA. En effet, dans le cas contraire, il y aurait une atteinte manifeste au droit d’asile puisqu’un étranger serait dans l’incapacité juridique de présenter une demande d’asile.
Toutefois, l’OFPRA statue alors selon la procédure prioritaire (131), dans un délai de quinze jours suivant l’enregistrement de la demande, délai durant lequel aucune mesure d’éloignement ne peut éventuellement être mise à exécution.
En revanche, une telle mesure d’éloignement peut être mise à exécution en cas de décision de rejet de l’OFPRA, nonobstant un recours pendant devant la CNDA puisque ce recours n’est pas suspensif en cas de procédure prioritaire (132).
Le présent article propose de réécrire le chapitre Ier du titre IV du livre VII du CESEDA pour décrire les modalités communes d’enregistrement des demandes d’asile à la préfecture, que la demande relève ou non de la compétence de la France et que les demandeurs aient été ou non admis au séjour à un autre titre que l’asile.
L’objectif du présent article est donc de simplifier le parcours du demandeur d’asile en lui permettant d’accéder plus rapidement à la procédure devant l’OFPRA.
L’article 6 de la directive « Procédures » impose aux États membres d’enregistrer la demande d’asile d’un étranger dans les trois jours ouvrables suivants sa présentation devant l’autorité administrative compétente, ou dans un délai de dix jours ouvrables en cas d’afflux massif de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides.
L’article L. 741-1 impose désormais à tous les demandeurs d’asile présents sur le territoire français de se présenter en personne devant l’autorité administrative compétente qui enregistre la demande et procède à la détermination de l’État responsable en application du règlement « Dublin III » (alinéa 4 du présent article). L’autorité administrative compétente reste, à ce stade, la préfecture. Néanmoins, à terme, le Gouvernement envisage la création d’un « guichet unique » qui réunirait les services compétents de la préfecture, chargés de l’enregistrement de la demande d’asile et ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), chargés de l’accueil des demandeurs d’asile en application de l’article 15 du présent projet de loi, pour faciliter le parcours du demandeur.
Le demandeur est tenu de coopérer en vue d’établir son identité, sa ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d’origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d’asile antérieures. Il présente tous documents d’identité ou de voyage dont il dispose (alinéa 5 du présent article).
Le présent article ne fait pas référence aux délais de trois, six ou dix jours mentionnés à l’article 6 de directive « Procédures », pourtant impératifs, préférant renvoyer sur ce point au décret.
Elle note également l’intention du Gouvernement de supprimer la condition préalable de domiciliation du demandeur avant de pouvoir enregistrer sa demande. Il s’agit d’une mesure de simplification réglementaire bienvenue, car elle était l’une des principales causes de la lenteur de la procédure d’enregistrement, comme le souligne le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques du 10 avril 2014(133) et que dénoncent toujours de nombreuses associations (134). Néanmoins, elle ne doit pas masquer l’importance pour le demandeur d’asile d’obtenir une domiciliation dans tous les cas, notamment lorsqu’il ne dispose pas d’un hébergement ou d’une adresse fiable (nuitées d’hôtels…). C’est la raison pour laquelle le 15 ° de l’article 19 du présent projet de loi renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de définir les procédures de domiciliation des demandeurs d’asile.
Suivant les propositions de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement précisant les délais d’enregistrement de la demande d’asile imposés par la directive et précisé clairement que l’enregistrement de cette demande n’était pas soumis à une condition préalable de domiciliation.
Votre rapporteure estime qu’il conviendra, en tout état de cause, de se donner les moyens humains et budgétaires pour respecter ces délais car la situation actuelle n’est plus tolérable, en instaurant dans les meilleurs délais un guichet unique regroupant les personnels compétents des préfectures et de l’OFII. D’après les informations transmises à votre rapporteure par le directeur de la mission d’accompagnement à la mise en œuvre de la réforme de l’asile, les premiers guichets uniques devraient pouvoir être installés dès le mois de mars 2015, l’objectif fixé étant bien un déploiement national au 1er juillet 2015.
La nouvelle rédaction de l’article L. 741-1 du CESEDA dispose que lorsque l’enregistrement de la demande d’asile est effectué, l’étranger se voit remettre par la préfecture une attestation de demande d’asile (alinéa 6 du présent article) qui lui donne le droit de se maintenir sur le territoire en application de l’article 14 du projet de loi.
La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l’étranger est démuni des documents et visas requis pour entrer régulièrement sur le territoire français (alinéa 7) puisque c’est le propre de la très grande majorité des demandeurs d’asile.
À l’exception des demandeurs d’asile à la frontière ou en rétention dont la situation est régie par les articles 8 et 9 du présent projet de loi (alinéa 8), tous les autres demandeurs d’asile se verront donc remettre une attestation de demande d’asile valant droit au maintien sur le territoire, que leur demande soit ensuite classée en procédure accélérée ou en procédure normale par l’OFPRA.
Il est donc mis fin à la distinction entre « admission au séjour » et « refus d’admission au séjour », ce qui devrait contribuer à une plus grande lisibilité du dispositif et à une réduction des contentieux liés au refus, par la voie du recours en annulation, du référé-suspension ou encore du référé-liberté.
Cet article procède également à une déconnexion complète entre le droit au maintien sur le territoire et le classement de la demande en procédure accélérée.
Enfin, les demandeurs d’asile relevant de la compétence d’un autre État membre sont désormais traités de la même manière que les autres demandeurs d’asile jusqu’à leur transfert effectif le cas échéant.
La nouvelle rédaction de l’article L. 741-2 du CESEDA énonce que lorsque l’examen de la demande d’asile relève de la compétence de la France, l’étranger est mis en mesure d’introduire sa demande auprès de l’OFPRA. L’autorité administrative compétente, c’est-à-dire la préfecture, doit donc immédiatement informer l’OFPRA de l’enregistrement de la demande et de la remise de l’attestation de demande d’asile (alinéa 9 du présent article).
Cette remise de l’attestation de demande d’asile constitue en effet un préalable obligatoire à la saisine de l’OFPRA (alinéa 10). Toutefois, le présent article ne précise pas dans quel délai le demandeur devra saisir l’OFPRA à la suite de la remise de l’attestation de demande d’asile. D’après les informations transmises à votre rapporteure, ce délai devrait être précisé par décret et correspondrait à l’actuel délai de 21 jours mentionné à l’article R. 723-1 du CESEDA.
3. La confirmation de la nomination d’un administrateur ad hoc auprès de tous mineurs étrangers isolés
L’article L. 741-3 reprend les dispositions de l’actuel article L. 751-1 du CESEDA, qui prévoit la nomination d’un administrateur ad hoc auprès de tout mineur étranger sans représentant légal sur le territoire français, pour l’assister et assurer sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à sa demande d’asile (alinéa 11 du présent article).
Comme aujourd’hui, cet administrateur ad hoc serait désigné par le procureur de la République compétent sur une liste de personnes morales ou physiques (alinéa 12) et sa mission prendrait fin dès le prononcé d’une mesure de tutelle (alinéa 13). Le 11° de l’article 19 du présent article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de définir les cond