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N
° 2408

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 novembre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES,
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE loi de finances rectificative pour 2014 (n° 2353)

PAR Mme Valérie RABAULT

Rapporteure générale,

Députée

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

AIDE MÉMOIRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2014 13

I. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN LOURD DE RISQUES QUI COMMANDE DE RÉFLÉCHIR À DES LOGIQUES D’AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DIFFÉRENCIÉES 17

A. UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE ATONE ET UNE INFLATION QUASI NULLE EN EUROPE 17

1. La zone euro dans une situation durable de faible croissance 17

2. Le risque de déflation dû à la faiblesse de la demande interne 20

B. UNE PREMIÈRE RÉPONSE : UNE POLITIQUE MONÉTAIRE PLUS ACCOMMODANTE ET DES PLANS D’INVESTISSEMENTS PUBLICS 20

1. Une politique monétaire d’achat de titres de dettes souveraines sur le marché secondaire et de baisse des taux 20

2. Des annonces de plans d’investissement encore timides 21

C. UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE VISANT À RÉDUIRE LES DÉFICITS À UN RYTHME ADAPTÉ AUX CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES DE CROISSANCE ET D’INFLATION 23

1. Une politique budgétaire qui privilégie la croissance tout en réduisant les déficits à un rythme adapté 23

2. Les différents échanges avec la Commission européenne 24

3. L’annonce d’une réduction du déficit public pour 2015 de 3,6 milliards d’euros supplémentaires 26

II. LES ÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES POUR 2014 INCHANGÉS PAR RAPPORT À LA PRÉVISION RÉVISÉE 27

A. UNE PRÉVISION DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE RÉALISTE 27

B. UN MAINTIEN DE LA PRÉVISION RÉVISÉE DE SOLDE PUBLIC 28

C. UNE PRÉVISION DE RECETTES QUI DIFFÈRE MARGINALEMENT DE LA PRÉVISION RÉVISÉE DU MOIS D’OCTOBRE 30

1. Des recettes fiscales qui pâtissent toujours de la faiblesse de l’activité 31

2. Une réévaluation marginale des recettes fiscales nettes par rapport à la prévision révisée d’octobre dernier 32

3. Des écarts entre prévisions initiale et révisée de recettes non fiscales en ligne avec la prévision révisée 33

D. L’ÉVOLUTION MAÎTRISÉE DES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT AU COURS DE L’EXERCICE 2014 34

1. Une augmentation des dépenses publiques limitée à 16 milliards d’euros en 2014 35

2. L’évolution des dépenses de l’État en 2014 37

III. LES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS PROPOSÉES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE ET LE DÉCRET D’AVANCE DE FIN D’ANNÉE 45

A. SCHÉMA DE FIN DE GESTION 2014 45

B. PRÉSENTATION DES PRINCIPALES MODIFICATIONS DE CRÉDITS RÉSULTANT DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE ET DU DÉCRET D’AVANCE DE FIN D’ANNÉE 49

1. La mission Défense 50

2. La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales 53

3. Les autres mouvements significatifs sur les missions du budget de l’État 54

AUDITION DE M. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS, ET DE M. CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET 59

EXAMEN DES ARTICLES 87

Article liminaire : Prévision de solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2014 87

PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER 88

TITRE 1ER : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES AFFECTÉES 88

Avant l’article 1er 88

Article 1er : Actualisation de la fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) relative à la compensation financière des primes à l’apprentissage 88

Article 2 : Modification de l’assiette de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) et création d’une taxe additionnelle à la TREF au titre de l’exercice 2014 96

Article 3 :  Élargissement du dispositif de soutiens financiers à l’export à des prêts non concessionnels à des États étrangers 106

Article 4 : Ratification d’un décret relatif à la rémunération des services rendus par la direction de l’information légale et administrative 115

Article 5 :  Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 116

SECONDE PARTIE : MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES 117

TITRE IER : AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2014. – CRÉDITS DES MISSIONS 117

Article 6 : Budget général : ouvertures et annulations de crédits 117

Article 7 : Comptes spéciaux : annulations de crédits 118

TITRE II : RATIFICATION D’UN DÉCRET D’AVANCE 119

Article 8 : Ratification d’un décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance 119

TITRE III : DISPOSITIONS PERMANENTES 129

I.– Mesures fiscales non rattachées 129

Article 9 : Contribution financière au développement de l’offre de logements sociaux 129

Article 10 : Relèvement tarifaire de la taxe d’aéroport 134

Article 11 : Modification des tarifs et des groupes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) 143

Article 12 : Diminution du taux de la contribution sur les activités privées de sécurité 153

Article 13 : Mesures de lutte contre la fraude fiscale, en particulier la fraude à la TVA dans les secteurs à risque 156

Après l’article 13 179

Article 14 : Non-déductibilité du résultat de la taxe sur les locaux à usage commercial ou de bureaux d’Île-de-France, de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances de dommages et de la taxe de risque systémique 181

Article 15 : Suppression de la prime pour l’emploi 204

Après l’article 15 230

Article 16 : Dispositions favorisant la libération du foncier et la mise sur le marché de logements en zones tendues 234

Article 17 : Mesures relatives à la valeur locative de certains locaux et immobilisations 249

Article 18 : Mesures en faveur de l’intercommunalité fiscale 260

Article 19 : Report d’un an de la majoration de la redevance due pour l’usage « alimentation en eau potable » 273

Article 20 : Simplification des règles de fixation des coefficients multiplicateurs de taxe locale sur la consommation finale d’électricité 276

Après l’article 20 279

Article 21 : Prorogation de certains dispositifs zonés d’exonérations fiscales (AFR, ZRR) 283

Article 22 : Prorogation et resserrement du dispositif d’exonération d’impôt sur les bénéfices applicables dans les zones franches urbaines (ZFU) 299

Article 23 : Crédit d’impôt en faveur de la production phonographique 314

Article 24 : Régime fiscal des organismes chargés de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale 332

Article 25 : Auto-liquidation de la TVA due à l’importation 364

Article additionnel après l’article 25 : Assouplissement des modalités de calcul de la proportion de logements sociaux requise pour l’application du taux réduit de TVA à la livraison de logements intermédiaires 373

Après l’article 25 375

Article 26 : Mise en conformité avec le droit européen du régime relatif à la vente d’alcool dans les pharmacies 376

Article additionnel après l’article 26 : Gel à son niveau de 2014 du tarif des taxes intérieures de consommation applicable aux petites installations énergo-intensives 381

Après l’article 26 382

Article 27 : Aménagement du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts conformément à l’arrêt Emerging market 384

Après l’article 27 396

Article additionnel après l’article 27 : Assouplissement des conditions d’investissement des business angels 397

Après l’article 27 399

Article 28 : Mise en conformité avec le droit européen du régime fiscal applicable en matière de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) aux dons et legs consentis au profit de personnes morales de droit public ou d’organismes d’intérêt général établis dans un autre État membre de l’UE-EEE 400

Article 29 : Mise en conformité avec le droit européen du régime de représentation fiscale pour les contribuables domiciliés ou établis hors de France 412

Article 30 : Mise en conformité communautaire du régime de groupe 427

Article additionnel après l’article 30 : Prorogation de la déduction pour investissement applicable aux entreprises de presse 461

Après l’article 30 462

Article additionnel après l’article 30 : Allongement du délai de réintégration de la déduction pour aléas et réduction du taux d’intérêt appliqué en cas de réintégration tardive ou non conforme aux objectifs 466

Après l’article 30 467

Article additionnel après l’article 30 : Application du principe de transparence aux plafonds de déduction pour investissement et pour aléas au sein des EARL et des GAEC 468

Après l’article 30 469

Article additionnel après l’article 30 : Maintien de l’application du régime mère-fille et du régime d’intégration fiscale aux titres placés en fiducie 470

Article additionnel après l’article 30 : Plafonnement de la déductibilité des charges financières des sociétés concessionnaires d’autoroutes 473

Après l’article 30 476

Article additionnel après l’article 30 : Établissement de l’assiette du crédit d’impôt recherche : prise en compte pour le double de leur montant des dépenses sous-traitées aux instituts technologiques agricoles et aux instituts technologiques agro-alimentaires 478

Après l’article 30 479

Article 31 : Modalités d’exécution du versement transport en commun au titre des militaires 481

Après l’article 31 484

Article additionnel après l’article 31 : Augmentation du versement transport en Île-de-France pour financer le passe Navigo unique 485

Après l’article 31 490

Article additionnel après l’article 31 : Maintien après 2015 du tarif des taxes sur les installations nucléaires finançant l’accompagnement de l’enfouissement des déchets radioactifs 491

Article additionnel après l’article 31 : Rapport sur les exonérations fiscales prévues par les conventions fiscales conclues par la France 492

Après l’article 31 493

Article additionnel après l’article 31 : Rapport au Parlement sur les conséquences d’une éventuelle rupture unilatérale des contrats des sociétés concessionnaires d’autoroutes 494

II.– Garanties 495

Article 32 : Apport de la garantie de l’État à un prêt de l’Agence française de développement au Fonds vert pour le climat 495

Article 33 : Garantie par l’État des emprunts de l’Unédic émis en 2015 499

Article 34 : Garantie de l’État accordée aux emprunts souscrits par l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) 507

Article 35 : Garantie par l’État de la responsabilité civile nucléaire du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) 513

TABLEAU COMPARATIF 519

INTRODUCTION

La mise en œuvre de la loi de finances initiale pour 2014 (LFI 2014) est marquée par plusieurs ajustements opérés par :

– la première loi de finances rectificative pour 2014 (LFR 2014) (1) ;

– le décret d’avance du 7 octobre dernier (2) et le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre à la commission des Finances de l’Assemblée nationale (avis rendu le 26 novembre 2014) ;

– le présent projet de loi de finances rectificative pour 2014 (PLFR 2014).

Ces ajustements ont visé à tirer les conséquences sur le solde budgétaire, en premier lieu, de la dégradation en cours d’année des prévisions de croissance et d’inflation – ce qui s’est traduit par de moindres recettes fiscales – et, en second lieu, des dépassements constatés sur certaines dépenses.

Dans le présent projet de loi de finances rectificative, les recettes fiscales nettes sont ainsi inférieures de 11,5 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la LFI 2014 et devraient atteindre 272,9 milliards d’euros au lieu des 284,4 milliards d’euros prévus initialement et au lieu des 279 milliards d’euros inscrits dans la première LFR 2014. Cette baisse avait fait l’objet d’une présentation détaillée de la part du Gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

Afin de compenser ces moindres recettes, des mesures supplémentaires de réduction des dépenses publiques ont été prises par rapport à l’objectif de tenue des dépenses inscrit en LFI. Le montant global des dépenses impactant le solde budgétaire est ainsi passé de 379,7 milliards d’euros en LFI 2014 à 376,3 milliards d’euros en première LFR 2014 et 375,4 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Cet effort est sans précédent et a été réalisé sans remettre en cause la conduite des politiques prioritaires de l’État qui, au contraire, ont vu leurs moyens augmenter.

Le présent projet de collectif de fin d’année constitue ainsi l’occasion de faire un dernier point d’étape sur le budget 2014. Il permet, tout d’abord, de traduire dans la loi la dégradation des recettes et l’effort complémentaire en dépenses annoncés dès la fin de l’été 2014 et intégrés dans les prévisions du projet de loi de finances pour 2015, avec lesquelles il est en ligne – réserve faite d’une baisse supplémentaire de recettes limitée à 300 millions d’euros.

Par conséquent, sont inscrites à l’équilibre général du présent projet de loi les moindres recettes constatées depuis la première LFR pour 2014, soit 6,1 milliards d’euros pour les recettes fiscales et 200 millions d’euros pour les recettes non fiscales, ainsi qu’une nouvelle diminution de 900 millions d’euros des dépenses totales impactant le solde (3), accompagnée d’une amélioration du solde des comptes spéciaux (hors FMI) de 1,1 milliard d’euros.

Dès lors, le PLFR 2014 maintient les grands équilibres budgétaires annoncés par le Gouvernement dès l’été 2014 et communiqués à la Commission européenne. Les ajustements qu’il propose se traduisent ainsi par la dégradation de la prévision de solde budgétaire inscrit dans la première LFR 2014, qui passe de
– 83,9 milliards d’euros à – 88,2 milliards d’euros (soit – 4,3 milliards d’euros).

Par ailleurs, les deux décrets d’avance susmentionnés, sur lesquels la commission des Finances a été amenée à se prononcer conformément à l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances, ont permis une réallocation des crédits des missions du budget général de manière à financer, à enveloppe constante, les dépassements constatés sur certains postes de dépenses, notamment au titre des opérations extérieures conduites par le ministère de la défense, des dépenses de personnel des ministères et de certaines dépenses d’intervention (concernant principalement des dispositifs de solidarité).

Au-delà des aspects de bouclage budgétaire, ce PLFR 2014 qui compte trente-cinq articles et un article liminaire, comporte différentes dispositions qui pourraient être regroupées ainsi :

– pour les ménages : un article en faveur du pouvoir d’achat, un article créant une surtaxe à la taxe d’habitation et un article de suppression de la PPE ;

– pour les entreprises : onze articles en faveur de la compétitivité ou en faveur d’une baisse de la fiscalité, un article de lutte contre la fraude à la TVA, un article de simplification et trois articles conduisant à une hausse de la fiscalité ;

– onze articles prévoyant des mesures de régularisation (essentiellement mise en conformité du droit français par rapport aux dernières directives ou jurisprudence européennes) ;

– cinq articles budgétaires ;

– et un article traitant de dispositions diverses.

Enfin, ce PLFR 2014 s’inscrit dans un contexte économique, français et européen menacé par la déflation. Éviter ce risque est indispensable, car une fois le phénomène enclenché, il est très difficile de stopper sa propagation. Théoriquement, il s’apparente à une perte de valeur dont l’un des signaux peut être la très faible inflation. Dans la pratique, il conduit à une activité économique qui ne redémarre pas, à une situation d’attentisme. Être dans un contexte de faible, voire de très faible, inflation rend plus difficile le remboursement des dettes, l’amélioration de la compétitivité par rapport aux autres pays ou encore l’ajustement des salaires réels.

Pour éviter d’entrer en déflation, il y a bien sûr les politiques monétaires, mais elles ne suffisent pas. D’ailleurs pour l’heure, les mesures mises en œuvre par la Banque centrale européenne (BCE) n’ont pas permis d’endiguer la faible inflation. Lorsque les taux d’intérêt sont proches de zéro – ce qui est le cas –, le vrai levier passe par les politiques budgétaires et d’investissement.

Le Gouvernement a fait le choix de la relance de l’investissement privé 
– en soutenant les entreprises grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et au Pacte de responsabilité et de solidarité
– et, dans une moindre mesure, public – avec un soutien à l’investissement des collectivités locales au travers de dispositions du projet de loi de finances pour 2015 et une mobilisation du programme d’investissements d’avenir, le PIA, dont le deuxième volet lancé par la LFI 2014 a été doté de 12 milliards d’euros.

AIDE MÉMOIRE
DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2014

I. LES DÉPENSES DE L’ÉTAT

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’ÉTAT EN PRÉVISION ET EN EXÉCUTION

(en milliards d’euros) :

Dépenses

Exécution 2012 (format 2013)

Exécution 2013

LFI 2014

LFR1

Norme de dépense

Prévision d’exécution

fin 2014

Écart
à la norme

Écart
à la LFI

Dépenses du budget général, hors dette et pensions *

198,18

197,97

199,0

– 1,6

197,4

197,0

– 0,4

– 2,0

Prélèvement sur recettes

74,63

76,22

74,4

74,4

74,8

0,4

0,4

Prélèvement sur recettes Collectivités territoriales

55,58

55,56

54,2

54,2

54,4

0,1

0,1

PSR Union européenne

19,05

20,66

20,2

20,2

20,4

0,2

0,2

Plafond des ressources affectées aux opérateurs et organismes divers chargés de missions de service public

5,25

5,06

5,1

5,1

5,1

0,0

0,0

Total des dépenses de l’État, hors charge de la dette et pensions *

278,06

279,25

278,5

– 1,6

276,9

276,9

0,0

– 1,6

Charge de la dette

46,30

44,89

46,7

– 1,8

44,9

43,3

– 1,6

– 3,4

Contributions au CAS Pensions

42,43

43,94

45,4

0

45,4

45,4

0,0

0,0

Total des dépenses de l’État, y compris charge de la dette et pensions *

366,79

368,07

370,6

– 3,4

367,2

365,6

– 1,6

– 5,0

* Hors dotations du 2e programme d’investissement d’avenir et au Mécanisme européen de stabilité

Source : présent projet de loi de finances rectificative et rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2013, mai 2014.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS
PAR MISSION AU TITRE DE 2014

(en millions d’euros)

Missions (hors CAS pensions, hors dette, hors PIA)

LFI 2014

LFR1 2014

Décret d’avance

7/10

Projet décret d’avance 18/11

LFR 2 2014

Total hors PIA

Écart / LFI 2014

PIA

Écart / LFI 2014 y compris PIA

Écart / LFI 2014 y compris PIA

(en %)

Action extérieure de l’État

2 801

– 40

0

– 31

2 730

– 71

0

– 2,5

Administration générale et territoriale de l’État

2 142

– 13

– 5

– 19

2 104

– 37

0

– 1,8

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 929

– 29

11

322

3 233

304

120

424

+ 14,5

Aide publique au développement

2 874

– 74

– 10

– 23

2 768

– 106

0

– 3,7

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 941

– 20

– 9

– 7

2 904

– 37

0

– 1,3

Conseil et contrôle de l’État

494

0

0

– 9

484

– 10

0

– 2,0

Culture

2 389

– 56

21

0

2 355

– 34

0

– 1,4

Défense

29 554

– 202

211

0

29 563

9

250

259

+ 0,9

Direction de l’action du Gouvernement

1 129

– 30

0

– 25

1 074

– 55

– 24

– 79

– 7,0

Écologie, développement et mobilité durables

7 139

– 68

– 91

– 21

6 960

– 180

– 146

– 326

– 4,6

Économie

1 728

– 28

0

– 21

1 678

– 50

192

142

+ 8,2

Égalité des territoires, logement et ville

7 888

– 60

28

54

92

8 002

114

0

+ 1,4

Engagements financiers de l’État

948

– 39

– 28

0

– 58

824

– 125

0

– 13,2

Enseignement scolaire

46 314

– 13

 

322

0

46 624

310

– 12

298

+ 0,6

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

8 697

– 81

0

– 86

8 529

– 167

0

– 1,9

Immigration, asile et intégration

659

– 10

0

57

706

47

0

+ 7,1

Justice

6 270

– 74

– 20

– 15

6 161

– 109

0

– 1,7

Médias, livre et industries culturelles

811

– 12

– 9

0

791

– 20

0

– 2,5

Outre-mer

2 009

– 6

0

– 22

1 980

– 28

0

– 1,4

Politique des territoires

316

– 13

0

– 24

280

– 36

0

– 11,5

Pouvoirs publics

990

0

0

0

990

0

0

0,0

Provisions

35

0

0

– 9

26

– 9

0

– 27,1

Relations avec les collectivités territoriales

2 711

– 51

0

0

2 660

– 51

0

– 1,9

Recherche et enseignement supérieur

25 726

– 400

– 263

– 3

25 060

– 666

– 340

– 1 006

– 3,9

Régimes sociaux et de retraite

6 513

– 15

8

0

6 506

– 7

0

– 0,1

Santé

1 295

– 48

0

144

1 391

96

0

+ 7,4

Sécurités

12 176

– 67

– 64

– 56

11 989

– 187

0

– 1,5

Solidarité, insertion et égalité des chances

13 647

– 15

0

162

13 793

146

0

+ 1,1

Sport, jeunesse et vie associative

446

– 7

0

– 9

431

– 16

– 16

– 32

– 7,1

Travail et emploi

10 783

– 128

– 157

– 42

10 456

– 328

– 24

– 352

– 3,3

Dépenses du budget général, hors dette, pensions, MES

204 355

– 1 600

296

203 051

– 1 304

0

Charge de la dette

46 654

– 1 800

– 1 600

43 254

– 3 400

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

II. LES RECETTES DE L’ÉTAT

LES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

 

2013

LFI 2014

LFR1 2014

Révisé 2014 (PLF 2015)

PLFR2 2014

Recettes totales

297,7

298,2

293,4

287,4

287,1

Recettes fiscales nettes

284

284,4

279

273,2

272,9

Recettes non fiscales

13,7

13,8

14,4

14,2

14,2

Source : présent projet de loi de finances rectificative.

PRÉVISION DE RECETTES FISCALES NETTES EN 2014

(en milliards d’euros)

 

LFR1 2014

Révisé 2014 (PLF 2015)

PLFR2 2014

Recettes fiscales nettes

279

273,2

272,9

Dont impôt sur le revenu

71,2

68,9

68,3

Dont impôt sur les sociétés

36

35,4

34,9

Dont taxe sur la valeur ajoutée

140

137,8

137,8

Source : présent projet de loi de finances rectificative.

III. LE SOLDE DE L’ÉTAT

LES PRÉVISIONS DE SOLDE PUBLIC EN 2014

(en % du PIB)

 

Exécution 2013

PLF 2015
et PLFR 2014

Solde structurel

(en % du PIB potentiel)

– 2,5

– 2,4

Solde conjoncturel

– 1,6

– 1,9

Mesures ponctuelles et temporaires

0

0

Solde effectif

– 4,1

– 4,4

Source : d’après ministère des finances.

LES PRÉVISIONS DE TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
ET DE TAUX DE DÉPENSES PUBLIQUES EN 2013 ET 2014

(en % du PIB)

 

2013

PLF 2015
et PLFR 2014

Solde public

– 4,1

– 4,4

Taux de prélèvements obligatoires

44,7

44,7

Taux de dépense publique

56,4

56,5

Source : d’après ministère des finances.

IV. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN LOURD DE RISQUES QUI COMMANDE DE RÉFLÉCHIR À DES LOGIQUES D’AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE DIFFÉRENCIÉES

La situation économique se caractérise toujours dans la majorité des pays européens par une croissance faible, une inflation quasi nulle et une réduction des déficits publics qui semble toujours difficile à atteindre.

A. UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE ATONE ET UNE INFLATION QUASI NULLE EN EUROPE

1. La zone euro dans une situation durable de faible croissance

« Après une année de croissance économique faible, l’économie de l’Union européenne a encore entamé une phase de ralentissement au printemps 2014. Durant le second semestre de l’année en court, la croissance du PIB devrait être très modeste et même quasi nulle dans la zone euro. Parmi les grands États de la zone euro, l’Espagne devrait connaître une croissance en amélioration mais avec la persistance d’un chômage élevé, l’Allemagne voir sa croissance économique fortement ralentir, la France vivre avec une stagnation prolongée et l’Italie entrer en récession. » Ce constat inquiet est tiré de l’introduction du rapport de la Commission européenne sur les prévisions économiques en Europe publié à l’automne 2014.

Comme le montre le tableau ci-dessous, pour l’année 2014, la croissance économique au sein de la zone euro s’établirait à 0,8 %.

La principale économie de la zone, l’économie allemande, dont il est attendu une croissance de 1,3 %, risque de connaître de sérieuses difficultés. En effet, la production industrielle, principal moteur de la croissance d’un pays dépendant de la demande extérieure, a connu cet été sa plus importante chute
(– 4 %) depuis 2009. L’Allemagne a choisi d’appliquer depuis dix ans une politique économique faite d’une association de coupes massives dans les dépenses publiques et de compression du coût du travail par la modération salariale qui a donné un certain nombre de résultats en termes d’équilibre des finances publiques et de baisse du chômage. Cependant, cette politique atteint aujourd’hui ses limites, dès lors qu’elle tend à se généraliser à toute l’Europe et donc à comprimer la demande intérieure des principaux partenaires et clients de l’Allemagne. Tous les autres moteurs de la croissance sont quant à eux à l’arrêt depuis la crise. La consommation des ménages est fortement handicapée par la précarité d’un marché du travail qui attend toujours la mise en place d’un SMIC. L’investissement public pâtit de politiques budgétaires de l’État fédéral, des Länder et des villes dont le seul objectif est l’équilibre de leur budget.

De nombreux économistes estiment qu’un point de croissance en moins en Allemagne entraîne mécaniquement un demi-point de croissance en moins dans l’ensemble de la zone euro et un quart de point en moins chez ses principaux partenaires, dont la France.

TAUX DE CROISSANCE, D’INFLATION ET DE CHÔMAGE DANS LES PRINCIPAUX PAYS
DE L’UNION EUROPÉENNE ET DU MONDE

(en %)

État

Croissance du PIB

Inflation

Taux de chômage

2013

2014

2015

2016

2013

2014

2015

2016

2013

2014

2015

2016

Belgique

0,3

0,9

0,9

1,1

1,2

0,6

0,9

1,3

8,4

8,5

8,4

8,2

Allemagne

0,1

1,3

1,1

1,8

1,6

0,9

1,2

1,6

5,3

5,1

5,1

4,8

Estonie

1,6

1,9

2

2,7

3,2

0,7

1,6

2,2

8,6

7,8

7,1

6,3

Irlande

0,2

4,6

3,6

3,7

0,5

0,4

0,9

1,4

13,1

11,1

9,6

8,5

Grèce

– 3,3

0,6

2,9

3,7

– 0,9

– 1

0,3

1,1

27,5

26,8

25

22

Espagne

– 1,2

1,2

1,7

2,2

1,5

– 0,1

0,5

1,2

26,1

24,8

23,5

22,2

France

0,3

0,3

0,7

1,5

1

0,6

0,7

1,1

10,3

10,4

10,4

10,2

Italie

– 1,9

– 0,4

0,6

1,1

1,3

0,2

0,5

2

12,2

12,6

12,6

12,4

Chypre

– 5,4

– 2,8

0,4

1,6

0,4

– 0,2

0,7

1,2

15,9

16,2

15,8

14,8

Lettonie

4,2

2,6

2,9

3,6

0

0,8

1,8

2,5

11,9

11

10,2

9,2

Lituanie

3,3

2,7

3,1

3,4

1,2

0,3

1,3

1,9

11,8

11,2

10,4

9,5

Luxembourg

2

3

2,4

2,9

1,7

1

2,1

1,9

5,9

6,1

6,2

6,1

Malte

2,5

3

2,9

2,7

1

0,7

1,5

2

6,4

6,1

6,1

6,2

Pays-Bas

– 0,7

0,9

1,4

1,7

2,6

0,4

0,8

1,1

6,7

6,9

6,8

6,7

Autriche

0,2

0,7

1,2

1,5

2,1

1,5

1,7

1,8

4,9

5,3

5,4

5

Portugal

– 1,4

0,9

1,3

1,7

0,4

0

0,6

0,9

16,4

14,5

13,6

12,8

Slovénie

– 1

2,4

1,7

2,5

1,9

0,4

1

1,5

10,1

9,8

9,2

8,4

Slovaquie

1,4

2,4

2,5

3,3

1,5

– 0,1

0,7

1,4

14,2

13,4

12,8

12,1

Finlande

1,2

– 0,4

0,6

1,1

2,2

1,2

1,3

1,6

8,2

8,6

8,5

8,3

Zone euro

– 0,5

0,8

1,1

1,7

1,4

0,5

0,8

1,5

11,9

11,6

11,3

10,8

Pologne

1,7

3

2,8

3,3

0,8

0,2

1,1

1,9

10,3

9,5

9,3

8,8

Royaume-Uni

1,7

3,1

2,7

2,5

2,6

1,5

1,6

1,9

7,5

6,2

5,7

5,5

UE

0

1,3

1,5

2

1,5

0,6

1

1,4

10,8

10,3

10

9,5

États-Unis

2,2

2,2

3,1

3,2

1,5

1,8

2

2,3

7,4

6,3

5,8

5,4

Japon

1,5

1,1

1

1

0,4

2,8

1,6

1,4

4

3,8

3,8

3,8

Chine

7,6

7,3

7,1

6,9

2,6

2,4

2,4

Monde

3,1

3,3

3,8

4,1

Source : Commission européenne, European Economic Forecast, automne 2014.

Le constat de la Commission européenne concernant la France est également sans appel : « L’économie française a stagné durant le premier semestre 2014, l’investissement s’est effondré, la consommation est restée atone et les exportations n’ont que trop faiblement cru. L’économie est à l’arrêt depuis le second semestre 2011 et les derniers indicateurs ne laissent pas présager d’une reprise imminente. »

Par ailleurs, l’investissement privé se rétracterait de 3 % en 2015 après une stagnation en 2014. Malgré les outils incitatifs mis à leur disposition et la légère amélioration du climat des affaires (4) en novembre, il semblerait que l’attentisme des chefs d’entreprise se confirme tant il semble évident que le premier déterminant de l’investissement n’est pas le cadre fiscal mais la demande et que celle-ci est fragile en France et demeure atone en Europe. Selon une récente enquête de l’INSEE (5), seuls 26 % des investissements sont destinés à étendre les capacités de production ou à introduire de nouveaux produits et plus de la moitié pour renouveler l’appareil productif. Ce chiffre à lui seul révèle que les capacités de production des entreprises sont aujourd’hui sous-utilisées et donc que la France se trouve autant face à un problème d’offre pour être compétitive sur les marchés extérieurs qu’à un problème de demande intérieure sans laquelle l’économie ne repartira pas.

Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) a également révisé à la baisse les prévisions de croissance de la zone euro de 0,3 point pour l’établir à 0,8 %. Comme le montre le tableau ci-dessous, pour la France, les chiffres s’établissent à 0,4 % en 2014 et 1 % en 2015, soit exactement les prévisions retenues par le Gouvernement. Par ailleurs, le FMI estime que « la production et l’investissement restent en deçà des niveaux d’avant crise » et qu’il existe un risque selon lequel « la demande s’affaiblit encore et que la faible inflation se transforme en déflation ».

Plus globalement, la directrice générale du FMI, Mme Christine Lagarde, a estimé le 9 octobre dernier que « le risque de récession est de l’ordre de 35 % à 40 % en zone euro. C’est un risque sérieux. On peut l’éviter à condition de mener les bonnes politiques ».

PRÉVISIONS DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE DE LA ZONE EURO

(en % du PIB)

État

2014

2015

Prévisions juillet 2014

Prévisions octobre 2014

Prévisions juillet 2014

Prévisions octobre 2014

Zone euro

1,1

0,8

1,5

1,3

Allemagne

1,9

1,4

1,7

1,3

France

0,8

0,4

1,5

1

Italie

0,3

– 0,2

1,1

0,8

Espagne

1,2

1,3

1,6

1,7

Source : FMI.

1. Le risque de déflation dû à la faiblesse de la demande interne

Comme l’indique le tableau ci-dessus, l’indice des prix à la consommation ne devrait pas se situer au-dessous de 0,6 % en 2014 et même de 0,5 % en zone euro. Celui-ci a crû de 0,4 % en octobre dernier après une augmentation de 0,3 % en septembre. Dans plusieurs pays de la zone euro, notamment l’Espagne et la Grèce, l’indice des prix a même reculé. La déflation n’est plus un risque théorique en Europe.

Pèse actuellement sur les prix en Europe et singulièrement dans des pays comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, une demande limitée par un chômage qui demeure élevé et par une politique de modération salariale dans les pays où le taux de chômage est faible comme en Allemagne. Cette faiblesse de la demande conduit à une érosion de la valeur des actifs – biens, services, immobiliers – qui réduit mécaniquement les marges des entreprises. Ce rétrécissement des marges crée un climat favorable à la dénonciation des conventions collectives, comme cela a été le cas en Espagne, à l’engagement de nouveaux licenciements et à une nouvelle pression sur les salaires et donc à une nouvelle baisse des prix.

Le risque est toutefois provisoirement endigué par la baisse de l’euro par rapport au dollar depuis le début de l’année (1 euro pour 1,29 dollar au 7 novembre 2014) qui entraîne un phénomène d’inflation importé mais il nécessite une réponse vigoureuse de la part de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission européenne et des États membres.

A. UNE PREMIÈRE RÉPONSE : UNE POLITIQUE MONÉTAIRE PLUS ACCOMMODANTE ET DES PLANS D’INVESTISSEMENTS PUBLICS

1. Une politique monétaire d’achat de titres de dettes souveraines sur le marché secondaire et de baisse des taux

La BCE essaye de faire remonter l’inflation vers sa cible, à travers le recours à plusieurs instruments novateurs de politique monétaire lancés en 2014. Cependant, l’inflation européenne continue à stagner à 0,4%, c’est-à-dire bien en-dessous de son objectif de 2%.

– une politique de taux accommodante : la BCE a abaissé son principal taux directeur sept fois depuis 2012 pour le porter à un niveau historiquement bas de 0,05 % en septembre dernier dans le but de lutter contre la faible inflation ;

– une politique de soutien au système bancaire : son objectif est de nourrir les banques de liquidité à bas coût pour les inciter à le prêter ensuite aux particuliers et aux entreprises. La première partie du programme de refinancement des crédits bancaires, appelée TLTRO (Targeted Longer Term Refinancing Operations ou opérations de refinancement ciblées à long-terme) lancée en septembre 2014 n’a pas atteint son objectif. En effet, sur les 200 milliards d’euros proposés par la BCE, les banques européennes en ont demandé 83 milliards d’euros. Cette situation viserait à conclure que l’accès à la liquidité à bas prix ne serait plus une difficulté pour les banques européennes (à l’exception de quelques banques). Le deuxième volet de ce programme devrait être lancé en décembre 2014 pour un montant de 200 milliards d’euros ;

– une politique de rachat de titres ciblés : achat d’obligations bancaires titrisées (covered bonds) et d’ABS (asset-backed securities). Ces deux actifs représentent la partie « passif » d’une structure juridique, créée pour regrouper à son « actif » des prêts bancaires de différente nature (immobilier, commercial, prêts aux PME). En procédant ainsi, la BCE veut décharger un certain nombre d’établissements bancaires de leur risque financier. Les montants de rachat ne sont à ce stade pas précisés.

Pour mémoire, le bilan de la BCE est passé de son plus haut point en mars 2012 de 3023 milliards d’euros à 2028 milliards en novembre 2014. Dans le même temps, le bilan de la banque centrale américaine, la FED, a suivi une évolution inverse, passant de 2900 milliards de dollars en mars 2012 à 4 500 milliards de dollars en novembre 2014. Cette évolution est due au rachat d’obligations de dette souveraine et dans une moindre mesure de titres qui représentent du crédit d’entreprise.

1. Des annonces de plans d’investissement encore timides

Dès la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014 en juin dernier, la Rapporteure générale rappelait que « créer de l’emploi, c’est ajouter le chaînon manquant dans la chaîne économique. Le chaînon manquant aujourd’hui, c’est l’investissement ». L’investissement est le lien entre politique d’offre puisqu’il prépare l’avenir et politique de demande qu’il relance à court terme.

La Commission européenne a annoncé, le 25 novembre 2014, un plan d’investissements mobilisant 315 milliards d’euros de fonds publics et privés sur les trois prochaines années.

Le Président de la Commission européenne a annoncé la création d’un Fonds européen pour les investissements stratégiques destinés à financer « des projets dont le profil de risque est supérieur à celui de ceux que soutient traditionnellement la Banque européenne d’investissement (BEI) ». Ce Fonds sera doté de 21 milliards d’euros provenant, d’une part, de la BEI pour 5 milliards d’euros et, d’autre part, du budget de l’Union européenne sous forme de garantie pour 16 milliards d’euros. Au sein de cette garantie, le Président de la Commission européenne estime que 8 milliards d’euros correspondent à des ressources existantes sans détailler à quoi elles se rattachent, 3,3 milliards d’euros relèvent du mécanisme de l’Interconnexion en Europe visant à améliorer les infrastructures énergétiques, 2,7 milliards d’euros du programme Horizon destiné à soutenir la recherche et l’innovation et 2 milliards d’euros de marges budgétaires sans que l’on sache à ce stade où elles pourraient se trouver tant il est vrai que la Commission a demandé plusieurs « rallonges » sur le budget 2014.

La Commission estime que ces montants publics devraient avoir un effet de levier sur les investissements privés. Elle a choisi d’appliquer un multiplicateur de 15 pour atteindre un plan d’investissements total de 315 milliards d’euros. La Rapporteure générale observe que jamais un tel multiplicateur n’a été utilisé, et que par conséquent il semble plus qu’optimiste.

Si le Président de la Commission européenne a affirmé que les 315 milliards d’euros devaient servir à promouvoir « des projets durables, créateurs d’emploi, qui aident à restaurer la compétitivité en Europe », il demeure toutefois un certain nombre de questions.

Tout d’abord, ces investissements seront-ils majoritairement des investissements de court terme afin de relancer l’activité et l’inflation ou s’agira-t-il d’investissements de long terme plus destinés à préparer l’avenir ? Ensuite quelle sera la clé de répartition entre les États membre de l’UE ? Si le ministre de français l’économie a déclaré que le plan européen devrait permettre 10 milliards d’euros d’investissements supplémentaires en France, rien n’est venu à ce jour confirmer ou infirmer cette déclaration.

Pour l’heure, ce plan en est encore au stade des discussions entre les différents partenaires.

La Rapporteure générale regrette à la fois la faiblesse du montant « l’argent frais » ainsi que la temporalité du plan. En effet, la levée de fonds privés est prévue de se faire sur 3 ans, ce qui recule d’autant l’investissement dans l’économie. Elle note que la formation brute de capital fixe dans la zone euro est d’environ 2000 milliards d’euros par an, et que son déficit d’investissement a été récemment estimé à environ 260 milliards d’euros par an (6). Dès lors le besoin d’investissement pour obtenir un vrai rebond de l’économie est bien supérieur au plan annoncé par la Commission européenne.

Les États ont également mis en place différents outils et plans d’investissements publics.

En France, dès 2012, la loi (7) a autorisé la création de la Banque publique d’investissement (BPI) et Bpifrance a été installée en juillet 2013. Par ailleurs, le 9 juillet 2013, le Gouvernement a annoncé un programme d’investissement d’avenir supplémentaire (PIA 2) d’un montant de 12 milliards d’euros destiné à soutenir la production, l’innovation, la santé, le numérique, la transition énergétique, financé par des ressources propres issues de cessions de participations de l’État dans les entreprises à capital totalement ou partiellement public. En septembre dernier se sont tenues également les assises de l’investissement à l’initiative du Président de la République dans le but de mobiliser tous les outils mis en place par la collectivité publique.

En Allemagne, à la suite des différentes prises de position dont celle de la directrice générale du FMI, enjoignant les pays européens ayant des marges budgétaires à investir dans les infrastructures afin de stimuler l’activité, le ministre des finances allemand, M. Wolfgang Schaüble, a annoncé le 6 novembre dernier un plan d’investissement public supplémentaire de 10 milliards d’euros avec un effet de levier maximum sur des investissements privés estimés à 50 milliards d’euros. Ce plan devrait être mis en œuvre en 2016 et concerner trois axes stratégiques : les infrastructures routières et ferroviaires, l’énergie et le numérique. Cette inflexion de la politique économique allemande qui accompagne la mise en place prochaine d’un salaire minimum devrait permettre à la demande intérieure dans ce pays de repartir.

Ces différents plans sont nécessaires mais ne sont pas suffisants pour stimuler l’activité économique.

A. UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE VISANT À RÉDUIRE LES DÉFICITS À UN RYTHME ADAPTÉ AUX CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES DE CROISSANCE ET D’INFLATION

1. Une politique budgétaire qui privilégie la croissance tout en réduisant les déficits à un rythme adapté

Comme l’a rappelé la Rapporteure générale au cours de la discussion en première lecture du projet de loi de finances pour 2015 (8), piloter les finances publiques consiste, d’une part, à définir le triptyque recettes, dépenses, déficit/dette publics en tenant compte du contexte économique et social et, d’autre part, à créer les conditions du soutien à la croissance économique. Elle rappelait qu’aucun des deux objectifs ne doit être négligé sous peine de n’en atteindre aucun.

La Rapporteure générale a, par conséquent, soutenu la décision du Gouvernement d’adapter le calendrier de retour de la France à l’équilibre budgétaire, choix qui protège les perspectives de croissance économique. Elle réitère ce soutien.

Toutefois, l’économie française n’étant pas une île, ses perspectives dépendent également de l’évolution de ses partenaires et du contexte européen. La France est ainsi impliquée dans une union monétaire qui a accumulé, depuis sa création, d’importants déséquilibres dont la résorption sera l’affaire d’une décennie et non pas d’une ou de deux années sous peine de « courir » après un équilibre budgétaire qui se dérobera immanquablement. Or, si les pays qui ont accumulé des déficits extérieurs mènent les réformes nécessaires à leur réduction, leurs efforts ne pourront porter pleinement leurs fruits si ceux qui ont accumulé des excédents commerciaux soutiennent vigoureusement leur demande intérieure et si l’agenda de la Commission en faveur de la croissance ne se trouve pas annihilé par des demandes contre-productives de restrictions budgétaires supplémentaires.

1. Les différents échanges avec la Commission européenne

La Rapporteure générale rappelle ici la procédure de surveillance des budgets nationaux par les instances européennes qu’elle a déjà rappelée dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2015.

Le b du 1 de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), signé à Bruxelles le 2 mars 2012, stipule que l’obligation pour les administrations publiques de présenter une situation budgétaire en équilibre ou en excédent est considérée comme respectée « si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l’objectif de moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut au prix du marché ». Par ailleurs, il est prévu que « le calendrier de cette convergence sera proposé par la Commission européenne, compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques de chaque pays ».

L’article 5 du TSCG stipule qu’« une partie contractante qui fait l’objet d’une procédure concernant les déficits excessifs en vertu des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée, met en place un programme de partenariat budgétaire et économique comportant une description détaillée des réformes structurelles à établir et à mettre en œuvre pour assurer une correction effective et durable de son déficit excessif… Leur présentation pour approbation au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne ainsi que leur suivi auront lieu dans le cadre des procédures existantes », c’est-à-dire les procédures pour déficit excessif établies sur le fondement du traité de Maastricht. La procédure de déficit excessif est prévue par l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La Commission évalue et le Conseil décide s’il existe un déficit excessif ou non. Le Conseil adresse d’abord des recommandations puis, le cas échéant, peut le mettre en demeure de prendre les mesures appropriées pour réduire son déficit. Il peut in fine appliquer des sanctions.

Chaque État membre doit donc fixer dans son programme de stabilité son objectif de moyen terme (OMT) transmis à la Commission européenne. En droit interne, l’OMT est fixé par la loi de programmation des finances publiques qui est discutée en même temps que le projet de loi de finances de l’année. Le Conseil de l’Union européenne examine l’OMT qui s’apprécie au regard de « la soutenabilité des finances publiques ou une progression rapide vers leur soutenabilité, tout en autorisant une marge de manœuvre budgétaire, en tenant compte notamment des besoins en investissements publics ». Néanmoins, le TSCG prévoit également qu’un État membre peut s’écarter de son OMT en cas de « circonstances exceptionnelles », définies comme « des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique ».

Le 22 octobre dernier, la Commission européenne a adressé un courrier au Gouvernement français s’inscrivant pleinement dans le cadre de la procédure définie par les règles communes. La lettre constate tout d’abord, que le projet de finances pour 2015 ne prévoit pas de ramener le déficit public en dessous des 3 % du PIB comme le recommandait le Conseil européen le 21 juin 2013 et comme la France s’y était engagée dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril dernier et demande ensuite quelles mesures le Gouvernement français compte prendre pour atteindre l’objectif sur lequel il s’était engagé.

Le Gouvernement français, par la voix de son ministre des finances M. Michel Sapin, a rappelé à juste titre que les principales prévisions d’indicateurs économiques se sont encore dégradées depuis avril dernier. En effet, « la croissance dans la zone euro et en France, au lieu d’accélérer en cours d’année comme il était prévu à 1 % en 2014 et à 1,7 % en 2015, elle a été revue à 0,4 % et à 1 %. Tout aussi important, le niveau de l’inflation a chuté au cours de l’année 2014 dans la zone euro et en France et la Banque centrale européenne, qui a pris en conséquence des décisions importantes, ne prévoit un retour à la normale qu’à horizon 2017 ». La Rapporteure générale estime que cette situation de faible croissance et de faible inflation caractérise ce que l’on peut appeler des circonstances exceptionnelles.

Après avoir réaffirmé sa politique économique fondée sur la mise en place du Pacte de responsabilité et de solidarité et sur le plan de réduction de la dépense publique, le Gouvernement français a rappelé dans sa lettre à la Commission européenne qu’« il semble décisif d’adapter le rythme de réduction des déficits publics en Europe et en France à la situation… dans le respect des règles qui nous lient et des flexibilités qu’elles comportent ». Il est en effet primordial de remettre de la politique en Europe et non pas uniquement de la règle et de la norme surtout quand ces règles et normes ne sont manifestement pas ou plus adaptées à la situation du moment.

Le 28 novembre 2014, la Commission européenne a achevé l’évaluation des projets de plans budgétaires 2015 des seize pays de la zone euro. La Commission a conclu qu’aucun des projets ne présentait de « manquements particulièrement graves » aux dispositions du pacte de stabilité et de croissance. Elle a estimé toutefois que les projets de 7 pays, dont la France, l’Espagne et l’Italie, présentaient un risque de non-conformité. Elle a invité ces pays à prendre les mesures nécessaires pour garantir la conformité de leurs budgets aux traités, dans le cadre de leur procédure budgétaire nationale. Elle a fixé une clause de revoyure en début du mois de mars 2015.

Les discussions entre le Gouvernement français et les autorités européennes sont par conséquent encore en cours. La Rapporteure générale rappelle que le niveau de réduction de dépenses publiques tel que prévu par les différentes lois de finance permet d’atteindre les objectifs fixés par la Commission.

1. L’annonce d’une réduction du déficit public pour 2015 de 3,6 milliards d’euros supplémentaires

Dans le cadre des discussions avec la Commission européenne, le Gouvernement a indiqué son intention de réduire son déficit public de 3,6 milliards d’euros supplémentaires en 2015. Cet engagement n’a pas encore pleinement trouvé sa traduction concrète dans un quelconque document budgétaire.

Toutefois, à ce stade, il peut être retracé :

– un montant de 400 millions d’euros provenant d’un allégement anticipé de la charge de la dette. En effet, il a été procédé à une révision à la baisse des prévisions de taux d’intérêt. Celles-ci sont cohérentes avec celle des économistes de marché et des investisseurs à 1,8 % en moyenne pour 2015 pour les taux à dix ans au lieu de 2,2 % précédemment anticipés et 1,2 % actuellement ;

– des versements moins importants que prévu de crédit d’impôt pour la croissance et l’emploi (CICE) en 2015 pour un montant de 100 millions d’euros et une plus-value de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de 200 millions d’euros attendue pour 2015 ;

– la fin d’un certain nombre de déductibilités fiscales est également prévue à l’article 14 du présent projet de loi de finances rectificative portant non-déductibilité du résultat de la taxe sur les locaux à usage commercial ou de bureaux d’Île-de-France, de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances de dommages et de la taxe de risque systémique, qui concerne les établissements bancaires. Le rendement attendu pour 2015 est de 390 millions d’euros.

D’autres mesures pourraient être susceptibles d’être présentées au cours de l’examen du présent projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de finances pour 2015.

Par ailleurs, les remarques de la Commission européenne concernant tout autant le budget 2015 que la trajectoire de retour sous la limite des 3 % du PIB du déficit public, il pourrait également être proposé des modifications de certaines dispositions du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 21 octobre et par le Sénat le 6 novembre 2014.

I. LES ÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES POUR 2014 INCHANGÉS PAR RAPPORT À LA PRÉVISION RÉVISÉE

A. UNE PRÉVISION DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE RÉALISTE

Le scénario macroéconomique demeure inchangé par rapport à celui du projet de loi de finances pour 2015 présenté le 1er octobre dernier. La prévision de croissance économique pour 2014 est maintenue à 0,4 %. Le Haut Conseil des finances publiques avait considéré, dans son avis n° HCFP-2014-05 du 26 septembre 2014 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2015, que la prévision de croissance était « réaliste ». Il considère, dans son avis n° HCFP-2014-06 du 6 novembre 2014 accompagnant le présent projet de loi de finances rectificative, que « les informations conjoncturelles et statistiques rendues disponibles depuis lors ne remettent pas en cause cette appréciation ».

Cette prévision est même confortée par les derniers chiffres de l’INSEE relatifs à l’économie française. En effet, au troisième trimestre 2014, le PIB en volume augmente de 0,3 % après un léger recul au deuxième trimestre de – 0,1 %.

Les dépenses de consommation des ménages continuent d’augmenter de 0,2 % après la hausse de 0,3 % en deuxième trimestre. Il est donc indispensable pour éviter au pays les périls qui le guettent, et en premier lieu le risque de déflation, de soutenir plus vigoureusement les dépenses de consommation des ménages et en particulier celles des ménages aux revenus modestes et moyens qui ont le taux d’épargne le plus bas. Au total, la demande intérieure finale hors stock – consommation des ménages, consommation des administrations publiques, formation brute de capital fixe – progresse de nouveau et contribue à la croissance du PIB pour 0,2 point de PIB après 0,1 point de PIB au trimestre dernier.

La contribution du solde extérieur à l’évolution du PIB reste négative à
– 0,2 point de PIB à la suite des – 0,1 point de PIB au deuxième trimestre. En effet, si les exportations se redressent à + 0,5 % de PIB au lieu de – 0,1 % au trimestre précédent, les importations connaissent une dynamique qui ne faiblit pas pour atteindre + 1,1 % après + 0,3 % du PIB.

La variation des stocks est positive à 0,3 point de PIB après un recul de 0,1 %.

In fine, la France connaît un acquis de croissance pour 2014 de 0,4 point de PIB.

A. UN MAINTIEN DE LA PRÉVISION RÉVISÉE DE SOLDE PUBLIC

La Rapporteure générale a analysé les évaluations, pour 2014, du solde public et de ses composantes dans le rapport général sur le projet de loi de finances pour 2015 (9) et en rappelle ici les principales conclusions.

Comme l’illustre le tableau suivant, l’article liminaire du présent projet de loi de finances rectificative ne modifie pas les prévisions pour 2014 fixées par l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2015 et par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

LES PRÉVISIONS DE SOLDE PUBLIC EN 2014

(en % du PIB)

 

Exécution 2013

PLF 2015
et PLFR 2014

Solde structurel

(en % du PIB potentiel)

– 2,5

– 2,4

Solde conjoncturel

– 1,6

– 1,9

Mesures ponctuelles et temporaires

0

0

Solde effectif

– 4,1

– 4,4

Source : d’après ministère des finances.

Comme indiqué dans le tableau, la prévision révisée de solde public pour 2014, associée au projet de loi de finances pour 2014 et fixée à – 4,4 % du PIB, est maintenue par le Gouvernement malgré la révision du solde publique pour 2015 intervenue en octobre dernier.

En effet, l’intégration des informations nouvelles intervenues depuis le dépôt du projet de finances pour 2015 a des impacts en comptabilité nationale qui se compensent globalement. La révision de recettes fiscales nettes de 300 millions d’euros détaillée ci-après est quasiment neutralisée par une stricte tenue de la norme de dépenses en valeur et par une révision à la baisse de la charge d’intérêts de la dette en comptabilité nationale de 200 millions d’euros.

La prévision de croissance du PIB étant maintenue à 0,4 %, l’estimation du solde conjoncturel n’est pas modifiée par rapport à celle de septembre dernier. L’évaluation de l’effort structurel, de l’élasticité des prélèvements à la croissance et donc du solde structurel ne sont pas non plus modifiées.

Les mesures ponctuelles et temporaires, qui comprennent les dépenses au titre des contentieux fiscaux, sont, quant à elles, évaluées à 0 % du PIB en raison des arrondis.

Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis n° HCFP-2014-06 relatifs au présent projet de loi de finances rectificative pour 2014 du 6 novembre dernier, considère que « les prévisions de finances publiques du collectif, et notamment d’un déficit public de 4,4 % du PIB, sont vraisemblables ».

Les tableaux suivants rappellent les évolutions des prévisions des principales composantes de la variation du solde structurel.

LA VARIATION DU DÉFICIT STRUCTUREL EN 2014

(en % du PIB)

 

PLFR 2014

Solde structurel 2013

– 2,5

Effort structurel

0,4

Dont effort en recettes

0,1

Dont effort en dépenses

0,2

Variation non discrétionnaire du solde

– 0,1

Clé en crédits d’impôts

– 0,1

Solde structurel 2014

– 2,4

Source : d’après ministère des finances.

Il est à rappeler que pour la première fois depuis 2010, l’effort structurel, qui traduit la diminution du déficit structurel due à des mesures adoptées par les pouvoirs publics, reposerait plus sur l’effort en dépenses que sur l’effort en recettes. Le produit net des mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires passerait de 1,5 % en 2013 à 0,1 % en 2014 avant de devenir négatif à compter de 2015.

La variation non discrétionnaire du solde structurel s’expliquerait par la très faible élasticité – nettement inférieure à l’unité – des prélèvements obligatoires.

Le tableau suivant rappelle les prévisions successives de taux de prélèvements obligatoires et de taux de dépenses publiques.

LES PRÉVISIONS DE TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
ET DE TAUX DE DÉPENSES PUBLIQUES EN 2013 ET 2014

(en % du PIB)

 

2013

PLF 2015
et PLFR 2014

Solde public

– 4,1

– 4,4

Taux de prélèvements obligatoires

44,7

44,7

Taux de dépense publique

56,4

56,5

Source : d’après ministère des finances.

Le tableau suivant rappelle les prévisions de déficit par sous-secteur d’administration publique.

SOLDE PAR SOUS-SECTEUR D’ADMINISTRATION PUBLIQUE EN 2014

(en % du PIB)

Administration publique

2013

PLF 2015
et PLFR 2014

Solde public

– 4,1

– 4,4

Administrations publiques centrales (APUC)

– 3,3

– 3,6

Organismes divers d’administration centrale (ODAC)

+ 0,1

0

Administrations publiques locales (APUL)

– 0,4

– 0,3

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

– 0,5

– 0,5

Source : ministère des finances.

A. UNE PRÉVISION DE RECETTES QUI DIFFÈRE MARGINALEMENT DE LA PRÉVISION RÉVISÉE DU MOIS D’OCTOBRE

Le tableau suivant récapitule les prévisions de recettes fiscales nettes et de recettes non fiscales du budget général de l’État.

LES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

 

2013

LFI 2014

LFR1 2014

Révisé 2014 (PLF 2015)

PLFR2 2014

Recettes totales

297,7

298,2

293,4

287,4

287,1

Recettes fiscales nettes

284

284,4

279

273,2

272,9

Recettes non fiscales

13,7

13,8

14,4

14,2

14,2

Par rapport à 2013, les recettes seraient en forte diminution, de 10,6 milliards d’euros.

Par rapport à la prévision révisée d’octobre dernier, la révision de la prévision est marginale et porte sur les recettes fiscales nettes, réévaluées à la baisse de 0,3 milliard d’euros.

1. Des recettes fiscales qui pâtissent toujours de la faiblesse de l’activité

Le tableau suivant récapitule l’évolution de la prévision des recettes fiscales nettes pour 2014.

PRÉVISION DE RECETTES FISCALES NETTES EN 2014

(en milliards d’euros)

 

LFR1 2014

Révisé 2014 (PLF 2015)

PLFR2 2014

Recettes fiscales nettes

279

273,2

272,9

Dont impôt sur le revenu

71,2

68,9

68,3

Dont impôt sur les sociétés

36

35,4

34,9

Dont taxe sur la valeur ajoutée

140

137,8

137,8

Source : présent projet de loi de finances rectificative.

La Rapporteure générale a présenté la révision des estimations des principales recettes fiscales dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2015 et en rappelle ici les principales conclusions.

Le produit de l’impôt sur le revenu s’élèverait à 68,3 milliards d’euros en 2014 après une révision de 2,9 milliards d’euros depuis la loi de finances rectificative de juillet dernier du fait principalement d’une dégradation de l’évolution spontanée de – 1 % contre + 3,8 % prévus en loi de finances initiale. La Rapporteure générale déplorait l’absence d’explication robuste à cette faiblesse de la dynamique de l’IR à législation constante dans son rapport général relatif au projet de loi de finances pour 2015. Force est de constater qu’aucune analyse sérieuse des causes de l’affaissement du produit de l’IR n’a été fournie depuis lors.

Le produit de l’impôt sur les sociétés est également révisé à la baisse de 1,1 milliard d’euros depuis la loi de finances rectificative d’août dernier. L’évolution spontanée est encore plus dégradée que celle de l’IR et s’établit à
– 1,6 %. Il existe, en effet, un aléa baissier important tant que dure l’incertitude sur le bénéfice fiscal des entreprises dans un contexte de faible croissance économique.

Cet aléa est compensé par les prévisions de créance et surtout de décaissement budgétaire de CICE qui ont été révisées comme le montre le tableau ci-dessous :

(en milliards d’euros)

IS et IR réunis

Créance au titre de 2013

Dépense fiscale

Prévision initiale

13

9,9

Prévision PLFR2 2014

10,6

6,5

Source : Comité de suivi du CICE, rapport 2014.

Les créances – sans incidence budgétaire pour 2014 – concernent en premier lieu l’IS puisque, selon le rapport 2014 du comité de suivi du CICE, la créance fiscale au titre de 2013 pour les entreprises soumises à l’IS devrait s’inscrire dans une fourchette de 9,2 milliards d’euros à 10,4 milliards d’euros. La surestimation initiale serait due à différents facteurs, principalement à une estimation initiale du champ des entreprises devant bénéficier du CICE trop large et à une prévision d’évolution des salaires entre 2011 et 2013 trop optimiste. En créant une créance reportable sur les exercices suivants, le CICE fait peser un fort aléa baissier sur le produit futur de l’IS en cas de reprise économique et fait la preuve que, s’il peut accompagner la croissance économique et l’accélérer, il ne peut à lui seul susciter une croissance qui reste grandement tributaire de la demande interne.

Tout comme les montants de créance fiscale, les montants de consommation de CICE en 2014 resteront inférieurs aux estimations initiales. En effet, les prévisions annonçaient qu’un peu plus de 75 % de la créance serait consommée dès la première année. Or à ce jour, les imputations et restitutions représentent autour de 60 % de la créance déjà enregistrée du fait de bénéfices et donc d’IS inférieur aux prévisions qui réduisent les possibilités d’imputation mais aussi de comportements d’imputation qui privilégient d’autres crédits d’impôt – crédit d’impôt recherche, réduction d’impôt pour le mécénat, report en arrière de déficit – sur le CICE.

1. Une réévaluation marginale des recettes fiscales nettes par rapport à la prévision révisée d’octobre dernier

Par rapport à la prévision révisée d’octobre dernier, la prévision associée prend en compte certaines évolutions qui se seraient révélées au cours des deux derniers mois, à savoir :

– une diminution de la créance de CICE, sans impact sur les recouvrements budgétaires en 2014 mais qui améliorerait le solde en comptabilité nationale de 200 millions d’euros ;

– des remboursements et dégrèvements d’impôt sur les sociétés (IS) hors CICE plus importants qu’anticipés à hauteur de 500 millions d’euros ;

– une révision de la répartition des recettes issues du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) globalement neutre sur le solde public ;

STDR

Au 17 octobre, 32 858 contribuables ont déposé un dossier auprès du STDR.

Parmi ceux-ci, 13 774 ont déjà déposé des dossiers comportant des déclarations rectificatives ouvrant la voie à leur traitement. Ces dossiers finalisés représentent un montant d’avoirs de 11,7 milliards d’euros et 1,3 milliard d’euros d’acomptes ont été versés au moment de leur dépôt.

Au total, le montant des sommes recouvrées ou à recouvrir au titre du STDR atteint 1,6 milliard d’euros au 30 septembre.

Ces éléments confortent la prévision de rendement budgétaire du STDR pour 2014, fixée à 1,85 milliard d’euros. Cependant, la répartition des recettes du STDR entre les différents impôts est revue dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, compte tenu des recouvrements constatés au 30 septembre. Cette nouvelle ventilation conduit à revoir à la baisse de 580 millions d’euros le montant d’IR perçu au titre du STDR et à revoir à la hausse, à due concurrence, les recettes fiscales concernées par le dispositif – principalement l’ISF – ainsi que le montant des pénalités qu’il entraîne.

Il est à rappeler qu’une partie du produit du STDR est un produit pérenne, étant entendu que les avoirs nouvellement déclarés entrent en base des différents impôts concernés.

– une révision à la hausse des autres recettes fiscales nettes, notamment de divers impôts sur le revenu du capital, pour un total de 200 millions d’euros.

La révision du produit des recettes fiscales associée au présent projet de loi est donc marginale.

1. Des écarts entre prévisions initiale et révisée de recettes non fiscales en ligne avec la prévision révisée

Après 13,8 milliards d’euros en 2013 et alors que la prévision dans la première loi de finances rectificative pour 2014 s’établissait à 14,4 milliards d’euros, la prévision de recettes non fiscales associées au présent projet de loi rectificative n’est pas modifiée par rapport à la prévision révisée et atteint 14,2 milliards d’euros.

La moins-value de 200 millions d’euros attendue par rapport à la prévision de la première loi de finance rectificative pour 2014 résulte de la révision à la baisse des recettes d’intérêts des prêts aux banques et aux États étrangers pour 400 millions d’euros et de la diminution attendue du produit des amendes pour 100 millions d’euros, des baisses partiellement compensées par une hausse de 200 millions d’euros du reversement attendu de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) et par une réévaluation du produit des dividendes du portefeuille de l’État pour 100 millions d’euros.

Les dividendes et recettes assimilées sont toujours attendus à 6 milliards d’euros en 2014. La Rapporteure générale souligne toutefois que les annonces de cessions pour 5 milliards d’euros inscrites en projet de loi de finances pour 2015, et peut-être au-delà si on en croit les différentes expressions publiques, destinées pour 4 milliards d’euros au désendettement devraient amoindrir à l’avenir les montants des dividendes.

A. L’ÉVOLUTION MAÎTRISÉE DES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT AU COURS DE L’EXERCICE 2014

Le présent projet de loi de finances rectificative propose une série d’ouvertures et d’annulations de crédits sur les dépenses du budget général visant à :

– répondre aux dépassements constatés en fin de gestion sur certains postes de dépenses, qui se concentrent au titre de l’exercice 2014 sur le budget général ;

– réduire, en contrepartie, les crédits alloués à d’autres dépenses du budget général, principalement par le biais de l’annulation d’une partie des crédits de la réserve de précaution constituée en début d’exercice ;

– assurer le respect, au travers de deux catégories de mesures, de la trajectoire des dépenses publiques au titre de 2014 et sécuriser ainsi les prévisions de dépenses pour les années 2015 à 2017.

Ce projet de loi de finances rectificative a donc pour objet de traduire le plus sincèrement possible le niveau des dépenses de l’État pour l’exercice 2014. Il doit permettre, en ce sens, d’identifier les efforts réalisés en cours d’année pour tenir les objectifs de dépenses fixés en loi de finances initiale (LFI), les écarts de dépenses par rapport à l’exercice de 2013 et les économies nécessaires à la poursuite des objectifs de dépenses prévus par le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 actuellement en cours d’examen.

Au regard de ces enjeux, il est nécessaire de pouvoir apprécier l’impact cumulé des différents mouvements ayant affecté le budget général de l’État en cours d’année :

– en première loi de finances rectificative (LFR) pour 2014 (10) ;

– au travers du décret d’avance du 7 octobre dernier et du projet de décret d’avance notifié le 19 novembre à la commission des Finances de l’Assemblée nationale (avis rendu le 26 novembre 2014) ;

– dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2014.

À ce titre, la Rapporteure générale souhaiterait faire deux remarques sur les informations accompagnant ce projet de loi.

En premier lieu, il serait souhaitable que l’exposé des motifs présente un tableau récapitulatif de l’évolution des crédits des missions du budget général sur l’exercice 2014 afin de permettre à la Représentation nationale d’apprécier le détail des modifications intervenues en cours d’année.

En second lieu, les tableaux synthétiques proposés dans l’exposé des motifs présentent chacun une grille de lecture différente des mouvements de crédits proposés par le présent projet de loi de finances rectificative et le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre : les ouvertures de crédits sont réparties par destination de dépenses, les annulations de crédits par ministères et les redéploiements de crédits au sein du programme d’investissements d’avenir (PIA) par missions et programmes. Si chacune de ces grilles présente un intérêt certain, l’hétérogénéité de leur présentation ne simplifie pas la lecture des documents budgétaires.

1. Une augmentation des dépenses publiques limitée à 16 milliards d’euros en 2014

En 2014, la dépense publique n’augmente que de 1,4 % en valeur hors crédits d’impôt et de 2,3 % y compris crédits d’impôt (11). Pour rappel, cette augmentation avait été de 2 % hors crédits d’impôt en 2013, soit la plus faible observée depuis 1998, et de 3 % en 2012.

La croissance annuelle de la dépense publique pour 2014 serait donc limitée à 16 milliards d’euros, soit un montant moitié moins important que celui observé au cours des années 2002 à 2012 (+ 35 milliards d’euros en moyenne annuelle).

Ce montant est conforme aux prévisions du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, en cours d’examen, qui fixe les objectifs d’évolution de la dépense publique comme suit :

TAUX DE CROISSANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES EN VALEUR

(en %)

Année

2014

2015

2016

2017

Administrations publiques, y compris crédits d’impôt

2,3

1,6

2,0

2,0

Dont administrations publiques centrales, y compris crédits d’impôt

2,6

1,4

1,1

0,8

Administrations publiques, hors crédits d’impôt

1,4

1,1

1,9

1,8

Dont :
– administrations publiques centrales, hors crédits d’impôt

0,4

0,3

0,8

0,4

– administrations publiques locales

1,2

0,3

1,8

1,9

– administrations de sécurité sociale

2,3

0,8

2,1

2,3

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Cette progression historiquement faible de la dépense publique repose notamment sur les efforts réalisés par les administrations publiques centrales, parmi lesquelles l’État consent aux économies les plus importantes. Les dépenses des ministères diminueraient ainsi de 2 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2014.

Les collectivités territoriales sont également incitées à maîtriser leurs dépenses par la réduction de 1,5 milliard d’euros des dotations de l’État, de même que les administrations de sécurité sociale au travers de la fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à 2,4 %.

CONTRIBUTION DES SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
À LA CROISSANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VALEUR

(en points de contribution)

Année

2013

2014

2015

APU (hors crédits d’impôts)

2,0

1,4

1,1

Dont :

     

État

– 0,1

– 0,1

0,2

État y compris crédits d’impôt

0,8

0,7

ODAC

0,2

0,2

0,2

APUL

0,7

0,2

0

ASSO

1,0

1,0

0,7

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2015 et réponses au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES PAR SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATIONS
PUBLIQUES EN VALEUR, HORS CRÉDITS D’IMPÔT

(en %)

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019.

1. L’évolution des dépenses de l’État en 2014

a. L’évolution globale des dépenses de l’État au cours de l’année

Comme mentionné précédemment, le tableau suivant permet de constater une baisse de 2 milliards d’euros entre la loi de finances pour 2014 et la prévision d’exécution pour 2014 sur les dépenses du budget général de l’État contenues sous la norme en « zéro valeur » (soit hors programme Charge de la dette et trésorerie de l’État et compte d’affectation spéciale Pensions). Cette baisse est principalement liée aux mesures adoptées dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2014 qui avaient conduit à l’annulation de 1,6 milliard d’euros de crédits, répartis sur les crédits hors réserve de précaution pour un milliard d’euros et sur les crédits de la réserve de précaution pour 600 millions d’euros

Par ailleurs, le montant total des dépenses de l’État comprises sous la norme « zéro volume » (soit y compris le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État et le compte d’affectation spéciale Pensions) diminue de 5 milliards d’euros, notamment du fait d’une réduction de 3,4 milliards d’euros de la charge de la dette liée à la révision à la baisse des taux d’intérêt applicables aux émissions d’emprunt de l’État en fin d’année 2014 (voir infra).

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’ÉTAT DE L’EXÉCUTION 2012 AUX PRÉVISIONS 2014

(en milliards d’euros)

Dépenses

Exécution 2012 (format 2013)

Exécution 2013

LFI 2014

LFR1

Norme de dépense

Prévision d’exécution

fin 2014

Écart
à la norme

Écart
à la LFI

Dépenses du budget général, hors dette et pensions *

198,18

197,97

199,0

– 1,6

197,4

197,0

– 0,4

– 2,0

Prélèvement sur recettes

74,63

76,22

74,4

 

74,4

74,8

0,4

0,4

Prélèvement sur recettes Collectivités territoriales

55,58

55,56

54,2

 

54,2

54,4

0,1

0,1

PSR Union européenne

19,05

20,66

20,2

 

20,2

20,4

0,2

0,2

Plafond des ressources affectées aux opérateurs et organismes divers chargés de missions de service public

5,25

5,06

5,1

 

5,1

5,1

0,0

0,0

Total des dépenses de l’État, hors charge de la dette et pensions *

278,06

279,25

278,5

– 1,6

276,9

276,9

0,0

– 1,6

Charge de la dette

46,30

44,89

46,7

– 1,8

44,9

43,3

– 1,6

– 3,4

Contributions au CAS Pensions

42,43

43,94

45,4

0

45,4

45,4

0,0

0,0

Total des dépenses de l’État, y compris charge de la dette et pensions *

366,79

368,07

370,6

– 3,4

367,2

365,6

– 1,6

– 5,0

* Hors dotations du 2e programme d’investissement d’avenir et au Mécanisme européen de stabilité

Source : présent projet de loi de finances rectificative et rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2013, mai 2014.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement propose des mouvements de crédits visant à répondre aux dépassements importants constatés sur certaines dépenses des missions du budget général liées notamment :

– aux refus d’apurement par la Commission européenne des aides versées par l’État au titre de la politique agricole commune (PAC) (+ 400 millions d’euros) ;

– aux dépenses de prestations sociales (+ 550 millions d’euros) ;

– aux surcoûts des opérations extérieures (OPEX) du ministère de la défense (+ 600 millions d’euros) ;

– aux dépenses de masse salariale, hors OPEX (+ 540 millions d’euros).

La Rapporteure générale souligne que, contrairement à l’année 2013, l’exécution des prélèvements sur recettes, notamment à destination de l’Union européenne, devrait être davantage conforme aux prévisions. Toutefois, le Gouvernement indique, dans l’exposé des motifs du présent projet de loi de finances rectificative, que, si ces prélèvements ont été légèrement réévalués à la hausse par rapport à la loi de finances pour 2014 (+ 400 millions d’euros contre + 1,1 milliard en 2013 par rapport à la loi de finances pour 2013), « cette estimation n’intègre pas les effets des corrections proposées mi-octobre par la Commission européenne et qui pourraient se traduire par une évolution de la contribution de la France(…). Si un impact sur l’année 2014 devait être confirmé en cours de débat, le Gouvernement proposerait au Parlement de prendre en compte ces informations nouvelles par voie d’amendement ». À la date de la rédaction du présent rapport, la Rapporteure générale n’a reçu aucun élément d’information complémentaire permettant d’anticiper une majoration de ces prélèvements pour l’exercice 2014.

Ces principaux dépassements sont compensés par une annulation de 1,5 milliard d’euros sur la réserve de précaution (contre 2,3 milliards d’euros en 2013) ainsi que par une nouvelle baisse de la charge de la dette constatée entre la première loi de finances rectificative pour 2014 et le présent projet de loi de 1,6 milliard d’euros, soit une baisse totale de la charge de la dette de 3,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2014. Ces mouvements et le solde prévisionnel pour 2014 sont détaillés dans la partie III du présent exposé général.

a. Le redéploiement des crédits inscrits sur le deuxième programme d’investissement d’avenir

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit un redéploiement des crédits du deuxième PIA à hauteur de 562 millions d’euros en faveur :

– du programme 402 Excellence technologique des industries de défense de la mission Défense pour un montant de 250 millions d’euros, conformément à l’engagement pris en première LFR pour 2014 (voir infra) ;

– du programme 406 Innovation de la mission Économie pour un montant de 192 millions d’euros destinés à soutenir le programme « Nano 2017 » ;

– du programme 154 Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales à hauteur de 120 millions d’euros.

Ces ouvertures sont compensées par des annulations à due concurrence sur d’autres programmes présentées dans le tableau suivant.

REDÉPLOIEMENT DES CRÉDITS DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENT D’AVENIR

(en millions d’euros)

Mission

Programme

Ouvertures

Annulations

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

154 – Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires

120

Défense

402 – Excellence technologique des industries de défense

250

Économie

406 – Innovation

192

Direction de l’action du Gouvernement

401 – Transition numérique de l’État et modernisation de l’action publique

– 24

Écologie, développement et mobilité durables

403 – Innovation pour la transition écologique et énergétique

– 100

Écologie, développement et mobilité durables

414 – Ville et territoires durables

– 46

Enseignement scolaire

408 – Internats de la réussite

 

– 12

Recherche et enseignement supérieur

409 – Écosystèmes d’excellence

– 129

Recherche et enseignement supérieur

410 – Recherche dans le domaine de l’aéronautique

– 212

Sport, jeunesse et vie associative

411 – Projets innovants en faveur de la jeunesse

– 16

Travail et emploi

412 – Formation et mutations économiques

– 24

TOTAL PIA

562

– 562

Source : projet de loi de finances rectificative pour 2014.

La Rapporteure générale regrette que l’information sur ces mouvements de crédits soit trop peu détaillée pour apprécier l’utilisation qui sera faite des crédits ouverts sur ces programmes ainsi que les modalités de répartition des annulations sur les autres programmes.

Pour rappel, le deuxième PIA, voté en loi de finances initiale pour 2014, pour un montant de 12 milliards d’euros a succédé au premier programme adopté par la première loi de finances rectificative pour 2010 dont le montant était de 35 milliards d’euros (12).

Fin 2013, 28,7 milliards d’euros avaient été engagés au titre du premier PIA. En juillet 2014, ces engagements représentaient 32,1 milliards d’euros, dont 1,8 milliards d’euros au titre des engagements liés à la partie Défense du PIA 2.

Ces engagements ont donné lieu à la conclusion de contrats au titre de projets portés par les opérateurs de l’État dont le montant global s’élevait à 25,8 milliards d’euros en juillet 2014.

RÉCAPITULATIF DES MONTANTS ENGAGÉS ET CONTRACTUALISÉS

(en millions)

Source : Rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir annexé au projet de loi de finances pour 2015.

Les décaissements au titre de la mise en œuvre de ces projets atteignent quant à eux 8,7 milliards d’euros.

MONTANT CUMULÉ DES DÉCAISSEMENT RÉALISÉS SUR LA PÉRIODE 2010 À 2014

(en millions d’euros)

Source : Rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir annexé au projet de loi de finances pour 2015.

a. L’évolution de la réserve de précaution

La mise en réserve de crédits permet de constituer une marge de précaution pour appliquer, en cours de gestion, le principe dit « d’auto-assurance », en vertu duquel les dépenses imprévues sont financées par un redéploiement de crédits au sein de la même mission, ou réaliser des économies supplémentaires.

En 2014, le taux de mise en réserve initiale était fixé à 0,5 % des crédits de dépenses de personnel (titre 2) et à 7 % des crédits des autres dépenses.

ÉVOLUTION DU TAUX DE MISE EN RÉSERVE

Taux

PLF 2012

PLF 2013

PLF 2014

PLF 2015

Taux de mise en réserve des crédits hors titre 2

5 %

6 %

7 %

8 %

Taux de mise en réserve des crédits du titre 2

0,5 %

0,5 %

0,5 %

0,5 %

Montant de la réserve en début d’exercice (en milliards d’euros)

5,8

6,5

7,5

8

La gestion de la réserve de précaution a été particulièrement prudente au titre de l’exercice 2014. Sur les 7,5 milliards d’euros de crédits « gelés » en début d’exercice, seuls 700 millions d’euros ont été « dégelés » en cours de gestion à la fin octobre, venant s’ajouter aux 600 millions d’euros de crédits annulés sur la réserve par la première loi de finances rectificative pour 2014.

Par conséquent, la réserve de précaution représente actuellement 6,2 milliards d’euros sur lesquels il est proposé, par le présent projet de loi de finances rectificative, d’annuler près de 1,5 milliard d’euros pour compenser les dépassements conduisant à des ouvertures de crédits sur certains postes de dépenses.

ÉVOLUTION DE LA RÉSERVE AU COURS DE L’EXERCICE 2014

(en millions d’euros)

 

Réserve initiale

Dégel (-) / Surgel (+) réalisé

Annulée en LFR1 juin 2014 + décret d’avance (DA) septembre

Réserve actuelle 20/11

Annulée en DA/LFR de fin de gestion

Réserve après DA/LFR

Montant (en millions d’euros)

7 508

–1 182

– 690,5

5 636

– 1 396

4 241

En % de la réserve initiale

100

– 15,7

– 9,2

7

– 18,6

56

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

a. L’évolution de la charge de la dette

Selon les dernières estimations disponibles pour 2014, la dette de l’État représente 1 511 milliards d’euros en 2014, soit 73,4 milliards d’euros qu’en 2013 (+ 5 %), dont 69 au titre des encours en bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) et obligations assimilables du Trésor (OAT) (13).

ÉVOLUTION DE L’ENCOURS DE LA DETTE NÉGOCIABLE

(en milliards d’euros)

Type de dette

fin 2009

fin 2010

fin 2011

fin 2012

fin 2013

fin 2014
(estimation)

fin 2015
(prévision)

Ensemble de la dette – valeur nominale

1 133,5

1 212,3

1 293,9

1 365,5

1 437,6

1 511

1 581,9

OAT et BTAN

919,4

1 025,2

1 116,1

1 198,9

1 263,8

1 333

1 403,9

BTF

214,1

187,1

177,8

166,6

173,8

178

178,0

Supplément d’indexation à la date considérée

14,5

16,7

19,1

20,7

19,6

20,8

20,9

variation d’une année à l’autre

– 

+ 78,8

+ 81,6

+ 71,6

+ 72,1

+ 73,4

+ 70,9

Ensemble de la dette – valeur actualisée *

1 148

1 229

1 313

1 386,2

1 457,2

1 531,8

1 602,8

variation d’une année à l’autre

+ 131,4

+ 81,0

+ 84,0

+ 73,2

+ 71,0

+ 74,6

+ 71,0

* nominal pour les titres à taux fixe ; nominal + supplément d’indexation à la date considérée pour les titres indexés.

Source : projet annuel de performances de la mission Engagements financiers de l’État.

Comme pour les années passées, l’augmentation de l’encours de la dette n’a pas eu de conséquence sur le solde budgétaire puisque la charge de la dette a continué de diminuer, principalement du fait du maintien des taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas.

Après avoir régulièrement augmenté jusqu’en 2011, cette charge s’est stabilisée en valeur absolue en 2011 et 2012, puis a progressivement décru depuis 2013.

ÉVOLUTION DE LA CHARGE DE LA DETTE
SUR LA PÉRIODE 2009-2015

(en milliards d’euros)

Source : projet annuel de performances de la mission Engagements financiers de l’État, projets de loi de finances 2014 et 2005.

Compte tenu du caractère exogène des principaux éléments déterminant l’évolution des taux d’intérêt, la prévision relative à la charge de la dette présentée en loi de finances initiale pour 2014 est demeurée prudente en fixant le montant de cette charge à 46,6 milliards d’euros, au lieu de 44,8 milliards d’euros en exécution pour 2013.

Les taux s’étant maintenus à des niveaux inférieurs à ceux anticipés, cette estimation a été abaissée de 1,8 milliard d’euros en première loi de finances rectificative pour 2014. Dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, il est proposé de procéder à une nouvelle révision de la charge de la dette de 1,6 milliard d’euros, répartis à hauteur de 900 millions d’euros au titre des provisions pour indexation du capital des titres indexés et de 500 millions d’euros au titre de la charge des BTF (14), dont le taux, qui était proche de zéro lors de l’examen de la première loi de finances rectificative pour 2014, est désormais négatif.

RÉCAPITULATIF DES ESTIMATIONS DE BAISSE DE LA CHARGE
DE LA DETTE EN 2014

(en millions d’euros)

 

LFR 2014 (I)/LFI 2014

LFR 2014 (II)/LFI 2014

Quasi-stabilité de la charge des BTF (effet « taux »)

– 500

– 500

baisse des taux faisant plus que compenser la hausse des encours de moyen et long terme (effet « taux »)

– 300

– 180

Baisse de l’inflation (effet « inflation »)

– 1 000

– 900

Baisse des charges de reprises

0

Hausse des charges de trésorerie

0

30

Total

– 1 800

– 1 610

Source : commission des Finances.

La charge de la dette en 2014 devrait donc être inférieure de 3,4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale de cette même année.

ÉVOLUTION DE LA CHARGE TOTALE DE LA DETTE DE L’ÉTAT

(en millions d’euros)

Type de dette

2013

exécution

2014

LFI

2014

LFR

Charge de la dette négociable

BTF – intérêts

BTAN et OAT – intérêts nets

BTAN et OAT indexés – provision indexation

43 779

158

41 849

1 772

45 634

1 127

41 666

2 841

43 834

627

41 366

1 841

Charge des dettes reprises (nette) et autres charges

198

106

106

Dette totale

43 977

45 740

43 940

Trésorerie (charge nette)

rémunération des fonds « investissements d’avenir »

solde des autres dépenses et recettes

909

667

242

914

711

203

914

711

203

Charge totale

44 886

46 654

44 854

Source : commission des Finances.

Cette révision à la baisse entre la loi de finances initiale et la prévision d’exécution pour 2014 s’explique par :

– un « effet inflation » à hauteur de – 1,9 milliard d’euros ;

– un « effet taux » à hauteur de – 1,1 milliard d’euros, dont – 1 milliard d’euros pour les BTF du fait du maintien des taux courts à très bas niveau. En approche budgétaire, la charge nette des OAT et BTAN est plus sensible aux effets calendaires qu’à la variation des taux d’intérêt ;

– un « effet calendaire » à hauteur de – 0,4 milliard d’euros.

FACTEURS D’ÉVOLUTION DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT EN 2014

(en milliards d’euros)

 

LR 2013

LFI 2014

Évolution / 2013

 

LFR 2014

août

Évolution / LFI 2014

PLFR 2014

novembre

Évolution / LFI 2014

Charge nette de la dette négociable (OAT, BTAN et BTF)

44,0

45,7

1,7

 

43,9

– 1,8

42,4

– 3,3

dont effet « taux »

   

– 0,9

   

– 0,6

 

– 1,1

dette moyen/long terme (OAT et BTAN)

   

– 1,8

   

– 0,1

 

– 0,1

dette court terme (BTF)

   

0,9

   

– 0,5

 

– 1,0

dont effet « inflation » (OAT et BTAN)

   

1,0

   

– 1,0

 

– 1,9

dont effet « calendaire » (OAT et BTAN)

   

0,3

   

– 0,2

 

– 0,3

dont effet « volume »

   

1,3

   

0,0

 

0,0

dette moyen/long terme (OAT et BTAN)

   

1,3

   

0,0

 

0,0

dette court terme (BTF)

   

0,0

   

0,0

 

0,0

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

I. LES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS PROPOSÉES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE ET LE DÉCRET D’AVANCE DE FIN D’ANNÉE

A. SCHÉMA DE FIN DE GESTION 2014

Le schéma de fin de gestion pour 2014, qui repose sur le présent projet de loi de finances rectificative et le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre 2014, prévoit :

– des ouvertures nettes totales de 3,41 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,86 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) ;

– et des annulations nettes totales de 7,22 milliards d’euros en AE et de 6 milliards d’euros en CP.

Par conséquent, le solde des ouvertures et annulations nettes de crédits s’élève à – 3,8 milliards d’euros en AE et – 3,19 milliards d’euros en CP.

SYNTHÈSE DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS PROPOSÉS DANS LE SCHÉMA
DE FIN DE GESTION 2014

(en millions d’euros)

 

Ouvertures

Annulations

Solde net

 

Projet de décret d’avance notifié le 19 novembre 2014

Projet de loi de finances rectificative

Total

Projet de décret d’avance notifié le 19 novembre 2014

Projet de loi de finances rectificative

Total

AE nettes

1 734

1 679

3 413

1 734

5 483

7 217

– 3 804

CP nets

 1 269

1 591

2 860

 1 269

4 783

6 052

– 3 192

Hors mouvements sur la mission Remboursements et dégrèvements, pour laquelle sont prévues une ouverture de crédits de 164,5 millions d’euros et une annulation de 2 milliards d’euros en AE et CP, qui découlent des baisses de recettes présentées précédemment, et hors économies sur le programme Charge de la dette et Trésorerie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État
(– 1,6 milliard d’euros en CP), le solde des ouvertures et annulations nettes de crédits s’élève à – 1,92 milliard d’euros en AE et + 295,5 millions d’euros en CP. Ce résultat en CP s’explique par d’importants dépassements sur certains postes de dépenses du budget général de l’État.

SCHÉMA DE FIN DE GESTION HORS REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS ET HORS ÉCONOMIES SUR LA CHARGE DE LA DETTE

(en millions d’euros)

Crédits

annulations

ouvertures

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Projet de loi de finances rectificative

– 5 483

– 4 783

1 679

1 591

– 3 804

– 3 192

Remboursement et dégrèvement

2 052

2 052

– 164,5

– 164,5

1 887,5

1 887,5

Charge de la dette

0

1 600

0

0

0

1 600

Redéploiement des crédits du PIA

562

562

562

562

0

0

Projet de décret d’avance notifié 19 novembre 2014

– 1 734

– 1 269

1 734

1 269

0

0

Total des mouvements sur les missions du budget de l’État hors remboursements et dégrèvement et charge de la dette

– 5 165

– 2 400

3 248,5

2 695,5

– 1 916,5

+ 295,5

Le tableau infra rappelle les principaux mouvements de crédits impactant chacune des missions en distinguant les mouvements proposés par la première loi de finances rectificative, le décret d’avance du 7 octobre et le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre et le présent projet de loi de finances rectificative.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS
PAR MISSION AU TITRE DE 2014

(en millions d’euros)

Missions (hors CAS pensions, hors dette, hors PIA)

LFI 2014

LFR1 2014

Décret d’avance

7/10

Projet décret d’avance 18/11

LFR 2 2014

Total hors PIA

Écart / LFI 2014

PIA

Écart / LFI 2014 y compris PIA

Écart / LFI 2014 y compris PIA

(en %)

Action extérieure de l’État

2 801

– 40

0

– 31

2 730

– 71

0

– 2,5

Administration générale et territoriale de l’État

2 142

– 13

– 5

– 19

2 104

– 37

0

– 1,8

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 929

– 29

11

322

3 233

304

120

424

+ 14,5

Aide publique au développement

2 874

– 74

– 10

– 23

2 768

– 106

0

– 3,7

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 941

– 20

– 9

– 7

2 904

– 37

0

– 1,3

Conseil et contrôle de l’État

494

0

0

– 9

484

– 10

0

– 2,0

Culture

2 389

– 56

21

0

2 355

– 34

0

– 1,4

Défense

29 554

– 202

211

0

29 563

9

250

259

+ 0,9

Direction de l’action du Gouvernement

1 129

– 30

0

– 25

1 074

– 55

– 24

– 79

– 7,0

Écologie, développement et mobilité durables

7 139

– 68

– 91

– 21

6 960

– 180

– 146

– 326

– 4,6

Économie

1 728

– 28

0

– 21

1 678

– 50

192

142

+ 8,2

Égalité des territoires, logement et ville

7 888

– 60

28

54

92

8 002

114

0

+ 1,4

Engagements financiers de l’État

948

– 39

– 28

0

– 58

824

– 125

0

– 13,2

Enseignement scolaire

46 314

– 13

 

322

0

46 624

310

– 12

298

+ 0,6

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

8 697

– 81

0

– 86

8 529

– 167

0

– 1,9

Immigration, asile et intégration

659

– 10

0

57

706

47

0

+ 7,1

Justice

6 270

– 74

– 20

– 15

6 161

– 109

0

– 1,7

Médias, livre et industries culturelles

811

– 12

– 9

0

791

– 20

0

– 2,5

Outre-mer

2 009

– 6

0

– 22

1 980

– 28

0

– 1,4

Politique des territoires

316

– 13

0

– 24

280

– 36

0

– 11,5

Pouvoirs publics

990

0

0

0

990

0

0

0,0

Provisions

35

0

0

– 9

26

– 9

0

– 27,1

Relations avec les collectivités territoriales

2 711

– 51

0

0

2 660

– 51

0

– 1,9

Recherche et enseignement supérieur

25 726

– 400

– 263

– 3

25 060

– 666

– 340

– 1 006

– 3,9

Régimes sociaux et de retraite

6 513

– 15

8

0

6 506

– 7

0

– 0,1

Santé

1 295

– 48

0

144

1 391

96

0

+ 7,4

Sécurités

12 176

– 67

– 64

– 56

11 989

– 187

0

– 1,5

Solidarité, insertion et égalité des chances

13 647

– 15

0

162

13 793

146

0

+ 1,1

Sport, jeunesse et vie associative

446

– 7

0

– 9

431

– 16

– 16

– 32

– 7,1

Travail et emploi

10 783

– 128

– 157

– 42

10 456

– 328

– 24

– 352

– 3,3

Dépenses du budget général, hors dette, pensions, MES

204 355

– 1 600

296

203 051

– 1 304

0

Charge de la dette

46 654

– 1 800

– 1 600

43 254

– 3 400

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

Les missions ayant vu leurs crédits augmenter le plus par rapport à la loi de finances initiale, y compris PIA, sont donc la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ 14,5 %), la mission Économie (+ 8,2 %), la mission Immigration, asile et intégration (+ 7,1 %) et la mission Santé (+ 7,4 %).

En valeur absolue, les augmentations de crédits ont principalement bénéficié à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ 424 millions d’euros), la mission Enseignement scolaire (+ 298 millions d’euros) et à la mission Défense (+ 259 millions d’euros).

Au contraire, les missions connaissant les plus importantes annulations, y compris PIA, sont la mission Politique des territoires (– 11,5 %), la mission Direction de l’action du Gouvernement (– 7 %) et la mission Sport, jeunesse et vie associative (– 7,1%).

En valeur absolue, les annulations de crédits ont principalement concerné la mission Recherche et enseignement supérieur (– 1 milliard d’euros), la mission Travail et emploi (– 352 millions d’euros) et la mission Écologie, développement et mobilité durables (– 326 millions d’euros).

RÉCAPITULATIF DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS PAR MISSION

(en %)

Par ministère, les mouvements de crédits intervenus en 2014 se répartissent comme suit.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS PAR MINISTÈRE
AU TITRE DE 2014

(en millions d’euros)

Ministères (hors CAS, hors dette, hors PIA) 

LFI 2014

LFR1 2014

Décret d’avance 7/10

Projet décret d’avance 18/11

LFR 2 2014

Total hors PIA

Écart / LFI 2014

Pour mémoire

PIA

RP

Affaires étrangères
et développement international

4 566

– 91

0

– 54

4 421

– 144

0

0,08

Affaires sociales, santé et droits des femmes

14 917

– 63

0

307

15 161

244

0

0,04

Agriculture, agroalimentaire et forêt

4 314

– 34

20

319

4 618

304

120

0,03

Culture et communication

3 164

– 70

10

0

3 105

– 60

0

0,02

Décentralisation et fonction publique

2 422

– 46

0

– 11

2 365

– 57

0

0,00

Défense

32 584

– 354

201

0

32 431

– 153

250

0,00

Écologie, développement durable et énergie

13 487

– 114

– 110

– 21

13 243

– 244

– 312

0,00

Économie, industrie et numérique

1 865

– 51

– 41

4

1 777

– 88

192

0,01

Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

68 003

– 192

121

0

67 933

– 70

– 141

– 0,03

Finances et comptes publics

13 948

– 172

– 28

– 10

– 168

13 571

– 377

0

0,00

Intérieur

15 472

– 96

 

– 69

– 18

15 289

– 183

0

– 0,14

Justice

6 270

– 74

 

– 20

– 15

6 161

– 109

0

0,00

Logement, égalité des territoires et ruralité

7 888

– 60

28

54

92

8 002

114

– 46

0,00

Outre-mer

2 009

– 6

0

– 22

1 980

– 28

0

0,00

Services du Premier ministre

2 218

– 43

0

– 68

2 108

– 111

– 24

– 0,03

Travail, emploi et dialogue social

10 783

– 128

– 157

– 42

10 456

– 328

– 24

0,02

Ville, jeunesse et sports

446

– 7

0

– 9

431

– 16

– 16

0,00

Dépenses du budget général, hors dette, pensions, MES

204 355

– 1 600

0

0

296

203 051

– 1 304

0

0

Charge de la dette

46 654

– 1 800

– 1 600

43 254

– 3 400

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

A. PRÉSENTATION DES PRINCIPALES MODIFICATIONS DE CRÉDITS RÉSULTANT DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE ET DU DÉCRET D’AVANCE DE FIN D’ANNÉE

Sans examiner en détail chacun des mouvements de crédits proposés par le présent projet de loi de finances rectificative et le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre à a commission des Finances, la Rapporteure générale souhaite en rappeler les plus significatifs.

1. La mission Défense

a. Le redéploiement de 250 millions d’euros de PIA vers les opérateurs du ministère

Le présent projet de loi de finances rectificative propose de redéployer 250 millions d’euros supplémentaires du PIA vers la mission Défense afin de compléter un premier redéploiement de même montant adopté dans la première loi de finances rectificative pour 2014 et ainsi respecter l’engagement pris dans le cadre de la loi de programmation militaire (15) d’augmenter de 500 millions d’euros les crédits de la mission « afin de sécuriser la programmation des opérations d’armement jusqu’à la première actualisation de la programmation si la soutenabilité financière de la trajectoire des opérations d’investissement programmée par la présente loi apparaît compromise ».

CHRONIQUE DES DERNIÈRES MODIFICATIONS INTERVENUES SUR LES CRÉDITS
DE LA MISSION DÉFENSE














La Rapporteure générale rappelle toutefois qu’en première lecture du projet de loi de finances, l’Assemblée nationale a adopté, à l’initiative du Gouvernement, une nouvelle baisse de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur les crédits de la mission Défense afin de gager les augmentations de dépenses résultant de l’adoption d’amendements au cours de l’examen du texte par les députés.

En compensation, les autorisations de dépenses du compte d’affectation spéciale Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État sont majorées de 100 millions d’euros. Si cette recette exceptionnelle supplémentaire n’était pas atteinte, le Gouvernement s’est engagé à faire bénéficier le ministère de la défense d’un financement à due concurrence assuré par redéploiement au sein des PIA.

À la date de la rédaction du présent rapport, les crédits budgétaires de la mission s’établissent, pour 2015, à 29 milliards d’euros et les recettes exceptionnelles à 2,4 milliards d’euros.

a. L’ouverture de crédits pour le financement des opérations extérieures (OPEX) et de certaines dépenses de personnel par le décret d’avance

Le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre prévoit quant à lui l’ouverture de :

– 776,5 millions d’euros en AE et 766,5 millions d’euros en CP sur le programme Préparation et emploi des forces, dont 314,5 millions d’euros en AE et CP pour les dépenses de personnel ;

– 6,8 millions d’euros en AE et en CP sur le programme Équipement des forces pour les dépenses de personnel.

Les dépassements liés aux OPEX

Les surcoûts liés aux OPEX représentent 1 115 millions d’euros pour 2014, répartis à hauteur de :

– 450 millions d’euros sur la provision de la loi de finances initiale ;

– 54 millions d’euros sur des fonds de concours ;

– 611 millions d’euros sur des annulations de crédits ministériels.

Le tableau suivant détaille ce surcoût qui demeure toutefois inférieur à celui constaté en 2013 (+ 1 250 millions d’euros).

ÉVOLUTION DES SURCOÛTS LIÉS AUX OPEX DE 2003 À 2014

(en millions d’euros)

                       

Exécution

Prévision

 

2003*

2004*

2005*

2006*

2007

2008

2009

2010

2011

2012

 

2013

2014

Surcoûts totaux des OPEX

629

605

528

579

663

833

870

860

1 171

873

 

1 250

1115

dont titre 2

       

336

360

350

330

379

312

 

342

319

dont hors titre 2

       

327

473

520

530

792

561

 

909

796

Provision LFI

24

24

100

175

360

460

510

570

630

630

 

630

450

Couverture par décret d’avance

400

540

421

453

273

221

228

247

462

187

 

578

611

Couverture en LFR

20

 

Réouverture en LFR de fin d’année (*)

400

495

0

269

0

0

223

247

0

0

 

0

0

Fonds de concours (remboursements ONU)

   

9

6

15

34

65

50

79

56

 

47

54

Surcoûts non remboursés

205

86

419

129

272,5 **

159 **

73

– 7

0

0

 

0

0


Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

Les surcoûts constatés pour 2014 relèvent principalement du lancement de nouvelles opérations en Centrafrique (opération « Sangaris » fin 2013) et dans la bande sahélo-saharienne.

ÉVOLUTION DES COÛTS PAR THÉÂTRE D’OPÉRATIONS
EN 2013 ET 2014

Théâtres

Effectifs 2013

Effectifs 2014

Dépenses 2013

(en millions d’euros)

Dépenses 2014

(en millions d’euros)

Centrafrique

524

2 456

27

245

Mali

4 561

2 417

650

296

Tchad

874

1 161

106

188

Côte-d’Ivoire

792

770

61

61

Liban

886

894

56

56

Atalante

308

214

19

14

Kosovo

315

106

33

19

Afghanistan

1 125

653

250

132

Autres OPEX

273

257

48

106

TOTAL

9 658

8 928

1 250

1 115

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

Les ouvertures les plus urgentes au titre de ces opérations, prévues par décret d’avance, hors dépenses de personnel, représentent 462 millions d’euros en AE et 452 millions d’euros en CP.

Une partie importante de ces ouvertures est gagée par des annulations sur les crédits de la Défense dont :

– 405 millions d’euros en AE et 478 millions d’euros en CP sur le programme Équipement des forces ;

– 129,7 millions d’euros en AE et 37,7 millions d’euros en CP sur le programme Soutien de la politique de la défense.

Par ailleurs, le décret d’avance prévoit également 148,6 millions d’euros supplémentaires en AE et en CP au titre des dépenses de personnel liées à ces opérations.

Les dépassements liés aux dépenses de personnel

Hors OPEX, ces dépassements sont principalement liés aux défaillances du calculateur de solde Louvois et se traduisent par l’ouverture de 160 millions d’euros supplémentaires en AE et en CP.

La Rapporteure générale juge ce montant élevé et formule le vœu qu’une amélioration dans la gestion de ces défaillances puisse rapidement être apportée.

1. La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales bénéficie d’une ouverture de 443,2 millions d’euros en AE et de 472,7 millions d’euros en CP qui visent à financer deux postes de dépenses distincts selon la répartition présentée dans le tableau suivant.

DÉCOMPOSITION DES OUVERTURES DE CRÉDITS AU TITRE DE LA MISSION

(en millions d’euros)

Motif d’ouvertures

AE

CP

Refus d’apurement des aides versées au titre de la PAC

323,2

352,7

Redéploiement de crédits du PIA

120

120

Total

443,3

472,7

a. Le financement par le budget général des refus d’apurement des aides versées au titre de la politique agricole commune

Les ouvertures proposées au titre de la prise en charge par le budget général de l’État des refus d’apurement de conformité par la Commission européenne des aides versées au titre de la PAC atteignent 323,2 millions d’euros en AE et 352,7 millions d’euros en CP (16).

Ce poste de dépense a fortement augmenté par rapport à l’exercice 2013 (+ 87 %) pour lequel le montant exigible au titre de ces refus en 2013 s’élevait à 45 millions d’euros dont 41,8 millions d’euros au titre de l’apurement de conformité et 3,2 millions d’euros au titre de l’apurement comptable de l’exercice 2012.

Toutefois, le faible montant de cette dépense en 2013 ne représente qu’une partie du montant des refus d’apurement notifié par la Commission pour 2013, soit 197,5 millions d’euros. Cette notification ayant été trop tardive pour que la totalité de ce montant soit prise en compte au titre de 2013, la majeure partie vient donc majorer les dépenses résultant des refus d’apurement pour 2014 (soit 152 millions d’euros).

Pour 2014, selon le Gouvernement (17) et la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l’État en 2013 (18), les montants des refus d’apurement seraient supérieurs à 400 millions d’euros.

En effet, les deux refus d’apurement les plus importants au titre de l’exercice 2014 seraient liés pour :

− 141 millions d’euros au titre de la conditionnalité pour les années 2007 à 2009, la Commission jugeant les contrôles de certaines obligations inefficaces et la mise en œuvre de réductions ou de sanctions insuffisante ;

− 238 millions au titre de défaillance dans le respect de la réglementation communautaire au titre des programmes de revalorisation des droits à paiement unique de 2006 à 2008.

Les autres refus d’apurement atteindraient quant à eux 46,5 millions d’euros, soit un total de 425,5 millions d’euros.

Selon le Gouvernement, au-delà des 352 millions d’euros de crédits supplémentaires ouverts par le présent projet de loi, des économies réalisées en interne à hauteur 70 millions d’euros doivent permettre de compléter le financement de cette dépense supplémentaire.

La Rapporteure générale souligne n’avoir pas reçu d’éléments complémentaires précis sur l’enjeu budgétaire que représenteraient les refus d’apurement pour les années suivantes, ces montants étant difficilement évaluables ex ante.

À ce titre, la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l’État en 2013 soulignait que « les sommes encore en discussion avec la commission à ce titre et susceptibles d’avoir un impact budgétaire sur l’exercice 2014 s’élèvent à 1,4 milliard d’euros et celles en discussion susceptibles d’avoir un impact sur l’exercice 2015 sont du même ordre de grandeur ».

a. Le redéploiement des crédits du PIA

Le Gouvernement prévoit l’ouverture de 120 millions d’euros supplémentaires sur la présente mission au titre du soutien à l’innovation et au développement d’une nouvelle offre alimentaire française en vue notamment d’en réduire l’impact environnemental.

1. Les autres mouvements significatifs sur les missions du budget de l’État

Le tableau suivant présente succinctement les autres mouvements de crédits significatifs prévus par le présent projet de loi de finances rectificative et le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre 2014.

Mission

Mouvements de crédits prévus par le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre

Mouvements de crédits prévus par le présent PLFR 2014

Écologie, développement et mobilité durable

–91 millions d’euros : mesures de gage d’ouvertures de crédits portant principalement sur des crédits mis en réserve

– 21 millions de crédits budgétaires (CB) : principalement liés au moindre coût des plans de prévention des risques technologiques

– 146 millions d’euros : principalement redéploiement des crédits du PIA faveur de la mission Économie

Économie

– 21 millions d’euros de CB : crédits devenus sans emploi

+ 192 millions d’euros de PIA : financement du dispositif « Nano 2017 » dans le cadre du financement national du programme grenoblois de soutien aux nanotechnologies sur la période 2015-2017

Enseignement scolaire

+ 322 millions d’euros : dépenses de personnel résultant d’ajustement techniques

– 12 millions d’euros : redéploiement des crédits du PIA de crédit en faveur de la mission Économie

Recherche et enseignement supérieur

–263 millions d’euros : mesures de gage d’ouvertures de crédits sur des crédits mis en réserve ou devenus sans emploi.

– 340 millions d’euros : redéploiement des crédits du PIA

Santé

+ 144 millions d’euros de CB : besoins supplémentaires au titre de l’aide médicale de l’État

Travail et emploi

– 157 millions d’euros : sous-exécution des dépenses liées aux contrats de génération

– 42 millions de CB : sous-exécution des dépenses liées aux contrats de génération

– 24 millions d’euros : redéploiement des crédits du PIA de crédit en faveur de la mission Économie

La Rapporteure générale souhaiterait apporter quelques précisions supplémentaires sur les annulations de crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur. Ces annulations ont trois sources différentes, comme le montre le tableau suivant.

RÉPARTITION DES ANNULATIONS DE CRÉDITS
SUR LA MISSION RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

 

AE

CP

Annulations liées au redéploiement PIA

– 340

– 340

Annulations programme Défense (P191)

– 132

– 132

Autres annulations

– 366

– 537

Total annulations sur la mission au cours de l’exercice 2014

– 838

– 1 009

Source : ministère des finances.

Les annulations portant sur les crédits budgétaires destinées à la recherche, hors programme de recherche du ministère de la défense, représentent donc 537 millions d’euros en crédits de paiement, soit un montant inférieur à la mise en réserve initiale appliquée aux programmes sur lesquels ces annulations sont intervenues (593 millions d’euros).

a. Les principaux mouvements relatifs aux comptes spéciaux

Par ailleurs, les mouvements affectant les comptes spéciaux dans le présent projet de loi de finances rectificative découlent :

– de l’annulation de 108,9 millions d’euros en AE et CP à la suite de la révision à la baisse des prévisions de dépenses liées à la CVAE (à l’instar de la compensation du dégrèvement barémique) du fait du faible niveau de recettes constaté en 2013 par rapport au niveau prévu en loi de finances pour 2014 entraînant une moindre compensation ;

– du report du traitement en Club de Paris de la dette du Soudan pour le programme Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France du compte d’affectation spéciale Prêts à des États étrangers pour un montant de 515,89 millions d’euros en AE et CP ;

– de l’annulation du reliquat des crédits disponibles au titre des prêts bilatéraux à la Grèce d’un montant de 5,4 milliards d’euros en AE sur le programme Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro du même compte.

Les annulations prévues par le présent projet de loi représentent donc au total 6 milliards d’euros en AE et 624,8 millions d’euros en CP.

S’ajoute à ces mouvements une révision à la hausse 445 millions d’euros du solde du compte de concours financiers Prêt à des États étrangers, du fait du report d’une opération de refinancement d’un État étranger.

Au total, ces mouvements améliorent donc le solde de 1 070 millions d’euros en CP. Celui-ci passe ainsi de – 1 milliard d’euros en loi de finances initiale à + 40 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances rectificative.

a. Le bilan de l’exécution des plafonds d’autorisations d’emplois de l’État par ministère et par opérateurs

Conformément aux demandes qui lui avaient été adressées par certains commissaires des Finances, le Gouvernement a précisé le niveau d’exécution des plafonds d’autorisations d’emplois rémunérés par l’État.

Le Gouvernement indique ainsi que le principal écart, qui concerne le ministère de l’enseignement supérieur, s’explique par le transfert de la masse salariale de l’État vers les universités accédant à l’autonomie.

PRÉSENTATION EN EXÉCUTION DES PLAFONDS D’EMPLOIS PAR MINISTÈRES

(en ETPT)

Ministère

2011

2011

écart LFI/LFR

(en %)

2012

2012

écart LFI/LFR

(en %)

2013

2013

écart LFI/LFR

(en %)

(LFI)

(RAP)

 

(LFI)

(RAP)

 

(LFI)

(RAP)

 

Affaires étrangères

15 402

14 888

– 3,34

15 024

14 552

– 3,14

14 798

14 306

– 3,32

Affaires sociales et santé

12 326

11 967

– 2,91

11 283

10 895

– 3,44

11 157

10 726

– 3,86

Agriculture, agroalimentaire et forêt

32 420

32 361

– 0,18

31 653

31 723

0,22

31 007

31 085

0,25

Culture et communication

11 124

10 923

– 1,81

10 995

10 773

– 2,02

10 928

10 758

– 1,56

Défense

301 341

296 653

– 1,56

293 198

287 640

– 1,90

285 253

277 943

– 2,56

Écologie, développement durable, énergie

61 885

61 420

– 0,75

59 566

58 873

– 1,16

52 392

51 536

– 1,63

Économie, redressement productif et numérique

7 106

6 592

– 7,23

6 927

6 808

– 1,72

6 509

6 320

– 2,90

Éducation nationale

968 184

958 979

– 0,95

953 353

945 694

– 0,80

955 434

944 396

– 1,16

Enseignement supérieur et recherche

24 485

22 234

– 9,19

17 298

12 414

– 28,23

11 253

8 526

– 24,23

Finances et comptes publics

149 704

147 417

– 1,53

146 573

143 804

– 1,89

144 982

141 676

– 2,28

Intérieur

278 978

276 161

– 1,01

275 608

274 608

– 0,36

277 008

274 671

– 0,84

Justice

76 025

75 089

– 1,23

76 887

75 526

– 1,77

77 542

75 833

– 2,20

Outre-mer

4 176

4 176

0,00

4 866

4 866

0,00

5 086

5 086

0,00

Services du premier ministre

9 109

8 776

– 3,66

9 375

8 946

– 4,58

9 640

9 272

– 3,82

Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

10 068

10 060

– 0,08

9 899

9 865

– 0,34

10 072

9 986

– 0,85

Total Budget général

962 333

1 937 696

101,35

1 922 505

1 896 987

– 1,33

1 903 061

1 872 121

– 1,63

BACEA

11 268

11 094

– 1,54

11 151

10 992

– 1,43

11 025

10 858

– 1,51

BAPOIA

850

787

– 7,41

834

760

– 8,87

835

735

– 11,98

Total Budgets annexes

12 118

11 881

– 1,96

11 985

11 752

– 1,94

11 860

11 593

– 2,25

Total État

1 974 451

1 949 577

– 1,26

1 934 490

1 908 739

– 1,33

1 914 921

1 883 713

– 1,63

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

Pour les opérateurs, le tableau suivant présente la synthèse des emplois des opérateurs sur 2011 à 2013 :

PRÉSENTATION EN EXÉCUTION DES PLAFONDS D’EMPLOIS
DES OPÉRATEURS

(en ETPT)

 

2011

2012

2013

LFI

366 245

373 518

385 601

RAP

356 003

362 662

370 487

Écart

– 10 242

– 10 856

– 15 114

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la Rapporteure générale.

L’augmentation des emplois sous plafond des opérateurs (+ 2 % entre 2011 et 2012 et + 3,2 % entre 2012 et 2013) s’explique essentiellement par le transfert de personnel en faveur des universités ainsi le transfert des services de navigation de l’État à Voies navigables de France (VNF).

AUDITION DE M. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS, ET DE M. CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2014

Au cours de sa séance du mercredi 12 novembre 2014, la Commission a entendu, en audition ouverte à la presse, M Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 (n° 2353).

M. Dominique Baert, président. Je souhaite la bienvenue aux ministres, que je remercie de se conformer à l’usage, aussi agréable qu’utile, consistant à présenter devant la commission des Finances les projets de loi de finances le jour même où ils ont été adoptés en Conseil des ministres.

Je tiens par ailleurs à excuser le président Gilles Carrez de son absence : frappé par un deuil familial, il ne peut présider la séance de ce matin.

Je vous informe également que la commission des Finances examinera ce texte le mercredi 26 novembre prochain. Il sera discuté en séance publique
les 1er, 2, 3 et 5 décembre suivants.

Enfin, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a adopté le 6 novembre son avis relatif à ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2014. Il l’a rendu public ce matin. Il est à votre disposition à l’entrée de la salle.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, madame la Rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d’année procède aux ajustements classiques de fin de gestion, tant sur la dépense de l’État que sur les prévisions de recettes.

S’il s’agit d’un exercice traditionnel, qui permet de prolonger l’action du Gouvernement dans des domaines d’intervention qu’il juge prioritaires, ce texte est également chaque année l’occasion de faire le point sur les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies pour l’année en cours – c’est particulièrement le cas aujourd’hui. Je tiens à souligner que, depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 2015, notre analyse est confortée dans tous ses aspects.

Le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont adopté des prévisions de croissance de 0,4 % pour la France en 2014. Celle de la Commission européenne est, quant à elle, légèrement inférieure : 0,3 %. Les différentes prévisions confirment également le scénario d’un maintien de l’inflation à des taux extrêmement faibles. Dans ce contexte de très faible croissance et de très faible inflation, le Gouvernement a maintenu dans ce PLFR les prévisions macroéconomiques qu’il avait retenues début septembre : une croissance de 0,4 % et une inflation hors tabac de 0,5 %.

Ces prévisions ont été qualifiées de « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis.

La prévision de déficit public reste, elle aussi, inchangée par rapport à celle que nous avions faite dès le milieu de l’été et qui a servi à préparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2015, à savoir 4,4 % du PIB. Elle est identique à celle de la Commission européenne. À ce moment de l’année, il subsiste naturellement d’importants aléas quant à l’évolution des finances publiques, concernant notamment le cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, la TVA, la dépense locale et celle des opérateurs. Toutefois, compte tenu des informations disponibles, cette estimation de 4,4 % reste la meilleure, même si elle ne constitue, à deux mois de la fin de l’exercice, qu’une prévision encore soumise à des incertitudes, face auxquelles la maîtrise de la dépense publique représente évidemment un point décisif.

Il est aujourd’hui prévu que la croissance de celle-ci, toutes administrations confondues, s’élèvera seulement à 1,4 % en 2014, contre 1,9 % en 2013. La dépense publique progresserait ainsi de 16 milliards d’euros, soit un rythme divisé par deux par rapport à la moyenne constatée entre 2002 et 2012.

Ce chiffre traduit la volonté du Gouvernement de faire respecter ses objectifs de dépense. Le PLFR met d’ailleurs en œuvre tous les moyens nécessaires à cette fin, en procédant aux traditionnels ajustements de fin de gestion, qui permettent de respecter l’autorisation de dépense donnée par le Parlement en début d’année.

Ce texte assure ainsi le respect du plafond de dépense – dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions – défini en loi de finances initiale et corrigé à la baisse en loi de finances rectificative au mois de juin dernier. Il sera complété par un décret d’avance qui permettra de faire face aux besoins de crédits les plus urgents et dont la ratification sera proposée au Parlement dans le cadre de l’examen du PLFR. Au total, la dépense de l’État hors charge de la dette et pensions devrait diminuer, en 2014, de 3,2 milliards d’euros par rapport à 2013.

La charge de la dette est en outre revue à la baisse, pour s’établir à 43,3 milliards d’euros. Cette révision et l’anticipation du maintien de bas niveaux de taux pour 2015 nous conduisent à réviser dans le même sens la prévision de la charge de la dette pour l’année prochaine, conformément à l’évolution des anticipations de marché. Une hypothèse prudente, retenant un taux moyen de 1,8 % en 2015, contre 1,2 % à l’heure actuelle et au lieu des 2,2 % prévus dans le PLF 2015, nous autorise à réduire de 400 millions d’euros la prévision de charge de la dette pour 2015.

Au-delà de ces mesures d’ajustement en dépenses, le présent PLFR est également l’occasion de prendre diverses mesures fiscales, comme il est d’usage en fin d’année.

Le Gouvernement entend ainsi procéder aux ajustements nécessaires dans certains domaines d’action prioritaires, en complétant et en amplifiant les mesures déjà décidées dans les précédents textes.

C’est le cas en matière de soutien au pouvoir d’achat des ménages. Dans le prolongement des mesures de diminution d’impôt en faveur des ménages les plus modestes, que vous avez votées en première lecture il y a deux semaines, ce texte marque la première étape d’une réforme globale des aides aux travailleurs modestes. Cette réforme, annoncée par le Président de la République, consistera à remplacer la prime pour l’emploi (PPE) par un dispositif d’aide mieux ciblé et plus incitatif. Le projet de loi supprime, à cet effet, la PPE à compter de 2016. Si cette suppression figure dans le présent texte plutôt que dans le projet de loi de finances pour 2016, c’est afin d’éviter toute rétroactivité fiscale. Le secrétaire d’État chargé du budget aura l’occasion, au cours du débat sur la suppression de la PPE, de présenter les grandes orientations de la réforme à venir.

Le logement est un autre chantier prioritaire en faveur duquel le Gouvernement a pris d’importantes mesures cet été et souhaite poursuivre son action. Comme vous le savez, la panne qu’a subie ce secteur est pour beaucoup dans le déficit de croissance que connaît notre pays. La réactivation du marché de l’immobilier et de la construction est donc une priorité pour relancer le secteur et faciliter l’accès des Français au logement.

C’est dans ce cadre que nous proposons, en particulier, de renforcer les incitations de nature à stimuler l’offre de logement dans les zones tendues, c’est-à-dire celles où il est difficile de se loger et où les prix sont très élevés. Ces mesures fiscales, dont le produit sera affecté aux seules collectivités territoriales, sont très ciblées et visent à favoriser la remise sur le marché de terrains constructibles ou de logements inoccupés dans les zones où le marché immobilier est le plus tendu.

Le principe est simple : la taxe annuelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale bénéficiera aux seules communes. Si une commune ne souhaite pas l’instituer, il suffira d’un vote du conseil municipal pour qu’elle ne soit pas applicable sur son territoire. L’État n’obligera donc aucune commune à la percevoir : toutefois, si l’une d’elles est confrontée à un problème de tension ou de spéculation sur le marché de l’immobilier, elle pourra appliquer aux résidences secondaires le relèvement exceptionnel de 20 % de la taxe d’habitation. Les personnes placées en établissement de soin de longue durée ou en maison de retraite, ainsi que les personnes contraintes de disposer d’un logement proche de l’endroit où elles exercent leur activité professionnelle, seront évidemment exonérées de cette majoration.

Dans les grandes villes, là où le prix de l’immobilier a flambé, on constate que trop de logements sont sous-utilisés, voire inoccupés, alors même que l’on n’arrive plus à s’y loger à des prix décents. Chacun a naturellement en tête l’exemple de Paris, qui compte autant de résidences secondaires peu ou pas utilisées que de demandeurs de logements sociaux qui ne réussissent pas à trouver une résidence principale dans la capitale, soit 170 000. Aussi convient-il de prévoir, dans de pareils cas, une incitation à orienter les logements existants vers l’usage de résidence principale. Chacun reconnaîtra qu’il s’agit là d’un besoin fondamental pour de nombreux ménages, notamment dans certaines communes comptant parmi les plus importantes.

Un autre domaine d’action où le Gouvernement a entendu prolonger son action est la lutte contre la fraude. Après y avoir consacré des mesures fortes dans les derniers textes budgétaires, il souhaite continuer dans la même direction.

L’enjeu est fondamental pour la vie quotidienne des Français comme pour l’autorité et l’efficacité de la puissance publique, d’autant que les résultats enregistrés en la matière constituent un encouragement supplémentaire à amplifier notre action.

Ce projet de loi nous offre l’occasion d’instaurer des dispositifs plus efficaces pour lutter contre trois procédés particuliers de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : les fraudes sur les marchés de véhicules d’occasion, celles réalisées par le biais de sociétés éphémères et celles relatives aux ventes sur internet. Nous complétons l’arsenal législatif afin que chacun acquitte ses obligations fiscales comme il le doit, mais d’autres mesures seront prises dans un cadre réglementaire – je pense en particulier à une mesure permettant d’assurer un traitement encore plus rapide des dossiers déposés pour régulariser les comptes à l’étranger, objectif dont on peut mesurer la popularité et le succès au nombre des dossiers actuellement déposés et aux millions d’euros qui entrent dans les caisses de l’État.

Enfin, le Gouvernement propose de supprimer la déductibilité de plusieurs contributions, qui vient compenser certains effets induits négatifs de l’activité des sociétés concernées. C’est notamment le cas des contributions des banques au Fonds de résolution bancaire unique, ainsi que de la taxe de risque systémique, dont la déductibilité est remise en cause dans un cadre qui maîtrise par ailleurs la pression fiscale globale sur le secteur.

Votre commission a déjà eu l’occasion de débattre du sujet dans le cadre de l’examen du PLF ; peut-être reprendrez-vous ce débat dans celui du présent PLFR. Il s’agit de traiter les banques françaises de la même manière que le sont les autres banques, notamment les banques allemandes, dont les contributions ne sont pas déductibles, dans le cadre de la montée en puissance, au cours des années à venir, de la contribution au Fonds de résolution bancaire unique, qui accompagne la mise en place de l’Union bancaire. C’est l’une des grandes avancées de ces dernières années vers la sécurisation du dispositif bancaire et la moralisation des modalités de soutien aux banques en difficulté.

Toutes ces mesures sont en outre de nature à améliorer l’équilibre des comptes publics.

Tels sont, dessinés à grands traits, les équilibres macroéconomiques et budgétaires du présent PLFR, dont certains éléments complètent le PLF pour 2015 qui devra être modifié en conséquence.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Après le discours très complet de Michel Sapin, je mettrai l’accent, pour ma part, sur la maîtrise de la dépense de l’État et de la dépense publique en général.

En adoptant la loi de finances rectificative de juillet dernier, vous avez fixé une autorisation de dépense, sur le périmètre de la norme en valeur, en diminution de 3,1 milliards d’euros par rapport à l’exécution de l’année 2013.

C’est cet objectif, révisé à 276,9 milliards d’euros hors charge de la dette et pensions, que le Gouvernement entend respecter – ce qui est très ambitieux et conduit inévitablement à une fin de gestion tendue.

Cet objectif sera toutefois atteint grâce au schéma de fin de gestion que vous propose le Gouvernement dans le cadre de ce PLFR, au décret d’avance qui vous sera envoyé pour avis, mesdames et messieurs les députés, la semaine prochaine, et du suivi très précis de la dépense effective dans l’ensemble des ministères, qui sera mené jusqu’aux derniers jours, voire jusqu’aux dernières heures de l’année.

Nous avons en effet mis en place, dès le début de l’année, les outils nécessaires au respect de la norme : les crédits mis en réserve s’élevaient à 7,5 milliards d’euros en début de gestion. La loi de finances rectificative votée cet été a procédé à des annulations portant principalement sur des « crédits frais », c’est-à-dire disponibles pour engagement et paiement, et 600 millions d’euros de crédits seulement ont été annulés sur la réserve de précaution. Enfin, le montant des dégels décidés pour faire face à des besoins urgents est limité à 700 millions d’euros. Au total, à la fin du mois d’octobre, la réserve encore disponible atteignait 6,2 milliards d’euros.

Or les aléas, en cette fin de gestion, sont encore nombreux concernant certaines dépenses. Après un exercice approfondi et contradictoire avec les ministères, le principe retenu est, naturellement, de couvrir ces aléas, dans la mesure du possible, par redéploiement à l’intérieur de chaque programme budgétaire concerné, puis, en cas d’absolue nécessité, par dégel de la réserve de précaution au cours du mois de novembre. Enfin, après ces deux étapes, il s’est révélé nécessaire de demander l’ouverture de crédits supplémentaires dans un certain nombre de cas, pour un montant total de 2,1 milliards d’euros. II s’agit notamment des refus d’apurements communautaires en matière agricole, pour 352 millions d’euros, des prestations sociales financées par l’État, qui augmentent du fait de la situation économique et sociale et pour lesquelles nous mobilisons les financements nécessaires, soit 556 millions d’euros au total, et des opérations extérieures, dont le coût est supérieur de 615 millions d’euros à la prévision de 450 millions d’euros contenue dans la loi de finances initiale pour 2014. Enfin, nous prévoyons que la masse salariale de deux ministères
– l’éducation nationale et la défense - dépassera de 540 millions d’euros le total des crédits ouverts, soit à peine plus de 1 % de ces derniers, qui s’élevaient à 52 milliards d’euros.

Pour assurer le financement de ces dépenses incontournables sans remettre en cause l’équilibre global des dépenses fixé par la LFR de cet été, nous procédons à un ensemble d’annulations de crédits d’un montant total de 1,8 milliard d’euros – sans compter l’économie de 1,6 milliard d’euros réalisée sur les charges de la dette. Le détail de ces annulations vous est présenté dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative.

Nous piloterons en outre finement la dépense effective en fin d’année, en fixant une cible d’exécution pour chaque programme. Cette approche est complémentaire des annulations. En effet, la dépense dépend non seulement du niveau des crédits votés, mais également du niveau des reports de crédits – de 2013 vers 2014 et de 2014 vers 2015 – et des ressources complémentaires, tels les fonds de concours et les attributions de produits.

En application du principe d’auto-assurance, les ministères connaissant des dépassements sont mis prioritairement à contribution pour gager ces surplus de dépenses. Le solde des annulations nécessaires est complété par une solidarité interministérielle.

Par ailleurs, sur le champ de la norme dite « zéro volume », en incluant dette et pensions, nous constatons une nouvelle économie de 1,6 milliard d’euros sur la charge de la dette, en raison notamment de taux d’intérêt historiquement bas – M. Sapin a précisé ce point, je n’y reviens pas.

Les modifications de crédits que le Gouvernement vous propose ainsi que le pilotage serré des dépenses permettront donc de respecter la norme de dépense.

Il reste pourtant des aléas jusqu’à la fin de l’année, en particulier quant au prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne. Comme vous le savez, la Commission européenne a proposé plusieurs budgets rectificatifs portant sur les contributions des États au budget communautaire, ce qui pourrait se traduire par une diminution substantielle de la contribution de la France. Il est toutefois possible que la Commission commence par notifier des corrections au titre des exercices antérieurs, qui viendraient augmenter le prélèvement sur les recettes de l’État pour 2014, les « bonnes nouvelles » n’étant constatées, le cas échéant, qu’en 2015.

Des négociations sur le sujet sont en cours entre les États membres et la Commission. Toutefois, le calendrier et le montant exact de ces corrections étant encore très incertains, le projet de loi n’intègre pas ces effets, que je porte à la connaissance de votre commission dans un souci de transparence. Si ces informations étaient connues dans les semaines qui viennent, le Gouvernement pourrait vous proposer de les intégrer par voie d’amendement au présent projet de loi de finances rectificative.

Ce texte ne modifie donc pas l’objectif de diminution de 3,1 milliards d’euros par rapport à 2013 de la dépense de l’État, qui résultait déjà de la loi de finances rectificative de l’été dernier.

Il ne modifie pas non plus la prévision d’évolution des dépenses de l’ensemble des administrations publiques, limitée à 1,4 % en valeur, inférieure à celle de 2013, qui était de 1,9 %. À titre de comparaison, entre 2002 et 2012, la dépense publique a progressé en moyenne, chaque année, de 35 milliards d’euros. Cette année, le rythme de progression de la dépense sera donc divisé par deux par rapport à ce qu’il était entre 2002 et 2012.

C’est donc un ralentissement marqué de la dépense publique que nous anticipons en 2014 : si nous augmentons certaines dépenses – hausse des minima sociaux, créations de postes dans l’éducation nationale ou la justice –, nous en diminuons d’autres. Une fois l’équilibre global réalisé, le constat est clair : nous pouvons à la fois maîtriser la dépense publique et financer nos priorités.

Au total, la prévision de déficit budgétaire est révisée à 88,2 milliards d’euros, et à 72,9 milliards d’euros hors dépenses exceptionnelles en faveur du nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) et du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Les recettes fiscales nettes sont en retrait de 6,1 milliards d’euros par rapport à la prévision de juillet, du fait principalement de l’impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée – nous vous avions clairement annoncé ces évolutions dès la présentation du PLF pour 2015.

Le produit de l’impôt sur le revenu est ainsi revu à la baisse de 2,9 milliards d’euros par rapport à la LFR de cet été : nous avons constaté, au moment de la deuxième émission, que les évolutions de certains revenus, en particulier des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values mobilières, étaient inférieures à la prévision et nous en avons tiré les conséquences.

Le produit de la TVA est, quant à lui, revu à la baisse de 2,2 milliards d’euros du fait de la dégradation du contexte économique : le rendement de cet impôt souffre en particulier de la faible inflation et du niveau dégradé de la construction immobilière.

Les prévisions de recettes que nous vous proposons nous paraissent prudentes : c’est évidemment en exécution, quand nous reviendrons vous voir dans le courant du mois de janvier, que nous pourrons faire le bilan de l’évolution des recettes en 2014.

Tels sont, rapidement évoqués, les principaux éléments de l’équilibre du budget de l’État pour 2014, tel que révisé par ce PLFR. J’insiste d’autant plus sur les aléas qui demeurent jusqu’à la fin de l’année, qu’on pourrait croire qu’à moins de deux mois de la clôture de l’exercice, il ne demeure plus aucune incertitude. C’est l’inverse qui est vrai : des aléas significatifs subsistent, à la hausse comme à la baisse. Nous actualiserions évidemment ces prévisions au cours du débat si des informations nouvelles nous parvenaient d’ici là.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Messieurs les ministres, à la suite de votre nouvelle lettre à la Commission européenne, vous serait-il possible de nous éclairer sur les points encore en discussion et sur ceux qui sont désormais figés ?

Vous avez annoncé des suppressions de crédits : à quoi correspondent exactement les annulations d’autorisations d’engagement à hauteur de 398 millions d’euros pour la mission Travail et emploi, de 343 millions d’euros pour la mission Recherche et enseignement supérieur et à hauteur de 346 millions d’euros pour la mission Écologie, développement et mobilité durables ?

A contrario, à quoi correspondent les autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes pour la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales à hauteur de 443 millions d’euros, pour la mission Défense à hauteur de 250 millions d’euros, pour la mission Économie à hauteur de 202 millions d’euros, et pour la mission Solidarité, insertion et égalité des chances à hauteur de 185 millions d’euros ?

Lors des Assises de la fiscalité agricole, le ministre de l’Agriculture avait annoncé des dispositions dans le cadre de ce PLFR : or, celui-ci n’en contient pas. Sont-elles reportées à un projet de loi de finances postérieur, ou seront-elles inscrites dans le présent texte par voie d’amendement ?

L’article 15 du PLFR comporte par ailleurs, pour des raisons techniques, la suppression de la PPE. Vous engagez-vous à ce que soit mis en place un nouveau dispositif dès le 1er janvier 2016 ?

Ma dernière question porte sur l’organisation de l’Euro 2016 de football : les exonérations générales prévues ont-elles un précédent dans notre législation nationale ? À quelles mesures recourent les autres pays organisateurs de compétitions internationales de cette nature ? Je pense à l’Allemagne, qui a organisé la Coupe du Monde en 2006, à l’Autriche, qui a organisé l’Euro 2008, ou à la Pologne qui a organisé l’Euro 2012.

M. Dominique Lefebvre. Je vous remercie, messieurs les ministres, de cette présentation claire et détaillée du PLFR.

Les prévisions établies lors de l’examen du premier PLFR pour 2014 au mois de juillet – je pense notamment à l’annonce de la dégradation du déficit public et du moindre rendement des recettes fiscales – sont donc confirmées dans le cadre de ce PLFR comme elles l’avaient déjà été au mois de septembre et lors de la présentation du PLF pour 2015. Si j’ai bien compris, aucune modification substantielle n’est à observer par rapport à la présentation de la situation qui avait été faite au mois d’octobre : la dégradation du déficit de l’État par rapport aux prévisions initiales de 2013, établies à partir de chiffres qui se sont révélés surestimés, résulte essentiellement de la conjoncture et de la moindre croissance des recettes. Compte tenu des annulations votées par l’Assemblée nationale en juillet dernier, la dépense de l’État hors charge de la dette et pensions devrait diminuer, en 2014, par rapport à 2013. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le secrétaire d’État : un tel rythme d’évolution de la dépense publique n’avait encore jamais été atteint.

Avant même que ce texte ne soit adopté en Conseil des ministres et ne nous soit présenté, les ouvertures de crédits, d’un montant total de 2 milliards d’euros, qui concernent essentiellement les opérations extérieures, la masse salariale et les dépenses dites « de guichet », avaient déjà suscité de nombreux commentaires dans les médias. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir rappeler le chiffre des mouvements de fin d’exécution de l’année 2013 car ils avaient été, me semble-t-il, plus importants que ceux de cette fin d’année 2014. Quoi qu’il en soit, le Parlement a eu raison d’adopter, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, la réserve de précaution, les aléas de gestion pouvant toujours conduire à des dépassements.

Je tiens également à saluer trois mesures plus spécifiques que le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) soutiendra.

La mesure relative à la lutte contre la fraude à la TVA était attendue : nous tenterons de l’améliorer dans le cadre du débat parlementaire. La mesure qui vise à rendre non déductibles diverses taxes sur les entreprises est également la bienvenue, même si elle se traduit par une augmentation de la charge qui pèse sur elles, car il n’appartient pas au contribuable de financer leur coût par le biais de leur déductibilité. Enfin, la suppression de la PPE est avant tout un enjeu de communication : c’est la première étape de la mise en œuvre d’un engagement que le Président de la République a pris à la suite de plusieurs rapports, notamment celui de notre collègue Christophe Sirugue, sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus modestes, et celui du groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Ces deux rapports préconisent la fusion du revenu de solidarité active (RSA) et de la PPE, ce qui suppose de mettre fin à celle-ci dès 2015. Je crois savoir que les réflexions sur le nouveau dispositif sont encore en cours : il conviendra, comme l’a souligné notre Rapporteure générale, de réaffirmer que les sommes consacrées à la PPE – près de 2 milliards d’euros – seront bien réaffectées en totalité à l’élaboration de la réforme et s’ajouteront aux crédits constatés en 2015 en faveur du RSA.

M. Olivier Carré. Je tiens tout d’abord à rappeler l’augmentation importante – de l’ordre de 10 % – du déficit budgétaire entre la loi de finances initiale 2014 et le présent PLFR. Avec les dépenses sociales, le déficit de 2014 sera plus élevé que celui de 2013. Cette évolution préoccupante a inquiété, à juste titre, les instances européennes.

Si certaines dépenses sont maîtrisées, il n’en est pas de même des dépenses « de guichet », qui continuent d’augmenter : je pense notamment à l’aide médicale de l’État (AME) et à l’hébergement d’urgence. L’évolution de la demande d’asile pèse sur l’augmentation des coûts à hauteur de 10 % des 2 milliards d’euros inscrits dans le PLFR. Je tiens également à mentionner l’augmentation de la masse salariale du ministère de l’Éducation nationale : en quoi a-t-elle été initialement sous-estimée, alors même qu’elle avait déjà bénéficié d’une augmentation des crédits ?

Nous souhaitons par ailleurs, monsieur le ministre, obtenir des explications supplémentaires sur la suppression de la PPE, avant même que le secrétaire d’État chargé du budget ne nous éclaire, comme vous l’avez annoncé, sur le futur mécanisme de substitution. En effet, le Président de la République a annoncé une logique de baisse des impôts à l’horizon de 2016 : les ménages verront-ils leurs impôts effectivement baisser si leurs revenus augmentent dans le cadre de ce mécanisme de substitution ? Nous souhaitons obtenir des éclaircissements sur la soutenabilité de l’impôt.

Le groupe UMP a affirmé, dès qu’il en a eu connaissance, son opposition à la création de la taxe sur les résidences secondaires : il s’agit en effet d’une augmentation des impôts pesant sur les ménages disposant d’une résidence secondaire. Le ministre a déclaré que la taxe serait de droit et que les conseils municipaux des communes concernées qui ne souhaiteraient pas la percevoir devraient s’y opposer par un vote. Or j’avais initialement compris le contraire, à savoir qu’il s’agissait d’un outil mis à la disposition des collectivités qui pouvaient décider de l’utiliser. Qu’en est-il exactement ?

Vous me permettrez par ailleurs d’avoir une appréciation moins optimiste que la vôtre sur l’efficacité de cette mesure pour pallier le manque de logements disponibles dans les zones tendues. Cette taxe représentera surtout une recette de poche pour de nombreuses communes, notamment Paris.

Je ne suis pas opposé au fait de rendre non déductible la taxe de risque systémique acquittée par le secteur bancaire. En revanche, quid de la taxe annuelle sur les bureaux ? L’impact éventuel de sa non-déductibilité sur les décisions d’implantation des sièges des entreprises en Île-de-France a-t-il été mesuré ? Qu’en est-il également des conséquences fiscales du changement de régime des groupes, notamment en matière de crédit impôt recherche ? Je vous pose la question sans aucune arrière-pensée car ces sujets sont complexes.

Enfin, la lutte contre la fraude à la TVA est un sujet de fond, compte tenu de l’évolution considérable de la chaîne de valeur entre la création de la valeur ajoutée et le consommateur. Les échanges entre les différentes nations où se situent les différents groupes posent à ce titre un problème majeur. Revoir le système de la TVA encore plus en profondeur que le prévoit le texte est une question centrale pour les finances publiques.

M. Charles de Courson. Ma première question concerne le déficit structurel : le Haut Conseil des finances publiques rappelle, dans son avis, que l’ajustement structurel serait limité à 0,1 point de PIB en 2014 en fonction des nouvelles hypothèses et règles comptables retenues dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, alors qu’en utilisant les hypothèses et règles comptables antérieures, l’ajustement structurel s’élèverait à 0,5 point de PIB : quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur ce point ?

Les dépenses publiques – État, sécurité sociale, collectivités territoriales – continuent d’augmenter en volume : de 0,9 point, soit plus du double de la croissance, dont le taux a été révisé à 0,4 %. En dépit des efforts réalisés, la part des dépenses publiques continue donc de croître deux fois plus vite que la richesse nationale : qu’en pensez-vous ?

Hors intérêts de la dette, les dépenses augmentent de 0,3 milliard d’euros
– 2,1 milliards d’euros d’ouvertures de crédits supplémentaires contre 1,8 milliard d’euros d’annulations. Pourquoi la masse salariale augmente-t-elle de 540 millions d’euros de plus que prévu ? C’est considérable. Les annulations à hauteur de 177 millions d’euros à la charge du ministère des Finances et des comptes publics et celles de 202 millions d’euros à la charge de celui de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ont-elles pour objectif de faire acquitter par ces deux ministères le dérapage de leur masse salariale ? Quant aux opérations extérieures (OPEX), elles ont coûté 605 millions d’euros de plus que prévu – 450 millions d’euros –, alors même que chacun se doutait qu’elles coûteraient au moins 800 millions d’euros en 2014 : elles dépassent en réalité le milliard. L’annulation de crédits à hauteur de 572 millions d’euros à la charge du budget de la défense a-t-elle également pour objectif de faire acquitter la majeure partie du surcoût des OPEX par le ministère lui-même, ce surcoût nécessitant une ouverture de crédits de 605 millions d’euros ? Je tiens à rappeler que le chef d’état-major, lorsque nous l’avons reçu, a souligné que la défense ne pouvait plus supporter de nouvelles diminutions budgétaires et nous a demandé de ne pas faire supporter à nos armées le surcoût de ces décisions politiques que sont les interventions extérieures, notamment au Mali.

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que les apurements communautaires, qui s’élèvent à 352 millions d’euros, recouvrent essentiellement les contentieux relatifs aux aides agricoles et qu’ils ne sont donc acquittés qu’à hauteur de quelque 10 % – 34 millions – par le budget du ministère de l’Agriculture ? Si tel est le cas, je ne vous blâmerai pas, compte tenu du caractère déjà très tendu du budget agricole.

Depuis des années, nous soutenons, par bon sens, toutes les mesures qui visent à lutter contre la fraude et ce, quel que soit le Gouvernement qui les prend. La suppression de la PPE était, quant à elle, préconisée par le groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Je rappelle qu’elle coûte 4 milliards d’euros au Trésor public : 1,8 milliard d’euros de moindres recettes d’impôt sur le revenu et 2,2 milliards d’euros de versements proprement dits. Où en sont vos réflexions sur le recyclage de ces 4 milliards d’euros ?

J’avais cru comprendre que le Président de la République se refusait désormais à toute nouvelle augmentation des impôts : or le PLFR accroîtra encore la pression fiscale en majorant de 20 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires dans les zones dites tendues. Pensez-vous un seul instant que cette disposition incitera les propriétaires, contraints d’acquitter une surtaxe de quelque 300 ou 500 euros, à louer, au moins temporairement, le logement concerné ? Avez-vous réalisé une étude d’impact permettant de l’affirmer ?

Je vous félicite d’avoir engagé la suppression de la taxe de risque systémique : la contribution au Fonds de résolution bancaire unique est en effet appelée à s’y substituer progressivement et il aurait été aberrant de la conserver.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l’état des contentieux fiscaux nationaux et européens ? Le PLFR ne semble, en effet, prévoir aucune provision pour faire face à d’éventuelles condamnations qui pourraient coûter jusqu’à 400 millions, voire 500 millions d’euros au Trésor public.

M. Éric Alauzet. Ce PLFR était rendu nécessaire par la diminution des recettes fiscales, compensée à hauteur de 25 % par la baisse des intérêts de la dette.

S’agissant des ajustements, je suis toujours surpris de retrouver les mêmes lignes budgétaires. La crise économique peut évidemment expliquer l’aggravation de certaines difficultés. Toutefois, je suis étonné du manque de prévision des besoins de financement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Je suis également étonné que, chaque année, le budget de l’écologie soit mis à contribution plus que d’autres budgets : des explications me paraissent nécessaires. Il en est de même du budget de la mission Travail et emploi.

Nous sommes favorables à la taxation des résidences secondaires en zone tendue : toutefois, il conviendra éventuellement de prévoir de nouvelles exonérations après une évaluation plus précise du dispositif. L’expérience nous conduit en effet à faire preuve de prudence entre l’annonce d’une mesure et sa concrétisation.

Les mesures de lutte contre la fraude à la TVA répondant à une attente unanime, nous ne pouvons que nous réjouir de les voir figurer dans le PLFR. Il en est de même de l’accélération du processus de retour des évadés fiscaux. En revanche, le texte ne contient aucune mesure permettant de lutter contre l’optimisation fiscale agressive des multinationales alors même que, je le sais, vous participez de près, monsieur Sapin, à l’avancée du projet BEPS – Base Erosion and Profit Shifting en anglais, c’est-à-dire « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices » – de l’OCDE. Des engagements seront d’ailleurs pris en ce sens lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement du G20 qui se tiendra à Brisbane les 15 et 16 novembre prochains. Nous devrons nous montrer très actifs en matière de lutte contre l’optimisation fiscale, par voie d’amendements au PLF pour 2015 ou au présent PLFR.

Vous nous invitez, à la suite de l’adoption en commission d’un amendement au PLF pour 2015 sur la question de la non-déductibilité, à revenir sur le sujet dans le cadre de l’examen du PLFR. Les avis convergent. Vous avez fait référence à l’Allemagne : je ne vois aucune objection à la clarification, opérée dans le texte, des dispositions relatives à la taxe de risque systémique.

M. le ministre. Madame la Rapporteure générale, je me permets de vous rappeler que la Commission européenne a, en vertu des traités, la possibilité, avant la fin du mois d’octobre, de cibler les projets de plan budgétaire qui lui paraissent manifestement « en dehors des clous » – j’emploie à dessein cette expression familière – et de demander leur révision. Durant cette phase, qui s’est achevée le 29 octobre dernier, la Commission a demandé des explications à une huitaine de pays sur dix-huit – ce qui représente une proportion non négligeable d’entre eux –, dont la France, qui a répondu par une réduction supplémentaire de son déficit à hauteur de 3,6 milliards d’euros, son déficit structurel devant ainsi diminuer de plus de 0,5 point de PIB en 2015 par rapport à 2014. Une telle diminution entre dans le cadre tant des flexibilités prévues que du respect des règles européennes.

La phase dans laquelle nous nous situons désormais est celle, normale, de l’examen de l’ensemble des plans budgétaires par la Commission. Cet examen permet à celle-ci de formuler un avis sur ces plans et de faire des recommandations à chacun des pays – c’est le plus important. C’est dans le cadre de cette phase que nous œuvrons aujourd’hui pour que la Commission prenne en compte dans ses recommandations la situation générale de la zone euro, caractérisée par une trop faible croissance et par une trop faible inflation – la France se situant en la matière dans la moyenne des pays de la zone euro. L’Allemagne elle-même a déjà fait l’objet de recommandations quant à l’utilisation des possibilités que lui offre son contexte budgétaire, plus favorable que le nôtre.

Nous menons actuellement une bataille décisive pour adapter le rythme de la réduction des déficits à la situation de la zone euro. En effet, si la Banque centrale européenne (BCE) a, de son côté, déjà apporté de bonnes réponses aux questions qui se posaient dans le cadre de sa politique monétaire, celle-ci ne saurait répondre en totalité aux questions qui se posent, notamment en matière de politique budgétaire. Outre le débat sur les réformes structurelles, il convient de ne pas oublier celui relatif au plan d’investissement européen, qui peut être la bonne manière de soutenir la demande à court terme tout en conduisant une politique de financement d’infrastructures essentielles à la croissance potentielle de l’Europe. Tous ces débats doivent permettre à la Commission européenne de conduire, dans son dialogue avec chacun des États, une politique adaptée à la situation actuelle. Cette politique est décisive pour éviter à la zone euro d’entrer dans un long tunnel de trop faible croissance et de trop faible inflation, qui serait préjudiciable aux plans économique, social et budgétaire.

Tout a été dit sur la situation budgétaire de la France dès l’été dernier : dans le cadre d’une opération vérité, j’ai confirmé dès le début du mois de septembre et au mois d’octobre mes déclarations de la mi-août. Nous avons annoncé le niveau exact du déficit public français. Ce PLFR ne contient donc aucun chiffre nouveau, et aucune donnée nouvelle ne vient corriger celles qui ont été présentées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. Vous pouvez affirmer à juste titre que le déficit est plus élevé que prévu dans la loi de finances initiale pour 2014 : le chiffre est le même que celui que j’avais annoncé le 13 août dernier, à la suite des nouvelles prévisions de l’INSEE, dont le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité tirer immédiatement toutes les conséquences. Il convenait, en effet, de construire le budget de 2015 sur les bases les plus proches de la réalité, ou du moins sur les dernières prévisions. Il n’y a donc pas 4 milliards d’euros de déficit supplémentaires, comme j’ai pu le lire ou l’entendre ici ou là : je le répète, vous disposez des mêmes chiffres depuis la mi-août.

Je remercie tous ceux qui, à droite comme à gauche, ont souligné que la dépense publique est globalement tenue. Christian Eckert répondra aux questions précises qui ont été posées sur le sujet.

Par ailleurs – je le répète également –, pour pouvoir procéder à la fusion de la PPE et du RSA en 2016, il convient de décider dès aujourd’hui que la PPE ne s’appliquera plus à compter de 2016. Les revenus de l’année 2014 seront évidemment pris en compte pour les versements effectués en 2015, contrairement à ceux de 2015 qui n’ouvriront pas de droits en 2016. La suppression de la PPE au titre des revenus perçus en 2015 est donc le premier acte obligatoire d’une réforme d’ensemble. Je prends l’engagement devant vous que, lorsque le débat sur cette suppression viendra en séance publique, le Gouvernement sera à même de présenter les grandes lignes du dispositif qui sera mis en place à compter du 1er janvier 2016 et qui reposera sur la fusion de la PPE et du RSA « activité » : le Parlement pourra ainsi prendre sa décision en toute connaissance de cause – je rappelle qu’il est déjà éclairé par le rapport de M. Christophe Sirugue sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus modestes et par celui du groupe de travail sur la fiscalité des ménages.

Monsieur Carré, je prends acte de votre soutien à la proposition de rendre non déductibles, d’une part, la taxe de risque systémique, qui est actuellement acquittée par les banques et qui, comme M. de Courson l’a rappelé, est appelée à disparaître progressivement, et, d’autre part, la contribution au Fonds de résolution bancaire unique : cette mesure, conforme à celle qui a déjà été adoptée par les autres pays, est à la fois raisonnable et nécessaire.

Oui, nous avons étudié les conséquences de l’application de la non-déductibilité appliquée à la taxe annuelle sur les bureaux : elle coûtera quelque 100 millions d’euros aux entreprises installées en Île-de-France.

Je vous remercie d’avoir tous convergé sur la question de la lutte contre la fraude à la TVA.

Il conviendra d’harmoniser les dispositions contenues dans le PLF pour 2015 et dans le PLFR, s’agissant notamment de la non-déductibilité des versements au fonds de résolution bancaire unique ou des mesures inscrites dans le PLFR qui visent à lutter contre l’optimisation de la relation « mère-fille », qui est un des outils d’optimisation fiscale les plus utilisés. Je tiens beaucoup à la montée en puissance progressive de cet arsenal.

Si nous avons pu réaliser d’énormes progrès en France dans la lutte contre la fraude fiscale, c’est en raison des progrès équivalents réalisés en la matière dans le monde – je pense notamment à l’échange automatique d’informations, chacun dans son coin ne pouvant pas grand-chose. De même, la lutte contre l’optimisation fiscale ne sera efficace en France que si elle réalise des progrès aux plans européen et mondial. Vous avez fait allusion au sommet de Brisbane des 15 et 16 novembre prochains : l’OCDE a fait quinze propositions, dont sept pourront être adoptées dès cette date par le G20, ce qui permettra à l’ensemble des principaux pays de la planète de lutter ensemble, donc plus efficacement, contre l’optimisation. L’efficacité commande en effet d’articuler la lutte menée au plan national avec celle menée au plan mondial : il y aurait plus d’inconvénients que de bénéfices à se singulariser. Il convient de porter le message et, lorsque c’est possible, de montrer l’exemple, tout en faisant avancer la lutte au niveau mondial pour en finir avec l’optimisation fiscale, particulièrement inconvenante, de ces grandes sociétés qui réalisent des bénéfices considérables sans jamais payer d’impôts. Le problème vient moins, du reste, du fait qu’elles ne paient pas d’impôts en France que du fait qu’elles n’en paient nulle part, l’ensemble de leurs bénéfices étant transférés vers des pays où elles n’exercent aucune activité. Il est nécessaire de lutter ensemble contre ce phénomène.

M. le secrétaire d’État. Je vais m’efforcer de répondre aussi précisément que possible aux questions qui m’ont été posées au sujet de diverses diminutions de crédits.

Pour ce qui est du ministère de l’Agriculture, les 370 millions d’euros de réductions correspondent au refus d’apurement communautaire d’aides agricoles considérées comme ne relevant pas de la politique agricole commune.

En ce qui concerne la défense, il est nécessaire d’ouvrir 605 millions d’euros de crédits pour les OPEX et 170 millions d’euros pour couvrir le dépassement de masse salariale, soit 775 millions d’euros au total. Nous proposons, inversement, d’inscrire 570 millions d’euros d’annulations de crédits, soit un surplus positif de 200 millions d’euros pour la défense – auxquels s’ajoutent les 250 millions d’euros du programme d’investissement d’avenir (PIA). Comme tous les autres ministères, la défense intègre systématiquement la participation des OPEX au dépassement en fin d’exercice budgétaire.

Les 190 millions d’euros intéressant le ministère de l’Économie relèvent intégralement du PIA – en l’occurrence, la recherche sur les nanotechnologies et l’électricité.

Le total des annulations prévues en schéma de fin de gestion 2014 sur la mission Recherche et enseignement supérieur s’élève à 269 millions d’euros hors PIA, l’essentiel de ces annulations correspondant à la mobilisation de la réserve de précaution – environ 230 millions d’euros. Une annulation complémentaire d’environ 30 millions d’euros sera opérée sur les crédits de paiement de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au regard du rythme de consommation constaté. Ceci ne remet pas en cause le niveau des engagements de l’agence.

Les annulations portant sur le PIA, qui représentent 340 millions d’euros, s’intègrent dans le schéma d’ensemble du redéploiement du PIA, globalement équilibré. Elles concernent majoritairement le soutien à l’industrie aéronautique dont l’enveloppe est réduite de 200 millions d’euros, mais demeure très importante – un milliard d’euros pour le seul PIA 2. Cette réduction est cohérente avec la révision à la baisse attendue du soutien au programme A350 en l’absence de lancement des versions A350-900R et A350-900RF, comme le prévoit le protocole signé en 2009 entre Airbus et l’État.

Les crédits du ministère du Travail et de l’emploi sont effectivement réduits de 220 millions d’euros en crédits de paiement dans le cadre du collectif. Les engagements pris par le Gouvernement sont néanmoins tenus. Si les crédits du programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi font l’objet d’une annulation de 187 millions d’euros, correspondant essentiellement à une correction sur les exercices antérieurs à hauteur de 150 millions d’euros concernant les modalités de facturation des exonérations apprentissage – résultat de la modernisation des systèmes d’information, qui permet de croiser plusieurs bases de données –, cela reste sans aucune conséquence sur le niveau des moyens réellement consacrés à l’apprentissage, qui ont au contraire été renforcés par le Gouvernement avec la prime introduite en PLF 2015 pour 60 millions d’euros, l’augmentation des recettes affectées aux centres de formation d’apprentis, et la majoration de 30 millions d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée aux régions.

Par ailleurs, les crédits du programme Accès et retour à l’emploi bénéficient d’une ouverture de 484 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires permettent de mettre en œuvre l’ensemble des priorités du Gouvernement, à savoir, d’une part, les contrats aidés – la programmation prévue en loi de finances initiale est revue à la hausse avec 495 000 contrats sur l’exécution 2014, soit 10 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) supplémentaires, 10 000 contrats initiative-emploi (CIE) supplémentaires et 45 000 emplois d’avenir supplémentaires ; d’autre part, le plan « 100 000 formations » : l’État aura apporté au titre de ce plan une contribution de 50 millions d’euros, complétée par des efforts de Pôle emploi et des régions pour un total de plus de 200 millions d’euros.

Vous avez été plusieurs à m’interroger sur le budget de l’écologie. Le total des annulations prévues en schéma de fin de gestion 2014 sur la mission Écologie, développement et mobilité durables s’élève à 106 millions d’euros hors PIA. Ces annulations portent pour les deux tiers sur la réserve de précaution de la mission. Viennent ensuite 30 millions d’euros d’annulations sur les crédits de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) : il s’agit là d’une économie de constatation, effectuée au regard de l’évolution démographique, hélas défavorable, des bénéficiaires. Des efforts complémentaires seront opérés, notamment par des prélèvements sur le fonds de roulement excédentaire de certains opérateurs, sans impact sur leur programme d’activité.

S’y ajoutent les mouvements de crédits prévus dans le cadre du redéploiement du PIA, correspondant à une annulation nette de 146 millions d’euros pour la mission. Cela ne signifie pas que les thématiques prioritaires de la transition énergétique se trouvent remises en cause, bien au contraire. L’enveloppe qui subit la plus forte réduction est celle relative aux véhicules du futur, mais son montant global reste important : plus de 300 millions d’euros restent à engager sur le PIA 1 et le PIA 2.

Mme la Rapporteure générale nous a interrogés sur la fiscalité agricole. Il a été décidé de traiter de ce sujet, et en particulier de la réforme du régime forfaitaire visant à la création d’un régime micro-agricole, dans le cadre du projet de loi de simplification en matière fiscale qui sera présenté au premier semestre 2015.

Pour ce qui est de la communication des comptes rendus des Assises de la fiscalité agricole, je vous suggère d’adresser cette demande au ministère de l’Agriculture – si vous le souhaitez, je peux le faire en votre nom. Mon ministère n’a, pour sa part, pas été associé à ces assises qui se sont tenues indépendamment des Assises de la fiscalité des entreprises – auxquelles nous avons pris part. Bien évidemment, la préparation du projet de loi de simplification en matière fiscale sera effectuée en toute transparence avec le Parlement.

J’en viens à la question de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Les compétitions visées comportent, dans les dossiers de candidature, des demandes d’engagement à consentir un régime fiscal favorable. Si un pays n’accepte pas de souscrire de tels engagements, il a de facto peu de chances d’être sélectionné pour l’organisation desdites compétitions. C’est dans ce cadre que certains de mes prédécesseurs se sont engagés par écrit en 2010. Cependant, seul le législateur est compétent pour accorder de telles exonérations. Il était donc indispensable, pour que la France puisse tenir la parole qu’elle avait donnée par l’intermédiaire de ses ministres, de formaliser son engagement par un article du PLFR. Afin de ne pas avoir à légiférer à chaque nouvel événement sportif, et de crédibiliser les engagements qui pourraient être pris à l’avenir – je pense à la coupe du monde féminine de football en 2019, par exemple –, il a été choisi de proposer une disposition de portée générale.

Pour ce qui est des comparaisons internationales, sur lesquelles vous m’avez interrogé, la demande d’application d’un régime fiscal favorable est une constante. Il n’y a pas de précédent aussi général en France, même si des exonérations partielles ont déjà été consenties en 1998 pour les primes des joueurs de football. Par ailleurs, en 2012, la question des Jeux olympiques de Londres a fait l’objet d’un débat au Parlement britannique, mais nous ne disposons d’aucune information concernant d’autres compétitions, en particulier sur le traitement retenu par l’Allemagne ou la Pologne.

Michel Sapin a déjà largement répondu aux questions portant sur la prime pour l’emploi. En tout état de cause, il est clair, à la lecture de l’exposé général des motifs du PLFR, que le coût de la PPE n’est pas de 4 milliards d’euros, contrairement à ce qu’affirme M. de Courson – c’était le cas il y a quelques années, mais ce ne l’est plus – mais d’un peu plus de 1,9 milliard d’euros, comprenant à la fois la diminution d’impôt sur le revenu consentie à ceux qui le payent et la restitution à ceux qui n’en payent pas. La PPE n’a été revalorisée par aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans – et que vous avez soutenus, monsieur de Courson. Le Gouvernement propose d’affecter ces presque 2 milliards d’euros au nouveau dispositif a minima. Nous souhaitons que ce dispositif, auquel nous travaillons encore, prenne la forme d’un versement mensuel – ce qui n’est pas le cas de la PPE aujourd’hui –, permette de bénéficier d’ouvertures de droits sur des périodes de trois mois afin d’éviter les corrections, réclamations et restitutions, et soit basé sur un lien plus direct avec les revenus d’activité.

Le travail à accomplir est complexe et, s’il n’a pas encore tout à fait abouti, ce devrait être le cas très prochainement – dans les prochains jours au plus tard. Je rappelle qu’en tout état de cause il n’y a pas d’urgence, puisque le dispositif doit entrer en vigueur au 1er janvier 2016, et que la décision de « débrancher » dès maintenant la PPE ne se justifie que par la volonté d’éviter de prendre ultérieurement des décisions fiscales rétroactives.

Pour ce qui est des résidences secondaires, je vous confirme, monsieur Carré, que le texte prévoit, dans sa rédaction actuelle, que la majoration s’applique à moins que le conseil municipal ne délibère négativement sur ce point – il y a déjà eu des annonces faites en ce sens. J’ai, pour ma part, suffisamment de respect pour les élus locaux pour penser que leur connaissance des questions relatives à la fiscalité locale leur permettra d’être parfaitement informés de cette disposition. Comme vous le voyez, tout dépendra donc de la volonté des communes ; nous aurons l’occasion d’en débattre et chacun aura le droit de déposer des amendements s’il le souhaite – je vous en suggérerai d’ailleurs quelques-uns.

Par ailleurs, la disposition ne concerne que les zones tendues, c’est-à-dire les agglomérations de plus de 50 000 habitants, répertoriées en fonction de dispositions déjà existantes. Il y a une vraie difficulté dans un certain nombre de zones : dans les grandes agglomérations, notamment à Paris, mais pas seulement. Depuis que nous avons relancé cette idée, déjà évoquée depuis plusieurs années, un certain nombre de communes se sont manifestées pour appeler l’attention sur leur situation : ce sont des communes où la proportion élevée de résidences secondaires pose des problèmes aux habitants « autochtones », qui trouvent difficilement à se loger. Il s’agit surtout de certaines zones touristiques – la Corse, la Savoie et la Haute-Savoie, par exemple – ou d’îles, situées notamment en Bretagne – je pense à l’île de Sein, dont le maire m’a fait part des difficultés auxquelles sont confrontées les habitants en raison des loyers élevés et du très faible niveau d’offres de location et de vente. Chacun de nous a vu des reportages où l’on montre des travailleurs saisonniers logés dans des caravanes, et il est certain qu’il y a là un sérieux problème d’équilibre du marché. J’estime qu’un travail sur la question pourrait améliorer les choses, et sans doute le Parlement aura-t-il à cœur de le mener.

M. de Courson nous a interrogés sur les contentieux en cours. Pour ce qui est du contentieux relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières, 500 millions d’euros avaient été versés fin octobre sur les 700 millions d’euros budgétés pour 2014 : nous sommes donc en ligne avec la prévision. En ce qui concerne le contentieux précompte mobilier, le coût est quasiment nul pour 2014, car les dernières affaires doivent être jugées en 2015 et 2016. Cela dit, de nouveaux contentieux surgissent sans arrêt avec l’Union européenne, et nous aurons d’autres occasions d’évoquer ces sujets.

Enfin, pour répondre à M. Lefebvre, les recettes fiscales sont révisées marginalement par rapport à ce que nous avions annoncé au mois d’août.

M. Pascal Cherki. Je me félicite de trois bonnes mesures. La lutte contre la fraude à la TVA, renforcée par l’article 13, vient s’ajouter aux autres mesures déjà prises en ce domaine. Nous devons continuer à avancer, notamment sur la question de la transmission des schémas d’optimisation.

La majoration de la taxe d’habitation n’est pas une question budgétaire à proprement parler, mais relève plutôt d’un problème de déséquilibre entre l’offre et la demande de logement. Un certain nombre de capitales européennes font l’objet d’une véritable spéculation sur les logements : des immeubles entiers sont achetés à des fins spéculatives ou de placement de capitaux par des investisseurs étrangers, ce qui diminue d’autant le nombre de logements mis sur le marché. Sur ce point, les chiffres donnés par Michel Sapin sur le nombre de demandeurs de logement inscrits au fichier de la ville de Paris et le nombre de résidences secondaires vides doivent nous faire réfléchir, et je pense que la mesure prise constitue un premier pas dans la bonne direction.

Enfin, je me félicite que la non-déductibilité des contributions au Fonds de résolution bancaire unique, qui avait déjà fait l’objet d’un débat en commission des finances à la suite du dépôt d’un amendement par nos collègues écologistes, soit adoptée avant la fin de l’année.

En revanche, je trouve extrêmement discutable, pour ne pas dire plus, la disposition prévue à l’article 24, ayant pour objet d’exonérer les organisateurs de compétitions sportives internationales de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu au titre du bénéfice industriel et commercial, de la retenue à la source, de la taxe sur les salaires et de la taxe d’apprentissage. Même en tenant compte des deux critères posés pour ces exonérations – l’organisation d’un championnat équivalent à un championnat européen et le caractère exceptionnel de cette manifestation –, une telle mesure ne peut que nous laisser perplexes à un moment où nos concitoyens se voient demander de gros effort. Alors que l’Europe lutte contre les États à fiscalité attractive, la France se permettrait de mettre en œuvre, au bénéfice des organisateurs de compétitions internationales, un dispositif ayant le même objet. Je me permets de rappeler que la fiscalité actuelle n’a pas empêché la France d’organiser, entre autres, la coupe du monde de football, la coupe du monde de rugby et les championnats du monde d’athlétisme – bref, les plus grandes compétitions internationales, à l’exception des Jeux olympiques.

Je suis tout à fait opposé à ce que l’on prenne une mesure législative à caractère général, ayant pour effet de rendre non obligatoire l’accord du Parlement au cas par cas. Que nous régularisions des engagements pris de façon cavalière par le précédent gouvernement de droite, cela peut se discuter, mais que nous prenions une disposition fiscale générale pour l’avenir, cela me pose problème. J’aimerais que le Gouvernement nous dise au moins s’il serait favorable à un amendement ayant pour objet de limiter les dispositions de l’article aux compétitions considérées.

Mme Karine Berger. Ma première question, à laquelle s’associe notre collègue Pierre-Alain Muet, porte plutôt sur le PLF pour 2015 que sur le PLFR pour 2014. Vous avez révisé d’un demi-point à la baisse la croissance potentielle de la France selon la nouvelle base 2010 : quelle est la position de la Commission européenne sur cette évaluation, et avez-vous été informés par elle de sa nouvelle évaluation de la croissance potentielle de la France - qui n’a, à notre connaissance, pas encore été publiée, voire pas encore été calculée ? Cette question est d’importance, car la correction des déficits structurels nous coûte très cher.

Ma deuxième question porte sur la prime pour l’emploi. Si vous avez apporté des précisions à la réponse de Michel Sapin, monsieur le ministre, nous avons encore beaucoup d’interrogations sur ce point. 2 milliards d’euros de pouvoir d’achat en moins, c’est beaucoup pour des personnes qui reprennent une activité et disposent généralement de ressources très limitées. Quand vous nous dites que les 2 milliards d’euros supprimés dans cette loi de finances rectificative seront remplacés par autre chose, vous comprendrez que nous ayons besoin de savoir de quoi il retourne, et surtout d’être assurés qu’il ne s’agisse pas de mettre à contribution un agent public autre que l’État – je pense à une éventuelle incidence sur le RSA, géré par les départements.

Enfin, ma troisième question porte sur l’annonce que vous avez faite en matière de compétition fiscale agressive. Comme l’a dit Pascal Cherki, l’article 24, ayant pour objet de valider la décision prise en son temps par M. François Baroin, alors ministre du budget, est de portée générale. Comment peut-on prétendre lutter contre le refus de certaines multinationales de payer l’impôt et, dans le même temps, accepter qu’une structure européenne puisse y échapper ? Pensez-vous qu’il soit envisageable de ne pas rendre générale cette mesure figurant à l’article 24 – alors que le président de la Commission européenne, M. Juncker, vient d’annoncer qu’il souhaite une directive européenne d’échange automatique d’informations sur les entreprises afin de lutter contre les mécanismes d’optimisation fiscale agressive constatés au Luxembourg ?

Mme Valérie Pécresse. J’ai également trois questions à poser à M. le ministre. Premièrement, le PLFR ne modifie pas les hypothèses de croissance pour 2015 : n’est-ce pas quelque peu imprudent, alors que la Commission européenne vient de réviser ses propres prévisions de croissance en les ramenant à 0,7 %, et ne nous manquera-t-il donc pas 3 milliards d’euros au titre des recettes fiscales ?

Deuxièmement, en ce qui concerne les taux d’intérêt, l’essentiel de la baisse des dépenses inscrite dans le PLFR provient d’une diminution de la charge de la dette. Est-il bien raisonnable de tabler sur une baisse de la charge de la dette, alors que la Réserve fédérale des États-Unis a annoncé qu’elle prendrait vraisemblablement dans l’année des mesures de hausse de ses propres taux directeurs ? Peut-on vraiment avoir la certitude que les taux européens vont rester à leur bas niveau, même si le président de la Banque centrale européenne a donné des assurances en ce sens ?

Troisièmement, enfin, en ce qui concerne le « rabot » généralisé sur les ministères, ne touchons-nous pas les limites de cette stratégie que nous avons menée lorsque nous étions au pouvoir, et que vous avez poursuivie ? Les échos qui me parviennent actuellement des ministères de la Justice, de la Défense et des Universités, ainsi que des organismes de recherche, font état de situations où, au mois de novembre, l’État n’est déjà plus en mesure d’honorer ses factures. Baisser artificiellement les dotations des universités et des ministères s’apparente à une espèce de fuite en avant ou de cavalerie. Ne faudrait-il pas prendre acte du fait que nous sommes arrivés au bout d’un système dont il convient désormais de changer en procédant à des réformes structurelles ?

Je me permets de relayer la très grande inquiétude éprouvée par les universités, auxquelles on enlève leur réserve de protection, et qui se trouvent placées dans une situation ingérable. Aujourd’hui, on leur annonce un contrat de plan État-régions (CPER) extrêmement pingre, selon les termes mêmes de l’annonce faite par le Premier ministre au colloque de l’Association des régions de France. M. Valls a tenté de rassurer en promettant la mise en œuvre prochaine du plan « Campus » de Nicolas Sarkozy ; or, si j’ai été heureuse d’entendre le chef du Gouvernement rendre hommage à la majorité précédente, ce plan ne saurait suffire à nourrir la recherche et l’université pour les cinq prochaines années.

Mme Monique Rabin. Je me félicite des efforts de simplification engagés par le Gouvernement, notamment par M. Thierry Mandon, dont on commence à voir les fruits dans ce PLFR. Je n’aurai pour ma part qu’une question, très concrète : comment doit-on comprendre l’augmentation des taxes affectées dont il est fait état dans ce projet ? Plus précisément, si l’augmentation des prélèvements obligatoires vise à remplir nos engagements au sens du traité de Maastricht, comment se fait-il que le PLFR prévoie l’augmentation de trois séries de taxes – portant notamment sur les chambres de commerce et d’industrie –, alors que ces mesures avaient donné lieu à de longs débats dans le cadre du projet de loi de finances initiale ?

Mme Véronique Louwagie. Pour ma part, je m’inquiète de la faiblesse de nos recettes fiscales nettes. Le Gouvernement avait déjà dégradé de 6,1 milliards d’euros sa prévision dans la loi de finances rectificative de juin dernier, à la fois sur l’impôt sur le revenu – pour 3,2 milliards d’euros – et sur l’impôt sur les sociétés – pour 2,9 milliards d’euros. Aujourd’hui, les prévisions se trouvent à nouveau dégradées : ainsi le produit de l’impôt sur le revenu n’est-il censé progresser que de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2013, tandis que celui de l’impôt sur les sociétés se trouve encore révisé à la baisse d’un milliard d’euros dans le PLF. Au total, nous avons donc une baisse de 11,5 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale – venant s’ajouter à celle de 15 milliards d’euros pour 2013. Toutes ces dégradations permettent-elles de valider les hypothèses relatives aux recettes d’impôts sur le revenu et sur les sociétés du projet de loi de finances pour 2015 ?

Par ailleurs, en ce qui concerne la masse salariale de l’État, on relève un dépassement de l’ordre de 500 millions d’euros, dont 300 pour l’éducation nationale. Peut-on avoir quelques précisions à ce sujet ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je regrette que M. le ministre des Finances soit si peu intéressé par les questions des parlementaires qu’il nous ait quittés sitôt après avoir répondu aux représentants des groupes, et je m’adresserai donc à M. le secrétaire d’État au budget, que je remercie d’être resté parmi nous, en commençant par formuler deux remarques.

Le Président de la République a annoncé jeudi qu’il n’y aurait plus aucune augmentation de la fiscalité à partir de 2015. Or, ce PLFR de trente-cinq articles comprend l’augmentation de la taxe d’aéroport, de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, des mesures de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale – notamment la TVA –, la création d’une nouvelle taxe de 50 millions d’euros en prévision du remplacement de la taxe de risque systémique – pourtant pas encore supprimée : elle est amenée à décroître progressivement, dans des proportions que l’on ne connaît pas encore –, et la création d’une taxe sur les résidences secondaires. Au final, c’est bien le consommateur qui va payer l’intégralité de ces taxes. Il s’y ajoute la suppression de la prime pour l’emploi, qui bénéficiait surtout aux ménages les plus modestes, dont le pouvoir d’achat va se trouver réduit d’autant.

Comme on le voit, ce PLFR porte encore sur des dépenses de guichet
– 155 millions d’euros pour l’aide médicale de l’État (AME) et 59 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence, ce qui fait tout de même 214 millions d’euros pour ces seules deux lignes. Le déficit est révisé à la hausse de 4,3 milliards d’euros, ce que vous expliquez par le contexte macro-économique et l’importance des rentrées fiscales qui font défaut. Pour ma part, j’y vois plutôt les conséquences des multiples augmentations de la fiscalité des ménages et des entreprises. Dans ces conditions, il est heureux que la charge de la dette diminue de 1,6 milliard d’euros.

J’aurai deux questions. Premièrement, l’article 4 prévoit la ratification d’un décret relatif à la rémunération des services rendus par la direction de l’information légale et administrative (DILA). En tant que rapporteure spéciale de la mission Direction de l’action du Gouvernement, j’aimerais savoir en quoi ce décret va impacter l’activité de la DILA. Deuxièmement, l’article 33 relatif à la garantie de l’État des emprunts à l’Unédic pour les émissions de 2015 comporte un plafond de garantie fixé à 6 milliards d’euros. Si le marché de l’emploi ne se retourne pas, pensez-vous sincèrement que cette somme suffira en 2015 pour l’Unédic ?

M. Olivier Faure. Je m’étonne que Marie-Christine Dalloz assimile hausses d’impôts et mesures de lutte contre la fraude fiscale – et un peu moins qu’elle soit contre l’AME, connaissant ses inclinations.

Dans l’une de vos vies antérieures, monsieur le secrétaire d’État – peut-être en avez-vous neuf, comme les chats –, vous avez, avec le président Carrez, saisi l’Autorité de la concurrence au sujet des concessions autoroutières. Dans son rapport, l’Autorité a fait apparaître des taux de rentabilité des sociétés d’autoroutes – pour ne pas dire des taux de rente – non justifiés par le risque de leur activité. Il nous a été dit à plusieurs reprises que les contrats étaient fortement verrouillés et qu’il était difficile de les remettre en cause sans que cela ait des répercussions sur l’usager de l’autoroute.

Une autre information mise en lumière par le rapport est la déduction illimitée des intérêts d’emprunts, un élément choquant ayant donné lieu au dépôt d’un amendement par Eva Sas le 20 octobre dernier ; invité à donner votre avis sur cet amendement, vous aviez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que vous deviez évaluer les conséquences juridiques de la suppression éventuelle de l’avantage indu dont profitent les sociétés d’autoroutes et de la mise en œuvre du rabot utilisé en 2013 pour les autres sociétés privées. Pouvez-vous nous indiquer si vos services vous ont renseigné sur ces conséquences, et nous préciser où en est la négociation avec les sociétés concessionnaires – le Premier ministre s’était engagé à ce que cette négociation soit menée dans un délai d’un mois, c’est-à-dire à ce que qu’elle s’achève maintenant ?

Mme Eva Sas. Je soutiens la demande faite par Olivier Faure au sujet des sociétés d’autoroute – à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, je me rappelle vous avoir entendu dire en séance que s’il fallait dénoncer les contrats, vous le feriez.

Une fois n’est pas coutume, je veux rendre hommage au Gouvernement pour la nouvelle répartition de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Je rappelle que, d’une part, il ne s’agit pas d’une augmentation, d’autre part, les augmentations de cette taxe, quand elles ont lieu, ont pour objet de permettre aux riverains des aéroports de mieux s’isoler phoniquement. Quand vous protestez contre cette taxe, madame Dalloz, vous devriez vous mettre un instant à la place des personnes qui habitent à proximité des pistes d’Orly.

Mme Marie-Christine Dalloz. On peut tout de même se demander qui paye !

Mme Eva Sas. Il est donc proposé de mettre en œuvre une nouvelle répartition de la TNSA entre la province et Paris – ce que je salue, car cela répond aux besoins des riverains d’Orly et de Roissy.

La lecture de l’article 35 fait apparaître que le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) va voir la prime de son assurance de responsabilité civile passer de 2,4 à 30 millions d’euros, ce qui est significatif en soi – je me félicite que l’on envisage de façon lucide le coût du risque nucléaire – mais a également des répercussions sur les comptes de l’État, même si celui-ci ne fait qu’apporter une garantie à cette assurance.

Par ailleurs, j’aimerais connaître la répartition détaillée de l’augmentation de la masse salariale, s’élevant à 540 millions d’euros pour la défense et l’éducation nationale.

Si j’ai noté que vous augmentiez la part régionale de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour couvrir les dépenses des régions au profit de l’apprentissage, j’ai également cru comprendre qu’il allait falloir, afin de se mettre en conformité avec le droit européen, supprimer cette part régionale de la TICPE avant fin 2015. Pouvez-vous me le confirmer et, le cas échant, m’indiquer si vous avez une idée du moyen par lequel la perte de cette ressource va pouvoir être compensée ?

Enfin, alors que vous avez parlé de 106 millions d’euros d’annulations de crédits du budget de l’écologie, je vois pour ma part qu’un montant de 138 millions d’euros est indiqué à la page 14 de la présentation. En tout état de cause, avec le redéploiement du PIA correspondant à une annulation nette de 146 millions d’euros pour la mission Écologie et les crédits annulés dans le cadre du précédent PLFR, celle-ci me paraît payer un lourd tribut cette année. Même si, selon vous, ce redéploiement ne remet pas en cause la priorité accordée au financement de la transition énergétique, on ne peut que s’interroger sur l’ampleur des annulations de crédits dont l’écologie fait les frais.

M. Régis Juanico. L’article 24 semblant susciter une polémique, il me paraît nécessaire de le replacer dans son contexte. Comme l’a dit M. le ministre, il s’agit de valider une décision prise en 2010 par les autorités ministérielles. Surtout, je voudrais souligner l’intérêt qu’il y a à mettre en place un dispositif pérenne et équitable entre toutes les disciplines sportives, plutôt que d’agir dans l’urgence et l’improvisation. La question que nous devons nous poser est la suivante : voulons-nous, oui ou non, obtenir l’organisation des Jeux olympiques de 2024 ? Il semble que les plus hautes autorités de l’État souhaitent que l’on s’engage sur cette voie, mais encore faut-il agir en conséquence. Pour cela, nous devons organiser le maximum d’événements sportifs internationaux en France avant cette date, afin de montrer notre savoir-faire et nos potentialités. Cela sera le cas avec l’Euro de basket-ball et le championnat du monde d’aviron en 2015, l’Euro 2016, les championnats du monde de canoë-kayak, de hockey sur glace et de handball en 2017, et la Ryder Cup en 2018 – comme vous le voyez, tout ne se résume pas à l’UEFA ni même au football…

Certes, il appartiendra aux parlementaires de s’interroger sur le statut de l’UEFA, basée en Suisse et soumise à un cahier des charges spécifique pour l’organisation des grandes manifestations. De même, le retour sur investissement que la France est en droit d’attendre de l’organisation de grands événements sur son sol me paraît devoir être revu à la hausse. Je voulais demander à M. le secrétaire d’État si nous disposons de simulations et d’évaluations préalables sur le coût pour les finances publiques des différentes manifestations sportives qui pourraient être organisées sur notre territoire d’ici à 2018.

M. Dominique Baert, président. Vous auriez également pu citer la finale de la coupe Davis qui va avoir lieu à Lille dans quelques jours, cher collègue…

M. Yann Galut. Si je suis souvent d’accord avec Régis Juanico, ce n’est pas le cas aujourd’hui, au contraire : je suis effaré par ce que je viens d’entendre au sujet de l’article 24. Au moment où la France est en pointe contre l’optimisation fiscale en Europe et où, dans deux jours, le G20 va discuter de l’optimisation fiscale des grands groupes, on s’apprête à valider un dispositif créant un paradis fiscal au sein même de l’Europe. Cet article 24 me paraît tout à fait inacceptable, et nous commettrions une faute politique en ne revenant pas sur la parole donnée en 2010, qui n’a pas été validée par le Parlement.

Comment pouvons-nous prétendre lutter contre l’évasion fiscale dans le cadre de la mobilisation internationale à laquelle donne lieu cette action, si, dans le même temps, nous ne prenons pas nos responsabilités en refusant une telle disposition ? Nous ne devons pas craindre d’affronter l’UEFA et les multinationales qui, ayant tendance à considérer que les États sont à leur disposition, ont adopté une logique de moins-disant fiscal. Si aucun État ne se révolte contre ce système, nous n’avancerons pas d’un pouce, ce qui ne paraît pas cohérent avec notre volonté commune de lutter contre l’optimisation fiscale. Je présenterai donc des amendements de suppression à l’article 24 et, si nécessaire, voterai contre, car j’y vois un véritable scandale.

Le deuxième point que je souhaite aborder est relatif à l’escroquerie à la TVA. Sur ce point, je salue l’avancée très importante accomplie par le Gouvernement au moyen de plusieurs textes. Aujourd’hui, vous nous proposez trois mesures fondamentales pour lutter contre l’escroquerie à la TVA, mais je considère que ces mesures restent insuffisantes et que nous n’avons sans doute pas pris la mesure de l’ampleur du phénomène. J’ai adressé une note sur ce point à l’ensemble de nos collègues de la commission des finances et, au nom du groupe socialiste, ai effectué en compagnie de Bruno Le Roux plusieurs interventions auprès du Premier ministre et de Bercy.

J’estime en effet essentiel que nous fassions de la lutte contre l’escroquerie à la TVA une priorité, car l’enjeu est de taille : pas moins de 10 milliards d’euros ! Pour cela, nous devons passer du contrôle a posteriori au contrôle a priori. Je sais que vos services y travaillent depuis un an et que ce n’est pas facile, mais nous devons utiliser tous les moyens possibles pour y parvenir, y compris le recours systématique au data mining. L’escroquerie à la TVA n’a rien d’abstrait : tous les jours à Bercy, on signe des chèques de remboursement de TVA de 100 000, 300 000, voire 400 000 euros, et il faut trouver les moyens d’arrêter cela au plus vite. Ce n’est pas une lubie de ma part : les rapports parlementaires s’accumulent depuis des années, et la Cour des comptes s’est penchée sur la question des carrousels de TVA et du détournement de 1,6 milliard d’euros par l’entremise de la société Euronext. Je connais votre volonté politique d’avancer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, mais je crois vraiment qu’il est grand temps de passer à la vitesse supérieure dans ce domaine.

M. le secrétaire d’État. Peut-être ne répondrai-je pas à toutes vos questions dès aujourd’hui, mais en tout état de cause, nous pourrons mettre à profit le débat en séance publique pour compléter les questions et les réponses. Ainsi, je ne suis pas en mesure de répondre aujourd’hui à la question de Karine Berger sur la position de la Commission européenne par rapport à la diminution de la croissance potentielle.

Pour ce qui est de la prime pour l’emploi et du RSA « activité », il n’est pas justifié de dire que 2 milliards d’euros de crédits sont annulés : ces crédits seront bien versés en 2015 sur des droits acquis en 2014 puisque, comme chacun le sait, l’impôt sur le revenu est payé avec un an de décalage, et les crédits d’impôt sont donc également perçus avec un an de décalage – ainsi, en 2015, les populations évoquées par Karine Berger percevront les mêmes montants de PPE qu’en 2014. L’objet de l’article est simplement de dire que l’on n’ouvrira pas de droits pour 2016, date à laquelle un nouveau dispositif viendra se substituer à la PPE – avec un travail conjoint sur le RSA « activité », actuellement payé par l’État, à la différence du RSA « socle » payé par les départements. Je le répète, ce sont bien le RSA « activité et la PPE qui, en disparaissant, donneront naissance à un nouveau dispositif commun.

Pour ce qui est des dépassements de masse salariale, ils s’élèvent, en ce qui concerne l’enseignement scolaire, à 330 millions d’euros sur une dépense totale de 60,2 milliards d’euros – ce qui représente 0,5 % de l’enveloppe. Pour ce qui est de la mission Défense, les dépassements se décomposent en 150 millions d’euros au titre des OPEX, 180 millions d’euros au titre des trop-versés de solde imputables au logiciel de paye Louvois, et de la nécessité de remplacer ce logiciel – une question donnant régulièrement lieu à de vifs échanges entre Bercy et le ministère de la défense –, et 40 millions d’euros répartis sur d’autres actions.

En ce qui concerne l’UEFA, j’ai dit ce que j’avais à dire et je n’en dirai pas plus. Si vous voulez des études d’impact, vous en trouverez aussi bien dans l’exposé des motifs qu’auprès du ministère des Sports, qui en a fait faire une grande quantité. En les consultant, vous constaterez que l’organisation de grandes compétitions en France se traduit par un afflux de plusieurs millions de personnes dans les hôtels et les restaurants de notre pays. Quant aux amendements ciblés auxquels il a été fait référence, indépendamment du problème constitutionnel qu’ils sont susceptibles de poser, je ne suis évidemment pas en mesure de faire connaître ma position à leur égard tant que je n’en ai pas pris connaissance. Mais je ne me priverai pas de le faire une fois qu’ils auront été déposés…

S’agissant de la lutte contre la fraude à la TVA – et la fraude en général –, il ne s’agit effectivement en aucun cas de taxes supplémentaires, comme l’a dit Olivier Faure : l’idée est de faire payer à chacun les sommes qu’il doit payer – ce qui est susceptible de faire diminuer le montant de l’impôt acquitté par les autres contribuables. Je voudrais également rappeler qu’en la matière, nous ne partons pas de rien. En fin d’année dernière, un rapporteur général que j’ai bien connu avait introduit un amendement obligeant les sociétés faisant l’objet de contrôles fiscaux en France à communiquer à l’administration qui en fait la demande les rulings dont elles sont bénéficiaires : ainsi, ce que propose M. Juncker est déjà possible en France.

Vous avez raison de dire que l’on doit chercher à faire mieux, monsieur Galut. Le data mining est une pratique que nous sommes en train de généraliser à cette fin, et d’autres dispositions, relatives notamment aux entreprises éphémères, sont déjà prises dans ce texte. On peut toujours penser qu’il faudrait aller plus vite, mais une chose est sûre : nous progressons.

Je remercie M. Faure de me comparer à un chat, même si je pense avoir davantage l’allure d’un ours. (Sourires.) Le travail au sujet des sociétés concessionnaires d’autoroutes se poursuit, et je peux difficilement vous en dire plus aujourd’hui. Je ne sais pas tout sur cette question, car trois ou quatre autres ministères que le mien sont associés au travail actuellement effectué sous l’égide du Premier ministre. J’ai lu récemment dans la presse qu’un think tank avait proposé de taxer les maisons-mères des sociétés d’autoroute, tout en soulignant que cette mesure risquait de se heurter à une difficulté juridique, notamment en raison du fait que certaines de ces sociétés mères sont parfois basées à l’étranger : le fait de taxer les sociétés mères françaises, mais pas les étrangères, poserait un problème d’égalité de traitement de sociétés effectuant la même mission.

Nous ne devons pas perdre de vue que la question des sociétés d’autoroute est très complexe sur le plan juridique, constitutionnel et fiscal. Pour le moment, nous cherchons des solutions par la voie de la discussion, consistant en des compensations sous la forme d’engagements à investir, voire en une révision des concessions – ce qui risque d’être plus difficile –, sans exclure, si les choses ne pouvaient progresser de cette manière, d’en venir à dénoncer les concessions actuelles afin de les remettre en adjudication – mais là encore, nous devons garder à l’esprit qu’une telle opération n’est pas sans risques financiers, comme on a pu le voir par le passé.

À Mme Pécresse, qui met en cause nos prévisions de croissance, je rappellerai que ce PLFR de novembre a été construit sur la base de prévisions forcément un peu antérieures : même si nous nous efforçons de réagir aussi promptement que possible aux modifications annoncées par les organismes prévisionnistes, notre travail prend du temps, ce qui explique qu’il puisse se trouver en léger décalage avec les communiqués les plus récents de ces organismes. Au demeurant, le Haut Conseil des finances publiques a jugé « réaliste » la prévision actualisée de croissance de l’économie.

Mme Valérie Pécresse. Cet avis a été émis avant les dernières prévisions.

M. le secrétaire d’État. Non, il a été publié ce matin. Nous assumons donc parfaitement nos prévisions. Pour ce qui est des prévisions de recettes, elles sont en diminution par rapport à la loi de finances initiale et à la loi de finances rectificative adoptée par le Parlement en juillet, mais restent inchangées par rapport aux prévisions faites en août et septembre dernier.

Concernant la DILA, l’article 4 vise à prendre un décret actualisant et validant un autre décret de 2006 relatif à la rémunération des prestations vendues par cette direction – il s’agit de la vente de publications papier ou en ligne, ou de services d’impression ou d’édition. Mes services vous communiqueront dès que possible toutes les informations utiles sur ce point, madame Dalloz.

Enfin, certains, dont Mme Pécresse, ont contesté les hypothèses de taux d’intérêt que nous avons retenues. Ils pourront constater, dans le document de présentation qui vous a été remis, que les hypothèses de charges budgétaires ont été émises sur la base de prévisions particulièrement prudentes – c’est-à-dire à des taux largement supérieurs aux taux connus actuellement.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les éléments de réponse que je suis en mesure de vous communiquer aujourd’hui au sujet de ce projet de loi de finances rectificative.

M. Dominique Baert, président. Nous vous remercions pour la précision des informations que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d’État.

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EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire
Prévision de solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2014

Le présent article liminaire présente, conformément à l’article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, un tableau de synthèse retraçant, pour l’année 2014, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre.

Ces évaluations sont identiques aux prévisions révisées de l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2015. La Rapporteure générale en propose une présentation plus détaillée dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission examine l’amendement CF 99 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C’est un « marronnier ».

Mme la Rapporteure générale. Défavorable. M. de Courson ne veut toujours pas reconnaître la notion de cycle économique.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission adopte l’article liminaire sans modification.

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PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE 1ER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES AFFECTÉES

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement CF 246 de M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Il s’agit d’un amendement traditionnel visant à rétablir de la cohérence du dispositif de la contribution de solidarité urbaine, qui s’appuie aujourd’hui, sur des prix de référence dépassés. Cela procurera des recettes supplémentaires.

Mme la Rapporteure générale. Défavorable. Nous risquerions de taxer les moins-values.

La Commission rejette l’amendement CF 246.

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Article 1er
Actualisation de la fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) relative à la compensation
financière des primes à l’apprentissage

Cet article complète la fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) reversée en 2014 aux régions, à la Corse et au Département de Mayotte pour compenser les dépenses liées aux primes à l’apprentissage, en tenant compte pour ce calcul des effectifs d’apprentis constatés dans chacune de ces collectivités au 31 décembre 2013, comme l’avait prévu la loi du 29 décembre 2013 de finances initiale pour 2014 (19).

Cette compensation financière fait suite à la réforme de la politique de soutien à l’apprentissage, décidée l’an dernier, qui a modifié les aides que ces collectivités ont la charge de verser aux entreprises ; le principe d’une telle compensation correspond donc pour le législateur à une exigence constitutionnelle. En effet, l’avant-dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. UNE PROBLÉMATIQUE QUI DÉCOULE DE LA RÉFORME DES AIDES À L’APPRENTISSAGE

L’article 140 de la loi de finances pour 2014 a remplacé, à compter du 1er janvier 2014, l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF), versée par les régions aux employeurs pour soutenir les contrats d’apprentissage, mais trop peu ciblée, par une prime à l’apprentissage, également versée par les régions mais concentrée sur les entreprises de moins de onze salariés, pour lesquelles l’effet de levier est le plus fort. Ce choix s’inscrivait dans le cadre d’une réforme d’ensemble du soutien public à l’apprentissage, visant à renforcer l’efficience des aides et dépenses fiscales mobilisées à ce titre pour atteindre l’objectif de 500 000 apprentis en 2017, prévu par le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Il s’accompagnait ainsi d’une réforme du crédit d’impôt à l’apprentissage, visant à en ramener le coût de 530 à 315 millions d’euros, en le réservant au financement de la première année de formation des apprentis préparant un diplôme d’un niveau inférieur au niveau Bac + 2.

L’importance des contrats d’apprentissage au sein des effectifs employés par les entreprises comptant moins d’une dizaine de salariés a été jusqu’ici assez inégale d’une région à une autre. Ainsi, les dernières données disponibles de l’INSEE sur les effectifs des entreprises par régions, qui concernent l’année 2011, montrent que ces contrats concernaient alors, au niveau national, en moyenne 5 % des effectifs des entreprises de moins de 10 salariés, mais que ce taux variait de 3,42 % en Île-de-France à 7,3 % en Lorraine. Il est encore trop tôt, en revanche, pour évaluer l’effet des nouvelles règles d’intervention mises en place, depuis le 1er janvier 2014, par les régions en matière d’apprentissage – un premier bilan des dépenses engagées par les régions n’étant envisageable qu’une fois connu le nombre d’entrées en apprentissage sur l’ensemble de l’année.

B. LE MONTANT ET LA COMPENSATION DES NOUVELLES PRIMES VERSÉES AU TITRE DES CONTRATS D’APPRENTISSAGE CONCLUS À PARTIR DU 1ER JANVIER 2014

L’article L. 6243-1 du code du travail, issu de la loi de finances pour 2014, précise que le montant de cette nouvelle prime à l’apprentissage mieux ciblée ne peut être inférieur à 1 000 euros par année de formation, mais que les régions sont libres de prévoir un montant supérieur. Toutefois, le choix d’une région d’accorder à l’emploi des apprentis un soutien financier plus important sera logiquement à leur charge. S’agissant d’éventuelles dépenses supplémentaires qui ne résultent pas mécaniquement d’une décision prise par le législateur, mais de décisions prises dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, il est légitime de privilégier leur responsabilité financière pour la partie correspondante.

Ainsi, le paragraphe III de l’article 140 de la loi de finances pour 2014 a prévu que la compensation par l’État aux régions du coût de ce nouveau dispositif ne dépasserait pas 1 000 euros par année de formation et par apprenti ayant conclu un contrat d’apprentissage dans un établissement de la région. Il a toutefois été prévu qu’à titre transitoire, pour tenir compte de la montée en charge progressive du nouveau dispositif de 2014 à 2016, le montant de la compensation pour ces trois années serait obtenu en appliquant au calcul précédemment décrit un ratio croissant : 2 % pour l’année 2014, 60 % pour l’année 2015 et 96 % pour l’année 2016.

C. LE MONTANT ET LA COMPENSATION DES PRIMES VERSÉES AU TITRE DES CONTRATS D’APPRENTISSAGE CONCLUS AVANT LE 1ER JANVIER 2014

Le même article 140 a prévu que, pour les contrats d’apprentissage déjà signés avant la mise en place de la nouvelle prime réservée aux entreprises de moins de onze salariés, deux cas sont distingués :

− pour les entreprises de moins de onze salariés, pour la première année de formation, la prime versée par la région est celle qui est prévue lors de la signature du contrat, mais que, par cohérence avec le niveau de la prime prévu pour les nouveaux contrats d’apprentissage conclus à partir du 1er janvier 2014, la prime versée par les régions au titre des deuxième et troisième années de formation des contrats déjà conclus s’élève également à 1 000 euros par apprenti ;

− pour les entreprises comptant onze salariés ou plus, en revanche, que le Gouvernement juge moins crucial de soutenir pour le développement de l’apprentissage, le montant de la prime baisse à 500 euros par apprenti pour la deuxième année de formation et à 200 euros par apprenti pour la troisième année de formation.

Il a également été prévu que la compensation par l’État aux régions des dépenses engagées au titre de ces primes est calculée en appliquant au nombre d’apprentis ayant conclu sur leur territoire un contrat d’apprentissage avant le 1er janvier 2014 ces mêmes montants (distincts selon que l’entreprise compte plus ou moins de onze salariés).

Cette architecture un peu complexe doit donc aboutir, pour le « stock » des contrats d’apprentissage conclus avant l’entrée en vigueur de la réforme, à une différenciation croissante des soutiens selon la taille des entreprises concernées, le soutien accordé à l’apprentissage dans les entreprises de plus de onze salariés s’éteignant progressivement. Selon les estimations alors communiquées par le ministère chargé du travail, le coût lié au financement de l’ancien dispositif des ICF doit logiquement décroître au cours des prochaines années, passant de 426,9 millions d’euros en 2014 à 121,1 millions d’euros en 2015, puis 12,4 millions d’euros en 2016.

D. UNE COMPENSATION FINANCIÈRE DONT LE MONTANT POUR 2014 NE POUVAIT ȆTRE QUE PRÉVISIONNEL

L’article 40 de la loi de finances pour 2014 a précisé les modalités de la compensation financière due par l’État aux régions au titre du financement des primes d’apprentissage, en application des règles de calcul fixées par son article 140 et précédemment exposées.

Le choix a alors été fait de mobiliser pour cette compensation des ressources mixtes, constituées pour partie de dotations budgétaires et pour partie d’un reversement de recettes fiscales. Pour l’année 2014, les dotations budgétaires se sont élevées au total à 314 millions d’euros, provenant de deux sources distinctes :

− le programme n° 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi, à hauteur de 264 millions d’euros ;

− le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, à hauteur de 50 millions d’euros.

Les ressources fiscales reversées aux régions devaient, quant à elles, s’élever à 117 millions d’euros et provenir d’une partie du produit de la TICPE perçue par l’État au titre des carburants vendus en 2012. Ces quantités étant connues à la fin de l’année 2013, il était possible de calculé que le montant souhaité serait obtenu en reversant aux régions 0,31 centime d’euro par litre d’essence sans plomb et 0,22 centimes d’euro par litre de gazole.

En revanche, le montant global de la compensation due en 2014 aux régions au titre des primes à l’apprentissage, fixé alors à 431 millions d’euros (montant obtenu en additionnant les 314 millions d’euros de dotations budgétaires et les 117 millions de reversement de TICPE), ne pouvait alors reposer que sur une estimation. En effet, alors que les paragraphes III et V de l’article 140 de la loi de finances pour 2014 prévoyaient que la compensation serait calculée sur la base du nombre d’apprentis ayant conclu, dans un établissement de la région, un contrat d’apprentissage avant le 31 décembre 2013, ces effectifs n’étaient pas encore connus. Le calcul avait donc été fait, dans un premier temps, à partir des effectifs d’apprentis constatés dans chaque région au 31 décembre 2012, ainsi qu’en tenant compte de la baisse du nombre de nouveaux apprentis constatée pendant le premier semestre de l’année 2013. Or, cette baisse du nombre d’entrées dans le dispositif de soutien à l’apprentissage a été moins marquée au cours du second semestre de l’année 2013, ce qui explique également la nécessité d’augmenter le montant de la compensation requise pour tenir compte des effectifs constatés à la fin de l’année 2013.

De même, la répartition entre régions des ressources issues des fractions de TICPE avait aussi été prévue en fonction de ces données de la fin de l’année 2012, dont il était certain qu’elles devraient ensuite être corrigées au vu des effectifs d’apprentis enregistrés à la fin de l’année 2013.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Les effectifs d’apprentis qui ont conclu, au 31 décembre 2013, un contrat d’apprentissage sont désormais connus dans chaque région, ainsi qu’en Corse et dans le Département de Mayotte. L’article procède donc à la révision des montants de compensation dus à l’ensemble de ces collectivités.

Ces effectifs s’élevaient à cette date à 409 855 apprentis, répartis de la manière suivante :

− 230 813 apprentis employés dans des entreprises de moins de onze salariés ;

− 179 042 apprentis employés dans des entreprises comptant onze salariés ou plus.

EFFECTIFS DES APPRENTIS AYANT CONCLU UN CONTRAT D’APPRENTISSAGE AU 31 DÉCEMBRE 2013

Collectivité territoriale

Effectifs d’apprentis dans les entreprises de moins de 11 salariés

Effectifs d’apprentis dans les entreprises de 11 salariés ou plus

Effectifs totaux d’apprentis ayant conclu un contrat d’apprentissage

Alsace

7 342

7 347

14 689

Aquitaine

10 996

6 444

17 440

Auvergne

4 928

2 660

7 588

Bourgogne

6 194

3 337

9 531

Bretagne

11 041

6 469

17 510

Centre

11 281

7 673

18 954

Champagne-Ardenne

4 800

3 399

8 199

Corse

1 444

636

2 080

Franche-Comté

5 432

3 576

9 008

Île-de-France

29 820

51 440

81 260

Languedoc-Roussillon

9 930

5 079

15 009

Limousin

2 277

1 179

3 456

Lorraine

10 198

6 157

16 355

Midi-Pyrénées

9 356

6 085

15 441

Nord-Pas-de-Calais

12 024

9 111

21 135

Basse-Normandie

6 319

3 401

9 720

Haute-Normandie

7 651

5 051

12 702

Pays de la Loire

16 359

11 130

27 489

Picardie

5 808

4 296

10 104

Poitou-Charentes

7 906

4 845

12 751

Provence-Alpes-Côte d’Azur

19 612

10 041

29 653

Rhône-Alpes

24 273

17 930

42 203

Guadeloupe

442

206

648

Guyane

181

387

568

Martinique

1 783

199

1 982

La Réunion

3 164

964

4 128

Mayotte

252

0

252

TOTAL

230 813

179 042

409 855

Source : présent projet de loi de finances rectificative pour 2014 (évaluation préalable de l’article 1er).

De ce fait, le calcul de la compensation due au titre de l’ancien dispositif des ICF (calcul prévu par le paragraphe V de l’article 140 de la loi de finances pour 2014) aboutit à un montant de 458,1 millions d’euros, auquel il convient d’ajouter une compensation de 4,6 millions d’euros au titre du nouveau dispositif des primes à l’apprentissage (calcul prévu par le paragraphe III de l’article 140). Au total, la compensation due aux régions pour l’année 2014 s’élève à 462,7 millions d’euros, soit 31,7 millions d’euros de plus que la somme initialement prévue.

Au vu des effectifs d’apprentis constatés à la fin de l’année 2013 dans les différentes régions, ce montant de 31,7 millions d’euros de compensation supplémentaire à effectuer ne pourrait être obtenu qu’en réduisant, pour trois régions (Picardie, Guadeloupe et Guyane), les montants de reversement de TIPCE qui avaient été prévus au paragraphe II de l’article 40 de la loi de finances pour 2014, pour un montant total d’un peu plus de 500 000 euros. Le présent projet de loi de finances rectificative ne va pas jusqu’à supprimer rétroactivement pour ces régions la part finalement excessive du produit de la TICPE qui leur a été allouée en application de la loi de finances pour 2014. En s’en tenant simplement pour ces trois régions à une absence de reversement supplémentaire de TICPE, il apparaît donc que le montant supplémentaire de TICPE qu’il convient d’allouer aux autres régions pour respecter les règles prévues par l’article 140 de la loi de finances s’élève à 32,2 millions d’euros.

Sur la base des quantités de carburants vendus en 2012, ce montant peut être obtenu en prévoyant que les régions, la Corse et le Département de Mayotte, pris dans leur globalité, bénéficieront en 2014 du reversement d’une fraction de TICPE s’élevant à 0,08 centime d’euro par litre d’essence sans plomb et 0,06 centime d’euro par litre de gazole.

En tenant compte des effectifs d’apprentis constatés dans chaque région, ainsi que des années de formations correspondantes (puisque toutes ne sont pas compensées de la même manière dans les entreprises de plus de onze salariés, au titre de l’ancien dispositif des ICF), l’article ventile entre les différentes collectivités territoriales le produit qu’elles doivent tirer de ce reversement de TICPE, pour qu’elles bénéficient bien de la compensation supplémentaire qui leur est due au titre du soutien aux contrats d’apprentissage.

ÉVOLUTION DE LA COMPENSATION FINANCIÈRE ALLOUÉE EN 2014 AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AU TITRE DES PRIMES À L’APPRENTISSAGE

Collectivité territoriale

Compensation financière due au titre de l’année 2014

(en millions d’euros)

Dotations budgétaires versées en 2014 au titre de cette compensation

(en millions d’euros)

Part de TICPE dont le reversement était prévu par le PLF pour 2014

(en millions d’euros)

Complément de compensation financière prévu pour 2014 par une fraction supplémentaire de TICPE

(en millions d’euros)

Alsace

19,7

13,4

4,1

2,2

Aquitaine

22,8

15,5

5,1

2,2

Auvergne

10,6

7,2

2,4

1

Bourgogne

13

8,8

2,9

1,3

Bretagne

29,9

20,3

5,1

4,5

Centre

25,3

17,2

5,4

2,8

Champagne-Ardenne

10,1

6,8

2,2

1

Corse

2,5

1,7

0,5

0,3

Franche-Comté

12

8,1

2,7

1,1

Île-de-France

76,8

52,1

22,3

2,4

Languedoc-Roussillon

18,2

12,3

4,3

1,5

Limousin

3,7

2,5

1

0,2

Lorraine

17,8

12,1

4,4

1,3

Midi-Pyrénées

21,8

14,8

4,7

2,2

Nord-Pas-de-Calais

24,3

16,5

6,2

1,6

Basse-Normandie

12,2

8,3

2,8

1,1

Haute-Normandie

18,7

12,7

3,7

2,3

Pays de la Loire

24,7

16,8

7,8

0,1

Picardie

10,1

6,9

3,3

0

Poitou-Charentes

14,7

10

3,9

0,9

Provence-Alpes-Côte d’Azur

25,9

17,6

8,3

0,1

Rhône-Alpes

38,2

25,9

11,4

0,9

Guadeloupe

0,5

0,3

0,4

0

Guyane

0,1

0,1

0,2

0

Martinique

3,6

2,4

0,5

0,7

La Réunion

5,2

3,6

1,2

0,5

Mayotte

0,4

0,3

0,1

0

TOTAL

462,7

314

117

32,2 (20)

Source : présent projet de loi de finances rectificative pour 2014 (évaluation préalable de l’article 1er).

Il convient, par ailleurs, de rappeler que, pour l’année 2015, le paragraphe II de l’article 13 du projet de loi de finances pour 2015, adopté en première lecture par notre assemblée le 18 novembre dernier, prévoit que la fraction de TICPE qui devra être reversée aux régions ainsi qu’aux collectivités territoriales de Corse et de Mayotte devrait s’élever à :

− 0,67 centime d’euro par litre d’essence sans plomb ;

− 0,48 centime d’euro par litre de gazole.

Le même article précise également la répartition du produit issu de cette fraction de TICPE entre ces différentes collectivités territoriales. Il ne s’agit, là encore, que d’appliquer les règles prévues par l’article 140 de la loi de finances pour 2014.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

*

* *

Article 2
Modification de l’assiette de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) et création d’une taxe additionnelle à la TREF
au titre de l’exercice 2014

Suite à différents règlements européens, le financement du fonctionnement des trains d’équilibre du territoire (TET), aujourd’hui déficitaires, ne peut être assuré directement par la SNCF, mais est réalisé via un compte d’affectation spéciale (CAS). Ce compte est abondé par trois taxes, dont la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF). Du fait du mode de calcul de cette dernière, qui repose sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés, et du résultat déficitaire de la SNCF seule contributrice à cette taxe, la TREF n’a pas pu assurer en 2014 le rendement attendu (soit 200 millions d’euros).

Dès lors, l’objet du présent article est de créer, pour la seule année 2014, une taxe exceptionnelle additionnelle à la TREF pour compenser le moindre rendement observé de la TREF.

Par ailleurs, cet article procède à l’élargissement de l’assiette de la TREF à compter de 2015 afin de sécuriser l’abondement du CAS.

À cet effet, il modifie l’article 235 ter ZF du code général des impôts (CGI) en majorant l’assiette de la taxe du résultat des dotations aux amortissements de l’exercice, tout en excluant les amortissements exceptionnels.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Le CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs a été créé par l’article 65 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

Il vise à assurer l’équilibre financier de quarante lignes ferroviaires de transport de voyageurs, sur lesquelles circulent les trains d’équilibre du territoire (TET). Cette catégorie comptait jusqu’en 2012 les trains « Corail », « Corail Intercités », « Téoz » et « Lunéa », désormais regroupés sous le seul vocable de trains « Intercités ».

Jusqu’en 2010, la SNCF assurait le financement de ces lignes déficitaires par prélèvement sur les excédents des lignes à grande vitesse. Cette péréquation interne a été abandonnée sous l’effet conjugué, d’une part, du règlement européen n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit « règlement OSP » (pour obligations de service public), en vertu duquel le maintien de lignes déficitaires correspondant à une obligation de service public ouvre droit à compensation financière et, d’autre part, de l’ouverture progressive à la concurrence du transport de voyageurs qui imposait de mettre fin à un système de financement jusque-là interne à la seule entreprise historique.

Dès lors, l’État qui, depuis le 1er janvier 2011, assume pour ces lignes la compétence d’autorité organisatrice de transport, gère cette péréquation. Le 13 décembre 2010, une convention triennale (2011-2013) a été conclue entre l’État et la SNCF pour l’exploitation des TET. La convention est arrivée à échéance en décembre 2013 mais un avenant a permis sa prolongation pour l’année 2014. Une nouvelle convention est en cours de négociation.

Ainsi, la SNCF reçoit de l’État, via ce CAS, une contribution au financement de son déficit d’exploitation sur ces lignes et à l’entretien du matériel roulant qui y est affecté, en contrepartie d’obligations de service public, dont le respect est suivi par des indicateurs de résultats et sanctionné par un dispositif de bonus/malus.

Le compte est alimenté par trois types de recettes :

– la contribution de solidarité territoriale (CST), codifiée à l’article 302 bis ZC du CGI et due par les entreprises de service de transport ferroviaire de voyageurs. Cette taxe est assise sur le chiffre d’affaires des prestations de transport ferroviaire de voyageurs et des prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées entre deux gares du réseau ferré national, sans toutefois prendre en compte les services de transport ferroviaire conventionnés par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) ou les régions, autorités organisatrices de transports collectifs d’intérêt régional, notamment les trains express régionaux (TER), ni ceux conventionnés par l’État ;

– une fraction de la taxe d’aménagement du territoire (21) (TAT), prévue à l’article 302 bis ZB du CGI et acquittée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. Le tarif de la taxe est fixé à 7,32 euros par 1 000 kilomètres parcourus. La loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a procédé à la diminution de 16 millions d’euros (soit une baisse de 45,7 %) de la part de la TAT affectée au CAS afin d’en assurer l’équilibre, en raison de la mise en œuvre de la nouvelle tarification de l’infrastructure ferroviaire pour 2014 (22) ;

– le produit de ladite TREF, codifiée à l’article 235 ter ZF du code précité et acquittée par les entreprises de service de transport ferroviaire de voyageurs ayant des activités de transport de voyageurs qui sont redevables de la CST, dès lors que celle-ci est assise sur un chiffre d’affaires supérieur à 300 millions d’euros. La TREF est elle-même assise sur le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés. Son taux est compris entre 15 % et 35 %. Un arrêté du 22 octobre 2014 fixe ce taux à 30,65 % pour l’année 2014. Le plafond de cette taxe, initialement fixé à 75 millions d’euros en 2011, puis à 155 millions d’euros en 2012, a été porté à 200 millions d’euros en 2013. Elle assurera ainsi près des deux tiers du financement de la subvention d’équilibre devant être versée en 2015.

Le tableau suivant détaille le produit attendu des ressources du CAS depuis sa création dans la loi de finances pour 2011 :

ÉVOLUTION DU PRODUIT ATTENDU DES RESSOURCES DU CAS
SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS

(en millions d’euros)

Taxe

LFI 2011

Exécu-tion
2011

LFI 2012

Exécu-tion 2012

LFI 2013

Exécu-tion 2013

LFI 2014

Exécu-tion
2014 (prévi-sionnel)

PLF 2015

variation entre LFI 2011 et PLF 2015 (en %)

Taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF)

75

75

155

155

200

155

200

0

200

+ 166,67

Contribution de solidarité territoriale (CST)

100

105,8

90

135

90

135

90

90

90

– 10

Taxe d’aménagement du territoire (TAT)

35

35

35

35

35

35

19

Donnée non connue

19

– 45,71

Total

210

215,8

280

325

325

325

309

Donnée non connue

309

+ 47,14

Source : projets de loi de finances pour 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 et SNCF.

Actuellement, la SNCF, seule entreprise ferroviaire présente sur les lignes d’équilibre du territoire, fournit la totalité des contributions ferroviaires, qui lui reviennent intégralement par la suite.

En effet, la gestion du CAS constitue un circuit entre l’État et la seule SNCF qui souhaite réduire au strict minimum le délai entre le versement des taxes ferroviaires et le reversement qui lui en est fait par le biais des acomptes.

Le CAS retrace en dépenses, dans deux programmes 785 Exploitation des services nationaux de transport conventionnés et 786 Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés :

– les contributions liées à l’exploitation des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l’État ;

– les contributions liées au matériel roulant.

Depuis sa création, ce mécanisme finance des lignes déficitaires : les contributions sont passées de 210 millions d’euros dans la loi de finances initiale en 2011, année de sa création, à 309 millions dans le projet de loi de finances pour 2015 (soit une augmentation de 47 %). D’ailleurs, dans un récent rapport, la Cour des comptes dresse un constat critique du CAS qui ne serait « ni incitatif pour la SNCF, ni responsabilisant pour l’État » (23) et recommande d’y mettre un terme.

À cela s’ajoute un problème de financement du CAS : en effet, le résultat de la SNCF, seul contributeur à la TREF, était déficitaire au titre de l’année 2013 (24) ; l’équilibre du CAS en 2014 s’en trouve ainsi compromis dès lors que les autres recettes sont insuffisantes pour redresser le compte. En effet, ces résultats font « échapper » à la TREF, le CAS enregistrant mécaniquement une moindre recette estimée à 200 millions d’euros, montant que devait rapporter la TREF en 2014. D’après le projet de loi de finances pour 2015, le CAS devrait établir son équilibre budgétaire à 309 millions d’euros en 2015, soit le montant prévu dans la loi de finances initiale pour 2014, en considérant que la TREF rapporte bien les 200 millions d’euros escomptés, à comparer avec les 90 millions d’euros de la CST et les 19 millions d’euros de la TAT.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’article 2 du présent projet de loi de finances rectificative propose d’apporter une solution pérenne au problème du financement du CAS, tant pour l’année 2014 que pour les exercices ultérieurs.

A. CRÉATION POUR 2014 D’UNE TAXE EXCEPTIONNELLE ADDITIONNELLE À LA TAXE SUR LES RÉSULTATS DES ENTREPRISES FERROVIAIRES

En premier lieu, le I du présent article crée une taxe exceptionnelle pour 2014, additionnelle à la TREF, qui, tout en reprenant les caractéristiques de cette dernière, voit son assiette élargie aux dotations aux amortissements de l’exercice, hors amortissements dérogatoires. Au titre de l’année 2014, le recours à une taxe additionnelle a été préféré à une modification de la taxe existante ; en effet, dès lors que le fait générateur et la date d’exigibilité de la taxe étaient déjà passés, il s’agissait à la fois d’éviter toute rétroactivité et de produire la recette escomptée, soit 200 millions d’euros − de facto la taxe exceptionnelle sera assise sur les seules dotations aux amortissements.

Alors que le IV de l’article 235 ter ZF du CGI prévoit que la TREF est déclarée et liquidée dans les six mois de son exigibilité et acquittée lors du dépôt de cette déclaration, la taxe exceptionnelle est exigible le 31 décembre 2014.

Le taux de cette taxe additionnelle est fixé par le projet de loi de finances rectificative à 24,5 %, de manière dérogatoire au III de l’article 235 ter ZF précité qui, comme on l’a vu, donne compétence aux ministres chargés des transports, de l’économie et du budget pour fixer par arrêté le taux de la TREF, dans une fourchette allant de 15 à 35 %.

Les modalités de déclaration, de liquidation et de recouvrement de cette taxe complémentaire sont identiques à celles prévues pour la TREF, qui suivent celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Aussi, la taxe additionnelle sera déclarée, liquidée et acquittée lors du dépôt de la déclaration de TVA en janvier 2015. Il n’existe donc pas d’incidence en termes d’avance et d’endettement pour la SNCF qui acquittera cette taxe en 2015 et en obtiendra la restitution au cours du même exercice.

Le II du présent article prévoit que le produit de cette taxe ad hoc sera affecté au CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs. Cette affectation permettra de réaliser 200 millions d’euros de dépenses supplémentaires du CAS en 2015 par rapport à 2014.

B. AMÉNAGEMENT DU RÉGIME DE LA TAXE SUR LES RÉSULTATS DES ENTREPRISES FERROVIAIRES

En second lieu, pour régler d’une manière générale et pérenne le problème du financement du CAS, notamment en cas de résultat fiscal déficitaire de la SNCF, il est proposé de modifier l’assiette et le taux de la TREF. Cette « nouvelle version » de la TREF s’appliquera à compter du 1er janvier 2015.

● L’élargissement de l’assiette

Pour rappel, la TREF est assise sur le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés réalisé par le redevable au titre de son dernier exercice clos avant l’exigibilité de la taxe. Les résultats imposables correspondent aux résultats déterminés avant application des règles de report en avant et en arrière des déficits (25).

Le III du présent article se substituerait au III de l’article 235 ter ZF du CGI en vigueur. À compter de 2015, l’assiette de la TREF inclura les dotations aux amortissements de l’exercice, hors amortissements dérogatoires.

Le mode d’amortissement retenu doit refléter la dépréciation effective d’un actif, c’est-à-dire le rythme de consommation des avantages économiques qui en sont attendus. L’amortissement est une charge déductible du bénéfice imposable d’une entreprise au titre d’un exercice. Le droit fiscal distingue trois types d’amortissement :

– l’amortissement linéaire, qui est le mécanisme de droit commun prévu par le 2° du 1 de l’article 39 du CGI, permet de déduire chaque année une fraction identique de la valeur du bien, variable en fonction de sa durée normale d’utilisation (« d’après les usages de chaque nature d’industrie, de commerce ou d’exploitation ») ;

– l’amortissement dégressif permet sur option, pour de nombreuses catégories d’actifs définies par l’article 39 A du CGI, de déduire des charges plus importantes au cours des premiers exercices. La valeur nette du bien − c’est-à-dire la différence entre la valeur d’origine et l’amortissement −  est affectée chaque année d’un taux constant, lui-même produit par l’application d’un coefficient fixe au taux d’amortissement qui résulterait de l’application de la méthode linéaire. Le coefficient est parfois majoré pour certains investissements, notamment les matériels destinés à économiser l’énergie, en application de l’article 39 AA du CGI ;

– l’amortissement exceptionnel permet d’apporter un soutien public à l’investissement « au coup par coup », sans règle d’application générale à la différence des deux premières méthodes. Ce type d’amortissement prend généralement la forme d’un amortissement massif, dès l’année de réalisation de l’investissement ou d’un amortissement sur une durée de douze mois quelle que soit leur durée normale d’utilisation, notamment les matériels destinés à économiser l’énergie, en application de l’article 39 AB du CGI. Cet amortissement massif n’a pas à être justifié par une dépréciation particulière.

Les amortissements dérogatoires sont constitués, selon l’administration fiscale, des amortissements comptabilisés en application de textes particuliers, c’est-à-dire, en pratique, les textes fiscaux. Ainsi, ils incluent les amortissements exceptionnels et les amortissements pratiqués selon le mode dégressif. Ils seront exclus de l’assiette de la TREF. Ils seront toutefois, pour la première fois, comptabilisés sur l’exercice clos en 2014 de la SNCF. Ce type d’amortissement sera pratiqué sur les acquisitions de rames neuves.

En pratique, seuls les amortissements calculés selon le mode linéaire seront intégrés à l’assiette de la TREF. Ils représentent un montant de 1,7 milliard d’euros, tandis que les amortissements dérogatoires s’élèvent, en prévisionnel, à 11,7 millions d’euros.

Le choix d’inclure les dotations aux amortissements a été retenu car il permet au CAS et, en dernière analyse à la SNCF, de pallier les variations du résultat fiscal qui peut se révéler négatif. De fait, en le corrigeant des dotations aux amortissements qui, en règle générale, représentent 1,5 milliard d’euros (26), une assiette taxable à la TREF est ainsi garantie. Par ailleurs, l’élargissement de l’assiette de cette taxe est la seule solution qui permette de recouvrir le produit attendu en loi de finances initiale sans dégrader la rentabilité de l’activité des trains à grande vitesse (TGV). En effet, il aurait pu être décidé d’augmenter le rendement de la CST qui assure une recette de 90 millions d’euros et dont l’assiette est constituée du chiffre d’affaires des TGV. Toutefois, ce choix aurait eu un impact direct sur la rentabilité de cette activité dont la situation économique est délicate.

Cette mesure apparaît comme dépourvue d’incidence pour la SNCF puisque la TREF demeurant un impôt sur les résultats, elle ne comporte aucun impact sur le niveau de marge opérationnelle de la SNCF. En outre, le montant de la taxe reste plafonné à 200 millions d’euros ce qui rend cette mesure neutre pour la SNCF.

Il convient de rappeler que l’impôt sur les sociétés frappe une assiette dont sont déduites les dotations aux amortissements qui constituent des charges. À cette aune, le mécanisme proposé se révèle donc dérogatoire.

● Les nouvelles modalités de fixation du taux

Le régime de la TREF s’appliquant à compter du 1er janvier 2015 verra le mode de fixation de son taux modifié par rapport au dispositif en vigueur.

Le III du présent article substitue au mécanisme associant un plafond de 200 millions d’euros à une fourchette de taux définie par le III de l’article 235 ter ZF du CGI un taux fixé par « arrêté conjoint des ministres chargés des transports, de l’économie et du budget (…) calculé de telle sorte que le produit annuel de la taxe soit de 200 millions d’euros ».

L’assiette étant connue, le rendement attendu de 200 millions d’euros permet de déduire le taux qui sera appliqué. Dès lors, le plafond de la taxe devient un seuil à atteindre mais qui est « indépassable », faisant de la TREF un impôt de répartition.

La fourchette, fixée par le législateur, ainsi que le plafond de 200 millions d’euros sont donc supprimés. En bornant ainsi le pouvoir réglementaire, le législateur a épuisé sa compétence.

En pratique, le produit attendu de la TREF pour assurer l’équilibre du CAS, tant en 2013 qu’en 2014 et 2015, correspondait au montant du plafond fixé qui avait été relevé considérablement en 2012 (+ 106 % par rapport à 2011), puis en 2013 (200 millions d’euros). Par conséquent, le présent article, en fixant une cible à atteindre d’un montant de 200 millions d’euros, tire les conséquences de la pratique observée lors des deux précédents exercices, consistant à fixer le taux de la taxe de manière à ce que l’on parvienne à 200 millions d’euros, soit le plafond de l’actuelle TREF, ce qui s’est révélé insuffisant lors du précédent exercice. Néanmoins, la question se pose de savoir si le montant de 200 millions d’euros prévus pour alimenter le CAS permettra de le financer, en raison de la croissance continue de ses charges.

La solution proposée pour garantir le financement des charges associées au CAS ne résout pas pour autant la question de fond qui est celle des causes de l’évolution de ces charges. C’est pourquoi le Gouvernement a, par une lettre de mission en date du 20 novembre 2014, créé une commission, sur le modèle de la commission « Mobilité 21 » (27), placée sous la présidence de Monsieur Philippe Duron, député et président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), en vue d’établir un diagnostic de la situation actuelle et de proposer une solution alternative, complémentaire des lignes à grande vitesse et des trains express régionaux, dans un objectif de soutenabilité financière. La commission devrait publier son rapport dans un délai de six mois, au terme desquels un débat sera organisé afin que des décisions soient arrêtées au 1er janvier 2016. Il sera ainsi question de trouver une solution au déficit d’exploitation de ces lignes, ce qui pourrait amener, à terme, à diminuer les besoins de financement du CAS.

Il pourra alors être nécessaire de revoir, à nouveau, les modalités de financement de ce dernier.

Les modalités de déclaration, de liquidation et de recouvrement de cette nouvelle version de la TREF demeurent identiques à celles en vigueur.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 100 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement, qui s’inscrit dans la droite ligne de la promesse du Président de la République de ne pas augmenter les impôts en 2015, propose de supprimer l’article 2 visant à modifier l’assiette de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires – TREF – et à créer une taxe additionnelle à la TREF au titre de l’exercice 2014. Cet impôt spécifique pesant sur la seule SNCF vise à compenser la chute d’autres recettes en provenance de cette même société ; c’est une conception assez étrange de la fiscalité.

Mme la Rapporteure générale. La SNCF ayant été déficitaire l’année dernière, le rendement de la taxe, qui existait déjà, n’a pas été celui qui était attendu. Par ailleurs, il s’agit d’une recette qui revient indirectement à la SNCF par la suite.

M. le président Gilles Carrez. Le dispositif a été créé dans la loi de finances pour 2011.

Mme Valérie Pécresse. Ce dispositif n’a d’intérêt que si la SNCF est bénéficiaire. Or la région Île-de-France s’apprête à instaurer un passe Navigo à tarif unique qui serait financé, grâce à un amendement de notre collègue Olivier Faure, par une augmentation du versement transports de 150 millions d’euros. Le coût de cette mesure étant de 550 millions d’euros, c’est 400 millions d’euros par an de plus à la charge de la SNCF et de la RATP. N’y a-t-il pas de l’ironie à maintenir cette taxe sur les résultats de la SNCF au moment où vous vous apprêtez à plomber les comptes de cette société ? C’est le prix de la démagogie électorale régionale !

M. Charles de Courson. Je vous mets en garde contre la création d’un impôt sur les déficits. Il est question, dans cet article, de « bénéfice comptable majoré des dotations aux amortissements ». C’est vraiment absurde !

Mme la Rapporteure générale. Le financement du passe Navigo provient du Syndicat des transports d’Île-de-France – STIF –, madame Pécresse, et non de la SNCF.

M. le président Gilles Carrez. L’amendement de notre collègue Olivier Faure s’inscrit dans le cadre de la hausse de la fiscalité spécifique aux entreprises franciliennes, hors fiscalité locale, hors fiscalité nationale, de près de 1 milliard d’euros. Chacun prendra ses responsabilités.

Cela dit, M. de Courson n’a pas tort. Le résultat, qui constitue l’assiette originale de la taxe étant déficitaire, on ajoute les dotations aux amortissements. Cependant, Mme la Rapporteure générale a également raison d’indiquer que c’est un circuit qui s’autoalimente, cette taxe revenant essentiellement à la SNCF. Nous espérons qu’avec l’ouverture à la concurrence, des opérateurs étrangers réaliseront des bénéfices qui rapporteront beaucoup de recettes. C’était l’idée, optimiste, en 2011.

La Commission rejette l’amendement CF 100.

La Commission examine l’amendement CF 237 de M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Je suis moins radical que M. de Courson, même s’il est vrai que ce dispositif est étrange. C’est une rustine pour l’année 2014 pour permettre de financer le compte d’affectation spéciale – CAS – Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs, qui alimente lui-même l’exploitation des trains d’équilibre du territoire – TET. Maintenir le dispositif pour 2015 paraît incroyable, d’autant plus que le Gouvernement vient de confier à Philippe Duron une mission de six mois sur la question de ces trains. Le rapport de ce dernier nous permettra de connaître les besoins de financement et apportera, je l’espère, des solutions, à la suite des préconisations du rapport de la Cour des comptes du 4 octobre 2014, dans lequel celle-ci s’est interrogée sur le financement du CAS, et notamment sur le fait que la route contribue très peu à ce financement. Le mieux, dans ce contexte, serait de ne pas figer le dispositif existant.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement a une logique économique. Je vous propose, monsieur Faure, de le retirer et de le présenter en vue de la séance publique, ce qui permettra de le retravailler.

M. le président Gilles Carrez. L’amendement est en effet tout à fait logique. Acceptez-vous, cher collègue, la proposition de la Rapporteure générale ?

M. Olivier Faure. J’espère que le Gouvernement, ayant lu nos comptes rendus, aura avancé sur la question et proposera un dispositif plus souple.

M. Charles de Courson. Je pense qu’il vaudrait mieux voter l’amendement, quitte à le sous-amender ensuite, afin d’affirmer la position de notre commission. À force de laisser passer des choses aberrantes, nous perdons toute crédibilité.

Mme la Rapporteure générale. Je demande le retrait de l’amendement, en m’engageant à y retravailler.

L’amendement CF 237 est retiré.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

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Article 3
Élargissement du dispositif de soutiens financiers à l’export
à des prêts non concessionnels à des États étrangers

Le présent article élargit le dispositif existant de prêts concessionnels à des États émergents dans le cadre de projets d’infrastructures faisant appel à des biens ou services français (28) de manière à le compléter par un mécanisme de prêt direct public ouvert à tout État étranger souhaitant réaliser un projet avec le concours d’une entreprise française.

L’objectif est d’améliorer la compétitivité-prix des entreprises exportatrices françaises en permettant aux États souverains qui les solliciteraient de bénéficier d’un prêt non concessionnel dont le taux d’intérêt serait toutefois plus favorable que ceux actuellement proposés par les banques commerciales dans le cadre de crédits-export assurés par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) et garantis par l’État.

Il est prévu en ce sens de modifier l’intitulé du programme 851 Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure du compte de concours financier Prêts à des États étrangers pour permettre la coexistence du mécanisme de prêt concessionnel en vigueur et de ce nouveau mécanisme de prêts publics directs non concessionnels.

Cet élargissement se fait à budget constant : concrètement, les crédits prévus pour le programme 851 par le projet de loi de finances pour 2015 (soit 330 millions d’euros en autorisations d’engagement et 440 millions d’euros en crédits de paiement) seront redistribués entre ces deux mécanismes, ce qui laisse craindre une diminution mécanique du soutien aux projets d’infrastructure dans les pays émergents.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LE SYSTÈME DE CRÉDIT-EXPORT ASSURÉ PAR LA COFACE

1. Un système reposant sur les banques commerciales bénéficiant de l’assurance-crédit de la Coface

En matière de crédit-export, le principal mode de financement aidé que les entreprises exportatrices françaises peuvent proposer à leurs clients repose sur les offres des banques commerciales bénéficiant d’une assurance-crédit financée par la Coface et garantie par l’État.

Cette assurance-crédit consiste à couvrir, à moyen et long terme, les entreprises exportatrices contre le risque d’interruption de leur contrat et les banques contre le risque de non-remboursement des crédits à l’exportation octroyés à un acheteur étranger de biens et services français. L’État ne garantit, au titre de cette assurance, que les risques non assurables par le marché, soit les plus volatils ou les plus incertains, à l’instar des projets d’infrastructure qui nécessitent des investissements importants ou des projets d’équipement, notamment dans le domaine de la défense pour lequel le risque d’embargo n’est pas assuré par le marché.

Le solde des opérations d’assurance-crédit garanties par l’État est positif depuis dix-neuf ans et n’a donc pas fait l’objet de dotations au cours des dernières années puisque le montant des primes versées permet jusqu’à présent de compenser les éventuels sinistres.

L’encours de l’assurance-crédit est passé de 42,1 milliards d’euros fin 2008 à 61,2 fin 2013, pour un montant de sinistres de 121 millions d’euros en 2013. Ce montant est lié à hauteur de 43 % à des sinistres sur des contrats réalisés en Iran, mais également sur certains contrats conclus avec des acteurs privés mexicains ou ukrainiens.

Pour l’exercice 2013, le solde de financement de l’assurance-crédit est resté positif, à 758 millions d’euros (+ 23 % par rapport à 2012).

Par ailleurs, trois séries de réformes sont intervenues depuis 2012 pour améliorer le système de soutien financier public aux exportations :

– la loi de finances rectificative pour 2012 (29) a introduit une garantie de refinancement (30) améliorant l’accès à la liquidité pour les banques qui accordent des crédits-export ;

– le plan d’action présenté en mai 2013 sur le développement de l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) aux soutiens financiers à l’export s’est notamment traduit par la création d’un label de commercialisation de l’ensemble des dispositifs publics existants au sein de la Banque publique d’investissement (« Bpifrance Export ») ;

– la loi de finances rectificative de 2013 (31) a, entre autres mesures, élargi le champ de la garantie de refinancement, précédemment mentionnée, à de nouvelles catégories de refinanceurs potentiels dont la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales, les banques centrales, les fonds souverains ainsi que les organismes de retraite et fonds de pension français ou étrangers.

Malgré ces développements récents, la forte concurrence sur des projets d’exportation stratégiques a été soulignée par certaines grandes entreprises françaises ainsi que leur moindre compétitivité-prix au regard de concurrents étrangers bénéficiant, dans leur pays, de dispositifs de prêts publics directs.

2. Les difficultés de financement des exportations de biens et services français

La principale faiblesse du système d’aide au crédit-export français soulignée par les entreprises exportatrices est qu’il se traduit par une aide indirecte reposant sur les offres de crédits des banques commerciales. Or, les taux proposés par ces banques sont souvent sensiblement plus élevés que le taux minimum fixé dans le cadre de l’Arrangement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public (32), soit du taux d’intérêt commercial de référence (TICR) (33).

En effet, au-delà des contraintes prudentielles pesant sur les établissements financiers, notamment dans le cadre des accords de Bâle III qui ont renforcé les obligations en matière de fonds propres par l’application d’un ratio de levier plus contraignant, les banques commerciales intègrent dans leurs offres des coûts liés à leur activité de financement (dont les coûts de financement et la marge commerciale) qui sont internalisés par l’État dans le cadre d’un mécanisme de prêts publics directs.

Selon l’évaluation préalable de l’article, les exportateurs français sont confrontés à une concurrence croissante de la part :

– en premier lieu, des entreprises issues de pays non signataires de l’Arrangement de l’OCDE. Ces pays peuvent en effet proposer des crédits-export à des taux inférieurs à ceux pratiqués par les pays signataires de cet accord ;

– en second lieu, des entreprises issues de pays signataires de cet accord mais disposant d’un mécanisme de prêt public dédié au financement de projets d’export bénéficiant de taux proches du minimum fixé par l’OCDE pour ce type de prêt. Selon l’évaluation préalable, « la majorité des pays de l’OCDE disposent aujourd’hui de dispositifs de prêt ou de refinancement publics. C’est notamment le cas en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, au Canada, au Japon, aux États-Unis, en Suède, au Danemark et en Finlande ».

En parallèle à ces dispositions en faveur du crédit-export, l’État a mis en place un dispositif de prêt public direct réservé aux pays émergents souhaitant réaliser des projets d’infrastructure avec le concours d’entreprises françaises. Ce dispositif, qui repose sur l’octroi de prêts concessionnels, participe ainsi à la politique d’aide au développement de la France.

B. LE DISPOSITIF DE PRÊT DIRECT AUX PAYS ÉMERGENTS

1. Un dispositif d’aide au développement favorisant les entreprises exportatrices françaises

Le programme 851 Prêts à des États étrangers de la Réserve pays émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructures a été introduit dans le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers par l’article 46 de la loi de finances pour 2006 (34).

Il prévoit les crédits nécessaires à la mise en œuvre d’un dispositif de prêts directs concessionnels aux pays émergents (35) permettant de faciliter le financement de projets d’infrastructures réalisés par des entreprises françaises.

Concrètement, les États souverains éligibles aux critères de la Réserve pays émergents (RPE) souhaitant réaliser un projet d’infrastructure peuvent bénéficier de prêts concessionnels conditionnés par le contenu français des projets présentés. Ainsi, au moins 70 % de la valeur ajoutée d’un contrat financé par ce type de prêt doivent être réalisés sur le territoire français. Ces prêts sont adossés à des protocoles bilatéraux entre la France et les pays bénéficiaires.

Le schéma ci-dessous permet de retracer les étapes de validation du financement de ces projets.

INSTRUCTION DES DEMANDES DE FINANCEMENT AU TITRE DE LA RPE

Source : direction générale du Trésor.

2. Les crédits inscrits sur le programme 851

Les crédits du programme 851 supportent en dépenses le montant des prêts concessionnels octroyés aux pays émergents.

Les autorisations d’engagement (AE) sont déterminées en fonction d’une évaluation ex ante des besoins liés aux projets susceptibles d’être validés en cours d’année, tandis que les crédits de paiement (CP) sont établis à partir d’une estimation des tirages au titre des protocoles déjà signés devant entraîner des décaissements en cours d’année.

Ces tirages permettent de verser progressivement les crédits en fonction des besoins de paiement constatés en cours de réalisation des projets. Par conséquent, le décalage peut être important entre la date d’engagement de la dépense et sa réalisation.

La gestion des crédits de ce programme, ainsi que les retards liés à des facteurs exogènes impactant les projets engagés, explique la constitution d’importants restes à payer.

À la fin de l’année 2013, le volume des AE engagées mais non consommées s’élevait ainsi à 1,85 milliard d’euros.

Selon le Gouvernement, ce montant constitue toutefois un « majorant » par rapport aux engagements liés à des protocoles bilatéraux « vivants » qui donneront effectivement lieu à la consommation de CP puisque « certaines offres de financement ne se concrétiseront pas, soit dans le cadre d’un appel d’offres avec financement lié, parce que le contrat commercial aura été remporté par des industriels non français, soit, de manière générale, parce que l’État receveur aura choisi d’autres formes de financement (…). De plus, après mise en vigueur du prêt, certaines opérations pourront être abandonnées ou voir leur format réduit » (36).

La Cour des comptes estime quant à elle que les décaissements liés aux restes à payer devraient représenter autour de « 300 à 400 millions d’euros au cours des prochaines années » (37).

Le tableau suivant récapitule les crédits inscrits au programme 851 pour la période 2013 à 2015.

(en millions d’euros)

2013
(exécution)

LFI 2014

PLF 2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

379,5

273,3

360

420

330

440

Source : Projet annuel de performances du compte concours financiers Prêts à des États étrangers, annexé au projet de loi de finances pour 2015.

En 2013, les AE ont été consommées en totalité au titre de neuf nouveaux projets, tandis que les CP ont fait l’objet d’une sous-consommation du fait du retard pris sur certains projets à la suite d’évènements exogènes.

LISTE DES PROTOCOLES SIGNÉS EN 2013

État

Date

Objet de l’engagement juridique

Montant des AE

(en millions d’euros)

Jordanie

31-déc.-12

Miyahuna (complément) –Réhabilitation du réseau de distribution primaire de quartiers de la banlieue d’Amman

2,0

Équateur

30-janv.-13

Tramway de Cuenca : assistance maitrise ouvrage Artelia

6,5

Indonésie

4-juin-13

Corridor ferroviaire de Bandung

80,0

Jordanie

25-juin-13

Réhabilitation du réseau de distribution primaire de quartiers de la banlieue d’Aman - compteurs d’eau

15,0

Tunisie

4-juil.-13

Fourniture d’assistance technique et d’équipements pour la sécurisation des ports

12,0

Tunisie

4-juil.-13

Fourniture du matériel roulant sur le projet du RFR Tunis

159,5

Tunisie

4-juil.-13

Rénovation de voies ferrées entre Sfax, Gafsa et Gabès

43,0

Vietnam

25-sept.-13

Hôpital de Can Tho : 13,5 millions d’euros en 2013 et 6 millions en 2014

13,5

Indonésie

13-déc.-13

Amélioration des infrastructures de transmission de la télévision

48,0

Total :

379,5

Source : Cour des comptes, analyse de l’exécution 2013 du budget de l’État, compte de concours financiers Prêts à des États étrangers, mai 2014.

Sur la période 1999-2013, le volume de prêts versés au titre de ce programme s’est élevé à 2 milliards d’euros. Plus de la moitié des projets financés par ce type de prêts ont par ailleurs permis l’obtention de contrats supplémentaires pour les entreprises françaises.

II. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES

A. L’ÉLARGISSEMENT DU PÉRIMÈTRE DU PROGRAMME

Le présent article propose de modifier l’article 46 de la loi de finances pour 2006, qui a introduit le programme 851, de manière à élargir le champ des prêts pouvant être octroyés dans le cadre de ce programme.

Son intitulé actuel Prêts à des États étrangers de la Réserve pays émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructures serait ainsi transformé en Prêts consentis à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et services concourant au développement du commerce extérieur de la France.

Ce nouvel intitulé traduit la priorité donnée au commerce extérieur sur l’aide au développement.

Désormais, des prêts non concessionnels à des taux proches ou équivalent au taux minimum fixé par l’Arrangement de l’OCDE pourront être proposés, dans le cadre de ce programme, à des États souverains ne répondant pas nécessairement aux critères de la RPE pour des projets d’exportation portant sur des domaines plus diversifiés que les infrastructures publiques.

L’évaluation préalable ne précise pas si le seuil minimum de contenu français des projets éligibles est maintenu au niveau qui s’applique aux projets actuellement financés dans le cadre des prêts RPE (soit 70 %).

Cette réforme devrait donc permettre d’améliorer la compétitivité-prix des exportations françaises, dans le respect des règles européennes en matière d’aide à l’exportation et de l’Arrangement de l’OCDE.

B. UNE RÉFORME À ENVELOPPE CONSTANTE

La réforme proposée par le présent article est prévue à enveloppe constante. Les crédits disponibles sur le programme 851 seront donc redistribués entre le nouveau mécanisme de prêts directs publics non concessionnels en faveur du commerce extérieur et le mécanisme existant d’aide au développement, au détriment de ce dernier.

1. Une moindre part de crédits destinés à l’aide au développement

Selon l’évaluation préalable de l’article, la réforme repose sur « la substitution, à enveloppe constante, de prêts non concessionnels à des prêts concessionnels ».

Toutefois, la Rapporteure générale n’a pas reçu, à la date de la rédaction du présent rapport, d’éléments complémentaires permettant d’apprécier la répartition prévisionnelle, au sein du programme 851, des crédits disponibles entre ces deux types de prêts.

2. Une sélection des projets favorisant les projets jugés stratégiques pour le commerce extérieur de la France

Selon l’évaluation préalable de l’article, « la modification des conditions d’utilisation de la Réserve des pays émergents permettra (…) d’accroître la sélectivité des projets soutenus au titre de cette procédure et, en conséquence, l’impact favorable du dispositif sur l’économie ». Les critères de sélection présentés implicitement par l’évaluation préalable au travers des exemples donnés semblent en effet réorienter les financements vers des projets d’investissement considérés comme stratégiques pour le commerce extérieur français.

Ainsi, plusieurs exemples sont cités dont des projets pouvant être réalisés par :

– la société STX France en compétition en matière de chantiers navals avec les sociétés concurrentes italiennes, finlandaises ou allemandes ;

– les sociétés Alstom ou Thales en compétition avec des entreprises étrangères sur des projets d’infrastructure de transport.

Ce sont donc principalement les grandes entreprises exportatrices qui semblent visées par les mesures proposées par l’article.

3. Les potentielles économies budgétaires attendues

Les économies attendues de cette réforme tiennent au caractère non concessionnel d’une partie des prêts qui seront désormais octroyés dans le cadre du nouveau dispositif. En effet, pour ces prêts, l’État n’aura pas à compenser le différentiel entre les taux consentis aux États bénéficiaires et le taux auquel il se refinance. Au contraire, ces prêts apporteront même une nouvelle ressource pour le budget général puisqu’ils seront rémunérés a minima au niveau du TICR fixé par l’Arrangement de l’OCDE, qui est actuellement supérieur au coût de refinancement de l’État.

À ces taux d’intérêt s’ajoutera une prime représentative du risque de crédit équivalente à celle actuellement applicable dans le cadre d’un crédit-export accordé par une banque commerciale et assuré par la Coface.

4. Les coordinations nécessaires

Plusieurs coordinations devront être prises par le Gouvernement pour prendre en compte la modification de l’intitulé du programme 851. Elles concernent :

– les États A et D du projet de loi de finances pour 2015 en cours d’examen ;

– le décret n° 2006-445 du 14 avril 2006 pris en application de l’article 24 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et relatif aux taux d’intérêt des prêts relevant du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers. Pour rappel, la LOLF prévoit en effet que les prêts consentis par l’État à des tiers ne peuvent être assortis d’un taux inférieur à celui appliqué aux obligations ou bons du Trésor à la même échéance. Des dérogations sont toutefois possibles pour certains prêts concessionnels à condition qu’elles soient prévues par un décret en Conseil d’État. Le présent décret, pris en ce sens, doit donc être modifié afin de conserver la possibilité pour l’État d’accorder des prêts concessionnels dans le cadre de la Réserve pays émergents.

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* *

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

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Article 4
Ratification d’un décret relatif à la rémunération des services rendus
par la direction de l’information légale et administrative

Aux termes de l’article 4 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « la rémunération de services rendus par l’État peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d’État pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l’absence d’une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l’année concernée ». Conformément à ces dispositions, le présent article propose la ratification du décret n° 2014-1134 du 6 octobre 2014 relatif à la rémunération des services rendus par la direction de l’information légale et administrative (DILA).

Ce décret a pour objet de fusionner et mettre à jour les dispositions des décrets n° 2005-1073 du 31 août 2005 et n° 2006-1208 du 3 octobre 2006 relatifs aux prestations fournies par l’ex-direction des Journaux officiels et par l’ex-direction de la documentation française. Il concerne les rémunérations pour diverses opérations de cessions d’ouvrages et documents détenus par la nouvelle DILA, issue de la fusion entre les deux directions précitées, de prestations de service ou de publication des annonces légales.

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La Commission adopte l’article 4 sans modification.

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Article 5
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

Le présent article retrace l’incidence sur l’équilibre budgétaire du présent projet de loi de finances rectificative. Sur le fond, les déterminants de cet équilibre, qui trouvent leur traduction dans le tableau d’équilibre du I du présent article, sont analysés dans l’exposé général du présent rapport.

La dégradation du solde budgétaire de 4,3 milliards d’euros par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2014 résulte principalement des modifications de prévisions de recettes (– 6,3 milliards d’euros) et des autorisations de dépenses (diminution de la charge de la dette de 1,6 milliard d’euros et amélioration du solde des comptes spéciaux de 1,1 milliard d’euros).

Cette dégradation du solde budgétaire entraîne, en conséquence, au du II du présent article, une nouvelle actualisation du tableau de financement pour 2014 mais le plafond de variation de la dette négociable de l’État resterait inchangé, à 69,2 milliards d’euros, au du II du présent article.

Enfin, le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État mentionné au III du présent article reste également inchangé.

L’ensemble de ces éléments est commenté dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission adopte l’article 5 sans modification.

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SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE IER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2014. – CRÉDITS DES MISSIONS

Article 6
Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur le budget général, selon la répartition donnée à l’état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

Le tableau suivant rappelle leur répartition.

(en millions d’euros)

Ouvertures

Annulations

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

1 679

1 591

5 483

4 783

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La Commission examine les amendements CF 4 et CF 5 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Il s’agit d’annuler les baisses de crédits sur la mission Écologie, développement et mobilité durables. Après que, dans le précédent collectif, 285 millions d’euros ont déjà été annulés sur cette mission, on nous demande d’annuler 346 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 166 de crédits de paiement de plus. L’addition commence à être lourde pour l’écologie, alors même que nous venons de voter la loi sur la transition énergétique et que va bientôt s’ouvrir la Conférence environnementale. Il serait temps de passer du discours aux actes.

Mme la Rapporteure générale. Défavorable. Ces crédits issus du programme d’investissements d’avenir – PIA – de la mission, non utilisés, ont été transférés vers le projet Nano 2017, c’est-à-dire vers de l’investissement.

La Commission rejette successivement les amendements CF 4 et CF 5.

Puis la Commission adopte l’article 6 sans modification.

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Article 7
Comptes spéciaux : annulations de crédits

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur les comptes spéciaux, selon la répartition donnée à l’état D annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, qui représentent respectivement 6 036 millions d’euros et 625 millions d’euros, sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission adopte l’article 7 sans modification.

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TITRE II
RATIFICATION D’UN DÉCRET D’AVANCE

Article 8
Ratification d’un décret portant ouverture et annulation de crédits
à titre d’avance

En application de l’avant-dernier alinéa de l’article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le présent article procède à la ratification des ouvertures et annulations de crédits réalisées par le décret d’avance du 7 octobre 2014 relatif au financement de besoins supplémentaires constatés en matière d’hébergement d’urgence. Ces ouvertures et annulations, qui représentent 56 millions d’euros, sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

Ce décret a recueilli l’avis favorable de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et de celle du Sénat.

Il conviendra que le Gouvernement propose par amendement la validation du deuxième décret d’avance pour 2014, dont le projet a été notifié à la commission le 19 novembre 2014, et qui a également recueilli un avis favorable de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et de celle du Sénat.

Les avis de la commission sur ces deux décrets sont reproduits ci-après.

Avis de la commission des Finances de l’Assemblée nationale sur le projet de décret d’avance du 7 octobre 2014

La commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 12, 13 et 14 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances,

Vu la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014,

Vu le projet de décret d’avance notifié le 22 septembre 2014 par lettre du ministre délégué chargé du budget, portant ouverture et annulation de 56 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sur le budget général,

Vu le projet de rapport d’observation joint au projet de décret d’avance,

Vu son avis du 18 septembre 2013,

EST D’AVIS,

compte tenu des informations dont elle dispose, de formuler les observations suivantes :

1. Sur la conformité du projet de décret d’avance aux prescriptions de la loi organique du 1er août 2001 susvisée :

Le présent décret d’avance ouvre et annule 56 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sur le budget général de l’État afin de financer des dépenses supplémentaires constatées en cours d’année au titre de l’hébergement d’urgence et de la veille sociale et inscrites au programme Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables de la mission Égalité des territoires, logement et ville.

Le montant de ces ouvertures et annulations respecte les limites quantitatives fixées par les articles 13 et 14 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée.

La condition d’urgence posée par le dernier alinéa de l’article 13 est remplie dès lors que les besoins supplémentaires identifiés découlent de l’augmentation significative de la demande d’hébergement d’urgence constatée à l’été 2014. La nécessité de prendre toutes les mesures pour assurer un logement aux personnes en situation de grande précarité à l’approche de la période hivernale est impérieuse.

Cette procédure dérogatoire et exceptionnelle garantit l’information du Parlement et respecte à la fois la possibilité pour les commissions des finances des deux assemblées de s’exprimer sous forme d’avis et la faculté pour le Parlement de ratifier ou non ce dispositif dans le cadre de la plus prochaine loi de finances.

2. Sur le fond :

La commission des Finances constate à nouveau l’accroissement continu des besoins en logement des personnes les plus démunies malgré l’augmentation des capacités d’hébergement d’urgence intervenue au cours des dernières années.

En 2013, le nombre de places a ainsi augmenté de 12 % par rapport à 2012 grâce à la mise en œuvre du plan quinquennal de lutte contre les exclusions sociales adopté le 21 janvier 2013. Toutefois, cette augmentation ne permet pas d’assurer la prise en charge de la totalité des demandes émanant de publics de plus en plus hétérogènes, en particulier de familles avec enfants.

En 2014, prenant en compte cette situation ainsi que la mise en œuvre progressive du plan de lutte contre les exclusions sociales, le législateur, dans la loi de finances initiale, a augmenté les crédits de l’hébergement d’urgence de 7,3 % par rapport à la loi de finances pour 2013. Cette progression des crédits et la définition d’actions prioritaires en faveur de l’hébergement d’urgence ont permis de créer plus de 6 000 places supplémentaires, soit 1 000 places de plus que l’objectif annoncé dans le cadre du plan précité, ainsi que 680 places en maisons relais.

Malgré ces avancées et les efforts financiers consentis, la commission des Finances prend acte du fait qu’à défaut d’une mise à disposition rapide de crédits complémentaires, des personnes hébergées en hôtel, qui comprennent principalement des familles avec enfants, pourraient se retrouver à délai rapproché sans hébergement. En outre, une telle situation entraînerait, à bon droit, la multiplication des recours devant le juge administratif contre l’État, recours susceptibles de contraindre ce dernier sous astreinte à reloger sans délai les requérants qui se prévaudraient du droit à l’hébergement d’urgence prévu à l’article L. 345-22 du code de l’action sociale et des familles. Elle se traduirait par la mise à la charge de l’État d’un surcroît de dépenses liées aux frais irrépétibles, à l’indemnisation de préjudices et aux astreintes.

3. Sur le plan budgétaire :

Le Gouvernement fait valoir que la capacité de redéploiement de crédits interne au programme Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables de la mission Égalité des territoires, logement et ville est épuisée et qu’en l’absence d’ouverture de crédits, certains services déconcentrés du ministère chargé des affaires sociales se trouveraient dans l’impossibilité, dès le mois d’octobre 2014, de financer les charges engagées par les gestionnaires des dispositifs d’accueil en hébergement d’urgence.

Il est donc proposé, dans le présent projet de décret d’avance, d’ouvrir 56 millions d’euros sur ce programme. 38 millions d’euros sont destinés à financer les nuitées hôtelières, 15 millions d’euros complètent le financement des budgets opérationnels de programme régionaux et 3 millions d’euros sont alloués aux dispositifs de veille sociale.

Cette ouverture de crédits est intégralement gagée par des annulations de crédits d’un montant équivalent sur les crédits de deux programmes.

D’une part, conformément au principe dit « d’auto-assurance », en vertu duquel les dépenses imprévues sont financées par un redéploiement de crédits au sein de la même mission, il est proposé d’annuler 28 millions d’euros de crédits au sein de la mission Égalité des territoires, logement et ville, sur le programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat. D’autre part, à la suite d’une révision à la baisse, au vu des besoins constatés, du montant prévisionnel des primes des plans épargne logement pour 2014, il est proposé d’annuler 28 millions d’euros de crédits sur le programme Épargne de la mission Engagements financiers de l’État.

Dès lors, le présent projet de décret d’avance n’a pas d’impact sur l’équilibre budgétaire.

4. Sous réserve qu’elles correspondent à de véritables économies et sans qu’il soit possible à ce stade, en l’état des informations à la disposition de la commission des Finances, de vérifier si le principe « d’auto-assurance » aurait pu jouer davantage au sein de la même mission, le projet de décret d’avance mobilise la réserve de précaution constituée en début d’année, ce qui est conforme à l’objet de celle-ci.

5. Le présent avis ne préjuge pas de la décision de la commission lors de l’examen de la demande de ratification du décret dans le prochain projet de loi de finances afférent à l’exercice 2014.

Avis de la commission des Finances de l’Assemblée nationale sur le projet de décret d’avance notifié le 19 novembre 2014

La commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire,

Vu les articles 12, 13 et 14 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances,

Vu la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014,

Vu le projet de décret d’avance notifié à la commission le 19 novembre 2014 par lettre du ministre délégué chargé du budget portant ouverture et annulation de 1 733,857 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 1 268,962 millions d’euros de crédits de paiement,

Vu le projet de rapport d’observation joint au projet de décret d’avance,

Considérant que ce projet de décret tend à ouvrir :

a) pour le paiement des dépenses de personnel :

– 321,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour le ministère de la défense, dont 148,6 millions d’euros au titre des opérations extérieures (OPEX) ;

– 320 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

– 19,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ;

– 5,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour le ministère de l’intérieur ;

– 22,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour le ministère de la justice.

b) ainsi que :

– 462 millions d’euros en autorisations d’engagement et 452 millions d’euros en crédits de paiement en faveur du ministère de la défense au titre des opérations extérieures, hors masse salariale ;

– 483,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 20 millions d’euros en crédits de paiement en faveur du ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social pour le financement des contrats aidés et de l’allocation de solidarité spécifique ;

– 21,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 21,2 millions d’euros de crédits de paiement en faveur du ministère de la culture et de la communication pour le financement d’un surcoût du chantier de la Philharmonie de Paris et des dépenses de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ;

– 15,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement en faveur du ministère de la justice pour le financement de l’aide juridictionnelle et de dépenses d’investissement immobilier ;

– 54 millions d’euros en autorisations d’engagement et 54,4 millions d’euros en crédits de paiement en faveur du ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité au titre de l’hébergement d’urgence ;

– 8,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement en faveur du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie au titre du dispositif de congés de fin d’activité des conducteurs routiers ;

– 8,3 millions d’euros de crédits de paiement en faveur du ministère de l’intérieur pour le financement de la gestion de la crise lié au virus Ebola.

Considérant que ce même projet de décret tend en contrepartie à annuler 1 733 857 266 euros en autorisations d’engagement et 1 268 961 883 euros en crédits de paiement sur 12 missions et 36 programmes du budget général ;

EST D’AVIS,

compte tenu des informations dont elle dispose, de formuler les observations suivantes :

1. Sur la conformité du projet de décret d’avance aux prescriptions de la loi organique du 1er août 2001 susvisée :

Le présent décret d’avance ouvre et annule 1 734 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 1 269 millions d’euros de crédits de paiement sur le budget général de l’État afin de financer des dépenses supplémentaires constatées en cours d’année.

Le montant de ces ouvertures et annulations respecte les limites quantitatives fixées par les articles 13 et 14 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée.

La condition d’urgence posée par le dernier alinéa de l’article 13 est remplie dès lors que les besoins supplémentaires identifiés découlent de l’augmentation significative de certains postes de dépenses à l’automne 2014 qui ne pouvait être anticipée. La nécessité de prendre toutes les mesures pour assurer notamment le financement des dépenses de personnel des ministères en fin d’exercice, pour un montant de 689 millions d’euros, comme celui de mesures visant à assurer la continuité de l’action publique dans des domaines particulièrement sensibles (à l’instar de l’aide aux personnes vulnérables) ou le respect des engagements de l’État (par exemple, au titre des contrats aidés) est impérieuse.

Cette procédure dérogatoire et exceptionnelle garantit l’information du Parlement et respecte à la fois la possibilité pour les commissions des finances des deux assemblées de s’exprimer sous forme d’avis et la faculté pour le Parlement de ratifier ou non ce dispositif dans le cadre de la plus prochaine loi de finances.

2. Sur les ouvertures de crédits :

Les principales ouvertures de crédits proposées par le présent projet de décret d’avance concernent, cette année encore, principalement le ministère de la défense. Ces ouvertures atteignent en effet 783,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 773,3 millions d’euros en crédits de paiement, soit respectivement 45 % et 61 % du total des ouvertures prévues.

Ces ouvertures sont réparties entre différents postes de dépenses.

Le besoin de crédits supplémentaires, hors dépenses de personnel, liés aux OPEX représente 462 millions d’euros en autorisations d’engagement et 452 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits doivent permettre de financer une partie du surcoût résultant de ces opérations estimé en 2014 à 1 115 millions d’euros (au lieu de 1 250 millions d’euros en 2012). L’écart entre ce montant d’exécution prévisionnel pour 2014 et le montant des crédits inscrits en loi de finances initiale (450 millions d’euros) s’explique notamment par le lancement d’opérations nouvelles en Centrafrique (opération « Sangaris ») et dans la bande sahélo-saharienne (dans le prolongement des opérations au Mali et au Tchad) qui ne pouvaient être anticipées et dont les coûts définitifs ne peuvent être évalués avec précision.

Ces opérations représentent également une dépense en personnel estimée à 319 millions d’euros pour l’année 2014 (au lieu de 342 millions d’euros en 2012). Le présent décret prévoit de couvrir ce montant à hauteur de 148,6 millions d’euros.

Ces ouvertures de crédits sont nécessaires et impérieuses afin d’assurer la continuité des opérations extérieures de la France et la sécurité des personnels engagés.

Il est également proposé de compléter les crédits alloués aux dépenses de personnel du ministère de la défense, hors OPEX, pour un montant net de 160 millions d’euros, correspondant au solde du besoin d’ouverture de 173 millions d’euros sur les programmes 178 Préparation et emploi des forces et 146 Équipement des forces et de l’excédent de 13 millions d’euros sur les programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense et 212 Soutien de la politique de la défense. Ces insuffisances de crédits sont intégralement liées aux dysfonctionnements du logiciel Louvois.

L’urgence de la situation ne permet pas de procéder à l’ouverture des crédits dans la loi de finances rectificative de fin d’année, puisque ces crédits seront consommés au titre de la paie de décembre.

En tout état de cause, une attention particulière doit être portée au respect de la loi de programmation militaire.

Par ailleurs, des ouvertures de crédits sont également proposées au bénéfice de huit autres ministères :

– le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche bénéficie de 320 millions d’euros supplémentaires pour financer ses dépenses de personnel. Ces ouvertures ont pour objet de financer un coût de l’emploi supérieur aux estimations de la loi de finances initiale pour 2014 et un montant de retenues pour faits de grève inférieur aux hypothèses retenues. Elles doivent financer les personnels du premier degré public à hauteur de 159 millions d’euros, les personnels du second degré public pour 129 millions d’euros, les personnels du premier degré privé pour 10 millions d’euros et les personnels du second degré privé pour 22 millions d’euros. Ces crédits devant être mis à la disposition du ministère avant la paie de décembre, leur ouverture dans le cadre du présent décret est impérieuse. La commission des Finances ne peut que déplorer toutefois les faiblesses des prévisions attachées à des catégories de dépenses dont les critères d’évolution sont pourtant connus a priori.

– les ouvertures proposées au bénéfice du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, d’un montant global de 19,7 millions d’euros, sont également motivées par des dépenses de personnel supérieures aux anticipations. L’écart constaté avec les prévisions de la loi de finances initiale est lié à deux évènements exceptionnels et imprévus. En premier lieu, la mise en œuvre du plan relatif au Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), qui vise à rénover la cartographie agricole, conformément à demande de la Commission européenne, de manière à sécuriser le paiement des aides à la surface et éviter les refus d’apurement européens, a conduit au recrutement de 340 équivalents temps plein pour un montant de 8,8 millions d’euros sur le programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture. En second lieu, la signature d’un protocole d’accord avec les vétérinaires sur le paiement de leurs retraites n’ayant pas fait l’objet de versement de cotisations employeur avant 1990 entraîne une dépense supplémentaire à la charge de l’État de 11 millions d’euros. Les besoins résultant de ces deux évènements doivent être financés avant le versement des paies et cotisations du mois de décembre. Leur ouverture par le présent décret est donc impérieuse ;

– le financement des contrats aidés ainsi que de l’allocation de solidarité spécifique sur les crédits du ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social est complété par l’ouverture de 483,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 20 millions d’euros en crédits de paiement au titre des versements devant intervenir aux mois de novembre et décembre. L’ouverture de crédits proposée par le présent décret répond donc à une situation d’urgence ;

– les ouvertures proposées au bénéfice du ministère de la culture et de la communication de 21,2 millions d’euros doivent permettre de couvrir des surcoûts liés au chantier de la Philharmonie de Paris et éviter le versement d’intérêts de retard. Ils couvrent également pour partie les dépenses de fin d’année de l’INRAP et compensent ainsi le rendement inférieur aux prévisions de la redevance d’archéologie préventive ;

– les ouvertures proposées au bénéfice du ministère de la justice répondent à la nécessité de rembourser à la Caisse des dépôts et consignations les avances consenties pour le Fonds d’indemnisation de la profession d’avoués (FIDA), d’augmenter les crédits dédiés au financement de l’aide juridictionnelle et de tirer les conséquences de la révision à la hausse des dépenses de personnel de l’administration pénitentiaire (liée notamment à l’augmentation du volume d’heures supplémentaires ainsi qu’au recrutement, sur l’année 2014, de cent conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et de deux cents personnels de surveillance) ;

– le ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité bénéficie à nouveau de crédits supplémentaires au titre du programme 177 Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables à hauteur de 54 millions d’euros en AE et de 54,4 millions d’euros en CP. Ces ouvertures sont réparties à hauteur de 38,1 millions d’euros sur l’hébergement d’urgence, 2,4 millions d’euros sur la veille sociale et de 13,3 millions d’euros sur les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Ces crédits supplémentaires viennent s’ajouter aux 56 millions d’euros ouverts par le décret d’avance du 7 octobre dernier. Le Gouvernement souligne en effet que, depuis le 31 octobre 2014, la consommation des crédits s’est poursuivie à un rythme plus important qu’anticipé entraînant un risque de rupture de trésorerie de certains opérateurs en charge de l’hébergement d’urgence. L’augmentation significative de la demande d’hébergement d’urgence et la nécessité de prendre toutes les mesures pour assurer un logement aux personnes en situation de grande précarité, dont principalement des familles avec enfants, à l’approche de la période hivernale rendent donc ces ouvertures de crédits impérieuses ;

– les ouvertures proposées au bénéfice du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, à hauteur de 8,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, résultent de la hausse des dépenses liées au dispositif de congés de fin d’activité des conducteurs routiers. Ces crédits devant être consommés au titre du versement des indemnités de décembre, leur ouverture par le présent décret d’avance est impérieuse ;

– les crédits relatifs aux dépenses de personnel du ministère de l’intérieur sont augmentés de 2,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sur le programme 207 Sécurité et éducation routières. Par ailleurs, les crédits du programme 161 Sécurité civile sont augmentés de 2,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement au titre de dépenses de personnel et de 8,3 millions d’euros de crédits de paiement au titre des dépenses liées à la gestion de la crise lié au virus Ebola par ce ministère. L’urgence des ouvertures proposées par le présent décret découle de la nécessité de procéder au versement des paies de décembre et à la nature sanitaire de la crise.

3. Sur les annulations de crédits :

Les annulations de crédits sont réparties sur 12 missions et 36 programmes du budget général. Elles visent à garantir le respect de l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances pour 2014 et révisé par la première loi de finances rectificative pour 2014. Ces annulations concernent principalement les ministères qui bénéficient par ailleurs d’ouvertures de crédits. À ce titre, sont intéressés au premier chef :

– le ministère de la défense pour 572 millions d’euros, soit 45 % du total des annulations. Celles-ci reposent, hors dépenses de personnel, principalement sur les programmes 146 Équipement des forces et 212 Soutien de la politique de défense au titre du principe de l’auto-assurance pour 160 millions d’euros et de la solidarité interministérielle pour 400 millions d’euros ;

– le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche pour 199 millions d’euros, soit 15,7 % du total des annulations. Ces annulations reposent intégralement sur la réserve de précaution ;

– le ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social pour 14 %. Ces annulations découlent essentiellement d’une sous-exécution des dépenses liées aux contrats de génération et de crédits devenus sans objet, notamment à la suite de la réforme du mode de désignation des conseillers prud’homaux.

Les autres ministères sont donc sollicités à hauteur de 321 millions d’euros, soit 25 % des annulations proposées.

4. Le présent avis ne préjuge pas de la décision de la commission lors de l’examen de la demande de ratification du décret dans le prochain projet de loi de finances rectificative afférent à l’exercice 2014.

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La Commission examine l’amendement CF 47 de M. Hervé Mariton.

M. Jérôme Chartier. Cet amendement, déposé par M. Mariton, vise à supprimer l’article 8.

Mme la Rapporteure générale. Défavorable, pour les mêmes raisons que celles avancées le 7 octobre.

M. le président Gilles Carrez. Ces dépassements de crédits en matière d’hébergement d’urgence ne datent pas de 2014 et sont considérables. M. Caresche, notre rapporteur spécial sur le sujet, nous présentera sans doute des propositions.

M. Pascal Terrasse. Ces crédits servent-ils également à loger les personnes sans papiers dans des hôtels ?

M. le président Gilles Carrez. Oui. Ils concernent entre autres les demandeurs d’asile, admis ou déboutés. Une partie des dépassements s’explique ainsi.

La Commission rejette l’amendement CF 47.

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

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TITRE III
DISPOSITIONS PERMANENTES

I.– Mesures fiscales non rattachées

Article 9
Contribution financière au développement de l’offre de logements sociaux

Le présent article vise à prélever 15 millions d’euros sur les ressources de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et à les affecter au Fonds de péréquation prévu à l’article L. 452-1-1 du code de la construction et de l’habitation.

I. SITUATION ACTUELLE

La CGLLS est un établissement public à caractère administratif créé par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite « SRU ». Elle a pour missions principales de garantir les prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations aux opérateurs de logement locatif social, lorsque les collectivités refusent ou sont dans l’incapacité d’octroyer leur garantie, et de contribuer à la prévention des difficultés financières et à l’éventuel redressement de ces mêmes organismes.

Elle est essentiellement financée par deux cotisations annuelles versées par les bailleurs sociaux : une première cotisation assise sur les loyers et une cotisation additionnelle assise sur le nombre de logements locatifs et l’autofinancement net des organismes, dont les paramètres de calcul sont adaptés, à la hausse ou à la baisse, selon les prévisions des besoins.

Ces perceptions régulières lui permettent de renouveler sa trésorerie chaque année et de disposer d’un fonds de roulement important. En 2012, une moindre activité de garantie et d’aide a même entraîné un résultat excédentaire de près de 78 millions d’euros. L’équivalent a été prélevé sur le fonds de roulement de la CGLLS par l’article 80 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative afin de renforcer les subventions à la production de logements sociaux, dites « aides à la pierre », financées par le budget de l’État, via le Fonds de péréquation précédemment évoqué.

Celui-ci a été créé par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion afin d’organiser une mutualisation des ressources « dormantes » du secteur locatif social et leur réinvestissement dans de nouveaux logements. Géré pour le compte de l’État, il est hébergé par la CGLLS, sans toutefois faire partie de son budget. Il peut contribuer au financement des opérations de rénovation urbaine (38) et, plus substantiellement, complète les crédits de paiement inscrits au programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat de la mission Égalité des territoires et logement au profit du développement des logements sociaux (39). Ces renforts permettent d’alléger les dépenses de l’État tout en maintenant un objectif élevé de production nouvelle (135 000 logements prévus en 2015). La loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 prévoyait ainsi un apport de 181 millions d’euros ; les prévisions du projet de loi de finances pour 2015 intègrent, quant à elles, un concours de 216 millions du Fonds de péréquation.

Ce dernier est aujourd’hui alimenté par une fraction de 70 millions d’euros prélevée sur la seconde cotisation des organismes de logement social à la CGLLS et par une surtaxe sur les plus-values immobilières supérieures à 50 000 euros. Au 30 septembre 2014, 144,6 millions d’euros avaient été décaissés depuis le début de l’année et le Fonds présentait un solde positif de 126,9 millions.

On rappellera que, pour contribuer aux efforts d’économie de l’État, l’article 15 du projet de loi de finances pour 2015 ramène le plafond de la part de la surtaxe versée au Fonds de péréquation de 120 à 45 millions d’euros – ce qui correspond toutefois au niveau des recettes attendues en 2014 – et son article 54 porte, à compter de 2015, la contribution de la CGLLS – par l’intermédiaire du Fonds – au financement des aides à la pierre de 70 à 120 millions d’euros, prélevés sur l’ensemble des cotisations perçues. Ces deux articles ont été adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale.

II. MESURE PROPOSÉE

Le présent article propose de renouveler l’opération de 2013 en prélevant, d’ici le 31 décembre 2014, 15 millions d’euros (I) sur le nouvel excédent de trésorerie attendu à la clôture de l’exercice et ce, au profit du Fonds de péréquation (II) et, par suite, du programme 135 du budget de l’État.

Depuis 2013, une réforme du provisionnement des cotisations des bailleurs sociaux permet un ajustement plus fin des recettes aux dépenses de la caisse de garantie. L’exercice 2013 s’est ainsi soldé par un résultat net de seulement 3,8 millions d’euros. En 2014, néanmoins, le résultat prévisionnel pourrait être bénéficiaire d’environ 20 millions d’euros (avant le prélèvement proposé) au regard de l’activité de la CGLLS pendant l’année et des recettes attendues. 78,5 millions d’euros ont été perçus au premier semestre au titre de la première cotisation et 96 millions sont attendus en fin d’année de la cotisation additionnelle, compte tenu des paramètres retenus par l’État. Ce produit comme le résultat de l’exercice ne seront définitivement arrêtés qu’au 31 mars 2015. Le résultat final dépendra de l’évolution des dernières consommations de la caisse de garantie (protocoles d’aides en cours d’instruction ; dotations de la commission de réorganisation, aides à la réhabilitation etc.). Les gestionnaires de la CGLLS estiment néanmoins qu’il pourrait être supérieur aux 15 millions d’euros supplémentaires qui seraient versés au Fonds de péréquation.

Par ailleurs, le prélèvement ne remettra pas en cause la capacité de la caisse de garantie à mener à bien ses missions ni sa solvabilité. Ses fonds propres atteignent en effet 492,4 millions d’euros à ce jour et son ratio prudentiel de solvabilité s’établit à 29,53 %, ce qui est très élevé puisque la Règlementation de Bâle III n’exige qu’un ratio au moins égal à 8 % de risques pondérés rapportés aux fonds propres immobilisés auquel elle ajoute un « matelas de précaution » de 2,5 % de ces fonds propres. Dans un référé publié en août 2013 (40), la Cour des comptes avait considéré que « l’immobilisation de près d’un demi-milliard d’euros de fonds propres [était] hors de proportion avec la sinistralité de cette activité », la CGLLS n’ayant été appelée que trois fois en garantie depuis 2002, pour un montant total de seulement 232 000 euros – somme au demeurant remboursée par les bailleurs au cours des exercices suivants.

Cela étant, la caisse de garantie doit également veiller à ce que ses grands risques (l’ensemble de ses engagements pondérés sur un même organisme ou groupe) ne dépassent pas 25 % de ses fonds propres. Le niveau actuel de ces derniers ne permet pas d’aller beaucoup plus loin qu’un plafond prudentiel de 123 millions d’euros en garantie. Or, plusieurs groupes de bailleurs sociaux sont près de l’atteindre, ce qui pourrait devenir un obstacle à la poursuite de leurs efforts d’investissement. L’abondement des fonds propres de la CGLLS par le solde de son bénéfice de 2014, nonobstant le prélèvement ici proposé, permettra de repousser cette limite.

RÉPARTITION DES RESSOURCES ET DES EMPLOIS DE LA CGLLS

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014 (prévisions)

Total ressources

268,2

189,3

dont première cotisation

68,9

72,4

78,5

dont cotisation additionnelle

113,9

82

96

dont produits de cotisations antérieures

10,4

2,1

Total emplois

268,2

189,3

dont contribution Fonds de péréquation

70

64,7

70

dont contribution Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

30

30

30

dont aides aux organismes

60,1

62,2

dont aides à la réorganisation

5

6,1

dont concours aux associations et fédérations

21,6

18,8

dont résultat bénéficiaire

77,9

3,8

15 à 20

Source : rapports d’activité 2012 et 2013 de la CGLLS et CGLLS.

Le présent article prévoit enfin, comme il est d’usage, que le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

La Rapporteure générale propose d’adopter le présent article sans modification.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 101 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il nous est une fois de plus demandé de prélever des fonds sur la Caisse de garantie du logement locatif social – CGLLS –, une caisse que l’on ne cesse de piller. Le jour où se produira un grand sinistre, c’est le budget de l’État qui sera mis à contribution. Si cette caisse ne sert à rien, il faut la supprimer. Sinon ce n’est pas raisonnable de la ponctionner ainsi continuellement.

M. le président Gilles Carrez. Je trouve en effet miraculeux qu’en dépit d’un prélèvement sur cette caisse presque chaque année depuis dix ans, il reste toujours de l’argent.

M. Jean-Louis Dumont. Je dénonce la gestion des services de l’État. Cette caisse est abondée par les contributions des organismes HLM issues de la collecte des loyers. L’État – cela a été dénoncé par la Cour des comptes – a procédé à une époque à un surprovisionnement ayant fait passer en huit jours, le temps d’une élection, les fonds propres de la caisse de 550 à 750 ou 800 millions d’euros. Dans le même temps, la garantie des prêts est refusée à des groupes importants construisant à Paris par exemple parce que certaines collectivités limitent voire refusent de garantir les prêts des constructeurs de logements sociaux. Parallèlement, l’État ne veut pas augmenter le niveau des fonds propres de la caisse qui solvabilisent les engagements qu’elle accepte. Le fonctionnement de cette caisse relèverait-t-il des ratios de Bâle III ? On ne répond jamais à cette question.

La ligne de péréquation qui doit bénéficier du prélèvement a été inventée pour siphonner ces fonds, sans que ce soit forcément au bénéfice du logement. J’ai proposé au Gouvernement de supprimer cette ligne et de prévoir un conventionnement, avec, entre autres, une contribution de la caisse à la politique de la ville et aux opérations de renouvellement urbain. De même, j’ai signé avec le Premier ministre un agenda pour la période 2015-2018 qui définit, notamment, la contribution du mouvement HLM à la politique de la ville. J’évoquerai enfin la loi « Macron », que nous devrions examiner prochainement, qui comportait un article – je crois qu’il a été supprimé lors d’une réunion interministérielle – relatif aux surloyers appliqués aux locataires du parc social qui dépassent les plafonds de ressources. L’agenda que j’ai signé avec le Premier ministre inclut déjà les surloyers dans la mutualisation des moyens des organismes HLM au bénéfice des travaux à réaliser. Le présent article, comme ce défunt article de la loi « Macron », va à l’encontre de la politique en train d’être négociée, et sont contre-productifs. Je voterai donc cet amendement de suppression.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’idée de l’article est que les excédents résultant d’une moindre activité en 2014 soient utilisés pour la construction de logements sociaux. C’est un circuit fermé : les contributions des organismes HLM reviennent au logement en passant par le fonds de péréquation, sans tomber dans le fonds commun du budget de l’État.

La Commission rejette l’amendement CF 101.

La Commission adopte l’article 9 sans modification.

*

* *

Article 10
Relèvement tarifaire de la taxe d’aéroport

Le présent article prévoit le relèvement de 12 euros à 13 euros du tarif « plafond » de la taxe d’aéroport (TAP) appliquée aux aéroports ou groupements d’aéroports appartenant à la classe 3, les plus modestes en termes de trafic.

Cette majoration doit permettre aux exploitants de ces aéroports d’assurer dans de meilleures conditions financières les missions régaliennes de sécurité et de sûreté qui leur ont été confiées en application de l’article L. 213-3 du code de l’aviation civile.

I. LE FINANCEMENT DES MISSIONS DE SÉCURITÉ ET DE SÛRETÉ EXERCÉES PAR LES EXPLOITANTS D’AÉROPORTS

A. UN FINANCEMENT ASSURÉ PAR LA TAXE D’AÉROPORT

1. Les principales règles encadrant la taxe d’aéroport

Conformément à l’article 1609 quatervicies du code général des impôts (CGI), le financement « des services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril animalier, de sûreté et des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux » est assuré par le reversement aux exploitants d’aéroport du produit de la TAP introduite par la loi de finances pour 1999 (41).

Depuis 2008, cette taxe contribue également, dans une proportion fixée annuellement par un arrêté, au financement des matériels de contrôle automatisé aux frontières par identification biométrique installés dans les aéroports.

Alors que le financement de ces dépenses par la TAP était complété jusqu’en 2007 par des subventions du budget général de l’État, bénéficiant notamment aux aéroports éprouvant des difficultés de financement, celles-ci ont été remplacées, en loi de finances pour 2008 (42), par un dispositif de péréquation entre aéroports.

Par conséquent, la TAP est désormais constituée de deux éléments de taxation complémentaires :

– l’application de la taxe elle-même en fonction de critères de fréquentation des aéroports et d’un tarif ajusté aux besoins des exploitants pour financer leurs missions de sécurité et de sûreté ;

– une majoration de cette taxe prélevée sur l’ensemble des aéroports, puis répartie entre les aéroports de la classe 3 et les aéroports non éligibles à la TAP pour les aider à financer ces mêmes missions.

i. Les tarifs de la taxe d’aéroport en vigueur

La TAP est perçue par les exploitants d’aéroport dont le trafic embarqué ou débarqué s’élève, en moyenne, sur les trois dernières années civiles connues, à plus de 5 000 unités de trafic (UDT) (43). Elle s’ajoute au prix acquitté par le client et majore ainsi le coût de « touchée » pour les compagnies aériennes (44).

Les tarifs de la taxe d’aéroport par passager sont établis en fonction des besoins de financement de chaque aéroport par arrêté conjoint du ministre chargé de l’aviation civile et du ministre chargé du budget, dans les limites de tarifs « planchers » et « plafonds » prévus à l’article 1609 quatervicies du CGI. Les fourchettes de tarifs ainsi définies varient selon la classe à laquelle appartiennent les aéroports en fonction de leur fréquentation.

Le tableau ci-dessous récapitule les tarifs applicables par classe d’aéroport.

TARIFS DE LA TAXE D’AÉROPORT POUR 2014

Classe

1

2

3

Nombre d’UDT de l’aérodrome ou du groupement aéroportuaire
(en millions)

plus de 20

Plus de 5 à 20 millions

De 5001 à 5 millions

Tarif par passager
(en euros)

de 4,30 à 11,50

de 3,50 à 9,50

de 2,60 à 12

Un abattement, fixé par arrêté dans la limite de 40 %, est appliqué sur ces tarifs pour les passagers en correspondance.

Ces règles résultent de plusieurs dispositions adoptées en loi de finances rectificative pour 2013 qui ont conduit, pour mémoire, à :

– introduire un tarif unique de TAP pour les groupements aéroportuaires ;

– étendre la période de référence pour apprécier les UDT de la dernière année civile connue à la moyenne des trois dernières années civiles connues ;

– relever la limite inférieure du nombre d’UDT délimitant les trois classes d’aéroports de 10 à 20 millions pour la classe 1 et de 2 à 5 millions pour la classe 2. La classe 3 a quant à elle été élargie aux aéroports enregistrant entre 5 001 et 5 millions d’UDT.

Le niveau du tarif passager au sein des fourchettes proposées pour chacune des classes est, par la suite, fixé par aéroport en prenant en compte les besoins prévisionnels de financement des exploitants au titre des missions de sécurité et de sûreté.

En application de l’arrêté du 12 mars 2014 (45), ces tarifs sont fixés comme suit pour les aéroports de France métropolitaine en 2014.

TARIFS DE LA TAXE D’AÉROPORT POUR 2014

Classe

Aérodrome

Tarif par passager

(en euros)

Tarif par passager en correspondance

(en euros)

1

Groupement Aéroports de Paris (46)

11,50

6,90

2

Groupement Lyon-Saint-Exupéry – Lyon-Bron

8,25

4,95

Groupement Marseille-Provence – Aix-les-Milles

9,50

5,70

Groupement Nice-Côte d’Azur – Cannes-Mandelieu

9,00

5,40

Toulouse-Blagnac

7,20

4,32

3

Agen-La Garenne

12,00

7,20

Ajaccio-Napoléon Bonaparte

12,00

7,20

Albert-Bray (Méaulte)

12,00

7,20

Angers-Marcé

12,00

7,20

Annecy-Meythet

12,00

7,20

Aurillac

12,00

7,20

Avignon-Caumont

12,00

7,20

Bastia-Poretta

12,00

7,20

Beauvais-Tillé

7,70

4,62

Bergerac-Roumanière

12,00

7,20

Béziers-Vias

12,00

7,20

Biarritz-Bayonne-Anglet

10,00

6,00

Bordeaux-Mérignac

7,15

4,29

Brest-Bretagne

12,00

7,20

Brive-Souillac

12,00

7,20

Caen-Carpiquet

12,00

7,20

Calvi-Sainte-Catherine

12,00

7,20

Carcassonne-Salvaza

9,92

5,95

Castres-Mazamet

12,00

7,20

Cayenne-Félix Éboué

12,00

7,20

Chalons-Vatry

12,00

7,20

Chambéry-Aix-les-Bains

12,00

7,20

Châteauroux-Déols

12,00

7,20

Clermont-Ferrand-Auvergne

12,00

7,20

Deauville-Normandie

12,00

7,20

Dijon-Longvic

12,00

7,20

Dole-Tavaux

12,00

7,20

Figari-Sud-Corse

12,00

7,20

Grenoble-Isère

12,00

7,20

Groupement Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo – Rennes-Saint-Jacques

12,00

7,20

Groupement Nantes-Atlantique – Saint-Nazaire- Montoir

9,15

5,49

Hyères-Le Palyvestre (Toulon)

12,00

7,20

Lannion

12,00

7,20

La Môle (Saint-Tropez)

12,00

7,20

La Réunion Roland Garros

12,00

7,20

La Rochelle-Île-de-Ré

12,00

7,20

Le Havre-Octeville

12,00

7,20

Le Mans-Arnage

12,00

7,20

Le Puy-Lourdes

12,00

7,20

Lille-Lesquin

8,42

5,05

Limoges-Bellegarde

12,00

7,20

Lorient-Lann-Bihoué

12,00

7,20

Maripasoula

2,60

2,60

Martinique-Aimé Césaire (Fort-de-France)

12,00

7,20

Mayotte-Dzaoudzi-Pamandzi

12,00

7,20

Metz-Nancy-Lorraine

12,00

7,20

Montpellier-Méditerranée

12,00

7,20

Nîmes-Garons

12,00

7,20

Ouessant

12,00

7,20

Pau-Pyrénées

12,00

7,20

Périgueux-Bassillac

12,00

7,20

Perpignan-Rivesaltes

12,00

7,20

Pointe-à-Pitre-Le Raizet

12,00

7,20

Poitiers-Biard

12,00

7,20

Quimper-Pluguffan

12,00

7,20

Rodez-Aveyron

12,00

7,20

Saint-Barthélemy

2,60

2,60

Saint-Étienne-Bouthéon

12,00

7,20

Saint-Martin-Grand-Case

12,00

7,20

Saint-Pierre-Pierrefonds

12,00

7,20

Saül

2,60

2,60

Strasbourg-Entzheim

5,00

3,00

Tarbes-Lourdes-Pyrénées

12,00

7,20

Tours-Val de Loire

12,00

7,20

Source : arrêté du 12 mars 2014.

Par ailleurs, pour le courrier et le fret, le tarif de la taxe est égal à un euro par tonne pour tous les aéroports auxquels s’applique la taxe d’aéroport.

ii. La majoration de taxe à destination des petits et moyens aéroports

La majoration de la TAP est appliquée sur le tarif par passager des aéroports, quelle que soit la classe à laquelle ils appartiennent. Son montant, initialement fixé à 1 euro (47) a été porté à 1,25 euro par la loi de finances pour 2010 (48).

Le produit de cette majoration est ensuite réparti entre les aéroports de la classe 3 et les aéroports non éligibles à la TAP nécessitant un complément de financement, après arrêté du ministre chargé de l’aviation civile (49).

2. Le rendement de la taxe d’aéroport

Le rendement attendu de la taxe d’aéroport entre ces deux prélèvements se répartit comme présenté dans le tableau suivant.

RENDEMENT DE LA TAXE D’AÉROPORT

(en millions d’euros)

Taxe

2013

2014

Évolution

Taxe d’aéroport

799

815

+ 2 %

Majoration

99

105

+ 5,7 %

Total

898

920

+ 2,4 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

B. DES RESSOURCES INSUFFISANTES POUR FINANCER DES MESURES DE SÉCURITÉ ET DE SÛRETÉ DE PLUS EN PLUS COÛTEUSES

1. Un rendement insuffisant au regard du coût des missions de sécurité et de sûreté confiées aux exploitants

L’estimation du coût total des missions de sûreté et de sécurité assurées par les exploitants des aérodromes sont sensiblement supérieures aux recettes issues de la TAP en 2013 et 2014.

ESTIMATION DU COÛT DES MISSIONS DE SÛRETÉ ET DE SÉCURITÉ

(en millions d’euros)

 

2013

2014

Évolution

Coût des missions de sûreté et de sécurité

929

962

+ 3,4 %

Taxe aéroport

898

920

+ 2,4 %

Solde

− 31

− 42

+ 26 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

L’augmentation de ce coût au cours de ces deux années tient notamment à la mise en œuvre de nouvelles mesures de sûreté (mesures sur les liquides et les gels, détection de traces d’explosifs, nouveau standard pour les bagages de soute, etc.) qui découlent de l’évolution de la réglementation européenne en la matière et des standards internationaux.

Ainsi, malgré la prévision d’une hausse du trafic aérien en 2014 (+ 2,3 % par rapport à 2013 selon les données de la direction générale de l’aviation civile), le déficit des exploitants d’aéroports a continué de s’accroître au titre de cette même année.

2. Le déficit cumulé des exploitants d’aéroport au titre du financement des missions de sécurité et de sûreté

L’insuffisance des ressources en TAP pour financer intégralement ces missions a entraîné la constitution d’un déficit important des exploitants.

ÉVOLUTION DU DÉFICIT CUMULÉ DES AÉROPORTS

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

Déficit cumulé

39

73

100

Dont exploitants des aéroports de classe 3 et aéroports non éligibles à la taxe

35

37

40

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

Deux enseignements peuvent être retirés de ce tableau :

– les petits et moyens aéroports connaissent une situation structurellement dégradée puisque, malgré la majoration de la taxe d’aéroport qui leur est reversée, leur déficit continue de s’accroître ;

– la situation financière des aéroports des classes 1 et 2 (soit cinq aéroports, dont Aéroports de Paris) s’est fortement dégradée depuis 2012, passant d’une situation proche de l’équilibre à un déficit de 60 millions d’euros en 2014.

L’augmentation des déficits observée sur cette période peut s’expliquer pour partie par l’effet sur les recettes de la majoration de 10 % à 40 % de l’abattement tarifaire dont bénéficient les passagers en correspondance à compter de 2013. En effet, si l’article 1609 quatervicies du CGI prévoit que l’abattement peut être porté jusqu’à un montant maximum de 40 % (50), ce taux n’a atteint ce plafond qu’à compter de 2013 (au lieu 10 % auparavant).

II. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES

Le présent article relève le tarif plafond de la TAP applicable aux aéroports de la classe 3 de 12 euros à 13 euros. Dans l’hypothèse d’une augmentation du trafic aérien de 2,6 % en 2015, cette mesure se traduirait par un rendement supplémentaire de 11 millions d’euros.

Le déficit des aéroports de la classe 3 estimé à 40 millions d’euros en 2014 et 45 millions d’euros en 2015 serait ainsi ramené à 39 millions au titre de cette dernière année.

À la date de la rédaction du présent rapport, la Rapporteure générale n’a pas reçu de la part du Gouvernement d’éléments complémentaires permettant d’apprécier de manière détaillée les difficultés de financement rencontrées par les aéroports et la répartition prévisionnelle de la recette supplémentaire proposée par le présent article.

Il semble toutefois que cette majoration ne permette pas de répondre de manière pérenne aux difficultés financières rencontrées par les aéroports dans le cadre de l’exercice des missions de sécurité et de sûreté qui leur incombent et que la réflexion devra être poursuivie afin de dégager des solutions pour l’avenir.

À ce titre, le rapport de notre collègue M. Bruno Le Roux sur la compétitivité du transport aérien (51) du 3 novembre dernier proposait un certain nombre de pistes dont notamment :

– la prise en charge d’une partie des dépenses de sûreté par l’État pour répondre à court terme aux difficultés financières de certains aéroports ;

– l’élargissement du champ des redevables la TAP à l’ensemble de la communauté aéroportuaire, c’est-à-dire aux entreprises exerçant leur activité dans l’enceinte de l’aéroport.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 102 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ayant été pendant dix ans rapporteur sur le transport aérien, je suis très remonté contre un article de ce genre. L’exposé des motifs nous explique benoîtement que les déficits s’accumulent depuis des années et qu’il faut donc réévaluer la taxe d’aéroport afin de rembourser ces dettes. Pourquoi a-t-on accumulé les déficits ? Quels sont les aéroports qui dépensent plus que les recettes qui leur sont affectées ? À l’origine, il y a quinze ans, il s’agissait pourtant de responsabiliser les structures gestionnaires.

Mme la Rapporteure générale. Défavorable. Les déficits ont été accumulés parce que la sécurité dans les aéroports coûte de plus en plus cher. En 2013, le coût des missions de sûreté et de sécurité s’élevait à 929 millions d’euros, pour une recette de taxe d’aéroport de 898 millions, soit un déficit de 31 millions ; en 2014, le coût était de 962 millions d’euros, pour une recette de 920 millions, soit un déficit de 42 millions. L’article rééquilibre la structure de financement. Désormais seront touchées les compagnies étrangères, notamment des compagnies low cost opérant sur de petits aéroports. À titre indicatif, alors qu’Air France supporte aujourd’hui 42 % de la taxe, elle n’en supportera plus que 35 %, alors que Ryan Air, dont la contribution actuelle n’est que de 5 %, contribuera désormais à hauteur de 11 %.

Mme Eva Sas. Je me demande si notre collègue n’a pas fait une confusion avec le fonds d’isolation sonore des logements destiné à venir en aide aux riverains des aéroports, dont il est question à l’article suivant. Quant à la taxe qui finance la sécurité dans les aéroports, il me semble normal qu’ils financent leurs propres travaux. Je rejoins la Rapporteure générale sur ce point.

M. Charles de Courson. Vous avez effectivement raison. Il n’en demeure pas moins que cette taxe ne sert à rien. Comme rapporteur du budget de l’aviation civile, pour évaluer l’efficacité de l’emploi de ces fonds prétendument affectés à la sécurité, j’avais fait onze tentatives de pénétration : j’en ai réussi dix ! Je n’avais remis mon rapport qu’au ministre et au directeur général. Mais, cela a « fuité » et l’on m’a accusé de dire n’importe quoi. Si bien que j’ai participé ensuite à une émission de télévision qui a tout filmé, y compris la pose de pain de plastic dans les toilettes. Des sommes considérables sont dépensées dans le monde entier parce que le président Bush fils a voulu faire croire aux Américains qu’il était possible de construire une ligne Maginot autour des aéroports. En pratique, cela coûte un demi-milliard d’euros, ne crée que des désagréments pour les usagers : il faut arriver une heure avant à l’aéroport pour prendre un simple vol Paris-Lyon. Il faut plutôt que la représentation nationale demande au Gouvernement de convaincre les Américains que ces mesures sont inopérantes.

Mme Arlette Grosskost. Madame la Rapporteure générale, vous dites qu’il est bon de s’attacher à taxer davantage les compagnies à bas coût. Mais beaucoup d’aéroports se situent le long des frontières et l’alourdissement de la fiscalité n’a souvent d’autre conséquence que de reporter le trafic de l’autre côté de la frontière, au détriment de l’activité et de l’emploi en France.

Mme la Rapporteure générale. Le trafic d’un aéroport comme Rodez me semble difficile à délocaliser hors de France. Mais la question essentielle porte sur le financement de la sécurité et non sur la volonté de faire payer davantage les compagnies françaises ou les compagnies low cost. Une hausse de 12 à 13 euros me semble au total plutôt limitée. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 102.

Elle adopte ensuite l’article 10 sans modification.

*

* *

Article 11
Modification des tarifs et des groupes de la taxe
sur les nuisances sonores aériennes (TNSA)

Le présent article modifie la grille tarifaire de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) de manière à :

− augmenter le rendement de cette taxe au titre des aéroports situés dans les zones les plus denses où les demandes d’insonorisation sont les plus nombreuses et les délais de traitement des dossiers d’indemnisation les plus longs ;

− réduire, en contrepartie, son rendement pour certains aéroports de province (notamment du 3e groupe) pour lesquels les besoins d’insonorisation sont en baisse.

Pour atteindre ces objectifs, l’échelle tarifaire est réduite de quatre à trois groupes et les nouveaux tarifs proposés évoluent de manière continue jusqu’à 40 euros au lieu 68 euros auparavant. Cette réforme, permet donc de baisser les tarifs en vigueur, notamment pour les aéroports du premier groupe. En contrepartie, ce premier groupe est désormais constitué de l’ensemble des aéroports franciliens, ce qui permet d’augmenter sensiblement le rendement global de la taxe.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LES PRINCIPALES RÈGLES ENCADRANT LA TAXE SUR LES NUISANCES SONORES AÉRIENNES

Codifiée à l’article 1609 quatervicies du code général des impôts (CGI), la TNSA est une taxe affectée au financement des aides à l’insonorisation des bâtiments qui sont situés à l’intérieur de la zone dite « de voisinage » définie par le plan de gêne sonore (PGS) de l’aéroport prévu à l’article L. 571-15 du code de l’environnement.

Le cas échéant, elle peut également être affectée, dans la limite des deux tiers de son produit annuel, au remboursement des annuités d’emprunts contractés par des personnes publiques ou des avances consenties par ces dernières pour financer des travaux de réduction des nuisances sonores, prévus par des conventions passées avec l’exploitant de l’aéroport et sous certaines conditions.

Elle est perçue par les personnes publiques ou privées exploitant des aéroports pour lesquels :

– le nombre annuel des mouvements d’aéronefs de masse maximale au décollage supérieure ou égale à vingt tonnes a été supérieur à 20 000 mouvements au cours des cinq années civiles précédentes ;

– le nombre annuel des mouvements d’aéronefs de masse maximale au décollage supérieure ou égale de deux tonnes a été supérieure à 50 000 mouvements au cours de l’une des cinq années civiles précédentes si le plan d’exposition au bruit ou de gêne sonore de l’aéroport concerné recoupe celui d’un aéroport appartenant à la première catégorie d’aéroports éligibles à la taxe.

Onze aéroports sont ainsi concernés, soit les aéroports de Beauvais-Tillé, de Bordeaux-Mérignac, de Lyon-Saint-Exupéry, de Marseille-Provence, de Nantes-Atlantique, de Nice-Côte d’Azur, de Paris-Roissy-Charles-de-Gaulle, de Paris-Le Bourget, de Paris-Orly, de Strasbourg-Entzheim et de Toulouse-Blagnac.

L’assiette de la taxe repose sur la masse maximale des aéronefs au décollage, exprimée en tonnes, modulée par des coefficients prenant en compte l’heure de décollage et les caractéristiques acoustiques de l’appareil.

Le fait générateur de la taxe est constitué par chaque décollage d’aéronefs sur les aéroports concernés.

Le tarif de la taxe applicable à ces derniers est compris entre le tarif « plancher » et le tarif « plafond » du groupe dont ils relèvent en fonction de leur fréquentation.

Le tableau ci-dessous présente ces fourchettes de tarifs par groupe d’aéroports qui s’échelonnent de manière discontinue entre 50 centimes et 68 euros.

TARIFS APPLICABLES PAR GROUPE D’AÉROPORTS

(en euros)

Groupe

Aéroports

Tarif

1er

Aéroports de Paris-Orly et Toulouse-Blagnac

30 à 68

2e

Aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget et de Nantes-Altantique

10 à 22

3e

Aéroports de Beauvais-Tillé, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence et Nice-Côte d’Azur

4 à 8

4e

Autres aéroports dépassant le seuil d’imposition à la taxe

0,5 à 3

Le niveau des tarifs individuels est par la suite fixé en prenant en compte les besoins de financement de chaque aéroport résultant des aides à accorder en application de la réglementation en vigueur, de l’évolution prévisible des plans de gêne sonore et de celle des coûts d’insonorisation.

B. LE RENDEMENT DE LA TAXE

Le tableau suivant retrace l’évolution du rendement de la TNSA depuis sa création.

RENDEMENT DE LA TNSA SUR LA PÉRIODE 2005-2014

(en millions d’euros)

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014
(prévisions)

Beauvais-Tillé

Entrée de Beauvais-Tillé dans le dispositif d’aide à l’insonorisation en 2011

0,14

0,23

0,23

0,23

Bordeaux-Mérignac

0,26

0,46

0,54

0,57

0,66

0,49

0,54

0,53

0,54

0,54

Lyon-Saint-Exupéry

0,69

1,25

1,57

1,68

1,76

1,59

1,52

1,46

1,43

1,41

Marseille-Provence

0,66

1,06

1,37

1,51

1,61

1,58

1,48

1,38

1,28

1,27

Nantes-Atlantique

0,21

0,42

0,54

1,46

1,82

1,72

1,83

1,67

1,62

1,60

Nice-Côte d’Azur

0,63

1,26

1,49

1,49

1,41

1,21

1,29

1,29

0,93

0,74

Paris-Charles-de-Gaulle

15,16

26,77

29,82

29,82

27,04

25,22

21,15

22,51

21,05

19,68

Paris-Le Bourget

Entrée de Paris-Le Bourget dans le dispositif d’aide à l’insonorisation
en 2012

0,48

0,57

0,56

Paris-Orly

3,94

6,91

11,09

18,56

20,35

20,05

21,06

20,53

16,20

12,99

Strasbourg-Entzheim

0,01

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

Toulouse-Blagnac

1,37

2,43

3,96

4,84

4,70

4,59

4,90

4,81

4,54

4,50

Total

22,94

40,57

50,41

59,95

59,36

56,46

53,94

54,90

48,42

43,55

Sous-total province

3,84

6,89

9,50

11,57

11,97

11,19

11,72

11,38

10,60

10,31

Sous-total Aéroports de Paris

19,10

33,68

40,91

48,38

47,39

45,27

42,22

43,51

37,82

33,24

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

Ce tableau permet de constater une baisse du rendement de la taxe depuis 2012. Ce rendement est ainsi passé de 55 millions d’euros en 2012 à 48,4 millions d’euros en 2013 (– 12 %) et 43,5 millions d’euros en 2014 (– 10 %).

En premier lieu, cette baisse sensible peut s’expliquer par la réduction du trafic aérien, elle-même liée aux tensions régulières sur l’activité de ce secteur et à l’amélioration des taux de remplissage des aéronefs. Si le nombre de passagers transportés progresse, le nombre de mouvements des aéronefs taxés au titre de la TNSA diminue.

En second lieu, la révision de certains tarifs de TNSA, dans le cadre du plan de compétitivité des transporteurs aériens de 2013, a produit son plein effet à compter de 2014. Cette révision à la baisse, prise par un arrêté du 13 mars 2013 (52), a concerné les aéroports de Nice-Côte d’Azur (6 à 4 euros), Paris-Charles-de-Gaulle (19 à 17 euros) et Paris-Orly (47 à 32 euros).

Dans sa réponse à une question écrite de notre collègue Jean-Pierre Blazy, le Gouvernement précise que la baisse des tarifs de TNSA de ces aéroports a été décidée de manière à « ne pas alourdir inutilement les charges des compagnies aériennes en temps de crise et alors même que le montant de trésorerie disponible sur ces aérodromes représentait plus d’un an de dépenses (…). C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2012, le montant de trésorerie s’élevait à 58,8 millions d’euros pour Aéroports de Paris et à 6,69 millions d’euros pour l’aéroport de Nice-Côte d’Azur. Il n’y a aucun intérêt pour les riverains à ce que la taxe sur un aérodrome donné soit largement excédentaire par rapport aux besoins » (53).

Le graphique suivant permet d’apprécier la forte corrélation entre la baisse des tarifs de la TNSA et celle des aéroports de Paris.

ÉVOLUTION DE LA TNSA ENTRE 2005 ET 214

(en millions d’euros)

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

Par ailleurs, le montant de la taxe a été plafonné en loi de finances initiale pour 2014 à 49 millions d’euros. Au titre de l’année 2015, le projet de loi de finances relatif à cette même année propose de diminuer ce plafond à 48 millions d’euros.

IMPACT PRÉVISIONNEL DU PLAFONNEMENT DE LA TNSA AU TITRE DE 2014 ET 2015

(en millions d’euros)

Mesure

2014
(prévisions)

2015
(prévisions)

Plafonnement de la taxe

49

48

Rendement prévisionnel

43,5

48

Écrêtement au profit du budget général

0

0

Source : tome I de l’annexe Voies et Moyens du projet de loi de finances pour 2015.

C. L’AIDE À L’INSONORISATION FINANCÉE PAR LA TNSA

Au rebours de l’évolution à la baisse des rendements de la TNSA, les dépenses d’aide à l’insonorisation ont fortement augmenté depuis 2012, notamment en Île-de-France sous l’effet de :

– la mise en œuvre, depuis 2010 (54), d’un mécanisme d’avance des frais aux riverains des aéroports sous certaines conditions, ce qui a entraîné à la fois une augmentation du nombre de demandes et une accélération du rythme des décaissements, passé notamment de vingt-quatre à douze mois en Île-de-France ;

– le versement d’un complément d’aide pour les postes de travaux les plus lourds (55) ;

– la généralisation du taux d’aide de 100 % à partir de la fin 2011 (56) qui a entraîné une hausse du montant moyen d’aide aux travaux de 10 000 euros à environ 14 000 euros ;

– la mise en place en 2012 du dispositif d’aide sur l’aérodrome de Paris-Le Bourget et la révision des plans de gêne sonore de Paris-Orly et Paris-Charles-de-Gaulle fin 2013 (qui ont globalement rendu éligibles aux aides à l’insonorisation 40 000 locaux supplémentaires).

Ces mesures ont conduit à un renchérissement des dépenses d’insonorisation pour certains aéroports depuis 2011 comme le montre le tableau suivant, notamment pour les aéroports franciliens.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES ANNUELLES D’AIDE À L’INSONORISATION

(en millions d’euros)

Aérodrome

2011

2012

2013

Évolution 2011/2013

Beauvais-Tillé

0,00

0,09

0,40

+100 %

Bordeaux-Mérignac

1,26

0,36

0,51

– 59,5 %

Lyon-Saint Exupéry

1,75

1,81

1,47

– 16 %

Marseille-Provence

1,16

1,16

1,68

+ 31 %

Nantes-Atlantique

1,88

0,93

1,27

– 32 %

Nice-Côte d’Azur

0,52

1,27

1,44

+ 64 %

Paris-Charles-de-Gaulle

28,96

29,61

37,90

+ 23,5 %

Paris-Le Bourget

0,00

0,35

2,39

+ 100 %

Paris-Orly

16,09

20,03

33,33

+ 52 %

Strasbourg-Entzheim

0,00

0,00

0,00

0

Toulouse-Blagnac

4,56

4,04

6,38

+ 28,5 %

TOTAL

56,17

59,64

86,78

+ 35 %

Sous-total province

11,13

9,66

13,16

+ 15 %

Sous-total Aéroports de Paris

45,05

49,99

73,62

+ 39 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

LES DÉPENSES ANNUELLES D’AIDE À L’INSONORISATION EN PROVINCE
ET POUR AÉROPORTS DE PARIS

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015

Ces dépenses couvrent les diagnostics acoustiques permettant de déterminer les travaux à réaliser, les travaux d’isolation acoustique en eux-mêmes et les frais de fonctionnement des exploitants d’aérodromes résultant de leur gestion des aides financières accordées aux riverains.

Entre 2004 et 2013, 48 375 locaux ont fait l’objet d’un avis favorable de financement de la part des commissions consultatives d’aide aux riverains (CCAR) (57) pour un montant global de 478 millions d’euros, soit un montant moyen de près de 1 000 euros par local.

Les tableaux suivants récapitulent le nombre de projets ayant fait l’objet d’un avis favorable de la part de la CCAR chargée de leur dossier, ainsi que les montants annuels d’aide que représentent ces projets.

NOMBRE ANNUEL DE LOCAUX AYANT FAIT L’OBJET D’UN AVIS FAVORABLE DES CCAR

(en unité)

Aérodrome

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Beauvais-Tillé

50

Bordeaux-Mérignac

24

30

24

15

10

20

260

21

36

25

Lyon-Saint-Exupéry

48

54

79

106

127

256

22

65

152

73

Marseille-Provence

209

0

24

56

100

266

153

136

98

96

Nantes-Atlantique

76

24

159

64

67

149

91

38

38

52

Nice-Côte d’Azur

84

118

119

105

74

59

47

188

339

274

Paris-Charles-de-Gaulle

1 062

1 104

2 956

3 357

2 466

2 988

2 816

1 762

3 131

2 835

Paris-Le Bourget

 

 

 

 

 

 

 

 

30

425

Paris-Orly

1 147

515

783

1 335

1 922

1 379

1 082

1 292

1 820

2 187

Strasbourg-Entzheim

7

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Toulouse-Blagnac

213

412

623

498

276

748

325

296

1 065

718

Total

2 870

2 257

4 767

5 536

5 042

5 865

4 796

3 798

6 709

6 735

Sous-total province

661

638

1 028

844

654

1 498

898

744

1 728

1 288

Sous-total Aéroports de Paris

2 209

1 619

3 739

4 692

4 388

4 367

3 898

3 054

4 981

5 447

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

MONTANTS ANNUELS D’AIDE AYANT FAIT L’OBJET D’UN AVIS FAVORABLE DES CCAR

(en millions d’euros)

Millions d’euros

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Beauvais-Tillé

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,82

Bordeaux-Mérignac

0,27

0,37

0,24

0,18

0,12

0,15

1,27

0,23

0,31

0,35

Lyon-Saint-Exupéry

0,57

0,64

0,74

0,97

1,04

3,33

0,28

0,92

2,37

1,05

Marseille-Provence

1,56

0,00

0,78

0,31

0,77

2,10

1,09

0,96

1,12

1,16

Nantes-Atlantique

0,79

0,21

1,52

0,61

0,64

1,54

0,95

1,43

0,70

0,94

Nice-Côte d’Azur

0,37

0,46

0,47

0,31

0,30

0,23

0,55

0,77

1,50

1,42

Paris-Charles-de-Gaulle

12,67

12,35

25,19

28,06

23,77

27,43

25,40

21,92

32,75

38,78

Paris-Le Bourget

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,45

5,76

Paris-Orly

10,25

4,70

5,78

10,57

17,31

19,18

11,00

19,60

20,80

28,80

Strasbourg-Entzheim

0,07

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Toulouse-Blagnac

0,53

2,70

2,07

3,05

2,79

5,69

2,56

1,64

6,84

5,68

Total

27,09

21,43

36,79

44,06

46,75

59,65

43,09

47,47

66,86

84,78

Sous-total province

4,17

4,37

5,82

5,43

5,67

13,04

6,69

5,95

12,85

11,43

Sous-total Aéroports de Paris

22,92

17,05

30,97

38,63

41,08

46,61

36,40

41,52

54,01

73,34

Source : réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Contrôle et exploitation aériens du projet de loi de finances pour 2015.

II. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES

A. LES DIFFICULTÉS CROISSANTES DE CERTAINS EXPLOITANTS À RÉPONDRE DANS DES DÉLAIS RAISONNABLES AUX DEMANDES D’INSONORISATION DE LEURS RIVERAINS

Le rythme de versement des aides financières à l’insonorisation des logements étant lié aux ressources disponibles de TNSA, la baisse du rendement de cette taxe au cours des dernières années, concomitante à une augmentation des demandes des riverains, a introduit des tensions sur la gestion de cette dépense par les exploitants. Leur besoin de financement a ainsi fortement augmenté, notamment en Île-de-France où se concentrent les demandes.

Afin d’éviter que ces tensions ne se traduisent par un allongement des délais de traitement des dossiers, le présent article propose d’ajuster la grille tarifaire en vigueur de manière à :

– augmenter la part des recettes de TNSA perçues par les aéroports franciliens dans le respect du plafond appliqué à cette taxe ;

– réduire, au contraire, les recettes perçues par certains aéroports de province dont les besoins d’insonorisation sont en diminution et qui peuvent, par conséquent, supporter une baisse des tarifs de TNSA sans que celle-ci n’impacte le niveau d’aide financière versée.

B. LA NOUVELLE GRILLE TARIFAIRE PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Les dispositions prévues au paragraphe I conduisent à modifier la grille tarifaire de manière à réduire de quatre à trois les groupes d’aéroports et de 68 euros à 40 euros le montant maximal de la taxe applicable à chaque décollage.

ÉVOLUTION DES TARIFS APPLICABLES PAR GROUPE D’AÉROPORTS

(en euros)

Groupe

Tarifs
en vigueur

Tarifs résultant
des dispositions proposées

Aéroports

Tarifs

Aéroports

Tarifs

1er

Aéroports de Paris-Orly et Toulouse-Blagnac

30-68

Aéroports de Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Le Bourget

20-40

2e

Aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget et de Nantes-Altantique

10-22

Aéroports de Toulouse-Blagnac et de Nantes-Altantique

10-20

3e

Aéroports de Beauvais-Tillé, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence et Nice-Côte d’Azur

4-8

Autres aéroports dépassant le seuil d’imposition à la taxe

4e

Autres aéroports dépassant le seuil d’imposition à la taxe

0,5-3

supprimé

Le paragraphe II précise quant à lui que ces dispositions entreront en vigueur à compter du 1er avril 2015.

À la date de la rédaction de ce rapport, malgré ses demandes, la Rapporteure générale n’a pas reçu d’éléments complémentaires permettant d’apprécier de manière détaillée les effets de la réforme de la grille tarifaire proposée par le présent article.

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La Commission examine l’amendement CF 231 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. La taxe sur les nuisances sonores aériennes – TNSA – pèse sur les compagnies aériennes et sert à financer l’isolation sonore des logements des riverains des aéroports. J’ai déposé cet amendement afin d’obtenir des explications sur la volonté affichée du Gouvernement de rééquilibrer sa perception entre les aéroports régionaux et les aéroports franciliens. Alors que la nouvelle fourchette s’établirait pour ces derniers entre 20 euros et 40 euros, je peine à comprendre quelle augmentation cela représenterait par rapport à la fourchette actuelle située entre 30 euros et 68 euros.

Mme la Rapporteure générale. Pour les aéroports du groupe 1 que vous visez, l’article prévoit à la fois un élargissement de l’assiette de la taxe et une baisse de son tarif. Alors qu’Aéroports de Paris s’acquitte de 33,3 millions d’euros aujourd’hui, l’entreprise devrait payer à l’avenir 41,7 millions d’euros. Le délai d’attente pour les riverains désireux de recevoir une aide serait également réduit de vingt-quatre mois à douze mois.

L’amendement CF  231 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 252 de Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je propose d’avancer au 1er janvier 2015 l’application de l’augmentation prévue, car beaucoup de logements sont encore en attente d’une aide pour leur isolation. Il y a un manque à gagner de 70 millions d’euros.

Mme la Rapporteure générale. J’ai interrogé le Gouvernement sur la faisabilité de cette application anticipée. Elle paraît difficile à mettre en œuvre. Je vous propose que nous en débattions de nouveau au cours de la séance publique. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Madame Rabin, cette application anticipée n’est pas une bonne idée. Si la hausse ne s’applique qu’à compter du 1er avril 2015, c’est afin qu’elle puisse être intégrée au prix du billet. Si elle était appliquée dès le 1er janvier alors que les réservations sont pour l’essentiel déjà prises, ce serait les compagnies aériennes qui la supporteraient.

L’amendement CF 252 est retiré.

La Commission adopte l’article 11 sans modification.

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Article 12
Diminution du taux de la contribution sur les activités privées de sécurité

Le présent article diminue les taux de la contribution sur les activités privées de sécurité prévue à l’article 1609 quintricies du code général des impôts et dont le produit couvre les besoins de financement associés à la régulation et au contrôle des activités privées de sécurité, missions assurées par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

I. SITUATION ACTUELLE

Avec plus de 150 000 salariés dont près de 120 000 dans des fonctions de gardiennage et de surveillance et environ 9 600 entreprises, le secteur de la sécurité privée, qui comprend notamment le transport des fonds, des bijoux et des métaux précieux, la protection physique des personnes ou encore les activités des agences de recherches privées (les « détectives privés »), la sécurité privée joue un rôle complémentaire à celui des forces de sécurité publique. Ainsi, selon l’INSEE, la sécurité privée regroupait 143 100 emplois directs, auxquels il convient d’ajouter les agents de recherches privées qui seraient plus de 1 000 mais aussi les agents de télésurveillance, les services internes de sécurité qu’il est assez malaisé de comptabiliser exactement et qui correspondent aux effectifs des entreprises qui assurent pour elles des activités de sécurité mais qui peuvent être affectés à d’autres taches.

Ces activités ne sont pas des activités anodines et requiert un contrôle efficace de l’État dans l’objectif de voir les différentes professions du secteur progresser dans la qualité du service offert. À cet effet, l’article 31 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite « LOPPSI 2 » a inséré, dans la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, une disposition créant le CNAPS. Cette initiative faisait suite à un rapport sur le contrôle des entreprises du secteur des activités privées de sécurité, remis au ministre de l’intérieur en juin 2010 par l’Inspection générale de l’administration (IGA), l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

Le décret n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 définit les modalités d’application de cet article et notamment les missions, l’organisation et le fonctionnement de cet établissement public administratif. Ainsi, ce dernier est chargé d’une mission de police administrative mais aussi de la discipline, de conseil et d’assistance des personnes morales et physiques exerçant les activités privées de sécurité mentionnés au livre VI du code de la sécurité intérieure. Par ailleurs, la loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires étend le champ d’application du livre VI du code de la sécurité intérieure ainsi que la compétence du CNAPS à cette nouvelle activité, pour ce qui concerne la délivrance des cartes professionnelles des agents et les autorisations d’exercer des entreprises.

Pour assurer ces missions, le CNAPS, qui dispose de 213 équivalents temps plein travaillé en 2014, reçoit une subvention pour charges de service public financée sur le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État. Pour 2015, il est inscrit 16,842 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

La ressource correspondante est issue du produit d’une taxe de 0,5 % du montant hors taxe des prestations de service assurées par les entreprises relevant du livre VI du code de la sécurité intérieure et de 0,7 % du montant des rémunérations des services internes de sécurité privée, créée par la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. Cette disposition a été codifiée à l’article 1609 quintricies du code général des impôts.

Cette contribution est due par :

– les personnes physiques ou morales qui effectuent en France à titre onéreux des activités privées de sécurité : surveillance, gardiennage, transport et protection physique des personnes, détectives privés. Pour ces personnes, le taux s’élève à 0,50 % du montant hors taxe des ventes de prestations des services d’activités privées de sécurité sur le territoire national ;

– les personnes morales agissant pour leur propre compte c’est-à-dire les entreprises disposant de leurs propres services de sécurité. Pour ces entreprises, le taux s’élève à 0,70 % des rémunérations payées aux salariés qui effectuent des activités de sécurité.

Le montant encaissé pour la contribution sur les activités privées de sécurité pour l’année 2013 est de 27,4 millions d’euros. Il est affecté au budget général de l’État. Par conséquent, ce dernier recouvre plus de 10 millions d’euros de plus que le montant de la subvention pour charges de service public qu’il verse au CNAPS.

II. MESURE PROPOSÉE

Dans le souci de restituer une partie de la différence entre le produit de la contribution et la dotation budgétaire au CNAPS, opérateur sous tutelle du ministère de l’intérieur, il est proposé de baisser en deux étapes les deux taux de la contribution :

– le premier taux serait baissé de 0,50 % du montant hors taxe des ventes des services d’activités privées de sécurité en 2014 à 0,45 % en 2015 puis à 0,40 % en 2016 ;

– le second taux serait réduit, quant à lui, de 0,70 % des rémunérations payées aux salariés qui effectuent des activités de sécurité en 2014 à 0,65 % en 2015 puis à 0,60 % en 2016.

L’évaluation préalable associée au présent projet de loi de finances rectificative fait apparaître une perte de recettes pour l’État, et corrélativement un gain pour la profession, de 2,28 millions d’euros en 2015 puis de 4,77 millions d’euros par an à compter de l’année 2016.

Le taux de la taxe n’est pas révisé de manière à ramener son produit au niveau de la dotation budgétaire. En effet, il prend en compte la volonté du CNAPS de créer un fonds de modernisation sociale en faveur d’un secteur professionnel regroupant des salariés souvent peu qualifiés.

Dans le même sens, dans son rapport sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État, annexé au rapport général sur le projet de loi de finances pour 2015 (58), M. Romain Colas, rapporteur spécial, recommandait que « le taux de la taxe soit révisé de manière à ramener son produit au niveau de la dotation budgétaire ».

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La Commission examine l’amendement CF 115 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Cet amendement de suppression de l’article vise lui aussi à engager le débat sur la volonté du Gouvernement de venir en aide, voire d’accorder un traitement de faveur, aux activités privées de sécurité, alors que beaucoup d’autres secteurs connaissent aussi des difficultés. Je m’interroge sur les raisons de cette démarche.

M. le président Gilles Carrez. Tout comme moi.

Mme la Rapporteure générale. Je partage aussi votre questionnement. La taxe rapporte aujourd’hui 27 millions d’euros, alors que la subvention qui est versée au Conseil national des activités privées de sécurité s’élève à 16,2 millions d’euros. À l’heure où l’État est précisément à la recherche de sources de financement, la différence en représente une qu’il ne faut pas négliger. Avis de sagesse.

La Commission rejette l’amendement CF 115.

Puis elle adopte l’article 12 sans modification.

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Article 13
Mesures de lutte contre la fraude fiscale, en particulier la fraude à la TVA dans les secteurs à risque

Cet article regroupe un ensemble de mesures destinées à renforcer l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale dans le cadre de diverses formes de transactions commerciales particulièrement exposées à ce risque, ce qui ne peut que conforter les recettes allouées à l’État, et tout particulièrement celles qui proviennent de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Il prévoit ainsi de faciliter la détection de la fraude à la TVA lors de la revente de véhicules automobiles d’occasion provenant d’autres États membres de l’Union européenne, en subordonnant la délivrance du certificat d’immatriculation à la justification du régime de TVA appliqué dans le pays d’origine (assiette, taux appliqués et paiement).

De même, il vise à prévenir la constitution de sociétés éphémères visant uniquement à éluder le paiement de la TVA dans le secteur du bâtiment, particulièrement exposé à cette pratique, en soumettant temporairement au régime réel d’imposition à la TVA les entreprises débutant ou reprenant leur activité.

Enfin, il modernise et étend le droit de communication dont dispose l’administration à l’égard des personnes ayant le statut de commerçant, et renforce ses moyens de détection des situations de fraude fiscale dans le cadre du commerce en ligne.

D’après le Gouvernement, ces mesures devraient réduire le montant de la fraude à la TVA de près de 150 millions d’euros en année pleine (et donc, en d’autres termes, accroître d’un montant comparable les recettes de l’État) : environ 100 millions d’euros s’agissant du contrôle de la TVA appliquée lors du commerce des voitures d’occasion, et près de 50 millions d’euros pour la lutte contre la fraude à la TVA résultant d’entreprises éphémères dans le secteur du bâtiment.

I. RENFORCEMENT DU CONTRÔLE SUR LE RÉGIME DE TVA APPLIQUÉ LORS DE LA VENTE DE VÉHICULES D’OCCASION PROVENANT D’UN AUTRE PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE

Les dispositions visant à accroître l’efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA dans le cadre de la revente en France de véhicules automobiles d’occasion provenant d’un autre État membre de l’Union européenne figurent aux A et B du paragraphe I et au A du paragraphe III de cet article. En proposant un mécanisme de contrôle des factures d’origine qui facilite, en amont de la délivrance des certificats d’immatriculation, l’identification des ventes ayant bénéficié d’un régime de TVA anormalement favorable, ces dispositions devraient permettre à l’État de bénéficier de recette de TVA complémentaires, estimées par le Gouvernement à 100 millions d’euros en année pleine.

A. L’ÉTAT DU DROIT

La vente de véhicules automobiles d’occasion pâtit en France de distorsions de concurrence liées à l’application abusive du régime de TVA « sur la marge » par des revendeurs se fournissant par le biais d’un négoce intracommunautaire impliquant plusieurs sociétés établies dans différents États membres de l’Union européenne.

1. Une utilisation abusive du régime de la TVA « sur la marge »

Le régime de la TVA sur la marge consiste à ne retenir, pour établir l’assiette sur laquelle un revendeur doit être imposé à la TVA, que la différence entre le prix auquel il a acheté le bien et celui auquel il l’a ensuite revendu. Il est toutefois réservé à la revente de biens dont le fournisseur initial n’était pas lui-même à ce titre redevable de la TVA. Ainsi, le 1° du paragraphe I de l’article 297 A du code général des impôts (CGI) prévoit que « la base d’imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d’occasion […] qui lui ont été livrés par un non redevable de la TVA ou par une personne qui n’est pas autorisée à facturer la TVA au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ». Cela signifie que le régime de la TVA sur la marge n’est pas applicable aux véhicules d’occasion ayant été livrés à un revendeur, assujetti à la TVA en France, par des entreprises qui sont redevables de la TVA ou autorisées à facturer celle-ci sur la vente du bien. En effet, dans un tel cas, le revendeur établi en France pourrait déduire de son propre chiffre d’affaires le montant de TVA qui lui a été facturé par le fournisseur étranger au titre de l’importation en France du bien – conformément aux règles générales de déduction de la TVA prévues par l’article 271 du CGI.

La raison de la limitation à ces personnes du régime de la TVA sur la marge s’explique donc par la volonté d’éviter un cumul injustifié d’avantages, s’agissant du montant de TVA qu’aura réellement supporté un bien revendu, après avoir été initialement acheté auprès d’une entreprise soumise à la TVA. En effet, le revendeur des véhicules d’occasion, s’il pouvait, dans le cadre de ses déclarations de TVA, déduire une TVA portant sur la valeur globale du véhicule, et n’acquitter lui-même une TVA ne portant que sur sa propre marge (c’est-à-dire sur une petite fraction seulement de cette valeur), serait anormalement créditrice de TVA, ce qui lui permettrait de vendre des véhicules d’occasion n’ayant en réalité supporté presque aucune TVA.

Or, depuis plusieurs années, la Fédération de l’artisanat automobile estime qu’une utilisation frauduleuse de ce régime de la TVA par certains revendeurs de véhicules d’occasion importés par le biais de livraisons intracommunautaires permet à ces derniers de fausser le jeu de la concurrence. Les véhicules concernés, n’ayant fait au total l’objet d’une TVA que sur une fraction très réduite de leur valeur, pourraient en effet être commercialisés en France « à prix cassés », alors qu’ils sont presque neufs. Rappelons, en effet, que le 2 du paragraphe III de l’article 298 sexies du CGI donne une définition des « moyens de transport neufs », dont l’acquisition est soumise à la TVA pour l’ensemble de la valeur marchande du bien, qui est relativement restrictive : en application de cette définition, tout véhicule dont la livraison est intervenue depuis plus de six mois et qui a parcouru au moins 6 000 kilomètres est considéré comme un véhicule d’occasion.

Ce phénomène n’est pas propre à la France et, selon les données parcellaires collectées par les services du secrétariat d’État au budget auprès des administrations d’autres États membres de l’Union européenne, de telles fraudes affectent notamment la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, ou encore le Royaume-Uni – sans que ces États aient pu toutefois transmettre des données chiffrées consolidées quant à l’ampleur des fraudes sur la revente de véhicules d’occasion. À ce jour, la plupart de ces pays n’ont pas mis en place de moyens ou de structure particulière portant spécifiquement sur les fraudes lors de la revente de véhicules d’occasion, mais ils ont souvent constitué des bases de données visant à progresser, de manière plus générale, dans la détection des cas de fraudes à la TVA.

2. Comparaison d’un schéma normal et d’un schéma frauduleux d’application de la TVA sur la revente d’un véhicule d’occasion

Afin de se représenter plus concrètement les étapes suivies par un véhicule d’occasion ayant fait l’objet de reventes successives dans trois pays de l’Union européenne, il n’est pas inutile de partir d’un exemple concret de véhicule faisant l’objet de ventes successives dans trois États membres de l’Union européenne.

Ce véhicule, initialement acheté neuf en Allemagne où il est loué pendant six mois (délai minimal pour pouvoir être considéré comme un véhicule d’occasion, sous réserve qu’il ait aussi parcouru 6 000 kilomètres), est ensuite revendu comme véhicule d’occasion, d’abord en Belgique, puis en France (exemples pris au hasard). Rappelons que le taux normal de TVA s’élève actuellement à 19 % en Allemagne, 21 % en Belgique et 20 % en France.

Schéma normal

L’entreprise de location A, établie en Allemagne, achète le véhicule neuf pour 30 000 euros hors taxe, montant auquel s’ajoute une TVA au taux de 19 %, soit 5 700 euros. Elle déduit ensuite la TVA qui a ainsi grevé ses coûts (et a été collectée par le constructeur pour être reversée à l’État en Allemagne), du montant de TVA dont elle redevable sur ses propres ventes.

Six mois plus tard, le véhicule ayant parcouru plus de 6 000 kilomètres est revendu par l’entreprise A à une entreprise B, établie en Belgique, pour un prix de 20 000 euros hors taxe. Comme le véhicule a ouvert droit à une déduction de TVA, le régime de la marge n’est pas applicable et la cession est soumise au régime des livraisons intracommunautaires (en application de l’article 314 de la « directive TVA »), qui ne conduit à une taxation que dans l’État membre de destination.

L’entreprise B, qui procède en Belgique à une acquisition communautaire auprès de l’entreprise A, revend le véhicule à une entreprise C, assujettie à la TVA en France, pour un montant de 20 500 euros hors taxe. Il s’agit encore d’une acquisition intracommunautaire non taxée.

Puis, l’entreprise C revend le véhicule à un particulier pour 25 000 euros TTC, dont 5 000 euros de TVA collectée auprès du particulier (application de la TVA sur l’ensemble du prix de vente du véhicule), montant que l’entreprise C devra reverser au Trésor public en France.

Au total, 5 000 euros de recettes de TVA sont bien, dans ce cas, encaissés par l’État en France sur cette vente.

Schéma frauduleux

L’entreprise de location A, établie en Allemagne, achète le véhicule neuf pour 30 000 euros hors taxe, montant auquel s’ajoute une TVA au taux de 19 %, soit 5 700 euros. Elle déduit ensuite la TVA qui a ainsi grevé ses coûts (et a été collectée par le constructeur pour être reversée à l’État en Allemagne), du montant de TVA dont elle redevable sur ses propres ventes.

Six mois plus tard, le véhicule ayant parcouru plus de 6 000 kilomètres est revendu par l’entreprise A à une entreprise B, établie en Belgique, pour un prix de 20 000 euros hors taxe. Comme le véhicule a ouvert droit à une déduction de TVA, le régime de la marge n’est pas applicable et la cession est soumise au régime des livraisons intracommunautaires (en application de l’article 314 de la « directive TVA »), qui ne conduit à une taxation que dans l’État membre de destination.

L’entreprise B ne déclare pas l’acquisition intracommunautaire qu’elle a effectué auprès de l’entreprise A et se place frauduleusement sous le régime de la marge. Le véhicule est ainsi revendu à l’entreprise C, assujettie à la TVA en France, sans faire apparaître la TVA.

L’entreprise C déclare une prestation de services intracommunautaire, non taxée à la TVA, correspondant au montant de la commission touchée par l’entreprise B pour avoir revendu le véhicule (commission fixée, par exemple, à 500 euros). L’entreprise C, qui a en réalité acheté le véhicule 20 000 euros hors taxe auprès de l’entreprise B (sans compter la commission de 500 euros), le revend en France 23 000 euros à un particulier. Dans le cadre de cette vente finale, elle se place elle-même frauduleusement sous le régime de la marge (alors que le régime n’est pas applicable dans un tel cas, puisque le véhicule avait initialement ouvert droit à déduction). Grâce à ce régime, elle ne facture la TVA que sur sa propre marge, c’est-à-dire une assiette de 3 000 euros, soit seulement 600 euros de TVA collectée auprès du client final. Elle reverse ensuite, en France, ces 600 euros de TVA au Trésor public.

Dans ce cas, le montant de TVA collectée par l’État en France n’est plus que de 600 euros (soit 4 400 euros de moins que dans le schéma normal). Par ailleurs, l’application d’un prix final de seulement 23 000 euros TTC (au lieu de 25 000 TTC dans le schéma normal) permet à l’entreprise C, tout en effectuant une opération très rémunératrice, de « casser les prix » en France sur la revente de tels véhicules, par rapport aux tarifs que peuvent pratiquer les entreprises concurrentes n’ayant pas recours à cette fraude.

La comparaison des deux schémas permet bien de constater l’effet sur les recettes de TVA qu’entraîne le respect des règles applicables (collecte de la TVA sur l’ensemble du prix de vente du véhicule en France) ou, au contraire, leur violation (application indue du régime de la marge lors de la revente en France).

3. Des pratiques frauduleuses qui amoindrissent les recettes de la TVA dans des proportions importantes

Ces pratiques abusives sont, en France, à l’origine d’un préjudice important pour les finances de l’État, car elles concernent souvent des véhicules onéreux. Celui-ci est ainsi privé de recettes de TVA dont le montant peut, d’après le Gouvernement, être estimé entre 45 et 90 millions d’euros. Cet ordre de grandeur, si les hypothèses retenues par le Gouvernement pour le taux de fraude sont réalistes, paraît globalement crédible, même si un calcul plus détaillé pourrait amener à réduire très légèrement ces chiffres, en ramenant la fourchette des estimations entre 42 et 85 millions d’euros.

En effet, selon les chiffres transmis par le Comité français des constructeurs automobiles (CFCA), le chiffre d’affaires total des acquisitions intracommunautaires de véhicules de tourisme d’occasion est considérable : en 2012, il s’élevait en France à 1,1 milliard d’euros. Si l’on considère que ces véhicules auraient dû être soumis à la TVA en France sur l’ensemble de leur valeur, au taux normal de 20 %, cela signifie que la recette annuelle pour l’État devrait s’élever à 220 millions d’euros. La proportion de ces acquisitions intracommunautaires de véhicules d’occasion qui a fait l’objet d’une utilisation abusive du régime de TVA sur la marge pouvant être estimée, selon le Gouvernement, entre 20 et 40 %, le montant de TVA qui aurait dû être recouvré par l’État sur ces ventes – et ne l’a été que sur une infime fraction (correspondant à la marge du revendeur) – serait alors compris entre 44 et 88 millions d’euros.

Si la marge du revendeur soumise à la TVA a été, par exemple, égale à 4 % de la valeur du véhicule, cela signifie que la base d’imposition retenue pour ces véhicules a été comprise entre 8,8 et 17,6 millions d’euros, et par conséquent que la recette de TVA qui a réellement pu être recouvrée par l’État sur ces ventes a été comprise entre seulement 1,76 et 3,52 millions d’euros (selon que le taux de fraude sur ces acquisitions intracommunautaires a été de 20 % ou de 40 %). Au total, selon ce calcul, la perte de recettes de TVA résultant de cette utilisation frauduleuse du régime de la marge serait donc égale à la différence entre ces deux montants de recettes (la TVA qui aurait dû être acquittée et celle qui l’a réellement été), soit un montant compris entre 42,24 millions d’euros (pour un taux de fraude de 20 %) et 84,48 millions d’euros (pour un taux de fraude de 40 %).

4. Une forme complexe de fraude que l’administration fiscale peine à combattre

L’administration fiscale peine actuellement à combattre cette fraude, qui met en jeu à la fois plusieurs sociétés et plusieurs États. Certes, notre législation a déjà été améliorée depuis le 1er janvier 2013, grâce à l’article 12 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (59), qui vise à faciliter la récupération par le Trésor public des sommes dues en cas de fraude avérée au régime de la TVA sur la marge. Ainsi, le 4 ter de l’article 283 du CGI prévoit désormais que l’entreprise ayant acheté un véhicule auprès d’un revendeur, redevable de la TVA, est tenu solidairement, avec ce dernier, d’acquitter la TVA éludée si elle « savait ou ne pouvait ignorer que tout ou partie de la TVA due sur cette livraison ou sur toute livraison antérieure des mêmes biens […] ne serait pas reversée de manière frauduleuse ». Toutefois, il est difficile pour l’administration de démontrer que la personne assujettie à la TVA ne pouvait ignorer qu’elle participait à une fraude, ce qui rend compliquée la mise en œuvre de cette procédure.

Plus généralement, les vérifications fiscales auxquelles l’administration peut procéder restent ponctuelles et n’aboutissent pas facilement à la récupération des montants de TVA éludés. En effet, les circuits commerciaux théoriquement empruntés par ces véhicules au sein de l’Union européenne sont complexes (comme cela a été précédemment décrit), ce qui ne facilite pas l’obtention des informations requises sur le régime de TVA appliqué dans les échanges entre les différentes sociétés établies dans les autres États membres. L’évaluation préalable de l’article souligne d’ailleurs que la remise en cause des cas d’application infondée du régime de la TVA sur la marge est souvent grandement compliquée par « les aléas de l’assistance administrative internationale » ainsi que par le recours à des sociétés-écrans dans le circuit de commercialisation emprunté par le véhicule à travers l’Union européenne, pour renforcer l’opacité des facturations successives, c’est-à-dire brouiller les pistes. Par ailleurs, ces contrôles n’interviennent qu’après coup, alors que les mandataires ayant revendu en France les véhicules achetés auprès de fournisseurs établis à l’étranger ont pu, dans l’intervalle, faire faillite et s’avérer insolvables.

Enfin, le caractère purement formel des contrôles effectués par l’administration pour la délivrance des cartes grises sur ces véhicules d’occasion ne permet pas aujourd’hui de mettre facilement en évidence cette forme de fraude au moment de la vente en France du véhicule d’occasion – un contrôle efficace supposerait que l’administration puisse obtenir des informations sur le régime de TVA appliqué en amont de ces ventes, ce qui supposerait qu’elle effectue des recherches en ce sens, puisque l’information ne lui est pas fournie d’emblée par les mandataires.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

1. Les nouvelles obligations mises à la charge des revendeurs de véhicules d’occasion

Les A et B du paragraphe I de l’article proposent, en insérant au sein du CGI respectivement deux nouveaux articles 297 G et 298 sexies A, de mettre en place un dispositif préventif qui devrait permettre d’accroître nettement l’efficacité de la lutte contre ces cas d’utilisation frauduleuse du régime de la TVA sur la marge par les entreprises revendant des véhicules d’occasion importés en provenance d’autres pays de l’Union européenne.

Ainsi, le nouvel article 297 G subordonnerait le bénéfice du régime de la TVA sur la marge, pour l’entreprise, assujettie à la TVA en France, qui procède à la revente de tels véhicules, au respect d’une nouvelle obligation administrative. Cette dernière consisterait à présenter à l’administration les documents attestant du régime de TVA auquel le fournisseur du véhicule a lui-même été soumis. Cela ne concernerait toutefois que le cas où ce fournisseur est lui-même une personne assujettie à la TVA, par cohérence avec les conditions d’éligibilité au régime de la TVA sur la marge, telles qu’elles sont fixées par le 1° du paragraphe I de l’article 297 A du CGI. En outre, un décret en Conseil d’État devra préciser les modalités selon lesquelles les justifications pourront être apportées. Cette obligation de justifier du régime de TVA appliqué en amont de la revente des véhicules d’occasion devrait ainsi permettre à l’administration de disposer d’emblée d’informations qui l’aideront à reconstituer l’historique du « parcours fiscal » antérieur des véhicules au sein de l’Union européenne.

Par ailleurs, le nouvel article 298 sexies A soumettrait les revendeurs de véhicules d’occasion précités (ainsi que les mandataires susceptibles d’agir pour leur compte), à l’obligation de demander eux-mêmes à l’administration fiscale, pour le compte de leur client, le certificat fiscal (couramment appelé « quitus fiscal ») prévu au paragraphe V bis de l’article 298 sexies. Ce dernier prévoit actuellement que, pour les véhicules ayant fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire, ce certificat n’est délivré que si l’entreprise assujettie à la TVA a présenté « une caution solvable qui s’engage, solidairement [avec elle] à acquitter la TVA due au titre de l’acquisition intracommunautaire », ou si elle a effectivement acquitté la TVA.

En pratique, le quitus fiscal doit être demandé au service des impôts des entreprises dont dépend le lieu de résidence du demandeur. Il est délivré gratuitement et, généralement, immédiatement lorsque les pièces justificatives (facture d’achat ou certificat de cession, certificat d’immatriculation obtenu dans le pays étranger, pièce d’identité au nom de la personne qui a acheté le véhicule et justificatif de domicile) sont complètes et qu’il n’y a pas de doute à l’examen de la demande. Selon les informations transmises par le secrétariat d’État au budget, un peu plus de 200 000 quitus fiscaux sont délivrés chaque année par l’administration (sans qu’il soit possible de distinguer, dans ce chiffre, les véhicules neufs des véhicules d’occasion).

Il serait précisé que, là encore, la délivrance de ce certificat ne pourrait intervenir qu’à la condition que le revendeur (ou le mandataire) l’ayant demandé ait préalablement fourni à l’administration les documents attestant du régime de TVA appliqué par la personne ayant auparavant fourni le véhicule et qu’il soit titulaire à ce titre du certificat d’immatriculation précédent.

2. L’effet attendu et les modalités d’application de la mesure

Grâce aux démarches administratives complémentaires rendues obligatoires par l’article, l’administration fiscale devrait disposer, bien plus aisément qu’aujourd’hui, des moyens de vérifier, au vu des factures et de tout autre document administratif ou comptable attestant des modalités de calcul et de paiement de la TVA, que les étapes suivies par le véhicule au cours de ses ventes successives n’ont pas eu pour effet d’éluder la TVA en utilisant le régime de la marge dans un cas qui n’y était pas éligible.

Certes, ces démarches représenteront une formalité supplémentaire pour l’ensemble des revendeurs de véhicules d’occasion, y compris ceux qui n’ont pas utilisé frauduleusement le régime de la TVA sur la marge. Toutefois, pour ces derniers, la charge restera limitée, car la présentation de factures non frauduleuses ne devrait pas poser de difficulté particulière. À l’inverse, en présence d’un schéma frauduleux entre les sociétés concernées pour éviter la TVA, celui-ci sera beaucoup plus facile à mettre en évidence, grâce à la traçabilité des transactions de l’acheteur initial jusqu’au revendeur final.

Enfin, le particulier souhaitant, de bonne foi, acheter une voiture d’occasion auprès d’un revendeur ou d’un mandataire, n’aura pas de formalités administratives à accomplir lui-même en vue de l’immatriculation ; il pourra, au contraire, grâce à ces obligations préalables à la charge de son vendeur, avoir l’assurance que le véhicule acquis provient d’un circuit commercial légal.

Par ailleurs, le A du paragraphe III de cet article renvoie l’application de l’article au 1er septembre 2015, s’agissant tant de la date de livraison des véhicules d’occasion revendus que de celle de la délivrance des certificats fiscaux qui devront être demandés par les revendeurs.

Le présent projet de loi de finances rectificative ne donne pas de motif particulier pour justifier le choix d’une application différée de huit mois en 2015. En raison de la nécessité d’élaborer le décret en Conseil d’État relatif aux modalités de présentation par le revendeur des justificatifs relatifs au régime de TVA appliqué en amont sur l’achat des véhicules, il semble difficile d’imaginer une application du dispositif dès le début de l’année 2015. Pour autant, il serait dommage de reporter plus que nécessaire l’application d’une mesure susceptible de conforter les recettes de l’État, sans alourdir la charge des entreprises qui respectent leurs obligations légales. À cet égard, un délai de six mois, aboutissant à une application à compter du 1er juillet 2015, paraîtrait suffisant et raisonnable.

En outre, ce délai de six mois semblerait plus cohérent avec l’évaluation des recettes supplémentaires attendues de ce nouveau dispositif, telle qu’elle figure dans l’évaluation préalable de l’article. En effet, dans cette dernière, il est indiqué que la mesure pourrait rapporter à l’État 50 millions d’euros en 2015 et 100 millions d’euros, soit deux fois plus, en 2016. Pour que l’année 2015 puisse dégager la moitié du produit attendu de la mesure, il pourrait sembler plus logique que la durée pendant laquelle la mesure sera applicable en 2015 soit elle aussi égale à la moitié d’une année.

Par ailleurs, la Rapporteure générale estime que le rendement attendu de la mesure en année pleine sera probablement un peu inférieur au montant de 100 millions d’euros avancé par l’évaluation préalable. En effet, si l’on retient la fourchette d’estimation haute de la fraude sur ces reventes de véhicules d’occasion (soit 40 % de ceux qui proviennent d’une livraison intracommunautaire préalable), et une hypothèse de marge des revendeurs, déjà soumise à la TVA, qui serait limitée à 4 % de la valeur des véhicules, la perte de recettes liée à ces montages est actuellement d’un peu moins de 84,5 millions d’euros par an. Par conséquent, en admettant que le nouveau dispositif de justification du régime de TVA antérieurement appliqué permette de faire disparaître 90 % des cas d’utilisation abusive du régime de TVA sur la marge – ce qui serait déjà un excellent résultat –, les recettes supplémentaires dégagées pour l’État en année pleine, c’est-à-dire à partir de 2016, s’élèveraient plutôt à 76,5 millions d’euros (et à 38,25 millions d’euros en 2015, sous réserve que l’entrée en vigueur de la mesure soit avancée du 1er septembre au 1er juillet 2015).

II. EXCLUSION TEMPORAIRE DU RÉGIME SIMPLIFIÉ D’IMPOSITION À LA TVA LORS DE LA CRÉATION OU DE LA REPRISE D’ENTREPRISES DANS LE SECTEUR DU BÂTIMENT

Les dispositions destinées à renforcer la lutte contre la fraude à la TVA résultant de la constitution de sociétés éphémères dans le secteur du bâtiment figurent au C du paragraphe I et au B du paragraphe III de cet article. Afin d’endiguer ce phénomène, elles adaptent, pour une durée comprise entre un et deux ans, les modalités de déclaration de la TVA applicables aux entreprises créées ou reprises dans ce secteur, ou qui demandent pour la première fois à bénéficier du régime simplifié d’imposition à la TVA. Cette mesure devrait limiter l’ampleur des pratiques abusives constatées et permettre ainsi à l’État de récupérer des recettes que le Gouvernement estime à près de 50 millions d’euros dès 2015.

A. L’ÉTAT DU DROIT

1. La législation actuelle

Les règles de droit commun de déclaration et de paiement de la TVA, fixées par l’article 287 du CGI, soumettent les personnes redevables à l’obligation de transmettre au service des impôts des entreprises dont elles relèvent une déclaration mensuelle (ou trimestrielle si le montant de TVA dû dans l’année est inférieur à 4 000 euros), recensant toutes les opérations taxables, ainsi que d’acquitter chaque mois le montant de TVA calculé sur cette base. Ce régime d’imposition à la TVA, appelé « régime réel normal », concerne environ 1,3 million d’entreprises.

Toutefois, les entreprises dont le chiffre d’affaires (hors taxes) est inférieur à 236 000 euros par an peuvent, en application de l’article 302 septies A de ce code, bénéficier du régime simplifié d’imposition (RSI) à la TVA. Le seuil de chiffre d’affaires en-dessous duquel l’entreprise peut bénéficier du RSI est nettement plus élevé pour les entreprises dont l’activité principale consiste en la vente de marchandises ou de nourriture, ou encore en la fourniture de logements : il est alors fixé à 783 000 euros par an. Par ailleurs, un léger dépassement de ces seuils ne fait pas perdre immédiatement à l’entreprise son éligibilité au RSI : elle ne bascule dans le régime réel de TVA que pour le calcul du montant de taxe dû au titre de l’année suivant celle du dépassement, sauf si le chiffre d’affaires de l’année du dépassement a été supérieur à 865 000 euros en cas de fourniture de marchandises, nourriture ou logement, et 265 000 euros pour les autres activités. La loi prévoit que ces seuils doivent évoluer chaque année comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Le RSI est actuellement, pour la TVA, le régime le plus fréquent, puisqu’il concerne environ 1,9 million d’entreprises.

Le RSI représente, pour les entreprises qui en bénéficient, un allégement appréciable des formalités administratives (60). En effet, ce régime, auquel les entreprises ont certes le droit de préférer le régime réel normal, présente plusieurs avantages par rapport à ce dernier :

− le RSI permet aux entreprises qui y sont éligibles de n’adresser leur déclaration de chiffre d’affaires qu’au début du mois de mai (61) de l’année suivant celle au cours de laquelle les opérations imposables ont été réalisées ;

− il leur permet aussi de n’acquitter le montant de TVA dû que par acomptes trimestriels (aux mois d’avril, juillet, octobre et décembre (62)), dont le montant résulte du contenu de la déclaration.

En outre, contrairement au régime de « franchise en base » de TVA, qui permet actuellement à près d’un million d’entreprises à très petit chiffre d’affaires de ne pas être soumises à la TVA, le RSI permet aux entreprises concernées de déduire, dans le cadre de leur déclaration et du calcul du montant de TVA qu’elles doivent acquitter, les dépenses de TVA qu’elles ont-elles-même supportées sur leurs propres achats. L’article 293 B du CGI fixe les seuils au-delà desquels l’entreprise devient redevable de la TVA à 32 900 euros pour les prestations de services (hors restauration et hébergement) et à 82 200 euros pour les autres types d’opérations, et en particulier les ventes de marchandises (63).

Les grandes caractéristiques des principaux régimes de TVA applicables, si l’on excepte le cas particulier du régime simplifié agricole (RSA), qui n’est pas concerné par cet article, peuvent être résumées dans le tableau ci-après.

LES TROIS PRINCIPAUX RÉGIMES DE TVA

Nom du régime

Franchise en base
de TVA

Régime simplifié d’imposition (RSI)

Régime réel normal

Chiffre d’affaires annuel (CA) ouvrant droit au régime pour l’essentiel des prestations de service (en euros)

CA ≤ à 32 900

32 900 ≤ CA ≤ 236 000

CA 236 000 (*)

Chiffre d’affaires annuel (CA) ouvrant droit au régime pour les livraisons de biens (en euros)

CA ≤ à 82 200

82 200 ≤ CA ≤ 783 000

CA 783 000 (*)

Nombre d’entreprises concernées

0,9 million

1,9 million

1,3 million

Périodicité des déclarations

sans objet

Annuelle

Mensuelle

Périodicité du versement de la TVA collectée

sans objet

Trimestrielle (acomptes)

Mensuelle ou trimestrielle

Possibilité de déduire la TVA supportée en amont

Non

Oui

Oui

(*) : Les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse ce seuil relèvent obligatoirement du régime réel normal, mais celui-ci est aussi ouvert, sur option, aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur.

Sources : Légifrance, Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) et rapport d’enquête de la Cour des comptes sur la gestion et le contrôle de la TVA (février 2012).

L’existence du RSI a certes l’avantage de faciliter les démarches des entreprises d’une manière générale. Toutefois, en raison du décalage des déclarations et du paiement des taxes qu’il permet, son application peut représenter un danger pour le bon recouvrement des recettes destinées à l’État lorsqu’une entreprise cesse son activité et qu’il n’existe plus d’actif permettant le paiement des taxes dues au titre du chiffre d’affaires de l’année précédente. Il apparaît d’autant plus nécessaire de répondre à ce risque que la fraude à la TVA serait particulièrement importante dans le secteur du bâtiment : selon l’évaluation préalable de l’article, dans ce secteur, plus de 20 % des entreprises ayant fait l’objet d’une vérification étaient en situation de défaillance déclarative en 2012 et 2013, et le montant de TVA rappelé grâce à ces vérifications s’élève en moyenne à 430 millions d’euros, soit environ 15 % du montant total des droits de TVA redressés en moyenne chaque année.

Ainsi, dans ce secteur d’activité, le montant des droits redressés à l’issue des contrôles fiscaux menés par l’administration, pour la seule TVA, est passé de 417,3 millions d’euros en 2012 à 439,4 millions d’euros en 2013 – l’absence de déclaration des recettes constituant, avec leur minoration, l’un des principaux motifs de rectification. En outre, 46 % des contrôles effectués dans ce secteur aboutissent à l’application de pénalités exclusives de bonne foi, alors que la moyenne nationale n’atteint que 31 %. Enfin, les petites entreprises de ce secteur ne nécessitent souvent pas un montant important d’immobilisations corporelles (installations, machines, matériel), ce qui favorise les créations et cessations rapides d’entreprises (64), ainsi que leur grande mobilité géographique.

2. Des exemples concrets de fraude

La nature et l’importance du problème peuvent être présentées de manière schématique, en prenant deux exemples théoriques d’entreprises, dont la situation et les activités sont nécessairement simplifiées. Il s’agirait de deux entreprises du bâtiment et des travaux publics, identifiées comme A et B, dont l’activité consisterait, respectivement, à effectuer des travaux soumis au taux de TVA à 20 % (par exemple dans le cadre d’opérations de construction d’immeubles), et la seconde uniquement des activités relevant du taux de 10 % (par exemple des réparations portant sur des locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans).

L’entreprise A débuterait ses activités le 1er février de l’année N, se placerait sous le régime du RSI, collecterait la TVA auprès de ses clients en leur facturant ses prestations TTC, puis, après avoir organisé son insolvabilité, cesserait son activité le 1er octobre de la même année, sans avoir jamais eu à déposer une déclaration de TVA. L’entreprise B, de son côté, procèderait de la même façon, en débutant son activité le 15 février de l’année N et en cessant le 15 septembre de la même année.

Si elles avaient, comme elles en avaient l’obligation, déposé avant le 1er mai de l’année N + 1 une déclaration de TVA, ces entreprises auraient pu déduire du montant de TVA collecté auprès de leurs clients la TVA supportée en amont par ces entreprises sur leurs propres achats (après de leurs fournisseurs). Prenons l’hypothèse que ces déductions auraient représenté 5 000 euros pour l’entreprise A et 3 000 euros pour l’entreprise B.

Dans le cas de l’entreprise A, le montant de TVA théoriquement collecté par l’entreprise auprès de ses clients, pendant la période d’activité de l’année N et pour un chiffre d’affaires de 200 000 euros, s’est alors élevé à 40 000 euros. Cela signifie que cette entreprise aurait dû payer, après le dépôt de sa déclaration de TVA en année N  + 1, en tenant compte de la déduction de 5 000 euros au titre de la TVA supportée « en amont » sur ses achats, 35 000 euros au titre de la TVA.

Dans le cas de l’entreprise B, si le chiffre d’affaires réalisé pendant la période d’activité de l’année N était de 150 000 euros, le montant de TVA théoriquement collecté auprès des clients pendant la période d’activité était de 15 000 euros. Une fois déduits les 3 000 euros de TVA supportée en amont par l’entreprise, celle-ci aurait dû, pendant l’année N + 1, s’acquitter de 12 000 euros de TVA au titre des activités de l’année N.

DÉCOMPOSITION ET CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DE LA FRAUDE À LA TVA DANS LE CAS DES ENTREPRISES EPHÉMÈRES A ET B

Entreprise concernée

A

B

Période d’activité en année N

1er février – 1er octobre

15 février – 15 septembre

Chiffre d’affaires pendant la période d’activité de l’année N

200 000 euros

150 000 euros

Taux de TVA applicable aux activités

20 %

10 %

TVA collectée auprès des clients pendant l’activité et qui aurait dû être déclarée au début de l’année N + 1

40 000 euros

15 000 euros

TVA supportée par l’entreprise pendant l’année N, qui aurait pu être déduite lors de la déclaration

5 000 euros

3 000 euros

TVA que l’entreprise était tenue de reverser à l’État, en année N + 1, au titre de ses recettes de l’année N

35 000 euros

12 000 euros

Recette de TVA perdue pour l’État en année N + 1

35 000 euros

12 000 euros

Source : Légifrance et projet de loi de finances rectificatives pour 2014.

Cette organisation priverait ainsi l’État, pendant l’année N + 1, de recettes de TVA dues au titre des opérations effectuées l’année N et s’élevant à 35 000 euros pour l’entreprise A et à 12 000 euros pour l’entreprise B. Si les exemples pris sont théoriques, l’importance de la fraude à la TVA dans le secteur ne l’est pas, au vu des données communiquées par le secrétariat d’État au budget et précédemment rappelées.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le C du paragraphe I de cet article insère au sein du CGI, dans le chapitre consacré aux régimes simplifié d’imposition, un nouvel article 302 septies-0 AA, qui préciserait dans quels cas et pour quelle durée le bénéfice du RSI propre à la TVA pourrait être temporairement exclu pour les entreprises ayant des activités particulièrement exposées au risque de constitution de sociétés éphémères dans le seul but d’éviter le paiement de la TVA.

En application du B du paragraphe III du présent article, la nouvelle obligation de soumission temporaire au régime réel normal de TVA s’appliquerait aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015.

1. Une mesure ciblée et temporaire

Ne seraient concernées par cette impossibilité temporaire de recourir au régime du RSI pour la TVA que les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics, car ce secteur est nettement plus exposé que les autres à ce risque. Plus précisément, seules les entreprises dont l’activité consiste à effectuer, au sein d’un bien immobilier ou pour celui-ci, des travaux de démolition, construction ou transformation, ou encore des opérations de maintenance, telles que des réparations ou des activités d’entretien et de nettoyage, devraient être temporairement soumises au régime réel d’imposition à la TVA. Celui-ci demeure le régime de droit commun et il est, en application de l’article 204 quater de l’annexe II du CGI, déjà obligatoirement applicable à certaines activités, indépendamment des seuils généraux de chiffre d’affaires : tel est le cas des importations, des opérations effectuées à titre occasionnel ou encore des opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles neufs (opérations visées au paragraphe I de l’article 257 de ce code).

Dans ce secteur d’activité, les personnes concernées seraient :

− celles qui viennent de débuter des opérations économiques soumises à la TVA, ce dont l’administration fiscale doit être obligatoirement informée par l’envoi de la déclaration d’activité prévu au 1° du paragraphe I de l’article 286 du même code, démarche qui doit être suivie de la transmission, par cette personne, d’un formulaire administratif comprenant « tous renseignements relatifs à son activité professionnelle » ;

− celles qui recommencent à mener de telles opérations, après que l’entreprise a temporairement cessé ses activités – ce cas devant également donner lieu, en application de la disposition précitée, à une déclaration adressée à l’administration dans un délai de quinze jours suivant la reprise de l’activité ;

− celles qui ont déclaré au service des impôts, dans les mêmes conditions, qu’elles optaient pour le paiement de la TVA bien qu’elles soient éligibles au régime de la franchise en base, qui les en dispense (ce qui suppose que leur chiffre d’affaires soit inférieur aux différents seuils prévus à l’article 293 B du même code, qui sont compris entre 32 900 et 90 300 euros selon la nature des opérations et les années concernées). Le choix d’être assujetti à la TVA peut, en fonction du profil d’activité de l’entreprise, lui être plus favorable que le régime de la franchise, car ce dernier ne permet pas à l’entreprise de déduire la TVA dont elle a elle-même supporté le poids économique dans ses propres achats. En application du paragraphe II de l’article 293 F de ce code, lorsqu’une entreprise a choisi d’être assujettie à la TVA, cette option prend effet au premier jour du mois en cours et reste applicable pour l’année suivant celle qui est entamée ; à l’issue de cette période, si l’entreprise n’a pas dénoncé ce choix, l’option est automatiquement reconduite par périodes de deux ans.

Les entreprises de ce secteur placées dans l’une ou l’autre de ces situations devront, du fait de leur soumission temporaire au régime réel d’imposition à la TVA, se conformer aux obligations de déclaration et de paiement prévues par l’article 287 du CGI. Cela les amènera ainsi à transmettre chaque mois (ou chaque trimestre si la TVA exigible est inférieure à 4 000 euros par an) au service des impôts une déclaration indiquant le montant total de leurs opérations, ainsi que le détail des opérations soumises à la TVA. De même, en application du 2 de l’article précité, elles devront en principe acquitter la TVA chaque mois, sauf si elles ont été autorisées par l’administration à disposer d’un délai supplémentaire d’un mois.

Toutefois, la soumission au régime réel d’imposition à la TVA ne sera obligatoire que pendant l’année civile au cours de laquelle l’activité a débuté ou recommencé (ou la soumission à la TVA sur option été formulée), ainsi que pendant l’année civile suivante. Après cette période dont la durée sera donc comprise entre treize et vingt-quatre mois, l’entreprise pourra à nouveau bénéficier du régime du RSI pour la TVA, à condition de l’avoir demandé avant la fin du mois de janvier de l’année concernée.

2. Une mesure légitime et aux conséquences limitées

L’obligation de transmettre régulièrement des déclarations de TVA en cours d’année, et d’acquitter les sommes correspondantes, représente certes une contrainte administrative et financière pour les entreprises qui seront, à titre temporaire, soumises à cette obligation. Toutefois, il apparaît inévitable de recourir à cette organisation si l’on souhaite, précisément, s’assurer que toutes les entreprises du secteur, y compris celles qui seraient éphémères, ont bien reversé à l’État le produit de la TVA qu’elles ont collecté (après avoir soustrait de leur chiffre d’affaires la TVA qu’elles ont supportée en amont sur leurs propres achats). Le nombre de nouvelles entreprises qui devraient, dès l’année prochaine, être concernées par cette mesure temporaire s’élèverait, selon l’évaluation préalable de l’article, à 17 000.

Un choix similaire a déjà été effectué dans d’autres États membres de l’Union européenne. La France ne fera donc pas figure d’exception. Tel est le cas en Allemagne et en Belgique, où les commerçants récemment enregistrés doivent transmettre mensuellement leurs déclarations de TVA, et ce pendant l’année au cours de laquelle leur activité a débuté ainsi que l’année civile qui suit.

En outre, cette orientation correspond également aux préconisations formulées dans le cadre de travaux de contrôle récents menés par la commission des Affaires étrangères de notre assemblée. Ainsi, la proposition n° 34 du rapport d’information n° 1423 de l’Assemblée nationale, présenté le 9 octobre 2013 par MM. Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan au sujet de la lutte contre les paradis fiscaux, suggérait, au vu des bons résultats produits par un système équivalent en Belgique, d’« imposer des déclarations mensuelles de TVA pour les sociétés nouvelles des secteurs sensibles et celles changeant d’activité ».

Par ailleurs, le fait de ne prévoir ce « passage obligé » par le régime réel normal d’imposition à la TVA que pour les entreprises de ce secteur particulier ne constitue qu’un aménagement ciblé aux modalités de déclaration et de recouvrement de cet impôt, objectivement justifié par la situation spécifique du secteur dans ce domaine. Ce traitement particulier ne paraît pas constituer une rupture du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques, puisque le niveau de taxation demeurera inchangé et semblable à celui auquel sont soumises les entreprises des autres secteurs d’activité. En outre, la rationalité du critère retenu pour appliquer ce dispositif aux entreprises de ce seul secteur ne paraît guère contestable, puisqu’en 2013, 27 % des dossiers examinés par la commission des infractions fiscales relevaient de ce secteur, qui ne représente pourtant que 15 % des entreprises créées : la discordance entre ces deux chiffres témoigne bien d’une plus forte exposition de ce secteur d’activité à ce type de risques.

La règle spécifique qui est créée pour ces entreprises repose aussi sur un objectif d’intérêt général – la lutte contre l’évasion fiscale par le biais des sociétés éphémères (même si la part que représente la fraude liée aux sociétés éphémères au sein des droits redressés à l’issue de vérifications dans le secteur du bâtiment n’est pas connue). De même, il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, rendue sur la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, rangé « la lutte contre la fraude fiscale [parmi les] objectifs de valeur constitutionnelle ».

Enfin, les conséquences de la mesure sur les entreprises de ce secteur devraient rester proportionnées à l’objectif poursuivi. En effet, ces entreprises pourront à nouveau bénéficier du RSI pour la TVA ultérieurement, dans le meilleur des cas un peu plus d’un an après leur création. Elles pourront aussi, même pendant leur période de soumission au régime réel de la TVA, continuer à être soumises au RSI pour la taxation de leurs bénéfices, ainsi qu’à tenir une comptabilité super-simplifiée – aspect auquel la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) a rappelé son attachement lorsqu’elle a été consultée par le Gouvernement. Rappelons que la comptabilité super-simplifiée consiste à n’enregistrer chaque jour que les encaissements et les paiements, tandis que les créances et les dettes ne sont constatées qu’en fin d’exercice, en application de l’article 302 septies A ter A du CGI. Enfin, sur le plan financier, il est difficile d’évaluer précisément l’impact de la mesure sur la trésorerie des entreprises, car il dépend de leur profil d’activité. Cependant, il devrait rester limité, en particulier pendant la seconde année d’existence. En effet, les entreprises soumises au RSI, tout en ne transmettant qu’une déclaration annuelle pour la TVA, sont déjà tenues de verser celle-ci par acomptes trimestriels, sur la base du montant de TVA acquitté l’année précédente.

III. RENFORCEMENT DU DROIT DE COMMUNICATION ET DES MOYENS DE DÉTECTION DE LA FRAUDE DANS LE CADRE DU COMMERCE EN LIGNE

Les dispositions tendant à lutter contre la fraude fiscale en modernisant et en étendant le droit de communication de l’administration, ainsi qu’en améliorant l’utilisation des informations dématérialisées permettant de détecter la fraude dans le cadre des échanges commerciaux sur internet, sont regroupées au D du paragraphe I et au paragraphe II de cet article. En outre, le C de son paragraphe III prévoit que l’ensemble de ces aménagements seraient applicables à l’exercice du droit de communication à compter du 1er janvier 2015.

Même s’il n’est pas possible d’évaluer par avance l’impact potentiel de ces mesures sur les recettes de l’État, il est certain qu’en facilitant le repérage des opérations frauduleuses et les recoupements d’informations, elles sont de nature à améliorer le rendement des impositions dont sont redevables les personnes au titre de leurs activités commerciales – et tout particulièrement celui de la TVA.

A. L’ÉTAT DU DROIT

1. Le droit de communication de l’administration

Afin d’être en mesure de contrôler l’assiette, la liquidation et le recouvrement des impôts et taxes, les administrations fiscale et douanière disposent du droit de demander aux personnes qui en sont redevables la communication d’informations et documents permettant aux agents chargés du contrôle de procéder aux vérifications et recoupements nécessaires. Les règles régissant ce droit de communication sont regroupées au sein du chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales (articles L. 81 à L. 102 AC).

L’article L. 81 de ce code énonce le principe général de ce droit de communication au profit des « agents de l’administration » et dispose que ce droit « s’exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents ». Il ajoute que ce droit est étendu aux « agents des administrations chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes » (et non de l’établissement de l’impôt) pour les documents communicables des administrations et des professionnels relevant de la plupart des secteurs économiques (commerçants, artisans, agriculteurs, assureurs, entrepreneurs de transports, etc.) (65). Enfin, depuis la dernière loi de finances rectificative pour 2011 (66), il permet à des fonctionnaires des administrations des autres États membres de l’Union européenne de participer à l’exercice de ce droit de communication.

Par ailleurs, l’article L. 85 du même code dispose que les personnes exerçant des activités commerciales, et qui doivent à ce titre tenir les livres de comptabilité prévus par les articles L. 123-12 à L. 123-28 du code de commerce, sont tenues de répondre aux demandes formulées par l’administration, lorsque celle-ci souhaite disposer de ces livres, mais aussi des autres documents annexes, ou pièces de recettes et de dépenses. Il précise également, depuis la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit (67), que les sociétés ont, si l’administration le demande, l’obligation de transmettre leur rapport de gestion, leurs registres de transfert de titres financiers et leurs feuilles de présence aux assemblées générales.

2. Les sanctions fiscales en cas de comportement non coopératif dans le cadre du droit de communication

Les personnes redevables d’impôts ou taxes qui ne se conforment pas à leurs obligations légales en matière de déclaration ou de recouvrement, peuvent se voir infliger différentes formes de pénalités, qui sont prévues par le chapitre II du livre II du CGI. Rappelons que ces pénalités, qui s’ajoutent au nécessaire paiement de l’impôt dû par le redevable, peuvent prendre différentes formes :

− les intérêts de retard, destinés à compenser l’impact du retard de paiement sur les finances publiques et dus même si le redevable est de bonne foi ;

− les sanctions fiscales, qui prennent la forme de majorations d’impôts ou d’amendes et dont la finalité est de dissuader financièrement les redevables d’enfreindre les règles ;

− et les sanctions pénales, comprenant des amendes, des interdictions d’exercer certaines professions et des peines d’emprisonnement, afin de sanctionner plus fortement les comportements les plus malhonnêtes et les plus graves.

L’article 1734 du CGI relève de la catégorie de sanctions fiscales applicables aux personnes qui tentent de s’opposer aux vérifications et contrôles fiscaux décidés par l’administration, ou d’y faire obstacle par leur comportement. Il précise les sanctions fiscales encourues en cas d’absence de tenue, de destruction prématurée (avant les délais prescrits) ou de refus de communication des documents que l’administration a le droit de demander aux contribuables.

L’article, en vigueur depuis le 1er janvier 2006, se bornait initialement à prévoir l’application d’une amende de 1 500 euros dans de tels cas.

Toutefois, il a été modifié par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale (68), afin de le renforcer, et ce sur deux aspects :

− à la suite de l’adoption d’un amendement proposé par l’Assemblée nationale, l’amende de 1 500 euros a été rendue applicable à chaque document dont la copie a été refusée à l’administration, sous réserve que l’amende totale ne dépasse pas 10 000 euros. Il s’agissait ainsi de prévenir les situations dans lesquelles se trouvaient parfois les agents de l’administration chargés des contrôles, de devoir recopier à la main certains contrats ou documents comptables, face au refus de l’entreprise d’en autoriser la copie ;

− à la suite de l’adoption d’un amendement proposé par le Sénat, il a aussi été prévu que les manquements aux obligations de transmission de logiciels ou systèmes de caisse prévus aux articles L. 96 J et L. 102 D du livre des procédures fiscales seraient sanctionnés également d’une amende de 1 500 euros par logiciel ou système concerné. L’objectif de ce changement était de permettre à l’administration fiscale de lutter plus efficacement contre les logiciels dits « permissifs », qui permettent une comptabilité ou une gestion de caisse fantôme dans le but de dissimuler certaines recettes et d’échapper à l’impôt, en autorisant les agents de contrôle à avoir accès au code source et à la documentation des logiciels.

Ces évolutions récentes vont dans le bon sens, mais le montant de l’amende, fixé à 1 500 euros par refus de communication, s’avère aujourd’hui trop peu dissuasif pour certaines entreprises. Elle paraît, en particulier, inadaptée lorsqu’une même demande se heurte à un refus, alors qu’elle concerne de nombreuses informations.

Par ailleurs, il avait été envisagé d’aller plus loin, dans le cadre de la loi précitée du 6 décembre 2013, s’agissant du plafonnement global des amendes fiscales, puisqu’il était prévu qu’il pourrait atteindre 1 % du chiffre d’affaires ou des recettes brutes déclarés par année soumise au contrôle, lorsque ce chiffre est supérieur à 10 000 euros. Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 décembre 2013, a considéré que le législateur, lorsqu’il augmentait les amendes prévues pour atteindre l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, devait veiller à ne pas mettre en place « une amende fiscale manifestement disproportionnée au regard du manquement » du redevable à ses obligations. À cet égard, il a jugé problématique la modification envisagée de l’article 1734 du CGI, tendant à plafonner l’ensemble des amendes fiscales en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires ou des recettes brutes déclarés par année soumise au contrôle. La difficulté constitutionnelle invoquée par le Conseil constitutionnel tenait alors au fait que les critères de calcul de ce plafonnement, tels qu’ils étaient prévus par le législateur, étaient « sans lien avec les infractions » reprochées au contribuable, et que cela pouvait aboutir à des amendent apparaissant comme « manifestement hors de proportion avec la gravité des infractions réprimées ».

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

1. Le renforcement des amendes fiscales encourues en cas d’entrave au droit de communication

Le D du paragraphe I de l’article renforce les sanctions fiscales applicables à l’encontre du contribuable qui, par ses agissements, entrave l’exercice par l’administration du droit de communication dont elle dispose.

Pour ce faire, il est proposé de modifier la rédaction du premier alinéa de l’article 1734 du CGI, afin de :

− relever de 1 500 à 5 000 euros le montant de l’amende fiscale encourue en cas de refus de communication opposé à une demande de l’administration (portant soit sur des documents, soit sur des renseignements), ou encore d’absence de tenue ou de destruction d’un document demandé. Il convient de rappeler que, s’agissant du droit de communication exercé par correspondance, le refus ne peut être constaté qu’au terme d’un délai de trente jours à compter de la réception de la demande de l’administration, conformément au délai général prévu par l’article L. 11 du livre des procédures fiscales (69) ;

− préciser que l’amende pourra être infligée pour chaque demande à laquelle il n’aura pas été entièrement répondu, ainsi que pour tout comportement constituant un obstacle à l’exercice du droit de communication. Une amende pourra donc être infligée si une seule partie seulement des documents ou informations demandées a été transmise à l’administration. Selon les informations transmises par le secrétariat d’État au budget, devraient entrer dans le champ de la notion d’attitude « faisant obstacle à la communication » des comportements tels que celui visant à retarder, de manière délibérée, la communication des documents demandés (par exemple en reportant sans cesse les rendez-vous, ou en fixant ceux-ci aux heures de fermeture de l’entreprise), ou à mettre à la disposition de l’agent de contrôle, sur place, un ensemble de documents excédant largement et manifestement ceux qui sont visés par la demande de communication (par exemple en installant dans une pièce des dizaines de piles volumineuses de documents, parmi lesquels se trouveraient les deux ou trois documents ou feuilles demandées par l’administration, sans que l’agent soit guidé sur la localisation des documents demandés).

En revanche, l’amende resterait fixée à 1 500 euros par document dont la copie serait refusée, avec un plafonnement global inchangé à 10 000 euros par personne contrôlée, afin de respecter la jurisprudence constitutionnelle précédemment évoquée.

2. La modernisation et l’élargissement du droit de communication

L’article propose aussi, au A et au B de son paragraphe II, de modifier la rédaction, respectivement, des articles L. 81 et L. 85 du livre des procédures fiscales, afin de consolider et d’étendre le champ sur lequel s’exerce le droit de communication de l’administration, qui n’avait pratiquement pas évolué depuis sa définition par une loi de 1920 (70).

En premier lieu, l’article L. 81 serait mis à jour pour consacrer la jurisprudence permettant d’exercer à l’administration d’exercer son droit de communication non seulement sur place, mais aussi par correspondance, le cas échéant par voie électronique, ce qui est évidemment nécessaire au vu de la place prise par ces technologies dans la vie quotidienne des individus comme des entreprises.

Il le serait aussi pour mieux combattre la fraude fiscale dans le cadre des ventes sur internet, qui se développe notamment pour les locations saisonnières. Le commerce en ligne se développe rapidement : selon les données transmises par le secrétariat d’État au budget, le chiffre d’affaires correspondant serait, en France, passé de 45 milliards d’euros en 2012 à 51 milliards d’euros en 2013 et, pour le seul premier semestre de l’année 2014, le chiffre atteindrait 26,7 milliards d’euros.

En effet, le caractère dématérialisé de ces échanges et l’utilisation fréquente de pseudonymes, ou encore d’une pluralité de sites pour une même activité, rend cette fraude plus difficile à appréhender pour les agents chargés du contrôle. Aussi est-il prévu, pour surmonter ces difficultés, que l’administration fiscale dispose désormais d’un droit de communication non seulement à l’égard de personnes précisément identifiées, mais aussi à l’égard d’informations relatives à des personnes non identifiées, permettant ainsi la communication de fichiers et l’interconnexion de ceux-ci. Un décret en Conseil d’État, pris après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), préciserait les conditions de mise en œuvre de ce droit de communication élargi.

Cet élargissement donnera aux agents de l’administration fiscale des moyens utiles pour repérer le type d’activités donnant lieu à des fraudes, et n’aboutira pas à une surveillance nominative des internautes. Les personnes concernées par ces investigations en ligne ne seront pas directement identifiées, et le fait que la CNIL soit consultée sur la fixation de modalités de ce contrôle devrait permettre qu’il se déroule dans des conditions respectueuses des droits des personnes. Selon les informations transmises par le Gouvernement, le futur décret en Conseil d’État devrait définir des critères objectifs et précis, afin que le droit de communication demeure ciblé : pourraient ainsi être prises en compte la nature de l’activité, celle des transactions, le montant des opérations (avec des seuils ou des fourchettes), la qualité des personnes (particuliers, personnes morales), ou encore leur situation géographique.

S’agissant de l’article L. 85, l’étendue des documents susceptibles d’être communiqués à l’administration serait clarifiée. Ainsi, pourraient désormais être concernés tous les « documents relatifs à [l’]activité » professionnelle d’une personne exerçant une activité commerciale, et non plus les seuls livres, registres ou rapports comptables dont la loi rend la tenue obligatoire.

L’intention du législateur est bien ici d’étendre le champ des documents susceptibles de faire l’objet du droit de communication, et non de supprimer de ce champ tel ou tel type particulier de document, dont la communication serait actuellement possible. Ainsi, cette mention générale a naturellement vocation à inclure des documents tels que les rapports de gestion, registres de transfert de titres financiers et feuilles de présence aux assemblées générales des personnes exerçant une activité commerciale (actuellement mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 85), et ne devrait pas faire l’objet d’interprétations restrictives par la jurisprudence administrative en cas de contentieux sur cette question.

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La Commission examine l’amendement CF 258 de la Rapporteure générale.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement vise à avancer du 1er septembre 2015 au 1er juillet 2015 la date à partir de laquelle pourra s’appliquer le nouveau dispositif de lutte contre la fraude à la TVA dans le cadre de la revente de véhicules automobiles d’occasion. Le nouveau dispositif devant, en année pleine d’après le Gouvernement, rapporter à l’État près de 100 millions d’euros de recettes supplémentaires de TVA, avancer légèrement cette date est de nature à conforter les recettes correspondantes dès l’année 2015.

La Commission adopte l’amendement CF 258 (amendement 396).

Elle examine ensuite l’amendement CF 201 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les recettes issues de la lutte contre la fraude fiscale ou sociale font l’objet chaque année de réajustements comptables. Le Parlement devrait bénéficier d’un éclairage sur eux, sous la forme d’un rapport annuel du Gouvernement. Tel est l’objet de l’amendement.

Mme la Rapporteure générale. L’idée de renforcer notre information sur cette question est intéressante. Toutefois, tel qu’il est formulé, cet amendement prévoit un rapport portant sur les recettes « consécutives aux différentes fraudes fiscales », et non sur celles qui sont consécutives « à la lutte contre » ces mêmes fraudes. Nous pourrions rediscuter de cet amendement s’il était réécrit et nous était à nouveau soumis lors de la réunion que nous tiendrons au titre de l’article 88 de notre Règlement.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement ne s’attaque pas à l’optimisation fiscale sur les véhicules d’occasion. Aujourd’hui, il suffit qu’un véhicule ait plus de six mois et affiche plus de 6 000 kilomètres au compteur pour qu’il échappe à la TVA française sur les voitures neuves. Dans ma région, les garages belges et luxembourgeois démarchent directement les clients qui, au bout de six mois de location de leur véhicule, en deviennent propriétaires sans devoir s’acquitter de la TVA différentielle.

Tous les véhicules 4x4 achetés dans ma région le sont à l’étranger. Le prix hors taxe y est de 15 % inférieur au prix en France, tandis que la TVA qui leur est finalement appliquée est souvent la TVA luxembourgeoise, dont le taux normal est de 15 %, contre 20 % en France. Les acheteurs économisent ainsi un gros différentiel de TVA par rapport à un achat sur notre territoire. Il y a là une brèche béante dans notre législation.

Je soutiens qu’il faut allonger la durée de détention et le nombre de kilomètres à partir desquels la TVA française sur les véhicules neufs n’est plus exigible.

M. Yann Galut. Je partage la position de notre collègue de Courson, et je soutiendrais un amendement en ce sens s’il était proposé. Quant au contenu de l’article 13, le Gouvernement nous présente une mesure qui devrait faire gagner environ 150 millions d’euros. Mais j’avais présenté un amendement visant à instaurer un dispositif de lutte contre la fraude à la TVA qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’ai du mal à comprendre.

M. le président Gilles Carrez. Je me suis moi-même penché hier soir sur cet amendement. Les services de Bercy considèrent qu’il supposerait non seulement de décupler les effectifs nécessaires à la lutte contre la fraude à la TVA, mais aussi de mettre en place un logiciel coûteux.

M. Yann Galut. Je ne suis pas d’accord. Il est possible de procéder à des redéploiements de personnels. Quant à la base de données, elle sera bientôt prête. J’attire votre attention sur le fait que cet amendement rapporterait, en outre, plus d’argent qu’il n’en coûterait, et qu’il serait donc pertinent d’en apprécier globalement l’impact financier.

J’en avais d’ailleurs déposé un autre, qui a connu le même sort. L’Union européenne estime à 32 milliards d’euros les pertes de recettes dues à la fraude à la TVA. Il serait souhaitable que nous examinions cette question en séance publique, pour que le Gouvernement puisse se prononcer.

M. Marc Goua. J’appuie mes collègues. Il y a deux ou trois ans, j’avais remis un dossier complet sur ce sujet. Des officines établies dans les pays de l’Est, comme autrefois en Espagne, proposent des remboursements de TVA pour 500 euros. Cela occasionne à la France des pertes de recettes qui se situent, je crois, entre 3 et 4 milliards d’euros par an. Au demeurant, une instruction du ministère des finances de l’époque ne facilitait guère les poursuites.

L’amendement CF 201 est retiré.

La Commission adopte l’article 13 modifié.

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Après l’article 13

La Commission examine l’amendement CF 173 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. La fraude à la TVA constitue un enjeu majeur, au sujet duquel le Gouvernement ne propose que des mesures ponctuelles. Aussi ai-je déposé un amendement qui vise à instituer une déclaration en temps réel des achats réalisés par les assujettis à la TVA. Limitée à la mention du montant de l’opération et du numéro d’enregistrement du fournisseur, cette formalité serait ouverte à tous les opérateurs, mais ne serait de fait rendue obligatoire que pour les achats d’un montant important, si bien qu’elle ne concernerait que quelques dizaines de milliers d’entreprises.

Reçues par la direction nationale des enquêtes fiscales, ces informations immédiatement recoupées avec la base de données des assujettis tenue par ce service permettraient à l’administration d’identifier immédiatement les fournisseurs dont le profil – chiffre d’affaires, immobilisations, effectifs – n’est pas cohérent avec le montant de la livraison en cause et qui sont susceptibles de disparaître soudainement en éludant la TVA facturée.

Même si cela ajoutait une contrainte supplémentaire à la charge des entreprises, cela améliorerait leur sécurité juridique. Deux dispositifs différents seraient ainsi applicables aux échanges intracommunautaires et extracommunautaires.

Mme la Rapporteure générale. Vous nous proposez un nouveau système de déclaration de TVA qui présente certes des avantages, mais aussi quelques difficultés.

D’abord, vous soumettriez tous les opérateurs à une obligation déclarative permanente, y compris pour des achats d’un montant peu élevé. Par ailleurs, vous différeriez le paiement de la TVA due à l’importation, comme le propose l’article 25 du présent projet de loi, mais en l’ouvrant à toutes les entreprises, alors que le projet de loi réserve cette faculté aux seuls importateurs agréés admis à bénéficier d’une procédure de dédouanement unique – PDU.

En tout état de cause, mieux vaudrait tester le dispositif ciblé du projet de loi avant de le généraliser. Je vous suggère de retirer l’amendement et de le redéposer en vue du débat en séance publique, pour connaître la position du Gouvernement.

Mme Véronique Louwagie. Les objectifs poursuivis sont louables, puisqu’il s’agit de lutter contre la fraude. Mais quels sont exactement les montants importants dont il est question ? Quelles seraient les conséquences de cette formalité supplémentaire ? La plupart des entreprises sont honnêtes et il semble difficile de leur imposer une déclaration supplémentaire, à remplir dans un délai aussi court que vingt-quatre heures. Ne doivent-elles pas déjà remplir des déclarations d’échanges de biens, des déclarations de TVA ou des déclarations de douane ?

M. Yann Galut. Cet amendement a le mérite de lutter contre les carrousels de TVA. Un dispositif de ce type vient d’être adopté en Espagne. Le Gouvernement doit avancer sur le sujet et regarder ce qui se fait ailleurs. Certes, une formalité supplémentaire serait à accomplir, mais des seuils pourraient être définis en deçà desquels les entreprises en seraient exonérées.

L’amendement CF 173 est retiré.

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Article 14
Non-déductibilité du résultat de la taxe sur les locaux à usage commercial
ou de bureaux d’Île-de-France, de la taxe sur les excédents de provisions
des entreprises d’assurances de dommages et de la taxe de risque systémique

Sauf mention contraire de la loi, les charges exposées par une entreprise dans l’intérêt de son exploitation sont déductibles de son assiette imposable ; cette règle valant pour les impôts et taxes, il faut modifier la loi pour rendre un impôt ou une taxe non déductible.

À cet égard, l’intitulé du présent article est quelque peu trompeur : s’il s’agit effectivement de rendre plusieurs taxes non déductibles du résultat soumis à l’impôt sur les bénéfices (71), l’atteinte de cet objectif implique des modifications législatives plus conséquentes.

Deux taxes sont simplement rendues non déductibles : la taxe sur les locaux à usage commercial ou de bureaux d’Île-de-France dite « TSB » et la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances de dommages.

S’agissant du secteur bancaire, l’article comporte une série de modifications, dont l’objectif général est de rendre non déductibles les contributions des établissements concernés au Fonds de résolution unique (FRU), créé dans le cadre de l’union bancaire européenne pour se substituer aux États si un soutien aux banques s’avère nécessaire pour éviter une crise systémique.

Pour ce faire, l’article prévoit :

– de rendre non déductibles ces futures contributions au FRU ;

– de rendre non déductible la contribution au fonds de résolution national, dont le produit sera affecté au FRU en 2015 ;

– de supprimer (progressivement) la taxe de risque systémique (TRS), instaurée en 2011 et qui poursuit sensiblement le même objectif que ces contributions ;

– de rendre la TRS résiduelle non déductible ;

– de créer une nouvelle taxe, sur le modèle de la TRS, pour compenser le fait qu’une partie de cette taxe sert aujourd’hui à financer le fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des emprunts « toxiques ».

Il est admis, dans l’évaluation préalable associée à l’article 14, que la mesure poursuit un objectif de « rationalisation budgétaire ». Mais elle justifie également la non-déductibilité par la volonté, en quelque sorte, d’internaliser des externalités négatives : rendre ces taxes non déductibles permettrait de décourager les comportements qui en sont à l’origine – la détention de bureaux en zones tendues, la surestimation de provisions qui minorent l’assiette taxable, les comportements générateurs de risque systémique.

Le rendement attendu de cet article pour le budget de l’État est évalué à 390 millions d’euros en 2015, 665 millions en 2016 et 425 millions en 2017.

I. LA NON-DÉDUCTIBILITÉ DE LA TAXE SUR LES BUREAUX ET DE LA TAXE SUR LES EXCÉDENTS DE PROVISIONS DES ENTREPRISES D’ASSURANCES DE DOMMAGES : DEUX MESURES SIMPLES

A. LA NON-DÉDUCTIBILITÉ DE LA TAXE SUR LES BUREAUX

1. Présentation de la taxe

● L’article 231 ter du code général des impôts (CGI) institue, à la charge de leurs propriétaires (72), une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux et assimilés (73), les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement qui leur sont annexées, situés dans la région Île-de-France (RIF) et dont la superficie excède certains seuils, variables selon la nature des biens concernés (74).

Une série de biens n’entrent pas dans le champ d’application de la taxe à raison de leur situation géographique (en zone de redynamisation urbaine ou en zone franche urbaine), de la qualité de leur propriétaire (fondations et associations reconnues d’utilité publique), ou de la nature des activités qui y sont exercées (recherche ; activités à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel ; certains locaux de stockage, notamment d’archives).

● Le montant de la taxe est égal au produit de la superficie totale des biens par le tarif unitaire applicable. Celui-ci varie en fonction :

– de la nature du bien, une distinction étant opérée entre les locaux à usage de bureaux, les locaux à usage commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées ;

– de la qualité du propriétaire, puisque les redevables qui – pour simplifier – ne sont pas des entreprises bénéficient d’un taux réduit (État, collectivités territoriales, certaines associations, etc.) ;

– de la situation géographique du bien, trois circonscriptions étant distinguées : Paris et les Hauts-de-Seine ; les communes de « l’unité urbaine de Paris », définie par arrêté ministériel à l’exclusion de la Seine-Saint-Denis ; les autres communes de la région. On aura compris que le tarif unitaire est décroissant de la première à la troisième circonscription ; quel que soit le lieu, les communes les plus « pauvres » (75) sont d’ailleurs considérées comme appartenant à la troisième circonscription.

Ainsi encadrés par la loi, ces tarifs sont actualisés annuellement par arrêté du ministre chargé de l’économie ; l’arrêté du 23 décembre 2013, auquel on peut se reporter pour davantage de précisions (76), fixe les tarifs pour 2014 sur une échelle allant de 0,66 euro le mètre carré (tarif réduit des surfaces de stationnement en troisième circonscription) à 17,18 euros le mètre carré (tarif normal des locaux à usage de bureaux en première circonscription).

● Le produit de la taxe est réparti entre trois affectataires : la région Île-de-France, la Société du Grand Paris et l’Union d’économie sociale du logement. En 2013, sur un produit total, donc, de 666 millions, ces trois affectataires ont respectivement perçu 183 millions d’euros, 350 millions et 133 millions. Le nombre de redevables est d’environ 36 000.

2. La non-déductibilité et ses conséquences budgétaires

● Le D du I du présent article (alinéas 9 et 10) propose de rendre la TSB non déductible de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices (qu’il s’agisse de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu), en complétant l’article 231 ter. L’évaluation préalable annexée à l’article justifie ce choix par le fait que « l’objectif du législateur en mettant en place la TSB était de faire participer les propriétaires de bureaux au financement des investissements d’infrastructures rendus nécessaires dans la RIF en raison du déséquilibre géographique existant entre l’habitat et l’emploi ».

● La même source évalue le rendement de cette mesure, pour le budget de l’État, à 85 millions d’euros en 2015, 290 millions en 2016 et 185 millions à compter de 2017, sur la base du dernier rendement connu (666 millions d’euros en 2013).

La non-déductibilité entrant en vigueur pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015 (A du II-alinéa 42), seules les entreprises soumises au régime dit du cinquième acompte subiront dès 2015 les effets de la non-déductibilité.

On rappellera brièvement que les entreprises soumises à l’IS s’acquittent de cet impôt par quatre acomptes trimestriels, basés sur l’impôt dû au titre du dernier exercice clos ; l’éventuel complément (ou l’éventuel trop-perçu) est réglé au moment de la liquidation du solde, qui intervient au 15 mai de l’année N+1 pour les entreprises qui clôturent leur exercice au 31 décembre de l’année N.

Les modalités de recouvrement de l’IS diffèrent légèrement pour les entreprises dont le chiffre d’affaires (CA) annuel excède 250 millions d’euros : leur dernier acompte – qualifié dans le langage commun des fiscalistes de « cinquième acompte » – doit permettre d’approcher autant que possible le montant d’impôt dû au titre de l’exercice en cours, et pas seulement achever de couvrir le montant d’impôt dû au titre du dernier exercice clos. Pour ce faire, les nouvelles règles fiscales applicables audit exercice doivent être intégrées dans le calcul de ce dernier acompte, ce qui explique qu’une mesure comme celle prévue par le présent article puisse produire un effet budgétaire dès l’année à venir. L’évaluation préalable estime que 50 % du montant de la taxe étaient acquittés, en 2013, par des entreprises soumises au cinquième acompte.

Parmi ces entreprises, seules celles qui seront bénéficiaires ont vocation à subir les conséquences de la non-déductibilité, les entreprises déficitaires ne payant pas, par construction, d’IS. La part des entreprises bénéficiaires en 2015 est estimée à 80 %.

En fonction de leur chiffre d’affaires, les entreprises soumises au cinquième acompte doivent, du fait de cet acompte, approcher plus ou moins la totalité de l’impôt dû au titre de l’exercice en cours : 75 % pour un CA compris entre 250 millions d’euros et 1 milliard, 85 % pour un CA entre 1 et 5 milliards, 95 % au-delà. Il est ici fait l’hypothèse d’un taux de 85 %.

Les entreprises soumises au cinquième acompte sont par ailleurs assujetties à la contribution exceptionnelle sur l’IS au taux de 10,7 % (pour les entreprises dont le CA excède 250 millions d’euros) et à la contribution sociale sur les bénéfices au taux de 3,3 % (pour les entreprises dont le CA excède 7,63 millions).

Sous ces hypothèses, le rendement attendu en 2015 est de 85 millions d’euros, soit la soumission de la moitié du dernier rendement connu (50 % de 666 millions = 333 millions) à un impôt de 33,1/3 % (taux normal de l’IS) augmenté de la somme des contributions additionnelles (10,7 % + 3,3 %), soit au total 38 %, acquitté à hauteur de 85 % (cinquième acompte) par 80 % des redevables théoriques (entreprises bénéficiaires).

En 2016, le rendement est estimé à 290 millions d’euros, soit la somme :

– des 15 millions d’euros non versés en 2015 par les entreprises soumises au cinquième acompte, qui n’auront versé que 85 % du montant dû au titre de 2015 ;

– des 92 millions d’euros qui seront intégrés aux acomptes versés par ces mêmes entreprises au titre de l’impôt dû en 2016, intégrant dès le premier acompte la nouvelle règle de non-déductibilité prévue par le présent article. Ce montant résulte de la soumission de l’assiette de 333 millions d’euros à un impôt de 33,1/3 %, augmenté de la seule contribution sociale sur les bénéfices (la contribution exceptionnelle sur l’IS étant due pour les seuls exercices clos jusqu’au 30 décembre 2016), acquitté par 80 % des redevables théoriques ;

– des 92 millions d’euros correspondant à la liquidation du solde 2015 par les entreprises non soumises au cinquième acompte et qui, n’étant pas davantage soumises à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices, sont supposées redevables au titre de 2015 d’un supplément d’impôt calculé exactement dans les mêmes conditions que pour les plus grandes entreprises au titre de 2016 ;

– et des 92 millions d’euros acquittés par ces mêmes entreprises de moins de 250 millions d’euros de CA dans les acomptes versés en 2016 sur la base de l’impôt finalement dû en 2015.

À compter de 2016, le rendement est estimé à 185 millions d’euros, soit la somme – à 1 million d’euros près, résultant sans doute d’une volonté d’arrondir les montants (77) – de ce que devraient en 2016 les deux catégories d’entreprises (92 millions d’euros chacune).

Le chiffrage présenté ici souffre d’un certain nombre de limites méthodologiques, inhérentes aux projections de ce type. On relèvera notamment que l’assiette réintégrée aux bénéfices imposables est censée être stable à 666 millions d’euros, et qu’il est supposé que l’ensemble du produit de la TSB est acquitté par des sociétés redevables de l’IS, alors que des entreprises redevables de l’IR mais aussi des organismes non soumis à l’impôt sur les bénéfices sont néanmoins assujettis à cette taxe.

B. LA NON-DÉDUCTIBILITÉ DE LA TAXE SUR LES EXCÉDENTS DE PROVISIONS DES ENTREPRISES D’ASSURANCES DE DOMMAGES

1. Présentation de la taxe

● L’article 235 ter X du CGI met à la charge des entreprises d’assurances de dommages de toute nature (78) soumises à l’IS dans les conditions de droit commun, à l’exception des entreprises de réassurance, une taxe sur les excédents de provisions.

Le fait générateur de la taxe est la réintégration au résultat d’un exercice de l’excédent de provisions constituées pour faire face au règlement de sinistres advenus au cours d’un exercice antérieur. Chose désormais rare, le premier alinéa de l’article du code indique clairement l’objet de la taxe, « représentative de l’intérêt correspondant à l’avantage de trésorerie » obtenu du fait de la provision. On rappellera qu’une provision étant constitutive d’une charge, elle est déductible du résultat imposable au titre de l’exercice au cours duquel elle est opérée ; si le risque justifiant sa déduction ne se réalise pas, la provision doit être rapportée au résultat d’un exercice ultérieur.

Dans ce cas, la minoration du résultat n’est certes que transitoire, mais l’avantage de trésorerie est bien réel ; il peut de surcroît se doubler, au moins en théorie, d’un pilotage fin des déductions et réintégrations de provisions, consistant à déduire au cours d’un exercice bénéficiaire et à rapporter au cours d’un exercice déficitaire, afin de minimiser la charge fiscale sur la période concernée.

● Le code est moins clair dans la définition de l’assiette de la taxe que dans celle de ses objectifs. La taxe est en effet assise sur une fraction de l’excédent de provision, égale à l’IS qui aurait dû être acquitté sur cet excédent s’il n’avait pas été déduit.

L’excédent n’est pas pris en compte pour la totalité de son montant, puisqu’il est réduit de la somme des éléments suivants :

– une franchise égale à 3 % des sommes prélevées au cours de l’exercice de réintégration sur la provision (pour régler des sinistres, mais également pour tenir compte du coût de la réintégration) ;

– le montant des dotations complémentaires réalisées au cours de l’exercice de réintégration, destinées à faire face à l’aggravation du coût de sinistres antérieurs.

Dans son commentaire de la taxe, l’administration fiscale admet un certain nombre de souplesses bien compréhensibles, notamment parce que « l’application littérale de l’article 235 ter X du CGI conduirait à suivre le déroulement dans le temps de la provision afférente à chaque sinistre ». Pour en savoir davantage, on se reportera utilement au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) (79).

● Le taux de la taxe est de 0,40 % par mois écoulé entre la clôture de l’exercice de déduction de la provision et celle de l’exercice de réintégration de l’excédent. Si plusieurs excédents afférents à plusieurs provisions sont réintégrés au cours d’un même exercice, le montant de la taxe dû est la somme des taxes afférentes à chaque réintégration.

● La taxe est liquidée, déclarée et recouvrée comme en matière de taxes sur le chiffre d’affaires, sous les mêmes garanties et sanctions.

● Selon l’évaluation préalable associée au présent article, la taxe a rapporté 100 millions d’euros au budget de l’État en 2013. Le nombre de redevables est de 195 sur les trois premiers trimestres de l’année 2014.

2. La non-déductibilité et ses conséquences budgétaires

● Le E du I (alinéas 11 et 12) propose de rendre la taxe non déductible de l’assiette de l’IS, en complétant l’article 235 ter X. L’évaluation préalable justifie ce choix par le fait que la taxe « permet d’inciter les entreprises d’assurances de dommages à mieux proportionner leurs provisions à leurs risques ».

● Le rendement budgétaire de cette mesure est estimé à 25 millions d’euros en 2015, 35 millions en 2016 et 30 millions à compter de 2017. Le détail exposé ci-après, qui provient pourtant de la même source, montre encore une fois des chiffres moins arrondis (et pour partie moins élevés).

La non-déductibilité s’appliquant aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015 (A du II-alinéa 42), le rendement en 2015 proviendra des entreprises soumises au cinquième acompte, qui représenteraient 93 % des redevables en 2014 selon l’évaluation préalable. Avec les mêmes hypothèses que celles présentées supra s’agissant de la TSB, le rendement attendu est de 24 millions d’euros : soit la soumission de 93 % du dernier rendement connu (93 millions) à un impôt de 38 %, acquitté à hauteur de 85 % par 80 % des redevables théoriques.

En 2016, ces entreprises acquitteront un solde de 4 millions d’euros au titre de 2015, et 26 millions d’euros d’acomptes au titre de 2016. La contribution des autres entreprises est estimée à 4 millions d’euros au total en 2016 (soit un total de 34 millions) : 2 millions d’euros de solde 2015 et 2 autres millions au titre des acomptes 2016. Ce montant de 2 millions correspond à 7 % d’un tiers du rendement de la taxe, comme si la totalité des entreprises non soumises au cinquième acompte (7 % des redevables) était bénéficiaire, et subissait donc la non-déductibilité.

À compter de 2017, le rendement est estimé à 28 millions d’euros, soit la somme des 26 et des 2 qui viennent d’être mentionnés pour 2016.

II. DERRIÈRE LA NON-DÉDUCTIBILITÉ DE LA TAXE DE RISQUE SYSTÉMIQUE, UNE MÉCANIQUE PLUS COMPLEXE

A. LA TAXE DE RISQUE SYSTÉMIQUE, UN OUTIL CRÉÉ EN RÉPONSE À LA CRISE BANCAIRE DE 2008

● En réponse à la crise de 2008, qui a nécessité le sauvetage par les États d’établissements bancaires pour partie à l’origine de ladite crise, certains pays dont la France ont décidé d’instaurer des taxes de risque systémique. Ces taxes obéissent à une logique économique classique, à savoir l’internalisation des externalités négatives, en l’espèce la dissuasion de la prise de risque excessive par les banques. Elles poursuivent par ailleurs un objectif budgétaire plus immédiat, à savoir la compensation du coût d’une éventuelle restructuration bancaire.

En se fondant notamment sur un rapport remis au Gouvernement en avril 2010 par M. Jean-François Lepetit (80), alors président du Conseil national de la comptabilité, le législateur a institué une taxe de risque systémique (TRS) dans la loi de finances pour 2011 (81), codifiée à l’article 235 ter ZE du CGI. Les éléments qui suivent résument brièvement le fonctionnement de la TRS ; pour une description détaillée, qui n’est pas nécessaire dans le cadre du présent commentaire, on se reportera utilement au rapport du précédent Rapporteur général sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012 (82).

● Les redevables de la TRS sont les entreprises des secteurs de la banque (83), des services de paiement et des services d’investissement, relevant de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour le contrôle du respect des ratios de couverture et des niveaux de fonds propres qui leur sont imposés par le code monétaire et financier (84).

Il s’agit, plus précisément : des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des entreprises de marché, des adhérents aux chambres de compensation, des entreprises habilitées à exercer certaines activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers, des établissements de paiement, des compagnies financières et des compagnies financières holdings mixtes (85).

Seules sont assujettis à la taxe celles de ces entreprises qui sont soumises à des exigences minimales en fonds propres supérieures à 500 millions d’euros, l’idée étant de concentrer la taxe sur les établissements dont la défaillance pourrait véritablement entraîner un risque systémique.

Le seuil de 500 millions d’euros est apprécié sur base consolidée pour les redevables appartenant à un groupe au sens de l’article L. 511-20 du code monétaire et financier (pour simplifier, les entités du groupe sont soumises à une direction unique) (86) ; seule la société mère est alors redevable de la taxe, des modalités spécifiques étant prévues en cas de contrôle conjoint des filiales, pour éviter toute double imposition (87).

● La TRS est assise sur les exigences minimales en fonds propres prévues par la réglementation prudentielle et qui, pour simplifier, reflètent les actifs pondérés par les risques. Les assujettis à la TRS doivent respecter un ratio de solvabilité d’au moins 8 % entre leurs fonds propres et la somme de leurs risques (de crédit, de dilution (88), de marché et opérationnel). Les méthodes de pondération du risque, complexes, sont définies par la réglementation prudentielle. Cette assiette est la même que celle de la contribution pour frais de contrôle, acquittée par l’ensemble des personnes soumises au contrôle de l’ACPR. Or, pour la détermination de cette contribution, l’ACPR peut réviser le montant des exigences en fonds propres de la personne assujettie, sous certaines conditions (à la hausse comme à la baisse). Une telle révision entraîne donc, mécaniquement, celle de l’assiette de la TRS.

● Le taux de la taxe est de 0,539 % depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014 (89). Il était originellement de 0,25 %, avant d’être porté à 0,50 % par l’article 9 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (90), à l’initiative du Rapporteur général d’alors.

● Exigible au 30 avril, la TRS est soumise aux mêmes règles que celles applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires s’agissant du recouvrement, du contrôle, des garanties et sanctions ainsi que du contentieux.

● Afin d’éviter toute double imposition internationale, il est prévu que la personne assujettie à la TRS en France mais dont le siège ou la mère situé dans un autre État y est soumis à une taxe équivalente (sur base consolidée prenant en compte les risques afférents à l’activité réalisée en France) puisse bénéficier d’un crédit d’impôt, égal au montant de la taxe acquittée à l’étranger à raison de l’activité en France de la filiale considérée, et toujours dans la limite du montant de la TRS.

● Le produit de la taxe est estimé par l’évaluation préalable à 900 millions d’euros en 2013, pour 16 redevables.

B. L’INSTAURATION, DANS LE CADRE DE L’UNION BANCAIRE, DE CONTRIBUTIONS POURSUIVANT LES MÊMES OBJECTIFS QUE LA TAXE DE RISQUE SYSTÉMIQUE

● La TRS est un dispositif national, mais son instauration résulte de réflexions conduites au niveau international et européen. C’est incontestablement dans le cadre de l’Union européenne (UE) qu’ont eu lieu les plus grandes avancées sur ce sujet. Du fait de la très forte intégration des marchés financiers au sein de l’UE, la défaillance d’un établissement transnational pourrait affecter la stabilité des marchés financiers des différents États membres dans lesquels il opère.

C’est pourquoi les chefs d’État ou de gouvernement ont décidé, en juin 2012, de créer une union bancaire, complémentaire de l’Union économique et monétaire et permettant l’application centralisée de règles définies à l’échelle de l’UE aux banques de la zone euro (et des autres États membres qui souhaiteraient y adhérer).

● La réalisation de l’union bancaire appelle tout d’abord la définition d’un corpus de règles communes pour les établissements bancaires des vingt-huit États membres. Baptisé « règlement uniforme », ce corpus se compose notamment de trois textes ou ensembles de textes (91) :

– le « paquet » (directive et règlement), dit « CRR/CRD IV », sur les exigences de fonds propres est destiné à prévenir les crises bancaires (92) ;

– la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, dite « BRRD », pour Bank Recovery and Resolution Directive, prévoit un cadre commun pour gérer la sortie de crise, dans l’hypothèse où les banques se retrouveraient quand même en difficulté (93) ;

– la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts protège les épargnants, à hauteur de 100 000 euros par déposant et par banque (94).

● L’union bancaire nécessite que ce corpus de règles fasse l’objet d’une mise en œuvre commune, ce qui implique :

– d’une part, la création d’un Mécanisme de surveillance unique, assuré par la Banque centrale européenne pour les 6 000 banques que compte la zone euro ;

– d’autre part, un Mécanisme de résolution unique (MRU) (95), si une banque devait faire faillite en dépit du renforcement des mesures de prévention. Le MRU repose notamment sur un conseil de résolution unique, « doté de procédures décisionnelles claires pour les banques transfrontalières et fort d’un personnel très expérimenté, [qui] pourra conduire la résolution de manière beaucoup plus efficace que l’actuelle mosaïque d’autorités nationales de résolution » (96).

● La philosophie générale du système de résolution des crises prévu dans le cadre de l’union bancaire consiste à éviter que les États, et donc les contribuables, assument les conséquences de risques excessifs pris par les banques. Il est prévu à cette fin d’internaliser le coût d’une éventuelle résolution, en faisant directement contribuer les banques, dans une logique quasi assurantielle (dite de bail in).

À cet égard, la directive BRRD impose la mise en place, en 2015, de fonds de résolution nationaux. En dix ans, le montant de ces fonds devra avoir atteint 1 % des dépôts couverts (par un mécanisme de garantie des dépôts) des établissements bancaires et financiers inclus dans le périmètre. La France a anticipé la mise en place de son fonds de résolution national : en effet, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de 2013 (97) a instauré un nouveau régime de résolution bancaire, codifié aux III et IV de l’article L. 312-5 du code monétaire et financier, et permettant à l’ACPR de mobiliser le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) pour un soutien de l’entité bancaire défaillante, en liquidités ou en capital.

En application de l’article L. 312-7 du même code, ce sont les établissements adhérant au FGDR (98) qui procurent les ressources nécessaires à son fonctionnement, dans des conditions fixées par le ministre chargé de l’économie. Ainsi que le relève l’évaluation préalable, « les ressources du FGDR levées au titre de la résolution constituent le fonds de résolution national français ».

● Le règlement relatif au Mécanisme de régulation unique prévoit par ailleurs un Fonds de résolution bancaire unique (FRU), pour l’ensemble des États membres participant à l’union bancaire. Le FRU sera alimenté, à compter de son institution en 2016 et jusqu’en 2023, par des contributions des établissements financiers pouvant y avoir recours, à savoir les établissements de crédit et les entreprises d’investissement si elles sont membres d’un groupe bancaire (99).

Les contributions sont prévues par les articles 69, 70 et 71 du règlement relatif au MRU :

– l’article 69 fixe le niveau cible des contributions à horizon 2023, à savoir 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédit agréés des États participant au MRU (montant estimé à 55 milliards d’euros) ;

– l’article 70 prévoit que les contributions ex ante, calculées en tenant compte du rapport entre le passif de chaque établissement et le passif d’ensemble des établissements dans le périmètre de l’union bancaire, ne doivent pas dépasser 12,5 % du niveau cible. La contribution, annuelle, se compose d’une part forfaitaire et d’une part variable, en fonction du profil de risque ;

– l’article 71 prévoit des contributions ex post extraordinaires, « lorsque les moyens financiers disponibles ne suffisent pas à couvrir les pertes, coût ou autres frais liés au recours au Fonds dans le cadre de mesures de résolution », dont le montant ne peut excéder le triple de celui des contributions ex ante.

L’accord intergouvernemental du 21 mai 2014, signé par vingt-six des vingt-huit États membres de l’UE prévoit que les contributions perçues en 2015 par les fonds de résolution nationaux en application de la directive BRRD devront être reversées au FRU en 2016. Ce même accord précise que les contributions nationales seront d’abord affectées à des « compartiments » nationaux, avant d’être progressivement mutualisées sur la période de huit ans au terme de laquelle la cible de 1 % évoquée supra devra être atteinte.

Le 21 octobre dernier, la Commission européenne a adopté un acte délégué, pris pour l’application de la directive BRRD, et un projet d’acte d’exécution du Conseil, pris pour l’application du règlement MRU, régissant le calcul de la contribution des banques aux fonds nationaux de résolution et au FRU.

On peut en retenir à ce stade les éléments suivants, pour l’essentiel repris du site internet de la Commission européenne (100) :

– l’acte délégué déterminera le montant qu’un établissement de crédit devra verser chaque année à son fonds de résolution national, en fonction de sa taille et de son profil de risque, en définissant de manière détaillée :

o la partie fixe de la contribution, qui dépend du passif de l’établissement. Assez logiquement, plus la banque est grande, plus la partie fixe de la contribution est élevée ;

o la manière dont la contribution de base est ajustée en fonction du profil de risque, au moyen d’indicateurs de risque.

– un régime forfaitaire spécial est prévu pour les petites banques, qui ont souvent un profil de risque moins élevé et sont moins susceptibles d’utiliser les fonds de résolution ;

– le projet d’acte d’exécution du Conseil européen reprend les mêmes indicateurs de risque pour les établissements financiers de l’union bancaire, mais la méthode de calcul est adaptée aux caractéristiques d’un système unifié de contributions mises en commun dans le FRU.

Le Parlement européen et le Conseil disposent d’un délai de trois mois pour formuler des objections à l’acte délégué, ce délai pouvant être prolongé de trois mois supplémentaires. Le projet d’acte d’exécution du Conseil devra être examiné et adopté par le Conseil d’ici à la fin de l’année.

● L’évaluation préalable associée au présent article indique que la méthodologie de calcul retenue dans ces deux projets conduit à estimer que les banques françaises paieront des contributions au fonds de résolution national puis européen de 15 milliards en tout sur la période d’atteinte de la cible, soit plus de 27 % du montant total estimé de 55 milliards d’euros (cf. infra pour une ventilation par année).

C. LA NOUVELLE ARCHITECTURE FISCALE PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

1. La suppression progressive de la taxe de risque systémique et sa non-déductibilité

Constatant que la TRS et les contributions aux fonds de résolution (national et européen) poursuivent le même objectif, le Gouvernement propose de supprimer la TRS. L’évaluation préalable relève à l’appui de ce choix que « le maintien de [la TRS] créerait une situation singulière en Europe, les autres États membres ayant décidé de supprimer leur taxe systémique (cas de l’Allemagne), ou bien ont obtenu, dans le cadre de la directive européenne BRRD, une exemption à la mise en place d’un fonds de résolution de par l’existence de la taxe systémique (cas du Royaume-Uni) ».

Le du F du I (alinéas 14 à 19) propose de réduire progressivement le taux de la TRS, qui passerait de 0,539 % en 2014 à 0,141 % en 2018. L’article 235 ter ZE serait ensuite abrogé, à compter du 1er janvier 2019 (C du II-alinéa 44). La réduction progressive se justifie logiquement par l’abondement progressif du FRU, même si les montants ne se compensent pas (cf. tableau infra).

Conformément à ce qui est annoncé par le titre du présent article, le du F du I (alinéa 20) prévoit que la TRS n’est pas déductible de l’assiette de l’IS, pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015 (A du II-alinéa 42).

2. La non-déductibilité des contributions aux fonds de résolution

L’évaluation préalable relève à juste titre qu’au vu des objectifs poursuivis par ces contributions, « il n’est pas justifié que l’État supporte une part du financement […] demandé aux contribuables concernés en admettant la déduction de ces charges de leur résultat imposable ». L’Allemagne, le Royaume-Uni et Chypre ont pris des positions similaires.

Le C du I (alinéas 5 à 8) complète en conséquence l’article 209 du CGI, pour exclure du champ des charges déductibles les contributions au fonds de résolution national (1° du X nouveau de l’article 209-alinéa 7) et au FRU (2° du même X-alinéa 8).

3. La création d’une taxe spécifique (non déductible), compensant la suppression de la part de TRS utilisée pour le financement du fonds « emprunts toxiques »

L’article 92 de la loi de finances pour 2014 a institué un fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts « toxiques ». Ce fonds, dont la durée de vie est fixée à quinze ans, a pour objet principal d’aider les collectivités à rembourser ces emprunts de manière anticipée.

L’article 23 du projet de loi de finances pour 2014 proposait de relever le taux de la TRS de 0,5 % à 0,529 %, afin d’abonder le fonds « emprunts toxiques ». La logique de cette mesure est que les banques contribuent à la réparation partielle des dégâts causés dans les bilans des collectivités territoriales, par des produits financiers qu’elles leur ont vendus. À l’initiative du Rapporteur général d’alors, le taux a été porté à 0,539 %, afin d’atteindre dès la première année le rendement cible, à savoir 50 millions d’euros, de sorte que la contribution des banques soit aussi importante que celle de l’État. Par un communiqué de presse en date du 25 novembre 2014, les ministres concernés ont annoncé que le fonds est désormais « pleinement opérationnel » (101).

La suppression de la TRS rend donc nécessaire la création d’une nouvelle recette au profit du fonds. Le G du I (alinéas 22 à 41) y procède à compter du 1er janvier 2015 (B du II-alinéa 43), en insérant dans le CGI un nouvel article 235 ter ZE bis. Ce nouvel article instaure une taxe strictement identique à la TRS. Seul le taux est différent : fixé à 0,021 %, il doit permettre d’assurer au fonds le rendement antérieurement prévu (50 millions d’euros) (102). Mais l’évaluation préalable reconnaît que ce rendement ne sera atteint qu’après 2017 (cf. tableau infra) ; le souhait émis l’année dernière par Rapporteur général, et traduit dans la loi de finances pour 2014, est donc méconnu dès cette année par le Gouvernement…

La durée de vie du fonds étant limitée à quinze ans, le D du II (alinéa 45) prévoit l’abrogation de l’article 235 ter ZE bis à compter du 1er janvier 2029.

4. Effets financiers et budgétaires de la nouvelle architecture proposée

● Le rendement produit pour le budget de l’État par la non-déductibilité des différentes contributions systémiques est estimé par l’évaluation préalable à 280 millions d’euros en 2015, 340 millions en 2016 et 210 en 2017.

● Le tableau ci-après récapitule les différentes contributions « systémiques » auxquelles les entreprises bancaires seront – et ne seront plus – soumises à compter de 2015, et jusqu’en 2024.

RÉCAPITULATIF DES CONTRIBUTIONS SYSTÉMIQUES DU SECTEUR BANCAIRE

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Contribution actuelle
(TRS)*

1,1

1,1

1,1

1,2

1,2

1,2

1,3

1,3

1,3

 

Contribution future

2,12

2,48

2,35

1,75

1,75

1,85

1,85

1,95

1,95

0,05

dont contributions aux fonds de résolution

1,1

1,5

1,6

1,7

1,7

1,8

1,8

1,9

1,9

0**

dont TRS à taux réduit

0,7

0,6

0,5

0,5***

           

dont nouvelle taxe « emprunts toxiques »

0,04

0,04

0,04

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

Dont effets de la non-déductibilité

0,28

0,34

0,21

****

****

****

****

****

****

****

(*) Hypothèse : croissance de l’assiette de 9,7% en 2015, puis de 2,5% par an à partir de 2016.

(**) Sauf en cas de consommation des ressources, et de la nécessité de les reconstituer.

(***) Hypothèse d’une stabilité par rapport à 2017 (rendement non fourni par l’évaluation préalable)

(***) Effets de la non-déductibilité non pris en compte après 2017, car non fournis par l’évaluation préalable (logiquement plus faibles du fait de l’extinction progressive de la TRS)

Source : commission des Finances.

On relèvera, enfin, que les A et B du I (alinéas 2 et 3) procèdent à des modifications de conséquence dans le CGI, en indiquant expressément que les différentes taxes dont il est question dans cet article ne sont pas déductibles de l’assiette des bénéfices industriels et commerciaux (A-alinéa 2), et, pour la seule TSB, des bénéfices non commerciaux (B-alinéa 3).

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 48 de M. Hervé Mariton.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement vise à supprimer cet article qui prévoit une non-déductibilité de certaines taxes. Cela n’est pas acceptable.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. La suppression progressive de la taxe de risque systémique s’explique par la montée en charge, elle aussi progressive, des contributions au Fonds de résolution unique – FRU. S’agissant de la non-déductibilité des contributions au FRU, je signale que nos partenaires allemands feront de même.

M. Charles de Courson. La question de savoir si un prélèvement doit être déductible ou non dépend de la nature juridique du FRU. S’il s’agit d’un fonds de garantie, il est normal que les contributions qui l’alimentent ne soient pas déductibles. Elles ne pourraient le devenir qu’en cas de sinistre. Le fonds sera pourvu de 55 milliards d’euros à terme, dont 20 milliards proviendront des banques françaises. Mais les banques pourront-elles en récupérer une partie ? Comment traitent-elles d’ailleurs ces sorties sur le plan comptable ?

Mme la Rapporteure générale. Une fois le fonds doté de 55 milliards d’euros, il n’y aura pas en principe de contribution supplémentaire, sauf survenance d’un sinistre. Le fonds est d’abord institué dans une logique assurantielle.

M. le président Gilles Carrez. La taxe de risque systémique alimente pour l’heure le budget de l’État.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les entreprises sont soumises à une double peine. Elles seront soumises à contribution en 2015 pour le FRU. Parallèlement, elles devront s’acquitter de la taxe de risque systémique et ne pourront déduire ni la contribution ni la taxe. Cette accumulation produit un effet de masse. Ne faut-il pas repousser d’un an la contribution au fonds?

M. Christophe Caresche. Il faut bien distinguer entre taxe de risque systémique et Fonds de résolution unique. Nous sommes d’accord avec les Allemands pour dire que les contributions au fonds ne sont pas déductibles, car cela laisserait entendre sinon que les États contribuent au FRU, alors qu’il a précisément pour but de ne pas leur imposer d’intervenir en cas de résolution. Le traité est d’ailleurs encore en préparation.

M. Charles de Courson. L’UDI voulait que la taxe de risque systémique alimente le fonds ou, qu’en tout cas, elle soit supprimée à compter de son instauration. Le Gouvernement en était d’accord. Mais il faudra en réalité cinq ans pour la supprimer, tout en la rendant non déductible.

Tout dépend de la nature juridique du Fonds de résolution unique, sur laquelle aucune réponse définitive n’est connue. Il s’agit de savoir si les banques conservent comme un droit de propriété sur leur mise de fonds. S’il y a sinistre, les contributions des banques françaises devront être déductibles au prorata de leur utilisation.

M. Éric Alauzet. S’il y a consensus au niveau européen sur un objectif final de 55 milliards d’euros, la question de la déductibilité a-t-elle encore un sens ?

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 48.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 55 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. L’exposé général du projet de loi évoque la non-déductibilité de la redevance pour création de bureaux en Île-de-France, qui rapporte chaque année 100 millions d’euros. Mais l’improvisation est telle qu’il s’agit en fait de la taxe annuelle sur les bureaux qui rapporte, quant à elle, 670 millions d’euros. Ce sont donc non moins de 200 millions d’euros qui sont en jeu dans ce débat sur la non-déductibilité.

J’ai calculé que l’accumulation de taxes nouvelles sur les entreprises d’Île-de-France, hors aggravation de la fiscalité locale et nationale, depuis 2011, se chiffre à un milliard d’euros.

Le produit de la taxe annuelle sur les bureaux est passé de 400 millions d’euros en 2011 à 670 en 2014 ; l’augmentation du versement transport de 0,1 % à partir de 2013 représente 175 millions d’euros supplémentaires, et la modernisation de l’assiette – décidée par un décret d’avril 2012, avec effet à partir de 2013 –, 110 millions d’euros, soit au total 285 millions d’euros. Dans les articles non rattachés du PLF, nous avons voté un amendement du Gouvernement qui institue une taxe sur les parkings, pour 40 millions d’euros, ainsi qu’une taxe sur le foncier bâti dont la moitié, assise sur les entreprises, atteint 100 millions d’euros. La non-déductibilité de la taxe sur les bureaux représente un montant de 190 millions d’euros ; il faudrait y ajouter 0,1 % de plus de versement transport si l’amendement de notre collègue Olivier Faure est adopté. Au total, ce sont ainsi 950 millions d’euros supplémentaires qui seraient à la charge des entreprises franciliennes. Nous ne devons pas accepter une telle pression fiscale ; d’où mon amendement, qui tend à supprimer la non-déductibilité de la taxe annuelle sur les bureaux.

Mme la Rapporteure générale. En régime de croisière, la non-déductibilité de la taxe sur les bureaux rapporte, selon l’évaluation préalable de l’article 14, 185 millions d’euros par an. Cet article poursuit notamment un objectif de rendement budgétaire.

Mme Valérie Pécresse. D’après un excellent rapport de Gilles Carrez sur le financement du Grand Paris, à l’horizon 2020, les frais de fonctionnement représenteraient environ 10 % du montant des investissements réalisés. Si ceux-ci atteignent 20 milliards d’euros, comme le prévoit le Gouvernement, la dépense atteindrait donc 2 milliards d’euros supplémentaires. Or, dès 2014, les entreprises ont été assommées par une ponction supplémentaire de 1 milliard. J’invite le Gouvernement à faire preuve de réalisme.

J’ajoute que l’amendement d’Olivier Faure sur le passe Navigo à tarif unique n’étant pas financé, il faudra trouver 650 millions d’euros supplémentaires. Le STIF paiera, a laissé entendre la Rapporteure générale ; mais le STIF n’est pas une banque. Nous devons donc impérativement voter l’amendement du président Carrez : avec les chiffres démentiels que nous venons d’entendre, c’est l’intégralité du plan qui a été dévoilée.

M. Christophe Caresche. Il est logique de demander aux entreprises et aux ménages franciliens de contribuer aux grands projets régionaux dont ils seront les premiers à profiter ; en revanche, le fait que l’État ponctionne une taxe spécifique à l’Île-de-France afin d’abonder son propre budget pose problème. Je soutiens donc l’amendement du président Carrez.

Mme Eva Sas. Je souscris à l’analyse de M. Caresche, et il faut effectivement mettre en perspective la liste des prélèvements effectués sur les entreprises franciliennes. Néanmoins, celles-ci vont bénéficier de la baisse de l’abonnement transport dont elles remboursent la moitié à leurs salariés ; cela permet un relatif équilibre sur le versement transport.

M. Dominique Lefebvre. Si l’alourdissement de la fiscalité qui pèse sur les entreprises franciliennes peut être contestable, on ne peut laisser dire que l’État prélèverait une partie des ressources régionales. Lors de la présentation du PLFR, certains se sont livrés à un grand exercice de rhétorique pour dire que la déductibilité de la contribution des banques au Fonds de résolution européen revenait à faire peser sur le contribuable une partie des charges des entreprises ; d’où le principe de la non-déductibilité. De fait, la déductibilité de la taxe se traduit, in fine, par de moindres recettes pour l’État.

Il convient certes d’évaluer l’ensemble des charges qui pèsent sur les entreprises, mais la vue doit être globale afin, si je puis dire, d’équilibrer les comptes. Pour ce qui concerne l’Île-de-France, il faut savoir si les investissements doivent être réalisés et, dans l’affirmative, qui les finance ; or je ne connais pas d’autres contribuables que les ménages et les entreprises. En tout état de cause, les entreprises franciliennes ont aussi intérêt à l’amélioration des infrastructures de transport. Sur ce point, les présidents de la région et de la chambre de commerce et d’industrie de Paris-Île-de-France ont adopté une position commune, s’agissant des enjeux de développement économique. Il faudrait d’ailleurs évaluer les coûts que représentent, pour les entreprises, les dysfonctionnements actuels du réseau de transports.

J’ajoute que les dispositions relatives à la non-déductibilité s’inscrivent dans un effort global de 3,6 milliards d’euros supplémentaires. Je ne voterai donc pas l’amendement du président Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Mon amendement, monsieur Lefebvre, repose sur le principe qu’une taxe est toujours déductible, même si elle peut ne pas l’être, par exemple lorsqu’elle s’apparente à une contribution à un mécanisme assurantiel. En l’occurrence, il s’agirait de supprimer la déductibilité de la taxe pour des motifs exclusivement budgétaires, et ce dans un contexte d’improvisation sans exemple. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, je le répète, c’est la redevance pour création de bureau, dont le produit s’établit à quelque 100 millions d’euros par an, qui serait rendue non déductible ; mais l’article 14, lui, vise la taxe annuelle sur les bureaux, d’un montant de 670 millions en 2014. Comment, dans un document officiel, les services du ministère peuvent-ils commettre de telles erreurs ? Nous devons donc marquer le coup. Rien ne justifie que 200 millions d’euros supplémentaires, en plus des 600 millions d’euros accumulés au cours des dernières années, s’abattent sur les entreprises franciliennes au mépris du principe fondamental de la déductibilité. La présentation de cette mesure est tellement obscure, d’ailleurs, que les entreprises ne s’en sont pas rendu compte ; aussi publierai-je un communiqué afin de porter à leur connaissance l’ensemble des chiffres que j’ai cités.

M. Dominique Lefebvre. Je reconnais une coquille dans l’exposé des motifs – elle révèle peut-être un débat interministériel quant à la taxe visée. Mais l’évaluation préalable donne les chiffres exacts et l’article est très clair : je vous renvoie à la page 227 du projet de loi.

Mme Véronique Louwagie. Je veux aussi m’offusquer de la méthode. La non-déductibilité revient à déterminer, pour les entreprises, un bénéfice « bis », qui ne correspond plus au bénéfice réel. Le même problème s’est posé, à l’article 2, avec l’inclusion des dotations aux amortissements dans le résultat des entreprises ferroviaires. En dissimulant de la sorte des augmentations de taxe, on envoie un message de défiance aux entreprises, par ailleurs attachées à la stabilité fiscale. L’ouverture de cette brèche dans le principe de déductibilité crée un dangereux précédent.

La Commission adopte l’amendement CF 55 (amendement 397).

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CF 180 à CF 183 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces amendements déclinent notre opposition à la non-déductibilité de la contribution au Fonds de résolution unique et de la taxe de risque systémique – TRS.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Nous y reviendrons en séance avec le Gouvernement.

La Commission rejette successivement les amendements CF 180 à CF 183.

Elle se saisit ensuite, en discussion commune, les amendements CF 177 et CF 176 de M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. L’amendement CF 176 vise à revenir sur la disparition programmée de la taxe de risque systémique, en la maintenant à son taux actuel, mais en conservant le principe de sa non-déductibilité de l’assiette de l’impôt sur les sociétés – IS – proposé par le projet de loi. Cela générerait des recettes supplémentaires pour l’État. La réduction des contributions des banques est peu compréhensible dans le contexte actuel, d’autant que le secteur se porte bien et qu’il bénéficie du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE.

L’amendement CF 177 est de repli : il ne change rien au régime de la taxe, qui ne serait plus destinée à disparaître et qui resterait déductible.

Ces deux amendements expriment la position de mon groupe sur le sujet.

Mme la Rapporteure générale. L’amendement CF 176 va trop loin. Le CF 177 tend à pérenniser la taxe à un taux de 0,539 %, tout en maintenant la déductibilité supprimée par l’article. Toutefois, nous devons garder à l’esprit les enjeux économiques et assurantiels. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Il serait incohérent de cumuler contribution au FRU et TRS.

D’autre part, il faut maintenir la déductibilité de la TRS, même si son taux va diminuer ; faute de quoi on alourdira les charges qui pèsent sur le secteur bancaire. On peut ne pas aimer les banques, mais cela ne justifie pas l’injustice.

L’un de mes amendements tend d’ailleurs à supprimer la TRS à compter du 1er janvier 2015.

M. Jérôme Lambert. La TRS ne doit pas être confondue avec le FRU : elle abonde le budget de l’État à hauteur d’environ 900 millions d’euros par an. Au vu des difficultés actuelles et des bons résultats des banques, nous souhaitons donc son maintien.

La Commission rejette successivement les amendements CF 177 et CF 176.

Elle examine ensuite l’amendement CF 56 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Le Gouvernement a opportunément décidé d’éteindre progressivement la TRS, dès lors qu’est instaurée la contribution au FRU. Cependant, les deux calendriers ne coïncident pas tout à fait. Aussi l’amendement vise-t-il à raccourcir d’un an le délai d’extinction de la TRS.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CF 178 de M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. L’article institue également une taxe de risque systémique, d’un taux de 0,021 % – avec une extinction en 2029 –, au profit du fonds de soutien des collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques, d’un montant de 100 millions d’euros. Avec un tel taux, le rendement de la taxe se situerait autour de 38 millions d’euros en 2015, alors que cette dernière doit abonder le fonds de soutien à hauteur de la moitié ; il manquerait donc 12 millions d’euros, que l’État devrait prendre à sa charge. C’est pourquoi nous proposons de relever le taux de la taxe à hauteur de 0,03 %.

Mme la Rapporteure générale. Avis favorable. L’an dernier, le précédent rapporteur général du budget avait fait adopter un amendement permettant à la taxe de générer un produit de 50 millions d’euros. Selon l’évaluation préalable, la taxe, avec un taux de 0,021 %, ne rapporte que 40 millions d’euros.

Cela dit, monsieur Lambert, 0,03 % produiraient 57 millions d’euros : je vous propose donc de ramener le taux à 0,026 %, pour atteindre exactement 50 millions.

M. le président Gilles Carrez. La position de la Commission s’en trouverait confortée : l’abondement du fonds de soutien, à l’euro près, a été inscrit dans la loi de finances rectificative en juillet dernier.

M. Jérôme Lambert. Je souscris à la rectification proposée.

La Commission adopte l’amendement CF 178 ainsi rectifié (amendement 395).

Elle examine ensuite l’amendement CF 103 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dès lors qu’est instituée la contribution au FRU, il convient de supprimer la TRS dès le 1er janvier 2015.

M. le président Gilles Carrez. La TRS ne sera supprimée que lorsque la contribution au FRU sera effective ; la montée en charge de cette dernière sera d’ailleurs très progressive.

M. Charles de Courson. Oui, mais à court terme les cinq banques concernées assumeront une charge de 1 à 2 milliards d’euros supplémentaires, et la baisse de la TRS sera compensée par sa non-déductibilité. Tout cela n’est pas raisonnable.

Mme la Rapporteure générale. L’idée est de réduire la TRS à mesure que la contribution au FRU augmente. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Les banques françaises contribueront au FRU à hauteur de 15 à 20 milliards.

M. le président Gilles Carrez. Cela paraît beaucoup…

M. Charles de Courson. La contribution tient au mode de calcul sur lequel se sont accordés les États.

La montée en charge se faisant sur cinq ans, la contribution, de 1 à 2 milliards d’euros en 2015, atteindra sans doute quelque 3 milliards d’euros au cours des années suivantes. Bref, l’an prochain les banques assumeront une charge d’environ 1,5 milliard d’euros au titre de la contribution, à laquelle il faut ajouter les 800 à 900 millions d’euros au titre de la TRS, dont la non-déductibilité représente en plus un coût supplémentaire d’environ 300 millions.

M. le président Gilles Carrez. Avez-vous, madame la Rapporteure générale, une idée du montant de la contribution des banques françaises au FRU en 2015 et 2016 ?

Mme la Rapporteure générale. Cette contribution atteindra 1,1 milliard d’euros en 2015, avec une progression jusqu’en 2023 : 1,1 milliard d’euros, puis 1,5, 1,6, 1,7 en 2019, 1,8 en 2020 ainsi qu’en 2021, 1,9 en 2022 ainsi qu’en 2023 et 0 en 2024.

M. Charles de Courson. La charge, progressive, est nette puisqu’elle n’est pas déductible, et elle s’ajoute à la TRS, qui de surcroît, je le répète, ne sera plus déductible.

Mme la Rapporteure générale. Même si la contribution au FRU et la TRS représentent de l’argent à décaisser, elles ne peuvent être ainsi additionnées : la première abondera un fonds assurantiel ; la seconde est une taxe qui, acquittée chaque année, s’éteindra dès 2019.

M. le président Gilles Carrez. Les deux calendriers ne coïncident pas tout à fait, si bien que les charges des banques augmenteront en 2015. Toutefois, la décision d’éteindre la TRS avant la contribution au FRU me semble opportune.

M. Charles de Courson. La baisse progressive de la TRS dans les cinq ans qui viennent ne compensera pas, en 2015, le manque à gagner lié à sa non-déductibilité ; c’est pourquoi je soulevais la question de la nature juridique de la FRU, dont dépend l’inscription comptable.

M. Christophe Caresche. Le FRU, monsieur de Courson, ne sera opérationnel qu’en 2024, lorsqu’il aura été abondé à hauteur des 55 milliards d’euros programmés. D’ici à cette échéance, l’État restera en partie garant dans le cadre d’une éventuelle résolution.

La Commission rejette l’amendement CF 103.

Puis elle adopte l’article 14 modifié.

*

* *

Article 15
Suppression de la prime pour l’emploi

Le présent article supprime la prime pour l’emploi (PPE) à compter de l’imposition des revenus de 2015. Il s’agit de la première étape de la réforme d’ensemble, annoncée par le Président de la République au mois d’août dernier, des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes, à savoir la PPE et le revenu de solidarité active (RSA) dit « activité ».

Comme de nombreux travaux l’ont mis en exergue au cours des dernières années, ces deux dispositifs se juxtaposent et s’enchevêtrent, tandis que leurs objectifs, tout en s’avérant similaires, ne sont pas suffisamment clairs, ce qui nuit à leur efficacité. Bien plus, les points faibles de la PPE, notamment son manque de ciblage et sa faible redistributivité, ont été accentués par la création du RSA « activité » en 2008, qui est venu se superposer à celle-ci.

La réforme engagée par le présent article doit aboutir à la mise en place, ainsi que l’indique l’exposé des motifs, « d’un nouveau dispositif plus efficace d’incitation à l’activité et au soutien au pouvoir d’achat des salariés modestes », et ce à compter du 1er janvier 2016.

La mesure proposée n’a aucune incidence sur la PPE qui sera normalement versée à l’automne 2015, au titre de l’imposition des revenus de 2014.

Cette suppression représente une non-dépense pour l’État de 1,94 milliard d’euros en 2016. Ce montant sera alloué à la mise en place d’un nouveau dispositif. La Rapporteure générale regrette que les détails de ce nouveau dispositif n’aient pas été présentés de manière concomitante à la suppression de la PPE.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A.  LE DISPOSITIF DE LA PRIME POUR L’EMPLOI

1.  Les principes du crédit d’impôt

Codifiée à l’article 200 sexies du code général des impôts (CGI), la PPE a été instaurée par l’article unique de la loi n° 2001-458 du 30 mai 2001 portant création d’une prime pour l’emploi.

Prenant la forme d’un crédit d’impôt, elle visait à introduire une aide au retour à l’emploi et au maintien de l’activité, en remplacement d’un dispositif censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (103). Le dispositif en question prévoyait une ristourne dégressive de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), en faveur des personnes percevant un revenu d’activité inférieur à 1,4 SMIC. Il a été jugé contraire au principe d’égalité devant l’impôt, en ce que la ristourne de CSG ne tenait compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d’une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci ; il ne prenait donc pas en considération l’ensemble des facultés contributives du foyer fiscal.

Comme le soulignait le rapport de M. Didier Migaud sur le projet de loi portant création d’une prime pour l’emploi (104), « c’est comme une réponse aux observations du Conseil qu’il faut comprendre le mécanisme de la prime pour l’emploi, qui, s’il n’a pas, certes, le mérite de la simplicité qu’avait celui de la ristourne précitée, présente l’avantage d’être personnalisé : la prime varie, en effet, selon les revenus du foyer fiscal, la composition du foyer et le nombre des enfants à charge. »

Le dispositif introduit en 2001, dont les grandes lignes n’ont pas été modifiées depuis, est un crédit d’impôt calculé sur la base des revenus d’activité individuels perçus par les membres d’un foyer fiscal, et prenant en compte la composition de ce foyer et les revenus dont ils bénéficient, par le biais de majorations et de plafonds. Deux conditions d’éligibilité sont ainsi fixées :

– le revenu d’activité individuel doit être compris entre 3 743 euros et 17 451 euros, soit entre 0,27 et 1,25 SMIC ;

– le revenu fiscal de référence (RFR) du foyer fiscal doit être inférieur à certains plafonds, afin de tenir compte de l’ensemble des revenus du foyer. Il s’agit d’éviter qu’une personne dont le revenu d’activité serait inférieur à 1,25 SMIC ne soit éligible à la PPE alors que son conjoint perçoit des revenus élevés.

PLAFOND DE REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE
CONDITIONNANT LE BÉNÉFICE DE LA PRIME POUR L’EMPLOI

Catégorie de contribuable

Limite d’éligibilité

Prise en compte
des charges de famille

Personnes célibataires, veuves ou divorcées

16 251 euros
pour la première part de quotient familial

4 490 euros
par demi-part suivante (2 445 euros par quart de part, en cas de garde alternée)

Personnes soumises à imposition commune

32 498 euros
pour les deux premières parts de quotient familial

Il convient, par ailleurs, de noter que le plafond des revenus d’activité, fixé à 17 451 euros par personne percevant des revenus d’activité, est porté à 26 572 euros en cas d’imposition commune au sein d’un foyer mono-actif, c’est-à-dire lorsque l’un des membres du foyer n’exerce aucune activité professionnelle ou lorsqu’il reçoit des revenus d’activité inférieurs à 3 743 euros.

Enfin, fort logiquement, les foyers assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’année où les revenus d’activité sont perçus sont inéligibles à la PPE.

Aucune démarche spécifique du contribuable n’est requise, puisqu’il lui suffit de remplir les rubriques correspondantes de sa déclaration des revenus. Si le crédit d’impôt est inférieur à la cotisation d’impôt qui serait due au titre de l’impôt sur le revenu, il s’impute sur cette cotisation. Lorsque le montant du crédit d’impôt est supérieur à la cotisation d’impôt sur le revenu, la différence est versée aux intéressés. La prime n’est pas due lorsque son montant, avant imputation sur l’impôt sur le revenu, est inférieur à 30 euros.

2.  Les modalités de calcul de la prime

● Les modalités de calcul de la prime pour l’emploi, qui s’avèrent relativement complexes, sont retracées dans le tableau ci-dessous :

APPLICATION DU BARÈME DE LA PPE

Situation de famille

Montant des revenus d’activité en euros (équivalent temps plein annuel)
(R)

Montant de la prime individuelle

Majoration pour personne à charge

Célibataire, veuf ou divorcé, marié bi-actif ou personne à charge du foyer exerçant une activité professionnelle rémunérée à plus de 3 743 euros

Entre 3 743 et 12 475

R × 7,7 %

36 euros par personne à charge (1)

Entre 12 475 et 17 451

(17 451–R) × 19,3 %

Marié mono-actif (2)

Entre 3 743 et 12 475

(R × 7,7 %) + 83 euros

Majoration forfaitaire de 36 euros par personne à charge

Entre 12 475 et 17 451

(17 451–R) × 19,3 % + 83euros

Entre 17 451 et 24 950

83 €

Entre 24 850 et 26 572

(26 572-R) × 5,1 %

Célibataire, veuf, divorcé vivant seul avec charge d’enfant(s)

Entre 3 743 et 12 475

R × 7,7 %

1ère personne : 72 euros ;

personnes suivantes : 36 euros

Entre 12 475 et 17 451

(17 451–R) × 19,3 %

Au-delà de 17 451

0

Majoration forfaitaire de 72 euros

(1) Personne sans activité professionnelle ou dont les revenus d’activité sont inférieurs à 3 743 euros.

(2) Couple dont l’un des membres n’exerce aucune activité professionnelle ou dispose de revenus d’activité professionnelle d’un montant inférieur à 3 743 euros.

Source : Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

Le montant de la prime individuelle est déterminé selon un barème croissant, à savoir 7,7 % du revenu d’activité en année pleine, jusqu’à un montant annuel de 12 475 euros, lequel correspond au revenu pour lequel la PPE versée est maximale, en atteignant par an 961 euros. À partir d’un revenu de 12 475 euros, le barème décroît, en étant égal à 19,3 % de la différence entre 17 451 euros et le revenu perçu.

Si la prime pour l’emploi est pour l’essentiel calculée sur des bases individuelles, elle est quelque peu « familialisée » par les majorations au titre de la mono-activité au sein du foyer fiscal, mais aussi par celles pour charges de famille. Les montants de ces majorations forfaitaires s’avèrent toutefois quasi symboliques, à hauteur de 36 euros ou 72 euros par an, selon les cas, pour personne à charge, et jusqu’à 83 euros pour mono-activité.

● Un mécanisme de majoration de la PPE pour les travailleurs employés à temps partiel ou sur une partie de l’année seulement a été introduit en loi de finances pour 2003, puis renforcé par la suite, en 2006 et 2007. Cette majoration est calculée suivant une méthode d’une simplicité toute relative, retracée dans le tableau ci-dessous ; elle se traduit par un supplément de 85 % de la prime attribuée aux personnes dont la durée de travail est inférieure au mi-temps.

MODALITÉS DE MAJORATION DE LA PPE POUR TRAVAIL À TEMPS PARTIEL

 

Temps de travail inférieur
à un mi-temps

Temps de travail supérieur ou égal à un mi-temps

Calcul de la PPE majorée

Prime qui aurait été versée pour un temps plein × 1,85

(Prime qui aurait été versée pour un temps plein × 0,15) + (prime « équivalent temps plein annuel » × 0,85)

Le montant de la prime, tout en augmentant avec le temps de travail, n’est donc plus strictement proportionnel à celui-ci et la PPE pour un emploi à mi-temps représente 92,5 % de la prime pour un temps plein. Son évolution en fonction du niveau des revenus d’activité est retracée ci-après (105) :

BARÈME DE LA PPE – CAS D’UN CÉLIBATAIRE

Source : direction générale du Trésor (DGTrésor).

Note de lecture : cas d’un célibataire. En deçà d’un SMIC, on considère qu’il travaille à temps partiel au SMIC horaire. Au-delà du SMIC, il travaille à temps plein.

B.  LES ÉVOLUTIONS INTERVENUES DEPUIS SA CRÉATION

1. Les modifications législatives

En premier lieu, et jusqu’à la loi de finances pour 2008 incluse, les seuils et plafonds de revenus d’activité et de RFR, ainsi que les taux utilisés pour le calcul de la prime et le montant des majorations pour charges de famille et pour mono-activité, ont été régulièrement revalorisés sur la base du taux d’inflation.

Après l’instauration, par la loi de finances pour 2003 (106), du mécanisme de majoration de la prime versée aux personnes travaillant à temps partiel, mentionné supra, la loi de finances pour 2004 (107) a introduit un dispositif d’acompte forfaitaire de PPE de 250 euros destiné aux personnes remplissant certaines conditions, et ce afin d’améliorer le caractère incitatif de la PPE à la reprise d’activité, et de lui donner davantage de lisibilité. S’inscrivant dans la même logique, la loi de finances pour 2006 (108) est venue majorer le montant de l’acompte forfaitaire, tout en modifiant ses conditions d’attribution, et elle a introduit un mécanisme de versement mensuel de PPE pour les personnes ayant bénéficié de la prime l’année précédente, à hauteur d’un douzième du montant perçu en année N-1 pendant les six premiers mois de l’année, accompagné d’une régularisation au second semestre.

C’est ensuite dans le cadre de la loi du 1er décembre 2008 créant le RSA (109) qu’ont été apportées plusieurs évolutions importantes. Pour tirer les conséquences de la création d’une nouvelle prestation destinée également à encourager la reprise d’activité, le RSA « activité », ladite a modifié les modalités de calcul de la PPE, en prévoyant l’imputation du RSA « activité » perçu en année N sur la PPE acquise au titre de ces revenus d’activité perçus en année N et versée en année N + 1.

Le RSA « activité » est ainsi traité comme un acompte non remboursable à valoir sur la PPE. De ce fait, lorsque le montant du RSA « activité » est supérieur au montant de PPE devant être versé l’année suivante, la PPE est ramenée à 0.

Présentation du revenu de solidarité active « activité »

● Le RSA, entré en vigueur le 1er juin 2009, comporte deux composantes : le RSA dit « socle », destiné à assurer un revenu minimum aux personnes sans ressources, qui fonctionne comme une allocation différentielle, avec un montant de 509,30 euros pour une personne seule et de 763,95 euros pour un couple sans enfant ; le RSA dit « chapeau » ou « activité », qui correspond à une allocation dont le montant est fonction des revenus d’activité du bénéficiaire.

L’objectif du RSA « activité » est de garantir à toute personne reprenant une activité, y compris faiblement rémunérée, un supplément de revenu par rapport à une situation d’inactivité, et ce dès la première heure travaillée. Ainsi, lorsqu’il y a une prise ou une reprise d’activité, pour un euro de revenu d’activité, les allocations servies diminuent de 0,38 euro, permettant ainsi une progression globale du revenu de 0,62 euro. Certains foyers peuvent bénéficier simultanément des deux composantes du RSA, « socle » et « activité », lorsque les ressources d’activité ne garantissent pas, à elles seules, un revenu global supérieur au minimum garanti dans le cadre du RSA « socle ».

Le montant mensuel moyen du RSA « activité » s’établit à 187 euros en 2013. Pour une personne seule, le montant est maximal à environ 0,4 SMIC de revenus.

Contrairement à la PPE, calculée sur des bases essentiellement individuelles, le RSA « activité » constitue une prestation « familialisée » : suivant la même logique que le RSA « socle », il est calculé à partir des ressources globales de la famille. L’unité de versement est spécifique, puisqu’il s’agit du « foyer RSA », qui comprend les concubins ainsi que l’ensemble des enfants jusqu’à vingt-cinq ans si leur rattachement permet une augmentation du RSA versé. Le RSA « activité » est versé chaque mois ; il est calculé à partir des revenus trimestriels du foyer.

Le RSA « activité », comme le RSA « socle », est accompagné d’une condition d’âge : son bénéfice est ouvert aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans. Il a certes été étendu aux « jeunes actifs » de moins de vingt-cinq ans par la loi de finances pour 2010, mais selon des conditions très restrictives, notamment le fait d’avoir exercé une activité professionnelle pendant au moins deux ans à temps plein au cours des trois années précédant la demande ; de ce fait, le nombre de bénéficiaires reste très limité, de l’ordre de 9 000 en 2013.

● En décembre 2013, environ 750 000 foyers étaient allocataires du RSA « activité », dont 500 000 foyers bénéficiaient du RSA « activité » seul et 250 000 bénéficiaient à la fois du RSA « socle » et du RSA « activité ». Après une forte croissance au cours des premiers mois d’existence de la prestation, l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA « activité » a fortement ralenti, sans que la cible attendue ne soit atteinte, loin s’en faut – 1,8 million de bénéficiaires étaient escomptés, selon la Cour des Comptes dans son rapport public annuel de 2011 (110). Le RSA « activité » est en effet affecté par un fort taux de non recours : le rapport de M. Christophe Sirugue (111) rappelait ainsi que le taux de non-recours était estimé à 68 % par le Comité national d’évaluation du RSA dans son rapport de 2011 (112).

NOMBRE DE FOYERS BÉNÉFICIAIRES

(en milliers)

Type de RSA

2009

2010

2011

2012

2013

RSA  « socle » seul

1 120

1 150

1 350

1 440

1 540

RSA « activité » seul

400

450

460

480

500

RSA « socle » et « activité »

180

200

220

230

250

Tous

1 700

1 800

2 030

2 140

2 300

Source : Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), Fileas (foyers ayant un dossier CNAF).

Le rapport de MM. François Auvigne et Dominique Lefebvre sur la fiscalité des ménages, publié en mai 2014 (113), dresse le bilan suivant du RSA « activité » : de par sa logique de construction et son ciblage, il possède de bonnes propriétés redistributives mais souffre d’un fort taux de non-recours par ses bénéficiaires potentiels, notamment en raison de la complexité des démarches et d’une perception sans doute stigmatisante, du fait de l’assimilation au minimum social qu’est le RSA « socle ». Le barème du RSA « activité » s’avère globalement peu incitatif pour les couples bi-actifs ; ses propriétés incitatives sont pénalisées par l’articulation du RSA « activité » et des allocations logement qui décroissent fortement avec la hausse des revenus d’activité.

Le coût budgétaire du RSA « activité » est en hausse depuis sa création, pour atteindre en 2013 1,7 milliard d’euros.

COÛT BUDGÉTAIRE DU RSA (en millions d’euros)

Type de RSA

2009

2010

2011

2012

2013

RSA « socle »

4 870

7 110

8 340

8 790

9 400

RSA « activité »

530

1 180

1 340

1 430

1 700

Total

5 400

8 290

9 680

10 220

11 100

Source : CNAF, tous régimes.

La mise en place du RSA s’est aussi accompagnée de la suppression des dispositifs d’acomptes et de versements mensuels, qui, selon le rapport public annuel de la Cour des comptes de février 2011, se sont avérés « trop lourds à gérer pour les services » et « ne répondaient pas aux attentes de bénéficiaires », d’autant plus qu’ils « posaient, en cas d’attribution erronée, des problèmes insolubles de recouvrement ».

Enfin, depuis la création du RSA, les seuils et majorations utilisés pour le calcul de la PPE n’ont pas été revalorisés. La dernière indexation intervenue résulte de la loi de finances pour 2008.

2. La forte diminution de son coût et du nombre de bénéficiaires au cours des six dernières années

● Le gel du barème de la PPE, décidé lors de la création du RSA, a été poursuivi dans la durée. Il s’est traduit mécaniquement par une diminution continue de la dépense fiscale et du nombre de foyers fiscaux bénéficiaires depuis 2008 : la dépense fiscale a été divisée par deux entre 2008 et 2014, passant de 4,5 à 2,2 milliards d’euros.

Ainsi, si la PPE, qui bénéficiait en 2013 à près de 6 millions de contribuables, est recensée, dans le tome II de l’annexe aux projets de loi de finances consacrée aux Voies et moyens, parmi les quatorze dépenses fiscales les plus coûteuses, au titre des différents impôts, sa position, au sein de ce « classement », recule d’année en année ; figurant au deuxième rang des dépenses fiscales les plus importantes dans le projet de loi de finances pour 2009, elle n’occupe plus que le cinquième rang dans le projet de loi de finances pour 2013, puis le huitième rang dans le projet de loi de finances pour 2015.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE FISCALE ASSOCIÉE À LA PRIME POUR L’EMPLOI
ET DU NOMBRE DE SES BÉNÉFICIAIRES

Année

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Dépense fiscale
(en milliards d’euros)

2,43

2,24

2,21

2,45

2,70

3,24

4,52

4,48

3,94

3,61

3,11

2,9

2,46

2,2

2,1

Nombre de bénéficiaires (en millions)

8,67

8,51

8,43

8,7

9,1

8,6

8,94

8,92

8,4

7,54

6,76

6,32

5,87

5,14

Montant moyen
(en euros)

280

263

263

282

297

377

506

502

469

479

459

459

419

428

Source : tomes II des Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances.

Le gel du barème emporte en effet deux effets principaux : le nombre de foyers fiscaux se trouvant dans le champ de la PPE a été peu à peu réduit, passant de 8,9 millions en 2008 – soit un quart du nombre total de foyers fiscaux français – à 5,9 millions en 2013 – soit un sixième des foyers fiscaux –, du fait d’une baisse des points d’entrée et de sortie dans la PPE mesurés en part de SMIC. En effet, le point d’entrée de 3 743 euros, qui correspondait à 0,3 SMIC en 2008, ne représente plus que 0,27 SMIC en 2014, tandis que le point de sortie de 17 451 euros, qui correspondait à 1,4 SMIC en 2008, représente désormais 1,25 SMIC.

Deuxième conséquence du gel, les montants moyens versés ont diminué : pour un salarié au SMIC, le montant de la prime avant imputation du RSA « activité » a été ramené de 953 euros en 2008 à 717 euros en 2013 ; du fait de la revalorisation annuelle du SMIC, un salarié à temps plein au SMIC, qui se trouvait en 2008 quasiment sur le point le plus haut du barème de la PPE, se trouve désormais sur sa partie décroissante.

Le tableau suivant permet de disposer d’une estimation du gain budgétaire résultant chaque année du gel du barème de la PPE depuis la loi de finances pour 2009 :

IMPACT BUDGÉTAIRE RÉSULTANT DU GEL DE LA PRIME POUR L’EMPLOI
DEPUIS LA LOI DE FINANCES POUR 2009

Année d’imposition

2009

(sur les revenus de 2008)

2010

(sur les revenus de 2009)

2011

(sur les revenus de 2010)

2012

(sur les revenus de 2011)

2013

(sur les revenus de 2012)

2014

(sur les revenus de 2013)

Économie réalisée (en millions d’euros)

602

70

259

350

304

104

Inflation prévue par le Rapport économique, social et financier (en %)

2,9

0,4

1,5

2,2

2

0,8

Source : échantillons de 500 000 déclarations de revenus 2008 à 2012 (l’échantillon pour 2012 ayant été vieilli en 2013) et calculs de la DGTrésor.

● Aux effets du gel vient s’ajouter l’incidence de l’imputation du RSA sur la PPE versée l’année suivante, laquelle imputation réduit par ailleurs le montant de la dépense fiscale correspond à la prime pour l’emploi – le montant renseigné dans le tome II du fascicule des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances et présentant le montant total de PPE, après imputation du RSA (114).

À cet égard, environ 600 000 foyers bénéficient à la fois de la PPE et du RSA « activité », mais le nombre de foyers qui perçoivent effectivement la PPE et le RSA, c’est-à-dire les foyers dont la PPE est supérieure au RSA, est beaucoup plus limité, de l’ordre de 114 000 en 2014. Pour cette même année 2014, l’imputation du RSA sur la PPE représente un montant total de l’ordre de 200 millions d’euros.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE FOYERS BÉNÉFICIAIRES DE LA PPE ET DU RSA

(en millions)

Année d’imposition

2011

2012

2013

2014

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la PPE avant imputation du RSA

7,18

6,76

6,38

5,62

Nombre de foyers bénéficiaires de la PPE (avant imputation du RSA) et du RSA

0,598

0,604

0,65

0,596

Dont nombre de foyers dont le montant du RSA est supérieur à celui de la PPE

0,42

0,44

0,509

0,483

Dont nombre de foyers bénéficiaires effectifs de la PPE et du RSA

0,178

0,164

0,141

0,114

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la PPE après imputation du RSA

6,76

6,33

5,87

5,14

Source : direction générale des finances publiques.

● Du fait des plafonds de revenus d’activité et de RFR des contribuables bénéficiaires de la PPE, ces derniers sont le plus souvent non imposables ; la prime pour l’emploi se traduit donc, pour la majeure partie de son montant, par des restitutions de la part du Trésor public, la part correspondant à des imputations sur l’impôt dû étant minoritaire. Au cours des dernières années, le montant des remboursements a oscillé entre 77 % et 88 % du montant total de la dépense fiscale, comme l’illustre le tableau ci-dessous.

VENTILATION DE LA PRIME POUR L’EMPLOI ENTRE LES REMBOURSEMENTS
ET LES IMPUTATIONS SUR L’IMPÔT DÛ

(en milliards d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Dépense fiscale totale

3,94

3,61

3,11

2,9

2,46

2,2

2,1

Dont remboursements

3,1

2,93

2,48

2,22

1,88

1,92

1,84

Dont imputations

0,84

0,68

0,63

0,68

0,58

0,28

0,26

Part des remboursements
(en %)

78,7

81,2

79,7

76,6

76,4

87,3

87,6

Source : tomes I et II des Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances.

Par exemple, pour l’année 2013, la dépense fiscale totale au titre de la PPE s’élevait à 2,46 milliards d’euros : sur cette somme, 1,88 milliard d’euros ont été versés sous forme de restitution aux foyers fiscaux bénéficiaires, qui ne sont pas imposables, tandis qu’environ 580 millions d’euros correspondent à une diminution de l’impôt dû.

C.  DES CRITIQUES RÉCURRENTES À SON ENCONTRE, NOTAMMENT SUR SON ARTICULATION AVEC LE REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE

La PPE a donné lieu à de nombreux travaux et rapports depuis sa création, parmi lesquels on peut citer l’insertion au Rapport public annuel de la Cour des comptes de 2006 (115), puis celle au rapport public précité de 2011, une des nombreuses annexes du rapport du Comité d’évaluation des niches fiscales et des dépenses sociales publié en 2011, dit « rapport Guillaume » (116), mais aussi le rapport précité de M. Christophe Sirugue de juillet 2013 sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes, lequel portait à la fois sur la PPE et le RSA ; enfin, le rapport précité de mai 2014 sur la fiscalité des ménages comportait tout un volet intitulé « soutien au pouvoir d’achat des ménages modestes et incitation à l’activité ».

Ces différents rapports ont mis en évidence les points faibles et les limites de la PPE, apparus au fil du temps et fortement accentués par la création du RSA « activité », laquelle ne s’est pas accompagnée d’une véritable rationalisation des dispositifs en la matière. La Cour des comptes relevait en 2011 que les objectifs de la PPE s’avéraient de plus en plus confus, et que le dispositif se caractérisait par son manque de ciblage. Le « rapport Guillaume » avait attribué à la PPE une note de 1, sur une échelle de 0 à 3, en soulignant l’aggravation des insuffisances reprochées à la PPE depuis la création du RSA. Le rapport de M. Sirugue, tout comme celui de MM. Auvigne et Lefebvre, sont venus dresser un diagnostic circonstancié des faiblesses de la PPE et du RSA et de leur mauvaise articulation.

L’ensemble de ces travaux plaide en faveur d’une réforme d’ensemble des dispositifs d’incitation à l’activité et de soutien aux revenus modestes, laquelle réforme passe nécessairement par une suppression de la PPE.

1.  Des objectifs brouillés, une absence d’articulation avec le RSA

L’objectif assigné à la prime pour l’emploi par la loi précitée de 2001 est, aux termes de l’article 200 sexies du CGI, « d’inciter au retour à l’emploi ou au maintien de l’activité ». Néanmoins, au fil de ses modifications successives, visant notamment à renforcer les revenus des travailleurs faiblement rémunérés, la PPE est apparue tout autant comme un véritable complément de rémunération pour les personnes percevant des revenus d’activité peu élevés.

Elle a également constitué un instrument d’accompagnement de la modération du coût du travail, en permettant de dissocier, pour les rémunérations proches du SMIC, l’évolution du revenu disponible du salarié de celle du coût du travail pour l’employeur ; elle s’est donc traduite par une distribution de pouvoir d’achat, tout en modérant l’évolution du SMIC et le montant des allégements de charges sociales sur les bas salaires.

Cette confusion des objectifs a été accentuée par la création du RSA « activité » en décembre 2008, qui poursuit les mêmes finalités. Dans son rapport de 2005 (117), la « commission Hirsch » proposait l’intégration de la PPE au nouveau dispositif. Cette option n’a toutefois pas été retenue pour éviter qu’un trop grand nombre de foyers fiscaux ne soit perdant dans la réforme. Selon les estimations alors réalisées par la direction générale du Trésor, la suppression de la PPE en aurait alors concerné environ 6 millions de ménages, pour une perte annuelle moyenne de l’ordre de 500 euros. L’articulation entre RSA et PPE s’est donc faite a minima, par l’imputation du RSA sur la PPE versée l’année suivante, afin d’éviter le cumul des deux dispositifs. Ces derniers ont été appliqués tels quels, sans aucune redéfinition des objectifs de la PPE ni de son public, ce qui ne favorise guère la lisibilité d’ensemble des mécanismes de soutien aux travailleurs modestes.

Le schéma suivant, figurant en annexe du rapport précité de MM. Auvigne et Lefebvre, permet d’ailleurs de mesurer l’imbrication des dispositifs : il présente sous forme « simplifiée » l’articulation entre RSA et PPE, en fonction du montant des revenus d’activité, en posant comme hypothèse le recours du ménage concerné au RSA :


– la partie (1) correspond aux ménages percevant le RSA « activité », et non-éligibles à la prime pour l’emploi (pour les revenus inférieurs à 0,27 SMIC) ;

– la partie (2) correspondant aux ménages percevant seulement du RSA, éligibles à la PPE : la PPE n’est pas versée, puisque son montant est inférieur ou égal au montant du RSA ;

– la partie (3) correspond aux ménages percevant du RSA et un complément correspondant à la différence entre la PPE calculée et le RSA déjà perçu : le montant de leur PPE est supérieur à leur montant de RSA ;

– la partie (4) correspond aux ménages percevant seulement de la PPE, donc au-delà du point de sortie du RSA, qui est plus précoce que celui de la PPE.

La création du RSA a également été accompagnée, comme présenté supra, par un gel du barème de la PPE ; initialement présenté comme transitoire, dans la perspective d’un rapprochement entre PPE et RSA, le gel a été pérennisé depuis. Le pilotage de la PPE s’est résumé de fait à sa mise en extinction progressive. Comme le précise le rapport de M. Christophe Sirugue, à trajectoire inchangée, les dépenses de PPE décroîtraient de façon continue jusqu’à ce que ne subsistent plus que les majorations pour mono-activité et pour charges de famille, à l’horizon de 2029.

2.  Un manque de ciblage, aboutissant à une forme de saupoudrage et à une faible redistributivité

La prime pour l’emploi, du fait de son grand nombre de bénéficiaires, conduit à une forme de saupoudrage de la dépense fiscale : celle-ci bénéficie à un grand nombre de personnes, mais pour un montant unitaire limité, parfois même symbolique, ce qui réduit considérablement son efficacité et son caractère redistributif. À cet égard, le « rapport Guillaume » observait que le « Working Tax Credit » (WTC), homologue britannique de la PPE française, ne bénéficiait qu’à un foyer sur vingt, alors que la PPE concernait en 2009 un quart des ménages français (un sixième aujourd’hui).

● La répartition du bénéfice de la prime par décile de niveau de vie, présenté dans le graphique ci-dessous, permet de constater son manque de ciblage : la PPE bénéficie à l’ensemble des déciles de niveau de vie, même si elle s’avère quelque peu concentrée sur les deuxième à sixième déciles. Les trois derniers déciles bénéficient ainsi d’une part non négligeable de la dépense fiscale. ce qui s’explique notamment par le point de sortie relativement haut du dispositif, à hauteur de 1,25 SMIC, et par un plafond de RFR fixé à un montant là encore relativement élevé de 32 498 euros pour un couple, avec des majorations par personne à charge. Enfin, les majorations forfaitaires permettant de « familialiser » le dispositif ne contribuent pas à améliorer son caractère redistributif.

RÉPARTITION DE LA PPE COMPLÉMENTAIRE INDIVIDUELLE (PPE RESTANTE APRÈS IMPUTATION DU RSA) PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE EN 2014 (REVENUS 2013)

Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine.

Source : modèle de micro-simulation Saphir 2014 de la DGTrésor, ERFS 2010 vieilli 2014 et législation 2014.

Le tableau ci-dessous présente les bornes supérieures des déciles de niveau de vie retenue pour établir le graphique ci-dessus :

Décile de niveau de vie 2014

Borne supérieure du décile de niveau de vie (en euros)

1

10 800

2

13 520

3

15 690

4

17 740

5

19 910

6

22 410

7

25 490

8

29 870

9

37 950

Source : modèle de micro-simulation Saphir 2014 de la DGTrésor, ERFS 2010 vieilli 2014 et législation 2014.

Le graphique se lit donc comme suit : le quatrième décile, c’est-à-dire les foyers dont le niveau de vie est compris entre 15 690 et 17 740 euros, perçoit 13 % du montant total de la PPE.

Le défaut de ciblage a été aggravé par la création du RSA « activité » ; la PPE n’étant perçue, du moins dans son intégralité, que par les ménages non éligibles au RSA « activité », la distribution de la PPE s’est élevée dans l’échelle des revenus.

La dispersion du bénéfice de la PPE peut également être analysée par décile de RFR des foyers fiscaux. Le tableau suivant, qui fournit des seuils de RFR mais ne permet pas de tenir compte de la composition du foyer fiscal, présente ainsi, pour chaque décile de RFR, le nombre de foyers bénéficiaires et le montant moyen de PPE du foyer fiscal, et ce avant et après imputation, le cas échéant, du RSA :

VENTILATION PAR DÉCILE DE RFR DES FOYERS FISCAUX
BÉNÉFICIAIRES DE LA PPE EN 2014


Veb

Source : bureau GF3c, direction générale des finances publiques (deuxième émission des revenus de 2013).

Si près de 44 % des bénéficiaires de la PPE (après imputation du RSA) se trouvent sur les troisième et quatrième déciles de RFR des foyers fiscaux, environ 20 % de ces bénéficiaires sont positionnés sur les septième et huitième déciles de RFR.

● La PPE ne bénéficie pas aux travailleurs les plus pauvres et les plus précaires, puisqu’elle n’est versée qu’à partir de revenus d’activité annuels supérieurs à 3 743 euros. Ainsi, dans son Rapport public annuel de 2011, la Cour des comptes soulignait que « lors de la création de la PPE, le choix a été clairement fait, après la forte augmentation de la précarité et du temps partiel au cours de la décennie précédente, d’exclure du bénéfice de la prime les temps de travail les plus réduits ». De ce fait, plus du tiers des travailleurs pauvres n’avait pas accès à la PPE en raison de revenus d’activité trop faibles, selon le « rapport Guillaume ».

● La répartition de la PPE entre un grand nombre de foyers fiscaux, relevant de l’ensemble des déciles, se traduit par de faibles montants unitaires versés. Ainsi, le nombre de foyers fiscaux qui perçoivent une prime inférieure à 100 euros (soit quelques 8,3 euros par mois) est estimé à près d’un million avant l’imputation du RSA, et à 1,4 million après imputation du RSA. Seulement 10 % des bénéficiaires, soit 561 000 foyers fiscaux, perçoivent une PPE supérieure à 795 euros par an (avant imputation du RSA), soit 66,2 euros par mois (118).

Au total, le montant moyen annuel de la PPE s’établissait en 2012 à 432 euros, soit 36 euros par mois – à comparer avec le montant moyen mensuel du RSA « activité », beaucoup plus ciblé sur les bas revenus, de l’ordre de 187 euros en 2013.

Le tableau ci-dessous présente, pour chaque décile de PPE liquidée par foyer fiscal, le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires avant et après imputation du RSA. Il convient de noter que le second décile présente un effectif plus élevé que les autres du fait d’un point d’accumulation dans la distribution de la PPE à 119 euros, niveau lié notamment aux foyers bénéficiant seulement de la majoration de 83 euros pour les couples mono-actifs et de la majoration pour personne à charge de 36 euros. Cette discontinuité localisée dans le second décile conduit à un déficit dans le troisième décile.


Source : bureau GF3c, direction générale des finances publiques (deuxième émission des revenus de 2013).

● Le montant limité des primes versées et le grand nombre de bénéficiaires aboutissent à une faible redistributivité de la prestation : selon des données présentées dans le rapport de la Cour des comptes de 2011, désormais datées, en 2008, la PPE ne réduisait que de 3,3 % les inégalités de niveaux de vie dans la population. Sa contribution à la réduction de la pauvreté s’avérait aussi médiocre : en 2007, seulement 6 % des bénéficiaires sortaient de la pauvreté grâce à ses effets.

Des données plus récentes présentées en annexe du rapport sur la fiscalité de ménages de 2014 viennent corroborer cette analyse. Un tableau retrace les effets détaillés des prestations et prélèvements du système socio-fiscal français sur les inégalités de niveaux de vie : il permet de constater que ce sont les prestations sociales qui contribuent le plus à la diminution des inégalités (119), à hauteur de 61 %, tandis que la contribution des impôts directs est de 39 %, et repose uniquement sur l’impôt sur le revenu : sur ce total de 39 %, la PPE, au sein de l’impôt sur le revenu, ne contribue qu’à hauteur de 1 % à la réduction des inégalités…

3.  Un décalage dans le temps du versement, une incitation limitée à la reprise d’activité

En raison de son adossement à la déclaration d’impôt sur le revenu, la prime pour l’emploi est versée de façon très décalée dans le temps, et en une seule fois : ses bénéficiaires ne la perçoivent qu’au troisième trimestre de l’année N + 1, sur la base des revenus d’activité perçus en année N. Comme vu supra, du fait des difficultés de gestion, le versement d’acomptes et la mensualisation introduits en 2004 et 2006 ont été supprimés en 2008.

De plus, la complexité du mode de calcul de la PPE rend difficile, pour ses bénéficiaires potentiels, d’anticiper son montant. Cette complexité est par ailleurs aggravée par son cumul avec le RSA « activité » et son imputation sur la PPE à percevoir sur l’année suivante.

Le décalage dans le temps de la perception de la PPE, combiné à son montant relativement limité, se traduit nécessairement par une efficacité restreinte dans l’incitation à la reprise d’activité. La PPE peut n’être versée que vingt et un mois après une reprise d’activité, si cette dernière intervient en janvier de l’année N, pour une prime versée en septembre de l’année N + 1. Si l’on ajoute le fait que le calcul de la prime escomptée requiert du bénéficiaire potentiel des trésors d’ingéniosité, on voit mal comment la PPE pourrait constituer un motif décisif pour reprendre un emploi à un instant t.

Dans son rapport de 2011, la Cour des comptes relevait que, si l’impact de la PPE sur l’activité était difficile à appréhender, les analyses des mouvements d’entrée et de sortie du dispositif mettaient en évidence que les entrées résultaient le plus souvent d’un changement de revenu et/ou de situation familiale. Elles n’étaient que peu liées à une reprise d’activité. Ce constat, même s’il ne concerne pas un éventuel effet de « maintien dans l’emploi » et n’est pas suffisant pour tirer des conclusions définitives, ne suggère toutefois guère une forte efficacité de la mesure.

De ce constat, il découle que la PPE ne remplit pas de façon satisfaisante ses deux objectifs principaux, à savoir le soutien aux revenus d’activité modestes, du fait d’un trop grand saupoudrage et d’une faible redistributivité, et l’encouragement à la reprise d’activité, pour ces mêmes raisons, auxquelles s’ajoute son décalage temporel.

4.  Des situations parfois inéquitables

Les mécanismes propres à la PPE, et notamment son caractère individuel, peu tempéré par quelques éléments de « familialisation », conduisent à des situations dont l’équité peut être discutée, du moins d’un point de vue redistributif. Un couple de salariés au SMIC perçoit ainsi une PPE quasiment deux fois supérieure à celle reçue par un couple dont un seul membre travaille et perçoit un SMIC, alors que ce dernier ménage est plus pauvre. Il convient néanmoins de noter que de ce fait, la PPE encourage la bi-activité au sein du couple, ce qui permet de corriger les effets du RSA « activité » en la matière : celui-ci, parce qu’il est « familialisé », peut en effet décourager l’activité du conjoint.

Par ailleurs, le critère d’un plafond de RFR au niveau du foyer fiscal peut conduire à ce qu’une personne percevant des revenus d’activité modestes puisse bénéficier de la PPE tout en vivant avec une personne aux revenus très élevés, si ces deux personnes sont en concubinage et constituent deux foyers fiscaux distincts.

Plus largement, la réforme intervenue en 2003, qui a conduit à accorder des majorations aux travailleurs à temps partiels, emporte des effets paradoxaux : les temps partiels se trouvent effectivement mieux pris en compte et la différence se réduit entre le montant maximal de PPE accordé au niveau du SMIC et les montants distribués en-deçà, mais la différence entre ceux qui bénéficient du dispositif et ceux qui restent en dehors est accentuée.

Enfin, comme le souligne le rapport précité sur la fiscalité des ménages de 2014, le recours à l’outil du crédit d’impôt pour soutenir les revenus modestes participe de la déformation du bas du barème progressif de l’impôt sur le revenu et de sa faible lisibilité, aux côtés de divers autres mécanismes (abattements pour les personnes âgées, seuil de mise en recouvrement de l’impôt…).

Pour autant, l’énumération des faiblesses de la PPE ne doit pas conduire à occulter ses quelques points forts. En premier lieu, son taux de recours est élevé : du fait de son association à la déclaration d’impôt sur le revenu, la PPE constitue une prestation facile à obtenir, ne requérant pas de démarches spécifiques et elle est désormais bien connue des contribuables. Le taux de recours était estimé entre 95 % et 97 % par le « rapport Guillaume » – à comparer au fort taux de non-recours du RSA « activité ». Ensuite, la PPE bénéficie à l’ensemble des contribuables, quel que soit leur âge, à la différence du RSA « activité », qui bénéficie pour l’essentiel aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans.

II. LA SUPPRESSION DE LA PRIME POUR L’EMPLOI À COMPTER DE 2016, DANS LE CADRE D’UNE RÉFORME DU SOUTIEN AUX REVENUS D’ACTIVITÉ MODESTES

Les diverses analyses conduites depuis plusieurs années sur la PPE et/ou le RSA concluent toutes à la nécessité d’une réforme d’ensemble de l’architecture des prestations destinées au soutien des travailleurs modestes.

S’il ne faut pas sous-estimer les écueils d’une telle entreprise, compte tenu de la complexité des dispositifs et de leurs interactions, il apparaît indispensable de la mener à bien afin de soutenir plus efficacement et plus fortement des ménages aux revenus modestes et souvent précaires, dans un contexte difficile du marché de l’emploi, et d’assurer une plus grande efficience des moyens alloués en la matière. Une telle réforme nécessite de supprimer la prime pour l’emploi, dont les points faibles font l’objet d’un consensus ; cette suppression constitue la première étape d’un processus devant aboutir à l’entrée en vigueur d’un nouveau dispositif plus efficace à compter du 1er janvier 2016.

A.  LA SUPPRESSION DU DISPOSITIF À COMPTER DE L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2015

● Le présent article vient supprimer la prime pour l’emploi à compter de l’imposition des revenus de 2015.

Pour ce faire, le A du I vient abroger l’article 200 sexies du CGI, tandis que, par coordination, le B du I supprime la référence à ce même article dans les dispositions relatives au plafonnement des niches fiscales, prévues par l’article 200-0 A du même code. Enfin, le II vise à abroger l’article L. 262-23 du code de l’action sociale et des familles, relatif aux modalités d’imputation du RSA sur la prime pour l’emploi, dans le cas où le bénéficiaire du RSA et son conjoint, concubin ou partenaire de pacs, qui constituent un « foyer RSA », se répartissent dans deux foyers fiscaux distincts.

Le présent article est bien évidemment sans incidence sur la PPE versée en 2015, au titre des revenus de 2014.

● Le Gouvernement a décidé de supprimer la PPE perçue au titre des revenus de 2015 dès 2014, en loi de finances rectificative, afin d’éviter tout risque de censure par le Conseil constitutionnel d’une abrogation de la PPE en 2015 pour l’imposition des revenus de cette même année.

Certes, s’agissant d’impôt sur le revenu, il est possible de modifier les règles d’assiette, de taux ou de liquidation jusqu’au moment du fait générateur de l’impôt, soit le 31 décembre de l’année de perception des revenus : cela correspond à la notion de « petite rétroactivité », issue de la jurisprudence du Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs confirmé ce principe dans sa décision sur la loi de finances pour 2013 (120), estimant que cette « petite rétroactivité » est inhérente à des impositions acquittées en année N + 1 sur des revenus ou des produits réalisés en année N. Il a ainsi jugé que la modification, en fin d’année 2012, des règles applicables aux impôts dus en 2013 au titre de l’année 2012, ne portait pas atteinte à des situations légalement acquises.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas l’existence d’un principe de confiance légitime. Au contraire, il juge qu’il est loisible au législateur d’adopter des dispositions fiscales rétroactives dès lors qu’il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles.

Pour autant, la PPE pourrait être considérée comme présentant les caractéristiques d’un droit ; on pourrait estimer que sa suppression en 2015, pour l’imposition des revenus de la même année, constituerait une atteinte à la garantie des droits, qui ne serait pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ou, pour reprendre une terminologie plus récente, un impérieux motif d’intérêt général, lequel ne peut être un simple motif budgétaire. En effet, dans sa décision sur la loi de finances pour 2006 (121), le Conseil constitutionnel a jugé « qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la Déclaration de 1789 s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ».

La question de la nature de la PPE, et de son assimilation à un droit, est sans doute susceptible de susciter des débats. En tout état de cause, le Gouvernement a fait le choix de la prudence, tout en souhaitant donner aux contribuables de la visibilité sur les règles fiscales à venir. La Rapporteure générale regrette que la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes ne soit pas présentée concomitamment à la mesure de suppression de la prime pour l’emploi, afin de disposer d’une vision précise du dispositif de remplacement à venir.

B.  QUELLE RÉFORME POUR LE SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS AUX REVENUS MODESTES ?

● Le rapport de M. Sirugue avait proposé quatre pistes, en examinant pour chacune d’entre elles les avantages et les inconvénients :

– une fusion de la PPE et du RSA dans une PPE rénovée : celle-ci s’appliquerait dès le premier euro gagné, son point de sortie serait plus bas, à 1,1 SMIC, et son barème serait refondu, pour conduire à un montant maximal de 2 000 euros par an par foyer fiscal. Si ce scénario garantirait l’automaticité des versements, du fait du maintien du vecteur fiscal, il présenterait un caractère anti-redistributif, les ménages les plus modestes supportant l’essentiel des pertes ; les difficultés associées au décalage dans le temps du versement subsisteraient ;

– un recyclage de la PPE dans un RSA renforcé et ouvert aux moins de vingt-cinq ans : le barème serait maintenu, de même que la « familialisation » de la prestation, et la « base ressources » serait simplifiée ; la prestation serait ouverte aux personnes de moins de vingt-cinq ans, sans conditions spécifiques. Cette option permettrait de conserver la réactivité du RSA, versé mensuellement, ainsi que son ciblage sur les plus modestes, mais le problème du fort taux de non-recours resterait entier ;

– une exonération de cotisations sociales salariales sur les bas revenus : cette piste a été toutefois écartée par le rapport de M. Sirugue, sans être approfondie. Elle a ensuite été mise en œuvre par l’article 1er de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, lequel article a été déclaré non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel en août dernier (122) au motif qu’il méconnaissait le principe d’égalité ;

– une fusion de la PPE et du RSA au sein d’une nouvelle prestation individualisée, qui était la piste privilégiée : le dispositif serait ouvert à tous les travailleurs, sans condition d’âge, et dès le premier euro gagné. Son montant serait fonction des seuls revenus d’activité individuels, avec un point haut à hauteur de 0,7 SMIC et un point de sortie à 1,2 SMIC, ainsi qu’une condition d’éligibilité basée sur les revenus du foyer. La prestation serait versée mensuellement, sur la base de déclarations trimestrielles. Cette option permettrait de simplifier la « base ressources », limitée aux seuls revenus d’activité individuels, et d’améliorer fortement la lisibilité du dispositif. En revanche, elle se caractériserait par un faible niveau de redistributivité, avec la concentration des pertes sur les premiers déciles ; le rapport préconise donc de prévoir des mesures complémentaires pour les familles vulnérables, notamment les familles monoparentales et les familles monoactives.

● Les modalités de la réforme envisagée ne sont pour l’heure pas connues avec précision. Lors du Conseil des ministres du 20 novembre dernier, le Premier ministre en a présenté ses grandes lignes. Aux termes du compte rendu du Conseil, le nouveau dispositif de prime d’activité, qui doit se substituer à compter du 1er janvier 2016 à la PPE et au RSA « activité », vise à toucher les travailleurs les plus modestes et à leur redistribuer du pouvoir d’achat chaque mois, et non l’année suivante comme la PPE aujourd’hui. Il sera ouvert aux actifs dont la rémunération est voisine du SMIC et qui appartiennent à des ménages aux revenus modestes. Il doit comporter une partie individualisée, fonction des revenus d’activité, et une partie « familialisée », pour prendre en compte les différences de situation familiale.

Ouvert à tous les travailleurs, y compris ceux de moins de vingt-cinq ans, il prendra la forme d’une prestation mensuelle servie par les caisses d’allocations familiales, avec un droit simplifié et un montant figé sur trois mois, pour éviter des régularisations trop fréquentes.

La réforme doit être conduite à coûts constants, c’est-à-dire sur la base du coût de la PPE et du RSA, de l’ordre de 4 milliards d’euros.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution du coût cumulé des deux dispositifs depuis 2008 ; il est en diminution depuis 2010, la hausse des dépenses associées au RSA « activité » ne compensant pas la forte baisse du coût de la PPE.

ÉVOLUTION DU COÛT CUMULÉ DE LA PPE ET DU RSA DEPUIS 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Dépense fiscale au titre de la PPE (en milliards d’euros)

4,48

3,94

3,61

3,1

2,9

2,46

2,2

2,1

Coût budgétaire du RSA «activité » (en milliards d’euros)

0,53

1,18

1,34

1,43

1,7

Total PPE+RSA

4,48

4,47

4,79

4,44

4,33

4,16

Nombre de bénéficiaires de la PPE (en millions)

8,92

8,4

7,54

6,76

6,32

5,87

Nombre de bénéficiaires
(en millions)

0,58

0,65

0,68

0,71

0,75

Le dispositif ainsi esquissé à grands traits a vocation à être plus simple et plus lisible, à donner lieu à une prestation mensuelle, donc mieux adaptée aux besoins des bénéficiaires, et à être ouvert à tous, y compris aux plus jeunes. Il reste toutefois difficile de prendre la mesure de ses effets, tant que les modalités de calcul du montant de la future prime et les conditions d’éligibilité, notamment, ne sont pas davantage précisées.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 104 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI plaidait pour la suppression de la prime pour l’emploi – PPE –, moyennant une baisse des cotisations salariales pour les bas salaires.

Avec le présent amendement, nous suggérons que le Gouvernement réfléchisse à un abattement à la base qui, pour le coup, serait constitutionnel : il s’établirait à 35 euros jusqu’à un salaire de 1,4 SMIC. Le coût serait celui de la PPE, soit au total 4 milliards d’euros – puisque cette prime se compose pour partie d’une réduction de l’impôt sur le revenu, et pour une autre d’un versement au bénéfice des salariés non imposables.

Les baisses de cotisations sociales sont plus efficaces pour les bas que pour les hauts salaires ; d’où l’idée de réorienter la PPE vers les travailleurs modestes, via cet abattement qui, au fond, équivaut à une réévaluation de 3 % du SMIC.

Mme la Rapporteure générale. Votre proposition s’exposerait lui aussi à une censure du Conseil constitutionnel, pour les mêmes raisons qu’en août dernier. Avis défavorable.

M. Dominique Lefebvre. Je remercie M. de Courson de citer un rapport auquel il a contribué activement en participant au groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Il ne m’appartient pas de commenter la décision du Conseil constitutionnel sur cette mesure lisible, claire et pratique. Plusieurs sujets s’entrechoquaient quand celui-ci a rendu sa décision, qui a probablement été prise à une faible majorité.

Pour l’heure, le Gouvernement et le groupe socialiste n’ont pas l’intention de s’exposer à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, qui ne pourrait que retarder l’application des mesures nécessaires. Depuis l’audition des ministres, le Premier ministre a été très clair : nous devons savoir où nous allons quand nous voterons en séance la suppression de la PPE, laquelle est issue d’un mécanisme complexe, illisible pour nos concitoyens et probablement mal ciblé.

Jugeant inutile de revenir sur la progressivité des cotisations sociales salariales, le Gouvernement souhaite fondre la PPE actuelle et le revenu de solidarité active – RSA – activité, qui correspondent, l’un, à un crédit d’impôt, l’autre à une allocation, tous deux financés par l’État. La prestation issue de cette fusion, et délivrée par le réseau des caisses d’allocations familiales – CAF –, incitera le plus possible à l’activité, le revenu du travail devant être significativement plus élevé que celui de l’assistance. La prestation sera ouverte aux jeunes, lesquels sont aujourd’hui quasi exclus du RSA « activité », alors qu’ils bénéficient de la PPE, et elle reposera sur un mécanisme de déclaration de ressources trimestrielle, qui la rendra plus lisible.

La prestation sera versée plus rapidement que la PPE : ses bénéficiaires ne seront pas tenus d’attendre neuf mois après la fin de l’année pour savoir combien ils recevront au titre de leurs revenus de l’année précédente. Elle sera stable, parce qu’elle sera calculée à partir des déclarations de ressources trimestrielles. Elle sera plus resserrée, puisqu’assortie, pour la personne, d’un critère de travail salarié et, pour le ménage, d’un critère de revenu. Actuellement, une personne ayant un salaire faible bénéficie de la PPE même si le couple perçoit des revenus relativement élevés. La principale avancée de la réforme sera l’ouverture du dispositif aux jeunes salariés, qui sont souvent les premiers travailleurs pauvres.

Une incertitude importante porte toutefois sur le taux de recours final. Celui du RSA « activité » est faible, ce qu’on peut imputer à la méconnaissance du dispositif, à la peur de la stigmatisation ou aux démarches administratives à effectuer – alors même que, par ailleurs, le RSA « activité » était imputé sur la PPE versée l’année suivante, et ne constituait parfois de ce fait qu’une avance sur la PPE à venir.

M. le président Gilles Carrez. Si le nouveau dispositif est mis en place dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016, sera-t-il applicable au 1er janvier 2016 ?

M. Dominique Lefebvre. Nous aiderions le système à se mettre en place, si nous votions une loi de finances rectificative au printemps ou en juillet. Cependant, il ne faut pas être pessimiste : il y a vingt-six ans, nous avons réussi à verser dès le 31 décembre le revenu minimum d’insertion – RMI – voté le 1er décembre. Reste que nous devons encore effectuer un important travail de simulation pour caler le dispositif.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement nous renvoie au débat ancien qui a conduit à la création de la PPE. Initialement, la CSG était une contribution proportionnelle, destinée à financer la protection sociale et relativement réduite. Nul ne pensait qu’elle finirait par rapporter deux fois plus que l’impôt sur le revenu, ce qui aboutit à un paradoxe : il existe en fait deux impôts sur le revenu, l’un proportionnel, la CSG, l’autre progressif, l’impôt sur le revenu.

Sous le gouvernement Jospin, nous avions envisagé de rendre la CSG progressive. Pour ce faire, il suffisait, puisque son taux est constant, d’instaurer un abattement à la base. Malheureusement, le Conseil constitutionnel a décidé que, la CSG étant un impôt, elle devait être cohérente avec l’impôt sur le revenu – IR –, ce qui interdisait de la rendre progressive si elle n’était pas familialisée. Nous avons donc inventé la PPE, inspirée du principe de l’impôt négatif, bien qu’on évite, à gauche, d’utiliser l’expression – à tort, selon moi, car Milton Friedman n’a pas été le seul à plaider pour ce système.

Si nous votons un abattement à la base sur les cotisations sociales, nous amènerons à nouveau le Conseil constitutionnel à se prononcer, et sa réponse ne devrait pas varier. Le problème ne sera pas tranché tant que nous ne résoudrons pas la question posée en 2007 par Didier Migaud dans un excellent rapport : que faut-il faire de nos deux impôts sur le revenu ? J’ai plaidé en faveur d’un impôt citoyen, en proposant de rapprocher, voire de fusionner l’IR et la CSG, ce qui nous mettrait dans la même situation que tous les autres pays.

Faute d’engager une grande réforme, le Gouvernement adopte une position prudente, au détriment d’une certaine cohérence.

M. le président Gilles Carrez. Je vous dois un aveu : c’est moi qui ai rédigé avec M. Michel Bouvard le recours au Conseil constitutionnel de décembre 2000. Sur le moment, nous avons mis en avant l’argument de la familialisation, sans penser que le Conseil nous suivrait. La décision du Conseil a conduit à la mise en place la PPE, qui, compte tenu du décalage d’un an et de son saupoudrage, est loin d’être satisfaisante.

Je reviens donc à l’idée d’un abattement sur les cotisations salariales. M. Lefebvre est moi avons assisté fin juin au Conseil d’État à un colloque, dont je suis sorti plus optimiste que lui, convaincu que l’abattement sur les cotisations salariales allait enfin être adopté. J’ai essayé de convaincre mon groupe, et refusé de signer le recours auprès du Conseil constitutionnel. Il faut cibler le dispositif sur ceux qui travaillent. La suppression de la première tranche est beaucoup moins satisfaisante.

Je ne vous incite pas à courir un nouveau risque en votant l’amendement, mais ma conviction est faite : c’est sur les cotisations salariales qu’il faut agir.

M. Marc Le Fur. Une chose me choque dans l’article 15 : il supprime un dispositif sans en créer un nouveau, même si l’on sait que des perspectives sont ouvertes. Puisque la dépense sera constante, nous devons clairement identifier les gagnants et les perdants – l’objectif étant de donner dorénavant aux jeunes actifs. Je conviens qu’il vaut mieux s’adapter aux évolutions des situations que de se fonder sur des revenus de l’année passée, avec un an de décalage, mais comment les CAF y parviendront-elles ? Sur le plan administratif, le dispositif me semble extrêmement compliqué.

M. le président Gilles Carrez. Il l’est, en effet ! Il suffit de lire le rapport de M. Sirugue pour s’en persuader.

M. Charles de Courson. J’espérais que vous voteriez l’amendement, afin que le Gouvernement puisse sonder le Conseil constitutionnel, dont les décisions peuvent évoluer et nous surprendre. Le Gouvernement travaille sur le RSA, mais il rencontrera le problème auquel il s’est déjà heurté avec la PPE : seul un tiers de ceux qui ont droit au RSA « activité » le touche effectivement. Pourquoi ne pas consulter une dernière fois le Conseil constitutionnel sur une solution dont tout le monde convient à droite, au centre et à gauche – sauf M. Muet, qui est un cas à part – qu’elle est la meilleure ?

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 104.

Elle adopte l’article 15 sans modification.

M. Charles de Courson. Quoi qu’on en dise, le coût de la PPE est non de 2 mais de 4 milliards d’euros, puisque, aux 2 milliards d’euros versés aux contribuables non imposables, s’ajoute 1,94 milliard d’euros imputé sur l’IR. Cette remarque m’amène à une question : le Gouvernement entend-il supprimer les deux parties de la PPE ou seulement celle qui est versée aux non-imposables ?

M. le président Gilles Carrez. Il ne peut s’agir que des deux. Nous avons donc 4 milliards à recycler.

Mme la Rapporteure générale. Il s’agit des deux. La dépense fiscale totale est de 2,2 milliards d’euros en 2014, et non de 4 milliards d’euros. Dans la plupart des cas, le dispositif, qui s’adresse à des personnes aux revenus modestes, donc souvent non imposables, se traduit par une restitution. Dans les autres cas, il prend la forme d’une réduction de l’impôt dû.

M. Dominique Lefebvre. Pour mettre ce système en place au 1er janvier 2016, nous devrons dès maintenant supprimer la PPE, sans quoi il faudra acquitter celle-ci en septembre 2016, au titre des revenus de 2015.

M. Le Fur se demande quels seront les gagnants et les perdants. À enveloppe budgétaire constante – 4 milliards d’euros, soit le coût du RSA « activité » et de la PPE –, certains perdront en PPE, mais gagneront sur l’allégement d’impôt sur le revenu de 3,2 milliards d’euros que nous avons voté dans le PLF, en supprimant la tranche à 5,5%. En 2015, ils percevront la PPE, tout en bénéficiant de l’allégement d’IR. En 2016, ils conserveront l’allégement d’IR, mais perdront le bénéfice de la PPE.

Un décalage d’un an donnera à certains l’impression de perdre en 2016 par rapport à 2015, alors que la PPE de 2015 portera sur les revenus de 2014. Si nous supprimons la PPE, nous la supprimons pour tout le monde et c’est l’intégralité de la dépense liée à la PPE – qui est à mon sens de 2 milliards d’euros, et non de 4 –, qui devra être recyclée.

M. le président Gilles Carrez. Comme M. de Courson, nous pensions tous que le montant de la PPE se composait pour moitié de chèques, pour moitié d’une réduction d’impôt. Mais compte tenu de la non-revalorisation des plafonds de ressources et du gel du barème, le nombre de personnes bénéficiant de la PPE a fortement diminué, et la réduction d’impôt ne représente plus que de 300 à 400 millions d’euros, sur un montant total de dépense fiscale de 2,2 milliards d’euros. L’enjeu global de la PPE serait alors les 1,9 milliard d’euros de restitution, auxquels s’ajoutent 300 à 400 millions d’euros de réduction d’impôt.

Mme la Rapporteure générale. Les chiffres figurent dans le rapport qui sera publié d’ici la fin de la semaine. En 2001, la dépense fiscale était de 2,4 milliards d’euros. Elle était de 4,5 milliards d’euros en 2007, pour 8,9 millions de bénéficiaires, et atteignait 3,9 milliards d’euros en 2009. En 2013, elle était ramenée à 2,5 milliards d’euros, pour 5,87 millions de bénéficiaires. En 2014, elle s’élève à 2,2 milliards d’euros, soit 300 millions d’euros de réduction d’impôt et 1,9 milliard d’euros de crédit d’impôt.

M. le président Gilles Carrez. La dépense a donc fortement baissé. Le chiffre de 4 milliards est à vérifier, monsieur de Courson. Il me semble ancien.

M. Charles de Courson. J’ai vérifié !

M. Dominique Lefebvre. Le ministre vous rassurera sur ce point. Pour l’heure, nous votons la suppression, mais pas encore la réforme, qui sera nécessairement compliquée.

M. Pascal Terrasse. Comment la dépense est-elle tombée de 4 milliards d’euros en 2008 à 2,2 ? Est-ce l’effet de mesures que nous avons votées ? J’imagine que les 2 milliards d’euros disparus concernent la réduction d’impôt plutôt que la restitution. Il faut aller au fond du sujet, car si la réforme annoncée aujourd’hui comme un progrès social s’effectuait au détriment des bénéficiaires actuels de la PPE ou du RSA, nous passerions un mauvais moment en 2016.

Mme la Rapporteure générale. Je vous ai donné un montant global de dépense fiscale, que je ne peux pas décomposer immédiatement entre restitution et baisse d’impôt pour les années précédant 2014 et 2013. Je répète que les chiffres figureront dans le rapport qui sera publié.

*

* *

Après l’article 15

La Commission examine en discussion commune les amendements CF 90 et CF 91 de M. Charles de Courson et CF 215 de M. Marc Le Fur.

M. Charles de Courson. Les amendements CF 90 et CF 91 sont des « marronniers » que vous connaissez bien.

M. Marc Le Fur. Tout comme l’amendement CF 215.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements CF 90, CF 91 et CF 215.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, elle rejette les amendements CF 20 et CF 216 de M. Marc Le Fur.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF 92 de M. Charles de Courson et CF 21 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il s’agit, là encore, de marronniers.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements CF 92 et CF 21.

Elle aborde l’amendement CF 162 de Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Afin de respecter le parallélisme des formes en matière d’impôt sur le revenu, je propose que les Français résidant hors de l’Union européenne puissent déduire certaines charges de leurs revenus imposables.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Nous avons déjà vu cet amendement, que M. Frédéric Lefebvre avait présenté en séance. Le raisonnement s’entendrait si la France possédait un impôt universel, comme il en existe aux États-Unis. Actuellement, si un résident possède un revenu de 100, composé pour moitié de salaires et pour moitié de revenus immobiliers, il est imposé sur ce revenu de 100. Un contribuable non résident percevant un revenu de 100 soit 50 en France au titre de revenus immobiliers, et 50 dans un autre pays au titre des revenus d’activité, ne sera imposé en France que sur 50, ce qui se traduit par une moindre progressivité de l’impôt. Il n’a donc pas à bénéficier des mêmes déductibilités que ceux qui résident en France.

La Commission rejette l’amendement CF 162.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, elle rejette l’amendement CF 218 de M. Marc Le Fur.

Elle en vient à l’amendement CF 250 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. L’amendement a déjà été présenté, mais nous avons affiné sa rédaction. Actuellement, les coopératives qui produisent de l’énergie renouvelable sont exclues du bénéfice du dispositif « Madelin » de réduction d’impôt pour investissement, alors qu’elles ne bénéficient pas par ailleurs d’un tarif de rachat. Nous proposons donc que les entreprises produisant de l’énergie renouvelable soient éligibles au dispositif « Madelin » à condition qu’elles ne bénéficient pas du tarif de rachat réglementé.

Mme la Rapporteure générale. Après vérification, je confirme que ces coopératives ne peuvent accéder ni au tarif de rachat ni au dispositif « Madelin ». Cependant, quand nous avons cherché à joindre leurs représentants, pour qu’ils nous expliquent les enjeux de la mesure, ils ne nous ont pas rappelés. Il serait souhaitable qu’ils le fassent avant que le débat n’ait lieu en séance. À défaut, j’émettrai un avis défavorable à l’amendement.

Mme Eva Sas. Je vais leur demander de prendre contact avec vous. En attendant, je retire l’amendement.

L’amendement CF 250 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 219 de M. Marc Le Fur.

Elle est saisie de l’amendement CF 66 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Il s’agit d’un amendement d’appel visant à proposer un dispositif de substitution à la réduction d’impôt « Censi-Bouvard » pour les propriétaires bailleurs, qui parviendra bientôt à extinction. La formule que nous proposons comprend une réduction d’impôt moins importante, mais prévoit un amortissement plus important.

Mme la Rapporteure générale. En séance, nous avions examiné d’autres formules. Celle-ci a été examinée au Sénat. Avant de nous prononcer, mieux vaut attendre le rapport que le Gouvernement nous remettra sur le sujet en fin d’année. C’est pourquoi je vous suggère de retirer l’amendement.

L’amendement CF 66 est retiré.

La Commission aborde l’amendement CF 139 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le crédit d’impôt au titre des dépenses supportées afin d’assurer leur remplacement par un tiers durant une période de congés, créé par la loi d’orientation agricole de 2006 au bénéfice des agriculteurs exploitants, seuls Français qui ne profitaient pas de congés payés, doit prendre fin cette année. Je vous propose de le pérenniser jusqu’en 2020.

Mme la Rapporteure générale. Le crédit d’impôt est ouvert pour les dépenses engagées jusqu’à la fin de 2016. Il n’y a donc pas d’urgence à agir, d’autant que la mission d’information sur la fiscalité agricole, dont vous êtes membre, n’a pas fini ses travaux.

M. Marc Le Fur. Il ne serait pas inutile de donner aux agriculteurs une certaine visibilité sur ce dispositif.

La Commission rejette l’amendement CF 139.

Elle examine l’amendement CF 97 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je propose de replacer les avantages fiscaux afférents aux services à la personne et à l’emploi à domicile sous le plafonnement de 18 000 euros qui s’appliquait avant le 1er janvier 2013.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Nous avons déjà examiné l’amendement lors de la discussion du PLF.

La Commission rejette l’amendement CF 97.

Elle examine l’amendement CF 96 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le principe est le même, mais la rédaction légèrement différente : elle tend à exclure les services à la personne et l’emploi à domicile du plafonnement global.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 96.

*

* *

Article 16
Dispositions favorisant la libération du foncier et la mise sur le marché
de logements en zones tendues

Le présent article crée, au profit des communes, une taxe sur les logements non affectés à l’habitation principale, et situés en zones tendues, égale à 20 % de la taxe d’habitation. Comme cette dernière, la nouvelle taxe sera due par l’occupant du logement, qu’il en soit propriétaire ou locataire. Cette taxe est facultative, toutefois la rédaction actuelle de l’article ne dispense les communes de la mettre en œuvre que si elles délibèrent explicitement pour en supprimer l’application.

Il procède, par ailleurs, au resserrement du champ géographique de la majoration automatique de la valeur locative des terrains constructibles, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2015, sans en retoucher les autres déterminants.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. EN ZONES TENDUES, SEULS LES LOGEMENTS VACANTS FONT AUJOURD’HUI L’OBJET D’UNE TAXATION SPECIFIQUE

● Instituée par la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions (123) et codifiée à l’article 232 du code général des impôts, la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) a été notablement renforcée par l’article 16 de la loi de finances pour 2013 (124).

La TLV s’applique désormais dans les communes appartenant à des zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, par des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. La zone d’application de la TLV a été définie par le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013.

La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives, au 1er janvier de l’année d’imposition, à l’exception des logements détenus par les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.

Pour l’application de la taxe, n’est pas considéré comme vacant un logement dont la durée d’occupation est supérieure à quatre-vingt-dix jours consécutifs au cours de chacune des deux années de la période de référence.

Le Conseil constitutionnel a toutefois émis une réserve précisant ces dispositions : la taxe n’est pas due « en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable » (125). Ainsi, considérant que l’objet de la taxation est d’inciter à la mise en location de logements susceptibles d’être loués, ne sauraient être retenus que des critères d’assujettissement en rapport direct avec cet objet. Ne sauraient en l’espèce être assujettis :

– des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu’au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur ;

– des logements meublés affectés à l’habitation et comme tels assujettis à la taxe d’habitation (ce qui a exclu les résidences secondaires).

– des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, notamment les logements ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l’objet de travaux dans le cadre d’opérations d’urbanisme de réhabilitation ou de démolition, ou les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur.

La TLV se substitue à la taxe d’habitation puisque les logements vacants n’y sont pas assujettis. Elle est fixée en pourcentage de la valeur locative du logement, selon le même principe que cette dernière. Son taux varie en fonction de la durée de vacance du logement :

– 12,5 % la première année où le logement est imposable,

– 25 % la deuxième année.

En 2011, 68 778 articles de TLV avaient été mis en recouvrement, pour 87 817 logements (126).

● En dehors des zones tendues où la TLV est applicable de plein droit, l’article 1470 bis du code général des impôts permet aux communes dans lesquelles cette taxe n’est pas applicable d’assujettir, par une délibération expresse, à la taxe d’habitation, pour la part communale et celle revenant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre, les logements vacants depuis plus de cinq années au 1er janvier de l’année d’imposition. La vacance s’apprécie au sens des V et VI de l’article 232.

Cette possibilité est également ouverte aux EPCI à fiscalité propre, lorsqu’ils ont adopté un programme local de l’habitat. La délibération prise par l’EPCI n’est pas applicable sur le territoire de ses communes membres ayant délibéré pour instaurer cette taxe, ni sur celui des communes dans lesquelles la TLV est applicable.

La THLV est calculée à partir de la valeur locative de l’habitation. Cette base ne fait l’objet d’aucun allégement, les abattements, mesures d’exonération, de dégrèvement et de plafonnement en fonction des revenus ne s’appliquant pas.

Les taux applicables correspondent, en cas d’instauration de la THLV par la commune, au taux communal et, le cas échéant, syndical de la taxe d’habitation de l’année d’imposition et, en cas d’instauration de la THLV par l’établissement public de coopération intercommunale, au seul taux intercommunal.

En 2011, 970 communes avaient perçu 19,2 millions d’euros de produit net de THLV, pour 40 705 articles de THLV émis.

B. LA MAJORATION DE LA VALEUR LOCATIVE DES TERRAINS CONSTRUCTIBLES EN ZONES TENDUES A ÉTÉ MISE EN PLACE PROGRESSIVEMENT

● L’article 26 de la loi du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale (127) a ouvert, il y a plus de trente ans, aux conseils municipaux (128) la possibilité de majorer le montant de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) applicable aux terrains constructibles.

L’article 24 de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (129) a ensuite renforcé ce mécanisme et prévu que la majoration pouvait atteindre 3 euros le mètre carré. Pour l’application de cette majoration, la superficie des terrains prise en compte était toutefois réduite de 1 000 mètres carrés.

Plus récemment encore, l’article 28 de la première loi de finances rectificative pour 2012 (130) a rendu obligatoire cette majoration dans les communes situées en zones tendues, déterminées par décret, et a porté la majoration obligatoire de 3 à 5 euros le mètre carré dans ces zones en 2014, puis à 10 euros en 2016. L’abattement dont bénéficiaient les redevables de la taxe a été ramené de 1 000 à 200 mètres carrés de terrains.

Codifiées à l’article 1396 du code général des impôts, ces dispositions prévoient plus précisément que la valeur locative cadastrale de certains terrains peut, sur délibération du conseil municipal, être majorée d’une valeur forfaitaire allant jusqu’à 3 euros par mètre carré (en 2012) pour le calcul de la part de la taxe foncière sur les propriétés non bâties revenant aux communes et aux EPCI sans fiscalité propre. Lorsque ces terrains sont situés dans des zones où les tensions immobilières sont fortes, telles que définies par arrêté, cette majoration est portée à 5 euros par mètre carré à compter de 2014, puis à 10 euros par mètre carré à compter de 2016, ainsi qu’il a été dit précédemment.

Les terrains susceptibles d’être concernés par cette majoration doivent satisfaire simultanément aux conditions suivantes :

– figurer dans une carte communale, un plan local d’urbanisme, un document d’urbanisme en tenant lieu ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l’urbanisme ;

– être situés dans une zone urbaine ou à urbaniser lorsque les voies publiques et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie de la zone à urbaniser ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone ;

– être constructibles.

Sont en revanche exclus de la majoration les terrains appartenant aux établissements publics fonciers, les terrains classés depuis moins d’un an dans une zone urbaine ou à urbaniser, les terrains situés dans le périmètre d’une zone d’aménagement concerté ou pour lesquels un permis de construire, d’aménager ou de lotir a été obtenu et, enfin, les parcelles supportant une construction passible de la taxe d’habitation.

● L’article 82 de la loi de finances pour 2013 (131) a remplacé la référence aux zones tendues, introduites par la première loi de finances rectificative pour 2012, par un périmètre plus cohérent, à savoir le territoire des communes où la taxe sur les logements vacants est applicable. Conformément à l’article 232 du code général des impôts, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi de finances pour 2013, sont donc concernées les communes appartenant à des zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, caractérisées par des difficultés sérieuses d’accès au logement, dont la liste a été fixée par décret.

Dans ces communes, il a été prévu que la valeur locative cadastrale soit, par ailleurs, augmentée :

– d’une part, par une majoration de 25 % de son montant ;

– d’autre part, par la majoration, plus significative, égale à 5 euros par mètre carré en 2014 et 2015, puis 10 euros par mètre carré à compter de 2016, que prévoyait déjà le dispositif voté en début d’année 2012.

● Le 1° du I de l’article 84 de la loi de finances pour 2014 (132) a repoussé d’une année, non pas la majoration, mais la systématisation de celle-ci dans les conditions prévues par les articles 28 de la première loi de finances rectificative pour 2012 et 82 de la loi de finances initiale pour 2013.

L’entrée en vigueur, au 1er janvier 2014, de la nouvelle rédaction de l’article 1396 du code général des impôts, issue de l’article 82 de la loi de finances pour 2013 précité, n’a pas été remise en cause. En revanche, la majoration de plein droit prévue au A du II de l’article 1396 a été suspendue jusqu’aux « impositions de taxe foncière sur les propriétés non bâties dues au titre de 2015 ».

Par coordination, le barème de la majoration a été adapté, désormais fixé à 5 euros par mètre carré en 2015 et 2016, puis à 10 euros par mètre carré à compter de 2017.

 Le 2° du I de ce même article 84 a complété, par ailleurs, la liste des terrains exclus de l’assiette de la majoration figurant au 1 du D de l’article 1396 du même code.

Sont désormais exonérés – aussi bien de la majoration de plein droit que des majorations facultatives – les terrains à usage agricole, définis comme ceux :

– appartenant ou donnés à bail à une personne non salariée des professions agricoles, affiliée à la MSA en qualité de chef d’exploitation ou de cotisant solidaire ;

– et effectivement utilisés pour les besoins d’une exploitation agricole, au sens de l’article 63 du même code relatif à la définition des bénéfices agricoles pour l’impôt sur le revenu.

La combinaison de ces deux critères devait permettre d’éviter des exonérations abusives au bénéfice de certains titulaires du statut de « profession agricole ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA CRÉATION D’UNE TAXE SUR LES LOGEMENTS NON AFFECTÉS À L’HABITATION PRINCIPALE ET SITUÉS EN ZONES TENDUES

● En l’état du droit, le régime au regard de la taxe d’habitation et de la taxe foncière sur les propriétés bâties des logements affectés à la résidence principale diffère peu de celui des autres logements. Trois différences méritent d’être signalées :

– la quasi-totalité des dispositifs d’exonération, de dégrèvement ou d’abattement de ces deux taxes sont réservés au logement qui constitue la résidence principale du contribuable, c’est-à-dire, en règle générale, au logement dans lequel il réside habituellement avec sa famille ;

– les frais de gestion perçus par l’État s’élèvent, pour les résidences secondaires, à 3 % de la taxe d’habitation due contre 1 % pour les résidences principales ;

–  l’État perçoit, en contrepartie des dégrèvements qu’il prend à sa charge au titre du plafonnement de la taxe d’habitation en fonction des revenus, un prélèvement de 1,5 % sur la taxe d’habitation due pour les résidences secondaires et un prélèvement assis sur la valeur locative servant de base à la taxe d’habitation, dont le taux s’élève à 1,2 % ou 1,7 % (133).

Le régime des résidences principales et celui des résidences secondaires sont, en revanche, loin d’être identiques en dehors de la fiscalité locale : par exemple, les plus-values réalisées lors de la cession de la résidence principale du cédant au jour de la cession sont exonérées alors que celles afférentes à la cession d’une résidence secondaire, en dehors du cas d’une première cession, sont imposées dans les conditions de droit commun.

● Les alinéas 1 à 3, 5 à 16, 19 et 20 du présent article poursuivent cette logique de traitement fiscal différencié des résidences principales et secondaires, afin de compléter les dispositifs de soutien à l’offre de logements en zones tendues.

Les alinéas 5 à 7 rétablissent ainsi dans le code général des impôts, au sein de la division consacrée aux « Taxes facultatives » de la section VII « Autres taxes communales », l’article 1527 dans une nouvelle rédaction instituant une taxe annuelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale.

Le produit de la taxe est affecté aux communes sur le territoire desquelles elle est applicable ; cette nouvelle taxe fait donc partie des ressources communales énumérées à l’article 1379, que complètent les alinéas 2 et 3.

Elle partage le champ géographique de la taxe annuelle sur les logements vacants défini au I de l’article 232. Les zones tendues sont celles qui appartiennent à des aires d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, par des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. Comme pour la TLV, c’est donc le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 qui dresse la liste des communes concernées.

L’alinéa 6 prévoit que la taxe sur les logements non affectés à l’habitation principale est applicable de plein droit, sauf délibération contraire du conseil municipal. Il s’agit là d’un mécanisme assez inédit (134) pour l’institution d’une taxe locale mais qui est plus courant en matière d’exonération temporaire.

Si le conseil municipal entend user de son droit d’opposition, il devra délibérer – classiquement – avant le 1er octobre de l’année précédente. Par dérogation, l’alinéa 19 repousse ce délai au 21 janvier 2015 pour la première année d’application du dispositif.

Selon l’évaluation préalable, la taxe sur les logements non affectés à l’habitation principale pourrait être mise en place sur le territoire de 1 151 communes (réparties en 28 unités urbaines : Paris, Lyon, Marseille, Ajaccio, La Rochelle, Nantes, Nice, Toulouse…), sauf opposition du conseil municipal.

L’alinéa 7 précise également l’assiette de la taxe, qui est constituée du montant de la taxe d’habitation due, et son taux, fixé à 20%. Seuls les logements meublés affectés à l’habitation, et comme tels assujettis à la taxe d’habitation, mais pas à titre de résidence principale seront concernés. Ces critères doivent s’apprécier au 1er janvier de l’année d’imposition.

Cette taxe pourra faire l’objet de dégrèvements pour les logements constituant des résidences secondaires, au sens fiscal, mais qui ne sont pas des résidences d’agrément :

– les résidences secondaires liées, notamment, à la double résidence pour des motifs professionnels (alinéa 9) ;

– l’ancienne résidence principale des personnes âgées de condition modeste qui s’installent durablement dans une maison de retraite ou un établissement de soins de longue durée et qui bénéficient, pour leur ancienne habitation principale, des allégements de taxe foncière ou de taxe d’habitation prévus à l’article 1414 B (alinéa 10 du présent article).

Ce dégrèvement sera aussi être accordé, plus généralement, à toute autre personne établissant qu’elle ne peut, pour « une cause étrangère à sa volonté », affecter son logement à un usage d’habitation principale (alinéa 11). Si l’allusion à la décision de 1998 du Conseil constitutionnel est limpide, on peine cependant à imaginer les situations concrètes auxquelles ce troisième dégrèvement pourrait s’appliquer. Il reviendra donc à l’administration fiscale de se doter de critères objectifs pour apprécier au cas par cas.

La Rapporteure générale souligne que ces dégrèvements ne pourront être obtenus que par la voie d’une réclamation, présentée au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle de mise en recouvrement.

Elle s’est, par ailleurs, interrogée sur la situation des étudiants qui occuperaient une résidence secondaire de leurs parents, tout en étant rattaché à leur foyer fiscal. Dans ce cas particulier, la doctrine fiscale précise que l’étudiant qui est rattaché au foyer fiscal de ses parents mais habite dans un logement distinct est imposable séparément à la taxe d’habitation pour son habitation, qui est considérée comme une résidence principale. Il ne sera donc pas redevable de la taxe créée par le présent article.

Cette taxe s’appliquera à compter du 1er janvier 2015, conformément à l’alinéa 20, et sera donc payée par les redevables, pour la première fois, à l’automne 2015.

Sur la base de ces éléments, le rendement atteindrait au maximum 148 millions d’euros selon l’évaluation préalable. Le produit serait affecté aux communes mais l’État prélèverait 2 % des recettes correspondantes au titre des frais de gestion, conformément aux alinéas 15 et 16.

B. LE RESSERREMENT DU CHAMP GÉOGRAPHIQUE DE LA MAJORATION DE LA VALEUR LOCATIVE DES TERRAINS CONSTRUCTIBLES

Depuis son adoption au printemps 2012, la majoration automatique de la valeur locative des terrains constructibles a fait l’objet de remises en cause incessantes, portant notamment sur son champ géographique.

Afin d’apaiser ces débats, l’alinéa 4 modifie le A du II de l’article 1396 du code général des impôts en réduisant le périmètre d’application de cette majoration aux zones où les tensions foncières sont les plus fortes afin, selon l’évaluation préalable, d’éviter son application « dans des zones ayant conservé un caractère rural où sa mise en œuvre peut apparaître moins justifiée ».

Les communes dans lesquelles la majoration est automatique seront celles qui :

– comme aujourd’hui, appartiennent à des aires d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, par des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, selon la définition retenue par le I de l’article 232 relatif à la TLV ;

– et, désormais, sont situées classées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements, donnés en location nue ou meublée pour une durée minimale de neuf mois, selon la définition utilisée par le I de l’article 234 relatif à la taxe sur les loyers élevés des logements de petite surface.

Cette seconde définition, conformément au décret d’application, doit s’entendre de la zone A telle que délimitée par l’arrêté des ministres chargés du budget et du logement prévu à l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation.

La majoration de la valeur locative des terrains constructibles serait désormais applicable sur le territoire de 727 communes (Paris, petite couronne et deuxième couronne de la région parisienne, Côte-d’Azur, Genevois français), au lieu de 1 151 avant resserrement, et rapporterait aux communes et EPCI concernés 100 millions d’euros à compter de 2015.

En conséquence, l’alinéa 17 permet aux conseils municipaux des communes qui sortiraient du champ géographique de la majoration automatique du fait de ce resserrement de délibérer, par dérogation, jusqu’au 21 janvier 2015 afin d’instaurer la majoration facultative des valeurs locatives des terrains constructibles, s’ils le souhaitent.

Enfin, pour permettre à la majoration automatique d’entrer en vigueur en 2015, comme prévu, l’alinéa 18 repousse à titre exceptionnel au 21 janvier 2015 la date limite avant laquelle le maire doit dresser la liste des terrains concernés.

*

* *

La Commission se saisit de l’amendement CF 105 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à supprimer la nouvelle taxe supplémentaire sur les résidences secondaires, dont je ne comprends toujours pas l’objectif. Pensez-vous un seul instant qu’une telle augmentation de la taxe d’habitation – d’un montant moyen de 400 euros, disons – incitera les propriétaires à louer leur logement ? Bien sûr que non. L’effet sera nul. On nous parle de Paris ! Mais, à Paris, les gens relativement fortunés qui disposent d’un pied-à-terre où ils passent de temps en temps vont-ils ainsi être incités à le louer ? Non. C’est donc une taxe inutile, sauf pour les communes qui souhaitent augmenter leurs recettes.

De plus, selon certains, cette taxe pourrait perturber davantage encore le marché de l’immobilier, en poussant certains propriétaires à vendre.

Le Président de la République a promis qu’il n’y aurait plus de taxes nouvelles : supprimons celle-ci.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Cet article vise aussi à resserrer le périmètre de la majoration de plein droit de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles. Or il me semble que vous êtes favorable à cette mesure.

Il crée par ailleurs, en effet, une taxe locale affectée au budget des communes. Mais je souligne que les régimes fiscaux des résidences principales et secondaires sont déjà distincts.

M. Charles de Courson. Juridiquement, sait-on exactement ce qu’est une résidence secondaire ? Il n’existe pas de fichier central : l’administration dispose-t-elle des moyens de vérification nécessaires ?

M. Dominique Lefebvre. Oui.

M. Razzy Hammadi. Oui, les outils existent.

M. Pascal Cherki. Il n’y a évidemment pas de remède miracle, monsieur de Courson.

Paris est une commune où la mobilité est forte, et c’est ce qui fait sa force : doivent pouvoir s’y installer non seulement des Parisiens, mais aussi des provinciaux, des banlieusards, des étrangers… Aujourd’hui, nous avons 30 % de propriétaires et 70 % de locataires, mais aussi 130 000 personnes inscrites pour demander un logement, et 160 000 logements vacants ! Le prix des logements privés a énormément augmenté, et la spéculation est terriblement forte, même si la loi a commencé de s’attaquer au problème. Cet article propose une mesure, qui prend sa place parmi d’autres : pour permettre à davantage de gens d’accéder à un logement à Paris – c’est fondamental –, il faut utiliser tous les moyens à notre disposition, et donc contraindre ou inciter des propriétaires à louer leur bien.

Nous ne voulons pas que Paris devienne une ville forteresse inaccessible, où plus personne ne pourrait s’installer.

M. le président Gilles Carrez. Les constructions de logements neufs sont, de surcroît, passées dans la capitale de 8 000 à 2 000 par an : cela aggrave encore la situation. On le voit bien : les grands projets sont presque tous bloqués par des contentieux.

M. Pascal Cherki. Absolument. La densité de Paris – 21 000 habitants au kilomètre carré – est supérieure à celle de Tokyo, de Pékin, de New York… Effectivement, vous faites allusion au débat sur la hauteur des immeubles, qui devra avoir lieu, puisque le foncier est plus que rare.

Paris, je le redis, ne doit pas être réservée aux Parisiens. Il faut donc un marché immobilier plus raisonnable.

M. Alain Fauré. Cette taxe apportera aux communes des moyens financiers qui pourront servir à acheter des bâtiments dégradés, à réaménager des quartiers. À Paris, cela représentera plusieurs millions d’euros, je crois.

M. Jérôme Lambert. Je comprends les problèmes rencontrés à Paris, mais il me paraît dommage de confondre résidences secondaires et logements vacants. Que l’on taxe ces derniers ne me choque pas. En revanche, taxer les résidences secondaires – au-delà de ce qui existe déjà – ne me paraît pas forcément justifié. Certaines sont occupées pendant la moitié de l’année, parfois pour des raisons professionnelles, et le choix de la résidence principale peut d’ailleurs avoir été fait pour des raisons fiscales.

Mme Christine Pires Beaune. En effet, je ne suis pas certaine non plus que cette taxe soit la bonne solution à un problème qui est bien réel.

Je préférerais en tout cas que les communes aient l’obligation de délibérer pour instaurer cette taxe, plutôt que pour la supprimer. Si nous conservons la rédaction actuelle, certaines qui ne souhaiteraient pas la mettre en place risquent tout simplement d’oublier de délibérer en ce sens.

Le taux unique de 20 % me paraît en outre poser problème.

M. le président Gilles Carrez. Je présenterai tout à l’heure un amendement qui répond à votre souhait sur la délibération des communes. Le texte actuel est d’ailleurs contraire à la formulation de l’exposé des motifs.

M. Dominique Lefebvre. Je propose de ne pas voter cet amendement de suppression : cela ferait tomber tous les amendements suivants, dont certains, notamment celui de Christophe Caresche, CF 64, sont très intéressants.

Les zones définies comme tendues sont dans des situations qui peuvent être différentes : le cas de Paris ne peut pas être généralisé. Un Niçois qui possède un appartement à La Rochelle devra-t-il payer une majoration de 20 % ?

La maire de Paris a émis le souhait d’un renforcement des libertés locales : laissons les communes délibérer ! L’amendement CF 64 tend notamment à permettre une modulation de la taxe d’habitation. Cet assouplissement me paraîtrait une bonne chose.

M. Olivier Faure. M. Cherki, comme toujours, a été très convaincant. Il l’aurait été plus encore s’il s’agissait d’une surtaxe à la taxe foncière. Ici, nous allons taxer aussi des gens qui sont locataires d’une résidence secondaire.

M. Charles de Courson. Comme Cadet Rousselle, il peut arriver d’avoir trois maisons : les résidences secondaires, ce seront toutes celles qui ne sont pas la résidence principale. Bon. Imaginons un député de province qui dispose d’un studio à Paris… Doit-il payer la majoration ?

Mme la Rapporteure générale. Des dégrèvements sont prévus lorsque la résidence secondaire est nécessaire pour des raisons professionnelles.

M. Charles de Courson. D’accord. C’est donc une nouvelle usine à gaz : quels seront les moyens de contrôle ? Faudra-t-il – par exemple – prouver que l’on occupe le logement un certain nombre de jours par an ?

L’idée de taxer davantage les résidences secondaires pour inciter les propriétaires à louer leurs logements me paraît, je le répète, vraiment baroque ; et surtout, si l’objectif est bien celui exposé par M. Cherki, cela ne marchera pas.

M. Jérôme Lambert. Les députés ne constituent pas le meilleur exemple : nous allons éveiller la moquerie… Pensons plutôt aux fonctionnaires mutés à Paris dont la famille continue de résider en province, aux étudiants à qui leurs parents louent un logement… Ce sont des cas concrets.

La Commission rejette l’amendement CF 105.

Puis, suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, elle rejette l’amendement CF 49 de M. Hervé Mariton.

Elle se saisit alors de l’amendement CF 64 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cet amendement – préparé avec notre collègue René Dosière – vise à régler certains des problèmes qui viennent d’être évoqués.

Il modifie le mécanisme proposé, en permettant à toutes les communes de moduler la taxe d’habitation pour les résidences secondaires : cela permet d’éviter de créer une nouvelle taxe.

Comme l’amendement qui suit, CF 58, du président Carrez, il précise que les communes doivent délibérer expressément pour mettre en place cette modulation. L’idée d’une taxe locale qui ne résulterait pas d’une délibération d’une commune me paraît d’ailleurs difficile à admettre. Imaginons qu’un maire refuse d’inscrire la délibération à l’ordre du jour : en l’état actuel du texte, la taxe serait instaurée sans que le conseil municipal ait pu débattre.

L’amendement, en rendant possible une modulation de la taxe d’habitation, permet aussi aux communes de ne pas adopter un taux uniforme de 20 %, mais de choisir un taux au sein d’une fourchette de 80 % à 120 %. Elles peuvent ainsi augmenter, mais aussi diminuer la taxe.

Enfin, la question des dégrèvements doit être regardée de près, car j’ai peur que nous ne mettions le doigt dans un engrenage qui pourrait se révéler dangereux : n’y a-t-il pas un risque de contentieux, à propos des taxes sur les plus-values de cession par exemple ? Celui qui vend une résidence secondaire, pour laquelle il aurait été exonéré de la hausse de taxe d’habitation, pourrait exciper de cette exonération pour contester l’imposition des plus-values de sa cession. Je n’ai donc retenu aucun dégrèvement dans cet amendement.

M. le président Gilles Carrez. Je suis soulagé de vous entendre, monsieur Caresche : j’avais peur que cette rédaction de l’article n’ait été inspirée par les élus parisiens. Cela m’étonnait, car je sais bien que vous êtes des gens tout à fait responsables…

Je souscris pour ma part à l’amendement qui vient d’être présenté.

Mme la Rapporteure générale. Avec cet amendement, il n’y a plus de taxe facultative, mais une modulation de la taxe d’habitation.

S’agissant des dégrèvements, j’entends bien vos objections.

Toutefois, votre amendement fait disparaître le resserrement du périmètre de la majoration de la valeur locative pour les terrains constructibles, ce qui serait regrettable.

Je suggère donc le retrait de l’amendement. Vous pourrez le modifier pour le déposer à nouveau en vue de la discussion en séance publique.

M. Charles de Courson. Arrêtons-nous un instant sur la question des dégrèvements. Trois cas sont prévus ; les deux premiers – raisons professionnelles, séjour en EHPAD – établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – sont clairs. En revanche, le troisième – « les personnes autres que celles mentionnées au 1° et 2° qui, pour une cause étrangère à leur volonté, ne peuvent affecter le logement à un usage d’habitation principale » – me paraît incompréhensible.

M. Christophe Caresche. Effectivement, mon amendement ne porte pas seulement sur les zones tendues ; mais il tend à permettre une modulation du taux de taxe d’habitation entre 80 % et 120 % : pourquoi réserver cette mesure aux zones tendues ? Certaines communes, littorales par exemple, peuvent juger intéressant de favoriser les résidences secondaires.

Mme la Rapporteure générale. L’objectif du Gouvernement est bien, ici, d’inciter à la mobilité dans les zones tendues. Certes, on peut aussi voir là une mesure financière…

M. le président Gilles Carrez. La taxation des résidences secondaires est très impopulaire. À la fin de l’année 2012, le Gouvernement avait fait une première tentative pour l’instaurer. Christian Eckert, alors rapporteur général, et moi-même y avions fait obstacle.

En proposant une simple faculté, ou une modulation de la taxe d’habitation, comme le fait l’amendement de Christophe Caresche, on ne crée en effet pas de nouvelle taxe. L’hypothèse de la réduction de taxe d’habitation peut tout à fait intéresser certaines communes touristiques.

La question des dégrèvements demeure, et elle est réelle.

Mme Karine Berger. La taxe d’habitation est surtout l’un des impôts les plus anti-redistributifs et les plus injustes qui soient ! Dans un contexte de stabilisation fiscale, le Gouvernement dit vouloir mettre en place un outil pour remédier à des problèmes fonciers concrets : soit, même si j’avoue être peu convaincue. Mais, s’il s’agit seulement de permettre aux communes d’augmenter leur budget, ce sera non ! Il faudra avoir le débat politique dans l’hémicycle. On ne veut plus laisser les collectivités locales faire ce qu’elles veulent en termes de prélèvements et de dépenses.

M. le président Gilles Carrez. Il faut nuancer l’injustice de la taxe d’habitation : pour plus de 50 %, elle est liée aux ressources. Il existe des dégrèvements en fonction du revenu fiscal de référence, et même des exonérations totales, qui sont compensées par l’État. En 1992, la majorité d’alors avait essayé de remplacer la part départementale de la taxe d’habitation par une taxe départementale sur le revenu. Après des débats édifiants, ce projet a été enterré et, depuis, nul n’a osé y revenir.

Les élus locaux sont des gens responsables. Les problèmes financiers gravissimes qui les attendent doivent inciter l’État à leur laisser plus de liberté, et non à leur imposer davantage de contraintes !

M. Dominique Lefebvre. Nous avons rejeté l’amendement de suppression de l’article 16 présenté par M. de Courson.

Il nous reste donc soit à rejeter l’article tout entier, soit à l’amender. Cette seconde option me paraît préférable, puisque personne ne défend la rédaction actuelle du texte ; mais l’amendement CF 64 de Christophe Caresche pose des problèmes complexes. Nous devrons avoir en séance le débat sur la pertinence d’étendre la modulation de la taxe d’habitation hors des zones tendues ; je comprends le raisonnement qui y pousse, mais je ne suis pas sûr que ce soit aujourd’hui une bonne idée.

S’agissant des dégrèvements, autant les deux premiers cas paraissent pertinents, autant il me semble que M. de Courson a raison sur le troisième cas. En revanche, je ne pense pas que l’imposition des plus-values de cession sera touchée par une éventuelle jurisprudence sur ces dégrèvements. Si nous parlions de taxe foncière, il en irait autrement. Mais nous parlons bien ici d’usage, et donc de la taxe d’habitation.

Je suggère donc d’adopter l’amendement présenté par le président Carrez. Nous pourrons, d’ici à la discussion en séance publique, travailler pour proposer de nouveaux amendements.

Mme Karine Berger. La commission des Finances a tout pouvoir pour évaluer les conséquences des politiques publiques. Mme la Rapporteure générale pourrait donc demander à Bercy de nous fournir la distribution de la taxe d’habitation par décile, mais aussi en fonction de l’impôt sur le revenu payé. Vous seriez surpris, j’en suis persuadée, monsieur le président : en 2012, en tout cas, j’ai vu ces tableaux, et je peux vous assurer que la taxe d’habitation était un impôt extrêmement injuste. Mais peut-être les choses ont-elles changé !

M. le président Gilles Carrez. Réservons nos forces pour la révision des valeurs locatives pour les logements…

L’amendement CF 64 est retiré.

La Commission se saisit alors de l’amendement CF 58 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement est modeste : il se borne à rendre facultative l’instauration par les communes de la taxe sur les résidences secondaires.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement me paraît judicieux. La philosophie de l’article 16 est bien de permettre de libérer des logements en zone tendue.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la Commission adopte l’amendement CF 58 (amendement 398) à l’unanimité.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette ensuite l’amendement CF 197 de Mme Marie-Christine Dalloz.

En conséquence, l’amendement CF 203 de Mme Marie-Christine Dalloz devient sans objet.

Puis l’amendement CF 50 de M. Hervé Mariton est retiré.

La Commission adopte alors l’article 16 modifié.

*

* *

Article 17
Mesures relatives à la valeur locative de certains locaux et immobilisations

Le présent article procède à quatre aménagements distincts :

1°/ il adapte la méthode d’évaluation de la valeur locative des ports de plaisance, conformément aux revendications des professionnels du secteur ;

2°/ il actualise la définition des établissements industriels pour lesquels l’évaluation des valeurs locatives repose sur la méthode dite « comptable » ;

3°/ il repousse de 2015 à 2016 l’intégration dans les bases d’imposition des résultats de la révision des valeurs locatives conduite pour les locaux professionnels ;

4°/ il met à l’abri du contentieux, en les validant expressément, les évaluations de la valeur locative de certains biens, effectuées selon la méthode générale, dite « par comparaison » (avec un local de référence), avant le 1er janvier 2015.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. L’ÉVALUATION DE LA VALEUR LOCATIVE DES PORTS DE PLAISANCE

Les ports de plaisance sont, par principe, imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), comme l’a confirmé la jurisprudence administrative (décision du Conseil d’État du 26 juin 1989, Société d’économie mixte de gestion Port Vauban). Dès lors qu’elles sont productives de revenus, ces installations (les postes d’amarrage, y compris dans la partie privée d’un port située par exemple au pied d’une marina) ne peuvent pas bénéficier de l’exonération prévue au 1° de l’article 1382 du code général des impôts quand bien même elles appartiennent au domaine public maritime de l’État.

Le redevable de la TFPB est le propriétaire des installations portuaires, à savoir l’État lorsque leur exploitation a été concédée et que le contrat de concession prévoit leur retour gratuit en fin de concession (CE, 16 novembre 1988, Commune d’Arcachon).

La valeur locative est déterminée par la voie d’appréciation directe prévue au 3° de l’article 1498, qui consiste, lorsque les autres moyens font défaut, à procéder à l’évaluation directe de l’immeuble en appliquant un taux d’intérêt à sa valeur vénale. Jusqu’à présent, pour déterminer cette valeur vénale, l’administration fiscale retenait comme valeur locative du poste d’amarrage un montant forfaitaire par poste d’amarrage, correspondant à la valeur moyenne observée dans les ports de la même zone.

En 2011, faisant droit au pourvoi de la commune du Grau-du-Roi, le Conseil d’État, statuant en cassation, a remis en cause l’utilisation par l’administration fiscale de montants forfaitaires, calculés par référence aux tarifs pratiqués dans les autres ports de la mer Méditerranée, pour déterminer la valeur locative des installations du port de plaisance de Port-Camargue.

En conséquence, afin de conforter la méthode utilisée par les services fiscaux, le V de l’article 37 de la seconde loi de finances rectificative pour 2012 (135) a inscrit dans la loi (à l’article 1501 du code général des impôts) le principe d’une évaluation forfaitaire et fixé trois tarifs applicables à raison de :

– 110 euros pour les ports maritimes de Méditerranée ;

– 80 euros pour les autres ports maritimes ;

– 55 euros pour les ports non maritimes.

Pour chaque port, ces tarifs sont modulables, de 20 ou 40 %, à la hausse comme à la baisse, après avis des commissions communales et intercommunales des impôts directs.

L’entrée en vigueur de cette modification a toutefois été reportée pour ne s’appliquer qu’aux impositions dues au titre de 2014, c’est-à-dire à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises payées en 2015.

B. LA DÉFINITION DES ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS

La valeur locative des bâtiments et terrains industriels est évaluée par application de la méthode prévue à l’article 1499 du code général des impôts, appelée « méthode comptable » lorsque ceux-ci satisfont à deux conditions cumulatives : le bien doit être inscrit à l’actif d’un bilan et le propriétaire, ou l’exploitant, doit être soumis aux obligations de l’article 53 A, c’est-à-dire à l’impôt sur les bénéfices selon un régime réel d’imposition.

Le II de l’article 1517 dispose également que les immobilisations industrielles évaluées conformément à l’article 1499 « appartiennent à des entreprises qui ne relèvent pas du régime défini à l’article 50-0 pour l’impôt sur le revenu », c’est-à-dire celui des micro-entreprises.

Cette méthode aboutit à retenir un taux de 12 % pour les bâtiments (8 % pour les terrains) appliqué à un prix de revient comptable, qui inclut :

– pour les terrains, les dépenses d’appropriation (déblaiement, aplanissement, consolidation, assainissement, etc.) et de viabilité ;

– pour les installations et les bâtiments, le coût de la construction ou de l’acquisition et de pose des canalisations faisant corps avec la construction.

En dépit d’un abattement d’un tiers, la valeur locative calculée selon cette méthode n’est pas avantageuse pour les activités qui supposent des investissements importants ; les montants de la TFPB et de la CFE à acquitter par celles-ci sont donc plus élevés.

C. LE REPORT DE L’INTÉGRATION DANS LES BASES D’IMPOSITION DE LA RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES DES LOCAUX PROFESSIONNELS

L’article 34 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010 (136), modifié par l’article 37 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (137) et par l’article 47 de la loi de finances rectificative pour 2013 (138), organise – pour les seuls locaux commerciaux et des professions libérales – la révision des valeurs locatives foncières servant de base à plusieurs impôts directs locaux (taxe d’habitation, taxe foncière, cotisation foncière des entreprises et d’autres impositions affectées comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères).

La révision comporte deux volets : une révision initiale, reflétant les situations actuelles des locaux concernés, et un dispositif de mise à jour permanente des évaluations, permettant de prendre en compte les évolutions du marché au fur et à mesure qu’elles se produisent.

La valeur locative de chaque local professionnel sera désormais déterminée en fonction de l’état du marché locatif. Elle tiendra compte de la nature, de la destination, de l’utilisation, des caractéristiques physiques, de la situation et de la consistance de la propriété ou de la fraction de propriété.

1. Le champ de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels

Cette révision vise exclusivement les locaux professionnels et, conformément au I de l’article 34 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010, s’applique aux propriétés bâties suivantes :

– les locaux commerciaux et bien divers visés à l’article 1498 du code général des impôts (boutiques, hôtels, bureaux, entrepôts de stockage…) ;

– les locaux professionnels visés à l’article 1496 du même code et affecté à une activité professionnelle (locaux utilisés par les professions libérales : cabinets d’avocat, cabinets médicaux…).

Le champ de cette révision, qui ne mentionnait pas expressément les « locaux à usage professionnel spécialement aménagés », a été complété pour les y inclure par l’article 47 de la loi de finances rectificative pour 2013. Il s’agit, par exemple, des gymnases.

Le troisième alinéa du VI de l’article 34 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010 prévoit que la valeur locative est réduite de 50 % pour tenir compte de l’incidence de l’affectation, partielle ou totale, d’un local à un service public ou d’utilité générale.

En revanche, les établissements industriels, qui font l’objet d’une évaluation spécifique de leur valeur locative selon la méthode comptable, décrite supra, ne sont pas concernés par cette révision.

2. Le mode de détermination des tarifs par mètre carré

Conformément aux III et B du IV de l’article 34 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010, la valeur locative des propriétés bâties concernées par cette révision est obtenue par application d’un tarif par mètre carré à la surface pondérée du local ou, à défaut de tarif, par voie d’appréciation directe.

Ce tarif par mètre carré est déterminé « à partir des loyers » constatés pour un secteur d’évaluation et une catégorie de propriétés donnés. À ce tarif peut être appliqué un coefficient de modulation destiné à prendre en compte la localisation des locaux, pour majorer ou minorer celui-ci de 10 % ou 15 %. Ce coefficient de localisation s’applique non pas à aux propriétés dont la localisation est particulière au sein du secteur d’évaluation mais à des parcelles cadastrales, afin d’éviter que ce coefficient soit utilisé pour certaines propriétés et pas d’autres pourtant situées sur le même terrain

3. Le rôle des commissions départementales

Conformément au VII de l’article 34 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010, des représentants des collectivités territoriales et des contribuables assument, au sein des commissions départementales créées pour la réforme, un rôle décisionnel dans les différentes phases d’élaboration de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, y compris dans le cadre de la mise à jour permanente.

Ce rôle s’exerce au sein de deux nouvelles commissions départementales :

– la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP), chargée de délimiter les différents secteurs d’évaluation, de fixer les tarifs pour chaque catégorie, de classer les locaux dans les différentes catégories de la nomenclature définie par décret et de fixer les zones d’application des coefficients de localisation.

Les commissions qui existaient déjà (commissions communales ou intercommunales des impôts directs) sont associées à ces travaux. En effet, elles sont obligatoirement sollicitées par la CDVLLP et, en cas de désaccord persistant, la décision relève d’une deuxième commission départementale d’appel ;

– la commission départementale des impôts directs locaux (CDIDL), chargée de statuer sur les désaccords persistants entre la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels et une ou plusieurs commissions communales ou intercommunales.

Afin, déjà, de garantir le respect du calendrier fixé pour la réforme, l’article 47 de la loi de finances pour 2013 avait encadré plus étroitement le fonctionnement de la CDVLLP.

La durée d’élaboration de son projet par la CDVLLP a ainsi été limitée à deux mois, à compter de la remise de l’avant-projet par l’administration,

À l’expiration de ce délai, l’administration fiscale poursuit la procédure de consultation sur la base du projet de la CDVLLP, s’il est établi, ou, à défaut, sur celle de l’avant-projet qu’elle avait transmis. Le délai dont disposent les commissions communales ou intercommunales des impôts directs pour transmettre leurs observations est lui-même limité à trente jours ; passé ce délai, l’avis sera réputé favorable.

En cas de désaccord entre la CDVLLP et les commissions communales ou intercommunales, l’administration peut, au bout d’un mois, saisir directement la CDIDL pour lui demander de trancher sous « trente jours ». En cas de retard supplémentaire, c’est le préfet qui arrête les secteurs d’évaluation, les tarifs et les coefficients de localisation dans les formes de publicité fixées par un décret en Conseil d’État.

4. Les coefficients de neutralisation

Le XVI de l’article 34 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010 précitée a prévu la mise en place d’un coefficient de neutralisation afin :

– d’assurer une participation globale relative constante avant et après révision à la contribution de chaque impôt pour les locaux professionnels et pour les locaux d’habitation, d’une part ;

– et de garantir la neutralité du dispositif pour les finances locales au moment de sa mise en place, d’autre part.

Selon la méthode retenue, les valeurs locatives sont dans un premier temps actualisées, avant d’être modifiées dans un second temps par application du coefficient de neutralisation. Celle-ci s’opérera sur les assiettes et non sur les cotisations.

La neutralisation est donc uniforme pour l’ensemble des impôts assis sur les valeurs locatives des locaux professionnels – la taxe foncière sur les propriétés bâties, la cotisation foncière des entreprises, la taxe d’habitation et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères – mais elle se décline en deux coefficients, un pour chaque niveau d’imposition (commune et communauté, d’une part, département, d’autre part).

D. L’ANNULATION DES ÉVALUATIONS EFFECTUÉES SELON LA MÉTHODE PAR COMPARAISON

Conformément aux dispositions de l’article 1498 du code général des impôts, la valeur locative des locaux commerciaux est déterminée au moyen de l’une des méthodes suivantes :

– pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ;

– pour les biens loués à des conditions de prix anormales, occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison et, à défaut, par voie d’appréciation directe.

Dans le cas des locaux affectés à l’habitation ou servant à l’exercice d’une profession autre qu’agricole, commerciale, artisanale ou industrielle, l’article 1496 prévoit que la méthode de droit commun est la comparaison.

Comme le précise la doctrine fiscale, l’évaluation par comparaison consiste à attribuer à une propriété ou fraction de propriété donnée une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée, sur le procès-verbal des opérations de révision de la commune, pour d’autres immeubles de même nature pris comme types.

La valeur locative cadastrale des types choisis est alors déterminée soit en partant du bail en cours à la date de référence (soit le 1er janvier 1970) lorsque l’immeuble-type était loué à cette date à des conditions de prix normales, soit, dans le cas contraire, par comparaison avec les loyers d’immeubles similaires situés dans la commune même ou, à défaut, dans une localité comparable.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L’ÉVALUATION DE LA VALEUR LOCATIVE DES PORTS DE PLAISANCE

Comme le souligne l’évaluation préalable, la fédération française des ports de plaisance et le conseil supérieur de la navigation de plaisance font valoir que les critères retenus pour moduler les tarifs appliqués à chaque catégorie de ports de plaisance (services et équipements offerts) ne sont pas suffisants pour refléter au plus près la situation de chaque port de plaisance.

L’alinéa 2 du présent article modifie, par conséquent, l’article 1501 du code général des impôts afin de moduler les tarifs non plus seulement en fonction des services et équipements offerts mais en fonction du nombre de services et d’équipements offerts pondéré par la capacité moyenne d’accueil d’un poste d’amarrage.

La Rapporteure générale relève que l’aménagement proposé sera favorable aux ports les plus modestes accueillant majoritairement des embarcations de petite taille.

B. LA DÉFINITION DES ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS

Le II de l’article 1517 du code général des impôts relatif à la date de référence à retenir pour les changements affectant la valeur locative s’appuie sur une définition obsolète, pour exclure certains biens et terrains du champ des établissements industriels relevant de la méthode comptable.

L’alinéa 3 procède donc à une réécriture purement formelle pour aligner la définition sur la rédaction de l’article 1500. En particulier, l’exclusion expresse des micro-entreprises relevant de l’article 50-0 disparaît, puisque celle-ci est redondante avec les dispositions de l’article 53 A auquel renverra désormais la nouvelle rédaction de l’article 1517.

C. LE REPORT DE L’INTÉGRATION DANS LES BASES D’IMPOSITION DE LA RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES DES LOCAUX PROFESSIONNELS

Afin de tenir compte des difficultés rencontrées par certains élus locaux pour participer aux réunions des CDVLLP entre la mi-janvier 2014 et la mi-mars 2014, soit les dernières semaines de la campagne électorale, l’administration fiscale a décidé de reporter la constitution des deux commissions départementales – CDVLLP et CDIDL – après les élections municipales.

Le retard pris dans la création des commissions départementales, selon les termes de l’évaluation préalable, « entraîne mécaniquement un report de l’intégration des données révisées dans les bases de fiscalité directe locale à l’année 2016 ». Les alinéas 4 à 8 du présent article reportent donc d’un an le calendrier d’application de la révision.

Nouveau calendrier d’application de la révision :

– une expérimentation sur cinq départements qui s’est déroulée en 2011, ayant permis la réalisation de simulations des conséquences de la révision dont les conclusions ont été présentées dans un rapport élaboré par la DGFiP remis au Parlement le 17 janvier 2012 ;

– une généralisation des opérations de collecte des informations auprès des propriétaires de locaux professionnels en début d’année 2013 (les déclarations ont été adressées aux propriétaires en février dernier) ;

– une exploitation des informations collectées par la DGFiP, qui vont alimenter la détermination des paramètres d’évaluation dans chaque département (détermination des secteurs homogènes, mise au point des grilles tarifaires), s’appuyant sur le rôle décisionnel des commissions départementales créées pour la révision (commissions des valeurs locatives des locaux professionnels et commissions départementales des impôts directs locaux) en 2013, 2014 et 2015 ;

– une intégration des valeurs locatives révisées dans les bases d’imposition à compter de l’année 2016 ;

– par la suite, la mise à jour permanente qui permettra, à compter de 2017, d’assurer le suivi des paramètres d’évaluation afin de rester en adéquation avec la réalité du marché locatif local (notamment par le biais de la collecte des loyers pratiqués annuellement).

La Rapporteure générale observe que le report proposé aboutit à utiliser, pour la première fois, les valeurs locatives révisées pour les impôts payés à l’automne 2016. Les inévitables transferts de charges entre contribuables, dans une période préélectorale, ne devront pas motiver un nouveau report : la mise à jour des valeurs locatives, aujourd’hui pour les locaux professionnels et demain pour les habitations, constitue une indispensable réforme et un enjeu d’équité de premier ordre.

D. LA VALIDATION LÉGISLATIVE DES ÉVALUATIONS EFFECTUÉES SELON LA MÉTHODE PAR COMPARAISON

● Dans une décision du 5 février 2014, le Conseil d’État a jugé qu’un local-type qui, depuis son inscription régulière au procès-verbal des opérations de révision foncière d’une commune, a été entièrement réaffecté, restructuré ou détruit ne peut plus servir de terme de comparaison pour déterminer, directement ou indirectement, la valeur locative d’un bien soumis à une imposition locale postérieurement à sa restructuration ou à sa disparition.

Il en résulte que toutes les évaluations effectuées par comparaison avec celui-ci ne sont plus valides. Or, la date de référence de l’évaluation des valeurs locatives étant ancienne, les locaux détruits ou restructurés mais servant toujours de point de comparaison ultime pour l’évaluation de locaux existants sont nombreux.

Selon l’évaluation préalable, ces opérations irrégulières pourraient concerner 1,5 voire 2 millions de locaux commerciaux sur 2,8 millions. Cette situation concerne également, dans une proportion toutefois moindre, certains locaux parmi les 47 millions de locaux d’habitation. Elle ne remet toutefois pas en cause les opérations de révision des valeurs locatives des locaux professionnels menées depuis 2013 ou l’expérimentation pour les locaux d’habitation qui vient de débuter.

L’alinéa 9 du présent article propose donc de valider, par une disposition expresse, la légalité des évaluations réalisées avant le 1er janvier 2015 « en tant que leur légalité serait contestée au motif que, selon le cas, le local de référence ou le local-type ayant servi de terme de comparaison, soit directement, soit indirectement, a été détruit ou a changé de consistance, d’affectation ou de caractéristiques physiques ».

● Comme toute validation législative, le présent projet de loi soustrait rétroactivement des actes au risque d’annulation par le juge, ce qui le rend suspect de porter atteinte à la sécurité juridique. Sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), la jurisprudence du juge constitutionnel, comme celles du Conseil d’État et de la Cour de cassation (139), ont évolué dans le sens d’une plus grande fermeté.

La Rapporteure générale rappelle, à cet égard, que le Conseil constitutionnel a récemment jugé (140) qu’une validation législative devait être justifiée par « un motif impérieux d’intérêt général », et non plus « un motif d’intérêt général suffisant », reprenant en cela la formulation employée par la CEDH lorsqu’elle examine des validations législatives.

Le juge constitutionnel a défini un ensemble de critères à l’aune desquels une mesure de validation est appréciée.

Il n’est pas porté atteinte aux droits nés de décisions devenues définitives. L’alinéa 9 préserve expressément les « décisions de justice passées en force de chose jugée » que la validation des évaluations irrégulières n’aboutira pas à remettre en cause. À cet égard, il faut rappeler que présente le caractère d’une décision passée en force de chose jugée la décision d’une juridiction qui a statué en dernier ressort, même si elle peut faire ou fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

La validation ne fera pas obstacle à la contestation juridictionnelle des impositions des locaux concernés par d’autres moyens. L’étendue de la validation paraît, à cet égard, proportionnée à l’objectif poursuivi et, en particulier, les évaluations nouvelles devront tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’État.

En prévenant le développement de contestations pouvant entraîner des conséquences financières préjudiciables à l’État et aux collectivités territoriales, ces validations poursuivent-elles un but d’intérêt général impérieux ? Si le juge constitutionnel n’admet pas que la seule considération d’un intérêt financier puisse constituer un motif d’intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d’une décision de justice déjà intervenue et, le cas échéant, d’autres à intervenir, il a admis la constitutionnalité de validations législatives similaires, par leur objet, à celle prévue par le présent article.

Ainsi, le Conseil constitutionnel a estimé que constituaient des buts d’intérêt général suffisants, puis impérieux, la nécessité d’éviter le développement d’un contentieux pouvant entraîner des conséquences financières préjudiciables à l’équilibre des régimes sociaux (CC n° 93-332 DC du 13 janvier 1994) ou encore à des syndicats mixtes ayant institué le versement transport (CC n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, précitée).

La Rapporteure générale estime que le risque pour les finances publiques, correspondant à un coût global de 850 ETP pour un an, devrait être regardé par le juge constitutionnel comme un motif impérieux d’intérêt général.

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* *

La Commission se saisit d’abord de l’amendement CF 106 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Voici un sujet considérable pour qui s’intéresse à l’évaluation des valeurs locatives.

Cet amendement propose de supprimer les alinéas 3 à 9 de l’article 17, qui visent à actualiser la définition des établissements industriels relevant de la méthode comptable, à reporter d’un an l’intégration dans les bases des impôts directs locaux des nouvelles valeurs locatives des locaux professionnels et enfin à valider certaines évaluations réalisées par comparaison avec un local-type qui n’existe plus ou qui a été entièrement restructuré.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’alinéa 3 est d’ordre formel, puisqu’il s’agit de lever une incohérence existant entre deux articles du code général des impôts. Quant à lui, l’alinéa 9 procède à une validation législative. Sa suppression risquerait de plonger l’administration fiscale dans l’embarras…

M. Charles de Courson. Dans l’opposition ou dans la majorité, je n’ai jamais voté pour ce type de mesures, qui ridiculisent la justice : on vote des textes qui visent uniquement à faire cesser des recours contre l’administration fiscale, voire à inverser la décision quand l’administration fiscale a perdu. J’estime cette façon de procéder tout à fait choquante.

En l’occurrence, le local qui sert de référence a été détruit ou complètement restructuré : cela montre que les bases ne sont plus suivies ! Je préside, dans mon département, la nouvelle commission qui doit, à la mi-février 2015, établir les nouvelles valeurs qui doivent être utilisées en 2016. Personne ne se serait donc aperçu qu’un local qui sert de point de comparaison n’existe plus ?

Mme la Rapporteure générale. J’émettrai un avis favorable si vous rectifiez l’amendement pour prévoir la seule suppression de l’alinéa 9.

M. Charles de Courson. D’accord.

La Commission adopte l’amendement CF 106 ainsi rectifié (amendement 393).

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

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* *

Article 18
Mesures en faveur de l’intercommunalité fiscale

Le présent article procède à quatre aménagements très techniques :

– il étend aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité additionnelle, fiscalité professionnelle de zone ou fiscalité éolienne unique la faculté – déjà reconnue pour les EPCI à fiscalité professionnelle unique – de prise en charge au niveau intercommunal des prélèvements/reversements assurant la neutralité de la réforme de la taxe professionnelle (respectivement le fonds national de garantie individuelle. des ressources – FNGIR – et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – DCRTP –) ;

– il assouplit les règles de révision des attributions de compensation, mais seulement dans le cas d’une modification du périmètre intercommunal (fusion de plusieurs EPCI, adhésion d’une nouvelle commune membre…) ;

– il ouvre la faculté d’accélérer la convergence des taux de CFE lorsque, au sein d’un EPCI, les conseils municipaux et communautaire décident de recourir au dispositif d’intégration fiscale progressive prévu par la loi ;

– il adapte les dispositions relatives au transfert aux EPCI des allocations compensatrices d’exonérations de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties consenties aux personnes de condition modeste, pour le cas des fusions d’EPCI qui entraînent une césure institutionnelle.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LA PRISE EN CHARGE AU NIVEAU INTERCOMMUNAL DES PRÉLÈVEMENTS AU TITRE DU FNGIR ET DES VERSEMENTS DE DCRTP

L’article 1609 nonies C du code général des impôts prévoit la substitution de plein droit des EPCI à fiscalité professionnelle unique aux communes membres pour la perception des taxes créées dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale de 2010, comme ils s’y substituaient précédemment pour l’ancienne taxe professionnelle. Cette substitution concerne donc la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les composantes de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

L’article 50 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 (141) a complété par un 3 le paragraphe I bis de l’article 1609 nonies C afin d’ajouter la possibilité, sur délibérations concordantes d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique et de ses communes membres, de transférer au premier les reversements de fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), lui-aussi créé par la réforme de 2010 et dont bénéficieraient les communes membres.

L’année suivante, le V de l’article 37 de la loi de finances rectificative pour 2012 (142) a étendu le champ des transferts avec un nouveau paragraphe I ter inséré dans le même article du code, qui ouvre la faculté de transférer symétriquement, sur délibérations concordantes, au niveau intercommunal le prélèvement opéré au titre du FNGIR sur les ressources fiscales communales.

Ces dispositions de la LFR pour 2012 ont également ajouté un 4 au paragraphe I bis de l’article 1609 nonies C afin de permettre à une commune membre d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique de renoncer au bénéfice de la recette de DCRTP qui lui a été attribuée en propre et d’en affecter le produit au groupement.

Ces aménagements successifs visaient à prévenir toute déstabilisation, à la suite de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement partiel par des dotations de compensation, des équilibres financiers qui avaient pu présider à la constitution d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique.

B. L’ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES DE RÉVISION DES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION

Le passage au régime de fiscalité professionnelle unique donne lieu à des transferts de charges et de ressources qu’il convient de neutraliser afin de maintenir les équilibres budgétaires antérieurs entre les communes-membres et l’EPCI concernés. L’attribution de compensation remplit ce rôle de neutralisation financière.

● Depuis 2013, le V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts ne prévoit plus que quatre cas de révision des attributions de compensation, présentés dans le tableau ci-dessous.

MODALITÉS DE RÉVISION DES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION

Référence

Conditions de fond

Mode répartition

Majorité requise

I.– RÉVISION LIBRE

A.– Sous condition d’unanimité

bis du V de l’article 1609 nonies C

Aucune

« Le montant de l’attribution de compensation et les conditions de sa révision peuvent être fixés librement en tenant compte du rapport de la commission locale d’évaluation des transferts de charges »

Le conseil communautaire statuant à l’unanimité

B.– Sous condition de diminution des bases de fiscalité économique provoquant une baisse de produit

1° du V de l’article 1609 nonies C

« Dans le cas où une diminution des bases imposables réduit le produit global disponible des impositions économiques »

Modification des AC uniquement à la baisse puisqu’il s’agit d’une dérogation au principe suivant : « Le conseil communautaire de l’EPCI ne peut procéder à une réduction des AC qu’après accord des conseils municipaux des communes intéressées. » (143)

« l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale peut décider de réduire les attributions de compensation » (144)

II.– RÉVISION NON LIBRE

A.– En cas de changement de périmètre de l’EPCI, avec délibération concordante de l’ensemble des conseils municipaux

1.a) et 2.a) du 5° du V de l’article 1609 nonies C

À la suite d’une fusion, modification de périmètre, adhésion individuelle d’une commune, ou transformation d’EPCI

Uniquement la 1ère année d’existence du nouvel EPCI

La révision ne peut avoir pour effet de minorer ou majorer l’AC de plus de 5 % de son montant.

Révision librement décidée par délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée (2/3 au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des C des communes représentant les 2/3 de la population)

B.– Sous condition de nature de l’EPCI, majorité qualifiée des CM, situation financière des CNES

7° du V de l’article 1609 nonies C

Les EPCI à fiscalité professionnelle unique au 01/01/2010 et les conseils municipaux de leurs communes membres peuvent procéder [à la majorité qualifiée] à la révision des AC d’une partie des communes membres

Diminution des AC « d’une partie des communes membres » (PFI>20% du PFi moyen de l’ensemble des communes membres).

La baisse ne peut excéder 5% de leurs AC.

Par délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée (2/3 au moins des CM des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des C des communes représentant les 2/3 de la population)

La procédure de droit commun, détaillée au 1° bis, permet au conseil communautaire de fixer librement le montant des attributions de compensation par un vote à l’unanimité. Ce vote doit être effectué au vu d’un rapport de la commission locale d’évaluation des transferts de charges réalisé conformément aux méthodes du IV du même article. La Rapporteure générale observe que l’élection directe des délégués, dans certaines communes, a rendu difficilement praticable le recours à l’unanimité dans les conseils communautaires.

Il est également possible de réviser librement le montant des attributions de compensation, dans le cas particulier d’une baisse des bases imposables réglé par le 1° du même V.

À titre dérogatoire, pour les seuls EPCI ayant opté pour un régime de fiscalité professionnelle unique avant la réforme de la fiscalité locale, l’article 77 de la loi de finances pour 2010 (145) a prévu, dans le 7° du V de l’article 1609 nonies C, la possibilité de réviser les montants des attributions de compensation, dans les conditions de majorité qualifiée prévues au premier alinéa du II de l’article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales – à savoir deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.

Il est alors possible de réduire l’attribution de compensation de certaines communes membres sans que cette réduction n’excède 5 % et à condition que leur potentiel financier par habitant soit supérieur de plus de 20 % au potentiel financier moyen par habitant des communes de l’EPCI.

Du fait de l’application des schémas départementaux de coopération intercommunale, les mouvements de périmètre d’EPCI ainsi que les passages à fiscalité professionnelle unique ont été particulièrement nombreux en 2012 et 2013. L’article 40 de la seconde loi de finances rectificative pour 2012 (146) a, par conséquent, assoupli les modalités de fixation et de révision des attributions de compensation en cas de fusion d’EPCI ou de modification de périmètre figurant au 5° du V de l’article 1609 nonies C.

En application de ces nouvelles dispositions, la première année où la fusion (1. du 5°) ou la modification de périmètre (2. du 5°) produit ses effets au plan fiscal, le montant de l’attribution de compensation est fixé comme suit :

– pour les communes antérieurement membres d’un EPCI ne faisant pas application de ce régime, il est calculé dans les conditions normales prévues au 2° du même V en cas de passage au régime de fiscalité professionnelle unique ;

– pour les communes antérieurement membres d’un EPCI faisant application du régime de fiscalité professionnelle unique, il est égal à ce que leur versait l’EPCI d’origine, l’année précédente.

Il peut être dérogé à cette dernière règle, uniquement la première année où la fusion ou la modification de périmètre produit ses effets, en cas de révision librement décidée par délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée des conseils municipaux concernés et du conseil communautaire dans les conditions prévues au premier alinéa du II de l’article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales.

Cette révision est néanmoins encadrée : l’ajustement à la baisse ou à la hausse ne peut excéder 5% du montant initial de l’attribution de compensation.

C. LA CONVERGENCE DES TAUX EN CAS D’INTÉGRATION FISCALE PROGRESSIVE

Le législateur a prévu cinq dispositifs distincts d’intégration fiscale progressive :

– l’intégration fiscale progressive du taux de cotisation foncière des entreprises (CFE) des EPCI appliquant le régime de la fiscalité professionnelle unique ;

– l’intégration fiscale progressive des EPCI issus de fusion ;

– l’intégration fiscale progressive des communes nouvelles ;

– l’intégration fiscale progressive des communes membres d’un syndicat d’agglomération nouvelle (SAN) ;

– l’intégration fiscale progressive des communes rattachées.

● L’intégration fiscale progressive du taux de cotisation foncière des entreprises des EPCI appliquant le régime de la fiscalité professionnelle unique, pour la première fois, est prévue par le b du 1° du III de l’article 1609 nonies C du code général des impôts.

Pendant la première année d’application du régime, le taux de la CFE est voté par le conseil communautaire dans les limites fixées à l’article 1636 B decies : en particulier, il ne peut pas excéder le taux moyen pondéré (par l’importance relative des bases) de la CFE des communes membres constaté l’année précédente.

Le taux de CFE applicable dans chaque commune membre est ensuite rapproché du taux de l’EPCI, jusqu’à l’application d’un taux unique. L’écart est réduit chaque année par parts égales, dans des proportions dépendant du rapport observé, l’année précédant la première année d’application de la CFE unique, entre le taux de la commune la moins taxée et le taux de la commune la plus taxée. Le tableau ci-dessous récapitule les durées (jusqu’à dix ans) et les fractions utilisées (de la moitié au dixième).

RÉGIME D’INTÉGRATION FISCALE PROGRESSIVE DU TAUX DE CFE DES EPCI APPLIQUANT LE RÉGIME DE LA FISCALITÉ PROFESSIONNELLE UNIQUE

Toutefois, le c du même 1° laisse la faculté au conseil communautaire, par une délibération adoptée à la majorité simple de ses membres, de modifier la durée de la période de réduction des écarts résultant des règles de droit commun, sans que cette durée ne puisse excéder douze ans.

Cette délibération doit intervenir au cours des deux premières années d’application du régime de fiscalité professionnelle unique ; elle ne peut pas être révisée ultérieurement, sauf en cas de retrait d’une ou plusieurs communes.

● L’article 1638-0 bis, largement remanié sur ce point par le VII de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 2011 (147) et l’article 99 de loi de finances pour 2012 (148), prévoit la possibilité pour les EPCI à fiscalité propre issus de la fusion d’EPCI préexistants d’appliquer transitoirement des taux de fiscalité différents sur leur territoire grâce une procédure de lissage progressif, au lieu de taux uniques calculés comme des moyennes pondérées.

Cette intégration fiscale est décidée, soit sur délibération du conseil communautaire de l’EPCI issu de la fusion, soit sur délibérations concordantes des conseils communautaires des EPCI préexistants à la fusion. Elle concerne :

– les taux additionnels de la taxe d’habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ou de la cotisation foncière des entreprises pour les EPCI à fiscalité additionnelle (1° du I) ;

– les taux additionnels de la taxe d’habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les EPCI à fiscalité professionnelle unique (1° du III).

S’agissant de la taxe d’habitation, celle-ci doit être précédée d’une homogénéisation des abattements.

Ce dispositif d’intégration fiscale n’est toutefois pas applicable lorsque, pour chacune des taxes en cause, le taux d’imposition appliqué dans l’EPCI préexistant le moins imposé était égal ou supérieur à 80 % du taux d’imposition correspondant appliqué dans l’EPCI le plus imposé pour l’année antérieure à l’établissement du premier des douze budgets susvisés.

● Parallèlement, l’article 1638 organise l’intégration fiscale des communes nouvelles – puisque celles-ci ont remplacé le dispositif des fusions de communes conformément à l’article 21 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (149) – en prévoyant l’harmonisation progressive des taux d’imposition des communes préexistantes. Ces dispositions sont également applicables dans le cas de réunion d’une section de commune ou d’une portion du territoire d’une commune à une autre commune.

Pour l’établissement du budget de la nouvelle commune, des taux d’imposition différents peuvent être appliqués, pour chacune des quatre taxes locales énumérées ci-dessus, sur le territoire de chacune des anciennes communes, pendant une période de douze ans au plus.

La décision de recourir à cette progressivité est prise :

– soit par le conseil municipal de la commune fusionnée ;

– soit en exécution de délibérations de principe concordantes prises antérieurement à la fusion par les conseils municipaux des communes concernées ;

– soit de plein droit sur la demande du conseil municipal d’une commune appelée à fusionner dont le taux d’imposition, pour chacune des quatre taxes, était inférieur à 80 % du taux d’imposition correspondant appliqué dans la commune préexistante la plus imposée pour l’année précédant l’établissement du premier des douze budgets de la progressivité des taux.

Là encore, l’intégration fiscale doit être précédée d’une homogénéisation des abattements et elle ne peut s’appliquer lorsque, pour chacune des taxes en cause, le taux d’imposition appliqué dans la commune préexistante la moins imposée était égal ou supérieur à 80 % du taux d’imposition correspondant appliqué dans la commune préexistante la plus imposée.

● L’article 1638 bis ouvre également la possibilité d’appliquer l’intégration fiscale progressive en cas de constitution d’un syndicat d’agglomération nouvelle (SAN).

Chaque commune membre d’un SAN peut ainsi décider d’appliquer la procédure d’intégration fiscale progressive prévue à l’article 1638, afin de réduire les écarts de taux de taxe d’habitation ou de l’une des taxes foncières constatés l’année précédant la constitution du nouveau syndicat entre la zone d’agglomération nouvelle et la portion de son territoire située hors de cette zone.

La durée du lissage des taux de fiscalité est, par dérogation, fixée à dix ans.

● Enfin, l’article 1638 quater organise deux dispositifs distincts d’intégration fiscale en cas de rattachement volontaire d’une commune à un EPCI fiscalité professionnelle unique, ou à la suite d’une transformation-extension de périmètre de celui-ci, le taux de la CFE de la commune rattachée est rapproché du taux de cette taxe de l’EPCI :

– le a du I prévoit que l’écart constaté est réduit chaque année par parts égales, jusqu’à application d’un taux unique, pendant deux à dix ans en fonction de l’ampleur de l’écart, dans les conditions de droit commun applicables aux transformations en EPCI à fiscalité professionnelle unique et définies au second alinéa du b du 1° du III de l’article 1609 nonies C ; toutefois, il est possible de déroger à la durée légale de la période de réduction des écarts sans dépasser douze ans conformément au c du même 1°.

– le b du I permet, lorsque des taux différents du taux de l’EPCI sont appliqués dans les communes déjà membres de cet établissement, de réduire l’écart constaté avec la nouvelle commune-membre en proportion du nombre d’années restant à courir, jusqu’à l’application d’un taux unique dans les communes déjà membres ; cette disposition ne peut cependant avoir pour effet de supprimer cet écart dans un délai plus court que celui résultant des dispositions du a du I.

D. LE TRANSFERT AUX EPCI DES ALLOCATIONS COMPENSATRICES D’EXONÉRATIONS DE FISCALITÉ LOCALE

Pour les EPCI issus d’une fusion d’EPCI à fiscalité additionnelle, les compensations versées par l’État couvrent, par principe, l’ensemble des exonérations de taxe d’habitation et de taxes foncières sur les propriétés bâties applicables aux personnes de condition modeste, conformément au I de l’article 154 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales (150).

En revanche, en ce qui concerne les fusions d’EPCI à fiscalité professionnelle unique, la compensation allouée couvre les exonérations de taxe d’habitation dans leur intégralité, mais le B du II du même article 154 précise qu’elle ne tient pas compte des pertes de ressources générées par certains allègements de taxes foncières sur les propriétés bâties.

Or, le II de l’article 21 de la loi de finances pour 1992 (151) prévoyait expressément qu’une commune membre d’un EPCI à fiscalité additionnelle existant en 1991 et ayant ensuite opté pour le régime de taxe professionnelle unique bénéficie des allocations compensatrices versées au titre des exonérations de taxe d’habitation et de taxes foncières sur les propriétés bâties pour les personnes de condition modeste qui étaient versées à l’EPCI à compter de la date d’option.

Pour traduire cette rétrocession de la fiscalité des ménages et des allocations compensatrices aux communes, le législateur a prévu que le taux à prendre en compte pour le calcul de la compensation allouée à la commune au titre des exonérations de taxe d’habitation et de taxes foncières sur les propriétés bâties en faveur des personnes de condition modeste soit majoré du taux voté en 1991 par l’EPCI.

Ainsi, lorsqu’un EPCI à fiscalité professionnelle fusionne ensuite avec un nouvel EPCI ayant opté pour le même régime, la commune perd de plein droit la fraction d’allocation calculée sur la base du taux de 1991 de l’EPCI. Les taux votés en 1991 par les EPCI préexistants qui servaient de base au calcul de l’allocation compensatrice ne sont alors plus pris en compte.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA PRISE EN CHARGE AU NIVEAU INTERCOMMUNAL DES PRÉLÈVEMENTS AU TITRE DU FNGIR ET DES VERSEMENTS DE DCRTP

Fortement marquée par l’héritage de la taxe professionnelle, la rédaction actuelle des paragraphes I bis et I ter de l’article 1609 nonies C du code général des impôts ne permet explicitement qu’aux seules communes membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique de pouvoir transférer, d’une part, leurs ressources FNGIR et DCRTP et, d’autre part, la charge de GIR au groupement.

Les alinéas 2 à 9 du présent article proposent donc d’étendre ce dispositif :

– aux communes membres d’un EPCI à fiscalité additionnelle, mentionné au II de l’article 1379-0 bis et dont le régime fiscal est défini à l’article 1609 quinquies BA (alinéas 2 à 5) ;

– aux communes membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle de zone ou d’un EPCI à fiscalité éolienne unique, mentionnés au III de l’article 1379-0 bis et dont les régimes fiscaux sont respectivement définis au I et au II de l’article 1609 quinquies BA (alinéas 6 à 9).

La Rapporteure générale observe que le présent article est très protecteur pour les communes membres puisque le transfert ne pourra se faire que par des délibérations concordantes – du conseil communautaire de l’EPCI et de chaque conseil municipal dans les communes membres. Ce dispositif se borne donc à ouvrir une option et ne remet pas en cause le droit des communes membres de bénéficier d’une compensation à l’euro près des effets de la suppression de la taxe professionnelle.

B. L’ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES DE RÉVISION DES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION

La limite de la révision du montant de l’attribution de compensation à la majoration ou la minoration fixée à 5% au cours de la première année de la fusion, en application des 1 et 2 du 5° du V de l’article 1609 nonies C, n’octroie qu’une faible marge de manœuvre au sein du groupement intercommunal issu de la fusion afin de tenir compte et d’harmoniser progressivement les taux communaux et intercommunaux de fiscalité professionnelle préexistants.

C’est pourquoi, l’alinéa 13 présent article porte de 5 % à 30 % cette limite et opère, ce faisant, un assouplissement considérable, notamment au regard des règles générales – hors fusion ou modification de périmètre – de révision des attributions de compensation.

C. LA CONVERGENCE DES TAUX EN CAS D’INTÉGRATION FISCALE PROGRESSIVE

Les conseils municipaux et les organes délibérants des EPCI doivent actuellement choisir soit l’intégration fiscale immédiate, soit une intégration fiscale progressive sur exactement douze ans (dix ans dans le cas des SAN).

Parfois, aucune de ces deux possibilités n’est adaptée à la situation des communes et EPCI concernés et il paraît souhaitable de conférer davantage de souplesse au régime encadrant la durée de l’intégration fiscale progressive.

Les alinéas 15 à 40 du présent article ouvrent donc aux communes et aux EPCI la possibilité de fixer librement, dans la délibération instituant cette procédure, la durée de l’intégration fiscale :

– pour les EPCI à fiscalité propre issus de la fusion d’EPCI préexistants, après homogénéisation des bases de taxe d’habitation, dans la limite de douze ans, sans qu’il soit possible de réviser ultérieurement cette durée ; à défaut de délibération expresse sur ce point, la durée est fixée à douze ans (alinéas 27 à 38, et 45 pour coordination) ;

– pour les communes nouvelles, au moment de leur création et après homogénéisation des bases de taxe d’habitation, dans la limite de douze ans sans qu’il soit possible de réviser ultérieurement cette durée ; par défaut, la durée est fixée à douze ans (alinéas 15 à 26) ;

– pour les SAN, nouvellement constitués : cette possibilité prend la forme d’une réduction libre de la durée fixée par le I de l’article 1638 bis, ce qui revient à une détermination libre de la durée dans la limite de dix ans (alinéa 39 et 40) ;

– pour les communes rattachées à un EPCI fiscalité professionnelle unique : il existe déjà une possibilité de fixer librement la durée et la limite actuelle, soit douze ans, n’est pas remise en cause ; en revanche, la procédure alternative d’intégration fiscale progressive, prévue au b du I de l’article 1638 quater, est supprimée (alinéas 41 à 43, et 46 pour coordination).

En ce qui concerne l’intégration fiscale progressive du taux de CFE des EPCI à fiscalité professionnelle unique, la possibilité de modifier la durée de convergence au cours des deux premières années, prévue au c du 1° du III de l’article 1609 nonies C est peu utilisée. Elle peut également introduire une instabilité dans la trajectoire de convergence. C’est pourquoi, l’alinéa 11 réduit de deux à un an la période pendant laquelle il est possible de modifier la durée de convergence.

D. LE TRANSFERT AUX EPCI DES ALLOCATIONS COMPENSATRICES D’EXONÉRATIONS DE FISCALITÉ LOCALE

Afin de garantir la continuité du versement à tous les EPCI issus de fusion et à leur communes membres des allocations compensatrices d’exonérations de taxe d’habitation et de taxes foncières sur les propriétés bâties consenties aux personnes de condition modeste, les alinéas 14, 47 et 48 du présent article révisent les règles de calcul de ces allocations compensatrices pour tenir compte de la réorganisation de la carte intercommunale :

– l’alinéa 47 modifie l’article 21 de la loi de finances pour 1992 et l’alinéa 14 le VII de l’article 1609 nonies C du code général des impôts qui concernent les communes membres d’un EPCI à fiscalité additionnelle existant en 1991 et ayant ensuite opté pour le régime de taxe professionnelle unique : ils majorent le taux pris en compte pour le calcul de l’allocation de compensation par le taux voté en 1991 par l’EPCI dont elles étaient membres avant la fusion ;

– l’alinéa 48 corrige le B du II de l’article 154 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales qui définit les modalités de transfert aux EPCI à fiscalité professionnelle unique issus de fusion des allocations compensatrices servies aux EPCI préexistants : il supprime la disposition qui restreint la compensation aux seules exonérations mentionnées au I de l’article 1414 du code général des impôts, c’est-à-dire les exonérations de taxe d’habitation pour les personnes de condition modeste.

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La Commission examine l’amendement CF 73 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement vise à modifier la règle que suivent les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – pour modifier l’attribution de compensation, en substituant à la règle de l’unanimité une majorité qualifiée des deux tiers de l’organe délibérant de l’EPCI et une délibération à la majorité simple de l’ensemble des communes membres de l’EPCI. C’est la règle que nous avons adoptée pour la répartition du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – dans les communes nouvelles.

Mme la Rapporteure générale. Avis favorable.

M. Dominique Lefebvre. C’est une très bonne proposition. Une mesure générale serait d’ailleurs bienvenue ! La règle de l’unanimité est impossible à obtenir aujourd’hui, en raison de la présence des minorités de chacune des communes membres, ce qui rend les EPCI ingouvernables.

M. Charles de Courson. Effectivement, la règle des deux tiers pour l’EPCI ne me choque pas. Mais que prévoyez-vous pour les conseils municipaux ?

Mme Christine Pires Beaune. Chaque commune statue à la majorité simple et doit accepter la révision de l’attribution de compensation. C’est, je le redis, la règle qui existe aujourd’hui pour la répartition du FPIC.

Mme la Rapporteure générale. L’idée est que l’EPCI ne peut pas exercer une tutelle sur l’une ou l’autre des communes qui constituent l’EPCI.

M. Charles de Courson. On a aussi vu des cas où de petites communes exerçaient un véritable chantage, refusant de délibérer tant que les autres n’accédaient pas à leurs demandes.

M. Dominique Lefebvre. Les attributions de compensations ont souvent été figées au moment des transferts de fiscalité – c’est le cas dans les villes nouvelles : avec l’inflation, on connaît une érosion, mais la dépense reste importante. Il faut souligner qu’il est normal qu’une majorité de communes ne puisse pas imposer une répartition à d’autres qui y perdraient. C’est une dotation destinée à compenser une perte de ressources, et non une dotation de solidarité.

Mme Christine Pires Beaune. L’unanimité ne fonctionne plus dans les EPCI, c’est pourquoi il est nécessaire d’assouplir leur fonctionnement. Il ne s’agit évidemment pas de permettre à quelques communes de ponctionner l’attribution de compensation d’autres communes…

La Commission adopte l’amendement CF 73 (amendement 392).

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

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Article 19
Report d’un an de la majoration de la redevance due pour l’usage « alimentation en eau potable »

Le présent article repousse d’une année l’entrée en vigueur du dispositif de majoration qui permet aux agences de l’eau de doubler, sous certaines conditions, le tarif de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau que payent les collectivités, ou leurs délégataires, au titre de leur compétence en matière de distribution d’eau potable.

Ceci représente un manque à gagner pour les agences de l’eau de 16 millions d’euros (sur une recette totale de la redevance de 251 millions d’euros. Pour mémoire, le budget annuel des agences de l’eau, dont cette redevance constitue l’une des sources de financement, était de 2 513 millions en 2013.

I. L’ÉTAT DU DROIT

● Les prélèvements sur la ressource en eau contribuent à faire baisser le débit des cours d’eau et le niveau des nappes phréatiques au détriment des usages de l’eau situés en aval ; ils peuvent également perturber la vie aquatique. C’est pourquoi les articles L. 213-10-9 (en métropole) et L. 213-14-1 (pour les départements d’outre-mer) du code de l’environnement, créés par l’article 84 de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (152), ont assujetti au paiement d’une redevance toute personne physique ou morale, publique ou privée, dont les activités entraînent un prélèvement sur la ressource.

Le produit de cette redevance est affecté à l’agence de l’eau de bassin. Le montant à acquitter par le redevable est proportionnel au volume prélevé ; celui-ci doit être déclaré à l’agence de l’eau avant le 1er avril de l’année suivante, conformément à l’article L. 213-11.

Sont plus particulièrement concernés par cette redevance « pour l’usage ‘alimentation en eau potable’ » les exploitants des services publics de distribution d’eau des communes, des groupements de communes. L’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales, lui-aussi introduit par la loi du 30 décembre 2006, précise à cet égard que les communes, qui détiennent de plein droit la compétence en matière de distribution d’eau potable, doivent arrêter un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution.

● Afin de lutter plus efficacement contre les fuites sur les réseaux d’eau potable, l’article 161 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite « Grenelle II ») (153) a complété les dispositions de l’article L. 2224-7-1 en prévoyant deux obligations :

– l’établissement d’un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable avant la fin de l’année 2013 ;

– la définition d’un plan d’actions « comprenant, s’il y a lieu, un projet de programme pluriannuel de travaux d’amélioration du réseau » dans les douze mois suivant le dépassement d’un taux cible fixé par un décret du 27 janvier 2012 (154) et repris à l’article D. 213-48-14-1 du code de l’environnement.

Il a également complété le V de l’article L. 213-10-9 et le III de l’article L. 213-14-1 pour prévoir le doublement du montant de cette redevance, à titre de sanction, pour les collectivités qui ne respecteraient pas l’une ou l’autre de ces obligations.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Compte tenu du nombre important de collectivités en infraction (1 600 sur 9 000 redevables) et des montants limités en jeu (16 millions d’euros sur une recette totale de la redevance pour l’usage alimentation en eau potable de 251,4 millions d’euros), le présent article propose de repousser d’un an l’entrée en vigueur du doublement de la redevance en cas de défaut de descriptif détaillé des ouvrages. Il procède, plus globalement, au toilettage du dispositif voté en 2010 et codifié aux articles L. 213-10-9 et L. 213-14-1 du code de l’environnement.

L’alinéa 2 reporte ainsi du 31 décembre 2013 au 31 décembre 2014 le délai dont disposent les communes ou leurs délégataires pour établir le descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable.

Si, à cette date, le descriptif n’a pas été établi, le « taux de la redevance » – ou plutôt son tarif – est majoré de 100 %. Cette sanction s’applique aux prélèvements effectués à compter de 2014, qui donnent lieu à paiement de la redevance à compter de 2015.

L’alinéa 3 de cet article sanctionne par une majoration de 100 % les communes ou leurs délégataires, dont le réseau de distribution d’eau enregistrerait un taux de perte supérieur à un taux fixé par décret et qui ne se seraient pas dotés d’un plan d’action « dans les délais prescrits ». Ces délais ne sont toutefois pas précisés dans le code de l’environnement – l’article D. 213-74-1, inséré par le décret d’application, renvoie de manière quelque peu circulaire à l’article L. 213-10-9 pour les définir – mais à l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales, à savoir avant la fin du second exercice suivant celui au cours duquel le dépassement du taux cible de perte en eau du réseau a été constaté.

En outre, cette majoration est applicable « à compter de l’année au cours de laquelle devait être établi le plan d’actions », comme le prévoit déjà le droit existant. Dans la mesure où ce taux cible de perte en eau du réseau n’a été défini que par un décret du 27 janvier 2012, les communes, ou leurs délégataires, dont le taux de perte excédait la norme après l’entrée en vigueur du décret et qui n’auront pas mis en place avant le 31 décembre 2014 de plan d’actions, verront le tarif du prélèvement qu’ils acquitteront à compter de 2015 majoré de 100%. Le présent article ne prévoit donc pas de report, s’agissant de cette seconde cause de majoration.

Enfin, les alinéas 4 à 6 clarifient les conditions dans lesquelles il est mis fin à la majoration. La rédaction actuelle est en effet ambiguë et ne prévoit pas explicitement l’interruption de la majoration lorsque le descriptif détaillé est finalement réalisé.

Pour qu’il soit mis fin au doublement du montant de la redevance qu’ils acquittent, les communes ou leurs délégataires devront désormais satisfaire à l’une et à l’autre des obligations qui leur incombent :

– d’une part, avoir établi un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable ;

– et, d’autre part, ne plus méconnaître l’obligation de disposer d’un plan d’actions en cas de dépassement du taux cible de fuite, soit parce qu’ils se sont dotés dudit plan, soit parce que le taux de fuite sur leur réseau d’eau ne dépasse plus la cible fixée par décret.

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La Commission examine l’amendement CF 107 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je propose, par principe, de cesser d’augmenter les taxes et donc de supprimer cet article. Je n’appartiens pas à la majorité, vous le savez, mais je n’en écoute pas moins le Président de la République avec attention !

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement va à l’encontre de votre intention, cher collègue : tel qu’il est rédigé, il supprime non pas la majoration que vous contestez, mais son report d’un an. Elle s’appliquerait donc une année plus tôt que ce que prévoit le Gouvernement.

L’amendement CF 107 est retiré.

La Commission adopte l’article 19 sans modification.

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Article 20
Simplification des règles de fixation des coefficients multiplicateurs de taxe locale sur la consommation finale d’électricité

Le présent article opère une simplification du mode de calcul des tarifs de la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE) perçue par les fournisseurs d’électricité au profit des communes, des départements ou de leurs groupements.

I. L’ÉTAT DU DROIT

● Suite à la transposition en 2007 de la directive restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, la taxe locale d’électricité a été remplacée par la TCFE.

L’article 23 de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) (155) a ainsi institué à compter du 1er janvier 2011 la nouvelle taxe, qui comporte :

– une part communale, ou intercommunale, assise sur la consommation finale d’électricité fournie sous une puissance inférieure ou égale à 250 kVA et prévue aux articles L. 2333-2 à L. 2333-5 du code général des collectivités territoriales ;

– une part départementale sur la consommation finale d’électricité fournie sous une puissance inférieure ou égale à 250 kVA et prévue aux articles L. 3333-2 à L. 3333-5 du même code.

Le produit de la TCFE, dont le taux a fait l’objet d’une délibération par les conseils municipaux dans les limites fixées à l’article L. 2333-4, est affecté au budget des communes ou, selon le cas, au profit des groupements qui leur sont substitués au titre de leur compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité mentionnée à l’article L. 2224-31 tels que les EPCI, les syndicats ou les départements.

Selon les réponses de l’administration au questionnaire parlementaire de la rapporteure spéciale de la mission Relations avec les collectivités territoriales, le  montant de la TCFE perçue par le bloc communal s’élevait en 2013 à 1,544 milliard d’euros et il était perçu par près de 3 700 communes ou EPCI. Le montant de la part départementale s’élevait en 2013 à 727 millions d’euros.

● Les taxes locales (communale et départementale) sur la consommation finale d’électricité reposent sur l’application à un tarif fixé par la loi (0,25 ou 0,75 €/MWh) de coefficients multiplicateurs délibérés par les collectivités.

En l’état du droit, les conseils généraux doivent voter un coefficient compris entre 2 et 4 tandis que les conseils municipaux (ou les EPCI ayant la compétence) doivent voter un coefficient compris entre 0 et 8. Ce mode de calcul aboutit à une grande complexité puisque les organes délibérants peuvent retenir n’importe quelle valeur comprise entre ces bornes.

● Dans les cas où la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité est exercée par un EPCI (syndicat, communauté de communes, communauté d’agglomération) ou par un département, et que celui-ci a délibéré pour déterminer le coefficient multiplicateur, le produit de la part communale de la TCFE est perçu par le syndicat ou le département en lieu et place de toutes les communes dont la population recensée est inférieure à 2 000 habitants (ou dans lesquelles la taxe était perçue par le syndicat au 31 décembre 2010) conformément à l’article L. 5212-24.

Pour les communes de plus de 2 000 habitants, le produit de la taxe peut être perçu par l’EPCI ou le département en lieu et place des communes s’il en est décidé ainsi par délibérations concordantes du syndicat ou du département, s’il exerce cette compétence, et des communes. En revanche, si les communes de plus de 2 000 habitants n’adoptaient pas de délibérations concordantes, l’EPCI ne pouvait pas, jusqu’à présent, percevoir le produit de la TFCE.

Le V de l’article 45 de la loi de finances rectificative pour 2013 (156) avait supprimé, à compter du 1er janvier 2015, tout critère démographique pour définir le régime de perception de la TCFE. Un EPCI exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité aurait donc dû percevoir de plein droit le produit de la taxe en lieu et place des communes membres, quelle que soit leur population. Les possibilités de reversement de l’EPCI vers les communes étaient, par ailleurs, limitées à 50 % du montant.

Cette réforme, passée dans un premier temps presque inaperçue (157), a suscité ensuite un vif émoi car elle risquait d’aboutir, l’an prochain, à priver certaines communes d’une part non négligeable de leurs ressources.

C’est pourquoi, avant même l’entrée en vigueur de ces dispositions, l’article 18 de la première loi de finances rectificative pour 2014 (158) est revenue au principe de la perception du produit par les communes de plus de 2 000 habitants, et pas par le syndicat, ni l’EPCI. Il a supprimé le plafond de reversement, en réintroduisant les dispositions précédemment en vigueur pour chaque catégorie de groupement.

I. LE DROIT PROPOSÉ

Le présent article propose deux axes de simplification, qui entreront en vigueur au 1er janvier 2016 conformément à son alinéa 15 :

– il énumère limitativement les valeurs parmi lesquelles les collectivités devront choisir pour fixer leur coefficient multiplicateur ;

– il indexe sur l’inflation le tarif sous-jacent, plutôt que les coefficients multiplicateurs maximaux, afin de dispenser les collectivités d’avoir à délibérer de nouveau pour bénéficier de cette actualisation.

● Les alinéas 2 et 3 remplacent le plancher (zéro) et le plafond (huit) actuels, qui encadrent le coefficient multiplicateur voté conformément à l’article L. 2333-4 du code général des collectivités territoriales, par une échelle de valeurs {0 ; 2 ; 4 ; 6 ; 8 ; 8,5} parmi lesquelles les conseils municipaux devront choisir.

Les alinéas 8 et 9 de cet article modifient l’article L. 3333-3 pour fixer les valeurs possibles du coefficient multiplicateur voté par les conseils généraux, pour la part départementale de la taxe, à {2 ; 4 ; 4,25} au lieu des limites actuelles, entre deux et quatre.

De même, les alinéas 11 et 12 opèrent une substitution analogue s’agissant des EPCI, pour lesquels le coefficient multiplicateur, jusqu’alors compris entre zéro et douze, devra être choisi entre les huit valeurs énumérées à l’article L. 5212-24, soit {0 ; 2 ; 4 ; 6 ; 8 ; 8,5 ; 10 ; 12}. Par coordination, la dernière phrase de l’alinéa 12 prévoit que la part de la taxe résultant de l’application d’un coefficient multiplicateur excédant 8,50 (au lieu de 8 aujourd’hui) soit affectée à des opérations de maîtrise de la demande d’énergie concernant les consommateurs domestiques.

L’alinéa 13 adapte les modalités de détermination du coefficient en cas de fusion de syndicats : à la place d’un coefficient moyen, arrondi à deux décimales, il sera désormais fait application de la valeur, parmi celles énumérées, la plus proche de la moyenne constatée.

● Par ailleurs, l’alinéa 7 de cet article indexe, à l’article L. 3333-3, sur les prix hors tabac, non pas les coefficients multiplicateurs votés mais les deux tarifs de base auxquels ces coefficients sont appliqués. Dès lors, le mécanisme d’indexation concernera aussi bien la part départementale que la part communale, qui toutes deux s’adossent aux deux mêmes tarifs de base.

La Rapporteure générale observe que ces différentes mesures, au-delà d’une simplification bienvenue de l’architecture de la TCFE, assureront à moyen terme des recettes plus dynamiques.

● Enfin, les alinéas 4, 10 et 14 du présent article suppriment des dispositions transitoires, prévues lors de la mise en place de la TCFE en 2011 et désormais caduques.

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La Commission adopte l’article 20 sans modification.

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Après l’article 20

La Commission examine l’amendement CF 83 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Afin de remédier à la fiscalité pénalisante qui pèse sur la méthanisation, il est proposé de distinguer, parmi les immeubles et installations de méthanisation, les immeubles uniquement affectés au stockage des matières entrantes et du digestat, qui seraient assimilés à des biens agricoles et par conséquent exonérés d’impôt, de tous les autres immeubles affectés à la méthanisation, qui seraient exonérés de taxe foncière pendant sept ans.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Votre demande d’exonération de taxe foncière pendant sept ans est déjà satisfaite. Quant à l’exonération pérenne que vous proposez d’instaurer au profit des immeubles de stockage, elle a fait l’objet d’un vote de rejet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

M. Charles de Courson. Il pourrait être intéressant que notre collègue rapporteur de la mission d’information sur la fiscalité agricole nous expose l’état d’avancement des réflexions de celle-ci car, si nous ne réglons pas la question dans ce collectif budgétaire, nous ne pourrons plus le faire avant un an. Sachant qu’il existe un consensus, englobant le Gouvernement lui-même, pour prendre des mesures en la matière, je suggère que nous le fassions dès cette année.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà arbitré cette question dans l’hémicycle au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

M. François André. Nous avons effectivement enregistré une avancée lorsque l’Assemblée nationale a porté de cinq à sept ans la durée de l’exonération d’impôts locaux pour les installations et immeubles affectés à la méthanisation.

Cela étant, il ressort des auditions des professionnels de la méthanisation, que nous avons rencontrés hier soir, que la fiscalité n’est que l’une des difficultés rencontrées par cette filière pour assurer la viabilité et la pérennité de son modèle économique, car elle est également confrontée au problème du rachat de l’énergie qu’elle produit. Ce n’est donc pas à travers le seul prisme fiscal que l’on pourra offrir à cette filière émergente un horizon dégagé. Sans doute nous faudra-t-il revenir sur ce sujet par la suite, mais nous ne pouvons guère progresser à ce stade.

La Commission rejette l’amendement CF 41.

Elle examine l’amendement CF 85 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à requalifier en activités agricoles les activités de méthanisation, aujourd’hui considérées comme commerciales.

Mme la Rapporteure générale. C’est une manière déguisée d’instaurer une exonération pérenne de ces activités. J’y suis donc défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 85.

Elle en vient à l’amendement CF 86 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à instituer pour les entreprises de production d’énergie issue de la méthanisation le plafonnement de la taxe foncière à 3 % de la valeur ajoutée.

Mme la Rapporteure générale. Pour que la mesure soit applicable, encore faudrait-il que les professionnels qui recourent à la méthanisation aient un régime juridique permettant de distinguer la valeur ajoutée provenant de la méthanisation de celle provenant de leurs autres activités.

M. Charles de Courson. De deux choses l’une : soit il s’agit de petits exploitants pour qui la méthanisation constitue une activité accessoire, auquel cas l’exonération s’applique, soit ils auront choisi de s’organiser en société, et l’on peut parfaitement isoler la valeur ajoutée produite par chaque activité – même si l’administration fiscale vous a dit le contraire.

Mme la Rapporteure générale. Je vous propose de retirer l’amendement et de le redéposer en vue de son examen en séance publique.

L’amendement CF 86 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 61 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement vise à étendre au syndicat d’agglomération nouvelle – SAN – du secteur 4 de Marne-la-Vallée le bénéfice de la pondération applicable au potentiel fiscal des communautés d’agglomération issues de certains SAN – notamment ceux de Cergy et d’Évry 
– dans le calcul du prélèvement au profit du Fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales – FPIC.

On attend en effet de ce SAN qu’il construise plusieurs milliers de logements. Or, compte tenu de l’évolution du FPIC, il se trouve dans l’incapacité d’accompagner la réalisation de ce programme en construisant des équipements et des écoles.

Je précise que j’ai consulté, avant de rédiger cet amendement, le préfet de région, qui est très soucieux de mener à bien le programme. J’ai également limité son périmètre aux SAN inclus dans des opérations d’intérêt national, afin que, contrairement à sa version précédente, il ne s’applique pas à celui des Rives de l’Étang de Berre. Aussi ne représentera-t-il pas un coût important : 3 à 4 millions d’euros seulement.

Mme la Rapporteure générale. Dans la mesure où l’amendement introduit une dérogation qui ne concerne pas le SAN Ouest Provence, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. Dominique Lefebvre. Nous avons déjà évoqué le sujet …

M. le président Gilles Carrez. Certes, mais on m’avait alors demandé de réécrire mon amendement.

M. Dominique Lefebvre. C’est vrai.

Si la disposition est spécifique aux communautés d’agglomération issues des SAN, les SAN de l’Est parisien, qui n’ont pas fait le choix de se transformer en communautés d’agglomération du fait de leur configuration particulière, sont soumis aux mêmes contraintes budgétaires et aux mêmes obligations d’investissement, liées à la nécessité d’accueillir des populations nouvelles.

Il serait donc injuste et incohérent de permettre aux communautés d’agglomération issues de SAN d’être non pas contributeurs mais bénéficiaires du FPIC, et de l’interdire aux SAN en cours de développement. J’ignore si le rythme de construction de ceux-ci est supérieur à celui de celles-là…

M. le président Gilles Carrez. Il leur est même supérieur, en tout cas dans le secteur 4 où l’on construit plus de 1 000 logements par an.

M. Dominique Lefebvre. On en construit 1300 par an à Cergy. Cela dit, l’amendement me paraît parfaitement légitime.

La Commission adopte l’amendement CF 61 (amendement 389).

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Article 21
Prorogation de certains dispositifs zonés d’exonérations fiscales (AFR, ZRR)

Le présent article a pour objet de proroger et de modifier neuf dispositifs accordant des avantages fiscaux à des entreprises au motif qu’elles exercent leurs activités dans certaines zones du territoire. La diversité et la complexité des dispositifs concernés, ainsi que des modifications qui sont proposées, appelle une brève présentation générale avant de détailler chaque mesure.

Le coût global de cet article est estimé à 13 millions d’euros en 2016, ce qui ne renseigne guère sur les effets respectifs de chacune des mesures, développés, lorsque c’est possible, au long du commentaire.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le 1 de l’article 107 (ancien article 87) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) stipule que, « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Le 3 de l’article 108 du TFUE impose la notification à la Commission de toute aide d’État.

Ces principes connaissent toutefois des exceptions nombreuses :

– le 2 de l’article 107 dresse la liste des aides nécessairement compatibles avec le marché intérieur : aides à caractère social octroyées aux consommateurs, aides destinées à remédier aux catastrophes naturelles, aides économiques octroyées dans le cadre de la réunification de l’Allemagne ;

– le 3 du même article dresse une liste d’aides pouvant être compatibles avec le marché intérieur, notamment les aides dites « à finalité régionale », à savoir :

o « les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi », ainsi que des régions ultrapériphériques définies par l’article 349 (159) (a du 3)

o et « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun » (c du 3).

Pour déterminer précisément quelles aides peuvent être considérées comme compatibles, et par conséquent dispensées de la procédure de notification, l’article 109 permet au Conseil d’adopter des règlements, pour l’application desquels la Commission peut à son tour adopter d’autres règlements (4 de l’article 108).

Deux règlements de la Commission, adoptés sur ce fondement, encadrent plus précisément les aides « zonées » dont il est question dans le présent article :

– le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC), qui autorise sans notification mais dans la limite de certains plafonds des types d’aides déterminés. La dernière version de ce règlement date du 17 juin 2014 (160) et se substitue à celle du 6 août 2008 (161) ;

– le règlement de minimis, qui autorise sans notification les aides dont le montant n’excède pas 200 000 euros sur trois ans. La dernière version de ce règlement date du 18 décembre 2013 (162) et se substitue à celle du 15 décembre 2006 (163).

Les changements de référence des règlements appellent de nombreuses actualisations dans le code général des impôts (CGI). S’agissant du RGEC, il s’agira plus précisément d’actualiser les références aux aides suivantes :

– en faveur de l’investissement à finalité régionale (164) (article 13 de l’ancien RGEC et article 14 du nouveau) ;

– en faveur de l’investissement des petites et moyennes entreprises (article 15 de l’ancien RGEC et article 17 du nouveau). Une aide soumise au respect de cet article ne peut donc bénéficier, par construction, qu’aux PME ; mais les aides des PME ne sont pas nécessairement encadrées par cet article.

Les règlements, en particulier le RGEC, traduisent les lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2014-2020. Ces lignes directrices, qui succèdent à celles de la période 2007-2013, ont été rendues publiques tardivement, par une communication en date du 23 juillet 2013 (165). Cela explique que la précédente règlementation (RGEC et de minimis) ait été prorogée jusqu’au 30 juin 2014 ; cela explique également que la plupart des dispositifs fiscaux dont il est question dans le présent article aient été prorogés pour une seule année, et avec peu de modifications de fond, par la loi de finances rectificative pour 2013 (166).

Compte tenu des nouvelles lignes directrices et de la nouvelle réglementation de la Commission, la carte française des zones d’aides à finalité régionale (ZAFR) a été redéfinie par l’article 1er du décret du 2 juillet 2014 (167). La prorogation pour la durée d’application des nouvelles lignes directrices, assortie des modifications de fond qu’elles imposent à la législation nationale, est prévue par le présent article.

Cependant, un certain nombre de dispositifs ne sont prorogés que pour un an ; l’évaluation préalable annexée au présent article justifie ce choix par la nécessité d’attendre les conclusions des Assises de la ruralité et la refonte des zonages. Ces Assises ont été lancées le 10 septembre dernier par la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité ; conçues comme « un acte fondateur de la nouvelle politique en faveur des territoires » (168), elles s’organisent autour d’ateliers thématiques dont les réunions se déroulent en ce moment même.

S’agissant plus particulièrement des zones de revitalisation rurale (ZRR), l’évaluation préalable reconnaît que « le constat[…] est aujourd’hui partag[é] que le zonage doit être révisé selon de nouveaux critères plus simples et plus lisibles », faisant référence notamment au rapport d’information de nos collègues Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier (169). Dès lors qu’un dispositif prorogé par le présent article concerne les ZRR, la prorogation est prévue pour une seule année, y compris lorsque d’autres zones sont concernées.

Diverses mesures de « toilettage » de la législation sont par ailleurs prévues, par exemple pour tirer les conséquences de la suppression des zones de redynamisation urbaine (ZRU) par la loi de 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (170).

Pour utiles qu’elles soient, ces mesures ne suffisent pas à rendre lisible l’ensemble des dispositifs zonés, dont l’enchevêtrement contribue à une forme d’inintelligibilité de notre droit fiscal. La Rapporteure générale ne peut que déplorer le fait que, pour la deuxième année consécutive, un article modifiant près d’une dizaine de régimes différents est proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d’année. D’une année l’autre, la longueur du dispositif a plus que doublé (quatre pages au lieu de moins de deux), à la différence des délais d’examen du texte par l’Assemblée nationale. La remise à plat des zonages, souhaitable sur le fond, devra être examinée dans de meilleures conditions.

I. PRÉSENTATION DE CHAQUE MESURE

A. LA PROROGATION DES DISPOSITIFS FISCAUX DE SOUTIEN AUX INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS DES PME EN ZAFR, ZRR ET ZRU

1. L’amortissement exceptionnel des investissements immobiliers des PME en ZRR et ZRU

● L’article 39 quinquies D du CGI permet aux PME indépendantes
– c’est-à-dire non détenues à plus de 25 % par une grande entreprise, directement ou indirectement – de pratiquer sur un exercice un amortissement exceptionnel égal à 25 % du prix de revient des immeubles à usage industriel ou commercial acquis ou construits dans une ZRR ou une ZRU avant le 1er janvier 2015.

Les ZRR sont des zones présentant des difficultés accentuées de développement et qui ont pour objet d’aider au développement des espaces géographiques ruraux. Définies à l’article 1465 A du CGI, elles comprennent les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre incluses dans un arrondissement ou un canton caractérisé :

– soit par une très faible densité de population ;

– soit par une faible densité de population, assortie :

o soit d’un déclin général de la population ;

o soit d’un déclin de la population active ;

o soit d’une forte proportion d’emplois agricoles.

Les ZRU (171), quant à elles, sont des zones urbaines confrontées à des difficultés particulières et caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d’habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi.

Les immeubles industriels étant amortis habituellement sur une durée de vingt ans avec un taux d’amortissement annuel linéaire de 5 %, la possibilité de les amortir plus rapidement offre aux entreprises concernées un avantage de trésorerie ; il faut rappeler en effet que les dotations aux amortissements sont des charges déductibles du résultat soumis à l’impôt sur les bénéfices. L’octroi de l’avantage fiscal est subordonné au respect de l’article 15 de l’ancien RGEC.

Cet avantage est également applicable aux travaux de rénovation réalisés dans ces mêmes immeubles, dans le respect du plafond de minimis.

● Le A du I du présent article propose :

– de proroger l’amortissement exceptionnel pour un an (1°-alinéa 3) ;

– de supprimer la référence aux ZRU, elles-mêmes supprimées par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine
(2°-alinéa 4) ;

– d’actualiser les références à l’article 15 de l’ancien RGEC (3°-alinéa 5) et à l’ancien règlement de minimis (4°-alinéa 6).

● L’impact budgétaire n’a pas pu être estimé par l’évaluation préalable ; néanmoins, le coût de la dépense fiscale considérée est chiffré à moins de 500 000 euros par an dans le tome II de l’Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances (PLF) pour 2015 (nombre d’entreprises non déterminé).

1. L’avantage afférent aux opérations de crédit-bail en ZAFR, ZRR et ZRU

● L’article 239 sexies du CGI prévoit, en cas de levée d’option en fin de période de crédit-bail, la réintégration au résultat taxable de l’entreprise locataire d’une fraction de l’éventuel avantage correspondant au loyer.

Ainsi, si le prix d’acquisition par le locataire à l’issue de la période de crédit-bail (par exemple 40) est inférieur à la différence entre la valeur de l’immeuble à la signature du contrat de crédit-bail (100) et l’amortissement que le locataire aurait pu pratiquer s’il avait été propriétaire (50), est réintégrée au résultat du locataire la fraction des loyers correspondant à l’écart entre cette différence (100 – 50 = 50) et le prix de cession (40) soit, en l’espèce, une réintégration de 10.

L’article 239 sexies D prévoit que cette réintégration ne s’applique pas lorsque le contrat de crédit-bail concerne des immeubles en ZAFR, en ZRR ou en ZRU, et qu’il a été signé avant le 31 décembre 2014 pour une période d’au moins quinze ans.

Le cadre européen à respecter est différent selon la nature du bien : article 15 de l’ancien RGEC pour les immeubles neufs en ZRR ou ZRU ; article 13 du même règlement pour les immeubles neufs en ZAFR ; ancien règlement de minimis pour les immeubles anciens.

● Le F du I de l’article propose de proroger le dispositif pour un an (a du-alinéa 62), de tirer les conséquences de la suppression des ZRU (b du 1°-alinéa 63) et d’actualiser les références aux règlements (2°-alinéas 64 à 67).

● Le coût de la prorogation n’est pas chiffré par l’évaluation préalable, pas davantage que le coût du dispositif par les Voies et moyens.

A. LA PROROGATION DES EXONÉRATIONS D’IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES EN FAVEUR DES ENTREPRISES NOUVELLEMENT CRÉÉES EN ZAFR ET CRÉÉES OU REPRISES EN ZRR

1. L’exonération d’impôt sur les bénéfices pour les entreprises nouvellement créées en ZAFR

● L’article 44 sexies du CGI permet aux entreprises nouvellement créées en ZAFR, dont le capital n’est pas détenu à plus de 50 % par d’autres sociétés et qui exercent une activité industrielle ou commerciale (172), de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les bénéfices pendant deux ans, puis d’un abattement dégressif les trois années suivantes (75 %, 50 %, 25 %). Pour être éligible à cet avantage fiscal, l’entreprise doit avoir son siège social et l’ensemble de son activité et de ses moyens d’exploitation implantés dans la zone. L’aide ainsi accordée est soumise au plafond de minimis.

Le fait de bénéficier de l’article 44 sexies ouvre droit, en application d’autres articles du code (173) et sur délibération des affectataires, à d’autres exonérations temporaires : cotisation foncière des entreprises (CFE), cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), taxe pour frais de chambre de commerce et d’industrie (TCCI) et taxe pour frais de chambres de métiers et de l’artisanat (TCMA).

● Le B du I de l’article a pour objet essentiel de proroger le dispositif jusqu’en 2020 (b du 1°-alinéa 12) et d’actualiser la référence à l’ancien règlement de minimis, pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2014
(2°-alinéas 17 et 18).

Il a également pour objet de supprimer, dans l’article 44 sexies, les références désormais obsolètes aux ZRU (supprimées en 2014) et aux ZRR, puisque les entreprises qui y sont créées depuis le 1er janvier 2011 ne sont plus éligibles à l’exonération ; cela implique des modifications de pure cohérence
(c et e du 1°-alinéas 13 et 15) et de réorganisation interne du texte (a du 1°-alinéa 10).

● Le coût de la prorogation de l’exonération d’impôt sur les bénéfices est estimé, sur l’ensemble de la période 2016-2021, à 437 millions d’euros, soit 73 millions d’euros par génération.

Il faut en effet distinguer le coût d’une génération du coût annuel : le premier correspond à l’engagement d’une dépense fiscale sur cinq ans lors de la création d’une entreprise nouvelle (exonération pendant deux ans, puis abattement dégressif pendant trois ans).

Le coût budgétaire annuel est estimé, quant à lui, à 8 millions d’euros en 2016 et 31 millions en 2017. L’absence d’impact en 2015 résulte sans doute du fait que le chiffrage a été réalisé en faisant l’hypothèse que le dispositif ne bénéficie pas en pratique à des entreprises soumises au cinquième acompte, qui seules intègreraient dès 2015, pour le calcul de leur dernier acompte, les nouvelle règles fiscales résultant de cet article (cf. supra le commentaire de l’article 14 pour une présentation plus détaillée du mécanisme du cinquième acompte). Pour mémoire, dans le projet de finances pour 2015, le coût de la dépense fiscale prévue à l’article 44 sexies est estimé à 110 millions d’euros en 2015 (27 000 bénéficiaires en 2013) (174).

1. La prorogation de l’exonération d’impôt sur les bénéfices pour les entreprises créées ou reprises en ZRR

● En application de l’article 44 quindecies du CGI, les entreprises créées ou reprises jusqu’au 31 décembre 2014 en ZRR bénéficient du même avantage fiscal que celui prévu à l’article 44 sexies au profit des entreprises nouvellement créées en ZAFR. Les conditions ouvrant droit au bénéfice de cet avantage en impôt sont proches et le plafond est le même. Les mêmes exonérations facultatives de fiscalité locale et consulaire sont applicables.

● Le D du I de l’article propose de proroger cette mesure pour un an
(1°-alinéa 57) et d’actualiser la référence au règlement de minimis (2°-alinéa 58).

● Le coût de la prorogation est estimé à 18 millions d’euros, dont 13 millions au titre de l’impôt sur les bénéfices et 5 millions au titre de la CVAE. Le coût budgétaire annuel est estimé quant à lui à 3 millions d’euros en 2016 et 2017. Il est estimé à 9 millions d’euros en 2015 dans le projet de finances pour 2015.

A. DE NOMBREUSES MODIFICATIONS DE L’EXONÉRATION D’IS DES SOCIÉTÉS CRÉÉES EN ZAFR POUR REPRENDRE UNE ENTREPRISE INDUSTRIELLE EN DIFFICULTÉ

1. L’état du droit

● L’article 44 septies du CGI permet aux sociétés spécialement créées pour la reprise d’une entreprise industrielle en difficulté (175) de bénéficier, pendant deux ans, d’une exonération d’impôt sur les sociétés (IS).

Le bénéfice de cet avantage fiscal n’est pas ouvert lorsque l’entreprise reprise exerce son activité dans certains secteurs : transports, construction de véhicules automobiles, construction de navires civils, fabrication de fibres artificielles ou synthétiques, sidérurgie, industrie charbonnière, production ou transformation de produits agricoles, pêche, aquaculture.

La société créée doit être indépendante de la société reprise ; ce critère se vérifie si le capital de la première n’est pas détenu par des personnes ayant été associées ou exploitantes de le seconde, ou ayant détenu plus de 50 % de son capital.

Le régime d’exonération s’applique de plein droit, dans limite du plafond de minimis. En cas d’interruption de l’activité dans les trois ans, l’avantage en impôt est repris.

● Toutefois, des règles différentes sont prévues, lorsque les sociétés créées se trouvent en ZAFR (176) ou lorsqu’il s’agit de PME :

– l’exonération est bornée dans le temps s’agissant des ZAFR (sociétés créées jusqu’au 31 décembre 2014) ;

– lorsque la société créée se trouve en ZAFR ou est une PME, un agrément ministériel est nécessaire ;

– cet agrément se justifie par des plafonds d’aide plus généreux que le plafond de minimis :

o dans les ZAFR, l’aide est encadrée par l’article 13 de l’ancien RGEC. Le plafonnement varie selon la situation géographique de la ZAFR, mais aussi selon la taille de l’entreprise ;

o l’aide accordée aux PME hors ZAFR est encadrée par l’article 15 de l’ancien RGEC.

La Rapporteure générale a dû constater le caractère presque parfaitement inintelligible de l’article 44 septies. Il semblerait que les dispositions en vigueur résultent de l’encadrement par l’ancien RGEC des plafonds applicables jusqu’en 2007 aux sociétés créées pour reprendre des entreprises en difficulté dans des zones éligibles à la prime d’aménagement du territoire (PAT) : au lieu de supprimer la références aux zones « PAT » pour définir clairement les plafonds ZAFR, il a été décidé de sédimenter textes obsolètes et textes en vigueur. Pour ajouter au désordre, les règles européennes qui encadrent les plafonds légaux sont déclinées dans des décrets, auxquels la loi ne fait pas référence mais dont elle semble traduire les dispositions.

Contrainte de composer avec cette matière première de faible qualité, dont elle doit cependant assurer un commentaire détaillé auprès des contribuables et de leurs conseils, l’administration n’a pas pleinement réussi, dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), à restituer de manière synthétique les modalités de plafonnement de l’aide. L’administration fiscale a confirmé qu’« il est très difficile, voire même impossible, de déterminer quels sont les plafonds et les taux d’intensité d’aides applicables aux entreprises bénéficiaires de l’exonération actuellement prévue à l’article 44 septies du CGI. Ceci s’explique par la subsistance de dispositions périmées (notamment d’anciens sous-zonages), de dispositions rendues applicables dans un nouveau zonage (ZAFR) et par l’absence de transposition systématique des dispositions de droit communautaire en droit interne ».

La Rapporteure générale doit donc s’en remettre à la doctrine, tout à la fois la plus commune et la plus autorisée (177). Celle-ci indique que l’exonération maximale est plafonnée à un montant de bénéfice exonéré, obtenu en multipliant les coûts éligibles – le coût salarial des emplois créés par l’entreprise (salaires bruts avant impôt, majorés des cotisations sociales, sur la durée d’exonération) et le coût des investissements productifs (178) – par des taux d’aide, qui varient en fonction de la localisation des investissements et de la taille des entreprises. Le tableau suivant détaille le plafond des aides en ZAFR, pour chacune des catégories de zones, dont on peut penser qu’elles résultent de la traduction en droit interne de l’ancien RGEC.

INTENSITÉ MAXIMALE DE L’AIDE EN ZAFR

(en pourcentage des coûts éligibles)

 

Petites entreprises*

Moyennes entreprises

Grandes entreprises

Zones à taux normal

101 %

72 %

43 %

Zones à taux réduit

87 %

58 %

29 %

Guadeloupe, Martinique et La Réunion

203 %

174 %

145 %

Guyane

232 %

203 %

174 %

* : Les PME sont définies par le droit de l’Union européenne comme les entreprises employant moins de 250 personnes, dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros (ou le total du bilan annuel 43 millions d’euros). Les petites entreprises sont celles de moins de 50 personnes et d’un chiffre d’affaires annuel (ou total de bilan) n’excédant pas 10 millions d’euros.

Source : Fiscal, Mémento Francis Lefebvre, 2014.

Les taux de ce tableau sont réduits de moitié pour la fraction des coûts éligibles comprise entre 50 et 100 millions d’euros. La fraction des coûts au-delà de 100 millions d’euros n’est pas prise en compte.

Lorsque l’entreprise créée est une PME hors ZAFR, les taux d’aide sont de 60 % des coûts éligibles pour les petites entreprises, et 30 % pour les moyennes entreprises.

Lorsque les coûts éligibles dépassent 25 millions d’euros, le bénéfice exonéré ne peut dépasser 50 % du plafond « de droit commun ». En tout état de cause, le bénéfice exonéré est plafonné à un montant de 42 millions d’euros.

L’agrément est accordé aux entreprises créées sous certaines conditions :

– création de la société bénéficiaire dans le but spécifique de reprendre une entreprise en difficulté, répondant aux critères prévus par la loi ;

– vérification des critères d’implantation (en ZAFR) et de taille (PME hors ZAFR) ;

– conservation des emplois créés pendant au moins cinq ans ;

– financement du projet par apport direct à hauteur d’au moins 25 %.

Si l’agrément n’est pas accordé, l’exonération reste permise, dans la limite du plafond de minimis.

● Le fait de bénéficier des dispositions de l’article 44 septies ouvre droit aux mêmes exonérations facultatives de fiscalité locale et consulaire que celles auxquelles ouvre droit le fait de bénéficier des dispositions des articles 44 sexies et 44 quindecies (cf. supra).

1. Le dispositif proposé

Le C du I du présent article propose, sur trente-sept alinéas, une réécriture d’ensemble de l’article 44 septies, afin de proroger le dispositif, de l’adapter au nouveau cadre européen et d’en réorganiser la présentation afin de le rendre compréhensible (ce qui implique plusieurs mesures de « toilettage »).

● Le I de l’article 44 septies définit le champ des sociétés éligibles, les caractéristiques des entreprises dont la reprise ouvre droit à l’exonération et la liste des secteurs exclus ; sa rédaction n’est pas bouleversée.

Le dispositif sera désormais borné dans le temps pour l’ensemble des sociétés créées, et plus seulement pour celles créées en ZAFR. Le a dudu C (alinéa 22) fixe cette borne au 31 décembre 2020, ce qui revient donc à une prorogation de six ans pour les sociétés créées en ZAFR et à l’introduction d’une limite temporelle pour les autres.

La liste des secteurs exclus est actualisée, pour tenir compte des prescriptions du nouveau RGEC (3 de l’article 1er et article 13). Seront désormais exclus les secteurs suivants : transports et infrastructures correspondantes, construction navale, fabrication de fibres synthétiques, sidérurgie, charbon, production et distribution d’énergie, infrastructures énergétiques, production agricole primaire, transformation et commercialisation de produits agricoles, pêche et aquaculture (b du 1°-alinéa 25).

● La rédaction du II de l’article 44 septies est remaniée ; il concernera désormais, de manière claire, les sociétés créées en ZAFR, qui peuvent bénéficier sur agrément d’une exonération dont les plafonds sont redéfinis par le a du(alinéas 28 à 31). Ces plafonds sont repris du décret précité du 2 juillet 2014, lui-même pris pour l’application du nouveau RGEC (en l’espèce, essentiellement de son article 14).

Il faut tout d’abord relever un changement méthodologique : si les plafonds restent exprimés en pourcentage des coûts éligibles (dont la définition légale n’est pas modifiée (179)), il s’agit désormais d’un pourcentage d’avantage en impôt maximal et non plus de bénéfice exonéré. En faisant l’hypothèse que le bénéfice est imposé au taux normal de l’IS, un plafond de bénéfice exonéré égal à 150 % correspond à un plafond d’avantage en impôt de 50 % (soit 33,1/3 % de 150). La nouvelle rédaction pose en outre une limite en montants, exprimés en millions d’euros.

NOUVEAUX PLAFONDS D’EXONÉRATION EN ZAFR

(en pourcentage des coûts éligibles et en millions d’euros)

 

Grandes entreprises

Moyennes entreprises*

Petites entreprises*

ZAFR hors DOM

10 %

20 %

30 %

Plafonnement en montant

7,5

7,5

7,5

Guadeloupe, Martinique et La Réunion

45 %

55 %

65 %

Plafonnement en montant

33,75

33,75

33,75

Guyane

55 %

65 %

75 %

Plafonnement en montant

41,25

41,25

41,25

Mayotte

70 %

80 %

90 %

Plafonnement en montant

52,5

52,5

52,5

* : La définition des PME étant opérée par renvoi au RGEC, ce qui permet d’alléger le code (d du 2°-alinéa 36).

Source : présent projet de loi de finances rectificative.

Est reprise, dans une rédaction différente sur le plan formel, la réduction des plafonds lorsque les coûts éligibles dépassent 50 millions d’euros, et la non-prise en compte des coûts dépassant 100 millions d’euros (alinéa 30).

Deux nouvelles limites sont introduites :

– la première empêche les PME de bénéficier des taux majorés dès lors que les coûts éligibles dépassent 50 millions d’euros (alinéa 31) ;

– la seconde exclut du bénéfice de l’exonération les grandes entreprises qui ne créeraient pas, à l’occasion de la reprise de l’entreprise en difficulté, une nouvelle activité économique dans la zone concernée (d du 2°-alinéa 35). La définition de cette notion appellera nécessairement des commentaires administratifs.

L’administration fiscale a indiqué à la Rapporteure générale qu’« au final, aucune conclusion générale ne peut être aisément tirée de la comparaison du régime actuel et du régime issu de l’article 21 […] pour l’article 44 septies du CGI, si ce n’est un évident gain en lisibilité de la norme fiscale. Globalement, il pourrait toutefois être avancé, sous toutes réserves, que la tendance est à la baisse des plafonds et des intensités d’aides, ce qui est conforme aux évolutions constatées entre l’ancien et le nouveau RGEC ».

● Le III de l’article 44 septies, réécrit par le (alinéas 37 à 39) sera désormais relatif aux PME hors ZAFR, éligibles sur agrément à l’exonération d’IS. Les plafonds sont réduits à 10 % des coûts éligibles pour les moyennes entreprises et 20 % pour les petites, dans la limite d’un montant de 7,5 millions d’euros. Cette réduction au regard du droit existant résulte du nouveau RGEC
(6 de l’article 17, notamment).

● Les conditions d’agrément, désormais codifiées au IV de l’article 44 septies (4°-alinéas 40 à 46), sont reprises à l’identique du droit existant, à l’exception d’une souplesse permise par le RGEC : pour les PME, le délai de conservation des emplois est ramené de cinq à trois ans (alinéa 44).

● Modifié par le (alinéas 48 à 54), le V de l’article 44 septies rassemble, de manière par conséquent beaucoup plus lisible, les références (actualisées) aux normes européennes d’encadrement, à savoir :

– l’article 14 du nouveau RGEC pour les sociétés créées en ZAFR et bénéficiant de l’agrément (a du 6°-alinéa 49) ;

– l’article 17 du même RGEC pour les PME bénéficiant de l’agrément
(b du 6°-alinéa 51) ;

– le nouveau règlement de minimis pour les autres entreprises (c du 6°-alinéa 52), y compris celles auxquelles l’agrément a été refusé (précision expresse, prévue par le d du 6°-alinéa 54).

● Les paragraphes ou alinéas non commentés ci-dessus sont de pure forme, tirant les conséquences des actualisations et réorganisations opérées par ailleurs (alinéas 23, 32, 33, 47 et 55).

● L’évaluation préalable estime le coût de la prorogation du dispositif (pour les ZAFR) à 83 millions d’euros sur la période, soit 14 millions par génération. Le coût budgétaire sera de 2 millions en 2016 et de 10 millions en 2017. Le dernier coût budgétaire connu est de 14 millions d’euros en 2013 (460 bénéficiaires).

A. LA PROROGATION DE L’EXONÉRATION DE CFE EN ZAFR ET ZAIPME ET D’UN AVANTAGE CORRÉLATIF À L’EXONÉRATION DE CFE EN ZRR

1. L’exonération facultative de CFE en faveur de certaines opérations réalisées en ZAFR et ZAIPME

● En application de l’article 1465 du CGI, les communes et les EPCI dotés d’une fiscalité propre situés en ZAFR peuvent, sur délibération, exonérer de CFE, en totalité ou en partie et pendant cinq ans, les entreprises qui réalisent sur leur territoire certaines opérations industrielles et de recherche, jusqu’au 31 décembre 2014.

Les opérations pouvant ouvrir droit à cette exonération sont :

– les créations, extensions ou reconversions d’activités industrielles ou de recherche scientifique et technique ;

– les créations, extensions ou reconversions de services de direction, d’études, d’ingénierie et d’informatique ;

– les reprises d’établissements en difficulté exerçant le même type d’activités.

En application de l’article 1586 nonies, les entreprises exonérées de CFE peuvent également être exonérées de CVAE. Le bénéfice de cette aide est soumis au respect de l’article 13 de l’ancien RGEC pour les PME et au plafond de minimis pour les autres entreprises.

● Le G du I de l’article propose plusieurs modifications (180) :

– la prorogation du dispositif jusqu’en 2020 (a du 1°-alinéa 70) ;

– l’unification du régime d’encadrement des aides, puisque les PME comme les autres entreprises seront soumises au respect de l’article 14 du nouveau RGEC (et 3°-alinéas 74 à 76) ;

– la restriction de l’exonération à la réalisation du premier investissement, cette nouvelle condition résultant de l’article 14 du nouveau RGEC s’appliquant différemment selon la taille de l’entreprise (b du 1°-alinéa 71) :

o pour les PME au sens du droit de l’Union européenne (181), l’exonération s’applique en cas d’investissement initial ;

o pour les plus grandes entreprises, la condition est plus stricte puisqu’il faut que cet investissement initial soit réalisé « en faveur d’une nouvelle activité économique dans la zone concernée ».

● En application de l’article 1465 B du CGI, l’exonération de CFE qui vient d’être décrite s’applique également, jusqu’au 31 décembre 2014, dans les zones d’aides à l’investissement des PME (ZAIPME). Celles-ci sont définies pour permettre l’application des dispositions de l’article 17 du RGEC.

Cette référence est d’ailleurs substituée à celle faite à l’article 15 de l’ancien RGEC (du I du I-alinéa 81). Ce même alinéa proroge le dispositif jusqu’en 2020. Le (alinéa 83), d’ordre rédactionnel, renvoie la définition des PME éligibles à l’annexe I du RGEC, précitée (le texte actuel reprenant littéralement cette définition). Il est enfin prévu que la condition d’investissement initial, introduite à l’article 1465, n’est pas applicable en l’espèce, l’article 17 du nouveau RGEC ne l’imposant pas (3°-alinéa 85).

● Selon l’évaluation préalable, le coût de ces deux mesures n’est pas chiffrable car il dépend des décisions des collectivités territoriales.

1. Un avantage corrélatif à l’exonération de CFE en ZRR

● L’article 1465 A du CGI prévoit, sauf délibération contraire de la commune ou de l’EPCI, une exonération de CFE d’au plus cinq ans en faveur des entreprises réalisant en ZRR les mêmes activités industrielles et de recherche que celles définies à l’article 1465 du même code.

L’exonération est en principe soumise au plafond de minimis. Toutefois, pour les opérations réalisées dans une zone située à la fois en ZRR et en ZAFR (182), l’entreprise peut opter pour l’application de la réglementation relative aux aides à finalité régionale prévue à l’article 13 de l’ancien RGEC, dans l’hypothèse où le plafond d’aide qui lui est imposé dans ce cas – calculé en pourcentage de coûts admissibles découlant directement de l’activité réelle de l’entreprise – lui est plus favorable que le plafond « absolu » de 200 000 euros sur trois ans applicable aux aides de minimis.

Il faut rappeler qu’en application de l’article 1586 nonies du CGI, les entreprises exonérées de CFE peuvent également être exonérées de CVAE. Le bénéfice de l’exonération de CVAE est subordonné au respect du même règlement communautaire que celui appliqué pour l’exonération de CFE dont bénéficie l’établissement : les entreprises visées à l’article 1465 A du CGI optant pour la réglementation prévue à l’article 13 du RGEC optent donc pour cette même règlementation pour leur exonération de CVAE.

À l’inverse de l’exonération elle-même, qui n’est pas bornée dans le temps, l’option pour l’application de la réglementation prévue à l’article 13 de l’ancien RGEC ne peut, en l’état du droit, être exercée que pour les opérations réalisées jusqu’au 31 décembre 2014.

● Le H du I (alinéas 77 à 79) propose de proroger pour un an ce dispositif, et d’actualiser les références aux règlements européens.

● Cette mesure n’est pas chiffrable, car dépendante des décisions des collectivités territoriales.

A. MESURES DE COORDINATION ET D’ENTRÉE EN VIGUEUR

● Le E et J du I (alinéas 59 et 86) sont de pures mesures de coordination :

– le E tire les conséquences, à l’article 125-0 A du CGI qui y fait référence, de la modification du décompte des alinéas de l’article 44 sexies ;

– le J modifie, dans l’article 1602 A relatif aux exonérations de taxes consulaires pouvant être accordées aux entreprises bénéficiant des articles 44 sexies, septies et quindecies, la référence au règlement de minimis, encadrant le bénéfice de ces exonérations.

● Le II de cet article organise les modalités de son entrée en vigueur, ou plus exactement de celle de ses mesures qui sont rétroactives :

– le A (alinéa 87) fait entrer en vigueur au 1er janvier 2014 les changements de référence s’agissant du règlement de minimis ;

– le B (alinéa 88) fait entrer en vigueur au 1er juillet 2014 les changements de référence s’agissant du RGEC.

Ces modalités d’encadrement se substituent donc aux anciennes à compter de ces dates.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 108 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’article 21 tend à proroger d’un an plusieurs mesures favorisant la création ou la reprise d’entreprise en zone de revitalisation rurale – ZRR –, ainsi que les dispositifs relatifs aux investissements des PME dans des immeubles à usage commercial et industriel dans les zones d’aide à finalité régionale – ZAFR – et les ZRR. Jugeant cette durée insuffisante, je vous propose de la porter à deux ans.

Mme la Rapporteure générale. L’article proroge, en les modifiant, près d’une dizaine d’allégements fiscaux zonés. Dans la plupart des cas, la prorogation va jusqu’en 2020 en raison des directives européennes, sauf en ce qui concerne les dispositifs bénéficiant aux ZRR. Si le Gouvernement a fait ce choix, c’est que les Assises de la ruralité, qui viennent de commencer, déboucheront probablement sur des propositions concrètes de redéfinition des zonages. Cela étant, je reconnais la validité de votre argument quant au délai de mise en œuvre de ces propositions, ce qui me conduit à m’en remettre à la sagesse de la Commission.

M. Charles de Courson. Les mesures en question seront, dans le meilleur des cas, annoncées dans le courant de l’année prochaine et intégrées à la loi de finances pour 2016, pour application au 1er janvier 2017. Mieux vaut donc prolonger jusque-là les dispositifs actuels.

La Commission adopte l’amendement CF 108 (amendement 399).

Puis elle adopte l’article 21 modifié.

*

* *

Article 22
Prorogation et resserrement du dispositif d’exonération d’impôt sur les bénéfices applicables dans les zones franches urbaines (ZFU)

Le présent article proroge jusqu’au 31 décembre 2020 le dispositif d’exonération d’impôt sur les bénéfices réalisés par les entreprises créant une activité en zone franche urbaine (ZFU), lequel dispositif parvient à son terme le 31 décembre 2014. S’inscrivant désormais dans une géographie prioritaire profondément réformée par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville (183), les ZFU sont conservées. Leur régime d’exonération des bénéfices est aménagé, par une diminution de la durée de l’abattement dégressif de l’exonération et une baisse du plafond de bénéfice exonéré, tandis que l’avantage fiscal qui y est associé est conditionné, à compter du 1er janvier 2016, à la conclusion d’un contrat de ville.

Le coût budgétaire de la prorogation du dispositif est estimé à 8 millions d’euros en 2016 et à 29 millions d’euros en 2017.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LE CADRE GÉNÉRAL DES ZONES FRANCHES URBAINES

1. Présentation d’ensemble des ZFU

Introduites par la loi du 14 novembre 1996 relative au pacte de relance pour la ville (184), les ZFU s’intègrent dans le zonage de la géographie prioritaire de la politique de la ville, qui a été totalement refondu par la loi précitée du 21 février 2014 de programmation pour la ville.

Venant concrétiser les orientations annoncées lors du Comité interministériel des villes du 19 février 2013 (CIV), la loi du 21 février 2014 a en effet mis en place un nouveau cadre géographique d’intervention, s’articulant autour des quartiers prioritaires de la politique de la ville, lesquels viennent se substituer aux zones urbaines sensibles (ZUS) et aux zones de redynamisation urbaine (ZRU), à compter du 1er janvier 2015 ; par ailleurs, les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) sont remplacés par les contrats de ville. Les règles et avantages applicables dans les ZUS se trouvent transférés aux nouveaux quartiers prioritaires, tandis que les ZRU et les avantages fiscaux qui s’y appliquent – notamment le dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales – sont supprimés (voir commentaire de l’article 21 du présent projet de loi de finances rectificative).

En revanche, la loi du 21 février 2014 ne modifie pas le régime des zones franches urbaines : la définition de ces zones, qui faisait référence à celle des ZRU, est simplement adaptée pour devenir autonome (185).

Lors du CIV de février 2013, le devenir des ZFU n’avait pas été arrêté ; en mai 2013, le Premier ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE), pour lui confier la réalisation d’un bilan du dispositif, alors que les différentes exonérations fiscales et sociales applicables viennent à leur terme au 31 décembre 2014. Remis le 15 janvier dernier, le rapport du CESE (186) préconise un maintien du dispositif des ZFU, moyennant divers aménagements, tout en affirmant l’importance d’une gouvernance locale de ces zones, par un ancrage dans les contrats de ville. Le présent article vient mettre en œuvre les préconisations du CESE en matière d’exonération d’impôt sur les bénéfices.

● Les ZFU sont destinées à redynamiser des quartiers défavorisés, présentant un cumul de difficultés particulièrement importantes, par l’application de différentes exonérations fiscales et sociales aux petites et moyennes entreprises qui y sont implantées ou qui s’y installent : l’objectif est de favoriser la création ou le maintien d’activités commerciales, artisanales ou de services, afin d’assurer la mixité fonctionnelle au sein de ces quartiers, notamment par l’implantation de commerces de proximité, et d’améliorer la situation de l’emploi local.

Créées en plusieurs vagues, les ZFU sont désormais au nombre de 100. Une première liste de 44 ZFU a été arrêtée en annexe de la loi du 14 novembre 1996 précitée : il s’agissait de ZRU de plus de 10 000 habitants confrontées aux difficultés économiques et sociales les plus graves. La loi de finances rectificative pour 2002 (187) a décidé de la prorogation de ces 44 ZFU pour cinq années supplémentaires.

Puis la loi du 1er août 2003 d’orientation pour la ville et la rénovation urbaine (188) a introduit une deuxième génération de ZFU, au nombre de 41. Enfin, la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances (189) est venue créer 15 nouvelles ZFU, concernant cette fois des quartiers de plus de 8 500 habitants (190). Cette même loi prolonge la durée des 85 ZFU existantes jusqu’au 31 décembre 2011, tout en unifiant le régime fiscal applicable aux entreprises qui exercent leurs activités dans ces différentes zones (191).

RÉPARTITION DES ZFU PAR ANNÉE DE CRÉATION

Génération de ZFU
(année de création)

France métropolitaine

Départements d’outre-mer (DOM)

Total

Première génération (1996)

38

6

44

Deuxième génération (2003)

41

-

41

Troisième génération (2006)

14

1

15

Total

93

7

100

Environ 1,5 million de personnes résident dans ces ZFU. Près de 40 % des ZFU métropolitaines sont concentrées dans deux régions : 26 d’entre elles sont situées en Île-de-France, dont 10 dans le seul département de la Seine-Saint-Denis, tandis que 10 se trouvent dans la région Nord-Pas-de-Calais, dont 8 dans le Nord.

Enfin, la loi de finances pour 2012 (192) est venue proroger le dispositif d’exonérations fiscales et sociales applicable dans les ZFU jusqu’au 31 décembre 2014, tout en renforçant les dispositions existantes incitant à l’embauche de personnes résidant en ZFU et en ZUS.

2. Les exonérations fiscales et sociales applicables

Les entreprises créées ou implantées en ZFU et dont le chiffre d’affaires et les effectifs sont inférieurs à respectivement 10 millions d’euros et cinquante salariés, bénéficient :

– d’exonérations sociales (193) : l’exonération (194) est totale pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 1,4 SMIC ; pour les rémunérations supérieures à 1,4 SMIC, l’exonération décroît au fur et à mesure que la rémunération s’élève, jusqu’à s’annuler lorsque celle-ci est égale à 2 SMIC. À l’issue d’une période de cinq ans, le bénéfice de l’exonération est maintenu de manière dégressive pendant les trois années suivantes : le taux d’exonération est ramené à 60 % la première année, 40 % la deuxième et 20 % la troisième. Les entreprises de moins de cinq salariés bénéficient d’un régime plus favorable puisqu’elles peuvent, après la période initiale de cinq ans, appliquer une exonération dégressive pendant neuf ans, au taux de 60 % pendant cinq ans, 40 % pendant deux ans, puis 20 % pendant deux ans ;

– d’une exonération d’impôt sur les bénéfices, dont les modalités sont détaillées infra ;

– sauf délibération contraire des collectivités bénéficiaires, d’une exonération de contribution économique territoriale (CET), dans ses deux composantes, la cotisation foncière des entreprises (CFE) (195) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) (196). À l’issue d’une période de cinq ans d’exonération totale, les établissements concernés peuvent bénéficier d’un abattement dégressif pendant trois ou neuf ans, selon la taille de l’entreprise, selon les mêmes modalités que pour les exonérations sociales : 60 % la première année, 40 % la deuxième et 20 % la troisième pour les entreprises d’au moins cinq salariés ; 60 % pendant cinq ans, 40 % pendant deux ans puis 20 % pendant deux ans pour les entreprises de moins de cinq salariés ;

– sauf délibération contraire des collectivités bénéficiaires, d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) (197) : les immeubles rattachés à un établissement remplissant les conditions pour être éligible à l’exonération de CFE peuvent bénéficier d’une exonération de TFPB pendant cinq années.

Ces différents dispositifs arrivent à leur terme le 31 décembre 2014.

B. LES CONDITIONS DE L’EXONÉRATION D’IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES ENTREPRISES CRÉANT UNE ACTIVITÉ DANS UNE ZONE FRANCHE URBAINE

● Aux termes de l’article 44 octies A du code général des impôts (CGI), les contribuables qui créent des activités dans une ZFU, qu’elle soit de première, de deuxième ou de troisième génération, sont exonérés d’impôt sur les bénéfices pour une durée de cinq années (198). À l’issue de cette période, il est pratiqué un abattement dégressif s’élevant à :

– 60 % pour les bénéfices réalisés au cours des sixième à dixième années suivant le point de départ de l’application du régime ;

– 40 % pour les bénéfices réalisés la onzième et la douzième année suivant cette date ;

– 20 % pour les bénéfices réalisés au cours de la treizième et la quatorzième année suivant cette même date.

L’entreprise bénéficie donc d’un régime d’exonération, totale puis partielle, de ses bénéfices, sur une durée de quatorze années.

Le montant du bénéfice exonéré ne peut excéder 100 000 euros par entreprise et par période de douze mois ; ce plafond est majoré de 5 000 euros par salarié domicilié dans une ZUS – désormais quartier prioritaire de la politique de la ville – ou dans une zone franche urbaine et employé à temps plein pendant une période minimale de six mois.

Cette exonération s’applique également aux entreprises implantées à la date du 1er janvier 2006 dans l’une des ZFU de troisième génération, ainsi qu’aux établissements existant au 1er janvier 2007 dans des parties de communes correspondant aux extensions de périmètre des ZFU de première et deuxième générations opérées en 2007.

● Pour bénéficier de ce dispositif d’exonération, les entreprises doivent respecter les conditions suivantes :

– elles ne doivent pas employer plus de cinquante salariés ; cette condition s’apprécie à la date du début d’activité dans la ZFU ;

– leur chiffre d’affaires ou leur total de bilan doit être inférieur à 10 millions d’euros ;

– leur capital et leurs droits de vote ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement, à 25 % ou plus par une ou plusieurs entreprises de plus de deux cent cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros ou le total de bilan supérieur à 43 millions d’euros ; cette condition vise à éviter que ne bénéficient de l’avantage fiscal des filiales de grandes entreprises ;

– elles doivent exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ou une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l’article 92 du CGI (199). Sont toutefois exclues les entreprises dont l’activité principale relève des secteurs de la construction automobile, de la construction navale, de la fabrication de fibres textiles artificielles ou synthétiques, de la sidérurgie ou des transports routiers de marchandises.

● Outre la prorogation du dispositif pour trois années, la loi de finances pour 2012 a prévu une condition supplémentaire applicable à compter du 1er janvier 2012 pour l’octroi de l’exonération d’impôt sur les bénéfices : le bénéfice de l’avantage fiscal est subordonné au bénéfice de l’exonération de cotisations sociales patronales, et ce pour les entreprises qui créent des activités dans une ZFU à compter du 1er janvier 2012 et qui emploient au moins un salarié (200).

En premier lieu, cette disposition conduit à subordonner l’exonération fiscale à la condition que le montant des rémunérations accordées aux salariés soit inférieur à 2 SMIC, puisqu’au-delà de ce seuil, l’exonération de cotisations sociales n’est plus applicable. Cette condition n’est que peu contraignante, puisque l’administration admet que l’entreprise bénéficie de la totalité de l’avantage fiscal alors même que l’exonération de cotisations sociales ne bénéficie pas à l’ensemble de ses salariés. De plus, les salaires perçus par les salariés en ZFU se caractérisent par leur niveau relativement faible : selon les données présentées par le rapport précité du CESE, « en 2011, un salarié sur quatre est embauché au SMIC et un sur deux à une rémunération qui n’excède pas de 10 % le salaire minimum ».

En second lieu, cette disposition impose aux entreprises concernées d’employer, à partir de leur deuxième embauche, au moins 50 % de salariés résidant dans la ZFU ou dans une ZUS de l’unité urbaine dans laquelle est située la ZFU, au titre de la « clause d’embauche locale ». En effet, une « clause d’embauche » a été instaurée dès l’origine pour le bénéfice des exonérations sociales (201) ; elle a ensuite été renforcée au fil du temps. Lorsque l’employeur, depuis son entrée dans le dispositif d’exonérations sociales, a procédé à deux embauches ouvrant droit à l’exonération de cotisations sociales, le maintien de l’exonération pour tous les salariés est subordonné, lors de toute nouvelle embauche, au respect d’une proportion minimale d’emploi ou d’embauche de personnes résidant dans une ZFU ou dans une ZUS. Ces personnes doivent être employées pour un temps de travail au moins égal à seize heures par semaine et résider dans la ZFU ou la ZUS au cours des trois derniers mois précédant leur embauche.

Cette proportion était initialement de 20 % ; elle s’applique aux établissements implantés en ZFU avant le 1er janvier 2002. La dernière loi de finances rectificative pour 2002 a porté cette proportion à 33 %, laquelle s’applique aux établissements implantés depuis le 1er janvier 2002. Enfin, la loi de finances pour 2012 a porté la proportion à 50 %, pour les établissements implantés à compter du 1er janvier 2012 ; cette condition doit s’appliquer dès la deuxième embauche.

L’incidence de cette « clause d’embauche » est donc fortement renforcée par la loi de finances pour 2012 : la moitié des salariés embauchés doivent désormais résider dans une ZFU pour que l’entreprise implantée à partir du 1er janvier 2012 puisse bénéficier, non seulement de l’exonération sociale, mais aussi de l’exonération fiscale, alors qu’auparavant, la clause d’embauche était limitée à un tiers et ne jouait que pour l’exonération sociale.

● Les créations d’activités en ZFU consécutives à un transfert, une reprise, une concentration ou une restructuration d’activités préexistantes qui bénéficient ou ont bénéficié du régime d’exonération en faveur des ZFU ne peuvent bénéficier de celui-ci que pour la durée d’application restant à courir.

Par ailleurs, l’exonération ne s’applique pas aux créations d’activités en ZFU réalisées par un contribuable ayant bénéficié, au titre d’une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert d’activités, de l’exonération d’impôt sur les bénéfices, applicable dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) ou dans les ZRU, ou de la prime d’aménagement du territoire.

● Pour les entreprises qui n’exercent pas l’ensemble de leurs activités dans une ZFU, le bénéfice est exonéré seulement en proportion du montant de leur chiffre d’affaires réalisé en ZFU.

Enfin, l’exonération peut s’appliquer aux activités non sédentaires 
– c’est-à-dire celles qui se caractérisent par leur exercice à l’extérieur des locaux professionnels, comme par exemple le bâtiment et les travaux publics, le gardiennage ou encore le commerce ambulant – implantées en ZFU seulement si les entreprises qui les exercent emploient au moins un salarié sédentaire à temps plein en ZFU ou réalisent au moins 25 % de leur chiffre d’affaires en ZFU.

● Les dispositions de l’article 44 octies A, en vigueur depuis le 1er janvier 2006, se sont substituées au régime d’exonération de l’article 44 octies qui concernait les activités implantées dans les ZFU de première et deuxième générations. Ce dernier régime a cessé de s’appliquer aux activités créées dans les ZFU à partir du 3 avril 2006 ; en revanche, les dispositions de l’article 44 octies trouvent encore à s’appliquer aux entreprises implantées au 1er janvier 2006 dans les ZFU de première et deuxième générations, et à occasionner des dépenses fiscales.

Les entreprises ayant créé des activités dans ces ZFU de première et de deuxième génération entre le 1er janvier et le 2 avril 2006 ont quant à elle pu choisir de se placer soit sous le régime de l’article 44 octies A, soit sous celui de l’article 44 octies, sachant que ce dernier régime est moins favorable que celui qui l’a remplacé.

En effet, si l’économie générale des deux régimes est la même, l’article 44 octies A est en retrait par rapport à l’article 44 octies sur deux points :

– au-delà de la période d’exonération totale de cinq années, la durée de l’abattement dégressif n’était que de trois ans (60 % la première année, 40 % la deuxième et 20 % la troisième) pour les entreprises de cinq salariés et plus, et de neuf ans pour les entreprises de moins de cinq salariés (60 % pendant 5 ans, 40 % pendant les deux années suivantes, puis 20 % pendant les deux dernières années) ; dans le cadre de l’article 44 octies A, le régime d’abattement dégressif sur neuf ans est applicable à toutes les entreprises, quel que soit leur effectif ;

– le bénéfice exonéré ne pouvait excéder 61 000 euros par contribuable et par période de douze mois, contre 100 000 euros pour l’article 44 octies A.

C. LES RÉSULTATS DE RÉCENTS TRAVAUX D’ÉVALUATION DU DISPOSITIF

Plusieurs travaux et rapports ont apporté un éclairage sur l’impact des exonérations dans les ZFU en matière de développement économique et social, ainsi que d’emploi. Outre le rapport précité du CESE, peuvent être cités un rapport d’information sur les zones franches urbaines déposé en mai 2013 par M. Henri Jibrayel (202), ainsi qu’une étude de l’INSEE de mars 2012 sur leurs effets sur l’activité économique (203), auxquels s’ajoute l’évaluation des exonérations tant sociales que fiscales par l’une des annexes au rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de 2011, dit « rapport Guillaume » (204).

Si une synthèse de l’ensemble de ces travaux dépasse largement le cadre du présent commentaire, il apparaît que l’évaluation des effets du dispositif de ZFU se heurte à des certains écueils méthodologiques, du fait de l’évolution dans le temps des dispositifs, des modifications statistiques, de la création du statut d’auto-entrepreneur en 2009 – qui représente plus du tiers du flux des installations annuelles en ZFU – et de la difficulté à évaluer l’évolution qu’auraient suivie les zones concernées sans la création des ZFU.

Le « rapport Guillaume » n’accorde qu’une note de 1, sur une échelle de 0 à 3, aux exonérations fiscales et sociales des ZFU, au motif d’un coût élevé par emploi créé et d’une prédominance des transferts d’activité par rapport aux créations nettes, correspondant à des effets d’aubaine. En revanche, le rapport du CESE comme celui présenté par M. Jibrayel jugent que les dispositifs des ZFU ont contribué de façon significative au maintien et au développement d’activités, et qu’ils ont donné lieu à des créations d’emplois, même si ce n’est qu’en nombre relativement limité au cours des dernières années. Les résultats apparaissent variables selon les ZFU et selon les périodes ; le dispositif semble avoir eu des effets particulièrement importants dans les premières années de mise en place, mais avoir connu ensuite un certain essoufflement.

En 2012, les ZFU comptaient au total 64 073 établissements en métropole ; les données disponibles les plus récentes en matière d’emploi datent de 2010, année au titre de laquelle le nombre de salariés dans l’ensemble des ZFU métropolitaine atteignait 304 830, au sein de 61 568 établissements.

La dépense fiscale associée aux exonérations sociales et fiscales est en diminution continue depuis cinq ans : elle est passée de 624 millions d’euros en 2008 à 371 millions d’euros en 2013, largement du fait de la baisse du montant des exonérations sociales. Cette diminution résulte essentiellement du resserrement du champ des exonérations réalisé par la loi de finances pour 2009 (205), notamment par l’abaissement du niveau de salaire ouvrant droit à exonération. Désormais, l’exonération de l’imposition des bénéfices, qui est quant à elle en nette hausse depuis 2007, représente près des deux tiers de la dépense fiscale associée aux ZFU.

ÉVOLUTION DU COÛT DU DISPOSITIF ZFU

(en millions d’euros)

Types d’exonérations

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Exonération d’impôt sur les bénéfices

175

180

200

195

215

220

232

247

Exonération de l’imposition forfaitaire annuelle (supprimée à partir de 2013)

5

5

3

1

1

1

1

-

Exonération au titre de la contribution économique territoriale

61

74

60

57

41

20

16

10

Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties

9

15

9

9

7

5

4

3

Exonération de cotisations sociales patronales

299

350

285

183

148

134

118

nc

Total brut ZFU

549

624

557

445

412

380

371

-

Source : direction de la législation fiscale et ministère de la ville.

I. LA RÉFORME PROPOSÉE : LA PROROGATION JUSQU’EN 2020 ET LE RECENTRAGE DU DISPOSITIF D’EXONÉRATION D’IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DANS LES ZFU

A. LA PROROGATION DU DISPOSITIF JUSQU’EN 2020

Le du I du présent article vient porter le terme du dispositif prévu par l’article 44 octies A du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2020. Cette prorogation de six ans correspond au cadre temporel des nouvelles lignes directrices de la Commission européenne en matière d’aides à finalité régionale pour la période 2014-2020.

À l’issue des travaux conduits par le CESE et de l’adoption de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le Gouvernement a donc pris la décision de proroger le dispositif d’exonération d’impôt sur les bénéfices au sein des ZFU : ceci permet de maintenir un soutien indispensable au développement économique des territoires concernés, qui cumulent un grand nombre de difficultés.

Il convient de noter que le présent article ne procède pas à la prorogation des autres dispositifs d’exonération, à savoir ceux applicables en matière de cotisations sociales patronales, de TFPB, de CFE et de CVAE. S’agissant des exonérations sociales, cette décision s’explique notamment par le fait que l’avantage comparatif qui en est retiré s’est notablement réduit au fil du temps, du fait de la mise en œuvre depuis 2003 des « allégements Fillon », lesquels ont été amplifiés par la loi du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (206).

En tout état de cause, les exonérations sociales et fiscales qui ne sont pas prorogées et dont bénéficient les entreprises qui ont créé des activités avant le 31 décembre 2014 en ZFU sont bien évidemment toujours en vigueur, sur des durées s’échelonnant de cinq à quatorze ans, selon les dispositifs concernés ; certaines se traduiront donc par des dépenses fiscales jusqu’en 2028.

B. LES AMÉNAGEMENTS APPORTÉS AUX MODALITÉS D’EXONÉRATION DES BÉNÉFICES

S’inscrivant dans le prolongement des préconisations formulées par le CESE, le présent article propose de modifier les règles d’exonération d’impôt sur les bénéfices, dans le sens d’un resserrement de l’avantage accordé.

● En premier lieu, le du I vient modifier le séquencement de l’abattement dégressif de l’exonération, intervenant à l’issue de la période de cinq ans d’exonération totale. Au lieu d’une dégressivité se déroulant sur neuf années, avec un abattement de 60 % pendant cinq ans, puis de 40 % pendant deux ans et de 20 % pendant deux ans, le présent article prévoit une dégressivité sur trois années seulement, à hauteur de 60 % la première année, de 40 % la deuxième année et de 20 % la troisième année. Ce dispositif est bâti sur le modèle des exonérations sociales et de l’exonération de CET applicables aux entreprises de plus de cinq salariés, mais aussi de l’exonération des bénéfices prévue dans le cadre de l’article 44 octies, applicable avant le 1er janvier 2006.

La durée du régime d’exonération est donc ramenée de quatorze à huit années, tout en conservant le principe d’une exonération totale des bénéfices pendant les cinq premières années.

● En deuxième lieu, le a) du du I tend à réduire le montant maximal du bénéfice exonéré par période de douze mois, en le ramenant de 100 000 à 50 000 euros, afin de « limiter les effets d’aubaine », selon les termes de l’évaluation préalable de l’article. La majoration du plafond de 5 000 euros par nouveau salarié embauché domicilié dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, à temps plein pendant au moins six mois, n’est pas modifiée.

C. LA SUPPRESSION DU LIEN ENTRE EXONÉRATION DES BÉNÉFICES ET EXONÉRATION DE COTISATIONS SOCIALES, AU PROFIT DU CRITÈRE DE LA CONCLUSION D’UN CONTRAT DE VILLE

● Comme vu supra, depuis la loi de finances pour 2012, l’octroi de l’exonération d’impôt sur les bénéfices est subordonné au fait, pour les entreprises qui emploient au moins un salarié et qui créent des activités dans une ZFU à compter du 1er janvier 2012, de bénéficier de l’exonération de cotisations patronales pour leur(s) salarié(s).

Le b) du du I supprime cette condition : en l’absence d’une prorogation des exonérations sociales prévues à l’article 12 de la loi du 14 novembre 1996 précité au-delà du 31 décembre 2014, la référence au bénéfice de ces exonérations n’est plus opérante ; son maintien ne permettrait plus aux entreprises créant des activités en ZFU à compter du 1er janvier 2014 et employant au moins un salarié de bénéficier de l’exonération de l’imposition des bénéfices.

Le présent article supprime cette disposition désormais obsolète, et il la remplace par une nouvelle condition, applicable aux contribuables créant des activités en ZFU à compter du 1er janvier 2016 : ces derniers ne pourront bénéficier de l’exonération fiscale que sous réserve de l’existence d’un contrat de ville, tel que prévu par l’article 6 de la loi du 21 février 2014 précitée.

● Les contrats de ville, qui correspondent à 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville – et partant, l’ensemble des ZFU –, viennent remplacer les 497 CUCS (207), souvent critiqués pour leur manque de vision globale et stratégique. Les contrats de ville doivent être conclus au niveau intercommunal, tout en étant signés par les départements et les régions ; ils doivent permettre de mobiliser l’ensemble des politiques publiques, pour mieux répondre aux besoins sur le terrain. Aux termes de l’article 6 de la loi du 21 février 2014 précitée, les contrats de ville doivent être signés dans l’année du renouvellement général des conseils municipaux, et entrent en vigueur le 1er janvier de l’année suivante, pour une durée de six ans. Le dernier renouvellement des conseils municipaux ayant eu lieu en mars 2014, les contrats de ville devaient être signés avant le 31 décembre 2014, mais ce délai a été repoussé au 30 juin 2015.

En tout état de cause, les contrats de ville ont vocation à être signés avant le 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de la condition de conclusion d’un tel contrat pour le bénéfice de l’exonération des bénéfices prévue par l’article 44 octies A. Cette conditionnalité constitue donc une forte incitation pour les acteurs locaux à signer des contrats de ville (208). Aux termes de l’évaluation préalable de l’article, il s’agit ainsi de « mobiliser l’écosystème pour créer un environnement favorable à la création et au développement des entreprises ».

● La suppression du lien entre exonérations sociales et fiscales emporte des conséquences sur deux points principaux. Tout d’abord, elle lève la condition, pour bénéficier de l’exonération fiscale, d’avoir un ou plusieurs salariés dont le salaire est inférieur à deux SMIC – alors que les exonérations de cotisations sociales ne s’appliquaient qu’aux salaires en deçà de ce seuil. Il est probable que la suppression de cette règle n’aura qu’un impact limité, pour les raisons évoquées supra.

Ensuite, l’exonération fiscale n’est plus subordonnée au respect de la « clause d’embauche locale » prévue par l’article 13 de la loi du 14 novembre 1996 et présentée supra. De ce fait, à compter du 1er janvier 2015, le recrutement de salariés résidant dans la ZFU ou le quartier prioritaire environnant ne constitue plus un critère de bénéfice de l’exonération fiscale, tandis que l’exonération sociale a disparu : l’embauche locale ne fait plus l’objet d’incitation fiscale – à l’exception de la majoration du plafond de bénéfice exonéré (209), déjà en vigueur et qui n’est pas modifiée.

Le renforcement de la « clause d’embauche locale » par la loi de finances pour 2012, pour la porter de 33 % à 50 % des recrutements, a suscité des critiques. Dans son rapport, le CESE préconise de « réduire la clause d’embauche locale, aujourd’hui trop élevée, à 25 % ou 33 % des emplois ou des embauches », au motif que ce relèvement a pu avoir paradoxalement un effet contre-productif, compte tenu des difficultés rencontrées par nombre d’entreprises s’implantant en ZFU à recruter sur place les salariés qualifiés dont elles ont besoin : certaines entreprises, considérant qu’elles ne parviendraient pas à atteindre le seuil de 50 % d’embauche, renonceraient de ce fait aux exonérations sociales et fiscales – ce qui réduit la dépense fiscale afférente, mais aussi l’attractivité de la zone concernée. Le rapport d’information de M. Jibrayel parvenait lui aussi à cette conclusion, en indiquant que selon les entrepreneurs rencontrés par la mission, la clause, devenue trop restrictive, pouvait rendre le dispositif d’exonérations fiscales et sociales inopérant ; il préconisait de revenir à une règle d’une embauche sur trois.

La suppression de toute condition d’embauche sur place pour bénéficier de l’avantage fiscal, telle que prévue par le présent article, pourrait toutefois être dommageable, alors même que les ZFU ont pour objectif de favoriser le développement économique de territoires en difficulté, mais aussi l’emploi local.

● Enfin, le c) du du I procède à une coordination, en actualisant une référence au droit de l’Union européenne. En effet, pour les contribuables qui exerçaient leur activité en ZFU de troisième génération au 1er janvier 2006 et pour ceux qui ont créé leur activité en ZFU, quelle que soit sa génération, à compter du 1er janvier 2012, le bénéfice de l’exonération fiscale prévue à l’article 44 octies A est subordonné au respect du règlement européen du 15 décembre 2006 concernant l’application des anciens articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (210).

Ce règlement, qui autorise sans notification les aides dont le montant n’excède pas 200 000 euros sur trois ans, est arrivé à échéance au 31 décembre 2013 ; un nouveau règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 (211), conservant le même plafond de 200 000 euros tout en apportant quelques aménagements au dispositif de 2006, prend sa suite. Le présent article procède donc au remplacement de la référence du règlement n° 1998/2006 par celle du nouveau règlement n° 1407/2013.

D. LES INCIDENCES BUDGÉTAIRES DE LA RÉFORME

Selon l’évaluation préalable de l’article, la prorogation jusqu’en 2020 de l’exonération de l’impôt sur les bénéfices en ZFU représenterait une dépense fiscale évaluée à 690 millions d’euros sur toute la période couverte par les exonérations, à savoir de 2016 à 2028. La perte de recettes interviendrait à partir de 2016, au titre de l’exonération des bénéfices réalisés en 2015, tandis que les dépenses fiscales afférentes aux entreprises créées au cours de l’année 2020 toucheraient à leur fin en 2028. En 2016, la dépense fiscale s’établirait à 8 millions d’euros, pour atteindre 29 millions d’euros en 2017.

Le calcul de ces montants est fondé sur les hypothèses suivantes : le coût de l’exonération au titre des entreprises créées en 2015 serait de 8 millions d’euros, en 2016, tandis que cette dépense serait portée à 21 millions d’euros pour ces entreprises créées en 2015. Au bout de huit années, et compte tenu de l’abattement dégressif, la dépense fiscale associée aux entreprises créées en 2015 atteindrait 117 millions d’euros. Il convient de noter que la justification du quasi triplement de la dépense entre la première et la deuxième année, de 8 à 21 millions d’euros n’est pas détaillée par l’évaluation préalable. Il a été indiqué à la Rapporteure générale que l’augmentation du coût correspond à la montée en puissance de l’activité des entreprises nouvellement créées.

L’évaluation préalable précise que dans le cadre du dispositif actuel, c’est-à-dire avec un plafond de bénéfice exonéré de 100 000 euros et une exonération s’échelonnant sur quatorze ans, le montant de la dépense est évalué à 8 millions au titre de la première année et 26 millions au titre des suivantes. On peut en déduire qu’une prorogation en l’état du dispositif actuel se traduirait par une dépense fiscale afférente à chaque génération d’entreprises créées de 221 millions d’euros, soit une dépense fiscale évaluée au total à 1,324 milliard d’euros sur toute la période couverte par les exonérations, de 2016 à 2034.

Les tableaux ci-dessous présentent la chronique budgétaire de la dépense fiscale afférente à l’article 44 octies A en application des dispositions du présent article, ainsi que la chronique budgétaire d’une prorogation sans modification de l’article 44 octies A jusqu’en 2020.

CHRONIQUE BUDGÉTAIRE DE LA PROROGATION DE L’ARTICLE 44 OCTIES A DANS LA RÉDACTION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

2032

Coût actuel sans prorogation

145

165

181

198

204

180

163

137

116

96

79

64

48

33

21

10

5

0

0

0

0

Coût de la prorogation proposée

0

0

0

0

8

29

49

70

90

103

103

86

66

45

25

12

4

0

0

0

0

Montant total avec prorogation

145

165

181

198

212

208

212

207

207

199

181

150

113

78

45

23

9

0

0

0

0

Source : direction de la législation fiscale.

CHRONIQUE BUDGÉTAIRE D’UNE PROROGATION DE L’ARTICLE 44 OCTIES A DANS SA RÉDACTION ACTUELLE JUSQU’EN 2020

Coût prorogation hors réforme

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

2032

2033

2034

Coût actuel sans prorogation

145

165

181

198

204

180

163

137

116

96

79

64

48

33

21

10

5

0

0

0

0

   

Coût de la prorogation en l’état

0

0

0

0

10

36

61

87

113

128

134

123

113

103

87

82

72

62

46

31

21

10

5

Montant total avec prorogation

145

165

181

198

214

215

224

224

229

224

212

187

161

136

108

93

77

62

46

31

21

10

5

Source : direction de la législation fiscale.

*

* *

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. La commission des Affaires économiques a adopté hier soir des amendements à cet article, qui auraient dû être transmis à la commission des Finances mais ne l’ont apparemment pas été, sans doute faute de temps.

M. le président Gilles Carrez. Nous les examinerons dans le cadre de la réunion prévue par l’article 88 du Règlement. Ils sont en cours de traitement par le service de la séance et notre commission n’en dispose pas encore.

La Commission adopte l’article 22 sans modification.

*

* *

Article 23
Crédit d’impôt en faveur de la production phonographique

Le présent article élargit le crédit d’impôt sur les sociétés (IS) dont bénéficient les entreprises de production phonographique à raison des dépenses qu’elles réalisent pour soutenir le lancement de nouveaux talents francophones.

À cette fin, il est proposé plusieurs modifications du dispositif en vigueur :

– est prorogé l’ensemble du dispositif jusqu’au 31 décembre 2018 ;

– est abaissé de 20 % à 15 % le taux du crédit d’impôt, sauf pour les microentreprises, les petites et les moyennes entreprises qui bénéficieront toujours d’un taux de 30 %. En contrepartie, est supprimé le mécanisme de décote destiné à modérer le montant des dépenses imputables par les entreprises qui se verront appliquer ce nouveau taux de 15 % ;

– est élargi le champ des dépenses éligibles à la rémunération des dirigeants, à raison de leur participation effective à la réalisation des œuvres ;

– est relevé de 800 000 à 1,1 million d’euros le plafond global du crédit d’impôt dont peut bénéficier chaque entreprise au titre d’un exercice.

Le coût du crédit d’impôt dont bénéficient les entreprises de production phonographique est de 11 millions d’euros. L’élargissement de ce crédit tel que prévu par cet article est évalué à 2 millions d’euros supplémentaires à compter de 2016 (212) (soit un coût du crédit d’impôt de 13 millions d’euros).

Le soutien ainsi apporté à cette filière est d’un coût modéré si on le compare notamment aux coûts du crédit d’impôt pour les dépenses de production d’œuvres cinématographiques (60 millions d’euros en 2014), du crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres audiovisuelles (60 millions d’euros également en 2014) ou du crédit d’impôt en faveur de la production exécutive d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles par des entreprises établies hors de France (17 millions d’euros en 2014). Le crédit d’impôt en faveur des entreprises créatrices de jeux vidéo représente pour sa part une dépense fiscale de 5 millions d’euros en 2014.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

A. UN DISPOSITIF CRÉÉ PAR AMENDEMENT EN 2006

Le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique a été créé par l’adoption d’un amendement de M. Martin Lalande, dans le cadre de l’examen de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

1. Les entreprises bénéficiaires

Le dispositif vise les entreprises ayant la qualité d’entreprise de production phonographique au sens de l’article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire les personnes physiques ou morales qui ont l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son.

Seules les entreprises soumises à l’IS, quelle que soit leur forme, peuvent en bénéficier. Sont donc exclues du dispositif les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu ou exonérées d’IS par une disposition particulière.

Selon l’article 220 octies du code général des impôts (CGI), ces sociétés sont éligibles au dispositif si elles sont existantes depuis au moins trois années. Le calcul de la durée d’existence des entreprises de production est indépendant du nombre d’exercices clos et de la durée de ces exercices. La première demande d’agrément susceptible d’ouvrir droit au crédit d’impôt doit donc intervenir à compter du troisième anniversaire de la création de l’entreprise.

En outre, le bénéfice du crédit d’impôt phonographique est réservé aux entreprises de production qui ne sont pas détenues, directement ou indirectement, par un éditeur de service de télévision ou de radiodiffusion.

Dans un domaine plus social, l’article 220 Q du CGI précise que les entreprises ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt que si elles respectent « l’ensemble de leurs obligations légales, fiscales et sociales » ; le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) indique, à ce dernier titre, que sont exclues du crédit d’impôt les entreprises qui ont recours à des contrats de travail à durée déterminée afin de « pourvoir à des emplois qui ne sont pas directement liés à l’une des activités dans lesquelles il est d’usage constant de recourir à ces contrats telles que la production ou à l’édition de phonogrammes ou de vidéogrammes ou la production de spectacles vivants ».

Les entreprises bénéficiaires du dispositif peuvent être indifféremment établies en France, dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative (213).

1. Les œuvres éligibles

Ne sont éligibles au crédit d’impôt que les dépenses liées à la production ou au développement de certains albums.

En premier lieu, ces dépenses doivent porter sur la production d’enregistrements musicaux de « nouveaux talents » c’est-à-dire d’artistes ou de groupes d’artistes qui ne doivent pas avoir dépassé le seuil de 100 000 ventes pour deux albums distincts précédant le nouvel enregistrement.

Cette limitation permet de cibler les artistes qui, à défaut d’être forcément « nouveaux », n’ont pas encore totalement rencontré leur public. En revanche, comme l’a indiqué l’Union des producteurs phonographiques indépendants (UPFI), certains artistes, qui ont eu leur moment de gloire, restent non éligibles au dispositif de nombreuses années après la parution du second album, ce qui peut bloquer un second décollage de l’artiste.

En second lieu, le dispositif prévoit un critère complémentaire qui n’est applicable qu’aux albums d’expression, c’est-à-dire aux albums vocaux. Pour ces seuls albums, le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect d’une condition d’utilisation de la langue française ou d’une langue régionale : ils doivent en effet pour la moitié au moins être d’expression française ou dans une langue régionale en usage en France. Le respect de cette condition s’apprécie au niveau de l’entreprise pour l’ensemble des albums qu’elle produit chaque année.

Lorsqu’un album comporte à la fois des titres en français et en langue étrangère, ledit album est réputé d’expression francophone ou régionale lorsque la durée des titres en français est majoritaire par rapport à celle des titres en langue étrangère.

L’application de la clause de francophonie implique que si, au titre d’un exercice, la production d’albums de nouveaux talents d’expression en français ou dans une langue régionale en usage en France n’est pas majoritaire, alors seuls les albums en français ou dans une langue régionale en usage en France sont éligibles au crédit d’impôt. En revanche, si, au titre d’un exercice, la production d’albums de nouveaux talents d’expression en français ou dans une langue régionale en usage en France est majoritaire, alors tous les albums d’expression de nouveaux talents, y compris ceux réalisés dans une langue étrangère, sont éligibles au crédit d’impôt.

Le BOFiP contient un schéma permettant d’illustrer ce dispositif qui ne se caractérise pas par sa simplicité.

IS – Crédit d'impôt pour dépenses de production d'œuvres phonographiques – Condition de francophonie - schéma

Enfin, les œuvres mentionnées ci-dessus sont éligibles à condition de bénéficier d’un double agrément administratif :

– un agrément à titre provisoire, sollicité avant l’engagement des opérations de production ou de développement, attestant au vu des éléments transmis à l’appui de la demande formulée par l’entreprise de production, que l’œuvre remplira les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d’impôt phonographique ;

– un agrément à titre définitif attestant que l’œuvre satisfait effectivement aux conditions d’éligibilité du crédit d’impôt.

Ces deux agréments sont délivrés après avis d’un comité d’experts, qui se réunit une fois par mois au ministère de la culture à cet effet.

1. Les dépenses éligibles

Une distinction est opérée selon que les dépenses sont engagées pour la production ou pour le développement d’un enregistrement répondant aux conditions d’éligibilité au crédit d’impôt.

a. Les dépenses correspondant aux frais de production

i. Les frais de personnel

Sont comprises dans l’assiette du crédit d’impôt les dépenses engagées au titre des frais de personnel autre que le personnel permanent de l’entreprise tels que définis dans la convention collective relative au secteur de l’édition phonographique. Cette catégorie de dépenses comprend les salaires et charges sociales afférents à ces personnels.

En outre, sont comprises dans l’assiette du crédit d’impôt les dépenses engagées au titre des frais de personnel permanent de l’entreprise directement concernés par les œuvres. Sont visés les personnels permanents suivants : assistants label, chefs de produit, coordinateurs label, techniciens son, chargés de production, responsables artistiques, directeurs artistiques, directeurs de label et juristes label.

i. Les dépenses liées à l’utilisation des studios

Les dépenses liées à l’utilisation des studios d’enregistrement ainsi qu’à la location et au transport de matériels et d’instruments entrent dans l’assiette du dispositif, à savoir la location de studios pour la réalisation de prises de son, la location de studios pour la réalisation de mixages et la location du matériel et des instruments nécessaires à l’enregistrement de l’œuvre.

i. Les autres dépenses

Sont retenus dans l’assiette du crédit d’impôt phonographique, au titre des dépenses liées à la conception graphique de l’enregistrement, les frais d’acquisition des droits des auteurs des photographies, des illustrations et créations graphiques et des biographies, les dépenses de post-production et les dépenses de numérisation et d’encodage.

a. Les dépenses de développement des œuvres

Les dépenses dites « de développement » des productions sont éligibles au crédit d’impôt, à condition d’être engagées au plus tard dans les dix-huit mois suivant la fixation de l’œuvre.

Les dépenses éligibles sont les frais de répétition des titres, les dépenses engagées pour le soutien de la production de concerts, les dépenses engagées au titre de la participation à des émissions de télévision ou de radiodiffusion, les dépenses liées à la réalisation et à la production d’images permettant le développement de la carrière de l’artiste, les dépenses liées à la création d’un site internet dédié à l’artiste.

1. Les modalités de calcul du crédit d’impôt

Le montant des dépenses imputables ou du crédit d’impôt fait l’objet d’un triple plafonnement :

– le montant des dépenses de développement éligibles est plafonné à 350 000 euros par enregistrement ;

– le montant total des dépenses de production et de développement éligibles au crédit d’impôt est plafonné à 2,3 millions d’euros par entreprise et par exercice lorsqu’elles sont externalisées auprès à une entreprise de production ;

– la somme des crédits d’impôts liée à différentes œuvres ne peut dépasser 800 000 euros par entreprise et par exercice.

Le crédit d’impôt est imputé sur le solde de l’IS dû au titre de l’exercice auquel les dépenses mentionnées précédemment sont rattachées ; si le montant du crédit dépasse l’impôt dû, l’excédent est restituable. À la différence d’autres crédits d’impôt, il n’est pas reportable. Du fait de ce mécanisme, l’essentiel du crédit d’impôt fait l’objet d’une restitution à partir de crédits budgétaires, la direction de la législation fiscale évoquant, au titre de 2013, 4,7 millions d’euros de restitutions et 1,1 million d’euros d’imputation sur une enveloppe totale de 5,8 millions d’euros.

En l’absence de disposition spéciale, ce crédit d’impôt est cumulable avec les autres crédits d’IS existants.

Le taux applicable aux microentreprises, aux petites et aux moyennes entreprises au sens européen est fixé à 30 % ; pour les autres entreprises, le taux est actuellement de 20 %.

Les entreprises bénéficiant du taux de 20 % sont en outre soumises à un mécanisme de moyenne pondérée par une décote, permettant de limiter le nombre de productions dont les dépenses sont éligibles au crédit d’impôt.

Lorsque l’entreprise de production phonographique ne répond pas à la définition donnée par l’Union européenne des petites et moyennes entreprises (PME), les dépenses éligibles entrent dans la base de calcul du crédit d’impôt pour les seules productions excédant la moyenne, après application d’une décote de 70 %, du nombre d’albums de « nouveaux talents » produits par la même entreprise au cours des deux derniers exercices.

Prenons l’exemple d’une entreprise de production phonographique qui ne répond pas à la définition européenne des PME et souhaitant bénéficier du crédit d’impôt phonographique au titre des dépenses éligibles qu’elle a engagées en 2013.

EXEMPLE DE LIMITATION DES œUVRES ÉLIGIBLES

Critères

Exercice 2011

Exercice 2012

Total

Moyenne

Exercice 2013

Nombre de productions d’albums de nouveaux talents

11

13

24

12

(24/2)

14

Décote de 70 %

– 8,4

Moyenne après décote

3,6

arrondi à 4

(12 – 8,4)

Seuil de production à partir duquel l’entreprise bénéficie du crédit d’impôt

 

5

Productions éligibles au crédit d’impôt en 2013

10

Source : BOFiP.

Ainsi, l’entreprise qui a produit quatorze albums de nouveaux talents (en 2013) ne pourra bénéficier du crédit d’impôt qu’à partir du cinquième album. Par conséquent, seules dix œuvres seront éligibles au dispositif du crédit d’impôt phonographique au titre de 2013.

A. LES ÉLARGISSEMENTS DU DISPOSITIF EN 2007 ET 2013

Le dispositif présenté ci-dessus résulte pour partie d’aménagements qui ont été apportés en 2007 et en 2013 par voie d’amendements ; ces aménagements ont tous eu pour effet d’en élargir la portée.

1. Un premier élargissement par amendement en 2007

À l’initiative de M. Jérôme Chartier, un amendement à la loi de finances rectificative pour 2007 (214)a été adopté afin d’apporter au dispositif initial les ajustements suivants :

– il a assoupli la condition relative à l’utilisation du français dans les œuvres dont les dépenses sont éligibles s’agissant notamment des albums instrumentaux ; dans le dispositif initial, seules les artistes interprétant des œuvres en français ou dans une langue régionale étaient éligibles, ainsi que les compositeurs européens de musique instrumentale ;

– les dépenses des personnels permanents ont été rendues éligibles au dispositif, qui était initialement centré sur les personnels non permanents ;

– le plafond du crédit d’impôt dont pouvait bénéficier une entreprise au titre d’un exercice a été relevé de 500 000 à 700 000 euros, et à 1,1 million d’euros lorsque l’effectif de l’entreprise était stable et que les ventes légales de musique numérique augmentaient de 3 % sur un exercice ;

– le mécanisme de décote mentionné précédemment a été considérablement renforcé dans la mesure où son taux a été relevé de 20 % à 70 %.

Compte tenu de la création du crédit d’impôt et de son élargissement par voie d’amendement, il n’y pas eu de chiffrage initial du dispositif, non plus qu’un chiffrage du coût de cet élargissement.

1. Un second élargissement par amendement gouvernemental en 2007

L’article 28 de la loi de finances pour 2013 (215), résultant de l’adoption à l’Assemblée nationale d’un amendement du Gouvernement, a prorogé le dispositif jusqu’à la fin de l’année 2015 ; il a en outre créé le taux renforcé de 30 % pour les microentreprises ou les PME au sens européen ; le plafond global du crédit d’impôt par entreprise et par exercice a été relevé à 800 000 euros tandis que le plafond de 1,1 million d’euros a été supprimé.

À propos de ce second élargissement, Mme Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, a rappelé dans son discours prononcé à l’occasion du Marché international de l’écosystème musical (MIDEM) de février 2014 : « Il y a tout juste un an, je me suis personnellement impliquée pour que soit renforcé et prorogé jusqu’au 31 décembre 2015 le crédit d’impôt phonographique. Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, il faut se réjouir du vote qui a permis de proroger et aussi d’intensifier cette mesure en faveur des labels indépendants. C’est une véritable victoire et un signal fort envoyé au secteur de la musique. »

Ce nouveau dispositif a été notifié à la Commission européenne qui l’a validé.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit dans l’ensemble de nouveaux élargissements à un dispositif qui, à la faveur d’amendements successifs, n’a jamais été évalué en détail par la commission des Finances.

A. UNE NÉCESSAIRE ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF

a. Un crédit d’impôt jugé sévèrement par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales en 2011

Selon le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011, qui évoque un coût de 3 millions d’euros au moment de l’évaluation, le présent dispositif aurait bénéficié à dix-huit entreprises en 2008 et vingt-quatre entreprises en 2009 (soit 21 % des demandeurs, ce qui témoigne d’une certaine sélectivité).

Son efficacité est contestée par le rapport, qui lui a attribué un score nul (sur une échelle de zéro à trois). Le rapport indique que « le dispositif ne produit pas les effets escomptés. D’après l’évaluation fournie par le ministère de la culture et de la communication (MCC), le nombre de nouvelles signatures ne parvient pas à compenser le nombre de contrats d’artistes auquel il a été mis fin. Le différentiel s’est même accentué puisqu’il est passé de 15 en 2008 à 20 en 2009. Depuis 2003, le nombre de nouveaux talents « engagés » par les maisons de disques françaises a baissé de 47 % ».

Le rapport conclut que, « sur la base de l’évaluation fournie par le MCC en 2010, le dispositif n’atteint pas ses objectifs et ne paraît donc pas nécessaire. Ce dispositif est par ailleurs très dérogatoire puisqu’il fonde le crédit d’impôt sur des dépenses déjà déductibles de l’impôt sur les sociétés ».

a. Des divergences d’appréciation sur le coût du dispositif et le nombre d’entreprises concernées

Malgré les réserves émises en 2011, le dispositif n’a cessé de monter en puissance sur le plan budgétaire ; il est toutefois particulièrement préoccupant de constater que les chiffres relatifs au coût du dispositif et au nombre d’entreprises concernées varient sensiblement suivant les interlocuteurs ou les sources consultés.

Le fascicule Voies et moyens en annexe des projets de loi de finances offre en premier lieu des chiffres qui sont, certes, de l’ordre de la prévision, mais devraient à tout le moins être consolidés pour les exercices clos.

LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE SELON LES VOIES ET MOYENS

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Coût (en millions d’euros)

 

1

2

4

2

6

6

11

Nombre de bénéficiaires

11

18

24

23

28

40

115

Source : projets de loi finances 2007à 2014.

Il semble, en effet, que cela ne soit pas le cas, dans la mesure où les chiffres définitifs fournis par le ministère de la culture sont différents de ceux fournis à la Représentation nationale. Le ministère fait valoir à juste titre que ses services ne sont pas en mesure de connaître précisément le montant du crédit d’impôt finalement déclaré par les entreprises ; de son côté l’administration fiscale n’a qu’une connaissance imparfaite du nombre d’entreprises bénéficiaires et du nombre de productions ainsi soutenues. Le pilotage global de cette dépense souffre donc d’une coordination imparfaite des services de l’État.

LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE SELON LE MINISTÈRE DE LA CULTURE

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Coût (en millions d’euros)

2,12

3,65

4,95

5,95

6,37

6,5

6,9

8,3

Nombre de bénéficiaires

28

29

29

41

49

50

58

60

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), ministère de la culture.

En essayant d’analyser en détail l’impact sectoriel et le nombre d’albums concernés au titre du dernier exercice clos, c’est-à-dire le crédit d’impôt accordé au début de l’année 2014 au titre des dépenses engagées en 2013, les chiffres fournis par le ministère de la culture mettent en évidence une place non négligeable des grandes entreprises dans le crédit d’impôt.

LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2014 *

 Catégorie d’entreprise

Nombre d’entreprises existantes

Nombre d’albums éligibles

Part
(en %)

Montant total du crédit d’impôt perçu
(en euros)

Part
(en %)

Crédit d’impôt moyen par projet
(en euros)

Majors

4

162

23

2 352 000 

28

14 519 

PME

10

280

39

4 646 000 

56

16 593 

TPE

46

268

37

1 302 000 

16

4 858 

Total

60

710

100%

8 300 000 

100

11 690 

* au titre des dépenses 2013

         

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), ministère de la culture.

a. Un dispositif nécessaire selon les professionnels du secteur

Depuis la création de ce dispositif, les professionnels du secteur n’ont eu de cesse de souligner l’importance de ce dispositif pour soutenir les petits labels indépendants ainsi que la création francophone.

Ainsi, le rapport Création et Internet de janvier 2010 (1) contient une proposition n° 7 visant à « reconduire et d’améliorer le crédit d’impôt » en opérant les ajustements suivants :

– rendre le crédit d’impôt plus favorable aux entreprises bénéficiaires en augmentant de dix points le taux du crédit d’impôt pour l’ensemble des entreprises (de 20 à 30 %), en relevant le plafond par entreprise et par exercice à 3 millions d’euros et en supprimant la clause de progression de 25 % d’œuvres éligibles l’année suivante ;

– intégrer à l’assiette des dépenses prises en compte celles effectuées au profit d’associations ou de groupements d’intérêt économique ayant pour objet la mutualisation de certaines activités d’intérêt interprofessionnel : négociation collective pour compte de tiers, distribution en gros, structuration et maintenance de bases de métadonnées musicales. Les entités concernées devraient faire l’objet d’un agrément par le ministère chargé de la culture et de la communication pour que les dépenses à leur profit – prises de participation ou cotisations par exemple – donnent lieu à l’avantage fiscal.

– élargir également l’assiette des dépenses prises en compte aux dépenses de marketing et de promotion engagées par les producteurs au profit des nouveaux talents.

(1) MM. Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerruti, rapport au ministre de la culture et de la communication, janvier 2010.

Cette appréciation des professionnels intéressés n’est évidemment pas surprenante, compte tenu de la crise grave que connaît la création musicale du fait de la révolution numérique à laquelle ces professionnels étaient imparfaitement préparés.

Sans rappeler dans son ensemble les tenants et les aboutissants de cette crise, on peut rappeler qu’un rapport de septembre 2011 en fait état de manière détaillée (216).

D’après ce rapport de 2011, les ventes de musique enregistrée ont été divisées par deux entre 2002 et 2010, l’essor du marché numérique n’ayant que très partiellement compensé l’effondrement du marché physique. Cette crise serait tout particulièrement préjudiciable à la production française et francophone ainsi qu’à la diversité de l’offre musicale.

De manière générale, les créateurs et les éditeurs qui les accompagnent souffrent de la crise de la musique enregistrée mais profitent de la croissance du spectacle vivant et du dynamisme des ressources créées par le législateur (rémunération équitable, copie privée).

Les producteurs phonographiques sont confrontés au caractère désormais structurellement déficitaire de la production nationale, dont les revenus ont chuté alors que les coûts de promotion ont augmenté. Cette situation explique la triple diminution de la production (– 60% entre 2002 et 2010), des investissements
(– 52 % sur la même période) et de l’emploi (4 000 emplois détruits en dix ans). Les producteurs indépendants sont les plus gravement touchés car, à la différence des majors, la plupart d’entre eux ne possèdent pas de catalogue international.

La production des centaines de très petites entreprises (TPE), bien que difficile à quantifier, reste probablement très dynamique. Les micro-labels se heurtent toutefois à des difficultés, tant en termes de financement que de distribution commerciale. La production par une TPE peut représenter une étape décisive, préalable à la signature d’un contrat d’artiste avec un producteur plus structuré, mais elle permet rarement de générer directement des revenus significatifs.

Cette analyse économique du rapport précité de 2011 reste vraie en 2014, comme ont pu le confirmer les représentants de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI). Ceux-ci ont évoqué un effondrement de 65 % du chiffre d’affaires de la production musicale entre 2002 et 2014. Ils ont toutefois avancé des éléments encourageants, permettant de mettre en évidence le fait que le crédit d’impôt est désormais destiné à jouer le rôle de « soudure » avant un redémarrage probable d’une économie musicale plus équilibrée en 2017 ou 2018.

En effet, alors que l’effondrement du marché de la vente de musique a été occasionné par une généralisation rapide des plateformes d’échange de musique gratuite en pair-à-pair (peer-to-peer), l’amélioration de notre arsenal législatif a d’abord permis un certain décollage de la vente en ligne de musique. Surtout, la filière commence à sentir les effets économiques de formules d’abonnement à des sites d’écoute en ligne comme Deezer ou Spotify, avec en perspective la création d’un dispositif similaire sur YouTube.

Ces nouveaux médias d’écoute musicale recommencent à apporter aux professionnels du secteur des revenus. Alors que la vente physique représente encore 70 % de leur chiffre d’affaires en 2014, au lieu de 30 % pour la vente numérique, les professionnels anticipent l’inversion de ce ratio à l’horizon 2017 ou 2018. Cette évolution, liée aux effets économiques des formules d’abonnement mentionnées ci-dessus, permet donc d’entrevoir une certaine amélioration de la situation du secteur.

En attendant ces échéances, les professionnels ont toutefois insisté sur la nécessité de ne pas abandonner un tissu de petits producteurs qui porte l’essentiel des nouveaux albums et notamment des albums francophones. Selon l’UPFI, ces labels indépendants représentent 80 % des nouveaux albums en 2013, alors que les trois plus grandes entreprises du secteur représenteraient à elles seules 70 % des parts de marché.

Le financement de ces nouveaux albums se fait à 75 % sur les fonds propres du producteur, alors que ce ratio est de 25 %, à titre d’exemple, dans le cinéma. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les coûts de promotion de ces nouveaux albums augmentent : si la part des coûts de production reste stable, en revanche les coûts de développement ont tendance à augmenter car la promotion de la nouveauté se fait désormais au moyen d’un nombre plus important de médias.

Pour certains petits producteurs spécialisés dans le lancement de nouveaux talents francophones, le crédit d’impôt peut représenter plus de 10 % du chiffre d’affaires ; compte tenu du coût de production de ce type d’albums, qui avoisine en moyenne les 400 000 euros, un crédit d’impôt de 30 % est évidemment loin d’être anodin et influence en grande partie le choix économique fait par le producteur.

A. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Les dispositions du présent article seront applicables aux crédits d’impôt calculés au titre des dépenses engagées à compter du 1er janvier 2015.

1. Une prorogation du dispositif jusqu’en 2018

Le présent article prévoit, en premier lieu, la prorogation jusqu’à la fin de l’année 2018 d’un dispositif qui ne devait prendre fin qu’à la fin de l’année 2015. Budgétairement, le crédit d’impôt produira donc ses effets jusqu’en 2019, compte tenu des modalités propres de perception de l’IS.

1. Une réduction du taux applicable aux plus grandes entreprises en contrepartie de la suppression du mécanisme de décote

Le présent article réduit le taux applicable aux entreprises qui ne sont pas des microentreprises, des petites ou des moyennes entreprises au sens communautaire.

Aux termes du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008, les PME sont définies en droit de l’Union européenne comme des entreprises dont l’effectif est strictement inférieur à deux cent cinquante personnes et dont soit le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros, soit le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros.

Dans la catégorie des PME, une petite entreprise est une entreprise de moins de cinquante personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros. Une microentreprise est par ailleurs définie comme une entreprise qui occupe moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros.

D’après les informations fournies par le Gouvernement, seules trois entreprises généralement désignées comme les majors du secteur se verront appliquer ce nouveau taux. En 2013, elles ont largement tiré parti du crédit d’impôt, puisqu’elles ont atteint, chacune, le plafond de 800 000 euros. Au total, ces trois entreprises perçoivent 2,4 millions d’euros sur une dépense fiscale totale de 8 millions d’euros, soit 30 %.

Afin de maintenir les équilibres actuels du secteur, le présent article prévoit, par ailleurs, la suppression du mécanisme de décote qui permet de limiter le nombre d’albums éligibles au crédit d’impôt pour les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire. En conséquence, ces autres entreprises pourront imputer les dépenses relatives à l’ensemble des nouveaux talents francophones.

1. Un élargissement du crédit d’impôt aux rémunérations des dirigeants

Le présent article élargit le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt aux rémunérations du ou des dirigeants, à raison de « leur participation directe à la réalisation des œuvres » (pour les dépenses de production) et à raison de leur « participation directe aux répétitions » (pour les dépenses de développement).

Il prévoit par ailleurs que cette rémunération, charges sociales comprises, à prendre en compte est plafonnée à 50 000 euros par an ; l’effet de cette mesure sur le crédit d’impôt sera évidemment variable en fonction du nombre de dirigeants dont la rémunération pourra ainsi entrer dans l’assiette du crédit d’impôt.

En outre, la rémunération des dirigeants salariés pouvait déjà entrer en ligne de compte dans le crédit d’impôt, au titre des dépenses de personnel permanent.

Le droit fiscal donne à la notion de dirigeant une définition relativement large. Lorsqu’elle s’applique par exemple à la déductibilité des rémunérations des dirigeants de l’assiette de l’IS, la notion de dirigeant s’applique au président du conseil d’administration, au directeur général, à l’administrateur provisoirement délégué ou aux membres du directoire mais aussi aux administrateurs ou directeurs et aux membres du comité consultatif.

Potentiellement, le nombre de personnes dont le salaire est susceptible d’être pris en compte dans le crédit d’impôt est important. Toutefois, l’exposé des motifs indique que cette mesure sera ciblée sur les PME et les TPE.

S’agissant du critère tenant à la participation directe du dirigeant à la réalisation des œuvres ou aux répétitions, le législateur ne peut que s’en remettre à la qualité des contrôles fiscaux, qui seront le cas échéant réalisés par l’administration fiscale.

1. Une augmentation du plafond du crédit d’impôt

Le présent article relève de 800 000 euros à 1,1 million d’euros la somme maximale des crédits d’impôts dont peut bénéficier une entreprise au titre d’un exercice.

Les deux autres plafonds de 350 000 euros (applicable aux dépenses de développement éligibles) et de 2,3 millions d’euros (applicable à l’ensemble des dépenses) ne sont pas modifiés.

1. L’impact budgétaire et sectoriel du dispositif

Sur un plan budgétaire, le Gouvernement estime que l’ensemble des mesures mentionnées précédemment devrait entraîner une augmentation de 2 millions d’euros de la dépense fiscale globale, ce qui peut sembler particulièrement optimiste. En effet, le seul relèvement du plafond du crédit d’impôt, applicable aux trois majors, devrait entraîner une augmentation de l’enveloppe de 900 000 euros à supposer que ces entreprises atteignent le nouveau plafond.

D’après les simulations réalisées par l’UPFI, l’impact de ces mesures en fonction de la taille de l’entreprise devrait être relativement neutre. Ces simulations ont toutefois été réalisées à partir d’un relèvement du plafond à 1,2 million d’euros.

Le Gouvernement n’a pas été en mesure de fournir une simulation comparable.

SIMULATION DU CRÉDIT D’IMPÔT EN 2015

(en milliers d’euros

Catégorie
d’entreprise

Nombre
d’entreprises

Nombre d’albums éligibles

Part
(en %)

Montant du
crédit d’impôt

Part
(en %)

Crédit d’impôt moyen par projet

Majors

3

60

17

3 600

29

60

PME

8

70

20

5 975

49

85

TPE

189

220

63

2 637

22

12

Total

200

350

100

12 212

100

35

Source : UPFI, 2014.

*

* *

La Commission examine les amendements CF 59 du président Gilles Carrez et CF 109 de M. Charles de Courson, tendant à supprimer l’article.

M. le président Gilles Carrez. La dépense fiscale qui fait l’objet de cet article a reçu de l’Inspection générale des finances, en 2011, la note « zéro » quant à son efficacité.

M. Charles de Courson. J’ajoute qu’il nous est proposé par le Gouvernement, non seulement de la maintenir, mais encore de l’élargir, ce qui ne paraît pas raisonnable.

Mme la Rapporteure générale. Je rappelle que ce crédit d’impôt résulte d’un amendement de Patrice Martin-Lalande en 2006 et a été étendu par un amendement de Jérôme Chartier l’année suivante. La disposition contenue dans cet article aurait pour effet de faire passer la dépense fiscale de 11 à 13 millions d’euros.

Vous faites référence, monsieur le président, à la note d’efficacité dont a été gratifié le dispositif, mais l’évaluation date de trois ans et il serait justifié de la refaire. Avis défavorable.

M. Pascal Terrasse. Sans être spécialiste de politique culturelle, je crois savoir que l’industrie en question est plutôt menacée, alors même qu’elle crée de la richesse. Il convient donc de se montrer prudent : si le crédit d’impôt venait à être supprimé, quelles seraient les incidences sur l’emploi ? Je me pose d’ailleurs la même question sur l’amendement de notre Rapporteure générale, qui vise à le plafonner.

M. Olivier Carré. Il est vrai qu’il importe de soutenir la création, mais l’on voit apparaître de nombreux modèles alternatifs, de petits groupes créant leur propre label pour diffuser leurs propres œuvres, si bien que les modèles anciens, qui se justifiaient par le niveau élevé du coût de l’accès au marché, se trouvent remis en cause. Il faudra donc vérifier si la dépense fiscale que nous examinons contribue vraiment au maintien d’une création vivante ou si elle constitue un gaspillage des deniers publics.

M. Razzy Hammadi. Nous avons eu exactement le même débat avec Patrick Bloche il y a un an et demi, et les positions étaient inversées ! Pour ma part, je souhaite que l’on évite d’examiner chaque année un nouvel amendement tendant à modifier, que ce soit pour le diminuer ou pour l’augmenter, le plafond de ce crédit d’impôt. Je rappelle, dans le même ordre d’idées, que la taxe sur les distributeurs de service de télévision – TST-D – a permis de doubler les ressources du Centre national du cinéma et de l’image animée – CNC – sans que personne songe à répartir ce surplus de plusieurs centaines de millions d’euros entre le jeu vidéo et l’animation, industries à très forte valeur ajoutée.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement.

Mme Karine Berger. Nombreux sont les crédits d’impôt dont on peut contester le bien-fondé, mais je suis frappée que ce soit un dispositif de soutien à la culture qui fasse l’objet d’une proposition de suppression Par ailleurs, je ne place pas sur le même plan la création phonographique et le jeu vidéo : les créateurs, la création, les œuvres relèvent d’un autre champ que de celui de l’économie. Qui plus est, ce crédit d’impôt a un coût très faible au regard de tous ceux que nous avons examinés jusqu’à présent.

Autant il nous faudra débattre de la manière adéquate de défendre à Bruxelles l’exception culturelle et le droit d’auteur contre les velléités de M. Juncker, autant la remise en question de mécanismes curatifs ne me paraît pas bienvenue aujourd’hui. C’est pourquoi ni les amendements de suppression de l’article, ni celui de la Rapporteure générale que nous examinerons ensuite ne me paraissent opportuns. Veillons plutôt à ce que la création culturelle de notre pays soit replacée au-dessus des contingences économiques !

M. le président Gilles Carrez. Cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir avec lucidité. En 2011, un comité d’évaluation s’est vu confier un travail de fond portant sur les « niches » fiscales et sociales. Et, contrairement à de nombreux dispositifs fiscaux de soutien à la culture, le crédit d’impôt qui nous occupe a obtenu de lui la note « zéro ». Or, son coût connaît une progression exponentielle : 3 millions d’euros en 2011, 6 en 2012, 12 en 2014. Notre raison d’être n’est-elle pas de veiller sur les finances publiques ?

M. Pascal Cherki. L’étude d’impact souligne que, pour bénéficier de ce crédit d’impôt, les entreprises concernées devront justifier de trois années d’existence et produire de nouveaux talents n’ayant pas vendu deux fois 100 000 exemplaires pour deux albums distincts précédant un nouvel enregistrement, et que, de plus, cette production devra être francophone. Il s’agit donc bien de protéger les œuvres phonographiques de petits labels francophones
– soit une part importante de la chanson française d’aujourd’hui.

L’amendement de la Rapporteure générale présente le double intérêt de fixer un plafond et d’affiner les critères ouvrant droit au crédit d’impôt, réservant la prise en compte de la rémunération des dirigeants désormais aux seules entreprises de moins de cinquante salariés ayant un chiffre d’affaire ou un bilan annuel de moins de 10 millions d’euros.

La prorogation du dispositif paraît indispensable pour sécuriser à moyen terme les investissements des producteurs phonographiques et leur permettre de muter vers d’autres modes de production.

M. Marc Goua. Comme on a l’habitude, en période de difficultés, de sacrifier la culture, permettez-moi de citer Churchill, qui lorsqu’on lui demanda de couper dans le budget britannique de la culture pour soutenir l’effort de guerre, répondit : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? »

M. Razzy Hammadi. Puisqu’il a été fait référence au critère de la francophonie, j’observerai que le domaine musical dans lequel notre pays est le plus dynamique, en termes de festivals comme d’exportation, est l’électro – où il n’y a pas de paroles. Si nous n’approfondissons pas notre réflexion sur ces questions, nous risquons soit de déstabiliser le secteur, soit d’être inefficaces.

M. Olivier Carré. Il n’est pas question de sacrifier la culture, bien au contraire, mais la mission d’évaluation et de contrôle – MEC – de notre commission sur le financement des politiques culturelles de l’État a souligné dans son rapport que le CNC avait tendance à s’inventer de nouvelles missions au fur et à mesure que ses moyens augmentaient, notamment ceux issus des prélèvements sur les opérateurs de télécommunication. Je me souviens même que nous avions demandé à son directeur d’alors ce qu’il ferait s’il bénéficiait de moyens accrus ; il nous avait répondu qu’il investirait alors de nouveaux champs – au-delà, donc, des missions définies et contrôlées par le législateur.

Puisque nous nous apprêtons à définir dans les semaines qui viennent le programme de travail de la MEC, je propose que nous lui confiions une évaluation globale portant à la fois sur le CNC et le Centre national du livre (CNL), de façon à vérifier si ces deux instances soutiennent véritablement la création ou si, au contraire, elles tendent à la brider, et s’il est pertinent de plafonner les soutiens publics qui lui sont accordés.

La Commission rejette les amendements CF 59 et CF 109.

Puis elle examine l’amendement CF 256 de la Rapporteure générale.

Mme la Rapporteure générale. L’article 23 a pour effet d’ajouter 2 millions d’euros aux 11 que représente le coût du crédit d’impôt actuel. Or, sur ces 11 millions d’euros, 2,5 bénéficient aux trois majors et 8,5 à quelque 70 entreprises. Mon amendement vise à réserver la prise en compte de la rémunération des dirigeants prévue par le projet de loi aux petites entreprises, c’est-à-dire à celles dont le chiffre d’affaires ou le bilan annuel est inférieur à 10 millions d’euros, et qui emploient moins de cinquante salariés.

M. Charles de Courson. Si le pourcentage du crédit d’impôt est ramené de 20 % à 15 %, il permet de financer un salaire de gérant pouvant atteindre 50 000 euros. Même s’il s’agit de petites entreprises et non de majors, comment expliquer à nos concitoyens, dont le salaire moyen s’élève à 1 800 euros par mois pour un temps plein, que la solidarité nationale prenne en charge 15 % de cette rémunération relativement élevée ?

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle qu’il nous avait été proposé, il y a trois ans, un crédit d’impôt pour soutenir les tournages de films, avec une enveloppe de 250 euros par nuitée pour les dépenses d’hôtellerie. Fort heureusement, notre commission avait jugé cela déraisonnable !

Cela dit, l’amendement de la Rapporteure générale va dans le bon sens, puisqu’il tend à mieux cibler le dispositif.

M. Charles de Courson. Le dispositif risque de nourrir les contentieux, puisque le plafond de salaire de 50 000 euros s’entend « pourvu que le gérant participe à la création », ce qui risque d’être fort difficile à prouver…

La Commission adopte l’amendement CF 256 (amendement 400).

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

*

* *

Article 24
Régime fiscal des organismes chargés de l’organisation en France
d’une compétition sportive internationale

Le présent article propose, pour favoriser l’accueil en France des grandes compétitions sportives internationales – au premier rang desquels figure le prochain championnat d’Europe de football organisée par l’Union des associations européennes de football (UEFA) et qui se tiendra en France du 10 juin au 10 juillet 2016 –, d’accorder aux organismes chargés de les organiser un régime fiscal dérogatoire marqué par l’exonération de la plupart des impositions directes.

Pour le prochain championnat d’Europe de football organisé par l’UEFA, l’application du régime fiscal dérogatoire conduirait à un manque à gagner pour l’État et les collectivités territoriales qui est estimé entre 150 et 200 millions d’euros.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX ORGANISMES CHARGÉS DE L’ORGANISATION D’UNE MANIFESTATION SPORTIVE

La fiscalité de droit commun applicable aux organisateurs d’une compétition sportive se répartit entre la fiscalité applicable aux organismes sportifs eux-mêmes, la fiscalité sur les salaires versés par les organisations sportives et, enfin, la fiscalité liée aux activités exercées lors de la manifestation sportive.

1. La fiscalité applicable aux organisateurs d’une manifestation sportive

L’organisateur d’une compétition sportive peut être constitué sous la forme juridique d’une association sportive sans but lucratif ou d’une société sportive. Or, la forme juridique retenue détermine en partie le régime d’imposition sur les bénéfices commerciaux applicables : les bénéfices issus de la compétition sportive seront par principe soumis aux impositions sur les bénéfices commerciaux, à moins que l’organisateur soit une association dont l’activité est non lucrative.

a. Le principe de l’exonération des impôts commerciaux des organismes sportifs sans but lucratif

Les associations sportives constituent l’assise essentielle du mouvement sportif en France et sont les principales organisatrices de petites manifestations sportives. Ce type de structure, sous forme d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901, largement déployé dans toutes les disciplines sportives, ne sont pas, en principe, passibles de l’impôt sur les sociétés (1 bis de l’article 206 du code général des impôts – CGI) ni de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (b du 7 de l’article 261 du CGI).

La règle de la non-imposition aux impôts commerciaux des organismes sans but lucratif est confirmée par l’instruction du 12 septembre 2012 (217), selon laquelle un organisme sans but lucratif est soumis aux impôts commerciaux si sa gestion est intéressée et s’il ne concurrence pas le secteur commercial. Cette analyse est commune aux trois impôts commerciaux : impôt sur les sociétés (IS), cotisation foncière des entreprises (CFE) – ainsi que, le cas échéant, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) –, et TVA.

La même instruction précise néanmoins que l’exercice d’une activité lucrative peut remettre en question le bénéfice de ces exonérations. L’instruction du 18 décembre 2006 précise que, s’agissant des organisateurs de manifestations sportives, il est exclu que l’exonération s’applique « à des organismes qui organisent à titre habituel des épreuves se caractérisant par la présence de sportifs rémunérés pour leur participation à la manifestation, qui dégagent des recettes publicitaires, des droits de retransmission télévisée et/ou des droits d’entrée à la manifestation » (218).

a. La constitution de sociétés sportives soumises à imposition pour les activités sportives professionnelles

Le principe de l’exonération des associations sportives a longtemps constitué le seul statut applicable aux clubs sportifs jusqu’à la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

L’article 11 de cette loi, codifié à l’article L. 122-1 du code du sport, dispose que toute association sportive affiliée à une fédération sportive, qui participe habituellement à l’organisation de manifestations sportives payantes lui procurant des recettes d’un montant supérieur à un seuil fixé par décret (1,2 million d’euros) ou qui emploie des sportifs dont le montant total des rémunérations excède un chiffre fixé par décret (0,8 million d’euros), doit constituer pour la gestion de ces activités une société commerciale soumise au code de commerce.

Les sociétés sportives sont soumises à l’IS à raison de leur forme juridique. S’agissant les modalités de détermination du bénéfice éventuel soumis à l’IS, les règles de droit commun sont appliquées : d’une part, l’ensemble des produits est retenu, notamment les droits d’entrée aux manifestations sportives, les recettes publicitaires, ou encore les droits de retransmission ; d’autre part, les charges déductibles correspondant aux dépenses qui ont été supportées pour les besoins de l’exploitation sont prises en compte.

Les sociétés sportives doivent également s’acquitter de la contribution économique territoriale (CET) dans ses deux dimensions : CFE et CVAE.

La CFE est due chaque année par les personnes physiques ou morales ou les sociétés non dotées de la personnalité morale. Les sociétés sportives entrent bien dans le champ d’application de cette cotisation. Pour être passible de la CFE, l’activité doit être exercée, dans les limites du territoire national, à titre habituel et revêtir un caractère professionnel non salarié. Sont toutefois exonérés de CFE les sportifs pour la pratique même de leur sport : l’exonération ne s’applique donc que pour l’activité en tant que telle à l’exception des activités accessoires (exploitation du droit à l’image, recettes publicitaires, etc.).

La base d’imposition à CFE est constituée de la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière dont dispose l’entreprise au cours de la période de référence. Le montant de la CFE est obtenu en multipliant la base d’imposition par le taux d’imposition fixé par la collectivité territoriale.

La CVAE est due par les sociétés sportives qui exercent une activité imposable et dont le montant du chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros. L’application d’un dégrèvement aboutit toutefois à ne soumettre effectivement à cette cotisation que les redevables dont le chiffre d’affaires hors taxes est supérieur ou égal à 500 000 euros.

La CVAE est déterminée en fonction du chiffre d’affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours de la période de référence. La fraction de la valeur ajoutée est obtenue en multipliant cette valeur ajoutée par un taux égal à 1,5 %.

1. La fiscalité applicable aux salaires versés par les organisateurs d’une manifestation sportive

Les salaires versés par les organisateurs de la manifestation, soit à un sportif soit à un technicien ou un employé, sont soumis à diverses taxes et/ou participations.

a. La taxe sur les salaires

La taxe sur les salaires est due par toutes personnes domiciliée ou établie en France qui verse des rémunérations soumises chez le bénéficiaire à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. Ne sont redevable de cette taxe que les employeurs qui ne sont pas assujetties à la TVA ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement des rémunérations.

Les associations sportives ne payant pas l’impôt sur les sociétés bénéficient d’un abattement sur le montant de la taxe de 20 161 euros. De même, les salaires versés par les organismes sans but lucratif aux personnes qu’ils recrutent à l’occasion et pour la durée des manifestations de bienfaisance et de soutien exonérées de TVA sont expressément exonérés de la taxe sur les salaires.

a. La taxe d’apprentissage et la contribution supplémentaire à l’apprentissage

La taxe d’apprentissage, désormais fusionnée avec la contribution additionnelle au développement de l’apprentissage, a pour objet de favoriser l’égal accès à l’apprentissage sur le territoire national et de contribuer au financement d’actions visant au développement des premières formations technologiques et professionnelles.

Elle est due par les exploitants individuels et les sociétés de personnes dont les résultats sont passibles de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et par les sociétés ou collectivités passibles de l’impôt sur les sociétés.

Le taux de la taxe d’apprentissage est fixé à 0,68 % des salaires versés. Une première fraction égale à 51 % du produit de la taxe d’apprentissage dénommée « fraction régionale pour l’apprentissage », doit être versée au Trésor public. Une deuxième fraction du produit, dénommée « quota », dont le montant est égal à 26 % du produit de la taxe due, est attribuée aux personnes morales gestionnaires des centres de formation d’apprentis et des sections d’apprentissage. Le solde, soit 23 % du produit de la taxe, est destiné à des dépenses libératoires effectuées par l’employeur.

Pour certaines entreprises, à la taxe d’apprentissage s’ajoute une contribution additionnelle : la contribution supplémentaire à l’apprentissage. Elle est due par les entreprises d’au moins deux cent cinquante salariés qui sont redevables de la taxe d’apprentissage et dont le nombre annuel moyen de salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation et de jeunes accomplissant un volontariat international en entreprise (VIE) ou bénéficiant d’une convention industrielle de formation par la recherche en entreprise (CIFRE) est inférieur à un seuil. Ce seuil est porté à 5 % à compter des rémunérations versées en 2015.

Le produit de cette contribution est affecté aux centres de formation d’apprentis et aux sections d’apprentissage.

a. La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue

Tout employeur, quel que soit le nombre de ses employés, doit concourir au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions de formation de son personnel ou de demandeurs d’emploi.

Les employeurs se libèrent de l’obligation de participer en consacrant à la formation une somme minimale égale à un certain pourcentage de la masse salariale. À défaut d’effectuer les dépenses libératoires requises, les employeurs doivent effectuer un versement au service des impôts.

Les employeurs qui recrutent des salariés sous contrat à durée déterminée au cours d’une année civile sont redevables d’un versement spécifique destiné au financement des congés individuels de formation. Le versement n’est cependant pas dû en cas de contrat à durée déterminée conclu dans le secteur d’activité du sport professionnel (article L. 222-4 du code du sport).

a. La participation des employeurs à l’effort de construction

Les employeurs non agricoles occupant au minimum vingt salariés doivent, chaque année, consacrer au financement de la construction de logements ou d’opérations assimilées une fraction fixée à 0,45 % des rémunérations qu’ils ont versées au cours de l’année civile précédente. Cette contribution est communément connue sous le nom de « 1 % logement » ou « Action logement ».

Lorsque le montant des investissements réalisés dans les conditions prévues par la réglementation est inférieur au minimum légal, l’employeur doit verser au service des impôts une cotisation de 2 %.

1. La fiscalité applicable aux activités exercées lors d’une manifestation sportive

La fiscalité applicable aux activités liées à une manifestation sportive est distincte de la fiscalité applicable aux organisateurs de cette manifestation. En effet, si les structures juridiques sont imposables ou exonérées des impôts directs à raison de leur forme juridique et du caractère lucratif de leur activité exercée à titre principal, les opérations de vente ou de prestations de services réalisées par ces mêmes entités peuvent être soumises aux impôts frappant l’acte économique lui-même, à savoir les taxes sur le chiffre d’affaires.

a. Les activités des associations et des sociétés sportives au regard de la taxe sur la valeur ajoutée

Le principe établi par l’article 261 du CGI est celui de l’exonération des associations sportives en matière de TVA lorsque celles-ci remplissent les conditions liées au caractère non lucratif de leurs activités.

À l’inverse, lorsqu’une association sportive ne peut bénéficier de l’exonération des impôts commerciaux, en raison du caractère lucratif de son activité, celle-ci sera imposée dans les conditions de droit commun, pour toutes les opérations relevant de son activité lucrative. Toutefois, quand bien même une association sportive serait imposé à la TVA sur ces opérations lucratives, dans certaines circonstances elle peut être exonérée de TVA :

– soit parce qu’elle réalise des opérations pour lesquelles le législateur a prévu une exonération : l’article 261 du CGI précise que sont exonérés de TVA « les services de caractère (…) sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée » ainsi que « les recettes de six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année à leur profit exclusif par des organismes sans but lucratif » ;

– soit parce que l’association bénéficie du régime particulier de la franchise de base en raison du montant de son chiffre d’affaire (article 293 B du CGI) ;

– soit, enfin, en raison du dispositif exonérant d’impôts commerciaux les activités lucratives accessoires (article 260 du CGI).

a. La suppression de l’impôt sur les spectacles pour un taux réduit de TVA sur les droits d’entrée aux manifestations sportives

L’impôt sur les spectacles est une imposition communale indirecte frappant les recettes enregistrées lors des manifestations sportives qui se tiennent dans la commune (article 1559 du CGI). Le conseil municipal dispose d’un pouvoir encadré d’exonération de certaines manifestations. L’article 261 E du CGI dispose qu’en contrepartie, « les droits d’entrée perçus par les organisateurs de réunions sportives soumises à l’impôt sur les spectacles » sont exonérés de TVA.

Or, la directive européenne 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée impose l’assujettissement des droits d’admission aux manifestations sportives à la TVA, tout en accordant la possibilité au État membres d’y appliquer un taux réduit. La mise en conformité du dispositif applicable au regard du droit de l’Union européenne a conduit le Gouvernement à proposer la suppression de l’impôt sur les spectacles au profit d’un taux réduit de TVA.

Ainsi, un amendement du Gouvernement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 (219) supprime l’impôt sur les spectacles afférent aux manifestations sportives à compter du 1er janvier 2015 et, corrélativement, assujettit la billetterie sportive de ces manifestations au taux réduit de TVA de 5,5 % (article 278-0 bis du CGI).

a. La contribution sur les droits de retransmission télévisée des manifestations sportives

Une contribution sur la cession à un éditeur ou un distributeur de services de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives est applicable à l’ensemble des manifestations sportives (article 302 bis ZE du CGI). Cette taxe sur les retransmissions télévisées, appelée plus communément « taxe Buffet », est due quel que soit le mode de diffusion de ce service (par satellite, par câble ou par voie hertzienne terrestre) et que ce service soit établi ou non en France.

Par manifestation ou compétition sportive, on entend tout événement sportif organisé, agréé ou autorisé par une fédération sportive, ayant reçu agrément du ministre chargé des sports. Les manifestations ou compétitions sportives concernées sont notamment :

– les évènements sportifs donnant lieu à un classement ou à la délivrance de titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux ;

– les évènements sportifs donnant lieu à la remise de prix ;

– les matchs dits « amicaux » ;

– les galas organisés à la suite ou dans le cadre de manifestations ou compétitions sportives.

Les manifestations ou compétitions sportives concernées peuvent se dérouler en France ou à l’étranger. Le droit d’exploitation d’une manifestation ou d’une compétition sportive appartient à l’organisateur de cet événement. La contribution est dès lors due :

– par les associations sportives et sociétés sportives, les fédérations sportives françaises et les associations qui, chargées de la gestion d’une discipline ou des activités sportives à caractère professionnel, en dépendent (ligues professionnelles) ;

– toute autre personne physique ou morale de droit privé qui organise une manifestation ou une compétition sportive ;

– toute personne agissant directement ou indirectement pour le compte de ces personnes.

À la suite de la censure du Conseil constitutionnel de l’article 66 de la loi de finances rectificative pour 2013 (220), les compétitions sportives qui se déroulent en France mais qui sont organisées par des tiers basés à l’étranger ne sont toujours pas soumises à la taxe « Buffet ».

La contribution est due une seule fois par la personne qui cède les droits de diffusion à un service de télévision même si ces droits sont ensuite reversés en totalité ou en partie. Elle est assise sur les sommes hors taxe sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion. Le taux de la contribution est fixé à 5 % du montant des encaissements.

A. LE RECOURS EXCEPTIONNEL À DES EXONÉRATIONS SPÉCIFIQUES POUR LES GRANDS ÉVÈNEMENTS SPORTIFS

La France a, par le passé, accueilli de grands événements sportifs comme les Jeux olympiques d’hiver d’Albertville en 1992, l’UEFA Euro en 1984, la coupe du monde de la FIFA en 1998, le championnat du monde d’athlétisme en 2003 et la coupe du monde de rugby en 2007, sans mettre en place un régime de fiscalité dérogatoire, même si le législateur a pu prévoir des dispositions ad hoc pour certaines manifestations sportives.

À titre d’exemple, l’article 25 de la loi de finances pour 2007 (221) a adapté le régime de l’impôt sur les spectacles pour l’organisation de la coupe du monde de rugby en 2007. L’article de loi, introduit par amendement parlementaire lors de la discussion du texte de loi au Sénat avait élargi les possibilités exonérations de l’impôt sur les spectacles sur décision des conseils municipaux. Les dispositifs d’exonération ou de demi-tarif de l’impôt sur les spectacles ont ainsi été exceptionnellement permis en faveur du groupement d’intérêt public Coupe du monde de rugby 2007 en tant que groupement sportif organisateur de la manifestation sportive.

À la suite de l’organisation en France de la coupe du monde de football masculin de 1998, un amendement du groupe socialiste et apparenté, déposé au Sénat durant l’examen du projet de loi de finances pour 1999, avait proposé que les primes versées par la FFF aux membres de l’équipe de France et de son encadrement technique, à l’occasion de la coupe du monde de football en 1998, soient assujetties à une retenue libératoire de l’impôt sur le revenu de 15 %. Cet amendement n’avait néanmoins pas été adopté.

L’ORGANISATION DE LA COUPE DU MONDE 1998 EN FRANCE

C’est en juillet 1992, six ans avant l’événement, que la France a été choisie comme pays organisateur de la coupe du monde 1998 par la Fédération internationale de football association (FIFA).

La FIFA, contrairement à l’UEFA aujourd’hui, ne gérait pas directement ses rentrées commerciales puisqu’elle avait fait le choix d’en confier la gestion à la société ISL Marketing. Cette société anonyme suisse possédait tous les droits d’exploitation commerciale de la coupe du monde 1998 : les images tout comme le label, la mascotte et même la marque déposée « Coupe du monde ». La société partageait les recettes de vente avec la FIFA.

À côté de cette entité et pour assurer l’organisation de la coupe du monde, la FFF et l’État ont créé le Comité français d’organisation (CFO), sous la forme juridique d’association loi de 1901 à but lucratif, dès lors soumise à impositions. Le CF O a par conséquent été assujetti à l’ensemble des impôts commerciaux. L’État, représenté par la délégation interministérielle à la coupe du monde (DICOM), assurait à sa charge les questions de sécurité, les infrastructures et la valorisation économique de l’évènement. Le CF O était en charge de l’organisation opérationnelle de la manifestation.

Pour ce faire, il disposait de plusieurs sources de financement : la billetterie qui rapporta environ 1,7 milliard de francs ; une partie des recettes issues des droits commerciaux pour 880 millions de francs (contre 1 et 1,5 milliard de francs suisses pour la société ISL) ; et un versement de 9 millions de francs suisses de la FIFA « en tant que dédommagement des dépenses engagés pour la location et l’aménagement du centre international des médias ».

La construction et la rénovation des stades et des infrastructures de transports nécessaires à l’organisation des soixante-quatre matchs de la coupe du monde ont été entièrement financées par l’État et les collectivités territoriales.

A. L’ENGAGEMENT DES AUTORITÉS FRANÇAISES DE FAIRE ÉVOLUER LE DISPOSITIF FISCAL APPLICABLE POUR ACCUEILLIR L’EURO 2016

L’État français s’est engagé par courrier ministériel, sur la base d’un dossier de candidature déposé le 2 février 2010, à la mise en place d’un régime fiscal dérogatoire en cas de sélection de la France pour l’organisation du championnat d’Europe de football Euro 2016.

1. Un engagement des autorités françaises lors du dépôt du dossier de candidature le 2 février 2010

L’article 24 doit être replacé dans le cadre des engagements pris par la France vis-à-vis de l’UEFA à l’occasion du dépôt du dossier de candidature à l’organisation de l’Euro 2016.

Le cahier des charges de l’UEFA exigeait précisément que soient fournies par les États candidats à l’organisation de l’Euro des garanties, parmi lesquelles une garantie fiscale sous la forme d’une lettre standardisée. Tous les pays candidats se sont engagés à fournir une garantie similaire, notamment l’Italie et la Turquie – la Suède et la Norvège ayant retiré leur candidature à la suite du refus de leurs gouvernements respectifs de contribuer financièrement aux investissements dans les infrastructures sportives nécessaires.

Par conséquent, le dossier de candidature de la France, conformément aux exigences du cahier des charges de l’UEFA, comprenait divers engagements des autorités françaises en cas d’attribution de la compétition, y compris la garantie fiscale.

Cette garantie a été formalisée par courrier ministériel daté du 2 février 2010 et signé par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Ce courrier prévoyait explicitement que « l’UEFA ne sera pas assujettie à des taxes ou impôts en France sur son chiffre d’affaires et/ou sur toute forme de revenus perçus ou à percevoir par l’UEFA ou à toute autre taxe, du fait de l’organisation de l’UEFA Euro 2016 et ses opérations connexes en France, notamment (…) à l’occasion de la commercialisation des droits marketing, audiovisuels et autres droits commerciaux relatifs à l’UEFA Euro 2016 » et « les redevances et/ou toutes autres catégories de revenus [telles que les dividendes] qui pourraient être perçues par l’UEFA (…) ne seront pas assujetties à des taxes, retenues à la source ou autres déductions en France ».

Cette exonération ne s’applique pas uniquement à l’UEFA, puisqu’il est ensuite précisé que « tout établissement (…) et/ou entité de l’UEFA qui pourrait exister (…) en France sera exempté de taxes sur le chiffre d’affaires et/ou sur toute forme de revenus et exempté de toutes taxes similaires y compris toute retenue à la source ».

Néanmoins, seul le Parlement, conformément à l’article 34 de la Constitution et à l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er aout 2001 relatives aux lois de finances, peut instituer un régime fiscal dérogatoire. En effet, l’article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».

L’article 24 du présent projet de loi de finances rectificative propose, en conséquence, de respecter strictement l’ensemble des engagements formalisé par les autorités françaises dans le dossier de candidature, à l’exception des engagements portant sur les taxes sur le chiffre d’affaires (principalement la TVA), puisque les dispositions en matière de taxation sur le chiffre d’affaires sont strictement encadrées par le droit de l’Union européenne.

1. Une garantie d’exonération fiscale est régulièrement exigée dans le cadre des candidatures pour l’accueil de grandes manifestations sportives

Les manifestations sportives de grande ampleur mettent en contact des États avec des organisations internationales de droit privé, propriétaire des droits de la manifestation sportive, dont elles définissent unilatéralement, pour l’essentiel, les règles de déroulement.

Dans un tel contexte, qui caractérise plusieurs grandes épreuves régies par les instances internationales du sport, les engagements fiscaux portant exonération des organismes chargés de l’organisation de la compétition sportive peuvent constituer un élément des dossiers de candidature élaborés par ces organismes et transmis aux États candidats à l’accueil de telles manifestations.

Leur acceptation constitue, de fait, une condition pour concourir à l’organisation de telles compétitions dans la mesure où la concurrence internationale est souvent forte, et où les États se laissent souvent enfermer dans la position de solliciteur.

Des exonérations similaires ont ainsi été accordées par le Royaume-Uni et l’Allemagne en vue de l’organisation respectivement des Jeux olympiques en 2012 et de la coupe du monde de football en 2006. Les exonérations au Royaume-Uni se limitaient à une exonération d’impôt sur les sociétés pour certaines sociétés non-résidentes. Les exonérations en Allemagne ont été prises sur la base d’une disposition législative permanente, conduisant à une exonération totale d’impôts pour les non-résidents.

Pour l’organisation du championnat de football européen, considéré par son audience comme le troisième événement sportif mondial, l’UEFA avait également inclus dans le cahier des charges pour l’obtention de l’Euro 2012 une demande de garantie pour une exonération fiscale. Les deux pays organisateurs, la Pologne et l’Ukraine, avaient répondu favorablement à cette demande. Des conditions d’exonération fiscale étaient aussi incluses dans les cahiers des charges des procédures de candidature pour l’Euro 2004, organisé par le Portugal, et pour l’Euro 2008, organisé par la Suisse et par l’Autriche. Une telle exonération s’appliquera également aux treize pays dont les villes accueilleront prochainement l’Euro 2020.

Enfin, il convient de noter que la France a fait l’objet d’une demande similaire pour l’organisation éventuelle de la coupe du monde de football féminin en 2019.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose, pour favoriser l’accueil en France des grandes compétitions sportives internationales – au premier rang desquels figure le prochain championnat d’Europe de football organisée par l’Union des associations européennes de football (UEFA) –, d’accorder aux organismes chargés de les organiser un régime fiscal dérogatoire marqué par l’exonération de la plupart des impositions directes.

La mise en place de ce régime fiscal dérogatoire, provoquant lui-même une diminution directe des recettes de l’État, se justifierait, selon l’exposé des motifs du présent projet de loi de finances rectificative, à l’aune des avantages économiques et sociaux retirés de l’organisation d’une manifestation sportive internationale de portée significative.

A. LA MISE EN PLACE D’UN CADRE FISCAL FAVORABLE À L’ORGANISATION DE GRANDS ÉVÈNEMENTS SPORTIFS INTERNATIONAUX

L’article 24 du institue ainsi un régime permanent d’exonérations fiscales pour les grandes manifestations sportives internationales. Il encadre le type de manifestations sportives concernées par cette exonération, ainsi que l’étendue des exonérations concédées.

1. Les instances sportives concernées devront être chargées de l’organisation d’une compétition sportive internationale de grande envergure

La compétition sportive internationale dont l’organisation ouvre droit au bénéfice du régime fiscal dérogatoire s’entend de celle satisfaisant aux critères cumulatifs suivants :

– être attribuée dans le cadre d’une sélection par un comité international et sur candidature d’une personne publique ou d’une fédération sportive nationale 
– exemple de la candidature portée auprès de l’UEFA par la Fédération française de football (FFF) ;

– être d’un niveau au moins équivalent à un championnat d’Europe, à l’instar du championnat d’Europe de football masculin ou Euro ;

– être organisée de façon exceptionnelle sur le territoire français, comme en 2016, après le précédent de 1984.

La qualité de compétition sportive internationale sera reconnue par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé des sports.

L’exonération concerne non seulement l’organisateur, mais également l’ensemble de ses filiales au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce.

Dans le cadre de l’organisation de l’Euro 2016, qui se tiendra en France du 10 juin au 10 juillet 2016, les principales organisations concernées par l’exonération sont l’UEFA et sa filiale en France, UEFA Euro 2016 SAS, en charge de l’organisation opérationnelle du championnat.

UEFA est une association de droit suisse à but non lucratif d’utilité publique domiciliée à Nyon dans le canton de Vaud. Elle assume dans le cadre de l’Euro 2016 l’organisation sportive du tournoi (calendrier, discipline, arbitrage, contrôle anti-dopage) ainsi que la commercialisation et la gestion des droits commerciaux de l’évènement (droits audiovisuels, droits marketing, licences, hospitalité, billetterie).

UEFA Euro 2016 SAS est une société de droit français à actions simplifiée domiciliée à Paris et détenue à 95 % par l’UEFA et à 5 % par la FFF. Elle assure dans le cadre de l’Euro 2016 toutes les autres responsabilités opérationnelles, au nom et pour le compte de l’UEFA et de la FFF. L’entité compte actuellement 55 salariés et disposera de 650 collaborateurs en juin 2016, lors de l’ouverture du championnat. À titre indicatif, la FFF est responsable quant à elle de la sécurité privée de l’Euro 2016 et du programme de bénévolat. Elle ne bénéficie pas de l’exonération.

À l’avenir, d’autres grands événements sportifs internationaux pourraient bénéficier d’engagements fiscaux similaires. Si le dispositif était adopté en l’état, pourraient bénéficier du nouveau régime fiscal les organisateurs :

– des championnats du monde d’aviron en 2015 ;

– des championnats d’Europe de basket en 2015 ;

– des championnats du monde de handball en 2017 ;

– des championnats du monde de canoë-kayak en 2017 ;

– des championnats du monde de hockey sur glace en 2017 ;

– de la Ryder Cup de golf en 2018 ;

– et, sous réserve de la sélection de la candidature française, de la coupe du monde de football féminin en 2019 ou encore des Jeux olympiques d’été en 2024.

À l’inverse, des évènements sportifs tels que le tournoi de Roland-Garros ou encore le Tour de France ne seront pas concernés, puisqu’il est précisé que l’évènement doit être organisé de façon exceptionnelle sur le territoire français.

1. Le régime fiscal dérogatoire proposé exonère les organisateurs de l’essentiel des impositions nationales et locales

Le présent article établit un régime fiscal dérogatoire en procédant à l’exonération d’un certain nombre d’impôts commerciaux, d’impôts ou de contributions assis sur les salaires, ainsi que de la plus grande partie de la fiscalité locale.

a. Les exonérations d’impositions portant sur les bénéfices et revenus perçus en lien direct avec l’organisation de la manifestation

L’article propose en premier lieu d’exonérer les bénéfices et les revenus lorsqu’ils sont directement liés à l’organisation en France de la compétition sportive internationale :

– de l’impôt sur les sociétés (article 205 du CGI) et de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (articles 34 et 35 du CGI) : il s’agit d’exonérer les associations sportives, pour leurs activités lucratives ainsi que les sociétés sportives des impôts commerciaux de droit commun, notamment pour les bénéfices issus des droits d’entrée aux manifestations sportives, des recettes publicitaires, ou encore des droits de retransmission ;

– de la retenue à la source de 15 % sur les produits des obligations, titres participatifs et autres titres d’emprunts négociables émis avant le 1er janvier 1987 ainsi que sur les intérêts des bons de caisse émis par les entreprises industrielles et commerciales, lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui ont leur siège en France ou à l’étranger ou qui n’ont pas leur domicile fiscal en France (1 de l’article 119 bis du CGI) ;

– de la retenue à la source sur les revenus distribués par une société française à des non-résidents (2  de l’article 119 bis du CGI) : la retenue à la source est en principe exigible lorsqu’une société française, relevant du régime fiscal des sociétés de capitaux, verse à des personnes physiques ou morales n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège en France des produits d’actions ou de parts sociales tels que des dividendes, des jetons de présence ordinaires alloués, ou tout autre revenu distribué par une société française.

La loi prévoit toutefois diverses exonérations notamment pour les dividendes versés à une société mère établie dans un État de l’Union européenne ou avec des États ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en matière fiscale (cas de la Suisse depuis octobre 2013).

Sous réserve de l’application de conventions internationales prévoyant un taux réduit, le taux de la retenue à la source est fixé à 21 % pour les dividendes et distribution assimilées perçus par des personnes physiques domiciliées dans un État de l’Union européenne, à 15 % pour les dividendes bénéficiant à des organismes sans but lucratif, à 30 % pour les autres revenus distribués et à 75 % pour les revenus distribués dans un État ou territoire non-coopératif ;

– de la retenue à la source sur les bénéfices réalisés en France par des sociétés étrangères non européennes (2 de l’article 119 bis du CGI) : les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères y exerçant une activité sont présumés distribués à des associés n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. Ils sont ainsi en principe passibles de la retenue à la source prévue à l’égard des distributions faites par les sociétés françaises à des non-résidents.

La loi prévoit toutefois diverses exonérations notamment pour les bénéfices réalisés en France par des sociétés ayant leur siège de direction dans un État de l’Union européen et qui y sont passibles de l’impôt sur les sociétés. La plupart des conventions internationales réduisent en outre le taux de la retenue et parfois même la supprime totalement (cas de la Suisse) ;

– de la retenue à la source sur certains revenus non salariaux, en particulier sur les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale ou de droits assimilés, ainsi que sur les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (b et c du I de l’article 182 B du CGI).

Cette retenue est applicable lorsque le débiteur des sommes concernées exerce une activité en France et que les sommes sont versées à un bénéficiaire relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés n’ayant pas en France d’installation professionnelle permanente. Il est indifférent qu’il soit ou non effectivement soumis à l’impôt en France.

Les sommes concernées par l’exonération de retenue sont les sommes versées en rémunération d’une activité déployée en France dans l’exercice de l’une des professions non commerciales mentionnées à l’article 92 du CGI, telles que les produits perçus par les écrivains, les compositeurs ou les inventeurs au titre de droits d’auteur ou encore tous les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale ou de droits assimilés (licences d’exploitation de brevets, cession de marques de fabrique, etc.). Dans le cadre d’une manifestation sportive, elles sont essentiellement constituées des produits perçus au titre des droits à l’image.

Les sommes concernées par la retenue sont également les sommes payées en rémunération de prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (réparation ou entretien en France d’un matériel ; assistance technique fournie en France ; fournitures d’informations d’ordre commercial effectivement utilisées en France, etc.).

La base imposable de la retenue est constituée par le montant brut des sommes payées, et le taux de la retenue est de 33,3 %. Elle est portée à 75 % lorsque les produits sont versés à des personnes domiciliées dans un État ou territoire non coopératif. Toutefois, il résulte d’une convention fiscale passée entre la Suisse et la France que la retenue à la source prévue par l’article 182 B du CGI doit être limitée à 5 % du montant brut des revenus en cause versés de source française à des bénéficiaires résidents de Suisse.

Les sommes, y compris salaires, correspondant à des prestations sportives fournies ou utilisées en France, ne sont pas exonérées par le présent article de la retenue. Pour ces rémunérations de prestations sportives, le droit en vigueur dispose que le taux de la retenue est de 15 %.

a. Les exonérations d’impositions portant sur les rémunérations versées aux salariés de l’organisateur de la manifestation

Il est également proposé, dans l’article 24, d’exonérer les rémunérations versées aux salariés de l’organisateur, lorsque les fonctions exercées par les salariés sont directement liées à l’organisation de la compétition sportive :

– de la taxe sur les salaires (article 231 du CGI) : les salaires versés par les organismes en charge de l’organisation aux personnes qu’ils recrutent à l’occasion et pour la durée de la manifestation sportive sont soumis, en principe, à la taxe sur les salaires, sous réserve que les employeurs soient domiciliés ou établis en France et qu’ils ne soient pas assujettis à la TVA ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaire.

Il existe déjà une exonération pour les salaires versés par les organismes sans but lucratif aux personnes qu’ils recrutent à l’occasion et pour la durée des manifestations de bienfaisance et de soutien exonérées de TVA (article 231 bis L du CGI).

– de la taxe d’apprentissage (article 1599 ter A du CGI) ;

– de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (article 1609 quinvicies du CGI) ;

– de la participation des employeurs à l’investissement obligatoire dans la construction (article 235 bis CGI) ;

– de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue (article 235 ter C du CGI).

a. Les exonérations d’impositions locales dues exclusivement en lien direct avec l’organisation de la manifestation

Enfin, les organisateurs des manifestations internationales intéressés seront dispensés de s’acquitter de toutes les impositions perçues au profit des collectivités territoriales lorsque leur fait générateur est directement lié à l’organisation de la compétition, à l’exception des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties. Cette disposition conduit à les exonérer des impositions locales suivantes :

– de la taxe d’habitation pour les locaux meublés occupés par les sociétés, associations et organismes privés et non soumis à la CFE. Il était néanmoins peu probable que l’organisateur de l’évènement eût été contraint de s’acquitter de cette imposition au titre de ses activités directement liées à l’organisation de la manifestation sportive ;

– de la CFE : si les sociétés sportives entrent bien dans le champ d’application de cette cotisation, il était néanmoins peu probable que le montant de la CFE acquitté au titre des activités directement liées à l’organisation de la manifestation sportive soit significatif ;

– de la CVAE ;

– de tous les droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière, ce qui ne devrait que peu concerner l’organisateur d’une manifestation sportive, sauf cas particuliers.

Enfin, à titre indicatif, l’article conduit les organisateurs à être entièrement exonérés de certaines taxes dont l’exigibilité interrogerait sur la nature de la manifestation sportive organisée. Aussi les organisateurs sont-ils théoriquement exonérés :

– de la redevance communale sur les mines ;

– de l’imposition forfaitaire sur les pylônes électriques ;

– de la taxe sur les éoliennes maritimes ;

– de la surtaxe sur les eaux minérales ;

– de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) ;

– de la taxe de balayage ;

– de la taxe sur les friches commerciales.

1. La fiscalité toujours applicable aux organisateurs de manifestations sportives internationales

Les organisateurs de la manifestation sportive resteront soumis :

– TVA de droit commun sur l’ensemble de leurs activités ; toutefois, aux termes de l’article 8 bis du projet de loi de finances pour 2015 actuellement en cours d’examen, la billetterie sportive des manifestations serait soumis à un taux réduit de TVA de 5,5 %. La billetterie issue de l’Euro 2016 devrait ainsi rapporter près de 14 millions d’euros à l’État ;

– à la contribution sur la cession à un éditeur ou un distributeur de services de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives (article 302 bis ZE du CGI) ; les droits de retransmission de l’Euro 2016 de football ne seront toutefois pas soumis à cette taxation puisque l’organisateur de la manifestation est basé à l’étranger en Suisse ;

– aux taxes foncières sur les propriétés bâties (TFPB) et sur les propriétés non bâties (TFPNB). Le principal élément foncier mobilisé lors de l’organisation d’une manifestation sportive, à savoir les terrains sportifs et les stades, n’appartiennent en effet pas à l’organisateur qui se contente de les louer. L’UEFA devrait ainsi payer 23 millions d’euros de location de stades pour l’organisation de cinquante et un matchs ;

– aux taxes annexes à la TFPB et de la TFPNB telles que la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ou la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

De même, les salaires versés à des sportifs domiciliés en France sont toujours soumis à l’impôt sur le revenu. Les joueurs professionnels sont intégralement soumis à l’impôt sur le revenu à raison des rémunérations versées par leurs clubs dans la catégorie des traitements et des salaires. Il est en est de même pour les primes versées aux sportifs participant à des épreuves internationales.

À noter que les sommes et indemnités perçues par les arbitres ou juges au titre de leur mission arbitrale constituent des bénéfices non commerciaux. L’article 223-1 du code du sport précise en effet que les arbitres exercent leur mission en toute indépendance et dans le respect des règlements édictés par la fédération sportive compétente pour la discipline.

Les salaires versés à des sportifs domiciliés hors de France sont quant à eux passibles d’une retenue à la source spécifique sur certains revenus non salariaux (d de l’article 182 B du CGI). Le taux de la retenue est fixé à 15 % sur les seuls salaires rémunérant l’activité en France des sportifs concernés.

A. DES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES NE SE JUSTIFIANT QU’À L’AUNE DES AVANTAGES ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DE LA MANIFESTATION

La mise en place d’un régime fiscal dérogatoire, provoquant lui-même une diminution des recettes potentielles de l’État, ne peut se justifier qu’à l’aune des avantages économiques, sociaux et budgétaires retirés de l’organisation d’une manifestation sportive internationale de portée significative.

1. La mise en place du régime fiscal dérogatoire induit une perte de recettes fiscales qui n’est que potentielle

La mise en place d’un régime fiscal dérogatoire induit une diminution des recettes fiscales potentiellement recouvrables dans l’hypothèse d’un maintien du droit existant. Néanmoins, la diminution des recettes fiscales n’est que potentielle puisque l’organisation de la manifestation sportive est subordonnée à la mise en place du régime fiscal dérogatoire.

Dans le cadre de l’organisation en France de l’Euro 2016, la perte de recettes fiscales potentielles peut être chiffrée entre 150 et 200 millions d’euros. La filiale de l’UEFA en France semble être le principal bénéficiaire de cette exonération, étant notamment en charge d’assurer l’essentiel des ventes de billetterie et d’« hospitalité » (formules de prestige commercialisées à des prix beaucoup plus élevés).

À l’inverse, l’organisation de la manifestation crée un surplus d’activité économique susceptible d’induire une hausse des rentrées fiscales. Les secteurs du tourisme, de la restauration, des commerces et services bénéficieront de la présence de 2,5 millions de spectateurs, dont près d’un million en provenance de l’étranger.

Plusieurs études effectuées lors d’évènements sportifs de taille comparable estiment que la durée de séjour moyenne d’un visiteur se situe entre quatre et cinq jours, pour une dépense moyenne comprise entre 150 et 200 euros par jour et par visiteur. Sur cette base, l’arrivée en France de un million de visiteurs pourrait induire un surplus d’activité de près de un milliard d’euro, potentiellement générateur de recettes fiscales supplémentaires.

Enfin, l’UEFA s’est également engagée à reverser 20 millions d’euros aux villes-hôtes et devrait 23 millions d’euros pour la location des stades tout en participant à hauteur de 20 millions d’euros à des actions de la FFF en faveur du football amateur.

RECETTES ET FISCALITÉ DE L’UEFA DANS LE CADRE DE L’ORGANISATION DE L’EURO 2012 ET 2016

Les recettes de l’Euro 2012 pour l’UEFA se sont élevées à 1,391 milliard d’euros et le résultat net à 594 millions d’euros. Dans le cadre de l’Euro 2016, les recettes attendues sont évaluées par l’UEFA à 1,9 milliard d’euros et les bénéfices à 900 millions d’euros.

RECETTES ENREGISTRÉES ET ATTENDUES PAR L’UEFA DANS LE CADRE
DE L’ORGANISATION DE L’EURO 2012 ET 2016

(en millions d’euros)

Recettes

Euro 2012

Euro 2016

Droits de retransmission

837,16

1 000

Droits commerciaux

313,90

500

Billetterie

136,12

250

Hospitalité

101,98

250

Total des recettes

1 390,89

2 000

Résultats nets

593,76

900

La mise en place d’un régime fiscal dérogatoire en France conduit à limiter l’imposition sur les revenus issus de l’Euro 2016 : l’UEFA est considérée en Suisse comme une association sans but lucratif d’utilité publique exonérée d’impôt fédéral direct et des impôts cantonaux correspondants, à l’exception de quelques impôts fédéraux comme la TVA.

Elle est en effet considérée comme poursuivant un but d’utilité publique au motif que les statuts prévoient que les éventuelles « recettes excédentaires [sont] intégralement allouées à l’encouragement du sport ».

À titre illustratif, l’UEFA a payé 405 000 euros d’impôts en 2012, dont aucun au titre de l’organisation de l’Euro 2012.

 

1. Les retombées économiques et sociales des grands évènements sportifs justifieraient un régime fiscal dérogatoire

L’accueil en France de compétitions sportives de portée internationale constitue une opportunité économique et sociale pour le pays et pour les villes-hôtes. La tenue de telles compétitions sportives à fortes retombées médiatiques est bénéfique pour l’attractivité nationale, et particulièrement dans la perspective de l’Euro 2016, puisque :

– 1,7 milliard d’euros ont été investis pour la construction et la rénovation de dix stades destinés à accueillir la compétition et 300 millions d’euros pour garantir leur accès en transports, permettant la création ou la préservation, selon la Fédération française du bâtiment de 20 000 emplois dans le secteur du BTP et des services ;

– les secteurs du tourisme, de la restauration, des commerces et services bénéficieront de la présence de 2,5 millions de spectateurs, dont près d’un million en provenance de l’étranger, dans les dix villes-hôtes de l’Euro 2016, et au-delà de la présence de près de 4 à 5 millions de supporters répartis dans vingt-quatre camps de base et de « fans zones » dans de nombreuses villes françaises ;

– l’organisation de la compétition est de nature à renforcer l’attractivité du territoire pour les touristes étrangers, pour les investisseurs étrangers, et pour les entreprises françaises de l’économie du sport. L’Euro est en effet le troisième évènement le plus médiatisé dans le monde avec près de 2 milliards de téléspectateurs.

Malgré l’importance des sommes en cause et des retombés économiques, il apparaît que les dépenses sont aujourd’hui quasiment intégralement supportées en France par des organismes publics, tandis que les recettes liées à l’exploitation des droits commerciaux ou de la billetterie seront perçues pour leur plus grande part par l’UEFA ou par sa filiale de droit privé en charge de l’organisation opérationnelle de l’événement en France.

En effet, les personnes publiques assurent ainsi la plus grande part des dépenses, et notamment :

– les dépenses d’investissements liées à la construction et rénovation des stades : 680 millions d’euros de dépenses publiques (150 millions par l’État et 530 millions par les collectivités territoriales) sur 1,7 milliard d’euros (soit 40 % de fonds publics). Certaines rénovations ont été intégralement supportées par les clubs comme le stade des Lumières de Lyon, seul projet financé entièrement par des capitaux privés, apportés par OL Groupe à hauteur de 400 millions d’euros ;

– les dépenses de sécurité extérieure aux installations sportives, ainsi que les dépenses liées aux éventuelles opérations de maintien de l’ordre ;

– les dépenses de promotion du pays-hôte et des villes-hôtes ;

– les dépenses liées à l’accueil des visiteurs et des supporters, notamment pour assurer un accès optimal aux infrastructures de transport et aux services publics.

LES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DES GRANDS ÉVÈVEMENTS SPORTIFS

La prise en charge des coûts d’organisation par les autorités publiques de grands événements sportifs est souvent justifiée par les retombées économiques et sociales liées l’organisation de l’événement.

La construction et la rénovation des infrastructures sportives et d’accueil constitue généralement le principal poste de dépenses. Aussi, les Jeux olympiques de Sotchi ont coûté plus de 30 milliards d’euros à la Russie. Les chiffres avancés pour les prochains évènements sportifs majeurs sont quant à eux colossaux : plus de 100 milliards de dollars d’investissements planifiés au Qatar qui organisera la coupe du monde de handball en 2015 et la coupe du monde de football en 2022 ; plus de 15 milliards de dollars au Brésil pour les Jeux olympiques de 2016 ; plus de 30 milliards de dollars en Russie pour la coupe du monde de football en 2018.

Pour justifier et faire face à ces dépenses, les États comptent sur des retombées économiques importantes pour compenser les coûts d’organisation. Ces retombées sont principalement évaluées sur la base du nombre de visiteurs attendus, tout en ayant un impact généralement plus important sur l’économie nationale du fait de l’effet d’entraînement susceptible de jouer sur la consommation et les investissements.

L’estimation des retombées économiques de la coupe du monde en 2006 en Allemagne oscille, selon les études entre 500 millions d’euros et 3 milliards d’euros, tandis que des études estiment les retombées économique de la coupe du monde de rugby en 2007 en France à 500 millions d’euros. L’impact économique net des derniers Jeux olympiques de Londres a été estimé quant à lui à près de 1,5 milliard d’euros.

À cet impact économique, on peut ajouter l’impact médiatique : de nombreuses villes peu connues ont ainsi pu bénéficier de l’organisation des Jeux olympiques, comme Atlanta (1996) ou plus récemment Sotchi (2014), avec des conséquences certainement inégales.

L’impact peut enfin être politique et diplomatique. La coupe du monde de rugby organisée en Afrique du Sud en 1995 a permis de montrer que le pays était sorti de l’apartheid. De même, les Jeux olympiques de 2008 ont été pour la Chine, l’occasion de s’affirmer comme une grande puissance mondiale.

Nonobstant ces retombées potentielles, dont la Rapporteure générale ne saurait ignorer l’importance, la question de l’inscription dans la loi d’une exonération générale et permanente de toutes impositions directes au bénéfice des organisateurs de grandes manifestations sportives telle que proposée dans le présent article se pose. Consciente de la nécessité de respecter la parole de l’État engagé dans l’organisation de l’Euro 2016, elle propose donc de limiter cette exonération à cette seule manifestation.

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La Commission aborde les amendements CF 110 de M. Charles de Courson, CF 113 de M. Éric Alauzet, CF 205 de M. Pascal Cherki et CF 242 de M. Yann Galut, tendant à supprimer l’article, et l’amendement CF 255 de la Rapporteure générale.

M. Charles de Courson. Compte tenu de la situation de nos finances publiques, comment justifierons-nous, devant les citoyens, une disposition aussi exorbitante du droit commun ?

M. Éric Alauzet. À l’évidence, cet article soulève beaucoup d’émotion. Ce n’est pas la raison qui l’a emporté dans ce dossier. Cette niche fiscale géante profitera en effet à des organisations ayant leur siège en Suisse où elles ne paient quasiment pas d’impôts : dans le canton de Vaud, l’UEFA a ainsi payé 405 000 euros d’impôt en 2013 et 1,365 million d’euros en 2012. D’autre part, l’État français soutient déjà très largement l’organisation des compétitions sportives internationales : il a ainsi consacré 2 milliards d’euros à l’Euro 2016, dont 1,6 pour la construction et l’amélioration des stades et 400 millions d’euros au profit des transports spéciaux. Tout cela nous paraît déplacé. Il serait donc préférable de supprimer cet article, d’autant que, de son côté, l’UEFA a adopté une charte du fair play financier.

M. Pascal Cherki. Ayant été, pendant sept ans, adjoint au maire de Paris, chargé des sports, c’est un sujet que je connais bien. Nous avions accueilli le championnat du monde d’athlétisme et la coupe du monde de rugby. Je sais que les cahiers des charges des compétitions internationales sont extrêmement compliqués et qu’ils peuvent déraper entre le moment où on les adopte et celui où on les met en œuvre. C’est à chaque fois un casse-tête pour une ville et un gouvernement, quelle que soit leur couleur politique. Cela dit, les retombées sont extrêmement positives en termes d’attractivité du territoire, et c’est un moment de mobilisation intense pour les sports concernés ainsi qu’un moment fédérateur pour la population.

L’actuel gouvernement n’est pas à l’origine de la lettre d’intention adressée à l’UEFA, à qui le précédent gouvernement avait promis l’exemption de toute disposition fiscale ou sociale, non pour telle ou telle partie de la compétition, ce qui aurait pu se concevoir, mais pour son intégralité. Cela revient à accepter une forme d’extraterritorialité fiscale au bénéfice des grandes fédérations sportives internationales, dont certaines se comportent de plus en plus comme des multinationales, et dont les recettes sont énormes, au moment même où l’on demande aux Français de consentir des efforts croissants.

Le Gouvernement n’est certes pas responsable de ce qui a été prévu pour l’Euro 2016, et je comprends qu’il ne puisse remettre en cause la signature de la France, mais étendre le dispositif à toutes les autres compétitions au motif d’éviter toute discrimination entre le football, sport-roi qui rapporte beaucoup d’argent, et les autres sports me paraît fort de café. Pour ma part, j’estime qu’il faut émettre un vote de principe en supprimant l’article. Cela dit, je comprendrais qu’il y ait une position de repli.

Mme Karine Berger. Comme Pascal Cherki, je considère que l’amendement de suppression que j’ai déposé avec Yann Galut pourrait être retiré au profit de l’amendement de repli CF 255 de la Rapporteure générale.

Nous ne devons pas céder au chantage de ces associations multinationales avides de profits, car ce qui vaut pour le football risquerait de se généraliser à toutes les activités, sportives ou non. Si nous cédons, que répondrons-nous aux entreprises lorsqu’elles nous diront que, si nous refusons de les exonérer de cotisations sociales et d’impôt sur les sociétés, elles iront s’installer au Luxembourg ou au Liechtenstein ?

Il n’y a aucune raison pour que la loi permette d’exonérer les uns de tout impôt, et pas les autres, et nous démontrerons dans l’hémicycle, si nécessaire, que la Constitution permet d’empêcher la généralisation de l’exonération fiscale à l’ensemble des activités sportives, qui constituerait une rupture de l’égalité devant l’impôt.

M. le président Gilles Carrez. Et nous vous proposerons de signer avec nous le recours auprès du Conseil constitutionnel !

Mme la Rapporteure générale. Le président Carrez et moi-même avons rencontré la semaine dernière M. Jacques Lambert, président du comité de pilotage de l’Euro 2016. À cette occasion, nous avons pu lire deux courriers, l’un signé par Éric Woerth, l’autre par François Baroin, s’engageant tous deux à respecter le cahier des charges fixé par l’UEFA et comportant une garantie fiscale, c’est-à-dire la garantie de ne pas payer d’impôts – impôts sur les sociétés, cotisation foncière des entreprises – CFE –, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, certaines contributions assises sur les salaires, etc. Ces lettres ont été signées par deux ministres de la République, et remettre en cause la signature de notre pays me paraît très délicat.

On estime à 2 milliards d’euros le chiffre d’affaires global généré par la compétition elle-même et ses retombées. Sur cette somme, les trois quarts ne donnent pas lieu à paiement d’impôts, car l’activité – droits commerciaux, droits de rediffusion – est basée en Suisse. Restent cependant 500 millions d’euros, normalement assujettis à l’impôt sur les sociétés et à d’autres impositions, ce qui représente un manque à gagner de 150 à 200 millions d’euros. Je ne compte pas, dans le calcul, la TVA sur les nuits d’hôtel et diverses autres dépenses, qui fait entrer de l’argent dans les caisses de l’État et n’est pas concernée par le régime d’exonération.

Pour la coupe du monde de football en 1998, il n’y avait pas eu d’exonération législative, contrairement à ce qui a été fait depuis en Ukraine, en Pologne et en Suisse pour d’autres compétitions. Pour ma part, j’estime qu’il faut respecter la parole de la France pour l’Euro 2016 et que, pour la suite, l’examen des lois de finances permettra au Parlement de se prononcer au cas par cas. Tel est l’objet de mon amendement.

M. le président Gilles Carrez. Sur les 2,5 millions de billets vendus pour l’Euro 2016, 1 million sont achetés par des étrangers. Or, on a constaté, lors des différents événements de ces dernières années, que la dépense moyenne par visiteur est de 1 000 euros, soit tout de même un chiffre d’affaires de près d’un milliard d’euros.

Par ailleurs, contrairement à la Coupe du monde de 1998, qui avait été organisée par la Fédération française de football, on a donné à l’UEFA, pour l’Euro 2016, une place qui n’aurait pas dû lui revenir. Comme vient de le dire la Rapporteure générale, la compétition devrait générer un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros de droits de rediffusion et 500 millions d’euros de droits commerciaux, ces deux sources de recettes étant gérées par l’UEFA à partir de la Suisse. Le montant susceptible d’être assujetti à la fiscalité française est donc réduit à 500 millions d’euros seulement, et encore la vente des billets au grand public ne commencera-t-elle qu’en juillet prochain, à partir de la Suisse qui plus est si l’UEFA en décide ainsi. Le vrai problème, c’est que nous avons perdu la main, en quelque sorte, sur l’organisation de cette coupe d’Europe.

M. Jean-François Lamour. Que nous ayons un débat sur l’opportunité d’organiser en France des événements sportifs de niveau international, pourquoi pas ? Que l’on décide de ne plus coopérer avec les fédérations internationales au motif qu’elles ne paient que peu, voire pas d’impôts en France, pourquoi pas ? Que l’on prenne le risque de voir ces fédérations et le Comité international olympique – CIO – en tirer les conclusions en nous tenant à l’écart de l’organisation de tels événements pour des décennies, pourquoi pas ? Ce serait un choix politique assumé.

Ce qui me gêne, c’est que la France a engagé sa responsabilité sur l’organisation de l’Euro 2016, et qu’il faut assurer la continuité de l’État. Il y aurait quelque contradiction, d’ailleurs, à remettre cela en cause au moment même où le Président de la République se prononce pour une candidature française à l’organisation des Jeux olympiques de 2024.

Madame la Rapporteure générale, vous proposez de limiter l’exonération à l’Euro 2016, mais d’autres événements, en cours d’organisation sur le sol français, ont déjà fait l’objet d’un accord entre l’État et les fédérations internationales et nationales. Je pense au championnat d’Europe de basket, de handball, à la Ryder Cup de golf, que nous serons, en 2018, la première nation continentale après l’Espagne à organiser. Il faut respecter la parole de l’État ; comment, sinon, le mouvement sportif français sera-t-il considéré par les organisations sportives internationales ?

Votre amendement ne remplit pas sa fonction, car on ne peut rester au milieu du gué. Il faudrait au moins que vous précisiez la date à partir de laquelle nous n’accepterions plus d’accueillir des événements sportifs mondiaux qu’à la condition d’une imposition de droit commun. J’aimerais, à ce propos, connaître le modèle économique et fiscal envisagé pour l’Exposition universelle de 2025…

Il n’y a pas si longtemps, lorsque nous avons proposé d’intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF –, on nous a répondu que ce n’était pas possible car cela tuerait le marché de l’art. Pourquoi protéger le marché de l’art et pas l’activité sportive de haut niveau ? Il nous faut mettre en adéquation notre volonté de rayonner partout dans le monde et notre capacité à organiser des événements de cette ampleur.

M. Régis Juanico. Je partage pleinement les propos que vient de tenir Jean-François Lamour.

Il faut d’abord savoir de quoi il est question à l’article 24. On a évoqué le statut fiscal des joueurs de tennis français en Suisse. Or ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais de l’organisation de grands événements sportifs internationaux et des mécanismes, dérogatoires ou non, qui peuvent s’y appliquer.

Il faut tenir la parole de la France et les engagements pris par l’État en 2010, sous le gouvernement Fillon, pour l’Euro 2016. Il y va de la crédibilité de notre pays. De plus, maintenant que nous avons construit les stades, il ne serait pas réaliste de dire à l’UEFA que notre pays n’organisera pas cette manifestation !

Un vrai débat doit avoir lieu avec les instances internationales chargées du cahier des charges de ces événements internationaux. Ce sera le cas dès le mois de décembre, avec le CIO, sur la transparence et l’éthique des Jeux olympiques à l’horizon 2020. On a bien vu ce qui s’est passé au Brésil autour de la coupe du monde de football cette année et de l’organisation des Jeux olympiques de 2016. Il faut veiller à l’acceptabilité sociale des événements sportifs et à la modération des coûts, car c’est une exigence croissante des citoyens.

D’autres pays ont des mécanismes fiscaux dérogatoires : l’Allemagne a adopté des dispositions législatives permanentes, le Royaume-Uni a consenti des mesures fiscales spécifiques pour les Jeux olympiques de Londres, de même que l’Ukraine et la Pologne pour l’Euro 2012. En 1998, nous avions pris des mesures fiscales pour la coupe du monde de football, et le projet de loi de finances de 2007 avait prévu, pour la coupe du monde de rugby, un aménagement de la taxe sur les spectacles. Depuis, on assiste à un bricolage législatif désordonné, certains événements bénéficiant de mesures dérogatoires et d’autres non.

L’article 24 vise à traiter avec équité l’ensemble des grands événements sportifs organisés sur notre sol. Les compétitions devront avoir un caractère exceptionnel et être d’un niveau au moins équivalent à un championnat d’Europe, à l’exclusion des manifestations récurrentes que sont, par exemple, le Tour de France ou le tournoi de Roland-Garros. Les candidatures devront être portées par des personnes publiques, c’est-à-dire les fédérations sportives délégataires de service public, ce qui exclut les initiatives commerciales et les entités lucratives. Enfin, ces événements devront être sélectionnés par une instance internationale selon un cahier des charges précis. Il y a un critère de recevabilité, dont les questions fiscales font malheureusement partie, ainsi que des critères qualitatifs. Certes, cela représente un manque à gagner pour les finances publiques, mais aussi un avantage économique en termes d’emplois, d’infrastructures, de mobilisation populaire, sans oublier les retombées positives pour les fédérations organisatrices, qui peuvent augmenter à cette occasion le nombre de leurs licenciés.

Je ne voudrais pas que cet article soit l’occasion d’une sorte de défouloir et que l’on assimile un peu trop vite la fédération française de hockey sur glace, ou celle de lutte, qui vont organiser dans quelques mois des championnats du monde, à Google ou Amazon qui usent et abusent de mécanismes d’exonération ou d’optimisation fiscale en Europe. En l’espèce, il s’agit d’événements exceptionnels organisés par des instances non lucratives.

Mme Monique Rabin. Je soutiens l’amendement de la Rapporteure générale car ce sujet ne doit pas nous diviser, mais nous rassembler. Il est important de respecter la parole donnée, tout en n’ouvrant pas trop largement la porte.

M. Marc Goua. Je suis tout à fait d’accord avec ceux qui défendent l’organisation de ce type d’événement dans notre pays. Toutes les études montrent que ces manifestations ont un double bénéfice, direct et indirect, pour l’attractivité du pays organisateur. Il serait très grave que nous nous excluions de ces événements internationaux, qui ont un effet mobilisateur sur la population et des retombées économiques non négligeables. D’ailleurs, une étude récente réalisée par un organisme international montre que le redémarrage de l’économie se fera à partir des événements sportifs et culturels de renommée internationale.

M. Pascal Terrasse. Tout à l’heure, lorsque la discussion a commencé, je fondais mon analyse sur ce que j’avais pu entendre dans les médias : on demande à chaque Français de contribuer à l’effort de redressement du pays, alors que certaines sociétés sportives qui regorgent d’argent bénéficient de tous les dispositifs fiscaux imaginables. Puis, en écoutant les uns et les autres, j’ai changé d’avis.

Jean-François Lamour a posé la vraie question. Nous sommes tous d’accord, je le crois, pour soutenir l’exception culturelle, et l’on a calculé, après la grève des intermittents du spectacle, que chaque euro investi dans la culture rapportait sept euros au territoire concerné ; je pense qu’il en va de même des grandes manifestations sportives. Pour l’organisation de l’Euro 2016, nous étions en concurrence avec la Turquie et l’Italie, et c’est parce que nous nous sommes alignés sur les offres fiscales de ces deux pays que nous avons pu l’emporter.

Pascal Cherki a laissé entendre qu’il était prêt à se rallier à l’amendement de la Rapporteure générale. Mais n’oublions pas que nous nous sommes déjà engagés pour accueillir la Ryder Cup en 2018 et que nous avons de grandes chances d’organiser le championnat du monde de football féminin en 2019. Cet amendement de compromis ne risque-t-il pas d’être interprété comme le signe que la France renonce, pour l’avenir, à se porter candidate à l’accueil de telles manifestations ?

M. Olivier Faure. Il ne saurait évidemment être question de remettre en cause la parole de la France, et ce qui a été consenti à l’UEFA peut difficilement être révoqué, mais cette décision me semble emporter des conséquences que je trouve difficiles à assumer sur le plan politique. On nous explique en effet que l’attractivité de la France et la compétitivité de notre économie dépendent exclusivement de notre capacité à exonérer de toute forme d’imposition celles et ceux qui viennent travailler sur notre sol, et que la collectivité doit prendre à sa charge tout ce qui coûte tandis que les fédérations récupèrent tout ce qui rapporte : ce partage des rôles est difficile à admettre.

Le Président de la République s’est prononcé pour l’organisation sur le sol français des Jeux olympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025. Or, l’article 24 prévoit d’exonérer de tous droits les premiers, mais pas la seconde. Ne s’agit-il pas, pourtant, dans les deux cas, d’événements contribuant à l’attractivité, au rayonnement de la France?

Monsieur Lamour, vous avez déclaré au journal Le Monde que ce type d’événement coûte plus qu’il ne rapporte.

M. Jean-François Lamour. Et alors ?

M. Olivier Faure. Il n’est pas absurde de dire que ceux qui réalisent grâce à lui des bénéfices importants doivent aussi assumer une part de son coût.

M. Jean-François Lamour. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! J’ai simplement dit qu’il fallait mener à bien ce qui a été engagé pour de nombreuses compétitions, suite à un accord entre l’État, la fédération nationale et la fédération internationale concernées.

M. Olivier Faure. Il serait préoccupant que nous baissions définitivement pavillon en procédant de la même façon pour toutes les autres manifestations, et c’est pourquoi je me range à la position de la Rapporteure générale. L’organisation ultérieure de manifestations supposera des négociations, qui pourront aboutir à des exonérations partielles ou totales, mais chaque cas sera un cas d’espèce, et encore faudra-t-il, pour négocier dans de bonnes conditions, que nous n’ayons pas abdiqué par avance toute souveraineté.

Mme Eva Sas. Il ne faut pas accepter cette niche fiscale géante. Je crois savoir que l’UEFA, dont le siège est en Suisse, dégagera environ 900 millions d’euros de bénéfices grâce à l’organisation de l’Euro 2016. Il y a donc bien optimisation fiscale, et l’UEFA n’a nullement besoin qu’on lui consente de telles conditions, choquantes au demeurant lorsque l’on considère les efforts demandés aux contribuables français ces deux dernières années. Ce serait, en outre, un fâcheux précédent, qui risquerait fort de se reproduire à de nombreuses reprises. Nous devons refuser ce dumping fiscal organisé.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. J’étais venu pour parler des zones franches urbaines, et je me retrouve au milieu d’un débat qui me passionne. Nous sommes quelques-uns ici à porter des projets d’équipement sportif d’intérêt international, dans un pays très en retard en la matière. Selon le rapport « Arenas 2015 » commandé par l’Association des maires de grandes villes de France, la France est le seul pays d’Europe à ne pas avoir de grands équipements sportifs capables d’accueillir des compétitions indoor dans de bonnes conditions. Mais, alors qu’il faudrait dix salles, on va en faire une seule, qui plus est en récupérant un équipement vieux de trente ans !

Ceux qui estiment qu’il ne faut pas accorder d’avantages fiscaux pour l’organisation de grandes compétitions doivent assumer le fait qu’ils ne veulent plus que se déroulent en France de grands événements. C’est un choix politique respectable, même si ce n’est pas le mien. Si l’on veut, inversement, accueillir de grandes compétitions internationales en France, il faut envoyer des messages adéquats. Qu’un ministre doive signer une lettre de garantie promettant des exonérations d’impôt pour « arracher » l’Euro 2016, je peux le comprendre. Même s’il est juridiquement contestable d’engager le Parlement sans débat préalable, il faut, dès lors que cela a été fait, respecter la parole donnée, et c’est pourquoi je ne suis pas favorable aux amendements de suppression. N’oublions pas non plus que l’on a dû recourir à des montages juridiques et fiscaux très particuliers pour la rénovation des stades en vue de l’Euro 2016, que ce soit à Paris, à Lyon, à Bordeaux ou à Lens.

M. le président Gilles Carrez. L’UEFA paiera désormais un loyer pour l’utilisation des stades. C’est la bonne nouvelle de la soirée !

M. le rapporteur pour avis. L’amendement de la Rapporteure générale va dans le bon sens, dans la mesure où il vise à préserver l’Euro 2016. J’émets cependant un doute quant au message qu’il adressera aux grands organisateurs de compétitions internationales : ils comprendront que nous consentons des exonérations pour l’Euro 2016, mais que nous ne le ferons plus par la suite. Or cela revient à leur dire que nous ne voulons plus organiser de grandes compétitions en France.

L’intérêt de l’article 24 est de montrer, au contraire, que la France est prête à faire un effort pour accueillir ces compétitions. Si telle est bien notre intention, il faut donc garder l’article 24 en l’état. Quant à la rupture d’égalité devant la loi, elle consisterait justement à ne consentir ces efforts que pour le football, et pas pour les autres sports. Les fédérations sportives ne manqueraient d’ailleurs pas de s’en étonner. Si nous exonérons l’organisation d’une grande compétition, nous devons, malheureusement, exonérer toutes les autres.

M. Dominique Lefebvre. Le groupe SRC ne remettra pas en cause la parole de la France. Cela règle, de mon point de vue, la question des amendements de suppression.

Le débat que nous avons est important et légitime, mais il ne porte pas, selon moi, sur les aspects qui ont été mis en avant par certains. Il est en effet très facile d’adopter des postures dans ce genre de débat. Parce qu’il est question de football et de l’UEFA, on a tout confondu : le grand capital, les multinationales, l’activité économique permanente, un régime spécifique pour une activité temporaire sur le territoire français. Les phrases flamboyantes prononcées il y a une quinzaine de jours sur la création de paradis fiscaux n’aident pas à faire avancer le débat public, ni à prendre des décisions intelligentes.

D’autre part, poser la question en termes de manque à gagner, c’est oublier la réalité. Nous n’avons quelque chose à gagner que si nous accueillons des manifestations en France. Si la France n’est pas candidate ou ne crée pas les conditions pour organiser ces événements, elle ne sera pas choisie comme pays hôte. À ce moment-là, nous aurons en effet les mains propres, mais nous n’accueillerons plus de manifestations. La question de fond a été posée par le ministre et par notre rapporteur spécial, Régis Juanico : quelle politique voulons-nous en matière d’organisation de compétitions sportives internationales ?

Celles et ceux qui ont exercé des responsabilités exécutives, notamment locales, le savent : les régions, les départements et les communes se livrent une compétition pour construire des équipements sportifs structurants et accueillir des championnats nationaux ou des manifestations de haut niveau. Cette compétition n’est pas fiscale, car les collectivités territoriales n’ont pas le pouvoir de décider des exonérations, mais elle se fait autrement, par le biais de subventions ou de la mise à disposition de certains services. Or ce n’est pas sans raison que les élus engagent ainsi de l’argent public !

En ce qui concerne l’organisation de ces manifestations, il existe deux enjeux, qu’il convient de prendre en compte comme tels. D’abord un enjeu en termes de spectacle. Ainsi que l’a rappelé Jean Glavany, le spectacle sportif a autant de vertus que le spectacle culturel. Ensuite un enjeu en termes de soutien à nos fédérations sportives. Là non plus, ce n’est pas sans raison que celles-ci souhaitent organiser des compétitions. À Cergy-Pontoise, j’ai mis 41 millions d’euros sur la table pour accueillir le Centre national de hockey sur glace. Il s’agit d’un sport de masse très intéressant et spectaculaire, et la Fédération française de hockey sur glace monte actuellement en puissance. À cet égard, la perspective d’une manifestation internationale crée bien évidemment un cadre favorable.

S’agissant de l’amendement de la Rapporteure générale, l’élément à prendre en compte est le cahier des charges des fédérations internationales, ainsi que l’a expliqué le rapporteur spécial. De plus, prendre des dispositions spécifiques pour une compétition donnée risque de poser un problème de constitutionnalité. Enfin, cela va pénaliser les fédérations sportives plus fragiles qui ne disposent pas des mêmes ressources financières que le football. C’est donc une mauvaise solution. Pour ma part, j’aurais souhaité un dispositif plus lisible. D’autant que la réponse n’est pas à chercher dans une modification de la législation française, mais, au minimum, dans une directive européenne.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je serais disposée à soutenir l’amendement de la Rapporteure générale, mais, au-delà du message qu’il adresse pour l’avenir au monde sportif et à l’ensemble des organisateurs de compétitions internationales, il pose un problème juridique : pouvons-nous vraiment légiférer pour faciliter l’organisation d’une seule manifestation ? Cette discrimination positive en faveur de l’UEFA ne risque-t-elle pas d’ouvrir la voie à des recours d’autres fédérations sportives internationales ? D’autant que l’amendement supprime les critères restrictifs définis par les alinéas 15 à 19.

Mme Karine Berger. Votre intervention, monsieur Lamour, me laisse perplexe : vous laissez entendre que la France s’est engagée, par écrit, à défiscaliser l’organisation d’autres compétitions sportives que l’Euro 2016. Or la seule information dont nous disposons à ce stade est la lettre signée par MM. Baroin et Woerth. Avez-vous connaissance d’autres engagements qui lieraient la France en matière d’exonérations fiscales ? Par qui ont-ils été pris ?

M. Pascal Cherki. Personne n’adopte de posture, ni ne tombe dans la caricature ! Je le répète : je comprends bien la difficulté à laquelle nous sommes confrontés compte tenu de l’engagement pris par la France, et je suis conscient que les exonérations fiscales constituent une condition sine qua non pour accueillir une manifestation internationale. D’autre part, je suis d’accord avec Dominique Lefebvre sur un point : l’idéal serait que nous adoptions une directive européenne. D’ailleurs, il existe déjà une directive qui a instauré un double plafond pour les subventions versées aux clubs professionnels de football. La ville de Paris s’est appuyée sur cette disposition pour réduire considérablement la subvention qu’elle accordait au Paris Saint-Germain, laquelle s’élevait à 40 millions de francs sous M. Tiberi.

En revanche, on ne peut pas demander aux parlementaires de ne pas faire usage de leur droit d’interpellation ! Il est légitime que nous manifestions notre mécontentement, voire que nous fassions part de notre indignation, à un moment où l’on demande aux Français de faire des efforts importants. Et il faut en tirer les conséquences : je souhaiterais que, au cours du débat en séance publique, le Gouvernement reconnaisse qu’il y un problème et qu’il s’engage à saisir officiellement la Commission en vue de faire adopter une directive européenne qui mette fin au dumping fiscal en matière d’organisation de compétitions internationales.

M. le président Gilles Carrez. Sans doute faudrait-il également soulever la question dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE –, car les compétitions peuvent avoir lieu ailleurs qu’en Europe.

Mme la Rapporteure générale. Pour répondre à Dominique Lefebvre et à Marie-Christine Dalloz, en 2011, une loi relative à l’organisation de l’Euro 2016 qui portait sur la construction et la rénovation des stades a été déférée au Conseil constitutionnel, et celui-ci ne l’a pas jugée contraire à la Constitution. Certes, il ne faut jamais préjuger de la décision du Conseil, mais cette jurisprudence tend à montrer que la loi peut prévoir un dispositif spécifique pour un événement donné.

Pour répondre à Régis Juanico, le dispositif d’exonération instauré en Allemagne est en effet pérenne, mais son champ est beaucoup plus restreint que celui qui est prévu à l’article 24 : il porte uniquement sur l’impôt sur les sociétés non résidentes, mais pas sur les autres prélèvements.

Pour répondre à Jean-François Lamour, s’agissant du championnat du monde de hockey sur glace, aucun dispositif fiscal spécifique n’a été demandé dans le cahier des charges. Concernant la Ryder Cup, je ne dispose d’aucun élément attestant l’existence d’un dispositif similaire.

Il est aussi arrivé que des pays retirent leur candidature à l’organisation d’une grande manifestation parce qu’ils ne souhaitaient pas apporter les garanties fiscales qui leur étaient demandées et effectuer les investissements nécessaires à la construction des stades. Tel a été le cas de la Suède et de la Norvège. Ainsi que plusieurs d’entre vous l’ont dit, cela relève d’un choix politique.

Mme Christine Pires Beaune. Les exonérations constituent une aide d’État. Quelle est la position de la Commission européenne sur les aides de cette nature ?

Mme la Rapporteure générale. Je vais essayer de me renseigner et de vous répondre d’ici à la séance publique.

La Commission rejette les amendements CF 110, CF 113, CF 205 et CF 242.

Puis elle adopte l’amendement CF 255 (amendement 401).

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette successivement les amendements CF 206 à CF 214 de M. Pascal Cherki.

Puis elle adopte l’article 24 modifié.

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Article 25
Auto-liquidation de la TVA due à l’importation

Cet article simplifie les modalités de paiement de la TVA due sur les produits importés, en permettant aux entreprises redevables de cette taxe, si elles ont reçu un agrément préalable des douanes, d’opter pour une auto-liquidation de la TVA, qui sera effectuée à l’occasion de l’envoi de leur déclaration afférente à cette taxe.

Ainsi, cet article s’inscrit dans l’objectif de simplification voulue par le Gouvernement. Cette mesure n’est pas censée avoir d’impact budgétaire. En revanche, l’année de sa mise en œuvre, elle conduira à annuler l’avance de trésorerie estimée à 150 millions d’euros réalisée par les entreprises, ce qui aura pour conséquence un coût budgétaire pour l’État, cette année-là, de 150 millions d’euros.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Les modalités de paiement de la TVA due sur les produits entrant sur le territoire français sont actuellement relativement complexes et ne favorisent pas la compétitivité économique des ports et aéroports français par lesquels transitent ces marchandises.

A. LE PRINCIPE DE LA SOUMISSION DES IMPORTATIONS À LA TVA ET SES EXCEPTIONS

L’article 291 du code général des impôts pose le principe général selon lequel les importations de biens sont soumises à la TVA, puis prévoit certaines exceptions. Les recettes concernées sont d’un montant élevé, puisqu’en 2013, la TVA perçue à l’importation a représenté 10,5 milliards d’euros.

L’opération d’importation constitue le fait générateur de la TVA. Cette taxe est calculée en retenant comme base d’imposition non seulement la valeur transactionnelle des biens – valeur que le prix facturé doit refléter –, mais aussi tout prélèvement ou taxe autre que la TVA (tels que des droits de douanes), comme le précise le 1° de l’article 292 du même code.

En application de l’article 291, doivent être considérées comme des importations de biens soumises à la TVA les entrées sur le territoire français de marchandises provenant d’un État n’appartenant pas à l’Union européenne ou de certains territoires de celle-ci caractérisés par un régime fiscal particulier, à l’instar des territoires limitativement énumérés par l’article 256-0 du code général des impôts : île d’Helgoland, territoire de Büsingen, Ceuta, Melilla, îles Canaries, îles Åland, mont Athos, Livigno, Campione d’Italia, eaux nationales italiennes du lac de Lugano et îles Anglo-normandes. Ce même article prévoit toutefois que certains biens, en raison de leur nature, sont exonérés de TVA à l’importation ; c’est le cas notamment des produits énergétiques et piscicoles, des navires et avions, des devises, des œuvres d’art ou objets de collection destinés à des établissements agréés, ou encore de certains produits issus du corps humain ou à finalité médicale.

En revanche, quelle que soit la nature des marchandises importées, le 1° du paragraphe I de l’article 262 ter du même code dispose que sont exonérés de TVA les biens destinés à faire l’objet d’un transport vers le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne, « à destination d’un autre assujetti ou d’une personne morale non assujettie ». Il s’agit ici d’une règle transposée du droit communautaire régissant la TVA, et plus particulièrement des articles 138, 140 et 143 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite « directive TVA », qui encadre étroitement les régimes nationaux de TVA au sein de l’Union européenne. Sur le fondement de ces articles, les livraisons, acquisitions et importations de biens transitant par le territoire d’un premier État membre doivent être exonérées de TVA dans celui-ci si les biens concernés sont destinés à être transportés et livrés à une entreprise établie dans un second État membre (222).

En outre, ce principe d’exonération pour les échanges intracommunautaires est, en application du 4° du paragraphe III de l’article 291 du code général des impôts, applicable aux « importations de biens expédiés ou transportés en un lieu situé sur le territoire d’un autre État membre de la Communauté européenne et qui font l’objet par l’importateur d’une livraison exonérée ». À ce titre, les biens importés en France en provenance d’un État situé hors de l’Union européenne, en vue de faire l’objet ensuite d’une livraison intracommunautaire, ont vocation à être exonérés de TVA.

De surcroît, les biens importés par une entreprise assujettie à la TVA en France pour y être mis à la consommation (plutôt que réexpédiés vers un autre pays), à défaut d’être exonérés de TVA, pourront donner lieu à une récupération ultérieure de celle-ci par l’importateur, s’il est bien assujetti à la TVA en France. Ainsi, le montant de TVA supporté par cette entreprise lors de l’importation des biens pourra être remboursé par le biais des déductions qu’il sera autorisé à effectuer, lors de sa déclaration de chiffre d’affaires pour la TVA, sur l’ensemble de la TVA qu’il a supporté en amont de la vente et qui a grevé ses propres coûts – il s’agit ici d’appliquer les règles de droit commun relative au droit à déduction de la TVA, prévues à l’article 271 du code général des impôts.

B. LES DIFFICULTÉS LIÉES AUX MODALITÉS ACTUELLES DE PAIEMENT DE LA TVA À L’IMPORTATION

Le droit de l’Union européenne laisse actuellement aux États membres une certaine latitude s’agissant des modalités de paiement de la TVA due sur les biens importés. En effet, l’article 211 de la « directive TVA » prévoit que ces États « arrêtent les modalités de paiement au titre d’importations des biens », tout en ajoutant qu’ils peuvent prévoir pour certains redevables un paiement différé, c’est-à-dire postérieur au « moment de l’importation ».

Or, dans le cas de la France, les modalités actuelles de paiement de la TVA à l’importation conduisent normalement l’entreprise importatrice à devoir payer la TVA dès l’arrivée des marchandises sur le territoire français. Ce n’est que dans un second temps qu’elle pourra, le cas échéant, en obtenir le remboursement :

– si elle n’est pas établie en France, mais que le bien doit être livré sur le territoire français ou sur celui d’un autre État de l’Union européenne (dans ce dernier cas, il s’agit alors d’une livraison intracommunautaire subséquente) ;

– ou, si elle est assujettie à la TVA en France, la déduire de son propre chiffre d’affaires dans sa déclaration de TVA ultérieure.

En effet, le principe posé par l’article 293 A du code général des impôts est que « le fait générateur se produit et la taxe devient exigible au moment où le bien est considéré comme importé », ce qui, pour un bien ne provenant pas de l’Union européenne, correspond à l’entrée du bien sur le territoire français. La TVA sur ces biens est donc due au même moment que les éventuels droits de douane auxquels leur importation est soumise et doit être acquittée par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation. Toutefois, le même article prévoyant que la TVA est « solidairement due par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirecte » du destinataire réel des biens importés, la TVA peut, en pratique, être versée par le déclarant en douane au nom et pour le compte de ce destinataire.

Par ailleurs, l’article 1695 du même code dispose que la TVA « est perçue, à l’importation, comme en matière de douanes ». De même, le 1 de l’article 285 du code des douanes – dont la rédaction n’a pas évolué depuis plus de trente-cinq ans – confie expressément aux douaniers la responsabilité de recouvrer les taxes sur le chiffre d’affaires, catégorie à laquelle la TVA est explicitement rattachée par le plan du code général des impôts. Ainsi, aux termes de cet article, « l’administration des douanes est également chargée de recouvrer ou de faire garantir la perception des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes intérieures prévues par la législation des contributions indirectes et de tous autres droits et taxes exigibles à l’importation ou à l’exportation ».

Ces dispositions conduisent ainsi les services locaux de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) à percevoir la TVA à l’importation lors du passage en douane, c’est-à-dire lors du contrôle des marchandises à leur arrivée sur le territoire français. Ainsi, l’article 384 A bis de l’annexe III du code général des impôts précise que ce mode de perception est appliqué aux transports maritimes, fluviaux et routiers « lorsque le transport est effectué par des entreprises qui ne sont pas établies dans un État membre de la Communauté européenne et qui n’ont pas désigné un représentant fiscal en France ».

De même, l’article 275 du code général des impôts ne prévoit la possibilité d’importer en franchise de TVA les biens destinés à une livraison à l’exportation, ou à une livraison intracommunautaire, que si l’importateur réceptionnant les marchandises en France est lui-même assujetti à la TVA dans notre pays, ce qui n’est pas nécessairement le cas des entreprises étrangères opérant sur le territoire français. En outre, quand bien même l’entreprise est assujettie, le bénéfice de la franchise de TVA sur ces importations ne peut porter que sur une assiette limitée – il est limité par ce même article au « montant des livraisons de cette nature qui ont été réalisées au cours de l’année précédente et qui portent sur des biens passibles de cette taxe ». Enfin, les formalités permettant de bénéficier d’une telle franchise de TVA sont assez lourdes, puisque les importateurs assujettis à la TVA en France « doivent, selon le cas, adresser à leurs fournisseurs, remettre au service des douanes ou conserver une attestation, visée par le service des impôts dont ils relèvent, certifiant que les biens sont destinés à faire l’objet, en l’état ou après transformation, d’une livraison » à l’exportation ou d’une livraison intracommunautaire, et comportant « l’engagement d’acquitter la taxe sur la valeur ajoutée au cas où les biens et les services ne recevraient pas la destination qui a motivé la franchise » de TVA.

L’ensemble de ces dispositions conduit donc, dans de nombreux cas, en particulier pour les entreprises importatrices qui ne sont pas établies en France, à ce qu’elles soient pénalisées à un double titre :

– sur le plan de la trésorerie, en raison de la nécessité d’avancer les sommes correspondant à la TVA (même si, en pratique, la durée du décaissement est courte dans le cas des entreprises établies en France) ;

– et sur le plan de la gestion administrative, en raison de la charge humaine et de la complexité liée à la nécessité d’effectuer à deux reprises des démarches auprès des services fiscaux.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Cet article propose de remédier aux inconvénients du système actuel de paiement de la TVA due sur les importations, en permettant aux entreprises importatrices un paiement anticipé de cette taxe, à condition qu’elles soient préalablement enregistrées à ce titre par l’administration – laquelle a tout de même besoin de garanties pour limiter les risques de fraudes.

A. UNE SIMPLIFICATION DESTINÉE À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DES PLATEFORMES LOGISTIQUES FRANÇAISES

Le changement avait été annoncé, le 17 février dernier, lors du Conseil stratégique de l’attractivité organisé à Paris en présence d’une trentaine de chefs d’entreprises venus de vingt pays. Le Président de la République y avait en effet annoncé que « dès 2015, le régime de la TVA applicable aux entreprises importatrices sera simplifié, et cette mesure permettra la présence, le développement d’entreprises étrangères dans nos ports et dans nos aéroports ».

Le tableau des huit mesures destinées à attirer en France les investisseurs étrangers, mis en ligne par l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) (223) dans le cadre de cet événement, a dès lors précisé : « Dès janvier 2015, dans le cadre de la procédure de domiciliation unique (PDU) […], les entreprises pourront reporter la TVA due sur les marchandises importées sur leur déclaration courante de TVA. La procédure sera simple, accessible aux PME tout comme aux grands opérateurs étrangers. »

Le mécanisme d’auto-liquidation de la TVA à l’importation proposé par cet article s’inscrit dans cette logique favorable à au développement de l’activité et de l’emploi sur les plateformes logistiques françaises, à l’instar de ce qui est déjà pratiqué dans la plupart des pays de l’Union européenne (voir D).

B. UNE FACULTÉ RÉSERVÉE AUX IMPORTATEURS OFFRANT DES GARANTIES SUFFISANTES

Conformément à cette démarche de simplification, le B du paragraphe II de l’article tend à compléter l’article 1695 du code général des impôts, afin de prévoir que certaines entreprises pourront bénéficier d’une dérogation au principe, posé par ses premier et quatrième alinéas, selon lequel la TVA à l’importation est perçue « comme en matière de douane ».

Il serait désormais indiqué que les personnes redevables de la TVA au titre de leurs importations sur le territoire français peuvent opter pour un paiement différé de la TVA sur les biens concernés. Le texte précise qu’à ce titre, les entreprises intéressées devraient porter le montant de TVA afférent à ces importations sur la déclaration de chiffre d’affaires qu’elles doivent, comme tous les redevables, transmettre périodiquement au service des impôts dont elles relèvent, afin de permettre de contrôler la liquidation de cette taxe et, si le montant dû au titre des importations n’est pas entièrement remboursé ou déduit, de la percevoir. Ainsi, la TVA à l’importation sera auto-liquidée par l’entreprise importatrice lors de la déclaration de TVA, sur la base des montants constatés par les services des douanes lors de leurs contrôles à l’arrivée des marchandises. Il convient de rappeler que, d’une manière générale, l’auto-liquidation consiste à considérer que c’est l’acquéreur d’un bien ou le preneur d’un service qui est considéré comme redevable de la taxe et doit donc procéder à son paiement auprès de l’administration – contrairement au droit commun de la TVA, selon lequel le consommateur final supporte le poids économique de la taxe au travers des prix, mais celle-ci est collectée par le vendeur qui a le statut de redevable et la reverse à l’administration.

Toutefois, cette possibilité pour l’importateur d’auto-liquider la TVA lors de sa déclaration serait réservée :

– aux entreprises disposant d’un agrément à la procédure simplifiée de dédouanement avec domiciliation unique (PDU), si elles sont établies dans l’Union européenne ;

– aux entreprises dont le représentant en douane a obtenu un tel agrément pour leur compte, si elles ne sont pas établies dans l’Union européenne. Le commissionnaire ou représentant en douane est un prestataire de services qui est chargé d’effectuer auprès des services douaniers les formalités relatives aux opérations d’importation pour le compte de l’importateur (qui est donc son mandant). Le redevable légal de la TVA reste en tout état de cause l’importateur, que le mandat s’exerce dans le cadre d’une représentation directe (au nom et pour le compte de l’importateur) ou d’une représentation indirecte (au nom du commissionnaire, agissant pour le compte de l’importateur). Selon les informations transmises par le secrétariat d’État chargé du budget, il existe actuellement en France 843 commissionnaires titulaires de cet agrément.

Il convient de rappeler que la PDU résulte de règlements communautaires des 12 octobre 1992 et 2 juillet 1993 précisant le régime douanier applicable dans les États membres de l’Union européenne (224). La PDU, qui concerne certaines entreprises habilitées à déclarer en détail les marchandises, leur permet actuellement d’effectuer auprès d’un unique bureau de douane (appelé bureau de domiciliation unique) l’ensemble des formalités de dédouanement ainsi que des formalités comptables de paiement. Il s’agit donc d’un mécanisme de simplification administrative déjà bien connu des entreprises – les importateurs bénéficiant de la PDU représentaient, en 2013, près de 17 % de l’ensemble des recettes perçues par l’État au titre de la TVA à l’importation, soit un peu plus de 1,78 milliard d’euros.

Le choix de subordonner le bénéfice de la mesure à l’obtention préalable par l’entreprise (ou par son représentant en douane) de l’agrément pour la PDU s’explique par les garanties que cette formalité d’enregistrement offre à l’administration contre le risque de défaillance du redevable. En effet, pour bénéficier de l’agrément, l’entreprise demandeuse doit déposer une demande auprès du bureau des douanes concerné et faire l’objet d’un audit d’agrément préalable, qui permet de vérifier l’existence de flux réguliers de marchandises et de moyens matériels et humains adaptés.

Il est indiqué, sur le site internet de la DGDDI (225), que, pour que l’administration donne suite à sa demande d’agrément, l’entreprise doit effectuer pour son propre compte des opérations d’importation ou d’exportation, à destination ou à partir de différents sites sur le territoire français, et désigner pour chaque site un représentant qui pourra, si nécessaire, assister aux opérations de contrôle douanier. En outre, pour que ces vérifications puissent se faire dans des conditions matériellement adaptées, les entreprises souhaitant bénéficier de la PDU doivent organiser leurs locaux de façon à disposer d’un magasin de dépôt temporaire, dans lequel les marchandises concernées pourront être stockées le temps nécessaire.

C. LES CONDITIONS DE MISE EN œUVRE ET LA DURÉE DE VALIDITÉ DE L’OPTION OUVERTE AUX IMPORTATEURS

Enfin, le dernier alinéa du paragraphe II complétant le texte de l’article 1695 du code général des impôts préciserait les conditions de mise en œuvre de ce droit d’option ainsi que sa durée de validité. Il est proposé que l’option prenne effet dès le début du mois qui suit celui au cours duquel elle a été demandée, pour rester valable pendant trois années civiles après l’année de la demande. En outre, à moins d’avoir été dénoncée par l’entreprise au plus tard le 31 octobre de sa dernière année d’application, l’option serait automatiquement renouvelée tous les trois ans.

Ces durées et conditions de prolongation de l’option paraissent raisonnables et le système de tacite reconduction de nature à prévenir les formalités administratives inutiles. En pratique, on peut penser qu’en raison des avantages administratifs et financiers liés au regroupement du paiement et de la déclaration de la TVA, les entreprises souhaiteront vraisemblablement continuer à bénéficier de ce régime dérogatoire pour leurs importations en France.

Par ailleurs, le paragraphe I et le A du paragraphe II du présent article effectuent les coordinations requises pour tirer les conséquences juridiques de la création du dispositif dérogeant au paiement immédiat de la TVA sur les importations :

– à l’article 285 du code des douanes, qui définit les compétences de l’administration des douanes en matière de perception de taxes et mentionne actuellement la perception des taxes sur le chiffre d’affaires ;

– et à l’article 287 du code général des impôts, relatif aux déclarations périodiques que les redevables de la TVA doivent remettre au service des impôts pour permettre son recouvrement – le montant des importations pour lesquelles le paiement de la TVA a été différé devant désormais y être mentionné par les bénéficiaires du nouveau dispositif. À cette occasion, la rédaction du 5 de cet article, qui mentionnait encore la « Communauté européenne », devenue l’Union européenne, est également mise à jour.

D. UN DISPOSITIF DÉJÀ LARGEMENT MIS EN œUVRE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

D’une manière générale, cette simplification des modalités de paiement de la TVA due sur les biens importés ne paraît pas soulever de difficultés de comptabilité avec le droit de l’Union européenne. Des mesures analogues ont d’ailleurs déjà été mises en œuvre dans seize autres États membres de l’Union européenne : Autriche, Belgique, Bulgarie, République tchèque, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Roumanie et Slovénie.

En effet, le deuxième alinéa de l’article 211 de la « directive TVA » indique, précisément, que « les États membres peuvent notamment prévoir que, pour les importations de biens effectuées par les assujettis ou les redevables ou par certaines catégories d’entre eux, la TVA due en raison de l’importation n’est pas payée au moment de l’importation, à condition qu’elle soit mentionnée comme telle dans la déclaration de TVA ». En outre, l’article 260 de cette même directive renvoie aux États le soin de décider eux-mêmes des « modalités de la déclaration [de la TVA] en ce qui concerne les importations de biens ». Le dispositif proposé, en différant le paiement de la TVA à l’importation pour certains redevables, et en adaptant en conséquence la liste des informations appelées à figurer sur les déclarations de TVA adressées à l’administration, se borne donc à faire usage de ces possibilités prévues par la directive.

E. L’ENTRÉE EN VIGUEUR ET L’IMPACT BUDGÉTAIRE DU DISPOSITIF

Enfin, le paragraphe III de l’article prévoit que ce régime dérogatoire au paiement de la TVA au moment de l’importation sera applicable aux opérations d’importation dont le fait générateur interviendra à partir du 1er janvier 2015, c’est-à-dire aux biens entrés sur le territoire français à compter de cette date.

Cette application rapide ne devrait soulever de difficultés pratiques ni pour l’administration fiscale ni pour les entreprises concernées.

S’agissant des entreprises, elles ne devraient pas opérer en terrain administratif inconnu, puisqu’elles utilisent déjà des systèmes analogues dans la majorité des pays de l’Union européenne. En outre, dans le système français, l’entrée dans le nouveau dispositif d’auto-liquidation de la TVA à l’importation ne sera, de toute façon, pas obligatoire mais optionnelle.

S’agissant de l’administration, l’agrément requis pour bénéficier de la procédure de DPU a déjà été mis en place – permettant ainsi d’identifier des entreprises offrant les garanties suffisantes pour pouvoir bénéficier de la dérogation au paiement immédiat de la TVA. Le mécanisme de l’auto-liquidation de la TVA correspondra, en réalité, à un jeu d’écritures et supposera des échanges de données informatisées entre les deux administrations concernées, afin de suivre et de sécuriser les recettes fiscales correspondantes. À ce titre, les services des douanes devront transmettre chaque mois à la direction générale des finances publiques (DGFiP) les informations figurant sur les déclarations en douanes (qui doivent être remplies mêmes pour les biens exonérés de TVA), et en particulier les montants de TVA dus au titre des importations effectuées par ces entreprises.

En revanche, si la mesure n’aura pas, à terme, d’effet négatif sur les recettes de TVA, elle pourrait conduire en 2015, première année d’application du dispositif, à une baisse de 150 millions d’euros de ces recettes, correspondant au gain de trésorerie que les entreprises devraient retirer de la fin de l’obligation de paiement anticipé de la TVA due à l’importation.

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La Commission adopte l’article 25 sans modification.

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Article additionnel après l’article 25

Assouplissement des modalités de calcul de la proportion de logements sociaux requise pour l’application du taux réduit de TVA à la livraison de logements intermédiaires

La Commission examine les amendements CF 243, CF 244 et CF 245 de M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Afin de relancer la construction de logements intermédiaires, il convient de desserrer un peu l’étau que nous avons mis en place en imposant que ces logements soient intégrés dans un ensemble immobilier comprenant au minimum 25 % de surface de logements sociaux pour que les opérations immobilières correspondantes puissent bénéficier du taux réduit de TVA à 10 %. Nous proposons d’étendre le périmètre dans lequel cette condition est appréciée.

Ainsi, l’amendement CF 243 permettrait de raisonner à l’échelle de la commune. Le CF 244 prend en considération, quant à lui, les logements sociaux construits dans la même zone d’aménagement concerté – ZAC – ou à une distance de moins de 300 mètres des nouveaux logements intermédiaires. Le CF 245 distingue, enfin, entre les communes de plus de 20 000 habitants, où s’appliquerait la règle que je viens d’énoncer, et celles de moins de 20 000 habitants, où la condition serait appréciée à l’échelle de la commune. Certains estiment qu’un assouplissement des règles risque d’entraîner une perte de recettes fiscales. Mais, si nous ne le faisons pas, certains logements ne seront pas construits.

M. le président Gilles Carrez. Je suis tout à fait d’accord avec l’esprit de ces amendements. Si nous ne déverrouillons pas le dispositif, nombre d’opérations immobilières ne se feront pas.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà rejeté un amendement identique au CF 243 en séance publique lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. Je serais plutôt favorable au CF 244.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. Je suggère que nous adoptions l’amendement CF 245, qui prévoit une solution intermédiaire. Dans certaines petites communes, il peut être compliqué d’appliquer la règle des 300 mètres. Pour permettre la construction de logements intermédiaires dans ces communes, il semble préférable de raisonner à l’échelle de la commune. La règle des 300 mètres s’appliquerait donc uniquement dans les communes de plus de 20 000 habitants, afin d’éviter que les logements sociaux ne soient trop dispersés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Combien de communes de moins de 20 000 habitants et combien de plus de 20 000 habitants seraient concernées ?

M. le rapporteur pour avis. Cela dépend de l’endroit où les opérateurs envisagent de construire. Aujourd’hui, ils nous expliquent, à juste titre, qu’ils ne peuvent pas construire de logements intermédiaires à cause de la règle actuelle des 25 %, qui est trop stricte.

Mme la Rapporteure générale. Par l’amendement CF 245, vous proposez de raisonner à l’échelle de la commune entière dans les communes de moins de 20 000 habitants. Vous nous proposez donc de leur appliquer des règles différentes pour le calcul du pourcentage de logements sociaux ?

M. le rapporteur pour avis. Oui, car ce sont de petites communes.

Mme la Rapporteure générale. Pas si petites que cela ! Mon département ne compte qu’une seule commune de plus de 20 000 habitants.

Avis défavorable, donc, aux amendements CF 243 et CF 245, et favorable à l’amendement CF 244, sous réserve que soit supprimée la mention « au sens de l’article R. 311-2 du code de l’urbanisme », la loi ne pouvant pas renvoyer de cette manière à un texte réglementaire.

M. Marc Goua. Je suis d’accord avec cette modification.

Les amendements CF 243 et CF 245 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CF 244 ainsi rectifié (amendement 394).

L’amendement CF 171 de M. Christophe Caresche est retiré.

Après l’article 25

La Commission en vient à l’amendement CF 130 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai découvert récemment une anomalie fiscale.

M. le président Gilles Carrez. Une de plus !

M. Charles de Courson. Actuellement, les entreprises peuvent récupérer tout ou partie de la TVA sur leur facture de gazole, mais tel n’est pas le cas pour l’essence. Par conséquent, elles achètent massivement des voitures diesel : le parc des véhicules d’entreprises est composé à 96 % de voitures diesel et ne compte plus que 117 000 voitures à essence. Je propose que la TVA soit déductible dans les mêmes conditions pour l’essence que pour le gazole. Cette mesure aurait un coût modeste – 23 millions d’euros – et présenterait un véritable intérêt écologique, car elle se traduirait par une réduction des émissions d’oxyde d’azote. Il est en effet aberrant d’acheter des voitures diesel pour rouler seulement quelques milliers de kilomètres. En réalité, cette mesure rapporterait à l’État : la perte de recettes de TVA serait plus que compensée par l’augmentation du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), le taux de celle-ci étant plus élevé sur l’essence que sur le gazole.

Mme la Rapporteure générale. D’un point de vue écologique, l’anomalie est de permettre la récupération de tout ou partie de la TVA sur le gazole. Je ne suis pas favorable à l’extension de cette déductibilité à l’essence, qui est également un carburant fossile.

La Commission rejette l’amendement CF 130.

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Article 26
Mise en conformité avec le droit européen du régime
relatif à la vente d’alcool dans les pharmacies

Cet article abroge l’exonération de droits de consommation sur l’alcool dont bénéficient en principe, en application de l’article 27 de la première loi de finances rectificative pour 2012, les acquisitions d’alcool pur effectuées par les pharmacies, dans la limite d’un contingent annuel. En effet, cette exonération, qui n’a jamais été mise en œuvre faute de fixation par voie réglementaire du contingent annuel, n’apparaît pas conforme au droit européen relatif aux accises sur l’alcool et pourrait entraîner des pratiques abusives.

I. L’ÉTAT DU DROIT

En application de l’article 302 B du code général des impôts, l’alcool et les boissons alcooliques vendus en France sont habituellement soumis à des droits indirects, dits « accises », dont le montant est fonction de la quantité ou du volume des produits (et non de leur valeur). Ajoutées à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux normal de 20 %, ces accises viennent renchérir le prix de ces produits lorsqu’ils sont vendus aux consommateurs. Ces droits spécifiques constituent des taxes importantes pour le financement de la sécurité sociale, puisque leur produit global s’est élevé à 2,24 milliards d’euros en 2013, soit plus de la moitié du produit de l’ensemble des diverses taxes sur les boissons en vigueur dans notre pays.

L’article 403 du même code fixe, pour l’année 2014, à 1 718,61 euros par hectolitre d’alcool pur le tarif des droits de consommation sur les alcools (autres que les rhums, soumis à un tarif inférieur). Le même article a prévu que ce tarif, est revalorisé chaque année au rythme de l’inflation (hors tabac) constatée deux ans plus tôt – mais rien n’interdit, bien sûr, au législateur d’en décider autrement. Ainsi, le tarif de ces droits avait progressé de 9,6 % de 2011 à 2012, puis de 1,75 % en 2013 comme en 2014.

ÉVOLUTION DU TARIF DES DROITS DE CONSOMMATION SUR LES ALCOOLS DEPUIS 2011

(en euros par hectolitre d’alcool pur)

Année

2011

2012

2013

2014

Tarif

1 514,47

1 660

1 689,05

1 718,61

Source : secrétariat d’État chargé du budget (DGDDI).

En pratique, le tarif en vigueur pour l’année 2014 signifie par exemple qu’une bouteille d’un alcool à 40° d’une contenance de 0,5 litre, comprenant donc 0,2 litre d’alcool pur, supporte actuellement des droits de consommation de 3,44 euros.

Pour cette forme spécifique de taxation des alcools, le législateur doit respecter le contenu d’une directive communautaire du 19 octobre 1992 (226), qui soumet en principe aux accises tous les alcools dont le titre alcoométrique dépasse 1,2° (et, pour les bières, 0,5°) et dont l’article 27 prévoit des exonérations pour certains types d’alcools, transformés ou destinés à une utilisation particulière. Certaines exonérations sont obligatoires – tel est le cas, par exemple, des alcools dénaturés, utilisés pour la production de vinaigre ou la fabrication de médicaments. D’autres exonérations sont facultatives, c’est-à-dire que les États membres de l’Union européenne ont le droit de prévoir dans leur législation que ces alcools ne seront pas taxés au titre des accises, ce qui est en particulier le cas des produits utilisés comme « échantillons pour des analyses » ou « à des fins médicales dans les hôpitaux et les pharmacies ». Le point 2 de l’article 27 de cette directive précise que les États membres doivent, lorsqu’ils décident d’exonérer d’accises ces produits particuliers, veiller à « éviter toute fraude, évasion et abus ».

Lorsqu’elle a transposé cette directive par une ordonnance du 29 août 2001 (227), la France a inséré au sein du code général des impôts un article 302 D bis dressant la liste des produits exonérés de ces droits de consommation, qui mentionnait les alcools utilisés « à des fins médicales ou pharmaceutiques dans les hôpitaux et les établissements similaires ainsi que dans les pharmacies ». Cette rédaction, directement inspirée de celle de la directive, ne soulevait donc pas de difficulté juridique particulière.

Toutefois, la rédaction de l’article 302 D bis a été complétée par l’article 27 de la première loi de finances rectificative pour 2012 (228), issu d’un amendement qui avait, à l’époque, été adopté contre l’avis du Gouvernement. Le champ de l’exonération d’accises avait alors été étendu à l’« alcool pur acquis par les pharmacies d’officine », et ce « dans la limite d’un contingent annuel fixé par l’administration », avec un effet rétroactif à compter du 12 mai 2011 (sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée).

Néanmoins, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGGDI) du ministère des finances, compétente pour fixer ce contingent annuel d’alcool pur exonéré de droits au profit des pharmacies, n’a jamais fait pris d’acte réglementaire en ce sens, en raison du risque d’incompatibilité avec la directive précitée du 19 octobre 1992. De ce fait, l’élargissement de l’exonération n’a jamais été appliqué au profit des pharmacies et l’alcool pur acquis par les pharmacies pour être revendu, le cas échéant à des particuliers, n’a jamais cessé, depuis 2012, d’être soumis aux accises, et ce dans sa totalité.

En outre, afin d’éviter en France les contentieux liés à la vente d’alcool pur par des pharmacies en exonération de droits d’accises, la DGDDI a diffusé auprès des professionnels, au mois de juin 2011, un document de synthèse rappelant que toute vente d’alcool pur doit être effectuée en incluant dans le prix l’ensemble des taxes, y compris les accises, et que seul l’alcool dénaturé (rendu impropre à la consommation) pouvait être vendu en exonération de droits d’accise. Grâce à ce rappel, le nombre de constats d’infraction dressés à ce titre par les services des douanes a pu être ramené de 286 en 2011 à 53 en 2012 (représentant encore une perte de recettes de 6,9 millions d’euros), tandis qu’aucune infraction n’a été constatée au cours de l’année 2013. Toutefois, 21 constats d’infraction ont encore dû être effectués à ce jour en 2014 (pour un total de près de 803 000 euros de taxes non déclarées).

ÉVOLUTION DEPUIS 2011 DU NOMBRE DES INFRACTIONS CONSTATÉES POUR LES VENTES D’ALCOOL PUR EN EXONÉRATION DE DROITS D’ACCISES

Année

2011

2012

2013

2014 (*)

Nombre de constatations

286

53

0

21

Montant de taxe compromis

(en millions d’euros)

3,72

6,86

0

0,8

(*) : Données disponibles au 18 novembre 2014.

Source : secrétariat d’État chargé du budget (DGDDI).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’article tend à prévenir l’apparition d’un contentieux entre la France et la Commission européenne concernant le régime d’exonération actuellement prévu par la loi pour les ventes d’alcool dans les pharmacies – dont le nombre s’établit actuellement à plus de 22 000 sur le territoire national.

En effet, l’extension de droits de consommation décidée par la loi de finances rectificative pour 2012 précitée ne correspondait pas à une faculté ouverte par l’article 27 de la directive du 19 octobre 1992. Or, la Commission européenne a interrogé le Gouvernement, par un courrier du 6 juillet 2012, sur le problème de compatibilité avec le droit de l’Union européenne que pourrait poser ce nouveau cas d’exonération d’accises. Le Gouvernement a reconnu, dès le 10 août 2012, que la disposition issue de la loi du 24 mars 2012 paraissait effectivement contraire à ladite directive. Cette analyse paraît convaincante au vu du texte même de la directive, d’autant plus qu’elle prévoit que les États membres doivent, lorsqu’ils appliquent des exonérations facultatives, veiller à éviter qu’elles ne favorisent pas des fraudes ou des pratiques abusives – ce qui ne pourrait être exclu si des pharmacies étaient réellement autorisées à revendre de l’alcool pur détaxé, donc à un prix très avantageux.

Afin d’éviter que la Commission européenne n’introduise à l’encontre de la France un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le projet de loi tend à mettre un terme à cette incompatibilité, en rétablissant la rédaction de l’article 302 D bis du code général des impôts qui était en vigueur jusqu’au 16 mars 2012. L’alcool ne pourra donc être exonéré de droits de consommation que s’il est destiné à être utilisé au sein même des pharmacies, à des fins médicales ou pharmaceutiques, et non revendu à des tiers.

La modification proposée par l’article doit être approuvée, en premier lieu parce qu’elle met notre législation à nouveau en conformité avec le droit européen. Elle doit l’être aussi parce que l’élargissement décidé à la fin de la précédente législature, s’il avait été appliqué, aurait pu favoriser des pratiques abusives de vente d’alcool pur par certaines pharmacies dans le seul but d’éviter le paiement des accises pesant normalement sur les alcools et les boissons alcooliques – ce qui aurait été préjudiciable aux recettes de la sécurité sociale. En outre, s’agissant d’une disposition restée inappliquée, le changement proposé ne dégradera en rien la situation commerciale actuelle des pharmacies.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 133 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dans le passé, la vente d’alcool dans les pharmacies avait donné lieu à des abus, l’alcool étant utilisé à des fins tout autres que médicales. Nous avons voté il y a quelques années une disposition visant à la limiter, mais celle-ci n’a jamais été mise en œuvre. Finalement, l’administration fiscale a décidé que la vente d’alcool dans les pharmacies ne serait plus exonérée de droits d’accises. En conséquence, certaines pharmacies ont subi des redressements fiscaux considérables.

Je propose, d’une part, d’instaurer un plafond : l’exonération s’appliquerait à la vente d’alcool dans la limite de 1,5 % du chiffre d’affaires de la pharmacie. Je ne suis d’ailleurs pas opposé à ce que nous fixions un seuil encore plus bas. D’autre part, cette disposition serait rétroactive, de manière à mettre fin aux contentieux souvent très complexes qui se sont multipliés en la matière. En effet, il s’avère que l’administration était fautive, car elle avait initialement accepté le principe de l’exonération dans une instruction d’ailleurs rédigée en liaison avec le syndicat des pharmaciens.

Mme la Rapporteure générale. Je suis un peu étonnée par le contenu de votre amendement, monsieur de Courson. Vous êtes d’habitude très soucieux de respecter le droit de l’Union européenne. Or votre amendement rendrait notre législation encore moins conforme à ce droit.

M. Charles de Courson. Il n’en est rien. D’autre part, mon amendement comporte deux parties, l’essentiel étant d’adopter la seconde partie qui vise à empêcher la multiplication des contentieux et à régler les affaires passées. En ce qui concerne la première partie, on peut ne pas vouloir fixer de contingent, ce qui était d’ailleurs la position de l’administration des douanes. À ce moment-là, les pharmaciens cesseront de distribuer de l’alcool, ce point de vue étant tout à fait défendable.

Mme la Rapporteure générale. Je me propose d’étudier à nouveau la seconde partie de votre amendement d’ici à la séance publique.

M. Charles de Courson. Je le retire dans l’attente de votre avis.

L’amendement CF 133 est retiré.

La Commission adopte l’article 26 sans modification.

Article additionnel après l’article 26

Gel à son niveau de 2014 du tarif des taxes intérieures de consommation applicable aux petites installations énergo-intensives

La Commission examine l’amendement CF 3 de M. Michel Vergnier.

Mme Christine Pires Beaune. Un amendement comparable à celui-ci avait été adopté par notre commission l’année dernière, mais il n’avait pas été adopté en séance publique.

La loi de finances pour 2014 avait gelé le taux de la TICPE à son niveau de 2013 pour les installations grandes consommatrices d’énergie, afin d’éviter que celles-ci ne subissent une « double peine », dans la mesure où elles allaient être soumises par ailleurs au système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – SEQE. Cependant, certaines entreprises n’ont pas été soumises au SEQE du fait de leur petite taille et de la faiblesse de leurs émissions, et n’ont donc pas bénéficié du plafonnement. Cet amendement vise à corriger cette distorsion de traitement, qui pénalise particulièrement les PMI, notamment dans le domaine de la papeterie, en les assujettissant à un taux de TICPE maintenu à son niveau de 2014.

Mme la Rapporteure générale. Avis favorable, sous réserve que la minoration de recettes qui résulterait de l’application de votre amendement soit inférieure à 10 millions d’euros, ce dont nous attendons confirmation du Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement CF 3 (amendement 388).

*

* *

Après l’article 26

Puis elle est saisie de l’amendement CF 117 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à exonérer le biométhane de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel – TICGN. La contribution climat-énergie récemment mise en place porte sur les énergies fossiles, c’est-à-dire sur le carbone minéral. Elle ne concerne pas les énergies renouvelables, notamment pas le bois, carbone végétal qui s’inscrit dans un cycle court. Or, à l’instar du bois, le biométhane s’inscrit lui aussi dans un cycle court. Pourtant, les fournisseurs de biométhane sont assujettis à la contribution climat-énergie, sauf lorsqu’ils l’utilisent pour leurs propres besoins : un agriculteur qui produit du biogaz dans sa ferme et le réutilise dans son tracteur ne paie pas la contribution. En revanche, lorsqu’une installation livre du biométhane au réseau de gaz, elle doit s’en acquitter. Certains avancent que l’on ne saurait pas faire la différence, à la livraison, entre le biométhane et les autres formes de gaz naturel. Ce n’est pas exact : le système de garanties d’origine permet de comptabiliser précisément les volumes de biométhane à l’entrée et à la sortie du réseau, de la même manière qu’il permet de comptabiliser les quantités d’électricité d’origine renouvelable en les distinguant de celles qui ont été produites à partir d’énergies fossiles.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises et l’aurons probablement à nouveau en séance publique. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 117.

Elle en vient à l’amendement CF 119 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Les distributeurs de carburants ont l’obligation d’incorporer 7 % de biocarburant dans les carburants qu’ils vendent. S’ils ne respectent pas cette obligation, ils paient une part de taxe générale sur les activités polluantes – TGAP. Or il leur est aujourd’hui impossible d’atteindre le seuil de 7 %. L’amendement vise à prendre en compte, dans le cadre de cette obligation, le biogaz carburant ou biométhane incorporé dans le gaz naturel pour véhicules (GNV). Cela permettrait aux distributeurs d’atteindre plus facilement le seuil de 7 %, tout en soutenant le développement d’un biocarburant particulièrement vertueux, dans la mesure où il repose sur la valorisation des déchets et des effluents agricoles.

Mme la Rapporteure générale. D’après les informations dont nous disposons, il n’est pas possible, lors des contrôles, de distinguer le biométhane du méthane classique, la composition chimique des deux gaz étant identique. Il existe donc un risque de fraude : tous les distributeurs auront intérêt à prétendre que le gaz carburant qu’ils proposent est en partie constitué de biométhane, et les services des douanes n’auront pas les moyens de le vérifier. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Cet amendement soulève un problème de fond : au total, on taxe plus fortement les biocarburants incorporés que les carburants d’origine fossile. On marche sur la tête ! Il faudrait mettre de la cohérence dans notre fiscalité des produits énergétiques ! Pour ma part, j’avais proposé une taxation au prorata.

La Commission rejette l’amendement CF 119.

La Commission examine l’amendement CF 65 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cet amendement a déjà été présenté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015 mais, comme les réponses du Gouvernement et de la Rapporteure générale nous ont paru encourageantes, nous vous le soumettons à nouveau. Il s’agit d’accroître la proportion de biocarburants d’origine animale incorporés au gazole, en relevant le plafond qui leur est imposé et qui limite de manière inexplicable leur développement. En effet, un tel plafond, outre qu’il favorise de fait les biocarburants d’origine végétale, conduit la France à importer une partie de ses esters.

Mme la Rapporteure générale. Hier soir, le Sénat a adopté un amendement similaire créant un article 20 ter dans le projet de loi de finances pour 2015. Lorsque nous examinerons celui-ci en deuxième lecture, nous vous proposerons de conserver cette disposition, moyennant quelques modifications techniques. C’est pourquoi je vous suggère, monsieur Caresche, de retirer votre amendement.

L’amendement CF 65 est retiré.

*

* *

Article 27
Aménagement du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts conformément à l’arrêt Emerging market

Le présent article a pour objet de mettre en conformité avec une jurisprudence européenne récente  (229) les conditions dans lesquelles sont exonérés les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) établis dans un État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative.

Il doit être resitué dans le prolongement du contentieux dit « OPCVM ». C’est déjà dans ce cadre qu’afin de tirer les conséquences d’une première décision européenne de 2012, l’article 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (230) a aligné le régime applicable aux OPCVM situés en Europe ou dans un État lié à la France par une convention d’assistance administrative sur celui applicable aux OPCVM établis sur le territoire national ; les dividendes distribués à ces structures étrangères sont donc désormais exonérés de prélèvement à la source, à condition qu’elles soient comparables à un OPCVM national.

L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 14 avril 2014, dit « Emerging markets », précise toutefois que le bénéfice de l’exonération, pour les seuls OPCVM établis dans les États liés à la France par une convention d’assistance administrative, est subordonné à la capacité de l’État membre à contrôler effectivement que ces organismes remplissent les mêmes conditions d’éligibilité à l’exonération que ceux établis sur le sol européen.

Le présent article a donc pour objet de transcrire dans notre droit le fait que la convention d’assistance administrative doit permettre à la France de contrôler effectivement que l’OPCVM est éligible à l’exonération ; à défaut, la France est fondée à appliquer la retenue à la source.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LE CONTENTIEUX « OPCVM » ET SA RÉSORPTION

1. Un contentieux lié à la différence de traitement entre les OPCVM établis en France et ceux établis à l’étranger

a. Le dispositif en cause

La différence de traitement fiscal entre les dividendes versés à des OPCVM établis en France et des OPCVM établis à l’étranger date de l’entrée en vigueur des articles 119 bis et 208 du code général des impôts (CGI) dans leur rédaction applicable au 1er avril 1979 :

– d’un côté, l’article 208 de ce code exonère de manière constante les OPCVM du paiement de l’impôt sur les sociétés (IS), tant au titre des produits qu’ils encaissent que des plus-values réalisées lors de la cession des titres de leur portefeuille. Contrairement à d’autres pays européens, la France considère ces OPCVM comme des structures transparentes au titre de l’IS. Par conséquent, les détenteurs de parts de ces OPCVM sont taxés au titre de l’impôt sur le revenu (IR) sur les dividendes versées et sur les plus-values de cession ;

– de l’autre, l’article 119 bis de ce code prévoyait jusqu’en 2012, au titre de l’IR, un prélèvement à la source sur les revenus de capitaux mobiliers versés à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France.

Ce prélèvement à la source concerne les revenus visés aux articles 108 à 117 bis du CGI, à savoir tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ainsi que toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices, c’est-à-dire pour l’essentiel les dividendes des actions et les revenus provenant d’obligations.

Le taux de ce prélèvement est fixé, par l’article 187 du CGI, à 17 % pour les intérêts des obligations négociables, à 21 % pour les actions et à 30 % pour les autres revenus. Ces taux, qui étaient respectivement de 12 %, 18 % et 25 % au 1er janvier 2010, ont depuis lors été relevés pratiquement dans chaque loi de finances initiale.

LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF EN DROIT FRANÇAIS

Parmi les instruments financiers, les parts ou actions d’organismes de placement collectif sont des titres financiers distincts des titres de capital émis par les sociétés par actions et des titres de créance.

L’article L. 214-1 du code monétaire et financier prévoit six catégories d’organismes de placements collectifs. Ils doivent être agréés par l’Autorité des marchés financiers (AMF).

1. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

Ce sont des produits d’épargne qui permettent de détenir une partie d’un portefeuille de valeurs mobilières (actions, obligations…) commun à plusieurs investisseurs, la gestion de ce portefeuille collectif étant confiée à un professionnel. Ils sont à capital variable. Ils prennent la forme soit de sociétés d’investissement à capital variable (SICAV), soit de fonds communs de placement (FCP). La SICAV est une société anonyme ou une société par actions simplifiée qui a pour seul objet la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers et de dépôts, alors que le FCP, qui n’a pas la personnalité morale, est une copropriété d’instruments financiers et de dépôts constituée à l’initiative d’une société de gestion. Il existe certaines catégories particulières de FCP : les fonds communs de placement à risques (FCPR), les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), les fonds d’investissement de proximité (FIP) et les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE).

2. Les organismes de titrisation

Ils acquièrent des créances ou concluent des contrats transférant des risques d’assurance et assurent le financement ou la couverture de ces risques. Ils prennent la forme de fonds communs de titrisation ou de sociétés de titrisation.

3. Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI)

Elles ont pour objet exclusif l’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier locatif.

4. Les sociétés d’épargne forestière

Elles ont pour objet principal l’acquisition et la gestion d’un patrimoine forestier.

5. Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI)

Ils ont pour objet l’investissement dans des immeubles qu’ils donnent en location ou qu’ils font construire exclusivement en vue de leur location. Ils prennent la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) ou de fonds de placement immobilier (FPI).

6. Les sociétés d’investissement à capital fixe (SICAF)

Il s’agit de sociétés anonymes dont l’objet est la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers, de dépôts et de liquidités, en diversifiant directement ou indirectement les risques d’investissement dans le but de faire bénéficier leurs actionnaires des résultats de cette gestion.

a. Une différence de traitement contraire à la libre circulation des capitaux

Cette différence de traitement a fait l’objet d’une saisine à titre préjudiciel par le tribunal administratif de Montreuil, suivant l’avis contentieux rendu par le Conseil d’État le 23 mai 2011.

En conséquence de cette saisine, la CJUE a décidé, dans un arrêt Santander Asset Management du 10 mai 2012 (231), que la retenue à la source sur les dividendes versés par des sociétés françaises à des non-résidents est contraire au droit de l’Union européenne, en tant qu’il s’applique aux OPCVM.

Pour fonder sa décision, la Cour s’est placée sur le terrain de la liberté de circulation des capitaux en jugeant que la retenue à la source française risquerait de dissuader les investissements réalisés par les OPCVM non-résidents (au niveau mondial et pas seulement européen).

L’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) stipule en effet que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ». La Cour a estimé, sur ce fondement, que la législation française instaurait une discrimination non justifiée entre les OPCVM selon qu’ils sont résidents fiscaux en France ou non.

Cet arrêt, qui concerne spécifiquement un dispositif français, était relativement prévisible dans la mesure où il avait été précédé par plusieurs arrêts portant sur des dispositifs comparables. La CJUE avait ainsi déjà jugé que la législation finlandaise prévoyant l’application d’une retenue à la source sur les dividendes versés par une société finlandaise à une SICAV luxembourgeoise constituait une restriction discriminatoire à la liberté d’établissement (232). Elle avait aussi jugé, s’agissant de la législation française, que faire supporter le poids d’une imposition des dividendes à une société mère non-résidente en en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes constituait une restriction discriminatoire à la liberté d’établissement (233).

a. Le dispositif de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2012

i. L’exonération des OPCVM étrangers

Pour remédier à cette contrariété de notre droit fiscal avec le droit européen, plusieurs options étaient envisageables. Il aurait ainsi été possible de prévoir l’imposition des dividendes à la fois pour les OPCVM résidents et non-résidents (comme la législation belge, jugée conforme au droit de l’Union (234)) ou de subordonner l’exonération fiscale pour les OPCVM à la condition que l’intégralité de leurs bénéfices soit distribuée à leurs porteurs de parts, à l’instar de la législation néerlandaise, jugée conforme au droit de l’Union par un arrêt du 20 mai 2008 (235).

Dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 précitée, le législateur a choisi de supprimer la retenue à la source pour les OPCVM non-résidents, plutôt que de prévoir une imposition équivalente pour les OPCVM résidents qui sont aujourd’hui exonérés de prélèvement sur les dividendes qu’ils perçoivent en vertu du principe de transparence fiscale.

Le Gouvernement avait alors estimé que les OPCVM nationaux auraient alors risqué de devenir moins compétitifs pour les investisseurs, tant nationaux qu’étrangers, et auraient eu intérêt à réorienter leurs investissements vers des sociétés étrangères. Dans le contexte actuel de crise financière et de restriction de l’accès au crédit bancaire pour les entreprises, le Gouvernement a fait le choix de ne pas limiter les investissements intermédiés dans l’économie productive de notre pays.

Pour compenser le manque à gagner fiscal résultant de la suppression de la retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM étrangers, la loi de finances rectificative pour 2012 a, en outre, prévu une taxation additionnelle des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, à proportion de la part de leurs bénéfices distribués.

i. L’explicitation des conditions posées par le droit national pour bénéficier de l’exonération

Pour définir le champ des structures qui, en raison de leur comparabilité avec des OPCVM français, pourront bénéficier de l’exonération, l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2012 précitée a dû adapter la rédaction de l’article 119 bis du CGI afin qu’il énonce explicitement les critères d’exonération :

– d’une part, l’organisme doit « lever des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs » ;

– d’autre part, il doit « présenter des caractéristiques similaires à celles d’un OPCVM français ».

En conséquence logique de cette rédaction, les OPCVM étrangers ne remplissant pas ces conditions ne sont pas éligibles à l’exonération ; ils seront donc soumis à la retenue à la source mentionnée précédemment.

2. Le contentieux « OPCVM » pèse sur nos finances publiques

a. Un délai de gestion initial excessif

La Cour des comptes, dans son référé du 30 mai 2013 (236), évoque l’existence de « plusieurs dysfonctionnements » dans la gestion de ce contentieux à son stade préliminaire, qui constitue pour elle le « contentieux de série le plus important auquel l’État ait été confronté ».

La Cour ne critique pas le fait que l’État soit allé au bout de sa défense dans ce contentieux, quand bien même « l’hypothèse d’une incompatibilité du régime de taxation des OPCVM non-résidents avec le droit de l’Union européenne s’était renforcée à mesure de la constitution de la jurisprudence ».

Toutefois, à partir de l’année 2010, le risque d’une condamnation était devenu sérieux. Pour cette raison, la Cour estime que la direction générale des finances publiques (DGFiP) aurait dû proposer une modification de la règle fiscale afin de circonscrire les risques financiers pour le Trésor.

Pour la Cour des comptes, l’administration fiscale avait, à plusieurs reprises et dès le printemps 2010, indiqué au ministre du budget la nécessité puis l’urgence, à compter de février 2012, de réformer le dispositif litigieux. Pourtant la première proposition de réforme concrète, mais non chiffrée et d’une complexité certaine, n’a été exposée et soumise à l’arbitrage du ministre du budget que le 16 février 2012, c’est-à-dire après le dépôt du premier projet de loi de finances rectificative pour 2012. Cette absence de projet de réforme abouti contraste fortement avec l’urgence de la révision du dispositif pourtant soulignée à plusieurs reprises par l’administration fiscale.

L’ampleur du contentieux a même été aggravée par l’adoption d’un amendement relevant de 25 % à 30 % le taux de prélèvement à la source sur certains dividendes versés à des non-résidents dans la dernière loi de finances rectificative pour 2011 (237).

Pour la Cour des comptes, un partage déficient de l’information entre les services du ministère de l’économie et des finances pourrait, en partie, expliquer les dysfonctionnements constatés. Par conséquent, elle a suggéré la mise en œuvre d’une meilleure circulation de l’information ainsi que l’établissement d’un protocole de traitement coordonné des contentieux à fort enjeu dans les différents exercices budgétaires et comptables afin d’éviter que de telles difficultés ne se reproduisent à l’avenir.

a. Un enjeu budgétaire et administratif considérable

Selon le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012 sur la situation et les perspectives des finances publiques, l’enjeu financier avait initialement été évalué à 5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’euros dès 2012.

À la fin de l’année 2014, la DGFiP a confirmé une évaluation de cet enjeu proche de 4,9 milliards d’euros, intérêts moratoires compris. Elle suppose le traitement par l’administration de près de 12 000 dossiers.

Pour aborder une telle masse de travail, la DGFiP a donné la priorité aux dossiers européens à fort enjeu financier. À ce titre, elle a déjà examiné 722 dossiers en 2013 et 759 dossiers au cours des neuf premiers mois de l’année 2014. Les restitutions ainsi opérées en 2014 s’élèvent à 453 millions d’euros, soit environ 9,2 % de l’enjeu global précité de 4,9 milliards d’euros.

L’examen individuel des réclamations demeure indispensable puisque le travail ainsi réalisé par la DGFiP depuis l’arrêt de la CJUE en 2012 a permis le rejet ou la réduction des montants réclamés à hauteur de 193 millions d’euros, décisions qui n’ont pas été contestées par les organismes concernés.

Compte tenu de ces données contentieuses complexes, qui rendent le travail de prévision budgétaire incertain, la chronique sous-jacente à la construction du projet de loi de finance pour 2015 est la suivante :

– les remboursements à comptabiliser au titre des droits dus par l’État ont été révisés à 0,55 milliard d’euros pour 2014 et sont prévus à 1,43 milliard d’euros pour 2015 ;

– les remboursements à comptabiliser au titre des intérêts moratoires mis à la charge de l’État ont été révisés à 0,12 milliard d’euros pour 2014 et sont prévus à 0,32 milliard d’euros pour 2015.

Au total, le coût du contentieux OPCVM est estimé pour l’année 2015 à 1,75 milliard d’euros, sachant que les chroniques en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale sont identiques.

IMPACT FINANCIER PRÉVISIONNEL DU CONTENTIEUX OPCVM

(en milliards d’euros)

2007-2011 (exécution)

2012 (exécution)

2013 (exécution)

LFI 2014

2014 révisé

PLF 2015

En comptabilité budgétaire

0

0,02

0,33

2

0,67

1,75

En comptabilité nationale

0

0,02

0,33

2

0,67

1,75

Source : ministère de l’Économie et des finances.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UN NOUVEL ARRÊT DE LA CJUE PRÉCISE LA PORTÉE DE L’EXONÉRATION APPLICABLE AUX OPCVM ÉTABLIS DANS LES PAYS TIERS

Dans l’arrêt précité du 10 avril 2014, dit « Emerging markets », la CJUE a apporté une précision complémentaire concernant les conditions dans lesquelles une exonération des dividendes versés par des sociétés établies sur le sol européen au profit d’un OPCVM situé dans un État tiers peut être mise en œuvre par un État membre.

1. Les circonstances de l’arrêt « Emerging markets »

En Pologne, la loi relative à l’impôt des sociétés, dans sa version applicable à l’époque des faits, prévoyait que les fonds d’investissement étaient exonérés de l’impôt. Pour pouvoir bénéficier de l’exonération, ces fonds devaient cependant avoir leur siège sur le territoire polonais.

Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, un fonds d’investissement américain dont l’activité consistait notamment à prendre des participations dans des sociétés polonaises, a demandé en 2010 à l’administration fiscale polonaise de lui rembourser un trop-perçu de l’impôt forfaitaire sur les sociétés payé au titre des exercices 2005 et 2006. Cet impôt avait grevé à hauteur de 15 % les dividendes versés au fonds par les sociétés établies en Pologne.

La demande ayant été rejetée, le fonds a introduit un recours devant le tribunal administratif de la voïvodie de Bydgoszcz en Pologne. Ce dernier a, par conséquent, adressé à la Cour de justice une questions préjudicielle pour savoir notamment si le droit de l’Union s’oppose à une législation fiscale nationale en vertu de laquelle les dividendes versés par des sociétés établies dans l’État membre en cause au profit d’un fonds d’investissement situé dans un État tiers ne peuvent pas bénéficier de l’exonération fiscale.

1. Les conclusions de l’avocat général du 6 novembre 2013

En premier lieu, l’avocat général près la CJUE a confirmé que cette question devait être analysée au regard des règles européennes applicables à la libre circulation des capitaux et non à la liberté d’établissement ou la libre prestation des services comme le défendait le gouvernement polonais. En effet, la disposition litigieuse portait sur le traitement fiscal des fonds d’investissement des pays tiers et non sur les conditions dans lesquelles ces fonds peuvent accéder au marché d’un État membre.

S’agissant de la seconde question posée par la juridiction de renvoi, concernant la compatibilité de la différence de traitement fiscal opérée en droit polonais avec la libre circulation des capitaux, l’avocat général a écarté l’argument du gouvernement polonais selon lequel ce principe de libre circulation des capitaux ne s’appliquerait pas aux pays tiers parce qu’ils ne sont pas régis par la directive 85/611/CE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières. À cette fin, il rappelle la solution retenue dans l’arrêt Santander déjà évoqué, selon lequel le lieu d’établissement de l’OPCVM ne saurait justifier une différence de traitement fiscal y compris s’agissant des pays tiers.

S’agissant enfin de la justification de cette différence de traitement par des raisons impérieuses d’intérêt général, l’avocat général écarte les arguments tenant à la préservation de la cohérence du système fiscal polonais ainsi que ceux tenant à la sauvegarde des recettes fiscales, qui peuvent, sous des conditions très strictes, justifier des restrictions au principe de liberté de circulation des capitaux, pour aborder la question plus délicate de la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.

D’après le gouvernement polonais, les autorités nationales n’étaient pas en mesure de vérifier auprès des autorités américaines qu’un fonds d’investissement établi dans ce pays exerçait son activité dans des conditions équivalentes à celles du droit polonais, justifiant ainsi la différence de traitement. D’après les conclusions de l’avocat général, la Commission européenne elle-même aurait partagé cette position.

L’avocat général, pour sa part, a relevé que le fonds d’investissement en question n’était de toute façon pas en mesure de prouver qu’il respectait ces conditions dans la mesure où le droit polonais écartait a priori toute possibilité de bénéficier de l’exonération. Le refus total d’accorder un avantage fiscal ne peut donc pas être justifié par le souci d’exercer un contrôle effectif, le refus étant alors une mesure disproportionnée par rapport à l’objectif à atteindre.

L’avocat général a toutefois rappelé que cette solution, déjà en vigueur au sein de l’Union européenne, ne pouvait pas s’appliquer telle quelle aux pays tiers, pour lesquels le contexte juridique est différent. Les mécanismes européens d’assistance mutuelle en matière fiscale ne s’appliquent pas, en effet, à ces pays tiers, de même que la directive fixant un cadre européen applicable aux OPCVM.

Dans le point 97 de ses conclusions, l’avocat général indique donc que, à supposer que l’OPCVM en question puisse de son propre chef apporter des éléments de preuve, l’élément important réside dans le fait que l’État membre n’est, pour sa part, pas en mesure d’exiger des informations ou de vérifier les informations fournies par l’OPCVM en question.

L’avocat général conclut en indiquant qu’il est légitime, dans ces conditions, « de refuser une telle exonération au profit d’un fonds d’investissement situé dans un pays tiers dès lors qu’il n’existe aucune obligation d’échange d’informations avec les autorités compétentes dudit pays ».

Au total, si la restriction opérée par le droit polonais ne lui a pas semblé légitime entre les États membres, l’avocat général a proposé de valider celle applicable aux OPCVM établis dans les pays tiers. L’avocat général rappelle d’ailleurs que la CJUE ne s’était pas prononcée sur ce point dans l’arrêt Santander précité, faute d’une argumentation du gouvernement français allant dans ce sens.

1. La solution de l’arrêt

La CJUE n’a pas retenu la solution préconisée par l’avocat général, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

Après avoir confirmé l’applicabilité des dispositions sur la libre circulation des capitaux, elle a estimé que la restriction opérée en droit polonais constituait en principe une atteinte à ce principe, parce qu’elle dissuadait de manière générale les investissements en Europe.

Quant à savoir si la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux pouvait justifier une différence de traitement, la CJUE indique d’abord que la directive OPCVM ne vise pas à permettre pas à des autorités nationales d’opérer des contrôles dans les autres États membres. Le fait que cette directive ne soit pas opérante à l’égard des pays tiers n’est donc pas recevable.

Si la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs, qui permet en revanche d’opérer de tels contrôles au sein de l’Union européenne, ne s’applique pas non plus aux pays tiers, la CJUE indique qu’un État membre ne peut invoquer cet argument que dans l’hypothèse où un dispositif d’exonération national est assorti de conditions qu’il faut effectivement contrôler.

La différence d’analyse de la CJUE, par rapport à celle de l’avocat général, se fonde pour l’essentiel sur l’existence d’une convention d’assistance administrative entre les États-Unis et la Pologne sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Selon la CJUE, cette convention suffit à interdire l’exclusion a priori du bénéfice d’une exonération établie en droit national.

La CJUE indique toutefois que la seule existence de cette convention ne suffit pas à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux ; elle en conclut donc, dans le point 88 de sa décision, qu’« il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner si les obligations conventionnelles entre la République de Pologne et les États-Unis d’Amérique, établissant un cadre juridique commun de coopération et prévoyant des mécanismes d’échange d’informations entre les autorités nationales concernées, sont effectivement susceptibles de permettre aux autorités fiscales polonaises de vérifier, le cas échéant, les informations fournies par les fonds d’investissements établis sur les territoire des États-Unis portant sur les conditions de création et de l’exercice de leurs activités, afin d’établir qu’ils opèrent dans un cadre réglementaire équivalent à celui de l’Union ».

Ce point de l’arrêt est à l’origine de la disposition législative prévue par le présent article. Il doit en effet être interprété comme autorisant que l’exonération prévue par l’article 119 bis du CGI ne soit pas applicable aux OPCVM établis dans les États liés à la France par une convention d’assistance administrative, à la condition expresse que, malgré l’existence d’une telle convention, l’administration fiscale française ne soit pas en mesure en pratique de contrôler que l’OPCVM établi dans cet État tiers soit comparable à un OPCVM au sens européen. Une telle hypothèse pourrait se vérifier à l’égard de certains États tiers qui, bien que liés à la France par ce type de convention, n’ont pas le souci de répondre aux questions qui peuvent être posées par l’administration fiscale française.

A. LE DISPOSITIF PRÉVU PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article prévoit d’insérer un paragraphe dans l’article 119 bis du CGI, afin de préciser les conditions de l’exonération applicable aux OPCVM établis dans des pays tiers liés à la France par une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

1. Les pays visés par cette disposition

Cette disposition vise en premier lieu les membres de l’Espace économique européen (EEE) non membres de l’Union européenne, qui sont liés à la France par des dispositions permettant un tel contrôle effectif, à savoir la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande. En effet, les articles 78 et suivants de l’accord sur l’EEE imposent aux parties contractantes d’échanger les informations pertinentes dans ce domaine.

Sont en outre visés les États qui sont dans l’obligation de fournir ces informations en application de la convention multilatérale mise en place sous l’égide de l’OCDE (238).

Sont astreints à la même coopération les États liés à la France soit par une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative (soit environ 80 États selon la liste imparfaitement tenue à jour sur le site du BOFiP), soit les États qui ne sont liés que par une convention d’assistance administrative ou par un accord d’échange de renseignements (120 États environ).

1. La portée de la précision apportée par le présent article

Ce paragraphe précise que les stipulations de la convention d’assistance administrative mentionnée ci-dessus et leur mise en œuvre « permettent effectivement » à l’administration des impôts d’obtenir des autorités de l’État tiers dans lequel est établi l’OPCVM les informations nécessaires à la vérification du respect par cet organisme du respect des conditions prévues pour bénéficier de l’exonération.

Cette formulation, dont la portée ne paraît pas clairement au premier regard, signifie en creux que, dans l’hypothèse où, malgré l’existence d’une telle convention, l’administration fiscale n’est pas en mesure de contrôler que l’OPCVM établi dans les États tiers mentionnés précédemment, alors la France est fondée à opérer sur les OPCVM en cause la retenue à la source mentionnée précédemment.

La charge de la preuve appartient donc au premier chef à notre administration fiscale, qui ne pourra toutefois pas se substituer à celle du pays tiers pour obtenir certaines informations que seule une autorité nationale peut exiger.

1. L’effet de cette précision sur les affaires en cours dans le cadre du contentieux « OPCVM »

D’après l’administration fiscale, la précision apportée par cette disposition permettra de sortir du stock des affaires en cours dans le cadre du contentieux OPCVM celles qui sont liées à des OPCVM visés par le présent article.

Celle-ci n’est toutefois pas en mesure d’établir aujourd’hui combien de dossiers pourront ainsi être réglés, ni l’enjeu qu’ils représentent dans l’enveloppe globale de 4,9 milliards d’euros évoquée précédemment.

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La Commission adopte l’article 27 sans modification.

Après l’article 27

La Commission examine l’amendement CF 204 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à assimiler, du point de vue fiscal, la cession ou le remboursement de parts de sociétés d’habitat participatif à la cession d’une résidence principale, afin que les différents modes d’accession à la propriété soient traités de manière équitable.

Mme la Rapporteure générale. On peut craindre que l’exonération proposée ne produise deux effets. Non seulement elle risquerait de provoquer une augmentation du nombre des sociétés d’habitat participatif, mais elle privilégierait celles de ces sociétés qui prennent la forme de sociétés de personnes. C’est pourquoi le Gouvernement et moi-même avions émis un avis défavorable à cet amendement lorsqu’il avait été examiné en séance publique.

Mme Eva Sas. Pourquoi la multiplication des sociétés d’habitat participatif ne serait-elle pas souhaitable ?

Mme la Rapporteure générale. La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) définit les sociétés d’habitat participatif comme des sociétés à capital variable, alors que le régime des plus-values immobilières concerne des personnes physiques. Le schéma n’est donc pas tout à fait le même.

Mme Eva Sas. Je ne suis pas convaincue par votre argumentation. Il me semble au contraire qu’il s’agit d’une très bonne formule et que les sociétés d’habitat participatif ne doivent pas être désavantagées par rapport aux résidences principales classiques. Je maintiens donc l’amendement.

La Commission rejette l’amendement CF 204.

La Commission est saisie de l’amendement CF 62 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le dispositif qui vise à encourager les échanges de parcelles est limité aux cantons et aux communes périphériques. Nous proposons de l’assouplir afin de le rendre plus efficace.

Mme la Rapporteure générale. Bien que la législation soit déjà souple en la matière, vous proposez de faire sauter le verrou géographique. Ne risque-t-on pas, ce faisant, de favoriser des échanges de parcelles qui ont peu à voir avec un remembrement ? Peut-être pourrait-on se contenter d’étendre le dispositif aux opérations concernant des parcelles situées dans deux cantons contigus.

M. Charles de Courson. Pourquoi pas ? Dans ce cas, je retire cet amendement et j’en déposerai un nouveau en séance publique en tenant compte de votre remarque.

L’amendement CF 62 est retiré.

Article additionnel après l’article 27

Assouplissement des conditions d’investissement des business angels

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CF 222 et CF 223 de M. Christophe Caresche.

Mme Bernadette Laclais. Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre de défendre ces amendements dont je ne peux être signataire, n’étant pas membre de la commission des Finances.

Depuis l’adoption d’amendements au projet de loi de finances pour 2011, la loi impose aux sociétés d’investissement de business angels – SIBA –, pour pouvoir bénéficier de déductions fiscales, de justifier qu’elles comptent moins de cinquante actionnaires et emploient au moins deux salariés au 31 décembre. Or, ces conditions sont difficiles à réunir, dans la mesure où ces sociétés sont gérées par des bénévoles. Le nombre de SIBA diminue donc chaque année, ce qui a des conséquences négatives sur l’investissement, notamment celui qui est consacré à l’« amorçage » de nouvelles entreprises. Aussi proposons-nous, par l’amendement CF 222, de supprimer ces deux conditions. Quant à l’amendement CF 223, il s’agit d’un amendement de repli qui tend à supprimer uniquement la condition relative à l’emploi de deux salariés au 31 décembre – salariés qui, du reste, peuvent avoir quitté l’entreprise au 31 janvier…

Mme la Rapporteure générale. Une des dispositions du futur projet de loi « Macron » ressemble beaucoup à l’amendement CF 222. Je vous propose donc de retirer vos amendements, et de débattre de ce sujet lors de l’examen de ce projet de loi.

Mme Bernadette Laclais. Je ne suis pas convaincue par votre argument. Rien ne nous empêche d’anticiper sur le projet de loi « Macron », et d’éviter ainsi de maintenir pour l’année à venir une disposition pénalisante. Plus nous ferons sauter de verrous avant le 31 décembre, plus nous aurons de chances de favoriser la relance de l’économie. J’ajoute que, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015, M. le secrétaire d’État au budget nous a indiqué qu’il ne souhaitait pas que des dispositions fiscales soient examinées en dehors des lois de finances. Je me permets donc d’insister pour qu’au moins l’un de ces amendements soit adopté par votre commission.

Mme la Rapporteure générale. Je connais bien ces amendements, qui nous ont été adressés par le réseau France Angels. Mais, lorsque j’ai rencontré ses représentants à plusieurs reprises, je leur ai demandé de me transmettre des éléments statistiques, que je n’ai jamais reçus ! Je ne peux pas être favorable à des amendements qui ne sont pas accompagnés d’une étude d’impact précise.

M. Charles de Courson. J’appelle votre attention sur le seuil de cinquante associés, qui n’est pas anodin puisqu’au-delà de ce seuil la qualification d’offre au public de titres financiers, anciennement dénommée appel public à l’épargne, est possible. Cela dit, je me réjouis que nos collègues socialistes souhaitent s’envoler avec les business angels. Je les félicite de cette conversion idéologique !

M. Dominique Lefebvre. Je confirme que le projet de loi préparé par M. Macron, qui devrait être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale après le Conseil des ministres du 10 décembre, comportera probablement une disposition relative aux business angels identique à celle proposée dans l’amendement CF 222. Sur le fond, cette mesure ne suscite donc pas de débat. Dès lors, pourquoi en effet attendre l’adoption définitive d’un texte qui compte plus de cent articles, si cette mesure peut entrer en application rapidement ? Je suggère donc que la Commission adopte l’amendement CF 222, afin de marquer son accord avec le Gouvernement. Celui-ci pourra ainsi nous apporter quelques précisions et, le cas échéant, proposer des modifications d’ordre rédactionnel.

Mme Bernadette Laclais. Je remercie Dominique Lefebvre de soutenir cette mesure de bon sens. Si nous sommes tous d’accord sur le principe, pourquoi repousserait-on son application ? Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une conversion, monsieur de Courson. Cette proposition est née de notre expérience de terrain : nous avons besoin de tels investissements de proximité dans nos territoires.

Mme la Rapporteure générale. J’ai rencontré les représentants des business angels à trois reprises et je leur ai demandé de me fournir des éléments d’analyse, en vain. Nous sommes responsables de l’argent public ; nous ne pouvons pas prendre de décisions – en l’espèce, l’exonération proposée était de 20 % – qui ne soient pas fondées sur des analyses sérieuses.

Mme Christine Pires Beaune. Peut-être ces éléments peuvent-ils nous être transmis d’ici à la nouvelle lecture du projet de loi de finances ?

M. Christophe Caresche. Les assouplissements proposés me paraissent limités. Je pense en particulier à la suppression de l’obligation d’employer au moins deux salariés ; nous parlons tout de même de sociétés composées de bénévoles ! Nous pourrions donc au moins adopter l’amendement de repli CF 223. Nous aurons ainsi l’occasion de débattre de cette question avec le Gouvernement. Ensuite, nous aviserons lors de la discussion en séance publique ; nous sommes des personnes responsables.

L’amendement CF 222 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CF 223 (amendement 402).

Après l’article 27

L’amendement CF 224 de M. Christophe Caresche est retiré.

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Article 28
Mise en conformité avec le droit européen du régime fiscal applicable en matière de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) aux dons et legs consentis au profit de personnes morales de droit public ou d’organismes d’intérêt général établis dans un autre État membre de l’UE-EEE

Le présent article tire les conséquences d’une jurisprudence européenne de 2009 (239) sur le régime d’exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) actuellement applicable aux libéralités consenties au profit de certaines personnes publiques ou œuvrant dans le domaine social ou de la bienfaisance.

Alors que le bénéfice de ce dispositif est aujourd’hui en pratique réservé à ces personnes lorsqu’elles sont établies en France, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé qu’une telle limitation était contraire au principe de libre circulation des capitaux. Le présent article vise donc, en premier lieu, à élargir explicitement ce bénéfice aux structures comparables établies dans les autres États européens.

Afin que l’administration fiscale puisse contrôler que les structures étrangères remplissent les conditions posées par le droit français pour bénéficier de cette exonération, le présent article prévoit, en second lieu, que les structures bénéficiaires étrangères devront faire l’objet d’un agrément préalable de l’administration française ; à défaut d’agrément préalable, le donataire ou le légataire devront en apporter la preuve au moment de la réalisation du don ou du legs.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

A. L’ARRÊT HEIN PERSCHE DU 27 JANVIER 2009

L’arrêt du 27 janvier 2009 précité concerne au premier chef un dispositif du droit allemand, mais l’interprétation donnée à cette occasion par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), alors Cour de justice des Communautés européennes, a rendu nécessaire la modification de plusieurs dispositifs du droit fiscal français.

Le droit allemand prévoyait en effet une déduction fiscale des dons versés à des organismes d’intérêt général situés en Allemagne remplissant certaines conditions, tout en excluant de cet avantage fiscal les dons versés à des organismes établis et reconnus d’intérêt général dans un autre État membre.

Dans sa déclaration de revenus pour l’année 2003, M. Hein Persche, ressortissant allemand et conseiller fiscal de profession, a demandé une déduction fiscale au titre d’un don en nature d’environ 18 000 euros réalisé au profit d’une maison de retraite située au Portugal. L’administration fiscale allemande a toutefois refusé la déduction sollicitée au motif que le bénéficiaire du don n’était pas établi en Allemagne et que M. Persche n’avait pas présenté un reçu du don au moment de sa déclaration.

La juridiction suprême allemande dans le domaine des impôts, le Bundesfinanzhof, saisi en dernier ressort du litige, a demandé à titre préjudiciel à la CJUE si un État membre pouvait subordonner la déductibilité fiscale à la condition que le bénéficiaire soit établi sur le territoire national.

Dans son arrêt précité, la Cour de justice a d’abord examiné la question de savoir si la déductibilité fiscale de dons transfrontaliers relevait de la libre circulation de capitaux garantie par le droit communautaire. À ce sujet, elle indique dans le point 22 de sa décision, de manière relativement concise et sans fournir une analyse particulièrement poussée, que de tels dons doivent être compris comme assimilables à des mouvements de capitaux, y compris lorsqu’il s’agit de dons en nature.

La CJUE relève par ailleurs qu’un État membre peut, dans le cadre de sa législation relative à la déductibilité fiscale des dons, appliquer une différence de traitement entre les organismes reconnus d’intérêt général nationaux et ceux établis dans d’autres États membres lorsque ces derniers poursuivent des objectifs autres que ceux préconisés par sa propre législation.

Toutefois, lorsqu’un organisme reconnu d’intérêt général dans un État membre remplit les conditions imposées par la législation d’un autre État membre et a comme objectif la promotion d’intérêts identiques, la CJUE indique que les autorités de cet État membre ne sauraient refuser à cet organisme le droit à l’égalité de traitement pour la seule raison qu’il n’est pas établi sur leur territoire.

Dans sa décision, la CJUE précise enfin que la législation contestée n’est pas justifiée par la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux, dont la Cour rappelle qu’il s’agit d’un impératif d’intérêt général qui peut justifier en théorie des différences de traitement entre contribuables en fonction de leur pays d’établissement.

En effet, l’arrêt indique que les autorités fiscales allemandes demeuraient libres d’exiger du contribuable les preuves qu’elles jugeaient nécessaires pour apprécier si les conditions de déductibilité de dépenses prévues par la législation en cause étaient réunies et, en conséquence, s’il y avait lieu ou non d’accorder la déduction demandée.

A. LES CONSÉQUENCES DE CET ARRÊT SUR LES DISPOSITIFS FISCAUX FRANÇAIS

Pour l’essentiel, les conséquences de cet arrêt sur le droit fiscal français ont été tirées par l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2009 (240).

Cet article a en effet prévu l’adaptation des trois principaux avantages fiscaux existants en faveur du don et du mécénat :

– la réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre de certains dons faits par les particuliers, régie par l’article 200 du code général des impôts (CGI) ;

– la réduction d’impôt sur les bénéfices (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) au titre de certains dons effectués par des entreprises, régie par l’article 238 bis du même code ;

– l’imputation sur l’impôt de solidarité sur la fortune, dans la limite de 50 000 euros, de 75 % du montant de certains dons effectués par les particuliers, prévue par l’article 885-0 V bis de ce code.

1. L’adaptation de la réduction d’impôt sur le revenu pour les dons des particuliers

a. L’économie générale du dispositif

Conformément à l’article 200 du CGI, les dons consentis à certaines œuvres d’utilité publique ou de bienfaisance permettent de bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 66 % du montant de ces dons, ou égale à 75 % dans la limite de 521 euros s’agissant des organismes qui fournissent des repas à des personnes en difficulté.

D’après le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2015, la dépense fiscale associée à ce dispositif s’est élevée à 1 240 millions d’euros en 2013. Elle devrait atteindre 1 335 millions d’euros en 2014 et 1 435 millions d’euros en 2015. Cet avantage fiscal a bénéficié à 5,6 millions de ménages.

Ces dons peuvent être défiscalisés dans la double limite de 20 % du revenu imposable, prévue par l’article 200 du CGI, et du plafonnement global des avantages fiscaux prévu par l’article 200-0 A du même code. Toutefois, lorsque le plafond de 20 % est atteint, les sommes excédentaires peuvent être reportées au cours des cinq années suivant le versement.

Cette réduction concerne les dons aux organismes suivants :

– les fondations ou associations reconnues d’utilité publique ;

– les fondations universitaires ou les fondations partenariales qui peuvent être établies par des établissements publics à caractère scientifique en application des articles L. 719-13 et L. 719-13 du code de l’éducation ;

– les œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif (241), scientifique, social (242), humanitaire (243), sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d’objets ou d’œuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l’environnement naturel (244) ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

– les établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif ;

– les associations cultuelles et de bienfaisance, ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle ;

– les organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l’organisation d’expositions d’art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité. Cette disposition ne s’applique pas aux organismes qui présentent des œuvres à caractère pornographique ou incitant à la violence ;

– les dons à la Fondation du patrimoine ;

– les dons à une association de financement électorale.

a. Une condition de territorialité doctrinale corrigée par la loi

Le dispositif légal en vigueur au moment de la décision du 27 janvier 2009 ne contenait aucune précision s’agissant de la territorialité des organismes bénéficiant des dons. En revanche, la doctrine fiscale avait imposé, dans le silence de la loi, une condition de territorialité de l’activité des organismes donataires.

Cette doctrine, devenue obsolète du fait du vote de la loi de finances rectificative pour 2009 précitée, précisait que « la réduction d’impôt doit être refusée pour les dons ou les subventions faits :

« – à des œuvres ou organismes étrangers n’exerçant aucune activité en France ;

« – à des œuvres ou organismes étrangers qui se bornent à exercer en France une action limitée en faveur d’un groupe restreint de personnes appartenant au point de vue national, économique ou social, à une catégorie déterminée d’individus ».

Cette restriction connaissait toutefois, en pratique, deux dérogations qui sont toujours en vigueur. Les dons faits à des associations françaises qui ont pour objet de recueillir des dons et d’organiser, à partir de la France, un programme humanitaire d’aide en faveur des populations en détresse dans le monde ouvrent ainsi droit à l’avantage fiscal. Il en est de même des dons consentis aux organismes d’intérêt général qui concourent à la diffusion de la culture, de la langue française et des connaissances scientifiques françaises à l’étranger.

Afin de tirer les conséquences de l’arrêt de la CJUE, l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2009 précitée a modifié l’article 200 du CGI afin qu’il y soit indiqué clairement que les dons et versements effectués au profit d’organismes faisant l’objet d’un agrément préalable de l’administration fiscale française et établis dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État de l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative (245) sont également éligibles à la réduction d’impôt.

L’agrément n’est accordé que lorsque l’organisme étranger poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes français éligibles au dispositif.

Lorsque les dons et versements ont été effectués au profit d’un organisme non agréé dont le siège est situé dans l’un de ces États, l’article 200 du CGI prévoit que la réduction d’impôt fait l’objet d’une reprise, sauf si le contribuable produit, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives attestant que cet organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France répondant aux conditions fixées par le présent article.

1. L’adaptation de la réduction d’impôt sur les bénéfices

a. L’économie générale du dispositif

Conformément à l’article 238 bis du CGI, la réduction d’impôt sur les bénéfices en faveur du mécénat correspond à 60 % du montant des versements dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires de l’entreprise opérant le versement.

D’après le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2015, la dépense fiscale associée à ce dispositif s’est élevée à 675 millions d’euros en 2013. Elle devrait atteindre 750 millions d’euros en 2014 et 790 millions d’euros en 2015. Il a bénéficié à 37 260 entreprises.

Le champ d’application de la réduction d’impôt sur les bénéfices couvre la plupart des organismes donataires éligibles à la réduction d’impôt sur le revenu.

Toutefois, les deux dispositifs se distinguent sur les points suivants :

– les associations cultuelles et de bienfaisance ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle ne sont pas éligibles au dispositif en vigueur au titre de l’impôt sur les bénéfices ;

– les associations de financement électorales ne sont pas non plus éligibles à ce second dispositif ;

– à l’inverse, ce dernier permet de financer des projets de thèse proposés au mécénat de doctorat par les écoles doctorales ;

– les sociétés, dont l’État est actionnaire unique, dont l’activité est la représentation de la France aux expositions universelles, sont éligibles au seul dispositif au titre de l’impôt sur les bénéfices de même que les sociétés appartenant au secteur de l’audiovisuel extérieur français ;

– enfin, le dispositif en vigueur au titre de l’impôt sur les bénéfices permet de financer certains organismes agréés dont l’objet est de financer la création, la reprise ou le développement des petites entreprises.

a. Une clarification similaire apportée par la loi

À l’instar du dispositif applicable aux dons des particuliers, celui concernant les dons éligibles à la réduction d’impôt sur les bénéfices ne contenait pas de précision légale particulière concernant la nationalité ou la territorialité de l’organisme bénéficiaire.

L’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2009 précitée a donc clarifié notre dispositif fiscal afin de le mettre plus explicitement en accord avec le droit européen.

Il a prévu, de manière similaire avec le dispositif prévu pour les particuliers, un élargissement des bénéficiaires aux structures similaires établies dans l’Union européenne ou dans un État de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative.

Cet élargissement est conditionné par l’obtention, par l’organisme bénéficiaire, d’un agrément préalable de l’administration fiscale française ; à défaut, la réduction d’impôt peut faire l’objet d’une reprise, à moins que le contribuable n’ait produit dans le délai de dépôt de la déclaration les pièces permettant d’attester que l’organisme étranger poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires à celles requises en droit français.

1. L’adaptation du dispositif de réduction d’impôt sur la fortune

À côté du dispositif de réduction d’impôt sur la fortune destiné à favoriser les investissements dans les PME, qui permet d’imputer 50 % des versements dans la limite d’un avantage fiscal de 45 000 euros, existe un dispositif complémentaire permettant d’imputer sur le montant de cet impôt 75 % des dons dans la limite de 50 000 euros. Toutefois, le cumul des deux avantages ne saurait dépasser la limite de 45 000 euros.

D’après le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2015, la dépense fiscale associée à ce dispositif s’est élevée à 112 millions d’euros en 2013. Elle devrait rester à ce niveau en 2014 et 2015. Il a bénéficié à 32 172 ménages.

Le champ des structures éligibles à cette réduction d’impôt est légèrement différent de celui des deux dispositifs mentionnés précédemment :

– les établissements de recherche, d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique y sont éligibles de même que les fondations reconnues d’utilité publique et les associations d’utilité publique. S’y ajoute l’Agence nationale de la recherche, qui ne figure pas au titre des bénéficiaires des autres dispositifs ;

– sont également éligibles les entreprises d’insertion et les entreprises de travail temporaire d’insertion, les ateliers d’insertion, certaines entreprises adaptées et groupements d’employeurs d’insertion et les associations d’utilité publique de financement et d’accompagnement de la création et de la reprise d’entreprise.

De la même manière que pour les deux autres dispositifs, l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2009 précitée à ouvert aux organismes similaires des États mentionnés précédemment le bénéfice de ce dispositif. La structure bénéficiaire doit faire l’objet d’un agrément préalable de l’administration fiscale française ou, à défaut, la personne consentant le don doit apporter la preuve, dans le cadre de sa déclaration d’impôt, que la structure bénéficiaire présente des caractéristiques similaires à celles qui, en droit français, sont éligibles au dispositif.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à opérer un ajustement similaire à ceux évoqués précédemment s’agissant du dispositif d’exonération des DMTG applicable aux dons et aux legs consentis à des structures dont le champ est comparable, sans être tout à fait identique, à celui en vigueur au titre des trois autres dispositifs.

Si cette dépense figure dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2015, n’y sont renseignés ni son coût ni le nombre de ses bénéficiaires.

A. LE DISPOSITIF D’EXONÉRATION DES DROITS DE MUTATION

1. Les personnes visées par l’exonération

a. Les libéralités consenties aux personnes morales

L’article 893 du code civil, en disposant que les libéralités doivent être consenties « entre vifs ou par testament », n’exclut pas en principe les libéralités consenties au profit d’une personne morale, qui doit toutefois avoir la capacité juridique pour les recevoir. En pratique, ces libéralités ne peuvent être consenties que dans certains cas prévus par le code civil ou le code général des impôts.

Ainsi, l’article 910 du code civil prévoit un cadre particulier d’autorisation administrative pour certaines personnes publiques :

– les libéralités au profit des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux ou d’établissements d’utilité publique sont possibles à condition qu’elles soient autorisées par arrêté du préfet de département ;

– cette formalité administrative n’est pas exigée pour les fondations, les congrégations et les associations ayant la capacité juridique à recevoir des libéralités, à l’exception des groupements à caractère sectaire ;

– si le préfet constate que la personne morale n’a pas la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu’elle n’est pas apte à l’utiliser conformément à son objet statutaire, il peut s’y opposer en la privant ainsi d’effet :

– cet article du code civil prévoit enfin qu’une libéralité consentie à un État étranger ou à des établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités doit être acceptée par ces États ou par ces établissements, sauf opposition par l’autorité compétente selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

Dans le domaine fiscal, l’article 1040 du CGI prévoit que l’État est exonéré de manière générale de droits d’enregistrement et de taxe de publicité foncière ; cette exonération s’étend aux « établissements publics scientifiques, d’enseignements, d’assistance et de bienfaisance ».

D’après le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), cet article 1040 s’applique « notamment » à l’Académie de médecine, à la Caisse nationale d’épargne, à la Caisse des invalides de la marine, au Conservatoire national des arts et métiers, à l’École polytechnique, aux facultés, à l’Institut de France, aux lycées et à l’Office des pupilles de la Nation et des mutilés.

Par ailleurs, l’article 777 du CGI prévoit que les dons et legs faits aux établissements publics ou d’utilité publique, qui ne sont pas exonérés en application des articles 794 et 795 du même code, sont soumis aux tarifs fixés pour les successions entre frères et sœurs, suivant le barème rappelé dans le tableau ci-dessous.

FRACTION DE PART NETTE TAXABLE

TARIF
applicable
(en %)

Entre frères et sœurs vivants ou représentés :

 

N’excédant pas 24 430 euros

35

Supérieure à 24 430 euros

45

Entre parents jusqu’au 4e degré inclusivement

55

Entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non-parentes

60

Source : code général des impôts.

a. L’exonération applicable à certaines personnes morales en charge d’un intérêt général

Conformément à l’article 794 du CGI, sont exonérées de DMTG les libéralités consenties en premier lieu aux régions, aux départements, aux communes et à leurs établissements publics, ainsi qu’aux établissements publics hospitaliers et aux administrations de la sécurité sociale.

Sont ensuite visés par l’article 795 du CGI les dons et legs concernant :

– les œuvres d’art, de monuments ou d’objets historiques, de livres, d’imprimés ou de manuscrits faits aux établissements pourvus de la personnalité civile si ces objets sont destinés à figurer dans une collection publique ;

– les établissements publics dits « charitables », les mutuelles et toutes les autres sociétés reconnues d’utilité publique dont les ressources sont affectées à des « œuvres d’assistance », à la défense de l’environnement naturel ou la protection des animaux. L’article 795 du CGI précise qu’il est statué sur le caractère de bienfaisance par décret en Conseil d’État ou par l’arrêté préfectoral autorisant l’acceptation de la libéralité. Le BOFiP précise que les sociétés de sauvetage, les crèches, les orphelinats, les associations familiales et les comités d’entreprises peuvent notamment bénéficier du dispositif ;

– les fondations universitaires, les établissements d’enseignement supérieur reconnus d’utilité publique, les sociétés d’éducation populaire gratuite reconnues d’utilité publique ;

– les organismes d’HLM ; d’après le BOFiP, entrent dans le champ de cette appellation les sociétés anonymes d’HLM, les sociétés anonymes coopératives de production et les sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif d’habitations à loyer modéré, les fondations d’HLM et les offices publics de l’habitat ;

– l’Office national des anciens combattants ou visant à l’érection d’un monument aux morts de la guerre ;

– les associations cultuelles ou congrégations autorisées ;

– le Conservatoire du littoral ou les établissements publics de gestion du cœur des parcs nationaux.

1. Les conditions de territorialité en vigueur

Actuellement, les articles 794 et 795 du CGI ne contiennent aucune disposition relative à la territorialité des organismes bénéficiaires des libéralités pouvant bénéficier de l’exonération de DMTG, ce qui signifie qu’elles sont en théorie possibles en franchise de ces droits, y compris au profit de collectivités territoriales étrangères comparables à celles visées à l’article 794.

Le BOFiP apporte toutefois deux précisions dans ce domaine :

– les exonérations de droits de mutations en faveur de certains organismes et établissements ne sont, en principe, « applicables qu’aux collectivités françaises », sans que l’on comprenne parfaitement si le Bulletin fait référence aux collectivités territoriales ou à l’ensemble des organismes et établissements visés dans la même phrase ;

– le Bulletin précise par ailleurs que ces avantages peuvent bénéficier à des collectivités étrangères lorsqu’il existe en cette matière un régime de réciprocité entre la France et le pays considéré, qui doit résulter d’une convention internationale ou d’un accord particulier ;

– enfin, le Bulletin rappelle que des accords particuliers ont également été conclus entre la France et certains pays permettant aux institutions culturelles créées en France par ces États de bénéficier de l’exonération de droits de mutation pour les dons et legs qu’elles recueillent en France. Toutefois, il faut que les organismes intéressés soient des institutions culturelles officielles, c’est-à-dire des collectivités, qui, non seulement répondent aux définitions et objectifs fixés dans les conventions culturelles conclues entre la France et les États considérés, mais aussi qui ont été créées par eux directement ou par des organismes officiels agissant pour le compte desdits États.

Ces dispositions seront en partie rendues obsolètes par l’adoption du présent article.

A. UN ÉLARGISSEMENT DE L’EXONÉRATION AUX STRUCTURES ÉTRANGÈRES COMPARABLES

Le présent article insère dans le code des impôts un nouvel article 795 bis destiné à clarifier les conditions d’exonération des organismes étrangers éligibles soit au dispositif de l’article 794 soit de l’article 795 du même code.

1. Un élargissement limité à certains États

Conformément à la jurisprudence européenne précitée, la France est autorisée à poser, en droit national, des conditions ouvrant le droit au bénéfice d’une exonération, qui doit être applicable tant aux structures nationales qu’étrangères ; sa capacité à contrôler effectivement que ces conditions sont remplies par les organismes étrangers sollicitant le bénéfice de ces dispositifs est également garantie par le droit européen.

La présente exonération est donc logiquement élargie au profit des structures établies dans les seuls États dont les relations avec la France permettant à cette dernière, du point de vue du droit international, d’opérer effectivement un tel contrôle. Il s’agit :

– en premier lieu des États membres de l’Union européenne, avec lesquels la coopération et les contrôles effectifs sont garantis par la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Les articles 1er et 5 de cette directive imposent à tout État membre de communiquer à un autre État membre qui en formule la demande les informations « vraisemblablement pertinentes » pour l’application de leur législation interne ;

– par extension, les membres de l’EEE non membres de l’Union européenne qui ont conclu avec la France une convention d’assistance administrative, sont liés à la France par des dispositions permettant un tel contrôle effectif, à savoir la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande. En particulier, les articles 78 et suivants de l’accord sur l’EEE enjoignent les parties contractantes à échanger les informations pertinentes dans ce domaine.

1. Un élargissement limité à certaines structures

Le I de ce nouvel article 795 bis prévoit en premier lieu que l’exonération sera désormais applicable aux structures établies dans les États mentionnés ci-dessus, à condition qu’elles soient constituées sur le fondement d’un droit étranger. Cette précision, qui ne figure pas dans l’adaptation opérée au titre des autres réductions d’impôts mentionnées précédemment, permettra de fait d’exclure du dispositif certains établissements régis, à l’étranger, par le droit français, comme par exemple certaines Alliances françaises ou établissement français d’enseignement à l’étranger.

Outre ce premier critère organique, le présent article prévoit un critère tenant à la nature de l’organisme auquel est consentie la libéralité. Il prévoit en effet que le dispositif est élargi aux « personnes morales ou organismes de même nature » que ceux visés dans le droit français, critère qui ne figure pas non plus dans les ajustements opérés dans les articles 200, 238 bis et 885-0 V bis A du CGI.

Pour l’essentiel, il appartiendra à l’administration fiscale d’évaluer dans quelle mesure la nature de la structure étrangère est comparable à celle d’une structure éligible en droit national. Selon le Gouvernement, l’ajout de ce critère tenant à la « nature » de l’organisme doit permettre d’offrir à l’administration une certaine souplesse pour évaluer la comparabilité de la structure sans être bloquée par des critères trop formels.

D’après l’économie générale de l’article, cette similarité de nature pourra notamment être évaluée par l’administration fiscale à l’aune de deux critères plus fonctionnels :

– les objectifs poursuivis et les caractéristiques de ces structures doivent être similaires celles de structures comparables en France ;

– les dons et les legs reçus par ces personnes morales étrangères doivent être affectés à des activités similaires à celles des structures.

Le présent article prévoit qu’un décret pourra préciser les modalités d’exception du présent article, notamment celles de l’agrément.

1. Un contrôle administratif des structures bénéficiaires

Afin de vérifier que les structures étrangères bénéficiant de l’exonération sont éligibles au dispositif national, le présent article prévoit un double mécanisme administratif.

Le premier consiste en un agrément fondé sur l’article 1649 nonies du CGI, qui réserve au ministre chargé du budget le soin d’octroyer de tels agréments. Cet agrément est préalable à l’octroi de la libéralité et rend éligible la structure bénéficiaire de manière générale à ces libéralités en franchise de DMTG.

À défaut d’agrément préalable, le présent article prévoit que le donataire ou le légataire doit produire les pièces justificatives attestant d’une part qu’il poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires à une structure éligible en droit national et d’autre part que les biens ainsi reçus sont affectés à des activités similaires à celles prévues en droit national.

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La Commission adopte l’article 28 sans modification.

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Article 29
Mise en conformité avec le droit européen du régime de représentation fiscale pour les contribuables domiciliés ou établis hors de France

Afin de se conformer au droit de l’Union européenne, le présent article supprime l’obligation, pour les contribuables fiscalement domiciliés dans un État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (EEE), de désigner un représentant fiscal en France. La Commission européenne a en effet mis en demeure la France de procéder à cette suppression, au motif que le dispositif de représentation fiscale prévu par la législation française constituait une restriction aux libertés de circulation européennes garanties par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dans la mesure où il entraînait des démarches administratives et formelles ainsi qu’un coût lié à la contrepartie exigée par le représentant.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LES GRANDES LIGNES DE LA FISCALITÉ DES NON-RÉSIDENTS

● Conformément aux dispositions de l’article 4 A du code général des impôts (CGI), les personnes domiciliées fiscalement en France sont soumises à une obligation fiscale illimitée : elles sont imposées sur l’ensemble de leurs revenus de source française et étrangère, sauf disposition contraire prévue par une convention internationale.

Les personnes non domiciliées fiscalement en France sont quant à elles soumises à une obligation fiscale limitée : elles ne sont imposables qu’à raison de leurs revenus de source française.

Les critères de la domiciliation fiscale, définis à l’article 4 B du CGI, permettent à l’administration fiscale d’apprécier si une personne physique a ou non son domicile fiscal en France. Ces critères, qui ne sont pas cumulatifs – l’un d’entre eux étant suffisant pour considérer que le domicile est établi en
France –, sont d’ordre personnel (avoir en France son foyer, c’est-à-dire le lieu de résidence habituelle de la famille et de la scolarisation des enfants, ou son lieu de séjour principal), d’ordre professionnel (exercer en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins que cette activité ne soit exercée à titre accessoire) et d’ordre économique (disposer en France du centre de ses intérêts économiques).

Au titre de leur obligation fiscale limitée, les contribuables non-résidents sont imposables sur leurs revenus de source française (246). L’impôt est calculé en appliquant le barème progressif et les règles de droit commun du quotient familial. Néanmoins, aux termes de l’article 197 A du CGI, le montant d’impôt obtenu ne peut être inférieur à 20 % du revenu net imposable, sauf si le contribuable justifie que le taux moyen qui résulterait de l’imposition en France de la totalité de son revenu mondial imposable serait inférieur à ce taux forfaitaire. Dans ce cas, le taux moyen ainsi déterminé s’applique aux revenus de source française du contribuable.

Les contribuables non-résidents ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global, au motif que celui-ci ne représente qu’une partie de leur revenu mondial. Ils ne bénéficient des réductions d’impôt que dans certains cas énumérés expressément par la loi (247).

Toutefois, les contribuables non-résidents sont assimilés à des personnes fiscalement domiciliées en France, au sens du droit interne, mais restent soumis à une obligation fiscale limitée, au sens des conventions internationales, lorsqu’elles tirent de la France la majorité ou la quasi-totalité de leurs revenus : ce sont ce qu’il est convenu d’appeler les « non-résidents Schumacker », du nom d’un arrêt de 1995 (248) de la Cour de justice des Communautés européennes, devenue depuis lors Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Ces personnes peuvent bénéficier des réductions et des crédits d’impôt qui sont en principe réservés aux personnes fiscalement domiciliées en France.

Enfin, afin de limiter les risques de non-recouvrement de l’impôt dû, de nombreuses dispositions portant retenue à la source ou prélèvements, libératoires ou non, de l’impôt s’appliquent aux différentes catégories de revenus susceptibles d’être imposées. Peuvent être cités notamment :

– la retenue à la source (libératoire) sur les produits de placements à revenu variable (dividendes et assimilés), à hauteur de 21 % pour les résidents d’un État de l’Union européenne ou de l’EEE, de 30 % pour les résidents d’un autre État et de 75 % lorsque les revenus sont payés dans un État ou un territoire non coopératif (ETNC) ;

– le prélèvement (libératoire) sur les plus-values immobilières, à hauteur de 19 % pour les résidents d’un État de l’Union européenne ou de l’EEE, de 33,33 % pour les résidents d’un État tiers et de 75 % pour les résidents d’un ETNC (voir infra).

● Les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France sont assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à raison de leurs biens situés en France, à l’exception de leurs placements financiers, lesquels sont exonérés d’ISF (249).

Les non-résidents restent redevables des impôts locaux (taxe d’habitation, taxe foncière et, s’il y a lieu, taxe sur les locaux vacants ou taxe d’habitation sur les locaux vacants) relatifs aux biens immobiliers dont ils disposent ou qu’ils possèdent sur le territoire français.

● Les entreprises étrangères possédant un établissement stable en France ont les mêmes obligations fiscales que les entreprises françaises.

S’agissant d’entreprises ne disposant pas d’un établissement stable en France, les revenus de source française doivent être déclarés et soumis à l’impôt sur les sociétés en France ; si ces entreprises sont propriétaires d’immeubles en France et les louent ou les mettent à la disposition, elles sont passibles de l’impôt sur les sociétés et de certaines contributions assimilées au titre des revenus tirés de cette activité, ainsi que, sous réserve d’exonérations, de la taxe sur la valeur vénale des immeubles (voir infra).

● D’un point de vue statistique, les données sont relativement parcellaires. Si le nombre total de contribuables non-résidents n’a pas pu être communiqué à la Rapporteure générale, celui des non-résidents assujettis à l’impôt sur le revenu est présenté dans le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE CONTRIBUABLES NON-RÉSIDENTS
ASSUJETTIS À L’IMPÔT SUR LE REVENU

Année de revenus

Nombre de redevables gérés par l’administration fiscale

Dont résidents de l’UE ou de l’EEE

2004

167 400

nc

2005

179 400

nc

2006

202 500

nc

2007

201 200

nc

2008

194 900

nc

2009

195 100

80 700

2010

190 000

79 400

2011

193 000

81 200

2012

200 600

84 000

Source : direction générale des finances publiques.

S’agissant de l’impôt sur le revenu, le nombre de contribuables non-résidents a augmenté de près de 20 % entre 2004 et 2012. Les résidents de l’Union européenne ou de l’EEE représentent environ 42 % des non-résidents dans leur ensemble.

Les recettes fiscales acquittées par les non-résidents représentaient plus d’un milliard d’euros en 2013, dont près des trois quarts au titre de l’impôt sur le revenu.

ÉVOLUTION DES RECETTES FISCALES ACQUITTÉES
PAR LES CONTRIBUABLES NON-RÉSIDENTS

(en millions d’euros)

Imposition

2010

2011

2012

2013

Impôt sur le revenu

n.d.

395

623

716

Impôt de solidarité sur la fortune

n.d.

94

150

187

Droits de donation

8

11

6

5

Droits de succession

106

58

103

103

Total

558

882

1 011

Source : direction générale des finances publiques.

A. LE RÉGIME GÉNÉRAL : LA DÉSIGNATION D’UN REPRÉSENTANT FISCAL SUR DEMANDE DE L’ADMINISTRATION FISCALE

● Diverses dispositions relatives à la représentation fiscale trouvent à s’appliquer aux contribuables non domiciliés fiscalement en France, mais devant s’acquitter d’impôts au titre des activités qu’ils y exercent ou de biens qu’ils y possèdent. L’objectif est, selon la même logique que celle suivie pour l’application des retenues à la source, de sécuriser le recouvrement de l’impôt auprès de contribuables ne se trouvant pas sur notre territoire et s’avérant donc moins accessibles pour l’administration fiscale.

Le principe commun à l’ensemble de ces dispositifs, prévus par l’article 164 D du CGI pour l’impôt sur le revenu, l’article 885 X du même code pour l’ISF et l’article 223 quinquies A pour l’impôt sur les sociétés, est que le recours à un représentant fiscal n’est pas obligatoire ; néanmoins, l’administration fiscale peut inviter les contribuables non-résidents à désigner un représentant en France. Aucune accréditation obligatoire, aucun formalisme spécifique ni aucune condition particulière ne sont requis, si ce n’est la domiciliation en France du représentant.

S’ils n’obtempèrent pas dans un délai de quatre-vingt-dix jours, les contribuables font l’objet d’une procédure de taxation d’office pour l’impôt concerné, en application des articles L. 72 (pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés) et L. 72 A (pour l’ISF) du livre des procédures fiscales.

Dans le cadre de cette procédure, il appartient à l’administration fiscale de fixer d’office les bases d’imposition : l’administration fait une évaluation aussi exacte que possible de ces bases, à l’aide des éléments d’appréciation dont elle dispose (250). La caractéristique de la procédure d’imposition d’office est de ne pas être contradictoire : elle se déroule sans que le contribuable ne soit invité à exposer sa position et elle met la preuve à sa charge s’il conteste l’imposition devant les tribunaux.

Pour chacun des impôts précités, le représentant fiscal que peut être amené à désigner le contribuable domicilié hors de France joue un simple rôle d’intermédiaire entre ce contribuable et l’administration : le représentant est ainsi « autorisé à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt ». De ce fait, il ne saurait, en cette seule qualité, être mis en cause pour le paiement des impôts dus par son mandant.

● L’article 164 D du CGI met en œuvre ce principe de désignation d’un représentant sur demande de l’administration en matière d’impôt sur le revenu, pour les personnes physiques. Ce dispositif s’applique aux contribuables qui exercent des activités en France, ainsi qu’aux personnes qui possèdent des biens en France : les contribuables non domiciliés qui sont propriétaires d’une habitation en France peuvent être invités à désigner un représentant.

Sont également concernées les personnes physiques non résidentes en France et redevables de retenues à la source, sur le fondement des articles 182 A, 182 A bis et 182 B du CGI à raison de revenus inclus dans les charges des établissements qu’elles exploitent en France ou des activités qu’elles exercent en France sans y avoir un véritable établissement.

Enfin, les agents de l’État en service dans un pays étranger où ils ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de leurs revenus, visés au 2 de l’article 4 B du CGI, se trouvent également dans le champ de l’article 164 D. Il s’agit des agents de l’État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger, comme des diplomates, par exemple : ils sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France dès lors que, dans leur pays d’affectation, ils ne supportent pas un impôt personnel sur l’ensemble des éléments de leur rémunération ; dans ce cas, ils sont imposables en France sur la totalité de leurs revenus, qu’ils soient de source française ou de source étrangère (251), au titre de leur obligation fiscale illimitée.

Il convient enfin de noter que la règle de désignation d’un représentant en France ne s’applique pas aux contribuables qui perçoivent seulement des pensions ou des revenus mobiliers de source française.

● L’article 885 X du CGI prévoit cette même obligation de désignation d’un représentant fiscal, lorsque l’administration fiscale le demande, en matière d’ISF. Elle est applicable aux personnes possédant des biens en France sans y avoir leur domicile fiscal, ainsi qu’aux agents de l’État visés au 2 de l’article 4 B.

● L’article 223 quinquies A du CGI met en œuvre ces mêmes règles en matière de représentation fiscale pour les personnes morales exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur siège social. Leur non-respect emporte là encore la taxation d’office.

Il convient de signaler qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article 990 F, les dispositions de l’article 223 quinquies A sur la représentation fiscale sont également applicables à la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques, prévue à l’article 990 D. Cette taxe s’applique chaque année aux personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables, français ou étrangers (trusts, fonds d’investissement) (252), qui, directement ou par entité interposée, possèdent un ou plusieurs immeubles en France, ou des droits réels sur ces immeubles ; elle s’élève à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles ou droits. Cette taxe a été créée à l’origine afin de lutter contre les schémas d’évasion fiscale en matière d’imposition sur la fortune : il s’agit de dissuader l’acquisition de biens ou de droits immobiliers en France, par l’interposition de personnes morales, établies notamment dans des paradis fiscaux. Son rendement s’est établi à 50 millions d’euros en 2013, contre 21 millions d’euros en 2012 et 30 millions d’euros en 2011.

● Les dispositions qui viennent d’être présentées n’ont pas fait l’objet de modifications récentes : les articles 164 D et 223 quinquies A du CGI et l’article L. 72 du livre des procédures fiscales sont issus de la loi du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d’imposition des Français de l’étranger (253). L’article 885 X du CGI ainsi que l’article L. 72 A du livre des procédures fiscales ont été introduits par la loi de finances pour 1989 (254) 
– laquelle instituait, à partir du 1er janvier 1989, un impôt de solidarité sur la fortune.

A. LE CAS SPÉCIFIQUE DES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES ET DE CERTAINES PLUS-VALUES MOBILIÈRES : L’OBLIGATION DE RECOURIR À UN REPRÉSENTANT FISCAL ACCRÉDITÉ, RESPONSABLE DU RECOUVREMENT DE L’IMPÔT

Un régime différent de représentation fiscale est applicable en matière d’imposition des plus-values immobilières réalisées par des contribuables non-résidents, selon les modalités prévues par l’article 244 bis A du CGI, ainsi que pour certaines plus-values mobilières, dans le cadre de l’article 244 bis B. Dans ce cas, le représentant fiscal est responsable du paiement de l’imposition ; il doit être désigné selon des modalités particulières.

1. Les modalités d’imposition des plus-values immobilières réalisées par des non-résidents

Comme évoqué brièvement supra, et sous réserve des conventions internationales, les plus-values réalisées lors de la cession d’immeubles ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière par des personnes physiques non domiciliées en France et par des personnes morales dont le siège est situé hors de France sont soumises à un prélèvement spécifique, dont le taux varie selon le lieu de résidence du cédant.

● En application du 2 du I de l’article 244 bis A, ce prélèvement s’applique :

– aux personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France ; ces personnes peuvent être de nationalité française ou étrangère ; seul compte le fait qu’elles soient non résidentes de France ;

– aux personnes morales ou organismes – quelle que soit leur forme – dont le siège social est situé à l’étranger (quel que soit le lieu de résidence des associés) :

– aux sociétés de personnes françaises et aux sociétés ou groupements assimilés relevant de l’impôt sur le revenu, qui comptent parmi leurs associés des non-résidents, au prorata des droits sociaux détenus par ceux-ci ;

– aux fonds de placement immobilier (FPI) au prorata des parts détenues par des porteurs non-résidents.

Ne sont pas soumises au prélèvement :

– les organisations internationales, les États étrangers, les banques centrales et les institutions financières publiques de ces États qui sont exonérés dans les conditions prévues à l’article 131 sexies du CGI ;

– les personnes physiques et les personnes morales non résidentes exploitant en France une entreprise industrielle, commerciale ou agricole ou y exerçant une profession non commerciale, qui cèdent des immeubles affectés à l’exploitation.

Le prélèvement frappe notamment les profits provenant de la cession à titre onéreux d’immeubles situés en France, à l’exclusion toutefois des immeubles affectés à une exploitation professionnelle en France, et des droits portant sur ces biens (usufruit, nue-propriété…) (255).

Les contribuables non-résidents relevant de l’impôt sur le revenu peuvent bénéficier, pour les cessions d’immeubles, des mêmes exonérations que les résidents, notamment par le jeu des abattements pour durée de détention – hormis l’exonération de la résidence principale, celle de la première cession d’un logement lorsque le cédant n’est pas propriétaire de sa résidence principale et celle de l’ancienne résidence principale des retraités et invalides de condition modeste. Une exonération spécifique est prévue en faveur des personnes physiques non-résidentes, ressortissantes d’un État de l’EEE (ou d’un autre État si elles peuvent invoquer le bénéfice d’une clause de non-discrimination) qui cèdent un logement situé en France, lorsque ces personnes ont été fiscalement domiciliées en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque avant la cession : ces personnes peuvent bénéficier de l’exonération à la condition que la plus-value ait été réalisée dans les cinq ans suivant le transfert du domicile fiscal ou bien qu’elle porte sur un bien dont le cédant a la libre disposition au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession. L’exonération est limitée à la fraction de plus-value nette imposable qui n’excède pas 150 000 euros (256).

Selon les données transmises à la Rapporteure générale, 14 596 contribuables non-résidents ont déclaré des plus-values immobilières taxables en 2013 ; ils sont 5 869 sur les quatre premiers mois de 2014.

● La plus-value fait l’objet d’un prélèvement dont le taux est en principe fixé à 33,33 %. Ce taux est réduit à 19 % :

– pour les personnes physiques, les associés personnes physiques de sociétés de personnes françaises et les porteurs de parts d’un FPI, s’ils sont résidents à la date de la cession d’un État de l’EEE (257) ;

– pour les personnes morales résidentes d’un État de l’EEE pour les opérations qui bénéficieraient de ce taux si elles étaient réalisées par une personne morale résidente de France.

Enfin, le taux est porté à 75 % lorsque le cédant est domicilié, établi ou constitué dans un ETNC (258).

Néanmoins, le Conseil d’État, dans un arrêt en date du 20 octobre dernier(259), a jugé que la différence de taux d’imposition d’une plus-value de cession d’un immeuble situé en France par une société civile immobilière selon que les associés résident ou non dans l’Espace économique européen – soit 19 % dans le premier cas et 33,33 % dans le second – constituait une restriction aux mouvements de capitaux. Afin de tirer les conséquences de cet arrêt, ainsi que d’autres décisions de justice, il apparaît nécessaire de modifier les dispositions de l’article 244 bis A, afin d’aligner le taux d’imposition applicables aux personnes physiques, qu’elles résident ou non dans un État de l’EEE – tout en conservant le taux de 75 % applicable pour les résidents d’ETNC, lequel se justifie par le motif d’intérêt général de lutte contre la fraude fiscale. Lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2015 par le Sénat, le 21 novembre dernier, plusieurs amendements portant sur le sujet ont été examinés. Le secrétaire d’État chargé du budget a alors indiqué qu’au cours de l’examen du présent projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement présenterait un dispositif « tirant les conséquences des jugements qui ont été rendus » et « proposerait une rédaction pouvant satisfaire l’ensemble des acteurs ».

À ce prélèvement, s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, en application de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 (260), ainsi que la taxe spécifique s’appliquant aux plus-values d’un montant supérieur à 50 000 euros, réalisées par un contribuable, résident ou non-résident, soumis à l’impôt sur le revenu (261). Ces prélèvements sociaux et, le cas échéant, cette taxe spécifique, sont acquittés en même temps que le prélèvement prévu par l’article 244 bis A.

1. Le régime de représentation fiscale applicable

● S’agissant de l’imposition des plus-values immobilières des non-résidents, le prélèvement dû par ces derniers doit être acquitté sous la responsabilité d’un représentant fiscal accrédité, en application du IV de l’article 244 bis A. Il ne s’agit donc pas d’une option, à la demande de l’administration fiscale, comme dans les cas évoqués plus haut.

À la différence du représentant fiscal pouvant être désigné dans le cadre des articles 164 D, 223 quinquies A et 885 X du CGI, qui joue seulement un rôle d’intermédiaire, le représentant fiscal intervenant en matière de plus-values immobilières s’engage à remplir les formalités et à acquitter le prélèvement pour le compte du non-résident, ainsi que, le cas échéant, l’amende prévue au 1 de l’article 1761 du CGI (262). Il n’est déchargé de ses obligations qu’à l’expiration du délai de reprise, soit à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. L’administration peut indistinctement poursuivre le contribuable ou son représentant fiscal pour la totalité des impositions dues – y compris éventuellement les prélèvements sociaux.

● L’administration dispense les personnes physiques de recourir à un représentant fiscal si le prix de cession du bien est inférieur ou égal à 150 000 euros (263) ou si la plus-value est exonérée par le jeu des abattements pour durée de détention, tant en matière fiscale que sociale.

Cette dispense vaut également pour les sociétés de personnes françaises (et les FPI français) dont les membres non-résidents sont des personnes physiques (264).

● Autre différence avec le représentant fiscal intervenant dans le cadre des articles 164 D, 223 quinquies A et 885 X, le représentant fiscal doit, en matière de plus-values immobilières, être accrédité par l’administration fiscale, ce qui découle de sa responsabilité en matière de paiement de l’imposition due.

L’accréditation correspond à la désignation par l’administration fiscale, après instruction du dossier (265), d’un représentant fiscal en France sur proposition du redevable, pour une opération donnée. Le représentant peut être soit une banque (ou un établissement de crédit) exerçant son activité en France, soit l’acheteur, s’il est fiscalement domicilié en France, soit encore une personne agréée à cet effet par l’administration. Mais, selon l’administration, ni les notaires ni les avocats ne peuvent être accrédités représentants fiscaux.

Par ailleurs, dans un souci de simplification, l’administration fiscale a délivré un agrément permanent de représentation fiscale à sept sociétés spécialisées, lequel agrément dispense les sociétés d’obtenir une accréditation pour chaque opération déterminée.

Même s’il est difficile de disposer de données précises sur la proportion de recours aux différentes catégories de représentants fiscaux – banque, acheteur du bien objet de la plus-value, société spécialisée –, il semble que ce soient les sociétés spécialisées disposant d’un agrément permanent qui sont amenées à intervenir dans la grande majorité des cas.

● Enfin, il convient de préciser que le même régime de représentation fiscale, tel que prévu par le IV de l’article 244 bis A, est également applicable à :

– l’imposition de certaines plus-values mobilières, mentionnées par l’article 244 bis B, lequel renvoie aux dispositions du IV de l’article 244 bis A : il s’agit des plus-values issues de la cession ou du rachat de participations substantielles (266) par un contribuable non-résident, auxquelles s’applique un prélèvement forfaitaire libératoire de 45 %. Il convient de noter toutefois que l’application effective de ces dispositions est généralement écartée par le jeu des conventions fiscales ; elles ne concernent dans les faits qu’une minorité des plus-values mobilières ;

– la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles détenus en France, restant due à la date de cession d’un immeuble, en application du dernier alinéa de l’article 990 F du CGI : le représentant fiscal mandaté pour le versement du prélèvement visé à l’article 244 bis A est également responsable du paiement de la taxe de 3 % précitée qui reste encore due.

I. LA RÉFORME PROPOSÉE : LA SUPPRESSION DES RÉGIMES DE REPRÉSENTATION FISCALE POUR LES CONTRIBUABLES RÉSIDANT AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE ET DE L’EEE

Le présent article modifie les régimes de représentation fiscale qui viennent d’être exposés, en excluant de leur champ les contribuables résidant fiscalement dans un État de l’Union européenne ou de l’EEE.

● En effet, la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France le 25 avril 2013, indiquant que les dispositions françaises prévues en matière de représentation fiscale constituaient une restriction à l’exercice des libertés de circulation européennes garanties par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dès lors qu’elles entraînaient des démarches administratives et formelles ainsi qu’un coût lié à la contrepartie requise par le représentant. La Commission critique à la fois le caractère discrétionnaire de cette obligation et son caractère disproportionné.

L’évaluation préalable du présent article indique que, « selon la Commission, les informations obtenues par l’administration française auprès du représentant fiscal pourraient l’être par des moyens moins restrictifs des droits du contribuable. En outre, elle considère que l’équivalence des droits de la défense ne peut pas dépendre d’une obligation supplémentaire imposée aux non-résidents ».

La Commission s’appuie sur la jurisprudence de la CJUE, qui, dans un arrêt Commission c/ Portugal du 5 mai 2011 (267), a déclaré contraire au droit de l’Union européenne le régime portugais de la représentation fiscale relatif à l’impôt sur le revenu des non-résidents. À cette occasion, la CJUE a estimé que la restriction apportée aux mouvements de capitaux, résultant de l’obligation de désigner un représentant et de supporter le coût de sa rémunération, n’était pas justifiée par une raison d’intérêt général – la lutte contre la fraude fiscale ne pouvant être admise que si elle vise des montages purement artificiels dont le but est de contourner la loi fiscale.

Par ailleurs, la Cour a estimé qu’il n’était pas établi que les mécanismes d’assistance mutuelle entre les autorités fiscales des États membres seraient insuffisants pour atteindre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale. En la matière, deux directives s’appliquent : la directive 2011/16/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (268) et la directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (269).

De fait, le recours à un représentant fiscal, notamment lorsqu’il doit être accrédité, entraîne nécessairement des démarches administratives spécifiques ainsi qu’un coût supplémentaire pour le contribuable au titre de la rémunération du représentant, correspondant, pour les plus-values immobilières, à sa responsabilité pour le paiement de l’imposition due.

Il n’est pas aisé d’avoir connaissance du niveau de ces coûts, et notamment des honoraires pratiqués par les sociétés spécialisées disposant d’un agrément permanent qui semblent, en pratique, être les intervenants principaux en matière de plus-values immobilières. Si, dans un article de doctrine (270), il était indiqué qu’« il n’était pas rare que les représentants " de métier " demandent des honoraires de l’ordre de 5 % à 6 % du prix de vente (parfois 3,5 % à 4 % après négociation) pour assumer ce rôle » (271), les sociétés spécialisées concernées font état d’honoraires de l’ordre de 0,5 % du prix de cession, voire jusqu’à 0,15 % pour certaines transactions d’un montant très élevé.

S’agissant de la désignation sur demande de l’administration fiscale d’un représentant fiscal, en application des articles 164 D, 885 X et 223 quinquies A du CGI, les formalités afférentes sont moins importantes de même que le coût. La Rapporteure générale n’a pas pu obtenir de données sur la fréquence des demandes de désignation d’un représentant fiscal dans le cadre de ces trois articles. Si la doctrine administrative précise, s’agissant d’impôt sur le revenu, qu’« en raison de l’intérêt pratique de cette mesure, le service des impôts doit, dans tous les cas, inviter les intéressés à procéder à la désignation d’un représentant en France », il est indiqué, dans l’évaluation préalable du présent article, que les dispositifs prévus aux articles 164 D et 885 X sont aujourd’hui en pratique peu utilisés par l’administration fiscale.

● Afin de mettre en conformité notre droit avec celui de l’Union européenne, le présent article prévoit qu’à compter du 1er janvier 2015, les dispositions sur la représentation fiscale ne s’appliquent pas aux personnes domiciliées dans un État de l’Union européenne ou dans un État de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement de l’impôt.

En pratique, les trois pays membres de l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union européenne, à savoir la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, ont conclu avec la France des conventions d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Néanmoins, il n’en va pas de même en matière de recouvrement de l’impôt. La Norvège, l’Islande et le Liechtenstein ont tous trois signé la convention multilatérale d’assistance mutuelle en matière fiscale de l’OCDE et du Conseil de l’Europe (272), laquelle prévoit des dispositions en matière d’assistance au recouvrement. Mais si cette convention est entrée en vigueur le 1er juin 2011 en Norvège et le 1er février 2012 en Islande, ce n’est pas le cas du Liechtenstein à ce jour. Par ailleurs, l’accord d’échange de renseignements signé avec cet État ne comporte pas de dispositions sur l’assistance au recouvrement.

Il s’ensuit que les personnes physiques et morales situées au Liechtenstein devront, à la différence de celles résidant en Norvège et en Islande, continuer à désigner un représentant fiscal en France tant que le Liechtenstein n’aura pas ratifié la convention d’assistance mutuelle sans émettre de réserve sur l’assistance au recouvrement.

Le A du I du présent article vient modifier l’article 164 D relatif à l’impôt sur le revenu et l’article 885 X relatif à l’ISF, afin d’exclure l’application des dispositions relatives à la représentation fiscale pour les contribuables résidant fiscalement dans un État de l’Union européenne ou de l’EEE. Cette modification s’applique dès l’imposition des revenus de 2014 et au titre de l’ISF dû à compter de 2015, aux termes du A du II.

Le B du I fait de même en matière de représentation fiscale pour l’impôt sur les sociétés, en modifiant l’article 223 quinquies A. Il s’applique à l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2014 (B du II).

Le C du I vise quant à lui à exonérer les contribuables résidant dans un État de l’Union européenne ou de l’EEE de l’obligation de désigner un représentant fiscal accrédité en matière d’imposition des plus-values immobilières, ainsi que, du fait du renvoi de l’article 244 bis B à l’article 244 bis A, en matière d’imposition de certaines plus-values mobilières. Il précise que lorsque le cédant est une société de personnes situées en France, ou une société ou groupement assimilé, relevant de l’impôt sur le revenu, l’obligation de désigner un représentant fiscal s’apprécie au regard de la situation de chacun des associés, donc selon qu’ils sont ou non domiciliés fiscalement dans un pays de l’EEE. La disposition proposée s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2015 (C du II).

Enfin, le D du I modifie l’article 990 F afin de tirer les conséquences du C du I, à savoir la suppression de l’obligation de désigner un représentant fiscal en matière de plus-values immobilières pour un non-résident domicilié fiscalement dans un État de l’Union européenne ou de l’EEE, qui a une incidence s’agissant du recouvrement de la taxe sur la valeur vénale des immeubles. Les dispositions du D du I s’appliquent aux cessions d’immeubles intervenues à compter du 1er janvier 2015 (D du II).

● De ce fait, seuls les contribuables résidant hors de l’EEE resteront tenus de désigner un représentant fiscal, soit sur demande de l’administration fiscale pour l’impôt sur le revenu, l’ISF, l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur vénale des immeubles, soit de façon systématique en matière d’imposition des plus-values immobilières et de certaines plus-values mobilières. Pour les contribuables résidents des pays de l’EEE, les mécanismes d’assistance entre les administrations fiscales nationales, tels que prévus par les directives précitées 2011/16/UE et 2010/24/UE, doivent permettre d’assurer le recouvrement des impositions.

La Rapporteure générale regrette de n’avoir pas pu obtenir de données sur le montant total des plus-values immobilières réalisées par des non-résidents, sur les impositions qu’ils ont acquittées à ce titre, ou encore sur la ventilation de ces contribuables non-résidents entre pays de l’EEE et pays tiers. Dans ces conditions, il apparaît difficile de mesurer le nombre de personnes se trouvant dans le champ de la mesure et a fortiori d’évaluer le montant des impositions acquittées par ces personnes.

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La Commission adopte l’article 29 sans modification.

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Article 30
Mise en conformité communautaire du régime de groupe

Le présent article a pour objet d’adapter le régime d’intégration fiscale des sociétés à un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Celle-ci a jugé que le régime fiscal néerlandais, très proche du régime français, porte une atteinte non justifiée à la liberté d’établissement en ne permettant pas à deux sociétés établies aux Pays-Bas de former entre elles une intégration fiscale si leur société mère est établie dans un autre État de l’Union européenne.

Il est ici proposé d’apporter de nombreuses modifications au régime français d’intégration fiscale, afin de le mettre en conformité avec cette jurisprudence.

La complexité du sujet appelle, avant le commentaire des dispositions du texte, une présentation générale, afin de mieux en saisir les enjeux.

Enfin, l’effet budgétaire, qui sera mécaniquement négatif pour les recettes de l’État, n’est pas chiffré.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE : LA CRÉATION D’UN RÉGIME D’INTÉGRATION FISCALE HORIZONTALE, CONSÉQUENCE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

A. LES GRANDS PRINCIPES DU RÉGIME D’INTÉGRATION FISCALE

● Codifié aux articles 223 A à 223 U du code général des impôts (CGI), le régime d’intégration fiscale (ou régime de groupe) a été instauré en 1988 (273), et modifié à de nombreuses reprises depuis. Il permet à une société mère (ou tête de groupe, ou faîtière) de se constituer sur option (274) seule redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) pour elle-même et l’ensemble de ses filiales dont elle détient au moins 95 % du capital, directement ou indirectement via d’autres sociétés détenues dans les mêmes conditions (275). La mère ne doit pas, en principe, être détenue à plus de 95 % par une autre société soumise à l’IS ; elle peut, en revanche, être détenue, dans cette même proportion, par une société étrangère ou une société non soumise à l’IS.

Pour la détermination du résultat d’ensemble, les pertes des sociétés déficitaires et les profits des sociétés bénéficiaires se compensent, ce qui constitue le principal intérêt de l’intégration.

Le calcul du résultat d’ensemble implique, au-delà de ce principe de base, divers retraitements des opérations intragroupe, destinés à éviter la double imposition du même produit ou la double déduction d’une même charge. Cela consiste par exemple à ne pas intégrer au résultat d’ensemble le produit de participation reçu par la mère d’une filiale, car celui-ci résulte de bénéfices intégrés au résultat d’ensemble (276).

Certaines opérations « neutralisées » du fait des retraitements sont « déneutralisées » ultérieurement : par exemple, une plus-value de cession intragroupe est déduite du résultat d’ensemble, mais peut y être rapportée lorsque le bien cédé une première fois au sein du groupe l’est une nouvelle fois, mais hors du groupe. C’est également le cas lorsqu’une filiale sort du groupe ; celle-ci perd en outre la capacité de reporter sur ses résultats futurs les déficits qu’elle a accumulés pendant la période d’intégration et qui n’ont pas encore été imputés sur le résultat d’ensemble. Les « déneutralisations » se produisent aussi en cas de cessation du groupe, celle-ci intervenant lorsque les conditions ouvrant droit au régime cessent d’être vérifiées, par exemple lorsque la société mère vient à être détenue à plus de 95 % par une autre société soumise à l’IS.

Les conséquences normales de la cessation de groupe peuvent cependant être atténuées dans certains cas, notamment lorsqu’à la suite d’une fusion, la société qui absorbe la mère se constitue immédiatement seule redevable de l’IS dû par les sociétés membres du groupe de la mère absorbée. La principale atténuation consiste en l’imputation du déficit sur « base élargie » : alors qu’en principe les déficits d’une société du groupe nés avant l’entrée dans le groupe ne sont imputables que sur son résultat individuel, il est ici admis que les déficits des sociétés de l’ancien groupe s’imputent sur les résultats de l’ensemble de ces sociétés, dans une forme de « sous-consolidation » au sein du nouveau groupe.

● Sur le plan budgétaire, le régime de groupe n’est pas considéré comme une dépense fiscale mais comme une modalité particulière de calcul de l’impôt. Son coût est estimé à 16,4 milliards d’euros en 2014, selon le tome II de l’Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2015.

● La dernière réforme d’ampleur du régime de groupe date de la dernière loi de finances rectificative pour 2009 (277). Il s’agissait de tirer les conséquences de l’arrêt Papillon de la CJUE (278). Dans cet arrêt, la Cour a jugé comme une atteinte non justifiée à la liberté d’établissement le fait qu’une société française ne puisse se constituer mère d’une intégration fiscale qu’elle formerait avec une société française détenue à plus de 95 %, au motif qu’elle détiendrait cette société via une autre société établie dans un autre État de l’Union européenne (UE).

La loi de finances rectificative pour 2009 a mis le régime de groupe en conformité avec cette jurisprudence : désormais, une société A établie en France qui détient à plus de 95 % une société B établie ailleurs dans l’UE, dite « société intermédiaire » (279), détenant elle-même à plus de 95 % une société C établie en France, peut se constituer tête du groupe qu’elle forme avec C. Mais si l’existence de B ne fait plus obstacle à ce que A et C forment un groupe, B n’est pas pour autant dans le périmètre du groupe, dans lequel peuvent entrer seulement des sociétés soumises à l’IS en France.

Cette lecture de la portée de l’arrêt Papillon a été confirmée dès 2010 par la Cour : elle a jugé dans son arrêt X Holding BV (280) que l’impossibilité de former une intégration fiscale entre une société mère néerlandaise et une filiale résidente dans un autre État de l’UE, bien que constituant un traitement différencié des groupes nationaux et transnationaux, peut se justifier par la nécessité d’assurer une répartition équilibrée du pouvoir d’imposer entre les États membres.

A. UN RÉGIME DÉSORMAIS CONTRAIRE À LA LIBERTÉ D’ÉTABLISSEMENT

● Le présent article tire les conséquences d’une nouvelle décision de la CJUE relative au régime d’intégration fiscale néerlandais. Dans un arrêt du 12 juin 2014 (281), la Cour a jugé que la loi néerlandaise porte une atteinte non justifiée à la liberté d’établissement (282) en ne permettant pas à deux sociétés néerlandaises détenues à plus de 95 % par une société établie en Allemagne de constituer entre elles une intégration fiscale. Le fondement de cet arrêt est en substance le suivant : en ne permettant pas aux sociétés « sœurs » (qui n’ont pas nécessairement de liens capitalistiques entre elles) de consolider leurs profits et de leurs pertes, la législation néerlandaise a pour effet de traiter ces sociétés moins favorablement que si leur mère était établie aux Pays-Bas. La Cour n’a retenu aucun des arguments soulevés par les États pour justifier cette restriction à la liberté d’établissement, à savoir la préservation de la cohérence du régime fiscal, le risque d’évasion fiscale (283) et le caractère non comparable des situations.

Sur ce dernier point, la Cour a considéré comme infondé l’argument allemand, selon lequel « c’est dans le chef de la société mère faîtière que le régime néerlandais [d’intégration fiscale] vise à consolider l’ensemble des résultats d’un groupe, si bien que la situation d’un groupe dont la mère a son siège aux Pays-Bas ne serait pas comparable à celle d’un groupe dont la société mère a son siège dans un autre État membre » (284).

● Cet argument paraît pourtant loin d’être négligeable, et le fait que l’affaire ait été jugée n’interdit pas quelques réflexions. La logique de l’intégration fiscale (285) est de permettre à une société mère qui contrôle ses filiales d’assumer les conséquences fiscales de l’action du groupe qu’elle dirige. Pour bénéficier de ce régime, la société mère doit donc assurer une forme de « leadership » sur ses filiales, même si cela passe seulement par la détention de leur capital. En exigeant des législations nationales qu’elles permettent l’intégration fiscale « horizontale » (IFH) entre des sociétés sœurs (286), dont l’une doit donc devenir mère fiscale sans être mère économique – et surtout sans vérifier les critères habituellement demandés d’une mère fiscale (notamment la détention du capital) – la Cour semble franchir une nouvelle étape dans sa lecture « téléologique » du traité, et tout particulièrement de la liberté d’établissement.

Au surplus, l’intégration fiscale horizontale n’est finalement qu’un pis-aller au regard d’une égalité parfaite des mères économiques au sein de l’UE, qui exigerait l’abolition de toute frontière fiscale et donc l’intégration dans le périmètre du groupe de toutes les sociétés de l’UE qui pourraient en faire partie si elles étaient toutes établies dans le même État. Dans ses conclusions, l’avocate générale le reconnaît d’ailleurs, en écrivant par exemple que l’impossibilité de constituer une intégration fiscale entre les sociétés sœurs « fait naître pour l’entité étrangère un désavantage, dans la mesure où elle ne peut pas bénéficier de la possibilité qu’au moins ses filiales néerlandaises soient regroupées en une entité fiscale unique », ou encore que l’objectif du régime néerlandais d’intégration fiscale, « qui est de traiter un groupe comme une seule société, peut également être en partie atteint, dans le cas d’une société mère étrangère, en ne permettant qu’aux seules filiales établies aux Pays-Bas de faire l’objet d’une consolidation ».

Pour autant – et c’est heureux –, la Cour n’a pas reviré sa jurisprudence X Holding BV ; seules peuvent entrer dans le périmètre d’intégration fiscale les sociétés établies dans un même État.

● Commentant la décision de la Cour, une partie de la doctrine a pu considérer que l’intégration fiscale horizontale pourrait également être ouverte aux sociétés sœurs détenues par une mère établie dans un autre État, mais lié à l’État d’implantation des sœurs par une convention fiscale bilatérale comportant une clause de non-discrimination conforme à celle du modèle de convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (287).

● Ce n’est en tout état de cause pas la position retenue par le Gouvernement dans le présent article, qui propose d’adapter notre régime d’intégration fiscale à la jurisprudence de la CJUE. Le régime français est en effet très proche du régime néerlandais, à telle enseigne qu’une procédure d’infraction a été engagée contre la France en octobre 2014. Le Gouvernement fait donc le choix d’une adaptation très rapide du droit national, sans attendre d’y être contraint par un contentieux. La réaction de la France est particulièrement prompte, puisqu’il semblerait que les Pays-Bas, dont la législation est pourtant en cause dans l’arrêt de la Cour, n’aient pas lancé de processus de réforme similaire.

A. LES PRINCIPES DU DISPOSITIF PROPOSÉ

● Cet article prévoit donc la création, au sein du corpus législatif existant, d’un nouveau régime de groupe, qui permettrait l’intégration fiscale horizontale entre sociétés sœurs établies en France et détenues par une société faîtière établie dans un autre État de l’UE ou de l’EEE.

Cette société européenne, dénommée « entité mère non résidente », est la mère du groupe au sens économique, mais, par construction, elle ne peut pas l’être au sens fiscal car elle n’est pas soumise à l’IS en France. Il est cependant exigé d’elle un certain nombre de caractéristiques qui sont, mutatis mutandis, celles requises de la société mère d’une intégration fiscale verticale (IFV) ; à titre d’exemple, si le capital de l’entité mère étrangère vient à être détenu à plus de 95 % par une société soumise à l’IS en France, le groupe horizontal cesse d’exister.

Cette exigence, qui guide toute la construction du nouveau régime d’intégration créé par le présent article, apparaît logique dès lors que l’intégration fiscale horizontale est supposée prendre en compte d’aussi près que possible la réalité d’un groupe économique qui ne peut être intégré fiscalement (conformément à la lettre et à l’esprit de l’arrêt de la CJUE).

Cette exigence permet en outre de ne pas défavoriser, comparativement, les groupes verticaux (donc « franco-français », nonobstant l’existence de sociétés intermédiaires) : puisque leur mère économique – qui s’avère être aussi leur mère fiscale – doit vérifier un certain nombre de conditions, il faut que ces conditions s’imposent également, dans la mesure du possible, à la mère économique d’un groupe horizontal.

● La création de ce nouveau régime d’intégration appelle trois séries de mesures :

– la définition des conditions d’existence du groupe : caractéristiques de l’entité mère non résidente, conditions pour que l’une des sociétés sœurs devienne mère de l’intégration, périmètre du groupe ;

– les modalités de détermination du résultat d’ensemble et les retraitements des opérations intragroupe, mais aussi de celles qui sont réalisées entre les sociétés du groupe et l’entité mère non résidente ;

– les conséquences de la cessation d’un groupe horizontal, ainsi que (voire surtout) leurs atténuations.

Nombre de ces modifications, s’agissant tout particulièrement des opérations intragroupe, sont très proches dans leur forme et leur esprit de celles qui ont été apportées en loi de finances rectificative pour 2009 pour tirer les conséquences de l’arrêt Papillon. D’autres sont plus spécifiques.

● Une analyse fine de chacune des dispositions du présent article aurait nécessité une information préalable de la commission des Finances, qui aura finalement disposé de moins de deux semaines pour instruire le présent projet de loi de finances rectificative, qui compte de nombreux articles particulièrement techniques. Il faut au surplus relever l’indigence de l’évaluation préalable annexée à l’article. La Rapporteure générale ne peut que déplorer les conditions dans lesquelles l’Assemblée nationale est amenée à examiner cet article.

● Par ailleurs, les effets de cet article ne sont pas mesurables. L’évaluation préalable indique, avec une grande prudence, que « seuls deux groupes de sociétés sœurs françaises détenues à 95 % au moins par une même société mère ont été identifiés » (sur 72 sociétés identifiées comme détenues à plus de 95 % par une société étrangère, et sur 1 600 ayant déclaré un lien capitalistique avec une société européenne).

Par voie de conséquence, l’effet budgétaire n’est pas chiffré. Il sera mécaniquement négatif sur les recettes de l’État, sauf à ce qu’aucun groupe horizontal ne se forme. Sans que cette circonstance ait une quelconque valeur prédictive, on remarquera toutefois que certaines réactions immédiates des juristes spécialisés à l’arrêt de la CJUE font état, à l’appui de leur satisfaction, du caractère « a priori non négligeable » de l’impact budgétaire (288).

La réforme proposée pourrait-elle produire des réorganisations de groupes transfrontaliers ? S’il n’est pas possible de répondre par avance à cette interrogation, on peut cependant relever qu’une partie de la doctrine fait observer qu’il est « permis de penser que les groupes ayant créé un établissement stable en France afin de permettre la réalisation d’une intégration fiscale entre les sociétés françaises du groupe filiales d’une mère commune ayant son siège dans l’UE pourraient prochainement fermer cet établissement, l’existence de celui-ci présentant désormais peu d’intérêt » (289). On peut raisonnablement penser, sans aucune certitude, que les établissements stables (290) en question ne constituent pas d’importantes unités opérationnelles à l’effectif fourni.

● Les premiers effets de la réforme proposée pourraient être constatés prochainement. L’essentiel du dispositif entrera en vigueur pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2014 (291), sans qu’aucune règle spécifique de réclamation contentieuse ne soit instaurée, contrairement à ce qu’avait prévu la loi de finances rectificative pour 2009. Mais par application du droit commun (292), les entreprises pourront contester, jusqu’au 31 décembre 2014, les impositions acquittées en 2012 au titre des exercices clos le 31 décembre 2011.

I. PRÉSENTATION DÉTAILLÉE

A. LA DÉFINITION DU PÉRIMÈTRE DE L’INTÉGRATION FISCALE HORIZONTALE

Le A du I du présent article réorganise et modifie l’article 223 A du CGI, qui détermine les conditions d’éligibilité au régime d’intégration fiscale. Cette réorganisation a pour effet de modifier le décompte des alinéas, ce qui appelle de nombreuses coordinations dans le code, auxquelles procèdent les alinéas 8 à 16, 19, 22, 26, 38, 55, 83, 85 et 86 (293).

1. Définition des sociétés du groupe : qui peut entrer dans le groupe ? Qui peut être mère du groupe ? Comment définir la « mère » européenne ?

● En l’état du droit (premier et deuxième alinéas de l’article 223 A), une société (294) soumise à l’IS (la société mère) peut se constituer seule redevable de cet impôt sur les résultats du groupe qu’elle forme avec d’autres sociétés soumises à l’IS (les sociétés du groupe), dont elle détient au moins 95 % du capital de manière continue au cours de l’exercice.

La détention peut être directe ou indirecte, via d’autres sociétés du groupe ou des sociétés intermédiaires (295), détenues directement ou indirectement par la société mère. Une chaîne ininterrompue de participation à plus de 95 % permet donc l’intégration des sous-filiales.

Le capital de la société mère ne peut être détenu à plus de 95 %, directement ou indirectement, par une autre personne soumise à l’IS. Il peut en revanche être détenu à plus de 95 % par une société étrangère ou une société française non soumise à l’IS (par exemple une société civile).

Par exception, il peut être détenu indirectement à plus de 95 % par une personne morale soumise à l’IS (appelée ici A par souci de pédagogie), via :

– soit une ou plusieurs personnes non soumises à l’IS ;

– soit une ou plusieurs personnes soumises à l’IS mais dont le capital n’est pas détenu à plus de 95 % (directement ou indirectement) par A (296).

● Le 1° du A du I, qui commande l’intégralité des modifications proposées par le présent article, rend possible l’intégration fiscale entre sociétés sœurs, en créant une nouvelle forme de groupe, au futur deuxième alinéa du I de l’article 223 A du CGI (297) (alinéa 5).

La « société mère » (298) d’une intégration fiscale horizontale – qui est en fait une société sœur de celles avec lesquelles elle forme un groupe – peut se constituer seule redevable de l’IS du groupe (299). Pour ce faire, elle doit être détenue à 95 % au moins par une société soumise à un impôt équivalent à l’IS dans un autre État membre de l’UE ou de l’EEE.

Cette société européenne, dénommée « entité mère non résidente », peut détenir la société mère directement ou indirectement, via des « sociétés étrangères » – c’est-à-dire soumises à un impôt équivalent à l’IS dans l’UE ou l’EEE – qu’elle détient à plus de 95 %. L’entité mère non résidente est la mère du groupe au sens économique, mais, par construction, elle ne peut pas l’être au sens fiscal car elle n’est pas soumise à l’IS en France. Comme cela a été exposé supra, il est cependant exigé d’elle un certain nombre de caractéristiques proches de celles requises de la société mère d’une intégration fiscale verticale.

Peuvent entrer dans le périmètre de l’intégration :

– les sociétés soumises à l’IS détenues à plus de 95 % par l’entité mère non résidente, directement ou indirectement via une société étrangère ou la société mère ;

– les sociétés détenues à plus de 95 % par des sociétés du groupe.

Les règles de détention du capital sont adaptées à l’intégration fiscale horizontale (alinéa 6) :

– le capital de l’entité mère non résidente ne doit pas être détenu à plus de 95 %, directement ou indirectement, par une personne soumise à l’IS en France ou à un impôt équivalent dans l’UE ou l’EEE. Cette condition est une transposition de celle qui empêche la société mère d’une intégration fiscale verticale d’être détenue à plus de 95 % par une société soumise à l’IS ; elle s’inscrit dans la logique exposée supra, consistant à assimiler autant que possible l’entité mère non résidente à l’entité dirigeante du groupe fiscal formé en France par ses filiales ;

– le capital de la société mère ne doit pas être détenu par une société pouvant elle-même se constituer mère d’une intégration horizontale, via laquelle l’entité mère non résidente détient plus de 95 % du capital de la société mère. Cette condition a pour objet de faire en sorte que la société mère d’une intégration fiscale horizontale soit la plus « proche » possible, au regard de ses conditions de détention, de l’entité mère non résidente. Les schémas ci-après, transmis par la direction de la législation fiscale, fournissent d’utiles illustrations (300).

Schéma 1

Cas d’une intégration fiscale horizontale (IFH) permise par une détention indirecte,
lorsque le taux de détention de 95 % par l’entité mère non résidente est atteint
par l’intermédiaire de sociétés françaises

Les sociétés F1, F2 et F5 ne peuvent pas être société mère d’IFH, car l’entité mère non résidente (ME) atteint le taux de détention de 95 % dans ces sociétés par l’intermédiaire de la société Fm, qui peut elle-même se constituer seule redevable de l’IS dans les conditions du deuxième alinéa du I de l’article 223 A du CGI (IFH).

F6 peut aussi se constituer seule redevable de l’IS dans les conditions du même deuxième alinéa.

Si Fm ne forme pas d’IFH, elle peut former une intégration fiscale verticale (IFV) avec F3 et F4.

Schéma 2

Une société française soumise à l’IS détient des sociétés françaises soumises à l’IS
par l’intermédiaire de sociétés établies dans l’UE

1ère hypothèse : l’IFH n’est pas permise

Dans l’hypothèse où la société A peut se constituer mère d’intégration, parce que X est soumise à l’IS et ME est soumise à un impôt équivalent, ou parce que E et ME sont soumises à un impôt équivalent, il n’est pas possible de former une IFH entre F1 et F2.

Le groupe dispose par ailleurs d’une solution pour former une intégration : le groupe « Papillon » formé selon le premier alinéa du I de l’article 223 A du CGI (ME ayant alors la qualité de société intermédiaire).

2ème hypothèse : détention de ME par l’intermédiaire de sociétés non soumises à l’IS

Dans cette hypothèse :

– soit A détient ME à 95 % par l’intermédiaire de E, non soumise à un impôt équivalent à l’IS ;

– soit A détient ME par l’intermédiaire de X, non soumise à l’IS.

Dans les deux cas, l’IFH entre F1 et F2 est possible.

Motif : en régime de groupe classique, une société Y peut se constituer société mère lorsqu’elle est détenue par une société T soumise à l’IS en France, par l’intermédiaire d’une société S non soumise à l’IS.

Par exception, le capital de l’entité mère non résidente peut être indirectement détenu à plus de 95 % par une personne morale soumise à l’IS en France ou à un impôt équivalent dans l’UE ou l’EEE (appelée ici A par commodité), via :

– soit une ou plusieurs personnes non soumises à l’IS ou à un impôt équivalent ;

– soit une ou plusieurs personnes soumises à l’IS ou à un impôt équivalent mais dont le capital n’est pas détenu à plus de 95 % (directement ou indirectement) par A.

● Il faut relever qu’il n’est tiré aucune conséquence de l’arrêt de la CJUE s’agissant des intégrations fiscales spécifiques qui peuvent être formées par les entreprises d’assurance et les mutuelles, d’une part, et les réseaux bancaires mutualistes, d’autre part (deuxième à quatrième alinéas de l’actuel article 223 A). Pour ces entreprises, la condition de détention du capital à plus de 95 % par une entité mère non résidente ne saurait être remplie : les assurances et mutuelles ne sont pas dotées d’un capital, tandis que celui des banques mutualistes est détenu par les caisses composant le réseau, elles-mêmes détenues par les clients sociétaires.

1. Les formalités de constitution et d’existence du groupe : accord des sociétés du groupe, concordance des exercices, information de l’administration sur les évolutions du périmètre

● La qualification de « société du groupe » ou de « société intermédiaire » est conditionnée au fait que ladite société soit soumise à l’IS ou à un impôt équivalent et qu’elle ait donné son accord pour être qualifiée ainsi (accord conditionnant l’entrée dans le groupe dans le premier cas).

Ces conditions sont adaptées à l’intégration fiscale horizontale (b dudu A du I-alinéa 18) :

– la société mère doit accompagner son option en faveur de l’intégration de l’accord de l’entité mère non résidente et des sociétés étrangères ;

– pour devenir membre d’une IFH, une société doit non seulement donner son propre accord, mais l’accompagner de celui de l’entité mère non résidente et des sociétés étrangères ;

– il est précisé que les sociétés membres d’un groupe horizontal (société mère et filiales) ne peuvent être mères d’un autre groupe. Dans le silence de la loi, une société membre d’un groupe horizontal aurait en effet pu devenir mère d’un groupe vertical, car elle n’est pas nécessairement détenue à plus de 95 % par une société soumise à l’IS. La précision apportée ici a donc pour objet d’établir un traitement symétrique entre les sociétés membres des deux types de groupe, afin notamment de ne pas désavantager les groupes non transnationaux. La société qui peut être mère d’une IFH ou d’une IFV peut choisir l’une ou l’autre option.

Schéma 3

Une société mère française détenue par une entité mère non résidente peut soit former une intégration fiscale classique, soit une IFH

La société A peut se constituer société mère soit selon le premier alinéa du I de l’article 223 A (groupe classique), soit selon le deuxième alinéa du même I (IFH).

Les accords doivent être formulés dans les mêmes délais que ceux prévus par le droit existant, en principe avant l’expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice précédant celui où la société devient entité mère non résidente, société étrangère ou société du groupe (c dudu A du I-alinéa 23).

● Le principe selon lequel les sociétés membres du groupe, ainsi que les sociétés intermédiaires, doivent ouvrir et clore leurs exercices (en principe de douze mois) à la même date est étendu à l’entité mère non résidente et aux sociétés étrangères (a dudu A du I-alinéa 21).

● La société mère doit fournir l’administration, avant la date d’expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultat, la liste des sociétés membres du groupe et des sociétés intermédiaires et la liste de celles qui cessent de l’être. Elle devra désormais y ajouter, le cas échéant, l’entité mère non résidente et les sociétés étrangères (du A du I-alinéa 25).

A. LES RETRAITEMENTS PERMETTANT LA DÉTERMINATION DU RÉSULTAT D’ENSEMBLE

En application de l’article 223 B du CGI, le résultat d’ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe. Une série de retraitements doit être opérée, afin d’éviter les doubles impositions ou, à l’inverse, les doubles déductions résultant d’opérations intragroupe. Il est nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques à l’intégration fiscale horizontale, pour faire en sorte que seules les opérations assimilables à des opérations intragroupe fassent l’objet des retraitements prévus en cas d’intégration fiscale verticale.

1. Les produits de participation

● Au sein d’une intégration fiscale verticale, lorsqu’une société membre du groupe depuis plus d’un exercice « remonte » à une autre société membre du groupe un dividende rémunérant sa participation, le produit qui serait imposable chez la bénéficiaire du dividende en l’absence d’intégration fiscale ne l’est pas, car il trouve son origine dans les bénéfices dégagés par la société qui le remonte, et compris à ce titre dans le résultat d’ensemble.

Ne sont donc pas pris en compte dans ce résultat :

– soit la quote-part représentative de frais et charges (5 % du montant du dividende), seul élément taxable chez la bénéficiaire si le dividende est exonéré du fait du régime des sociétés mères et filiales (301) ;

– soit l’intégralité du dividende si ce régime n’est pas applicable.

Depuis la prise en compte de l’arrêt Papillon, cette neutralisation est également pratiquée lorsque le produit de participation est versé à une société membre du groupe par une société intermédiaire, sous réserve que la société mère apporte la preuve :

– que ce produit provient en fait d’une participation détenue par la société intermédiaire dans une autre société membre du groupe depuis plus d’un exercice ;

– que ce produit n’a pas déjà fait l’objet d’une neutralisation (par exemple parce que la société intermédiaire et la société membre du groupe qui lui remonte le dividende sont placées sous le régime mère-fille).

● Le du C du I (alinéa 28) étend cette neutralisation, sous les mêmes conditions, aux produits de participations versés à une société membre du groupe par une société étrangère ou une entité mère non résidente. En première analyse, de tels flux semblent rares, mais il est possible qu’une société du groupe détenue à plus de 95 % par une entité mère non résidente détienne elle aussi des titres de l’entité mère non résidente, ou d’une société étrangère au sens du futur deuxième alinéa du I de l’article 223 A.

Schéma 4

Distribution de dividendes à l’entité mère non résidente, ou à une société étrangère, dont une partie revient à une société membre du groupe

Fm et F2 forment ensemble une IFH (ME étant entité mère non résidente).

La société Fm détient une participation d’autocontrôle dans ME.

Le dividende versé par ME à Fm peut être déduit pour la détermination du résultat d’ensemble dans la mesure où le groupe démontre qu’il a pour origine le dividende versé par F2 à ME.

1. Les provisions pour créances, titres et risques

● Les dotations aux provisions constituées par une société du groupe (A) à raison de la dépréciation des créances et titres qu’elle détient dans une autre société du groupe (B), ou des risques qu’elle encourt du fait de cette société, ne sont pas déduites du résultat d’ensemble. En effet, les pertes de B, à l’origine des dotations aux provisions de A, sont déduites du résultat d’ensemble. Symétriquement, la reprise ultérieure de sa provision par A sera déduite du résultat d’ensemble (302), car les bénéfices de B qui permettent cette reprise seront, eux, compris dans le résultat d’ensemble.

● Dans le cadre de l’intégration fiscale horizontale, il est nécessaire d’étendre ce principe de neutralisation aux provisions dotées à raison des sociétés étrangères et de l’entité mère non résidente. La déduction peut toutefois avoir lieu pour la fraction dont la société mère prouve qu’elle n’est pas liée à une société du groupe (du C du I-alinéa 29(303).

Exemple : la société F1, mère du groupe horizontal formé avec F2, dote une provision pour dépréciation des titres qu’elle détient dans la société étrangère E. E détient des titres de F2, dont le résultat est déficitaire. Si F1 ne prouve pas que la dotation de la provision pour dépréciation des titres de E ne résulte pas (ou pas totalement) des pertes de F2 (qui ont fait perdre de la valeur aux titre de E détenus par F1), la provision n’est pas (ou pas totalement) admise en déduction du résultat d’ensemble.

1. Les jetons de présence et les tantièmes

● Les administrateurs d’une société sont rémunérés, au titre de leur participation à la gouvernance d’une société par le versement de jetons de présence ou de tantièmes (fractions du bénéfice de la société). En application de l’article 210 sexies du CGI, ces charges sont déductibles de l’assiette de l’IS, dans la limite d’un plafond. Lorsque la société est membre d’une intégration fiscale, le résultat d’ensemble est majoré du montant des jetons et tantièmes déduits par la société.

● Le du C du paragraphe I (alinéa 30) prévoit en outre, dans le cadre d’une intégration fiscale horizontale, la réintégration au résultat d’ensemble des jetons et tantièmes déduits par la société mère. Cette réintégration, qui semble contre-intuitive, est en réalité logique : seule la rémunération des administrateurs participant à la gouvernance du groupe, et non de ses filiales, a vocation à être déduite du résultat d’ensemble. Or, la gouvernance du groupe économique auquel appartiennent les sociétés sœurs n’est pas assurée par la société mère de l’intégration fiscale horizontale, mais bien par l’entité mère non résidente.

1. Les aides inter-entreprises (abandons de créance et subventions)

● Les abandons de créance et les subventions sont en principe déductibles du résultat de la société qui les consent et taxables chez la société qui en bénéficie.

En intégration fiscale, les aides intragroupe sont neutralisées pour la détermination du résultat d’ensemble, ce qui se traduit par :

– la réintégration des sommes déduites pour la détermination de son résultat individuel par la société qui consent l’aide ;

– la déduction des sommes comprises dans le résultat individuel de la société qui en bénéficie.

Lorsque l’aide n’est pas déductible chez la société qui la consent, ce qui est désormais le cas des aides à caractère financier, le seul retraitement à opérer au niveau du résultat d’ensemble consiste à le réduire du montant de l’aide reçue par la société qui en bénéficie.

Ces retraitements de sens contraire ont pour but de permettre à l’administration d’assurer un suivi de ces opérations (304), afin de procéder à la « déneutralisation » en cas de cessation du groupe ou de sortie du groupe d’une des sociétés concernées. Ainsi, un abandon de créance non imposé car réalisé intragroupe pourra l’être si la société bénéficiaire quitte le groupe (ou si celui-ci cesse d’exister) dans un délai de cinq exercices suivant celui de sa réalisation ; symétriquement, si l’abandon de créance était déductible, la déduction est alors permise.

● Le du C du paragraphe I (alinéa 31) étend le principe de neutralisation aux aides consenties entre une société du groupe et une société étrangère ou l’entité mère non résidente, sauf si la société mère prouve qu’il s’agit d’une opération hors-groupe :

– une aide consentie par une société du groupe à une société étrangère ou à l’entité mère non résidente n’est pas déduite du résultat d’ensemble sauf pour sa fraction :

o qui n’est pas reversée au cours du même exercice à des sociétés du groupe (car cette fraction, conservée par une société non membre du groupe, ne constitue pas une aide intragroupe) ;

o et pour laquelle la mère apporte la preuve qu’elle n’est pas liée à des pertes au sein du groupe ;

– une aide consentie par une société étrangère ou l’entité mère non résidente à une société du groupe n’est pas réintégrée, à hauteur de la fraction pour laquelle la mère apporte la preuve qu’elle provient d’une aide consentie par une société du groupe à une société étrangère ou à l’entité mère non résidente.

Pour le dire plus simplement, les sociétés étrangères et l’entité mère non résidente sont considérées comme transparentes si l’aide ne fait que transiter par elles, traduisant en réalité une aide intragroupe. Le traitement fiscal est alors le même que celui prévu pour une aide authentiquement intragroupe. La qualité d’aide hors-groupe, totale ou partielle, peut toutefois être prouvée par la société mère.

1. L’« amendement Charasse »

● Ce dispositif, couramment désigné par le nom du ministre du budget qui en est à l’origine (305), a pour objet de limiter les pratiques d’optimisation consistant, pour une société A, à céder à une société B dont elle a le contrôle (306) les titres qu’elle détient dans société C, C devenant membre du même groupe fiscal que B. Un tel montage permet à A, tout en conservant le contrôle de C via B, de récupérer des liquidités à hauteur de la valeur de C, dont B lui achète les titres. Les charges financières engagées par B pour acquérir les titres de C sont déductibles du résultat d’ensemble du groupe fiscal que B forme avec C, et minorent de ce fait l’assiette taxable.

Afin d’empêcher que l’État subventionne ainsi les opérations de « rachat à soi-même », le septième alinéa de l’article 223 B du CGI prévoit la réintégration dans le résultat d’ensemble du groupe d’une fraction des charges financières afférentes à l’acquisition par une société du groupe (B) des titres d’une autre société qui est ou devient membre du groupe (C), dès lors que les titres ont été acquis auprès d’une société la contrôlant (A). La fraction à réintégrer est fixée forfaitairement comme le rapport entre le coût de l’acquisition (307) et le montant moyen de l’endettement de l’ensemble des sociétés du groupe. La réintégration s’étend de l’exercice d’acquisition jusqu’au huitième exercice suivant.

La dernière loi de finances rectificative pour 2009 a étendu l’application de ce mécanisme en cas d’acquisition des titres d’une société française (y compris si elle est déjà membre du groupe) auprès d’une société intermédiaire qui la contrôle, ou d’acquisition auprès d’une personne qui la contrôle des titres d’une société intermédiaire détenant une société du groupe. Pour le calcul des charges financières à réintégrer, le coût d’acquisition est ramené à la valeur vénale des titres de la société du groupe acquis (directement ou indirectement) auprès de la société intermédiaire.

● Le du C du paragraphe I (alinéa 32) prévoit, dans les mêmes conditions, l’application de l’« amendement Charasse » en cas d’acquisition de titres d’une société étrangère.

Schéma 5

Exemple d’application de l’« amendement Charasse » en IFH,
en cas d’acquisition des titres d’une société étrangère

AVANT

APRÈS

F1 acquiert les titres B auprès de ME. L’amendement Charasse s’applique, de la même manière qu’il s’applique lorsqu’une société d’un groupe « Papillon » acquiert des titres d’une société intermédiaire auprès d’une société avec laquelle elle a un lien de contrôle.

Dans ce cas, le rapport de réintégration de la charge financière est limité, pour ce qui concerne le prix d’acquisition des titres, à la valeur vénale des titres de la société F2.

1. Le régime de lutte contre la sous-capitalisation propre aux groupes

● Le II de l’article 212 du CGI limite la déductibilité des intérêts d’emprunt lorsque le montant servi par une société à l’ensemble des entreprises qui lui sont liées directement ou indirectement (308) excède simultanément, au cours du même exercice, les trois ratios suivants :

– un ratio d’endettement global, dépassé lorsque les avances consenties par des entreprises liées (ou par des entreprises non liées lorsque leur remboursement est garanti par une entreprise liée) sont supérieures à une fois et demie le montant des capitaux propres de la société (309) ;

– un ratio de couverture d’intérêts, dépassé lorsque le montant des intérêts servis à des entreprises liées est supérieur à 25 % du résultat courant avant impôt de la société, majoré d’un certain nombre d’éléments (310) ;

– un ratio d’intérêts servis à des entreprises liées, dépassé lorsque le montant de ces intérêts excède celui des intérêts reçus de ces mêmes entreprises.

Lorsque ces trois ratios sont simultanément dépassés, la société est présumée sous-capitalisée ; en conséquence, la partie des intérêts qui excède le plus élevé des trois ratios doit en principe être réintégrée dans la base imposable.

La fraction d’intérêts non déductibles au titre de l’exercice concerné peut être reportée sur les exercices suivants, dans la limite du seuil précité de 25 %, et sous déduction d’une décote de 5 % à compter de l’exercice N+2.

En intégration fiscale, les intérêts non déductibles chez les filiales du fait du régime de sous-capitalisation ne sont pas reportables sur les exercices ultérieurs, mais ils peuvent être déduits du résultat d’ensemble du groupe, dans des limites spécifiques. Ces intérêts sont en effet déductibles pour leur fraction excédant la différence entre :

– le montant des intérêts versés par les filiales à des sociétés liées hors du groupe, majoré des intérêts différés antérieurs à l’entrée dans le groupe, qui restent imputables sur le résultat individuel (soit les intérêts versés hors du groupe à des sociétés liées, au cours de l’exercice ou antérieurement) ;

– un ratio de couverture d’intérêts, égal à 25 % de la somme des résultats courants avant impôt de l’ensemble des sociétés membres du groupe (majoré notamment des intérêts versés à des sociétés liées hors du groupe, et minoré notamment des dividendes perçus d’une société du groupe).

La loi de finances rectificative pour 2009 a adapté ce dispositif aux groupes « Papillon », pour assimiler les intérêts versés à des sociétés intermédiaires à des intérêts versés à des sociétés liées hors groupe. Pour l’appréciation de la différence dont les termes viennent d’être décrits, le montant des intérêts versés à des sociétés hors du groupe n’est minoré de celui des intérêts versés à des sociétés intermédiaires que si la société mère apporte la preuve qu’il s’agit en réalité d’intérêts intragroupe. Les mêmes conséquences sont prévues pour le calcul du second terme de la différence.

● Les etdu C du paragraphe I (alinéas 33 et 34) traitent les sociétés étrangères et l’entité mère non résidente comme les sociétés intermédiaires.

1. Les plus-values et moins-values de cession de titres

● L’article 223 F du CGI prévoit la neutralisation des plus ou-moins-values de cession intragroupe d’immobilisations ou de titres, qui ne sont donc pas prises en compte (plus-value déduite, moins-value réintégrée) :

– dans le résultat d’ensemble, lorsqu’elles sont afférentes à des immobilisations ou des titres non éligibles au régime du long terme ;

– dans la plus ou moins-value nette d’ensemble, lorsqu’elles sont afférentes à des titres de participation éligibles au régime du long terme.

Les plus et moins-values intragroupe sont « déneutralisées » lorsque les immobilisations ou les titres sont cédés hors du groupe, lorsque le groupe cesse ou que l’une ou l’autre des sociétés parties à la cession en sort. Cette règle ne s’applique toutefois pas lorsque la sortie du groupe résulte de la fusion (311) de l’une des deux parties avec une autre société du groupe ou une société intermédiaire (article 223 R). On notera au passage que la réintégration d’une plus-value de long terme dans la plus-value nette à long terme ne produit en elle-même aucun effet fiscal, puisque cette plus-value est soumise à un taux d’IS de 0 % ; en revanche, elle entraîne la réintégration au résultat d’ensemble de la quote-part représentative de frais et charges, égale à 12 % des plus-values brutes (cf. supra).

La plus ou moins-value constatée par une société du groupe à l’occasion de la cession de titres d’une autre société du groupe à une société intermédiaire est également neutralisée. Si la société mère d’un groupe cède les titres d’une de ses filiales membres du groupe à une société intermédiaire, le périmètre du groupe n’est pas modifié, et il convient donc de soumettre la plus ou moins-value aux mêmes règles de « neutralisation-déneutralisation » (312). Il est prévu un cas de « déneutralisation » spécifique aux groupes « Papillon », s’agissant des plus ou moins-values de titres cédés par une société intermédiaire à une société tierce (ni membre du groupe, ni intermédiaire) n’ayant pas pour effet de faire sortir du groupe la société dont les titres sont cédés (car la société intermédiaire en conserve, malgré la cession, plus de 95 % du capital).

● Le F du paragraphe I (alinéas 39 à 41) étend les dispositions prévues pour les sociétés intermédiaires aux sociétés étrangères et à l’entité mère non résidente. Le I du paragraphe I (alinéa 81) étend l’exception prévue à l’article 223 R aux fusions avec une société étrangère.

A. L’ATTÉNUATION DES CONSÉQUENCES DE CERTAINES RESTRUCTURATIONS

Les conséquences fiscales habituellement attachées à la cessation d’un groupe fiscal ne trouvent pas à s’appliquer dans certains cas de restructuration de la société mère, si un autre groupe est immédiatement formé.

Cette continuité de l’intégration fiscale peut trouver à s’appliquer, sous conditions, en cas d’absorption, de prise de contrôle, de scission et de scission partielle (sur le modèle général de l’absorption). Elle permet notamment de bénéficier de l’imputation du déficit sur une base élargie.

Enfin, un régime particulier est prévu pour les entreprises en difficulté.

Dans tous ces cas de figure, les spécificités de l’intégration fiscale horizontale doivent être prises en compte : pour la bonne appréhension de la substance économique du groupe, il faut non seulement étendre les dispositions actuellement prévues aux sociétés mères d’une IFH, mais également prévoir leur application au cas particulier de l’entité mère non résidente.

1. L’absorption de la société mère ou de l’entité mère non résidente

● En application du c du 6 de l’article 223 L du CGI, la société qui absorbe une société mère d’une intégration fiscale peut constituer un nouveau groupe avec les filiales du groupe dissous dès l’ouverture de l’exercice au cours duquel a lieu la fusion, à condition bien sûr de respecter les conditions pour être société mère. Si elle était déjà mère d’un groupe, elle peut y faire entrer les sociétés membres de l’ancien groupe, ce qui suffit à constituer un nouveau groupe aux yeux de la loi. Les plus-values neutralisées dans l’ancien groupe sont rapportées au résultat d’ensemble (ou de la plus ou moins-value nette d’ensemble) du nouveau groupe. Le déficit d’ensemble et la moins-value nette d’ensemble de l’ancien groupe peuvent s’imputer sur les réintégrations ainsi opérées.

● Ce régime est étendu par le a du du H du I (alinéa 47) au cas où la société mère d’une intégration horizontale vient à être absorbée par une société soumise à l’IS. Celle-ci pourra alors former soit une nouvelle intégration horizontale si elle est détenue à plus de 95 % par l’entité mère non résidente, soit une intégration verticale avec l’ancienne mère horizontale et d’autres sociétés répondant aux conditions leur permettant d’entrer dans le groupe.

Mais il est également étendu au cas où c’est l’entité mère non résidente (ou bien une société étrangère contrôlée par elle) qui est absorbée. Cela est cohérent dans la mesure où la disparition de la tête de groupe au sens économique doit entraîner en principe la cessation de l’intégration fiscale horizontale : s’il peut être dérogé sous conditions à ces conséquences en cas d’absorption d’une société mère dans le cadre d’une IFV, il faut également y déroger en cas d’absorption de l’entité mère non résidente ou de la société étrangère en cas d’IFH.

Le c dudu H du paragraphe I (alinéas 49 à 52) permet de ne pas tirer les conséquences fiscales de la cessation du groupe lorsque :

– l’entité mère non résidente ou la société étrangère est absorbée par une société soumise à l’IS, sous réserve que celle-ci remplisse les conditions pour être société mère et forme depuis l’ouverture de l’exercice de fusion un groupe avec les sociétés de l’ancien groupe horizontal. Il peut s’agir d’un groupe vertical ou horizontal ;

– l’entité mère non résidente est absorbée par une société ou un établissement stable européen soumis à un impôt équivalent à l’IS, sous réserve qu’un nouveau groupe (vertical ou horizontal) soit formé par une société soumise à l’IS. C’est cette société qui procède aux réintégrations mentionnées supra, l’absorbante n’étant pas en l’espèce société mère, puisqu’elle n’est pas sujet de droit fiscal français.

1. La prise de contrôle

● Le d du 6 de l’article 223 L du CGI prévoit que, si la société mère vient à être détenue en cours d’exercice à plus de 95 % par une autre société susceptible de former un groupe, cette société peut se constituer mère de l’ancien groupe, intégré le cas échéant à celui qu’elle formait antérieurement.

● Les dispositions prévues en cas d’absorption de la société mère ou de l’entité mère non résidente sont transposées par le du H du paragraphe I (alinéas 53 à 60) aux cas où :

– au moins 95 % du capital de l’entité mère non résidente ou d’une société étrangère sont acquis par une société soumise à l’IS ;

– au moins 95 % du capital de l’entité mère non résidente sont acquis par une société ou un établissement stable européen soumis à un impôt équivalent à l’IS.

1. La scission

● Le e du 6 de l’article 223 L du CGI transpose, en y faisant directement référence, les dispositions du c du même 6 au cas d’une scission de la société mère, dans les conditions prévues à l’article 210 B (313).

● C’est donc presque par coordination que le du H du I (alinéas 61 à 64) prévoit :

– qu’un nouveau groupe puisse être formé, dans les conditions habituelles, en cas de scission de la société mère d’un groupe horizontal ;

– qu’en cas de scission de l’entité mère non résidente :

o si la société bénéficiaire des apports est soumise à l’IS, elle peut constituer un nouveau groupe avec les sociétés membres de l’ancienne IFH ;

o si une société ou un établissement stable européen soumis à un impôt équivalent à l’IS est bénéficiaire des apports, un nouveau groupe (vertical ou horizontal) peut être formé par une société soumise à l’IS.

Schéma 6

Scission de l’entité mère non résidente au profit de mères françaises

AVANT

Fm s’est constituée seule redevable (société mère IFH dans les conditions du 2ème alinéa du I de l’article 223 A du CGI)

APRÈS : ME est scindée en M1 et M2

M1 et M2 peuvent se constituer sociétés mères rétroactivement au premier jour de l’exercice de la scission (article 223 L 6 e, 3ème alinéa et renvoi au 1° de l’article 223 L 6 c)

Schéma 7

Scission de l’entité mère non résidente au profit de sociétés qui remplissent aussi les conditions pour être entité mère non résidente

AVANT

Fm s’est constituée seule redevable (société mère IFH dans les conditions du deuxième alinéa du I de l’article 223 A du CGI).

APRÈS : ME est scindée en ME1 et ME2

FM et F2 d’une part, et F3 et F4 d’autre part, peuvent former des IFH sans interruption temporelle (renvoi au 2° de l’article 223 L 6 c).

À cette occasion, F2 à la possibilité de devenir société-mère du groupe qu’elle forme avec FM (choix de la tête de groupe).

1. La scission partielle

● Le g du 6 de l’article 223 L permet d’atténuer les conséquences des opérations d’apport-attribution (ou scission partielle). La réalisation d’une telle opération se décompose en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, une société tête de groupe apporte, sous le bénéfice du régime prévu à l’article 210 B du CGI, les titres de certaines de ses filiales à une société tierce.

Elle reçoit en échange des titres de la société bénéficiaire de l’apport, qu’elle répartit entre ses associés, sous le bénéfice du régime prévu par le 2 de l’article 115 (314).

La société bénéficiaire de l’apport peut alors constituer un groupe avec les filiales sorties, du fait de la scission partielle, du périmètre d’intégration de la société mère qui réalisé l’opération.

● Le du H du paragraphe I (alinéas 65 à 68) étend ces dispositions au cas d’un apport-attribution effectuée par la mère d’une IFH.

Schéma 8

Scission partielle (apport attribution) de l’entité mère non résidente
au profit d’une mère française

AVANT (et en grisé : apport attribution)

Fm s’est constituée seule redevable de l’IS (société mère IFH avec les sociétés F2 et F3 dans les conditions du 2ème alinéa du I de l’article 223 A du CGI).

*L’APA (apport-attribution) prend effet au premier jour de l’exercice des sociétés apportées.

APRÈS apport attribution

M peut se constituer société mère d’un groupe d’intégration fiscale classique formé avec X, Fm, F2 et F3 à compter de l’exercice au cours duquel intervient l’apport (article 223 L 6 g du CGI).

Il est par ailleurs prévu que, si une opération d’apport-attribution réalisée par l’entité mère non résidente (315) a pour conséquence qu’elle ne détienne plus le capital de sociétés membres de l’IFH, une société répondant aux conditions habituelles peut se constituer mère du groupe formé avec les anciennes sociétés membres de l’IFH.

Schéma 9

Scission partielle de l’entité mère non résidente au profit d’une autre société remplissant les conditions pour être entité mère non résidente

AVANT (et en grisé : apport attribution)

Fm s’est constituée seule redevable (société mère IFH dans les conditions du 2ème alinéa du I de l’article 223 A du CGI)

APRÈS

1. L’imputation du déficit sur base élargie

● Le 5 de l’article 223 I du CGI prévoit que, lorsqu’un nouveau groupe peut être immédiatement constitué après dissolution d’un ancien groupe à la suite de certaines restructurations, l’éventuel déficit d’ensemble d’un groupe dissous peut être imputé, selon un système dit « de base élargie », sur les résultats des filiales qui ont intégré le nouveau groupe.

La loi de finances rectificative pour 2009 a inséré un i du 6 de l’article 223 L prévoyant un nouveau cas de dissolution suivie d’une intégration, auquel est applicable le système d’imputation sur une base élargie ; ce nouveau cas concerne les groupes « Papillon ».

Une société française A détenue à plus de 95 % par une autre société française B via une société intermédiaire C peut rejoindre le groupe dont B est la mère. Mais elle peut également constituer son propre groupe (elle est certes détenue à plus de 95 % par une société soumise à l’IS, B, mais via une entité – la société intermédiaire C – qui ne l’est pas). Elle pourra rejoindre ultérieurement l’autre groupe, dont A est la mère. Les règles qui régissent le passage d’un groupe à l’autre sont calquées sur celles prévues au d du 6 de l’article 223 L (acquisition de plus de 95 % d’une société mère par une société soumise à l’IS, cf. supra).

● Comme c’est le cas pour les autres types de restructuration précédemment évoqués, le présent article prévoit que les notions de sociétés mères et de groupe doivent aussi s’entendre du groupe horizontal et de sa mère (du H du paragraphe I-alinéas 73 à 75).

Le du H du I (alinéas 76 à 80) introduit un j au 6 de l’article 223 L (316), prévoyant un nouveau cas de restructuration ouvrant droit à l’imputation sur base élargie. C’est le du G du I (alinéa 43) qui, en modifiant le 5 de l’article 223 I, étend la base élargie à ce nouveau cas de restructuration. Dans une logique analogue à ce qui a été prévu pour les groupes « Papillon », il s’agit de prévoir la formation d’un groupe horizontal à partir d’un groupe vertical.

Lorsque le capital d’une société mère d’un groupe vertical est détenu ou vient à être détenu (après une opération de rachat, donc) à plus de 95 % par une entité mère non résidente (directement ou via une société étrangère), cette société peut entrer dans le groupe horizontal formé par une autre société mère, ou se constituer elle-même société mère d’un groupe horizontal.

Les conditions d’option, de durée d’exercice et les effets qui en résultent sont équivalents à ceux prévus au i (et donc au d puisque les règles du i sont calquées sur celui-ci) du 6 de l’article 223 L :

– l’option pour le régime d’intégration fiscale est exercée au plus tard pour le dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice précédant celui d’application de l’option ;

– la durée du premier exercice des sociétés du groupe ainsi formé peut être inférieure ou supérieure à douze mois ;

– le groupe de l’ancienne société mère cesse d’exister à la date de clôture précédant l’exercice de l’option. L’ancienne société mère ajoute au résultat d’ensemble de cet exercice les sommes dont la réintégration est prévue du fait de la sortie du groupe de toutes les sociétés qui le composaient.

Schéma 10

Exemple d’imputation sur une base élargie

Avant

ME2 absorbe l’entité mère non résidente ME (F1 et F2 ont formé une IFH dont F1 est société mère).

Après

Du fait des dispositions du c du 6 de l’article 223 L du CGI, un groupe IFH peut être formé dès l’ouverture de l’exercice de fusion entre F1, F2 et F3 (la société mère est librement choisie au sein de ce nouveau groupe formé entre F1, F2 et F3).

Mais il s’agit d’une atténuation temporelle : le groupe initialement formé entre F1 et F2 cesse, avec pour conséquence, notamment que le déficit de cet ancien groupe est attribué à la société mère F1.

Ensuite, F1, membre du nouveau groupe (F1 – F2 – F3) ne peut en principe l’imputer que sur ses bénéfices propres, puisqu’il s’agit d’un déficit antérieur au nouveau groupe.

Mais les dispositions du 5 de l’article 223 I permettent d’imputer ce déficit sur une base élargie constituée des bénéfices des sociétés qui étaient membres de l’ancien groupe (F1 et F2).

1. Le cas particulier des entreprises en difficulté

● L’article 223 E du CGI prévoit que les déficits et les moins-values nettes à long terme retenus pour la détermination du résultat d’ensemble ne sont pas déductibles du résultat de la société qui les a subis.

Lorsque les titres des filiales sont cédés dans le cadre d’une liquidation judiciaire de la société mère entraînant la cessation du groupe, ces filiales retrouvent, par exception, la disposition de la fraction du déficit et de la moins-value à long terme encore reportable, qu’elles avaient transmis à la société mère pendant la période d’intégration. Le même dispositif s’applique dans le cas où une filiale fait l’objet d’une procédure collective et sort du groupe du fait de la cession de ses titres.

Le h du 6 de l’article 223 L du CGI prévoit, dans ce cas, que la filiale puisse constituer un nouveau groupe, sous les conditions habituelles, avec les sociétés qui faisaient partie du groupe dont elle vient de sortir, ou bien entre dans un nouveau groupe sans en être la mère.

● Le du H du I (alinéas 69 à 72) du présent article prévoit que les groupes mentionnés ici peuvent être horizontaux aussi bien que verticaux.

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La Commission adopte l’article 30 sans modification.

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Article additionnel après l’article 30

Prorogation de la déduction pour investissement applicable aux entreprises de presse

La Commission examine l’amendement CF 2 de M. Jean-Marie Beffara.

M. Jean-Marie Beffara. Il s’agit de proroger jusqu’en 2017 le régime spécial des provisions pour investissements dont peuvent bénéficier la presse écrite et la presse en ligne, compte tenu des difficultés que connaît ce secteur qui a besoin de se moderniser.

Mme la Rapporteure générale. Je suis favorable à cette mesure, dont le coût s’élève à environ 2 millions d’euros par an.

La Commission adopte l’amendement CF 2 (amendement 387).

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Après l’article 30

La Commission examine l’amendement CF 57 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je vous propose, monsieur le président, que François André, qui en est le rapporteur, nous présente l’état d’avancement des travaux de la mission d’information sur la fiscalité agricole sur la déduction pour aléas – DPA – et la déduction pour investissement – DPI –, qui font l’objet de plusieurs amendements.

M. François André. La création de cette mission d’information fait suite aux Assises de la fiscalité agricole, qui ont été organisées en septembre dernier par le ministère de l’agriculture sans que les parlementaires y soient associés. Ces assises ont identifié trois points sur lesquels une évolution de la législation serait nécessaire.

Le premier concerne l’agro-écologie, en particulier la méthanisation. Le sujet a été abordé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, qui a porté de cinq à sept ans la durée de l’exonération de l’ensemble des taxes locales applicables aux méthaniseurs. Toutefois, nous avons vu tout à l’heure que le sujet n’était pas épuisé, notamment en ce qui concerne l’équilibre économique de la filière.

Le deuxième point concerne la simplification du forfait agricole, en particulier pour les petites exploitations. Cette simplification, qui fait l’objet d’un accord général, trouvera très probablement sa traduction législative dans un projet de loi de simplification fiscale qui sera présenté au cours de l’année 2015.

Reste un troisième point, qui concerne l’ensemble formé par la déduction pour investissement et la déduction pour aléas. L’objectif est de mieux prendre en compte au plan fiscal le caractère de plus en plus aléatoire et conjoncturel des bénéfices agricoles. Le Gouvernement compte faire deux propositions à ce sujet. La première consiste, en application du principe de transparence des GAEC 
– groupements agricoles d’exploitation en commun –, à multiplier le plafond de DPA applicable aux exploitants individuels par le nombre de membres du GAEC, dans la limite de trois ; ce plafond serait donc de 150 000 euros par associé, soit 450 000 euros. La seconde proposition consiste à ramener au taux légal le taux d’intérêt de retard de 4,8 % appliqué lorsque la somme provisionnée est réintégrée au résultat après sept ans sans utilisation, ou pour des motifs non prévus par la loi.

De son côté, la mission d’information a étudié l’hypothèse d’un assouplissement de la DPA, pour inciter les exploitants à réaliser une épargne de précaution. C’est ainsi que je défends, en tant que rapporteur de la mission d’information, la proposition visant à étendre le plafond de cette déduction aux membres d’un GAEC dans la limite, non plus de trois mais de quatre associés, et ce afin de prendre en compte les GAEC d’élevage, dans lesquels le nombre des associés est souvent supérieur à trois. Quant à l’abaissement du taux d’intérêt appliqué en cas de réintégration, il ne suscite pas de débat : tout le monde est d’accord sur ce point.

D’autres pistes – qu’à ce stade, je ne propose pas de retenir – sont défendues par des membres de la mission. La première consisterait à fixer un plafond de DPA en partie proportionnel au chiffre d’affaires, la deuxième à supprimer l’obligation faite aux exploitants agricoles de placer 50 % de cette DPA sur un compte d’affectation et la dernière à supprimer toutes les conditions d’utilisation de la DPA. Je suggère que nous continuions à étudier ces hypothèses dans le cadre de la mission d’information car, pour le moment, nous ne disposons d’aucune étude d’impact.

En ma qualité de rapporteur de la mission d’information, je vous proposerai donc un amendement visant à étendre le principe de transparence aux GAEC de quatre associés, ainsi qu’un autre amendement tendant, d’une part, à abaisser le taux d’intérêt appliqué en cas de réintégration et, d’autre part, à porter à deux ans le délai d’utilisation de la DPA après la survenance de l’aléa afin de tenir compte des contraintes propres aux viticulteurs. Par ailleurs, je proposerai au gouvernement de nous remettre un rapport sur l’ensemble du dispositif DPI-DPA, afin que l’on sache la manière dont il est utilisé par les agriculteurs et s’il répond à notre volonté d’inciter les exploitants à provisionner les bonnes années en vue de répondre à leurs besoins en période difficile.

D’autres propositions, qui doivent faire l’objet d’une réflexion plus approfondie, portent sur la DPI. Celle-ci a été fortement limitée, car on s’est aperçu qu’elle était privilégiée par les agriculteurs, qui avaient tendance à renouveler des matériels qui n’avaient pas forcément besoin de l’être. Cependant, la question se pose de savoir s’il ne faudrait pas revenir sur cette limitation afin de favoriser les investissements dans les bâtiments, notamment les bâtiments d’élevage dont beaucoup sont obsolètes. Je ne suis pas non plus favorable, à ce stade, à une mesure de ce type, qui risquerait d’interférer avec notre volonté de rendre le dispositif de la DPA attractif pour les exploitants.

M. Charles de Courson. Ainsi que vient de l’indiquer François André, l’amendement CF 57 vise à rendre éligibles à la DPI les investissements réalisés dans des immeubles en vue de la mise aux normes des bâtiments d’élevage.

Mme la Rapporteure générale. La mission d’information sur la fiscalité agricole est chargée d’étudier les spécificités de cette fiscalité, qu’il s’agisse de l’abattement en faveur des jeunes agriculteurs, de la déduction pour investissements, ou de la déduction pour aléas. Le coût budgétaire de cette dernière est très peu élevé puisqu’il est de 6 millions d’euros. Mais nous manquons en effet de données sur ce sujet ; c’est pourquoi je me ferai l’écho de votre demande auprès du gouvernement, monsieur André. Plusieurs amendements portent, par ailleurs, sur le principe du rattachement des activités commerciales accessoires aux bénéfices agricoles.

Pour ma part, je suis favorable aux amendements visant à étendre le principe de transparence aux GAEC de quatre associés, à abaisser le taux d’intérêt au niveau légal – 0,04 % – en cas de réintégration et à autoriser la réintégration de la DPA dans les deux ans suivant l’aléa. Sur les autres sujets, je propose que la mission d’information poursuive ses travaux.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il existe un problème d’articulation entre la DPI et le plan de modernisation des bâtiments d’élevage – PMBE. Certes, les crédits affectés à ce dernier sont plutôt en diminution, mais je crois savoir que des réaffectations interrégionales sont décidées en fonction des appels à projets. Qu’en est-il de la mise en œuvre de ce plan ? Par ailleurs, l’extension de la DPI ne risque-t-elle pas de concurrencer celui-ci ?

Mme la Rapporteure générale. Je rejoins Marie-Christine Dalloz sur ce point. Nous n’avons aucune information à ce sujet. Malgré nos demandes, les conclusions des Assises de la fiscalité agricole ne nous ont toujours pas été transmises, un mois après le courrier que le président et moi avons adressé au gouvernement. Nous allons donc exercer des pressions amicales afin de les obtenir.

La Commission rejette l’amendement CF 57.

La Commission examine l’amendement CF 80 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Autrefois, la DPA devait être entièrement inscrite à un compte d’affectation. Il y a deux ans, nous avons estimé que cette obligation était excessive et avons fixé à 50 % la part de la DPA devant être inscrite à un tel compte. Aujourd’hui, nous vous proposons de supprimer purement et simplement cette obligation, qui aboutit à des situations aberrantes. Faisons confiance aux agriculteurs !

M. François André. Cette question fait débat au sein de la mission d’information.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 80.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 53 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à supprimer toutes les conditions restrictives à l’utilisation de la DPA. Encore une fois, faisons confiance aux agriculteurs !

À l’heure actuelle, la DPA est sous-utilisée en raison de sa complexité et tous les centres départementaux d’économie rurale – CDER – déconseillent d’ailleurs aux agriculteurs de l’utiliser.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 53.

Puis elle examine les amendements identiques CF 75 de M. Marc Le Fur, CF 135 de M. Charles de Courson et CF 190 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Si je ne suis pas favorable à un allègement des conditions permettant de bénéficier de la DPA, en revanche il convient d’assouplir les conditions de la réintégration des sommes affectées à la DPA pour permettre aux agriculteurs de réagir.

M. Charles de Courson. Faut-il procéder à une simplification radicale de la DPA en supprimant toutes les conditions ou convient-il de maintenir des principes, avec le danger que l’administration ne s’engouffre dans la brèche pour ajouter de nouvelles contraintes ? La mission d’information sur la fiscalité agricole n’a pas encore tranché le débat.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements CF 75, CF 135 et CF 190.

Article additionnel après l’article 30

Allongement du délai de réintégration de la déduction pour aléas et réduction du taux d’intérêt appliqué en cas de réintégration tardive ou non conforme aux objectifs

Elle passe ensuite à l’examen des amendements identiques CF 129 de M. François André et CF 159 de M. Jean-Marie Beffara.

M. François André. Ces amendements ont notamment pour objectif de porter à deux ans le délai dans lequel les sommes déduites au titre de la DPA peuvent être utilisées en cas de survenance d’un aléa, pour tenir compte, notamment, des calamités viticoles.

M. Jean-Marie Beffara. Ils visent en outre à substituer le taux d’intérêt légal au taux d’intérêt de retard.

M. Charles de Courson. Il avait été convenu, lors de la dernière séance de la mission d’information, que ces deux amendements seraient cosignés par tous ses membres.

M. le président Gilles Carrez. Si, comme je le pense, cet amendement est adopté, il deviendra un amendement de la commission des Finances. Celui qui le présentera n’omettra pas de préciser qu’il a fait l’unanimité des membres de la mission d’information…

M. François André. Je n’y manquerai pas !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il était aberrant de pénaliser à un taux d’intérêt de 4,8 % par an la réintégration des sommes à l’issue de la période de sept ans, si aucun aléa ne se produisait : c’est ce qui rendait le dispositif totalement illisible. Il convenait d’aligner le taux d’actualisation sur le taux d’intérêt légal.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la Commission adopte les amendements CF 129 et CF 159 (amendement 409).

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Après l’article 30

En conséquence, les amendements identiques CF 74 de M. Marc Le Fur, CF 134 de M. Charles de Courson et CF 192 de Mme Marie-Christine Dalloz deviennent sans objet.

L’amendement CF 77 de M. Charles de Courson est retiré.

La Commission passe à l’examen des amendements identiques CF 78 de M. Marc Le Fur, CF 137 de M. Charles de Courson et CF 191 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Charles de Courson. Ces amendements permettront au ministre de s’exprimer sur la question de l’augmentation du plafond annuel par l’introduction d’une part variable de la DPA.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit d’augmenter le plafond annuel, tout en insérant une part variable de déduction de 3 % du chiffre d’affaires dans la limite de 35 000 euros, afin de tenir compte de l’activité et de la taille de l’exploitation agricole tout en prévoyant un effet butoir.

M. François André. La mission d’information ne s’est pas mise d’accord sur la base de calcul : chiffre d’affaires, valeur ajoutée ou bénéfice agricole.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le chiffre d’affaires est le plus simple à établir.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements CF 78, CF 137 et CF 191.

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Article additionnel après l’article 30

Application du principe de transparence aux plafonds de déduction pour investissement et pour aléas au sein des EARL et des GAEC

Puis, suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, elle adopte les amendements identiques CF 128 de M. François André et CF 158 de M. Jean-Marie Beffara (amendement 391).

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Après l’article 30

Elle aborde ensuite l’examen des amendements identiques CF 138 de M. Charles de Courson et CF 193 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Charles de Courson. Ces amendements sont une variante des amendements CF 78, CF 137 et CF 191.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements CF 138 et CF 193.

Puis elle passe à l’examen de l’amendement CF 251 de Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Cet amendement, que j’ai déposé à la demande d’Yves Daniel, qui n’appartient pas à la commission des Finances, vise à favoriser la création d’emplois pérennes dans le secteur agricole. Il consiste en une déduction fiscale pour chaque emploi nouvellement créé dans les exploitations agricoles au cours des trois exercices qui suivent l’embauche. En effet, les déductions existantes ne concernent que les exploitations qui peuvent bénéficier du CICE ou de l’exonération pour emploi occasionnel.

M. François André. « Trop de déductions tuent la déduction », pourrait-on dire. Il ressort des Assises de la fiscalité agricole que chacun souhaite rendre la DPA plus attractive grâce à des mesures d’assouplissement. Or la mesure proposée par l’amendement – introduire une déduction pour emploi – DPE – reviendrait à atténuer l’attractivité de la DPA.

Les exploitations agricoles qui emploient des salariés bénéficient déjà du CICE, à savoir d’une réduction d’impôt de 6 % au titre de la masse salariale. Pourquoi ajouter un nouveau dispositif fiscal ?

Mme la Rapporteure générale. L’amendement ne concerne que les exploitants au réel – qui peuvent bénéficier du CICE – alors que l’exposé sommaire évoque le cas des exploitants au forfait…

L’amendement CF 251 est retiré.

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Article additionnel après l’article 30

Maintien de l’application du régime mère-fille et du régime d’intégration fiscale aux titres placés en fiducie

La Commission étudie ensuite l’amendement CF 248 de M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. L’amendement CF 248 a pour origine des dossiers, examinés par le Comité interministériel de restructuration industrielle – CIRI –, d’entreprises en difficulté qui ont besoin de garanties pour trouver des financements. Son urgence tient au fait que des milliers d’emplois sont en jeu.

Le problème vient de la manière dont les fiducies ont été instituées en France par la loi du 19 février 2007. Leur régime, modifié dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie et par deux ordonnances, et qui repose sur le principe de la neutralité fiscale, est sévèrement contrôlé, puisqu’il fait l’objet d’une déclaration immédiate à l’administration fiscale, laquelle veille à ce que la fiducie, qui consiste dans un transfert temporaire d’actifs, ne serve pas à créer un montage d’optimisation fiscale.

Si les fiducies-sûreté se sont autant développées, c’est parce que les établissements de crédit demandent des garanties. Or le principe de la neutralité fiscale n’est pas mis en œuvre dans deux cas, le régime mère-fille et le régime d’intégration fiscale, si bien que, dans ces deux cas, le transfert d’actifs dans une fiducie aux fins de sûreté entraîne un ressaut d’imposition qui conduit à une détérioration sensible de la situation fiscale de l’entreprise. Autrement dit, le passage par la fiducie-sûreté dans le but d’accéder à des financements, loin de régler la situation de l’entreprise, l’aggrave.

L’amendement vise donc à remédier à cette situation tout en respectant l’intention initiale du législateur en matière de neutralité fiscale.

J’y insiste, certains dossiers actuellement étudiés par le CIRI butent sur l’impossibilité pour des entreprises de transférer des titres de filiales rentables dans les fiducies dès lors que ce transfert détériorerait leur situation fiscale. L’adoption de cet amendement permettra peut-être de sauver plusieurs milliers d’emplois.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement n’est pas sans risque. Il revient en effet à garantir par des titres de ses filiales, via la fiducie, les prêts concédés à la société mère, ce qui me paraît d’autant plus dangereux que le dispositif risque de dissuader les banques de recourir aux contrats de fiducie.

M. Dominique Lefebvre. Le CIRI traite en particulier les dossiers d’entreprises auxquelles des établissements de crédit accepteraient de prêter les fonds nécessaires à leur relèvement si elles pouvaient apporter des sûretés. Il leur suffirait pour cela de transférer, d’une manière qui pourrait être provisoire, des titres des filiales bénéficiaires dans la fiducie. Le problème vient du fait que si, à la demande des établissements de crédit, ces entreprises acceptent de recourir à la fiducie-sûreté, elles perdront le bénéfice du régime mère-fille et du régime d’intégration fiscale : elles se trouveront donc pénalisées.

Afin de couper court à toute tentation d’optimisation fiscale, l’amendement précise bien que la disposition ne s’applique que si l’entreprise conserve 95 % des droits de vote, à savoir le contrôle de la gestion de sa filiale.

Mme la Rapporteure générale. Si le CIRI travaille depuis des mois sur cette question, pourquoi ne surgit-elle qu’aujourd’hui dans le débat ? De plus, nous ne savons rien de l’impact fiscal de cet amendement. Enfin, je ne suis pas certaine, je le répète, que son adoption ne serait pas perçue comme une désincitation à recourir à la fiducie.

M. Dominique Lefebvre. Je puis vous assurer que le CIRI traite actuellement un dossier directement concerné par la mesure et que plusieurs milliers d’emplois dépendent de son adoption. Dans l’état actuel du droit, le recours à la fiducie dégraderait la situation fiscale de la société mère qui serait prête à donner en garantie à la banque des titres de filiales bénéficiaires, si elle ne se trouvait dès lors exclue du régime mère-fille et du régime de l’intégration fiscale.

Le législateur n’a pas pensé à de tels cas lorsqu’il a prévu la mise en œuvre du principe de neutralité fiscale.

M. Charles de Courson. Le transfert de propriété sera-t-il limité dans le temps ?

M. Dominique Lefebvre. Il peut l’être comme ne pas l’être. Une entreprise en difficulté a pour objectif, me semble-t-il, non pas son démantèlement mais son redressement, lequel passe par la conservation de ses filiales bénéficiaires.

M. Charles de Courson. Il ne faudrait pas que le régime mère-fille, qui est plus avantageux, soit maintenu indéfiniment après le transfert de propriété, car le groupe serait alors devenu fictif.

M. le président Gilles Carrez. En effet, le régime mère-fille ne serait plus appliqué que de manière artificielle à cette entreprise.

M. Charles de Courson. Il conviendrait donc de limiter le dispositif dans le temps.

M. Dominique Lefebvre. Si, conformément au principe de neutralité fiscale, la fiducie n’apporte aucun avantage fiscal à l’entreprise qui a décidé d’y placer ses titres, le problème est réglé.

Le contrat peut prévoir le transfert, pour un temps donné, pour diverses raisons de gestion, dans la fiducie. L’intérêt de l’entreprise est également protégé par le contrat.

Si cette disposition est adoptée, plusieurs plans de redressement pourront être mis en œuvre.

La Commission adopte l’amendement CF 248 (amendement 390).

Article additionnel après l’article 30

Plafonnement de la déductibilité des charges financières des sociétés concessionnaires d’autoroutes

Puis elle passe à l’examen de l’amendement CF 238 de M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. L’amendement CF 238 repose sur le rapport que M. Christian Eckert, alors rapporteur général, et vous-même, monsieur le président, avez commandé à l’Autorité de la concurrence sur les sociétés concessionnaires d’autoroute – SCA. Ce rapport a déjà provoqué le dépôt d’un amendement par notre collègue Eva Sas.

Ces sociétés ont échappé au mécanisme de plafonnement de la déductibilité prévu dans la LFI pour 2013, ce qui aujourd’hui apparaît choquant.

Cet amendement a simplement pour objet de les ramener dans le droit commun afin qu’elles ne bénéficient plus d’une exception fiscale injustifiée.

M. le président Gilles Carrez. Je tiens à rappeler que la rédaction initiale du projet de loi de finances pour 2013 ne prévoyait aucune exception de ce type. Celle-ci a été introduite par le biais d’un amendement qui a fait l’objet, à l’époque, d’un avis très réservé du rapporteur général.

Mme la Rapporteure générale. Je demande à Olivier Faure de retirer son amendement et d’attendre la position du Gouvernement sur le sujet.

M. Charles de Courson. La proposition de la Rapporteure générale est très sage, compte tenu des clauses fiscales incluses dans les contrats des SCA. En cas de modification de leur fiscalité, elles peuvent obtenir une augmentation des tarifs à titre de compensation.

Mon cher collègue, il vaudrait mieux que vous redéposiez votre amendement en vue de la séance publique après avoir vérifié ce point. Ne nous tirons pas une balle dans le pied !

M. le président Gilles Carrez. Il est exact que les contrats de concession sont rédigés selon le principe de l’iso-fiscalité : toute modification fiscale doit être compensée par une hausse des tarifs.

Monsieur Faure, retirez-vous votre amendement pour le redéposer en vue de la séance publique ?

M. Olivier Faure. Je ne suis pas certain que les clauses fiscales que Charles de Courson a évoquées s’appliquent en l’espèce. Ces clauses concernent uniquement, à mon avis, la taxe d’aménagement du territoire et la redevance domaniale.

M. le président Gilles Carrez. C’est vrai : ces clauses ne couvrent pas une modification générale de l’impôt sur les sociétés. Seule la fiscalité spécifique des autoroutes est couverte.

M. Olivier Faure. De plus, vous l’avez rappelé vous-même, le Gouvernement, dans la rédaction initiale du projet de loi de finances pour 2013, n’avait pas prévu une telle exception. Nous pouvons donc supposer qu’il avait étudié l’impact de la mesure de plafonnement qu’il proposait lui-même et que, compte tenu de sa connaissance des contrats passés avec les SCA, il avait conclu que cette mesure n’aurait aucune conséquence sur les tarifs payés par les usagers.

C’est la raison pour laquelle je préfère maintenir mon amendement et vous demande de l’adopter. Si un débat a lieu dans l’hémicycle avec le Gouvernement sur la nature des compromis qu’il négocie à l’heure actuelle avec les SCA à la suite du rapport de l’Autorité de la concurrence et de celui de la Cour des comptes, je serai prêt à voter contre mon propre amendement en séance publique, à la condition, toutefois, que nous ayons l’assurance que les négociations en cours déboucheront sur des mesures concrètes. En effet, la coupe est pleine et il convient de maintenir une position ferme sur le sujet.

Mme Eva Sas. Je soutiens l’amendement d’Olivier Faure.

La question des sociétés d’autoroute a été soulevée par M. Eckert, alors rapporteur général, et par vous-même, monsieur le président. Le Gouvernement a eu le temps de l’étudier : il ne sera pas pris de court – comme Olivier Faure l’a rappelé, j’ai moi-même déjà déposé des amendements sur le sujet. Pour toute réponse, il nous a jusqu’à présent été opposé le délai nécessaire à une analyse en profondeur de la question. Ce délai est maintenant écoulé. Il convient d’adopter l’amendement en commission des Finances, quitte à voter contre en séance publique s’il pose un problème d’ordre juridique.

M. le président Gilles Carrez. Je soutiens également l’amendement.

En effet, nous avons déjà dû abandonner, lors de l’examen des articles non rattachés, des amendements qui posaient des problèmes. Or celui-ci permet de montrer que nous poursuivons le travail que nous avons entamé avec notre demande de rapport à la Cour des comptes et notre saisine de l’Autorité de la concurrence. La commission des Finances doit mener une action concrète sur le sujet avant la fin de l’année 2014, d’autant que le terrain choisi me paraît judicieux.

M. Dominique Lefebvre. Les initiatives de l’Assemblée nationale à l’endroit des SCA se présentent en ordre dispersé. Cet amendement, qui porte sur le plafonnement de la déductibilité, résonne de fait sur l’ensemble du problème posé par ces sociétés. Le président d’une autre commission a récemment appelé le Premier ministre à résilier par anticipation les contrats passés avec les SCA pour motif d’intérêt général. Le Gouvernement s’est lui-même exprimé sur le sujet.

Il est évident qu’il faut avancer sur ce dossier, afin de tirer toutes les conséquences des travaux de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence. Mais, il convient également de prendre en considération les conséquences qu’auront les décisions publiques sur les groupes concernés, dont certains sont français et ont d’autres activités qu’il ne faudrait pas déstabiliser.

S’il s’agit de marquer notre volonté d’avancer vis-à-vis du Gouvernement, on peut adopter l’amendement, même si je ne suis pas certain que ce qu’il propose soit la bonne solution.

La Commission adopte l’amendement CF 238 (amendement 403).

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Après l’article 30

Puis, suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 93 de M. Charles de Courson.

Elle passe ensuite à l’examen de l’amendement CF 1 de M. Jean-Marie Beffara.

M. Jean-Marie Beffara. L’amendement vise à adapter à l’évolution du contexte international nos règles fiscales relatives à la production cinématographique.

Alors que deux dispositifs de crédit d’impôt ont permis de soutenir le développement et l’essor de l’industrie cinématographique française, nous constatons que notre pays perd aujourd’hui son attractivité pour les dépenses de production comme pour la localisation des tournages.

L’amendement tend donc tout d’abord à améliorer le crédit d’impôt pour dépenses de production, lequel concerne notamment les œuvres d’animation. En effet, cette filière française d’excellence voit partir à l’heure actuelle des productions à l’étranger, notamment au Canada, pour des raisons fiscales. Il convient donc de conforter la filière en augmentant le taux et le plafond du crédit d’impôt qui la vise.

L’amendement tend également à rehausser le taux du crédit d’impôt international (CII) de 20 % à 30 % et à relever son plafond à 45 millions d’euros afin de ramener sur le territoire français des productions qui partent dans d’autres pays européens pour des raisons fiscales.

Une récente étude a démontré que, pour un euro de crédit d’impôt, la filière cinématographique génère trois euros de recettes fiscales, et qu’un euro de crédit d’impôt cinéma international génère six euros de dépenses sur le territoire national et deux euros de recettes fiscales.

L’amendement vise à conforter le soutien efficace que nous avons jusque-là apporté à une filière qu’il serait dommage d’abandonner.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement comporte deux parties puisqu’il vise à augmenter le taux et le plafond de deux crédits d’impôts.

La hausse du taux et du plafond du crédit d’impôt pour dépenses de production devrait coûter 6 millions d’euros et celle du taux et du plafond du CII 8 millions. L’amendement coûte donc 14 millions d’euros au total, voire davantage si son adoption permet d’attirer de grosses productions.

C’est pourquoi je vous propose de le scinder en deux pour n’en conserver que le dispositif relatif au crédit d’impôt pour dépenses de production.

M. Jean-Marie Beffara. Je partage la hiérarchisation que vous opérez entre les deux dispositifs : celui qui vise les dépenses de production déléguée d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles en France est effectivement le plus important au regard de sa portée pour la filière du cinéma d’animation.

M. le président Gilles Carrez. Je vous propose, monsieur Beffara, de déposer deux amendements distincts en vue de la séance publique : celui-ci et un amendement de repli, qui ne reprendrait que le dispositif ciblant le crédit d’impôt pour dépenses de production déléguée.

M. Jean-Marie Beffara. Je me range à votre proposition, monsieur le président.

L’amendement CF 1 est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 114 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement, qui tend à proroger jusqu’en 2018 le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, a été repoussé en première lecture du projet de loi de finances, au motif que sa place était dans la loi de finances rectificative afin de garantir son application en 2015.

Mme la Rapporteure générale. Le Sénat a adopté un amendement au projet de loi de finances qui prévoit une prorogation jusqu’en 2017.

M. Éric Alauzet. Permet-il l’application du dispositif dès 2015 ?

Mme la Rapporteure générale. La différence entre votre amendement initial, dont la rédaction posait par ailleurs problème, et celui du Sénat tient à ce que la prorogation va jusqu’en 2017 au lieu de 2018.

M. le président Gilles Carrez. Je vous suggère d’amender, le moment venu, le texte adopté par le Sénat.

L’amendement CF 114 est retiré.

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Article additionnel après l’article 30

Établissement de l’assiette du crédit d’impôt recherche : prise en compte pour le double de leur montant des dépenses sous-traitées aux instituts technologiques agricoles et aux instituts technologiques agro-alimentaires

La Commission est saisie de l’amendement CF 71 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à réparer un oubli, en permettant de prendre en compte pour le double de leur montant les dépenses sous-traitées aux instituts technologiques agricoles et aux instituts technologiques agro-alimentaires, pour établir l’assiette du crédit d’impôt recherche. Cela représente une dépense fiscale de l’ordre de 3 millions d’euros.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la Commission adopte l’amendement CF 71 (amendement 386).

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Après l’article 30

La Commission examine l’amendement CF 98 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai été très surpris et heureux d’entendre le Président de la République déclarer le 6 novembre : « Nous allons faire le CICE pendant trois ans (...) ça va monter en régime, et après, en 2017, tout ce qui a été mis sur l’allégement du coût du travail, ça sera transféré en baisse de cotisations sociales pérennes. » Je propose donc d’anticiper la décision du Président de la République…

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 98.

La Commission est saisie de l’amendement CF 95 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est un « marronnier ».

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 95.

La Commission examine l’amendement CF 54 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Les jeunes agriculteurs sont exonérés à hauteur de 50 % de leurs bénéfices durant les 60 premiers mois d’activité, cet abattement étant porté à 100 % au titre de l’exercice en cours à la date d’inscription en comptabilité de la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs – DJA.

Cette exonération est le pendant des exonérations relatives aux entreprises nouvelles prévues aux articles 44 sexies et suivants du code général des impôts pour les entreprises autres qu’agricoles.

Par souci d’équité et de cohérence, il est proposé de rendre les jeunes agriculteurs bénéficiant des aides à l’installation éligibles à ce crédit d’impôt.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement est satisfait, comme cela a déjà été dit lors de l’examen du projet de loi de finances. Je vous propose donc de le retirer.

L’amendement CF 54 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 94 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est également un vieux « marronnier », qui vise à étendre le CICE aux travailleurs indépendants.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 94.

La Commission examine l’amendement CF 60 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement concerne les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) détenues par des associés qui ne sont pas tous exploitants. Aujourd’hui, le CICE est attribué aux seuls exploitants, au prorata de leurs parts dans la société. Cette disposition pénalise l’entreprise alors que le CICE a pour objet de la rendre compétitive. L’amendement propose donc de calculer le CICE sur l’ensemble de la société.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement CF 60.

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Article 31
Modalités d’exécution du versement transport en commun
au titre des militaires

Le présent article sécurise, au plan juridique, le mécanisme de précompte par lequel l’État déduit du versement transport qu’il acquitte les sommes correspondant au personnel militaire logé en casernements ou transporté par les armées.

I. L’ÉTAT DU DROIT

● Instauré en région parisienne par la loi du 12 juillet 1971 (317), le versement transport a été progressivement étendu aux autorités organisatrices des transports urbains de province par les lois du 11 juillet 1973 (318), puis du 13 décembre 2000 (319).

En application des articles L. 2531-2 et L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, qui concernent respectivement l’Île-de-France et le reste du pays, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, « sont » ou « peuvent être » assujetties à un « versement destiné au financement des transports en commun » lorsqu’elles emploient plus de neuf salariés.

Le versement transport constitue donc une imposition (320) locale, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, obligatoire en Île-de-France et facultative dans les autres régions. Dans ces dernières, il peut être institué par délibération sur le territoire des communes et des communautés urbaines, dès lors que leur population atteint un seuil de 10 000 habitants, ou dans le ressort des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents pour l’organisation des transports urbains, sous la même condition de population.

Cette taxe est collectée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales (principalement les URSSAF), conformément aux articles L. 2333-69 et L. 2531-6, puis reversée au Syndicat des transports en Île-de-France (STIF) et aux nouvelles autorités organisatrices de la mobilité (AOM), sous la responsabilité desquelles les réseaux de transport urbain sont désormais placés. Ces autorités organisatrices de transport urbain, au sens de l’article L. 1221-1 du code des transports, peuvent prendre différentes formes juridiques : il s’agit le plus souvent de communautés d’agglomération, mais aussi de communes, de communautés de communes ou de syndicats mixtes.

En 2012, le produit du versement transport s’élevait à 3,235 milliards d’euros pour représenter 65 % des recettes budgétaires du STIF et un peu moins de 40 % du financement total du fonctionnement du transport public francilien. La même année, le versement transport a rapporté 3,643 milliards d’euros en dehors de la région Île-de-France, où il constituait 45 % des ressources propres du transport urbain.

● En vertu des articles L. 2531-6 et L. 2333-70, les versements effectués sont remboursés aux employeurs qui justifient avoir assuré le logement permanent sur les lieux de travail, ou effectué intégralement et à titre gratuit le transport collectif de tous leurs salariés, ou de certains d’entre eux au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l’effectif total.

L’État acquitte donc le versement transport et en obtient le remboursement, dans les conditions de droit commun, pour son personnel civil.

En revanche, les modalités pratiques de règlement du versement transport au titre du personnel militaire ont été adaptées « en raison du nombre important de gendarmes et de soldats logés et (dans une moindre mesure) transportés », comme le précise l’évaluation préalable du présent article.

Les ministères de la défense et de l’intérieur assurent en effet l’hébergement, en casernes, de près de 140 000 militaires (soit plus de 40 % de l’effectif militaire global), pour lesquels ils peuvent prétendre au remboursement du versement transport. C’est pourquoi un mécanisme simplifié a été mis en place en 1974 sous la forme d’un précompte : le montant correspondant aux effectifs militaires logés ou transportés est précompté dès la liquidation de l’imposition, et les affectataires reçoivent un produit net du montant précompté, ce qui dispense d’effectuer un remboursement.

Ce mécanisme n’a toutefois pour seule base juridique qu’une circulaire du ministère de la défense du 13 novembre 1974, diffusée avec l’accord de la direction de la comptabilité publique de l’époque (321).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’application des modalités de remboursement de droit commun imposerait aux ministères de la défense et de l’intérieur de faire l’avance, chaque mois, du « versement transport » pour le personnel dont ils assurent avec leurs moyens propres le logement et le transport, avant d’en demander le remboursement à plusieurs centaines d’autorités organisatrices des transports.

Afin d’éviter le coût en trésorerie, pour l’État, d’une telle opération, et de prévenir les charges administratives liées au traitement de telles demandes de remboursement, le présent article dote le mécanisme de précompte d’une assise juridique, en l’inscrivant expressément dans la loi.

Les alinéas 2 à 5 complètent l’article L. 2333-69 du code général des collectivités territoriales, relatif aux modalités de recouvrement du versement transport en dehors de l’Île-de-France, pour y ajouter une disposition expresse permettant à l’État de déduire du montant à acquitter « une quote-part déterminée au prorata des effectifs des militaires en activité dont l’administration assure le logement permanent sur les lieux de travail ou effectue à titre gratuit le transport collectif ».

Plusieurs conditions doivent donc être réunies pour que l’État puisse opérer par précompte :

– seul le personnel militaire, au sens de l’article L. 4111-2 du code de la défense, est concerné, ce qui inclut les militaires de carrière (y compris les gendarmes mais pas les policiers, même encasernés comme les compagnies républicaines de sécurité), les militaires servant en vertu d’un contrat, les militaires réservistes et les fonctionnaires en détachement qui exercent, en qualité de militaires, certaines fonctions spécifiques nécessaires aux forces armées ;

– le logement doit être assuré, en permanence, sur les lieux de travail (comme les casernes) ; dans le silence du dispositif, il semble indifférent que ce logement ait donné ou non lieu à conclusion d’un bail, à titre gratuit ou non, dès lors qu’il est situé dans l’enceinte d’une emprise appartenant à l’État ;

–  le transport doit être gratuit, alors que les articles L.2333-70 et L. 2531-6 posent des conditions différentes, en exigeant un transport collectif effectué intégralement par l’employeur.

Symétriquement, les alinéas 6 à 9 du présent article opèrent la même insertion dans l’article L. 2531-6 relatif aux modalités de recouvrement et de remboursement du versement transport en Île-de-France.

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La Commission adopte l’article 31 sans modification.

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Après l’article 31

La Commission est saisie des amendements identiques CF 51 de M. Charles de Courson et CF 125 de M. Jean-Louis Dumont.

M. Charles de Courson. La France fait malheureusement partie des pays de l’Union européenne dans lesquels la part spécifique du droit de consommation sur les tabacs, autrement dit la part liée aux volumes, est très faible. Cet amendement vise à sécuriser les recettes fiscales de l’État en cas de baisse des prix.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement a été retravaillé après sa discussion dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, au cours de laquelle avait été soulevé le risque d’une distorsion de concurrence.

Son adoption montrerait que nous nous battons pour que l’État conserve les recettes provenant de la taxation du tabac. Cette disposition constitue également un outil de lutte contre la vente illégale de tabac et la contrefaçon. La révision de la fiscalité permettrait aux buralistes de survivre, y compris dans les zones frontalières.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements CF 51 et CF 125.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CF 52 de M. Charles de Courson et CF 124 de M. Jean-Louis Dumont.

M. Charles de Courson. Dans la droite ligne du précédent, mon amendement tend à abaisser les taux proportionnels dans un souci de protection des recettes de l’État.

M. Jean-Louis Dumont. Le mien, identique sur le fond, répond à l’argument qui avait été avancé par la Rapporteure générale quant à une possible distorsion de concurrence.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements CF 52 et CF 124.

La Commission est saisie de l’amendement CF 82 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cet amendement, qui porte également sur le tabac, propose, dans un souci de santé publique, une solution inverse de celle de mes collègues, à savoir l’augmentation de la part proportionnelle.

Mme la Rapporteure générale. Son adoption aboutirait à une moindre taxation des cigarettes d’entrée de gamme et à une taxation plus forte des produits haut de gamme. Je ne suis pas sûre que cela soit de bonne politique au regard de l’objectif de santé publique que vous visez.

La Commission rejette l’amendement CF 82.

Article additionnel après l’article 31

Augmentation du versement transport en Île-de-France pour financer le passe Navigo unique

La Commission examine l’amendement CF 241 de M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. J’associe l’ensemble de mes collègues franciliens de la majorité à cet amendement, qui vise à permettre la mise en place du passe Navigo à tarif unique, conformément à l’engagement pris lors des dernières élections régionales.

Je précise d’emblée que cette disposition concerne exclusivement les Franciliens et qu’il est financé par eux seuls. Il ne s’agit donc pas de siphonner les crédits de l’État dédiés au transport.

Un amendement, présenté lors de la première lecture du projet de loi de finances, avait été retiré car les discussions entre la région et la chambre de commerce et d’industrie n’avaient pas encore abouti, empêchant de fixer un nouveau taux pour le versement transport, dont la hausse doit financer le dispositif.

Celui présenté aujourd’hui prévoit une augmentation de 0,13 % du versement transport. Cette mesure aura un effet positif pour les utilisateurs des transports publics, qu’ils soient salariés ou non, puisqu’ils verront le tarif du passe Navigo mensuel abaissé à 70 euros. Elle sera d’abord profitable aux usagers de la grande couronne, qui subissent en quelque sorte une « double peine » : ce sont eux qui paient le plus cher pour une offre de service dégradée et des temps de trajet les plus longs.

Ensuite, les petites entreprises gagneront en compétitivité. Non seulement les entreprises de moins de neuf salariés – soit 80 % des entreprises – ne subiront pas la hausse du versement transport puisqu’elles n’y sont pas assujetties, mais le montant des frais de transport qu’elles remboursent aux salariés sera moins élevé.

L’opération ne sera toutefois pas complètement neutre. Le relèvement du versement transport devrait rapporter 210 millions d’euros supplémentaires à la région et au Syndicat des transports d’Île-de-France – STIF. Quant aux entreprises, elles économiseront près de 90 millions d’euros. Le surcoût de 190 millions d’euros sera financé par la région sur le budget de fonctionnement, et non sur l’investissement comme l’a laissé entendre Valérie Pécresse ce matin.

Je tiens à rassurer ceux qui craignent de voir cette mesure s’appliquer au détriment des investissements à venir. Après un débat houleux, nous avons renoncé à l’idée d’une taxe régionale additionnelle sur le séjour mais nous avons trouvé un autre moyen de financer les 140 millions d’euros nécessaires pour mettre en œuvre le plan de mobilisation pour les transports. L’investissement est donc sanctuarisé.

Cette mesure, favorable aux salariés et aux entreprises, qui permet de surcroît, d’honorer un engagement devant les Franciliens, me paraît très vertueuse.

Mme la Rapporteure générale. J’entends bien la demande conjointe des présidents du conseil régional et de la chambre de commerce et d’industrie. Sur la forme, je regrette la méthode qui s’apparente à une injonction au législateur. Sur le fond, le rétablissement pérenne de l’exonération de la redevance pour création de bureaux, pourtant annoncé, ne figure pas dans l’amendement. Avez-vous l’intention de présenter un amendement en séance en ce sens ?

M. Olivier Faure. Les discussions se poursuivent, mais l’amendement que vous demandez devrait être déposé par le Gouvernement.

Mme la Rapporteure générale. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement est très préoccupant.

J’ai déjà eu l’occasion de souligner l’accumulation de prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises franciliennes. La facture s’élève à 800 millions d’euros sur cinq ans pour elles, hors évolution de la fiscalité nationale et locale.

J’ajoute que nous sommes la métropole au monde où la part des ressources tarifaires dans le financement des transports publics est la plus faible – inférieure à 30 %. Ces derniers sont donc principalement financés par les entreprises et les contributions publiques.

Alors que les transports publics sont structurellement déficitaires en termes d’exploitation, l’ouverture des lignes du Grand Paris va occasionner un déficit supplémentaire de l’ordre d’un milliard d’euros. Comment fera-t-on face au déficit d’exploitation si le tarif reste déconnecté du coût du trajet ? Le système – cas unique au monde – sera totalement financé par l’impôt. Or, les marges de manœuvre fiscales de la région et des huit départements d’Île-de-France qui financent directement l’exploitation sont très limitées.

Je ne me place pas d’un point de vue politique. La tarification unique était également un thème de campagne de Jean-François Copé lors des élections régionales de 2004.

Cette tarification unique ne peut pas être financée par une augmentation des tarifs pour Paris et la petite couronne, car les élus ne l’accepteraient pas ; au demeurant, la compensation serait insuffisante sauf à imaginer des niveaux exorbitants.

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde sur les programmes d’investissement. Mais les problèmes posés par l’exploitation et le fonctionnement conduiront inévitablement à reporter certains investissements, faute de moyens suffisants. La justification du report n’en sera que plus aisée.

Bref, cet amendement est très dangereux. On ne peut pas raisonner sur les transports sans lier étroitement investissement et exploitation.

Je comprends votre intention mais vous risquez de regretter cette mesure dans un avenir proche.

Mme Eva Sas. Je m’associe pleinement à l’argumentation d’Olivier Faure.

Monsieur le président, votre critique de la faible participation des usagers au financement des transports est sans doute fondée au regard de l’ampleur du réseau, mais, dans l’absolu, un abonnement à 100 euros par mois ne représente pas un coût faible pour une famille modeste de la grande couronne. Vous ne pouvez pas demander à l’usager de contribuer davantage.

Cette mesure est très importante pour l’unité de l’Île-de-France. Elle permettra aux Franciliens de la grande couronne de se sentir intégrés et traités de la même façon que les autres habitants d’Île-de-France.

Les inquiétudes pour l’investissement sont infondées, car les deux sujets sont bien séparés. D’un côté, nous sacralisons l’investissement, que nous érigeons en priorité grâce aux sources de financement évoquées par Olivier Faure. De l’autre, nous finançons la mise en place du passe Navigo à tarif unique par une hausse du versement transport. Cette décision est le fruit de la négociation avec les entreprises, qui reconnaissent elles-mêmes le bénéfice qu’elles peuvent tirer d’un moindre remboursement versé aux salariés.

Si la mesure mettait en péril l’investissement dans la maintenance et l’entretien du réseau, jamais je ne la voterai. Mais je ne le pense pas un instant. Je fais pleinement confiance à la région pour donner la priorité à l’entretien du réseau alors que nous sommes confrontés à de graves problèmes de sécurité.

M. Dominique Lefebvre. Je partage votre préoccupation de garantir dans la durée les ressources du transport public en Île-de-France. Lors de la campagne des élections régionales de 2010, j’étais réservé sur cette mesure faute de clarification sur les modalités de son financement.

La mise en place du passe Navigo à tarif unique ne saurait causer une perte de ressources pour le système de transport, car celui-ci ne le supporterait pas et cela se traduirait in fine par des reports d’investissement et une dégradation du fonctionnement.

Mais, contrairement à la province, l’Île-de-France a su maintenir une part de financement par les usagers en menant une politique d’indexation. L’idéal serait probablement – mais qui l’accepterait ? – de faire davantage de péréquation en augmentant les tarifs du passe Navigo pour Paris et la première couronne.

Enfin, les entreprises ont accepté cette hausse du versement transport parce qu’elle s’intègre dans un accord global.

On ne pourra toutefois pas en rester là. La croissance des coûts de transport obligera à augmenter la participation des usagers, mais celle-ci se fera sur une base plus égalitaire. Il faut aujourd’hui prendre le risque de baisser la part de l’usager et de transférer la charge sur les entreprises et sur les collectivités. Demain, les responsables régionaux pourront décider d’une politique d’indexation et d’évolution des tarifs plus responsable et plus dynamique. Mais aujourd’hui, en grande couronne, le coût élevé du passe Navigo est insupportable au regard du service rendu.

M. le président Gilles Carrez. Le paradoxe tient en effet au fait que ceux qui paient le plus cher sont aussi ceux qui sont victimes du fonctionnement aléatoire des lignes de RER, et qui sont soulagés dès qu’ils se trouvent dans le métro, car ils savent qu’ils arriveront à bon port.

Je comprends vos arguments, mais je maintiens que cet amendement sera lourd de conséquences.

M. Jean-François Lamour. Nous partageons l’objectif de renforcement de la cohésion du territoire francilien. Je pense que les Parisiens, qui bénéficient d’un système de transport très performant, sont prêts à accepter une augmentation raisonnable du tarif du passe Navigo. Dans l’élaboration du plan de modernisation et du Grand Paris, priorité a été donnée, d’un commun accord, au renforcement de la compétitivité du territoire grâce à l’amélioration du réseau de transport. Cette amélioration devait en outre être financée par des moyens propres, sans compter sur le soutien de l’État.

En proposant un tarif unique dans les transports, vous inversez la priorité. Mais ce que veulent les Franciliens, ce n’est pas payer moins cher : c’est un service rapide, confortable et fiable.

En outre, vous réfléchissez à périmètre constant, sans tenir compte des nouvelles lignes, dont la création creusera le déficit d’exploitation. Où allez-vous trouver l’argent pour le combler ? J’ai le sentiment que vous proposez une modification sans l’intégrer dans une dynamique. C’est un tort.

M. Olivier Faure. Le modèle français de transport public ne correspond pas aux modèles européens. À Londres, l’usager supporte 70 à 80 % du coût réel et paie cinq à six fois plus cher qu’un usager francilien, qui paie, en grande couronne, environ 10 % du coût réel. Notre volonté est de mutualiser les coûts et d’assurer la mobilité de tous. Nous souhaitons épargner la « double peine » aux usagers de la grande couronne.

Dans le Grand Paris, le tracé du « Grand Huit », dont je ne conteste pas l’utilité, oublie, une fois de plus, toute la grande couronne. Le passe Navigo à tarif unique est une manière de rassembler des habitants qui ont vocation à avoir un destin commun, y compris en matière de transports.

La Commission adopte l’amendement CF 241 (amendement 385).

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Après l’article 31

La Commission est saisie de l’amendement CF 63 de M. Victorin Lurel.

M. Dominique Lefebvre. Les dispositions relatives à la collecte de la taxe d’apprentissage et la réforme portée par la loi du 5 mars 2014 ne sont pas encore applicables à Mayotte. Afin d’aligner le dispositif sur le droit commun, l’amendement tend à permettre aux organismes paritaires collecteurs agréés de procéder à la collecte de la taxe d’apprentissage à Mayotte de la même manière qu’elles le feront sur le territoire métropolitain à partir de 2015.

Mme la Rapporteure générale. L’article 35 de la loi à laquelle vous faites référence habilite le gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions d’application à Mayotte. Votre amendement semble anticiper cette ordonnance. Je vous propose de le redéposer en vue de la séance publique, afin de préciser votre démarche.

L’amendement CF 63 est retiré.

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Article additionnel après l’article 31

Maintien après 2015 du tarif des taxes sur les installations nucléaires finançant l’accompagnement de l’enfouissement des déchets radioactifs

La Commission examine l’amendement CF 235 de M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement prolonge le versement d’une taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires dans le cadre de l’accompagnement du centre de stockage de Bure.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la Commission adopte l’amendement CF 235 (amendement 384).

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Article additionnel après l’article 31

Rapport sur les exonérations fiscales prévues par les conventions fiscales conclues par la France

La Commission est saisie de l’amendement CF 257 de la Rapporteure générale.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement prévoit la remise au Parlement d’un rapport relatif aux exonérations d’impôt accordées en application des conventions fiscales. L’objet du rapport a été élargi à la demande du ministre lors de la discussion de la deuxième partie de la loi de finances pour 2015, puisqu’il portait initialement sur les seules plus-values immobilières.

La Commission adopte l’amendement CF 257 (amendement 404).

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Après l’article 31

La Commission examine l’amendement CF 116 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Dans le contexte délicat, s’agissant de l’investissement des collectivités locales, que nous connaissons, cet amendement prévoit la remise avant l’été d’un rapport au Parlement évaluant le montant de cet investissement et son évolution afin de pouvoir s’adapter le cas échéant à une baisse redoutée par tous.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé lors de l’examen du projet de loi de finances. Le rapport que l’Observatoire des finances locales remet chaque année répond à votre préoccupation.

M. Éric Alauzet. À quel moment sera-t-il présenté ?

Mme la Rapporteure générale. Le rapport dressant un bilan pour 2014 sera remis en juillet 2015.

La Commission rejette l’amendement CF 116.

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Article additionnel après l’article 31

Rapport au Parlement sur les conséquences d’une éventuelle rupture unilatérale des contrats des sociétés concessionnaires d’autoroutes

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CF 239 et CF 240 de M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. L’avis de l’Autorité de la concurrence sur le secteur des autoroutes et les sociétés concessionnaires a fait naître un débat parfois fantasmatique sur les moyens dont nous disposons pour revoir les conditions des concessions. Pour sortir le débat de la stratosphère, ces amendements demandent au Gouvernement de mettre toutes les cartes sur la table en publiant avant la fin de l’année un rapport qui évalue le coût d’une éventuelle rupture unilatérale des contrats de délégation de service public. Ce rapport serait suivi d’un débat qui permettrait de réfléchir sur la base d’informations sérieuses et d’envisager des pistes crédibles.

Mme la Rapporteure générale. Je suis favorable à l’amendement CF 239 et défavorable à l’amendement CF 240, qui est satisfait par le premier.

La Commission adopte l’amendement CF 239 (amendement 383).

En conséquence, l’amendement CF 240 tombe.

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II.– Garanties

Article 32
Apport de la garantie de l’État à un prêt de l’Agence française de développement au Fonds vert pour le climat

Il est proposé, par le présent article, d’accorder la garantie de l’État au prêt consenti par l’Agence française de développement (AFD) au « Fonds vert pour le climat » dans le cadre de la contribution de la France au financement de ce fonds.

Cette garantie porte sur un montant principal plafonné à 285 millions d’euros et sur les intérêts d’emprunt en découlant.

I. LES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE AU TITRE DE SA CONTRIBUTION AU FONDS VERT POUR LE CLIMAT

A. LE FONDS VERT POUR LE CLIMAT

Le Fonds vert pour le climat vise à mettre en place un mécanisme de financement unique par les pays les plus avancés de projets de lutte contre le changement climatique en faveur des pays en développement les plus exposés aux conséquences de ce changement.

Créé lors de la conférence de Cancún de 2010 et lancé officiellement à la conférence de Durban en 2011 par les 194 parties à la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), ce fonds doit bénéficier d’une première capitalisation pour les années 2015 à 2018.

Le montant de cette capitalisation initiale, fixé à 10 milliards de dollars, devrait être atteint : les annonces réalisées par les principaux donateurs, à la date de la rédaction de ce rapport, représentent en effet 9,5 milliards de dollars d’intentions de contribution.

(en milliards de dollars)

France

1

Allemagne

1

États-Unis

3

Japon

1,5

Royaume-Uni

1,1

Autres

1,9

TOTAL (fin 2014)

9,5

B. LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE

Au regard des fortes attentes liées à la tenue à Paris de la vingt et unième conférence sur le climat en 2015, la France s’est engagée à contribuer au Fonds vert à hauteur d’un milliard de dollars (soit environ 800 millions d’euros).

Cette contribution serait répartie entre :

– un prêt très concessionnel de 285 millions d’euros (soit 355 millions de dollars) accordé pour le compte de l’État par l’AFD au Fonds vert ;

– des dons répartis sur les quatre prochaines années selon un échéancier qui n’est pas précisé, mais dont le montant total devrait atteindre 515 millions d’euros (soit 645 millions de dollars).

Cette répartition est conforme aux règles encadrant les contributions des donateurs. Ces règles prévoient en effet que la part de la contribution d’un donateur effectuée sous la forme d’un prêt très concessionnel ne peut dépasser 40 % du montant total de cette contribution. Le total des prêts accordés au fonds par les différents contributeurs ne peut dépasser quant à lui 20 % de l’ensemble des dons. Cette deuxième condition ne pourra être appréciée qu’une fois l’ensemble des contributions versé.

Pour rappel, l’octroi de prêts concessionnels est un outil fréquemment utilisé en matière d’aide au développement, en complément des dons et partenariats mis en place avec les pays en développement ou avec certaines institutions internationales.

À la fin de l’exercice budgétaire de 2013, parmi les huit principaux dispositifs de dette garantie recensés sur le compte général de l’État, l’encours des prêts accordés par l’AFD et garanti par l’État atteignait 1,9 milliard d’euros pour un plafond global de 3,5 milliards d’euros. Cet encours représentait toutefois moins de 1 % du total des prêts garantis par l’État (soit 203 milliards d’euros).

Parmi les principaux prêts accordés par l’AFD et garantis par l’État se trouvent :

– les prêts consentis dans le cadre du dispositif de prêts concessionnels piloté par le Fonds monétaire international et dénommé « Facilité élargie de crédit » (FEC) ;

– les prêts consentis dans le cadre du dispositif « Facilité de paiement de financement international pour la vaccination » ;

– les emprunts obligataires contractés par des banques, établissements financiers ou entreprises pour le développement des États situés tant en Afrique au sud du Sahara que dans l’océan Indien liés à la France par un accord monétaire ou de coopération, ainsi que les emprunts contractés par ces mêmes établissements pour le développement de ces États.

Ce type de prêt a pour caractéristique d’être accordé à des taux inférieurs aux taux de marché et donc, pour l’emprunteur, de diminuer le coût de l’emprunt. La bonification par l’État de ces prêts, soit la prise en charge du différentiel entre les taux de marché auxquels l’AFD acquière les ressources qu’elle prête et ceux consentis dans le cadre du prêt concessionnel, est prise en charge par les crédits du programme 110 Aide économique et financière au développement de la mission Aide publique au développement.

À titre d’exemple, l’évaluation préalable de l’article rappelle qu’un prêt concessionnel de 203 millions d’euros a été accordé en 2010 par l’AFD au Fonds pour les technologies propres de la Banque mondiale avec la garantie de l’État. Le taux d’intérêt de ce prêt d’une durée de vingt ans, comprenant dix ans de différé du remboursement du principal, est de 0,75 %, ce qui représente un coût budgétaire pour l’État de 76 millions d’euros, répartis sur la durée de vie du prêt.

Le présent article tire donc les conséquences de l’engagement de la France de contribuer au Fonds vert, notamment par le biais d’un prêt très concessionnel dont le taux d’intérêt serait nul, en accordant la garantie de l’État à l’AFD pour cette opération financière.

I. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES

A. L’OCTROI DE LA GARANTIE DE L’ÉTAT À L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT AU TITRE DU PRÊT CONCESSIONNEL AU FONDS VERT

Conformément au 5° du II de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoit que les autorisations d’octrois de garanties de l’État et la fixation du régime de ces garanties relèvent du domaine exclusif de la loi de finances, le présent article autorise l’État à accorder sa garantie à l’AFD dans le cadre du prêt très concessionnel au Fonds vert pour le climat.

L’octroi de cette garantie se justifie par le fait que l’AFD accorde ce prêt pour le compte de l’État en application de l’article R. 516-7 du code monétaire et financier qui prévoit que « l’agence gère pour le compte de l’État et aux risques de celui-ci des opérations financées sur le budget de l’État. Les termes de ces opérations font l’objet de conventions spécifiques signées au nom de l’État par le ou les ministres compétents ».

En cas de défaillance du débiteur, l’État prendra donc à sa charge la perte en principal et en intérêts d’emprunt. Cette particularité des prêts accordés par l’AFD justifie le fait qu’ils sont comptabilisés dans le compte général de l’État comme des créances subrogatives (soit des créances détenues en réalité par l’État et non par le prêteur initial qu’est l’AFD) et que ces créances sont inscrites à l’actif du bilan de l’État.

Une convention entre l’État et l’AFD devrait permettre de préciser les modalités de gestion par l’AFD de cette opération financière en faveur du Fonds vert.

B. L’ESTIMATION DES COÛTS DE BONIFICATION DU PRÊT CONCESSIONNEL AU FONDS VERT

La charge budgétaire découlant de la bonification par l’État des intérêts du prêt accordé au Fonds vert par l’AFD est évaluée à 115 millions d’euros pour toute la durée du prêt (soit vingt-cinq ans). Cette estimation ne sera toutefois confirmée que lors de la conclusion du prêt dans la mesure où le montant des bonifications dépend des conditions d’emprunt de l’AFD sur les marchés à la date de cette opération et de l’avantage comparatif qui en résulte pour le bénéficiaire du prêt très concessionnel.

Par conséquent, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit d’ouvrir sur le programme 110 Aide économique et financière au développement 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) supplémentaires qui s’ajouteront à 85 millions d’euros d’AE, initialement inscrits pour l’année 2014 et reportés sur l’exercice 2015.

*

* *

La Commission adopte l’article 32 sans modification.

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Article 33
Garantie par l’État des emprunts de l’Unédic émis en 2015

Le présent article a pour objet d’autoriser l’octroi de la garantie de l’État aux emprunts contractés par l’Unédic en 2015 dans la limite d’un plafond en principal de 6 milliards d’euros.

Le 5° du II de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit, en effet, que les autorisations d’octroi de garanties de l’État et la fixation du régime de ces garanties relèvent du domaine exclusif de la loi de finances.

I. LA DÉGRADATION CONTINUE DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L’UNÉDIC

1. Les prévisions de déficit de l’Unédic en 2014 et 2015

Les prévisions relatives à la situation financière de l’assurance chômage pour les années 2014 et 2015 (322) confirment la dégradation observée au cours de la dernière décennie et qui s’est fortement accentuée à la suite de la crise financière de 2008, comme le montre le graphique suivant.

DÉFICIT DE L’ASSURANCE CHÔMAGE

(en milliards d’euros)


Source : Situation financière de l’assurance chômage, septembre 2014.

Le déficit de l’Unédic augmenterait ainsi de 17,6 milliards d’euros en 2013 à 21,4 milliards d’euros en 2014 (+ 18 %) et 24,9 milliards d’euros en 2015 (+ 14 % par rapport à 2014 et + 29 % par rapport à 2013).

Cette dégradation rapide s’explique par l’« effet ciseau » des variations de l’activité économique et du niveau du chômage sur les ressources de l’Unédic.

En effet, lorsque la conjoncture est favorable et que le chômage diminue, la progression de la masse salariale, sur laquelle les recettes de l’assurance chômage sont assises, et la diminution des dépenses d’indemnisation du chômage conduisent à des résultats positifs en termes de trésorerie. En cas de ralentissement économique et de dégradation du marché du travail, le phénomène inverse se produit et ces résultats deviennent négatifs.

Depuis 2002, ce second cas de figure a été observé onze années sur quatorze, ce qui explique l’accumulation d’un déficit important.

VARIATIONS DE TRÉSORERIE DE L’ASSURANCE CHÔMAGE SUR LONGUE PÉRIODE

(en milliards d’euros)



Source : Situation financière de l’assurance chômage, septembre 2014.

Les prévisions de trésorerie de l’assurance chômage pour 2014 et 2015 sont toutefois légèrement meilleures que celle de l’exécution 2013 du fait de l’anticipation d’une amélioration de l’activité économique et de l’emploi ainsi que de l’entrée en vigueur progressive de la nouvelle convention d’assurance chômage qui devrait permettre de réaliser des économies. L’augmentation du déficit de l’Unédic ralentirait en conséquence entre 2014 et 2015.

PRÉVISIONS DE RECETTES ET DE DÉPENSES DE L’UNÉDIC POUR LES ANNÉES 2014 ET 2015

(en millions d’euros)

 

2013

2014

Prévision

2015

Prévision

Total des recettes

33 233

 

33 808

 

34 347

 

Total des dépenses

37 230

 

37 616

 

38 061

 

SOLDE = RECETTES - DÉPENSES

– 3 997

 

– 3 809

 

– 3 714

 

Éléments exceptionnels (dont cessions immobilières)

200

 

6

 

217

 

Variation de trésorerie

– 3 797

 

 3 803

 

 3 497

 

Situation de l’endettement net bancaire

 

– 17 588

 

– 21 391

 

– 24 888

Source : Situation financière de l’assurance chômage, septembre 2014.

Ces prévisions reposent sur les hypothèses suivantes :

HYPOTHÈSES SOUS-TENDANT LES PRÉVISIONS DE VARIATION DE TRÉSORERIE

Emploi et chômage

 

2013

2014 (p)

2015 (p)

Évolution des emplois affiliés à l’assurance chômage

– 24 000

– 46 000

+ 27 000

Évolution du nombre de chômeurs indemnisés

+ 23 000

+ 93 000

+ 74 000

Recettes et dépenses

 

2013

2014 (p)

2015 (p)

Croissance des recettes de l’Unédic (hors recettes exceptionnelles)

+ 2,3 %

+ 1,7 %

+ 1,6 %

Croissance des dépenses d’allocations chômage

+ 5,7 %

+ 1 %

+ 1,2%

Source : Situation financière de l’assurance chômage, septembre 2014.

1. Une situation financière corrélée à l’évolution de la conjoncture économique et du marché du travail

Comme mentionné précédemment, la situation financière de l’Unédic tient en grande partie à la situation de l’emploi et de l’activité économique.

Pour 2014, la faible reprise de l’activité économique se traduit par une révision à la baisse des prévisions de croissance (de 1 % à 0,4 %) et par une dégradation de l’indicateur synthétique du climat des affaires de trois points en dessous de sa moyenne de long terme (323).

Ces faibles résultats en matière d’activité se reflètent sur le marché du travail, l’Unédic considérant que « sur l’ensemble de l’année 2014, 46 000 postes seraient détruits ».

Cette situation devrait toutefois s’améliorer en 2015, du fait d’une reprise plus sensible de l’activité économique qui se traduirait par un taux de croissance de 1 % et la création de 27 000 emplois affiliés à l’assurance chômage, notamment sous l’effet de la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Le graphique suivant retrace ces prévisions.

PRÉVISION DE CROISSANCE ET D’EMPLOIS AFFILIÉS À L’ASSURANCE CHÔMAGE

Source : Situation financière de l’assurance chômage, septembre 2014.

1. L’amélioration de la situation financière attendue des économies annoncées sur les dépenses de l’Unédic

Selon le Gouvernement, plusieurs mesures d’économies devraient également améliorer la situation financière de l’Unédic en 2015, dont :

– 217 millions d’euros de recettes exceptionnelles au titre d’une variation du compte courant de Pôle emploi et de cessions immobilières ;

– 200 millions d’euros au titre d’économies en gestion sur les dépenses de l’Unédic ;

– 600 millions d’euros d’économies liées à l’application progressive de la nouvelle convention d’assurance chômage.

À compter de 2017, les économies annuelles attendues de l’application de cette convention seraient de 450 millions d’euros.

Sur la période 2014 à 2017, le projet de loi de programmation des finances publiques, actuellement en cours d’examen, prévoit ainsi un redressement du solde de l’assurance chômage de 2,2 milliards d’euros « sous l’effet de l’amélioration progressive de l’emploi et des mesures prises par les partenaires sociaux (dans le cadre de la convention d’assurance chômage) » et de mesures complémentaires qui seront prises à compter de 2016.

DÉPENSES, RECETTES ET SOLDES DE L’ASSURANCE CHÔMAGE

(en milliards d’euros, en comptabilité nationale)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 3,6

– 4,0

– 3,4

– 2,5

– 1,8

Recettes

33,6

34,3

35,1

36,3

37,8

Dépenses

37,2

38,2

38,5

38,8

39,6

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Pour rappel, l’article 27 du projet de loi de programmation devrait permettre d’améliorer sensiblement l’information du Parlement sur les perspectives financières de l’assurance chômage : chaque année, l’Unédic sera en effet tenue de transmettre ses perspectives financières triennales au Gouvernement qui, à son tour, transmettra au Parlement un rapport sur la situation financière de l’assurance chômage.

I. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES

1. Les conditions de financement du déficit de l’Unédic

L’Unédic répond à son besoin de financement par le biais de deux programmes d’émissions de titres.

En premier lieu, elle se finance à moyen terme par un programme d’émissions obligataires garanties par l’État.

Fin 2013, la garantie accordée à l’Unédic au titre de ces émissions s’élevait ainsi à 14,8 milliards d’euros (contre 9,7 fin 2012), soit une hausse de 5,1 milliards d’euros en un an recouvrant principalement la création de six nouveaux emprunts obligataires.

PRÉSENTATION DES SIX NOUVEAUX EMPRUNTS OBLIGATAIRES ÉMIS EN 2013

Montant en principal (en millions d’euros)

Taux d’intérêt

Durée de l’emprunt

1 500

2,25 %

2013-2023

1 500

1,25 %

2013-2020

1 500

0,375 %

2013-2016

300

3 %

2013-2016

100

2,125 %

2013-2017

100

2,125

2013-2018

Source : compte général de l’État 2013.

Ce montant devrait s’accroître en 2014 afin de couvrir le déficit de l’année, initialement estimé à 5,6 milliards d’euros et révisé à la baisse à 4,3 milliards d’euros en janvier 2014. S’ajouteraient à ce déficit annuel les tombées de dette à rembourser en 2014 estimées à 2,2 milliards d’euros. Au total, le besoin de financement pour l’année 2014 est donc de 6,5 milliards d’euros.

En cohérence avec la révision du déficit de 2014, le plafond de la garantie de l’État, fixé à 8 milliards d’euros en loi de finances pour 2014, a également été revu à la baisse à 7 milliards d’euros par un arrêté du 29 janvier 2014. L’Unédic qui a achevé son programme d’émission 2014 pour un montant équivalent à ce plafond a donc pu améliorer de 500 millions d’euros sa trésorerie de 2014.

En second lieu, l’Unédic recourt à un programme d’émissions de billets de trésorerie, non garantis par l’État, dont la maturité est inférieure à un an. La situation financière de l’Unédic la contraint toutefois à mettre chaque année une partie des fonds ainsi levés en réserve en guise de garantie pour les investisseurs.

Dans le cadre du présent article, le Gouvernement propose d’autoriser l’octroi de la garantie de l’État aux emprunts de moyen terme que l’Unédic contracterait durant l’année à venir.

L’octroi d’une telle garantie se justifie pour des raisons juridiques liées à l’encadrement des émissions de dette par les associations et par des considérations d’ordre financier, la situation financière de l’Unédic ne lui permettant probablement pas de financer ses déficits accumulés sans cette garantie.

1. Les raisons justifiant l’octroi de la garantie de l’État à l’Unédic

En premier lieu, l’Unédic est soumise comme toutes les associations à certaines règles en matière d’émission d’emprunts obligataires et notamment, à celles prévues par l’article L. 243-15 du code monétaire et financier.

Ces dernières disposent que, dans l’hypothèse où les déficits accumulés par une association ont conduit à réduire de moitié ou plus ses fonds propres par rapport au montant atteint à la fin de l’exercice précédant une émission d’obligations, l’association doit, dans un délai de deux ans, reconstituer ses fonds propres. À défaut, elle perd le droit d’émettre des obligations et tout porteur de titres déjà émis peut en demander le remboursement anticipé.

L’Unédic a procédé, en 2009, à une émission d’obligations non garanties par l’État. Entre la fin de l’exercice précédant cette émission - l’exercice 2008 – et le 31 décembre 2010, ses fonds propres sont passés de – 4,7 milliards d’euros à
– 9,5 milliards d’euros, soit une dégradation de – 102 %. Par ailleurs, la dégradation de la situation financière de l’Unédic la met dans l’incapacité de reconstituer ses fonds propres. En conséquence, l’organisme pourrait se voir appliquer les dispositions précitées de l’article L. 213–15 du code monétaire et financier.

Cependant, la loi de finances rectificative pour 2004 (324) prévoit que ces dispositions ne sont pas applicables aux émissions d’emprunt réalisées par l’Unédic avec la garantie de l’État. L’octroi de la garantie de l’État prévue au présent article permet donc d’exclure les financements levés avec la garantie de l’État du champ d’application de l’article L. 213–15 du code monétaire et financier.

En second lieu, l’octroi de la garantie de l’État assure plusieurs avantages financiers à l’Unédic :

– le bénéfice de conditions de financement proches de celles offertes à l’État ;

– l’absence de mise en réserve d’une partie des fonds levés qui serait demandée par les créanciers si l’Unédic ne bénéficiait pas de la garantie de l’État, cette mise en réserve atteignant actuellement le tiers des fonds levés dans le cadre de ses émissions de titres sans garantie.

1. La garantie accordée à l’Unédic par les dispositions du présent article

Les dispositions du présent article renouvellent l’autorisation d’octroi de la garantie de l’État aux emprunts contractés par l’Unédic pour 2015 dans la limite d’un plafond en principal de 6 milliards d’euros, qui correspond au montant maximal des émissions obligataires autorisées, pour 2015, par le conseil d’administration de l’Unédic.

Ce plafond a été déterminé sur le fondement d’une prévision de déficit annuel de 3,5 milliards d’euros auquel s’ajoute une tombée de dette de 2,7 milliards d’euros au titre d’émissions réalisées en 2012 et arrivant à échéance en 2015.

Au total, le besoin de financement de l’Unédic devrait donc atteindre 6,2 milliards d’euros, dont 6 milliards seront financés par des émissions d’obligations garanties par l’État et 200 millions par des billets de trésorerie non garantis par l’État.

PLAFOND EN PRINCIPAL DE LA GARANTIE DE L’ÉTAT SUR LES EMPRUNTS CONTRACTÉS PAR L’UNÉDIC

(en milliards d’euros)

2011

2012

2013

2014 (révisé)

2015

4,5

7

5

7

6

À noter enfin que la dette de l’assurance chômage est comptabilisée en dette publique brute des administrations publiques car l’Unédic est un organisme relevant du champ des administrations de sécurité sociale (ASSO). Le présent article n’a donc aucun impact sur le niveau de la dette publique brute au sens de la comptabilité nationale.

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La Commission adopte l’article 33 sans modification.

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Article 34
Garantie de l’État accordée aux emprunts souscrits par l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL)

Le présent article a pour objet d’étendre la garantie de l’État accordée, à titre gratuit, aux emprunts contractés par l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) − société qui fédère la quasi-totalité des organismes collecteurs du « 1 % logement » − auprès du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en 2013, 2014 et 2015 à ceux qui seront souscrits en 2016, 2017 et 2018, tout en les maintenant sous un plafond de 1 milliard d’euros par an en principal et de 3 milliards d’euros au total. Ces prêts doivent contribuer à la production de nouveaux logements sociaux.

L’article 34 propose par ailleurs d’octroyer cette garantie, toujours à titre gratuit, aux emprunts que l’UESL contractera en 2016 et 2017 auprès du même fonds d’épargne, dans la limite d’un montant total de 200 millions d’euros au principal, pour compléter les prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations, avec la garantie de l’État, à l’association Foncière logement (FL), organisme émanant du réseau « 1 % logement ». L’article organise ainsi la substitution des emprunts de l’UESL à une partie de ceux que la FL devait initialement souscrire pour construire des logements locatifs intermédiaires.

On rappellera à titre liminaire que le 5° du II de l’article 34 de la LOLF prévoit que les autorisations d’octroi de garanties de l’État et la fixation du régime de ces garanties relèvent du domaine exclusif de la loi de finances.

I. LA SITUATION ACTUELLE

D’une part, le réseau « 1 % logement », ou Action logement, collecte et gère la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), soit 0,45 % de la masse salariale des entreprises (325). Son produit annuel et les retours des prêts accordés par le réseau lui permettent de disposer d’une trésorerie globale qui atteignait 2,63 milliards d’euros en 2010 (son plus bas niveau) et 3 milliards d’euros en 2013. Une partie de ces ressources contribue au financement du secteur locatif social, par des prêts, des dotations en fonds propres, des subventions ou des mesures représentant un fort équivalent subvention.

Le 12 novembre 2012, la tête du réseau, l’UESL, a signé avec l’État une lettre d’engagement mutuel qui prévoyait, notamment, un renforcement du soutien du mouvement au développement du parc social dans le cadre de l’objectif présidentiel de production annuelle de 150 000 nouveaux logements locatifs sociaux. Pour compléter les ressources propres du réseau, l’UESL a été autorisée à souscrire des emprunts auprès du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations au cours des années 2013, 2014 et 2015 dans la limite d’1 milliard d’euros par an en principal – et de 3 milliards d’euros in fine. Cela devait permettre de doubler les montants consacrés chaque année par les collecteurs à la réhabilitation, l’acquisition et la construction de logements sociaux, atteignant jusqu’à 1,5 milliard d’euros d’équivalent subvention.

En outre, l’article 82 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a accordé, à titre gratuit, la garantie de l’État sur ces emprunts.

D’autre part, l’association Foncière logement (FL) a été créée, quant à elle, le 7 janvier 2002 par le réseau Action logement. Son existence et ses missions ont été codifiées en mars 2009 à l’article L. 313-34 du code de la construction et de l’habitation. Elle est notamment chargée de réaliser des logements locatifs libres dans les quartiers faisant l’objet d’opérations de renouvellement urbain, sur des terrains reçus par l’association en contrepartie du soutien d’Action logement au financement de la rénovation urbaine et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) en particulier. Au surplus, ces logements bénéficient du taux réduit de TVA s’ils sont loués à des ménages sous plafond de ressources PLI (prêt locatif intermédiaire) à des niveaux de loyer intermédiaires. Mais cette partie de son activité a pris du retard et, en novembre 2011, l’association a été contrainte de suspendre ces opérations, n’étant plus capable de les financer. En effet, non seulement la substitution de prêts de l’UESL aux subventions que le réseau lui versait antérieurement en a déséquilibré les conditions économiques, mais la situation financière de l’association ne lui permettait pas de solliciter de manière substantielle des financements bancaires ou de marché pour boucler ces investissements.

Considérant le caractère préjudiciable de cette situation pour la mixité sociale dans les quartiers rénovés, un plan d’action a été élaboré entre les partenaires sociaux d’Action logement et l’État. Il prévoit en particulier :

− la réalisation par la Foncière logement d’environ 4 500 des logements prévus dans le cadre du Programme national de rénovation urbaine (PNRU). Ces opérations représentent environ 1 milliard d’euros d’investissements complémentaires et portera le nombre total de logements réalisés in fine à plus de 9 200 logements, soit un peu moins de la moitié des objectifs initiaux de l’association ;

− des discussions, sous l’égide des préfets, pour déterminer le devenir des terrains non mobilisés par la FL. Près de la moitié devaient être repris par les organismes collecteurs à l’été 2014 ;

− la cession, à partir de 2018, de certains logements de son parc, afin de mobiliser les liquidités nécessaires à l’équilibre des nouveaux montages financiers et au remboursement de ses emprunts ;

− enfin, le financement des nouvelles opérations de logements intermédiaires par l’association de la trésorerie consolidée de la FL, de crédits bancaires (à hauteur de 200 millions d’euros), de prêts de l’UESL (400 millions d’euros) et de prêts locatifs intermédiaires (PLI) contractés sur le fonds d’épargne de la CDC (initialement fixés à un volume total de 400 millions d’euros en principal).

L’association a donc été autorisée à emprunter directement auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Pour sécuriser ces prêts, cette dernière doit prendre des hypothèques sur le patrimoine de la FL à hauteur de 150 % de la valeur des PLI accordés (capital et intérêts). Mais la garantie de l’État leur a également été octroyée, à titre gratuit, par l’article 79 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, dans la limite des 400 millions d’euros prévus.

Cette même disposition précisait en outre les grandes lignes du montage financier du programme d’investissement d’1 milliard d’euros (« toutes taxes comprises ») et prévoyait la conclusion, avant l’octroi des prêts garantis, d’une convention entre la FL et l’État qui devait permettre à ce dernier d’exercer un contrôle étroit sur les finances de l’association.

II. LES MESURES PROPOSÉES

Le présent article propose d’ajuster ces deux dispositifs pour en assurer l’entière réalisation tout en tenant compte de contraintes techniques et financières apparues depuis l’adoption des deux articles accordant la garantie de l’État.

Le A du I vise donc à étaler sur six années (2013 à 2018) au lieu des trois prévues (2013 à 2015) les emprunts d’Action logement dédiés au logement social. Les alinéas suivants prévoient de substituer l’UESL à la FL pour une partie des emprunts que celle-ci devait souscrire auprès du fonds d’épargne afin de poursuivre ses investissements dans le logement intermédiaire en zone de rénovation urbaine, d’organiser les conditions du futur montage financier et d’étendre la garantie de l’État sur ces nouveaux prêts.

En effet, s’agissant du premier dispositif, non seulement il a tardé à démarrer puisqu’un protocole de partenariat n’a été signé entre Action logement et la CDC qu’en septembre 2013 et que le premier contrat de prêt s’est finalement établi à 700 millions d’euros. Mais au surplus, l’UESL s’est heurtée aux difficultés techniques éprouvées par les organismes de logement social filiales de ses collecteurs pour absorber le nouveau volume de financement et son rythme d’engagement accéléré. Dans le cadre de la négociation de la convention État-UESL pour 2015-2019, l’Union a alors proposé la prolongation de la période d’emprunt jusqu’en 2018, mais en maintenant son volume total à 3 milliards d’euros en principal.

Le A du I du présent article prévoit en conséquence de modifier l’article 82 de la loi n° 2012-1510 de finances rectificative pour 2012 afin de prolonger d’autant la garantie de l’État tout en confirmant les enveloppes maximales des prêts à l’année (1 milliard d’euros) et au total (3 milliards).

D’autre part, depuis l’adoption de son nouveau plan d’investissement dans le logement intermédiaire fin 2013, la Foncière Logement a reçu l’intégralité des fonds de la PEEC et a presque entièrement trouvé les crédits bancaires prévus (195 millions d’euros de prêts contractés à ce jour). En revanche, la Caisse des dépôts considérait que les conditions de l’emprunt PLI n’étaient pas encore réunies en octobre 2014, les discussions se poursuivant en particulier sur le calendrier des cessions nécessaires à la consolidation des fonds propres de la FL qui assureront son remboursement.

Afin de ne pas retarder davantage la réalisation de ces opérations, indispensables à la diversification des programmes de rénovation urbaine, il est proposé de scinder l’enveloppe initiale de 400 millions d’euros de l’emprunt PLI entre la FL et l’UESL : les prêts directement consentis par le fonds d’épargne à la FL seraient réduits ; l’Union verserait à l’association, sous forme de prêt, le montant correspondant au besoin de financement subsistant et, pour se refinancer, elle serait autorisée à emprunter elle-même auprès du fonds d’épargne à due concurrence. Il est indiqué, dans l’exposé des motifs comme dans l’évaluation préalable de l’article, que ce nouvel emprunt de l’UESL serait accordé « à des conditions financièrement neutres » pour elle, mais permettant de respecter les règles d’engagement du fonds d’épargne. L’article 34 ne précise cependant pas explicitement ces conditions.

Pour permettre ce nouveau montage financier, le B du I du présent article complète l’article 82 de la loi n° 2012-1510 de finances rectificative pour 2012 par une disposition octroyant, à titre gratuit, la garantie de l’État aux emprunts complémentaires que l’UESL souscrira auprès du fonds d’épargne en 2016 et 2017 dans la limite d’un montant total de 200 millions d’euros en principal.

Le B du I confirme que ces emprunts seront affectés au financement d’opérations de construction de logements prévues par le programme d’investissement de 1 milliard d’euros visé au II de l’article 79 de la loi de finances rectificative pour 2013 précitée et mises en œuvre par l’association FL. Il s’agit toujours de logements locatifs intermédiaires qui doivent être construits dans les quartiers ayant fait l’objet de la convention prévue à l’article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, c’est-à-dire relevant du PNRU. Contrairement à ce que laisse entendre son évaluation préalable, le présent article ne prévoit donc pas l’extension du programme d’investissement de la FL aux quartiers visés par le nouveau programme national de renouvellement urbain (cf. articles 9-1 et 10-3 de la loi du 1er août 2003 modifiée par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine). Cela étant, il vise précisément à assurer la réalisation des engagements initiaux du PNRU (en partie au moins).

Les quatrième et cinquième alinéas du B du I complètent le dispositif de l’article 79 de la loi de finances rectificative pour 2013 précitée (qui exigeait la conclusion d’une convention entre la FL et l’État) par la conclusion, avant la souscription des emprunts complémentaires de l’UESL, d’une convention entre l’Union et l’État qui définit les modalités de leur remboursement effectif et par l’ouverture de la possibilité, en cas de difficulté de l’UESL, de fixer une contribution de l’association FL à ce remboursement. Il s’agit de conforter l’idée, inscrite dans ce même article 79, que l’association s’assure bien de sa capacité à rembourser au final l’ensemble des prêts accordés par le fonds d’épargne, même si son engagement direct sera réduit. L’article 79 insistait particulièrement sur la mise en œuvre d’un programme de cession de logements pour ce faire.

Le II du présent article modifie par ailleurs cet article 79 : tirant les conséquences de la substitution de l’UESL à l’AFL sur une partie des emprunts souscrits auprès du fonds d’épargne, il réduit le plafond de garantie octroyée aux prêts accordés directement à l’association.

Le III maintient l’enveloppe totale de prêts garantis par l’État aux 400 millions d’euros en principal initialement prévus, qu’ils soient souscrits par l’AFL ou par l’UESL en vertu des dispositions proposées. Les apports totaux des ressources du fonds d’épargne au programme d’investissement dans le logement intermédiaire défini en 2013 resteront ainsi au niveau précédemment arrêté.

Toutefois, pour préserver une certaine souplesse dans la répartition de cette enveloppe, le II ne ramène pas le plafond des emprunts garantis de l’AFL à 200 millions d’euros en principal – par déduction du plafond autorisé pour l’UESL − mais à 300. Ce faisant, il introduit un second élément de flexibilité en supprimant un autre plafonnement inscrit à l’article 79 de la loi de finances rectificative pour 2013 qui limitait le montant total des prêts garantis à 45 % du coût total de chaque opération ou groupe d’opérations.

Le II aménage enfin certaines dispositions de l’article 79 relatives au régime des sûretés accordées par l’AFL, qui ne paraissaient plus nécessaires : l’association ne sera plus tenue semestriellement mais annuellement de transmettre l’actualisation de son plan financier pluriannuel − qui permet de vérifier ses capacités à rembourser les prêts garantis. Et l’obligation de constituer une fiducie entre l’État et l’association, à laquelle devaient être transférés les immeubles, droits ou sûretés affectés au remboursement desdits prêts, est abrogée.

Ces diverses mesures aboutissent ainsi à une nouvelle répartition de l’encours des emprunts de l’UESL et de l’association FL garantis par l’État, mais son total se maintient à 3,4 milliards d’euros.

La tête du réseau Action logement s’engagerait pour un montant supplémentaire de 200 millions d’euros au maximum ; mais dans le même temps, son rythme d’emprunts pour le financement du logement social serait étalé sur trois années supplémentaires. Le remboursement des prêts initialement programmés avait été pris en compte dans la fixation du schéma des emplois de la PEEC pour 2013-2015 redéfini en août 2013. D’après le rapport publié en annexe du projet de loi de finances pour 2015 (326), le nouveau schéma permettait de préserver la trésorerie du réseau, y compris en 2016 où la trésorerie de fin d’année pourrait n’atteindre que 2 milliards d’euros (avec la collecte). La convention qui va être prochainement signée entre l’État et Action logement sur les emplois de la PEEC pour 2015-2019 s’attache aussi à assurer la pérennité financière du réseau, et notamment sa capacité à rembourser ses emprunts auprès du fonds d’épargne.

La garantie de l’État ne devrait donc pas être engagée.

La Rapporteure générale propose d’adopter le présent article sans modification.

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La Commission adopte l’article 34 sans modification.

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Article 35
Garantie par l’État de la responsabilité civile nucléaire du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Le présent article vise à accorder une garantie financière au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) au titre du régime de responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.

Cette garantie permettrait de répondre à moindre coût aux nouvelles obligations qui sont faites aux exploitants d’installation nucléaire en application des protocoles modificatifs de 2004 des conventions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de Paris (1960) et de Bruxelles (1963) qui pourraient entrer en vigueur en 2015.

En effet, en l’absence d’une garantie de l’État, le montant des primes d’assurance au titre des installations nucléaires acquittées par le CEA augmenterait de 2,4 à 30 millions d’euros par an.

Cet article permet donc de réaliser une économie équivalente à cette dépense supplémentaire « évitée ».

Pour rappel, au-delà de cette garantie, la responsabilité de l’État est également engagée, en cas de sinistre, au titre de l’indemnisation des dommages dans les limites d’un montant actuellement plafonné.

I. LES RÈGLES DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DANS LE DOMAINE DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE

A. LE RENFORCEMENT DES RÈGLES EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ CIVILE

Les règles applicables à la France en matière de responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire sont encadrées par deux conventions de l’OCDE, à savoir la convention de Paris du 29 juillet 1960 et la convention complémentaire de Bruxelles du 31 janvier 1963, dont les dispositions ont été transposées par la loi du 3 octobre 1968 (327), elle-même modifiée par la loi du 16 juin 1990 (328).

Ces deux conventions s’appuient sur les principes suivants :

– la responsabilité de l’exploitant est exclusive, sauf cas particuliers (ce qui signifie que les procédures ne peuvent être menées qu’à son encontre) ;

– en cas d’accident nucléaire, cette responsabilité est objective, ce qui dispense les éventuelles victimes d’apporter la preuve qu’une faute a été commise par l’exploitant ;

– l’exploitant est dans l’obligation de souscrire une assurance pour couvrir les éventuels dommages causés par l’accident ;

– la responsabilité de l’exploitant est limitée en montant (par l’instauration de plafonds d’indemnisation variant selon la nature de l’accident) et dans le temps (par un délai de déchéance des actions en réparation courant dix ans après l’accident). Au-delà des plafonds d’indemnisation applicables à l’exploitant, l’État prend à sa charge l’indemnisation des dommages dans la limite d’un montant plafonné à 200 millions d’euros, puis la communauté des parties contractantes pour un montant plafonné à 345 millions d’euros.

Ces deux conventions ont été modifiées par les protocoles du 12 février 2004, approuvés par la France par la loi du 5 juillet 2006 (329), dont l’objet est principalement de :

– inclure dans le champ des dommages ouvrant droit à réparation les dommages immatériels, les pertes financières en relation directe avec une dégradation de l’environnement, ainsi que les éventuelles mesures de sauvegarde qui pourraient être prises pour prévenir ou réduire les dommages liés à l’énergie nucléaire ;

– augmenter le délai de déchéance des actions en réparation de dix ans à trente ans en cas de décès ou de dommages aux personnes.

– relever le plafond de la responsabilité des exploitants.

Le tableau suivant présente l’évolution des plafonds d’indemnisation résultant des modifications introduites par les protocoles.

RÉCAPITULATIF DES PLAFONDS DE RESPONSABILITÉ CIVILE
EN CAS D’ACCIDENT NUCLÉAIRE

(en millions d’euros)

Tranches

Droit international

(Convention de Paris et Bruxelles)

Droit national

(Loi du 3 octobre 1968, modifiée par la loi du 16 juin 1990*)

Modification du droit international

(Protocoles modificatifs de 2004)

Exploitants

Dont :

– installations :

– installations à risque réduit :

– Transport :

18

 6

6

91

22

700

70

80

État de l’exploitant

204

 

1 200

Parties contractantes

350

 

1 500

* La loi du 3 octobre 1968 ne modifie que certains des montants prévus par les conventions de l’OCDE.

B. L’ESTIMATION DES COÛTS SUPPLÉMENTAIRES EN MATIÈRE D’ASSURANCE EN RESPONSABILITÉ CIVILE LIÉS À L’ENTRÉE EN VIGUEUR DES PROTOCOLES MODIFICATIFS

Selon l’évaluation préalable de l’article, les protocoles modificatifs devraient entrer en vigueur en 2015 à la suite de leur ratification par l’Italie et le Royaume-Uni.

En effet, à la suite d’une décision du Conseil de l’Union européenne du 8 mars 2004, les États membres doivent déposer de manière simultanée leurs instruments de ratification. Par conséquent, même si la majorité des États membres a déjà approuvé ces protocoles, leur entrée en vigueur reste conditionnée par la ratification de ces deux États.

Une fois cette procédure remplie par ces derniers, la condition d’une ratification par les deux tiers des parties contractantes sera remplie et les protocoles pourront entrer en vigueur.

Trois mois après cette entrée en vigueur, les exploitants devront justifier d’une assurance de responsabilité civile conforme aux nouvelles obligations qui leur sont faites.

Le Gouvernement estime dans l’évaluation préalable de l’article que les primes d’assurance de responsabilité civile à la charge du CEA augmenteraient alors de 2,4 millions d’euros à « un montant proche de 30 millions d’euros », sans apporter davantage de détail quant aux modalités de calcul retenues.

Pour faire face à cette augmentation, les subventions accordées au CEA devraient être augmentées à due concurrence par l’État.

Afin d’éviter un tel renchérissement de l’activité de cet établissement, le Gouvernement propose donc de lui accorder une garantie financière en lieu et place d’une couverture par le marché de l’assurance qui selon l’évaluation préalable est « lui-même significativement réassuré par la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui elle-même fait l’objet d’une garantie de l’État ».

II. LES CONDITIONS D’OCTROI DE LA GARANTIE DE L’ÉTAT AU CEA

A. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES

Le paragraphe I prévoit que le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder au CEA la garantie de l’État au titre de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.

Cette garantie s’exerce dans la limite d’un plafond de 700 millions d’euros par installation nucléaire et par accident nucléaire.

La Rapporteure générale rappelle qu’aucune indemnisation n’a été versée par le régime de responsabilité civile nucléaire jusqu’à présent et que, par conséquent, cet article n’aurait pour effet que de limiter les dépenses budgétaires liées au versement de primes d’assurance supplémentaires.

La garantie apportée, qui constitue un engagement hors bilan, sera reportée en annexe au compte général de l’État.

Comme il est relevé dans l’évaluation préalable de l’article, « en cas de sinistre, le nouveau régime susceptible d’être mis en place en 2015 sera cependant, par nature, plus coûteux pour les entités qui apporteront leur garantie ».

L’entrée en vigueur de cette autorisation, telle que prévue au paragraphe II, est renvoyée à un décret, sans pouvoir toutefois être postérieure au 1er janvier 2016.

Ce décret ne devrait être pris que dans le cas d’une réponse favorable de la Commission européenne à la demande de pré-notification envoyée par la France au sujet de la garantie proposée.

B. LA CONFORMITÉ AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

Le Gouvernement a souhaité par l’envoi le 6 novembre dernier d’une pré-notification, s’assurer que la décision de la Commission européenne concernant l’Institut français du pétrole du 29 juin 2011 (IFP, devenu IFP Énergies nouvelles) trouverait à s’appliquer à l’octroi de garantie proposée pour le CEA.

Dans cette décision, la Commission européenne reconnaît que la garantie de l’État conférée à cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) peut être compatible avec les règles de l’Union européenne relatives aux aides d’État, pour autant que ses activités économiques soient exercées à titre accessoire et qu’elles restent liées à son activité principale de recherche publique.

En effet, si dans ses précédentes décisions la Commission avait conclu qu’une garantie à un EPIC présent sur un marché concurrentiel constituait une aide d’État, dans le cas d’espèce, elle a estimé au regard de la part résiduelle des prestations de recherche contractuelles menées par l’IFPEN que « leur couverture par la garantie de l’État n’a pas pu altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union européenne » et que ces activités résiduelles avaient « un impact positif (…) en termes de dissémination de la connaissance scientifique » (330).

Elle reconnaît donc par cette décision que :

– la couverture par la garantie de l’État d’activités non économiques, comme les activités de recherche et développement indépendantes, ne constitue pas une aide d’État ;

– la couverture des activités économiques constitue une aide d’État compatible avec le droit de l’union européenne à condition que ces activités représentent une part accessoire de l’activité à caractère non économique de l’établissement concerné.

Dans l’évaluation préalable de l’article, le Gouvernement souligne l’analogie entre la situation particulière de l’IFPEN et du CEA. Selon cette évaluation :

– le CEA est un EPIC dont l’activité principale est la recherche à caractère non économique (à laquelle sont dédiés 90 % de son financement) ;

– il est « incontestable » que les activités économiques du CEA sont accessoires au regard de ses activités principales ;

– chaque installation concourt ou est susceptible de concourir à des activités à caractère économique ou non économique et il n’est pas possible d’opérer une distinction entre elles.

Enfin, la Commission devrait apprécier la conformité de l’octroi de cette garantie « dans le cadre dérogatoire du régime de la responsabilité civile nucléaire qui fait intervenir des garanties de l’État dans de nombreux pays européens, en raison de la spécificité du risque nucléaire ».

Malgré ces différents éléments d’appréciation, le Gouvernement est resté prudent en proposant de conditionner l’application de cette garantie à une réponse favorable de la commission à la pré-notification envoyée à ce sujet.

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La Commission adopte l’article 35 sans modification.

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La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

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TABLEAU COMPARATIF

Le tableau comparatif peut être consulté au format PDF

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

2 () Décret n° 2014-1142 du 7 octobre 2014 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

3 () Ce montant correspondant à une baisse des dépenses du budget général de 1,3 milliard d’euros sur lesquels vient s’imputer une hausse des prélèvements sur recettes de 400 millions d’euros.

4 () http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=105&date=20141125.

5 () INSEE, Enquête sur les investissements dans l’industrie, octobre 2014.

6 () Claeys, P. Hüttl, A. Sapir, G. Wolff (2014), Measuring Europe’s investment problem - a long-term view of investment growth in Europe, Bruegel on 24th November 2014.

7 () Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque public d’investissement.

8 () Mme Valérie Rabault, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2015, rapport général, tome 1, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2260, 9 octobre 2014.

9 () Ibid.

10 () Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

11 () Pour rappel, la prise en compte de l’impact des crédits d’impôt sur l’évolution de la dépense publique traduit le changement de norme comptable intervenu en cours d’année (passage du système européen de comptes SEC 1995 au SEC 2010) et les modifications qui en résultent sur le périmètre des dépenses publiques en comptabilité nationale : les crédits d’impôt susceptibles de donner lieu à un remboursement au contribuable sont en effet désormais intégralement comptabilisés en dépenses.

12 () Loi n°2010-937 de finances rectificative du 9 mars 2010.

13 () Les BTAN sont émis pour une durée de deux à cinq ans et les OAT pour une durée de sept à cinquante ans.

14 () Les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) sont des titres du Trésor émis pour une durée inférieure ou égale à un an.

15 () Article 3 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

16 () Pour rappel, les aides européennes de la politique agricole commune (PAC) à l’agriculture française représentent chaque année environ 10 milliards d’euros versés par les organismes payeurs nationaux. Les États membres avancent les sommes liées aux dépenses de la PAC et sont remboursés par la Commission européenne. La Commission vérifie ex post la conformité de ces versements ainsi que la sincérité des comptes de ces organismes. Ces vérifications valent apurement des comptes, sauf dans le cas où, à la suite d’irrégularité, la Commission refuse d’apurer les comptes. Ce refus se traduit par un prélèvement sur les subventions attribuées au titre des années ultérieures.

17 () Réponses au questionnaire budgétaire relatif à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales du projet de loi de finances pour 2015.

18 () Cour des comptes, Le budget de l’État en 2013, mai 2014.

19 () Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

20 () Ce montant est supérieur de 500 000 euros à celui de la compensation financière supplémentaire requise en appliquant strictement le calcul prévu, car celle-ci devrait normalement s’élever à 31,7 millions d’euros. La différence entre ces deux montants s’explique par le niveau de compensation légèrement supérieur à ce qui était nécessaire, déjà appliqué en 2014 au profit des collectivités de Picardie, de Guadeloupe et de Guyane, comme le prévoyait l’article 40 de la loi de finances initiale pour 2014. Dans le cas du Département de Mayotte en revanche, le reste à compenser n’est pas nul même s’il est infime : cette collectivité territoriale bénéficiera d’un surcroît de TICPE pour un montant d’un peu plus de 49 000 euros.

21 () Environ 6,1 % en 2013 du produit total de la taxe.

22 () Celle-ci prévoit, d’une part, l’instauration d’une redevance quai payée par la SNCF, compensée par le CAS et une meilleure adéquation entre le tarif des redevances payées par l’État et la SNCF à Réseau ferré de France (RFF), et, d’autre part, la répartition réelle des coûts d’infrastructure.

23 () Cour des comptes, Rapport particulier sur les trains d’équilibre du territoire, Juillet 2014, p. 2.

24 () Le résultat net au 31 décembre 2013 est une perte de – 994 millions d’euros au lieu d’un bénéfice de 768 millions d’euros au 31 décembre 2012.

25 () Mentionnées au troisième alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts et à l’article 220 quinquies du code général des impôts.

26 () Selon les informations recueillies par la Rapporteure générale auprès de la SNCF.

27 () La commission « Mobilité 21 », présidée par M. Philippe Duron, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), a remis son rapport Pour un schéma national de mobilité durable le 27 juin 2013. La commission avait pour mission de hiérarchiser les projets du Schéma national sur les infrastructures de transport (SNIT) élaboré en 2011 par le précédent Gouvernement.

28 () Ces prêts concessionnels sont des prêts bilatéraux accordés directement par l’État à des pays éligibles à l’aide publique au développement à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché. La charge budgétaire en résultant pour l’État correspond au différentiel entre ces taux et le taux auquel l’État se refinance. Ces prêts ont pour objet de financer des projets d’infrastructure faisant appel à des biens et services français.

29 () Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012.

30 () Au titre de laquelle le refinanceur privé bénéficie d’une garantie de paiement irrévocable et inconditionnelle de l’État sur la totalité du crédit qu’il accorde à la banque de crédit-export.

31 () Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013.

32 () Entrée en vigueur en avril 1978, cette convention non contraignante (ou « Gentleman’s Agreement ») vise à encourager l’application de règles uniformes en matière de soutien public, de manière à fonder la concurrence entre exportateurs sur la valeur des biens et des services exportés plutôt que sur les aides financières proposées à travers des mesures de soutien public à l’exportation.

33 () Ce taux correspond au taux de financement des emprunteurs souverains les mieux notés de la zone euro majoré de 100 points de base.

34 () Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005.

35 () Ce dispositif est réservé aux pays en développement hors pays les moins avancés (PMA). Pour 2014, 39 pays y sont éligibles au motif que leur revenu national brut par habitant ne dépasse pas 4 126 dollars en 2013.

36 () Projet annuel de performances du compte concours financiers Prêts à des États étrangers, annexé au projet de loi de finances pour 2015.

37 () Cour des comptes, analyse de l’exécution 2013 du budget de l’État, compte de concours financiers Prêts à des États étrangers, mai 2014.

38 () Opérations auxquelles la CGLLS contribue elle-même à hauteur de 30 millions d’euros par an.

39 () Le financement des opérations de logements sociaux s’étale sur plusieurs années. Au 31 décembre 2013, les restes à payer s’élevaient ainsi à 1,84 milliard d’euros. Une partie des crédits de paiement correspondants est consacrée à la couverture des engagements antérieurs.

40 () http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Conditions-d-exercice-des-missions-de-la-Caisse-de-garantie-du-logement-locatif-social-CGLLS.

41 () Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998.

42 () Loi n°2007-1822 du 24 décembre 2007.

43 () Une UDT est équivalente à un passager ou à 100 kilogrammes de fret ou de courrier.

44 () Le coût de « touchée » représente l’ensemble des coûts associés à l’utilisation des infrastructures aéroportuaires.

45 () Arrêté du 12 mars 2014 fixant la liste des aérodromes et groupements d’aérodromes et le tarif de la taxe d’aéroport applicable sur chacun d’entre eux ainsi que le tarif de la majoration de la taxe d’aéroport.

46 () Le groupement comprend les aérodromes suivants : Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget, Paris-Issy-les-Moulineaux, Chavenay-Villepreux, Chelles-Le Pin, Coulommiers-Voisins, Étampes-Mondésir, Lognes-Émerainville, Meaux-Esbly, Persan-Beaumont, Pontoise-Cormeilles-en-Vexin, Saint-Cyr-l’École et Toussus-le-Noble.

47 () Article 99 de la loi n°2007-1822 du 24 décembre 2007.

48 () Article 111 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009.

49 () Pour l’année 2014, se reporter à l’arrêté du 20 mars 2014 fixant la répartition du produit de la majoration de la taxe d’aéroport.

50 () Article 72 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

51 () http://www.ladocumentationfrancaise.fr/docfra/rapport_telechargement/var/storage/rapports-publics/144000658/0000.pdf.

52 () Arrêté du 13 mars 2013 modifiant pour ce qui concerne les aérodromes de Paris-Orly, de Paris-Charles-de-Gaulle et de Nice-Côte d’Azur l’arrêté du 26 décembre 2007 fixant le tarif de la taxe sur les nuisances sonores aériennes applicable sur chaque aérodrome mentionné au IV de l’article 1609 quatervicies A du code général des impôts.

53 () http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-29707QE.htm.

54 () Décret n° 2010-543 du 25 mai 2010 relatif à la mise en place d’un mécanisme d’avance applicable à l’aide à l’insonorisation des logements des riverains des aérodromes mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du code général des impôts.

55 () Arrêté du 23 février 2011 relatif au plafond du montant des prestations à prendre en considération en application du II de l’article R. 571-87 du code de l’environnement.

56 () Décret n° 2011-1948 du 23 décembre 2011 et décret n° 2014-287 du 3 mars 2014, tous deux relatifs à l’aide à l’insonorisation des logements des riverains des aérodromes mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du code général des impôts.

57 () Pour rappel, l’article L. 571-16 du code de l’environnement prévoit que « pour chaque aérodrome concerné (par la TNSA), il est institué une commission qui est consultée sur le contenu du plan de gêne sonore et sur l’affectation des aides destinées à atténuer les nuisances subies par les riverains. Elle est composée de représentants de l’État, des collectivités territoriales intéressées, des exploitants d’aéronefs, des associations de riverains et du gestionnaire de l’aérodrome ».

58 () Rapport n° 2260, annexe n° 3 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/b2260-tIII-a3.asp.

59 () Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012.

60 () Voir à ce sujet les précisions fournies par le Bulletin officiel des finances publiques BOI-TVA-DECLA-20-20-30 http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1000-PGP.html.

61 () L’article 242 sexies de l’annexe 2 du code général des impôts fixe précisément cette date au deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année.

62 () Les dates de versement de ces acomptes sont précisées, selon le type d’entreprises, par l’article 39 de l’annexe 4 du code général des impôts.

63 () Toutefois, le franchissement de ces seuils pour le chiffre d’affaires de l’entreprise une année (n) n’entraînera pas forcément sa soumission à la TVA l’année suivante (n + 1) si son chiffre d’affaires n’a qu’à peine augmenté par rapport à l’année qui précédait (n – 1). Si, au cours de l’année N – 1, les limites indiquées avaient été strictement respectées, alors l’article 293 B du code général des impôts permet de conserver pendant l’année N + 1 le bénéfice de la franchise en base si le chiffre d’affaires de l’année N est resté inférieur à 34 600 euros pour les entreprises dont l’activité principale a consisté en des prestations de services (hors restauration et hébergement) et à 89 600 euros pour les autres cas.

64 () Selon une étude publiée par l’INSEE au mois d’avril 2013, intitulée « Les entreprises créées en 2006 : une pérennité plus faible dans la construction », seules 47 % des nouvelles entreprises créées en 2006 dans le secteur du bâtiment étaient encore en activité en 2011.

65 () Entrent dans le champ de ce droit de communication l’ensemble des documents mentionnés aux articles L. 83 à L. 95 du livre des procédures fiscales.

66 () Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

67 () Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives (article 9).

68 () Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (articles 20 et 44).

69 () L’article L. 11 du livre des procédures fiscales dispose qu’« à moins qu’un délai plus long ne soit prévu […], le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d’éclaircissements et, d’une manière générale, à toute notification émanant d’un agent de l’administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ».

70 () Loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l’exercice 1920 (article 32).

71 () Impôt sur les sociétés (IS) ou impôt sur le revenu (IR).

72 () La loi prévoit les cas de démembrement de propriété, mettant par exemple la taxe à la charge de l’usufruitier en cas d’usufruit.

73 () Les locaux professionnels qui ne sont pas à proprement parler des bureaux y sont assimilés ; il s’agit par exemple des cabinets dans lesquelles exercent les professions libérales.

74 () 100 m² pour les bureaux et locaux professionnels, 500 m² pour les surfaces de stationnement, 2 500 m² pour les locaux commerciaux et 5 000 m² pour les locaux de stockage.

75 () Le critère de « pauvreté » étant vérifié lorsque la commune est éligible à la fois à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et au fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France.

76 () http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028396517.

77 () De la même manière, le montant de 290 millions d’euros est un arrondi de la somme réelle, qui est 291 millions.

78 () Les opérations d’assurance vie, entre autres, ne sont donc pas concernées.

79 () http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/6800-PGP.html?identifiant=BOI-IS-GEO-20-20-20140410.

80 () http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000185/0000.pdf.

81 () Article 42 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

82 () M. Christian Eckert, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 79, 12 juillet 2012, pages 167 à 182 :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r0079.pdf

83 () À l’exception expresse de l’Agence française de développement, qui fait pourtant partie de la catégorie des établissements de crédit. On notera que sont également exclues du champ d’application de la taxe les personnes ayant leur siège social dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et exerçant leur activité en France dans une simple succursale ou en libre prestation de service (sans présence permanente en France, donc).

84 () Et, plus généralement, l’ensemble de la réglementation prudentielle.

85 () Pour plus de précisions, on se reportera au BOFiP :
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/6632-PGP.html?identifiant=BOI-TFP-RSB-20140304
.

86 () Il s’agit :

– des établissements de crédit qui ont pour filiale au moins un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou un établissement financier, ou qui détiennent une participation dans un tel établissement ou entreprise ;

– des entreprises d’investissement qui ont pour filiale au moins un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou un établissement financier ou qui détiennent une participation dans un tel établissement ou entreprise ;

– des compagnies financières et des compagnies financières holding mixtes.

87 () Si une mère n’a pas le contrôle exclusif de la filiale, il faut éviter que la mère s’acquitte de la taxe sur base consolidée (en prenant en compte l’intégralité de l’assiette afférente à la filiale) et que la filiale en fasse de même sur base sociale.

88 () Si l’appréhension des autres catégories de risque est assez intuitive, la notion de risque de dilution appelle une précision : est considéré comme tel le risque qu’une créance résultant d’un crédit se trouve réduite ou annulée par l’octroi au débiteur d’une remise ou d’une annulation.

89 () Article 35 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.

90 () Loi n° 2012-958 du 16 août 2012.

91 () Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, en cours d’examen au Parlement, prévoit notamment d’habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances certains de ces textes. Pour plus de précisions, on se reportera utilement au rapport en première lecture de notre collègue Christophe Caresche : Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2192, 10 septembre 2014 :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r2192.pdf.

92 () Directive 2013/36/UE du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CRD IV, pour Capital Requirement Directive) et règlement (UE) n° 575/2013 du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement (CRR, pour Capital Requirement Regulation).

93 () Directive 2014/59/UE du 15 mai 2014.

94 () Directive 2014/49/UE du 16 avril 2014.

95 () Mis en place par le règlement (UE) 806/2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un Mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010.

96 () Commission européenne, L’union bancaire, pour restaurer la stabilité financière de la zone euro, mémo, page 2 : http://ec.europa.eu/finance/general-policy/docs/banking-union/banking-union-memo_fr.pdf.

97 () Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013.

98 () À savoir les établissements de crédit, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes et les entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille.

99 () Les autres entreprises d’investissement continueront, quant à elles, à abonder les fonds de résolution nationaux.

100 () http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-1181_fr.htm?locale=fr.

101 () http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/18334.pdf.

102 () La seule autre différence réside dans l’absence de crédit d’impôt destiné à neutraliser une double imposition, ce qui est parfaitement logique dans la mesure où la nouvelle taxe sera strictement nationale.

103 () Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000.

104 () M. Didier Migaud, Rapport sur le projet de loi portant création d’une prime pour l’emploi, Assemblée nationale, XIe législature, n° 2916, 1er février 2001.

105 () Sachant que la rémunération mensuelle par part de SMIC présentée dans le graphique correspond au SMIC de 2008.

106 () Article 3 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003.

107 () Article 3 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

108 () Article 6 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

109 () Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

110 () Cour des comptes, Rapport public annuel, février 2011 : https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2011.

111 () M. Christophe Sirugue, parlementaire en mission auprès du Premier ministre, Rapport sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes, juillet 2013 :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000431/0000.pdf.

112 () Ce taux de non-recours doit être relativisé par le fait qu’une partie des personnes éligibles bénéficient in fine de la PPE (sans déduction du RSA « activité » perçu).

113 () MM. François Auvigne et Dominique Lefebvre, Rapport sur la fiscalité des ménages, mai 2014 : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2014/06/rapport_sur_la_fiscalite_des_menages.pdf.

114 () S’y ajoute, le cas échéant, la dépense fiscale afférente aux titres antérieurs.

115 () Rapport de la Cour des comptes au Président de la République, 2005 :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2006.

116 () Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, août 2011 : http://www.economie.gouv.fr/rapport-du-comite-d-evaluation-des-depenses-fiscales-et-des-niches-sociales-2011.

117 () Commission Familles, vulnérabilité, pauvreté, présidée par M. Martin Hirsch, Au possible nous sommes tenus, rapport, avril 2005 :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000264/0000.pdf.

118 () Le montant maximal de PPE pouvant être perçu par un célibataire s’établit à 961 euros, soit un montant mensuel de 80 euros.

119 () Notamment les allocations logement, à hauteur de 21 %, et les minimas sociaux, pour 24 %, dont 9 % au titre du RSA « socle ».

120 () Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.

121 () Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005.

122 () Décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014.

123 () Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998.

124 () Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012.

125 () Décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, cons. 11.

126 () Un article mis en recouvrement rassemble les logements soumis à la TLV d’un même propriétaire à une même adresse. Le nombre de logements soumis à la TLV est donc supérieur au nombre d’articles.

127 () Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980.

128 () Le bénéfice de cette majoration a été ensuite étendu aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) sans fiscalité propre, pour la part de TFNB leur revenant, par l’article 54 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi dite « SRU »).

129 () Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006.

130 () Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012.

131 () Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012.

132 () Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.

133 () Appelé « prélèvement sur base d’imposition élevée », il atteint 1,2 % lorsque la valeur locative de la résidence secondaire est supérieure à 4 573 € et 1,7 % lorsque la valeur locative est supérieure à 7 622 €.

134 () Il semble que ces modalités très particulières d’institution d’une taxe locale n’existent qu’en matière de fiscalité de l’urbanisme, notamment pour la taxe d’aménagement, s’agissant des communes dotées d’un plan local d’urbanisme.

135 () Loi n°2012-1510 du 29 décembre 2012.

136 () Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010.

137 () Loi n° 2012-958 du 16 août 2012.

138 () Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013.

139 () La Cour admet les validations législatives lorsque celles-ci sont justifiées par un « impérieux motif d’intérêt général », arrêts Zielinski c/ France, 28 octobre 1999, et Lilly France c/ France, 25 novembre 2010.

140 () Décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014.

141 () Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011.

142 () Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012.

143 () Il n’est pas clairement établi que la répartition de la baisse serait identique, et il n’existe pas de limite à la baisse.

144 () Le texte ne prévoit donc pas de majorité requise. À défaut, il semble qu’il faille considérer qu’une majorité simple suffit.

145 () Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009.

146 () Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012.

147 () Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011.

148 () Loi n°2011-1977 du 28 décembre 2011.

149 () Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010.

150 () Loi n° 2004-809 du 13 août 2004.

151 () Loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991.

152 () Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006.

153 () Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010.

154 () Décret n° 2012-97 du 27 janvier 2012 relatif à la définition d’un descriptif détaillé des réseaux des services publics de l’eau et de l’assainissement et d’un plan d’actions pour la réduction des pertes d’eau du réseau de distribution d’eau potable.

155 () Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010.

156 () Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013.

157 () Ce point avait toutefois été souligné dans le rapport de M. Christian ECKERT, au titre de ses précédentes fonctions de rapporteur général.

158 () Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

159 () Il s’agit notamment des départements d’outre-mer (DOM).

160 () Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

161 () Règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité.

162 () Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

163 () Règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

164 () Dénommées « aides régionales à l’investissement et à l’emploi » par l’article 13 de l’ancien RGEC.

165 () http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:C:2013:209:FULL&from=EN.

166 () Article 29 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013.

167 () Décret n° 2014-758 relatif aux zones d’aide à finalité régionale et aux zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises pour la période 2014-2020.

168 () http://www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/140910_cp_lancement_assises_ruralites.pdf.

169 () Les zones de revitalisation rurale (ZRR), commission du Développement durable, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2251, 8 octobre 2014 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2251.pdf.

170 () Article 27 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014, adopté afin de rationaliser le zonage urbain. Pour plus d’information, on se reportera utilement au rapport en première lecture de notre collègue François Pupponi, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 1554, 14 novembre 2013, pages 160 et 161 :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r1554.pdf.

171 () Définies au A du 3 de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.

172 () À l’exclusion de certains secteurs, comme la banque, l’assurance, la gestion et la location d’immeubles. L’avantage fiscal est également ouvert aux sociétés n’exerçant pas une activité non commerciale, si elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés et emploient au moins trois salariés.

173 () Non modifiés par le présent article, car « commandés » par l’article 44 sexies (entre autres, cf. infra).

174 () Ce chiffrage prend en compte non seulement l’exonération d’impôt sur les bénéfices accordée aux entreprises créées dans les ZAFR entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2014, mais également la persistance des effets de l’exonération d’impôt sur les bénéfices que cet article a accordé aux entreprises nouvelles qui se sont créées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les ZRR et ZRU.

175 () Pour plus de précisions sur la définition des entreprises reprises (caractère industriel et situation de difficulté), on se reportera utilement au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) :

http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4529-PGP.html?identifiant=BOI-IS-GEO-20-10-10-20120912.

176 () Les départements d’outre-mer, à l’exclusion de Mayotte, sont assimilés à des ZAFR pour l’application du présent article.

177 () Fiscal, Mémento pratique Francis Lefebvre, 2014, § 10315, page 219.

178 () Sachant que la loi ne mentionne que les salaires ; les investissements productifs sont mentionnés dans la réglementation communautaire, mais apparemment pas pris en compte dans la législation française, pour des raisons inconnues.

179 () Cela signifie qu’elle n’intègre toujours pas les investissements productifs.

180 () Outre des modifications rédactionnelles et de conséquence (notamment les c et d du 1°-alinéas 72 et 73).

181 () C’est désormais le 1 de l’article 2 de l’annexe I au RGEC les définit comme les entreprises employant moins de 250 personnes, dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros (ou le total du bilan annuel 43 millions d’euros).

182 () Ces différents dispositifs zonés peuvent se cumuler, ce qui contribue à la confusion générale.

183 () Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

184 () Loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville.

185 () Aux termes de l’article 42 de la loi du 4 février 1995 pour le développement du territoire, définissant les modalités de zonage, dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2014, les ZFU devaient être créées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour déterminer les ZRU, tandis que les ZRU étaient définies comme des ZUS confrontées à des difficultés particulières.

186 () Mme Éveline Duhamel, Rapport sur les zones franches urbaines, Conseil économique, social et environnemental, janvier 2014 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000059/0000.pdf.

187 () Article 79 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002.

188 () Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

189 () Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

190 () Ces quinze ZFU sont définies par le décret n° 2006-1623 du 19 décembre 2006 portant délimitation des zones franches urbaines créées en application de l’article 26 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

191 () Il convient de signaler la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable a étendu le bénéfice de ce nouveau régime fiscal aux entreprises et établissements existants au 1er janvier 2007 dans le périmètre des extensions des ZFU dites de première et de deuxième génération.

192 () Article 157 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

193 () Prévues par l’article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville.

194 () Elle porte sur les cotisations patronales d’assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès) et d’allocations familiales, le versement de transport et les contributions au FNAL.

195 () Prévue par le I sexies de l’article 1466 A du CGI.

196 () Prévue par le II de l’article 1586 nonies du CGI.

197 () Prévue par l’article 1383 C bis du CGI.

198 () L’exonération porte sur les bénéfices et plus-values réalisés, après imputation des déficits reportables, et régulièrement déclarés.

199 () Aux termes du 1 de cet article, « sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».

200 () Une entreprise qui crée une activité en ZFU à compter du 1er janvier 2012 mais qui n’emploie aucun salarié bénéficie de l’exonération d’impôt sur les bénéfices sans faire application de cette condition, sous réserve qu’elle remplisse toutes les autres conditions requises.

201 () Prévue par l’article 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville.

202 () M. Michel Sordi, président, et M. Henri Jibrayel, rapporteur, Rapport d’information sur les zones franches urbaines, Assemblée nationale, XIVe législature, 14 mai 2013 :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1023.asp.

203 () Mme Pauline Givord et M. Corentin Trevien, « Les zones franches urbaines : quel effet sur l’activité économique ? », INSEE Analyses, n° 4, mars 2012 :

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=iana4.

204 () M. Henri Guillaume, Rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, août 2011, annexe K, fiche NS23, et annexe J, fiches 174 et 175.

205 () Article 190 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

206 () Article 2 de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

207 () Lesquels couvraient 2 492 quartiers.

208 () On peut signaler que l’article 7 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit que le taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée s’applique aux opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qui font l’objet d’un contrat de ville.

209 () À hauteur de 5 000 euros par salarié domicilié dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou dans une zone franche urbaine.

210 () Règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

211 () Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

212 () Le dispositif étant actuellement prévu jusqu’en 2015, son coût de 11 millions d’euros au titre de l’année 2013 est déjà budgété.

213 () Cette dernière catégorie désigne la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande.

214 () Article 51 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

215 () Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

216 () MM. Franck Riester, Didier Selles, Alain Chamfort, Daniel Colling et Marc Thonon, Création musicale et diversité à l’ère numérique, rapport au ministre de la culture et de la communication , septembre 2011.

217 () http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/2358-PGP.html?identifiant=BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20-20120912.

218 () http://archives-bofip.impots.gouv.fr/bofip-A/g2/g5/g4/g2/24390-AIDA.html.

219 () Amendement n° I-850 (Rect) devenu article 8 bis (deuxième séance du vendredi 17 octobre 2014).

220 () Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

221 () Loi n° 2006-1666 de finances pour 2007.

222 () La règle de principe est posée par le point 1 de l’article 138 de la directive, qui prévoit que « les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens ». Le d) de l’article 143 de la directive précise quant à lui que cette exonération de TVA doit s’appliquer aux « importations de biens expédiés ou transportés à partir d’un territoire tiers ou d’un pays tiers dans un État membre autre que celui d’arrivée de l’expédition ou du transport », à condition que l’importateur soit « désigné ou reconnu comme redevable de la taxe » par l’État membre d’importation.

223 () http://www.invest-in-france.org/Medias/Publications/2431/Tableau%20mesures%20170214.pdf.

224 () Règlement (CEE) n° 2913/92/CE du 12 octobre 1992 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (article 76) et règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d’application du règlement précité (points 2 et 3 de l’article 253).

225 () http://www.douane.gouv.fr/articles/a10873-procedure-de-domiciliation-unique-pdu.

226 () Directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques.

227 () Ordonnance n° 2001-766 du 29 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière économique et financière (les exonérations résultant de l’article 15 de l’ordonnance).

228 () Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative.

229 () Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investiment Tust Company c/ Dyrektor Izby Skarbowej w Bydgoszczy, affaire C-190/12.

230 () Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

231 () Affaires C-338/11 et C-339/11 à C-347/11.

232 () CJUE, 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha, affaire C-303/07.

233 () CJUE, 14 décembre 2006, Denkavit International et Denkavit France, affaire C-170/05.

234 () CJUE, CJUE, 22 décembre 2008, Truck Center, affaire C-282/07.

235 () CJUE, 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, affaire C-194/06.

236 () Référé de la Cour des comptes sur les contentieux fiscaux communautaires du 30 mai 2013.

237 () Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

238 () Il s’agit de la Belgique, la Corée, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la Géorgie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Mexique, la Moldavie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède et l’Ukraine. Douze nouveaux pays ont signé la convention à Paris en mai 2013 : l’Arabie Saoudite, l’Autriche, le Bélize, le Burkina Faso, le Chili, l’Estonie, la Lettonie, le Luxembourg, le Nigeria, le Salvador, Singapour et la République slovaque.

239 () Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), 27 janvier 2009, Hein Persche c/ Finanzamt Lüdenscheid, affaire C-318/07.

240 () Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

241 () Dans un rescrit de 2011, l’administration fiscale a par exemple indiqué qu’un don à une association familiale de gestion d’un établissement d’enseignement libre qui n’est pas sous contrat avec l’État était éligible à la réduction d’impôt.

242 () Un tel caractère est reconnu, par exemple, pour les auberges de jeunesse.

243 () Les comités de jumelage n’entrent pas dans cette catégorie, quand bien même le jumelage est opéré avec une ville d’un pays en développement.

244 () En réponse à une question parlementaire de M. Lionnel Luca, le Gouvernement a indiqué que les associations de défense des animaux sont comprises dans le champ de la mesure.

245 () Il s’agit de la Norvège, du Liechtenstein et l’Islande.

246 () Revenus fonciers issus d’immeubles sis en France ; revenus de valeurs mobilières françaises et de tous les autres capitaux mobiliers placés en France ; revenus d’exploitations sises en France ; revenus tirés d’activités professionnelles réalisées en France ; plus-values immobilières et mobilières liées à des biens situés en France ou des droits, titres et parts d’entreprises dont le siège social ou la majorité de l’actif sont situés en France ; pensions et rentes viagères ; sommes correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France.

247 () Sous certaines conditions, les non-résidents peuvent bénéficier du crédit d’impôt accordé au titre des primes d’assurance pour loyers impayés, du crédit d’impôt au titre des travaux prescrits dans le cadre d’un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) effectués dans des logements donnés en location, et de la réduction d’impôt pour acquisition d’un logement au titre d’un investissement locatif dans le secteur touristique.

248 () Par un arrêt du 14 février 1995 (C-279-93), la Cour a jugé que les États membres, qui sont fondés à traiter différemment les non-résidents de leurs résidents, doivent en revanche les traiter à l’identique lorsque les premiers se trouvent, du fait qu’ils tirent de l’État concerné la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus, dans une situation comparable à celle des seconds.

249 () Il s’agit notamment des dépôts à vue ou à terme en euros ou en devises, des obligations, actions et droits sociaux, des contrats d’assurance-vie ou de capitalisation souscrits auprès de compagnies d’assurances établies en France. Toutefois, ne constituent pas des placements financiers et sont donc imposables à l’ISF, sous réserve des conventions internationales, les titres représentatifs d’une participation supérieure à 10 % du capital d’une entreprise ; les actions ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué d’immeubles en France ; les immeubles ou droits immobiliers détenus indirectement.

250 () L’administration est par ailleurs tenue de porter les bases ou les éléments de l’imposition d’office, ainsi que leurs modalités de détermination (méthode et calculs), à la connaissance du contribuable (avec quelques exceptions, par exemple pour les contribuables à résidence instable, ou dans le cas d’une opposition à contrôle fiscal), trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions.

251 () Cependant, s’agissant de leur rémunération, sont seulement retenues les sommes que le fonctionnaire aurait perçues s’il était resté en France ; les suppléments liés à l’expatriation (notamment prime d’éloignement et indemnités destinées à couvrir des dépenses spéciales) sont exonérés.

252 () Avec de nombreuses exceptions prévues par l’article 990 E.

253 () Article 15 de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d’imposition des français de l’étranger ainsi que des autres personnes non domiciliées en France.

254 () Article 26 de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989.

255 () Sont également soumis au prélèvement les profits issus de la cession de parts de fonds de placement immobilier (FPI) ou de fonds étrangers équivalents ; d’actions de sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC), d’actions de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV), d’actions de structures étrangères équivalentes ou de parts ou d’actions de sociétés à prépondérance immobilière cotées sur un marché français ou étranger (autres que les SIIC), lorsque le cédant détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société dont les parts ou actions sont cédées ; de parts, d’actions ou d’autres droits dans des organismes non cotés à prépondérance immobilière autres que ceux mentionnés ci-dessus.

256 () Ces dispositions sont issues de l’article 28 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, qui a modifié les conditions d’exonération : le plafond de 150000  euros a été instauré, tandis que le bénéfice de l’exonération a été ouvert lorsque la cession est réalisée dans les cinq ans suivant le transfert du domicile fiscal du contribuable – et non plus seulement lorsque le bien était inoccupé depuis le 1er janvier de l’année précédant la cession.

257 () Soit les États membres de l’Union européenne, auxquels s’ajoutent la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.

258 () Le taux était de 50 % jusqu’en 2012 ; c’est l’article 9 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 qui l’a porté à 75 %.

259 () Conseil d’État, 20 octobre 2014, n° 367234.

260 () Article 29 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

261 () Prévue par l’article 1609 nonies G.

262 () Le 1 de l’article 1761 dispose que les infractions aux dispositions du I de l’article 244 bis A entraînent la perception d’une amende fiscale égale à 25 % du montant des droits éludés et de l’intérêt de retard.

263 () Ce seuil s’apprécie par cédant, par rapport au prix de cession stipulé dans l’acte, et uniquement par rapport au prix correspondant à l’immeuble ou aux droits immobiliers, à l’exclusion des meubles en cas d’acte mixte.

264 () Dans ce cas, le seuil de 150 000 euros s’apprécie en faisant la somme des quotes-parts correspondant aux droits de l’ensemble des membres non-résidents.

265 () L’instruction porte sur la moralité fiscale du représentant proposé, l’examen de sa solvabilité, éventuellement des garanties complémentaires.

266 () La notion de participation substantielle vise la détention d’au moins 25 % des bénéfices de la société ou du fonds concerné, appréciée à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la cession.

267 () CJUE, 5 mai 2011, Commission européenne c/ République portugaise, affaire C-267/09.

268 () Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE.

269 () Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.

270 () M. Bruno Gouthière, « La représentation fiscale obligatoire contraire au droit de l’Union européenne », Feuillet rapide fiscal social, 27 mai 2011.

271 () On peut d’ailleurs noter que, pour le calcul de l’assiette du prélèvement sur la plus-value immobilière, l’administration précise que le prix de cession est diminué dans tous les cas des honoraires de représentation fiscale supportés par le cédant.

272 () La France a signé la convention d’assistance mutuelle amendée ainsi que son protocole le 27 mai 2010. Elle est entrée en vigueur le 1er avril 2012.

273 () Article 68 de la loi n° 27-1060 du 30 décembre 1987 de finances pour 1988.

274 () Pour cinq ans, renouvelable par tacite reconduction.

275 () Et sous réserve d’un accord en ce sens des filiales.

276 () Il faut préciser que l’intégration ne fait pas disparaître la personnalité juridique des filiales, qui continuent de déterminer leur résultat propre.

277 () Article 33 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009.

278 () Alors Cour de justice des Communautés européennes, quatrième chambre, 27 novembre 2008, Société Papillon c/ ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, affaire C-148/07.

279 () Ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et « coopératif », c’est-à-dire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. L’article 31 de l’accord sur l’EEE proscrit, au sein de cet espace, les restrictions à la liberté d’établissement, dans des conditions similaires à celles prévues par le droit de l’UE ; il est habituel que les mesures législatives de mise en conformité avec ce droit soient étendues à celui de l’EEE.

280 () CJUE, 25 février 2010, deuxième chambre, X Holding BV c/ Staatssecretaris van Financiën, affaire C-337/08.

281 () Dans cet arrêt, la deuxième chambre de la CJUE (saisie de questions préjudicielles par le juge néerlandais) jugeait conjointement trois affaires. Celle qui justifie le présent article est l’affaire C-40/13, qui sera plus commodément désignée par son numéro que par l’identité des parties (X AG, X1 Holding GmbH, X2 Holding GmbH, X3 Holding GmbH, D1 BV, D2 BV, D3 BV c/ Inspecteur van de Belastingdienst Amsterdam).

282 () Consacrée par les articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

283 () La Cour rappelant à cette occasion sa jurisprudence antérieure, en application de laquelle « ce motif ne constitue pas, à lui seul, une justification à la restriction de la liberté d’établissement, s’il n’est pas invoqué en lien avec un objectif spécifique de lutte contre des montages purement artificiels dépourvus de toute réalité économique dont le but est d’éluder l’impôt normalement dû » (12 septembre 2006, grande chambre, Cadbury Schweppes, affaire C-196/04).

284 () Point 50 de l’arrêt.

285 () Telle qu’elle est conçue en général. Il faut en effet relever que certains États permettent l’intégration horizontale (Australie et Japon notamment).

286 () L’intégration fiscale « verticale » étant l’intégration classique, de filiales par leur société mère.

287 () Mme Déotille Cambournac et M. Dov Milsztajn, « Intégration fiscale entre sœurs : une discrimination seulement communautaire ? », Feuillet rapide fiscal social (FR 41/14), 19 septembre 2014, pages 9 à 11.

288 () Landwell et associés, société d’avocats, Intégration fiscale horizontale : le jour se lève !, 17 juin 2014 : http://www.landwell.fr/integration-fiscale-horizontale-le-jour-se-leve.html.

289 () M. Laurent Leclercq, Mme Anne-Marie Merle et M. James du Pasquier, « Vers une réforme du régime français pour autoriser une consolidation entre sociétés sœurs ? », Feuillet rapide fiscal social (FR 32/14), 4 juillet 2014, pages 27 à 30.

290 () Pour rappel, un établissement stable est une installation fixe d’affaire par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ; ce concept de droit fiscal international permet d’imposer une entreprise dans un État dans lequel elle n’a pas nécessairement son siège, mais où elle dégage des bénéfices.

291 () L’entrée en vigueur est prévue par le II du présent article (alinéa 87). Une seule mesure (de coordination rédactionnelle) s’applique pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015. Pour la suite du commentaire, les références les plus importantes dans le droit existant seront présentées en gras souligné (article X) et les dispositions du présent article en gras (alinéa Y).

292 () Article L. 190 du livre des procédures fiscales.

293 () L’article procède en outre à quelques corrections rédactionnelles parfaitement mineures : alinéas 48 et 56.

294 () Ou un établissement stable, cette précision valant pour la généralité des cas exposés ici.

295 () Cf. supra le développement consacré à l’arrêt Papillon.

296 () Pour une illustration de cette exception non intuitive, applicable aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2010, on se reportera utilement au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) :

http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/5049-PGP.html?identifiant=BOI-IS-GPE-10-20-10-20130516, § 110.

297 () Qui fait au passage l’objet de quelques réorganisations, notamment au moyen d’une numérotation en chiffre romains tout à fait bienvenue.

298 () Le terme est consacré par l’article ; il s’applique également aux sociétés mères des intégrations fiscales verticales (il s’agira alors des sociétés mères au sens du premier alinéa du I de l’article 223 A du CGI).

299 () Si une autre personne morale soumise à l’IS opte dans le même sens, cela entraîne, classiquement, la cessation du premier groupe (précision apporté à l’article 223 S par le du J du I-alinéa 83).

300 () Comme tous les schémas du présent commentaire, avec parfois quelques modifications marginales du texte.

301 () Le régime « mère-fille » permet à une société détenant une participation de plus de 5 % dans une autre société de bénéficier d’une exonération des dividendes qui lui sont remontés, seule une quote-part représentative des frais et charges (engagés pour l’acquisition et la gestion des titres) étant réintégrée au bénéfice imposable de la mère. Ce régime n’est pas exclusif de celui de l’intégration fiscale.

302 () Sous réserve que les deux sociétés appartiennent toujours au même groupe.

303 () Cet alinéa modifie l’article 223B, qui ne concerne pas les dotations aux provisions sur les titres de participation éligibles au régime dit du long terme. La plus-value de cession de ces titres, si elle intervient après au moins deux ans de détention, est soumise à une imposition séparée, au taux de 0 %. Une quote-part représentative de frais et charges est réintégrée au bénéfice imposable de la société cédante imposable au taux normal (au résultat d’ensemble dans le cadre du régime d’intégration fiscale), au taux de 12 %, et assise sur le montant des plus-values brutes (non minorées des moins-values). Les modalités de détermination de la plus-value ou de la moins-value d’ensemble de long terme étant définies à l’article 223 D, la même modification y est apportée (du D du I-alinéa 36).

304 () Un état de suivi doit d’ailleurs être joint à la déclaration du résultat d’ensemble, sous peine d’une amende.

305 () Article 13 de la loi n° 1988-1193 du 29 décembre 1988 de finances rectificative pour 1988.

306 () Au sens de l’article L.233-3 du code de commerce : contrôle de la majorité des droits de vote, contrôle de fait des décisions, pouvoir de nomination et de révocation des dirigeants.

307 () Défini comme le prix des titres dont est retranché, le cas échéant, le montant de l’augmentation de capital réalisée simultanément à l’acquisition des titres.

308 () Au sens du 12 de l’article 39 du CGI, deux entreprises sont considérées comme liées lorsque :

 l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;

 elles sont placées l’une et l’autre, directement ou indirectement, sous le contrôle d’une même entreprise.

309 () Montant apprécié, au choix de la société, à l’ouverture ou à la clôture de l’exercice.

310 () Montant des intérêts en question, montant des amortissements déduits, quote-part de loyer de crédit-bail prise en compte pour la cession d’un bien à l’issue du contrat.

311 () Sous le régime de faveur prévu à l’article 210 A, qui permet de reporter l’imposition des plus-values nettes et des profits dégagés sur l’ensemble des éléments d’actif apportés du fait d’une fusion.

312 () C’est la raison pour laquelle seuls les titres sont concernés : les cessions d’immobilisation ne pouvant affecter la substance économique du groupe, elles sont nécessairement, dans ce type de configuration, considérées comme des cessions hors groupe.

313 () Cet article étend aux scissions et apports partiels d’actifs le régime de faveur des fusions prévu à l’article 210 A du CGI et qui permet, sous conditions, de ne pas imposer en cas de fusion certains produits qui, en principe, devraient l’être (cf. supra).

314 () Qui permet, sur agrément, de ne pas considérer ces titres comme un revenu distribué, ce qui leur évite d’être soumis à l’imposition de droit commun de ces revenus.

315 () Cette opération ne saurait par construction être conditionnée à un agrément qui ne peut être donné à une société non soumise à l’IS. Il est néanmoins prévu, par un ajout apporté au 5 de l’article 223 I, que l’opération réponde aux conditions posées par l’article 210 B et le 2 de l’article 115 (du G du I-alinéa 44).

316 () Ce qui appelle des coordinations dans d’autres articles du code (alinéas 29 et 37).

317 () Loi  n° 71-559 du 12 juillet 1971 relative à l’assujettissement de certains employeurs de Paris et des départements limitrophes à un versement destiné aux transports en commun de la région parisienne.

318 () Loi n° 73-640 du 11 juillet 1973 autorisant certaines communes et établissements publics à instituer un versement destiné aux transports en commun.

319 () Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

320 () Décision n° 90-287 DC du 16 janvier 1991, Loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, cons. 8.

321 () Lettre du 5 septembre 1974 signée par le directeur du budget et circulaire n° 15607 du 13 novembre 1974 du ministère de la défense.

322 () Situation financière de l’assurance chômage, prévision pour les années 2014 et 2015, septembre 2014, http://www.unedic.org/sites/default/files/unedic-note_previsions_financieres_septembre2014.pdf.

323 () INSEE, octobre 2014, http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=11.

324 () Second alinéa de l’article 107 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

325 () Instituée en 1953 pour assurer le financement de la résidence principale des salariés des entreprises du secteur privé non agricole, la PEEC atteignait, à l’origine, 1 % de la masse salariale de ces entreprises. Le taux est fixé à 0,45 % depuis 1992.

326 () Cf. Rapport sur la programmation des emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction, publié en octobre 2015.

327 () Loi n° 68–943 du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.

328 () Loi n° 90-488 du 16 juin 1990 modifiant la loi no 68-943 du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire

329 () Loi n° 2006–786 autorisant l’approbation d’accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.

330 () http://europa.eu/rapid/press-release_IP-11-802_fr.htm.